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Quinze heures huit minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions.
Dépôt de pétitions. M. le député de
Verchères.
Demandes au gouvernement de faire
respecter la Charte de la langue
française
M. Charbonneau: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée par 125 pétitionnaires étudiants au
cégep de Sorel-Tracy qui invoquent les faits suivants. "Que la Charte de
la langue française a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein
de la population du Québec; que le gouvernement fait subir de multiples
reculs a la langue française au Québec et que le nombre de
violations de la charte est en croissance, et concluant à ce que
l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement de faire
respecter dans son esprit et dans sa lettre la Charte de la langue
française et de cesser de favoriser, de multiples façons, le
recul de la langue française au Québec."
Le Président: Pétition déposée.
M. Charbonneau: J'en ai une autre, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Verchères, une deuxième pétition.
M. Charbonneau: Une deuxième pétition. Cette fois
adressée toujours à l'Assemblée par 106
pétitionnaires employés de SIDBEC-Dosco à Contrecoeur et
qui dit également "Que la Charte de la langue française a
toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de la population du
Québec; que le gouvernement fait subir de multiples reculs à la
langue française au Québec et que le nombre de violations de la
charte est en croissance, et concluant à ce que l'Assemblée
nationale du Québec demande au gouvernement de faire respecter dans son
esprit et dans sa lettre la Charte de la langue française et de cesser
de favoriser, de multiples façons, le recul de la langue
française au Québec."
Cela veut dire que ces deux pétitions ont été
complétées en l'espace d'une journée à peine.
Le Président: Pétition déposée.
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous me permettez. Il
n'y aura aucune intervention portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous
donner les motifs de l'absence de onze ministres?
Des voix: Onze! Onze!
Le Président: M. le leader du gouvernement. À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Volontiers. On sait que le premier ministre rencontre
le nouveau maire de Montréal aujourd'hui même à
Montréal.
Une voix: C'était ce matin, cela.
M. Gratton: Pardon!
Une voix: Bien non.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: M. le maire était occupé.
Le Président: M. le leader du gouvernement, vous avez la
parole.
M. Gratton: II y a deux ministres qui participent à des
conférences fédérales-provinciales, notamment le ministre
délégué aux Pêches qui est Halifax et le ministre
délégué à la Privatisation qui est à Ottawa
pour une conférence avec les ministres responsables des institutions
financières.
Le ministre des Affaires municipales est en réunion avec les
présidents et vice-présidents de l'Union des municipalités
du Québec et de l'Union des municipalités régionales de
comtés du Québec.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: M. le Président, si on a des questions, je ne
les entends pas. Est-ce
qu'on peut...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader du gouvernement.
M. Gratton: Le ministre des Transports assiste au lancement de la
Semaine de la sécurité routière à Montréal,
et rencontrera également les présidents et vice-présidents
des deux unions municipales. Le ministre des Relations internationales est
à Paris, comme on le sait. Le ministre des Finances est en convalescence
et le ministre de la Justice est, par pur hasard, dans le comté de
Joliette. Je ne sais trop à quoi il procède, mais je pense que le
député, lui, le sait. Finalement, le ministre
délégué aux Mines a des rencontres dans sa circonscription
électorale.
Le Président: Tel que je le mentionnais, nous allons...
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons maintenant continuer les affaires courantes. Comme je
le disais, cet après-midi, il n'y aura pas d'intervention portant sur
une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Nous
allons immédiatement procéder à la période de
questions et réponses orales. Je vais reconnaître comme premier
intervenant, M. le député de Terrebonne en principale.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
M. Blais: M. le Président...
Le Président: M. le député, vous avez la
parole.
M. Blais: ...ma question concerne... Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! M. le
député de Terrebonne.
Les poursuites en vertu du règlement sur les
déchets dangereux
M. Blais: Ma question s'adresse au ministre de l'Environnement et
concerne le non-respect des règlements sur les déchets dangereux.
M. le Président, adopté le 15 octobre 1985, deux mois avant
l'arrivée aux affaires de l'actuel gouvernement, le règlement sur
les déchets dangereux dont s'est doté le Québec vise
à assurer un contrôle sévère de la circulation de
ces déchets, à resserrer les normes d'entreposage et à
rendre les producteurs responsables de la gestion de leurs déchets
jusqu'à leur prise en charge par un éliminateur, un recycleur ou
un entreposeur autorisé. Or, il semble que le ministre de
l'Environnement fasse peu de cas dudit règlement laissant 50 % des
entreprises de nettoyage jeter impunément aux ordures, sans
contrôle aucun, des tonnes de perchlo-roéthylène - un
déchet toxique - et on ne sait pas où vont ces
déchets.
Le Président: Votre question.
M. Blais: Je demande au ministre pourquoi il ne poursuit pas ceux
qui enfreignent les règlements sur les déchets dangereux et les
dispositions relatives à leur contrôle également. De cette
façon, il néglige de protéger la santé des citoyens
et des citoyennes du Québec.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, une fois encore le
député démontre que pendant neuf ans de pouvoir rien n'a
été fait. La santé du public cela ne comptait pas durant
les neuf dernières années et soudainement, on a émis un
règlement pour les déchets dangereux. En octobre 1985, on nous a
lâché le bébé avec l'eau sale et c'est à nous
de faire le suivi de toutes ces procédures qui auraient dû
être prises il y a neuf ans, pendant qu'eux étaient au
pouvoir.
Une voix: C'est cela.
M. Lincoln: Attendez, M. le député, je vais vous
donner la réponse. En juin 1986, mon adjoint parlementaire, le
député de Pontiac, a rencontré l'association qui
représente le plus grand nombre de buanderies au Québec pour
justement travailler au suivi de cette question par rapport à
l'industrie des nettoyeurs du Québec. En juillet 1986, le
ministère a commencé des interventions directes avec deux
compagnies, Safety-Kleen et CIL pour pouvoir faire le suivi du
règlement. C'est très beau de mettre des gens en prison, c'est
très beau de leur imposer des amendes, mais d'abord, il faut qu'il y ait
les structures nécessaires pour transporter les déchets de
façon sécuritaire et les entreposer, ce que vous n'avez jamais
fait durant votre mandat. Depuis lors, nous avons des relations continuelles
avec ces deux compagnies pour qu'il y ait une situation de concurrence entre
ces compagnies. J'ai moi-même parlé à la direction
générale de CIL.
Le Président: Conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: Nous sommes en train de faire tout ce que nous
pouvons pour assurer un suivi, ce qui aurait dû être fait il y a
des années, afin que nous puissions faire un suivi efficace de la
réglementation auprès de l'industrie des nettoyeurs.
L'association nous appuie de façon effective et ceci va se
faire, contrairement à ce qui se faisait durant votre mandat
alors que vous n'avez rien fait.
Une voix: Très bien.
Le Président: M. le député de Terrebonne, en
additionnelle.
M. Blais: Le ministre ne sait-il pas que ce règlement
était nouveau et qu'il venait en application à l'automne 1985? Il
faut moins d'un an pour envoyer des inspecteurs. Le ministre a-t-il l'intention
d'envoyer des inspecteurs pour que la santé du public soit
protégée dans ce domaine?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, si le député
s'était intéressé, en octobre 1985, à la
réglementation sur les déchets dangereux, il saurait que les
déchets dangereux n'étaient pas réglementés du tout
auparavant au Québec. Il y a une foule de toxiques dans
l'atmosphère, il y a une foule de toxiques partout. Il faut
établir des priorités. Aujourd'hui, nous sommes en train de faire
le suivi de la réglementation afin qu'elle s'applique de façon
effective à de petites industries, comme les buanderies; le
règlement actuel, avec des formulaires de plusieurs pages, ne peut pas
s'appliquer de façon effective. En même temps, il faut mettre en
place des mécanismes pour effectuer le transport de ces déchets
des buanderies; il faut un entreposage sécuritaire, des points de
transfert et, ensuite, une usine d'élimination. C'est ce que nous allons
faire en priorité. Ensuite, lorsque ces mesures seront mises en place,
on prendra toutes les mesures nécessaires pour que le règlement
s'applique de la façon la plus sécuritaire et la plus ferme
possible.
Le Président: M. le député de Terrebonne, en
additionnelle.
M. Blais: En l'absence du ministre de la Justice, ma question
s'adressera à la vice-première ministre. Est-ce de sa propre
initiative que le ministre de la Justice ne poursuit pas les fautifs dans ce
règlement de l'environnement ou si c'est sur la recommandation du
ministre de l'Environnement, comme c'est le cas pour ceux qui n'observent pas
la loi 101, sur la recommandation du ministre qui s'en occupe?
Le Président: Mme la vice-première ministre.
Mme Bacon: M. le Président, vous me permettrez de
suggérer au député de Terrebonne de poser sa question au
ministre de la Justice quand il sera de retour, demain.
Le Président: M. le député de Terrebonne, en
additionnelle?
M. Blais: M. le Président, si la vice-première
ministre ne peut pas répondre aux questions, qu'elle en prenne avis,
mais, seulement, il en manque déjà onze aujourd'hui.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: S'agissait-il là d'une question de
règlement, d'une question qui appelle une réponse, ou quoi?
Le Président: Non. Je pense que c'était une
tentative de question de règlement. M. le député de
Duplessis.
Partage de la taxe de 15 % sur le bois
d'oeuvre?
M. Perron: Merci, M. le Président. Mon intervention se
veut en rapport avec la question du bois d'oeuvre surnommée "le
marché de dupes" par tous les éditorialistes du Québec. La
semaine dernière, en réponse au chef de l'Opposition, le premier
ministre a indiqué que son gouvernement était confiant de pouvoir
récupérer en totalité les 91 000 000 $ de la taxe de 15 %
que le gouvernement fédéral a proposé d'imposer aux
producteurs de sciage québécois, afin de contrer la menace d'un
droit compensatoire équivalent par les Américains. (15 h 20)
Or, voilà que le chat sort du sac.Le Soleil de vendredi
dernier rapporte les propos de Mme Guylaine Saucier, présidente de la
Chambre de commerce du Québec et d'une importante compagnie de bois de
sciage, qui a déclaré, à Rimouski, que la taxe de 15 %
sera divisée en deux, soit 9 % au Québec et 6 % à
Ottawa.
Ma question s'adresse au ministre délégué aux
Forêts. Le ministre peut-il confirmer le sérieux de cette
hypothèse que semblait ignorer le premier ministre du Québec deux
jours auparavant?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai rien
à ajouter à ce que le premier ministre a dit la semaine
dernière concernant la taxe de 15 %, mais je dirai au
député de Duplessis que ce n'est pas Mme Saucier qui va faire le
partage entre la taxe imposée et celle qui sera appliquée pour
les droits de coupe et
les redevances. Demain, il y a réunion encore à Washington
à ce sujet et aussitôt qu'il y aura des développements, il
me fera plaisir de l'en informer.
M. Parent (Bertrand): En additionnelle, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Le ministre délégué
aux Forêts est-il en mesure d'expliquer la stratégie de son
gouvernement qui, après avoir accepté que le Canada capitule un
peu trop rapidement devant les États-Unis, s'apprêterait à
céder un nouveau champ de taxation au gouvernement fédéral
qui créera ainsi un trou de 30 000 000 $ dans le budget de l'application
de la nouvelle politique forestière?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, dans ce dossier, je dirai au député de Bertrand
que tout le monde a raison. Si nous n'étions pas intervenus de la
façon que cela a été fait, c'est-à-dire en faisant
une proposition au gouvernement américain, à la demande de
l'industrie cette fois, aujourd'hui, on nous dirait: Pourquoi n'avez-vous pas
fait d'effort pour que l'argent reste au Canada et au Québec
plutôt que d'aller aux États-Unis? C'est ce qu'on a fait. Si nous
ne l'avions pas fait, je pense que le député de Bertrand aurait
la même question à poser aujourd'hui.
Le Président: En additionnelle... Si vous me permettez, en
additionnelle, M. le député de Duplessis.
M. Perron: M. le Président, le ministre
délégué aux Forêts peut-il indiquer quel est
présentement le droit de coupe moyen au Québec?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien sûr, M.
le Président. Mon critique officiel devrait le savoir, parce qu'il l'a
mentionné à quelques reprises lui-même. Je me demande
pourquoi il pose la question. Actuellement, le droit de coupe moyen au
Québec se situe à 2,09 $ le mètre cube.
Le Président: M. le député de Duplessis, en
additionnelle.
M. Perron: M. le Président, est-ce que le ministre
délégué aux Forêts pourrait maintenant, après
sa réponse, nous dire à quel niveau se situera ce droit de coupe,
advenant l'application du projet de loi 150 sur les forêts? Peut-il
indiquer si l'augmentation prévue servira à payer l'application
de la nouvelle politique forestière ou à plaire, par exemple, aux
Américains dans sa politique de 15 %?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, nous avons toujours dit que les travaux d'aménagement
qui seront effectués en forêt par les utilisateurs seront
déductibles des redevances qu'ils auront à payer.
Dans un deuxième temps, le droit de coupe et les redevances,
moyens prévus au Québec seront variables selon les zones, la
qualité des bois, les difficultés d'exploitation, l'offre, la
demande et les marchés. Le droit de coupe moyen devrait se situer
à environ 5.64 $ ou 5,65 $.
Le Président: M. le député de Duplessis, en
additionnelle.
M. Perron: Est-ce que ces 5,64 $ ou 5.65 $, comme vient de dire
le ministre, vont inclure ce qu'aura à payer l'industrie du sciage et
l'industrie papetière en rapport avec les coupes du Québec?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, j'ai de la misère à saisir la question, mais
toute même, nous ne faisons pas de distinction lorsqu'il s'agit de
résineux. On parle de bois de sciage et de pâtes et papiers
là? Nous ne ferons pas de distinction entre les deux secteurs pour
établir les redevances.
M. Perron: M. le Président, je vais répéter
ma question d'une autre façon...
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Duplessis.
M. Perron: ...pour que le ministre comprenne. Les 5,64 $ ou 5,65
$ qu'a mentionnés le ministre en réponse à une des
questions que j'avais posées, est-ce que le ministre peut nous dire si
ces 5,64 $ ou 5,65 $ incluent la participation des papetières et du bois
de sciage dans les droits de coupe qui seront imposés par les
Américains? C'est cela que je veux savoir.
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, le député de Duplessis demande
s'il y aura un partage des coûts entre l'industrie des pâtes
et papiers et l'industrie de sciage. Non!
Le Président: M. le député de
Verchères, en principale.
Le transfert éventuel des
ressources des groupes de
soutien aux initiatives-jeunesse
M. Charbonneau: En principale, M. le Président. Le 20
novembre dernier, le ministre de l'Industrie et du Commerce, à qui on
demandait s'il était vrai que la Direction de l'aide à
l'implantation industrielle de son ministère recommandait le transfert
des ressources des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse, au Commissariat
industriel, nous indiquait - et je cite la transcription du Journal des
débats -ce qui suit: "M. le Président, nous sommes dans la
prophétie et la prévision la plus extraordinaire."
Aujourd'hui, on est le 1er décembre. Est-ce que le ministre
soutient toujours que c'est de la prophétie extraordinaire de lui
demander s'il est exact que son ministère recommande une telle
attitude?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce que le député
évoque, c'est une modification éventuelle de la programmation du
ministère de l'Industrie et du Commerce. La recommandation est faite au
Conseil du trésor et au gouvernement. C'est le ministre qui fait les
recommandations, ce n'est pas le ministère. Ce que j'ai confirmé,
ce que je peux confirmer, c'est que ce sont des choses... - oui, je regrette,
je me reprends -ce sont des choses que nous avons confirmées, mon
collègue de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
et moi-même, de l'Industrie et Commerce; nous avons confirmé que
nous étions en discussion quant à la disposition de la panoplie
de programmes qui s'appliquent au développement économique et qui
passent par le soutien qu'on peut accorder au Commissariat industriel, aux
groupes de soutien aux initiatives-jeunesse et la liste serait longue de tous
les programmes de soutien au développement économique.
Ce qui est en cours, c'est une étude pour voir si on ne peut pas,
de la façon la plus efficace possible, continuer à soutenir le
développement économique du Québec de cette façon
ou d'une autre façon. C'est à voir, c'est en discussion. Si le
député présume, comme il le faisait à
l'époque, que la décision était prise et que la
recommandation avait été faite, je dis au député
que c'est de la prévision et de la prophétie qu'il veut faire. Ce
sera décidé en temps et lieu.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: En additionnelle. Le ministre nous parle
d'étude et de décision non prises. Alors, comment explique-t-il
que dans un mémoire adressé sous son nom au Conseil du
trésor, en date du 15 octobre dernier, on lit: "D'autre part, il se
dégage qu'il serait possible d'intégrer les groupes de soutien
aux initiatives-jeunesse aux Corporations de développement
économique". Plus loin, on nous indique que le ministère devrait
mettre fin au programme de groupes de soutien aux initiatives-jeunesse et ainsi
économiser plus de 3 700 000 $ au trésor public.
Comment peut-il nous parler d'étude alors qu'un mémoire a
été remis au Conseil des ministres, daté du 15 octobre, et
qu'une question a été posée le 20 novembre?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je tiens à souligner
qu'à l'occasion de recommandations ou de documents qu'on soumet à
différents comités ministériels ou au Conseil du
trésor, cela continue à évoluer. La recommandation sera
finale, la décision du gouvernement sera prise lorsque tout le monde
sera satisfait de l'évolution de ce dossier.
Je répète qu'au moment où le député
me pose la question, malgré tous les documents qu'il veut citer et
sortir et dont il fait état du cheminement, c'est en discussion.
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Comment le ministre peut-il nous faire cette
réponse alors que le document dont je lui parle, c'est un mémoire
au Conseil du trésor de M. Daniel Johnson, le ministre de l'Industrie et
du Commerce, en date du 15 octobre? Comment le ministre peut-il nous indiquer
que ce mémoire n'aurait pas été préparé sous
sa direction et sous sa commande? Est-ce qu'il pense qu'un mémoire au
Conseil du trésor est préparé par des fonctionnaires sans
que le ministre en demande une préparation?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce. (15 h 30)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je
réitère qu'à l'occasion du
cheminement d'un dossier, y compris ce qu'on peut soumettre pour
discussion sous sa signature au Conseil du trésor ou ailleurs, cela fait
l'objet de discussion au moment où on se parle. Lorsque cela sera
traité au Conseil du trésor, ce pourra l'être au moment
où c'est inscrit à l'ordre du jour du Conseil du trésor,
de la façon dont cela se déroulera, compte tenu de ce qui peut se
dérouler entre le moment où un ministre signe un document et le
fait cheminer et le moment où le document est discuté, compte
tenu des renseignements additionnels, des rencontres, des discussions, de tous
les éléments au dossier qui doivent être
considérés avant qu'une décision finale sur la
programmation soit prise. C'est ce que je dis depuis le début au
député.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle?
Une voix: ...
Le Président: M. le député, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Puisque, dans le mémoire au Conseil
du trésor, on dit vouloir obtenir l'accord du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, est-ce que le ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu entend donner son
appui à l'abolition dudit programme?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai déjà eu
l'occasion d'indiquer - je crois que c'était à la suite de
questions du député de Verchères en cette Chambre - qu'il
y avait présentement des négociations en cours entre les
ministères et les ministres concernés. J'ai également
indiqué que, tant que le programme est et demeure au ministère de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, les crédits
afférents y demeurent. Dans les discussions, lorsqu'il a
été question de possibilité de transfert de programmes, il
a toujours été question, de façon accessoire, de
transférer lesdits crédits. Il n'a jamais été
question dans les négociations, pour autant que cela concernait le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
ou le ministère de l'Industrie et du Commerce, de l'abolition.
M. Charbonneau: M. le Président, il faudrait
peut-être que le ministre...
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: On pourrait peut-être transmettre une copie
du mémoire de son collègue au ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu.
Le Président: Non. M. le député de
Verchères...
M. Charbonneau: Est-ce que vous avez pris connaissance du
mémoire de votre collègue au Conseil du trésor qui, lui,
recommande non seulement le transfert du programme, mais son abolition et une
économie de 3 700 000 $? Est-ce que le ministre de l'Industrie et du
Commerce peut nous indiquer que sa position n'est pas celle qui...
Le Président: Non. Des voix: ...
Le Président: M. le député de
Verchères, vous avez "additionné" une question. C'est une
question à un ministre. M. le ministre du Revenu...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...
Le Président: ... Sécurité du revenu et
Main-d'Oeuvre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président.
C'est: ministre du Travail, ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Je ne siège malheureusement pas au
Conseil du trésor. Vous comprendrez que les autres fonctions me
retiennent. En ce qui concerne les échanges...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous comprendrez que les...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...échanges de propos ont
porté sur l'essentiel du programme. Pourquoi au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, nous avons entrepris
ces échanges et donné ouverture à des échanges?
C'est parce que la clientèle comme telle des groupes, pour autant que
les bénéficiaires de l'aide sociale les plus démunis sont
concernés, c'est une clientèle qui est minoritaire dans le cadre
de ce programme. Nous réévaluons l'ensemble de notre
programmation pour faire en sorte de prioriser nos actions et nos programmes en
fonction de la clientèle la plus démunie, la clientèle de
l'aide sociale.
Le Président: Question additionnelle, M.
le député d'Ungava. En additionnelle, M. le
député.
M. Claveau: Question additionnelle au ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Dans toute cette
cacophonie, dois-je, oui ou non... La preuve...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît: À l'ordre, s'il vous
plaît! Si vous me permettez. M. le député d'Ungava, vous
avez la parole, en additionnelle.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je crois qu'on a tous
été témoins de la cacophonie. À l'intérieur
de tout cela, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité, dois-je, oui ou non, continuer à encourager les
jeunes de mon comté à travailler pour l'implantation d'un groupe
de soutien dans le secteur de Chapais-Chibougamau, à la suite de
l'autorisation du ministre obtenue lors de l'étude des engagements
financiers du 23 octobre dernier?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député, il
s'agit de votre cas de comté auquel vous m'avez écrit et auquel
je vous ai déjà répondu. Vous me demandiez,
essentiellement, si la création d'un groupe de soutien était
intrinsèquement liée à l'existence d'une MRC ce qui, dans
votre comté qui a un territoire très étendu, posait des
problèmes particuliers. Je vous ai répondu par écrit. Si
vous voulez qu'on dépose les lettres en cette Chambre, je peux le
faire.
M. Claveau: En additionnelle.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle. En additionnelle, M. le député.
M. Claveau: Oui. En additionnelle, toujours au ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Est-ce que, oui ou
non, la réponse qu'il m'a donnée à ce moment est toujours
valable? Est-ce que je dois continuer à travailler avec les jeunes
à l'organisation d'un tel groupe de soutien? Oui ou non?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La réponse que je vous ai
donnée aux engagements financiers et par écrit demeure
valable.
M. Charbonneau: Une dernière question au ministre de
l'Industrie et du Commerce.
Le Président: M. le député de
Verchères, êtes-vous en additionnelle?
M. Charbonneau: En additionnelle. Le Président: En
additionnelle.
M. Charbonneau: Une dernière question au ministre de
l'Industrie et du Commerce. Compte tenu du mémoire, quelle est la
position personnelle du ministre, pas celle du cabinet, du Conseil des
ministres, non mais du ministre qui a une responsabilité
ministérielle? Quelle est votre position? Est-ce que c'est toujours
celle qui est dans le document qui porte votre nom et qui est datée du
15 octobre? Êtes-vous, oui ou non, pour l'abolition des groupes de
soutien d'initiatives-jeunesse et d'une économie de 3 700 000 $ sur le
dos des groupes de jeunes du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je réitère,
à l'occasion de la période de réponses, au
député de Verchères que c'est toujours en discussion et
que mon préjugé favorable est de faire en sorte que le
gouvernement du Québec, avec les moyens qu'il a, continue à
soutenir de façon la plus efficace possible le développement
économique du Québec y compris par la contribution des
jeunes.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
principale.
Crédits consacrés aux radios
communautaires
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président.
Dernièrement, le ministre des Communications disait en cette Chambre que
dès le 1er avril prochain, il couperait les subventions de son
ministère aux 30 télévisions communautaires ainsi
qu'à la cinquantaine de journaux communautaires. Selon ce qu'on entend
dire, cela ne le satisferait plus du tout. Là il est en train de passer
dans le tordeur même les radios communautaires. Je voudrais savoir de la
part du ministre s'il voudrait reconsidérer sa demande. Cela ne venait
pas des gens de Westmount. Ce sont des gens des régions
éloignées.
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: M. le Président, je ne suis pas certain d'avoir
tout à fait saisi le point précis de la question, mais si le but
est de
savoir quelle est l'enveloppe budgétaire qui sera
consacrée aux radios communautaires l'année prochaine, j'ai dit,
a l'association en question et aux personnes qui m'ont interrogé
là-dessus à plusieurs reprises que je vais faire tout mon
possible pour protéger l'enveloppe budgétaire allouée aux
radios communautaires pour l'année prochaine.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: Jusqu'à quel point le ministre peut-il nous
garantir qu'il va protéger les radios communautaires étant
donné que son attachée politique, Mme Lalonde, a
déclaré qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement, les
coupures ayant été imposées par le Conseil du
trésor?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: Je suis content, M. le Président, que Mme la
députée soulève cette citation parce que celle-ci n'est
pas véridique. Mes amis d'en face n'ont jamais eu une telle
expérience avec les journalistes. Ils ne connaissent pas cela, eux. Ils
sont toujours cités avec beaucoup de précision, surtout
l'ex-ministre de l'Agriculture qui, lui, n'a jamais eu l'occasion de dire qu'il
a été mal cité.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. French: Surtout, sur la souveraineté-association.
Non. Mme la députée, si cela vous intéresse
vraiment de savoir ce que mon attachée politique aurait dit,
c'était que le quantum des compressions budgétaires
nécessaires a été décrété par le
Conseil du trésor et que nous n'avons pas pu trouver d'autres choses
moins prioritaires, malheureusement, qu'un certain nombre d'activités,
dont les volets écrits et télévision du PAMEC.
Maintenant, vous me demandez si je peux vous donner des garanties. Je ne
peux le faire, le processus budgétaire n'est pas terminé.
D'autres défis se profilent à l'horizon concernant les finances
publiques du Québec, et il n'y a aucune certitude dans aucun
ministère à cause de cette situation. Nous avons un certain
nombre de prémisses de base avec lesquelles nous essayons de travailler.
Mais si vous pensez que, de notre part...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: M.
le ministre des communications, vous avez la parole.
S'il vous plaît! J'ai accordé la parole au ministre,
j'aimerais entendre sa réponse.
M. le ministre.
M. French: Ce qui est très clair, M. le Président,
c'est que chaque ministre et le gouvernement en entier vont prendre leurs
responsabilités. On va répondre de nos gestes, on va les
expliquer par la suite. Si Mme la députée a des questions
précises sur des problèmes précis, n'importe quand.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: M. le Président, j'aimerais bien savoir si le
ministre a eu le temps avec tout son travail de lire le rapport
Caplan-Sauvageau?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: Oui, M. le Président. Une voix: IIest bon?
Le Président: M. le député de Roberval, en
additionnelle?
M. Gauthier: Oui, M. le Président...
Le Président: M. le député de Roberval. (15
h 40)
M. Gauthier: ...au président du Conseil du trésor.
Dans le but de sauver la télévision communautaire, n'a-t-il pas
envisagé d'effectuer la coupure qui serait probablement la moins
dommageable au ministère des Communications, soit celle de couper le
ministre qui est inefficace?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Je
pense que je n'ai pas à rappeler au député de Roberval
qu'il ne s'agit pas d'une question telle qu'on les reconnaît
habituellement.
M. le député de Lac-Saint-Jean, en principale?
M. Brassard: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En
principale, M. le député de Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Oui, en principale.
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, en principale.
Fermeture de bureaux régionaux de la
RRQ?
M. Brassard: M. le Président, on sait que la Régie
des rentes du Québec a des bureaux régionaux dans plusieurs
villes du Québec - Drummondville, Rimouski, Chicoutimi,
Trois-Rivières etc. - où les citoyens peuvent obtenir l'aide et
les renseignements désirés répondant ainsi aux
besoins d'information de dizaine de milliers de personnes au
Québec. Le ministre responsable de la Régie des rentes du
Québec peut-il dire en cette Chambre s'il est exact que la Régie
des rentes envisagerait la fermeture de ses bureaux régionaux?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas si la question du
député de Lac-Saint-Jean lui a été inspirée
par une lecture attentive du rapport du Vérificateur
général du Québec qui critiquait l'administration
précédente quant au nombre de pieds carrés qu'utilise
présentement la Régie des rentes du Québec ou quant
à l'encadrement de cette Régie des rentes du Québec. Je ne
sais si cette question a inspiré la vôtre. Nous sommes à
regarder présentement si le taux de location est maximal,
c'est-à-dire, si nous n'avons pas des superficies en trop. Je suis
-comme vous l'êtes aussi - un député de région et je
tenterai de m'assurer que ces économies ne se fassent pas aux
dépens des régions mais que ce soit dans les grands centres
surtout, où on est déjà présents, qu'on tentera de
rapetisser.
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, en additionnelle.
M. Brassard: En additionnelle, compte tenu des dernières
remarques du ministre, est-ce que le ministre ne pourrait pas s'engager devant
cette Chambre à ce que la Régie des rentes du Québec
maintienne ouverts ses bureaux dans les régions du Québec?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, vous
comprendrez aisément, à la suite de la première
réponse que j'ai apportée, que je déploierai toutes mes
énergies afin de m'assurer que là où la Régie des
rentes du Québec est présente de façon efficace avec un
rapport coût-bénéfice pour assurer un service efficace
à la population, elle demeure présente mais avec le nombre de
pieds carrés dont elle a vraiment besoin pour demeurer
présente.
Le Président: Je vais reconnaître une question
principale au groupe ministériel, M. le député de
Beauce-Nord, en principale.
M. Audet: Merci, M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Les causes des faillites des PME au
Québec
M. Audet: Ma question s'adresse au ministre
délégué aux PME. En dépit du fait que le
Québec a connu des baisses successives du nombre de faillites
commerciales en 1983, en 1984, et en 1985, on y compte encore le plus grand
nombre de faillites au Canada. Face à cette pénible situation,
qui touche presque exclusivement des jeunes et des petites entreprises, le
ministre est-il en mesure de nous indiquer s'il a identifié les
principaux facteurs responsables de ce phénomène?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Petites et Moyennes Entreprises.
M. Vallerand: Oui, M. le Président. Merci au
député de Beauce-Nord pour sa question. Le problème sinon
la problématique est la suivante: Conformément aux chiffres les
plus récents, c'est-à-dire ceux de 1985, on recensait au
Québec plus de 32 % de l'ensemble des faillites canadiennes. C'est un
pourcentage qui est sinon inquiétant, très préoccupant. Au
sujet des causes nous recensons que c'est principalement imputable, nous
dit-on, à une mauvaise administration. On a tenté et on tente
encore de ventiler davantage et d'approfondir ce qu'on veut dire par une
mauvaise administration. On remarque entre autres une méconnaissance des
marchés, une insuffisance des ventes et un manque de stratégie de
marketing. C'est un ensemble de facteurs que nous sommes à analyser et
nous serons davantage en mesure de faire rapport sur les causes
véritables qui affectent un pourcentage aussi important de nos petites
et moyennes entreprises au Québec. Il faut noter que c'est aussi
l'expression d'un dynamisme particulier parce que nous créons au
Québec un nombre considérable de petites et moyennes entreprises.
Donc, il y a un processus d'élimination naturelle. Cependant le
pourcentage de faillites nous inquiète et nous sommes à
l'examiner attentivement.
Le Président: M. le député de Beauce-Nord,
en additionnelle?
M. Audet: En additionnelle, M. le Président.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Beauce-Nord.
M. Audet: En additionnelle, M. le Président. Y a-t-il des
mesures que le ministre prévoit prendre pour réduire le nombre de
faillites de PME au Québec et faire en sorte qu'elles contribuent encore
plus à la croissance économique du Québec et au
développement de l'emploi?
Le Président: M. le ministre délégué
aux PME.
M. Vallerand: Oui, M. le Président. Les solutions qui sont
imaginées sont nettement tournées du côté de
l'amélioration de la gestion. Ce à quoi nous
réfléchissons, c'est notamment à la gestion participative,
aux nouveaux concepts de gestion, notamment le concept de gestion de
qualité, les formes de participation financière directe, l'achat
d'actions, etc. Faut-il vous dire, M. le Président, que notre
gouvernement a déjà pris des mesures concrètes pour
inciter nos entreprises à faire davantage participer les employés
et à responsabiliser leur action dans l'entreprise, notamment par le
biais du Régime épargne-actions, lorsqu'on l'a orienté
davantage vers les besoins de financement de la petite et moyenne entreprise,
des SPEQ, l'amélioration qu'on a apportée dans le dernier
discours sur le budget aux SPEQ afin de permettre aux employés qui
achètent des actions de déduire par-dessus la
déductibilité déjà acceptée du Régime
épargne-actions plus de 25 %, et d'autres mesures que nous imaginons, la
dernière étant celle de mon collègue de l'Industrie et du
Commerce eu égard aux sociétés de capital de risques par
rapport à leurs préoccupations régionales pour
améliorer les possibilités de financement en capital des petites
et moyennes entreprises au Québec.
Des voix: Bravo!
M. Garon: M. le Président.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle ou en principale?
M. Garon: En additionnelle.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Le ministre délégué aux Petites et
Moyennes Entreprises a-t-il pris connaissance des statistiques et des
résultats des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse? A-t-il
remarqué que, justement, avec ces soutiens aux jeunes, le nombre de
faillites est moins grand? A-t-il remarqué également, si on
compare les statistiques de ces jeunes entreprises qui démarrent...
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
M. Garon: ...avec d'autres, que le nombre d'échecs est
beaucoup moins grand que dans d'autres groupes?
Le Président: Monsieur...
M. Garon: A-t-il l'intention de recommander le maintien des
groupes de soutien aux initiatives-jeunesse?
Le Président: M. le ministre délégué
aux PME.
M. Vallerand: Oui, M. le Président. Il me fera plaisir de
dire au député de Lévis que, effectivement, j'en ai pris
connaissance. Je peux même lui dire que, dans la région de
l'Estrie, excluant Sherbrooke, le groupe de soutien aux initiatives-jeunesse a
reçu 752 demandes de soutien, en a accepté 159 et a
créé plus de 309 emplois, pour un total de 2 200 000,
c'est-à-dire un per capita d'environ 70 000 $ à 75 000 $ par
emploi.
Effectivement, M. le Président, j'ai bien lu ce rapport. Ma
conviction s'insère dans celle de mon collègue de l'Industrie et
du Commerce que notre gouvernement fait tout en son pouvoir pour
améliorer le développement économique du Québec et
de ses régions à partir d'une ventilation et d'un inventaire de
tous les instruments les plus efficaces possible, y compris ceux qui ont
déjà prouvé leur véracité et leur
efficacité.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la députée de... M. le
député de Lévis, en additionnelle.
M. Garon: Le ministre a-t-il pris connaissance également
des résultats des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse de la
région de Québec, qui sont extraordinaires?
Le Président: M. le député de Shefford, en
additionnelle ou en principale?
M. Paré: En additionnelle.
Le Président: M. le ministre, voulez-vous
répondre?
M. Vallerand: M. le Président, je pense avoir
démontré à cette Chambre que j'ai bien pris connaissance
de ce rapport et d'avoir fait un état des principaux résultats, y
compris ceux de la région de Québec.
M. Paré: En additionnelle.
Le Président: M. le député de Shefford, en
additionnelle.
M. Paré: Oui, M. le Président, une question
additionnelle au ministre délégué aux Petites et Moyennes
Entreprises. Concrètement, ai-je bien compris que le ministre dit que,
oui, il y avait de bons programmes sous l'ancien gouvernement qui ont
été maintenus, que certains ont été abolis et que
des mesures ont été prises, mais que, malgré cela, il
reconnaît que le
Québec a plus de faillites que toutes les autres provinces au
Canada et qu'il a l'intention de ne rien commander jusqu'à ce qu'il
dépose son rapport au printemps?
Le Président: M. le ministre délégué
aux PME. (15 h 50)
M. Vallerand: Dans l'esprit du député de Shefford
seulement, M. le Président. Non, je ne pense pas que cela ait
été la nature de ma réponse, bien au contraire.
Premièrement, on a constaté - c'est important de le faire - le
taux d'échec des petites et moyennes entreprises au Québec, de
façon relative, en se comparant avec la moyenne canadienne.
On a dit: C'est inquiétant, mais c'est aussi préoccupant.
De ce fait, on a annoncé les mesures qu'on voudrait voir se
matérialiser pour soutenir davantage l'action importante de ces petites
et moyennes entreprises au Québec. J'ai déjà
mentionné les soutiens financiers en termes de capital d'aide au
financement de la structure de capital des petites et moyennes entreprises qui
existent déjà.
J'ai également mentionné ce qu'on exploite du
côté des autres possibilités. En même temps, dans la
même foulée, on est à examiner, avec mon collègue du
ministère de l'Industrie et du Commerce, la façon de mieux cibler
l'ensemble...
Le Président: M. le ministre...
M. Vallerand: ...des interventions financières pour
soutenir l'action de la petite et de la moyenne entreprise au titre de l'aide
au financement, de l'aide au développement, de l'aide à
l'exportation, de l'aide à la recherche et de l'aide au design au
Québec.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en principale.
Postes supprimés dans les bureaux
régionaux de Communication-Québec
Mme Blackburn: En principale, M. le Président. Depuis
avril dernier, huit des dix-sept postes d'animateur régional du
Secrétariat à la jeunesse ont été abolis. Le
Secrétariat à la jeunesse ne répond plus qu'aux demandes
venant des ministères. On apprend maintenant que les postes de
répondant jeunesse des bureaux de Communication-Québec vont
être abolis, mettant ainsi fin aux services spécialisés
d'information destinés aux jeunes.
Comme on connaît l'affection que le ministre des Communications
porte aux régions où il coupe tout ce qui bouge ou semble vouloir
bouger, je voudrais savoir de sa part s'il est exact que les 38 postes de
répondant jeunesse des bureaux de Communication-Québec seraient
abolis dès avril prochain.
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: M. le Président, ce qui est clair, c'est que
les deux individus de chaque bureau seraient appelés à
réorienter leur carrière, puisque, dès le début,
les conditions d'engagement étaient deux ans d'expérience de
travail et, après cela, passer à d'autres responsabilités
et d'autres emplois dans d'autres secteurs. Sur le plan du programme, nous
essayons de trouver des solutions de rechange, puisque effectivement nous avons
trouvé l'expérience fort valable.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: M. le Président, le ministre vient de nous
dire qu'il va créer 38 nouveaux chômeurs chez les jeunes
prochainement, si je comprends bien, et qu'il n'a pas encore trouvé de
solution.
Le Président: En additionnelle, Mme la
députée.
Mme Blackburn: C'est une question. Est-ce qu'il peut
également me dire qu'en même temps qu'il décide de couper
ces postes et de créer de nouveaux chômeurs, il n'a pas encore
trouvé de solution adéquate pour répondre aux besoins
d'information des jeunes?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: M. le Président, il y a quand même un
certain nombre de réalités non financières qu'il faut
considérer, lorsque la députée de Chicoutimi commence
à pleurer sur les 38 futurs chômeurs. L'une serait
peut-être, après une expérience aussi valable qu'elle
prétend avoir observée elle-même, que ces gens seraient
plus qualifiés et, donc, ne seraient plus chômeurs. C'est
exactement ce qui va se produire. Je vais m'engager à répondre en
Chambre après que ces deux personnes par bureau auront trouvé
d'autres emplois, mais non pas expliquer exactement l'histoire de travail
qu'ont expérimenté chacun des individus.
Là, je vais vous garantir quelque chose. Ces deux personnes par
bureau de Communication-Québec vont trouver un emploi, parce qu'elles
ont une expérience fort pertinente. Donc, je ne crains pas pour leur
avenir. Au contraire, je les ai rencontrées et je leur ai parlé.
Il y en a qui ont déjà leur propre entreprise qui va devenir
à temps plein dès que leur contrat
de travail avec nous sera terminé. Il y en a d'autres qui vont
facilement dénicher d'autres contrats et des emplois permanents.
Pour ce qui est des 38 personnes actuellement en place, je n'ai aucune
crainte. Pour ce qui est de trouver une solution valable, je serais
intéressé à entendre des suggestions de Mme la
députée. Si elle a des solutions constructives, tant mieux. Nous
essayons de trouver des solutions de rechange et les moyens efficaces pour
répondre aux besoins d'information pour les jeunes comme pour les
autres.
Dans la plupart des cas, soulignons-le, ces individus desservent
d'autres fins en même temps, c'est-à-dire qu'ils se sont
révélés des collaborateurs valables en desservant d'autres
clientèles, pas uniquement la jeunesse.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
M. Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Est-ce
que le ministre reconnaît que ce sera 38 postes de moins, donc des
services de moins destinés aux jeunes du Québec et
particulièrement dans les régions?
M. Jolivet: C'est celai
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: Ce que je reconnais, M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît; M.
le ministre, vous avez la parole.
M. French: ...c'est que les bureaux régionaux de
Communication-Québec ont des responsabilités particulières
et des ressources précises. Nous essayons d'avoir un bon
équilibre entre les responsabilités et les ressources. Je lui ai
dit tantôt que je serais toujours prêt à envisager toutes
sortes de possibilités si nous voyons qu'il y a des besoins auxquels les
bureaux de
Communication-Québec ne répondraient pas. Nous allons en
discuter. Nous cherchons une formule pour continuer de fournir tous les
services nécessaires aux populations des régions.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Au
moment où le ministre décide de couper ces postes, est-ce qu'il
peut déposer le rapport d'évaluation des services qui ont
été rendus par ces jeunes dans les bureaux de
Communication-Québec?
Le Président: M. le ministre des
Communications.
M. French: M. le Président, je n'ai pas eu connaissance
d'un dossier ou d'un document en particulier. S'il y en a un...
Excusez-moi!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. French: II y a tellement de souffleurs de l'autre
côté, il s'agit de choisir la bonne réponse.
M. Chevrette: M. le Président, il n'y a pas de souffleurs
de l'autre côté. Il y a du monde qui vit au Québec et les
rapports ont été remis aux députés. S'ils n'ont pas
été remis au ministre, c'est effrayant!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre, en réponse à la question, s'il vous plaît.
M. French: M. le Président, le leader de l'Opposition y va
d'un bon exemple de cacophonie.
M. le Président, s'il y a un document susceptible
d'intéresser la députée à ce sujet, je vais
certainement le regarder et considérer si je peux le déposer.
M. Brassard: Une dernière principale.
Le Président: Une dernière question. M. le
député de Lac-Saint-Jean, en principale.
Projet de réouverture de la papeterie
Saint-Raymond à Desbiens
M. Brassard: Très courte principale au ministre de
l'Industrie et du Commerce. Nous sommes informés que le conseil
d'administration de la SDI aurait pris une décision quant à
l'offre d'aide financière à faire au groupe Saint-Raymond-Paper,
Johnson & Johnson, comportant, entre autres, le projet de
réouverture de l'usine de Desbiens dans mon comté. Est-ce que le
ministre a pris connaissance de cette offre faite par le conseil
d'administration de la SDI? Est-ce qu'il a l'intention de prendre une
décision relativement à ce dossier?
Le Président: M. le -ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, comme
je l'ai dit à des intervenants du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, la SDI
a eu à considérer le niveau de l'offre éventuelle qu'elle
pourrait faire aux demandeurs intéressés à relancer, dans
un projet nouveau, la papeterie Saint-Raymond à Desbiens. Étant
donné l'ampleur du programme, étant donné les niveaux
d'autorisation qui sont requis, j'ai toujours
indiqué aux intervenants locaux là-bas qu'il s'agissait de
faire cheminer, encore une fois, auprès de la SDI, du ministre, de
différents comités du conseil exécutif et du conseil
exécutif éventuellement, ce dossier pour approbation et
qu'à mon sens j'aurais des nouvelles avant la fin de l'année.
C'est ce que j'ai toujours soutenu.
Ce qui ne m'apparaît pas exagéré, M. le
Président, cela aurait fait, à la fin de l'année, environ
cinq mois que la demande a été faite au gouvernement actuel. Cela
faisait cinq ans qu'il ne se passait rien.
Le Président: Fin de la période de questions et
réponses orales.
Nous allons maintenant continuer les affaires courantes. Il n'y a aucun
vote reporté cet après-midi.
Motion sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: Oui, M. le Président. Il s'agit plutôt
d'un préavis. Je voudrais que les membres de l'Assemblée prennent
note que, une fois terminé le débat sur le principe du projet de
loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et
modifiant diverses dispositions législatives, lequel débat sera
entamé immédiatement au début des affaires du jour, nous
donnerons l'avis pour que la commission des institutions procède
à l'étude détaillée dudit projet de loi à la
salle Louis-Joseph-Papineau, et ce, compte tenu de l'heure où on
terminera ici à l'Assemblée nationale, probablement de 20 heures
à minuit. (16 heures)
Le Président: Avez-vous d'autres avis à faire
à l'Assemblée, M. le leader du gouvernement? J'ai
également un avis, si vous me le permettez. Après la
période des affaires courantes, la commission de l'économie et du
travail se réunira à la salle Louis-Joseph-Papineau afin de tenir
une séance de travail.
Y a-t-il d'autres avis touchant les travaux des commissions ou des
renseignements sur les travaux de l'Assemblée? Cela va? M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Je viens de consulter le vice-président de
la commission de l'économie et du travail et j'avise simplement les
collègues qui sont membres de la commission de l'économie et du
travail que la séance de travail qui devait avoir lieu après la
période des affaires courantes aura lieu à 16 h 30. Aux
collègues qui sont ici et qui doivent se rendre à la
séance de travail de la commission de l'économie et du travail,
je signifie simplement l'heure de la rencontre.
Le Président: L'heure prévue était 16
heures, j'imagine.
M. Charbonneau: Elle est prévue immédiatement
après les affaires courantes. La raison, c'est que le leader de
l'Opposition, qui est aussi le critique dans le dossier du travail, doit le
premier faire une intervention sur le projet de loi que le leader du
gouvernement va appeler d'abord, cet après-midi. Immédiatement
après, à 16 h 30, la séance de travail de la commission va
se tenir.
Le Président: L'avis en est donné, Affaires du
jour, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, voulez-vous appeler l'article
31 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 138
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Président: M. le leader du gouvernement, à
l'article 31 du feuilleton, il s'agit de la reprise du débat sur
l'adoption du principe du projet de loi 138, c'est-à-dire la Loi sur le
ministère du Solliciteur général et modifiant diverses
dispositions législatives.
Je suis prêt à reconnaître le premier des
intervenants cet après-midi sur le projet de loi 138. À l'ordre,
s'il vous plaît! Avant de reconnaître M. le leader de l'Opposition,
comme prochain intervenant sur ce projet de loi, je demanderais à tous
et chacun de regagner son siège.
Sur le projet de loi 138, M. le leader de l'Opposition, vous avez
maintenant la parole.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, il me fait plaisir
d'intervenir sur ce projet de loi, parce que, dans un premier temps, j'entends
rappeler ce que notre propre gouvernement a fait. On se souviendra tous que
c'est l'actuel chef de l'Opposition qui, alors qu'il occupait le poste de
premier ministre, avait nommé un Solliciteur général.
D'ailleurs, on pouvait lire dans La Presse du lundi le 7 octobre 1985, un
article de Jean-Guy Dubuc qui disait ceci: "Le cumul de fonctions ne peut
être que temporaire: comment imaginer que le ministre de la Justice soit
aussi ministre du Travail?"
On sait très bien qu'on disait: Enfin, la Justice sera
rationnelle. On disait essayer d'éviter tout conflit
d'intérêts en nommant un Solliciteur général; M.
Dubuc vantait les
mérites de cette décision. On sait que ce poste avait
été abandonné temporairement autant par le gouvernement
Bourassa que par le gouvernement de M. Lévesque, mais il a
été ramené par le gouvernement Johnson et confirmé
à nouveau par le gouvernement Bourassa.
Je pense que cela s'inscrit dans la lignée ou dans cette
volonté politique de faire en sorte que l'on ait véritablement un
ministère dégagé de toute préoccupation
administrative quotidienne pour se pencher réellement sur les
orientations en justice, les orientations comme celles que nous avions prises.
Vous me permettrez d'en énumérer quelques-unes. Je pense, entre
autres, au fait que nous avons nous-mêmes instauré les programmes
communautaires pour les personnes susceptibles d'être condamnées
à la prison. Nous étions heureux à ce moment-là de
l'avoir fait, parce que nous considérions que c'était
avant-gardiste dans les années 1978. Cela avait amené des gens,
bien sûr, à critiquer un peu le gouvernement d'alors, mais je
pense que les parlementaires, ici, faisaient l'unanimité autour de ces
programmes.
Je pense également qu'en 1979, la création de la
Commission québécoise des libérations conditionnelles a
fait l'unanimité de cette Chambre. Les parlementaires
considéraient que c'étaient des gestes positifs en ce sens.
Nous avons également, en 1978, établi un nouveau
règlement des établissements de détention qui
précisait clairement que, dans un cadre juridique connu, les droits et
obligations des détenus étaient consolidés. Je pense que
c'était véritablement encore un pas en avant. Je pense
également que la création d'alternatives à
l'emprisonnement pour paiement d'amendes, notamment par l'instauration de
travaux communautaires, était quelque chose de véritablement
avant-gardiste qui donnait la chance à l'individu de se
réhabiliter et de rendre service à sa collectivité. Je
pense que le code de déontologie pour les policiers a été
une bonne chose et je pense également, Mme la Présidente, que la
création des corps policiers autochtones était aussi dans cet
esprit: tâcher de rapprocher la justice des gens et faire en sorte qu'on
puisse la rendre encore plus efficace. J'en suis d'autant plus heureux que le
Solliciteur général aura, à mon avis, un rôle
extrêmement important à jouer.
Ayant occupé les fonctions de ministre de la Santé et des
Services sociaux, j'ai eu à rencontrer le ministre
fédéral, M. Jake Epp, pour discuter avec lui de la collaboration
ou de la participation financière du fédéral à tout
l'aspect prévention. Malheureusement, le ministre de la Justice, M.
Crosbie, est prêt à subventionner n'importe quelle maison de
détention, n'importe quel pavillon pour jeunes détenus, mais le
fédéral ne participe en rien présentement à tout le
processus de prévention. On préfère payer 60 000 $,
participer financièrement, pour un jeune qui est incarcéré
dans un pavillon jeunesse et on ne débourse pas un cent du
côté fédéral sur la notion de prévention. Je
trouve cela scandaleux. Je trouve cela effrayant. On n'hésite pas
à participer financièrement et à payer pour les jeunes
qu'on incarcère, à toutes fins utiles, qui nous coûtent 60
000 $ en moyenne par année. On n'hésite pas à faire cela.
Mais on pourrait peut-être faire que trois, quatre, cinq ou six jeunes
dans chacune de nos régions du Québec évitent
précisément l'incarcération. On pourrait injecter des
sommes dans des mouvements, dans des associations, dans des groupements
axés précisément sur la prévention, mais on a une
fin de non-recevoir. Je pense que le Solliciteur général aura un
rôle extrêmement important à jouer auprès du ministre
fédéral de la Justice. Il est tout à fait inadmissible
qu'en 1986 on axe encore tout notre travail sur le curatif et qu'on ne fasse
à peu près rien sur le préventif.
Je pense qu'après un an de pouvoir le gouvernement devrait
réfléchir drôlement à cet aspect. Il devrait entamer
des discussions, si ce n'est déjà fait, puisque ce l'était
avant même qu'on déclenche des élections le 2
décembre dernier, sur cette partie importante de la prévention
concernant les jeunes en particulier. Je pense que le Solliciteur
général aura, là-dessus, l'appui sans réserve de
l'Opposition qui avait commencé ce travail et qui, par les mesures que
j'énumérais tantôt, avait déjà fait un
travail formidable dans ce sens-là. La création d'un
ministère ne vient que concrétiser juridiquement une situation de
fait qui dure depuis un an.
À partir de la création officielle d'un ministère,
il va nous falloir entendre le Solliciteur général parler non pas
exclusivement des devoirs qui lui sont confiés en vertu de ce projet de
loi: mais d'assurer ou de surveiller, suivant le cas, l'application des lois
relatives à la police; de favoriser et de promouvoir la coordination des
activités policières; de maintenir un service de documentation et
de statistiques permettant d'évaluer l'état de la
criminalité et l'efficacité de l'action policière - on
voit encore que tout cela est axé sur le curatif -de maintenir un
service de documentation -je viens de le dire - d'administrer les
établissements de détention - il n'y a rien sur l'aspect
préventif - d'assurer la disponibilité des services d'agents de
probation et de surveiller l'exécution des ordonnances de probation; de
voir à la surveillance de la circulation routière - on ne voit
pas encore là une dimension trop forte sur la prévention qui
pointe à l'horizon - de voir à ce qu'il soit fait des
recherches
par les coroners sur les causes et les circonstances de
décès; de voir à ce que les commissaires aux incendies
effectuent des recherches sur les dommages causés aux bâtiments,
etc.; de délivrer, renouveler, suspendre ou révoquer les permis
d'agence ou d'agent d'investigation ou de sécurité - c'est du
curatif - de voir au contrôle de la circulation et de la vente des
boissons alcooliques et de remplir les autres fonctions qui lui sont
assignées par le gouvernement. (16 h I0)
C'est peut-être dans cet article fourre-tout, comme on dit en bon
québécois, qu'on retrouvera le rôle qui est dévolu
au Solliciteur général face à la prévention. Dans
les dix ou onze responsabilités qui lui incombent de par sa loi
constituante, rien n'est clair, rien n'est précis, rien ne va dans le
sens des responsabilités du Solliciteur général en ce qui
regarde la prévention. Quant à moi, cela m'apparaît une
lacune fondamentale. Comme formation politique, nous aimerions, à cette
kyrielle, à ces dix ou onze obligations qui lui sont faites ou devoirs
qui lui sont faits par sa loi constituante, que le Solliciteur
général ajoute une dimension face à la prévention
du crime.
On peut toujours penser... C'est exactement la même comparaison
que je pourrais faire avec la santé et les services sociaux. On
dépense 7 900 000 000 $ à la santé et aux services
sociaux. On dépense des centaines de millions pour la
sécurité, dans la police. Mais on hésite trop souvent et
tous les gouvernements, il faut se le dire, à injecter des sommes et
confier des responsabilités spécifiques en ce qui regarde la
prévention. Je suis persuadé que les usines qui ont mis sur pied
- je vais en donner un exemple - un comité de santé et de
sécurité du travail ont diminué le coût d'accidents,
le nombre d'accidents parce qu'ils ont mis dans le coup les travailleurs, les
contremaîtres, les patrons, ils les ont mis ensemble, ils les ont assis
ensemble. Cela a permis de développer un tant soit peu ce souci de la
sécurité. Dans le domaine de la santé et des services
sociaux, malheureusement là aussi, on a mis beaucoup d'argent pour le
curatif et on oublie qu'il y a du monde qui peut éviter,
précisément, qu'on en soit à dépenser autant de
milliards et de millions pour le curatif.
Je pense qu'on verse dans le même vice en ce qui regarde la
police. Ne serait-ce que cet aspect des choses dans le projet de loi qui
constitue le ministère du Solliciteur général, il
m'apparaît important de revoir cette liste de devoirs ou d'obligations
qui sont faites au ministre et lui donner ce rôle spécifique
auprès des intervenants du milieu qui oeuvrent à la
prévention. Cela m'apparaît un rôle important qu'il devrait
mettre en évidence. C'est peut-être moins glorieux de travailler
à la prévention. C'est peut-être moins le kodak ou la
caméra sous le nez. Mais, au moment où le ministre et Solliciteur
général ferme des prisons un peu partout au Québec, au
moment où il ferme Saint-Joseph-de-Beauce et qu'il maintient celle de
Brome-Missisquoi, parce que le ministre est probablement plus pesant dans
Brome-Missisquoi que le député de Saint-Joseph-de-Beauce, au
moment où on ferme même à celui qui vous a
précédé sur le trône, Mme la Présidente,
trois institutions pénitentiaires dans le comté de Saint-Jean,
à Joliette, il y a des gens, au moment où on se parle, qui
n'effectuent même par leur sentence de 20, de 30 ou de 40 fins de
semaine. Ils viennent signer le vendredi soir et ils s'en retournent chez eux,
parce qu'on ne peut pas leur offrir le gîte selon des principes
administratifs. Pour sauver une piastre. Si bien que les gens rigolent de la
justice.
Je pense qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Le gouvernement veut
rationaliser administrativement, c'est son droit. Le gouvernement veut fermer
des institutions pénitentiaires, c'est son droit. Mais qu'offre-t-il en
retour pour la sécurité des citoyens?
Une voix: Rien.
M. Chevrette: Qu'offre-t-il pour l'encadrement de ces
individus?
Une voix: Rien.
M. Chevrette: On dit: Signe et va-t'en chez toi. Si bien qu'il y
en a qui concluent, dans l'entourage de certains: Finalement, le crime
paie-t-if? Cela va jusque-là dans le raisonnement populaire. Il ne faut
pas se surprendre qu'il y ait des gens qui réfléchissent ainsi
quand on a des exemples concrets qui nous sont mis sous les yeux. Le
Solliciteur général a un rôle extrêmement important
qui demande de sa part extrêmement de prudence. Je comprends que
l'expérience d'un an n'est peut-être pas suffisante. Ce qui lui a
malheureusement permis de commettre des gaffes, mais il y en a une que je
considère très grave pour un Solliciteur général,
c'est celle d'avoir interprété, par exemple, l'alcoomètre.
Cela, Mme la Présidente, je vous avoue que, pour un Solliciteur
général, si on n'était pas au Québec, je suis
convaincu qu'il ne serait plus Solliciteur général. On n'aurait
jamais permis cela, une interprétation à l'encontre, lui qui se
donne, entre autres, comme obligation de soutenir les efforts policiers, le
Solliciteur général, qui, empressé parce qu'il voit un
micro, devient fou, fou et déclare n'importe quoi.
Mme la Présidente, c'est dangereux, dire que, devant les
policiers, on n'est pas obligé de se soumettre au test et, le lendemain,
écrire qu'on est obligé de se
soumettre au test. Il y en a qui ont lu la veille et qui ne liront pas
le lendemain, dans notre société, et qui vont poser des gestes
vis-à-vis des policiers. Ils vont dire: Écoute, c'est le ministre
lui-même qui l'a dit. Là, on assistera à des scènes
désagréables.
C'est très sérieux le poste de Solliciteur
général. Cela ne doit pas être confié à qui
manque de jugement n'importe quand. Je pense que ce poste exige
énormément de rigueur. Il doit être placé au-dessus
même du ministre de la Justice. Son rôle est d'assurer, partout et
en tout temps, l'application intégrale des lois et se placer en dehors
de tout soupçon d'intervention pour que justice suive son cours normal
et honnête. Je vous avoue, Mme la Présidente, là-dessus,
que je suis un petit peu inquiet. Et j'ose espérer que c'est une erreur
momentanée, que c'est une erreur que je qualifierai de mineure si le
ministre prend le soin et l'énergie de la réparer avec toute la
vigueur dont il est capable pour ne pas permettre, je pense, d'enlever
l'autorité qui est dévolue à ceux qui ont le devoir de
l'appliquer.
Je suis également très surpris que le Solliciteur
général, lui qui a vanté pendant de longues minutes, en
compagnie du député de Louis-Hébert, la qualité de
nos enquêteurs, la qualité de nos policiers, la qualité de
nos corps policiers au Québec, je suis très surpris, dis-je, de
voir ces gens ne pas exiger que la sécurité soit accordée,
par exemple, à tous ceux qui participeront au sommet francophone. Je
suis énormément surpris qu'on n'ait pas exigé que, sur
notre territoire québécois, on reconnaisse que la
compétence de nos corps policiers était suffisante pour assurer
pleine et entière sécurité à ces gens. Je suis
d'autant plus surpris, Mme la Présidente, que vous aurez remarqué
que celui-là même qui aura la charge, si cela n'a pas
été changé, qui aura la charge de la
sécurité au Québec pour tous nos visiteurs francophones,
est celui-là même qui a été reconnu coupable de
gestes en 1970 pour vol de liste de membres du PQ, de brûlage de grange,
etc. Je pense que, trop fort devant les citoyens, cela ne peut pas avoir de
crédibilité. Si le Solliciteur général,
entouré de plusieurs de ses collègues, reconnaît la
compétence, pour éviter qu'il y ait des gaffes,
précisément, c'est le Québec qui devrait avoir la pleine
et entière responsabilité.
On n'est pas Solliciteur général à moitié.
On ne se tasse pas ou on ne se laisse pas tasser par qui que ce soit qui
voudrait nous imposer des choses sur notre territoire. Il me semble que le
Solliciteur général du Québec pourrait très bien,
Mme la Présidente, imposer ses volontés, ses vues
là-dessus, faire en sorte que l'expertise québécoise
s'applique. Et on l'a l'expertise québécoise dans ce domaine. On
est capable d'assumer pleinement nos responsabilités.
Je voudrais en terminant, parce que vous me faites signe de conclure,
Mme la Présidente, vous dire que c'est nous qui avons
précisément créé la fonction de Solliciteur
général. C'est le chef de l'Opposition actuel qui y voyait un
rôle extrêmement important. C'est nous qui avons posé des
jalons extrêmement importants entre 1978 et 1986 sur la notion de
réhabilitation, sur la notion de prévention, et je suis surpris,
quoique nous voterons en deuxième lecture sur le principe de la
création d'un ministère parce que nous sommes d'accord en
principe avec sa création, mais nous regarderons avec le Solliciteur
général, en commission parlementaire... Nous allons sans doute
regarder ses devoirs et obligations pour qu'il puisse se donner un rôle
en ce qui concerne la prévention et faire en sorte que notre climat
social s'améliore davantage, Mme la Présidente. Je vous
remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader de l'Opposition.
M. le député de Lévis. (16 h 20)
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, c'est un plaisir pour moi de
parler sur le projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur
général et modifiant diverses dispositions
législatives.
Le précédent gouvernement du Parti québécois
l'avait mis en fonction afin qu'on puisse en arriver graduellement, un jour,
à créer un tel poste mais ne pas le créer de toute
pièce à partir de zéro comme s'il n'existait pas et pour
qu'on ne se retrouve pas non plus avec des conflits de ministères qui
sont toujours dangereux lorsqu'un poste est créé à partir
de rien et qu'une fois le ministre nommé, il doive arracher des morceaux
à d'autres ministères avec tout ce que cela peut supposer de
difficultés. Le nouveau Solliciteur général aura beaucoup
plus de facilités à établir son ministère, parce
qu'il aura déjà été constitué en grande
partie au cours des années passées. Ce poste est important, parce
qu'il est préférable dans un pays, sur un territoire d'avoir un
chef de la police qui est distinct du chef de la magistrature et encore plus au
Québec où il n'y a pas d'armée et où le ministre
responsable de la police a des responsabilités particulières.
Dans des situations difficiles à prévoir on ne peut pas faire
appel à une force militaire qui n'est pas contrôlée par
notre gouvernement. Ce gouvernement du Québec n'y a jamais fait appel
sauf en 1970, et l'on sait avec quelle honte les Québécois ont vu
l'occupation du territoire québécois par une année,
pendant quelques mois, parce que le gouvernement avait manqué de
courage, le gouvernement Bourassa du temps
on se le rappelle.
Aujourd'hui sur un territoire où il n'y a pas de force de
l'intérieur autre que la police, il est important qu'il y ait des
responsabilités particulières et il est important
également que les gens ne confondent pas la police et la justice. La
police joue un rôle dans l'administration des lois mais les tribunaux
doivent garder leur caractère d'indépendance; cela va permettre
aux contribuables ou aux citoyens d'arriver devant les tribunaux sans penser
qu'il y a une complicité entre la police et la magistrature. C'est
pourquoi il est important que les deux soient bien distincts et que l'ensemble
des citoyens sachent que la police est leur ami dans le respect des lois mais,
qu'en même temps ceux qui sont poursuivis devant les tribunaux sachent
qu'ils sont sur un pied d'égalité devant la magistrature. Le
Solliciteur général doit faire ses preuves d'une façon
totale et entière devant le tribunal qui est un tribunal
indépendant de la police et du Solliciteur général.
Il y a de nombreuses fonctions qui vont relever du Solliciteur
général. Je sais qu'en commission parlementaire nous aurons
l'occasion d'étudier différents aspects. Il y a un aspect qui
m'intéresse particulièrement, comme citoyen qui a toujours
été impliqué d'une façon particulière dans
les questions maritimes et intéressé à ces questions,
c'est la police sur le fleuve. J'ai eu l'occasion de constater à
différentes reprises le méli-mélo et notamment il y a
quelques années lorsque dans la région de Rivière-du-Loup
un bateau avait pris feu. À la suite d'une enquête on a vu
à quel point on s'était trouvé dans un véritable
méli-mélo où la garde côtière canadienne
n'assumait pas vraiment ses fonctions. On le sait d'autant plus que ses
principaux effectifs se trouvent dans le golfe, notamment à Summerside,
à l'Île-du-Prince-Édouard, et que c'est bien gentil, mais
quand un bateau est en difficulté, quand il y a un travail de police
à faire sur le fleuve, sur le plan de la sécurité, qui est
l'une des fonctions importantes de la police, dans les faits, les gens qui sont
en difficulté appellent d'abord la Sûreté du Québec.
En réalité, c'est à cause d'une garde côtière
inefficace, qui ne joue pas véritablement son rôle sur le fleuve
Saint-Laurent, parce que ses effectifs sont surtout positionnés dans les
provinces maritimes où il y a surtout des bateaux du gouvernement,
puisque les véritables bateaux commerciaux circulent davantage sur le
fleuve Saint-Laurent. Une photographie de la situation des bateaux au mois de
décembre, il y a quelques années, démontrait que tous les
bateaux commerciaux étaient à toutes fins utiles sur le fleuve
Saint-Laurent ou sur les Grands Lacs, alors qu'il y avait des bateaux qui
étaient la propriété du gouvernement fédéral
autour de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse, du
Nouveau-Brunswick ou autour de l'Île-du-Prince-Édouard,
mais il n'y avait presque pas de bateaux privés, ils se trouvaient
essentiellement sur le fleuve Saint-Laurent.
Le fleuve Saint-Laurent étant partie intégrante du
territoire québécois, il y a nécessité de
surveillance policière, d'activité policière sur le fleuve
Saint-Laurent. De fait, j'ai monté un dossier parce que je m'y suis
impliqué particulièrement, d'autant plus que, comme ministre des
pêches, je savais à quel point... On fait même appel, dans
certains cas, aux pêcheurs qui se trouvent en mer. Un rôle de
coordination est nécessaire tant sur la mer intérieure, comme le
fleuve Saint-Laurent, que sur la terre. D'ailleurs, j'ai remarqué dans
le projet de loi 102 qui a été déposé en Chambre
qu'on tient compte de la juridiction de la souveraineté du Québec
sur les fonds marins comme continuation des fonds terrestres. En dessous du
fleuve, il y a des fonds terrestres qui se rejoignent d'une rive à
l'autre et le gouvernement prévoit dans la loi 102 la
souveraineté du Québec sur les fonds marins qui sont en dessous
de l'eau et qui sont la continuation des fonds terrestres tant dans le fleuve
Saint-Laurent que dans le golfe du Saint-Laurent.
Il est aussi important de prévoir que, sur le plan de
l'intérieur, la coordination de l'activité policière sur
le fleuve peut avoir certains caractères importants au point de vue de
la sécurité du public. Quelqu'un qui est dans le milieu du
fleuve, entre Baie-Comeau et Matane, doit pouvoir compter au point de vue de la
prévention et de la sécurité sur certains effectifs qui
vont lui rendre les services nécessaires. À ce point de vue, dans
les faits, la meilleure organisation à laquelle font appel les gens qui
sont dans des situations difficiles, c'est justement la Sûreté du
Québec. Quand des chaloupes ne reviennent pas, quand des gens qui font
du loisir s'en vont sur le fleuve et, pour une raison ou pour une autre, sont
en difficulté, à qui font-ils appel? On me dit que, dans 90 % des
cas, il s'agit de la Sûreté du Québec.
À ce point de vue, il serait important dans les faits, pour le
gouvernement du Québec, à défaut du gouvernement
fédéral, de prendre les responsabilités qui lui incombent,
mais, comme il a décidé de garder peu d'effectifs de la garde
côtière au Québec pour la poster surtout dans les provinces
maritimes et créer de l'emploi à cet endroit, il serait important
que, dans ce projet de loi, on prévoie l'activité du Solliciteur
général, mais surtout des forces policières du
Québec sur le plan de la sécurité sur le fleuve
Saint-Laurent. C'est très important parce qu'on a connu au cours des
dernières années des drames, des morts inutiles, des naufrages
inutiles, des incendies qui ont duré plus longtemps qu'ils
n'auraient
dû, parce qu'il n'y avait pas, sur le plan de la
sécurité sur le fleuve Saint-Laurent, tous les
éléments pour assurer cette sécurité. L'organisme
le mieux placé pour le faire est la Sûreté du
Québec.
Mme la Présidente, j'ai parlé de cette question puisque,
pour différentes raisons, j'ai été souvent
mêlé aux dossiers maritimes parce que, comme député
de Lévis, on a des chantiers maritimes. C'est une question permanente.
(16 h 30)
Comme citoyen originaire du comté de Bellechasse et
résidant dans le comté de Lévis, j'ai eu l'occasion de
rencontrer de nombreux pilotes de navire qui faisaient autrefois la
remontée de Pointe-aux-Pères à Québec et maintenant
des Escoumins à Québec. J'ai eu l'occasion aussi, comme ministre
des Pêches pendant plusieurs années, de connaître les
difficultés qu'il peut y avoir pour la sécurité et la
protection des citoyens qui s'aventurent ou qui font le métier de
travailler sur l'eau.
Mais dans le projet de loi, on parle également de l'implantation
et de l'amélioration des méthodes de détection et de
répression de la criminalité. On parle également de
l'incarcération et de la réinsertion sociale des détenus.
Je dois dire, qu'à ce point de vue, je me méfie du Solliciteur
général, parce qu'à ce jour, ce qu'il a fait n'est pas une
garantie pour l'avenir, parce que c'est sous sa juridiction qu'a
été fermée la prison qui avait le plus haut taux de
réinsertion sociale, celle de la Beauce.
La prison de Saint-Joseph-de-Beauce a été fermée
alors qu'elle avait le plus haut taux de réinsertion sociale au
Québec. Mais c'est celle-là que le Solliciteur
général a décidé de fermer en premier,
malgré tous les avis qui lui ont été fournis tant par la
population locale et régionale que ceux qui ont eu à travailler
dans ce secteur et qui sont des spécialistes de la réinsertion
sociale.
Le ministre a été têtu comme une mule. Il s'est
arc-bouté et a dit non, alors que ceux qui s'occupent de
réinsertion sociale doivent d'abord être capables
d'écouter, de comprendre des problèmes. Comme disait l'auteur
Malraux dans La Condition humaine "juger, c'est souvent refuser de
comprendre."
Quand on parle de réinsertion sociale, alors que les jugements
ont déjà été apportés, il s'agit de
comprendre davantage les gens qui ont connu des difficultés. On se rend
souvent compte que ceux qu'on trouve dans des prisons n'ont pas eu la chance
dans la vie au point de départ que d'autres ont eue et qu'il y a souvent
une aide à fournir.
La prison de Saint-Joseph faisait ce travail. Le maire, la
communauté locale et les communautés religieuses avaient
même fait faire la rénovation du couvent par des détenus
qui l'avaient fait bénévolement, en grande partie.
On sait aussi que la rivière Chaudière, dans le territoire
devant Saint-Joseph, avait été nettoyée par les
détenus, à tel point que la prison pouvait s'occuper de deux fois
plus de détenus qu'il n'y avait de cellules. Pourquoi? Parce que la plus
grande partie des détenus était en pension dans la
communauté régionale. Ils faisaient des travaux communautaires et
des travaux dans la région. Les cultivateurs faisaient souvent appel
à leurs services, etc.
Le ministre n'a pas voulu... Aujourd'hui, quand je vois le mandat de la
réinsertion sociale, je dois dire que j'ai peu confiance au ministre
à ce point de vue, parce qu'il a fermé, contre l'avis de tous, la
prison de Saint-Joseph qui avait deux fois plus de détenus
affectés à la prison qu'il n'y avait de cellules.
Mais, au même moment, la prison de New-Carlisle qui avait deux
fois moins de détenus que de cellules connaissait des travaux de 1 000
000 $ pour sa modernisation. Au lieu de moderniser celle qui était
efficace, on modernisait celle qui était une des moins efficaces au
Québec, la prison de New-Carlisle où se trouve le taux le moins
élevé d'occupation de toutes les prisons du Québec. On
fermait Saint-Joseph au moment où Orsainville était une prison
pleine, où le taux d'occupation était de 100 % avec tous les
problèmes qu'on connaît dans les prisons lorsqu'il y a un surplus
de prisonniers, lorsqu'il y a un taux d'occupation totale et qu'on va mettre
dans des prisons urbaines des gens qui viennent essentiellement du territoire
rural.
Le ministre n'a pas été capable de comprendre cela et il a
décidé de fermer la prison de Saint-Joseph envers et contre tous,
Mme la Présidente. Vous remarquerez qu'il s'agit, à mon avis,
d'un geste irresponsable, d'un geste contre l'humanité, contre les
sentiments humains, alors qu'il y avait une implication vraiment
entière, complète de la population envers la réinsertion
sociale des gens qui étaient affectés à la prison de
Saint-Joseph, des gens qui venaient essentiellement du territoire
environnant.
Je suis allé visiter la prison et j'ai rencontré chaque
prisonnier qui était dans sa cellule. Les gens qui venaient de divers
milieux me disaient: Je suis content d'être à Saint-Joseph, car je
viens d'un petit village et je me serais senti perdu dans un prison de 600
personnes comme Orsainville. Je préfère être ici et faire
du travail communautaire dans une communauté locale comme celle dans
laquelle je vivais. Mais non, le ministre a décidé de la
fermer.
Deuxièmement, je trouve le gouvernement actuel insensible devant
les problèmes que l'on connaît et qui sont l'équivalent de
la fraude, du remorquage à vos frais. Sur le
territoire - et des jugements ont encore été rendus
à Montréal la semaine dernière - des gens font . du
remorquage, emmènent les automobiles le plus loin possible des endroits
où elles étaient stationnées, légalement ou
illégalement, et on fait faire du transport d'automobiles à des
firmes qui exigent ensuite des montants extravagants à des
automobilistes pour avoir transporté, sans droit, leur automobile
à des distances incroyablement éloignées pour faire plus
d'argent. Des jugements ont été rendus devant les tribunaux la
semaine dernière.
Actuellement, à Montréal, c'est une
épidémie. J'ai eu l'occasion de connaître ce
phénomène personnellement la semaine dernière. J'ai
appelé la police et elle a dit: Nous ne regardons pas cela. Comment,
leur ai-je dit, des gens vont arriver et pourraient remorquer, transporter vos
automobiles à cinq, six ou sept milles plus loin, et vous serez ensuite
obligés de payer 70 $, 80 $ ou 90 $ pour avoir votre automobile, et la
police n'a rien à voir là-dedans? Ils m'ont dit: Nous n'avons
rien à faire et nous ne faisons rien à ce sujet.
Sur le territoire québécois, à cause de
l'irresponsabilité du ministre qui ne s'occupe pas de ces questions, des
compagnies peuvent actuellement s'embarquer dans le remorquage, remorquer des
automobiles de leur propre autorité, les emmener aux garages les plus
éloignés possible pour exiger la plus haute facture possible, et
le ministre, lui, s'en lave les mains, sachant... C'est vraiment irresponsable,
Mme la Présidente.
Je trouve gentil que le ministre veuille se donner des
responsabilités, mais il devrait, au moins, bien s'acquitter des
responsabilités qu'il a actuellement et s'assurer que les
responsabilités qu'il a assumées. Actuellement, le remorquage
à vos frais équivaut à une fraude que font des
entreprises, qui ont inscrit sur l'épaule "Sûreté",
imaginez-vous, comme s'il s'agissait de la Sûreté du
Québec. J'ai l'intention de revenir sur cette question en cette Chambre,
car j'ai trouvé épouvantable que des gens puissent prendre des
automobiles, les remorquer à des distances considérables, et dire
ensuite que vous ne pourrez pas avoir votre automobile si vous ne payez pas tel
montant, et que la police dise: Nous n'avons rien à faire
là-dedans; organisez-vous avez vos problèmes.
Mme la Présidente, le rôle d'un Solliciteur
général est d'abord d'être vigilant. Le Solliciteur
général actuel n'a pas brillé par sa vigilance. Il a
surtout brillé par sa nonchalance. On remarque que, par la fermeture des
prisons, il s'est désolidarisé entièrement du territoire
rural et que son ambition semble faire au Québec l'une des plus grosses
prisons, de fermer les petites pour pouvoir dire un jour, comme je me le
rappelle, lors de l'inauguration d'une prison il y a quelques années
à Orsainville... un homme politique qui était fier d'inaugurer la
plus grande prison du Québec. Imaginez-vous le genre de fierté
qu'on peut avoir. On a l'impression actuellement que le nouveau ministre veut
indiquer qu'on n'a rien vu et qu'il a l'intention de concentrer davantage de
prisonniers dans des prisons urbaines et de fermer les prisons locales ou
régionales.
Mme la Présidente, en ville, laisser se perpétrer des
fraudes de remorquage à vos frais, alors qu'il devrait intervenir et
faire son travail pour que, dans ce domaine, ce ne soit pas de
notoriété publique, que tout le monde le sache, mais que le
ministre agisse comme s'il n'avait rien vu... (16 h 40)
Je ne veux pas être plus long, puisque mon temps est
écoulé. Nous souhaitons que ce ministère que nous avons
commencé à mettre sur pied en en créant les instruments,
au cours des années 1978, 1979 et les années qui ont suivi, comme
l'a indiqué le leader de l'Opposition, soit établi d'une
façon rigoureuse et que le ministre soit à la hauteur de la
situation.
La Vice-Présidente: Merci M. le député de
Lévis. M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Moi aussi je
tiens à intervenir sur le projet de loi 138, Loi sur le ministère
du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions
législatives. C'est un projet de loi important. Il a peut-être
seulement 48 articles, mais c'est quand même un projet important, parce
que, finalement, il permet la constitution et l'organisation du
ministère du Solliciteur général. Donc c'est important
parce que la justice est quand même un des fondements importants dans le
système dans lequel on vit, c'est-à-dire le système
démocratique. Ce projet de loi, même s'il a seulement une
quarantaine d'articles comme je vous le disais, vient modifier 21 lois. Donc,
c'est important et cela donne énormément de pouvoir au
Solliciteur général.
Je le trouve important et nous, oui nous sommes favorables. Nous sommes
favorables parce que ce n'est pas nouveau. Ce n'est pas nouveau et de ce
côté je pense qu'il y a des choses qu'il serait important de
rappeler aux citoyens. Si nous sommes en faveur c'est que nous avions
déjà enclenché le processus pour qu'il y ait au
Québec cette division entre le Solliciteur général et le
ministre de la Justice. D'ailleurs, à cet égard, j'aimerais vous
rappeler un article de La Presse du 21 mars 1984 et qui s'intitulait comme
suit: "Vers un ministère de l'intérieur." "L'Association du Parti
québécois de Montréal-centre entend proposer une
réforme en profondeur du système judiciaire
aux militants péquistes qui participeront à la fin du mois
au conseil national du Parti québécois qui se déroulera
à Québec. On proposera la création de deux
ministères. Celui de la Justice serait maintenu, mais on ajouterait un
ministère de l'Intérieur pour s'occuper des services policiers et
correctionnels, de la sécurité de l'État et de l'ordre
public."
Donc, dès mars 1984, nous proposions un ministère de
l'Intérieur qui est l'équivalent du Solliciteur
général. Si nous en avons fait la proposition il y a
déjà quelques années, c'est qu'effectivement nous y
tenions. Nous ne nous sommes pas contentés, comme parti, d'en faire la
proposition lors de nos conseils nationaux et de l'inclure dans notre
programme. Nous avons aussi posé des gestes pour qu'on puisse arriver
à avoir un poste semblable de Solliciteur général. Donc,
un de ces gestes fut que le chef de l'Opposition actuel qui était
premier ministre l'automne dernier, M. Johnson, avait nommé M.
Marc-André Bédard Solliciteur général, en 1985.
Donc, dans les faits, cela existait déjà. Cela n'est rien de
nouveau. C'est quelque chose que nous, comme ancien gouvernement, nous avions
déjà concrétisé. C'était déjà
la réalité des choses. Qu'on le reconnaisse aujourd'hui par la
création du ministère, c'est ce que je vous dis, nous ne pouvons
pas faire autrement que d'approuver cela. Nous sommes tout à fait
d'accord. D'ailleurs, on peut lire dans La Presse du 7 octobre 1985, sous la
plume de M. Jean-Guy Dubuc: "Enfin la Justice sera rationnelle." Je vais vous
lire quelques petits paragraphes, je pense que cela vaut la peine. "En nommant
M. Marc-André Bédard Solliciteur général, le
premier ministre ne fait que renouer avec une heureuse tradition des
années cinquante et soixante que M. Robert Bourassa a abolie pour
ensuite y revenir. Chez nous, le poste de Solliciteur général est
d'autant plus important que le Québec ne peut compter sur une
armée pour protéger ses citoyens en situation difficile, et que
le gouvernement hésitera toujours à faire appel aux services de
la Gendarmerie royale, même s'il paie la facture de ses services.
Ajoutons à cela l'existence de corps policiers extrêmement bien
structurés et des conflits récents qui font la preuve du pouvoir
de ces policiers." Je pourrais probablement en profiter pour féliciter
les membres de la Sûreté du Québec, qui font un très
bon travail. Ce sont des policiers compétents dans tous les domaines,
qui ont fait leurs preuves, de même que les autres corps policiers du
Québec, c'est-à-dire les corps policiers municipaux.
Donc, oui, au projet de loi 138, parce que nous, nous y croyions. Nous
en avons parlé, nous l'avons mis dans notre programme et nous avons
déjà créé le poste en nommant, il y a un an, M.
Marc-André
Bédard, à ce poste de Solliciteur général,
à l'automne de 1985.
Il y a d'autres réalisations que le gouvernement du Parti
québécois a mises en place, lorsqu'il était de l'autre
côté de la Chambre, et qui permettent d'avoir aujourd'hui le
système judiciaire que l'on connaît, qui est très moderne,
à mon avis, très avancé, et qui nous permet aujourd'hui un
pas de plus, c'est-à-dire de crééer ce ministère du
Solliciteur général.
Je vais énumérer quelques-unes des réalisations du
gouvernement du Parti québécois en ce qui concerne le Solliciteur
général, cela en vaut la peine. Il y a eu, entre autres,
l'instauration des programmes communautaires pour les personnes susceptibles
d'être condamnées à la prison. Je pense que c'est
important. Cela fait partie non seulement d'une aide qu'on apporte à des
organismes bénévoles dans différents milieux du
Québec, mais cela permet une aide sur le terrain. Cela permet, entre
autres, à des personnes de ne pas être pensionnaires de nos
prisons, ce qui, à mon avis, est quelque chose que personne ne devrait
vivre. On a plutôt instauré des programmes communautaires qui
permettaient d'exempter de la prison dans le cas d'infractions mineures.
Il y a eu aussi la création de la Commission
québécoise des libérations conditionnelles par le
gouvernement du Parti québécois, un nouveau règlement des
établissements de détention qui précise clairement, dans
un cadre juridique reconnu, les droits et obligations des détenus. Les
détenus sont des citoyens qui ont des responsabilités, des
obligations, mais des citoyens qui ont aussi des droits. Ces droits ont
été reconnus par l'ancien gouvernement du Parti
québécois, une quatrième loi qui a été
adoptée par l'ancien gouvernement afin de favoriser
l'amélioration de la justice au Québec, le droit accordé
aux détenus. Une autre: l'utilisation de plus en plus grande des
ressources d'hébergement communautaire pour détenus non violents.
Cela aussi, je pense que c'est important. Cela permet à des gens de
pouvoir vivre en communauté et cela favorise une meilleure
réintégration sociale. Cela permet à ces gens-là de
vivre comme tout le monde. Cela veut dire une certaine détention, mais
parmi la population: vivre dans des milieux de vie normaux, des milieux sociaux
reconnus. Il y a eu aussi la création d'alternatives à
l'emprisonnement pour paiement d'amendes, notamment, par l'instauration de
travaux compensatoires. Il y a eu le code de déontologie pour les
policiers et, finalement, la création de corps policiers
autochtones.
Donc, vous le voyez, on est intervenu. On s'est occupé de la
justice d'une façon très intense, parce qu'on avait une
préoccupation constante, une préoccupation
sociale, une préoccupation d'économie aussi parce que les
travaux communautaires, les libérations conditionnelles,
l'hébergement communautaire, c'est finalement moins dispendieux pour les
contribuables québécois que l'emprisonnement comme tel. Donc, on
avait une préoccupation d'économie, de justice, de
réhabilitation pour permettre aux gens qui sont dans des prisons de
travailler, de recevoir une formation, de pouvoir sortir. Cela veut dire
qu'après quelque temps en prison, si c'est plus ouvert, c'est plus
facile ensuite de se trouver un emploi et d'être reconnu comme un citoyen
égal aux autres. Oui, on est intervenu par les lois que j'ai
mentionnées qui ont fait en sorte que la justice est plus humaine au
Québec, plus moderne, mieux adaptée, avec un esprit ouvert.
On a également nommé, une année, un Solliciteur
général. On ne peut faire autrement qu'être favorables
à un pas de plus qui va dans le sens de nos préoccupations et des
gestes qu'on a posés dans le passé. Donc, nous sommes pour le
projet de loi 138.
J'aimerais aussi faire une certaine description des fonctions du
Solliciteur général. C'est important, parce que ce projet de loi
modifie 23 lois, mais il va aussi permettre au Solliciteur
général d'avoir beaucoup de responsabilités. C'est bon que
la population, les intervenants spécialement touchés,
c'est-à-dire les corps policiers, les gens qui sont dans les
pénitenciers, dans les centres de réhabilitation, les prisons,
les conseils municipaux qui ont des corps policiers à leur charge,
soient informés des pouvoirs qui vont dépendre du Solliciteur
général, de façon à être en mesure de
s'adresser à la bonne personne lorsqu'ils auront des interventions ou
des demandes à faire ou des problèmes à régler,
qu'ils sachent qu'ils doivent s'adresser non pas au ministre de la Justice,
mais au Solliciteur général. (16 h 50)
Dans ce projet de loi, à l'article 9, on retrouve les fonctions
importantes qui seront sous la responsabilité du Solliciteur
général. Il est bon d'en nommer quelques-unes parce que cela
touche les corps policiers municipaux, comme je le disais tantôt, cela
touche aussi la population en général. Parmi les
responsabilités qui seront données au Solliciteur
général par le projet de loi 138: assurer ou surveiller, suivant
le cas, l'application des lois relatives à la police.
Deuxièmement, favoriser et promouvoir la coordination des
activités policières. C'est important, c'est, je pense, une
responsabilité à la fois sociale, de justice et
économique. Une bonne coordination a l'intérieur des
activités policières, c'est très important. Parmi ces
responsabilités, il y a aussi celle de maintenir un service de
documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état de
la criminalité et l'efficacité de l'action policière. Cela
semble souvent plus ou moins important pour les citoyens de tenir des
statistiques et de la documentation, mais c'est très important, parce
que c'est à partir de cela que l'on peut évaluer si les gestes
qui sont posés, si les décisions qui sont prises, si les lois qui
sont votées sont correctes, vont dans la bonne direction et ont
effectivement les effets prévisibles ou désirés lorsqu'on
dépose un règlement ou une loi. Donc, on devra maintenir un
service adéquat et à jour.
Le ministre aura aussi la responsabilité d'administrer les
établissements de détention.
M. Brassard: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je m'excuse auprès de mon collègue,
mais nous n'avons malheureusement pas quorum.
La Vice-Présidente: Si vous me le permettez, je vais
vérifier, M. le député de Lac-Saint-Jean. Effectivement,
je constate qu'il n'y a pas quorum; donc, qu'on appelle les
députés.
Maintenant que nous avons quorum, je vous demanderais, M. le
député de Shefford, de bien vouloir continuer.
M. Paré: Merci, Mme la Présidente, je vais donc
poursuivre. J'étais rendu à une autre responsabilité qui
sera confiée au Solliciteur général par l'article 9 du
projet de loi 138: Administrer les établissements de détention.
Cela, c'est important aussi. J'espère que le passé ne sera pas
garant de l'avenir dans ce secteur des responsabilités du nouveau
Solliciteur général parce que, depuis le 2 décembre
dernier, ce qu'on a surtout appris, cela a été des
fermetures.
Comme le disait mon collègue de Lévis tantôt, on
trouve cela un peu dommage et on se demande sur quoi reposent des
décisions semblables, quand on sait qu'à la prison de
Saint-Joseph-de-Beauce, entre autres, on y trouvait le plus haut taux de
réinsertion sociale. Quand des institutions ont fait leur preuve, sont
importantes dans le milieu, répondent à tous les critères
de qualité et d'efficacité, comment peut-on justifier des
décisions semblables? Je ne comprends pas.
Chez nous aussi, on a fait la même chose, dans mon coin, en
annonçant la fermeture de la prison de Cowansville, en la rouvrant et en
annonçant de nouveau qu'elle sera effectivement fermée. On ne
sait pas dans combien de temps, c'est probablement une décision qui a
été prise à la vapeur. Tout est transféré
à Waterloo. Je ne peux
faire autrement que dire au Solliciteur général que s'il y
a fermeture à Cowansville, au moins que les pensionnaires et les
travailleurs de ce pénitencier soient transférés à
Waterloo. Je suis tout à fait d'accord, parce que je dois dire que le
Centre de réhabilitation de Waterloo est vraiment un centre qui donne
une excellente formation aux gens qui y sont. C'est un centre ouvert qui permet
une réinsertion sociale aux détenus, parce qu'ils peuvent aller
travailler, ils peuvent être formés par un personnel
compétent.
Donc, si le transfert se fait - je dois dire que je l'espère -
vous n'aurez certainement pas d'objection de la part des gens de chez nous,
puisque cela se fait dans un centre qui est aussi reconnu, bien coté et
qui donne un service de qualité.
Une autre responsabilité qui sera dévolue au Solliciteur
général par le projet de loi 138: Assurer la disponibilité
des services d'agents de probation et surveiller l'exécution des
ordonnances de probation; ce qui est très important pour aller justement
dans le sens de la réinsertion sociale.
Il devra voir aussi à la surveillance de la circulation
routière. Je dois dire, si on se fie aux autres projets de loi qui ont
été déposés par son collègue, le ministre
des Transports, qu'il va y avoir de plus en plus de vérifications, parce
que les lois sont de plus en plus sévères ici, au Québec,
que ce soit pour que les gens s'attachent, y compris sur la banquette
arrière, que ce soit, maintenant qu'on sera plus attentifs à
toutes les lois, que les charges seront plus élevées et, qu'en
plus, les fonds perçus à cause des pénalités seront
donnés aux municipalités... On peut s'attendre à ce qu'il
y en ait davantage. Je vais donc inviter les citoyens à être de
plus en plus prudents parce que les policiers seront de plus en plus aux aguets
au Québec avec les lois adoptées.
Une autre responsabilité, c'est de voir à ce que des
recherches soient faites par les coroners sur les causes et les circonstances
des décès, ce qui est déjà une
responsabilité qui existe et qui est reconnue, encore une fois, au
Solliciteur général; voir à ce que les commissaires aux
incendies effectuant des recherches sur les dommages causés aux
bâtiments par des incendies ou des explosions, de façon à
déterminer si ces dommages résultent d'une conduite de nature
criminelle. Il est tout à fait normal que ce soit dévolu au
Solliciteur général. Délivrer, renouveler, suspendre ou
révoquer les permis d'agents ou d'agences d'investigation ou de
sécurité. Cela se fait actuellement par le Solliciteur
général, même si le ministère ne sera formé
que par la loi. C'est une autre chose importante parce qu'on disait
tantôt qu'il y avait un mandat de coordination des activités
policières. Je pense que cela fait partie des activités et qu'il
est important de s'assurer que les gens qui ont ces permis répondent
effectivement à des critères très importants et assez
élevés. C'est important, ces gens-là ont un rôle
à jouer dans la société.
Le Solliciteur général a aussi à voir au
contrôle de la circulation et de la vente des boissons alcooliques,
notamment par l'intermédiaire de la Régie des permis d'alcool du
Québec, mais sous réserve des attributions du ministre de
l'Industrie et du Commerce ainsi que de la Société des alcools du
Québec. Donc, c'est important, parce qu'on sait que l'alcool, est la
cause de beaucoup d'accidents au Québec. II y a une
responsabilité importante dévolue au ministre des Transports mais
aussi au Solliciteur général. Le ministre aura aussi à
remplir toute autre fonction qui lui sera dévolue par le gouvernement.
C'est donc un rôle très important pour la société
québécoise, comme je le disais au début de mon
intervention, étant donné que la justice est un des fondements
même de notre système démocratique.
En terminant, je souhaite bonne chance au ministre. Comme je le disais,
en espérant que son passé tout récent ne sera pas
nécessairement garant de l'avenir... Comme je l'ai mentionné,
c'est très important, parce qu'il a une responsabilité face
à toute la population dans plusieurs secteurs. C'est la raison pour
laquelle je lui souhaite bonne chance même si, en commission
parlementaire, nous interviendrons pour nous assurer que cette loi sera la
meilleure possible puisque cela touche la sécurité de tout le
monde et que c'est la justice.
Je termine, tout comme plusieurs de mes collègues l'ont fait, en
espérant que le ministre profitera du dépôt du projet de
loi 138 qu'on étudie présentement pour essayer de rapatrier la
responsabilité de la sécurité au Québec lors des
événements internationaux. Je pense que c'est important. Et,
comme je le disais tantôt, on peut féliciter nos forces
policières au Québec qui ont fait leurs preuves, qui sont
compétentes. On peut leur faire confiance, et, comme on a maintenant un
ministre de la Justice et un Solliciteur général, avec des
rôles bien précis pour chacun et des responsabilités
importantes, je pense qu'on peut se permettre de rapatrier tout ça et
d'agir comme des gens responsables, comme des gens capables, ce que nous sommes
d'ailleurs. Je pense que cela serait important, non seulement pour l'image
qu'on peut donner sur le plan international mais parce qu'on a les
compétences. Je pense que c'est important qu'on prenne nos
responsabilités et que, comme peuple et comme gouvernement de ce peuple
québécois, on soit capables nous-mêmes de se donner la
protection qui est indispensable pour la population du Québec et pour
nos visiteurs. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Shefford.
M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci, Mme la Présidente. Il m'est
agréable de prendre la parole sur le projet de loi 138 créant le
poste de Solliciteur général de façon officielle.
Connaissant la personne qui détiendra ce poste, je prends la parole pour
faire quelques mises en garde. (17 heures)
On sait que c'est un poste qui a été tenu en dernier lieu
par M. Marc-André Bédard, un homme noble, valeureux,
d'expérience, un homme digne, un homme qui avait le potentiel pour
remplir un poste de cette qualité. Et n'allez pas croire, Mme la
Présidente, que je veuille douter de la qualité de celui qui
vient. Ce préambule n'est pas dans ce but. C'est pour dire que ce poste
s'ouvre et celui qui le remplira devra y penser deux fois avant de voter pour
ce projet de loi, parce que ce sont des responsabilités énormes
qui l'attendent. Je me demande, à la seule nomenclature des
responsabilités de ce poste, si cela ne découragerait pas le plus
extraordinaire des avocats du monde.
Je vais passer la première responsabilité pour y revenir
plus précisément en dernier, parce que je crois que c'est la plus
importante.
La deuxième responsabilité, c'est que le Solliciteur
général assure et surveille l'application et la coordination des
activités policières; cela implique 12 000 personnes. C'est une
grosse responsabilité parce que la police est souvent mal perçue
par certains groupes de personnes dans la société. La police est
souvent perçue comme une justicière tandis qu'elle est une
protectrice. Le nouveau Solliciteur général devra, je crois, voir
à la valoriser davantage, parce qu'elle est protectrice et non pas
là pour être punitive. Le Solliciteur général aura
à valoriser, dans l'esprit de chacun des Québécois et des
Québécoises, ce côté de protection que la police
doit dégager, parce que c'est son rôle principal.
Troisièmement, maintenir un service de documentation et de
statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité
du Québec. Ça, c'est un phénomène qui existe dans
toutes les provinces. Il y a de la criminalité et on doit être
renseigné afin d'apporter les remèdes à cette
criminalité toujours trop grande.
La quatrième responsabilité du Solliciteur
général, c'est d'administrer les établissements de
détention. Je sais que je n'en parlerai pas trop longtemps à
cause des circonstances dans lesquelles on voit arriver le nouveau Solliciteur
général, à cause des coupures dans les budgets des
prisons, dans les postes de détention. Je sais que cela lui fait mal de
voir cela et je ne suis pas un gars qui veut tourner le couteau dans la plaie
pour rien. Je sais que des confrères l'ont déjà fait et je
vois que, déjà, le Solliciteur général a les yeux
rougis. Alors, je ne voudrais pas en mettre davantage.
Cinquièmement, Mme la Présidente, il doit assurer les
services d'agents de probation et surveiller l'exécution des ordonnances
de probation. C'est aussi une tâche assez compliquée, mais plus
facile que la précédente. Elle cause moins de
préoccupations au Solliciteur général en devenir qui
siège devant moi.
Sixièmement, le Solliciteur général doit voir
à la surveillance de la circulation routière avec les ambitions
du Conseil du trésor, avec les lois assez cupides du ministre des
Transports. Je vois que le Solliciteur général deviendra vite
très impopulaire et c'est pour cela que je lui fais une mise en garde.
Ce poste sera un poste cible pour les critiques des conducteurs, des chauffeurs
sur la route.
Septièmement - c'est comme les sept plaies d'Égypte;
chaque responsabilité s'ajoute au fardeau. Je vois que, de l'autre
côté, le Solliciteur général, de plus en plus, ouvre
les yeux - il doit voir à ce qu'il soit fait des recherches par les
coroners, comme on les appelle couramment, sur les causes et les circonstances
des décès. Je ne reviendrai pas ici sur les différentes
autopsies qui sont pratiquées dans le cas d'incidents malheureux dans le
coin de Tadoussac, mais il demeure quand même que, là, c'est
encore un point noir pour le Solliciteur général en devenir,
officiel.
Huitièmement, le Solliciteur général doit voir
à ce que les commissaires aux incendies effectuent des recherches sur
les dommages causés et vérifient s'il n'y a pas . source
criminelle d'incendie. Encore une lourde charge qui attend ce jeune avocat du
Québec.
Neuvièmement, délivrer, renouveler, suspendre et
révoquer les permis d'agence ou d'agent d'investigation ou de
sécurité. Cela est un peu moins difficile, mais, pour les fins de
semaine, cela le tiendra un peu occupé.
Dixièmement, le contrôle de la circulation et de la vente
des boissons alcooliques. La Régie des alcools, non comme mon
grand-père le disait, des "alcools", mais la Régie des alcools.
Alors, la Régie des alcools, parce qu'il peut y avoir d'abord la
fabrication d'alcool frelaté, il peut y avoir aussi vol et rapine
d'alcool dans différentes institutions de sorte que nous évitions
la taxe. Ce sont toutes des choses à surveiller par le Solliciteur
général.
Ensuite, on dit à onzièmement que le solliciteur devra
remplir toute fonction que
daignera lui attribuer le premier ministre.
Je vous disais qu'après avoir lu cela, si j'étais celui
qui est en devenir - je ne le peux pas parce que je ne suis pas avocat et,
raison majeure, je ne suis pas au gouvernement non plus - eh bien, en regardant
toutes ces responsabilités, je me demande si je voterais pour une telle
loi. Surtout que la responsabilité numéro un, qui est la
sécurité publique, dans le contexte dans lequel nous vivons, j'y
penserais à deux fois avant de voter pour une telle loi si
j'étais l'élu d'un tel poste parce que cela ne prendra pas que
des qualités, cela va demander du courage, du cran, de la renonciation
et beaucoup, mais beaucoup de générosité apparente, parce
que le rôle qu'il tiendra comme Solliciteur général, il ne
le tiendra pas au sein d'une formation qui défend les faibles et les
opprimés, il le sera au sein d'une formation qui s'appelle "Business
Quebec Inc.", et cela porte des obligations terribles pour un Solliciteur
général, parce que cette philosophie est provocatrice, elle est
provocatrice de chahut social, de chaos social. Et à qui reviendra la
responsabilité de voir à ce que la paix règne le plus
possible sur le territoire québécois? Eh bien! au solliciteur en
devenir.
Il ne faut jamais qu'il oublie qu'il fait partie d'un gouvernement qui
sème, par ses gestes et sa philosophie, l'intolérance, qui est
provocatrice de manifestations extérieures. Les gens, quand on est
intolérant à leur endroit, manifestent de façon bruyante
et de façon qu'on ne peut pas qualifier de civilisée. Mlais,
quand on fait partie d'un gouvernement qui a une philosophie de provocateur, eh
bien, à ce moment, c'est extrêmement difficile de remplir ce
rôle en devenir. Il est toujours temps de renoncer pour lui. Mais, pour
ce rôle en devenir, je sais qu'il est paré d'une limousine, d'un
excellent salaire et d'égards sociaux qui ne sont pas à
négliger dans le contexte britannique dans lequel nous vivons, mais il
demeure quand même qu'il fait partie d'un gouvernement qui sème
cette insécurité, insécurité en ne respectant pas
la majorité francophone que nous sommes. Et, lui, je sais pertinemment
que cela le touche énormément, mais il aura à
défendre la minorité provocatrice par son rôle de
Solliciteur général quand les moments que je ne désire pas
arriveront, parce qu'en semant le vent, en semant le vent et en semant le vent
et en semant le vent, on récolte la tempête.
Je le répète, en semant le vent. Pas juste une fois. Vous
le semez dans toutes vos lois, dans toutes vos attitudes et dans l'esprit qui
se dégage de ce gouvernement. Vous êtes des semeurs de troubles
sociaux. C'est ce que vous êtes. Et cela ne prend pas un grand analyste
pour voir poindre cet ouragan à travers toutes ces lois discriminatoires
que vous nous amenez.
(17 h 10)
Vous devrez défendre la sécurité publique, pour ce
gouvernement, M. le Solliciteur général. La
sécurité publique d'un gouvernement qui ne respecte pas la
majorité qui l'a élu, autant en éducation, autant en
affichage, autant par la protection des illégaux, autant du
côté linguistique que du côté environnemental. Ce
n'est pas scandalisant que de le dire, c'est de le faire, madame, que vous
devriez être scandalisée. Juste à l'entendre, je vois que
certaines personnes de l'autre côté sont scandalisées
d'entendre cela.
Ce n'est que le bout de l'iceberg du problème provoqué par
la langue. Ce n'est que cela. N'oubliez jamais - je trouve cela incroyable -
qu'une ministre qui communique au Québec avec les minorités
culturelles en anglais seulement, quand je l'avise qu'elle devrait surveiller
ses gestes provocateurs, qu'elle se mette à rigoler. Eh bien, sachez,
madame... Mme la Présidente, j'aimerais bien que vous disiez au ministre
de l'Immigration qu'elle devrait savoir qu'à trop longtemps provoquer,
on sème l'émeute. Ensuite, ce sera un rôle
extrêmement difficile à tenir et cela prendra un courage...
Une voix: Inouï.
M. Blais: ...merci pour l'adjectif inouï, on me souffle
inouï.
On voit que ces gens connaissent la situation dans laquelle ils sont
à s'engouffrer. Ils le font de façon rationnelle, c'est ce qui
les rend plus coupables. Ils s'en rendent compte en plus et elle rit, et elle
rit, et elle rit. Moi, je trouve cela presque scandaleux. Aussi, vous allez
avoir à surveiller l'ordre social parce que vous avez fait miroiter
à la jeunesse une prospérité générale, une
prospérité totale que vous ne pouvez pas lui donner. Cela est un
autre sillon où l'on sème la provocation. Autant dans les
coupures des subsides sociaux, le BS, qu'on appelle, non indexé, sauf au
bout de l'année où vous leur faites perdre 30 000 000 $ aux
bénéficiaires de l'aide sociale. En ayant promis aux jeunes
d'indexer plutôt...
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je conçois que lorsqu'on n'a rien à
dire au sujet d'un projet de loi, on fasse des procès d'intention ou des
discours-fleuves sur l'ensemble des politiques du gouvernement, mais j'aimerais
que le député se rappelle qu'il s'agit ici d'un projet de loi
présidant à la création du ministère du Solliciteur
général. Je conçois également qu'on puisse,
à titre d'exemple, illustrer ses propos en parlant de la situation
appréhendée ou peut-être souhaitée du
côté de l'Opposi-
tion. Parfois, je me pose la question. Mais je crois qu'il n'est pas
pertinent de faire porter l'ensemble de l'intervention qu'on fait lors de
l'adoption d'un projet de loi comme celui-ci sur tout, excepté sur
l'objet du projet de loi. Je souhaiterais, Mme la Présidente, qu'on en
revienne au sujet.
La Vice-Présidente: Là-dessus, effectivement, M. le
député de Terrebonne, connaissant votre verbe, il vous serait
facile de revenir à l'adoption du principe du projet de loi 138 ayant
trait à la mise sur pied du ministère du Solliciteur
général. Là-dessus, M. le député de
Terrebonne, je vous cède la parole.
M. Blais: C'est bien sûr que je vais me conformer à
votre directive parce que j'étais dans cette voie avant que M. le leader
du parti au pouvoir vienne me demander de me conformer au règlement.
Nous sommes ici à discuter du projet de loi 138. Nous créons un
ministère. Nous créons un poste de Solliciteur
général et je demande à celui qui occupera ce poste:
Est-ce que vous devriez voter pour ce projet, parce qu'il comprend
d'énormes responsabilités? Si je ne suis pas dans le corps du
sujet en discutant comme je le fais, il n'y a pas de corps qui tienne, madame.
Tout est mollusque ici-bas. Oui, il faut y penser deux fois avant de voter pour
un projet de loi si on est le titulaire. Moi, en tant que citoyen, c'est
très heureux, connaissant les compétences de cet homme, qu'il
accepte de voter pour cette loi. Mais, je me sens obligé de lui dire,
à cause du gouvernement dont il fait partie, de faire bien attention
à lui. Ce sont des responsabilités énormes.
Aussi, chez les jeunes, l'incertitude concernant le gel de leurs frais
de scolarité. Pensez-vous que cela ne provoquera pas des incidents
sociaux d'être Solliciteur général et de regarder cela?
Pensez-vous que c'est tentant d'accepter le poste quand on est soi-même
partie de cette semence provocatrice? J'y penserais deux fois, moi. Oh, que j'y
penserais! Ah, Seigneur! Je préfère être de ce
côté-ci. Je préfère être de ce
côté-ci.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez continuer, M.
le député de Terrebonne.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Blais: Mme la Présidente, c'est bien sûr que les
gens ne voient que celui qui discute à l'Assemblée. Parfois, il
se passe des choses autour qui peuvent nous porter à un peu
d'hilarité. Ce n'est pas que le sujet ne demande pas un sérieux
total et absolu. Aussi, M. le Solliciteur général en devenir,
j'espère que vous reprendrez à votre charge les revendications de
M. Jérôme Choquette, qui, dans le début des années
soixante-dix, revendiquait une part du gouvernement fédéral pour
payer notre police, qui, à l'époque, s'élevait à
750 000 000 $. Et de 1972 à 1987, cela fait une quinzaine
d'années. Si je compte bien, la part que le fédéral nous
doit va certainement être triplée, être près des 2
000 000 000 $. Cela ferait du bien à votre faux déficit de 1 700
000 000 $ si vous allez chercher cela. Vous régleriez cela d'un coup
sec, M. le Solliciteur général. C'est une belle
responsabilité pour le Solliciteur général en devenir.
Cela, c'est une belle charge. Cela pourrait plaider en faveur de voter pour ce
projet de loi et d'accepter le poste.
Ensuite, je regarde l'immense tâche que le Solliciteur
général aura à faire. Remettre de l'ordre dans tout le
service policier, d'abord. Là-dessus, je sais que vous allez accepter le
poste. Je vois votre risorius complètement agrandi. C'est donc que ce
poste vous tente. Vu que je ne veux pas qu'on me traite de psittacisme, je vais
tout simplement vous dire que je suis très heureux, pour vous valoriser,
que vous acceptiez ce poste parce qu'il faut...
Et même dans mon propre comté, il me reste encore une
ville, M. le Solliciteur général, qui n'a pas de police, une
ville d'environ 6000 habitants. J'aimerais que, pour toutes les villes du
Québec qui ont des services policiers et qui ont un nombre suffisant
pour avoir leur propre police, bien, que le Solliciteur général
applique la loi. Mme la Présidente, on me fait signe de tous
côtés. Bien, cette loi est bien rédigée. Je vais
voter pour cette loi, mais j'aimerais bien que, dans deux ans ou deux ans et
quelques mois, quand vous retournerez en élections - c'est le terme que
vous faites, trois ans d'habitude, trois ans et demie - que vous applaudissiez
autant parce que votre philosophie provocatrice n'aura pas donné les
dommages appréhendés que je ne souhaite guère. Merci, Mme
la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne. M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux
d'intervenir sur le projet de loi 138, Loi sur le ministère du
Solliciteur général et modifiant diverses dispositions
législatives, il ne faudrait pas l'oublier, en passant. (17 h 20)
Tout à l'heure à la suite du leader adjoint qui a parti la
claque - comme on dit - j'ai l'impression qu'il y a des gens, de l'autre
côté, qui se sont mis à applaudir sans d'abord savoir
pourquoi; ils étaient occupés à
d'autres fonctions d'écriture ou de lecture.
Ce matin je donnais une conférence de presse dans ma
région. Je disais que les gens de ma propre région étaient
des gens qui ne parlaient pas à l'Assemblée nationale, à
part le député d'Arthabaska, que je vois là-bas, qui parle
quand il a son "fan club". Les autres, dans la majorité des cas, ne
parlent jamais. Nous avons des problèmes.
Le député de Beauce-Nord - l'autre jour, il parlait sur la
loi 150 Loi sur les forêts et on aura l'occasion d'y revenir ce soir je
pense - n'intervient pas, il ne dit pas un mot sur certaines décisions
qui ont été prises, dans sa région comme dans la
nôtre, par le Solliciteur général.
Donc, il y a des gens dans ma région qui ne participent pas
à ce débat qui est quand même très important. Le
ministre, quand il a été placé à ces fonctions, a
eu le mandat - du moins, s'il ne l'avait pas, il l'a dégagé, mais
tout s'enclenchait dans ce sens - de faire une loi constitutive de son
ministère, de rapatrier l'ensemble des droits et des obligations qu'un
ministre doit avoir. Il a donc demandé à ses fonctionnaires de
lui préparer, à partir des idées que le Conseil des
ministres avait lancées et que lui-même, comme ministre, avait
amenées, un projet de loi à déposer devant cette
Assemblée, qui constitue et donne de façon juridique, à
partir d'un cadre législatif, le ministère du Solliciteur
général. Je dis cela parce qu'il ne faut pas oublier que, dans le
passé, des gestes ont été posés, des
décisions ont été prises qui, dans les faits, amenaient le
poste qu'il occupe. Maintenant, il a la mission de le placer dans un cadre
légal, pour éviter les chevauchements et pour éviter en
même temps, de la part du ministre de la Justice, certaines
possiblités de dilemme quant à la façon de régler
certains problèmes, car dans bien des cas, c'était toujours le
même personnage qui occupait, à la fois, le poste de ministre de
la Justice et celui de Solliciteur général.
Il faut faire une distinction importante. Le Solliciteur
général a la responsabilité de la sécurité
publique qui comprend la police, les enquêtes, la détention et la
probation. Quant à celui qui occupait dans le passé le poste de
ministre de la Justice et en même temps que celui de Solliciteur
général... On comprend très bien que le ministre de la
Justice, de son côté, doive se préoccuper de toutes les
affaires législatives comme les lois et les règlements,
l'administration des tribunaux, la Charte des droits et libertés de la
personne et le Code civil. Quand on fait cette distinction et que l'on fait en
sorte que maintenant deux personnes occupent ces deux postes, il faut
nécessairement en arriver à la mise sur pied d'un
ministère du Solliciteur général.
Pour nous, au Québec, le poste de Solliciteur
général est d'autant plus important que le Québec ne peut
compter sur une armée pour protéger ses citoyens en situation
difficile; on l'a vu dans le passé. Le gouvernement n'hésitera
pas à demander l'aide de la Gendarmerie royale tout en payant la
facture. On pourrait peut-être rappeler au ministre à ce sujet
qu'effectivement des décisions ont été prises par ce
gouvernement à la suite de discussions avec le gouvernement
fédéral au sujet de la venue d'un sommet francophone important
ici, au Québec. Nous savons selon les renseignements que nous
possédons et que tout le monde possède maintenant et que les
journaux avaient rappelés à l'époque, que c'est la
Gendarmerie royale qui sera chargée, sur le territoire du Québec,
de cette responsabilité de la sécurité du public qui
viendra de partout au monde et des personnes qui sont invitées au
sommet. Je pense qu'il faut rappeler que le Québec semble avoir
accepté - du moins, on croit comprendre qu'il l'a accepté comme
tel - que cette responsabilité, au lieu d'être accordée et
d'être demandée à la Sûreté du Québec,
soit remise entre les mains de la Gendarmerie royale du Canada. On peut donc
demander au ministre - je suis assuré que les gens qui participeront
à la commission parlementaire de notre côté le feront -
pourquoi dans les faits ne pas rapatrier ce pouvoir qui semble, jusqu'à
maintenant du moins, nous échapper. Pourquoi ne pas le rapatrier au
Québec et donner à la Sûreté du Québec cette
responsabilité qu'elle est capable d'assumer dans la mesure où on
lui donnera les moyens de le faire, dans le contexte où c'est au
Québec, sur son territoire, que se tiendra ce sommet francophone?
Dans les heures qui suivront, je pense que le ministre aura l'occasion,
probablement au courant de la soirée, comme le leader du gouvernement
l'a dit tout à l'heure, après la période de questions,
quand il a annoncé les commissions, de discuter de ce point avec notre
porte-parole, le député de Taillon, en commission parlementaire
dès ce soir. Avec l'appui de l'Opposition, cela pourrait être
intéressant et valable unanimement, de la part du gouvernement et de
l'Opposition, d'en arriver à rapatrier au Québec cette
responsabilité que la Sûreté du Québec est
prête à prendre et est capable d'accomplir.
Je suis sûr que le ministre a été dès le
départ mis au courant d'un problème. Je ne veux pas à ce
moment dire que nous aurions dû le régler ou pas. Le ministre est
conscient des problèmes que comporte le fait de mettre en place une
police municipale dans des lieux de plus de 5000 habitants ou d'enlever celle
qui se trouve dans des municipalités de moins de 5000 habitants. Le
député de Terrebonne faisait mention d'une municipalité
qui, chez lui, n'a pas accepté. Je pourrais parler de ma région
aussi. De la même façon, le ministre est certainement
au courant du problème de Pointe-du-Lac, de la police de
Trois-Rivières-Ouest et de la fameuse discussion qui a toujours lieu et
qui dure encore dans le comté de Laviolette. J'aurais aimé
entendre le député de Saint-Maurice ici aujourd'hui souligner
cela au ministre.
Mme la Présidente, vous ne le savez peut-être pas parce que
vous n'êtes pas de ma région, mais les gens de ma région le
savent. Ceux de l'extérieur de ma région ne le savent pas, mais
j'ai un parrain. Je suis le seul député de la région
à avoir un parrain. Je prends le mot avec un grain de sel, vous le
savez, Mme la Présidente. Le parrain du comté de Laviolette,
semblerait-il, est le député de Saint-Maurice. Cependant, le
député de Saint-Maurice aurait pu prendre la parole ici ce soir,
cet après-midi ou la semaine dernière, et il aurait pu faire
mention au ministre qu'il y a encore un problème qui perdure et qui
n'est pas facile à régler, j'en conviens. Je ne veux pas, au
moment où j'en parle, lui dire qu'il a tort ou qu'il a raison. Je veux
juste le mettre au courant que ce problème existe encore. Il s'agit du
corps policier de la municipalité de Saint-Tite. Les policiers et les
gens ont fait des pressions pour ne pas qu'il disparaisse puisque la
municipalité a moins de 5000 habitants. J'avais amené la
discussion au niveau du ministre qui agissait à l'époque comme
Solliciteur général à la justice et ce problème
était toujours en discussion jusqu'à ce qu'une décision
soit prise dans les derniers mois de 1985: la municipalité ayant eu
à discuter de ce problème de différentes façons
avait décidé de tenir un référendum. Le
référendum a donné le résultat que les gens de la
municipalité avaient demandé, que la police de Saint-Tite soit
abolie et que la Sûreté du Québec, comme partout ailleurs
dans les municipalités de moins de 5000 habitants, donne les services
appropriés. Cependant, il est évident - le ministre le sait - que
les yeux de tous les corps policiers municipaux au Québec sont
rivés sur une décision qu'il aura à prendre dans le cas de
Saint-Tite, mais je pense qu'effectivement le ministre, à ma
connaissance, ni par le député de Saint-Maurice, ni par les
réponses qu'il a pu donner à la municipalité, n'a pris de
décision dans ce dossier. Je l'invite donc, compte tenu qu'il sera
ministre responsable maintenant légalement au moment où la loi
sera adoptée, de vraiment se pencher sur ce dossier et de prendre une
décision: ou il garde le corps policier, ou il l'abolit, mais c'est
à lui à prendre cette décision. (17 h 30)
Je dois rappeler au ministre que la population avait pris une
décision et que le nouveau conseil municipal - puisqu'il y a eu beaucoup
de changements lors de la dernière élection dans ce conseil, le
maire de la municipalité ne s'étant pas représenté,
un autre est arrivé... il y a aussi dans cette municipalité une
demande en ce sens: qu'est-ce que le ministre va décider?
Un autre cas qui est peut-être plus difficile, puisqu'il n'y a pas
de corps policier, c'est le secteur de mon lointain pays, que j'appelle, dans
mon comté, mon vaste comté, la municipalité de Clova.
À Clova, il y a eu des problèmes. Je remercie le ministre
d'avoir, avec diligence, fait les interventions qui s'imposaient pour faire en
sorte qu'on protège une population qui est vraiment lointaine et, en
même temps, qui a des problèmes que le ministre connaît,
j'en suis assuré. Je parle de lieu où il y a à la fois des
autochtones et les autres personnes qui forment ce secteur. Je dois lui dire
que cet hiver, à moins que le ministre des Transports ne prenne une
décision au plus vite, à moins que même le ministre qui est
votre voisin de droite, le ministre délégué aux
Forêts, n'en prenne une lui aussi qui pourrait peut-être permettre
d'ouvrir la route entre Clova et la route 117, c'est-à-dire... Le
ministre délégué aux Forêts connaît
très bien ce secteur, madame, puisqu'il est ministre et ingénieur
forestier, il doit savoir qu'entre Clova et le camp club qu'on appelle Lac
Ottawa, la route sera fermée à la prochaine tempête de
neige, puisque le ministre des Transports refuse jusqu'à maintenant
d'ouvrir le secteur en disant qu'il y a un secteur aéroportuaire,
semblerait-il, un aéroport, et le train.
Je dois rappeler qu'un problème va exister si jamais la route est
fermée dans le contexte où, le ministre le sait très bien
-il y a eu de problèmes très violents l'an dernier et les gens
ont demandé l'aide du Solliciteur général pour que la
Sûreté du Québec se rende le plus rapidement possible dans
le secteur. C'est l'une des tâches que le ministre a à accomplir,
donner à ces personnes l'assurance d'une tranquillité certaine.
Cette assurance... si jamais la route était fermée,
l'aéroport ne fonctionne pas l'hiver, quoi qu'en dise le ministre des
Transports, l'aéroport avec flotte ne fonctionne pas non plus l'hiver.
Pendant plusieurs mois où la glace n'est pas prise sur les lacs, les
skis ne peuvent fonctionner que ce soit à l'automne ou au printemps, il
y a donc des problèmes qui peuvent surgir, surtout quand on
connaît ce qui s'est passé l'an dernier.
Quant au train, simplement pour le rappeler à tout le monde, il
n'y va que trois fois par semaine et, déjà, Via Rail annonce
qu'elle veut faire des réductions et possiblement que le train ne s'y
rendra qu'une fois par semaine. Effectivement, des gens ont droit à des
services. Le ministre l'avait reconnu l'an dernier. Je le mets simplement,
compte tenu qu'il aura des responsabilités prévues pas la loi, au
courant qu'il est important qu'il voie à parler à ses
collègues pour que la route soit au moins ouverte pour
que les gens puissent s'y rendre, s'ils ne peuvent y aller ni par train
ni par avion.
J'aimerais aussi parler d'un secteur qui est à 35 milles au sud
de Clova, le secteur de Parent. Il y a des problèmes et des
difficultés là où la Sûreté du Québec
ne se rend pas tous les jours et où elle doit donner certains services
et où elle doit, dans certaines circonstances, prendre des moyens assez
rapides pour s'y rendre. Je pense qu'effectivement le ministre aura à se
pencher sur les problèmes qui peuvent surgir à Clova et à
Parent en plus. À Parent, je veux seulement rappeler au ministre qu'il y
avait eu des difficultés, à l'époque, pour les gens qui
travaillaient pour le département de santé communautaire qui est
devenu depuis ce temps, le CLSC de la Haute-Mauricie, où les
infirmières refusaient d'aller travailler, compte tenu des dangers qu'il
y avait du fait que certaines personnes amenaient du trouble dans la
municipalité de Parent.
J'aimerais rappeler à ses responsabilités le ministre qui
aura désormais une loi qui va encadrer l'ensemble de ces
activités.
J'aimerais rappeler aussi à M. le ministre que, dans ma
région, à Trois-Rivières, des décisions ont
été prises par le Solliciteur général qui faisaient
suite à l'ensemble des autres décisions, c'est-à-dire
celle de fermer la prison de Trois-Rivières sur laquelle tout le monde
semblait être d'accord, compte tenu de l'insalubrité de cette
prison. C'était une vieille prison qu'il fallait fermer. Il y avait
toujours eu des gens qui disaient aussi: II faut construire une prison. Le
ministre est venu annoncer, à grand renfort de publicité, une
prison. J'aimerais que le ministre soit bien conscient qu'il faut agir
rapidement. Cela fait un an maintenant qu'il est à ce poste, mais il n'y
a pas de choses concrètes, de visu, sur le terrain actuellement.
J'espère que le ministre - et le député de
Trois-Rivières aurait pu nous poser ses questions - pourra nous dire
qu'effectivement, après tant d'années, car cette vieille prison
ne date pas simplement de son gouvernement, cela date de l'époque de
Duplessis et on a compté un nombre d'élections sur l'ensemble de
cette prison, ce que tout le monde espère, c'est qu'il y ait une prison
régionale de qualité à Trois-Rivières.
Mais on comprendra que le ministre, de la façon dont il a
présenté l'ensemble de l'incarcération au Québec,
en était venu à dire qu'il fallait changer nos méthodes
d'incarcération. Il fallait aller vers des moyens où on
évite que les gens entrent dans les prisons pour utiliser d'autres
moyens pour permettre à ces personnes de payer une certaine forme de
dette à la société, mais de la payer non pas en
étant incarcéré.
Je regarde l'ensemble des activités, des obligations qui sont
d'abord celles de la prévention de la criminalité. Quels sont les
moyens que le ministre, par ce projet de loi, va pouvoir donner à
l'ensemble de la population pour permettre une prévention de la
criminalité et, ensuite, permettre une forme de réinsertion
sociale de l'ensemble des détenus leur permettant, une fois qu'ils ont
payé la dette qu'ils avaient à payer, d'être
réinsérés dans la société qui va leur
permettre de mener une vie normale, convenable, dans la mesure où ils
ont accepté que, s'ils ont commis une erreur, cela ne veut pas dire
qu'ils vont la perpétuer.
Dans ce contexte, Mme la Présidente, j'ai voulu faire ce petit
discours pour parler, surtout, de l'ensemble de ma région qui est
très vaste, une des plus vastes au Québec et qui mérite
une attention spéciale sur certains problèmes. J'ai voulu
rappeler au ministre que la prison de Trois-Rivières, c'est une chose,
mais également, pour tout l'ensemble des mesures qu'il a l'intention de
mettre en place pour la réinsertion sociale des détenus pour la
prévention de la criminalité, que le projet de loi puisse lui
donner ces moyens d'agir. En conséquence, je me ferai un plaisir de
voter pour ce projet de loi. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laviolette. M. le Solliciteur général, en réplique.
M. Gérard Latulippe (réplique)
M. Latulippe: Mme la Présidente, je suis très
heureux de constater que c'est le troisième projet de loi que je
présente et qui reçoit l'appui de l'Opposition. Je
considère les démarches que nous avons entreprises jusqu'à
maintenant au sein de ce que l'on a appelé le "ministère en
devenir" sont certainement des démarches fortement louables pour
l'ensemble des Québécois, puisque même l'Opposition. qui
cherche toujours un moyen d'aller contre les visées du gouvernement, n'a
pas trouvé un seul de ces moyens pour aller à l'encontre de mes
projets de loi.
Je suis également étonné de voir comment tant de
personnes...
La Vice-Présidente: Une question de règlement, M.
le Solliciteur général.
M. Garon: Le député impute des motifs aux membres
de l'Opposition, qu'il n'a pas le droit d'imputer quand il dit qu'on cherche
constamment à être négatifs...
Une voix: De quel règlement?
M. Garon: En vertu du règlement qui dit qu'on n'a pas le
droit d'imputer de motifs.
Une voix: Le connaissez-vous?
M. Garon: On n'a pas le droit d'imputer de motifs à un
membre de cette Chambre.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je ne comprends pas la
réaction du député de Lévis alors que le
Solliciteur général félicite l'Opposition de sa
clairvoyance d'avoir voté avec le pouvoir. Je ne comprends pas du
tout.
La Vice-Présidente: Là-dessus, j'ai très
bien compris. En vertu de l'article 35, on ne peut imputer des motifs indignes
à un député. Or, M. le Solliciteur, vous avez dit
que...
Des voix: ...
La Vice-Présidente: M. le Solliciteur
général, je vous demanderais...
Des voix: ...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! M. le
Solliciteur, j'ai très bien suivi votre discours et vous avez
félicité l'Opposition de vous appuyer là-dessus. Mais, un
peu plus loin, vous avez dit qu'elle faisait tout pour... quand elle n'est pas
d'accord. Donc, je vous demanderais, s'il vous plaît de ne pas imputer de
motifs indignes à l'Opposition et de continuer votre discours. (17 h
40)
M. Latulippe: Mme la Présidente, il est évident que
je n'impute pas de motifs indignes à l'Opposition, d'autant plus que ce
sont ses membres qui appuient les projets de loi que je présente. Je ne
comprendrais pas que ce soient là des motifs indignes. Bien au
contraire, il s'agit là de gestes positifs de la part de l'Opposition,
d'avoir appuyé jusqu'à maintenant tous les projets de loi que
j'ai présentés et cela témoigne non seulement de la
clairvoyance de l'Opposition en rapport avec mes projets de loi, mais aussi du
fait que ces projets de loi sont véritablement pour le bien-être
de l'ensemble des Québécois, Mme la Présidente.
Cependant, je devrais, à ce stade-ci, quand même corriger
plusieurs interventions qui ont été faites de l'autre
côté de la Chambre. Mes collègues sont tour à tour
venus dire que le projet de loi qui était devant nous ne faisait,
à toutes fins utiles, que concrétiser un état de fait,
état de fait qui avait été créé par l'actuel
chef de l'Opposition au moment où il avait créé, en 1984,
un poste de Solliciteur général et qu'il avait à ce
moment-là mandaté Me Marc-André Bédard pour le
combler. On a, je pense, passé rapidement sur le fait que c'est le
premier ministre de l'époque, M. Robert Bourrassa, qui, en 1975 -
après le rapport du ministre de la Justice de l'époque - l'avait
créé et qui avait nommé, en 1975, Me Fernand Lalonde
Solliciteur général du Québec. Après la prise de
pouvoir du Parti québécois en 1976, on a assisté
immédiatement à l'abolition de ce poste de Solliciteur
général. Je pense que l'Opposition a tout à fait
oublié de dire que ce sont eux qui, en 1976, ont aboli le poste de
Solliciteur général. Ils ont probablement aussi oublié de
dire que l'actuel chef de l'Opposition a été et a occupé
pendant plusieurs années le poste de ministre de la Justice et cumulait
les deux fonctions. Si, à l'époque, c'était si
nécessaire - comme ils le disent maintenant - de scinder en deux le
ministère de la Justice afin qu'il y ait un poste de Solliciteur
général et un ministre responsable de la sécurité
publique et un ministre responsable de la justice, pourquoi l'actuel chef de
l'Opposition, au moment où il était au Conseil des ministres, au
moment où il occupait le chaire de ministre de la Justice, n'a-t-il pu
convaincre son premier ministre de créer ce poste de Solliciteur
général? Pourquoi n'a-t-il pas, à ce moment-là,
conseillé, pourquoi n'a-t-il pas convaincu ses collègues du
Conseil des ministres de créer ce poste de Solliciteur
général pendant qu'il cumulait lui-même les deux fonctions,
fonctions qu'on dit, dans certains cas, contradictoires? Cela démontre
que c'est véritablement du temps du gouvernement de Robert Bourrassa, en
1975, que cette décision a d'abord été prise de
créer ce poste de Solliciteur général.
Je voudrais aussi corriger plusieurs points, plusieurs faits que
l'Opposition a soulevés. Mme la Présidente, quant à moi,
en matière de sécurité publique, c'est fini, au
Québec, les guerres de clochers. C'est fini, au Québec, ces
situations de conflits entre le ministère ou entre le Solliciteur
général du Québec et le Solliciteur général
du Canada. Je pense que dans ce ministère plus qu'ailleurs, il est
essentiel et important d'établir des liens de collaboration entre nos
ministères. Je vais citer comme exemple la prévention en
matière de criminalité.
J'entendais le leader de l'Opposition dire qu'on devrait amender le
projet de loi puisqu'on ne faisait pas état de cette
nécesssité et de cette responsabilité pour le ministre qui
devrait être incluse dans le projet de loi sur la prévention de la
criminalité. Je souligne en passant que l'article 8 du présent
projet de loi prévoit et donne au ministre la responsabilité
d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives
à la prévention de la criminalité.
La coopération avec le gouvernement fédéral en
matière de prévention de la criminalité est
déjà instaurée au Québec,
Mme la Présidente, plus particulièrement depuis 1985. Je
vais vous donner l'exemple de la Semaine de la prévention du crime, une
semaine qui, chaque année depuis déjà quatre ans, survient
au Québec et dont le véritable objectif est de concrétiser
les programmes de prévention en matière de criminalité,
d'élaborer des . mécanismes et de préciser la concertation
entre les différents intervenants en matière de
sécurité publique. Or, cette Semaine de la prévention du
crime fut tenue pour la première fois au Québec en 1983 et en
1984. C'était, à l'époque, une initiative du Solliciteur
général du Canada. Le gouvernement de l'époque, durant ces
deux années, alors qu'on revient aujourd'hui nous parler de cette
nécessaire implication du gouvernement du Québec dans la
prévention de la criminalité... Je vous souligne qu'à
l'époque, durant ces deux années, le gouvernement du
Québec ne participa pas aux activités de la Semaine de la
prévention du crime. On laissa à l'époque l'initiative de
la Semaine de la prévention du crime uniquement au gouvernement
fédéral durant les années 1983 et 1984. C'est l'an dernier
que j'ai pris l'initiative de coopérer avec le gouvernement
fédéral et d'assumer le leadership durant cette Semaine de la
prévention du crime. Cette année, c'est conjointement avec le
Solliciteur général du Canada qu'on a démarré et
préparé cette Semaine de la prévention du crime. Le
Solliciteur général du Québec a eu un impact non seulement
positif, mais il a eu à prendre le leadership, alors que, pendant des
années, l'ancien gouvernement n'a même pas daigné
participer avec le gouvernement fédéral et le Solliciteur
général du Canada à cette Semaine de la prévention
du crime.
Comment peut-on aujourd'hui, Mme la Présidente, venir nous
souligner l'importance de la prévention, alors qu'à
l'époque on n'a même pas participé à cette Semaine
de la prévention du crime? Je crois à la prévention du
crime, Mme la Présidente, à la prévention de la
criminalité. C'est dans notre loi et je n'ai pas attendu que ce poste
soit concrétisé dans une loi pour participer et collaborer avec
le gouvernement fédéral à la prévention de la
criminalité.
La même situation s'applique à la protection des
personnalités étrangères. Quel spectacle dégradant,
que l'on ne peut accepter, que des corps policiers, des gouvernements ou des
ministères se battent au moment où on a un visiteur
étranger au Québec. Je pense que et la Gendarmerie royale du
Canada et la Sûreté du Québec, dans les cas où nous
avons des personnalités étrangères, à divers
niveaux peuvent et doivent coopérer. Je pense qu'on doit
reconnaître cette nécessaire coopération des deux niveaux
de gouvernement.
Je vais vous donner un exemple. En ce qui concerne les renseignements de
sécurité internationaux, il est évident que c'est le
fédéral qui a la possibilité, les moyens, les
communications, à travers les différents réseaux
internationaux de police, de connaître les risques et les dangers pour
les personnalités étrangères qui sont au Québec. Si
je comprends l'Opposition, elle nous dit: Non, privons-nous de ces sources
d'information relativement à la sécurité des
personnalités étrangères. Privons-nous de coopérer
avec la Gendarmerie royale relativement à la protection des
personnalités étrangères. Imaginez-vous! Vous recevez un
président, vous recevez un premier ministre d'un autre pays et vous vous
dites: II est inutile d'avoir recours aux réseaux qui nous proviennent
du fédéral pour connaître les risques et les dangers
d'attentat en ce qui concerne ces personnalités
étrangères. (17 h 50)
Avec quelle logique peut-on prétendre aujourd'hui qu'on peut
assumer totalement la protection d'un président d'une république
sans finalement avoir recours à ces réseaux d'information
entourant la sécurité? Avec quelle logique peut-on nous dire
à l'Assemblée nationale aujourd'hui que c'est inutile d'avoir
recours à ces services de renseignements? Mme la Présidente, je
pense que c'est la base en matière de sécurité publique.
En matière de protection des personnalités
étrangères, il est important de collaborer avec la Gendarmerie
royale du Canada ou les services de renseignements. C'est fondamental de
pouvoir assumer entièrement la protection des personnalités que
le Québec invite ou que le Canada invite. Je pense que c'est dans le
sens d'une collaboration que l'on doit, là comme ailleurs, se
diriger.
Enfin, je voudrais parler rapidement, Mme la Présidente - c'est
le leader de l'Opposition qui nous en parlait tout à l'heure - des
sentences intermittentes. Il nous disait que dans certaines prisons des
personnes qui sont condamnées à des sentences intermittentes, par
exemple, des sentences de fin de semaine, ne purgent pas leur sentence. En
1984-1985, à l'époque de l'ancien gouvernement, à
l'époque où ils avaient nommé un Solliciteur
général, 992 personnes avaient été
condamnées à une peine intermittente, pour un total de 51 353
jours à purger. Savez-vous combien de jours ont été
purgés à l'époque de l'ancien gouvernement pour ces
sentences intermittentes? 6933 jours, sur un total de 51 353. Et on vient nous
dire aujourd'hui que ces sentences intermittentes ne seraient pas
purgées? J'ai moi-même pris des moyens, il y a déjà
quelques mois, pour m'assurer que ces sentences intermittentes soient
purgées dans les différents centres, au maximum de ce qu'il
était possible de faire. Il y a une amélioration substantielle
depuis plusieurs mois quant à ces sentences intermittentes.
Qu'on ne vienne pas me décrire cette situation, puisque
c'était une situation extrêmement grave et que le Solliciteur
général de l'époque, ministre de la Justice, n'y a pas
vu.
Finalement, je conçois et accepte que le fait d'occuper le poste
de Solliciteur général dans ce nouveau ministère constitue
un lourd défi, comme l'a dit, d'ailleurs, le député de
Terrebonne. Je peux vous dire devant cette Assemblée que je ferai tout
en mon pouvoir pour occuper ce poste avec la simplicité et les efforts
les plus constants que je pourrai fournir à l'amélioration de la
sécurité publique au Québec.
Une voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, le Solliciteur
général. Le débat étant clos, est-ce que le
principe du projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur
général et modifiant diverses dispositions législatives,
est adopté?
M. Brassard: Vote enregistré.
La Vice-Présidente: Vote enregistré. Qu'on appelle
les députés.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler les députés, s'il vous plaît.
La Vice-Présidente: Qu'on appelle les
députés.
M. Lefebvre: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: On peut appeler l'article 42 du feuilleton.
Une voix: Non, le vote. Des voix: Le vote.
Une voix: Pas question, le vote est demandé. (17 h 54 - 17
h 58)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Que chaque député regagne son siège. Nous
allons procéder à l'adoption du projet de loi 138, Loi sur le
ministère du Solliciteur général et modifiant diverses
dispositions législatives.
Que ceux qui sont en faveur dudit projet de loi veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Latulippe (Chambly),
Côté (Rivière-du-Loup), Mmes Gagnon-Tremblay
(Saint-François), Robic (Bourassa), MM. Vallières (Richmond),
Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Lefebvre (Frontenac), Maciocia
(Viger), Middlemiss (Pontiac), Lemire (Saint-Maurice), Mme Pelchat (Vachon),
MM. Audet (Beauce-Nord), Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé),
Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Brouillette (Champlain), Camden
(Lotbinière), Després (Limoilou), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), MM. Forget (Prévost), Gardner
(Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Hamel (Sherbrooke), Dubois
(Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Mme Legault (Deux-Montagnes),
M. Jolivet: À l'ordre! À l'ordre!
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je demanderais
aux députés qui n'étaient pas ici avant le début du
vote de bien vouloir se retirer.
Une voix: II y avait une commission parlementaire.
M. Jolivet: À l'ordre! À l'ordre! Des voix:
Hé! Hé! Hé!
La Vice-Présidente: Question de règlement.
M. Vallières: Mme la Présidente, je vous rappelle
que des commissions siégeaient et que les cloches ont à peine eu
le temps de sonner. J'ai demandé, ici, à la table, qu'on les
fasse sonner un peu plus longtemps. J'aimerais vous indiquer également
qu'il est de tradition, avant d'appeler un vote, de vérifier si les
whips sont à leur place, debout, et sont prêts à prendre le
vote, ce qui n'a pas été fait aujourd'hui.
Une voix: D'accord.
M. Vallières: Je demanderais qu'on accueille les
députés qui doivent venir voter en cette Chambre.
M. Brassard: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le whip adjoint de
l'Opposition.
M. Brassard: Mme la Présidente... Une voix: II y a
consentement.
M. Brassard: ...question de règlement. Je comprends
très bien les arguments évoqués par le whip du
gouvernement, mais il n'en demeure pas moins que le vote était bel et
bien commencé, et, par conséquent, ce que vous avez dit tout
à l'heure, en invitant les députés à se retirer, je
pense qu'on doit respecter la présidence et respecter le
règlement. Personne de notre groupe n'est entré.
Une voix: C'est cela. Des voix: Oh! Oh! Oh!
La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre:
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de
Mille-Îles, je voudrais bien...
M. Maltais: Vous devriez avoir honte, l'Opposition: Honte!
La Vice-Présidente: M. le député de
Mille-Îles, je vous demanderais de vous retirer. Là-dessus, je
tiens à vous dire que j'ai fait appeler les députés. Une
couple de fois, je me suis enquis pour qu'on appelle les députés.
Le vote étant commencé, nous allons continuer le vote.
M. Brassard: Mme la Présidente, vous avez invité
tout à l'heure le député de Saguenay à se retirer,
il devrait se retirer.
La Vice-Présidente: M. le député de
Saguenay, veuillez vous retirer, s'il vous plaît.
M. Maltais: Mme la Présidente, je voudrais savoir quelle
faute j'ai commise. J'étais en commission parlementaire, les cloches ont
sonné, on est partis de la salle Louis-Joseph-Papineau pour venir ici.
II n'y a pas d'autre solution. Je n'ai pas commis de faute nulle part et je
reste à mon siège.
M. Jolivet: Mme la Présidente... La
Vice-Présidente: M. le...
M. Jolivet: ...sur la même question de
règlement.
M. Maltais: Ce n'est certainement pas le député de
Lac-Saint-Jean qui va m'envoyer.
M. Jolivet: Mme la Présidente, j'aimerais simplement
rappeler que le député de Saguenay n'est pas nouveau en cette
Assemblée. Je peux comprendre que le député de
Mille-Îles se soit emporté, Mme la Présidente, mais une
chose est certaine: Nous avons demandé le vote mais ce n'est pas nous
qui avons demandé aux gens d'être présents, ici, en cette
Assemblée. La présidente a décidé d'elle-même
de lire et de dire que le vote est commencé. Cette décision
appartient seulement à la présidence, et la présidence
l'ayant fait, personne, de quelque côté de l'Assemblée, n'a
le droit d'entrer, de se lever, de marcher et de déranger le vote.
Si vous le voulez, pour régler le problème, comme nous
sommes compatissants, nous allons tout simplement vous proposer, Mme la
Présidente, de reprendre le vote à 20 heures.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur l'intervention du
député, en vertu de l'article 224, qui dit textuellement "qu'il
doit y avoir entre l'appel et le vote lui-même cinq minutes" et en plus,
comme le mentionnait le whip du gouvernement tout à l'heure, il y a une
tradition qui veut que tant et aussi longtemps que le whip est debout, en
principe, le vote ne commence pas...
Compte tenu de l'explication qu'a donnée le député
de Saguenay, Mme la Présidente, je vous demanderais de permettre au
député de Saguenay, puisque le délai de cinq minutes
mentionné à l'article 224 ne s'est pas écoulé,
entre l'appel et son arrivée...
La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais être
très franche. À un moment donné, j'ai regardé pour
voir le whip du gouvernement et je ne l'ai pas vu en Chambre. Donc, s'il
n'était pas en Chambre, il ne pouvait pas être debout.
Deuxièmement, j'ai appelé les députés et
j'ai permis un délai assez long pour qu'on puisse tenir le vote.
Troisièmement, je voudrais rappeler à cette Chambre
l'article 225 où il est bien spécifié que lorsqu'un vote
est appelé, aucun député, incluant le député
de Saguenay, ne peut pénétrer en cette Assemblée. Je
demanderais au député de Saguenay de bien vouloir se retirer
ainsi que ceux qui n'étaient pas ici avant la tenue du vote pour qu'on
puisse continuer le vote.
M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Mme la Présidente, je vais quitter mais en
rappelant que les gens de l'Opposition sont de petites gens. Merci.
Une voix: Ce n'est pas nous autres. Ah!
La Vice-Présidente: Là-dessus...
Une voix: On n'est pas grand en tout cas!
Une voix: Pas grand mais assez gros!
Une voix: On n'a rien à voir dans ça!
La Vice-Présidente: Sur une question de
privilège.
M. Vallières: Mme la Présidente, je pense qu'un
droit est fondamental en cette Chambre, celui d'assurer aux
députés qu'ils aient au moins le temps physique entre l'appel
d'un vote de partir d'une commission parlementaire ou de leur bureau. Je l'ai
vécu
tantôt; j'ai eu à peine le temps de descendre à la
course et de venir réinstaller à mon pupitre.
Mme la Présidente, vous devrez, selon moi, lors d'une prochaine
séance, si vous décidez de procéder immédiatement,
nous indiquer comment, dans l'avenir, vous éviterez la
répétition de pareille situation.
La Vice-Présidente: Là-dessus, ma décision
était rendue. Je demanderais qu'on continue le vote.
Que ceux qui sont pour veuillent bien se lever!
Le Secrétaire-adjoint: MM. Joly (Fabre), Poulin
(Chauveau), Thérien (Rousseau), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet
(Laviolette), Garon (Lévis), Rochefort (Gouin), Brassard
(Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Paré (Shefford), Blais (Terrebonne),
Dufour (Jonquière), Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc).
La Vice-Présidente: Que ceux qui sont contre l'adoption du
principe du projet de loi 138 veuillent bien se lever!
Le Secrétaire: Pour: 42
Contre: 0
Abstentions: 0
La Vice-Présidente: Le principe du projet de loi 138, Loi
sur le ministère du Solliciteur général et modifiant
diverses dispositions législatives, est donc adopté.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! L'Assemblée n'est pas levée.
M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour que le
projet de loi 138 soit déféré à la commission des
institutions.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
M. Lefebvre: J'ai un avis à donner, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: J'avise cette Assemblée que, ce soir, de 20
heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission
des institutions procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 138, Loi sur le ministère
du
Solliciteur général et modifiant diverses dispositions
législatives.
La Vice-Présidente: Cela dit, nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 8)
(Reprise à 20 h 2)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Vous pouvez vous asseoir. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Ciaccia: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 42.
Projet de loi 150
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
La Vice-Présidente: À l'article 42 de notre
feuilleton d'aujourd'hui, il s'agit de la reprise du débat qui avait
été ajourné le 27 novembre 1986 et qui concernait le
projet de loi 150, Loi sur les forêts. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Le débat
de ce soir porte sur l'adoption de principe du projet de loi 150, Loi sur les
forêts. C'est un projet de loi d'une très grande importance, un
projet de loi en somme dont le principe a été mis en place, a
été amorcé par le précédent gouvernement, au
moment où il menait une consultation afin de revoir la politique
forestière.
C'est donc un projet qui vient à terme après une longue
maturation de plus de deux ans. Cela en fait un projet majeur au cours de cette
session. Cependant, ce projet nous est présenté en fin de
session, et cela a de quoi surprendre. Cela vient confirmer en quelque sorte
l'impression première qu'on avait, à savoir que cette session est
mal planifiée, qu'elle souffre d'improvisation, une improvisation qui
s'illustre par un manque de coordination, une incohérence en ce qu'elle
présente des projets de loi sans tenir compte de ce que serait une
séquence logique d'adoption des projets de loi. Une session mal
planifiée parce que, voyez-vous, les trois premières semaines de
la session, on les a passées à examiner des projets de loi
mineurs, pour ne pas dire, dans certains cas, quasi insignifiants. J'en sais
quelque chose, puisque, avec le ministre de l'Éducation et ministre de
l'Enseignement supérieur, mon collègue de Laviolette et
moi-même avons eu à examiner - tenez-vous bien - cinq projets
de loi qui contenaient deux, trois ou quatre articles. Le projet de loi
25, Loi modifiant la Loi sur les investissements universitaires: quatre
articles. Il faut se le rappeler, cela vient faciliter les emprunts en vue
d'investissements universitaires, alors qu'on sait que les budgets sont en
train d'être coupés. Comme pertinence pour justifier un projet de
loi, il n'y avait pas là matière d'urgence. Projet de loi 26, Loi
modifiant la Loi sur le Conseil des universités: trois articles. Projet
de loi 28, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement
général et professionnel: quatre articles. Il faut savoir que
lorsque vous avez quatre articles, il y en a un, tout simplement, qui dit: Le
projet de loi entre en vigueur à la date de son adoption. Vous savez,
cela ne fait pas de gros contenus. Projet de loi 29, Loi modifiant la Loi sur
le Conseil supérieur de l'éducation, trois articles. En fin de
session, plus précisément, les 11, 12 et 13 novembre, ce sont 36
projets de loi qu'on dépose d'urgence en Chambre. Il y a dans ces
projets de loi, pas des projets de loi mineurs - il y en a bien quelques-uns
qui ont deux ou trois articles - mais des projets de loi majeurs, comme par
exemple celui sur lequel porte le débat ce soir, la Loi sur les
forêts.
La Loi sur les forêts, pas moins de 228 articles. C'est en fin de
session qu'on nous présente cela. On voudra ensuite nous faire croire
que les travaux de cette session sont planifiés. De plus, le projet de
loi 150 sur les forêts, déposé par le ministre
délégué aux Forêts, et le projet de loi 102 sur les
terres du domaine public, déposé le 13 novembre par le ministre
de l'Énergie et des Ressources, viennent remplacer les lois sur les
terres, la terre et les forêts. C'est un projet de loi important. Par
ailleurs, ce qu'on constate à la lecture du projet de loi 150, c'est
que, pour être cohérent, le moins auquel on aurait pu s'attendre,
c'est que le projet de loi 102 aurait dû faire l'objet d'examen et
d'adoption avant le projet de loi 150 puisque, dans le projet de loi 150, vous
avez des articles qui viennent faire référence à un projet
de loi 102 qui, lui, n'est pas adopté. Comme manque de planification,
manque de coordination, comme incohérence dans la présentation du
projet de loi, il me semble qu'il y a là un exemple qui illustre assez
bien que cette session est mal planifiée.
Ensuite, il faudra essayer de faire comprendre aux contribuables du
Québec qu'on n'est pas en train de gaspiller leur argent, notre temps,
alors qu'en plus, très probablement, on nous fera siéger la nuit.
Les citoyens seront en mesure de s'interroger, de s'inquiéter sur la
valeur de l'examen qu'on sera en mesure de faire dans de telles conditions.
C'est une session improvisée où la cohérence manque et est
douteuse.
Je voudrais quand même vous dire que nous n'avons pas l'intention
de voter contre le projet de loi, parce que, je le rappelle, il vient en
quelque sorte concrétiser une réforme enclenchée par le
gouvernement précédent.
En effet, le gouvernement du Parti québécois a
enclenché en 1984 le processus de modification de la politique
forestière parce que, en fait, le surplus de matière ligneuse que
l'on observait en 1970 n'existait plus. D'abord, ce fut M. Duhaime, ensuite la
relève a été prise par mon collègue, le
député de Laviolette, M. Jean-Pierre Jolivet, qui a
terminé la consultation et publié le livre blanc Bâtir une
forêt pour l'avenir en juin 1985.
Le projet de loi que l'on retrouve ici reprend, pour l'essentiel, dans
ses grands principes, les différentes recommandations contenues dans le
livre blanc Bâtir une forêt pour l'avenir. Sur ces grands
principes, l'Opposition ne pourra faire autrement qu'être d'accord avec
le projet de loi présenté. Cependant, ce projet de loi appellera
sans doute, et on l'espère, de nombreuses modifications, car il laisse
place à de nombreuses interrogations. (20 h 10)
Je ne m'attarderai pas sur les différents articles du projet de
loi 228. Cela prendrait un peu plus de 20 minutes. Cependant, deux choses ont
retenu mon attention. Ce projet de loi contient au moins 18 règlements
et prévoit pour le ministre des pouvoirs discrétionnaires assez
exceptionnels.
Les pouvoirs réglementaires. Ce gouvernement nous a dit, nous a
répété et réitéré et sur tous les
tons et de toutes les manières: II n'est pas question que ce
gouvernement tombe dans la manie du gouvernement précédent, de
tout réglementer. On va y voir, on va même se donner une loi sur
la réglementation, la loi 12 du ministre de la Justice. Et pourtant, ce
projet de loi, je le rappelle, contient au moins 18 règlements. Il donne
également - je pense en particulier à l'article 67 - au ministre
un pouvoir discrétionnaire assez exceptionnel.
Il faut savoir que, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, les
différentes lois sur lesquelles j'ai eu à intervenir contenaient,
dans une proportion différente, des mesures, des règlements qui
donnaient au ministre responsable des pouvoirs additionnels. Vous me permettrez
de parler d'une loi et d'un projet de loi. Je pense à la loi 58 sur les
illégaux. La loi 58 sur les illégaux vient donner au ministre de
l'Éducation un pouvoir exceptionnel qui lui permet de déroger aux
dispositions de la loi 101 et de reconnaître, à certaines
conditions, qu'un enfant est admissible à l'école anglaise.
Ce gouvernement, qui s'est élevé contre les
règlements, l'abus de règlements du précédent
gouvernement, va beaucoup plus
loin que ce que le précédent gouvernement faisait, parce
que, dorénavant, il y a des articles, des projets de loi et des lois qui
ont été adoptés qui donnent, je le rappelle, au ministre
titulaire, au ministre responsable des pouvoirs exceptionnels en certaines
matières et, sur cette loi des illégaux, j'ai hâte de voir
le moment où le ministre de l'Éducation viendra déposer,
dans cette Chambre, la liste des enfants qui auront été admis
dans les écoles anglaises en échappant au comité
chargé d'examiner ces cas. C'est un pouvoir assez grand, surtout quand
on connaît les orientations de ce gouvernement et le
préjugé favorable qu'il a lorsqu'il s'agit de trancher les cas
litigieux, à savoir si un enfant fréquentera ou non
l'école anglaise ou l'école française. Dans des conditions
comme cela, laisser au ministre, même le ministre de
l'Éducation...
M. Ciaccia: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Énergie et
des Ressources.
M. Ciaccia: Je ne veux pas interrompre la députée
dans son discours, mais je voudrais lui rappeler l'article 211. On discute ici
du projet de loi 150 sur le régime forestier. Peut-être vous
demanderais-je de rappeler la députée à la pertinence du
débat. On ne discute pas, je crois, des illégaux ou du
ministère de l'Éducation.
La Vice-Présidente: M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Mme la Présidente, premièrement, si le
ministre ne voulait pas interrompre ma collègue, il avait juste à
rester assis. Deuxièmement, si le ministre de l'Énergie et des
Ressources avait bien écouté ce que ma collègue est en
train de dire, il aurait compris qu'elle donne des exemples dans d'autres
projets de loi pour corroborer ce qui est dans le projet de loi 150 et, ce
faisant, son discours était pertinent.
La Vice-Présidente: Effectivement, on donne une
interprétation assez large de l'article 239. On permet à
certaines occasions de bifurquer pourvu qu'on revienne naturellement sur le
sujet qui est l'adoption du principe du projet de loi 150. Mme la
députée, je suis sûre que vous allez revenir sur le sujet.
Là-dessus, je vous cède la parole.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Soyez
assurée que je n'y manquerai pas. Mais vous me permettrez de dire
d'abord au ministre de l'Energie et des Ressources que, s'il n'avait pas voulu
m'interrompre, il ne l'aurait pas fait, ce qu'il a fait, il m'a interrompue, si
je ne m'abuse. Je comprends cependant qu'il soit assez sensible et
chatouilleux, je dirais, lorsqu'on aborde ces questions de la langue. Je suis
obligée de reconnaître avec lui que, si j'étais assise de
l'autre côté de cette Chambre, je serais effectivement
inquiète d'entendre soulever des cas qui démontrent, hors de tout
doute, que ce gouvernement a des préjugés à l'endroit de
certaines communautés et qu'il a décidé d'angliciser le
Québec. Cela ne devrait pas déplaire au ministre de
l'Énergie et des Ressources. Vous me permettrez...
M. Ciaccia: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Je vais de nouveau faire appel à l'article
211, parce que je crois très respectueusement que, dans la poursuite du
débat, ce ne sont pas des exemples qu'on donne. On est en train de faire
un débat de fond sur un sujet complètement différent de
celui du projet de loi 150. Non seulement les propos sont totalement
faux...
Des voix: Oh!
M. Ciaccia: ...sont inexacts... Si on veut passer des messages de
ce côté-là de la Chambre, on peut en passer de ce
côté-ci aussi. Je demanderais de rappeler la députée
à la pertinence du débat en vertu de l'article 211.
La Vice-Présidente: Mme la députée de
Chicoutimi, je veux bien vous donner l'occasion de bifurquer, mais il ne
faudrait pas non plus en faire le sujet majeur de votre discours. Je vous
demanderais de revenir à la pertinence du débat.
Mme Blackburn: Bien, Mme la Présidente. Je voudrais
rassurer le ministre quand il dit que ce n'est pas un exemple. Effectivement,
je n'ai pas voulu prendre le ministre à titre d'exemple; je ne pense pas
que cela en soit un.
Je voudrais revenir à l'article auquel je faisais
référence; je le lis: "Le ministre peut en tout temps autoriser
le titulaire d'un permis d'usine de transformation du bois à
récolter à la place du bénéficiaire dans une
unité d'aménagement le volume de bois requis pour produire les
copeaux, les sciures et les planures que le bénéficiaire fait
défaut de lui fournir, malgré une convention expresse. Le
ministre s'arroge le pouvoir d'intervenir lorsqu'il y a un litige entre les
parties. J'avais toujours cru, moi, qu'il y avait des instances
qualifiées pour le faire et que, lorsqu'il y a des litiges entre les
parties, ou c'est tranché par le tribunal, ou
c'est tranché généralement par le biais de
conventions.
Que le ministre s'arroge un tel droit, il y a là quelque chose de
surprenant. Car voyez-vous, il y a aussi un autre exemple de projet de loi qui
a été déposé récemment et qui s'appelle le
projet de loi 140. Dans le projet de loi 140, la ministre responsable de la loi
101 vient, là aussi, se donner des pouvoirs exceptionnels qui,
antérieurement, étaient réservés à certains
organismes de protection de la langue. Dans sa sagesse, le législateur
avait décidé que cet aspect de la protection et de l'application
de la loi 101 devait échapper aux politiques pour être
laissé à des instances un peu plus neutres, qui avaient comme
responsabilité d'examiner les différentes modalités
d'application ou de sanction prévues dans le cadre de la loi 101. Par ce
projet de loi 140, la ministre vient également se donner par
législation des pouvoirs exceptionnels.
Je reviendrai brièvement aux articles touchant différents
règlements. Je le rappelle, ce gouvernement avait promis, s'était
engagé devant la population, en campagne électorale, à
déréglementer, à s'assurer que toute réglementation
passerait par l'adoption de la Chambre, assurant le droit de l'Assemblée
de voir les différents règlements adoptés par la Chambre
et qui touchent les contribuables, les citoyens.
À titre d'exemple, voici ce que peuvent donner un
règlement et deux discours, un discours dans l'Opposition et un discours
quand on légifère. Prenons l'article 122: "Pour être
reconnu par le ministre, l'organisme doit lui transmettre pour approbation ses
règlements portant sur les cotisations des membres et le financement de
ses activités, de même qu'un plan d'organisation pour la
prévention et l'extinction des incendies." Généralement,
ce que faisait l'ancien gouvernement, c'était de demander à
l'organisme de déposer ses règlements. Ici, je lis "pour
approbation des règlements". (20 h 20)
On ne se fait pas beaucoup confiance. Le ministre se réserve le
pouvoir, le droit, la responsabilité d'approuver les règlements
des organismes. Pour un gouvernement qui voulait déréglementer,
qui assurait les citoyens, les contribuables qu'on ne verrait plus ce qu'on
voyait avec le gouvernement du Parti québécois,
c'est-à-dire des quantités considérables de
règlements et de lois -disions-nous - sur toutes sortes de questions et
de toute nature, voilà que ce gouvernement, dans un seul projet de loi,
ne propose pas 1, 2 ou 3 règlements, mais 18. Je pense que vous devrez
comprendre, Mme la Présidente, que bien que l'Opposition soit d'accord
sur les principes généraux de ce projet de loi, il devra faire
l'objet d'un examen extrêmement sérieux, particulière- ment
dans les articles qui concernent à la fois les pouvoirs
réglementaires et les pouvoirs discrétionnaires que ce projet de
loi, s'il devient loi, pourrait conférer au ministre responsable. Merci,
Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Chicoutimi.
M. le député de Lotbinière.
M. Lewis Camden
M. Camden: Mme la Présidente, je commencerai mon
allocution en brossant un bref tableau des différents problèmes
qu'entraîne la situation actuelle sur la forêt
québécoise, notre plus grande richesse, dont le
dépérissement et la surexploitation mettent en cause la survie,
non seulement de l'industrie, mais aussi de la ressource elle-même, ce
qui justifie pleinement les visées du projet de loi 150, Loi sur les
forêts.
Ainsi, nous sommes en mesure de constater depuis quelques années
que la pénurie de la ressource qui se profile à l'horizon
résulte d'une surexploitation globale de la forêt,
c'est-à-dire que la cueillette de la matière ligneuse
dépasse largement la capacité de
régénération de nos forêts.
On récolte au Québec environ 21 000 000 de mètres
cubes de bois annuellement alors que la possibilité réelle est de
18 000 000 de mètres cubes. De plus, depuis une quinzaine
d'années, le développement accéléré de
l'industrie du sciage lié au phénomène de la tordeuse ont
contribué à réduire la capacité de reconstitution
des stocks. C'est donc dans ce contexte que nous devons intervenir rapidement,
car plusieurs régions du Québec pourraient devoir faire face
à des ruptures de stock qui risqueraient d'entraîner des
fermetures d'usines et, par conséquent, des pertes considérables
d'emplois, et causer un effet dévastateur sur l'ensemble de
l'économie du Québec et de ses régions. Faute d'un
rigoureux programme de reboisement et d'une nouvelle politique
forestière qui s'est fait attendre, de nombreuses régions sont
donc exposées à cette situation. Rappelons-nous, à cet
égard, que plus de 100 municipalités en régions
dépendent de l'exploitation forestière et, sur l'ensemble du
territoire, ce sont 225 000 travailleurs qui tirent directement ou
indirectement leurs ressources financières de la forêt
québécoise.
C'est pour ces raisons que notre formation politique a pris la
décision d'agir rapidement dans ce secteur névralgique pour le
développement économique du Québec, de ces régions
en particulier et des travailleurs de ce secteur de l'économie. C'est
aussi pour ces raisons que nous proposons une réforme en profondeur du
système de gestion des forêts du domaine public. Les forêts
doivent être exploitées d'une manière plus rationnelle
et nous devons assurer leur survie et leur développement, en plus
d'assurer la pérennité de la ressource financière et de
l'activité économique qui en découle.
Aussi, de façon concrète, le nouveau régime
forestier propose-t-il quatre éléments majeurs qui ont pour objet
la survie de la forêt. Dans un premier temps, l'on vise un nouveau
partage des responsabilités. Ce premier élément vient
remplacer le système de concession forestière par la formule du
contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier qui liera le
gouvernement et le propriétaire d'une usine de transformation du bois.
Ce contrat d'une durée de 25 ans sera renouvelable tous les cinq ans et
assurera au détenteur un approvisionnement continu. Celui-ci devra
cependant s'engager à exécuter des traitements sylvicoles dans
l'aire forestière décrite par le contrat.
Dans un deuxième temps, c'est le souci d'assurer la
productivité constante des forêts qui motive ce projet. Ce
deuxième élément est basé sur le respect de la
possibilité forestière à rendement soutenu,
c'est-à-dire le souci d'assurer à perpétuité la
quantité et la qualité de bois que la forêt peut produire
naturellement.
Dans un troisième temps, l'intégration des
activités de coupe de bois dans l'ensemble des activités
d'aménagement forestier. À ce chapitre, la coupe du bois ne sera
plus considérée comme une activité isolée, mais
elle devra s'insérer dans un ensemble d'opérations comprenant
l'implantation et l'entretien des infrastructures, l'exécution de
traitements sylvicoles dont le reboisement, la répression des
épidémies d'insectes et de maladies et toute autre
activité ayant un effet sur la productivité d'une aire
forestière.
Dans un quatrième temps, le respect des autres utilisations de la
forêt font aussi l'objet d'une préoccupation. Ce dernier
élément tient compte des contraintes qui découlent de
l'affectation des terres, de l'adaptation à certaines conditions locales
et de la démonstration du respect de l'environnement. Tels sont les
principaux éléments qui caractérisent le régime
forestier que notre gouvernement se propose de mettre en place par ce projet de
loi qui écarte la politique actuelle qui réservait au
gouvernement la seule responsabilité de l'aménagement forestier
et prévoyait l'allocation de droit de coupe aux entreprises. Celle-ci
déresponsabilisait les entreprises à l'égard de la
préservation et de l'amélioration de la forêt. En plus de
constituer pour l'État une charge financière, le virage est donc
important dans ce nouveau partage des responsabilités.
Pour la première fois, le gouvernement propose un plan
général d'affectation des terres publiques en intégrant
les diverses vocations d'exploitation, de récréation, de
conservation et en définissant les modes d'intervention adaptés
à chacune d'entre elles. Il s'agit là d'une percée
importante en matière d'aménagement du territoire qui assurera
une meilleure protection des ressources du Québec.
Le projet de loi 150, en plus de protéger les emplois
menacés dans plusieurs régions du Québec, favorisera la
création de milliers d'emplois dans la nouvelle industrie sylvicole tant
au niveau de l'exploitation et du reboisement que de la recherche. En fait, il
confirmera toutes les fonctions de la forêt récréative,
industrielle, écologique et conduira une véritable conservation
de toutes les ressources qui s'y trouvent.
Mme la Présidente, je dois vous dire que ce projet est important
pour mon comté, important pour le nombre important d'emplois qui y sont
reliés directement. C'est plus de 2000 emplois qui y sont reliés
directement, soit des emplois dans le domaine du bois de sciage et, plus
particulièrement, concernant les scieries de service, concernant
également les copeaux de bois qui sont produits en forêt, la
production de lattes, du placage et du jointage de bois, de la production de
portes et châssis et autres bois ouvrés, et également, de
parquets de bois dur et de la fabrication de bâtiments
préfabriqués, d'armoires de cuisine, de cercueils et de bois de
chauffage. Mme la Présidente, c'est plus de 2000 emplois en plus, si on
tient compte de l'élément de production de plants forestiers qui
sont cultivés dans les municipalités de Saint-Apollinaire et de
Saint-Louis-de-Blandford.
Je termine en soulignant que ce nouveau régime forestier aura des
impacts majeurs non seulement sur l'organisation même de la gestion des
forêts et des habitudes qui y sont reliées, mais également
sur le partage des responsabilités et surtout sur l'économie
générale du secteur. Outre cet aspect organisationnel, les
implications financières de ce nouveau régime constituent
l'impact le plus important. En effet, la remise en production de tous les
parterres de coupe, le respect du rendement soutenu, la protection du milieu
forestier et l'effort de planification exigés de l'industrie
entraîneront des déboursés supplémentaires pour
l'industrie et pour le gouvernement, ce qui aura inévitablement un effet
d'entraînement sur l'économie.
Comme le soulignait le ministre délégué aux
Forêts, il ne suffit pas de se donner un nouveau régime forestier,
il faut aussi changer notre façon d'intervenir en forêt et en
arriver à un nouvel équilibre forestier.
C'est finalement pour toutes ces raisons précédemment
évoquées que je voterai pour ce projet de loi. Merci. (20 h
30)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lotbinière. M. le député de Dubuc.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci. Le projet de loi 150 nous propose une
réforme du régime juridique des forêts du domaine public,
de même qu'une refonte et une mise à jour de la législation
portant sur la protection des forêts, la mise en valeur des forêts
privées ainsi que sur l'utilisation et la transformation du bois. Ce
projet de loi fait suite à l'avant-projet du ministre
délégué aux Forêts, qui a été
présenté et étudié en commission parlementaire, et
qui a fait l'objet de nombreuses et très vives réactions de la
part des divers intervenants du milieu forestier.
Je dois évidemment, comme l'a souligné notre critique en
matière de forêt, mon collègue, le député de
Duplessis, dire que nous allons voter pour le principe de cette loi, puisque,
déjà, c'est une amélioration fort importante sur ce qu'il
nous avait présenté dans son avant-projet de loi. Et c'est
à croire que, si le ministre avait accepté la demande des
députés de l'Opposition de recevoir davantage de ces associations
et de ces groupes représentatifs dans les régions du
Québec, nous aurions sûrement un meilleur projet de loi
encore.
Mme la Présidente, l'importance de la forêt au
Québec, forêt productrice de matière ligneuse, est
très grande. La forêt est importante d'une façon toute
particulière dans un comté comme celui que j'ai l'honneur de
représenter ici, puisqu'on y retrouve presque le tiers de la population
qui est employée de façon directe ou indirecte, dont le travail
dépend de la forêt québécoise, la forêt
productrice de bois pour les usines de sciage ou la forêt productrice de
bois pour les usines de pâtes et papiers.
C'est, bien sûr, avec beaucoup d'intérêt que j'ai
suivi, avec mes collègues, le cheminement et la présentation, en
1984 et 1985, du livre blanc sur le régime forestier
québécois. Cependant, on s'est rendu compte aussi, pendant tout
ce cheminement, toute cette étude, ces rencontres, discussions avec les
différents intervenants, que la forêt c'est également un
milieu de vie. La Loi sur les forêts devrait reconnaître ce
rôle multifonctionnel de façon beaucoup plus prononcée. Il
y a la forêt productrice, comme je viens de le dire, de matières
industrielles, mais il y a aussi la forêt qui est un habitat pour la
faune. Il y a aussi ce qu'on pourrait appeler la forêt-loisir.
La forêt ne peut plus être considérée
aujourd'hui, et encore davantage dans l'avenir, simplement comme une source de
matière première pour l'industrie forestière. Sans vouloir
limiter d'aucune façon l'importance de l'industrie forestière, la
forêt contribue tout de même de façon essentielle au
maintien de l'équilibre naturel par le rôle biologique qu'elle
joue en tant qu'habitat faunique et par son action physique sur le sol, sur
l'eau et sur l'air. Cela me rappelle une nouvelle du romancier et naturaliste
français Jean Giono, intitulée L'homme qui plantait un arbre.
Cette nouvelle nous décrit d'une façon très précise
et nous fait vivre de façon très claire l'importance que peut
avoir et que revêt la forêt dans tout l'ensemble de notre
système biologique et écologique. Elle nous fait voir comment
peut être désastreuse une utilisation non planifiée. Une
coupe sauvage, une destruction complète de nos arbres entraîne la
désertification d'un territoire. Elle nous montre aussi comment,
patiemment, il est possible d'améliorer la vie biologique d'un
territoire par la plantation d'arbres et comment redonner vie à tout
l'ensemble des écosystèmes.
Mme la Présidente, le projet de loi 150 que nous étudions
présentement m'apparaît un peu comme une pièce d'un
casse-tête. Ce qui servirait de cadre à ce casse-tête, c'est
évidemment la loi 102. Ma collègue de Chicoutimi en a fait une
démonstration, il y a quelques instants. Je n'ai pas l'intention d'y
revenir très à fond, mais il reste que la loi 102
m'apparaît être le cadre puisque c'est la loi qui porte sur les
terres publiques au Québec et que la forêt est un
élément des terres publiques au Québec; la forêt
existe sur une partie des terres publiques du Québec et, dans ce sens,
constitue donc une pièce de ce casse-tête qu'est l'ensemble du
territoire québécois.
Si la forêt, comme je le disais tantôt, c'est plus
aujourd'hui que cela n'était hier, le projet de loi 153 portant sur la
faune et les habitats fauniques que nous allons sans doute étudier
également au cours de la présente session, est sans doute une
autre partie importante de ce casse-tête. Je voudrais surtout attirer ici
l'attention des membres de l'Assemblée sur l'importance non seulement
écologique, mais aussi économique, de cette forêt habitat
faunique, de cette forêt-loisir. Au Canada, en 1985, l'activité de
la pêche et de la chasse sportives a entraîné des
investissements et un roulement d'environ 4 700 000 000 $. Au Québec
même, l'activité des pêcheurs sportifs en 1985 - ce sont les
chiffres du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du
Québec - qui a été pratiquée par 1 218 000
pêcheurs sportifs a eu une importance économique
considérable de 598 000 000 $. Si on ajoute» à cela, la
nourriture, l'hébergement, le transport et les services publics, les
engins de pêche et les forfaits, il faut ajouter 51 900 000 $
supplémentaires.
La chasse sur le territoire forestier québécois a
été pratiquée par environ 350 000 adeptes. Cela veut dire
qu'il y a eu dans ce domaine, selon les derniers chiffres statistiques qu'on
peut posséder qui remontent quand même à 1981, environ 5
000 000 de jours-récréation et des retombées
économiques de 163 000 000 $. Si
on ajoute à cela ce qui se passe dans les pourvoiries et dans les
ZEC, c'est 1 500 000 jours-récréation supplémentaires en
1981 pour les pourvoyeurs et des retombées économiques de 200 000
000 $. Dans les ZEC, on a eu une activité qui est sensiblement la
même de 1 500 000 jours-récréation, mais qui a des
retombées économiques beaucoup plus importantes d'environ 800 000
000 $. La pêche sportive au saumon a représenté à
elle seule, en 1980, selon les dernières statistiques disponibles, des
retombées économiques de 12 000 000 $. Quand on pense
également aux animaux à fourrure, au piégeage donc et au
trappage, en 1985-1986, toujours selon les statistiques du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, cela a entraîné des
retombées économiques de 8 800 000 $. (20 h 40)
II y a 25 000 trappeurs au Québec, c'est-à-dire que 15 %
de toutes les fourrures qui sont produites au Canada sont produites au
Québec et on y est au deuxième rang. Il y a 57 000 travailleurs
dans l'industrie de la transformation de la fourrure au Québec: les
nettoyeurs, les teinturiers, les tanneurs, les coupeurs, etc.; c'est 76 % de
l'ensemble de tous les travailleurs canadiens dans le domaine de la fourrure.
J'ajouterai, Mme la Présidente, que les articles de fourrure engagent
8800 employés au Québec et 221 manufacturiers; c'est 85 % de
toutes les manufactures de fourrure du Canada.
Ceci pour illustrer l'importance de la forêt-loisirs et de la
forêt-faune. On ne peut pas oublier ces aspects si on veut vraiment
étudier et développer ici même au Québec une
politique qui soit vraiment une gestion polyvalente de l'ensemble de la
forêt québécoise. Je n'ai bien sûr pas
mentionné toutes les possibilités touristiques de loisirs de
plein air que représente la forêt québécoise.
Mme la Présidente, il y a un autre point sur lequel je veux aussi
attirer l'attention. Comme je le disais, même si on est d'accord avec le
principe du projet de loi 150, il reste qu'il y a dans ce projet de loi au
moins 18 projets de règlement et c'est un des aspects de cette loi sur
lequel je pense qu'il est important, pour l'ensemble des parlementaires, de se
pencher. À cette fin, je crois qu'il est important d'utiliser le rapport
final d'un groupe de travail qui a été celui du groupe de
déréglementation du gouvernement actuel. Ce rapport a
été publié en juin 1986 et, aux pages 33 et suivantes, on
parle du processus de réglementation. Je crois, étant
donné le nombre et l'importance de la réglementation dans le
projet de loi 150, qu'il est important et sage pour le ministre et pour
l'ensemble des parlementaires de se rappeler au moins quelques-unes des
conclusions d'un rapport qu'ils ont eux-mêmes commandé, qu'ils ont
eux-mêmes écrit et déposé ici à
l'Assemblée nationale.
Je vous fais lecture de certains passages qui m'apparaissent
particulièrement importants. Ainsi, à la page 32, quand on parle
des relations avec les citoyens, on dit que, ces dernières
années, cela a été une préoccupation beaucoup plus
grande de la part du gouvernement et de l'administration. On a même -
vous vous en souvenez, d'ailleurs - créé, sous l'ancien
gouvernement du Parti québécois, un poste de ministre
délégué aux Relations avec les citoyens et les citoyennes
et un secrétariat spécial qui était consacré
à cette fin. On dit dans le rapport, assez curieusement, que ce
secrétariat s'est intéressé presque exclusivement à
la manière dont les services sont distribués et très peu
à celle présidant à la préparation et à
l'adoption de la réglementation. Pourtant, cette dernière
constitue un élément fort important de la relation d'un
État avec ses citoyens. Il n'est pas indifférent en effet que la
réglementation soit rédigée en termes simples, clairs et
accessibles. Il n'est pas indifférent non plus que cet effort de
simplification soit accompagné d'un autre effort visant à
impliquer davantage les intéressés et la population dans son
ensemble dans la préparation de la réglementation.
Cette volonté d'associer plus directement les citoyens au
processus de réglementation doit se trouver non seulement dans les
organismes chargés de réglementer de larges secteurs
d'activité économique ou sociale, mais aussi dans les
ministères qui conçoivent la plupart des projets de loi ou de
réglementation gouvernementale.
C'est toujours le rapport de la commission sur la
déréglementation que je lis. Un peu plus loin, on dit: "II
existe, surtout à l'égard de la réglementation, un
processus façonné par les traditions parlementaires. Celles-ci ne
sont pas figées dans le ciment, loin de là. L'utilisation qu'on a
faite, depuis une quinzaine d'années, des commissions parlementaires et
la récente réforme apportée aux règlements de
l'Assemblée nationale en constituent une preuve tangible. Il
n'empêche, toutefois, qu'aussi bien au niveau du gouvernement, lors de
leur préparation, qu'à l'Assemblée, lors de leur adoption,
on ne procède pas actuellement à une analyse suffisamment
approfondie de leur impact sur l'économie et de la
nécessité des dispositions qu'elles contiennent sur
l'habilitation en matière de règlements d'application."
On dit plus loin, à la page 34: "Cela n'est guère
surprenant lorsqu'on examine le processus de préparation et d'adoption
des lois. Dans la pratique, on découvre que c'est souvent ce processus
qui provoque des situations de réglementation inacceptables." Dans le
projet de loi 150, on retrouve 18 projets de réglementation dont aucun
n'a été
présenté aux membres de l'Assemblée pour
étude. Plus loin encore dans le projet, à la page 34, on lit:
"Par ailleurs, les lois sont adoptées en hâte, souvent en fin de
session, submergeant toutes les ressources humaines spécialisées
dans la rédaction des lois, bousculant les législateurs dans leur
travail en fin de session et provoquant l'adoption des lois à la
vapeur." C'est un extrait du rapport Scowen au nom du ministre titulaire...
À la page 35: "La loi, ainsi fabriquée à la
dernière minute et adoptée à la fine épouvante,
comporte souvent des lacunes graves sur le plan du fond, engendrant un pouvoir
réglementaire mal à l'aise dans cet habit législatif."
Quel sera l'habit de ces 18 projets de règlement qu'on retrouve
dans le projet de loi 150? Nul ne le sait. Peut-être le ministre le
sait-il, on n'en est pas encore sûr. C'est l'un des aspects de ce projet
de loi qui est fautif, qui va complètement à l'encontre de la
politique qu'on dit être de déréglementation. Il se dirige
non pas vers une déréglementation, mais vers une
réglementation beaucoup plus abondante sans que cette
réglementation soit présentée aux membres de
l'Assemblée nationale pour étude. C'est l'un des défauts
majeurs du projet de loi. J'espère qu'à la suite de
l'étude du projet de loi en commission parlementaire, lors de
l'étude article par article, le ministre sera en mesure de nous fournir
des indications et, sans doute aussi, je l'espère, pour la bonne
compréhension de tout le projet de loi lui-même, le
dépôt de ces projets de réglementation.
Un dernier point en terminant. Évidemment, j'aurais aimé
souligner... D'abord, je regrette que le gouvernement ne se soit pas rendu
jusqu'à créer ce ministère de la Forêt que certains
réclamaient qui aurait été au moins une étape vers
un mode de gestion beaucoup plus détaillé et beaucoup plus en
cohérence avec l'idée et les avancés qu'on fait sur
l'utilisation polyvalente de la forêt. À cette fin, je cite... On
sait qu'actuellement, les terres publiques sont sous la direction du
ministère de l'Énergie et des Ressources, les forêts sous
la direction du ministre délégué aux Forêts,
l'environnement sous la direction du ministère de l'Environnement. Toute
la question de la faune relève d'un autre ministre, celui du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche. Je ne ferai qu'un rappel d'une des
constatations qui est ressortie au congrès de l'Association
canadienne-française pour l'avancement des sciences dont le thème
était: "L'utilisation polyvalente de la forêt, une utopie". La
conclusion à laquelle on en vient, c'est que l'utilisation polyvalente
du milieu forestier québécois demeurera un objectif quasi
impossible à atteindre tant que sa gestion sera assumée par un
ministère se préoccupant essentiellement de l'approvision- nement
de l'industrie forestière en matière ligneuse.
(20 h 50)
Je termine en disant, tel que je l'ai affirmé au départ,
que nous sommes d'accord avec le principe. Ce projet de loi est important, mais
j'aurais tout de même préféré que le gouvernement et
le ministre aillent plus loin quant à la gestion de la forêt,
quant à la gestion de l'ensemble des activités que l'on peut
retrouver en forêt, et nous proposent un mode de gestion plus
approprié à 1986 et plus particulièrement aux
années qui s'en viennent. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Dubuc.
M. le député de Rouyn-Noranda.
Des voix: Bravo! Bravo! M. Gilles Baril
M. Baril: Merci, madame. Je vous félicite, madame, d'avoir
retenu mon comté.
Une voix: Elle a dit Rouyn-Noranda.
Une voix: Elle n'a pas dit Témiscamingue.
M. Baril: Est-ce qu'elle a dit juste Rouyn-Noranda?
Une voix: Oui.
M. Baril: Je n'avais pas compris, il y a Témiscamingue
qu'il ne faut pas oublier.
Mes félicitations iront, en premier lieu, au député
de Rivière-du-Loup, ministre délégué aux
Forêts, pour le travail exceptionnel réalisé dans son
projet de loi 150. Je lève mon chapeau à son équipe pour
le sérieux et la ténacité avec lesquels elle a su mener ce
projet à bon port. Ayant entendu une quarantaine d'intervenants venus
déposer leur mémoire devant la commission en septembre dernier,
en constatant les changements apportés au projet de loi, je
réalise que vous avez tenu compte de l'opinion des intervenants.
Je suis député du comté de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, comté qui comprend une vaste
forêt composée en majorité de peuplements feuillus et
mélangés, avec présence d'essences nobles, principalement
les pins blanc et rouge, le bouleau jaune et le frêne. Ces
caractéristiques se différencient facilement de la grande
forêt boréale de la majeure partie du Québec, laquelle est
constituée de peuplements résineux dans les essences
d'épinette, de sapin et de pin gris, en bonne partie.
J'aimerais, pendant quelques minutes, faire l'historique de la
problématique générale de la forêt de mon
comté. Par la
nature des peuplements présents sur tout le Témiscamingue,
les travaux d'exploitation fournissent de nombreux produits différents
pour lesquels la demande varie énormément. Les essences compagnes
sont souvent très difficiles à écouler. La présence
de peuplements mélangés engendre l'exploitation de grandes
superficies pour récolter les quantités suffisantes au
fonctionnement de plusieurs usines, étant donné la dispersion des
tiges dans les peuplements.
De plus, la présence de grands volumes de bois en essences
secondaires sur les parterres de coupe rend très onéreux le
traitement sylvicole nécessaire pour assurer la
régénération adéquate des territoires
coupés. L'utilisation de ces volumes considérables
libérerait les sites de coupe et favoriserait une diminution du
coût des traitements sylvicoles en plus de faciliter grandement les
travaux de récolte. Étant donné la superficie
réduite du Témiscamingue à l'échelle de la
province, peu de travaux de recherche ont été conduits jusqu'ici
pour améliorer l'état de la forêt depuis les derniers dix
ans.
Mme la Présidente, dans le passé, ce que je viens de vous
lire était la préoccupation de la Société
forestière du Témiscamingue, et je suis heureux aujourd'hui de
pouvoir dire à cette société qu'on peut régler
majoritairement leurs problèmes grâce à cette nouvelle loi
150. Si on ne peut pas tous les régler, du moins, nous en
réglerons une bonne partie.
Dans l'ancienne loi, les différentes compagnies se disputaient
cette forêt multiple. Certaines compagnies entraient en forêt pour
couper des billes pour leur déroulage. D'autres entraient en forêt
pour des poteaux de bois, d'autres pour du tremble, d'autres compagnies pour
venir chercher le cèdre, d'autres pour la pâte à papier et
d'autres pour le sciage. Aujourd'hui, par cette nouvelle loi, chaque compagnie
pourra couper toutes ces essences sur le territoire qui lui sera alloué
et elle pourra y faire son aménagement à son rythme, respectant
ainsi le principe d'un rendement soutenu et celui des utilisations polyvalentes
de nos forêts.
Le projet de loi se veut une réponse aux difficultés que
nous connaissons depuis quelques années du déficit croissant
entre les besoins en matière ligneuse et la possibilité
forestière globale. Dans le passé, Mme la Présidente, nous
récoltions plus que ce que la forêt pouvait produire. Je me
rappelle l'ancien gouvernement, à l'avant-veille de l'élection de
1981. Ils étaient venus dans ma région faire croire à mes
gens qu'on leur accorderait la possibilité d'un moulin de sciage sur des
quantités de bois qui n'existaient pas.
Nous coupons dans le Témiscamingue plus de bois que la
forêt ne peut en produire. Il est reconnu que nous avons un manque
à gagner de 100 000 mètres cubes de bois par année. On
promettait aux gens de ma région 130 000 mètres cubes de bois
pendant quinze ans. J'ai dû affronter, le printemps dernier, les gens de
mon comté afin de leur dire la vérité, cette
vérité que le parti de l'Opposition sait aujourd'hui mais qu'il
n'avait pas ce qu'il fallait dans le temps pour aller leur dire.
Je profite de l'occasion encore une fois, M. le ministre, pour vous
féliciter de l'action que vous avez prise en présentant ce projet
de loi 150.
J'écoutais la semaine dernière certains
députés péquistes qui essayaient de nous parler du livre
blanc sur la forêt. Vous savez, Mme la Présidente, on peut
l'appeler jaune, on peut l'appeler vert, on peut l'appeler rose, câille
ou de la couleur qu'on voudra, nous avons mis nos grandes culottes, selon
l'expression, et nous avons présenté ce projet de loi. On nous a
élus comme une équipe d'action et nous avons fait nos preuves.
Depuis un an, que ce soit la baisse de la taxe sur le carburant dans les
régions éloignées, que ce soit l'abolition du 9 % de taxe
sur l'assurance-vie, que ce soit l'aide supplémentaire de 400 $ aux
étudiantes et aux étudiants des régions
éloignées et j'en passe, c'est ça un gouvernement
d'action.
Des voix: Bravo!
M. Baril: En revenant à notre forêt du
Témiscamingue, je vous dirais, Mme la Présidente, que peu de
travaux de recherche ont été faits mais que grâce à
la nouvelle politique forestière, à l'article 90, le ministre
peut constituer des forêts d'expérimentation, des centres
éducatifs forestiers, des forêts d'enseignement et de recherche du
même type que la forêt de Montmorency.
Je suis persuadé que la Société forestière
du Témiscamingue en profitera pour améliorer cette croissance si
nécessaire à notre survie. Ces améliorations au mode de
gestion des forêts publiques permettront à toute la population de
retirer le maximum de profits de la ressource forêt tout en
améliorant l'image de l'industrie forestière vis-à-vis du
public en général. Pour nous, il est clair que les moyens retenus
devront assurer l'avenir de notre industrie par le maintien et surtout
l'amélioration de la richesse de nos forêts. La gestion de cette
ressource devra être faite de façon à garantir la
pérennité de la matière première.
En conclusion, la Société forestière du
Témiscamingue est en accord avec l'orientation générale du
projet de loi qui redonnera à l'industrie un sentiment d'appartenance
face à des territoires d'approvisionnement. Il est sûr que des
corrections et des précisions étaient
nécessaires dans l'avant-projet mais, M. le ministre, vous les
avez faites dans le but de rendre le projet de loi viable pour l'industrie. Je
vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. En
écoutant notre collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue on
pourrait croire que le projet de loi qui est devant nous, qui concerne la
forêt au Québec, la politique forestière, est finalement
l'aboutissement du travail efficace du gouvernement libéral élu
depuis décembre, donc depuis un an.
Des voix: Bravo! Bravo! (21 heures)
M. Charbonneau: Or, quand on regarde les faits, on se rend compte
que ce n'est pas tout à fait la vérité, ce n'est pas tout
à fait ce qui doit être indiqué et retenu.
Si on fait un peu l'historique, on se rend compte qu'il y a plusieurs
années, en 1972, il y avait d'abord eu un énoncé de
politique forestière qui avait donné lieu à un certain
nombre d'actions et qui, à ce moment-là, avait contenté
les gens de l'industrie et les gens qui se préoccupaient de l'avenir de
la forêt au Québec. Mais, à partir du début des
années quatre-vingt, on s'est rendu compte qu'il y avait un
problème et qu'on n'arrivait pas à remplacer, à un rythme
suffisamment rapide, la forêt qu'on utilisait, les utilisations qu'on en
faisait. Là, on s'est rendu compte qu'il fallait agir d'une façon
différente et corriger ce qui était en place depuis 1972. C'est
la raison pour laquelle à partir de 1983 - pas depuis le 2
décembre 1985 - le gouvernement précédent avait mis en
place un programme de reboisement important, le premier programme de
reboisement efficace, sérieux, de l'histoire du Québec. Ce
programme de reboisement n'était pas suffisant. C'était l'opinion
du gouvernement précédent. C'est la raison pour laquelle,
quelques mois plus tard, le ministre de l'époque, responsable de ces
questions d'énergie et de ressources, M. Duhaime, avait publié un
document sur la problématique du secteur forestier.
Donc, au mois de juin 1984, les intervenants et les gens qui
s'intéressent à cette question au Québec... C'est une
question importante. Il faut se rendre compte qu'il y a 10 % de la
main-d'oeuvre, des gens qui travaillent au Québec qui travaillent d'une
façon directe ou indirecte dans l'industrie forestière ou
à cause de cette richesse naturelle qu'est la forêt. Je pense
qu'on n'a pas besoin de faire de dessin à personne pour expliquer que le
Québec est l'un des grands producteurs forestiers du monde et que notre
économie est, en partie, basée sur cette richesse naturelle. Il
était donc important qu'on s'attaque à la problématique de
l'utilisation et de la régénération de notre forêt
au Québec et il fallait le faire parallèlement à la mise
en oeuvre et à l'opérationnalisation du programme de
reboisement.
Ce document de consultation a donné lieu effectivement à
une consultation. Ce document qui établissait la problématique a
donné lieu à une consultation qui s'est poursuivie pendant
plusieurs mois et qui a donné lieu, un an plus tard, à la
publication, au mois de juin 1985, d'un livre blanc. Un livre blanc, c'est un
énoncé de politique gouvernementale. Ce sont les choix politiques
que le gouvernement fait à l'égard d'une question en particulier.
Or, notre collègue, le député de Joliette, qui
était, à l'époque, ministre délégué
aux Forêts...
Une voix: Laviolette.
M. Charbonneau: Laviolette, pardon... a publié ce livre
blanc qui s'intitulait Bâtir une forêt pour l'avenir.Finalement, quand on veut être honnête, Mme la
Présidente, et regarder ce que nous avons aujourd'hui par rapport
à ce qui a été fait par le précédent
gouvernement, on doit reconnaître que le ministre
délégué aux Forêts a fait un travail sérieux,
mais a fait un travail dans la foulée de ce que ses
prédécesseurs avaient accompli. Il n'a pas inventé le
monde. Il n'a pas commencé une action. Il a poursuivi une action qui
avait été entreprise par le gouvernement précédent,
et c'était son devoir de le faire. Quand on entend les
députés libéraux encenser leur ministre
délégué aux Forêts, on est obligé de les
rappeler à l'ordre et leur dire: Écoutez, vous pouvez toujours
vous encenser, vous féliciter, vous congratuler, mais il y a
peut-être un moment où cela frise l'indécence et il faut
rappeler les événements, il faut rappeler les faits, il faut les
situer dans une perspective qui permet à tout le monde de porter un
jugement et en même temps de reconnaître que c'est une oeuvre
collective des députés et des dirigeants politiques depuis un
certain nombre d'années déjà que d'agir sur un
problème fondamental à l'égard de l'économie
québécoise.
Le travail que l'actuel ministre a fait, c'est quoi? C'est d'arriver,
lui aussi - on dirait que c'est à tous les mois de juin qu'on intervient
dans le dossier forestier - en juin 1986, de nous présenter un
avant-projet de loi, qui comportait alors 113 articles, et qui,
de l'avis de plusieurs, comportait de nombreuses failles par rapport au
document qui avait été publié un an plus tôt par son
prédécesseur. Beaucoup d'organismes ont demandé une
consultation particulière et, finalement, le gouvernement s'est rendu
à l'évidence qu'il fallait effectivement donner l'occasion
à nouveau aux gens de l'industrie, aux travailleurs de cette industrie
et aux scientifiques qui sont intéressés par l'évolution
de ce dossier de se faire entendre.
J'ai moi-même présidé la commission de
l'économie et du travail, la consultation particulière de la fin
d'août et du mois de septembre. Cette consultation particulière
s'est échelonnée sur six jours. On a entendu plusieurs
intervenants ayant même reçu des mémoires qui ont
été analysés, je pense bien, à la fois par le
ministre et par notre collègue, le député de Duplessis,
notre critique en matière de forêt. Cela a permis finalement au
ministre de se rendre compte qu'il fallait qu'il refasse ses devoirs et qu'il
était important de revoir le document que son prédécesseur
avait préparé, revoir le projet de loi à la lumière
à la fois de ce document et des opinions qui ont été
émises à l'occasion de cette consultation
particulière.
Cela a donc amené le ministre, à la mi-novembre, juste au
moment où il fallait absolument déposer tous les projets de loi
selon les règlements de l'Assemblée, à nous
présenter le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi 150
qui, comparativement à l'avant-projet de loi qui comportait 113
articles, en comporte 228.
Déjà, je pense que par rapport à ce que notre
collègue, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
nous a dit, on voit que le ministre avait fait ses devoirs mais on a raison de
lui indiquer qu'il va trop vite, qu'il y a un certain nombre de choses
importantes à vérifier, qu'il y a des choses qu'il n'a pas prises
en considération et qu'il doit prendre en considération. Il y a
des questions importantes qu'il doit réévaluer.
Le nombre d'articles additionnels nous indique que, effectivement, le
ministre a su écouter. Je pense qu'on doit reconnaître cela.
Néanmoins, il demeure un certain nombre de questions inquiétantes
et de questions qui, à notre point de vue, sont inacceptables. Mais,
néanmoins, dans l'ensemble, je crois qu'on a devant nous un projet de
loi qui mérite une attention et un accueil favorable. C'est ce que notre
critique et les collègues qui m'ont précédé nous
ont indiqué, Mme la Présidente.
Nous allons voter pour ce projet de loi. Nous espérons,
cependant, que le ministre continuera d'avoir une attitude d'ouverture comme il
l'a eue depuis le dépôt de son avant-projet de loi et qu'il
participera à l'étude détaillée du projet de loi en
comprenant que les interventions qui seront faites par le député
de Duplessis sont des interventions qui non seulement visent à l'aider
à faire son travail législatif et son travail de direction, mais
à faire en sorte que les industriels, que les travailleurs et que
l'ensemble de la société québécoise se retrouvent
avec un projet de loi qui soit le plus acceptable possible, le plus parfait
possible, étant entendu que la perfection n'est pas de ce monde, mais
selon ce que mon collègue, le député de La Peltrie, me
suggère, le plus complet possible. Je crois que ce que nous devons
espérer, c'est que non seulement il soit complet mais qu'il soit le plus
adapté à l'égard des défis et des problèmes
qui se posent dans cette industrie et qui se posent à l'égard du
renouvellement de cette richesse naturelle.
La forêt est une richesse naturelle renouvelable à
condition qu'on prenne les moyens pour la renouveler. À cet
égard, le ministre doit porter une attention particulière
à partir de maintenant aux problèmes qui ont été
soulevés dans l'intervention du député de Duplessis. Mais,
avant de voir un certain nombre de ces questions, je voudrais souligner une
question qui, à mon avis, apparaît un peu inquiétante et
illogique dans l'attitude et le processus que le gouvernement a choisi
d'adopter. Quand nous avons vu le ministre déposer le projet de loi 150
à la mi-novembre, nous l'avons vu également déposer un
autre projet de loi, celui-là concernant les terres publiques.
Normalement... je voudrais demander à mes collègues de l'autre
côté s'ils pourraient me laisser intervenir avec un peu plus de
silence. Cela nous permettrait de nous concentrer plus facilement lors de ses
interventions. (21 h 10)
Mme la Présidente, le projet de loi 102 concernant les terres
publiques vise à définir les terres publiques. Il vise à
établir un processus d'affectation des terres. Je pense qu'à
l'évidence même le projet de loi 102 doit être
considéré, étudié, adopté au moins en
même temps, sinon avant le projet de loi 150. Or, c'est ce qu'au
départ le ministre voulait faire. À ce moment, nous n'avions
aucune objection, aucun reproche à lui faire.
Ce qu'on apprend, c'est que le gouvernement a décidé de
faire marche arrière. Enfargés par l'amateurisme du leader du
gouvernement à l'égard de la planification des travaux
parlementaires, le ministre et le gouvernement... Finalement, l'ensemble de la
société québécoise intéressée par ce
document voit le gouvernement retraiter sur le projet de loi 102 et nous
indiquer que, parce que là aussi on avait convenu qu'il y aurait une
consultation particulière au cours du mois de décembre, dans les
prochains jours, là, le gouvernement recule et décide de ne pas
faire cette consultation particulière et de ne pas adopter le projet
de loi 102.
Ce qui m'inquiète... Moi, je ne suis pas un spécialiste
des questions forestières et je pense que les gens qui nous
écoutent vont aussi comprendre que c'est inquiétant: Comment
va-t-on ici adopter et donner les moyens au ministre
délégué aux Forêts d'intervenir dans le secteur
forestier plus efficacement, avec un projet de loi plus adapté aux
défis de l'heure et aux défis des années à venir,
quand le projet de loi qui devait encadrer, délimiter l'action dans le
secteur forestier, c'est-à-dire le projet de loi concernant les terres
publiques, lui, restera en plan sur les tablettes et sur la planche de travail
ici à l'Assemblée nationale? J'arrive difficilement à
comprendre les raisons qui ont motivé le ministre à accepter une
telle attitude. Je crois que, si le ministre délégué aux
Forêts s'était fait plus insistant, peut-être aussi s'il
était plus influent - on ne peut pas lui en faire reproche, c'est un
nouveau ministre et aussi un nouveau député - mais, s'il
était plus insistant et plus influent à l'intérieur du
gouvernement, peut-être aurait-il réussi à convaincre le
leader du gouvernement et l'ensemble de ses collègues qu'un certain
nombre d'autres lois dont on va débattre longtemps au cours des
prochaines semaines ne sont finalement pas tellement urgentes et que, par
ailleurs, ces projets de loi qui concernent 10 % de la main-d'oeuvre
québécoise, des gens qui travaillent au Québec, et qui
concernent une des industries de base du Québec, ces projets de loi,
eux, mériteraient qu'on y travaille sérieusement au cours de ce
mois de décembre, au cours des trois prochaines semaines. Non. Le
gouvernement a décidé de présenter des projets de loi qui
modifient la loi 101, alors que personne dans la société
québécoise, à l'exception des bailleurs de fonds du
gouvernement dans le West Island, personne n'a demandé au gouvernement
de modifier et de charcuter la loi 101. Personne n'a demandé au
gouvernement d'agir de la sorte. Mme la Présidente, est-ce qu'il serait
possible de demander à mes collègues...
La Vice-Présidente: Là-dessus, je demanderais un
peu la collaboration de la Chambre parce que effectivement on entend un peu
jacasser de part et d'autre de sorte que cela peut déranger et le
député et la présidente qui doit faire respecter les
règlements. Là-dessus, je demanderais la collaboration de tout le
monde. M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Merci. Je vous expliquais et je l'expliquais
surtout au ministre qu'il aurait dû et il devrait encore tenter de
convaincre ses collègues du cabinet, et en particulier le leader du
gouvernement, de mettre la pédale douce sur leur volonté de
passer à la vapeur un certain nombre de projets de loi et faire en sorte
que la consultation qu'on nous avait promise et annoncée à
l'égard du projet de loi sur les terres publiques puisse se faire et que
les discussions qui doivent être faites autour de ce projet de loi sur
les terres publiques et, également, autour du projet de loi qui est en
discussion actuellement, le projet de loi sur la forêt, l'industrie
forestière, puisse se faire et qu'on se retrouve au début de 1987
avec un ensemble de lois cohérentes adaptées et prêtes
à être mises en vigueur par le gouvernement. Ce que l'on craint de
ce côté-ci de la Chambre, c'est que le manque de cohérence
du gouvernement fasse en sorte qu'on commence probablement à appliquer
le projet de loi à l'égard de la politique forestière sans
avoir en main les instruments, les modalités et le cadre de
référence que représente le projet de loi 102 sur les
terres publiques.
Mme la Présidente, je vous ai indiqué qu'il y avait
plusieurs modifications à apporter au projet de loi 150, plusieurs
modifications et des points inquiétants. J'ai demandé au ministre
d'écouter attentivement les propositions qui seront faites par le
député de Duplessis et, également, de considérer la
possibilité, puisqu'il était prêt à le faire sur le
projet de loi des terres publiques, de faire une nouvelle consultation plus
courte, bien sûr, que celle qui a déjà été
faite à la fin de l'été, une brève consultation
d'une journée ou deux sur ce projet de loi, étant donné
que, depuis le dépôt du projet de loi spécifique et depuis
la discussion que nous avons eue sur l'avant-projet de loi, un certain nombre
d'organismes importants ont fait de nouvelles représentations.
Étant donné que le projet de loi 150 concerne, et je le
répète, un secteur important de l'activité
économique du Québec, il serait normal que l'on prenne ici,
à l'Assemblée nationale, toutes les précautions pour
s'assurer que les opinions les plus éclairées dans cette
industrie puissent être évaluées au mérite par le
gouvernement et par les membres de la commission de l'économie et du
travail qui auront à étudier ce projet de loi, article par
article, pour faire en sorte que - et ce n'est pas un défi du Parti
libéral, ce n'est pas un défi du Parti québécois,
c'est un défi de société, c'est un défi collectif -
nous puissions avoir, à l'égard de l'exploitation de la richesse
naturelle qu'est notre forêt, un instrument d'intervention plus
adapté au défi que représente la concurrence
internationale, et au renouvellement et à la protection de cette
richesse naturelle.
Je termine en vous indiquant, Mme la Présidente, que nous
espérons sincèrement de ce côté-ci que le ministre
délégué aux Forêts accepte cette demande qui, je
pense, est raisonnable, d'autant plus qu'il avait lui-même
déjà prévu deux jours de consultations
particulières concernant le projet de loi 102 sur les terres
publiques. Puisqu'il a lui-même décidé de se rendre
à l'impératif sans doute stratégique du leader du
gouvernement de retirer le projet de loi 102 et donc de retirer la consultation
particulière, au moins qu'il permette aux spécialistes et aux
intervenants qui ont un éclairage important à ajouter à
l'égard du projet de loi 150, qu'il leur permette d'apporter cet
éclairage et d'intervenir à nouveau dans une consultation
particulière qui serait limitée, qui serait relativement
brève et qui permettrait aux parlementaires de faire une étude
détaillée article par article et de donner au ministre
délégué aux Forêts un meilleur instrument
d'intervention pour qu'il puisse rendre la loi opérante dès le
début de 1987. C'est la raison pour laquelle nous faisons cette demande
et nous espérons que le ministre, Mme la Présidente, saura
reconnaître à la fois l'ouverture d'esprit et la bonne
collaboration qu'on lui a donnée jusqu'à maintenant de ce
côté de la Chambre et en même temps la pertinence de la
suggestion que nous lui faisons présentement. Merci, Mme la
Présidente.
Une voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Verchères. M. le député de Prévost.
M. Paul-André Forget
M. Forget: Mme la Présidente, nous sommes appelés
à débattre l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur
les forêts.
Mme la Présidente, le projet de loi 150 propose une
réforme du régime juridique des forêts du domaine public de
même qu'une refonte et une mise à jour de la loi portant sur la
protection des forêts, la mise en valeur des forêts privées
ainsi que sur l'utilisation et la transformation du bois. En tant que
législateurs, nous sommes tous conscients que la forêt a un
rôle important à jouer dans le développement
économique de la province de Québec, de l'État
québécois. La sauvegarde de ce rôle exige des mesures
nécessaires qu'on retrouve dans le projet de loi 150 en vue d'instaurer
un nouveau régime forestier au Québec. (21 h 20)
En effet, Mme la Présidente, lorsqu'on parle de la sauvegarde de
nos forêts avec le projet de loi 150, on pense à l'importance de
ce secteur dans notre économie. Lors de la cérémonie
d'ouverture de la semaine de l'arbre et de la forêt le 26 mai, le
ministre délégué aux Forêts soulignait cette
importance dans notre économie, et je cite: Les arbres ne font pas
qu'embellir notre environnement; avec le bois qu'ils nous fournissent, ils nous
permettent de vivre plus confortablement. L'exploitation de la matière
ligneuse soutient l'existence d'une centaine de municipalités
québécoises et fournit du travail à 10 % de notre
main-d'oeuvre. 57 usines fabriquent des pâtes et papiers et plus de 2000
autres transforment le bois en milliers de produits et sous-produits qui
agrémentent notre vie de tous les jours.
De plus, le projet de loi 150 sur la forêt, Mme la
Présidente, s'attaque enfin efficacement aux problèmes
fondamentaux qui menacent ce potentiel industriel d'envergure que constitue la
forêt du Québec. Tel que cela s'imposait depuis longtemps, on
propose des mesures propres à la fois à résoudre les
problèmes suivants: le maintien et même la reconstitution du
couvert forestier, la protection de l'ensemble des ressources du milieu
forestier et l'harmonisation des activités qui s'exercent en
forêt.
Ce projet de loi 150 sur la forêt résulte d'une approche
rigoureuse impliquant tous les intervenants concernés, notamment une
consultation élaborée avec de multiples intervenants lors de la
commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur la forêt. Il
résulte également d'une collaboration intensive de plusieurs
ministères, dont le ministère de l'Énergie et des
Ressources, le ministère de l'Environnement et le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Pour cela, je félicite le
ministre délégué aux Forêts. Ce travail intensif des
experts de ces ministères apparaît d'ailleurs de façon
évidente dans l'allure très systématique et très
rationnelle du projet de loi 150 sur les forêts à l'image du
gouvernement que nous représentons.
Mme la Présidente, le projet de loi 150 va enfin au-delà
des seules considérations économiques à court terme en se
préoccupant également non seulement du couvert forestier, mais
aussi d'aménagement forestier à des fins expérimentales de
formation et de recherche. D'ailleurs, la recherche, c'est très
important, étant donné, par exemple, les recherches remarquables
effectuées au Québec dans le domaine de la foresterie, de
même qu'une maîtrise de plus en plus affirmée des
Québécois dans le domaine de la biotechnologie. En se
préoccupant de l'aspect scientifique de l'aménagement de la
forêt, le projet de loi 150 ouvre la voie à un avenir des plus
prometteurs. On peut espérer une accélération de la
croissance et on peut prévoir un contrôle efficace des maladies.
On peut surtout prévoir que les générations futures
pourront, elles aussi, compter sur la forêt pour leur
bien-être.
Concernant, Mme la Présidente, cette nouvelle approche qui impose
à ceux qui récoltent de se préoccuper de
l'aménagement de la forêt, reconnaissons qu'il a fallu longtemps
pour que le Québec soit dirigé par
un gouvernement assez énergique et responsable pour agir au cours
de la dernière décennie. L'actualité n'a pu souligner que
la menace de plus en plus certaine de rupture des stocks sans jamais pouvoir
rapporter une seule mesure concrète de correction. Cette approche,
également nouvelle, vise à impliquer simultanément les
organismes de protection, les bénéficiaires de contrats
d'approvisionnement, les propriétaires de forêts privées et
le ministre de l'Énergie et des Ressources pour contrer ensemble les
problèmes relatifs aux incendies, maladies et épidémies.
Cette mesure constitue un des nombreux exemples du travail efficace et
rationnel du projet de loi 150 sur la forêt.
Enfin, en établissant le principe que tous les bois
récoltés au Québec dans le domaine public doivent
être transformés au Québec, le projet de loi 150
témoigne d'une formule rationnelle remarquable non seulement en se
préoccupant du maintien du couvert forestier, non seulement en voyant
à l'aspect scientifique de l'aménagement de la forêt, non
seulement en organisant la lutte aux incendies et aux épidémies,
mais en veillant aux retombées économiques et industrielles du
bois. Le projet de loi 150 constitue par conséquent un
événement majeur pour le maintien du développement
économique de ce secteur de l'économie québécoise.
Cette transformation du bois au Québec engendre évidemment une
activité économique créatrice d'emplois nombreux,
indispensables à notre population surtout chez les plus jeunes de nos
travailleurs parmi lesquels le chômage sévit de façon
pénible dans certaines régions. On cessera d'exporter autant
d'emplois en veillant ainsi sur la transformation des bois
récoltés dans le domaine public.
Enfin, la mécanisation des opérations forestières a
fait de cette industrie une industrie moderne laquelle exige, par
conséquent, pour être rentable un mode d'opération continu
capable de planifier des opérations sur une période suffisante
pour justifier les investissements requis. Ces opérations exigent
également une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée qu'il faut
former. Il importait que le projet de loi 150 établisse un cadre de
travail dûment défini, établisse des règles de
gestion efficace de nos forêts. En bref, il importait que la loi relative
aux forêts soit à la hauteur des investissements massifs que
l'industrie a réalisés récemment au Québec,
notamment, des 5 000 000 000 $ investis par les industries
québécoises du sciage et des pâtes et papiers. Par le
projet de loi 150 sur les forêts, le gouvernement du Québec
démontre un sens des responsabilités compatible à celui
des investisseurs, si nous voulons conserver nos acquis.
Au-delà de ces mesures efficaces proposées dans le projet
de loi 150, ce qui retient l'attention, c'est le courage démontré
par le gouvernement et le ministre délégué aux
Forêts dans cette mise en ordre de l'exploitation des forêts de la
province de Québec. Ce qui retient l'attention, c'est le sens des
responsabilités démontré par le gouvernement. Pourtant,
ces mesures s'imposaient depuis plusieurs années. C'est tout à
l'honneur du gouvernement, si peu de temps après avoir pris en main la
direction du Québec, d'avoir agi aussi rapidement et aussi efficacement.
Le projet de loi 150 recevra, j'en suis assuré, l'appui de tous ceux qui
ont à coeur la sauvegarde de nos forêts et de nos emplois que
l'exploitation des forêts engendre. Le projet de loi 150 sur la
forêt constituera bientôt un sujet de fierté pour tous ceux
qui, comme moi, auront eu l'occasion de l'appuyer. J'appuie le projet de loi
150. Merci.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Prévost. Mme la députée de Marie-Victorin. (21 h 30)
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, Mme la Présidente. Ce soir, nous devons
nous pencher sur le projet de loi 150 sur les forêts. Il eut
été évidemment beaucoup plus agréable de pouvoir
discuter a la fois et des forêts et des terres, parce que les deux
aspects sont intimement liés. Encore une fois, nous avons à faire
à l'incohérence de ce gouvernement, ce gouvernement auquel on dit
toujours: Agis en peu de temps, rapidement. Effectivement, Mme la
Présidente, je suis obligée d'admettre avec vous que c'est un
gouvernement qui agit en peu de temps et rapidement, mais non pas toujours dans
le sens de la voie de l'expérience.
Ce gouvernement se disait, il y a deux ans, être la voie de
l'expérience. Où en est-elle, cette expérience? Elle en
est toujours à ce parti de "jingle" qui nous reçoit tous les
jours à l'Assemblée nationale sur un air de bossa-nova: C'est la
faute à l'ancien gouvernement! Mais jamais encore ce gouvernement n'a
commencé à gouverner.
Nous sommes d'accord avec ce projet de loi, sur son fondement, mais pas
sur les modalités, pas sur ses principes d'application, parce qu'il
reste trop de choses qui n'ont pas été couvertes, trop de choses
qui n'ont pas été étudiées. Ce projet de loi n'est
pas l'objet du point de départ. Comment voulez-vous, dans une
cohérence, dans une qualité, pouvoir donner force de loi à
un projet qui repose sur une autre loi qui n'est même pas
adoptée?
J'aimerais peut-être que ce gouvernement prenne un peu plus son
temps et arrive
avec des projets de loi cohérents, efficaces et qui ne font
perdre le temps de personne. Ce qui fait perdre le temps, ce n'est pas juste de
passer des lois à toute vapeur, c'est vraiment, une fois les lois bien
prises, bien faites, bien pensées, pour leur application et leur
compréhension, permettre aux personnes, qui doivent les mettre en
application, de ne pas perdre de temps.
Qu'est-ce qui arrive avec des lois semblable? Consultations par-dessus
consultations pour essayer de comprendre où on s'en va, quels seront les
impacts pour l'ensemble des travailleurs. Beaucoup de travailleurs des
syndicats forestiers se posent énormément de questions sur ce
projet de loi. Là aussi, on est allé très rapidement. Pour
ce gouvernement, les questions des travailleurs et des syndicats, hou! il ne
faut pas trop en parler, c'est tracassant, c'est fatigant; il faut y aller
à la sauvette, avec les travailleurs et les syndicats. Quand ils parlent
trop fort, c'est la muselière, avec ce gouvernement. On l'a vu par
certaines lois qu'ils ont passées il n'y a pas si longtemps.
Ah! Mme la Présidente! Nous en sommes toujours au projet de loi
où on nous dit qu'il faut aller rapidement. Nous sommes un bon
gouvernement parce que nous sommes rapides, nous autres. C'est un peu comme les
McDonald et les "Big Mac", on ne sait pas ce qu'on mange mais c'est rapide et
cela remplit le ventre. C'est à peu près ce que ce gouvernement
nous donne actuellement.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Je demanderais la collaboration de la Chambre. J'aimerais bien
reconnaître le droit de parole à chacun, qu'on puisse l'entendre.
Là-dessus, je demande votre collaboration. Mme la députée
de Marie-Victorin, vous pouvez continuer.
Mme Vermette: Pour ces gens, leur nourriture, ce n'est
peut-être pas des "Big Mac" mais, pour la population, cela leur suffit
qu'on leur donne des "Big Mac". Je comprends qu'ils puissent réagir!
C'est un gouvernement qui se soucie peu de la qualité de vie sous
tous ses aspects. Je pourrais en discuter, mais on pourra me dire que je fais
de grandes parenthèses. Je n'ai qu'à penser aux
handicapés, à ce qu'on fait aux personnes handicapées. Je
peux vous dire que la qualité de vie, ce n'est pas tout à fait le
souci, la préoccupation des gens d'en face actuellement.
Une société démocratique permet à tous de
s'exprimer et tient aussi compte de la volonté des principaux
intéressés. Le rôle d'un gouvernement est d'arriver
à établir des consensus, d'arriver à établir des
compromis, et c'est un langage qui fait défaut à ce gouvernement.
C'est la voie de la dictature. Quand c'est dit, c'est pensé par des
maîtres à penser et par des chefs qui se sentent au-dessus de
toute mêlée. Mais, on arrive là où on arrive et je
vous garantis qu'en ce qui concerne le tissu social c'est la dernière
préoccupation de ces gens-là. Établir des consensus, ils
ne connaissent pas ça; établir des compromis, encore bien moins.
On a juste à regarder ce qui se passe ces derniers temps. Tout le monde
descend dans la rue. Et pourtant, nous vivions dans une paix relative, dans le
calme au cours de ces dernières années. Mais, cela a pris un an
pour que tout le monde redescende dans la rue. Finalement il...
M. Perron: Que la Sûreté du Québec sorte les
matraques.
Mme Vermette: ...ne faudrait pas que la Sûreté du
Québec sorte les matraques parce que là, on n'en reviendra plus.
Cela fait penser à certains événements qui ont
été très douloureux pour bien du monde.
M. Chevrette: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Chevrette: Vous savez qu'en vertu de nos règlements un
député qui doit prendre la parole doit vous la demander. Que je
sache, depuis le début de l'intervention de Mme la députée
de Marie-Victorin, plusieurs députés l'interrompent de toutes
sortes de façons. Je ne voudrais pas être dans l'obligation de les
nommer par leur nom ce soir.
La Vice-Présidente: Cela étant dit, je vais
remettre la parole à Mme la députée de Marie-Victorin. Je
demande la collaboration de la Chambre. Puisque l'on est sur le projet de loi
150, sans être trop restrictive sur l'interprétation de l'article
239, j'aimerais pouvoir entendre discuter du projet de loi 150.
Là-dessus, Mme la députée de Marie-Victorin, je
vous redonne la parole.
Mme Vermette: Je vais parler de l'écologie des lieux, Mme
la Présidente. Cela fait partie aussi des politiques forestières,
cela fait partie de l'environnement. Je pense que c'est très important
quand on parle de qualité de vie. Justement les forêts font partie
d'une qualité de vie parce que quand elles sont en bonne santé
elles appartiennent à un environnement qui favorise l'ensemble de la
population. Avoir un environnement sain c'est important pour elle; c'est de
l'oxygène que d'avoir des forêts en bonne santé. C'est un
peu d'oxygène dont on a tous besoin dans notre société
à l'heure actuelle, parce qu'on risque d'en manquer dans peu de
temps.
En ce qui concerne le projet de loi -quand on parle de nos forêts,
c'est une de nos plus grandes richesses, une richesse importante pour le
Québec - nous avons toujours été favorables à
l'expansion de la forêt et à prendre toutes les mesures
nécessaires pour que nos forêts demeurent cette richesse
appelée par une de mes collègues, l'or vert du Québec. Je
pense que c'était un terme très bien choisi parce que c'est une
des plus grandes richesses sur laquelle nous pouvons compter, qui favorise
énormément de développements de différents aspects,
dans différentes sphères.
Il aurait été préférable évidemment,
avant d'entreprendre l'adoption à toute vapeur de ce projet de loi 150,
de bien faire la part des choses, de bien étudier ce projet de loi et de
voir tout son impact. Beaucoup de choses sont restées de
côté, beaucoup de choses sont restées en suspens et en plus
on apporte une nouvelle vision des choses. Qu'arrivera-t-il en ce qui concerne
justement les terres et forêts? Nous n'en savons rien encore, nous avons
simplement des projets de loi qui sont déposés devant nos yeux et
nous sommes encore devant un fait accompli, un constat. Un gouvernement
à pas feutrés qui dit toujours que tout va bien, qu'il n'y a
rien, qu'il ne faut pas s'en faire. Ne vous en faites pas, faites-nous
confiance, on est là pour vous protéger et aller dans le sens que
nous avons décidé et aider nos amis à faire plus d'argent.
C'est à peu près le style du gouvernement qu'on a et c'est le
genre de loi que ces gens-là veulent nous faire adopter.
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Mme la Présidente, si vous sentez le besoin
de vous lever, imaginez-vous que nous aussi. Je suis responsable de
l'application des règlements pour notre formation politique. Je vous
rappelle que ce sont toujours les mêmes. Quand vous faites remarque, je
demande la collaboration de la Chambre, j'aimerais que vous demandiez la
collaboration du gouvernement et non pas de la Chambre comme telle. Il y a deux
partis dans cette Chambre et, que je sache, ce n'est pas nous qui interrompons
notre collègue. (21 h 40)
La Vice-Présidente: Je demande la participation. Il s'agit
du droit de parole de la députée rie Marie-Victorin. J'aimerais
bien l'entendre. Il y a quelquefois tellement de conversations en cette Chambre
que j'ai de la difficulté à suivre la députée de
Marie-Victorin et, compte tenu que je peux avoir de la difficulté, je
peux également avoir de la difficulté à faire respecter le
règlement.
Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît,
vous pouvez continuer!
Mme Vermette: Oui, Mme la Présidente. Je comprends que
vous pouvez avoir certaines difficultés parce qu'il y a tellement de
manque de coordination et de cohérence au gouvernement que ce n'est pas
toujours facile de suivre.
Mme la Présidente, je voudrais vous dire, malgré tout ce
que j'ai pu dire, que je n'en ai pas contre le projet de loi, mais c'est la
façon dont on s'y prend pour présenter les projets de loi. Il y a
des nuances à apporter en cette Assemblée nationale et je pense
que c'est important qu'on les soulève. Il faut toujours, quand on est
pris à la gorge, dire tout de suite: Oui, oui, oui, sans penser, sans
réfléchir, comme si les choses, les événements
allaient de soi. Il y a toujours un impact. Des retombées, c'est
important.
Mme la Présidente, je veux vous dire que l'implantation est
toujours la phase la plus importante et la plus fragile. Quand on ne prend pas
le temps, avant, de faire une bonne cueillette des données et une bonne
analyse, la phase d'implantation est toujours la plus difficile. C'est
là qu'arrivent les problèmes et c'est là que surgissent
justement les difficultés auxquelles on ne voudrait pas faire face.
C'est là aussi que réagissent nos syndicats et les travailleurs
parce qu'ils se sentent lésés, ils se sentent bousculés
comme s'ils n'avaient pas de place, comme s'ils n'avaient pas leur mot à
dire. Je pense que ce sont les principaux intéressés. Les gens de
la base ont un mot à dire et il faut leur laisser une place.
Mme la Présidente, c'est dommage, mais on nous a d'abord
présenté un projet de loi qui comptait quelques articles et,
actuellement, c'est un projet de loi dont le nombre d'articles dépasse
largement du double ceux qu'on avait au point de départ. Il faudrait
qu'on fasse cela rapidement, à la sauvette, comme ça, de
même. Je dis: Non, Mme la Présidente, c'est impensable. Par
contre, à cause de l'urgence au Québec de se doter d'une
politique forestière, j'ose espérer que nous pourrons aller
beaucoup plus loin. J'ose espérer qu'on aura, avec le projet de loi 102,
à aller beaucoup plus loin et à permettre à tous ces
gens-là de se faire entendre afin qu'on ait de la cohérence dans
ce gouvernement et que l'ensemble des Québécois et des
Québécoises pourront bénéficier justement d'un
gouvernement qui peut appliquer des lois dans le sens de la collectivité
des Québécois et des Québécoises.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Est-ce qu'un député de la
majorité ministérielle voulait intervenir, Mme la
Présidente?
La Vice-Présidente: M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Je vois un whip adjoint qui indique à un de
ses collègues de prendre la parole. Je prendrai la parole par la suite,
Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député...
M. Rochefort: On peut suspendre. Non, on va...
La Vice-Présidente: M. le député de
Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Vous comprendrez, Mme la Présidente, que je
voulais respecter la pratique et la tradition en cette Chambre de l'alternance.
Je ne voulais d'aucune façon empêcher le député de
Sainte-Anne, qui est whip adjoint de sa formation politique, de permettre
à un de ses collègues de prendre la parole sur cet important
projet de loi.
Mme la Présidente, je désire m'associer à mon
collègue, le député de Duplessis, porte-parole de notre
formation politique pour le secteur de la forêt, dans le cadre de cet
important projet de loi qui est ici à l'étude en deuxième
lecture ce soir, soit le projet de loi 150, Loi sur les forêts. Le projet
de loi qui est devant nous, pourrait-on croire, ne devrait probablement pas
intéresser un député d'une région urbaine, d'une
région fortement peuplée, par surcroît, de la région
de Montréal, et, encore plus, d'un des deux comtés les plus
densément peuplés de tout le Québec. Si j'ai choisi
d'utiliser mon droit de parole pour participer à cet important
débat qui nous regroupe tous ensemble ce soir, c'est qu'il faut
reconnaître tous ensemble que la forêt, c'est quelque chose
d'absolument majeur dans le développement économique du
Québec. On sait qu'il y a au-delà de 250 000 hommes et quelques
femmes, mais au-delà de 250 000 personnes qui gagnent leur vie de la
forêt au Québec. Ces 250 000 personnes représentent
près de 10 % de la force de travail totale du Québec. Cela
indique donc jusqu'à quel point, à elle seule, la forêt est
une ressource de premier plan pour le développement économique du
Québec et aussi dans cet équilibre qui doit régner, qui
doit bien exister entre les régions ressources du Québec que
sont, par exemple, la Côte-Nord, le SaguenayLac-Saint-Jean, la
Haute-Mauricie, l'Abitibi, le nord des Laurentides, une partie de l'Outaouais,
le Bas-Saint-LaurentGaspésie aussi, ces régions-ressources
qui ont un rôle considérable à jouer dans ce
développement économique du Québec par rapport à
des régions plus identifiées comme régions consommatrices
que sont la grande région de Montréal et la grande région
de Québec. En ce sens, je pense qu'il faut que l'Assemblée
nationale s'intéresse beaucoup à ce qui se passe dans nos
forêts pour bien assurer cet équilibre dans le partage des
responsabilités, dans le partage des fonctions entre les
régions-ressources et les régions consommatrices que sont les
grandes régions urbaines du Québec.
Mme la Présidente, je dois toutefois souligner ma
déception, mon regret et surtout ma surprise de débattre ce soir
du projet de loi 150, alors que le gouvernement a maintenant
décidé - il le formalisera dans les prochaines heures, nous
dit-on - de retirer le projet de loi 102 sur le menu législatif. Je suis
d'autant plus surpris qu'il n'y a pas plus longtemps que la semaine
dernière, à l'occasion d'une motion déposée par mon
collègue, le député de Roberval, qui souhaitait que soit
reportée l'étude du projet de loi 150 de quelques mois pour
permettre, véritablement, que les projets de loi 102 et 150 puissent
cheminer ensemble, puissent être étudiés concurremment de
façon telle que tout le monde l'a toujours compris, de façon
telle que tout le monde l'a toujours expliqué, de façon telle que
tout le monde a toujours présenté ces législations, elles
puissent être étudiées ensemble parce qu'elles constituent
dans les faits un tout...
Mme la Présidente, je suis surpris de me retrouver aujourd'hui en
train de discuter du projet de loi 150 alors qu'on sait que le projet de loi
102 sera retiré dans les prochaines heures, d'autant plus, comme je le
disais tantôt, que le ministre responsable du secteur de l'Énergie
et des Ressources affirmait, pas plus tard que le 25 novembre, mardi dernier,
ici même à l'Assemblée nationale, à la suite d'une
motion de mon collègue, le député de Roberval, qu'il
voulait justement reporter l'étude du projet de loi 150 pour qu'on
puisse étudier les projets de loi 150 et 102 en même temps. Le
ministre de l'Énergie et des Ressources disait, et je cite au texte: "Je
peux assurer le député de Roberval et l'Opposition que c'est
notre intention de faire adopter avant la fin de la session le projet de loi
102 qui a été présenté à l'Assemblée
nationale et les deux projets de loi seront adoptés en même temps
avant le 21 décembre."
Je poursuis la citation, Mme la Présidente: "Et mon
collègue, le ministre délégué aux Forêts, va
assurer l'Opposition qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le projet
de loi sur les terres et la loi que nous discutons maintenant, loi sur le
nouveau régime forestier."
Mme la Présidente, après un tel engagement, on ne peut
plus formel du
ministre de l'Énergie et des Ressources, on se retrouve ce soir
à discuter du projet de loi 150 alors qu'on nous apprend tout à
coup que le projet de loi 102 est sorti du décor, reviendra on ne sait
quand devant l'Assemblée nationale et on nous dit encore moins comment
le projet de loi 150 pourra être bien imbriqué avec le projet de
loi 102 le jour où le gouvernement se réveillera et
décidera peut-être de rappeler le projet de loi 102 à
l'étude des membres de l'Assemblée nationale.
Cette incohérence législative posera des préjudices
importants aux hommes et aux femmes qui ont la responsabilité, tant dans
l'administration publique que dans le secteur privé, d'organiser
l'ensemble de ce secteur important pour notre économie. Je dois
déplorer avec mes collègues de l'Opposition qu'on agisse de la
sorte. Je déplore d'autant plus une telle façon d'agir, que le
fait que le projet de loi 150 et que le projet de loi 102 ne soient plus
maintenant étudiés en même temps de front dans toute la
compatibilité qui existe et qui doit exister entre ces deux lois, n'est
pas le fruit du hasard mais bien plus le fruit du fait que le ministre de
l'Énergie et des Ressources et le ministre délégué
aux Forêts, et l'ensemble de leurs collègues qui sont parties
prenantes à ce dossier, ont pris des vacances un peu, pas mal, beaucoup
trop longues au cours de l'été qui vient de
s'écouler...
(21 h 50)
Une voix: C'est ça.
M. Rochefort: ...et l'on se retrouve avec un engorgement de
projets de loi dans les travaux parlementaires du côté
ministériel, et, là, on s'aperçoit que ces gens qui se
sont reposés trop longtemps cet été, qui n'ont pas
assumé pleinement et de façon responsable leur mandat
d'élus du peuple, leur mandat de dirigeants gouvernementaux de la
société québécoise, là on se retrouve dans
une situation où on vogue d'une incohérence législative
à une autre, où on sera incapable d'établir les
compatibilités entre ces deux lois très importantes. Et,
finalement, qui en sera perdant? Les hommes et les femmes qui, tant du
côté de l'administration publique que du côté du
secteur privé, ont la responsabilité de faire vivre, de donner du
dynamisme et de la vitalité à ce secteur d'activité de
première importance dans notre société, et, en fin de
compte, ultimement, c'est toute la société
québécoise et l'économie du Québec qui perdra de
son dynamisme et de son importance à cause du fait qu'on est incapable,
du côté de la majorité ministérielle, de bien
planifier les travaux parlementaires pour faire en sorte que l'Assemblée
nationale puisse discuter intelligemment, en toute cohérence, en toute
connaissance de cause, de deux projets de loi qui sont décrits par le
ministre de l'Énergie et des Ressources lui-même, pas par nous,
par le ministre de l'Énergie et des Ressources lui-même, qui nous
dit que ces deux projets de loi doivent être absolument discutés
ensemble, qui nous dit que ces deux projets de loi doivent absolument cheminer
ensemble.
Là, on se retrouve dans une situation où on apprend: Oui,
on va faire 150 et 102 un jour, peut-être, si jamais on ne prend pas des
vacances trop longues du côté du gouvernement dans la
période des fêtes. Peut-être qu'on pourra le rappeler
à la session du mois de mars et du mois d'avril prochains. Là,
peut-être qu'on nous dira que le nouveau discours d'ouverture, le
discours sur le budget, avec les débats de ces deux
éléments importants de notre vie parlementaire en Chambre, feront
en sorte qu'on se retrouvera peut-être encore une fois, en fin de
session, dans le goulot d'étranglement des travaux parlementaires, en
juin prochain avec là tout à coup l'étude du projet de loi
102. Là, on se demande si cela ne nécessitera pas un
troisième projet de loi pour venir établir de façon
parfaite la cohérence législative entre la loi 150 qu'on nous
fait débattre ce soir et le projet de loi 102 que, peut-être, un
jour on discutera dans les prochains mois, alors que, pourtant, on
s'était engagé formellement à ce que ces deux projets de
loi, parce que c'est la logique qui le veut, parce que ce sont les intervenants
qui le commandent, soient discutés en même temps.
Mme la Présidente, je suis déçu de cette attitude
absolument improvisée dans laquelle on nous fait aborder ces questions
contrairement à ce que la logique voudrait et contrairement aux
engagements pris par le ministre de l'Énergie et des Ressources
lui-même, qui disait encore là parler non seulement en son nom,
mais au nom du ministre délégué aux Forêts. Je veux
aussi ajouter dans cette intervention que, du côté de la
majorité ministérielle, on semble penser que le Québec est
né le 2 décembre 1985. On pense qu'avant le 2 décembre
1985, il ne s'est rien passé au Québec. J'écoutais,
tantôt, des députés de la majorité
ministérielle féliciter le ministre délégué
aux Forêts pour son courage, pour son sens des responsabilités,
comme si c'était lui qui un matin s'était levé et avait
conçu toute la réforme dont nous discutons ici ce soir.
La vérité a quand même ses droits. La franchise
devrait pouvoir seoir ici à l'Assemblée nationale de façon
prioritaire, primordiale. Le projet de loi qui est discuté ici ce soir,
le projet de loi 150, est un projet de loi qui découle d'un livre blanc
articulé, cohérent, complet, fouillé, qui a obtenu
l'accord et fait le consensus de l'ensemble des intervenants, qui avait non pas
été déposé par le ministre
délégué aux
Forêts de l'actuel gouvernement, mais par le député
de Laviolette alors qu'il occupait le poste de ministre
délégué aux Forêts sous un gouvernement du Parti
québécois.
Une voix: C'est vrai.
M. Rochefort: Finalement, quelle est la part de travail, de
responsabilité, qui revient à l'actuel ministre
délégué aux Forêts? C'est bien plus, M. le
Président, celle d'être arrivé au bon moment, dans un
ministère où l'essentiel du travail avait été fait
par le député de Laviolette. M. le Président, c'est
plutôt l'inverse qui serait anormal. Après tout ce travail qui a
été fait par le député de Laviolette alors qu'il
était ministre délégué aux Forêts, que le
nouveau ministre délégué aux Forêts nous dise: Je
n'ai pas eu le temps de poursuivre le travail du député de
Laviolette, je n'ai pas eu le temps de faire mes devoirs, je n'ai pas eu le
temps de compléter les dossiers, on va reporter cela d'un an ou un an et
demi; cela aurait été grave; cela aurait été une
erreur. Mais que le ministre délégué aux Forêts
vienne prendre le train là où il est rendu le 2 décembre
1985 et poursuive le travail qui était largement amorcé sous la
gouverne du député de Laviolette, je crois que, au minimum, on
n'a pas à parler de courage politique, on a simplement à
reconnaître qu'un ministre a fait le travail pour lequel il a
été élu et pour lequel il a été
nommé, mais pas plus que cela, Mme la Présidente.
Il faut rappeler, comme je l'ai dit tantôt, que ce projet de loi
découle d'un travail amorcé d'abord par une prise de conscience
importante, pertinente et fondée, faite par le député de
Laviolette et le gouvernement du Parti québécois auquel j'ai
appartenu, quant aux problèmes de notre forêt et que l'ensemble
des intervenants souhaitaient voir corriger. Quant à ce qui devait
être fait pour que ce secteur de notre activité économique
soit en mesure de donner son plein rendement, qu'il puisse jouer son rôle
à fond dans le développement économique du Québec,
cela fut un constat et ensuite un livre blanc a été
déposé par le député de Laviolette sur lequel il a
tenu une large consultation de l'ensemble des intervenants dans tout le
Québec pour aboutir aujourd'hui au projet de loi 150.
Ce projet découle d'un avant-projet de loi qu'avait
déposé le ministre mais qui, de toute évidence,
n'était pas satisfaisant puisque cet avant-projet de loi qui comportait
à peine 113 articles, a fait l'objet de longues discussions en
commission parlementaire où presque tous les intervenants sont venus
souligner combien il fallait compléter cet avant-projet de loi mal
rédigé et combien il était important et essentiel qu'on le
complète, combien il était important qu'on y ajoute des chapitres
complets pour qu'on puisse donner à cette réforme, pour qu'on
puisse donner au livre blanc du député de Laviolette son plein
rendement, sa pleine mesure. Et là, tout à coup, on se retrouve
quand, Mme la Présidente? À la toute fin de la session, avec non
plus un projet de loi de 113 articles, mais avec un projet de loi de 228
articles que le gouvernement a décidé de faire adopter ici,
à la vapeur, de nuit, en commission parlementaire où on mettra de
la pression sur les élus du peuple pour se retrouver peut-être
avec un projet de loi sur les forêts qui sera rempli de trous, qui ne
sera pas bien ficelé, parce qu'on aura tenté de le faire adopter
à la vapeur. Non seulement on aura tenté de le faire adopter
à la vapeur, mais on tente du côté du gouvernement
libéral de le faire adopter sans son pendant qu'est le projet de loi 102
qui nous avait été décrit comme devant constituer un tout
avec le projet de loi 150.
Donc, on se retrouvera non seulement dans une situation où on
travaillera à la vapeur, mais avec un projet de loi 150 qui sera un peu
une patte en l'air jusqu'au jour où, peut-être, si jamais ils ne
prennent pas de vacances trop longues au cours des fêtes qui viennent, on
rappellera le projet de loi 102 qui vient compléter et qui est une
partie prenante d'un tout que constitue les projets de loi 150 et 102.
Mme la Présidente, je veux aussi aborder une autre dimension de
ce projet de loi qui, je dois le dire, m'agresse au plus haut point. On se
retrouve avec un projet de loi qui, comme je le disais, est passé comme
par magie de 113 à 228 articles mais qui, en plus, donnera naissance
à la production de 18 règlements gouvernementaux. Quand on a
demandé si ces règlements étaient prêts, si on
était en mesure de les déposer pour qu'on puisse en prendre
connaissance immédiatement pour bien voir dans quelle mesure la loi sera
respectée, pour bien voir jusqu'à quel point la loi 150 aura des
effets importants dans tel domaine plutôt que dans tel autre, pour voir
comment cette loi s'appliquera dans les faits, on nous dit: Écoutez, on
ne dépose pas les règlements tout de suite, on n'est pas en
mesure de le faire. (22 heures)
Mme la Présidente, qu'est-ce qu'on est en train de nous dire?
Adoptez le projet de loi 150 à la vapeur; le projet de loi 102 qui a
été présenté comme un complément direct,
comme étant une partie prenante d'un tout que constituaient les projets
de loi 102 et 150 disparaît dans la nature parce que ces gens ont
oublié de faire le travail l'été dernier. En plus, on dit:
II y aura dix-huit règlements, on ne les a pas déposés,
vous n'êtes donc pas en mesure d'évaluer toute la portée
que le projet de loi pourrait avoir et qu'il aura dans l'intention d'un
gouvernement
libéral. Ce n'est pas grave, on va se servir de la
majorité ministérielle, on va le faire étudier
jusqu'à minuit tous les soirs en commission parlementaire pour qu'on
puisse un jour prétendre qu'on ait fait adopter la Loi sur les
forêts.
Mme la Présidente, c'est une façon dangereuse de faire
avancer un projet de loi de cette importance et c'est une façon qui ne
peut que produire des situations où on reviendra dans une prochaine
session nous dire: On a fait cela trop vite. On est allé trop vite et il
faut apporter déjà des amendements dans six, huit, dix mois, dans
un an au projet de loi 150, à la Loi sur les forêts parce que ce
gouvernement a mal fait son travail, parce que ce gouvernement a encore une
fois improvisé dans un secteur névralgique du
développement économique du Québec.
Mme la Présidente, on viendra nous dire: Oui, mais c'est parce
que l'Opposition n'a pas voulu collaborer et patati et patata. On nous accusera
encore d'être responsables de cela. Non, Mme la Présidente. Nous
avons pris nos responsabilités. Le député de Duplessis
comme porte-parole de notre formation politique dans ce secteur a fait un
travail remarquable et poursuivra son travail remarquable en commission
parlementaire.
Mme la Présidente, j'informe, j'avise le gouvernement que cette
façon de procéder est une façon qui ne peut que mener
à une situation anarchique, à une situation qui produira des
erreurs de parcours, qui fera en sorte qu'on ne permettra pas à
l'industrie des forêts du Québec de donner sa pleine mesure dans
le rôle essentiel, primordial, majeur, fondamental qu'elle joue, qu'elle
veut et qu'elle doit jouer dans le développement économique du
Québec.
Après, Mme la Présidente, on viendra nous expliquer qu'on
est tout surpris qu'après avoir promis 80 000 emplois pour
l'année 1986, alors que le Parti québécois a
réalisé la création de 82 000 emplois en 1985, que
là, tout à coup, on se retrouve avec 12 000 emplois
créés, selon les chiffres d'octobre dernier, que les meilleures
évaluations nous permettent de souhaiter qu'il y en aura peut-être
50 000, peut-être 60 000 pour l'année 1986 quand elle sera
terminée; pour l'année prochaine il y en aura peut-être 45
000, nous prédisent les gens de la Banque de Montréal.
Mme la Présidente, c'est parce qu'on légifère de
façon irresponsable, de façon improvisée du
côté gouvernemental, notamment dans le cas qui nous occupe
auprès du ministre de l'Énergie et des Ressources et du ministre
délégué aux Forêts, qu'on se retrouvera dans une
situation comme celle-là. Après, on viendra nous dire qu'on est
bien déçu et qu'on considère que c'est plutôt ce qui
s'est passé aux États-Unis qui affecte le développement
économique et la mauvaise performance du gouvernement libéral en
matière de création d'emplois.
Mme la Présidente, puisqu'on m'a invité à le faire,
je conclurai en disant que si vous voulez créer des emplois comme vous
l'avez promis et comme vous en avez reçu le mandat de la population du
Québec, agissez donc de façon responsable pour que les
détenteurs de ces leviers économiques aient entre les mains des
instruments complets, des instruments qui leur permettront de donner leur
pleine mesure et de jouer le rôle qu'ils souhaitent jouer dans le
développement économique du Québec. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Gouin. M. le député de Terrebonne. Une question?
M. Ciaccia: Je voudrais prendre la parole.
La Vice-Présidente: Est-ce sur une question de
règlement?
M. Ciaccia: Je voudrais prendre la parole, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Énergie et
des Ressources.
M. Ciaccia: D'accord, allez-y.
La Vice-Présidente: M. le député de
Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je remercie
le ministre de me concéder son droit de parole, c'est gentil. Je ne
dirai peut-être pas exactement les mêmes choses qu'il dirait, mais
je tiens à dire que nous parlons de la loi 150 qui s'appelle Loi sur les
forêts et qui est en fait, en étant un peu plus pâle, mais
un pâle reflet de Bâtir une forêt pour l'avenir; on garde
quand même l'essentiel, mais beaucoup de choses manquent.
Le ministre délégué aux Forêts a
certainement, par cette loi et à cause des circonstances, un rôle
d'une extrême importance à jouer au sein du gouvernement du
Québec. Tout d'abord, à cause de son rôle de ministre
délégué aux Forêts, j'aimerais bien, à cause
du premier principe directeur, pour que nos forêts soient belles, bonnes
et viables qui est la reconnaissance de la dimension écologique, que le
ministre loue un autobus, y fasse monter le cabinet entier et les amène
dans la forêt pour voir la clarté, la limpidité,
l'atmosphère de choix qui y règne, la tranquillité pour la
réflexion saine.
De cette façon, j'ai bien l'impression que les qualificatifs qui
sont souvent servis à vos confrères et, par ricochet, à
vous-même d'être opaques, ténébreux, ombrageux,
marécageux, visqueux changeraient automatiquement, parce que la
forêt est inspiratrice de clarté, de transparence, de paix
intérieure et de manifestation d'un air calme. Ce serait extraordinaire
si, en prenant votre rôle au sérieux, vous ameniez le cabinet pour
regarder la beauté de la nature. J'ai, dans ma tendre enfance -certains
souffleront, parce qu'ils sont malins, il y a longtemps - erré beaucoup
en forêt avec les scouts, les clubs 4-H et aussi avec un père qui
était très chasseur - nous habitions sur une ferme quand
j'étais jeune - et un grand-père qui était
maître-draveur. Donc, je connais passablement la forêt et j'en
parle avec une sorte d'émotion dans la voix à cause des souvenirs
d'enfance que la forêt me rappelle. Je me rappelle la chasse, la
pêche et toutes les beautés des arbres et des espèces
d'arbres.
Dans ce projet de loi qui reflète quelque peu le livre
Bâtir une forêt pour l'avenir, à cause de l'insistance de
l'Opposition, le ministre a consenti à recevoir beaucoup d'intervenants
et à lire les rapports de sorte que, maintenant, du côté
écologique, la qualité des espèces autant des feuillus que
des conifères ou des résineux, si vous aimez mieux, sera mieux
protégée ou a des chances d'être mieux
protégée pour le bien de notre richesse collective qu'est la
forêt. Étant un député d'un comté presque
urbain, c'est bien sûr que j'ai beaucoup moins de forêts dans mon
comté que beaucoup d'entre vous. Cependant, à cause de l'impact,
de l'importance du côté richesse naturelle qu'ont les arbres, la
faune, la flore, je serais très heureux que plus de
députés de l'autre côté, qui sont
représentants de comtés ruraux, prennent la parole pour
améliorer si possible ce projet de loi et pour dire leur amour de la
forêt et par un discours en Chambre, fassent l'éloge de cette
richesse naturelle.
Mme la Présidente, je sais que vous êtes une amante de la
nature - on en parle souvent dans les journaux - que vous prenez souvent des
marches en forêt et que vous aussi, vous avez gambadé dans les
prés et dans tous les petits bois, lorsque vous étiez jeune. On
l'a presque tous fait. Ce n'était pas seulement pour la cueillette des
fraises ou des bleuets, c'était aussi pour connaître la nature,
les sortes d'arbres. Qui n'a pas, dans sa vie, pris la hache pour aller couper
le sapin de Noël? Qui ne l'a pas fait? Peut-être quelques-uns, mais
ce sont des exceptions qui, dans les circonstances, confirment la règle.
Tout le monde cherchait le sapin le plus beau, le plus noble, le plus grand. Et
nous approchons de cette période où, dans chacune de nos maisons,
nous rendons hommage à la forêt indirectement en rendant hommage
à l'Enfant-Dieu le 25 décembre. C'est un hommage à la
forêt parce que nous mettons à ses pieds cet arbre qui ennoblit
nos richesses naturelles. Quoi de plus beau que nos arbres nourriciers! Quoi de
plus beau! (22 h 10)
Du côté écologique, il faut se dire qu'à
cause des représentations, un conseil de recherche forestière,
maintenant, s'occupera de la qualité des espèces. On a vu
plusieurs de nos arbres souffrir de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette. C'est triste de voir souffrir la forêt. On a vu aussi
beaucoup de nos ormes, il y a quelques années, résister
très mal à une sorte de virus, dont je ne connais pas le nom
scientifique, mais apparemment, c'est une espèce de lichen qui se
promenait dans les airs et qui attaquait l'écorce de nos ormes, qui les
étouffait tant et si bien qu'à la longue, ils périssaient,
les pauvres.
Qui n'a pas été ému de voir les épinettes
perdre leurs belles aiguilles vertes et voir nos ormes écorchés
et perdre leurs feuilles! Si ce n'avait été de l'attention et de
l'amour de la forêt de l'Opposition, ce Conseil de recherche
forestière n'aurait pas vu jour. On se doit aujourd'hui de se
féliciter. Je ne trouve pas que c'est orgueilleux de le dire quand on
fait un noble coup comme celui-là. Tout d'abord, M. le ministre, on vous
a presque imposé ce conseil de recherche parce qu'il y avait 37 groupes
qui poussaient sur vous pour que vous allongiez la loi afin que le Conseil de
recherche forestière soit créé par respect pour la
qualité des espèces.
De façon générale, beaucoup de gens pensent
à la forêt-production; beaucoup de gens pensent à la
forêt productive, bien sûr. C'est un élément de
taille que cette forêt productive. Je vois qu'il y a des
députés qui doutent. Il y a souvent de vrais sceptiques et
parfois, on joue et ce sont des personnes qui deviennent des "fausses
sceptiques"; ce ne sont pas de vraies sceptiques. Je suis persuadé qu'on
est convaincu de la valeur de ce projet de loi. L'espèce de
répulsion que les gestes de l'autre côté peuvent parfois
laisser croire, ce ne sont pas des gens qui sont vraiment sceptiques, ce sont
des personnes qui sont de fausses sceptiques.
Il n'y a pas que la forêt productive qui existe, il n'y a pas que
la forêt nourricière. Regardez, Mme la Présidente, ce joyau
d'architecture qui nous habite, nous qui ne sommes payés à peu
près que comme des briqueteurs, qu'on habite et qui nous habite parce
qu'on l'aime aussi. Il nous habite aussi. Regardez, il y a beaucoup de bois.
Pourquoi, Mme la Présidente, ce siège que vous occupez avec tant
de dignité est si resplendissant? C'est le bois qui lui donne son
âme et qui fait vibrer le poste que vous occupez! C'est le bois!
Une voix: ...
M. Blais Chagnon, Chagnon, il en restera toujours quelque chose!
La forêt n'est pas seulement productive, elle est aussi la
forêt-habitation de la faune. Qui d'entre nous, durant ses moments de
loisir, durant les vacances, soit d'hiver, soit d'été, n'est pas
allé à la chasse au lièvre, à la perdrix, au
chevreuil, parfois à l'orignal - ceux qui ont un peu plus de panache
vont à la chasse à l'orignal - les nobles gibiers de notre
forêt.
Aussi, les poissons: le doré, l'achigan et la ouananiche, au lac
Saint-Jean, le poisson qui fait frémir les fjords! Le poisson qui fait
frémir les fjords, la ouananiche! Pas le ouaouaron, madame, la
ouananiche. Qui d'entre nous ne connaît pas et ne déifie pas un
peu dans son esprit la forêt loisir? Chasse pêche, baignade,
camping, ce sont des côtés de la forêt qu'une loi comme
celle-ci se doit de protéger. Nous aurions pu, si nous n'avions pas
été que 23, insister davantage pour que ce projet de loi, qui se
doit d'être le blanc-seing de l'ennoblissement de notre forêt, soit
meilleur. Si nous avions été plus nombreux de ce
côté-ci de la Chambre, nous vous aurions obligés à
prendre vos responsabilités de A à Z. On n'a pas pu. "Que
vouliez-vous qu'il fît contre trois? Qu'il mourût, ou qu'un beau
désespoir alors le secourût." Nous ne sommes que 23 contre 99. Le
projet de loi 102 est la prémisse de ce projet de loi; il se doit
d'être voté avant celui-ci. Eh bien, à cause du nombre,
nous sommes obligés de nous retirer. De quelle façon le
gouvernement pourra-t-il adopter ce projet de loi qui, à
différents endroits, réfère à la loi 102? J'ai
l'impression qu'il y a certaines lois qui sont numérotées et ils
commencent à les éliminer une par une. Ils commencent par 101,
maintenant ils sont à 102. Je ne sais pas quelle sera la prochaine. La
103? Je n'ai pas vérifié. Ils s'en vont en augmentant. Ils sont
rébarbatifs à 101. Là, c'est 102. C'est incroyable, Mme la
Présidente.
Moi pour un, je suis heureux que les 37 organismes soient venus nous
dire que, dans ce projet de loi, il faut que nous conservions l'abolition des
concessions forestières sans compensation financière. Je suis
très heureux que cela ait été accepté. Il faut
qu'il en soit ainsi. Le remplacement de toutes les garanties
d'approvisionnement et concessions forestières par des contrats
d'approvisionnement et d'aménagement forestier - cela devrait être
là - sont des principes directeurs qui font consensus à
l'extérieur du Parti libéral. "Quebec Business Incorporated." Ils
font consensus à l'extérieur. Le maintien de l'État en
tant que gestionnaire des ressources forestières, c'est d'une importance
capitale.
Aussi, comme je vous le disais tantôt, mon grand-père
était un maître draveur. Mon grand-père restait dans
Lanaudière, c'était un draveur, un type qui a gagné toute
sa vie dans la forêt. Déjà, à l'époque je
m'en souviens, avec son bel accent d'argot québécois, il me
disait: Mon ti-gars, quand les gouvernements comprendront ça, il ne faut
pas que tu consumes plus que tu "sumes". Pour les urbains, je tiens à
dire que surtout les personnes d'un certain âge ne disent pas "semer"
elles disent "sumer". Alors, ils "sument" au printemps. Mon grand-père,
ce grand philosophe de la nature, ce grand draveur, robuste comme un pin, comme
un chêne, c'était un...
Une voix: Menaud.
M. Blais: ...Menaud, mais il s'appelait Lepage! Il collait
à la forêt, mon grand-père Lepage. C'était un type
qui était dans son métier, qui l'aimait. Il me disait, il y a 40
ans de ça - vous ne vous en souvenez certes pas, Mme la
Présidente - Mon ti-gars, si les gouvernements comprennent ça, il
ne faut pas que tu consumes plus que tu "sûmes". Ça faisait
curieux à l'époque, mais regardez ce projet de loi. Il vient tout
simplement donner raison à nos aïeux qui savaient que, si on
laissait la nature seule, elle se reproduisait au rythme que la terre commande.
Mais quand la main de l'homme y met le pied, eh bien, c'est sûr... (22 h
20)
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Blais: ...Mme la Présidente, on est obligés de
se servir d'artifices et de techniques pour compenser les oublis, parce que
l'homme a moins d'instinct qu'il n'en avait il y a 3000 ou 4000 ans. Je ne m'en
souviens pas, mais, il y a 3000 ou 4000 ans, l'homme avait beaucoup plus
d'instinct qu'aujourd'hui et nous sommes obligés d'avoir des techniques
pour faire la compensation.
Mme la Présidente, combien de minutes me reste-t-il?
La Vice-Présidente: Trois ou quatre minutes.
Une voix: Consentement.
M. Blais: Consentement. Merci.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Blais: Eh bien, Mme la Présidente, j'avais
préparé trois discours. Je vais faire le deuxième
maintenant. Mme la Présidente, je vais conclure en disant ceci: Sur les
grands principes directeurs de la protection de la forêt
nourricière, eh bien, je me vois obligé de dire qu'on est
d'accord, sauf sur quelques-uns qui laissent la porte ouverte à un
certain protectionnisme qui pourrait être de mauvais
aloi selon la personne qui détiendrait le portefeuille des
Forêts et qui pourrait même, dans certains cas, ouvrir la porte
à un genre de patronage que je n'aime pas beaucoup. À part cela,
Mme la Présidente, je tiens à vous dire qu'en commission
parlementaire nous allons étudier article par article ce projet de loi
et notre formation politique va demander certains petits ajustements. Nous
espérons que, de façon générale, notre voix sera,
une autre fois, entendue pour le bien de la collectivité parce que cette
richesse naturelle, l'une des plus grandes au monde, la forêt, nous
voulons qu'elle vive bien. Nous voulons que nos arbres poussent haut et que
notre fierté avec elle s'épanouisse en toute dignité.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne.
M. le ministre de l'Énergie et des R essources.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Avant de parler sur
le fond du projet de loi 150, je voudrais rétablir un fait en ce qui
concerne le projet de loi 102. L'Opposition semble faire beaucoup de cas du
fait que le projet de loi 102 ne soit pas encore adopté. Le
député de Gouin a mentionné que moi-même j'avais
affirmé que le projet de loi 102 serait adopté durant la
présente session, que c'était l'intention, de toute façon,
du gouvernement. Il m'a cité en disant que c'était notre
intention d'adopter le projet de loi 102 avant la fin de la présente
session. Soyons clairs sur une chose, Mme la Présidente. Le projet de
loi 150 n'est pas lié au projet de loi 102, même s'il y fait
référence. On peut adopter le projet de loi 150 sans l'adoption
du projet de loi 102. La seule affirmation que j'ai faite, c'est qu'il n'y a
pas d'incompatibilité entre le projet de loi 102 et le projet de loi
150. Le projet de loi 102, c'est la loi sur les terres publiques et on a fait
une scission entre la loi sur les terres publiques et la loi sur le
régime forestier parce que les terres publiques comprennent plus que
seulement les activités d'un régime forestier; elles peuvent
référer a d'autres aspects, à d'autres
activités.
Nous avons un projet de loi 102 sur les terres publiques qui va
régir toute l'administration des terres publiques et nous avons un
projet de loi 150 sur le régime forestier. Entre les deux projets de
loi, il n'y a pas d'incompatibilité. C'est même un peu
prématuré pour le député de Gouin de dire qu'on
n'adoptera pas le principe avant la fin de la présente session. C'est
encore possible. Ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas
d'incompatibilité. C'est notre intention d'adopter le projet de loi 102
sur les terres publiques avant que le projet de loi 150 entre en vigueur. C'est
notre intention bien que ce ne soit pas nécessaire. Nous pouvons avoir
les deux projets de loi un après l'autre et la seule chose qui est
importante, c'est qu'il n'y ait pas d'incompatibilité entre les deux. Il
ne faudrait pas, comme excuse pour retarder l'adoption du projet de loi 150,
invoquer le fait que le projet de loi 102 n'a pas encore été
adopté et que nous devons tenir encore une commission parlementaire pour
entendre les différentes parties qui veulent faire des
représentations en ce qui concerne le projet de loi 102.
Il y a une chose que l'Opposition ne peut avoir, elle ne peut pas avoir
des arguments des deux côtés. Elle ne peut pas dire: vous voulez
adopter un projet de loi à la vapeur avant la fin de la session et,
après cela, nous reprocher que nous voulons entendre les parties, que
nous voulons avoir une commission parlementaire. Si cela prend un délai
pour nous assurer que toutes les parties soient entendues et si on reporte
l'adoption du projet de loi pour un meilleur fonctionnement et pour donner
l'occasion à tous ceux qui veulent faire des représentations de
le faire, je ne pense pas que l'Opposition puisse à ce moment nous
reprocher de vouloir retarder l'adoption de ce projet de loi parce que nous
voulons avoir une commission parlementaire, que nous voulons entendre les
parties et que nous voulons vraiment que tout le nécessaire soit fait
avant l'adoption du projet de loi 102, de la même façon que mon
collègue, le ministre délégué aux Forêts, a
fait tout le nécessaire pour que ce projet de loi soit adopté
maintenant, parce que c'est une projet de loi économique, qui est
très important.
Dans le contexte économique actuel, on n'insistera jamais assez
sur la nécessité de mettre en place des mesures concrètes
qui nous permettront de préserver nos acquis et de développer de
nouvelles avenues. Le secteur forestier n'échappe pas à cette
réalité. Au contraire, l'apport économique majeur de la
forêt pour le Québec doit être préservé et
même augmenté. Pour y parvenir, nous avons choisi de proposer
l'instauration d'un nouveau régime forestier par le biais du projet de
loi 150.
Même si l'industrie forestière présente des
caractéristiques plus qu'intéressantes, il ne faut pas se
leurrer. Si nous n'agissons pas rapidement, si nous ne donnons pas un
sérieux coup de barre pour restaurer l'état des forêts du
Québec, nous devrons faire face prochainement à des ruptures de
stocks dans certaines régions.
Un fait est clair, nous avons à combler de sérieux retards
dans le système de gestion de nos forêts. Je dirai que
l'Opposition n'est pas étrangère à la situation qui,
d'ailleurs, n'est pas nouvelle. Cette situation n'est pas apparue comme par
miracle le 2 décembre 1985. Actuellement, la récolte annuelle
est
de 21 000 000 de mètres cubes par an quand la possibilité
réelle de la forêt est de 18 000 000 de mètres cubes.
Encore plus, des garanties d'approvisionnement de 31 000 000 de mètres
cubes sont accordées. Cela risque de nous mener tout droit vers des
ruptures de stocks dans certaines régions, de compromettre la
viabilité de l'industrie et de la placer dans un contexte
d'insécurité.
N'oublions pas que l'industrie forestière a investi quelque 5 000
000 000 $ depuis 1979 pour assurer le maintien de sa capacité
concurrentielle, excluant la participation des deux niveaux de gouvernement. Il
ne faut pas oublier, non plus, que la production et la récolte de bois
amènent des retombées économiques de 8 500 000 000 $
annuellement et que les exportations de produits forestiers comptent pour 30 %
des exportations totales du Québec et pour 25 % des exportations
forestières canadiennes. En 1983, elles totalisaient quelque 3 400 000
000 $.
De plus, 225 000 travailleurs tirent directement ou indirectement leurs
revenus de la forêt et dans nos régions plus de 100
municipalités vivent de l'exploitation forestière. C'est parce
que nous avons besoin de cet apport économique de taille, que nos
régions en sont largement dépendantes et que tant d'emplois y
sont rattachés que nous instaurons le nouveau régime forestier.
Mon collègue, le ministre délégué aux Forêts,
le parrain du projet de loi a exposé en détail les principes et
les objectifs poursuivis, ainsi que les options retenues. Il a fait la
démonstration de la justesse des choix qui ont été
arrêtés. (22 h 30)
J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour souligner le
travail de titan accompli par mon collègue, le ministre
délégué aux Forêts. Sa connaissance profonde de la
forêt, son implication dans le milieu ainsi que sa grande expertise ont
fait que le nouveau régime forestier prenne forme et que nous puissions
en discuter ensemble aujourd'hui. Je crois qu'il mérite nos plus
sincères félicitations.
Nous sommes donc en mesure de vous proposer de restaurer l'état
des forêts du Québec, de garantir les approvisionnements à
long terme pour l'industrie, de protéger les emplois menacés dans
plusieurs régions, de créer des milliers d'emplois dans la
nouvelle industrie sylvicole. Le régime que nous proposons, qui repose
sur la restauration de la forêt, présuppose un nouveau partage de
responsabilités entre les divers intervenants et, en conséquence,
une modification du rôle de l'État.
Le rôle de l'État dans le domaine forestier s'orientera
dorénavant vers la définition des objectifs, la distribution de
la ressource et le contrôle de la réalisation des travaux de mise
en valeur exécutés par l'entremise de l'industrie
forestière. Les responsabilités en matière de
planification, d'intervention en forêt et de mise en valeur reviendront
donc aux utilisateurs. Le nouveau partenariat que nous entendons mettre de
l'avant implique pour les utilisateurs, des changements d'importance. Nous en
sommes conscients, des coûts y sont associés et de nouvelles
responsabilités en découlent, notamment au niveau de
l'aménagement de la forêt qui constitue le pivot du nouveau
régime forestier.
Il faut être réaliste. Le succès de
l'opération repose, dans une large mesure, sur ce nouveau partenariat.
Il faut réaliser qu'en contrepartie des efforts qu'elle consentira
l'industrie bénéficiera de l'assurance dont elle ne
bénéficie pas dans la situation actuelle en ce qui a trait aux
garanties d'approvisionnement à long terme. En premier lieu, la gestion
rationnelle de la forêt que nous préconisons lui permettra
d'envisager ses investissements libérée du climat
d'insécurité qui découle des risques de rupture de stocks
dans certaines régions.
En second lieu, le nouveau mode de tenure, le contrat
d'approvisionnement et d'aménagement forestiers est un autre gage pour
l'industrie qu'elle pourra s'approvisionner continuellement et
conformément à ses besoins réels dans les forêts
publiques. Y est rattaché un droit d'obtenir annuellement un permis
d'intervention sur un territoire délimité, l'unité
d'intervention. Notre intention est de conférer aux
bénéficiaires du contrat un droit réel immobilier qui peut
être utilisé en garantie. Nous répondons ainsi aux
requêtes de l'industrie et des institutions financières qui nous
ont été formulées au moment de l'entente de l'avant-projet
de loi.
Nous jugeons important de le faire afin d'assurer une stabilité
financière plus grande dans la gestion. La durée prévue de
25 ans, renouvelable à tous les cinq ans si les conditions s'y
rattachant ont été respectées, indique bien l'intention
que nous avons de donner une assurance à long terme à
l'industrie. Il va sans dire que ces nouvelles dispositions auront une
incidence au niveau de l'emploi. En plus de la préservation des emplois
menacés actuellement dans plusieurs régions, il importe ici de
rappeler que des milliers d'autres seront générés par les
nouvelles activités sylvicoles. En outre, il ne faudrait pas passer sous
silence que les nouvelles pratiques de gestion, d'aménagement forestier
et de récolte devraient permettre d'augmenter le niveau de production de
nos forêts. Les limites imposées au développement du
secteur forestier par notre mode de gestion en vigueur devraient donc
s'estomper, d'où la possibilité d'un essor plus grand pour
l'industrie. Dans un contexte où il est question de l'implantation de
nouvelles industries et de l'expansion de certaines déjà
existantes, il me paraît particulièrement
intéressant d'envisager les résultats du nouveau régime
forestier. Si certaines régions telles que le Bas-Saint-Laurent, la
Gaspésie disposent encore de ressources suffisantes pour permettre un
développement industriel important, je crois que nous devons mettre tout
en oeuvre pour que de telles possibilités existent ailleurs au
Québec.
J'aimerais maintenant aborder brièvement un aspect qui a
été soulevé plus tôt dans le débat: les
pouvoirs en matière d'aménagement contenus dans la Loi sur les
terres du domaine public. Cet autre projet de loi qui résulte de la
scission actuelle de la Loi sur les terres et forêts fera prochainement
l'objet d'une consultation particulière et il sera adopté avant
l'entrée en vigueur de la Loi sur les forêts bien que, comme je
l'ai mentionné tantôt, le projet de loi 150 ne soit pas lié
au projet de loi 102; il pourrait entrer en vigueur sans l'adoption du projet
de loi 102. Néanmois, c'est notre intention que le projet de loi 102
entre en vigueur avant ou en même temps que le projet de loi 150.
Nous avons décidé de scinder la loi actuelle parce que
nous pourrons ainsi mieux répondre au contexte actuel de la gestion des
terres publiques. D'une part, cela permettra de tenir compte des domaines
d'interventions qui se sont multipliés au cours des ans: exploitation et
transformation du bois et des minéraux, production d'énergie
hydroélectrique; cela permet d'établir un cadre spécifique
à la forêt. La nouvelle Loi sur les terres du domaine public aura
évidemment des incidences sur l'application du nouveau régime
forestier. Je pense plus particulièrement aux dispositions relatives
à l'aménagement. La procédure d'adoption et de mise en
vigueur du plan d'affectation des terres publiques qui s'y trouve permettra
d'assurer une gestion ordonnée des terres publiques qui tienne compte
des besoins de l'ensemble du Québec en matière ligneuse. Il y a
maintenant une procédure en vigueur pour l'approbation des plans
d'affectation et les schémas d'aménagement. Même si le
projet de loi 102 n'est pas accepté, une procédure existe et elle
pourra être utilisée pour la mise en application du projet de loi
150. Cependant, dans le projet de loi 102 nous clarifions cette situation et
nous prévoyons des mesures pour la préparation des plans
d'affectation, la relation entre les plans d'affectation et les schémas
d'aménagement et, finalement, l'approbation par le gouvernement comme
c'est le cas maintenant.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, les intervenants du secteur
forestier auront l'occasion de nous faire leurs suggestions et commentaires sur
cet autre projet de loi avant son adoption. Le projet de loi 150 est
l'expression du plus large consensus qui pouvait être obtenu à la
suite des consultations qui ont suivi le dépôt de l'avant-projet
de loi. Les modifications importantes qui ont été
apportées pour tenir compte des représentations et des
suggestions des intervenants illustrent bien jusqu'à quel point nous
recherchons des solutions permettant d'atteindre les objectifs que nous nous
sommes fixés ensemble, tout en tenant compte des intérêts
propres des différents intervenants. Dans une économie où
le développement et la gestion de nos ressources ont joué depuis
toujours un rôle de premier plan, le projet de loi 150 occupe un place
majeure. J'exprime le voeu que tous et chacun reconnaissent son apport tant
pour la ressource elle-même que pour la santé de l'industrie
forestière, l'économie de nos régions et pour l'emploi. Le
fait qu'on ait indiqué du côté de l'Opposition que le
projet de loi serait adopté, qu'il y aurait unanimité, cela
démontre encore une fois l'importance du projet de loi; il répond
à des besoins urgents. Merci, Mme la Présidente.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources. M. le député de Lévis.
(22 h 40)
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, je sais à quel point
ce projet de loi vous intéresse. Je me rappelle, 11 y a quelques
années l'ex-député de Louis-Hébert, M. Claude
Morin, était allé faire une assemblée dans Bellechasse, et
les gens lui avaient dit: II y a deux sujets qui nous intéressent dans
Bellechasse: l'agriculture et la forêt. Si vous ne voulez pas nous parler
de cela, vous pouvez partir, c'est ce dont on veut entendre parler.
Aujourd'hui, je sais à quel point vous brûlez sur votre
siège d'intervenir dans ce débat puisque vous savez à quel
point des éléments manquent dans ce projet de loi. Je parlerai
particulièrement de trois domaines: premièrement, le domaine des
tarifications américaines; deuxièmement, les pluies acides et,
troisièmement, l'affectation des terres à la forêt ou
à l'agriculture.
Mme la Présidente, alors que le gouvernement actuel s'amuse dans
le libre-échange, tout le monde sais qu'actuellement la question du
libre-échange entre les États-Unis et le Canada est
déjà dépassée et qu'actuellement aux
États-Unis, plus de 400 projets de loi protectionnistes sont à
différentes étapes de leur présentation. De ces projets de
loi protectionnistes, il y en a déjà un dont l'application est
commencée, celui de la taxation, de la tarification sur le bois d'oeuvre
parce que les Américains considèrent que les Canadiens n'imposent
pas
de droits suffisants sur la forêt pour ramasser les arbres qu'on y
trouve.
Actuellement, ce problème est majeur. Il va mettre en cause des
milliers d'emplois au Québec et au Canada parce qu'on a fait fausse
route en pensant que le problème entre les Américains et le
Canada était celui du libre-échange alors que les
Américains brûlaient de nous imposer des tarifs dans un grand
nombre de secteurs.
Quand nous étions au gouvernement, nous avons pu faire enlever la
taxe qu'on mettait sur le porc et faire que ce droit de compensation que les
Américains avaient imposé sur le porc québécois
soit enlevé et soit uniquement maintenu sur les porcs vivants
exportés aux États-Unis, notamment du Manitoba et des provinces
de l'Ouest. Nous avons réussi à faire en sorte qu'il n'y ait plus
de droit d'impôt sur le porc transformé et exporté du
Québec vers les États-Unis.
À ce moment-ci, ces prétendus grands spécialistes
des affaires, qui pensaient mener le gouvernement comme une business ont
réussi à faire en sorte qu'aujourd'hui le bois d'oeuvre vendu aux
États-Unis aura un impôt de 15 %. Belle réalisation pour un
gouvernement qu'on prétend dirigé par des businessmen, qui forme
des comités pour abolir le Comité de surveillance des
étalons, mais en même temps qui propose deux nouveaux conseils
dans son projet de loi, dont le Conseil de la forêt et le Conseil de la
recherche forestière.
On abolit le Comité de surveillance des étalons qui
coûtait 2000 $ par année et on en forme un autre, un conseil sur
la forêt. Quelle est la cohérence de ce gouvernement où on
abolit les conseils consultatifs existants pour en créer de nouveaux qui
ne fonctionneront peut-être pas mieux que ceux qui existaient
déjà?
Aujourd'hui, les gens se retrouvent dans une situation où les
Américains ont décidé d'agir de façon
protectionniste par rapport au Canada et au Québec. Ces grands
spécialistes n'ont rien dit, ils sont devenus muets comme des carpes.
Comme disait mon collègue de Terrebonne, qu'il ne faut pas consumer plus
qu'on "sume", je dirai qu'il faudrait d'abord commencer par "sumer" la terre
pour qu'elle produise comme elle devrait prouduire. Dans le cas du ministre
délégué aux Forêts, je vous dis qu'il n'a pas
défoncé le mur du son dans la négociation avec les
États-Unis sur les tarifs qui ont été imposés par
les Américains. Rien de tel n'est arrivé dans le cadre du
gouvernement précédent qui a, au contraire, réussi
à enlever ces droits qui avaient été imposés de
façon temporaire. Le gouvernement actuel qui se prétend
compétent en matière d'affaires n'a pas réussi à
accomplir quoi que ce soit dans ce secteur. Actuellement, les entreprises
québécoises doivent payer le prix de l'incompétence du
gouvernement que nous avons en face de nous.
Deuxièmement, en matière de protection et
d'écologie de la forêt, le ministre parle des insectes. Il dit que
son projet de loi permet la reconnaissance d'organismes de protection et
d'extinction des incendies forestiers regroupant les
bénéficiaires de contrats et les propriétaires de
forêts privées. Il autorise le ministre à préparer
et à appliquer un plan d'intervention contre les maladies des arbres et
les épidémies d'insectes nuisibles après avoir
consulté les bénéficiaires de contrats d'approvisionnement
et d'aménagement. Rien sur les pluies acides, alors qu'on sait
qu'actuellement 60 % des forêts en Allemagne sont en train de mourir
à cause des pluies acides, alors qu'on sait qu'actuellement les
cheminées des États-Unis et de l'Ontario crachent 50 livres de
produits chimiques à l'acre au Québec. Le ministre n'a rien dit
sur les principaux éléments responsables de la destruction
éventuelle de nos forêts, les pluies acides. Pas un son, pas un
mot, alors qu'on sait que le principal danger, ce sont les pluies acides. On
aurait pensé que le ministre aurait dit quelque chose, qu'il se serait
intéressé à l'écologie de nos forêts
autrement qu'en paroles. Mais non, pas un traître mot sur le principal
danger que courent nos forêts. Les agriculteurs lui ont dit, par exemple,
que les érablières sont les types de boisés les plus
sensibles à ce genre d'éléments destructeurs.
Actuellement, les érablières du Québec sont
affectées dans une proportion plus ou moins forte, mais très
forte dans certaines régions, principalement au sud du Québec,
par les pluies acides. Les agriculteurs ont demandé des compensations
considérables au gouvernement, parce que l'acériculture est en
danger à la suite de ces pluies acides. Pas un mot sur ces
éléments. On sait que cette accumulation est considérable,
que les rejets sont très importants, qu'il ne s'agit pas de quelques
dés à coudre à l'acre; on parle de 20 kilos à
l'acre. Il s'agit de montants considérables de produits chimiques qui
sont déversés sur les terres et sur les forêts du
Québec. Les forêts du Québec sont souvent dans des lieux
où la couche d'humus est très peu considérable. L'effet
destructeur des pluies acides est encore plus fort dans un territoire comme le
nôtre où les forêts sont fragiles parce qu'elles sont
situées en milieu nordique. Il n'y a pas un mot du ministre
délégué aux Forêts sur les pluies acides, principal
élément destructeur actuel et éventuel des forêts
qui nous entourent. Alors que déjà un certain nombre de lacs sont
en train de mourir, alors que le ministre de l'Environnement, par son incurie,
depuis sa nomination, a laissé les eaux de baignade contaminer les
plages du Québec, qu'il n'a même pas eu le souci de les analyser
pour
protéger les consommateurs, on peut s'imaginer à quel
point ce gouvernement, qui n'avait aucune préoccupation pour les
baigneurs, les êtres humains qui se baignaient sur les plages du
Québec, n'est pas très compatissant pour les pluies acides qui se
déversent sur les forêts du Québec. Pas un son. On va
parler des moustiques, on va parler des épidémies de maringouins
ou de tordeuses, mais on sait que la forêt est plus fragile à
cause des produits chimiques qui s'y déversent. On n'est pas dans une
forêt ordinaire, on est dans une forêt nordique.
Par exemple, le ministre de l'Énergie et des Ressources pourrait
aller voir, s'il veut se renseigner, à l'île Notre-Dame qu'ils ont
voulu fermer, mais on a eu le temps d'en faire un bout avant qu'ils soient au
gouvernement. Il pourra voir, par exemple, la taïga qu'on a
transportée du Nord sur l'île Notre-Dame, justement pour montrer
aux citadins ce qu'est une forêt nordique. Il y verra un
mélèze qui a près de 100 ans et qui est tout petit, parce
qu'il a dû braver les éléments, qu'il a dû lutter
pour pouvoir vivre et grandir péniblement. Quand on parle de la
forêt québécoise, on ne parle pas d'une forêt de pins
jaunes des États-Unis, on ne parle pas d'une forêt qui a
poussé dans les meilleures conditions, mais d'une forêt qui prend
50, 75 ou 100 ans pour faire un arbre et plutôt 100 que 50, alors qu'on
va lui rejeter des tonnes et des tonnes de produits chimiques crachés
par les cheminées des usines américaines. On aurait pensé
que le ministre se serait donné quelque pouvoir à ce sujet, qu'il
aurait indiqué des politiques, qu'il aurait déclaré des
intentions. Au contraire, pas un mot, parce qu'il semble inconscient comme le
ministre de l'Environnement, qui est le ministre le plus inconscient de
l'Environnement que l'on ait eu dans l'histoire du Québec. (22 h 50)
Troisièmement, l'affectation des terres. Il y aurait un
élément que je voudrais ajouter. J'étais d'accord pour
adopter le projet de loi 102 avant le projet de loi 150. Le projet de loi 102,
qui porte sur les terres du domaine public, a été
présenté par le ministre de l'Énergie et des Ressources le
13 novembre 1986, a été renvoyé à la commission de
l'économie et du travail - c'est encore indiqué au feuilleton le
mardi 18 - et disparaît du feuilleton le mercredi 19 novembre, alors
qu'il devait être adopté avant le projet de loi 150 sur les
forêts, qui a été présenté le même
jour, le 13 novembre, par le ministre délégué aux
Forêts.
On aurait pensé, avec une certaine cohérence, que le
gouvernement avait l'intention de faire cheminer, comme il l'avait
indiqué, ces projets de loi simultanément. Il y a eu des
déclarations à cet effet. On se rend compte que le gouvernement
ne sait pas où il va, il improvise à la petite semaine. Certains
documents ont été préparés - des livres blancs dont
il se moquait tant - par l'ancien gouvernement et il est content de les avoir
aujourd'hui pour s'en inspirer et préparer certains projets de loi,
beaucoup plus que du programme du Parti libéral. Tout ce qu'on y
trouvait est maintenant sujet à étude; ce qu'on n'y trouvait pas
n'est plus étudié parce qu'il y avait des projets du temps de
l'ancien gouvernement pour essayer de fonctionner.
Mais le gouvernement est incohérent, les travaux parlementaires
sont mal planifiés. Après avoir fait siéger les
députés pendant trois semaines sur des projets de loi minimes
d'un, deux ou trois articles: un article et la mise en vigueur, deux articles,
le gouvernement a déposé en catastrophe, les 11, 12 et 13
novembre, 36 projets de loi dont le projet de loi 150 sur les forêts et
le projet de loi 102 sur les terres du domaine public. Aujourd'hui, le
gouvernement, après avoir déposé le projet de loi sur les
forêts et le projet de loi sur les terres publiques, le projet de loi
102, a décidé de retirer ce dernier.
C'était un moment pourtant important pour le monde forestier.
Cette décision du gouvernement libéral vient scinder
définitivement la gestion des terres et la gestion des forêts qui
n'étaient plus sous la même responsabilité
ministérielle depuis la nomination de mon collègue et voisin de
bureau de Laviolette à titre de ministre délégué
aux Forêts en décembre 1984.
C'était important puisque le projet de loi 102 parlait de
l'affectation des terres publiques. On sait que l'une des principales
questions, toujours litigieuses, dans le domaine des terres publiques,
même si un certain travail a été fait par l'ancien
gouvernement, a été de continuer à faire en sorte que les
terres qui ont une vocation agricole qui sont sous la responsabilité du
ministre des Forêts soient transférées sous la
responsabilité du ministre de l'Agriculture afin d'être
affectées à l'agriculture. Les terres qui n'ont pas de vocation
agricole et qui sont sous l'autorité du ministre de l'Agriculture seront
transférées sous l'autorité du ministre des Forêts
pour servir au reboisement le plus rapidement possible plutôt
qu'être maintenues sous l'autorité du ministre de
l'Agriculture.
Nous avons eu l'occasion de voter le projet de loi sur les terres
publiques agricoles justement pour permettre ce développement. Nous
avons mis en oeuvre des politiques au cours des deux ou trois dernières
années pour permettre la réaffectation des sols. Le projet de loi
102 venait indiquer de quelle façon pourraient se faire ces
affectations. Là, on a reculé. Maintenant, qu'est-ce qui va
arriver? Personne ne le sait. Le gouvernement lui-
même n'a pas l'air de le savoir. Pourtant, il y avait eu des
engagements formels de la part du ministre de l'Énergie et des
Ressources. Il avait dit, alors que nous nous inquiétions justement du
danger que tout cela se fasse de cette façon... Mardi dernier, le 25
novembre, le ministre de l'Énergie et des Ressources a été
le premier à intervenir sur une motion du député de
Roberval demandant le report de quatre mois de l'adoption du projet de loi 150
où il a déclaré: Je peux assurer le député
de Roberval et l'Opposition que c'est notre intention de faire adopter avant la
fin de la session le projet de loi 102 qui a été
présenté à l'Assemblée nationale et les deux
projets de loi seront adoptés en même temps avant le 21
décembre. Et mon collègue délégué aux
Forêts va assurer l'Opposition qu'il n'y a pas d'incompatibilité
entre le projet de loi sur les terres et la loi que nous discutons maintenant,
la loi sur le nouveau régime forestier. Paroles écrites sur la
glace au soleil puisqu'il n'en reste plus rien! Le projet de loi 102 a
été retiré et l'incohérence s'établit encore
une fois dans un gouvernement qui ne sait pas exactement où il s'en va.
Il a décidé de retirer le projet de loi qui était la
loi-cadre pour commencer avec le projet de loi particulier qui va semer de
l'inquiétude et qui fait en sorte que l'encadrement
général qui était nécessaire pour déterminer
comment se fait l'affectation des sols au Québec est retiré. Il
semble que rien ne le remplacera, du moins prochainement.
Il n'y a pas de coordination ni de cohérence. Après un an
de pouvoir, le gouvernement a déjà perdu le nord, sinon la
boussole. Que l'on se comprenne bien, l'Opposition appuie une grande partie des
principes directeurs du projet de loi sur les forêts dont l'entrée
en vigueur est prévue pour le 1er avril 1987. Mais l'adoption de ce
projet de loi aurait dû se faire en toute logique en parallèle
avec la loi sur les terres pour éviter les incohérences. De la
même façon, les règlements sur l'allocation des terres
publiques forestières et des terres publiques agricoles ont
été faits au cours des dernières années par le
gouvernement précédent, en cohérence, en parallèle,
comme deux rails de chemin de fer qui "convolent" côte à
côté pour une meilleure sécurité des gens qui se
trouvent sur le territoire québécois, des gens qui sont
affectés par l'affectation des sols à l'agriculture ou à
la forêt. Il n'est pas cohérent de faire adopter une mesure sans
que l'autre ait son pendant.
Actuellement, on voit que le ministre de l'Agriculture dort sur la
"switch". Il est rarement ici. Il ne s'est pas occupé de faire ses
devoirs. Encore une fois, on ne sait pas du tout comment va se faire
l'affectation des sols au point de vue de la forêt ou de l'agriculture.
Le ministre n'est pas là, il va voir l'exposition de Toronto.
Imaginez-vous! Mais, pendant ce temps-là, les devoirs ne sont pas faits
et, quand il en fait, c'est pour enlever le lait aux enfants dans nos
écoles.
Mme la Présidente, vous qui venez du comté de Bellechasse,
vous savez ce que cela veut dire l'affectation des terres à
l'agriculture ou à la forêt. Vous savez ce que cela veut dire le
reboisement des terres en milieu forestier ou en milieu agricole, le long des
cours d'eau, le long des lacs et le long de tous les milieux où des
rives seront reboisées, où, actuellement, tout le monde agricole
est inquiet et se demande dans quelles conditions tout cela va se faire.
Il était nécessaire que les projets de loi 102 et 150
puissent être discutés en commission parlementaire par les
différents intervenants parce que c'est le genre de projets qui peuvent
avoir des conséquences importantes pour le milieu rural. Aujourd'hui, on
se rend compte que le ministre est peu préoccupé par les vrais
problèmes que connaissent les gens. On comprend qu'on s'amuse à
faire des ministères, un peu comme des jeux de Monopoly ou des jeux
où on fait la guerre pour s'amuser, où on fait des transactions
pour s'amuser, des jeux qu'on se donne dans le temps des fêtes.
Les gens ont besoin d'autre chose au Québec, en termes de
priorité, que des créations de ministères ou des
restructurations d'administrations. Il y a des problèmes sérieux
et réels qui confrontent notre population.
Le problème des pluies acides est plus important actuellement que
n'importe quel autre pour nos producteurs forestiers. Le problème des
taxes, les tarifications américaines sur le bois d'oeuvre, c'est plus
important que les queues de renard sur les antennes des automobiles. (23
heures)
L'affectation des sols: des milliers d'acres actuellement inutiles qui
étaient en train d'être transférés sous l'ancien
gouvernement à l'agriculture sont dans un programme qui est devenu
stagnant depuis le nouveau gouvernement. Les gens me disent: Autrefois, la roue
tournait rondement; actuellement, on fait une demande et, au bout de presque un
an, on n'a même pas encore eu de réponse, ni même
d'accusé de réception, parce que les problèmes
réels des gens sont loin des préoccupations du gouvernement. Le
gouvernement qui prend la peine d'adopter un projet de loi et qui veut faire
des règlements pour abolir le Comité de surveillance des
étalons et, en même temps, établir des normes
d'accouplement pour les étalons au Québec, lui, par exemple, ne
prend pas le temps de traiter des véritables problèmes auxquels
notre population est confrontée parce que c'est un gouvernement qui,
essentiellement, ne veut pas entendre les gens. On l'a vu avec toutes
les commissions parlementaires que nous avons demandées. Il ne
veut pas entendre les gens. Il est sourd aux revendications des gens, aux
représentations de la population et, un jour, la clameur qui
s'élèvera autour du parlement fera en sorte que les sourds
entendront, mais il sera trop tard pour ce gouvernement qui ne veut pas
entendre la population.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis.
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. En premier lieu, je
pense qu'il faudrait rétablir certains faits par un bref rappel
historique parce qu'à écouter les interventions des
députés libéraux - il est vrai qu'ils ont cessé de
le faire depuis un certain temps; à partir d'une certaine heure, il
semble qu'ils deviennent silencieux - on aurait pu imaginer que tout avait
commencé le 2 décembre 1985 en matière de politique
forestière. Je pense qu'il faut rappeler certains faits, ne serait-ce
que pour démontrer que le Parti québécois a fait
progresser, de façon considérable et de façon tangible,
l'industrie forestière, le secteur forestier au Québec.
Je rappellerai particulièrement deux éléments
à ce sujet. D'abord, lors de notre premier mandat, c'est nous qui avons
lancé un programme de modernisation de l'industrie des pâtes et
papiers au Québec. Je pense que tout le monde sait que l'industrie des
pâtes et papiers au Québec est un moteur essentiel de notre
économie. Ce sont plusieurs milliards de dollars d'exportations par
année. C'est près de 200 000 emplois directs et indirects. C'est
un pilier de l'économie québécoise.
Quand on a pris le pouvoir en 1976, on s'est rendu compte, on a
constaté que cette industrie périclitait, que sa capacité
concurrentielle était en sérieuse dégradation et qu'il
fallait un coup de barre sérieux. M. le Président, c'est ce que
nous avons fait en mettant sur pied le programme de modernisation de
l'industrie des pâtes et papiers, ce qui a généré
des investissements de l'ordre de 2 300 000 000 $, avec des subventions
précises concernant certains investissements. On peut dire que la
plupart des entreprises de pâtes et papiers ont collaboré. Elles
se sont impliquées, elles ont participé au programme.
Aujourd'hui, on peut dire qu'on se retrouve avec une industrie
québécoise des pâtes et papiers dynamique, qui s'est
renouvelée, qui s'est modernisée, qui est maintenant capable
d'affronter la concurrence internationale dans ce domaine. Il était
temps qu'on le fasse. C'est ce que nous avons fait. Je pense qu'il faut le
rappeler en cette Chambre à l'occasion de l'étude de ce projet de
loi. Il faut le rappeler parce que tout le monde conviendra que l'industrie des
pâtes et papiers est un élément majeur du secteur
forestier, de l'industrie forestière. C'est également un pilier
de l'économie québécoise. C'est nous qui avons pris les
devants dans ce domaine. C'est nous qui avons instauré ce programme de
modernisation de l'industrie.
Le deuxième élément qu'il faut rappeler et qu'on
doit imputer au gouvernement du Parti québécois, c'est que, lors
de notre deuxième mandat, c'est nous qui avons enclenché et mis
en application un très vaste programme, ambitieux, disaient certains
à l'époque, de reboisement de nos forêts avec un objectif,
pour 1988, de reboisement de 300 000 000 de plants. On peut penser actuellement
que, selon la vitesse de croisière de réalisation de ce plan de
reboisement, l'objectif de 300 000 000 de plants mis en terre sera atteint en
1988. Je pense qu'il faut en attribuer la paternité au gouvernement du
Parti québécois. Nous avons pris conscience de la
nécessité de régénérer nos forêts, de
reboiser et nous avons pris les moyens pour atteindre ces objectifs.
Enfin, un autre élément qu'il faut rappeler à cette
Chambre et à la population, c'est que c'est le gouvernement du Parti
québécois, à la fin de son deuxième mandat, qui a
mis en route la nouvelle politique forestière qui a pris la forme du
projet de loi 150 sur les forêts.
J'entendais tout à l'heure les députés
libéraux féliciter le ministre délégué aux
Forêts. Je pense qu'il faut aussi féliciter le
député de Laviolette, l'ex-ministre délégué
aux Forêts, parce que c'est lui qui a amorcé cette refonte
complète, totale, globale, de la politique forestière au
Québec en publiant son livre blanc Bâtir une forêt pour
l'avenir.
M. le Président, la problématique forestière est
bien connue. Je n'insisterai pas beaucoup là-dessus. Tout le monde en
convient, il y a un consensus à ce sujet. Nous allons nous retrouver
à moyen terme en situation de pénurie et de déficit sur le
plan des approvisionnements de matière ligneuse. Je vous lis juste un
petit paragraphe du livre blanc qui est très révélateur
à ce sujet: "La récolte actuelle qui est de 26 000 000 de
mètres cubes dépasse largement la possibilité biophysique
qui est évaluée à 22 000 000 de mètres cubes pour
l'ensemble des territoires privés et publics sur la base des pratiques
actuelles de récolte en excluant la zone pâtes et sans tenir
compte des travaux d'aménagement. Cette situation entraîne un
déficit à moyen terme qui ne peut que s'accentuer, toutes choses
étant égales par ailleurs, puisque le développement
prévu des marchés impliquerait une récolte de 36 000 000
de mètres cubes en l'an 2000."
Donc, tout le monde convient - le ministre délégué
aux Forêts actuel également, lui qui est ingénieur
forestier, je suis persuadé qu'il en est parfaitement conscient - qu'on
se retrouvera avec un problème sérieux d'approvisionnement en
matière ligneuse à moyen terme. Il faut, évidemment,
résoudre ce problème, compte tenu de l'importance de l'industrie
forestière dans l'économie québécoise.
C'est, d'ailleurs, parce qu'on avait pris conscience de ce
phénomène, de cette situation qu'on avait lancé le plan de
reboisement visant 300 000 000 de plants mis en terre, il y a quelques
années. C'est en ayant à l'esprit cette situation de
pénurie qui nous menaçait. Cependant, on était aussi
conscient qu'il fallait une politique globale en matière
forestière et qu'il fallait mettre en place un nouveau régime
forestier avec tous les éléments permettant de régler ce
problème de déficit, ce problème de pénurie qui se
présentera à nous dans quelques années.
C'est pourquoi il est évident que, comme formation politique,
nous serons d'accord avec le projet de loi 150 puisqu'on y retrouve les
principes fondamentaux qu'on retrouvait dans le livre blanc Bâtir une
forêt pour l'avenir. Entre autres, je pense à l'abolition des
concessions forestières. Je pense que tout le monde convient que c'est
un régime désuet qu'il faut abolir. On est également
parfaitement d'accord pour remplacer ce régime qu'on abolit par la mise
en place de contrats d'approvisionnement et d'aménagement avec les
entreprises qui utilisent la matière ligneuse au Québec et qui
exploitent des usines de transformation. j'insiste sur le fait qu'il s'agit de
contrats d'approvisionnement et d'aménagement, parce que je pense que
tout le monde est d'accord également au Québec pour relier
très étroitement l'approvisionnement, donc la récolte,
l'exploitation forestière et l'aménagement forestier. Il faut que
ce soit associé, relié ensemble. Il faut que les entreprises qui
s'approvisionnent, donc qui prélèvent la ressource, qui utilisent
la ressource, participent également à l'aménagement,
à la régénération et au reboisement en forêt.
Donc, les deux sont reliés. Nous sommes parfaitement d'accord avec ce
principe fondamental qu'on retrouve dans le projet de loi 150. (23 h 10)
M. le Président, il y a un aspect qui m'intéresse beaucoup
à titre surtout, en particulier, d'ancien ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, c'est le principe de l'utilisation polyvalente de
la forêt. Je pense qu'à l'heure actuelle, en 1986, il faut
être conscient du fait que la forêt n'est plus, n'est pas
exclusivement un réservoir de matière ligneuse. C'est plus que
cela. C'est davantage que cela. C'est également cela aussi, bien
évidemment. C'est sûr que la forêt, c'est un
réservoir de matière ligneuse, qui joue un rôle
économique majeur. C'est aussi un habitat pour la faune. Et il y a
toutes les activités qui sont liées à la faune: la
pêche, la chasse, le piégeage. On sait que c'est au moins presque
1 500 000 Québécois qui s'adonnent à ces activités
reliées à la faune. C'est donc un élément
important, une utilisation importante de la forêt.
La forêt, c'est aussi un lieu de loisir. C'est également un
lieu de villégiature. Je pense que c'est maintenant fort répandu.
Donc, il faut se rendre compte et prendre conscience que la forêt doit
répondre à de multiples besoins. Il faut se rendre compte de la
nécessité de concilier parfois des besoins qui peuvent être
opposés, de concilier des intérêts qui peuvent parfois
être divergents. Il faut parfois permettre les prélèvements
de matière ligneuse, mais en même temps protéger les
habitats fauniques essentiels. Il faut permettre le prélèvement
de la matière ligneuse, mais en même temps il faut protéger
les lieux de loisirs en forêt. En même temps qu'il faut permettre
le prélèvement et l'exploitation de la ressource
forestière, il faut aussi parfois conserver un certain nombre de sites
dont le caractère est jugé exceptionnel. C'est ce qu'on fait,
entre autres, en créant des parcs nationaux.
Nous avions, à l'époque où nous étions au
gouvernement, préparé un Guide des modalités
d'intervention en forêt, de façon à permettre, justement,
de concilier ces divers besoins, de façon à permettre de
concilier les divers intérêts et les diverses utilisations qu'on
peut faire de la forêt. Je suis fort heureux de voir que le ministre
délégué à la Forêt et ses collègues
ont repris ce Guide de modalités d'intervention et qu'ils l'ont,
d'ailleurs, rendu public en septembre dernier. J'en suis fort satisfait, parce
que c'est important de bien encadrer et d'imposer parfois un certain nombre de
contraintes à ceux qui exploitent la forêt, à ceux qui
utilisent la matière ligneuse, de façon, justement, à
permettre d'autres usages, d'autres utilisations.
Dans ce Guide des modalités d'intervention, on prévoit,
évidemment, la protection des lacs et des cours d'eau, ce qui
m'apparaît essentiel. On prévoit des modalités visant
à protéger la faune, les ravages de chevreuil, par exemple, les
aires de confinement de l'orignal, les lieux de concentration des oiseaux
aquatiques, les habitats du castor, les héronnières. Il y a des
éléments, des modalités d'intervention qui sont
imposées aux entreprises, aux utilisateurs de la forêt pour faire
en sorte que ces habitats fauniques soient protégés.
C'était revendiqué, réclamé par tous ceux qui
s'intéressent à la faune et à sa protection.
L'article 24 du projet de loi, d'ailleurs, prévoit justement que
ces modalités
d'intervention seront en quelque sorte imposées aux utilisateurs
de la matière ligneuse. Nous sommes, évidemment, parfaitement
d'accord avec le fait qu'on impose des modalités d'intervention pour
protéger la faune, pour assurer la protection des sites
récréatifs et également pour protéger les lacs et
les rivières. Cependant, M. le Président, à l'article 24,
on fait référence, en matière de modalités
d'intervention, à un "plan d'affectation approuvé par le
gouvernement conformément à la Loi sur les terres du domaine
public", c'est-à-dire le projet de loi 102, qui est également
déposé devant cette Chambre. En d'autres termes, si l'on veut que
le Guide des modalités d'intervention - qui deviendra un
règlement, d'ailleurs, en vertu de la loi, ce qui est très bien,
quant à nous - puisse s'appliquer concrètement et puisse
être respecté par les utilisateurs, il faut à la base
connaître le plan d'affectation des terres publiques.
Le plan d'affectation des terres publiques constitue l'assise de ce
règlement sur les modes d'intervention parce que c'est le plan
d'affectation des terres publiques en vertu du projet de loi 102 qui va
classifier les terres publiques en plusieurs zones en fonction de leur
utilisation et de leur potentiel. Il y aura des zones de production
forestières exclues, par exemple les parcs ou les réserves
écologiques. Il y aura des zones forestières où la
production forestière sera permise et des zones où elle sera
prioritaire. Selon que le site d'exploitation d'une entreprise se retrouve dans
l'une ou l'autre de ces zones, en vertu du plan d'affectation les
modalités d'intervention diffèrent, sont plus ou moins
contraignantes; mais si le plan d'affectation n'est pas adopté, si le
gouvernement ne peut pas adopter le plan d'affectation des terres publiques
pour la simple et bonne raison que le projet de loi qui prévoit le plan
d'affectation n'est pas, lui non plus, adopté, qu'est-ce qui se passe,
M. le Président?
Cela a été mis en lumière par plusieurs de mes
collègues et il m'apparaît important d'en reparler. Un certain
nombre d'éléments de la politique forestière, du
régime forestier qu'on retrouve dans le projet de loi 150 seront
inopérants, inapplicables si le projet de loi 102 n'est pas
adopté parce que l'une des assises du nouveau régime forestier,
de la nouvelle politique forestière, c'est le plan d'affectation des
terres publiques. Le plan d'affectation des terres publiques est adopté
en vertu des dispositions du projet de loi 102 dont on n'a même pas
commencé l'étude en cette Chambre.
On a raison de dire, M. le Président, qu'on va se retrouver avec
un projet de loi sur les forêts, si on l'adopte, à qui il va
manquer l'une des assises. Le plan d'affectation des terres publiques et l'un
des éléments majeurs aussi de cette politique forestière
qui est le règlement sur les modalités d'intervention ne pourront
pas concrètement s'appliquer puisque le zonage prévu dans le plan
d'affectation ne sera pas, lui non plus, connu et en vigueur.
Par conséquent, on se doit, comme Opposition, de mettre en
lumière le manque de cohérence, le manque de logique du
gouvernement en cette matière. On est obligé de constater qu'on
se retrouve en face d'une mauvaise planification législative. Il est
évident, à l'étude des deux projets de loi 102 et 150,
qu'à tout le moins ils doivent être étudiés
concurremment, en même temps. L'idéal serait qu'on ait d'abord
adopté le projet de loi 102 et, ensuite, qu'on étudie le projet
de loi 150 sur les forêts. Mais, au moins, les deux projets de loi
devraient être étudiés concurremment, en même temps
puisque les deux sont étroitement liés. L'un ne va pas sans
l'autre. Il y a donc un manque de cohérence de la part du gouvernement
et un manque de planification législative qu'on a dénoncés
depuis le début de cette session, M. le Président. Mon
collègue de Lévis l'a fait encore tout à l'heure; le
gouvernement ne sait pas où il s'en va en matière
législative. Le gouvernement ne semble pas avoir de stratégie ni
de cohérence en matière législative, ni de logique.
Tout en vous disant, en conclusion, M. le Président, que nous
sommes bien prêts et disposés à adopter le projet de loi
150, nous mentionnons, toutefois, au ministre qu'en commission parlementaire
nous allons faire des efforts sérieux, positifs, pour améliorer
le projet de loi. Il nous faut, cependant, reconnaître que le
gouvernement planifie mal ses interventions législatives, planifie mal
les travaux de la Chambre. Et on doit prendre acte de cette mauvaise
planification, incohérente et manquant de logique. Merci, M. le
Président. (23 h 20)
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: M. le Président, dans mon comté, le beau
comté de Taillon, malheureusement, on ne peut pas dire qu'il y a des
forêts, même s'il y a de très beaux coins. II y a des
parties de mon comté qui ont été bien
préservées, notamment la base de plein air de Longueuil. J'invite
les gens d'en face à venir jeter un coup d'oeil là-dessus. M. le
Président, même s'il n'y a pas de forêts, mon
intérêt pour cette question n'en est pas moindre.
Vous savez, la réforme de la Loi sur les forêts, en fait,
c'est le gouvernement du Parti québécois qui l'a
enclenchée en 1984; c'est lui qui a enclenché le processus de
modification de notre politique forestière. Car, on le sait, le
surplus de matière ligneuse qu'on observait en 1970 n'existait plus.
Yves Duhaime, un de nos distingués collègues à
l'époque, a publié la problématique en 1984 et a
consulté de nombreux intervenants. Mon collègue actuel, le
député de Laviolette, a terminé cette consultation et a
publié, en juin 1985, le livre blanc Bâtir une forêt pour
l'avenir. Après une consultation particulière où il y
avait pas moins de 37 organismes et qui a duré six jours à la fin
de septembre sur un avant-projet de loi, le ministre a modifié
sensiblement la loi.
Je pense que c'est bon de relever l'utilité d'un processus ouvert
de consultation. Ce n'est pas nécessaire de se cacher, comme le font
trop souvent, malheureusement, les gens d'en face depuis qu'ils ont pris le
pouvoir en décembre 1985. Pas nécessaire, non plus,
d'étudier des projets de loi la nuit, comme on va devoir le faire ce
soir, pour éviter peut-être que les gens, les intervenants ne nous
écoutent. Quand on prépare bien nos travaux législatifs,
quand on ordonne notre calendrier législatif d'une façon
cohérente, ce sont des choses qui ne se produisent pas. Malheureusement,
ce soir, à une heure tardive, mes collègues et moi, nous devrons
intervenir sur ce projet de loi.
Rapidement, M. le Président, je tiens à rappeler les
grands principes directeurs de ce projet de loi qui font, je pense qu'on peut
le dire, un large consensus, car, je crois que nous devons le souligner, nous
devons appuyer les grands objectifs du projet de loi et de la réforme
qui s'imposait. Nous aurons de très nombreux amendements à
proposer sur cette loi.
Maintenant, je tiens à rappeler rapidement les principes
directeurs de cette loi qui font largement consensus: d'abord, la
reconnaissance de la dimension écologique de nos forêts;
deuxièmement, l'abolition des concessions forestières sans
compensation financière; le remplacement de toutes les garanties
d'approvisionnement et concessions forestières par des contrats
d'approvisionnement et d'aménagement forestier; le maintien de
l'État en tant que gestionnaire de la ressource forestière; la
participation de l'industrie forestière et des coopératives
forestières à l'aménagement des forêts,
reconnaissant ainsi l'interdépendance des opérations de
récolte et de régénération - en somme, chaque arbre
coupé devrait être remplacé, comme l'a bien
souligné, dans son allocution de tantôt, le député
de Lévis; la reconnaissance du statut du producteur forestier
privé, que le précédent gouvernement a eu le mérite
de faire adopter par l'Assemblée nationale dès juin 1985;
l'objectif du programme de reboisement d'atteindre une vitesse de
croisière de 300 000 000 de plants en 1988 et l'application du principe
du rendement soutenu qui confirme un niveau de récolte des bois
correspondant à la possibilité de la forêt à se
régénérer; enfin, la publication d'un Guide des
modalités d'intervention en milieu forestier qui permettra de prescrire
des normes de coupe de bois en fonction de divers milieux forestiers et de leur
fragilité.
Rendu public le 10 septembre dernier, il ne faut pas oublier que ce
guide négocié entre trois ministères, Énergie et
Ressources, Environnement et Loisir, Chasse et Pêche, était
prêt depuis plus d'un an. J'ai souligné tout à l'heure que
ce projet de loi, dans ses grandes orientations, devait recevoir notre
approbation, mais que, cependant, il contenait de graves lacunes. Ce soir, je
voudrais en relever une, laissant à mes collègues le soin de
faire le tour des autres importantes lacunes de ce projet de loi.
Vous aurez remarqué que ce gouvernement libéral a la
fâcheuse habitude de s'occuper des murs sans s'occuper des gens qui
travaillent à l'intérieur de ces murs, comme au Manoir Richelieu.
Vous aurez remarqué que ces gens s'occupent des avions, mais qu'ils ne
s'occupent pas des gens qui travaillent dans ces avions, comme lors de la vente
de Quebecair. Vous aurez remarqué que, lors de la vente de la Raffinerie
de sucre du Québec, on a, encore une fois, vendu les murs, les machines,
mais on ne s'est pas occupé des cultivateurs, des producteurs et des
gens dont le revenu dépendait de la Raffinerie de sucre du
Québec.
Je vais vous donner un autre exemple qui est contenu dans le projet de
loi 150. Après la consultation menée par le député
de Laviolette sur un avant-projet de loi, le ministre dépose un projet
de loi qui ne contient rien sur l'impact qu'il aura sur les relations du
travail, sur les travailleurs et travailleuses de la forêt, rien qui
touche les gens qui s'occupent d'abattre les arbres. Les arbres ne tombent pas
seuls, pas plus que le reboisement ne se fait seul. Ce sont des gens, des
hommes et des femmes, des Québécois et des
Québécoises qui travaillent dans ce secteur. Croyez-le ou non, le
projet de loi déposé devant nous est complètement
silencieux sur les conditions de travail des gens en forêt. L'abolition
des concessions forestières, la création de la sylviculture
auront d'importants impacts sur l'organisation du travail en forêt. Mais
le Code du travail devra être modifié afin de tenir compte des
nouvelles accréditations syndicales nécessaires sur les nouveaux
territoires.
Je tiens à rappeler au ministre qui, malheureusement, n'est pas
avec nous lorsqu'on discute de son projet de loi... Peut-être est-il
à l'extérieur, je ne le vois pas en Chambre actuellement. On
m'informe qu'il
vient juste de sortir, j'espère qu'il va revenir. Je voudrais lui
rappeler l'une des recommandations unanimes de la commission Beaudry. La
commission Beaudry, commission bipartite patronale-syndicale, commission
où on avait ajouté certains experts en droit du travail, avait
recommandé l'institution d'une enquête sur les conditions de
travail des travailleurs de la forêt. Nous avons pressé le
ministre du Travail, notamment lors de l'étude de ses crédits
l'an dernier, c'est-à-dire au début de cette année, pour
qu'il institue cette enquête qui était requise et
recommandée par la commission Beaudry; il n'a pas voulu y donner suite.
(23 h 30)
Aujourd'hui, on va discuter de la matière, on va discuter des
arbres, mais où est la préoccupation du ministre pour les hommes
et les femmes qui travaillent cette matière? Où est la
préoccupation chez les gens du parti ministériel pour les hommes
et les femmes qui travaillent en forêt, qui travaillent dans ces
industries? Pas un mot, me signale-t-on, n'est venu du côté
ministériel sur les ressources humaines, pourtant essentielles,
affectées en forêt, comme si le travail se faisait tout seul,
comme si, en votant des lois, on réglait tout. C'est cela qui est un peu
le credo du gouvernement libéral: On vote des lois et on s'imagine que
tout se règle par la suite. Ce sont des hommes et des femmes qui mettent
en oeuvre les lois que nous votons dans ce Parlement, et rien n'est possible
sans ces ressources humaines qui viennent s'impliquer dans un travail.
Je tiens à vous relire, M. le Président, ce que contenait
le livre blanc de juin 1985, qui s'appelait Bâtir une forêt pour
l'avenir, de mon collègue - je l'ai dit - le député de
Laviolette. Page 93: Les modifications au régime forestier, et plus
particulièrement celles touchant la remise en production du territoire,
vont avoir des impacts sur l'organisation du travail en forêt. Ainsi,
l'adaptation des procédés de récolte en vue d'assurer la
régénération peut entraîner une modification
importante dans la façon d'opérer en forêt et dans le type
de machinerie utilisé; de même, la définition de territoire
d'allocation et surtout l'abolition des limites de concessions
forestières va entraîner des modifications en ce qui concerne
l'accréditation syndicale. Tous ces éléments, en plus des
besoins de formation, en plus de la nécessité d'améliorer
la qualité de vie et la sécurité du travailleur en
forêt, nécessitent une intervention particulière de
façon à en minimiser les impacts négatifs sur l'ouvrier
forestier.
Voilà le type de préoccupations qui était
véhiculé dans le livre déposé par le
député de Laviolette mais qu'on ne retrouve plus maintenant dans
le projet de loi ou même dans la politique générale du
gouvernement. Les groupes de travailleurs impliqués sont actuellement
très inquiets. D'ailleurs, ils ont rencontré le ministre
délégué aux Forêts au cours des derniers mois.
Malheureusement, ces rencontres n'ont apparemment rien donné de
fructueux; le ministre est toujours silencieux sur cet aspect du projet de loi.
Je vais donner en exemple à cette Chambre le mémoire des quatre
syndicats de travailleurs forestiers du SaguenayLac-Saint-Jean, de
Québec-Nord, du Bas-Saint-LaurentGaspésie et de
Québec-Sud. Notre préoccupation, dit ce mémoire
déposé au ministre, se situe au niveau de la rétrocession
et des garanties d'approvisionnement qui, selon l'article 98 de l'avant-projet
de loi et l'article 191 du projet de loi 150, sont toutes reprises en main ou
abolies à l'adoption de la loi.
Évidemment, sur le principe, nous sommes d'accord, et cela depuis
longtemps. Cependant, devant le changement proposé par le ministre, un
changement de grande envergure qui va sans nul doute occasionner des
déplacements de secteurs d'activités de certaines compagnies ou
de certains utilisateurs, qu'adviendra-t-il des accréditations
syndicales qui sont la base du syndicalisme dans le secteur forestier?
Est-ce qu'on va me répondre: Ce n'est pas important, c'est
secondaire? Comme, probablement, le Conseil des ministres a
décidé, lorsqu'il a vendu le Manoir Richelieu: C'est secondaire,
les accréditations. Une accréditation syndicale pour le
travailleur, c'est une protection minimale, une protection vitale parce qu'elle
confirme le principe reconnu dans le Code du travail que pour négocier
avec son employeur on peut se regrouper et qu'une fois regroupés et
accrédités l'employeur a le devoir - pas le pouvoir, le devoir -
de négocier avec cette association accréditée, sans quoi
les conditions de travail des travailleurs et travailleuses ne peuvent que s'en
trouver affaiblies. C'est tout cela la base du syndicalisme, c'est la force de
la solidarité des travailleurs qui décident de se regrouper.
Qu'adviendra-t-il, M. le ministre, des accréditations syndicales qui
sont la base du syndicalisme? C'est dans le secteur forestier comme dans les
autres, d'autant plus que dans certains endroits ces accréditations sont
rattachées à un territoire donné. Nous pouvons nous
imaginer facilement le type de fouillis que pourrait occasionner une telle
mesure si elle n'est pas accompagnée d'un changement au Code du travail
qui assurera la protection de l'accréditation syndicale dont je parlais
tantôt.
Il devrait également en être ainsi pour les entreprises qui
ont actuellement des garanties d'approvisionnement mais qui, par la nouvelle
philosophie du ministère, pourraient ne plus en avoir si elles peuvent
s'approvisionner en résidus dans les usines de
sciage environnantes. De ce fait, le territoire de coupe qui leur est
actuellement attribué servirait d'approvisionnement pour une autre
entreprise. Donc, selon la loi, actuellement, cette accréditation
devrait être maintenue. Les travailleurs concernés devraient
conserver leurs droits acquis.
Si ces questions peuvent paraître secondaires - je vous remercie
de m'indiquer qu'il me reste deux minutes, je vais terminer là-dessus,
M. le Président - à certains ministres libéraux, je tiens
à rappeler au ministre que la commission Beaudry s'est penchée en
profondeur là-dessus. Les conditions de travail en forêt, qu'il
connaît, je pense, assez bien, il le sait, ne sont pas faciles. D'abord,
ce sont des gens qui, dans bien des cas, doivent s'exiler, laisser leur famille
pour de longues périodes de temps. Ce sont des gens qui, parfois, vivent
dans des conditions de vie très difficiles car en plus de l'isolement
ils doivent supporter un environnement matériel des plus faibles. Dans
ce sens-là, je crois que le devoir du ministre, dans ce cas-ci
peut-être plus que dans un autre secteur, est de s'assurer que le monde,
le vrai monde, pas les grandes structures de son ministère, pas les
organigrammes que j'appelle parfois les "organigrouilles" mais les gens qui
vivent en forêt puissent recevoir du ministre la préoccupation
qu'ils méritent et que je crois que le ministre est capable de leur
fournir.
Ces situations se sont déjà présentées dans
d'autres secteurs de l'activité économique. Les ministres ou les
dirigeants de gouvernement qui ont fait fi de cette réalité
fondamentale n'auront jamais réussi à faire adopter leur
réforme ou à la faire vivre parce que, encore une fois, des lois,
c'est bien beau, M. le ministre, mais, une fois adoptées par nous, les
lois doivent être vécues par les gens. (23 h 40)
En ce sens-là, en terminant, j'attire votre attention
là-dessus, tout en espérant que le ministre puisse apporter
à nos propos une oreille attentive. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au
député de Joliette et leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. D'abord, vous me
permettrez de dire à cette Assemblée que je suis fils de
bûcheron, que je connais très bien la forêt et que je sais
jusqu'à quel point, M. le Président... Même si cela fait
sourire le ministre, je n'ai pas honte d'être fils de bûcheron.
J'en suis même fier parce qu'on n'est pas parvenus à des postes,
nous autres. On a bûché pour y parvenir, M. le
Président.
Parler de la forêt, parler de cette richesse renouvelable à
une heure aussi tardive, je conviens avec plusieurs d'entre vous que cela
aurait été préférable d'en parler en toute
quiétude quand les gens peuvent écouter les propos des deux
formations politiques et juger. Je me permettrai quand même de faire un
certain historique de ce que nous avons fait comme formation politique, ce qui
nous permettra sans doute de juger de ce qu'on s'apprête à
faire.
M. le Président, je me souviens très bien qu'en 1976,
lorsque j'ai été élu député, M.
Lévesque avait insisté fortement sur le fait que c'était
inconcevable de continuer à diriger nos politiques de la
forêt...
M. Brassard: Question de règlement, M. le
Président.
Une voix: II n'y a pas quorum.
Le Vice-Président: Oui, M. le député de
Lac-Saint-Jean, sur une question de règlement.
M. Brassard: Je m'excuse auprès de mon collègue,
mais il faut 20 députés pour le quorum.
Le Vice-Président: Je vous dirai, M. le
député, étant donné qu'une commission, si je ne
m'abuse, siège...
M. Brassard: Elle ne siège plus depuis un bon bout de
temps.
Une voix: C'est terminé.
Le Vice-Président: Je m'excuse, je vais faire les
vérifications nécessaires. On m'avait dit que la commission
était appelée jusqu'à minuit. Nous allons vérifier
si la commission siège ou pas. Nous allons faire la vérification
dans un instant. Est-ce qu'on peut vérifier au secrétariat si la
commission siège? Merci.
Si les députés veulent bien prendre leur place, s'il vous
plaît!
Une voix: Je pense qu'il manque des péquistes.
Une voix: Non.
Le Vice-Président: Je constate, à ce moment-ci, que
nous avons quorum même si la commission ne siège pas. Donc, nous
pouvons poursuivre. Je fais faire la vérification immédiatement
pour savoir si, effectivement, aucune commission ne siège. Dans ce cas,
le quorum sera d'un minimum de 21 députés.
M. le député de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, je disais
donc que le premier ministre, en 1976, nous avait dit: C'est impossible
de continuer à gérer nos forêts, notre richesse naturelle
renouvelable, de la façon dont les libéraux l'ont fait de 1970
à 1976.
M. le Président, à cette époque, on reboisait
à raison d'environ 16 000 000 de plants par an, alors qu'on coupait
environ 300 000 000 d'arbres par année. Qui plus est, M. le
Président, croyez-le ou non, il aurait été
intéressant d'entendre un ingénieur forestier, comme l'actuel
ministre délégué aux Forêts, nous dire que pendant
la dernière année de leur règne, en 1976, ils ont mis en
terre 6 000 000 de plants. Savez-vous ce qu'ils ont fait avec les autres 10 000
000? Ils n'avaient pas d'argent pour les faire planter. Ils les ont
brûlés. C'était cela l'administration forestière du
régime libéral des années 1970 à 1976.
Qu'avons-nous fait face à cette situation tout à fait
aberrante? Qu'avons-nous fait de ce manque complet de vision dans la gestion
d'une richesse naturelle renouvelable, mais renouvelable pour autant qu'on s'en
préoccupe? Ne pas laisser n'importe qui, n'importe quand, faire
n'importe quoi. Non, M. le Président, nous avons décidé
ceci. Notre formation politique a décidé du principe suivant: Un
arbre coupé, il faut en assurer immédiatement le reboisement.
C'est là une façon intelligente de bâtir sur quelque chose
de solide, de bâtir une forêt, comme disait le ministre des
Forêts, mais pas quelque chose en l'air, en mettant des montants d'argent
et en y allant sur un plan quinquennal en s'assurant que ce principe soit bel
et bien mis en pratique.
Non satisfaits de cela, nous avons voulu voir plus globalement, à
part cela. C'est là que le ministre des Terres et Forêts à
l'époque, notre collègue de Laviolette a soumis une politique
à la consultation et, lui, ne refusait pas les groupes. Il n'avait pas
peur de rencontrer Rexfor. Il n'avait pas peur de rencontrer les travailleurs
du Saguenay. Il ne se camouflait pas derrière le fait qu'un groupe
pouvait venir lui dire qu'il ne serait pas tout à fait d'accord. Non.
C'était une ouverture très large. Les groupes qui ont voulu
rencontrer le ministre, ce dernier se déplaçait pour aller les
rencontrer. C'est ce que nous avons fait.
À part cela, nous avons stimulé et revitalisé une
industrie en perte de vitesse non concurrente. Nous n'avons pas
hésité à aller négocier avec le gouvernement
fédéral pour en arriver à la conclusion d'un programme
conjoint pour revitaliser tout le secteur des pâtes et papiers.
Voilà ce que nous avons fait. Et le ministre voudrait, aujourd'hui,
qu'on sorte l'encensoir et qu'on lui dise: Je suis beau, je suis
ingénieur forestier, tout ce qui arrive, c'est moi qui l'ai fait. C'est
du plagiat, en bonne partie. Si, au moins, il avait plagié correctement,
on n'aurait pas le tollé de la Chambre des notaires, on n'aurait pas
l'UPA qui s'interroge très fortement sur l'utilisation des forêts
publiques, on n'aurait pas de groupes qui nous demandent
désespérément: Mais, est-ce que cela a du bon sens? Il
nous soumet un projet de loi de 108 articles, puis, après avoir entendu
une partie d'entre nous, pas tous, il nous pond un projet de loi de 228
articles. Très bon travail, bien fait. Excellent travail. Un brouillon
qu'on a présenté aux gens. Et on arrive devant les parlementaires
et, dans l'espace d'un rien de temps, on voudrait qu'on adopte ce projet de
loi.
Tout en étant d'accord avec le principe qu'il nous faut
gérer correctement nos forêts, tout en respectant les lignes
directrices de ce projet de loi - on ne peut pas être contre son adoption
de principe - il a besoin de changer de couleur entre le principe et la
troisième lecture parce qu'on va s'interroger à nouveau. Le
ministre a besoin de se montrer ouvert et d'arriver avec des amendements
corrects qui assurent un développement cohérent et non pas
exclusivement se donner de petits articles pour lui permettre de faire une
certaine forme de patronage. Non, M. le Président, on n'acceptera pas
cela sans doute. On va sans doute se parler sérieusement à
l'étude article par article. Je suis toujours surpris quand je lis des
projets de loi de ce parti, quand ils n'ont pas un article, sous
prétexte qu'ils prétendent légiférer
différemment... Ils se sont proclamés les champions de la
déréglementation. Dans son projet de loi, le ministre en a 18.
Est-ce que le ministre va déposer, en commission parlementaire, ses 18
règlements pour qu'on puisse voir si vraiment ces règlements sont
cohérents et concordants avec les articles de la loi, avec l'esprit de
la loi? Est-ce que le ministre, qui lui aussi disait: "II faut
déréglementer", et qui propose 18 règlements d'un coup, va
avoir la décence de permettre aux parlementaires de jouer vraiment leur
rôle de façon intelligente? Est-ce qu'il céposera les
règlements pour qu'on puisse en Faire une étude très
sérieuse?
Ces gens se contredisent d'une journée à l'autre. Je n'en
reviens pas, moi. J'ai lu avec attention les galées du discours du
ministre de l'Énergie et des Ressources et il rassure tojt le monde en
cette Chambre. Il dit: "Ne vous en faites pas, la loi 102 va être
appliquée et va être adoptée avant Noël. La loi 150 va
être adoptée avant Noël." Le ministre se relève ce
soir et dit: "La loi 102 ne sera pas adoptée avant Noël." Il va
falloir qu'on retire un jour ou l'autre l'avis de motion qu'on a donné
en cette Chambre pour faire des consultations publiques les 11 et 12
décembre prochain. Il y a du monde qui travaille pour rédiger les
mémoires let il y a du monde ici en cette Chambre qui annonce qu'ils
vont retirer la
loi. On ne joue pas au fou avec le monde et avec les groupes qui
préparent des mémoires. On ne rit pas des gens en les faisant
assoeir à la journée longue pour rédiger des
mémoires sous prétexte qu'on va les entendre, alors qu'on n'a pas
encore retiré en cette Chambre l'ordre qu'il y aura des séances
publiques et des auditions publiques les 11 et 12 décembre prochain. (23
h 50)
Comment se fait-il que, ce soir, on apprend qu'il n'y en aura pas
d'auditions publiques et qu'on n'a pas encore averti les groupes, qui sont en
préparation, de tout arrêter? On a changé d'idée.
Cela suppose quoi, M. le Président, au niveau de la loi 150, la
cohérence? Est-ce que le ministre, arrivé en deuxième
lecture, à l'étude article par article, va proposer un paquet de
modifications, un paquet d'amendements parce que la loi 102 ne sera pas
appuyée ou adoptée cet automne? Est-ce que le ministre va
présenter ces amendements avant même qu'on soit à
l'étude article par article en commission parlementaire, ou s'il va,
comme certains l'ont déjà fait dans sa formation politique,
attendre le dépôt du rapport en cette Chambre pour préparer
un paquet d'amendements visant à corriger le fait qu'ils ne veulent plus
que la loi 102 sur les terres publiques soit adoptée, qui est
supposée être l'assise juridique de toute cette loi 150? Est-ce
qu'on connaîtra ces amendements de concordance ou encore de substitution
au fait que la loi 102 n'est pas adoptée? C'est autant de questions
auxquelles le ministre devrait répondre, au moins, dans son droit de
réplique, s'il veut éclairer les parlementaires, parce que, au
moment où on se parle, tout ce qu'on sait, c'est que le projet de loi
102 n'est pas supposé être appelé.
On ne sait pas s'il y aura des audiences publiques les 11 et 12, mais on
sait que l'argument pour les retirer, c'est qu'on apportera des amendements au
projet de loi 150. Où sont ces amendements? Sont-ils
préparés? Sont-ils déposés à temps pour
qu'on puisse les étudier article par article en commission
parlementaire? Sinon, M. le Président, c'est leurrer les parlementaires
et le Parlement.
M. le Président, ces gens, depuis le début de leurs
discours, pour les quelques-uns qui ont parlé, selon leur grande foi, se
sont levés beaucoup plus pour dire: Bravo à M. le ministre
d'avoir eu le courage politique et d'avoir été vite! Je les ai
écoutés: ce sont presque les seuls arguments qu'ils ont
trouvés. Bravo, M. le ministre! M. le ministre, vos gens n'ont pas
parlé, par exemple, des travailleurs de la forêt eux qui disaient
tantôt, de leur côté: On se préoccupe de tout. Je
vous rappellerai qu'il y a une commission parlementaire à laquelle notre
ami, le député de l'Ungava, a proposé un mandat
d'initiative aux parlementaires de votre côté - le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue était
là - et le mandat était le suivant: "La commission de
l'économie et du travail se donne un mandat d'initiative visant à
faire la lumière sur les conditions de travail en forêt et
à évaluer l'impact de la nouvelle politique forestière sur
les relations du travail dans la forêt." Tergiversations, M. le
Président! Refus d'analyser précisément les conditions de
travail des travailleurs forestiers. Et vous allez venir nous dire que vous
êtes sensibles à cela. Vous vous êtes même
refusé un mandat d'initiative d'une commission qui aurait pu se pencher
là-dessus, parce que le livre blanc déposé par le
député de Laviolette en parlait et votre politique n'en parle
plus, M. le ministre délégué aux Forêts. Vous avez
fait fi des rapports de commissions de travail et de commissions
d'enquête et je vais vous lire quelques paragraphes: "En raison des
conditions de travail imposées actuellement aux travailleurs forestiers,
le travail en forêt entraîne une insécurité
financière. Pour remédier à cette situation - je vous
dirai qui l'a écrit avant de rire, M. le député de
Prévost, il serait peut-être bon que vous
réfléchissiez avant de rire parce qu'il y a des travailleurs
forestiers dans votre comté - pour remédier à cette
situation, il a été proposé d'effectuer une vaste
enquête sur l'ensemble du secteur forestier, d'abolir le salaire à
forfait parce qu'il incite à un rythme de travail élevé,
cause de nombreux accidents du travail et soumet les travailleurs à une
insécurité financière par suite des aléas de la
coupe de bois durant la pluie, les neiges, la topographie des terrains, la
qualité des arbres etc.; d'obliger les compagnies forestières
à fournir les outils de travail et les camps forestiers sur leur
territoire de coupe ou à défrayer le logement, la pension et le
transport; de vérifier la pertinence de la législation et du Code
du travail concernant la transmission des droits et obligations à
l'occasion d'une rétrocession de la concession et lors des changements
de territoires prévus au permis de coupe.
La conclusion de la commission Beaudry, qui a existé durant plus
d'un an, était la suivante: "Compte tenu des nombreuses demandes faites
à la Commission consultative sur le travail et du rapport d'étape
du groupe de travail sur l'exploitation forestière, que le ministre du
Travail ouvre dans les plus brefs délais possibles une enquête sur
l'ensemble des activités en forêt." Cette enquête devrait
cerner tous les sujets susceptibles d'influencer les droits et les conditions
de travail de la main-d'oeuvre forestière et notamment l'influence de la
planification de la production sur les besoins et les conditions de travail des
ressources humaines." Les effets de la mécanisation sur la santé
et la
sécurité et la rémunération du travailleur
forestier, la quantité et la qualité de la formation des
ouvriers, la pratique de la sous-traitance et ses répercussions sur les
conditions de travail sur le droit d'association, pas un mot!
Pas un mot, M. le Président. Qu'est-ce qui les intéresse,
M. le Président? Faire plaisir à un groupe
d'intérêts. Dans cela, il y a des gens qui donnent de leur temps.
Vous me direz: Bien sûr ils sont rémunérés.
Avez-vous déjà travaillé en forêt? Avez-vous
déjà travaillé en forêt l'automne, M. le
Président? Moi, j'ai travaillé en forêt l'automne. J'ai
connu ce que c'était d'empiler du bois avec un cheval, avec mon
père. Ne venez pas me dire... et il y en a plusieurs qui connaissent
bien cela ici. Avant de décider de ne pas vous préoccuper de la
main-d'oeuvre forestière, pensez-y un tant soit peu. C'est un
métier extrêmement difficile, vous le savez. Ils n'ont pas
d'alternative, quand ils sont à sous-contrat en particulier, d'agir
à la sauvette. Combien d'hommes sont brûlés à 35 ou
40 ans à peine, dans le domaine de la forêt?
Je suis né dans ce milieu et je peux vous en parler très
longuement. Je ne pense pas qu'on puisse rire de ces conditions de travail.
Elles sont malheureuses, M. le Président. Ceux qui travaillent en
forêt sur des horaires de huit, sept, comme c'est le cas
présentement a Casey au nord du Québec, dans le nord du
comté de Laviolette, ceux qui sont huit jours dans le bois à
travailler huit jours consécutifs pour être sept jours en bas,
vous irez voir dans quelles conditions de travail ils oeuvrent, M. le
Président. Le ministre n'a pas un mot. Il a même rayé cela
de sa politique, parce que cela existait dans le livre blanc qui avait
été déposé en cette Chambre par le
député de Laviolette. On a l'air à s'en foutre
éperdument.
Donc, M. le Président, vous ne serez pas surpris bien sûr,
que, dans les prochains jours, les prochaines heures, il y ait des groupes qui
veuillent se faire entendre sur ce projet de loi de 108 articles, converti en
228 après avoir écouté environ la moitié de ceux
qui voulaient être entendus. Vous ne serez pas surpris qu'il y en ait qui
crient pour être entendus. Vous ne serez pas surpris qu'il y ait des
amendements suggérés par des groupes, que des groupes fassent
encore parvenir au ministre des suggestions d'amendements. J'ose espérer
que le ministre, en toute honnêteté intellectuelle,
déposera pour les membres de la commission l'ensemble des amendements
qu'il aura reçus à la suite de la republication de son projet de
loi qui a maintenant 228 articles et non plus de 108.
Je demande au ministre, dans son droit de réplique, lorsque
viendra son tour de parler, de nous dire s'il accepte de déposer devant
les membres de la commission l'ensemble des amendements qu'il aura reçus
soit de l'UPA, d'entrepreneurs forestiers, de la Chambre des notaires ou
d'autres groupes intéressés au développement de la
forêt. Je demande au ministre s'il est prêt à s'engager
à déposer ces amendements ou s'il attendra que les groupes
passent par le biais de l'Opposition pour venir à bout d'avoir les
amendements à des clauses bien précises.
Je répète que le principe du projet de loi est bien en
soi. Mais je suis convaincu que le ministre aurait pu prendre le temps de
permettre à tous les groupes d'avoir une version au moins
définitive de ce qu'il pensait. Quand on voit clair dans une politique,
on présente le tout globalement et on dit: Voilà ma politique!
Voilà les aspects auxquels le gouvernement tient! Voilà les
principes auxquels le gouvernement ne dérogera pas, c'est son mot final!
II ne s'agit pas de présenter un brouillon et, ensuite, de ramasser les
orientations à gauche et à droite pour essayer de se faire une
idée et, encore une fois, manquer son coup parce qu'il n'aura pas eu le
courage d'inviter tous les groupes qui avaient des choses à lui dire sur
l'ensemble des sujets. (minuit)
M. le Président, ce ministre délégué aux
Forêts incarne très bien l'allure de ce gouvernement, à la
sauvette, à la va-comme-je-te-pousse. Des ballounes, il en
dégonfle une, il en ressouffle une, pas de problème, la vie est
belle, on a le sourire. On a même essayé de lui montrer certaines
de ses cassettes et il n'a pas réussi à les prendre,
celui-là. Entre vous et moi, M. le Président, il me semble que
cet ingénieur forestier devrait être au moins sensible à
ceux qui oeuvrent en forêt, à ceux qui connaissent la forêt,
à ceux qui non seulement ont étudié dans les livres, mais
à ceux qui ont vécu sur le terrain ce que c'était que la
forêt, pour bien lui faire comprendre qu'il oublie des dimensions
très importantes dans sa politique. On ne peut pas bâtir une
politique en faisant fi des acteurs principaux. Les acteurs principaux, M. le
Président, dans toute cette politique, ce sont les travailleurs, ceux
qui oeuvrent, ceux qui dépensent énergie et temps, ceux qui sont
sur le terrain. Ce sont eux qui permettent les profits. Ce sont eux qui
permettent à des compagnies d'avoir des revenus intéressants. Ces
gens, vous les ignorez complètement, M. le ministre, et j'ai la
conviction que vous faites fausse route. Merci.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je commencerais mon
intervention en disant:
Comment réussir à faire d'une idée, qui avait fait
consensus, d'une bonne idée, d'un principe de base très
important, une sauce qui n'est pas la plus mangeable? Comment
réussit-on, par un principe qui a fait l'unanimité au
Québec, à présenter une politique forestière qu'on
appelle désormais, pour se différencier du Parti
québécois, un régime forestier? Comment réussit-on
à présenter une telle politique qui, d'une certaine façon,
amène en même temps des modalités d'application qui sont
très différentes de celles qu'on avait proposées?
J'ai eu l'occasion d'entendre les députés du gouvernement,
à un certain moment, encenser le ministre comme si le régime
forestier présenté était venu d'une
génération spontanée. H ne faut pas oublier qu'il y a des
gestes qui ont été posés dans le passé, en
particulier en 1972. Cet énoncé de politique de 1972 a
été fait par un gouvernement libéral. Les
députés du gouvernement sont venus nous dire: Messieurs, dans le
temps où vous étiez au gouvernement, vous n'avez rien fait.
Aurait-il fallu, M. le Président, qu'en 1976, quatre ans après
l'énoncé de politique qui avait amené l'ensemble des
scieries au Québec depuis 1970, dans l'Abitibi-Témiscamingue et
le Nord-Ouest en particulier, on change tout cela en disant que ce
n'était pas bon? Ce n'est pas de même qu'on a réagi, on a
regardé la politique. Effectivement, elle avait, à cette
époque, selon les connaissances qu'on avait, un certain bon sens.
Les années 1976, 1977, 1978 ont été plutôt
consacrées à autre chose. Dans ma région en particulier,
alors que des usines fermaient dans les pâtes et papiers, le gouvernement
de l'époque a décidé de présenter au gouvernement
fédéral libéral de l'époque une politique qui
visait à permettre aux usines des pâtes et papiers de survivre
dans la tourmente - c'était dans les années 1976, 1977, 1978 -
politique qui a permis la sauvegarde des usines. Il n'était, à ce
moment, en aucune façon pensable de parler de politique
forestière si on ne sauvait pas, au moins, les usines qui mangeaient ce
bois, qui amenaient chez elles ce bois. Il a donc fallu passer aux actes. Si le
gouvernement de l'époque n'avait pas posé ces gestes,
aujourd'hui, peut-être qu'on ne parlerait pas de politique
forestière parce qu'il resterait beaucoup de bois dans la forêt,
ces usines étant fermées, mais il y aurait beaucoup de
chômeurs au Québec.
Donc, la politique de l'époque a été importante
pour l'ensemble des usines de pâtes et papiers, une politique de
modernisation et d'accélération des machines. En même
temps, il ne faut pas l'oublier, ce n'est pas parce qu'on a modernisé
nos machines qu'on a utilisé plus de bois. Le ministre est
ingénieur, il le sait très bien, ces usines, parce qu'elles se
sont modernisées, utilisent moins de bois et, dans bien des cas, parce
qu'on a changé nos techniques, nos façons de procéder,
nous avons, actuellement, l'utilisation de feuillus avec des résineux
qui permet une utilisation optimale et maximale de la ressource
forestière au Québec, en particulier, pour ceux qui viennent des
régions où il y a des forêts mélangées.
Ce n'était pas une génération spontanée, le
document que nous avons devant nous. Il a franchi l'étape importante de
la consultation par mon collègue, Yves Duhaime, et celle de la
présentation d'un livre blanc qui a amené le projet de loi. Je
pense que ce livre blanc a fait le consensus au Québec et, comme je le
disais à l'époque, on ne demande pas l'unanimité. On
n'obtiendra jamais l'unanimité. La perfection n'est pas de ce monde,
mais un consensus important est établi. Tout le monde voulait et
espérait que cette politique soit faite le plus rapidement possible.
Lors de la campagne électorale dans mon comté, le candidat
libéral qui vous représentait a lancé à cor et
à cri à tout le monde qui voulait l'entendre que la politique
forestière, malheureusement, arrivait trop tard. On se retrouve un an
après, alors que, si nous avions été reportés au
pouvoir, elle serait déjà adoptée, elle serait
déjà en place.
Une voix: Vous avez eu 9 ans pour le faire!
M. Jolivet: Cela ne me dérange pas, M. le
Président, je suis habitué à les entendre crier.
Ce que je vous dis, c'est qu'actuellement nous avons une politique qui
détermine qu'à partir du 1er avril 1987 il y aura des gestes de
poser, mais que la politique n'entrera pleinement en vigueur qu'en 1990.
L'ensemble des compagnies papetières et les compagnies de sciage,
à l'époque, avaient une certaine forme de crainte. C'était
un laps de temps trop long pour permettre le lobbying, pour permettre,
finalement, que dans le partage des territoires qu'on a prévu à
l'intérieur du projet de loi on arrive à faire en sorte que des
gens, par des pressions de part et d'autre, viennent changer le contexte dans
lequel nous sommes actuellement, qui est un contexte difficile.
Le projet de loi ne nous donne aucune garantie qu'il n'y aura pas des
pressions qui seront exercées sur le ministre et qui feront en sorte
que, finalement, il y aura de la part du ministre des tentations de
répondre différemment à ces demandes d'allocation de
territoires par des compagnies qui en voudront davantage. Les compagnies
papetières sont très sensibles à ce sujet. On parle
d'utiliser 23 000 000 de mètres cubes pour le partage des territoires;
alors que la capacité portante de la forêt dans sa forme
biophysique actuelle est de 18 000 000, quand on veut la porter, par
l'intermédiaire des procédés qu'on veut mettre en place,
à 23 000 000 ou 24 000 000, je crains qu'on ne partage ces territoires
à partir d'une hypothèse qui est réalisable, mais dans la
mesure où tous les gestes sont posés. Quels sont ces gestes? Ce
sont les travaux sylvicoles; ce sont de nouveaux modes de gestion de la
forêt sur lesquels on s'entend de part et d'autre de cette
Assemblée, et des méthodes différentes des coupes
actuelles.
Dans le projet de loi, on en fait mention, je pense que c'est essentiel
et important de laisser une forme de liberté aux compagnies qui auront
les territoires dans la mesure où le gouvernement, par
l'intermédiaire de vérifications annuelles sur la base des
possibilités des cinq années en marche jusqu'à un contrat
de 25 ans, peut prévoir que les coupes puissent être faites selon
les garanties que pourront apporter les compagnies de remettre en production le
territoire forestier du Québec.
De nouvelles méthodes de récolte. S'assurer que les arbres
soient coupés dans la mesure où on ne va pas chercher seulement
les "patchs" ici et là qui sont les plus denses. Donc, passer dans le
résineux d'une densité de coupe de 75 mètres cubes par
hectare à une densité de 49 mètres cubes par hectare.
C'est-à-dire, à ce moment, aussi changer les méthodes de
récolte.
Je l'ai souvent répété et je vais continuer
à le répéter, le reboisement est l'une des techniques les
plus coûteuses, mais il doit être fait. Cette technique, si elle
doit être appliquée, doit l'être si nécessaire. Donc,
reboisement si nécessaire, mais pas nécessairement reboisement.
(0 h 10)
Je pense que c'est le journal La Presse du mois de juin 1985 qui titrait
en première page dans la section qui la concernait: "Tout arbre
coupé doit être remplacé". Le mot "remplacé" ne veut
pas dire, M. le Président, qu'il doit y avoir nécessairement du
reboisement. Le journaliste qui a écrit le texte avait bien compris le
sens que le livre blanc donnait à cela, c'est-à-dire de s'assurer
que tous les mécanismes et toutes les techniques nécessaires
soient utilisés pour que la forêt soit remise en reproduction,
mais non pas nécessairement par le reboisement seulement.
Dans le livre blanc, à la page 72 - et mon collègue, le
député de Duplessis, a essayé d'en savoir davantage de la
part du ministre et il n'en sait pas encore plus, mais j'espère que le
ministre dans son droit de réplique aura l'occasion de nous
répondre -on dit ceci: "La capacité concurrentielle de
l'industrie: La fiscalité constitue un élément important
de l'environnement de l'industrie forestière. Le gouvernement entend
donc étudier tous les mécanismes reliés à la
fiscalité dans le secteur forestier de façon à mettre de
l'avant les mesures susceptibles d'améliorer la capacité
concurrentielle de l'industrie québécoise." Donc, lorsque le
livre blanc est apparu, des ordres ont été donnés. Ce que
l'on sait... J'ai l'impression que le ministre ne le sait pas trop et ce sont
les craintes que des industriels ont aussi. À la suite des questions qui
ont été posées par le député de Duplessis,
à savoir est-ce que le ministre veut déposer en cette Chambre les
études sur la capacité concurrentielle de l'industrie des
pâtes et papiers dans le contexte de l'augmentation des droits de coupe
prévue par sa politique forestière, études
commandées en juin 1985 et non encore rendues publiques par le ministre,
des renseignements nous indiquent qu'aussi bien pour les industriels de sciage,
comme l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, que
pour les industries forestières comme l'Association des industries
forestières du Québec représentant en particulier les
papetières, au sujet des analyses sur la capacité concurrentielle
à l'intérieur du projet de loi déposé maintenant et
aussi, à ce qu'on a su, des droits de coupe, des "stumpage" comme on les
appelle, demandés par les Américains, des études existent
et des études sont là. Que le ministre ne veuille pas les
déposer, c'est une chose mais qu'il ne vienne pas nous dire comme il l'a
dit: Si cette étude est complétée et si elle existe, comme
le prétend le député de Duplessis, il me fera plaisir de
la déposer. Je demande donc, ce soir, pour les industriels qui auront
à regarder et étudier le projet de loi article par article et qui
auront des recommandations à faire au ministre, qu'ils puissent
connaître les résultats de ces études aussi bien dans le
sciage que dans les pâtes et papiers. Ces gens ont besoin de cela, les
députés de l'Opposition ont besoin de cela pour faire un travail
convenable et pour faire comprendre au ministre qu'il y a peut-être des
gestes qu'il ne doit pas poser et qui doivent être retardés s'il
est important de les faire. Je pense sans me tromper, d'après ce que
j'ai comme renseignements, que ces études sont faites usine par usine.
On connaît actuellement ce qui va se passer au Québec.
Il y a une autre chose qui m'inquiète -le député de
Duplessis en a fait aussi mention lors d'une question posée au ministre
- il s'agit de toute la question de la décision américaine
d'exiger des droits de compensation. Dans le projet de loi, le ministre n'en
fait pas mention, mais on sous-tend à l'intérieur de ce document,
selon les renseignements que nous possédons, qu'en ce qui concerne
l'augmentation de 15 % qui fait actuellement l'objet de négociations
entre les États-Unis, le Canada et le Québec - le Québec
étant une des provinces participant à
ce débat - nous avons actuellement l'impression que le ministre
est en train de se faire avoir, que le gouvernement est en train de se faire
avoir, et que le ministre qui discute de ces sujets, c'est le ministre du
Commerce extérieur et du Développement technologique ou des
relations avec le Canada. Je pense que le ministre à ce sujet doit nous
donner des réponses et en donner aussi aux gens de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec, aux gens des industries
forestières et des papetières aussi qui sont plus
vulnérables à ce sujet parce qu'ils sont les plus grands
exportateurs.
Ce sont aussi les gens qui, actuellement, par le fait que des droits de
coupe seront chargés au bois de sciage, au bois d'oeuvre, verront par le
fait même augmenter à un autre niveau, par l'intermédiaire
des copeaux et résidus de sciage, le coût à la tonne de
papier fabriqué ici au Québec et vendu aux États-Unis. Le
ministre en est conscient, mais il ne doit pas laisser à un autre
ministre le soin de le décider.
Ce qu'on remarque ici, c'est que le ministre semble être un
très bon garçon. Nous l'avons dit, nous l'avons
répété, il semble tellement bon garçon qu'il est
sous la tutelle du ministre responsable de l'Énergie et des Ressources
et il est en train de se mettre sous deux autres tutelles: le ministre du
Commerce extérieur et le ministre de l'Industrie et du Commerce.
À une question qui a été posée sur la
capacité concurrentielle des compagnies, le ministre répondait au
député de Duplessis: Effectivement, il est évident que
nous transmettrons toutes les données forestières au ministre de
l'Industrie et du Commerce concernant Domtar et Donohue au sujet des
allocations de bois, des autorisations et du volume de bois qu'on coupe sur les
terrains publics du Québec. Mais il me semblait, quant à moi, que
des décisions avaient été prises par l'ancien gouvernement
et qu'elles devaient être continuées par le gouvernement actuel,
à savoir qu'il y avait un ministre responsable de la gestion de la
forêt. Ce ministre est le ministre délégué aux
Forêts. Ce n'était pas le ministre de l'Industrie et du Commerce;
ce n'était pas le ministre du Commerce extérieur; ce
n'était pas le ministre de l'Énergie et des Ressources;
c'était le ministre responsable, le ministre
délégué aux Forêts. Or, nous avons l'impression
actuellement que le ministre est en train de se faire manger la laine sur le
dos par d'autres ministres qui prennent les responsabilités qu'il doit
avoir. Il est important que le ministre soit responsable non seulement de
l'allocation des bois, non seulement de la répartition des volumes de
bois, mais il doit être responsable de la gestion de l'ensemble des
industries du Québec pour savoir ce qui se passe dans ces
industries.
II y avait au ministère et je pense qu'il existe encore au
ministère et j'espère qu'il en est resté chez le ministre
délégué aux Forêts de ces gens capables de
déterminer ce que sont les industries au Québec. Le ministre de
l'époque des Terres et Forêts, M. Yves Bérubé, a
fait un travail extraordinaire. Il avait mis en place les moyens de s'assurer
qu'effectivement le gouvernement pourrait correctement dire au gouvernement
fédéral comment régler le problème de la
modernisation des usines de pâtes et papiers au Québec. Or, nous
avons l'impression, à la suite du projet de loi, que le ministre est en
train d'abdiquer des choses.
Un exemple final avec le ministre de l'Énergie et des Ressources,
c'est la question de la loi 102. Je comprends difficilement que le ministre, un
ingénieur forestier, soit en train de se laisser passer un sapin comme
celui-là. Beaucoup d'ingénieurs forestiers -c'était
présent au congrès des ingénieurs forestiers - demandaient
la création d'un ministère des Terres et Forêts. Qu'est-ce
qu'on est en train de faire? On est en train de faire une scission
complète. Le ministre de l'Énergie et des Ressources, responsable
de tous les bons dossiers des terres et forêts - quand c'est le temps
d'annoncer des bonnes nouvelles, il le fait - est en train de lui enlever une
partie importante de l'ensemble des terres publiques. Or, nous sommes devant le
projet de loi 102. D'après les renseignements que nous avons, et nous
allons le répéter, à moins qu'on nous dise le contraire,
on va le retirer et on va retirer les consultations particulières qui
avaient été prévues. On va adopter la loi 150 sans avoir
déjà adopté la loi 102. Le ministre devra répondre:
Est-ce lui qui a la responsabilité? A-t-il tous les pouvoirs de le
décider ou s'il faut qu'il se réfère, soit au ministre de
l'Industrie et du Commerce pour le dossier Domtar-Donohue-Dofor, soit au
ministre de l'Énergie et des Ressources sur la question des terres, soit
au ministre du Commerce extérieur pour les "stumpage" américains?
Qui mène dans ce ministère? Je pense qu'il est très
important de le savoir, M. le Président.
En terminant, puisque vous me faites signe qu'il faut terminer, je dois
dire que, quant à moi, malgré le fait qu'on diverge sur
l'ensemble des modalités d'application - et on va le dire en commission
parlementaire -sur les principes, on peut s'entendre facilement. Je peux
même, contrairement à d'autres députés, terminer en
disant que je remercie le ministre d'avoir présenté le projet de
loi parce que, effectivement, il était important qu'il soit
présenté. Je devrais aussi dire que bien des gens ont
travaillé sur l'ensemble de ces documents, que ce soit le livre blanc ou
le projet de loi, notamment le sous-ministre en titre, M. Tessier, le sous-
ministre adjoint. M. Paillé ou M. Defrasnes du service ou mes
employés à l'époque où j'étais ministre,
comme Pierre Mathieu; il y a beaucoup de travail qui a été fait.
Ce ministre a pris ensemble... M. le Président, est-ce que je peux
terminer? (0 h 20)
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Allez-y.
M. Jolivet: Ce ministre a profité de tout cela. À
ce moment, je dis que ce n'est pas de la génération
spontanée et le ministre le sait très bien. Le ministre va
également reconnaître qu'il y a des gens qui ont eu à
travailler avant lui et qu'il récolte ce que d'autres ont semé.
Ce qui est important, c'est que la semence qu'il va mettre en terre ne soit pas
comme l'énoncé de politique de 1972, un énoncé qui
devra être corrigé trop vite.
C'est une politique qui doit demeurer dans le temps et les compagnies
forestières sont prêtes à y participer dans la mesure
où elles savent ce que cela va leur coûter et où on s'en va
avec cette politique. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le ministre
délégué aux Forêts, votre droit de
réplique.
Des voix: Bravo!
Une voix: Enfin quelqu'un qui connaît la forêt!
M. Albert Côté (réplique)
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, c'est aujourd'hui le 2 décembre. Il y a un an, on sait
ce qui s'est passé au Québec.
Des voix: Bravo!
Des voix: Un grand balayage!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis
très fier, M. le Président, d'être le premier membre de ce
gouvernement libéral à prendre la parole dans cette
Assemblée. Au début de ce débat sur l'adoption du principe
du projet de loi 150, nous avons perdu un temps précieux sur une motion
dilatoire présentée par l'Opposition. Il est évident que,
lorsque l'on n'a rien à dire ou à redire, c'est le genre
d'échappatoire que l'on utilise.
C'est, en effet, tellement plus facile d'user ou d'abuser de
dérobades, de trouver des excuses, d'avancer des faux-fuyants,
d'utiliser des subterfuges ou d'inventer des prétextes pour masquer son
inaction ou tout simplement pour empêcher les autres de poser les gestes
que l'on aurait dû poser soi-même.
En présentant sa motion de report, M.
le Président, au début de ce débat, l'Opposition a
montré encore une fois, comme si c'était nécessaire, le
peu d'empressement qu'elle a toujours manifesté à l'égard
des forêts du Québec, mis à part l'intérêt
personnel témoigné par les députés de Laviolette et
de Duplessis, je le reconnais devant cette Assemblée.
M. le Président, je suis heureux au moins de constater que,
depuis le rejet de cette motion de report où les fleurs du tapis ont
fait trébucher l'Opposition, nous parlons enfin de la forêt.
Je remercie tous mes collègues des deux côtés de
cette Chambre de l'intérêt qu'ils portent à la forêt.
Plus nous parlons et plus nous parlerons de cette forêt, mieux ce sera,
parce que nous la respecterons davantage, parce que nous serons forcés
de mieux l'aménager. De cette façon, nous assurerons notre avenir
et celui des générations futures.
M. le Président, le débat sur l'adoption de principe a
cependant permis de constater que le projet de loi sur les forêts suscite
une vague d'unanimité dans cette Chambre quant aux principes qui le
sous-tendent. J'ai remarqué avec plaisir que les membres de l'Opposition
qui sont intervenus dans le débat n'ont eu, sauf certaines remarques
plus ou moins valables, que des éloges à formuler à
l'égard du projet de loi 150.
J'aimerais, d'ailleurs, poser quelques questions à l'Opposition
sur certains points soulevés par elle au cours de ce débat.
J'aimerais que le député de Dubuc vérifie ses chiffres
quant aux emplois reliés à l'industrie de la fourrure ou du
trappage. Ne s'agit-il pas de 5700 emplois plutôt que 57 000 en
forêt dans ce domaine, puisqu'au total on ne compte que 65 000
travailleurs québécois qui tirent leur subsistance de cette
ressource, la ressource de la faune?
Par exemple, j'aimerais que l'Opposition me dise comment elle peut
justifier sa requête voulant que la création de nouveaux parcs en
forêt dans les territoires qui seront désignés aux
industriels, si petits soient-ils, soit strictement faite aux frais de
l'industrie alors que les parcs constituent des équipements que
l'ensemble de la collectivité entend se donner et dont elle voudra se
doter.
Un autre point soulevé par le député de Bertrand
m'intrigue énormément. Ainsi, le député de
Bertrand, après avoir sans doute mûrement réfléchi,
soutient avec le plus grand sérieux du monde que le bois de la
Côte-Nord et de l'île d'Anticosti doit mourir sur place. Je demande
donc au député de Bertrand s'il entend par là que les
populations de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent devront
déménager à Anticosti ou dans la région de
Natashquan. Est-ce qu'il entend par là que nous devrons fermer des
usines dans le Bas-Saint-Laurent et la
Gaspésie pour en construire de nouvelles sur la
Basse-Côte-Nord? Est-ce qu'il entend par là que l'on devra
construire des cégeps, des universités, des autoroutes, des
écoles et des hôpitaux nouveaux à Anticosti ou dans la
région de Natashquan et plus à l'est? Ne pense-t-il pas qu'il est
plus logique de transporter temporairement du bois d'un côté
à l'autre du fleuve pour permettre à la forêt
gaspésienne et du Bas-Saint-Laurent de se refaire plutôt que de
déménager des populations entières et d'installer les
infrastructures et les équipements qui seraient alors requis?
Une voix: À Rivière-du-Loup. Des voix: Aie!
Aie!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Si son
collègue de Shefford avait pris le temps de lire le projet de loi, il
n'aurait sans doute pas fait ces commentaires au sujet du rôle de
suppléance de la forêt publique parce qu'il aurait constaté
que cette notion est inscrite dans le projet de loi à deux reprises. Il
aurait, en outre, nuancé passablement ses remarques concernant les
pouvoirs abusifs du ministre. Même si certains députés se
sont amusés à compter jusqu'à 18, les articles qui ont
été ajoutés à la suite de l'avant-projet de loi
prennent soin d'un grand nombre de règlements. Mais en fait, le plus
grand pouvoir abusif qui n'ait jamais été accordé à
un ministre des Forêts n'est-il pas celui qui l'autorisait à
allouer des volumes de bois plus considérables que la capacité de
production de la forêt? Ce pouvoir abusif a été la marque
de commerce du gouvernement péquiste entre 1976 et 1985.
C'est en très grande partie en raison de l'usage
immodéré de ce pouvoir par nos collègues d'en face que nos
forêts sont tellement menacées aujourd'hui et dans un état
aussi précaire. Non seulement le gouvernement précédent ne
portait aucun intérêt à la forêt en allouant des
volumes supérieurs à la capacité de production de nos
forêts, il en dilapidait ainsi le capital et même accordait des
reports et des crédits de droits de coupe importants avec ou sans
intérêt.
Une voix: Ils ont géré ça comme des
"peanuts".
M. Côté (Rivière-du-Loup): Était-ce
pour satisfaire les créanciers ou encore par esprit
d'équité envers ceux qui honorent leurs redevances à
l'État? Il faudrait tout de même que l'Opposition soit un peu plus
rigoureuse à cet égard et un peu plus conséquente d'une
manière générale.
L'autre soir, je me suis demandé qui, du porte-parole officiel ou
de son interprète, disait vrai. Alors que le critique officiel de
l'Opposition en matière de foresterie, le député de
Duplessis, réclame et exige dans cette Assemblée et lors de
conférences de presse, et ce depuis près d'un an, la
présentation de la nouvelle politique forestière, le
député d'Ungava, qui est à ses côtés et qui a
l'habitude de préciser la pensée de son collègue, clamait
bien haut que l'on allait trop vite avec l'énoncé de notre
politique. Qui dit vrai, M. le Président? Comment peut-on les suivre
dans les méandres de leurs propos contradictoires? Je suis
embarrassé entre l'esprit et la pensée et j'allais dire entre
l'esprit et la chair.
Il y a un instant, je parlais de l'usage immodéré du
véritable pouvoir abusif qu'un ministre des Forêts peut
posséder et que, heureusement, nous corrigeons avec le présent
projet de loi. Lorsqu'un ministre des Forêts peut autoriser des volumes
supérieurs à la possibilité, il dispose de
véritables pouvoirs abusifs envers un patrimoine collectif et
providentiel tout comme celui de notre culture et de notre langue que nous nous
devons de transmettre à nos héritiers dans les meilleures
conditions. Le projet de loi corrige cette situation. Désormais, les
allocations ne pourront outrepasser la possibilité réelle. C'est
ainsi que les allocations de plus de 31 000 000 de mètres cubes de bois
sur une possibilité de 18 000 000 de mètres cubes ne pourront
plus avoir cours. (0 h 30)
Hélas! depuis 1976, c'était malheureusement monnaie
courante. M. Bérubé a géré la forêt comme
s'il s'agissait d'une mine, c'est-à-dire sur la base de l'exploitation
systématique, quitte à tout fermer au moment de
l'épuisement. Quant à M. Duhaime, il n'a jamais
géré la forêt, même avec un mauvais système de
gestion, parce que les forêts, cela l'ennuyait et c'est ainsi qu'il a
délégué ses responsabilités aux fonctionnaires.
J'aimerais vous citer un extrait de l'étude des crédits du
ministère, le 17 juin 1983, lorsque le député de Pontiac
posa une question au ministre de l'Énergie et des Ressources du temps:
"Est-ce que le ministre peut nous indiquer à quel moment il a
l'intention de présenter un plan intégré de gestion des
forêts du Québec?" Voici la réponse de M. Duhaime: "Une
grande question pour environ dix ans d'ouvrage." Le député
d'Outremont poursuit: "Est-ce que vous avez au moins commencé à y
travailler? Peut-être que le ministre peut me donner le cheminement qui
va être suivi pour arriver aux résultats." Réponse de M.
Duhaime: "Ce n'est pas mon habitude beaucoup. Je ne sais pas si c'est
l'influence de mes séjours dans les institutions anglaises, mais j'ai
l'habitude de travailler cas par cas." La gestion forestière
était bien loin de ses soucis.
Par bonheur, et pour l'honneur du
gouvernement péquiste, le député de Laviolette a
tenté de recoller les pots cassés de ses collègues, mais
il était trop tard. Je reconnais son travail parce qu'au niveau
forestier, jusqu'à tout récemment, avec l'aide du
député de Duplessis, il a été le début d'une
conscience forestière de l'ancien gouvernement.
Par ailleurs, M. le Président, je tiens surtout à rendre
hommage aux ouvriers forestiers auxquels a fait référence le
député d'Ungava. Je veux rassurer le député
d'Ungava et lui dire que ces personnes se fient à nous des deux
côtés de cette Chambre pour légiférer
sérieusement, et j'en fais une remarque pour le député de
Terrebonne à qui je dirai: Peut-être qu'il nous faudra penser
à fournir des garanties en bois aux orignaux.
Je disais: pour légiférer sérieusement et assurer
l'avenir des ouvriers forestiers, M. le Président, car le gouvernement
précédent n'a pas su le faire, sans doute parce qu'il se croyait
dans l'abondance financière, dans l'abondance forestière et aussi
dans l'euphorie nationaliste, ce qui le rendait particulièrement
insouciant dans ce domaine comme dans bien d'autres d'ailleurs, notamment au
chapitre de l'amiante.
J'aimerais aussi rappeler à nos amis d'en face que la fusion du
ministère des Terres et Forêts au sein du ministère de
l'Énergie et des Ressources est leur oeuvre. Je veux leur dire que,
même si le député de Duplessis a indiqué en
commission parlementaire qu'il s'agissait là d'une des erreurs parmi
d'autres du gouvernement du Parti québécois, je travaille dans
une très grande harmonie avec mon collègue John Ciaccia et qu'on
fera pour le mieux ensemble, encore une fois, pour corriger les erreurs du
gouvernement précédent.
Du côté ministériel, ceux qui sont intervenus ont
insisté, à tour de rôle, sur la capacité de ce
projet de loi de répondre aux difficultés majeures auxquelles
sont confrontées les forêts du Québec. Tous les
intervenants, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre de cette
Chambre, ont convenu de la nécessité d'une réforme en
profondeur du mode de gestion de nos forêts pour assurer le
développement économique, pour maintenir les emplois actuels dans
l'industrie forestière et accroître ce nombre d'emplois par la
création de la nouvelle industrie sylvicole qui procurera du travail
à des milliers de Québécois et de
Québécoises.
M. le Président, si le projet de loi sur les forêts suscite
une telle unanimité, c'est en grande partie parce que les principes
fondamentaux sur lesquels il est basé sont reconnus par tous et cela,
depuis fort longtemps, sauf par les profiteurs et les pilleurs de la
forêt privée et publique. C'est aussi parce que nous en avons pris
le temps d'entendre les intervenants du milieu forestier nous formuler des
commentaires et des suggestions. C'est surtout parce que nous en avons
largement et positivement tenu compte, dans la mesure du possible, au cours de
la rédaction de ce projet de loi.
Ceux qui se sont donné la peine de lire l'avant-projet de loi
déposé le 19 juin et l'actuel projet de loi savent que des
changements majeurs ont été apportés dans l'unique but
d'en bonifier le contenu. Je dois avouer ici que si j'ai choisi la formule de
l'avant-projet de loi, c'était voulu afin de mesurer et d'évaluer
la volonté de changement chez les intervenants.
D'autre part, M. le Président, j'ai l'intention au cours de
l'étude du projet de loi article par article, dans le même ordre
d'idées, de proposer des amendements permettant d'améliorer
encore, si c'est possible, le contenu du projet de loi. C'est ainsi, par
exemple, que j'entends apporter certains amendements visant à clarifier
la nature du droit octroyé à un bénéficiaire d'un
contrat d'approvisionnement et d'aménagement afin de faciliter le
financement de ses opérations.
L'objectif ultime de ces amendements est de permettre aux institutions
prêteuses d'obtenir des titres pouvant servir de garantie. Ces
amendements touchent plusieurs articles, notamment ceux traitant de
l'incessibilité du contrat, ceux traitant des raisons qui permettent au
gouvernement de résilier le contrat des bénéficiaires,
ceux qui traitent de l'enregistrement des contrats et des privilèges,
créances et hypothèques qui peuvent y être attachés
et l'article traitant de la nature même du droit du
bénéficiaire.
M. le Président, au cours du débat sur la motion de report
présentée par l'Opposition, le député de Duplessis
a soulevé, pour justifier sa motion, l'opinion selon laquelle les
grandes associations de l'industrie forestière n'avaient pas eu le temps
d'étudier le projet de loi. J'ai l'impression qu'il essayait de se
disculper lui-même. Je dirais au député de Laviolette et au
député de Duplessis que l'étude sur la capacité
concurrentielle de l'industrie n'existait pas, selon mes fonctionnaires. Si
elle a débuté en juin 1985, je me demande pourquoi elle n'a pas
été complétée avant les élections, par mon
prédécesseur. Je peux lui affirmer, cependant, que les
amendements dont je viens de parler et que j'ai l'intention d'apporter au
projet de loi au cours de l'étude article par article sont issus pour
l'essentiel de notre réflexion et des suggestions formulées par
les mémoires soumis par l'Association des industries forestières
du Québec et par l'Association des manufacturiers du bois de sciage du
Québec depuis le dépôt de ce projet de loi, le 13 novembre
dernier, avec les félicitations des producteurs de bois qui m'ont
transmis leurs commentaires. Il s'agit, M. le
Président, d'intervenants majeurs au Québec. Ces
amendements assureront une plus grande flexibilité au projet de loi.
Dans le même but, M. le Président, j'entends proposer un
autre amendement qui apportera un peu plus de souplesse dans la
détermination des volumes qui seront octroyés aux utilisateurs
durant la période transitoire. Cet amendement aura pour effet de
permettre au ministre de tenir compte d'événements qui sont hors
du contrôle de l'utilisateur, mais qui affectent sensiblement et
significativement le volume moyen utilisé par son usine comme, par
exemple, une fermeture temporaire à la suite d'un incendie majeur ou
d'une grève prolongée. Comme vous pouvez le constater, M. le
Président, nous sommes toujours ouverts à des suggestions qui
permettent d'améliorer le contenu et la portée de cette loi,
parce que nous voulons le meilleur régime forestier possible au
Québec.
Il y aura d'autres amendements que j'entends proposer dans les prochains
jours. Par exemple, contrairement à ce qui est prévu à
l'article 204, soit la révocation de tous les droits sans
indemnité, nous entendons introduire un amendement visant à
éviter que d'éventuels préjudices soient causés
dans les cas d'ententes particulières intervenues dans le passé
et impliquant des échanges de terrains entre le gouvernement et certains
utilisateurs. Dans ces cas, l'amendement permettra au gouvernement d'indemniser
sous différentes formes l'industriel qui aurait transféré
sa propriété au gouvernement en échange d'une concession
qui sera révoquée par cette loi. Cette mesure plaira certainement
au député de Duplessis, parce qu'elle fait également
partie des suggestions formulées par l'industrie depuis le 13 novembre
dernier. Bien sûr, il y aura de nombreux amendements sur des
détails qui toucheront plusieurs articles afin de préciser les
termes utilisés et d'assurer l'uniformité dans la
terminologie.
Par ailleurs, j'envisage la possibilité d'introduire un
amendement visant à allonger quelque peu le délai accordé
à l'industrie pour réagir à la proposition de contrat
avant son entrée en vigueur suivant les termes de la loi. Au contraire,
au chapitre de la forêt privée, mon intention est d'assouplir les
exigences en ce qui concerne le plan simple de gestion exigible
préalablement à l'obtention du statut de producteur forestier.
Toujours concernant la forêt privée, j'entends clarifier des
termes utilisés dans le projet de loi afin de préciser davantage
la notion de statut de producteur forestier par rapport au certificat du
producteur forestier. (0 h 40)
En ce qui concerne les articles de concordance au sujet du Code du
travail, je veux informer cette Assemblée que mon collègue, le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et
ministre du Travail ici présent ce soir, est présentement en
train de procéder à l'analyse de la situation et qu'il
présentera le plus tôt possible les amendements requis au Code du
travail.
M. le Président, je ne veux pas revenir sur l'importance de
l'industrie forestière au Québec. Je ne veux pas revenir non plus
sur l'urgence d'implanter un nouveau régime forestier. Tous et chacun
dans cette Assemblée en ont parlé d'abondance. Je veux tout
simplement rappeler que ce projet de loi propose une réforme essentielle
au mode actuel de gestion des forêts.
Le débat sur l'adoption du principe a cependant permis de
constater que le projet de loi sur les forêts suscite une vague
d'unanimité en cette Chambre quant au principe qu'il sous-tend. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Alors, le débat de
l'étude du projet de loi étant terminé est-ce que la
motion du ministre délégué aux Forêts proposant
l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur les forêts est
adopté?
M. Gendron: Vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président: Vote enregistré. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je propose que le vote soit
reporté à demain à la fin de la période des
affaires courantes.
Le Vice-Président: Donc, le vote est reporté
à la prochaine séance des affaires courantes. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 119
Reprise du débat sur la motion de report de
l'adoption du principe
Le Vice-Président: Donc, l'article 15 du feuilleton; nous
allons maintenant reprendre le débat sur le projet de loi 119, Loi
modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction.
Ce projet de loi est au stade de l'adoption du principe. Nous avons eu
une motion de report présentée par le leader de l'Opposition.
À ce moment, nous reprenons donc le débat sur cette motion de
reporter l'adoption du principe du projet de loi de quatre mois. En
conséquence, à l'ajournement de ce débat, la parole
était au député de Saint-Maurice. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président, si vous me le permettez
et avec la permission de mon collègue de Saint-Maurice, j'entamerai le
débat pour le gouvernement.
Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du
gouvernement. Je vous cède donc la parole tout en stipulant que le droit
de parole du député de Saint-Maurice est protégé
puisqu'il n'avait pas commencé son intervention.
Je devrais spécifier ici également qu'on m'informe que la
motion de report est pour six mois. Cette motion de report a pour but de
reporter l'adoption du principe dans six mois. Je voudrais spécifier que
ce débat sur la motion de report est un débat restreint d'une
durée maximale de deux heures et, lors d'une rencontre entre les leaders
des deux formations politiques, il a été convenu que le temps
sera partagé également entre les deux formations politiques.
C'est une enveloppe maximale d'une heure pour chacune des formations, sans
limite de temps à l'intérieur de l'enveloppe pour les
intervenants. Si une des formations ne prend pas tout le temps qui lui est
alloué, soit une heure, le temps peut s'accroître pour l'autre
formation politique si demande en est faite. Nous procéderons par
alternance dans les débats.
Donc, la parole est maintenant au leader du gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez d'abord
d'expliquer pourquoi, à titre de leader du gouvernement, je vous ai
demandé d'appeler cet article du feuilleton, c'est-à-dire dans un
premier temps l'adoption du principe du projet de loi 119, qui, comme on le
sait, vise surtout à abolir la carte de classification dans l'industrie
de la construction; mais ce débat sur l'adoption du principe devra
être retardé d'au maximum deux heures afin que nous puissions
disposer de cette motion de report de six mois qu'a présentée le
leader de l'Opposition au nom de sa formation politique. Si nous
commençons les travaux à minuit 45, c'est essentiellement parce
que l'Opposition a choisi, je pense, je dois deviner que c'est là leur
stratégie, de marquer leur dissension sur le projet de loi 119 en ayant
utilisé quelque sept heures du temps de cette Chambre à parler
sur les deux projets de loi que l'Assemblée nationale a
étudiés au cours de la journée. Deux projets de loi, M. le
Président, sur lesquels l'Opposition s'est dite d'accord. L'Opposition
votera en effet en faveur de l'adoption du principe du projet de loi
créant le ministère du Solliciteur général, dont
nous avons débattu l'adoption du principe cet après-midi.
L'Opposition, on l'a entendu le répéter à plusieurs
reprises, a l'intention d'appuyer l'adoption du principe du projet de loi 150
sur la politique forestière dont nous venons de terminer le
débat.
Nous avions indiqué, M. le Président, au leader de
l'Opposition qui en a sûrement fait part à son caucus de
députés, notre intention de faire en sorte que l'adoption du
principe du projet de loi 119 soit terminée en cours de séance
aujourd'hui. Aujourd'hui étant mardi - nous parlions de cela hier, lundi
-c'est toujours notre intention de siéger aussi longtemps que ce sera
nécessaire pour que le projet de loi 119 franchisse l'étape de ce
que nous avions l'habitude d'appeler la deuxième lecture.
Pourquoi, M. le Président? Parce que, essentiellement, on s'y est
engagé. Cela peut paraître curieux aux gens de l'Opposition, mais
quand on s'engage à quelque chose de ce côté-ci, on tente,
dans la mesure du possible, de respecter nos engagements.
Des voix: Bravo!
M. Gratton: M. le Président, nous avons dit combien de
fois, depuis que ce règlement de placement dans l'industrie de la
construction existe, depuis juillet 1978 si je ne m'abuse, qu'il brimait les
droits, la liberté de certains travailleurs de la construction de
pouvoir exercer leur métier, de pouvoir gagner leur vie honorablement
dans l'industrie de la construction! C'est tellement vrai que ce
règlement brimait les droits que nous avons vu le gouvernement
précédent modifier ledit règlement à au moins une
douzaine d'occasions, des modifications qui venaient à
répétition réduire la portée du règlement
parce qu'inapplicables, surtout parce qu'elles s'inspiraient d'un
critère tout à fait artificiel c'est-à-dire le nombre
d'heures travaillées.
M. le Président, s'il y a une région au Québec qui
a souffert de l'existence de ce règlement de placement dans la
construction c'est bien l'Outaouais. En effet, comme l'ensemble du territoire
québécois, les vrais travailleurs de la construction, les gens
qui possédaient leur carte de compétence soit comme
électriciens, soit comme plombiers ou charpentiers-menuisiers, ou ceux
qui étaient reconnus comme qualifiés pour agir comme manoeuvres
sur les chantiers de construction, combien d'entre eux n'ont pu exercer leur
droit au travail malgré que des employeurs se disaient prêts
à les embaucher? Combien de ces personnes n'ont pu exercer leur
métier strictement en fonction de ce critère retenu dans le
règlement de placement qui voulait, qui veut toujours qu'on ne puisse
travailler sur un chantier de construction sans y avoir travaillé
pendant un nombre d'heures déterminé au cours d'une
période de temps déterminée?
Combien de fois j'ai vu dans mon comté, M. le Président,
des travailleurs qualifiés, des gens qui détenaient un permis
ou une carte de compétence, chômer et devoir se contenter
des prestations d'assurance-chômage quand ce n'était pas pire,
l'assistance sociale, alors qu'ils assistaient impuissants à surveiller
des chantiers de construction où des gens de l'extérieur venaient
y travailler. Par exemple, je pourrais citer le cas de logements
subventionnés dans la ville de Maniwaki où, en fonction du
règlement, l'entrepreneur général qui détenait le
contrat a dû employer des gens qui provenaient de la région de
Hull, à 90 milles au sud, devait défrayer leurs dépenses,
leurs frais de déplacement, leurs frais de séjour à
Maniwaki, parce que le règlement était ainsi fait qu'on devait
d'abord employer tous ceux qui étaient dans le bassin régional de
main-d'oeuvre pour des catégories de travailleurs avant de pouvoir
puiser à même ceux qui ne détenaient pas la carte de
classification.
On voyait des gens, avec leur carte de compétence, assister
impuissants et voir des personnes de l'extérieur travailler dans leur
propre municipalité, alors qu'eux devaient se contenter de
l'assurance-chômage ou de l'assistance sociale. Est-ce que cela avait des
effets bénéfiques sur les coûts de construction, sur les
prix que doivent payer les consommateurs clients de ces entreprises de
construction? Évidemment pas, M. le Président. (0 h 50)
Mais comme je le disais, dans la région de l'Outaouais, une
région frontalière, le problème était
magnifié du fait qu'au moins 3000 à 4000 résidents du
Québec, travailleurs de la construction, gagnent de façon
régulière leur vie sur les chantiers de construction de
l'Ontario, où il n'existe aucun règlement semblable à
celui qui prévaut au Québec.
En 1979-1980, je me rappelle fort bien que le gouvernement provincial de
l'Ontario -le ministre du Travail du temps était le Dr Elgie - avait
menacé d'instituer un règlement semblable à celui du
Québec pour ses chantiers de construction, parce que le gouvernement
subissait des pressions de la part de travailleurs de la construction de
l'Ontario qui faisaient valoir qu'eux n'avaient pas accès aux chantiers
du Québec alors que de nombreux, des milliers de résidents du
Québec pouvaient venir travailler sur les chantiers de construction en
Ontario et, dans certains cas, les priver - ces travailleurs ontariens
qualifiés - de pouvoir exercer leur métier.
Force nous est de reconnaître que si le gouvernement de l'Ontario
avait exercé cette menace, avait mis à exécution cette
menace, c'est de 3000 à 4000 travailleurs de la construction
québécois qui se seraient vus automatiquement privés de la
possibilité de gagner leur vie honorablement sur les chantiers de
l'Ontario. Car dans notre région on a beau parler d'achat chez nous, on
a beau parler de la nécessité d'être solidaires entre nous,
le fait demeure que chez nous la solidarité s'exerce dans une
région qui englobe des parties de l'Ontario.
Je ne me cache pas du tout, M. le Président, pour vous dire que
cela, à plusieurs égards, constitue un net avantage, avantage
d'ailleurs dont peuvent toujours jouir des travailleurs de la construction
québécois qui, par milliers, comme je le soulignais, gagnent leur
vie en Ontario.
Pourquoi refuser ce report à six mois? Il y a plusieurs raisons
et le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu les expliquera en détail. Mais, essentiellement, d'abord, nous
avions pris l'engagement, en campagne électorale -c'était
écrit en toutes lettres dans le programme du Parti libéral du
Québec, c'était écrit en toutes lettres dans la plupart
des programmes régionaux des candidats libéraux - que nous
abolirions la carte de classification dans l'industrie de la construction. Nous
avions pris l'engagement que nous l'abolirions pour les raisons que j'ai
évoquées et pour combien d'autres.
Il est vrai, M. le Président, que le fait de rendre accessibles
à un plus grand nombre de travailleurs qualifiés les chantiers de
construction ne réglera en rien le salaire moyen des employés. Il
n'y a personne de ce côté-ci de la Chambre qui a prétendu
qu'en abolissant le règlement de placement de la construction il va y
avoir, comme par enchantement, plus de travail dans le domaine de la
construction et que, donc, on pourra accommoder plus de travailleurs sans pour
autant que le salaire de ceux qui y travaillent déjà soit
affecté.
Il n'y a jamais personne qui a prétendu cela, et il n'y a
personne qui va le prétendre non plus. Tout ce qu'on dit, c'est qu'il
est injuste, qu'il est inéquitable qu'on ne permette pas à tous
ceux qui sont qualifiés pour le faire de pouvoir gagner leur vie
honorablement. On peut concevoir - et c'est d'ailleurs ce que propose le projet
de loi 119 - de limiter l'accès au domaine à partir de
critères qui concernent la compétence. On peut imaginer
également qu'il puisse y avoir contingentement, qu'il soit
régional ou provincial. Mais il faut que ce contrôle de
l'accès se fasse à partir de critères de compétence
qui sont fondés, comme le propose le projet de loi 119, plutôt que
de critères tout à fait artificiels.
Par exemple, on a utilisé l'argument à plusieurs reprises
dans le passé: Pourquoi un travailleur de la construction devient-il
incapable, inhabile à exercer son métier, parce qu'il a le
malheur de ne pas avoir travaillé pendant un certain nombre
d'années, alors que dans les professions, on n'a pas les mêmes
exigences? Si on avait les mêmes exigences, celui qui a
présidé à l'implantation du règlement alors qu'il
était
ministre du Travail, l'actuel chef de l'Opposition, pourrait souffrir
lui aussi de l'impossibilité de retourner à sa profession de
médecin ou à son autre profession, celle d'avocat, du fait qu'il
n'a pas exercé régulièrement cette profession de
médecin depuis qu'il est député. On n'impose la même
exigence à personne d'autre, sauf dans le domaine de la
construction.
À quoi servirait de reporter le projet de loi à six mois?
Le ministre s'est déjà engagé à tenir une
commission parlementaire dès cette semaine, soit jeudi et vendredi, pour
entendre les intéressés: les cinq associations syndicales, les
sept associations patronales de même que l'Office de la construction du
Québec. On aura au moins une journée, si nécessaire deux
journées, de consultation avec les principaux intéressés.
Intéressés qui n'ont pas pris connaissance du projet de loi 119
seulement aujourd'hui mais, dans certains cas, qui y ont même
travaillé, puisque depuis les mois de février ou mars dernier, un
comité formé de représentants des associations patronales
et syndicales a siégé et s'est réuni à la demande
du ministre du Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Ils ont préparé les
améliorations que l'on pourrait apporter à la
réglementation actuelle.
Le projet de loi 119 est le résultat des travaux de ce
comité, des consultations qui ont eu lieu et qui continuent d'avoir
lieu. Je vois les députés de l'Opposition sourire de l'autre
côté. Je dirai que la consultation qui a présidé
à la préparation du projet de loi 119 est passablement plus
valable, plus sérieuse que celle qui a présidé à la
prise de position du Parti québécois en fin de semaine
dernière, lors de son conseil national. On a dit aux
députés du Parti québécois, comme les conseils
nationaux ont l'habitude de le faire... Je me souviens de projets de loi,
notamment en 1974, sur le salaire des députés où l'aile
parlementaire du Parti québécois avait donné son accord,
son engagement quant à la formule proposée par le gouvernement et
où un conseil national du Parti québécois leur avait
ordonné de rebrousser chemin.
M. Gendron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Un instant, M. le leader du
gouvernement. Il y a une question de règlement. M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gendron: Vous conviendrez qu'il y a un article de notre
règlement qui exige que l'orateur s'en tienne à la pertinence. Je
pense qu'on est sur une motion de report. On est donc très loin du
conseil national de la fin de semaine. Je pense que l'orateur doit s'exprimer
sur ce que lui-même appelle une motion de report et non pas sur un compte
rendu, selon sa vision partisane, de ce qui s'est passé au conseil
national du parti. Je ne détesterais pas que vous le rappeliez à
l'ordre en lui disant que c'est le moment de parler de la motion de report sur
quelque chose qui est loin d'être mûr pour être
discuté aujourd'hui. C'est ce qu'on a à discuter.
Le Vice-Président: Très bien. La dernière
partie de votre intervention était sur le fond, évidemment. Je
vous entendrai sûrement là-dessus tantôt. Je cède
à nouveau la parole au leader du gouvernement en lui demandant
effectivement de s'attacher à la motion de report sur l'adoption du
principe du projet de loi. (1 heure)
M. Gratton: Avec plaisir, M. le Président. Je terminerai
simplement en réitérant que, si les députés du
Parti québécois ont pour seule raison de présenter cette
motion de report, c'est d'après les directives qu'ils ont reçues
de leur conseil national en fin de semaine. On a lu les journaux et on s'est
aperçu que, probablement parce que certains militants péquistes
sont un peu désappointés de la performance de leurs
députés à l'Assemblée nationale, ils leur ont dit:
Mettez-y du tigre. Faites votre travail. Il est temps après un an - cela
fait effectivement un an aujourd'hui - que vous cessiez de penser que vous
êtes encore au pouvoir et que vous acceptiez d'être ce que vous
êtes, des députés de l'Opposition qui vous opposez.
Même quand vous n'avez pas raison, opposez-vous.
M. le Président, je suis convaincu, et d'ailleurs on l'a vu dans
l'attitude désinvolte des porte-parole du Parti québécois
tout au cours de la journée depuis 16 heures cet après-midi,
qu'on a eu la piqûre. On s'est fait dire: Vous ne faites pas votre job
comme il faut, puis il serait temps que vous commenciez à le faire. Je
suggère à ces amis d'en face que ce n'est pas en
présentant la motion de report à six mois qu'ils font un job
sérieux d'Opposition. Parce que s'opposer à partir d'arguments
aussi faibles que ceux que le leader de l'Opposition invoquait dans son
intervention sur l'adoption du principe, ce n'est pas un travail d'Opposition
sérieux, ce n'est pas un travail qui sera jugé, même par
les propres membres de leur parti, comme étant un travail
sérieux.
M. le Président, faire une motion de report à six mois,
alors que cela fait huit ans que les travailleurs de la construction se
plaignent de ce règlement, que cela fait huit ans que les
députés du Parti québécois, ceux qui font du bureau
de comté, et je conviens qu'il y en a qui n'en font pas, mais il y en a
qui en font, comme le député de Shefford, je reçois
suffisamment de correspondance de
lui comme ministre du Revenu pour savoir qu'il fait son travail de
bureau de comté, mais je le mets au défi de se lever ici,
à l'Assemblée nationale, et de me dire que jamais un
électeur de son comté n'est allé se plaindre du
règlement de placement, n'est allé lui dire qu'il était
injuste pour lui, lui qui était détenteur d'une carte de
compétence, de ne pouvoir avoir accès à l'industrie de la
construction, simplement parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences d'un
règlement sur le nombre d'heures travaillées. Je le mets au
défi, dis-je, et je mets l'ensemble des députés du Parti
québécois au défi de me dire qu'ils n'ont jamais
reçu des représentations de ce genre.
M. le Président, c'est pour cela que le ministre du Travail - et
je l'en félicite - a eu le courage d'agir là où l'ancien
gouvernement a refusé d'agir pendant huit ans. Parce que, ayant
implanté un mauvais règlement, on a tenté par tous les
moyens de le faire accepter par les intervenants et évidemment, il y a
certains syndicats qui, aujourd'hui, s'opposent à son abolition et je
dis à ces gens du syndicat: Vous avez raison. Vous faites votre travail
consciencieux de protéger les intérêts des membres de votre
syndicat, ceux qui ont des droits acquis, ceux qui, ayant obtenu leur carte de
classification, peuvent maintenant se servir de cela comme d'une espèce
de système d'ancienneté. Ce n'était pas là le but
de règlement de classification. Je maintiens très
respectueusement qu'en adoptant la motion de report à six mois, nous ne
ferions que retarder le règlement d'un problème urgent que le
projet de loi 119 viendra régler de la meilleure façon possible
avec la collaboration de tous.
M. le Président, j'invite les syndicats à
reconnaître que s'ils ont à protéger et à promouvoir
les intérêts de leurs membres, le gouvernement, lui, a le devoir
de promouvoir et de protéger l'intérêt de l'ensemble des
citoyens et, notamment, des jeunes travailleurs de la construction. C'est
pourquoi nous voterons contre la motion de report. Ensuite, nous
procéderons à l'adoption du principe de ce projet de loi
très bénéfique pour l'ensemble des intervenants.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Je trouvais cela un peu ironique d'entendre le
leader du gouvernement nous dire avec, non pas brio, mais expérience et
ruse: Vous savez, nous, les libéraux, quand nous nous engageons, nous
respectons notre parole.
Une voix: C'est vrai.
M. Charbonneau: C'est intéressant, M. le Président,
d'entendre le leader du gouvernement nous dire cela aujourd'hui, le 2
décembre, jour pour jour de l'anniversaire de la prise du pouvoir par le
Parti libéral.
Des voix: Bravo!
M. Charbonneau: II y a un an, dans le comté de
Verchères, le candidat libéral avait dit, appuyé par le
premier ministre d'aujourd'hui, par le leader du gouvernement et par l'ensemble
des députés: Non, la Raffinerie de sucre du Québec ne
fermera pas. Cet engagement libéral avait été pris dans le
comté de Verchères. Et la parité de l'aide sociale, et les
handicapés, et les coupures dans le secteur de la santé, et la
participation des femmes au régime des rentes du Québec, et, et,
et, M. le Président, on pourrait en ajouter.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Verchères. M. le leader du gouvernement, sur une question de
règlement.
M. Gratton: Je m'excuse, M. le Président, d'interrompre
cette envolée du député de Verchères. J'ai
l'impression qu'il s'envole peut-être pour faire oublier qu'il est devenu
souverainiste non pratiquant en fin de semaine.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Gratton: M. le Président, j'opine qu'il est beaucoup
moins pertinent que je ne l'étais lorsque le leader adjoint m'a
interrompu tantôt.
Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du
gouvernement. Je vous ferai remarquer que votre remarque était hors du
sujet sur la question de règlement. Je cède à nouveau la
parole au député de Verchères et je comprends qu'il
s'éloigne un tant soit peu de la motion de report comme telle, mais je
vous ferai remarquer qu'il a quand même une certaine latitude et je
verrai dans quelques instants s'il rapporte ses propos au projet en discussion.
Je vais continuer de l'écouter. M. le député de
Verchères.
M. Gendron: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M.
le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: Sur la question de règlement soulevée
par le leader du gouvernement, je veux simplement faire remarquer
que j'ai rappelé le leader du gouvernement à la pertinence
du débat après avoir toléré cinq bonnes minutes que
je trouvais impertinentes. Compte tenu de la marge de manoeuvre qui a toujours
été attribuée dans un tel débat, je pense qu'il
faut laisser cette marge de manoeuvre au député. S'il
s'éloigne complètement de la motion de report, je me fie sur vous
pour le rappeler à l'ordre.
Le Vice-Président: C'est exactement ce que j'ai
mentionné, M. le leader adjoint de l'Opposition, et je vais tenter de
maintenir le débat dans la pertinence, sur la motion de report. Je
cède la parole à M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je vous prends
à témoin. Je ne faisais que répliquer au leader du
gouvernement qui, pour expliquer le report à six mois, disait: On s'est
engagé à faire cela. On ne peut pas tolérer un report de
six mois. Il s'est vanté, comme leader du gouvernement, que, lorsqu'on
est libéral et ministre libéral, on respecte sa parole.
Je pense qu'il était, à ce moment-ci, un peu
approprié de rappeler aux gens qui nous écoutent que tel n'est
pas le cas dans une bonne partie des dossiers que le gouvernement a sur ses
tables de travail depuis un an. J'en ai mentionné un qui me concerne
particulièrement dans mon comté. J'en ai
énuméré d'autres qui concernent le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui est aussi le
ministre du Travail. C'est d'ailleurs l'un des problèmes qui nous
amènent à demander une motion de report. Ce ministre n'a
peut-être pas bien fait ses devoirs. Il est tellement occupé
à toutes sortes de tâches. Il devrait peut-être consacrer un
peu plus de temps à bonifier son projet de loi.
Est-ce nécessaire - nous ne le pensions pas, mais il semble que
oui - d'indiquer au gouvernement que son projet de loi est un projet de loi
majeur qui concerne une industrie importante au Québec? Est-il important
et utile, nous ne le pensions pas, mais il semble que oui, de rappeler au
gouvernement et lui mettre en évidence que le projet de loi qu'il nous
présente dépasse largement les cadres de l'industrie de la
construction?
Je prends à témoin un article publié dans La Presse
mardi dernier, le 25 novembre, sous la signature du chroniqueur et
éditorialiste, Pierre Vennat, qui est un ancien collègue de
travail au temps où j'étais à La Presse et qui, de l'avis
de tous dans la profession, y compris dans le milieu du travail, est
probablement l'un des meilleurs journalistes qui traitent des questions de
relations du travail. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail me fait signe que oui.
On s'entend au moins sur cela, M. le Président. (1 h 10)
M. Vennat rappelait que, par le biais de ce projet de loi, c'est dans
les faits tout le problème du partage du travail dans une
société où les emplois se font de plus en plus rares qui
se pose. En un mot, en vertu du nouveau projet, le gâteau à se
partager dans la construction ne sera pas plus copieux, mais plus de gens
auront le droit d'en manger. Plus loin, M. Vennat nous disait: Ce débat
est un débat de société. S'il est valable qu'on en discute
dans la construction, il est valable qu'on en discute partout. Ce qu'il
indiquait finalement, c'est que les questions que remet en cause le projet de
loi qui nous est présenté concernant de l'industrie de la
construction ne concerne pas uniquement l'industrie de la construction. Quand
on s'attaque au droit d'ancienneté, quand on s'attaque au régime
des conventions collectives, quand on s'attaque au principe de la
sécurité d'emploi reconnu dans le régime des conventions
collectives et dans le droit du travail du Québec et inscrit dans les
lois et dans les conventions collectives depuis des années, on ne peut
pas prétendre, si on est le moindrement honnête, que ce que l'on
fait affecte uniquement l'industrie de la construction. Cela affecte bien
sûr directement l'industrie de la construction, mais cela affecte plus
fondamentalement - c'est ce que M. Vennat nous indiquait dans son texte - et
globalement l'ensemble du monde du travail au Québec.
À cet égard, M. le Président, quand on a devant
nous un projet de loi qui a une telle portée, directe et indirecte, je
crois que le premier réflexe qu'on doit avoir c'est: Faisons attention.
Regardons très attentivement ce que nous dit ce projet de loi. Voyons si
ce projet de loi répond bien aux problèmes qu'on a
identifiés, s'il ne crée pas plus de situations inacceptables et
s'il ne crée pas plus de problèmes qu'il n'en règle. Quand
on a un projet de loi de cette nature, de cette importance, et qu'on a un
signal, dès le départ, que le projet de loi ne fait pas
l'unanimité, que le projet de loi n'est pas reçu avec une salve
d'applaudissements dans la société, un deuxième
réflexe devrait arriver, le réflexe de dire: Oh! regardons cela
encore plus attentivement. Qui n'est pas d'accord et pourquoi ces
gens-là ne sont-ils pas d'accord? Nous sommes en présence, bien
sûr, du monde patronal, qui en a eu plus que le client n'en demandait et
qui applaudit le ministre. Mais il y a la très grande majorité
des travailleurs de la construction qui, comme le leader du gouvernement nous
le disait tantôt, attendent depuis huit ans ce projet de loi.
C'est curieux, les opinions qu'on a un peu partout. J'ai l'impression
qu'au cours des
prochains jours, le ministre va s'en rendre compte d'une façon
encore plus éclatante. Les travailleurs de la construction ne sont pas
d'accord avec ce projet de loi. Les grandes centrales syndicales du
Québec sont vigoureusement contre ce projet de loi. Ce projet de loi
n'est pas accueilli et ne recueille pas l'unanimité dans l'industrie et
dans la société québécoise. À chaque jour
qui passe depuis le dépôt de ce projet de loi, on a des
éditoriaux, on a des commentateurs et des analystes qui nous indiquent
qu'en prenant connaissance non seulement de l'ensemble du projet de loi mais de
l'ensemble des éléments qui sont soulevés par ce projet de
loi, les gens commencent à avoir une attitude de plus en plus
réservée, méfiante et se disent: II faut faire attention.
Il ne faut pas aller trop vite. Il faut regarder cela de près, il faut
bien analyser. Il faut peser le pour et le contre. Pour peser le pour et le
contre, je pense qu'il faut du temps. Le leader du gouvernement nous a dit
tantôt: Nous allons rejeter cela parce que nous avons accepté une
consultation parlementaire. Nous avons accepté qu'une commission
parlementaire se penche a la fin de la semaine, pendant deux jours. Très
bien, il va y avoir une commission parlementaire. Nous allons entendre des
témoins. Vous auriez dû, M. le Président, entendre le genre
de débat qu'on a eu aujourd'hui, lors de la commission de
l'économie et du travail, où cela a pris de longues minutes,
sinon quelques heures, pour faire comprendre à nos collègues d'en
face qu'une heure, par exemple, pour entendre la FTQ-Construction, ce
n'était pas assez et que dans la mesure où nous voulions vraiment
consulter et faire en sorte que cette consultation ne soit pas une farce, il
fallait donner une période de temps raisonnable. Cela a pris tout notre
petit change pour finir par faire comprendre à nos collègues d'en
face qu'il faudrait au moins donner une heure et demie à la
FTQ-Construction. On n'a pas été capables de faire comprendre aux
gens d'en face que la CSN, la CSD et le Conseil provincial des métiers
de la construction eux aussi auraient besoin de plus de temps pour expliquer
leur point de vue et que si les députés de chaque
côté de la Chambre voulaient faire un travail constructif et
efficace pour que cette consultation soit autre chose qu'une farce, il leur
fallait du temps pour interroger les gens, connaître les commentaires,
les évaluer et aller au fond des choses. C'est ce qu'on a demandé
à nos collègues et c'est ce qu'ils ont refusé de faire:
faire en sorte que cette consultation soit vraiment une consultation afin
d'aller au fond des choses.
Mais qu'importe, il y aura consultation de deux jours. On finira
à minuit vendredi soir, comme ce soir à 1 h 20, on est
obligés de parler de ce projet de loi et de cette motion, alors qu'on a
devant nous un gouvernement qui s'était engagé - et c'est un
autre de ses engagements - qu'il gouvernerait, dirigerait et organiserait les
travaux parlementaires d'une autre façon que le gouvernement
précédent qui, lui, de temps à autre, était
obligé d'avoir recours à cette technique parlementaire. Alors,
les libéraux ne feraient jamais cela, M. le Président. Je vous
prends à témoin, il est 1 h 20 et on commence le débat.
J'espère que, ce matin, vous vous souviendrez à quelle heure on
le finira. Vous vous souviendrez sans doute des engagements de vos
collègues qui, il y a un an et plus, nous disaient: On ne fera jamais
cela, mais on aura une commission parlementaire. Que peut-on penser d'une
commission parlementaire qui, par la suite, amènera le gouvernement
à utiliser le bulldozer pour nous obliger à adopter le projet de
loi avant ou au plus tard le 19 décembre? Comment penser que le ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du
Travail est sérieux quand il nous indique qu'il est prêt à
entendre les parties quand, déjà, il a indiqué que le 19
décembre la loi serait adoptée? Comment penser que les
commentaires qui seront faits par les parties qui viendront en commission
parlementaire seront évalués au mérite? Comment penser que
ces gens-là vont vraiment être écoutés si, à
un moment donné, ils pourraient faire la démonstration en
commission parlementaire que le projet de loi va nous conduire à un
cul-de-sac? Comment penser que c'est une consultation sérieuse?
M. Gendron: M. le Président.
Le Vice-Président: Oui, M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gendron: Question de règlement. Il est de coutume que
cette Chambre siège avec le quorum. Présentement nous n'avons pas
quorum.
Le Vice-Président: Je vais vérifier
immédiatement. Nous avons effectivement quorum. Recommencez.
Des voix: Ah!
M. Charbonneau: M. le Président, comment penser que l'on
va assister à une consultation sérieuse et que les gens qui vont
venir en commission parlementaire vont avoir l'impression que finalement ils ne
viennent pas se faire les complices d'un gouvernement qui, pour ne pas perdre
complètement la face va donner l'impression qu'il écoute0
Comment va-t-on penser que ces gens-là vont prendre l'exercice au
sérieux quand, au départ, le ministre leur dit à toutes
fins utiles: Le projet de loi va être adopté au plus tard le 19
décembre, quelles que soient
les informations que vous nous donnerez, quels que soient les
éclairages que vous nous apporterez, quelles que soient les opinions que
vous émettrez, notre lit est fait, nous allons adopter le projet de loi?
Comment penser que le gouvernement est sérieux et que nous ne sommes pas
justifiés, aujourd'hui, de demander un report?
C'est le ministre qui a accepté la consultation. Ce que nous
faisons actuellement, c'est permettre au ministre de ne pas perdre la face,
c'est faire en sorte que le ministre ne se rende pas complètement
ridicule aux yeux de l'opinion publique. Un ministre qui dit: Je suis
prêt à écouter les parties et qui, en même temps,
dit: De toute façon, qu'ils disent ce qu'ils voudront, mon lit est fait,
c'est le 19 décembre, cela vient de s'éteindre; dites ce que vous
voulez en commission parlementaire, je suis obligé de vous l'accorder,
parce que j'aurais à peu près tous les éditorialistes et
tous les commentateurs du Québec sur le dos, mais, ne vous en faites
pas, une fois que je me serai débarrassé de ces deux
jours-là, après, je sais où je m'en vais. Je m'en vais
vers la guillotine, vers le bulldozer. Je m'en vais vers l'adoption
forcée d'un projet de loi, même si vous ne le voulez pas,
même s'il y a des conséquences négatives, même si
cela est inacceptable à bien des égards et même si cela
heurte de front l'ensemble de nos traditions de relations du travail et de nos
lois de relations du travail. (1 h 20)
C'est finalement cela que le ministre a fait en acceptant une commission
parlementaire, mais en même temps, en refusant non seulement la motion de
report, mais toute possibilité de tenir compte du travail, des
commentaires et des opinions des gens qui sont les premiers
concernés.
Pourquoi, M. le Président, adopter cette nuit le principe du
projet de loi avant même d'entendre les parties? Pourquoi adopter le
principe avant même d'entendre les parties? Je pense, en toute
décence, M. le Président, que le minimum qu'on aurait pu
s'attendre du gouvernement et du ministre, dans la mesure où, encore une
fois, on lui prête un peu de sincérité à
l'égard de la commission parlementaire qu'il a accepté de tenir,
de la consultation qu'il a accepté de faire, le minimum qu'il aurait pu
au moins accepter, le minimum de signal qu'il aurait pu donner aux parties, le
respect qu'il aurait pu témoigner envers les gens qui sont
convoqués en commission parlementaire, c'est de leur dire:
Écoutez, avant d'adopter le principe, puisque je sais que vos objections
portent sur le fond même de ce projet de loi, sur les principes
mêmes de ce projet de loi, j'accepte de retarder l'étude du
principe du projet de loi et je vais d'abord vous entendre. Après cela,
je vais évaluer l'ensemble.
M. le Président, depuis dix ans que je siège à
l'Assemblée nationale, je n'ai pas assisté souvent à
l'adoption, à la présentation et à la discussion de
projets de loi aussi importants où se tient une commission parlementaire
après plutôt qu'avant l'adoption du principe. Il y a dans notre
règlement une disposition qui permet, lorsqu'on a déposé
le projet de loi à l'Assemblée nationale, qu'avant l'étude
du principe, avant la discussion du principe, on puisse procéder
à une consultation particulière plus ou moins poussée,
plus ou moins longue. C'est ce que le ministre aurait dû faire et c'est
ce que nous lui permettons de faire avec la motion que nous présentons.
C'est ce qu'il aurait dû faire en guise de respect pour les gens qui sont
concernés et simplement pour la cohérence, M. le
Président, compte tenu de la nature des critiques qui sont
présentées depuis quelque temps, depuis la présentation du
projet de loi.
Je crois, M. le Président, qu'il faut plus de temps pour bien
faire les choses. Ce n'est pas uniquement les gens de l'Opposition qui disent
cela. Tous ceux qui analysent le projet de loi depuis quelque temps en arrivent
à la même conclusion. Le ministre n'a pas travaillé
correctement, pas plus dans ce dossier que dans celui de l'aide sociale ou dans
celui de la participation au régime de rentes des femmes au foyer. Le
ministre a été envoyé à ses devoirs deux fois par
le premier ministre à l'égard du dossier de la parité de
l'aide sociale. Il me fait signe que c'est trois. Nous ne savions pas pour la
dernière fois. C'est une nouvelle. Malheureusement, les journalistes ne
sont pas ici pour l'entendre. On pourra peut-être se faire un plaisir de
la rappeler demain. Mais trois fois, si je prends sa parole, trois fois, on l'a
renvoyé à ses devoirs. Je crois, M. le Président, que le
premier ministre a fait une erreur. C'est qu'il aurait dû renvoyer son
ministre à ses devoirs pour ce projet de loi également. Pas
quatre fois, mais au moins une fois aurait suffi dans le cas qui nous
occupe.
Le leader du gouvernement nous a dit tantôt: Écoutez, je ne
peux pas accepter la proposition de l'Opposition. Vous savez, le projet de loi
119 est le résultat d'une consultation et du travail d'équipe
avec les parties. Imaginez-vousl
M. le Président, j'ai ici devant moi le rapport des
comités que le ministre a mis en place. Au comité sur la
formation et la qualification de la main-d'oeuvre et sur l'abolition du
certificat de classification, secteur construction, rapport des trois tables de
travail sur l'abolition du certificat de classification; rapport de la table de
travail sur l'élaboration d'une réglementation devant remplacer
l'actuel règlement sur le placement dans l'industrie de la construction,
rapport de la table de travail sur l'analyse
du cadre institutionnel de la formation et de la qualification de la
main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Il y a eu des rapports.
Effectivement, des syndicats et des patrons ont, avec des fonctionnaires,
participé à des comités de travail. M. le
Président, le problème, c'est que ces rapports sont datés
du mois de mai 1986 et que, par la suite, les parties n'ont pas
été reconvoquées.
Ce qu'on retrouve dans ces documents, à bien des égards,
va a l'encontre de ce qu'on a dans le projet de loi 119. Curieux processus qui
nous amène à parler de rapports où les parties ont
été associées et d'un projet de loi où,
semble-t-il, on aurait également associé les parties, mais
là, curieusement, les gens n'ont pas été convoqués
à participer au processus.
J'ai ici une lettre datée du 2 octobre 1986, adressée
à M. Jean-Paul Rivard de la FTQ-Construction et signée par
Maureen Flynn, conseillère politique du ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu et ministre du Travail. La lettre se lit
comme suit: "Cher monsieur, M. Pierre Paradis m'a priée de
répondre à la vôtre du 10 septembre dernier concernant la
prochaine rencontre du comité sur la formation et la qualification de la
main-d'oeuvre et l'abolition du certificat de classification. Tel que
discuté, nous comptons convoquer les parties à la mi-octobre.
Veuillez recevoir, cher monsieur, l'expression de mes sentiments les
meilleurs."
Depuis le mois de mai jusqu'à cette lettre, ces gens n'avaient
reçu aucune nouvelle du ministre. Comble d'ironie, sinon de
malhonnêteté intellectuelle pour le moins, alors qu'on disait aux
gens: Écoutez, on va au moins vous reparler à la mi-octobre - et
on leur disait cela au début d'octobre - ces gens n'ont pas entendu
parler du ministre du Travail. Ils ont appris, comme tout le monde, les
paramètres du projet de loi 119 quand il a été
déposé ici à l'Assemblée nationale à la
mi-novembre.
Voilà la réalité et le genre de consultation
à laquelle on a assisté, M. le Président. Le leader du
gouvernement a un sacré front d'essayer de nous faire accroire
aujourd'hui, en pleine nuit, que le projet de loi 119 est la conséquence
et la résultante d'un travail de collaboration et de participation des
syndicats de la construction et des patrons de la construction, alors que c'est
complètement faux. Il est faux de prétendre, comme le fait le
leader du gouvernement, que la loi 119 est, dans le fond, un consensus des
parties syndicales et patronales du monde de la construction. C'est faux, c'est
de l'aberration et de la tromperie! Ce n'est pas parce qu'il est une heure et
demie du matin que le leader du gouvernement peut se permettre de tromper
l'Assemblée nationale et la population du
Québec.
Le Vice-Président: M. le député de
Verchères, je voudrais simplement à ce moment-ci, avant que vous
n'alliez plus loin dans votre intervention, vous rappeler que certains termes
ont été jugés antiparlementaires. Je vous demanderais
d'être fort adéquat dans votre vocabulaire et d'éviter les
termes que vous connaissez fort bien et qui ont été
décrétés antiparlementaires. Je vous cède à
nouveau la parole.
M. Charbonneau: M. le Président, je pense que j'ai
été prudent. Je n'ai pas utilisé à la limite - j'ai
été prudent et vous le reconnaîtrez - les termes qui me
sont interdits. J'ai utilisé l'expérience que j'ai acquise un peu
dans cette Chambre pour aller jusqu'à la limite, mais je ne l'ai pas
franchie.
M. le Président, non seulement les parties n'ont pas
été vraiment consultées, mais le ministre n'a pas non plus
consulté le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je
sais que le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui me fait
signe que non et qui n'est pas à son siège, celui qui a produit
le rapport Scowen, de son nom, sur la déréglementation, aurait
bien aimé voir disparaître le Conseil consultatif du travail et de
la main-d'oeuvre. Je le sais. Il nous l'a dit dans un rapport.
Le ministre du Travail nous avait dit le contraire, quelques mois
auparavant. Il nous avait dit: Je veux revaloriser le Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, d'autant plus que le méchant
gouvernement du Parti québécois l'avait mis sur les tablettes.
Moi, le nouveau héro libéral, je vais revaloriser le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; j'ai mis sur les tablettes la
Table nationale de l'emploi, le Secrétariat à la concertation en
emploi, mais je vais revaloriser le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. (1 h 30)
Très bien. Qu'est-ce que vous attendiez pour le consulter ce
conseil consultatif sur un projet de loi majeur concernant les relations du
travail, les politiques de main-d'oeuvre et la situation de la main-d'oeuvre au
Québec? Pouquoi ne l'avez-vous pas fait? Pourquoi n'avez-vous pas fait
ce que vous aviez dit aux engagements financiers, à l'étude des
crédits, il y a quelques mois, revaloriser le Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre? C'est un instrument important, c'est un
instrument que vous nous reprochiez d'avoir négligé. Pourquoi ne
l'avez-vous pas revalorisé? Pourquoi ne lui avez-vous pas soumis le
projet de loi, vos éléments de comité, votre rapport?
Pourquoi n'avez-vous pas fait cela?
Ah non, ce n'était pas important de soumettre cela au Conseil
consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. Surtout, ce qui importait,
c'était de faire croire au public qu'on le consultait, que le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre était valorisé,
mais, quand c'était le temps de passer aux actes, c'était une
autre paire de manches. Ce gouvernement qui nous a habitués, depuis un
an, au double langage a continué, d'une façon très
éclatante, à cultiver le double langage à l'égard
de l'industrie de la construction.
Un projet de loi qui est un brouillon mérite d'être
retravaillé. Pour retravailler un projet de loi de cette ampleur, de
cette importance, cela prend du temps. Un projet de loi de cette nature ne
s'étudie pas en pleine nuit et ne se discute pas de la façon dont
on est parti pour le discuter. C'est un projet de loi qui bouleverse et qui
attaque de front les fondements des relations du travail, de nos lois du
travail, un projet de loi qui, d'une certaine façon, comme le disait M.
Vennat, est un débat de société, mais les débats de
société, je m'excuse, ne se font pas en pleine nuit. Les
débats de société se font le jour, on prend le temps de
les faire. On les fait comme il le faut. On entend les parties, on les
écoute, on évalue ce qu'elles ont à dire, on pèse
le pour et le contre et on prend le temps, par la suite, de corriger. On fait
cela correctement. On fait cela adéquatement. On fait cela dans le
respect des gens. On fait cela aussi dans le respect de l'intelligence des
citoyens et des citoyennes. On fait cela dans le respect de la conscience qu'il
y a des conséquences qu'il faut évaluer.
Voilà une autre des raisons pour lesquelles on pense qu'il faut
reporter l'étude de ce projet de loi. Il y a des conséquences
importantes et il est fondamental de jeter un éclairage adéquat
sur ces conséquences. Il est important de bien mesurer les
conséquences du projet de loi. Sur l'emploi d'abord, le leader du
gouvernement a, encore une fois, sorti la cassette pour essayer de nous faire
pleurer en nous disant: II y a tellement de gens qui n'ont pas pu travailler,
qui auraient voulu travailler, qui étaient prêts à
travailler, mais qui ne pouvaient pas travailler, des gens qui auraient
travaillé si on avait eu le projet de loi 119, si cela avait
été une loi, il y a quelque temps, quand ces gens faisaient du
bureau de comté à cet égard.
La réalité, M. le Président, le leader a fini par
la reconnaître, mais à ce moment il ne se rendait même pas
compte qu'il était en contradiction avec ce qu'il venait de dire
quelques instants auparavant. Ce projet de loi ne créera pas un emploi
de plus, alors que toute l'argumentation du gouvernement, que l'argumentation
principale que nous a servie le ministre, c'est une argumentation qui voulait
faire croire aux jeunes au Québec qu'avec ce projet de loi on aurait
plus d'emplois. C'est comme si le leader du gouvernement ne s'était pas
rendu compte tantôt que, quand il faisait du bureau de comté, les
gens à qui il ne pouvait pas donner un emploi ou ne pouvait pas
promettre un emploi, ces gens aujourd'hui, s'ils pouvaient avoir un emploi avec
le projet de loi 119, il n'aurait pas plus la paix dans son bureau de
comté parce que ce seraient d'autres qui, aujourd'hui, viendraient le
voir, parce que c'est cela la réalité.
On a vu un certain nombre de commentateurs, de journalistes reprendre
cet argument: Vous savez, dans le fond, ce que ce projet de loi va faire pour
bien des jeunes, c'est leur permettre de prendre la place de leur père.
Que le leader du gouvernement nous dise ici, aujourd'hui, s'il pense moins
dramatique le fait d'avoir le père d'un jeune qui est allé le
voir dans son bureau de comté plutôt que le fils. Quelle
différence cela va faire que ce soit le père ou le fils qui fasse
antichambre chez le député pendant quelque temps, qu'il finisse
par avoir un rendez-vous avec le ministre et qu'il lui demande au bout du
compte: Qu'est-ce que vous avez pour moi? Je veux travailler, j'ai un emploi
garanti par mon oncle, par ma tante, par mon voisin qui est dans la
construction. Que ce soit le père de 45 ans ou le fils de 25 ans, quelle
est la différence? C'est une personne qui veut un emploi et qui ne peut
pas en avoir.
Quand va-t-on finir par dire aux gens que ce projet de loi ne
créera pas un seul emploi? C'est une conséquence importante, M.
le Président, et il est important qu'on prenne le temps de l'expliquer
aux gens, qu'on prenne le temps de faire réaliser à la jeunesse
du Québec qu'on l'a trompée et qu'il n'y aura pas plus d'emplois,
qu'on prenne le temps aussi de se rendre compte que, dans ce projet de loi, non
seulement il n'y a pas de garantie pour une approche plus importante à
l'égard de l'emploi pour les jeunes mais que, finalement, il n'y a pas
de discrimination positive pour les jeunes. Il y a aussi des moins jeunes qui
vont pouvoir avoir accès à l'industrie de la construction et qui,
finalement, vont entrer en concurrence avec les jeunes. Ce n'est pas vrai que
les facilités qui seront faites maintenant à l'égard de la
compétence vont favoriser uniquement les jeunes. Pour expliquer cela et
pour ne pas créer une perturbation sociale trop grande, il faut du
temps.
M. le Président, ce projet de loi... M. Vennat nous l'a
indiqué et nous l'a rappelé, presque tous ceux qui ont
écrit sur ce projet de loi au cours des dernières semaines ont
rappelé une chose qui est une évidence: depuis la mise en place
du règlement de placement dans l'industrie de la construction, il s'est
établi au Québec une paix sociale importante dans cette
industrie. Tous, M. le Président, se questionnent sur ce qui va
arriver à cette paix sociale, importante pour le
développement économique du Québec et pour l'harmonie
sociale.
M. le Président, c'est une conséquence que de maintenir la
paix sociale, c'est une responsabilité fondamentale d'un gouvernement
que de s'occuper du maintien de la paix sociale dans une société.
Je crois, quand on a un projet de loi qui risque d'attaquer de front et de
compromettre la paix sociale, surtout quand cette paix sociale a
été acquise durement, à la suite
d'événements inacceptables, dramatiques... A-t-on besoin de
rappeler les incidents de la Baie James il y a quelques années? A-t-on
besoin de rappeler la commission Cliche? A-t-on besoin de rappeler le
banditisme qui existait dans l'industrie de la construction? A-t-on besoin de
rappeler les rackets de protection qui ont existé dans cette industrie?
A-t-on besoin de rappeler le favoritisme et la corruption qui existaient dans
cette industrie il y a quelques années? Est-ce cela qu'on veut
rétablir? Dans ce sens, quand on pense à des conséquences
aussi dangereuses, à des conséquences aussi lourdes, le minimum
qu'on fait quand on a une attitude responsable, c'est de prendre le temps
d'agir. On ne s'énerve pas, on ne va pas adopter un projet de loi
à la sauvette et obliger des discussion en pleine nuit. On fait en sorte
de bien évaluer les conséquences, de les bien considérer.
C'est cela qu'on a à faire et qu'on doit faire quand on est un
gouvernement sérieux et responsable qui se disait il y a à peine
douze mois, jour pour jour, prêt maintenant à assumer le
pouvoir.
Quand les libéraux ont fait leur gros party de la victoire il y a
un an, ils ont dit entre autres: Écoutez, vous nous avez élus
avec une bonne majorité, ne vous inquiétez pas, on est
prêts à assumer le pouvoir. Cela fait neuf ans qu'on attend
après. Ce qu'on constate, M. le Président, c'est qu'ils n'avaient
rien compris aux enjeux importants, ils n'avaient rien compris de ce qui
était fondamental.
Quand le leader du gouvernement nous a dit tantôt qu'on avait un
engagement, quel était-il? Encore là, on pourrait comparer cela
au dossier de l'aide sociale. Après un an, on ne sait pas encore de
quelle parité le gouvernement nous parlait, mais on sait que, à
l'époque, comme pour l'aide sociale, il y avait deux discours. Certains
parlaient de l'abolition du règlement de placement dans l'industrie de
la construction et d'autres nous parlaient de l'abolition du certifcat de
classification, c'est-à-dire le permis de travail. Selon le public
auquel on s'adressait, un député libérai ou un militant
libéral disait à l'époque: Nous allons abolir tout le
règlement de placement, cela va être complètement
déréglementé. Dans d'autres cas, on nous disait: On va
simplement abolir le permis de travail. C'est cela le genre d'engagement qu'on
faisait dans un langage confus. Aujourd'hui, on se retrouve avec une situation
qui est dangereuse, une situation qui nous amène à nous rendre
compte que ceux qui parlaient de l'abolition du règlement de placement
trompaient la population. (1 h 40)
M. le Président, je vous ai dit tantôt ce que nous
indiquait M. Vennat - le ministre reconnaissait que c'était un des
experts au Québec sur ces questions - que le projet de loi concernait
l'ensemble du régime des conventions collectives au Québec, que
le projet concernait les clauses de sécurité d'emploi et
d'ancienneté. Surtout - je le rappelle, parce que je crois que c'est
tellement fondamental - ce projet de loi dépasse largement les cadres de
l'industrie de la construction.
Un projet de loi de cette ampleur mérite d'être
évalué plus longuement, d'être mieux mûri,
d'être mieux travaillé, d'être plus soupesé. Parmi
les députés libéraux, parmi les gens qui m'écoutent
dans cette salle - le leader du gouvernement nous a parlé de ses
expériences de bureau de comté - il y a probablement plus de
nouveaux députés que d'anciens, des gens qui n'ont pas encore une
longue expérience des bureaux de comté. Je crois qu'il serait
important, avant d'adopter le projet de loi et les conséquences qu'il
pourrait éventuellement susciter, de permettre à de nouveaux
députés de se demander d'abord ce qui va arriver après. Il
y a des députés qui commencent simplement à
réaliser les conséquences qui pourraient intervenir avec
l'adoption de ce projet de loi.
M. le Président, il y a un défi qui est actuellement le
défi de tous ceux qui sont attachés au bon sens. C'est le
défi qu'il faut des explications. Il y a des éléments
à évaluer; il y a des éléments à
reconsidérer dans ce projet de loi. Ce n'est pas exact, ce n'est pas
vrai qu'on va faire cela en peu de temps. M. Vennat disait: Le temps des
fêtes est peu propice à l'étude d'un projet de loi dont la
portée sociale dépasse une seule industrie. Il y aurait lieu,
d'un côté, d'en reporter l'adoption au moins à Pâques
et ainsi de discuter du travail partagé à tête
reposée. Je pense que c'était un conseil sage, un conseil
éclairé de quelqu'un qui a plus d'expérience des relations
du travail et du monde du travail que toutes les personnes qui sont ici ce soir
à l'Assemblée nationale du Québec, y compris et
probablement surtout le présent ministre du Travail. Quelqu'un qui nous
donne ce genre de conseil, quelqu'un qui a cette crédibilité,
cette expérience, c'est le genre de conseil qu'on devrait écouter
et retenir judicieusement.
M. le Président, c'est la raison pour laquelle on a
présenté une motion de report de six mois. Parce qu'on veut que
le
gouvernement fasse les choses correctement, parce que ce projet de loi a
une portée sociale considérable, parce que c'est inacceptable,
à notre avis, de présenter un projet de loi, de le faire discuter
en pleine nuit et d'obliger l'Assemblée nationale à l'adopter
à la vapeur, avant les fêtes, avant le 19 décembre.
C'est la raison pour laquelle nous, de ce côté,
présentons sincèrement cette motion de report. Nous
espérons que, finalement, après ces deux heures de discussion,
les collègues d'en face auront compris que c'est autant leur
intérêt que le nôtre, que celui de l'ensemble de la
société québécoise qui demande actuellement de
faire en sorte que le projet de loi soit reporté et qu'on en arrive
à l'adoption d'un projet de loi qui corresponde au défi et aux
besoins véritables de l'industrie de la construction et de l'emploi. M.
le Président, merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le député de
Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: M. le Président, je suis content de parler tout
de suite après l'intervention du député de
Verchères, parce qu'il est aussi agressif à 1 h 30 ou 1 h 45
qu'à 16 heures quand il pointe du doigt. Je me rappelle, quand j'ai pris
le cours de droit criminel à l'Université de Montréal, que
l'on m'avait dit: Pointer du doigt, c'est un acte criminel, une voie de
fait.
C'est ce qu'il fait. Il s'énerve pour rien. M. le
Président, j'aimerais bien savoir si le député de
Verchères va faire circuler son discours, ce qu'il vient de dire, cette
nuit à 1 h 30, aux gens de son comté et surtout aux jeunes. On se
rappelle très bien, avec le député de Verchères,
que l'on parle de ce problème depuis huit ou neuf ans. II disait tout
à l'heure: Je suis ici comme député depuis dix ans. Moi,
je lui dis: Je suis ici comme député depuis cinq ans. On vous
faisait face dans le temps. On vous a demandé à genoux ou par des
requêtes: S'il vous plaît! Voulez-vous ouvrir la porte dans
l'industrie de la construction pour donner la chance aux jeunes de travailler?
On vous a demandé cela d'une manière raisonnable.
Nous avons eu la visite à l'Assemblée nationale d'un
organisme - M. le Président, vous vous rappelez? et le
député de Verchères s'en souvient - le Regroupement des
interdits de la construction du Québec Inc. L'affaire a duré
tellement longtemps qu'ils se sont incorporés. Ils ont eu une charte du
gouvernement pour s'incorporer et dire: Nous sommes les interdits de la
construction parce que les péquistes ne veulent pas que l'on travaille.
Croyez-vous ça! Ils sont venus ici. Je les ai rencontrés, ces
interdits-là. J'étais au deuxième étage où
se trouvent maintenant les péquistes. On les a rencontrés. M.
Pagé, qui était whip dans le temps, était responsable du
dossier avec le ministre actuel. Ces pauvres gars étaient obligés
de travailler au noir, en dessous, de n'importe quelle manière pour
gagner quelques sous pour payer le pain et le sel de leur famille, parce que le
Parti québécois ne permettait pas à ces gars-là de
travailler.
Ce soir, on nous dit: Ce n'est pas le temps de discuter. Il faut nous
donner encore six mois pour réfléchir. Je vais répondre
aux arguments du député de Verchères quand il a dit: Le
Parti libéral respecte sa parole. Oui, M. le Président. Vous
m'avez dit l'autre jour que je ne peux jamais répondre directement au
député. Donc, je vous le dis à vous, M. le
Président. Dites au député de Verchères qu'on
respecte notre parole dans le Parti libéral du Québec et dans
l'industrie de la construction. Quand il a dit que l'on dépasse
largement le cadre de l'industrie de la construction dans ce projet de loi, je
le dis encore à vous, M. le Président: Est-ce que le
député de Verchères a lu le projet de loi 119? Parce qu'on
ne parle que de la construction, pas d'autre chose. On n'est pas en train de
faire des grandes thèses péquistes pour savoir comment
régler les problèmes du monde. On veut seulement régler le
problème dans la construction, pas d'autre chose.
Le député de Verchères a dit: II s'agit d'un grand
débat de société. Oui, on est prêt à faire ce
débat. On est prêt depuis longtemps. Qu'il ne commence pas
à dire: Vous parlez dans la nuit, en cachette, mystérieusement.
Ce n'est rien de ça. La seule raison pour laquelle on en parle tant...
M. le Président, j'étais ici cet après-midi et ce soir
dès 20 heures, prêt à parler. Savez-vous pourquoi on n'a
pas parlé? Parce que le député de Terrebonne a
parlé de son grand-père dans la forêt pendant vingt
minutes. Aie! J'étais ici. Arrêtez donc! Tous ces
députés-là...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Polak: J'ai parlé sur ce sujet la semaine
dernière, mais au moins j'ai été assez honnête de ne
pas parler de la forêt parce que ce n'est pas mon domaine. Je suis un
député de la ville, comme le député de
Verchères. J'ai parlé seulement de la motion de report parce que
c'est une question de procédure. Mais toute la "gang" a parlé ce
soir du projet de loi sur les forêts. Les députés ne
savaient même pas de quoi ils parlaient. Il y avait un projet de loi
devant eux et ils regardaient dedans. Ils parlaient vaguement du non-sens du
projet de loi sur la forêt. C'est honteux! Ils se sont dit: On va
traîner les libéraux jusqu'à minuit et
après rien ne se passera. Vous avez fait erreur. Nous sommes
élus pour gouverner, alors, on va continuer de parler.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Polak: On était prêt à parler sur le
projet de loi 119 à 16 heures, à 20 heures, à minuit,
à une heure et à 2 heures, et on continue. Quant à moi,
j'espère que ma santé tiendra, mais on va rester ici
jusqu'à ce que ce soit fini.
Le député de Verchères a dit: II y a un signal qui
dit qu'il n'y a pas d'unanimité sur ce projet de loi. Mais qu'est-ce que
vous voulez, pauvre député de Verchères? Évidemment
qu'il n'y a pas d'unanimité, il n'y en a jamais. C'est pourquoi on a
été élus. C'est pour gouverner. Il n'y a pas eu
d'unanimité non plus le 2 décembre dernier -il y a maintenant un
an - mais on célèbre cela. Il y a eu 99 députés
élus et vous en avez eu 23. La population a parlé non pas
unanimement mais presque unanimement.
Le député de Verchères a dit: Les travailleurs de
la construction ne sont pas contents. Savez-vous pourquoi ils ne sont pas
contents? C'est parce qu'eux, de l'Opposition, ont mal expliqué cette
affaire-là. Ils ont tenté d'insinuer des choses, de dire qu'on ne
protège pas ceux qui sont là et qu'il n'y a pas de droits acquis.
Ce n'est pas vrai, M. le Président - je ne peux pas parler de tous les
détails du projet de loi parce que je n'ai pas le droit de le faire -
c'est un autre acte honteux. Ils savent très bien, quand ils lisent le
projet de loi, que l'on protège les droits acquis; on protège les
droits de ceux qui sont là, qui auront d'ailleurs tout de suite leur
certificat de compétence numéro un. (1 h 50)
M. le Président, le ministre l'a dit carrément dans son
discours - et c'est l'engagement de notre parti - on va prendre des mesures
pour que ceux qui sont là travailleront, parce que dans un région
le travail sera divisé parmi ceux qui sont prêts et qui peuvent
travailler dans cette région.
M. le Président, le député de Verchères est
connu comme le protecteur de la jeunesse; je m'en souviens très bien,
quand j'étais dans l'Opposition, c'est lui qui a écrit le rapport
sur la jeunesse. C'est un expert sur toute la question de la jeunesse. Cela me
gêne que ce député, qui est expert auprès de la
jeunesse, ne soit pas assez honnête pour dire: Vous, les libéraux
et finalement le gouvernement, donnez une chance aux jeunes qui sont
compétents et qui veulent travailler.
La semaine dernière, j'étais ici et j'ai
écouté religieusement le leader de l'Opposition présenter
la motion. C'est un homme qui connaît le domaine de la construction. Il a
parlé et, quand je l'ai entendu, je me suis dit: Cela va très
bien. À un moment donné, cela a tourné. Il disait: C'est
pour cela que je présente une motion de report. Je me suis dit:
Pourquoi? À tout ce qu'il avait dit, il y avait une réponse.
À un moment donné il disait: II faut entendre les parties. Le
ministre va entendre les parties. On aura deux jours d'enquête cette
semaine. Ils viendront, jeudi et vendredi, tout le monde, les syndicats, les
patrons, tous ceux qui sont intéressés. Tout à l'heure le
député de Verchères a dit - je trouve cela honteux -que la
consultation pour moi, ce ne sera pas autre chose qu'une farce.
M. le Président, je ne peux pas parler directement au
député de Verchères, mais je lui dis que je trouve cela
honteux qu'il considère qu'une commission parlementaire de deux jours,
ce sera une farce. Ce n'est pas une farce. On va écouter ces gens et on
prendra note de ce qu'ils disent et, s'il y a un changement à faire sur
les articles en question, on va le faire, parce qu'on est un parti raisonnable.
C'est pour cela qu'il y a un an on a été élus avec 99
sièges contre 23.
M. le Président, le député de Verchères a
dit tout à l'heure: On attaque le droit d'ancienneté, on attaque
la sécurité d'emploi. C'est un slogan très facile pour
inciter le monde syndical à venir ici jeudi et vendredi et dire: II ne
faut rien écouter de ce gouvernement libéral parce qu'il n'y a
rien de bon dans ce projet de loi. Mais parlez donc avec les travailleurs. Vous
saurez, M. le Président, que c'est autrement. Il faut le dire au
député de Verchères. Il est parti, peut-être qu'il
avait peur que je parle.
J'ai eu la visite de quelques jeunes vendredi à mon bureau de
comté, la dernière visite avant la session intensive. Parce
qu'ils ne connaissent pas le nom et le titre du député, ils m'ont
dit: M. Polak, ce petit Chevrette nous bloque. On veut travailler. M. le
Président, excusez-moi de ce qu'ils m'ont dit, mais je vous le
répète. Ils ne connaissent pas les titres. Ils ne savent pas si
c'est le leader parlementaire de l'Opposition, le député de ceci
ou de cela. Ils mentionnent le nom du gars: le petit Chevrette. Je leur ai dit:
Excusez-moi, ce n'est pas le petit Chevrette, c'est le leader de l'Opposition.
Il a fait une motion de reporter le projet de loi et je suis d'accord avec
vous. Il veut le bloquer pour encore six mois. Ils ont répondu: Ce n'est
pas possible après sept ans.
M. le Président, ce n'étaient pas des gars de seize ans,
c'étaient des gars de 24 et 25 ans qui ont attendu depuis huit ans,
depuis que les péquistes étaient au pouvoir. Ils ne travaillent
pas encore dans l'industrie de la construction. Ils n'en ont pas le droit. Ils
sont bloqués, parce que c'est fermé. Vous n'avez pas tant
d'heures de travaillées: vous ne pourrez pas rentrer. Que tu t'appelles
Jean, Paul, Pierre, anglophone ou francophone, il n'y a pas de
différence.
Aucun jeune ne travaille.
M. le Président, on est rendu à ce point-là et le
ministre présente un projet de loi où on va dire: Cela va
être basé sur la compétence, mais on respecte les droits
acquis. On respecte ceux qui sont là-dedans, n'ayez pas peur. Ne vous
laissez pas exciter par ce gars-là, par l'Opposition, qui essaie de
trouver n'importe quel cheval de bataille. C'est triste. Vous n'allez pas
réussir, je suis fier, d'être ici à 2 heures du matin et de
rester ici aussi longtemps que mon ministre le veut. Je reste ici parce que,
quand je dois voter, je vote, mais on va continuer, on va adopter ce projet de
loi, on va le faire raisonnablement et on va écouter ceux qui vont venir
en commission parlementaire parce que le ministre écoute, le
député écoute et le gouvernement écoute. Je vous
remercie.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au
député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Prendre la
parole après le député de Sainte-Anne qui s'est
enflammé une fois de plus, à deux heures du matin, je
tenterai...
Une voix: II tente n'importe quoi.
M. Parent (Bertrand): ...rapidement, dans le peu de temps qui
nous est accordé sur la motion de report concernant le projet de loi
119, d'aborder trois points précia. Tout d'abord, quant à la
question que mon collègue de Verchères soulevait il y a quelques
minutes, à savoir pourquoi adopter en toute urgence le principe du
projet de loi avant d'aller en consultation... J'aimerais, M. le
Président, qu'on puisse faire respecter...
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Bertrand. Sur une question de règlement, l'interprétation du
règlement est claire. Je demanderais aux députés de cette
Assemblée de respecter le droit de parole de l'intervenant. Si vous avez
quelque chose à dire, vous vous lèverez après lui,
à votre tour. Vous aurez chacun le droit de parole en temps et lieu. M.
le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. La motion de
report que l'Opposition fait actuellement ne vise nullement à retarder
les procédures, puisqu'il est maintenant deux heures du matin et qu'on
se doit d'en discuter l'urgence.
Le ministre a déposé le projet de loi 119. Il a
annoncé une commission parlementaire qui doit se tenir cette semaine,
les 4 et 5 décembre. Dans cette foulée, on tente ce soir, cette
nuit ou ce matin, devrais-je dire, un sprint pour essayer d'adopter la motion
ou le principe du projet de loi 119.
D'abord, les députés libéraux, durant la campagne
électorale - je pourrais citer les députés de Portneuf, de
Chambly et de Pontiac et le candidat libéral dans Joliette -le 22
novembre 1985, véhiculaient essentiellement - j'ai des coupures de
presse à cet effet - qu'il s'agissait, comme engagement libéral,
de l'abolition pure et simple du règlement de placement dans la
construction, tout cela dans le but de permettre à des jeunes d'entrer
sur le marché du travail dans l'industrie de la construction. On voit ce
qui se passe exactement un an après, M. le Président. On ne parle
plus de l'abolition d'un règlement de placement. Le ministre a
révisé sa position et il parle maintenant de l'abolition de la
carte de classification. Je pense qu'il y a une marge fort importante entre les
deux. C'est donc dire que le ministre a dû lui-même réviser
sa position, à savoir que le projet de loi 119 devrait contenir
strictement l'abolition, non pas du règlement de placement, mais de la
carte de classification.
Deuxièmement, le ministre a fait part qu'il s'agirait, dans ce
cas, de faire de la place aux jeunes. Il déclarait qu'il fallait faire
de la place pour les jeunes, sous prétexte que l'industrie de la
construction subissait un vieillissement de sa main-d'oeuvre. Je vais seulement
lui citer la page 31 du dernier rapport de l'OCQ, publié en 1985,
où il est clairement indiqué que l'âge moyen des
salariés de la construction, entre 1984 et 1985, s'est
amélioré et est passé de 39,3 ans à 38,6 ans, et on
prévoit, en 1986, que la relève continuera à se faire de
façon importante concernant ce renouvellement de la jeunesse.
Les principes qui motivent actuellement le ministre à faire
adopter le projet de loi 119 visent à faire de la place aux jeunes,
indiquent qu'il y a une urgence de ce côté et, s'il faut prendre
les paroles du député de Sainte-Anne, il y a quelques minutes,
effectivement, nous attendons depuis neuf ans. (2 heures)
Je ne prétends pas - et je ne pense pas que qui que ce soit ici
puisse le prétendre -que le règlement de placement, tel qu'on le
conçoit actuellement dans l'industrie de la construction, soit parfait.
Toutefois, le projet de loi 119 ne vient y apporter aucune solution, car ce
qu'on fait essentiellement, c'est que, sous prétexte qu'on veut ouvrir
la porte aux jeunes, sous prétexte qu'on veut donner la chance aux
jeunes, ce qui est un bon principe en soi, on crée une situation qui va
devenir intenable. C'est la raison pour laquelle on veut avoir cette
consultation que
le ministre a accepté de tenir, même si elle n'est que sur
une période de deux jours. On pourra voir au sortir de cela ce que le
ministre devra faire avec le projet de loi 119. Mais avant cela, on ne doit pas
procéder en toute hâte quelques jours avant, soit dans les 48
heures qui précèdent, pour adopter déjà le
principe. Essentiellement, M. le Président, l'industrie de la
construction admet environ 65 000 travailleurs actuellement et le fait de
l'ouvrir à 200 000 ou 250 000, cela ne créera aucun emploi. Le
ministre lui-même l'a confirmé en répondant lors des
périodes de questions. Aucun emploi nouveau ne va être
créé. Il ne faut quand même pas rêver en couleur, en
pensant que le projet de loi 119 va régler tous les problèmes
dans la construction parce qu'il ouvre les portes et qu'il permet finalement
à tout le monde d'y avoir accès.
M. le Président, si nous défendons, ce soir ou cette nuit,
la motion de report, c'est qu'on pense que le projet de loi 119, tel qu'il est
conçu actuellement, tel qu'il est présenté actuellement,
contrairement à ce que le leader du gouvernement a mentionné, n'a
pas fait l'objet définitivement - mon collègue de
Verchères l'a très bien démontré - de consultation
en profondeur. Il y a eu une consultation qui s'est menée dans les
premiers mois de l'année 1986, mais les recommandations des
différents groupes de travail, essentiellement, n'étaient pas en
accord avec le ministre. On se doit, à ce stade-ci, non pas dans le but
de retarder les procédures, d'aller vers la consultation qui est
prévue au cours des prochains jours. À la suite de cela, que le
ministre refasse ses devoirs, comme cela lui a été
demandé.
En conclusion, M. le Président, je pense que c'est dangereux de
s'aventurer actuellement avec le projet de loi 119, non seulement au dire de
l'Opposition, mais au dire aussi de plusieurs chroniqueurs, de plusieurs
journalistes, de plusieurs personnes du milieu, plusieurs centrales syndicales.
Si on adopte le projet de loi 119, si on achemine en toute hâte le projet
de loi 119 comme on semble vouloir le faire, ce sera, finalement, le chaos, le
fouillis qui va s'installer dans le domaine de la construction et la loi de la
jungle, comme certains l'ont dit. Je pense que ceux qui ont vécu les
années 1970 savent exactement de quoi on parle.
M. le Président, je pense que, dans cet esprit-là, il est
important que le ministre révise sa position, il est important que les
députés ministériels prennent en considération ces
points-là et qu'on prenne le temps... Je pense qu'on n'est pas à
quelques jours, à quelques mois près pour une loi aussi
importante. Il faut qu'on puisse réviser notre position et prendre en
considération la motion de report qui est faite. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Mille-Îles.
Une voix: Cela va aller mal. M. Jean-Pierre
Bélisle
M. Bélisle: M. le Président, bien entendu, je sais
qu'il est très tôt ce matin et c'est peut-être une question
de perception. J'entendais le député de Verchères
tantôt qui nous disait qu'il était très tard ce soir.
J'aime mieux voir, avec optimisme, l'aube d'une nouvelle journée se
lever sur un premier anniversaire de la prise du pouvoir du Parti
libéral du Québec.
Cette différence de perception des choses, on la retrouve, M. le
Président, dans cette motion de report. J'aimerais vous citer les termes
exacts utilisés par le leader de l'Opposition, le député
de Joliette, le jeudi 20 novembre 1986, à la page 4193 du Journal des
débats. Je lis: "D'ajouter, à la fin, dans les six mois, ce qui
permettra au ministre du Travail de convoquer les parties, de les entendre, de
travailler, de faire son devoir et de présenter un produit fini."
M. le Président, la motion de report est devenue maintenant
inutile, caduque et redondante. Si on prend les objectifs mêmes
visés par le leader de l'Opposition, soit de permettre au ministre du
Travail de convoquer les parties et de les entendre, le ministre du Travail, le
mercredi 26 novembre 1986, au Journal des débats, s'engageait à
la convocation d'une commission parlementaire. C'est bien cette semaine, jeudi
et vendredi, que la commission parlementaire de l'économie et du travail
entendra les divers intervenants, conformément à la demande qui a
été faite la semaine précédente. Par
conséquent, les deux premiers motifs, il faut les oublier. La
troisième raison que le leader de l'Opposition a soulevée le
jeudi 20 novembre, c'était que le ministre du Travail devait travailler
ou faire son devoir. Quand, tantôt, je regardais le député
de Verchères déposer avec vigueur sur son pupitre l'ensemble des
rapports qui ont été produits par les groupes de travail, partie
syndicale, partie patronnale et fonctionnaires, et qui ont mené à
l'élaboration, à la présentation du projet de loi 119, je
me dis, M. le Président, que le ministre du Travail a très bien
fait son travail et qu'il n'a pas à reprendre ses devoirs. Quant au
dernier objectif du leader de l'Opposition, c'était de présenter
un produit fini. Je lui dirai qu'après information personnelle le projet
de loi 119 constitue peut-être le projet de loi le mieux
rédigé depuis le 2 décembre 1985.
Faut-il ajouter que les véritables motifs qui se cachent
derrière la motion de report sont les suivants, et le leader de
l'Opposition les a déclarés lors de sa première
intervention, le jeudi 20 novembre 1986. Je
soutiens que, malheureusement, le leader de l'Opposition s'est
trompé. À la page 4193, le leader de l'Opposition a
énoncé: "Je prétends que la position
présentée par le ministre est la négation même du
droit d'association dans le fin fond pratique. On décide
unilatéralement - c'est quasi une loi d'exception -d'enlever le seul
critère d'ancienneté qui existait dans l'industrie de la
construction. C'est la véritable raison pour laquelle, M. le
Président, la motion de report est présentée et que nous
la débattons présentement." Je dois fermer les guillemets. Merci,
M. le député.
La loi 119 ne nie pas le droit d'association. La loi 119
n'élimine pas la formule Rand et la perception des cotisations
syndicales sur le revenu des salariés dans l'industrie de la
construction. C'est tout le contraire que fait cette loi. Elle responsabilise
les parties et accorde un véritable sens au droit d'association, pas
seulement dans le secteur des relations du travail, mais également dans
les autres secteurs tels que la formation professionnelle, l'embauche, le
placement. Quand on utilise l'épouvantail à moineaux du
critère d'ancienneté ou du concept d'ancienneté, les
cartes de classification telles qu'elles existaient ne sont pas un
véritable critère d'ancienneté. Ce sont plutôt les
années d'ancienneté accumulées par les travailleurs dans
la construction et leur compétence accumulée au fur et à
mesure des journées passées sur les chantiers de construction qui
constituent pour eux le véritable trésor qu'est leur
ancienneté. Faut-il se demander comment il se fait qu'au cours des neuf
dernières années, si l'on considérait qu'il devait y avoir
sur les chantiers de construction un critère d'ancienneté, le
Parti québécois, qui était au pouvoir au cours de toutes
ces années, n'a pas légiféré pour reconnaître
des priorités de retour au travail par ancienneté sur certains
chantiers? Cela n'a pas été fait. La question fondamentale qu'il
faut se poser, bien entendu, à l'encontre de ce que le leader de
l'Opposition essaie de nous faire croire, c'est: Quelle distinction
véritable d'ancienneté y a-t-il entre un travailleur de 25 ans
qui aurait obtenu ses 1000 heures, sa carte de classification, avec une
année d'ancienneté dans le domaine de la construction, et un
travailleur de 55 ans qui, lui, aurait 30 ans d'ancienneté dans le
domaine de la construction et lui aussi son critère de 1000 heures
respecté? Tout ce concept d'ancienneté est un faux concept. Le
débat fait par l'Opposition, en alléguant que nous touchons et
affectons les critères d'ancienneté, est un faux débat. Le
concept d'ancienneté soulevé et perçu comme il l'est par
l'Opposition est plutôt un critère de contingentement de la
main-d'oeuvre. (2 h 10)
Le leader de l'Opposition a souligné également, en appui
à sa motion de report, M. le Président - j'ai entendu
tantôt d'autres députés de l'Opposition parler de chiffres
absolument astronomiques - lors du débat du 20 novembre, que 300 000
personnes pourraient entrer dans l'industrie de la construction. Un peu plus
loin dans son intervention, à la page 4183 des débats, 200 000;
un peu plus loin, 150 000. Ces chiffres ont été cités pour
semer un peu d'émoi dans la population et créer un sorte de vague
de fond à l'encontre du projet de loi. Cette attitude non
réfléchie de lancer des chiffres en l'air dans le but de se
créer un capital politique, qui est très rare présentement
pour le parti de l'Opposition, ne tient absolument pas compte des dispositions
du projet de loi. Lorsqu'on lit adéquatement et correctement le projet
de loi, on s'aperçoit que tel n'est pas le cas et que c'est absolument
impossible dans les faits qu'un tel nombre puisse exister à court terme,
à moyen terme ou à long terme dans l'industrie de la
construction.
Spécifiquement, M. le Président - j'y reviendrai
tantôt, lors de l'autre débat sur le principe du projet de loi -
les articles 41 et 42, contrairement à tout ce qui a été
dit et à ce que le député de Bertrand nous a dit
tantôt quant à la loi de la jungle, assurent le maintien et la
continuité du règlement de placement actuel, sauf que nous
éliminons la carte de classification et que nous remplaçons ce
critère par un critère de compétence.
J'aimerais en terminant, M. le Président, m'attaquer à ce
qui est derrière tout le discours du leader de l'Opposition. Son
idée maîtresse se traduit dans la phrase ci-contre qu'il nous a
émise, le mercredi 20 novembre dernier, à la page 4183 du Journal
des débats: II faut se méfier des discours
néo-conservateurs qui allèguent la liberté et la saine
concurrence, qui favorisent l'abolition pure et simple de toute mesure de
contrôle autre que la vérification de la pure et simple
compétence. À mon avis, c'est très dangereux de s'exprimer
ainsi." Je dis au chef de l'Opposition que c'est du "vasage", de
l'imprécision, de vieilles "tounes" que l'on entend tourner depuis fort
longtemps et qui démontrent que l'Opposition est contre, mais qu'elle ne
sait pas pourquoi. J'aimerais bien savoir quelle est la vision péquiste
de l'avenir du domaine de la construction et si cette vision a
déjà été exprimée dans le passé par
un quelconque membre du Parti québécois.
Dans le journal Le Devoir du mardi 11 novembre 1986, à la
page 6, Gilles Lesage parlait du flottement néo-péquiste. Je
pense que cela s'applique très bien à la déclaration faite
par le leader de l'Opposition que je viens de citer à l'instant, M. le
Président. Je vous rapporte les paroles de M. Lesage: "À
la recherche de sa nouvelle identité, le Parti
québécois de M. Johnson flotte présentement dans toutes
sortes de directions divergentes, lorgne vers des horizons contraires, flaire
le vent. Il essaie tant bien que mal de se distinguer du
néo-conservatisme dominant et du Parti libéral. Mais la
démarche est encore mal assurée. Il ne veut pas renier ses
anciennes croyances, mais la réalité l'y force. Il n'a pas encore
trouvé son nouveau créneau, sa bannière, son âme."
M. Lesage de continuer: "À ce jour, le nouveau dessein péquiste
est léger, imprécis. Après avoir mis en réserve ses
dogmes, après avoir perdu son côté "collectiviste", il doit
éviter de devenir un fourre-tout, sans cohérence et sans
cohésion."
C'est, justement, cette vision que je qualifierais de
néo-péquiste, cette vision néo-corporatiste. L'ancien
gouvernement du Parti québécois a toujours tenté de faire
correspondre ses intérêts personnels à
l'intérêt de structures corporatistes de notre
société, de structures - et il faut le dire -syndicales, à
l'époque.
Je dis qu'il y a danger et le danger est le suivant: c'est qu'à
trop vouloir se coller à des idéaux corporatistes, on perd
peut-être, comme parti politique, sa propre identité. Je pense
que, messieurs, vous avez fait la preuve d'un tel état de choses.
Pourquoi pendant six mois, M. le Président? Parce qu'il est grand
temps de corriger ce préjugé péquiste
néo-corporatiste en faveur de pseudo-privilèges syndicaux et de
certaines centrales syndicales. Parce qu'il est urgent non pas d'avoir un faux
préjugé favorable envers les travailleurs, non pas de prendre
parti pour la partie patronale ou pour la partie syndicale, mais bien de
prendre parti, une fois pour toutes au Québec, pour l'ensemble de
l'industrie de la construction. Parce que, surtout, M. le Président, il
est vital, pour l'économie du Québec, pour une industrie qui
contribue pour 12 000 000 000 $ au produit intérieur brut, que le
gouvernement du Québec corrige cette situation malsaine et injuste qui a
trop duré. C'est pour cette raison, M. le Président, qu'en bon
Québécois, comme un de mes électeurs me le disait pas plus
tard que la semaine dernière dans mon bureau relativement à ce
projet de loi, et ce n'était pas un entrepreneur ou un
propriétaire d'entreprise, il faut arrêter de niaiser avec le
"puck". C'est pour cela que je voterai contre la motion de report.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Les libéraux nous disaient: On ne
siégera pas la nuit, on aura des fins de session beaucoup plus
civilisées. Pourtant, M. le Président, au cours de la
première nuit de la session intensive de décembre, nous sommes en
train de légiférer sur un projet de loi beaucoup trop important
pour être présenté durant la nuit.
J'aimerais reprendre un point qui a été soulevé par
mon collègue de Gatineau qui disait: On ne doit pas limiter
l'accès aux travailleurs justifiés. Si on retient ce principe, M.
le Président, pourquoi ne pas accepter dans les hôpitaux du
Québec tous ceux et toutes celles qui sortent de nos écoles de
formation dans ce domaine? Pourquoi ne pas accepter dans nos écoles,
dans nos universités et dans nos cégeps tous ceux qui sortent de
nos institutions avec un brevet d'enseignement? Cela, peu importe
l'ancienneté, peu importent les besoins, peu importent les conventions
collectives. Il faut faire attention à ce que vous dites, M. le
député de Gatineau.
Pourquoi l'urgence? C'est bon pour les gens qui sont dans cette
Assemblée de se poser la question: Pourquoi cette urgence? Est-ce
à cause du prix des maisons? Nonl Parce qu'une maison au Québec
qui se vend entre 60 000 $ et 65 000 $ se vend en Ontario 100 000 $. Est-ce que
c'est parce que vous voulez qu'on finisse par payer le même prix qu'en
l'Ontario parce que vous voulez tout amener sur un même pied
d'égalité? Non, il n'y a pas urgence sur le facteur du prix des
maisons. (2 h 20)
Pourquoi y a-t-il urgence? Est-ce à cause du faible taux de
construction en 1986 au Québec? Nonl Parce que l'année 1986 est
la meilleure depuis dix ans. Il n'y a tellement pas d'urgence qu'on
prévoit déjà -attendez, ce n'est pas fini - une diminution
importante pour 1987. Votre ministre des Affaires municipales, dans une
déclaration la semaine dernière, prévoyait une diminution
de 50 % de la main-d'oeuvre dans le secteur pour l'an 2000. Donc, il n'y pas
urgence de ce côté, non plus. Est-ce à cause des
problèmes sur les chantiers de construction? Non. Il n'y a plus de
problèmes sur les chantiers de construction depuis l'arrivée au
pouvoir du Parti québécois en 1976.
Rappelez-vous qu'il y avait d'énormes problèmes entre 1970
et 1976 et que le projet de loi 119 risque de ramener des problèmes sur
les chantiers de construction. Est-ce qu'il y a des problèmes
présentement? Non. Les menaces de problèmes qu'on a sur les
chantiers de construction, c'est à cause de la loi 119. Est-ce à
cause de l'absence de jeunes sur les chantiers? Non, il en est entré 17
000 en 1986. Ce que le ministre veut amener, ce n'est pas une ouverture plus
pour les jeunes que pour les autres. Si le ministre nous dit le contraire, ce
n'est pas ce qu'il a dit quand il a livré le fond de sa pensée
lorsqu'il était de passage à Bromont, le 22 octobre dernier. Je
cite: "De passage à
Bromont, le ministre Paradis veut ouvrir le marché de la
construction à tous les travailleurs".
Je cite le reportage de la journaliste, Mme Jacqueline de Bruycker, une
femme extraordinaire. Je pense que mon collègue de Brome-Missisquoi va
dire la même chose. Ce qu'elle rapporte, c'est la vérité et
c'est ce qui a été dit. Écoutez bien cela, c'est
important, les jeunes: "Profitant de la tribune que lui offraient lundi soir la
Chambre de commerce et l'Association des entrepreneurs en construction de
Brôme-Missisquoi-Shefford, le ministre du Travail, Pierre Paradis, a
clairement indiqué son intention d'ouvrir le marché de la
construction à tous les travailleurs intéressés à y
oeuvrer". Pas seulement les jeunes, tous les travailleurs.
Quand on regarde l'article 32 du projet de loi, il est dit que tous ceux
qui ont seize ans et qui peuvent se faire garantir 500 heures vont pouvoir
travailler dans les chantiers de construction. Où retrouve-t-on la
compétence promise? Encore une fois et comme toujours, on leurre la
population; on fait accroire des choses aux jeunes qu'on n'a pas l'intention de
respecter, pas plus qu'on ne l'a fait pour la parité de l'aide sociale,
pas plus qu'on ne l'a fait pour les prêts et bourses et le gel des frais
de scolarité.
On trompe encore la population. Est-ce dans le but de protéger le
consommateur? Non, M. le Président. Si on voulait vraiment
protéger le consommateur, le ministre n'aurait qu'une chose à
faire. Il n'aurait qu'à mettre en vigueur les articles 77 à 83 de
la loi 59 qui a été votée en juin 1985 et qui est
prête. S'il voulait protéger le consommateur, le ministre n'aurait
qu'à prendre une décision, sans même être
obligé de revenir à l'Assemblée nationale.
Pourquoi est-on si pressé? On est pressé parce qu'on veut
faire accroire qu'on va tenir une promesse électorale. On sait
très bien qu'on ne répondra malheureusement pas aux promesses
qu'on a faites aux jeunes. Je trouve cela malheureux.
Encore une fois, ce gouvernement est en train de tromper les jeunes, de
leurrer les jeunes et toute la population. Pour toutes les raisons que j'ai
exprimées, non seulement on ne doit pas voter pour le projet de loi 119,
mais on ne doit surtout pas l'adopter maintenant et à la vapeur. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le ministre du Travail.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. Le
député de Shefford qui vient de nous adresser la parole a eu, au
moins, le mérite de ne pas tenter, comme certains de l'autre
côté, de nous faire croire qu'il parlait sur une motion de report.
Il s'est prononcé contre le fond du projet de loi. C'est son droit, mais
il n'a pas l'attitude d'autres députés de l'autre
côté de tenter de faire croire qu'il demandait un report de six
mois, de façon à mieux étudier le projet de loi et de
façon à mieux le comprendre. On a compris de son intervention
qu'il ne l'avait jamais lu, qu'il n'a pas l'intention de le lire et qu'il est
en devoir commandé pour s'opposer au fond du projet de loi. Il revenait
du congrès du Parti québécois.
M. le Président, pendant neuf ans dans cette Chambre, les
députés libéraux, lorsqu'ils siégeaient de l'autre
côté de la Chambre, se sont opposés aux permis de travail
dans l'industrie de la construction. Les députés libéraux
se sont opposés à la carte de classification dans l'industrie de
la construction.
Au moment de la campagne électorale, dans le programme du Parti
libéral du Québec, Maîtriser l'avenir, il y avait un
chapitre qui traitait spécifiquement de l'industrie de la construction
au Québec. Pour les péquistes qui prétendent cette nuit,
à 2 h 25, se faire prendre par surprise, je vous invite à relire
la page 5 dudit programme qui se lit comme suit: "La compétence doit
être le principal critère d'entrée sur le marché de
la construction autant à l'égard des entrepreneurs que des
salariés. Le contingentement de la main-d'oeuvre par le nombre d'heures
de travail s'est avéré injuste, discriminatoire, socialement
néfaste et économiquement injustifiable. Incidemment, l'industrie
est présentement fermée à toute relève.
Désormais et au départ, c'est le certificat de qualification ou
l'attestation du début d'apprentissage au lieu du nombre d'heures qui
servira de critère d'embauche des salariés."
Il y a un peu plus d'un an, au Centre Paul-Sauvé, à
Montréal, où des milliers de jeunes étaient venus entendre
les porte-parole du Parti libéral, j'avais, à la demande du
premier ministre, choisi d'intervenir sur un thème qui me tenait
particulièrement à coeur, le permis de travail dans l'industrie
de la construction. À ce moment-là, j'ai parlé aux jeunes
des vrais bâtisseurs du Québec. J'ai parlé aux jeunes du
règlement des cartes de classification que leur avait imposé un
de mes prédécesseurs, l'ancien ministre du Travail, en 1977, et
actuel chef du Parti québécois. J'avais parlé à ces
jeunes de la façon dont l'actuel chef du Parti québécois
leur avait bloqué la possibilité d'avoir accès à
l'industrie de la construction. C'est peut-être pourquoi, de l'autre
côté, on s'acharne présentement à ne pas vouloir
accepter les jeunes dans l'industrie de la construction, parce qu'on sait que
c'est le chef péquiste qui est le père du règlement
qui interdit aux jeunes d'y avoir accès.
Qui, de l'autre côté, n'a pas reçu dans son bureau,
parmi les députés présents - je pourrais peut-être
prendre le député de Shefford à témoin parce que
j'ai des lettres à mon bureau qui viennent de son bureau de comté
- des jeunes auxquels il a eu à expliquer la situation suivante? Le
jeune, qui est dans votre bureau, est diplômé d'études
secondaires, dans un métier de la construction. C'est un jeune qui se
prétend compétent. Il est allé à l'OCQ, au bureau
de Granby ou d'ailleurs. On lui a demandé: Est-ce que tu as
travaillé 2000 heures dans les deux dernières années? Le
jeune a répondu: Vous n'êtes pas sérieux, j'étais
à l'école. Je ne pouvais pas travailler 2000 heures. Est-ce que
le bassin provincial de la main-d'oeuvre est vide? Bien non. Il y a, à
Sept-Îles, quelqu'un qui est plombier. Le règlement dont le chef
du Parti québécois est père, c'est ce
règlement-là. C'est un règlement qui, à toutes fins
utiles, interdit à un jeune le droit au travail. Mais, s'il y a quelque
chose de sacré dans notre société, c'est bien ce droit et
la possibilité pour un jeune compétent d'avoir accès
à une industrie aussi importante que l'industrie de la construction.
Cela a été et est présentement pour le Parti
libéral du Québec un élément sacré de la
politique québécoise.
Nous fêtons, cette nuit, l'arrivée à la tête
des affaires de l'État du Parti libéral du Québec. Un an,
jour pour jour. Lorsque, au Centre Paul-Sauvé, je m'étais
adressé à ces milliers de jeunes, je ne savais pas que, le 12
décembre dernier, je serais, à la demande du premier ministre,
assermenté comme ministre du Travail, donc, ministre parrain du permis
de travail, de la carte de classification dans l'industrie de la construction.
Dès le mois de février, j'ai eu à prendre des
décisions importantes quant à ce permis de travail, quant
à cette carte de qualification. (2 h 30)
Pour ceux et celles qui, peut-être, souhaiteraient avoir un
délai pour étudier leurs dossiers de l'autre côté de
la Chambre, je tiendrais à résumer le déroulement des
événements qui concernent ce permis de travail depuis
février 1986. Pas six mois, mais dix mois de travail.
Février 1986, le gouvernement a annoncé qu'il renouvelait
les 105 000 cartes de classification venant à échéance le
31 mars 1986 et ce, jusqu'au 31 décembre prochain, afin de permettre la
mise en place d'un nouveau système d'accès à l'industrie
basé sur la compétence. Dès lors, février 1986, le
gouvernement du Parti libéral décida de consulter les sept
associations patronales et les cinq associations syndicales concernées
dans le domaine de la construction.
Mars 1986, formation d'un comité sur la formation et la
qualification profes- sionnelles et sur l'abolition des cartes de
classification. Membres du comité: les sept associations patronales, les
cinq associations syndicales, le sous-ministre du Travail, le sous-ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, le sous-ministre de
l'Éducation.
Juin 1986, le comité se réunit et les représentants
patronaux et syndicaux déposent leurs positions sur les cinq tables de
travail qui avaient été créées. Fin juin, le 21
pour être exact, le gouvernement reçoit les recommandations
formulées par les partenaires de l'industrie.
À partir de juillet - et c'est peut-être pour cela que vous
demandez que ce soit reporté de six mois ce soir - une équipe
composée d'experts et de conseillers en construction a analysé
les recommandations et les positions des parties. À partir de ces
recommandations, cette équipe a proposé un nouveau
système: vous ne pouviez pas le savoir, vous étiez en vacances
à ce moment-là.
Une voix: Ah!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cette équipe, qui a
préparé le projet de loi, propose essentiellement que,
premièrement, à l'avenir, seules les personnes ayant reçu
une formation pertinente au métier choisi ou à l'occupation
choisie pourront travailler dans l'industrie de la construction. Non pas le
"free for all", comme vous avez tenté de l'indiquer: seules ces
personnes. À l'avenir, la formation des travailleurs de l'industrie sera
établie par les parties qui siégeront à la nouvelle
Commission de la construction du Québec.
Qui croira dans cette enceinte ce soir qu'on est en train de discuter
sur une motion de report? La crédibilité même de votre
formation politique, mesdames et messieurs de l'autre côté, est
remise en question.
Une voix: Ah!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque vous avez, à
compter de 20 heures ce soir, fait de l'obstruction systématique sur un
projet de loi sur lequel, fondamentalement, vous êtes d'accord -
d'ailleurs, vous allez voter pour le projet de loi de mon collègue sur
la politique forestière - est-ce que, au cours de la journée,
lorsque vous avez fait de l'obstruction systématique sur un projet de
loi pour lequel essentiellement vous allez voter, la création du
ministère du Solliciteur général, vous n'aviez pas en
tête à ce moment-là l'idée de tenter de reculer en
pleine nuit les travaux qui touchent le projet de loi sur l'industrie de la
construction, de façon que les travailleurs qui sont principalement
concernés n'aient pas la chance d'écouter nos débats et
d'avoir l'heure juste
sur le contenu d'un projet de loi que vous ne connaissez pas?
N'avez-vous pas, en ce faisant, un peu comme vous l'avez fait avec le
règlement de la construction de votre chef du Parti
québécois, qui a forcé le travail au noir au Québec
de la part de pères de famille et de jeunes, forcé les
députés à travailler en pleine nuit...
Une voix: Au noir!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...à 2 h 30 ou 2 h 35?
Quelqu'un me suggère: "à travailler au noir" à
l'Assemblée nationale du Québec. Remettre de six mois nos travaux
-c'est là le supposé but de la motion péquiste
équivaut à remettre de six mois la commission parlementaire
prévue pour jeudi et vendredi prochains où nous entendrons, oui,
les cinq centrales syndicales de l'industrie de la construction; où nous
entendrons, oui, les sept associations patronales; où nous entendrons
l'Office de la construction du Québec. Auriez-vous peur de ce que ces
gens pourraient venir nous dire? C'est pourquoi vous nous demandez de remettre
cela de six mois?
Remettre de six mois, qu'est-ce que ça veut dire pour le jeune
qui est au secondaire présentement? Je vois des enseignants de l'autre
côté. Quand s'effectuent les choix pour un jeune quant à
son année scolaire qui suit? Cela ne s'effectuera pas au cours de
l'été prochain, ça s'effectuera au cours du semestre qui
sera engagé à partir de janvier. Et si ces jeunes-là ne
connaissent pas les règles du jeu quant à l'industrie de la
construction, ce n'est pas de six mois que vous remettez leur avenir, c'est
d'un an. C'est vrai qu'un an pour vous autres, ce n'est peut-être pas
important parce que pendant neuf ans vous avez remis à néant
l'avenir de toute une génération de jeunes au Québec.
M. le Président, remettre de six mois, c'est penser qu'aucun
travail n'a été effectué. Je ne les en blâme pas
parce que ce n'est pas un travail de six mois qui a été
effectué dans ce projet de loi; travail dans l'Opposition pendant neuf
ans; travail au niveau de la campagne électorale; travail de dix mois
depuis la prise du pouvoir du Parti libéral du Québec. Je
comprends ces gens-là de vouloir six mois. Ils ont passé la
moitié des dix premiers mois en vacances l'été dernier
pendant que des gens étaient au travail: les gens de l'industrie de la
construction, les entrepreneurs, les centrales syndicales et le
ministère du Travail. Ces gens-là étaient en vacances et
maintenant ils demandent de tout retarder.
Quelle est la véritable position du Parti québécois
quant à ce projet de loi, quant à cette motion de report? Je
tentais ce matin, à la lecture des journaux - parce que je me suis dit:
Cela va bien être un sujet abordé à l'occasion de leur
congrès de la fin de semaine - d'avoir l'heure juste. J'ai
commencé avec des titres qui m'ont un peu inquiété, qui
n'ont rien à voir avec l'industrie de la construction, mais qui
indiquent la position de ces gens-là dans un dossier qui est
supposé être le plus important de l'autre côté de la
Chambre. Ce matin, un grand quotidien montréalais titrait: "Pierre Marc
Johnson invite les militants à la patience. La souveraineté
demeure l'option du PQ." Un autre grand quotidien titrait: "Conseil national du
PQ. L'indépendance ne sera pas l'enjeu des prochaines élections."
J'ai lu la résolution adoptée, M. le Président, et ils ont
tous les deux raison même s'ils peuvent vous sembler en
contradiction.
C'est ça la position de ces gens-là dans le dossier
constitutionnel, mais c'est également ça la position de ces
gens-là dans le dossier de la construction parce que sous le titre
"Empêcher l'abolition de la carte de la construction", les membres du
Parti québécois, en fin de semaine, en même temps qu'ils
ont demandé à leurs parlementaires de s'opposer au projet de loi,
leur ont demandé de s'assurer d'obtenir du gouvernement libéral
qu'il fasse connaître ses objectifs et les justifications à toute
modification du règlement de placement. En même temps qu'ils
disent: Ne touchez à rien, ils demandent à ces gens-là
d'obtenir du Parti libéral ces justifications. En même temps
qu'ils disent: Conservez la discrimination contre les jeunes du chef actuel du
Parti québécois, ne touchez à rien, gardez la
discrimination contre les jeunes, ils disent: "Les péquistes veulent
également que le gouvernement Bourassa se commette en faveur de mesures
de discrimination positives à l'égard des jeunes."
Une voix: Double langage.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Double langage sur le plan
constitutionnel et même double langage sur le plan de la carte de
classification dans l'industrie de la construction.
Vous m'indiquez, M. le Président, que je dois conclure.
Quelques-uns des orateurs de l'autre côté, qui ne se sont
absolument pas prononcés sur la motion de report, ont tenté de se
prononcer sur le fond du projet de loi, ont tenté de faire croire aux
gens que la partie patronale appuyait le Parti libéral et que la partie
syndicale s'opposait au projet de loi. C'est un petit peu ce qu'on
décode des messages de l'autre côté.
Je ne vous dirai pas de qui vient la citation que je vais vous lire. Je
vais peut-être laisser le temps aux recherchistes de l'équipe de
l'autre côté de la découvrir. Je vous la cite, M. le
Président: "Dans la mise en place de ces nouveaux modes d'accès
à
l'industrie de la construction - on identifie la partie - la partie
syndicale mise sur la bonne volonté des parties - ils ne connaissaient
sans doute pas nos amis d'en face - et croit sincèrement que la
proposition du ministre pourrait s'avérer l'alternative la plus
sérieuse soumise ces dernières années en matière de
politique de main-d'oeuvre." Cela ne vient pas d'une partie patronale. Cette
citation, je viens de la recevoir d'un local important dans le domaine de
l'industrie de la construction. Il y a quelqu'un qui s'esclaffe de l'autre
côté. (2 h 40)
Une voix: Pouliot.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a quelqu'un qui s'esclaffe et
qui vient de dire que c'est Pouliot. Je vous dirai: Non, ce n'est pas Maurice
Pouliot; cela ne vient pas de Maurice Pouliot.
Une voix: Ah!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des gens dans l'industrie
de la construction qui, spontanément, se manifestent et nous indiquent
que vous devriez clarifier vos choses à l'occasion de vos
congrès. M. le Président, ce projet de loi - je l'ai
indiqué à l'occasion de mon discours en deuxième lecture
sur le principe - je le dédie...
Le Vice-Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...spécialement à la
jeunesse québécoise parce que ne pas avoir accès à
l'emploi est la pire des inégalités et c'est vous, de l'autre
côté de la Chambre, qui avez créé cette
inégalité. Tout ce que nous faisons de ce côté-ci,
c'est tenter de donner à de jeunes Québécois
compétents une chance égale d'avoir accès à
l'industrie de la construction. C'est pourquoi nous n'attendrons pas six mois
et nous demandons le vote sur votre motion.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Ce n'est pas pour intervenir. En vertu du
règlement, comme le ministre a cité un document qu'il avait en
main, je fais la demande expresse qu'il dépose le document.
Une voix: C'est un journal.
Le Vice-Président: M. le ministre, vous avez effectivement
cité un document. Est-ce que vous acceptez de le déposer?
M. Jolivet: II n'a pas à accepter, il doit le
déposer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il était complet...
Le Vice-Président: Non, je regrette infiniment. Â ce
moment-ci, je dois dire une chose: Au sens de notre règlement, le
ministre qui a cité un document peut, sur demande, être tenu de le
déposer à la condition expresse qu'il n'invoque pas le motif de
l'intérêt public pour ne pas le déposer.
Une voix: Ah!
Le Vice-Président: M. le ministre, je vous demande de
déposer le document ou d'invoquer ce motif.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, si le
document était complet, je le déposerais. Maintenant, je veux
m'assurer qu'il sera en version complète demain et cela me fera plaisir
de le remettre aux députés.
Le Vice-Président: Très bien. À ce
moment-ci, je cède la parole, comme dernier intervenant dans ce
débat restreint, au député d'Abitibi-Ouest et leader
adjoint de l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, je veux simplement prendre
les quelques minutes qui sont miennes pour indiquer à cette Chambre
qu'en ce qui concerne l'Opposition nous sommes convaincus qu'il y a une
multitude de motifs pour prétendre qu'il y aurait lieu de reporter
l'étude du principe du projet de loi et je pense que la motion de report
est entièrement justifiée. Brièvement, je veux simplement
mentionner une couple de raisons.
Contrairement à ce qui a été affirmé par le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, ce
n'est pas qu'on ne pense pas qu'il y ait eu du travail de fait, c'est que,
précisément, c'est un projet majeur, important et tout autant les
centrales syndicales que le patronat prétendent que nous ne nous
retrouvons plus dans le projet de loi qui a été
déposé. Entre la version annoncée et ce qui est sur la
table, M. le Président, il y a un monde de différence. Pas plus
tard qu'aujourd'hui, les parties patronales concernées dans le
dossier... Je n'ai pas le temps de les nommer; je le ferai en deuxième
lecture. Ici, j'ai le nom de sept organisations patronales qui
prétendent qu'il y a lieu d'être très inquiet de
l'ingérence du gouvernement dans ce projet de loi. Contrairement
à ce qui avait été annoncé - d'abord, c'est
complètement faux, ils sont habitués de nous donner
des faussetés - il ne s'agit pas de l'abolition du...
Le Vice-Président: Je regrette, M. le leader adjoint de
l'Opposition, mais vous savez fort bien que vous ne pouvez pas, en vertu de
notre règlement, mettre en doute la parole d'un député, ne
pas accepter la parole d'un député. Vous ne pouvez pas employer
les termes que vous avez mentionnés en disant que ce sont des
faussetés qu'on vous dit. Vous ne devez pas imputer de motifs, vous
devez accepter la parole. Je vous demanderais de respecter notre
règlement.
M. Gendron: Oui, M. le Président. On va respecter le
règlement, sauf que je suis convaincu qu'en disant qu'il s'agissait de
faussetés je n'ai pas mis en doute la parole d'un ministre. Je parle de
façon générale de ce qu'on a sur la table.
Le Vice-Président: Je m'excuse, M. le député
d'Abitibi-Ouest. J'ai très bien compris votre intervention. Vous
mentionniez qu'on disait des faussetés, qu'un ministre ou des
députés disaient des faussetés. Dans ce cas-là,
vous contribuez à imputer des motifs indignes ou à mettre en
doute la parole d'un député. Dans ce sens-là, je vous
demande simplement, sans discussion, de respecter la décision que j'ai
rendue. Je vous demande de vous conformer à notre règlement.
M. Gendron: Je voulais uniquement indiquer à cette
Chambre, M. le Président, que l'engagement qui avait été
pris par le Parti libéral, c'était d'abolir le règlement
de placement. Or, aujourd'hui, dans le règlement qui est sur la table,
on ne fait pas qu'abolir le règlement de placement et c'est en cela que
je prétends qu'il s'agissait de quelque chose d'erroné par
rapport aux engagements. Si vous aimez mieux le terme "erroné" que des
"faussetés", cela ne me dérange pas.
Et il y a une multitude d'autres motifs. J'en cite uniquement un autre,
M. le Président. Il me semble que, si ces gens étaient
sérieux et voulaient que la consultation qu'ils entendent faire dans les
prochains jours soit effectivement significative et importante, on permettrait
d'avoir la consultation avant de faire le débat que nous faisons
aujourd'hui, parce qu'une fois les principes d'un projet de loi adoptés
cela devient un peu difficile de prétendre qu'on va entendre des
intervenants pour infléchir les orientations de ce gouvernement.
Alors, cela ne fait pas sérieux. Comme il reste seulement
quelques minutes, M. le Président, et que je pense que... Encore
là, c'est contraire à ce qui avait été
annoncé par ce gouvernement qui voulait travailler sérieusement,
parce qu'il avait laissé voir que le Parlement, pour lui, c'était
une institution sérieuse et crédible.
Motion d'ajournement du débat
À ce moment-ci, je voudrais me prévaloir d'un article de
notre règlement pour proposer d'une façon officielle et formelle,
puisque le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu lui-même a admis qu'il était illégitime de
travailler au noir et que cela ne fait pas sérieux de travailler
à trois heures de la nuit à un projet de loi aussi important,
d'une telle envergure, je veux me prévaloir à ce moment-ci de
l'article 100 de notre règlement pour proposer l'ajournement du
débat.
Le Vice-Président: Donc, à ce moment-ci,
l'ajournement du débat étant proposé, est-ce que cette
motion est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Disons qu'il y a deux choses. À
moins qu'on n'adopte la motion, je dois dire que celui qui a proposé
cette motion a un droit de parole, au sens de notre règlement, de dix
minutes et un représentant des ministériels aura à ce
moment-ci un droit de parole de dix minutes. Comme proposeur, M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous aurez un droit de réplique de
cinq minutes. Donc, nous allons procéder au débat sur cette
motion d'ajournement, si je comprends bien. Je vous cède la parole pour
les dix prochaines minutes.
M. Gendron: Au préalable, M. le Président...
Le Vice-Président: Un instant!
M. Gendron: J'allais demander si cette motion est
agréée ou si elle ne l'est pas.
Le Vice-Président: Oui. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je pourrais être
convaincu de l'opportunité d'adopter la motion. Je vais écouter
ce qu'a à dire le leader adjoint de l'Opposition.
Le Vice-Président: Donc, au sens de notre
règlement, je vous cède la parole pour dix minutes.
M. François Gendron
M. Gendron: Je remercie énormément le leader du
gouvernement parce que je suis convaincu que, s'il se donne la peine d'entendre
les arguments que je vais évoquer, il va se rallier à
l'Opposition pour voter l'ajournement.
M. le Président, les motifs pour lesquels j'ai fait appel
à l'article 100 du règlement c'est que, sincèrement, je
pense
que ce gouvernement doit savoir que si on est obligé de
siéger ce soir, le premier jour de l'application du règlement
sessionnel, c'est parce qu'il a manqué de planification, c'est parce
qu'il a complètement manqué à son devoir de planifier les
travaux de cette Chambre. J'étais heureux tantôt d'entendre le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui
mentionnait qu'on avait été en vacances et c'est parce qu'on
avait été un certain moment en vacances qu'on n'a pas voulu
prendre connaissance davantage de l'évolution de la réflexion
concernant le règlement de placement, alors qu'il est on ne peut plus
clair que c'est ce gouvernement, par une absence totale de classification des
travaux de la Chambre, qui depuis au moins quatre semaines nous a
littéralement convoqués comme Parlement à être
constamment en vacances en nous faisant légiférer sur des
insignifiances, en nous faisant légiférer sur des choses
complètement inutiles où eux-mêmes se gourmaient de
prétendre qu'il était important dans un projet de loi de changer
une virgule par un point-virgule, de changer un "de" par un "et", et ainsi de
suite. C'est ce que nous avons fait pendant des semaines, puisque le leader n'a
pas été en mesure de planifier les travaux de cette Chambre.
Si on avait affaire à un gouvernement qui avait un peu de respect
pour la population du Québec et un peu plus de respect pour ce qu'il
fait... Il prétend que la réflexion est importante dans le
règlement de placement; il prétend que nous sommes rendus
à une étape où, effectivement, il faut prendre une
décision. Il me semble que si on avait une once de responsabilité
du parlementarisme on le ferait en plein jour, on le ferait au vu et au su de
tout le monde et on n'aurait pas honte de parler de ce qu'ils ont l'intention
de mettre sur la table.
Mais ce n'est pas cela, M. le Président. On a assisté
à une bouffonnerie du Parlement avec ce gouvernement et je vais
l'illustrer par un exemple très précis. Le Parlement travaille au
ralenti. Je vais juste illustrer qu'une semaine de travaux à
l'Assemblée nationale permet normalement, en excluant les
périodes de questions et les affaires inscrites par les
députés de l'Opposition - c'est le débat du mercredi - de
consacrer treize heures à débattre sur des lois. (2 h 50)
Je répète: normalement une semaine parlementaire permet de
faire treize heures de débat sur des lois. Or, en ajournant la Chambre,
en suspendant les travaux et en utilisant même la Chambre comme
commission plénière, plutôt que d'utiliser le
mécanisme normal des commissions parlementaires, le leader du
gouvernement n'a réussi à occuper que six heures des treize
heures disponibles au cours de la semaine du 4 au 6 novembre 1986.
Je prends juste un exemple. Pendant une semaine complète, tout ce
que ce gouvernement tellement irresponsable, tellement incapable d'assumer ses
responsabilités de planification a réussi à nous faire
faire pendant une semaine de treize heures, c'est six heures de
législation alors que le règlement en permet treize. C'est le
double et un peu plus, de moins que le règlement ne le permet. Ne
pensez-vous pas que ce soit notre responsabilité de dire au public
qu'à 3 heures du matin cela ne fait pas vraiment sérieux
d'adopter un projet de loi où eux prétendent que son degré
d'évolution, son cheminement nous conduise à faire une discussion
importante, majeure puisqu'il s'agit d'une réforme sans
précédent, d'une réforme importante.
Je pense que la situation que je viens d'illustrer démontre une
totale mauvaise planification des travaux de la part du leader du gouvernement
qui n'a pas su prévoir un menu législatif suffisant. Cela
démontre aussi l'irresponsabilité du chef de ce gouvernement, de
la vice-première ministre qui avait le culot, dans son discours
inaugural, a la place du grand absent qui lui est obligé d'aller se
faire élire une deuxième et une troisième fois avant
d'entrer ici dans cette Chambre, de nous indiquer d'une façon
très solennelle, avec la suffisance qu'on lui connaît: Vous allez
voir qu'avec nous, le Parlement cela va être sérieux. C'est fini
les affaires de siéger jour et nuit et on va prendre le temps qu'il
faut, on va prendre le temps de consulter les parties, de s'assurer que les
gens soient associés au processus législatif. C'est cela qu'on
entendait.
Là nous en sommes au premier jour de l'application du
règlement sessionnel, M. le Président, et ces gens vont essayer
de nous faire passer toute la nuit sous prétexte que c'est nous qui
sommes en faute parce qu'on a eu le malheur d'utiliser notre droit de parole
comme parlementaires. Imaginez. On a eu le malheur d'utiliser notre droit de
parole comme parlementaires. La conséquence de quatre semaines de non
planification des travaux vous allez l'assumer, ce n'est pas nous qui allons
l'assumer. À combien de reprises n'avons-nous pas été
obligés de suspendre? Une fois c'est un coquetel, une fois c'est une
remise de livres. On n'a rien à faire en Chambre parce que ces messieurs
ont mal planifié la session parlementaire. Responsabilité du
premier ministre, parce qu'il n'a pas eu la capacité d'exiger de ses
propres ministres de faire des dépôts de projets de loi qui
seraient arrivés en temps opportun lors du déroulement de cette
session.
Qu'est-ce qui empêchait le ministre du Travail, puisqu'il dit que
cela fait des mois et des mois que sa réforme est prête, de
l'avoir déposée il y a quelques semaines?
Qu'est-ce qui empêchait le ministre délégué
aux Forêts de déposer son projet de loi trois semaines plus
tôt? S'il l'avait déposé trois semaines avant, est-ce que
c'est ce soir que nous aurions fait pendant des heures le débat en
deuxième lecture? On aurait pu le discuter autrement.
C'est clair que ce gouvernement a négligé de faire ses
devoirs. Le Parlement ne fonctionne plus normalement. De plus, les projets de
loi sont des projets mineurs dont le Parlement est saisi pour changer des
virgules et des points-virgules. C'est tellement vrai ce que je vous dis, M. le
Président, que je donne un autre exemple de l'irresponsabilité de
ce gouvernement. Ils nous disent à propos du projet de loi 119: Oui, on
va donner suite à des consultations particulières. Mais on va
donner suite à des consultations particulières en profilant
d'avance les appuis de ceux qui sont d'accord avec nous dans la façon
d'organiser les travaux. Ainsi on a dû assister à un
véritable exercice de camouflage où on s'assure d'abord que les
groupes qui sont pour le projet de loi auront les meilleures heures de
présentation, les meilleures heures disponibles. Ceux qui auraient un
autre point de vue à faire valoir, qui sont en désaccord avec ce
gouvernement, on vous vera la nuit, on fera du travail au noir avec vous autres
comme le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
le disait tantôt.
C'est irrespectueux pour les parlementaires, surtout en ce premier jour
et si ces gens prétendent que c'est un anniversaire aujourd'hui, c'est
un anniversaire passablement triste, passablement pénible, un peu dans
la noirceur comme ces gens aiment mieux vivre de ce temps-ci. On dirait qu'ils
aiment mieux vivre dans la noirceur, parce que, effectivement, il n'y a pas un
an d'écoulé que déjà, ils ont honte de leur
législation, tellement honte qu'ils disent: On va la faire de nuit et
non pas de jour, M. le Président.
Je pense que c'est important que cela soit dénoncé. C'est
important qu'on fasse savoir aux citoyens et citoyennes du Québec qu'il
y a un mécanisme prévu dans le règlement, justement pour
permettre de temps en temps à l'Opposition de démontrer à
la face de tout le public québécois qu'on a affaire à un
gouvernement qui, par manque de planification, par irresponsabilité,
aujourd'hui en est rendu à faire du cynisme avec des auditions
d'individus intéressés à débattre les vraies
questions. C'est du vrai cynisme, M. le Président, de faire accroire
qu'il faut absolument travailler de nuit sur le projet qu'on va étudier
tantôt en deuxième lecture, sur le principe du projet de loi
modifiant le règlement de placement. Mais ce n'est plus pour modifier le
règlement de placement, c'est une réforme globale, majeure. On va
faire accroire, après avoir accepté le principe, que ces gens
vont avoir la pleine liberté de faire valoir leur point de vue et
apporter des modifications substantielles qui vont changer le cours des
événements.
Il me semble, M. le Président, que c'est important de
dénoncer l'absence de planification du gouvernement,
l'irresponsabilité du leader du gouvernement qui a mis le Parlement en
vacances pendant quatre semaines et, dès le premier jour où le
règlement lui permet d'abuser de l'Opposition, d'abuser du
système parlementaire, il se sert effectivement des dispositions qui ont
été adoptées par le règlement pour faire
siéger le Parlement à des heures indues à propos de
quelque chose d'important, de majeur selon son propre collègue. Ce n'est
pas moi qui disais cela, c'est le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui disait que le projet de loi était
important, fondamental et qu'il y aurait lieu de l'étudier, non pas
à la noirceur, non pas nous aussi de travailler au noir, mais de
l'étudier au vu et au su de tout le monde.
En conséquence, M. le Président, j'espère que le
leader du gouvernement va finir par comprendre le bon sens et convenir que ce
ne sont pas des heures convenables pour faire siéger des parlementaires
sur un projet de loi aussi valable, aussi important et qui mérite au
moins d'être étudié et d'être regardé sous
tous ses volets. C'est pourquoi je fais appel à l'ensemble des
parlementaires pour accepter la motion d'ajournement et pour qu'on fasse ce
débat en temps utile.
Le Vice-Président: Je cède la parole au leader du
gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Oui, M. le Président. J'avais promis
d'écouter bien attentivement le leader adjoint de l'Opposition qui
aurait pu me convaincre.
Je l'ai entendu parler de la mauvaise planification du gouvernement en
matière de législation. Évidemment, le
député d'Abitibi-Ouest a omis de dire que l'Opposition sait
depuis vendredi dernier qu'il était dans l'intention du gouvernement de
faire adopter le principe du projet de loi 119 au cours de la séance de
lundi. Or, pour ceux qui nous écoutent, qui ne s'y retrouvent
peut-être pas, même s'il est mardi, nous sommes encore à la
séance de lundi, puisque celle-ci n'a pas été
ajournée. C'est d'ailleurs le but que vise la motion d'ajournement du
débat - il y a un écho de ce côté-là, M. le
Président - c'est ce que vise la motion d'ajournement du débat du
député d'Abitibi-Ouest.
Donc, depuis vendredi, l'Opposition sait qu'on a l'intention de demander
à l'Assemblée nationale d'adopter le principe du projet de loi
119. Il faut terminer la discussion avant de l'adopter. Cela aussi,
c'est important de le rappeler. Pour l'adoption du principe, c'est un
débat qui est limité à des interventions de 20 minutes par
député, ici à l'Assemblée nationale. Il y a
l'étude détaillée de chacun des articles du projet de loi
et dans ce cas-ci, encore plus, il y a une commission parlementaire qui a
été convoquée pour jeudi, qui pourra continuer à
siéger le lendemain, vendredi, si nécessaire, pour entendre les
cinq associations syndicales impliquées dans le domaine de la
construction, les sept associations patronales impliquées dans
l'industrie de la construction et finalement, l'Office de la construction du
Québec, pour leur demander de venir nous dire ce qu'ils pensent du
projet de loi 119. Cela, c'est de la transparence, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
Uhe voix: C'est vrai. (3 heures)
M. Gratton: Ils viendront nous dire ce qu'ils en pensent, mais
nous avons le droit, en tant que gouvernement, de dire ce que nous en pensons.
C'est ce que nous brûlons de faire au cours du débat sur
l'adoption du principe, mais non pas au cours d'un débat qui entoure une
motion de forme qui ne vise qu'à remettre à plus tard. Le
gouvernement précédent a fait cela pendant neuf ans, remettre
à plus tard, et c'est pour cela que la population - il y a exactement un
an aujourd'hui - a dit: Dehors, cela fait trop longtemps que ça dure!
C'est pour cela qu'il y a eu un changement, M. le Président, une
mauvaise planification.
J'ai la mauvaise habitude - de cela je m'en confesse - de croire les
gens de l'Opposition quand ils me donnent des indications sur la durée
des débats et de penser que ce qu'ils me disent, c'est la
vérité et de penser que, lorsqu'ils m'indiquent que... Par
exemple, sur le projet de loi 138, loi créant le ministère du
Solliciteur général, on m'avait dit: II y aura seulement un
intervenant de notre côté. C'était la semaine
dernière. On est revenu quelques jours plus tard pour nous dire: En
caucus on a décidé qu'on va en avoir quatre. On les a
accommodés, pas de problèmes. On a demandé à des
députés de notre côté de se préparer pour que
l'alternance soit respectée. On nous est arrivé aujourd'hui et on
a dit: Ce n'est plus ni un, ni quatre, c'est neuf. Effectivement, il y a eu
neuf députés qui ont répété l'un
après l'autre qu'ils sont en faveur du projet de loi 138 créant
le ministère du Solliciteur général. Ils ont tous dit
qu'ils étaient en faveur et ils ont tous parlé de quoi durant le
débat? De la langue. Vous allez me demander, M. le Président, ce
que cela faisait dans le débat. Je me pose encore la question. Ces gens
voulaient parler de la langue alors qu'il s'agissait de la création du
ministère du Solliciteur général. On a passé deux
heures complètes à terminer un débat qui, nous avait-on
indiqué, aurait duré peut-être 30 minutes.
Sur le projet de loi 150, on a eu des interventions pendant quatre
heures et quarante-cinq minutes de la part principalement de l'Opposition, pour
nous dire quoi? Qu'ils sont d'accord avec le projet de loi 150 sur la politique
forestière du gouvernement. Ils nous ont même dit: C'est nous qui
avons préparé le projet de loi. Mais était-il
nécessaire de prendre quatre heures et quarante-cinq minutes pour nous
dire que le projet de loi que nous présentons est tellement bon qu'ils
sont d'accord parce que c'était eux, de toute façon, qui en
étaient les parrains? Il me semble qu'on a beau se donner des
mérites, cela ne prend pas quatre heures et quarante-cinq minutes!
M. le Président, c'est ce qui nous a amenés à
devoir entamer le débat sur l'adoption du principe, mais pas encore,
parce qu'il fallait disposer de la motion de report à six mois, avant.
C'est cela qu'on devra trancher si je devais conclure que le
député d'Abitibi-Ouest n'a pas été suffisamment
convaincant en nous proposant d'ajourner notre débat.
M. le Président, je ne le ferai pas languir plus longtemps. Je
lui dirai que non, il ne m'a pas convaincu. Je n'oserai pas dire...
Peut-être bien que si son collègue, le député de
Joliette, leader de l'Opposition avait été ici, il aurait pu me
convaincre avec des arguments un peu plus corsés. Je pense que le
député d'Abitibi-Ouest est peut-être trop poli. Il a voulu
se retenir, il nous a dit par contre, par exemple, que le gouvernement avait
honte de son projet de loi et que c'est pour cela qu'on en discutait la nuit.
M. le Président, nous étions prêts à entamer le
projet de loi dès cet après-midi. D'ailleurs, nous avions
prévu disposer de cela vers minuit ce soir après un débat
complet et sérieux qui reste encore à venir malheureusement, mais
à venir pourquoi? Parce que les députés de l'Opposition
ont voulu remplir la commande reçue au conseil national de la fin de
semaine où on leur a dit: Allez faire votre job, opposez-vous et bloquez
le projet de loi 119. Ils sont tellement peu convaincus qu'eux
préfèrent en discuter la nuit. Bien, soit! Discutons-en la nuit
et nous voterons contre la motion d'ajournement du débat.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le député
d'Abitibi-Ouest, vous avez un droit de réplique de cinq minutes.
M. François Gendron (réplique)
M. Gendron: Merci, M. le Président. Lorsqu'on invoque
l'absence de planification
et les responsabilités de ce gouvernement, il ne faut
sûrement pas s'étonner qu'il ne change pas d'avis
indépendamment des arguments invoqués. Cela, je le savais avant
de commencer ma plaidoirie. J'aurais pu faire preuve de mesquinerie, un peu
comme le leader du gouvernement, en disant que j'ai été
témoin à plusieurs reprises en cette Chambre de ce que le leader
du gouvernement a eu le culot de dire à des collègues: Vous
n'avez rien à dire, je le sais - c'est lui qui parlait à ses
collègues - mais il faut que vous fassiez du temps. Je l'ai entendu
à cinq ou six reprises dans les deux semaines au cours desquelles on a
littéralement perdu notre temps. Même si j'avais invoqué
ces arguments, cela n'aurait pas changé le point de vue du leader. Quand
on a autant d'irrespect du Parlement, quand on a cette force du nombre, cette
prétention de "bulldozer" tout le monde y compris l'Opposition parce
qu'ils sont seulement 23, ce n'est pas la valeur des arguments qui va faire
changer d'idée à ces gens-là.
Je tiens à réaffirmer ce que j'ai mentionné: Chose
certaine, cela ne leur prendra pas neuf ans avant de se faire mettre dehors
s'ils continuent à faire siéger les parlementaires à des
heures indues. La population a rapidement compris que ce gouvernement n'a pas
le courage d'agir en plein jour, n'a pas le courage de faire des lois au vu et
au su de tout le monde.
J'aurais pu parler pendant des heures et dire en cette Chambre qu'on
voulait travailler, qu'on s'attendait à avoir des lois importantes, des
projets de loi qui permettent d'avoir des débats de fond. On a
été obligé de se contenter pendant quatre semaines - je le
répète - de projets de loi vides, insignifiants. Le leader se
faisait même un plaisir de se lever chaque fois en expliquant qu'il y
avait une nouvelle façon de légiférer et que, même
des projets de loi qui ne voulaient rien dire, c'était important de
prendre le temps de les passer un à la fois. Quelquefois, c'était
pour changer le titre: au lieu de parler d'affaires municipales ou de
commission municipale, on parlerait de municipalités. Changer uniquement
une phrase, une appellation, c'est ce que ces gens-là ont voulu faire
pendant quatre semaines. Aujourd'hui, ils vont faire croire...
Le Vice-Président: Un instant!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Je demanderais votre collaboration...
Une voix: Faites descendre le chef.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je demanderais simplement votre collaboration pour nous permettre de
terminer ce débat.
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: J'ajouterai également, contrairement à
ce que le leader du gouvernement a mentionné, que je n'ai jamais dit que
l'Opposition ne savait pas que le leader du gouvernement nous avait
informés qu'il voulait effectivement que, le lundi 1er décembre -
même si on est rendu au 2 -nous procédions en cette Chambre
à l'adoption du projet de loi 119 concernant les modalités du
règlement de construction. Je n'ai jamais affirmé en cette
Chambre qu'on ne savait pas cela. Vous avez commencé votre intervention
en disant: J'ai avisé vendredi l'Opposition... Je n'ai jamais
parlé de cela; on le sait depuis vendredi.
Ce que j'ai dit, cependant, en plaidant que c'était irrespectueux
envers le Parlement de faire siéger les parlementaires la nuit, c'est
que, s'il y avait eu une planification intelligente des travaux, les projets de
loi majeurs, on les aurait eus il y a une couple de semaines, il y a deux ou
trois semaines. Les parlementaires qui voulaient exprimer des points de vue
différents, comme c'est normal de le faire, auraient eu l'occasion de le
faire en plein jour. Cela aurait démontré la profondeur ou la
volonté politique de ce gouvernement de faire effectivement une
réforme qu'il est capable de défendre, qui se tient debout. Mais
les membres du gouvernement ont tellement honte qu'ils ne sont même pas
capables de débattre ce projet de loi en plein jour et, surtout, de
permettre aux intervenants de venir participer au débat.
Règle générale, la nuit, cela prend uniquement des
zélés, comme le leader du gouvernement veut que nous en soyons,
en ordonnant de travailler jusqu'à des heures indues. Mais les gens de
la presse, de ce temps-ci, que font-ils? Ils font ce qu'il est normal de faire
après une journée bien accomplie. Normalement, la nuit, c'est
pour se reposer. Le gouvernement devrait comprendre que, lorsqu'on a à
étudier des projets de loi majeurs et d'envergure, ce serait pas mal
plus intelligent de le faire au vu et au su de tout le monde, en
présence de personnes qui pourraient être
intéressées à entendre leurs arguments, à entendre
le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui
essayait de nous convaincre qu'il s'agissait là d'un projet de loi
majeur, mais pour lequel l'ensemble des intervenants était
complètement d'accord avec lui.
Si c'était le cas, pourquoi a-t-il peur d'aller rencontrer
l'ensemble de ceux qui veulent en discuter avant que nous nous compromettions
dans l'adoption du principe? Règle générale, M. le
Président, quand on veut entendre des intervenants, on les entend avant
de se compromettre. La rencontre de jeudi et vendredi, c'est uniquement pour la
frime, pour faire semblant que ces gens ont eu l'occasion de s'exprimer, alors
que
pendant huit, neuf ou dix heures, ici en cette Chambre, on aura
adopté le principe du projet de loi. Ce ne sont que des modalités
qu'on pourra retoucher et le leader du gouvernement sait cela. C'est pourquoi
je voulais proposer l'ajournement du débat. Je pense que si, du
côté ministériel, le leader était sérieux, il
solliciterait l'appui de l'Opposition pour ajourner le débat tout de
suite.
Des voix: Bravo:
Le Vice-Président: Nous allons donc procéder
à la mise aux voix de cette motion d'ajournement du débat.
Une voix: Vote enregistré.
Le Vice-Président: Vote enregistré donc, qu'on
appelle les députés.
(3 h 13 - 3 h 18)
Le Vice-Président: Je demanderais aux
députés de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît!
Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la
motion d'ajournement du débat présentée par le
député d'Abitibi-Ouest.
Que ceux et celles qui sont favorables à cette motion veuillent
bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Perron (Duplessis), Mme
Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis),
Charbonneau (Verchères), Gendron (Abitibi-Ouest), Brassard
(Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Claveau (Ungava),
Le Vice-Président: Que ceux et celles qui s'opposent
à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Gratton (Gatineau), Mme Bacon
(Chomedey), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Côté
(Rivière-du-Loup), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), MM.
Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Johnson (Vaudreuil-Soulanges),
Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Cusano (Viau), Dauphin
(Marquette), Philibert (Trois-Rivières), Lefebvre (Frontenac), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin
(Gaspé), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire
(Saint-Maurice), Rivard (Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord),
Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger
(Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane),
M. Séguin (Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger
(Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent
(Sauvé), Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx),
MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lot- binière),
Mme Cardinal (Châteauguay), MM. Després (Limoilou), Forget
(Prévost), Gardner (Arthabaska), Gobé (Lafontaine), Laporte
(Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier),
Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau),
Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier),
Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Thérien
(Rousseau), Saint-Roch (Drummond).
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a des
députés qui s'abstiennent? Aucune abstention.
Le Secrétaire: Pour: 10
Contre: 60
Abstentions: 0
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mise aux voix de la motion de report
Cette motion d'ajournement du débat étant rejetée,
nous poursuivons le débat sur la motion de report. À ce
moment-ci, je dois constater que le débat restreint sur la motion visant
à reporter l'adoption du principe du projet de loi dans six mois est
terminé. Ce débat étant terminé, je vais mettre aux
voix la motion de report comme telle. M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, je voudrais vous informer que
nous serions d'accord, plutôt que de revoter, pour que ce soit le
même vote, mais inversé, pour permettre aux membres du
gouvernement de faire leur devoir. Nous serions prêts à voter
contre la motion de report pour autant qu'ils soient d'accord pour voter
pour.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je souhaiterais plutôt
qu'on le fasse unanimement. Nous voterons contre également.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Vice-Président: Dois-je comprendre... Oui, M. le leader
adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, on conviendra du même
vote pour la motion de report.
Le Vice-Président: Très bien. Si je comprends bien,
le vote pour la motion de
report est le même que celui que nous avons eu. La motion de
report est donc également rejetée.
Des voix: Ah!
Motion d'ajournement du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président: Très bien. À ce stade-ci,
nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de
loi 119. Je reconnais M. le député de Saint-Louis.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: M. le Président, une question de directive
concernant l'article 34. Nous venons d'avoir une demande d'ajournement du
débat selon l'article 100. L'article 100 stipule qu'un ajournement du
débat ne peut être proposé qu'une fois, et à tout
moment de la séance. Une telle motion ne requiert pas de préavis
et ne peut l'être qu'une fois au cours d'une séance par quelqu'un
d'autre qu'un ministre ou un leader adjoint.
Je voudrais savoir si vous considérez qu'une motion d'ajournement
que nous pourrions amener directement aujourd'hui, tout de suite, pourrait
être considérée comme une deuxième motion
d'ajournement durant la même séance.
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Louis, la directive que je dois émettre à ce moment-ci,
c'est que la motion d'ajournement du débat vaut pour chaque débat
qui peut être appelé durant la journée, selon moi. À
ce moment-ci, la précédente motion d'ajournement portant sur la
question du débat restreint portant sur la motion de report, cela met
fin à toute possibilité d'avoir une deuxième motion
d'ajournement dans ce débat qui, de toute façon, est clos.
Cela ne restreint en rien le droit d'un député de
présenter, dans le cadre du débat sur la motion principale
d'adoption du principe du projet de loi, une autre motion demandant
l'ajournement du débat. D'accord? Je vous cède maintenant la
parole pour votre droit de parole sur la deuxième lecture ou l'adoption
du principe du projet de loi.
M. Chagnon: M. le Président, je vais tout simplement
utiliser l'article 100 pour faire une demande d'ajournement, compte tenu du
fait que les membres de l'Opposition n'ont pas tellement participé aux
travaux ce soir, étant peu nombreux, tandis que, du côté
ministériel, nous sommes presque tous là. De toute façon,
je pense qu'il est, comme l'a souligné le député
d'Abitibi-Ouest, inconvenant de ne pas dormir à cette heure-ci. Il
semble que les collègues de son caucus soient en train de dormir. Je
propose qu'on fasse un ajournement tout de suite.
Le Vice-Président: Vous proposez donc l'ajournement du
débat sur le l'adoption du principe du projet de loi 119. Très
bien. Dans un premier temps, je m'enquiers si cette motion est
agréée ou... M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je comprends fort bien les
motifs invoqués par le député de Saint-Louis. Je serais
tenté de partager son point de vue d'autant plus que l'Opposition ne
semble pas attacher un très vif intérêt au débat.
Cependant, M. le Président, il ne m'appartient pas, à titre de
leader du gouvernement, d'organiser les travaux de l'Opposition, aussi faibles
soient-ils.
Le Vice-Président: D'accord. Un instant! Un instant! Un
instant! Je voulais simplement à ce moment-ci m'enquérir si cette
motion était adoptée ou pas unanimement, ou si je dois
procéder au débat de fond sur cette motion. Donc, je comprends
à ce moment-ci que cette motion n'est pas agréée, nous
allons donc procéder, tel que le prévoit notre règlement,
au débat sur cette motion. M. le député de Saint-Louis,
vous avez un droit de parole de dix minutes.
M. Chagnon: M. le Président, il est maintenant 3 h 30.
Nous avons procédé depuis quinze heures, depuis le début
de la période de questions. Cela fait au-delà de douze heures
trente minutes que le Parlement siège, et nous avons adopté le
principe de deux lois. L'Opposition a fait un "filibuster" sur une loi, la Loi
créant le ministère du Solliciteur général. Quatre
heures et demi de débats pendant lesquels l'Opposition nous a tenu, pour
faire en sorte d'acquiescer à la demande du gouvernement, un discours
qui ne fait qu'entériner la position gouvernementale.
Sur un deuxième projet de loi, la Loi sur les forêts,
présenté par le député de Rivière-du-Loup,
une loi très importante pour l'avenir de la société
québécoise, nous en convenons tous, l'Opposition nous a fait
entendre neuf orateurs pour nous dire qu'ils étaient d'accord avec le
principe du projet de loi. On a tout fait pour retarder les travaux de cette
Chambre jusqu'à 3 heures, 3 h 30. M. le Président,
malheureusement, sur le projet de loi 119, cherchant à
régulariser une situation dans le secteur de la construction, cherchant
à faire en sorte de redonner du travail aux jeunes
Québécois et à faire en sorte de leur permettre de
travailler dans le domaine de la construction, l'Opposition a, pour une raison
de stratégie, demandé un report de six mois du dépôt
du projet de loi.
M. le Président, comme on l'a souligné
dans une précédente motion d'ajournement, à 3 h 30,
il devrait nous être loisible de pouvoir ajourner l'Assemblée, que
chacun aille se reposer et puisse revenir plus en forme demain matin pour nos
travaux qui commenceraient à 10 heures avec la période de
questions. Il me semble que, compte tenu de la façon dont l'Opposition a
orienté les travaux de cette Chambre depuis le début de cette
période du mois de décembre, nous ne pouvons faire autrement que
de constater, d'une part, la mauvaise foi de l'Opposition en ce qui concerne
l'organisation des travaux et, deuxièmement, de faire en sorte
d'éviter à l'ensemble des membres de cette Chambre... Comme je
l'ai mentionné tout à l'heure presque 80 % des
députés ministériels sont ici et travaillent depuis 15
heures hier après-midi, soit depuis le début de nos travaux,
tandis que, dans l'Opposition officielle, nous retrouvons qui? Nous retrouvons
quatre ou cinq membres de l'Opposition officielle qui ont participé aux
travaux depuis 20 heures hier soir. Je pense qu'il serait convenant que nous
puissions aller nous reposer et faire en sorte que nos travaux soient
ajournés jusqu'à demain.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole au député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de
l'Opposition tout en demandant à l'Assemblée d'accorder son
attention à l'orateur qui va parler. M. le député
d'Abitibi-Ouest. (3 h 30)
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais simplement
revenir aux arguments que j'ai invoqués il y a quelques minutes pour
illustrer non seulement que le leader du gouvernement est farfelu, que le
premier ministre du Québec est également farfelu en cette
Chambre, mais ce que l'on vient d'entendre du député de
Saint-Louis qui, il y a quelques minutes à peine, s'exprimait contre la
motion d'ajournement. Trois ou quatre minutes plus tard, le même
député de Saint-Louis, qui a voté contre l'ajournement du
débat, propose lui-même l'ajournement de ce débat. Je pense
que cela illustre mes prétentions. Nous avons affaire à un
gouvernement qui, depuis bientôt un an, utilise un double langage, et qui
démontre une incohérence chronique dans ses attitudes, dans ses
discours. Non seulement on a vu cette incohérence dans leurs engagements
électoraux non réalisés, dans leurs promesses absolument
farfelues, hypocrites envers les jeunes quand on leur a fait accroire que ce
gouvernement avait des solutions pour les jeunes, mais on en a encore un
exemple ce soir. Ces gens prétendent qu'il était urgent d'adopter
un projet de loi pour donner l'occasion aux jeunes de venir travailler dans la
construction. Comment voulez-vous que je les croie, M. le Président?
Comment voulez-vous que je croie ces gens qui ont renié à peu
près tous leurs engagements?
Ils avaient promis la parité de l'aide sociale pour les jeunes.
On l'attend encore. Les mêmes jeunes n'ont pas la parité. Ils
avaient promis d'injecter un montant additionnel de 30 000 000 $ dans les
prêts et bourses. On n'a pas eu droit à un montant additionnel
mais on a eu droit à une coupure de 24 000 000 $. Pensez-vous qu'on soit
surpris que des jeunes ne les croient plus? Des jeunes qui voudraient que nous
n'étudiions pas un projet de loi à des heures aussi tardives pour
leur donner la chance de voir encore une fois qu'entre le dire et l'action de
ces gens-là, il y a un monde de différence. Il y a un
fossé qui s'agrandit et qui sépare. C'est irresponsable. On a
l'occasion de voir cela par l'attitude du député de Saint-Louis.
Il y a sept minutes, lui et tous ses pairs - j'ai failli utiliser un
qualificatif qui répondrait mieux à ce qu'ils sont, un
qualificatif comme "suiveux", parce qu'ils l'ont suivi dans le rang - ont dit,
exprimé par le député de Saint-Louis: Nous sommes contre
la motion d'ajournement. Ils l'ont applaudi parce qu'il avait
présenté une motion d'ajournement, comme si cela faisait
sérieux. Je veux bien croire qu'il est 3 h 30, M. le Président.
Je veux bien croire que, normalement, nous sommes ailleurs que dans cette
enceinte. Il y a sûrement des choses plus intéressantes à
faire à ces heures-là que ce que nous faisons ici. Mais cela ne
fait quand même pas très sérieux qu'un parlementaire,
après avoir battu avec l'ensemble des ministériels une motion
d'ajournement, se lève, utilise son droit de parole et propose, en vertu
de notre règlement, l'ajournement des débats.
Je suis convaincu que ces gens sont tellement inconséquents
qu'ils ne donneront même pas leur appui à la motion du
député de Saint-Louis. Ils ne donneront même pas leur appui
à la motion d'ajournement du député de Saint-Louis parce
qu'ils ne veulent pas tous passer pour ridicules. Qu'il y en ait un qui soit
plus ridicule que les autres, cela va. C'est acceptable dans ce parti. Mais ils
ne veulent pas se ridiculiser complètement. Demain, cela va être
beau à voir dans les journaux, d'avoir battu la motion en moutons, d'une
façon répétitive...
Des voix: En caribous...
M. Gendron: ...en caribous, si vous aimez mieux cette expression,
sans aucune analyse des motifs pour lesquels j'avais demandé d'avoir un
peu d'attention de leur part et sans considérer que ce n'est pas
à 3 h 30 ou à 4 h 30 du matin qu'on peut
discuter d'un projet de loi aussi important. Je suis convaincu que le
député de Saint-Louis ne trouvait pas mes arguments convaincants
puisqu'il a senti le besoin de voter contre. Quelques secondes après,
peut-être parce qu'il veut voir son nom dans le journal, peut-être
que c'est la première fois qu'il utilise son droit de parole en cette
Chambre depuis des semaines, il propose à nouveau l'article 100 de notre
règlement qui prévoit l'ajournement d'un débat.
Je peux vous dire que si on avait affaire à des gens un peu plus
responsables, je serais d'accord pour l'ajournement des débats, puisque
c'est ce que j'ai proposé tantôt. Je le dis également
à l'ensemble des Québécois et des
Québécoises qui nous écoutent: Je veux avoir de la
continuité dans la motion d'ajournement. J'étais d'accord
tantôt, puisque je l'ai moi-même présentée. De ce
côté-ci, nous allons voter pour la motion d'ajournement. Je peux
me fier sur mes collègues parce qu'ils vont être assez
sérieux pour m'appuyer, ce que le député de Saint-Louis
n'aura pas. Le député de Saint-Louis ne pourra pas avoir l'appui
de ses collègues dans la farce monumentale qu'il vient de faire de ce
Parlement.
En ce qui me concerne - cela fait quand même dix ans que je suis
dans ce Parlement - c'est sûrement un précédent. Je suis
content qu'il soit créé par un membre de l'équipe
ministérielle pour montrer que tout peut être utilisé pour
caricaturer une situation qui, en soi, était déjà assez
caricaturale, M. le Président.
Je pense que c'était assez caricatural, en soi, de faire
travailler les parlementaires à 3 h 30 sur supposément un projet
de loi sérieux. Encore là, on aura perdu, pendant quelques
minutes, ce temps de la Chambre pour ridiculiser une situation qui
mériterait d'être prise un peu plus au sérieux, parce que,
si on a prévu cette disposition dans le règlement, ce n'est
sûrement pas, après avoir battu une motion d'ajournement, pour en
présenter une autre tout de suite, que ses collègues n'appuieront
même pas. C'est important de vous le signaler. On va les laisser
s'amuser. Nous, on est prêt à travailler, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, sur une
question de règlement?
M. Gratton: Oui, M. le Président, une demande de
directive. Est-ce que, en vertu de l'article 101, qui dit que l'auteur de la
motion, le député de Saint-Louis, et un représentant de
chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de dix minutes, je
pourrais, au nom du gouvernement, à titre de représentant de mon
groupe parlementaire, m'exprimer sur la motion?
Une voix: Certainement.
Le Vice-Président: Effectivement, au sens de notre
règlement, puisqu'on dit que l'auteur de la motion et qu'un
représentant de chaque groupe parlementaire ont également un
droit de parole de dix minutes, vous pouvez utiliser un droit de parole de dix
minutes, comme représentant du gouvernement à ce moment-ci.
M. Gratton: M. le Président, je n'utiliserai pas le...
Le Vice-Président: M. le député
d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: Sur la même question de directive, j'aimerais
que vous soyez un peu plus précis. À moins que je ne sache plus
lire, ce qui est possible à cette heure, il est clairement
indiqué que l'auteur de la motion et un représentant de chaque
groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de dix minutes. Un instant,
M. le Président, je voudrais avoir une précision. Il me semble
que la première fois que j'ai présenté la motion
d'ajournement, vous ayez clairement expliqué à cette Chambre que,
comme proposeur, j'avais dix minutes de temps d'expression, un membre de
l'équipe ministérielle avait dix minutes aussi et j'avais un
droit de réplique de cinq minutes. C'est vous, comme président,
qui avait indiqué, à la première fois que cette motion a
été utilisée, que nous avions, de chaque côté
de cette Chambre, pour nous exprimer, dix minutes de droit de parole et cinq
minutes comme droit de réplique.
Que je sache, puisque le proposeur a été le
député de Saint-Louis au nom des ministériels, il a agi
comme représentant du gouvernement dans cette motion. S'il n'a pas voulu
utiliser son droit de parole de dix minutes, c'était son droit, mais ce
n'est plus transférable à un autre membre de l'équipe
ministérielle, à l'intérieur de cette même
période de dix minutes. En conséquence, s'il y en a un qui doit
parler de la motion, puisque le temps du premier représentant du
gouvernement est écoulé, c'est le proposeur, dans son droit de
réplique et non pas un autre membre du gouvernement.
Le Vice-Président: Très bien. Là-dessus, M.
le député d'Abitibi-Ouest, je reconnais que vous avez dit
tantôt comme proposeur que vous aviez un droit de parole de dix minutes
comme le leader du gouvernement ou que quelqu'un de cette formation politique
avait un droit de dix minutes et que vous aviez une réplique de cinq
minutes. Mais j'aurais dû ajouter également que quelqu'un d'autre
de votre formation politique avait également un temps de parole de
dix
minutes, ce que je n'ai pas fait à ce moment.
Mais si quelqu'un s'était levé pour me demander la parole,
j'aurais dû le reconnaître, puisque, en vertu du règlement,
il est clairement stipulé que l'auteur de la motion a un temps de parole
de dix minutes et que le représentant de chaque formation a un droit de
parole de dix minutes. À ce moment, on ne peut présumer de la
solidarité de l'ensemble d'un groupe parlementaire avec celui qui
propose la motion, même s'il est de son groupe.
Donc, je dois vous aviser également qu'on m'informe qu'il y a,
d'ailleurs, des précédents. J'entends, à ma gauche,
quelqu'un qui me confirme cette chose, qu'il y a déjà eu des
précédents en cette Chambre à ce sujet et je parle
évidemment de celui qui me le confirmait, de l'ancien
vice-président de l'Assemblée.
M. le leader du gouvernement, vous avez un droit de parole de dix
minutes si vous voulez l'utiliser.
M. Charbonneau: Sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Sur une question de règlement
auparavant, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Étant donné que vous venez de
reconnaître que, dans les faits, à l'égard du
problème de l'ajournement, on a été privé d'une
période de dix minutes, est-ce que...
Le Vice-Président: Un instant, ah non! Je ne vous
laisserai pas argumenter là-dessus. Je n'ai nullement privé
quelqu'un d'un droit de parole. C'est simplement que, dans la
délimitation du temps, quand une motion d'ajournement du débat a
été présentée une première fois, j'ai
mentionné qu'en vertu du règlement, le député
d'Abitibi-Ouest avait un droit de dix minutes et qu'un porte-parole du
gouvernement avait également dix minutes et que, de toute façon,
M. le député d'Abitibi-Ouest avait un droit de réplique de
cinq minutes. (3 h 40)
Je n'ai évidemment pas mentionné l'autre période de
dix minutes pour votre formation politique. Vous pouvez peut-être dire
que c'est une erreur de ma part, mais je vous dirai que je n'ai privé
aucune personne d'un droit de parole. S'il s'était avéré
que quelqu'un de votre formation politique se lève, à ce moment,
pour demander la parole, j'aurai dû le reconnaître et je l'aurais
reconnu sur la foi des précédents antérieurs. Très
bien!
Donc, M. le leader du gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, je vous remercie et je
n'abuserai pas du temps de cette Chambre. Je vais simplement expliquer, M. le
Président, très brièvement, pourquoi j'entends inviter mes
collègues à voter contre la motion d'ajournement du débat
du député de Saint-Louis.
Je dirai d'abord, en réplique à ce que disait le
député d'Abitibi-Ouest, que c'est la première fois que
cela se passe comme cela ici à l'Assemblée nationale, que le
député de Rivière-du-Loup, M. Boucher, avait fait
exactement la même chose au cours d'un débat qui - je ne me
rappelle pas l'occasion - devait être du type de celui qu'on
connaît actuellement.
Une voix: Est-ce que c'était un péquis-te?
M. Gratton: Oui, c'était un député
pé-quiste, Jacques Boucher, de Rivière-du-Loup...
Une voix: Jules.
M. Gratton: ...Jules, pardon! Il avait fait la motion
d'ajournement du débat, à la demande du leader ou du leader
adjoint du gouvernement à ce moment. Il s'était trompé
effectivement parce que le représentant du gouvernement ne lui avait pas
expliqué le pourquoi de la motion. Le pourquoi de la motion, pour ceux
que cela intéresse, est simple. Je vais laisser le député
de Saint-Louis l'expliquer parce qu'il n'y a personne qui a dû expliquer
au député de Saint-Louis ce qui se passait.
C'est lui-même qui est venu me voir et qui m'a souligné que
cette motion d'ajournement du débat, qu'on retrouve à l'article
100, pourrait possiblement être faite une deuxième fois, puisque
le débat tombait maintenant sur l'adoption du principe, par
l'Opposition, à une heure qui pourrait se situer entre 3 h 45 et 10
heures, qui est l'heure de la reprise de la prochaine séance de
l'Assemblée.
Il soupçonnait que l'Opposition ferait justement cela de
façon à déranger le plus grand nombre de personnes. C'est
lui qui m'a suggéré de faire la motion d'ajournement et que nous
la défaisions pour qu'ensuite on puisse vraiment passer au fond du
problème, c'est-à-dire à l'adoption du principe du projet
de loi 119.
Des voix: Bravo!
M. Gratton: M. le Président, je veux féliciter mon
collègue de Saint-Louis qui, après un an seulement de
parlementarisme, en sait déjà plus que l'ensemble de
l'Opposition. Je lui dis, M. le Président, qu'en votant contre sa motion
j'aurai le sentiment de reconnaître qu'il est un homme
d'équipe,
qu'il est un parlementaire qui ira loin, M. le Président, mais,
malheureusement pour lui, pas ce matin.
Une voix: Aussi loin que Harry Blank!
Le Vice-Président: M. le député de
Lévis, sur quoi? Est-ce sur une question de règlement?
M. Garon: Non, en vertu de l'alternance.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Vice-Président: Non! Je m'excuse, M. le
député de Lévis, il n'y a pas d'alternance à ce
moment-ci, c'est la réplique qui est prévue par le
règlement. Je demanderai votre attention, s'il vous plaît, pour la
réplique du député de Saint-Louis. Vous avez cinq
minutes.
M. Jacques Chagnon (réplique)
M. Chagnon: M. le Président, je suis désolé
que mon collègue d'Abitibi-Ouest n'ait pas saisi plus rapidement la
question que l'on vient de soulever. Il aurait pu la prendre positivement et se
dire: Le député de Saint-Louis a voté contre ma motion
d'ajournement croyant, de bonne foi, que mes collègues de l'Opposition
sont dans leur bureau à travailler même si l'heure est un peu
tardive.
J'ai tout à fait malheureusement constaté que les
collègues du député d'Abitibi-Ouest, non seulement
n'étaient pas dans leur bureau, non seulement n'étaient pas
à l'Assemblée, mais ils n'étaient pas disponibles pour
venir voter avec l'Opposition sur les deux motions que nous avons votées
antérieurement, à ce moment. Le député
d'Abitibi-Ouest aurait pu au moins considérer l'effet positif de la
raison pour laquelle j'avais voté contre sa motion d'ajournement.
Il est malheureux que nous n'ayons pu entendre le député
de Lévis. Je devrai me soumettre, encore une fois, probablement en
commission parlementaire, à un autre petit cours de procédure
parlementaire de la part de mon collègue de Lévis. Je le ferai de
bon gré. Mais, M. le Président, je tiens à
mentionner...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Chagnon: ...que la motion d'ajournement, si elle est battue,
fera que les travaux de cette Assemblée continueront jusqu'à
demain matin.
Le Vice-Président: M. le député de
Laviolette, sur une question de règlement.
M. Jolivet: Une question de directive.
Le Vice-Président: De directive, oui.
M. Jolivet: Est-ce qu'il est permis, M. le Président,
à quelqu'un qui a fait une motion de voter contre sa motion?
Le Vice-Président: Je vous dirai que c'est chacun... C'est
une question de directive et je peux vous répondre que, s'il a
été convaincu par les arguments contraires, il pourra voter
contre sa propre motion.
Donc, le débat étant clos, nous allons maintenant
procéder à la mise au voix de cette motion d'ajournement du
débat. On demande le vote enregistré. Qu'on appelle les
députés! (3 h 50)
Je prie l'ensemble des députés de bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît! Messieurs les députés, veuillez
vous asseoir, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons donc procéder à la mise aux voix de la motion
d'ajournement du débat présentée par le
député de Saint-Louis. Que ceux et celles qui sont favorables
à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Chagnon (Saint-Louis), Perron
(Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon
(Lévis), Charbonneau (Verchères), Gendron (Abitibi-Ouest),
Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Paré
(Shefford), Claveau (Ungava).
Le Vice-Président: Que les députés qui
s'opposent à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Gratton (Gatineau), Mme Bacon
(Chomedey), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Côté
(Rivière-du-Loup), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), MM.
Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Johnson (Vaudreuil-Soulanges),
Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Cusano (Viau), Dauphin
(Marquette), Philibert (Trois-Rivières), Lefebvre (Frontenac), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin
(Gaspé), Cannon (La Peltrie), Lemire (Saint-Maurice), Rivard (Rosemont),
Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides),
Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane), M. Séguin
(Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger
(Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent
(Sauvé), Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx),
MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière),
Mme Cardinal (Châteauguay), MM. Després (Limoilou), Forget
(Prévost), Gardner (Arthabaska), Gobé (Lafontaine), Laporte
(Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Hains (Saint-Henri), Houde
(Berthier), Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc
(Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux
(Vanier), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet),
Thérien (Rousseau), Saint-Roch (Drummond).
Le Vice-Président: Y a-t-il des abstentions? Aucune
abstention.
Le Secrétaire: Pour: 12
Contre: 59
Abstentions: 0
Le Vice-Président: Donc, la motion est rejetée.
À ce stade-ci, nous allons maintenant poursuivre le débat sur
l'adoption du principe...
M. Charbonneau: M. le Président, question de
directive.
Le Vice-Président: Question de directive, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Serait-il possible à ce moment-ci de
demander au leader du gouvernement de nous indiquer quels sont les
députés qui sont sur le "shift" de nuit de l'autre
côté, pour savoir avec lesquels on va travailler?
Le Vice-Président: Un instant! Ce n'est évidemment
pas une question de directive. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous
poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 119,
Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction. À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au
député de Saint-Louis, qui peut poursuivre son intervention s'il
le veut pour la durée maximale de 20 minutes. M. le député
de Saint-Louis.
M. le leader du gouvernement? M. le député de
Saint-Louis.
M. Chagnon: M. le Président, je pense que le
député de Saint-Maurice doit débuter les travaux en
deuxième lecture.
Le Vice-Président: M. le député... À
ce stade-ci de la procédure, puisque vous avez demandé
l'ajournement du débat, si la motion est rejetée, nous devons
poursuivre les débats et, à ce moment-là, vous devez
vous-même commencer votre intervention. Si vous ne désirez pas.
L'heure aidant, vous devez vous-même poursuivre votre intervention,
plutôt, sur l'adoption du principe. Si vous ne la poursuivez pas, vous
perdez - à l'ordre, s'il vous plaît! - votre droit de parole.
C'est ce qui se passe généralement quand un député
demande l'ajournement du débat. Il peut reporter son intervention s'il
ne l'avait pas commencée. Dans votre cas, je vous avais reconnu comme
intervenant au débat sur l'adoption du principe. Vous avez
présenté cette motion à ce moment-là; donc, dans le
cadre de votre intervention, je vous reconnais sur le projet de loi 119.
M. Gendron: M. le Président.
Le Vice-Président: Un instant! M. le leader adjoint de
l'Opposition, sur une question de règlement.
M. Gendron: Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous
dire s'il avait pris la peine d'informer le député de cette
disposition?
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président: Un instant! Sur une question de
règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, une vraie question de règlement, M. le
Président. Est-ce que je me trompe quand je vous fais remarquer que vous
avez effectivement reconnu le député de Saint-Louis au moment
où vous rappeliez le débat sur l'adoption du principe? Mais je
vous rappelle, M. le Président, que le député de
Saint-Louis est intervenu sur une question de directive. Il vous a
demandé d'interpréter l'article 100 afin de savoir si, une motion
d'ajournement du débat ayant déjà été
présentée dans le cadre du débat sur la motion de report,
une nouvelle motion d'ajournement du débat pouvait être
présentée dans le cadre du débat sur l'adoption du
principe. Vous avez répondu que oui. Immédiatement, le
député a invoqué son intention de présenter la
motion d'ajournement.
M. le Président, je vous soumets donc très
respectueusement que le député n'intervenait pas sur le fond, sur
l'adoption du principe du projet de loi, mais sur une question de
règlement et qu'en faisant la motion d'ajournement il n'a pas
commencé son intervention.
M. Gendron: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M.
le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, sur la question de
règlement, je veux vous faire valoir bien simplement que le
déroulement des faits ne s'est pas passé comme le raconte le
leader du gouvernement. À la suite de la question posée par le
député de Saint-Louis sur une question de directive, lui
expliquant quelle était la signification de l'article 100 et de
l'article 101, vous avez
par la suite reconnu à nouveau le droit de parole au
député de Saint-Louis et, pour être en mesure de faire une
proposition d'ajournement du débat, il faut avoir la parole.
M. le Président, on ne peut, en cette Chambre, faire une motion
d'ajournement si on n'exerce pas son droit de parole. En conséquence, il
est clair que le député de Saint-Louis doit continuer de
s'exprimer, puisque, si vous lui avez permis de se référer
à l'article 101 sur l'ajournement du débat, c'est qu'il
prétendait avoir le droit de parole.
Le Vice-Président: Effectivement, M. le leader adjoint de
l'Opposition, je ne pourrais mieux exposer la situation que vous ne l'avez
fait, et c'est pour cette raison que, M. le député de
Saint-Louis, je vous avais reconnu dans le cadre du débat. Si vous
voulez faire votre intervention, vous devez donc la poursuivre
immédiatement. M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: M. le Président, je tiens tout simplement
à vous rappeler, comme en font foi les galées, que vous m'avez
effectivement donné la parole sur un point de directive qui était
l'article...
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Louis, un instant! Un instant: Je veux être bien clair. J'ai rendu
une décision. J'ai eu la perception du débat tel que je l'ai
entrevu et je dois vous dire que je vous ai donné la parole dans le
cadre du débat et, pour proposer une motion d'ajournement d'un
débat, il faut que vous ayez la parole sur le débat en question.
Donc, c'est clair et vous avez la parole en deuxième lecture à ce
moment-ci sur l'adoption du principe. Vous devez exercer votre droit de parole
ou le céder à un autre, et, à ce moment-là, le
perdre. À vous la parole.
M. Chagnon: Alors, M. le Président, je céderai mon
droit de parole.
Le Vice-Président: Très bien.
Une voix: Suivant!
(4 heures)
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président: Je reconnais à ce moment-ci, en
vertu du principe de l'alternance, Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Il est 4 heures.
C'est le 2 décembre. C'est donc le premier anniversaire de
l'élection de ce gouvernement.
Des voix: Bravo!
Mme Blackburn: J'entends les députés applaudir,
mais, pour cet anniversaire, j'ai la grande impression que les jeunes sont en
train d'enterrer leurs illusions, illusions de croire que ce gouvernement
tiendrait les engagements pris à leur endroit. C'est un anniversaire
plutôt sombre pour la jeunesse du Québec.
Tout à l'heure, j'écoutais le ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu nous dire qu'il déplorait le
fait que les principaux intéressés.» M. le
Président, est-ce qu'on peut demander au député de
Saint-Louis de quitter?
M. Chagnon: Pardon? Oui.
Le Vice-Président: Très bien, vous avez la parole,
Mme la députée, et je vous prierais de l'exercer.
Mme Blackburn: Tout à l'heure, le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu disait déplorer
le fait que les jeunes particulièrement intéressés par ce
projet de loi n'étaient pas en mesure de suivre les débats en
raison de l'heure tardive.
Je pense bien que ce n'est pas l'occasion qui a manqué à
ce gouvernement de prendre la décision de tenir ce débat à
des heures normales. Le leader adjoint de l'Opposition rappelait tout à
l'heure que durant la semaine du 4 octobre on a tenu six heures de débat
en Chambre, alors qu'il y avait place pour en tenir treize. On ne serait pas en
train de faire du travail de nuit - admettons qu'on n'est pas payé
à temps double comme députés - si ce gouvernement avait
planifié ses travaux de façon décente.
Ce gouvernement ne respecte aucun de ses engagements, à
l'exception de ceux à l'endroit des anglophones et des hauts
salariés. II ne respecte même pas l'engagement qu'il avait pris de
ne pas siéger dans de telles conditions. Cela ne surprendra personne.
À vous voir aller un an plus tard, je me dis que, lorsqu'on voudra
qualifier quelqu'un qui ne respecte pas ses engagements, dorénavant, on
n'aura qu'à dire un vrai libéral, et tout le monde aura
compris.
M. le Président, le projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction, est inacceptable,
tant sur la forme dans laquelle il a été présenté
que sur le fond, parce qu'il est improvisé, parce qu'on n'en a pas
mesuré les conséquences au moment de l'application et parce que
les principes de la loi que défend le ministre ne sont pas ceux qui sont
précisément contenus dans la loi. Il est improvisé parce
que, si le ministre était sérieux, si, effectivement, les
principes qu'il
dit avoir mis de l'avant se retrouvaient dans la loi, on retrouverait
des dispositions claires et précises qui permettraient de penser que les
jeunes auraient la priorité.
M. Jolivet: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Laviolette, sur une question de règlement.
M. Jolivet: Je m'excuse de déranger ma collègue,
mais nous n'avons pas quorum. Comme on vient de voter une motion pour
continuer, j'aimerais que les libéraux reviennent en Chambre.
Le Vice-Président: Donc, je calcule pour le quorum. Qu'on
appelle les députés, s'il vous plaît!
À ce moment-ci, nous avons quorum. Je rappellerais simplement aux
députés qui s'interrogent dans cette Assemblée
présentement que le quorum, pour un débat, consiste en 21
députés exactement, y compris celui qui préside, dans
l'Assemblée et non pas à l'extérieur de l'enceinte de
l'Assemblée. Quand le député de Laviolette a
soulevé cette question de règlement, il n'y avait pas le nombre
de députés requis en Chambre, effectivement. Si vous voulez
éviter cette chose, vous n'avez simplement qu'à être
présents en Chambre en tout temps lors des débats, sinon,
à chaque fois, je devrai appeller les députés.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le ministre nous a
dit encore ce soir, il l'a répété à maintes
occasions, que le projet de loi 119, selon lui, devrait ouvrir les
métiers de la construction aux jeunes travailleurs. Rien dans le projet
de loi ne nous permet de voir que les jeunes auront effectivement une
priorité d'embauche. Cependant, ce qu'on voit dans la loi, c'est
qu'à peu près n'importe qui, mais n'importe qui, pourra
dorénavant entrer dans la construction du moment où il a seize
ans et que quelqu'un lui garantit qu'il pourra travailler pendant 500 heures.
Voulez-vous me dire dans quelle mesure ce projet de loi assure un emploi aux
jeunes diplômés du Québec, aux jeunes diplômés
de nos écoles polyvalentes, diplômés dans les
métiers de la construction? Comment ce projet de loi peut-il
prétendre que ces jeunes auront une priorité d'embauche?
Le projet de loi est ainsi libellé que n'importe quel
travailleur, qu'il soit dans une entreprise s'il a une qualification pour
travailler dans la construction, qu'il soit en chômage temporaire, qu'il
soit en grève ou simplement en vacances d'été, n'importe
qui possédant les qualifications pourra dorénavant entrer dans la
construction.
J'entends le député de Saint-Maurice dire: C'est parfait.
Il ne tient pas tout à fait le même discours que le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu dit que cela ouvre les
portes aux jeunes au Québec. Est-ce qu'on va être obligés
de rappeler que c'est quelque chose que l'on appellerait trahir la confiance
des jeunes que de leur faire croire que cela leur ouvre la porte alors que
n'importe qui, y compris le professeur en vacances, va pouvoir
dorénavant entrer dans les métiers de la construction? Je ne vois
pas comment cette mesure-là peut donner de la place aux jeunes.
C'est ce que je trouve inacceptable parce que l'on continue à
entretenir la confusion. Au cours des années, à force de le
répéter, on a fini par faire croire à la population qu'en
ouvrant les métiers de la construction, en déréglementant
on créerait des emplois. C'est encore ce que l'on est en train de faire
ce soir. On est en train de dire aux jeunes: La loi 119 va vous faire de la
place et devrait créer des emplois. C'est faux. Vous le savez
très bien et vous êtes encore en train de tromper la population
jeune.
S'il y a quelque chose que je trouve détestable et
méprisable, c'est le fait de tromper la confiance que les jeunes ont
mise en vous.
Ce projet de loi ne garantit en rien que les jeunes trouveront une place
et qu'on donnera priorité d'embauche aux jeunes. L'Opposition estime
qu'en ce sens le projet de loi ne va pas suffisamment loin. Ce que l'on aurait
souhaité, c'est un projet de loi qui de façon certaine donne
priorité d'embauche aux jeunes diplômés des écoles,
que l'on introduise dans ce projet de loi ce que l'on appellerait une
disposition de discrimination positive. Dans ce sens-là, l'Opposition
est favorable à une telle disposition, mais ce n'est vraiment pas ce que
l'on retrouve dans ce projet de loi. N'importe qui va pouvoir dorénavant
entrer dans les métiers de la construction. Selon certaines analyses,
cela aura comme effet d'augmenter, de doubler et voire même de tripler le
nombre de travailleurs des métiers de la construction.
Qu'est-ce que cela donne aujourd'hui? Le revenu moyen des travailleurs
de la construction est de l'ordre de 18 000 $. On va le partager entre le
père et le fils. Cela va faire deux pauvres à 9000 $. C'est
très payant! (4 h 10)
Ce projet de loi n'aura pas pour effet de créer des emplois et ce
n'est pas ce gouvernement qui est en train de prendre des mesures pour en
créer. Cette année, au cours des huit premiers mois de
l'année, il s'est perdu 3000 emplois à temps plein chez les
jeunes, alors que l'Ontario, à qui aime
bien se comparer ce gouvernement, en a créé 22 000, soit
une différence de 25 000 emplois pour les jeunes. On ne parle pas
d'emplois généraux, on parle d'emplois pour les jeunes. Ici, ils
en ont perdu 3000. Le gouvernement a, à toutes fins utiles, gelé
les projets d'immobilisation et de construction. Ce n'est pas comme cela qu'on
va créer des emplois dans la construction. Donc, ce gouvernement est
encore en train de tromper les jeunes en leur laissant croire qu'ils auront une
place dans la construction et en leur laissant croire qu'en
déréglementant on crée des emplois.
Actuellement, il y a environ 120 000 travailleurs de la construction
dont 65 000 à 66 000 sont actifs. Ce gouvernement fait également
croire à la population que les métiers de la construction sont
fermés. Pourtant, au cours des huit premiers mois de l'année il
en est entré 5818 exclusivement du côté des nouveaux
apprentis. On peut postuler que les nouveaux apprentis, ce sont davantage des
jeunes. Les apprentis qui ont été rappelés sont au nombre
de 4416. Cela veut dire qu'au cours des huit premiers mois de l'année
c'est 10 234 apprentis qui ont été soit rappelés ou
nouvellement engagés. Dans la classe A, 707 nouveaux appelés et
1954 rappelés.
Au total cette année, c'est plus de 12 800 personnes qui ont
été appelées, dans les huit premiers mois de
l'année, à rejoindre les rangs des travailleurs de la
construction. Que l'on essaie de faire croire à la population que
c'était complètement bouché, fermé pour les jeunes,
c'est faux. C'est faux et c'est tromper les jeunes, c'est tromper la
population. On essaie de faire croire que cette loi aura comme effet de donner
la priorité aux jeunes, c'est faux. Encore une fois, on est en train de
tromper les jeunes du Québec. J'espère que vous aurez la
décence de le leur dire quand ils iront vous voir, dans vos bureaux.
On est en train d'essayer de faire croire aux jeunes du Québec
que déréglementer les métiers de la construction, cela
aura comme effet de créer des emplois, on est encore une fois en train
de tromper la population. Non seulement le projet de loi ne permet absolument
pas, je le rappelle, de privilégier l'embauche de jeunes travailleurs,
mais il ne protège pas non plus de l'abus d'employeurs plus ou moins
consciencieux.
Cela veut dire qu'un jeune travailleur de la construction pourra faire
500 heures puis ils le mettent de côté pour en prendre un autre et
ils recommencent comme cela constamment. Il n'y a rien dans ce projet de loi
qui empêche cela. Cela veut dire qu'on pourra s'organiser
dorénavant du "cheap labour" dans la construction. C'est juste ce que
cela veut dire.
Des voix: Oh!
Mme Blackburn: Cela veut dire que dorénavant on pourra
avoir des travailleurs à bas salaire constamment et en tout temps. Cela
se renouvellera au fur et à mesure qu'il y aura des gens qui accepteront
le système. Ce qu'on se prépare, ce sont des troubles sociaux. On
avait une relative paix sociale, mais le gouvernement est en train de la
menacer par cette loi, et de la menacer lorsqu'il s'agit des services externes
dans les hôpitaux, des urgences, des ambulances, lorsqu'il s'agit des
travailleurs des affaires sociales, lorsqu'il s'agit des jeunes qui ont
dû débrayer pendant je ne sais combien de jours pour amener ce
gouvernement à respecter un engagement pris sur le gel des frais de
scolarité.
Ce projet de loi, malgré ce que nous dit le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qu'il reçoit un
certain appui d'un certain milieu, d'un certain syndicat - on sait lequel -
malgré ce discours, on sait très bien que ce projet de loi n'est
pas accepté par les syndicats et qu'il menace la paix sociale.
On a vu, au cours de cette première année du mandat du
gouvernement libéral, plus de troubles, de débrayages, de
manifestations, de mécontentement qu'au cours des quatre
dernières années. Si quelqu'un l'a oublié, qu'on regarde
l'histoire du Manoir Richelieu, qu'on regarde l'histoire de Quebecair, qu'on
regarde l'histoire des manifestations des jeunes sur la colline parlementaire
et qu'on regarde l'histoire des débrayages. Il ne se passe pas de
journées ou presque pas de semaines sans qu'il y ait une manifestation.
N'est-ce pas la semaine dernière, si je ne m'abuse, que les personnes
handicapées ont dû venir manifester ici en Chambre contre des
compressions effectuées dans le budget pour adapter les services
à leurs besoins?
M. le Président, ce projet de loi vient encore jeter, si c'est
possible, du discrédit sur ce gouvernement. Si le député
de Taschereau...
M. Chevrette: L'homme aux biscuits.
M. Perron: Si le député de Taschereau veut parler,
il n'a qu'à prendre la parole.
Mme Blackburn: ...veut prendre la parole, M. le Président,
peut-être pourrait-il la demander?
Le Vice-Président: Effectivement, Mme la
députée de Chicoutimi. Je vais demander au député
de Taschereau et au leader adjoint de l'Opposition de ne pas discuter ensemble
et ils ne vous dérangeront pas, purement et simplement.
Vous avez la parole pour poursuivre votre intervention.
Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président. Si c'est
encore possible, ce projet de loi vient ajouter au discrédit de ce
gouvernement. J'entendais tout à l'heure les députés du
gouvernement applaudir au premier anniversaire. J'ai eu comme l'impression
qu'ils n'avaient pas lu les mêmes journaux que moi parce que le bilan qui
est fait par la presse écrite et parlée, et de façon quasi
unanime pour ne pas dire unanime - peut-être la presse anglophone avec un
peu plus de nuances - est extrêmement négatif. À moins que
vous n'ayez pas lu les journaux, je n'ai pas vu la même chose. Si vous
voulez, on peut en citer. Si vous voulez que je vous donne de bonnes raisons de
comprendre le bilan négatif qui est celui de ce gouvernement pour la
première année, je vous rappellerais que la parité de
l'aide sociale pour les moins de 30 ans, je n'ai pas l'impression qu'ils
l'auront pour Noël. On a bien donné, en déductions
d'impôt, 87 000 000 $ aux hauts salariés dans la province de
Québec comme cadeau de Noël l'an passé, mais je n'ai pas
l'impression qu'on donnera la parité aux jeunes assistés sociaux
cette année.
On a bien eu le gel des frais de scolarité, mais on a
accepté des frais afférents. Qu'est-ce que cela veut dire, les
frais afférents? Cela veut dire, cette année, environ 10 000 000
$ de plus que les jeunes étudiants des universités ont
été obligés de payer. Les prêts et bourses, on
promettait 30 000 000 $ d'amélioration et on a coupé de 24 300
000 $. On a trompé les jeunes de l'équivalant de 54 000 000 $,
alors qu'on en donnait 87 000 000 $ aux riches dans la province de
Québec.
Quant aux emplois pour les jeunes, on a réussi, en une seule
année, même pas une seule année mais huit mois d'une
année, selon Statistique Canada, à perdre 3000 emplois à
temps complet pour les jeunes alors qu'on est en pleine reprise
économique. Il faut le faire! Pour un gouvernement qui s'était
donné comme priorité des priorités la jeunesse, comme
résultat, il faut le faire!
On nous avait également dit: Fini les fins de session
irresponsables où on siège jour et nuit. Et là j'ai
l'impression que ce sera et tout le jour et toute la nuit. Parce que, si j'ai
bien compris le jeu tout à l'heure, on devrait se rendre à 10
heures demain matin jusqu'à l'ouverture de la prochaine
séance.
Ce projet de loi ne donne aucune garantie aux jeunes, contrairement
à ce qu'on essaie de nous faire croire, et je trouve irresponsable et
extrêmement méprisable qu'on entretienne encore aujourd'hui et ce
soir cette illusion chez les jeunes. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Saint-Maurice.
Des voix: Bravo! (4 h 20)
M. Yvon Lemire
M. Lemire: M. le Président, en tant que membre de
l'Assemblée nationale, député du comté de
Saint-Maurice et adjoint parlementaire du ministre du Travail, je suis
très heureux aujourd'hui de vanter les mérites de tous les
intervenants de l'industrie de la construction. Étant moi-même un
ex-constructeur qui a vécu 20 années dans le domaine de la
construction et étant aussi fils d'un ouvrier de la construction, ce
dont je suis très fier, je suis aujourd'hui très à l'aise
de pouvoir parler des 17 années de l'application de la loi 290.
Après une brève analyse, comme on l'a constaté cette nuit,
à 4 h 25 ce matin, le 2 décembre, cela fait déjà un
an que notre gouvernement a pris le pouvoir, que ce nouveau gouvernement est au
pouvoir. Depuis ce temps, la confiance s'est implantée au
Québec.
À partir d'indices que nous possédons au ministère,
il est possible de prévoir cette année que le nombre d'heures
travaillées va atteindre 91 000 000 comparativement à 84 000 000
l'an dernier, soit une hausse de 7,7 %. Cette situation est des plus
encourageantes et est attribuable, comme je le disais tantôt, au retour
d'un climat social et économique plus sain qui incite les investisseurs
à venir s'implanter ici au Québec. Â titre d'exemple, comme
nous l'avons constaté cette année, les investissements
créateurs d'emplois ont connu, cette année, une hausse de 7 %,
alors qu'on avait prévu en janvier une augmentation de 3 %.
D'autre part, mentionnons aussi qu'en septembre la confiance revient. En
septembre, Statistique Canada indiquait que 32 000 emplois permanents avaient
été créés au pays, dont 29 000 l'ont
été au Québec. Après une année de pouvoir,
notre gouvernement réaffirme son intention de réaliser un des
engagements électoraux de notre formation politique dans le domaine de
la construction, soit l'abolition de la carte de classification le 31
décembre. Le ministre du Travail a mis sur pied un comité qui a
eu comme mandat de lui formuler des recommandations sur trois
éléments bien précis, bien que le député de
Joliette disait, la semaine dernière, que M. le ministre du Travail
n'avait pas consulté. Ainsi, le ministre du Travail avait demandé
que les membres du comité lui fassent part de leurs suggestions sur des
critères d'accès à l'industrie de la construction
basés sur la compétence, sur des mesures à prendre afin de
réaliser l'objectif de notre gouvernement qui consiste à
favoriser une plus grande participation des représentants syndicaux et
patronaux dans le programme de formation, afin que lesdits programmes
répondent aux
besoins du marché et, enfin, qu'ils proposent des solutions
d'application des sujets régis par le règlement sur le placement
qui s'inscriront dans la nouvelle politique d'accès à l'industrie
par la voie de la compétence.
Ce comité, rappelons-le, était formé des
représentants des sept associations patronales dont la FCQ, la
Fédération de la construction du Québec, des cinq
associations syndicales, des sous-ministres aux ministères de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du Travail et de
l'Éducation, ainsi que du président de l'Office de la
construction du Québec. Ces gens se sont mis rapidement à la
tâche. Ils ont accompli un travail exceptionnel.
M. le Président, malgré les critiques du leader de
l'Opposition, M. le ministre du Travail a consulté. Comme on le sait,
l'industrie de la construction au Québec est une des plus
réglementées, sinon la plus réglementée de toutes.
Elle est d'emblée beaucoup plus réglementée que la
même industrie ailleurs en Amérique du Nord. La centralisation
d'un régime aussi considérable qui implique tant de personnes, de
travaux, d'argent appelle inévitablement l'intervention
gouvernementale.
C'est ainsi que, depuis les 17 années que la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction est en vigueur, on
peut dire qu'il n'y a eu aucune négociation normale. Aucune entente n'a
été conclue normalement depuis 1970, et il y a eu six rondes de
négociation, sept si on inclut les négociations qu'on a
appelées la bataille de l'indexation, en 1974. De ces six ou sept
rondes, seulement deux se sont réglées autrement que par une loi
spéciale ou une intervention directe de l'État.
Une dernière ronde, celle de 1986, dans une situation et une
confiance économiques remarquables, s'est réglée par
négociation avec notre ministre du Travail. Même dans tous ces
cas, il y a eu intervention gouvernementale et souvent de différents
types. En ce sens, on peut dire que la libre négociation entre les
parties qui donne lieu à une entente intervenue librement n'existe plus
dans la construction depuis l'adoption du projet de loi 290.
En décembre 1968... Je voudrais faire une remarque au
député de Verchères, qui parlait sur la motion de report,
pour lui dire que, dans le domaine de la construction, c'est vrai qu'on a
évolué, mais que dans le moment on a de graves problèmes.
On a des problèmes. C'est pourquoi c'est nécessaire qu'à
l'heure actuelle on devienne plus compétent dans le domaine de la
construction. Le régime a apporté plusieurs avantages. On n'a pas
dit que tout était mauvais, mais il y a des corrections à
apporter présentement dans l'industrie de la construction. I y a eu de
bonnes choses. On peut souligner, par exemple, au cours des dix
dernières années, la transformation du climat de travail sur les
chantiers de construction. C'est vrai qu'on a pratiquement
éliminé tous les conflits de juridiction entre les
métiers, les conflits qui perturbent encore les chantiers de
construction partout ailleurs au Canada et aux États-Unis.
Le décret de la construction a introduit d'autres
rigidités dans le marché de la main-d'oeuvre et, indirectement,
dans le marché du produit. Nous en mentionnons deux aspects. Le
règlement de placement contrôle l'embauche des salariés et
limite l'accès à l'industrie de la construction et le groupe qui
souffre le plus de cette forme de discrimination est celui des jeunes. Par
ailleurs, le décret impose la parité salariale à
l'échelle du Québec même si le marché du travail et
le marché du bâtiment lui-même ne sont que locaux ou
régionaux. (4 h 30)
M. le Président, seule une concurrence véritable peut y
réintroduire, surtout dans les secteurs constitués de petites et
moyennes entreprises, un dynamisme dont l'industrie a besoin et une
créativité qui suscite de nouveaux types et de nouveaux modes de
construction. La loi 119 mettra fin aux injustices envers les travailleurs qui
sont capables de contribuer au développement de cette industrie, mais
auxquels il est défendu d'y accéder. Les estimations du travail
au noir, quant au travail illégal, ont varié au cours des
années, mais il est généralement admis à ce
moment-ci qu'une proportion d'environ 15 % à 25 % des travaux
théoriquement couverts par le décret se font légalement ou
non à des conditions de travail très différentes.
Je voudrais vous faire remarquer que présentement nous avons 15
000 membres inscrits à l'AECQ. Sur ces 15 000 membres il y en a 13 000
qui sont des employeurs. Les autres membres ne sont que des travailleurs
autonomes. Ce que je veux mentionner, sur tous ces 13 000 membres, il y en a 70
% qui sont des entrepreneurs généraux dans le secteur
résidentiel. Il y en a 36 % qui ne sont ni incorporés, ni
inscrits. C'est un peu pourquoi le secteur où ce non-respect, par
rapport à ces statistiques, se retrouve principalement est celui de la
construction d'habitations. C'est ainsi que l'artisan qui exécute seul
des travaux pour une personne physique, le plus souvent à sa
résidence, n'est pas assujetti à la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction et, par conséquent, n'est
pas assujetti au décret. Dans une autre perspective, il est clair qu'une
bonne partie de la construction résidentielle effectuée en dehors
des villes échappe, pour une très grande part, à la
surveillance des inspecteurs de l'OCQ et que, déjà, les lois du
marché y déterminent les conditions de travail. En somme, une
partie importante de la
construction résidentielle est déjà dans les faits
déréglementée.
Nous sommes convaincus qu'il faut ramener le jeu de la concurrence dans
tout le secteur, en particulier dans la rénovation des habitations et
même dans toutes les constructions résidentielles de faible
envergure, sans oublier la réparation et l'entretien. Des efforts
devront être faits. J'énumère de nouveau quelques
statistiques du ministre du Travail pour vous dire que, pour former un
charpentier menuisier, cela prend sept ans et demi, pour former un peintre,
cela prend neuf ans et trois mois, pour former un maçon, cela prend huit
ans et quatre mois. M. le député de Shefford, M. le
député de Joliette, M. le député de Bertrand, Mme
la députée de Chicoutimi...
Une voix: Tous absents.
M. Lemire: ...je dois vous dire, par une explication bien
précise, pourquoi il faut revenir à la compétence dans le
domaine de la construction. En 1985, on posait 1000 briques pour 400 $ les 1000
par des entrepreneurs en maçonnerie dans toute la province. En 1986, le
printemps passé, l'été passé, on posait de la
brique à 800 $ les 1000. Savez-vous qu'un petit bungalow de 8000 briques
avec un garage, cela coûte 3 200 $ de plus en 1986, parce qu'on n'a pas
la compétence qu'il faut? C'est vrai, vous allez me dire: II y a des
jeunes qui sont entrés sur le marché du travail. Oui. À
l'OCQ, il y a des apprentis qui sont inscrits, mais ceux-ci n'ont pas la
compétence. Ces jeunes posent 100 briques, 200 briques par jour au lieu
de poser 500 à 600 briques. Donc, l'entrepreneur en maçonnerie
contrôle la main-d'oeuvre dans le domaine de la maçonnerie. Vu
qu'il y a un manque de main-d'oeuvre dans le domaine de la maçonnerie
avec le vieillissement de la main-d'oeuvre, avec l'âge qui est à
44 ans, savez-vous ce qui se produit présentement au Québec, M.
le Président? M. le député de Joliette est absent. Il
faudrait qu'il retourne sur le marché de la construction pour aller voir
ce qui se passe. J'étais au colloque de la Fédération de
la construction au Palais des congrès quand M. le député
de Joliette a parlé pendant vingt minutes. M. Jean Cournoyer a
parlé durant vingt minutes. M. le député de Joliette a
dit: Ce sera l'anarchie. Après quelques explications, M. Jean Cournoyer
de répondre: Cela fait sept ans que j'ai décroché du
domaine de la construction. Cela se peut que je ne sache pas ce qui se passe
dans le domaine de la construction. Bien, je dirais à M. Jean Cournoyer,
ainsi qu'au député de Joliette, qu'ils devraient revenir voir ce
qui se passe dans le domaine de la construction. On a un manque de
main-d'oeuvre compétente, mes amis.
Une voix: Exactement.
M. Lemire: Vous savez, en 1985, il s'est posé et il s'est
livré 400 000 000 de briques en Ontario, de la brique d'argile.
Savez-vous combien il s'en est livré au Québec? On a livré
100 000 000 de briques d'argile seulement au Québec. Pourquoi? Parce
qu'on a un manque de compétences. L'augmentation du prix de la pose de
la brique fait qu'au Québec, présentement, les
Québécois n'ont pas le privilège de se faire construire
une maison en brique de leur choix. Le problème de nos
compétences s'amplifie. Cela s'amplifie toujours avec les années.
C'est pourquoi le ministre du Travail veut mettre au point un système de
formation modulaire et y intégrer, en adoptant des mécanismes
d'évaluation et de reconnaissance des compétences acquises, le
ministère de l'Éducation, le ministère de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu et les gens du milieu de la
construction. Il est temps que ces gens reprennent le pouvoir qu'ils ont perdu.
Depuis quelques années, depuis neuf ans, on choisit les employés
de la construction par ordinateur. Le 31 décembre, il sera fini ce
temps.
Une voix: C'est vrai, cela.
M. Lemire: Les gens du milieu de la construction, M. le
Président, s'assureront d'une relève compétente et
polyvalente répondant à l'évolution du marché du
travail dans ce secteur névralgique de notre économie. J'invite
le député de Laviolette à voter avec moi en faveur du
projet de loi 119 et, si le député de Laviolette a besoin de
conseils, cela me fera plaisir d'aller passer une demi-heure à son
bureau pour lui expliquer quels sont les problèmes que nous avons dans
la rentabilité des entreprises de construction parce qu'on n'a pas les
compétences dont nous aurions besoin.
En terminant, ce que nous souhaitons, ce que je souhaite, c'est
d'éliminer, M. le Président, la surprotection, de donner la
liberté et la chance à tous, principalement à nos jeunes
qui sont capables de le faire, de travailler et de contribuer au
développement de cette industrie qui nous est si chère. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: M. le Président, ce qu'on entend dans cette
Chambre, ce n'est pas possible! Lorsqu'on vient d'écouter le
député de Saint-Maurice, un ancien entrepreneur, qui est
peut-être toujours entrepreneur, parler de la façon dont il le
fait, tout ce qu'il a en vue - je dis bien tout ce qu'il a en vue -
c'est le signe du dollar, le signe de piastre. Tout ce qu'il a en vue,
c'est de faire de l'argent et, très souvent, de faire cet argent sur le
dos des travailleurs de la construction. (4 h 40)
M. le Président, cet ancien entrepreneur a parlé de
consultation du ministre du Travail en rapport avec les instances des milieux
de travail, c'est-à-dire l'AECQ, les représentants syndicaux et
tout ce qui représente le patronat. En plus, il a parlé de la
compétence des travailleurs de la construction. Ce que je retiens de ce
qu'il a dit, c'est qu'il a à peu près blâmé les
travailleurs actuels de la construction en ce sens que ces derniers
étaient actuellement des incompétents. Je peux l'assurer que le
message qu'il a livré dans cette Chambre sera communiqué
auprès des travailleurs de la construction de mon comté de la
Côte-Nord et de l'ensemble du Québec, je vous en passe un papier.
Deuxièmement, lorsqu'il a mentionné que pendant dix ans le climat
social au Québec était à son meilleur dans le domaine de
la construction et lorsqu'il a mentionné qu'il y avait de nettes
améliorations à certains niveaux en ce qui concerne le
règlement de placement et en ce qui concerne la loi 290, comment se
fait-il qu'il endosse le projet de loi 119 que nous avons devant nous ici, Loi
modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction, pendant qu'il a vanté tout ce système que nous
avions au cours des dernières années?
M. le Président, je sais très bien par expérience
et par la formation syndicale que j'ai eues au cours de plusieurs
années, lorsque j'étais sur le marché du travail à
Hydro-Québec et dans d'autres domaines aussi, que ce qui est en train de
se passer en cette Chambre, cette nuit, à 4 h 45 du matin, si ce projet
de loi est endossé tel qu'il est actuellement c'est-à-dire la loi
119, va possiblement - j'espère que non - créer dans les
prochains mois, sinon dans la prochaine année, des problèmes
sociaux énormes dans les milieux de la construction. Vous, les
entrepreneurs, vous, les libéraux, qui êtes financés,
justement, par la grande majorité des entrepreneurs et des patrons du
Québec, si vous ne faites pas attention vous allez vous apercevoir de ce
qui va se passer éventuellement sur les chantiers de construction. On
retournera à ce qu'on a connu entre 1970 et 1976, à des choses
que j'ai vues dans mon comté et dont je vais vous parler tout à
l'heure. C'était le gouvernement de Robert Bourassa qui était
là de 1970 à 1976. C'était, justement, ce même
gouvernement qui, à la suite des problèmes qui ont
été vécus à la Baie James dans la domaine de la
construction, a amené la commission Cliche dont faisaient partie mon
collègue de Joliette, l'actuel premier ministre du Canada, ainsi que
l'honorable
Robert Cliche. Je peux vous dire que, si l'on se donne la peine de
regarder ce qu'il y avait dans le rapport et ce qui en est ressorti,
c'est-à-dire la création de ce qu'on a appelé le
règlement de placement déposé dans la Gazette officielle
du Québec, le 30 septembre 1977, ce règlement a permis des choses
nettement appréciables en ce qui a trait à la construction.
Lorsque le député de Saint-Maurice vient parler des
coûts quand il parle d'une maison de brique, etc. - en tout cas, il a
mélangé tout cela - il oublie que c'était parfaitement
normal que les coûts de construction d'une maison ne soient pas
rattachés à la question du placement mais qu'ils étaient
plutôt rattachés au décret, à l'inflation et aux
augmentations salariales qui ont été apportées au cours
des quinze dernières années dans le domaine de la construction.
Il faudrait tout de même que les députés libéraux
soient honnêtes en cette Chambre et donnent l'heure juste en ce qui a
trait au domaine de la construction.
M. le Président, ici, je prends à témoin un article
du journal Le Devoir - que je sache, ce n'est pas n'importe quel journal pour
les libéraux - où c'est écrit - j'espère que cela
n'arrivera pas - textuellement ceci: FTQ et CSKl disent ne pas vouloir
retourner à l'anarchie, à la violence, à la corruption,
à la loi de. la jungle, qui ont pu exister avant la tenue de
l'enquête sur la liberté syndicale dans l'industrie de la
construction; exemple: la commission Cliche.
M. le député de Saint-Maurice et les autres
députés en cette Chambre vous ne vous rappelez peut-être
pas ce qui s'est passé dans le comté de Duplessis, mais
rappelez-vous lorsque les libéraux de l'organisation libérale du
comté de Duplessis - cela ne se passait pas seulement dans mon
comté, cela se passait dans l'ensemble des comtés du
Québec - vendaient des cartes de la construction dans des salons de
massage, dans des tavernes, dans des brasseries à coups de 200 $ ou de
300 $. Le projet de loi 119 que nous avons en face de nous actuellement va
permettre cela. Cela va être des organisateurs libéraux qui vont
en profiter et cela va être des gars de l'OCQ et peut-être des gens
qui sont actuellement dans les bureaux de l'OCQ dans mon comté qui vont
en profiter et qui vont faire exactement cela. Je vous en passe un papier que,
si vous avez ce problème, ce sera vous qui l'aurez créé;
ce ne sera pas nous, de l'Opposition, à l'Assemblée nationale.
Vous pouvez être sûrs de cela.
Si l'on veut parler du règlement de placement, je peux vous dire
qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites depuis quelques
années sur le règlement de placement, particulièrement au
moment de la crise économique de 1982 et des quelques années qui
ont suivi. Beaucoup de
commentaires étaient fondés, j'en conviens, beaucoup
d'autres l'étaient passablement moins, j'en conviens aussi, faisant
appel à l'émotivité, au corporatisme ou encore à
l'idéologie. Tous ces échanges se sont traduits par des courants
de pressions politiques particulièrement fortes et ont amené le
Parti libéral à des engagements électoraux et à des
déclarations publiques particulièrement floues sur cette
question. Le ministre du Travail parle d'abolition du certificat de
classification. Le leader du gouvernement libéral, quant à lui,
annonce, en septembre, une loi abolissant le règlement de placement pour
cet automne. Le rapport Scowen, lui, propose l'abolition de tout le
règlement pour ne maintenir qu'un régime de qualification.
À mon avis, le dossier de la construction était mal parti.
Je continue, parce que je sens le besoin de dire quelques mots sur la
pertinence générale d'une réglementation en matière
de placement, d'embauche et de formation. D'abord, la relation
employeurs-employés dans la construction est très
spéciale, tout le monde le sait. Après chaque contrat, le
travailleur se retrouve techniquement en chômage. Dans les autres
industries, la relation est beaucoup plus stable. De même, beaucoup de
conventions collectives prévoient, en cas de mises à pied, des
priorités dans l'ordre de rappel et d'engagement des travailleurs.
Est-il donc si farfelu et si exagéré de vouloir tenter de
stabiliser la main-d'oeuvre dans la construction? Ce que vous êtes en
train de faire, vous, les libéraux, c'est justement, déstabiliser
la main-d'oeuvre dans la construction en créant un bassin qui va
peut-être être le double ou le triple au cours des prochains mois.
Je peux vous dire que c'est là que vous pouvez avoir un problème.
Lorsque vous vous vantez d'être des créateurs d'emplois et
d'être des personnes qui ont une ligne directe avec le Saint-Esprit en
rapport avec la création d'emplois chez les jeunes, je pense que ce
n'est pas dans la construction.
Bien sûr, il faut certaines ouvertures, comme on le
préconisait et comme on l'a fait au cours des dernières
années. Qu'on se rappelle qu'en 1985 il y a 17 000 jeunes qui sont
entrés dans la construction, qui avaient des diplômes et qui sont
devenus des apprentis. Qu'on se rappelle ce qu'a dit la députée
de Chicoutimi il n'y a pas si longtemps en cette Chambre, à savoir qu'en
l'espace de huit mois, dans la construction, il y a eu près de 12 500
nouveaux arrivants. Ce n'est pas une fermeture, le règlement de
placement actuel; au contraire, c'est une ouverture. Si vous voulez, dans votre
projet de loi, contingenter d'autres que les étudiants, je serais
peut-être d'accord pour travailler dans ce sens. Si vous voulez ouvrir
cela pour les étudiants, mais de façon honnête et
honorable, je serais peut-être d'accord pour examiner cela. Mais la
façon dont vous le faites dans votre projet de loi va amener au
Québec - encore une fois, j'espère que non - un climat social
perturbé dans le domaine de la construction et vous allez regretter
amèrement d'avoir adopté le projet de loi 119 tel qu'il est
libellé au moment où on se parle.
Lorsqu'on arrive, par exemple, au règlement de placement,
rappelez-vous les chiffres que je vais vous donner. Vous aimez les chiffres, on
va vous en donner. Le 30 septembre 1977, lors du dépôt dans la
Gazette officielle du Québec du règlement de placement dans la
construction, il y avait 253 000 personnes inscrites dans la construction et,
à ce moment-là, il y avait 140 000 personnes qui y travaillaient.
Le 1er juillet 1978, le jour de l'application du contingentement dans la
construction, on a vu des personnes qui sont disparues des rangs de la
construction, avec raison d'ailleurs, puisqu'il y avait 140 000 personnes
inscrites et qu'il y avait du travail pour 110 000 personnes. Aujourd'hui, au
moment où on se parle, au cours de 1986, il y a 117 000 personnes
inscrites dans la construction et il y a du travail pour 65 000.
Allez-vous, les libéraux, nous faire croire, à nous de
l'Opposition, et faire croire aux jeunes du Québec que l'ouverture
relative au règlement de placement, la porte de grange ouverte, va
permettre la création d'emplois chez les jeunes? La meilleure
façon de créer des emplois, c'est d'abord de faire en sorte que
les travailleurs de la construction qui sont actuellement inscrits aient des
emplois au cours des prochaines semaines. Cela, c'est votre travail. C'est vous
qui avez été élus le 2 décembre dernier, ce n'est
pas nous. Dieu sait comment, au cours des prochaines années, la
population du Québec va subir les conséquences de votre
élection du 2 décembre dernier. Dieu sait combien les
entrepreneurs, au cours des années 1970 à 1976, même
jusqu'au milieu de l'année 1977, ont vécu l'anarchie dans le
domaine de la construction. (4 h 50)
Mon collègue parlait d'anarchie; je vais vous en parler de
l'anarchie. Au cours des neuf dernières années où nous
étions au gouvernement, vous étiez dans vos pantoufles et vous
regardiez passer le train à ce moment.
Une voix: Vous avez vomi sur nous!
Le Vice-Président: Un instant, M. le député.
Le député qui avait la parole était le
député de Duplessis. Certains commentaires ont été
émis dans cette Chambre qui n'étaient pas dans le cadre du
débat. Je demanderais aux députés de respecter le droit de
parole des autres
personnes en cette Chambre et de ne pas intervenir. Par la même
occasion, M. le député de Duplessis, vous le savez fort bien,
lorsque vous faites une intervention en Chambre, vous ne devez jamais vous
adresser directement à un député ou aux
députés des autres partis ou même de votre parti en cette
Chambre. Je vous demanderais de faire votre intervention également selon
les règles de l'Assemblée pour éviter, justement, des
réponses indues au moment de votre intervention.
M. Perron: M. le Président, si vous me le permettez, par
votre intermédiaire, je voudrais dire à la députation
libérale que la grande majorité d'entre eux n'a pas vécu
l'anarchie des années 1970 à 1976, n'a pas vécu, non plus,
ce qui s'est passé, à certaines périodes qu'on a
très bien connues, à la Baie James et ailleurs sur les gros
chantiers, dans les grosses constructions que nous avions au Québec. Je
voudrais que vous passiez le message au député de Saint-Maurice
qui fait actuellement toutes sortes de simagrées et de grimaces au
moment où je parle; il va peut-être regretter cela dans les
semaines, les mois et les années qui viennent.
Ce gouvernement, au cours de la campagne électorale, a
passé son temps à faire des promesses en l'air. Je
considère même aujourd'hui qu'il a été élu
sur de fausses représentations. Je peux vous dire que cela va lui
être remis sous le nez au cours des prochaines années, bien plus
vite que ne le pensent les membres du Parti libéral de cette
députation. Je voudrais rappeler aux membres de cette Chambre, M. le
Président, en passant par votre intermédiaire, que j'étais
sur place dans différents dossiers où vous-mêmes, les
libéraux, de 1970 à 1976, aviez créé des
problèmes a cause de certains droits que vous donniez à certains
syndicats dont le 144 du temps, Dédé Desjardins inclus. Vous avez
peut-être une mauvaise opinion de Dédé Desjardins
aujourd'hui, mais vous en aviez une bonne dans le temps. Et qu'on se le
rappelle. Que chacun et chacune d'entre vous, les membres de cette Chambre, se
rappellent ce qui s'est passé au mont Wright, ce qu'on a baptisé
communément le feu du mont Wright. Qu'on se rappelle ce qui s'est
passé à cause, justement, de personnes qui avaient
été engagées, qui n'avaient aucune compétence dans
certains domaines quant à la sécurité. Qu'on se rappelle
les six personnes qui ont été tuées au silo du mont
Wright. Qu'on se rappelle cela. Ce n'est pas une question de compétence.
C'est parce que vous aviez le droit d'engager à peu près
n'importe qui, pour autant qu'il était du Parti libéral.
Une voix: C'est cela.
M. Perron: M. le Président, qu'on se rappelle ce qui s'est
passé dans la construction de SIDBEC-Normines, à Port-Cartier.
Qu'on se rappelle se qui s'est passé lors de la construction de l'usine
ITT à Port-Cartier. Qu'on se rappelle aussi ce qui s'est passé
aux 3 milles, lorsque vous étiez au gouvernement entre 1970 et 1976.
Quand on parle des 3 milles à Sept-Îles, on se le rappelle encore
aujourd'hui. On se rappelle que cette journée un certain organisateur
libéral, au mois de mai, était rentré dans une foule de
1000 personnes. Il faisait partie d'un certain réseau qui voulait
protéger le patronat. Il y a eu 37 blessés, il y à eu une
personne tuée, un certain M. Saint-Gelais. Rappelez-vous cela. Vous
allez peut-être regretter tous les gestes que vous posez aujourd'hui face
à cette loi que nous avons devant l'Assemblée nationale.
Lorsqu'on voit l'ensemble de la députation applaudir à des
changements radicaux qui nous arrivent en pleine face à
l'Assemblée nationale, à la suite de décisions qui ont
été prises, de promesses qui ont été faites
à un certain Maurice Pouliot, que vous connaissez très bien, le
président du syndicat provincial des métiers de la construction.
C'est un de vos "chums", vous le savez. C'est peut-être
éventuellement le futur président de la commission que vous
créez par la loi. C'est peut-être le futur président.
Le député de Saint-Maurice parlait de Jean Cournoyer. Il
était présent quand mon collègue a fait un discours devant
les membres du patronat. Je voudrais rappeler ceci aux membres de cette
Chambre, sous la plume de Jean-Jacques Samson qui n'est pas
particulièrement l'un de nos amis: "La réforme du ministre Pierre
Paradis dégage donc une odeur un peu suspecte pour le nez coloré
de Jean Cournoyer, ministre libéral de 1970 à 1976. M. Cournoyer
flaire des ouvertures au patronage." Plus loin: "M. Cournoyer reste très
sceptique face à l'argument de l'urgence d'ouvrir cette industrie
à une nouvelle main-d'oeuvre."
Si le domaine de la construction est si fermé, comment se fait-il
que 20 000 nouveaux travailleurs ont eu leur certificat durant la
dernière année, en 1985? Lorsqu'on vient nous dire, de l'autre
côté, que le marché de la construction est fermé aux
jeunes, lorsqu'on vient nous parler, de l'autre côté, de
l'incompétence des travailleurs, comme l'a fait en cette Chambre le
député de Saint-Maurice, je trouve vraiment regrettable qu'a ce
moment-ci, lors de ce débat sur une chose aussi importante, le
gouvernement libéral crée effectivement de la zizanie au moment
où on se parle et sème le germe de l'anarchie dans l'industrie de
la construction. Je dis bien "le germe de l'anarchie", en espérant que
cela va en rester là. Mais Dieu sait que, si ce projet de loi qui est
devant nous, à l'Assemblée
nationale, qui, dans les prochaines heures, sera en commission
parlementaire pour écouter des mémoires et par la suite à
l'étude article par article, est adopté tel que libellé,
je vous en passe un papier, des problèmes, ce ne sera pas seulement
vous, les députés libéraux, qui allez en avoir, mais ce
sera aussi l'ensemble de la population du Québec, l'ensemble du monde de
la construction. L'ensemble du monde de la construction, cela inclut les
entrepreneurs, cela inclut donc le patronat et aussi les travailleurs de la
construction; cela inclut des fonctionnaires qui travaillent actuellement
à l'OCQ, cela inclut aussi des fonctionnaires qui sont actuellement au
travail au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu et au ministère du Travail.
Je voudrais terminer, M. le Président, en vous disant ceci: Qu'on
se rappelle tout ce qui s'est passé lorsqu'il n'y avait pas de
règlement de placement, lorsque c'était simplement une carte de
compétence qui était émise par des patroneux; qu'on se
rappelle comment, à un certain moment, en 1976, un décision
électorale a été prise le 15 novembre et les gens qui
voulaient corriger tout ce qui se passait de malsain dans le secteur de la
construction ont su pour qui voter. Ils savaient très bien, en 1976,
qu'en tant que gouvernement, face aux travailleurs syndiqués de la
construction, nous, du Parti québécois, allions prendre nos
responsabilités. Nous les avons prises en 1977, face à la loi 45,
qu'on appelle la loi antibriseurs de grève. J'ai bien hâte de voir
ce que vous allez faire, de l'autre côté, avec la loi 45,
c'est-à-dire les articles 111 et suivants du Code du travail actuel;
j'ai bien hâte de voir cela.
M. le Président, je voudrais terminer en vous disant que je
trouve regrettable que les libéraux, que ce gouvernement nous ait
amené en cette Chambre le projet de loi 119, qui concerne les
travailleurs de la construction, qui est aussi mal fait, qui est aussi malsain
pour notre société et qui va, d'après moi, faire en sorte
non pas d'améliorer le climat pour les jeunes autant que pour les plus
vieux, mais qui va faire en sorte, justement, de ramener ce climat social que
nous avons connu au cours d'une période de 1970 à 1976, et cela,
je ne le souhaite pas. Merci.
Le Vice-Président; Je donne maintenant la
parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci. M. le Président, j'ai
écouté avec attention les paroles du député de
Duplessis. Je dois dire que j'ai trouvé que, parfois, il n'était
pas très loin d'un appel à la violence au Québec, ce que
je déplore fortement. Il est sur la mauvaise piste, il a
démontré qu'il n'a même pas lu le projet de loi puisqu'il a
parlé complètement hors du sujet. (5 heures)
Je veux, d'abord, féliciter le ministre du Travail d'avoir
présenté le projet de loi. Je peux vous dire que j'ai
été le président d'un groupe de travail sur la
déréglementation au Québec et le projet de loi 119 fait
partie de nos recommandations. Notre recommandation 65 allait exactement dans
le sens de ce projet de loi.
On a proposé une série de mesures qui vont même plus
loin que cela dans le domaine de la déréglementation de
l'industrie de la construction, une déréglementation presque
totale, échelonnée sur plusieurs années, pour retourner
cette industrie au régime normal de travail. Je dois dire qu'on a eu
l'occasion d'étudier cette industrie en profondeur. C'est une industrie
spéciale qui nécessite une attention spéciale.
Il faut - nous l'avons recommandé -amender le Code du travail et
la Loi sur les normes du travail avant de procéder à une
déréglementation plus profonde. Mais nous sommes persuadés
que c'est quelque chose qui peut se faire, qui doit se faire, et qui sera bon
non seulement pour l'industrie de la construction mais pour tout le
Québec.
Mais dans les quelques minutes qui sont à ma disposition, je veux
aborder deux questions précises qui sont soulevées
régulièrement, non seulement par le député de
Duplessis, mais par la plupart des députés qui ont parlé
de ce projet de loi du côté de l'Opposition.
La première revendication, la première déclaration
des députés de l'Opposition est dans le sens que ce projet de loi
va créer une instabilité sociale, un retour à la jungle.
Il y a plusieurs façons de le décrire et quelques-uns l'ont
décrit comme un retour à l'anarchie.
La deuxième constatation ou prétention de l'Opposition,
c'est que ce projet de loi ne créera aucun nouvel emploi. Je veux parler
précisément de ces deux points, parce que je trouve que c'est
important que les faits soient rectifiés.
Premièrement, examinons pour deux instants la question de
l'anarchie et du retour à la jungle. L'argument est le suivant: on est
bien réglementé aujourd'hui; la réglementation, la mise en
tutelle de l'industrie de la construction avait pour effet d'assurer la paix
sociale; et si on enlève ce contrôle total de l'industrie de la
construction, on risque de revoir M. Dédé Desjardins et le
saccage de la Baie James, qui est arrivé en 1974, revenir une
deuxième fois.
Cet argument, M. le Président, est basé sur l'idée
que les travailleurs et les patrons de l'industrie de la construction au
Québec sont une espèce de race à part, une
espèce
d'animaux sauvages qui ont besoin d'être contenus dans une cage de
réglementation par le gouvernement, qui ne sont pas comme les
travailleurs et les patrons dans les autres industries du Québec, qui ne
sont pas comme les autres industries de la construction dans les autres
régions de l'Amérique du Nord où cette
réglementation n'existe pas, mais à cause d'un certain
caractère ou de la personnalité de ces personnes, le gouvernement
qui les a mis dans cette cage en 1974 est condamné à les garder
dans la même cage pour l'éternité, parce qu'une fois qu'on
ouvre la cage, qu'on déréglemente un peu, ils vont retourner
à leur état de 1974.
Il est possible que ce soit vrai. Mais nous, du côté du
gouvernement et certainement nous, le groupe de travail qui avons
examiné la situation dans le projet de déréglementation,
nous ne sommes pas du tout persuadés que ce soit le cas.
Nous croyons plutôt que la situation de 1974 est arrivée
à cause de toute une série de mouvements socio-économiques
et culturels qui arrivaient à une certaine conjoncture qui a
créé une situation spéciale et que la violence ne fait pas
partie des travailleurs de la construction ni des propriétaires des
compagnies de construction. Cela ne fait pas partie de leurs moeurs; ils ne
sont pas comme ça.
C'était un accident socioculturel et économique des
années soixante-dix qui ne va pas se répéter. Et ces
personnes peuvent aujourd'hui être libérées de cette cage.
Le député de Duplessis et les autres députés de
l'Opposition seront très surpris de voir que ces personnes sont
parfaitement capables de se comporter d'une façon civilisée et de
se responsabiliser l'une envers l'autre, les propriétaires envers les
travailleurs et le contraire, sans la tutelle du gouvernement et d'une
façon normale dans tous les autres secteurs de l'économie du
Québec et je le répète, dans toutes les autres industries
de la construction en Amérique du Nord, sauf pour le Québec,
parce que le Québec est le seul territoire en Amérique du Nord
où l'industrie de la construction est sous tutelle gouvernementale comme
on le voit ici. C'est un pari que l'on fait. On croit profondément en la
responsabilité et la maturité de cette industrie.
Le député de Duplessis et ses collègues croient que
ces groupes sont toujours dans un état sauvage et que nous avons la
responsabilité de les garder en cage. Nous faisons le pari que nous
avons raison. Je peux vous dire qu'après avoir étudié la
question à temps plein, pendant six ou sept mois, je suis
persuadé que vous verrez que c'est nous qui avons raison dans cette
affaire.
La deuxième et la dernière question que je veux soulever
est celle de la création d'emplois. Plusieurs députés de
l'Opposition ont dit: Votre projet ne créera aucun nouvel emploi.
Quelques-uns ont dit: Ce sont les fils qui prendront le travail des
pères. Je pense que c'est la façon la plus courante de
dénigrer le projet de loi. Il est certain que ce projet de loi n'est pas
la solution à la création d'emplois au Québec ou
même à la création d'emplois dans l'industrie de la
construction. Mais pour toute personne qui a étudié un peu
l'économie, pour toute personne qui a suivi un peu les documents
produits ici au Québec par l'Université de Montréal et
l'Université Laval depuis plusieurs années, il est évident
que l'élargissement du nombre de personnes qui travaillent ou qui sont
disponibles à l'intérieur de cette industrie va augmenter le
nombre d'emplois indirectement et probablement assez rapidement. Je vais vous
expliquer pourquoi en deux mots. Premièrement, on parle de
compétence. L'idée derrière la prétention de
l'Opposition que les fils vont prendre la place des pères, c'est qu'ils
pensent que les fils seront probablement plus débrouillards, plus
énergiques et que, en conséquence, ils seront embauchés
plus facilement par les propriétaires que ceux qui sont un peu plus
vieux. Je n'en suis pas certain, parce qu'il y a aussi la question de
l'expérience et de la maturité. Il n'est pas du tout certain que
les jeunes seront favorisés.
Mais, de toute façon, on sait très bien que, si on
favorise la compétence dans une industrie, on doit normalement avoir une
productivité accrue. En conséquence, nous aurions, avec cette
productivité accrue, des coûts plus bas de construction. Quand les
coûts sont moins élevés dans une industrie où il y a
beaucoup de concurrence, et Dieu sait qu'il y a beaucoup de concurrence dans
l'industrie de la construction, puisqu'il y a des milliers de compagnies de
construction, aussitôt qu'il y a une baisse dans les coûts, vous
avez aussi très rapidement une baisse dans les prix. Des
économistes de l'Université Laval ou de l'Université de
Montréal vous diront clairement que, si vous avez une baisse dans les
prix des maisons, par exemple, au Québec, vous aurez une hausse dans la
demande des maisons.
Les économistes sont même capables de vous dire que, si
vous avez une baisse de 10 % du prix d'une maison vous aurez une augmentation
de la demande de tant de pourcentage. L'élasticité de la demande
d'un produit est quelque chose de connu de presque tout le monde qui
connaît un peu l'économie. Finalement, si vous avez une
augmentation dans le nombre de maisons vendues, vous aurez certainement une
augmentation dans le nombre de personnes qui travaillent dans l'industrie de la
construction. C'est une leçon qu'on apprend aux étudiants de Ire
année en économie. C'est connu un peu partout dans le monde.
Effectivement, l'élargissement du bassin du nombre de personnes
qui se font de la concurrence pour les emplois dans l'industrie de la
construction va avoir assez rapidement comme conséquence un
élargissement du nombre de personnes qui ont un emploi dans cette
industrie. Je prétends donc et je pense que je peux vous trouver
beaucoup d'expériences réelles et certainement beaucoup de textes
économiques à l'appui de mon argument. La création
d'emplois sera une conséquence inévitable de l'adoption du projet
de loi 119. (5 h 10)
M. le Président, en terminant, je veux simplement vous dire que
je pense que le gouvernement est justifié de l'adopter, et ce, avant
Noël. Cela fait huit ans qu'on a dit clairement à la population
que, si on était élu, on serait prêt à faire ce
changement. Le ministre du Travail a créé un groupe de travail
à l'intérieur de son ministère, qui a étudié
les détails pendant huit mois. La population est bien avertie de nos
intentions et l'industrie aussi. Je suis certain que tout le monde va profiter,
non seulement l'industrie de la construction, mais toute la population du
Québec, tous les consommateurs du Québec et certainement les
travailleurs dans l'industrie de la construction du Québec, de
l'adoption du projet de loi 119. Merci.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Maintenant, M. le Président, avant de
commencer mon intervention, est-ce que vous pourriez vérifier s'il y a
quorum?
Le Vice-Président: Très bien, M. le
député! À ce moment-ci, je dois constater que nous sommes
exactement 21 députés. Nous avons donc quorum.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je pourrais
peut-être commencer mon intervention par la fin de l'intervention du
député de Notre-Dame-de-Grâce quand il dit que le fait
d'adopter ce projet de loi va créer des emplois. C'est justement ce que
les gens essaient de dire à des jeunes: Si nous changeons le
règlement de placement, si nous enlevons la carte de classification, si
nous faisons... En fait, on les voit parler de différentes choses
à la fois pour embrouiller les pistes et finalement dire qu'ils ont une
intention, c'est de changer radicalement le règlement de placement. Mais
au profit de qui?
Ils ont l'intention de le faire en disant qu'ils vont créer des
emplois. Voyons donc! Est-ce que le fait d'adopter ce projet de loi ici ce soir
a pour but de créer des emplois?
Est-ce que le projet de loi n'est pas plutôt un moyen de
régler des problèmes d'entrepreneurs?
Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait, dans son
intervention, que le secteur de la construction est un secteur où,
depuis 1974, à cause des événements qui se sont produits,
sont arrivées des décisions gouvernementales pour faire un
décret, obligeant, par loi, par décret, selon certaines
circonstances, les relations du travail dans le secteur.
Il est évident que les gens sont capables de régler entre
eux leurs discussions quant aux conditions de travail par
l'intermédiaire d'une convention collective. Malheureusement, dans les
années qui ont précédé l'adoption du
règlement de placement, des événements majeurs au
Québec se sont produits, que personne ne veut voir se reproduire.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce dit que nous basons
notre argumentation sur l'hypothèse qu'il va y avoir de la casse. Ce
n'est pas vrai. Ce n'est pas ce que nous disons. Nous espérons, du
côté de l'Opposition, que cela ne se produira pas. Au contraire,
les gens sont matures, ils peuvent vraiment discuter, mais, dans certaines
circonstances, il faut encadrer l'ensemble du travail. Il n'y a personne qui va
nier ici, dans cette Assemblée, que des gens ne peuvent pas entrer sur
le marché de l'enseignement s'ils n'ont pas d'abord la compétence
et si, en plus de cela, ils n'ont pas aussi l'autre capacité qui est
celle d'avoir un emploi.
Il y a un contingentement qui existe et il y a beaucoup d'enseignants
qui voudraient entrer sur le marché et qui ne le peuvent pas, et
d'autres qui le font tout simplement à l'intérieur d'une banque
de rappel. Quand on est dans le secteur des affaires sociales, combien de
jeunes actuellement cherchent de l'emploi et n'obtiennent en fait que des
emplois occasionnels. Parfois cela prend un an, deux ans, trois ans avant
d'obtenir un emploi à temps plein.
Vouloir dire que le fait de changer le règlement de placement a
pour effet d'ouvrir le marché du travail aux jeunes, c'est les leurrer.
C'est ce que nous disons. Ce que nous disons à l'ensemble des
députés du pouvoir actuellement, c'est que quand ils
étaient dans l'Opposition, ils ont tenu un langage qui a amené
des décisions prises lors de la campagne électorale et qui
aujourd'hui nous amènent un document qui est un projet de loi. Ils
disent aux jeunes: si nous enlevons telle et telle chose nous allons vous
permettre d'entrer sur le marché du travail et nous allons créer
de l'emploi. C'est cela que nous dénonçons. Nous
dénonçons le fait que les gens au pouvoir aient dit, alors qu'ils
étaient dans l'Opposition et dans certains cas certains continuent
à le dire comme le
député de Notre-Dame-de-Grâce vient de le confirmer,
que le règlement de placement va créer de l'emploi.
Si nous avons un marché du travail qui peut contenir 100 000
personnes et que nous donnons des cartes à 200 000 personnes, qu'est-ce
qui va se produire? Est-ce qu'on va avoir créé plus d'emplois?
Non. On va avoir donné ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce disait tout à l'heure, la possibilité
de la concurrence. Mais la concurrence dans quoi? La concurrence pour enlever
le job de l'autre mais non pas la concurrence quant aux salaires et quant aux
conditions de travail. La concurrence dans ce secteur est
délimitée par la convention collective. Mais est-ce qu'on va dire
au jeune: Tu vas avoir un emploi? Ton emploi tu vas le prendre au
détriment de qui dans le fond? Au détriment de la personne
âgée qui est ton père, qui est ton oncle, qui est ton
cousin, qui est ton frère? Tu vas le prendre de quelqu'un puisqu'il y a
de la place pour 100 000 personnes et qu'il y en a 200 000 actuellement. Il y a
peut-être 125 000 personnes ou 130 000 personnes qui ont le droit de
travailler, comme disent les libéraux. Est-ce que les 70 000 personnes
qui vont s'ajouter vont avoir nécessairement un job? Non. Ils vont
devoir prendre la place d'une autre personne s'il n'y a de la place que pour
100 000 personnes.
Je pense qu'il faut dire la vérité telle qu'elle est. Si
c'est le fait d'avoir plus de travaux, le fait d'avoir des conditions -comme
les libéraux disent qu'ils sont en train de mettre sur pied - pour avoir
un climat qui va favoriser l'esprit d'initiative au Québec et qui va
favoriser une meilleure organisation du secteur du travail de la construction,
alors à quoi cela sert-il de changer le règlement si - comme ce
fut prouvé l'année dernière - 17 000 jeunes ont
trouvé de l'emploi dans le secteur de la construction? S'ils ont
l'intention de créer le mouvement pour que de plus en plus d'emplois
soient créés dans la construction à quoi cela sert-il de
changer: les jeunes vont avoir leur chance comme tout le monde. Mais à
quoi cela sert-il de mettre les germes qui pourraient être
potentiellement là pour créer des problèmes? C'est
régler les problèmes de qui?
Quand le député de Saint-Maurice vient parler - enfin un
gars de ma région - d'un sujet qu'il semble connaître, qu'il doit
connaître et que j'espère il connaît, je suis très
heureux, comme député régional, qu'enfin quelqu'un de ma
région vienne parler. Je le regarde et je me dis: Qu'est-ce que vous
défendez comme entrepreneur? Les ouvriers et les gens de la construction
qui ont rencontré les députés du caucus du Parti
libéral de ma région ont dit qu'ils étaient très
satisfaits du ministre de la région mais qu'ils étaient
très insatisfaits du député de
Saint-Maurice qui parlait comme un patron. Pour eux, il n'essayait pas
de les écouter, il essayait de s'écouter lui-même pour bien
voir si ce qu'il avait à dire représentait ce qu'il pense comme
employeur et comme entrepreneur. C'est cela dans le fond qu'il allait
présenter. Quand ce député vient nous dire que le
règlement de placement tel qu'il sera changé a pour but dans son
esprit à lui d'ouvrir le marché à plusieurs personnes, je
dis qu'il leurre les jeunes de notre région comme d'ailleurs. Le
règlement de placement, les amendements qui sont apportés par le
projet de loi vont créer des appétits chez des gens, qui,
malheureusement ont besoin d'autres sortes de promesses, des vraies promesses
d'emplois. Regardons l'ensemble de l'emploi au Québec cette
année. On disait dans les promesses du Parti libéral, que l'on
créerait 80 000 emplois par année pendant les cinq prochaines
années, c'est-à-dire 400 000 emplois. Qu'est-ce qu'on a fait
cette année? On va avoir de la misère à obtenir 50 000 ou
60 000 emplois. Dans la construction combien d'emplois vont être
créés cette année dans le contexte que nous avons de
dossiers qui ont été fermés? C'est ce qu'on appelle le
"phasing-out". Il y a eu la fermeture du dossier Corvée-habitation.
Corvée-habitation amenait du travail dans le secteur de la construction.
Corvée-habitation ne sera plus là. Combien d'emplois ont
été créés par Corvée-habitation? Combien
d'habitations ont été construites qui ont permis aux jeunes et
à d'autres d'être sur le marché du travail? (5 h 20)
Le député de Saint-Maurice parlait tout à l'heure
de la question des briqueleurs. Il disait que nous avons des gens qui demandent
800 $ pour 1000 briques posées. Dans le cas mentionné, il disait
qu'ils recevaient 400 $ pour 1000 briques posées l'an passé. Tout
d'abord, il y a une grosse différence; il va en convenir avec moi. La
seule chose qu'il ne faut pas oublier, ce sont les programmes Loginove, qui
sont maintenant devenus des PAQ et les programmes PAREL dans les milieux ruraux
qui vont revenir à l'ensemble du PAQ.
Le programme Corvée-habitation. Combien d'habitations ont
été construites avec une nouvelle technique autre que la brique?
Ce qui fait qu'il y a une demande du marché, ce qui fait que les
briqueleurs disent: Moi, je suis dans le secteur de la construction comme
briqueleur, mais je dois vous dire qu'il y a moins de maisons construites en
briques, il y a moins de rénovations qui sont faites avec des briques,
il y a maintenant des bâtisses qui sont construites avec d'autres
matériaux, ce qui provoque une sorte de demande dans un autre secteur
d'activité.
Le député de Saint-Maurice disait tout à l'heure
que les gens de la construction
sont des incompétents et il dit que ce sera basé sur le
principe de la compétence. Cela sous-entend - et je trouve malheureux
qu'on laisse sous-entendre ces choses - que les gens qui travaillent dans le
secteur de la construction sont des gens incompétents. Est-ce que le
député veut nous dire que les gens qui sont actuellement dans le
secteur de la construction, qui sont plus âgés, parce qu'ils ont
une certaine expérience, qui est aussi une forme de compétence,
il faut en convenir, puisqu'il parlait du nombre d'années que cela prend
pour rendre compétent un jeune soit comme briqueleur ou comme
menuisier-charpentier. Je pense que le député parlait de la
façon dont on doit permettre à des jeunes qui sont des apprentis
de devenir des gens de la construction avec une compétence acquise par
expérience en plus de celle acquise par des études.
Quand le député nous dit que le nouveau critère
sera celui de la compétence, j'ai des craintes. J'ai peur de penser
qu'il soupçonne les gens qui sont actuellement dans le secteur de la
construction d'être des incompétents. J'espère qu'il ne
pense pas comme cela mais, s'il le pensait, cela m'ennuierait
énormément.
Il y a des conditions, qui ont été celles des
années 1970 à 1976, qu'il ne faut pas négliger, qu'il faut
regarder comme étant des conditions découlant de graves
problèmes survenus sur les chantiers de construction au Québec.
Ce que les gens de l'Opposition veulent, ce que les gens de l'Opposition
espèrent, c'est que cela ne se reproduise plus. Ils ne veulent pas que
le projet tel que présenté amène ces conditions qui ont
été explosives. Le secteur de la construction est un secteur
très fragile, c'est un secteur qui demande qu'on le juge, qu'on le
regarde avec beaucoup d'attention. Il faut permettre aux gens d'avoir des
conditions de travail convenables, des conditions de salaire convenables.
Qu'a apporté au Québec le règlement de placement
tel qu'on le connaît? Il a permis à des gens qui ne devaient pas
être dans le secteur de la construction, c'est-à-dire les
professeurs de niveau technique dans la menuiserie,
l'électricité, le chauffage, de travailler sur des chantiers de
construction durant leurs vacances. C'était possible dans le
passé, personne ne pouvait les en empêcher, à condition
qu'ils aient les cartes nécessaires, leur permis de travail en
conséquence.
Il y avait aussi d'autres personnes: des pompiers, des policiers qui,
à cause de leur convention collective, à cause des
négociations qu'ils ont menées, ont eu des conditions de travail
qui ont fait qu'ils sont une partie du temps policier ou pompier et l'autre
partie du temps sur des chantiers de construction, dans leurs moments de
liberté.
D'autres personnes avaient aussi décidé d'être des
employés de compagnie, dans le temps où les compagnies
étaient prospères et florissantes. Ces gens-là
étaient soit à la Consol, soit à la Belgo, soit à
la CIP, soit dans des industries comme le textile, à l'époque,
pour faire ce qu'on appelait l'entretien normal: de
l'électricité, de la mécanique, du chauffage ou pour
l'ensemble des besoins d'une compagnie. Ces gens-là avaient choisi un
milieu de travail qui leur convenait, avec des horaires convenables, comme du 9
à 5, sans nécessairement avoir à se déplacer dans
l'ensemble de la province pour obtenir un emploi.
D'autres personnes avaient plutôt opté pour la construction
telle qu'on la connaît, avec les difficultés que cela comporte,
avec le fait que les heures de travail sont parfois difficiles, avec le fait de
s'éloigner de la famille pour aller sur des chantiers
éloignés, toutes sortes de conditions qui font que ces
gens-là avaient opté pour un secteur d'activité à
leur convenance, qui leur permettait de vivre selon des conditions
convenables.
Regardons ce qui s'est passé. On en a eu des échos. Ce
n'est pas pour rien que la commission Cliche a existé. Il y avait
effectivement sur les chantiers des batailles pour savoir qui était
responsable du chantier de construction comme organisme syndical ou autre. Dans
ce temps-là, des gens ont eu des sévices. Je pense que,
effectivement, la commission Cliche est venue nous montrer qu'il fallait
apporter les correctifs nécessaires et, en conséquence, amener
une tranquillité, une paix sur les chantiers de construction. Cela a
permis en même temps de faire en sorte que les gens qui étaient...
On les a appelés - peut-être à mauvais escient, dans
certains cas - les vrais travailleurs de la construction, c'est-à-dire
ceux qui vivaient de la construction. Il ne s'agissait pas de ceux qui avaient
une deuxième "job" dans la construction soit, comme je le disais tout
à l'heure, des enseignants qui, durant l'été, allaient
travailler sur les chantiers de construction ou des policiers, des pompiers ou
d'autres qui venaient des secteurs de l'industrie pour prendre la place de ceux
qui voulaient vivre convenablement de la construction.
Qu'est-ce que cela a apporté? Cela a apporté une
stabilité depuis 1977. Cela a permis aussi en même temps, au
niveau du secteur de la construction, de faire en sorte que des gens aient des
heures travaillées en plus grand nombre que dans le passé et des
conditions de salaire plus avantageuses que dans le passé. Est-ce qu'on
peut se permettre que cela change? Est-ce qu'on veut dire que maintenant le
patron pourra utiliser les moyens pour dire aux gens: Viens chez moi et
peut-être contourner par la bande la convention de la construction?
Est-ce que cela permettra à des gens de vivre
convenablement à des heures convenables en termes de nombre
d'heures pour l'année, en termes de salaire convenable?
Je pense qu'il faut se poser cette question. Il faut regarder le projet
de loi 119 comme pouvant justement causer des problèmes. Nous
espérons que cela ne causera pas ces problèmes-là. C'est
pour cela que des gens s'opposent à ce projet de loi et qu'ils demandent
que, lors de la commission parlementaire qui aura lieu jeudi et vendredi
prochains, le ministre écoute avec attention l'ensemble des gens qui
veulent venir lui dire que des problèmes pourraient être
causés s'il était adopté tel quel, que des changements
majeurs doivent y être apportés pour permettre justement aux gens
de la construction de vivre des conditions normales quant au salaire, quant aux
conditions de travail, quant au temps qu'ils pourront passer dans la
construction comme le règlement de placement a permis jusqu'à
maintenant.
Je réitère donc mon appel aux députés du
gouvernement de bien regarder avec attention ce projet de loi, de ne pas
écouter nécessairement le ministre ou ceux qui sont des
entrepreneurs actuellement en cette Assemblée et qui disent que cela
réglera les problèmes de la construction. Au contraire, je pense
qu'il y a des dangers que cela ne règle pas les problèmes dans la
construction. Au contraire, cela aggravera les choses parce qu'on aura fait
croire à des jeunes que, étant donné qu'on aura
changé le règlement, ils auront de l'emploi alors qu'ils se
réveilleront le lendemain matin en sachant qu'effectivement ils n'ont
pas d'emploi, pas plus qu'avant, que les conditions n'ont pas changé
parce que d'autres personnes qu'eux auront pris leur place et qu'en
conséquence tout le travail qu'ils auront fait jusqu'à maintenant
pour faire reconnaître leur capacité de travail aura
été vain puisque effectivement ce n'est pas ce que le projet de
loi 119 leur propose. Je vous remercie, M. le Président. (5 h 30)
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Mille-Îles.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention le député de
Laviolette intervenir sur le projet de loi 119. Malheureusement, relativement
au principe même du projet de loi, que j'ai lu, je pense, avec beaucoup
d'attention car je l'ai annoté en marge à plusieurs endroits, il
semble que l'Opposition n'ait pas fait son travail, le travail de base de bien
comprendre les principes fondamentaux du nouveau régime qui
régira bientôt les relations du travail dans l'industrie de la
construction. J'ai participé à une émission il y a
près de trois semaines où la question qui était
posée était de savoir si, avec le projet de loi 119, nous allions
retourner à la loi de la jungle dans l'industrie de la construction.
J'ai répondu, à cette émission radiophonique, que, selon
moi, non, et pour plusieurs raisons. D'une part, parce qu'il y a
responsabilisation des parties et je pense que c'est ce qui fait le plus peur
à toutes les parties dans le domaine de la construction, centrales
syndicales et partie patronale. Depuis X années, aussi loin que l'on
puisse retourner par rapport aux relations du travail - bien entendu, l'on
remonte jusqu'en 1968 et à la loi 290, alors que M. Bellemare pensait,
à cette époque, que la loi 290 allait régler tous les
problèmes de l'industrie de la construction, ce qui n'a pas
été le cas - on s'est retrouvé dans une situation
où les centrales syndicales d'un côté et la partie
patronale de l'autre côté ne se sont, à toutes fins utiles,
presque jamais parlé. Elles n'ont même jamais
négocié.
Les premiers articles du projet de loi 119, les articles 3, 3.2 et 3.11,
parlent de cette nouvelle commission de la construction du Québec qui
sera composée de quatre représentants d'associations
d'employeurs, quatre représentants d'associations de salariés,
deux représentants nommés par le ministre du Travail, un autre
représentant nommé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et un autre nommé par le ministre de
l'Éducation, ainsi que le président nommé par le
gouvernement. Il y a deux volets. Le premier volet c'est, à l'article
3.11, un comité administratif sur les relations du travail - on y voit
très bien le principe qui est inscrit dans le projet de loi 119 -
composé de cinq membres: un président, un représentant de
l'association d'employeurs siégeant au conseil, un représentant
des associations d'employés et deux représentants nommés
par le ministre du Travail.
Cela signifie, comme premier article important du projet de loi, que les
parties, la partie syndicale et la partie patronale, pour la première
fois depuis 1968, auront le contrôle de leur propre destinée, de
leur avenir dans l'industrie de la construction en ce qui a trait aux relations
du travail. Les parties syndicale et patronale seront associées
constamment dans un processus continu de négociation. Si on prend la
liste des quinze rondes de négociations passées, M. le
Président, on ne peut pas dire que, dans ce domaine, on a
négocié de façon bien ouverte. On se rappelle la loi
spéciale de 1970 parrainée par le ministre du Travail de
l'époque, M. Pierre Laporte, déterminant les conditions de
travail pour une période de trois ans. On se rappelle, en 1973, la loi
spéciale proposée par le ministre, M. Jean Cournoyer,
accompagnée de la loi 9 amendant la clause de
représentativité syndicale. On se rappelle, en 1976, que
l'Assemblée nationale a accordé au ministre
du Travail les pouvoirs requis pour amender le contenu et la
durée des décrets dans le but d'assurer la tenue des jeux
olympiques. Qu'on se rappelle 1979. En 1979, une exception. C'était la
seule convention collective qui fut réellement négociée et
prolongée par décret selon la procédure prévue par
la loi.
Il faut ajouter peut-être par rapport à 1979 que
c'était à la veille du référendum de 1980 et qu'une
des parties syndicales a fait preuve de complaisance et peut-être
même de collusion avec le gouvernement dans le but d'éviter une
grève. 1982. Utilisant les pouvoirs d'urgence qui lui avaient
été conférés en 1972, le ministre promulgue
d'autorité, contre la volonté de la partie patronale clairement
édictée en assemblée générale, les
conditions de travail qui prévaudront pour les deux années
suivantes.
Alors, le cheminement constant a été sans l'ombre d'un
doute qu'au chapitre des relations du travail dans l'industrie de la
construction cela n'a jamais fonctionné, parce qu'il n'y a jamais eu de
conditions propices pour mettre les gens autour d'une même table. Les
gens qui ont été au pouvoir pendant neuf ans ne s'en sont pas
aperçus ou, s'ils s'en sont aperçus, ils n'ont rien fait pour
corriger la situation. Le Parti libéral du Québec, lui, a le
courage politique de corriger cette situation.
M. le Président, au chapitre de ce volet des conditions de
travail, quelles ont été les conséquences de cet
état de fait? La loi fut amendée à plusieurs reprises,
soit environ une trentaine de fois. Ces multiples interventions ont eu pour
effet d'imposer un contrôle de plus en plus grand de l'État sur le
secteur de la construction. Entre autres, les pouvoirs de l'Office de la
construction du Québec ont été élargis et le
rôle des parties contractantes a été éliminé.
Dès lors, au fil des ans, le contrôle de la main-d'oeuvre s'est
limité à l'application bête du règlement de
placement, aveuglément et sans discernement. Nous avons abouti par
compromission et démission à cet...
M. Gendron: M. le Vice-Président.
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Mille-Îles. M. le leader adjoint de l'Opposition, sur une question de
quorum?
M. Gendron: C'est cela. Je voudrais m'excuser auprès du
député qui a un excellent discours. J'aimerais qu'il soit entendu
par un plus grand nombre de collègues.
Le Vice-Président: Nous arrivons à ce moment-ci au
quorum, M. le leader adjoint de l'Opposition. M. le député de
Mille-Îles, si vous voulez continuer.
M. Bélisle: Je disais, M. le Président, que nous
avons abouti par compromission et démission à cet étrange
résultat - et je pense qu'on doit se le rappeler - totalement à
l'opposé de ce que l'Etat visait par son intervention originale de 1968.
Qui pis est, l'État-arbitre s'est transformé par le biais de son
préjugé favorable aux travailleurs en allié du monde
syndical par simple calcul électoraliste.
Je considère que ce cheminement a mené au contrôle
par l'État et pour l'état de l'industrie de la construction, en
posant comme prémisse que la partie syndicale demanderesse
bénéficie d'une forte présomption de
légitimité dans ses revendications. Dans ces conditions, les lois
et règles du marché ne s'appliquent plus, ce qui entraîne
des disproportions salariales inacceptables et des rémunérations
injustifiables. Oui, c'est l'État qui a détruit les
mécanismes de la juste offre et de la juste demande. Il revient
dès lors à l'État de ressusciter les lois
économiques fondamentales du marché du travail dans l'industrie
de la construction.
Dans cette même veine, je pourrais vous citer de nombreux
énoncés de personnes qui ont défilé au cours des
dernières années devant la commission parlementaire du travail,
de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu. Un exemple. Le
lundi 31 mai 1982 - et je vous souligne ici le passage qui décrit
pourquoi la commission était réunie -la commission est
réunie afin d'entendre des organismes en regard des raisons -
écoutez bien le titre de la commission - motivant l'impossibilité
de s'entendre relativement aux modifications à apporter au décret
de la construction adopté par le décret 3938-80 du 17
décembre 1980. (5 h 40)
Plus loin, le 31 mai 1982, M. André Chartrand, du Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction, s'exprimait
ainsi, à la page 5110: "...MM. les membres de la commission, c'est
maintenant devenu une coutume pour les partenaires de l'industrie de la
construction de se présenter devant la commission pour solutionner les
problèmes relatifs à l'établissement des conditions de
travail applicables à notre secteur d'activité."
Bien plus, le président de la FTQ-Construction, lors de cette
même commission parlementaire.» Et qu'on ne vienne pas nous dire,
aujourd'hui, que la FTQ-Construction est contre le projet de loi 119.
Écoutez bien, je cite M. Lavallée: "La loi est impraticable. Les
beaux objectifs d'harmonisation des relations du travail qui ont
présidé à l'adoption de la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction et à ses divers amendements,
par la suite, n'ont jamais été atteints. (...) On l'a dit et
redit devant diverses commissions parlementaires
et devant tous les comités d'enquête chargés de
faire la lumière sur notre industrie: la loi est impraticable, parce
qu'elle institue une pluralité et une concurrence syndicales quasi
illimitées, tandis qu'elle crée artificiellement l'unité
de la partie patronale." Ainsi de suite, ainsi de suite et ainsi de suite.
Je pense que j'ai fait la preuve... Je pourrais vous citer d'autres
membres de centrales syndicales, d'autres présidents de centrales qui,
tout au cours des débats en commission parlementaire, lors des lois
spéciales depuis 1968, ont toujours dit la même chose. Je pense
qu'il y a des gens qui étaient sourds dans cette Assemblée. Des
gens ne voulaient pas comprendre. Ce soir, moi, je suis très fier de
faire partie de ce gouvernement qui va instituer une gestion tripartite. Vous
vous êtes vantés d'avoir inventé la cogestion. Vous l'avez
peut-être inventée, mais dites-vous que, nous,
présentement, on est en train de l'appliquer dans la
réalité des faits dans l'industrie de la construction.
Deuxième volet, le volet de l'article 3.12. Le principe du projet
de loi est confirmé et donne aux deux parties également - partie
patronale et partie syndicale -le contrôle de la formation
professionnelle, le contrôle de la compétence. Il me semble que
c'est là une excellente mesure qui vise à la productivité,
qui vise également à remplacer ce faux critère, soit le
critère du nombre d'heures travaillées par un individu ou par un
autre, et qui est totalement discriminatoire...
Une voix: Aberrant.
M. Bélisle: ...aberrant face au jeune qui ne peut pas
avoir satisfait à ce critère, ce qui le place totalement en marge
de la société. Ce que je dois vous dire et qui m'affecte
beaucoup, c'est que ce critère, de la façon dont il est
déterminé, l'industrie de la construction demeure la seule
industrie au Québec qui a un tel critère pour limiter
l'accès à des postes dans l'industrie. Prenons l'exemple des
carrossiers, ceux qui réparent nos voitures, des coiffeurs, des
infirmières, des avocats. C'est quoi le processus qu'on retrouve dans
n'importe quelle industrie au Québec? C'est tout simple. On s'en va
à l'école. On obtient un certificat d'études, ce qui est
inscrit dans le projet de loi 119. Par la suite, on obtient un certificat de
compétence. On se présente à des examens. On obtient donc
une carte de compétence. Par la suite, on s'en va sur le marché
du travail et là on demande à postuler un emploi. Avant
l'arrivée de cette loi 119, ce n'était pas du tout ce qui se
passait dans le domaine de la construction. On exigeait en plus que l'individu
ait déjà complété du travail dans le domaine. Chose
absolument impensable, inadmissible.
Comment les parties syndicales, patronales, peuvent-elles être en
désaccord avec l'article 4 du projet de loi qui leur donne l'entier
contrôle? Huit sur treize. Elles vont peut-être nous dire, comme
elles nous le disaient l'autre jour: Le gouvernement, vous avez encore le nez
là-dedans. Ôtez-vous donc de là! Vous avez nommé
quatre représentants, vous nommez le président.
Moi, je dis la chose suivante, M. le Président: Qu'ils nous
fassent la preuve dans les trois prochaines années qu'ils sont capables
de se comporter en adultes et de régler autour d'une même table
leurs problèmes en se parlant constamment. Je pense bien que dans
quelque temps on pourra voir à l'horizon le gouvernement, à bon
droit, diminuer peut-être le nombre de représentants au conseil
d'administration de la Commission de la construction. Mais qu'ils ne viennent
pas nous dire: Qu'est-ce que vous faites là, vous autres? Parce que,
depuis 1968, la seule chose qu'ils cherchent à faire, c'est de dire
publiquement non, non, non. On voudrait bien que vous ne vous mêliez pas
de nos affaires. Cela, c'est la version publique, alors qu'en
réalité on sait très bien que ce qu'ils veulent, c'est
qu'ils veulent toujours que le gouvernement légifère,
décrète et impose les conditions salariales, les normes de
travail.
Il est évident, M. le Président, que le Parti
libéral du Québec, avec ce projet de loi 119 est contre la
surmonopolisation, est contre la surréglementation. Avez-vous conscience
que le régime qui existe présentement a créé un
monstre administratif qui est l'Office de la construction du Québec? Ce
monstre administratif, M. le Président, il comporte plusieurs
tentacules. On pourrait peut-être ajouter aussi tous ceux qui
contrôlent l'industrie de la construction indirectement. Le monstre de
contrôle et de réglementation dans l'industrie, l'OCQ, c'est 618
personnes, avec des emplois permanents, bien entendu. L'AECQ, c'est 85
personnes. Les syndicats, les centrales syndicales, les permanents d'affaires,
les agents d'affaires, les secrétaires, les
délégués de chantier représentent au-dessus de 500
personnes. C'est 1300 personnes chargées de réglementer, de
contrôler une industrie. Si vous l'évaluez à 65 000 ou
à 100 000, cela fait une proportion totalement aberrante que l'on ne
peut absolument pas comparer à aucune autre industrie au Québec.
C'est un super-monstre qui police une industrie.
Je pense que la seule solution pour diminuer cette
surréglementation, c'est la solution envisagée par le projet de
loi 119 qui est de faire qu'une fois pour toutes, dans un mécanisme
constant, les gens autour d'une table, la partie syndicale et la partie
patronale, puissent se parler, puissent négocier constamment, puissent
mettre leurs
problèmes sur la table, établir des critères,
établir des programmes de formation et en venir à des
consensus.
Également, le Parti libéral du Québec est contre
l'érection d'un système qui bloque l'accès à
l'industrie et qui repose sur un critère artificiel, soit le nombre
d'heures de travail. Ce que le Parti libéral du Québec veut, M.
le Président, c'est responsabiliser les intervenants et faire en sorte
qu'ils cessent de compter sur l'État.
M. le Président, je ne dois pas entrer dans le fin
caractère des articles et analyser tout ce qui est inclus dans le projet
de loi, mais j'aimerais attirer l'attention des gens qui nous écoutent
sur les passages les plus importants qui inscrivent les principes du projet de
loi: formation professionnelle, article 16, "85.1 La formation professionnelle
a pour objet d'assurer une main-d'oeuvre compétente et polyvalente en
fonction des besoins des employeurs, des salariés et des artisans de
l'industrie de la construction". Ce n'est pas le besoin d'une classe
spécifique, c'est le besoin de toutes les parties de l'industrie.
Également, M. le Président, si on va un peu plus loin et qu'on
regarde attentivement les articles 32 et 36, j'exhorte les salariés de
l'industrie de la construction, ceux qui gagnent leur vie présentement,
à lire ces articles. Ils vont s'apercevoir que leurs droits acquis sont
protégés. Il n'y a pas de passe là-dedans. Il n'y a pas de
truc de magie, en aucune façon. Finalement, les articles 41 et 42: "41.
Les règlements adoptés en vertu de la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction demeurent en vigueur jusqu'à
ce qu'ils soient modifiés. 42. Le règlement sur le placement des
salariés continue de s'appliquer." (5 h 50)
Cela signifie, M. le Président, contrairement à tout ce
que l'on véhicule présentement dans les journaux, par les
centrales syndicales et par certains membres de l'Opposition, qu'il y a
continuité et que ce sont les parties qui décideront quand elles
voudront modifier le règlement de placement. Une chose toutefois est
changée: la carte de classification, qui a comme critère le
nombre d'heures de travail, est éliminée. Mais le reste demeure
en vigueur. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le projet de loi: les articles
41 et 42. Il faut les lire cependant pour avoir une idée de ce qu'ils
disent.
M. le Président, en conclusion, je vais voter pour le projet de
loi et l'adoption du principe de ce projet de loi longtemps attendu, qui remet
aux parties le contrôle d'une industrie, ce qu'elles ont toujours
souhaité et demandé publiquement. Je suis assuré qu'elles
feront un excellent travail et que la partie syndicale et la partie patronale
apprendront à se connaître pour améliorer le sort de leur
industrie et l'amener vers un niveau qui n'a pas encore été
atteint au
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. J'écoutais
le député de Mille-Îles et j'avais l'impression que
j'entendais quelqu'un qui n'avait jamais fait de bureau de comté, qui ne
savait pas ce qu'était un travailleur de la construction, qui n'avait
jamais mis les pieds sur un chantier de construction, et surtout qui avait
finalement réussi à faire le tour de passe-passe de parler durant
20 minutes sans aborder les problèmes majeurs que pose le projet de loi.
Une espèce de discours de camouflage où on a essayé
d'éviter de parler des problèmes de fond.
Le problème fondamental du projet de loi, c'est qu'il
représente, pour des milliers de personnes, pour les jeunes à qui
l'on a fait miroiter des possibilités d'emplois, pour les travailleurs
actuels de l'industrie de la construction et pour l'ensemble de la population,
une fumisterie monumentale.
On nous a présenté ce projet de loi comme étant le
projet de loi qui créera de l'emploi dans l'industrie de la
construction, qui permettra plus de possibilités d'emploi dans
l'industrie de la construction. En réalité, plus de personnes
seront amenées à se partager le même gâteau, plus de
personnes vont se disputer le même nombre de postes. Comment peut-on
penser s'adresser à l'intelligence des gens et penser faire croire aux
gens que le projet de loi actuellement devant nous créera plus
d'emplois, alors que ce qu'il fait c'est permettre à plus de personnes
d'avoir accès à une industrie.
Plus d'emplois, c'est plus de "jobs" créées, plus de
chantiers de construction en activité, plus de construction
domiciliaire, plus de construction industrielle et plus de grands projets.
C'est cela que signifie "plus d'emplois". Or, le projet de loi ne met
évidemment pas en place de nouveaux projets de construction. Il fait
simplement en sorte que les 65 000 ou 70 000 postes qui existent actuellement
seront multipliés non pas uniquement par deux, ce qui
représenterait le nombre de personnes actuellement compétentes,
mais par un nombre indéterminé. Trois ou quatre fois plus de
personnes pourront y avoir accès, car là, maintenant, on a ouvert
le marché, non pas uniquement aux personnes actuellement
compétentes, mais à toutes les personnes qui pourraient
éventuellement le devenir par la formation et même plus, comme on
le verra un peu plus tard.
Donc, M. le Président, c'est une fumisterie. Ce projet de loi ne
créera pas
plus d'emplois. Il a, par ailleurs, été
présenté dans l'engagement électoral du Parti
libéral à l'égard de la construction comme étant la
possibilité d'obtenir enfin un emploi. Je me rappelle les propos que
tenait il y a quelques heures le leader du gouvernement, député
de...
Une voix: De Gatineau.
M. Charbonneau: ..Gatineau - à cette heure-ci, on
m'excusera d'avoir quelques trous de mémoire. Le député de
Gatineau nous rappelait les problèmes de ses jeunes électeurs qui
venaient le voir dans son bureau de comté, qui lui demandaient un emploi
et à qui il n'était pas capable de proposer des
débouchés. Est-ce que le député de Gatineau, le
leader du gouvernement, va être en mesure de régler maintenant les
problèmes de ces gens-là? Est-ce qu'il va être en mesure de
régler le problème des jeunes qui sont venus le voir il y a
quelques mois, quelques semaines ou quelques jours à son bureau de
comté? Est-ce qu'il va pouvoir leur garantir à eux et à
tous ceux qui vont aller le voir un emploi assuré dans l'industrie de la
construction? Il sait bien que cela n'est pas possible. Le député
de Mille-Îles, qui vient d'intervenir, sait bien que cela n'est pas
possible. Mais on continue de faire croire dans les discours de l'autre
côté que ce projet de loi va créer plus d'emplois, qu'il
est la solution pour avoir accès à l'industrie de la
construction.
Lorsqu'on regarde la réalité... On nous a dit: Les jeunes
n'ont pas accès à l'industrie de la construction. D'abord, il
faut se rendre compte que cela n'est pas exact. Seulement au cours des deux
dernières années, plus de 20 000 nouveaux jeunes travailleurs ont
eu accès à l'industrie de la construction. Il n'y a pas beaucoup
d'industries au Québec, quand on regarde les secteurs industriels, qui
peuvent prétendre avoir eu pour la jeunesse au cours des
dernières années, depuis la crise économique en
particulier, un taux d'accès aussi important que l'industrie de la
construction. Je pense qu'il faut arrêter de charrier des
faussetés. Il est évident que l'industrie de la construction est
une industrie contingentée. Actuellement, n'y a pas accès qui
veut. Néanmoins, au cours des dernières années, cette
industrie a permis à des centaines de jeunes de s'introduire dans cette
industrie et d'y avoir une place. Je pense que c'est un élément
important à considérer.
Un deuxième élément à l'égard de la
promesse qu'on a faite aux jeunes, c'est le fait que, lorsqu'on regarde de
près le projet de loi, il n'y a pas une ouverture réservée
uniquement pour les jeunes. En fait, quand on lit en particulier l'article 35
du projet de loi, on se rend compte que cet article permet à tout
individu d'avoir accès à l'industrie s'il a plus de 16 ans et
s'il obtient d'un employeur une garantie d'emploi de 500 heures. On n'indique
pas dans cet article que ce sont les moins de 25 ans ou encore les moins de 30
ans mais bien toute personne de plus de 16 ans; elle peut avoir 45, 50, 60 ans.
C'est ce que dit l'article alors qu'on a fait croire et qu'on continue de faire
croire aux gens que ce projet de loi est précisément
présenté pour faciliter l'accès des jeunes à cette
industrie. La réalité est tout autre.
Le député de Mille-Îles nous disait tout à
l'heure qu'on ne retournerait pas à la loi de la jungle. Très
bien. C'est très intéressant d'entendre cette affirmation. Mais,
qu'est-ce qui faisait qu'auparavant, il y avait la loi de la jungle? C'est
qu'on avait la possibilité d'avoir accès à l'industrie de
la construction par la corruption, par l'achat de cartes de compétence,
de cartes de classification. Qu'est-ce qui va se produire? Avec la
possibilité, pour quelqu'un qui n'est même pas compétent,
d'obtenir un emploi dans la seule mesure où il pourra avoir une garantie
d'emploi de 500 heures d'un employeur, cela va être relativement facile,
comme l'indiquait l'ancien ministre du Travail du gouvernement Bourassa
première version, M. Cournoyer, de trouver un oncle, un ami du
député, un entrepreneur en construction qui est un bailleur de
fonds du Parti libéral pour prendre entente avec la personne en disant:
Tu n'auras pas 500 heures, mais ne te plains pas trop, ne va pas te plaindre
par la suite parce que nous te signerons la garantie dont tu as besoin pour
avoir ton permis de travail. Une fois que tu auras ce permis de travail,
même si tu ne fais pas toutes les heures qu'on t'avait promises, tu
pourras aller voir d'autres employeurs et tu auras ton permis de travail. (6
heures)
C'est un peu cela que l'ancien ministre indiquait en disant: Finalement,
on se retrouvera dans une situation de "racket" de l'octroi d'une garantie
d'emploi. On monnaiera les garanties d'emploi et on donnera l'impression que
ces garanties sont vraiment exécutoires. On permettra à des gens
même pas compétents d'avoir accès à l'industrie,
simplement parce qu'une personne complaisante leur aura donné la
garantie qu'ils auront 500 heures de travail.
M. le Président, c'est également une fumisterie à
l'égard de la promesse d'accorder aux employeurs et aux salariés
la responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre. Le
député de Mille-Îles nous indiquait il y a quelques
instants que, par ce projet de loi, les parties auront le contrôle de la
formation. Il a lui-même reconnu par la suite que ce n'est pas tout
à fait ce qui va se passer. Le gouvernement sera présent pour
s'assurer que ces adolescents, patrons et employés - c'est ce qu'il nous
a dit - sont
assez matures et ont fait la preuve qu'ils sont capables de s'occuper de
la formation. Quand ils auront fait la preuve qu'ils sont capables de s'occuper
de la formation, dans deux ou trois ans, nous, le bon et paternel gouvernement
libéral, les affranchirons et nous leur permettrons de s'occuper de leur
formation, comme de grands garçons et de grandes filles.
Pourtant, ce n'est pas ce qu'on disait le 22 novembre 1985 quand le
Service des communications du Parti libéral du Québec rendait
publics l'engagement électoral du Parti libéral et les promesses
libérales à l'égard du secteur de la construction. On
lisait dans la liste des engagements rendus publics ce jour-là: On
s'engage, en particulier, à accorder aux employeurs et aux
salariés de la construction la responsabilité de la formation de
la main-d'oeuvre. Il y a un an, les parties dans l'industrie de la construction
étaient assez matures pour qu'on leur promette de leur remettre la
formation complète dans l'industrie de la construction. Un an plus tard,
maintenant que le Parti libéral est au pouvoir, ces gens ont perdu toute
maturité, ils devront être sous la tutelle du gouvernement.
Voilà un exemple parmi tant d'autres, depuis un an, du double
langage des libéraux. On dit quelque chose, on fait le contraire. On
promet aux gens de prendre telle attitude et, quand on est au pouvoir, on fait
le contraire. Cela s'est produit dans tellement de dossiers qu'il faudrait au
moins une heure de discours pour pouvoir indiquer à la population du
Québec tous les engagements électoraux qui ont été
reniés par le Parti libéral et par le gouvernement
libéral.
On nous a dit tantôt: Les droits acquis seront
protégés. Le député de Mille-Îles nous a dit
très sérieusement: Les droits acquis des travailleurs actuels
seront protégés. Comment peut-il faire une telle affirmation
quand le projet de loi 119 heurte de plein fouet et compromet le droit
d'ancienneté, ce droit reconnu dans le fonctionnement de nos relations
du travail depuis plusieurs années? Le droit acquis de
l'ancienneté, c'est ce que compromet le projet de loi 119. Mais le
député de Mille-Îles, qui n'a sans doute jamais mis les
pieds sur un chantier de construction, dit: Écoutez, les droits acquis
des travailleurs de l'industrie de la construction, nous les respectons.
Une voix: C'est un aristocrate.
M. Charbornneau: Oui, c'est sûr que c'est un aristocrate.
Juste à l'écouter parler, on voit bien que c'est un aristocrate.
Mais il faut se salir les mains de temps en temps. II faut aller voir ce que
c'est. Quand on est député, il faut sortir de son bureau, il faut
sortir des cocktails et aller sur les chantiers pour voir le monde. Il faut
demander aux travailleurs de la construction s'ils considèrent que leurs
droits à l'ancienneté vont être respectés. Ils vont
venir vous le dire vendredi: Non, nos droits à l'ancienneté ne
sont pas respectés, ne sont pas protégés. Notre droit
acquis à l'égard de l'ancienneté n'est pas
protégé. Pourtant, que se produit-il dans d'autres industries?
Dans d'autres industries, on reconnaît toujours ce droit à
l'ancienneté, ce qui fait qu'une usine du comté de
Mille-Îles qui ferme ses portes ne permet pas, à ce
moment-là, aux travailleurs de cette usine de se tourner vers
l'industrie de la construction et d'aller prendre la place des gens qui sont
dans l'industrie de la construction, pas plus qu'actuellement une
réduction du personnel dans une entreprise qui est syndiquée, du
comté de Mille-Îles, fait en sorte que, lorsqu'il faut rappeler du
personnel, on va rappeler des travailleurs de la construction. Non, il y a un
droit à l'ancienneté, il y a un droit de rappel et on rappelle
d'abord les gens qui ont de l'ancienneté dans l'usine. Cela se fait un
peu partout au Québec. Actuellement, on commence à battre en
brèche ce droit acquis dans l'industrie de la construction. On va le
battre en brèche par la suite dans d'autres secteurs industriels. C'est
cela la réalité. On commence par l'industrie de la construction
et, bientôt, on va compromettre ce droit acquis à
l'ancienneté dans d'autres secteurs industriels.
M. le Président, un des droits les plus fondamentaux pour le
travailleur de la construction, c'est le droit è un salaire et à
maintenir son niveau de salaire. Que va-t-il arriver, M. le Président?
Le Conseil du patronat lui-même nous a expliqué ce qui va arriver.
Il disait: Ce projet de loi 119 va contribuer à abaisser les coûts
de la construction. Comment les coûts de la construction vont-ils
être abaissés? Bien simplement, M. le Président. Les plus
vieux travailleurs de la construction, ceux qui ont des droits acquis
actuellement, vont voir leur emploi remplacé compromis en fait, pas
remplacé parce que leur emploi va continuer à exister, ils vont
se voir remplacer par de plus jeunes travailleurs. C'est cela qui va arriver.
De plus jeunes travailleurs qui sont moins expérimentés - ce
n'est pas un tort de leur part - mais des jeunes travailleurs qui commandent
des salaires moins élevés. C'est évident que les
entrepreneurs de la construction vont pouvoir offrir sans doute des prix plus
bas aux consommateurs, aux entreprises qui veulent agrandir, parce qu'ils vont
avoir à leur disposition une main-d'oeuvre à meilleur
marché. Qu'est-ce qu'on fait des droits acquis salariaux? Le
député de Mille-Îles n'en a pas parlé. Ce n'est pas
important. Mais très sérieusement, il est venu nous dire ici:
Écoutez, on va protéger les droits acquis des travailleurs
actuels de l'industrie de la construction. Mais ces gens-
là vont venir vous dire vendredi que leurs droits acquis, c'est
aussi le droit à maintenir des conditions de salaire décent.
C'est ce que vous ne faites pas dans le projet de loi 119. Vous n'êtes
pas capable de garantir les droits acquis salariaux dans l'industrie de la
construction. Comment pouvez-vous prétendre sérieusement que les
droits acquis des gens qui travaillent actuellement dans cette industrie vont
être protégés quand vous savez très bien que ce qui
va arriver, c'est que les plus vieux travailleurs vont être
remplacés par les plus jeunes, les pères par leurs fils et que
ces plus jeunes vont avoir des salaires moins élevés? Ils vont
commander des salaires moins élevés. Sans compter le fait que, si
vous augmentez considérablement la main-d'oeuvre dans l'industrie, le
même gâteau va aussi possiblement se voir partager par un plus
grand nombre. C'est ce qui va arriver. (6 h 10)
Cela veut dire que - c'est une autre des questions soulevées par
l'ancien ministre du Travail, M. Cournoyer - ce qui va arriver, c'est que plus
de personnes se partageront le même gâteau et au total ces
gens-là vont gagner moins d'argent. Si vous avez actuellement 65 000
postes, ces gens-là finissent avec ces 65 000 postes; c'est 65 000
personnes qui les occupent à temps plein. Ces gens-là, au bout de
l'année, se sont ramassé un montant d'argent qui leur permet de
vivre. Mais, si vous faites en sorte que les mêmes fonctions puissent
être remplies par 100 000 personnes, c'est évident que le salaire
de ces 100 000 personnes sera moins élevé. Ces gens-là
vont gagner annuellement moins cher. Vous vous retrouvez dans une situation
où vous allez non seulement créer l'illusion de créer des
emplois, mais vous allez appauvrir dans les faits les travailleurs et les
travailleuses dans l'industrie de la construction. C'est la
réalité et c'est à l'encontre du respect des droits
acquis, M. le Président.
Il y a une autre fumisterie qui a été
véhiculée et que constitue ce projet de loi 119, c'est la
fumisterie que le projet de loi 119 va faire disparaître le travail au
noir. Il n'y a pas un député qui est intervenu, y compris le
ministre du Travail, y compris le leader du gouvernement, y compris le
député de Mille-Îles, pour nous expliquer comment le
travail au noir disparaîtrait. Comment le travail au noir va-t-il
disparaître quand vous allez obliger les pères de famille à
aller concurrencer au noir leurs fils qui auront pris leurs emplois et de
s'offrir sur le marché de la construction au noir à des salaires
plus bas encore que ceux de leur fils? Comment pouvez-vous nous expliquer que
le travail au noir va disparaître? Comment allez-vous dire cela aux
travailleurs et aux travailleuses de la construction qui vont venir
témoigner en commission parlementaire jeudi et vendredi prochain, M. le
Président? Comment pouvez-vous prétendre honnêtement et
sincèrement que le travail au noir va être réduit ou
même disparaître? Il faut vraiment avoir une attitude
machiavélique pour continuer à soutenir que le projet de loi 119
est un projet de loi qui crée de l'emploi, est un projet de loi qui
protège les droits acquis des travailleurs de la construction, est un
projet de loi qui va abolir et permettre de régler une fois pour toutes
le problème du travail au noir, est un projet de loi qui redonne le
contrôle de la formation aux parties, alors que pour toutes ces questions
importantes le contraire va se produire.
M. le Président, le Parti libéral a été
élu, comme chaque gouvernement, non pas pour détériorer
une situation mais pour l'améliorer. Le Parti libéral a comme
responsabilité, maintenant qu'il est au gouvernement, de maintenir un
des acquis les plus importants dans l'industrie de la construction au plan de
l'activité économique du Québec, c'est-à-dire la
paix industrielle et la paix sociale. Cette responsabilité qu'a le
gouvernement, il est en train de la compromettre dangereusement. Je crois
qu'à cet égard le projet de loi qui est devant nous, non
seulement en fonction des éléments que j'ai mentionnés au
cours de mon intervention, mais également à l'égard de la
conséquence sur la paix sociale et la paix industrielle au
Québec, mérite non seulement d'être combattu mais
d'être battu. C'est la raison pour laquelle nous allons voter contre ce
projet de loi; c'est la raison pour laquelle nous faisons ce combat
parlementaire et c'est la raison pour laquelle nous allons faire ce combat
parlementaire jusqu'au bout. Je peux vous assurer, M. le Président, que
dans un ou deux ans ce sera probablement les députés
d'arrière-ban, qui aujourd'hui se font les porte-parole serviles du
ministre du Travail, qui iront en caucus demander au gouvernement, à
leur ministre du Travail: Rétablissez l'ordre. Cela n'a plus de bon
sens, on n'est plus capable de supporter la pression quand on travaille
à notre bureau de comté le lundi. Ce que l'on a fait à la
fin de 1986 était une aberration. Revenons à ce qui existait
avant, à l'époque où cela marchait mieux. Voilà ce
que nous disons maintenant au gouvernement.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Charles Messier
M. Messier: Merci, M. le Président. Il y a quelques
minutes, le député de Verchères s'excusait auprès
de cette Chambre de ne pas se rappeler le nom de la circonscription
électorale du leader parlementaire. Ce que je demanderais à la
population, aux électeurs du
comté de Verchères, c'est d'oublier le discours que le
député vient de prononcer, un dicours vide de sens tant dans sa
forme que dans son contenu.
M. le Président, avec la loi 119, Loi modifiant la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction, cette industrie
aurait une chance de se prendre en main; non pas qu'elle ne soit pas autonome
puisqu'elle constitue un des principaux domaines de travail au Québec,
mais elle se prendrait en main plutôt en s'assurant d'embaucher des
travailleurs compétents, en mesure de répondre réellement
à ses besoins et, mieux encore, ces travailleurs pourront
désormais être des jeunes pour qui le marché dans le
domaine de la construction était hermétiquement fermé et
ce, depuis fort longtemps.
Le système de formation tel que décrit dans la loi devrait
ainsi garantir une relève expérimentée de façon
à garder l'expertise déjà acquise au Québec dans le
domaine de la construction, mais aussi en uniformisant, partout en province,
les compétences et les connaissances des travailleurs. Ce n'est plus un
secret pour personne, M. le Président, que les gens qui
désiraient oeuvrer dans le domaine de la construction devaient compter
plus sur leur chance que sur leur compétence. À preuve, la
moyenne d'âge des gens impliqués dans les différents
métiers est de 41 ans pour les électriciens, de 48 ans pour les
briqueteurs-maçons et les charpentiers menuisiers et de 49 ans pour les
peintres et les plombiers. Êtes-vous au courant, M. le Président?
Parfait! Et même chez les apprentis, M. le Président, la moyenne
d'âge dépasse largement les 25 ans. Tout cela parce que le
système de formation actuel est trop lourd, trop complexe, mais surtout
beaucoup trop long. Calculé en nombre d'heures travaillées, M. le
Président, cela peut prendre quelques mois, même quelques
années, soit de huit à neuf ans d'apprentissage avant d'atteindre
le degré d'expérience requis. Mais, là encore, ce n'est
que par un simple examen écrit que l'on vérifie les
compétences des travailleurs. Non pas que je mette en doute les
capacités des ouvriers de la construction, mais on ne peut
s'empêcher de remarquer que nombre d'entre eux échouent au moment
du test, soit 80 % d'échecs chez les charpentiers menuisiers, 71 % chez
les électriciens et la liste pourrait s'allonger. En associant le
ministère de l'Éducation au milieu de la construction afin de
dispenser la formation adéquate en milieu scolaire, il est permis de
penser que ces taux seront à la baisse; plus encore, un tel
système de formation raccourcira la durée de l'apprentissage et
devrait permettre aux entrepreneurs de bénéficier des services de
gens aptes à combler leurs besoins, tout cela en permettant aux jeunes
issus du secondaire de mieux s'intégrer dans ce milieu qui leur
était fermé puisqu'ils recevront désormais une formation
technique complète et auront l'occasion de l'expérimenter sur des
chantiers-écoles. Ces chantiers, qu'ils soient publics ou privés,
faciliteront l'apprentissage précis des connaissances et pourront offrir
aux jeunes la chance d'acquérir une expérience pratique. Ensuite,
la Commission de la construction du Québec pourra délivrer un
certificat d'apprentissage qui leur ouvrira les portes de ces chantiers.
Actuellement, M. le Président, le seul moyen d'entrer sur un
chantier c'est de satisfaire aux exigences d'heures travaillées
minimales. Pourtant, les jeunes ne peuvent espérer atteindre ces normes
sur leur banc d'école. C'est ainsi qu'on se retrouve actuellement avec
seulement 1300 apprentis de moins de 20 ans sur les 15 400 que compte la
province. Ce qui ne signifie pas pour autant que l'on doive à l'avenir
faire de la discrimination positive, c'est-à-dire favoriser l'embauche
des jeunes au détriment des travailleurs plus âgés. Au
contraire, la nouvelle loi met l'accent sur l'acquisition des
compétences, mais aussi sur la reconnaissance de ces mêmes
compétences. Il suffira alors de s'en tenir à ces critères
pour s'adjoindre des travailleurs mieux formés. (6 h 20)
Comme député d'une région, comme vous d'ailleurs,
je reçois quotidiennement des travailleurs, des jeunes et des moins
jeunes, qui me disent: J'ai un document officiel d'un employeur qui atteste
qu'il est prêt à m'engager, mais ce même employeur me
demande d'avoir ma carte. Malheureusement, je suis obligé de le ramener
sur terre et de lui dire qu'il y a un cercle vicieux, que, dans le domaine
où il veut travailler, soit le domaine de la construction, des
travailleurs sont disponibles dans toute la province, non pas dans sa seule
région, mais dans toute la province. Autrement dit, M. le
Président, je dois lui dire carrément: Va faire un tour au
bien-être social pour voir ce qui se passe là-bas. C'est la
justice du Parti québécois, c'est la politique discriminatoire du
Parti québécois que nous allons corriger avec la loi 119. Le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous
indiquait qu'il y a plus de 5000 travailleurs dans l'industrie de la
construction du Québec qui détiennent un certificat de
qualification et qui sont âgés de 65 ans et plus. On refuse de
donner la possibilité aux jeunes d'entrer sur le marché de la
construction, ce qui pourrait, de surcroît, aider à rajeunir notre
main-d'oeuvre.
Cette loi, M. le Président, n'enlève rien aux travailleurs
de la construction. On remplace la carte de classification par un certificat de
compétence. Cette loi n'affecte en rien les taux de salaires ni le
régime des avantages sociaux, le régime de retraite ni la paie de
vacances. Cette loi enlève les
barrières discriminatoires face aux jeunes. On leur donnera la
possibilité d'entrer dans un marché dont le Parti
québécois leur avait fermé la porte. Le gouvernement
libéral n'en est pas à ses premières armes dans
l'abolition des mesures discriminatoires. Nous enlevions il y a quelques mois
les barrières discriminatoires face aux personnes qui retiraient le
salaire minimum. Notre gouvernement a ajusté ce même salaire
minimum, le faisant passer de 4 $ à 4,35 $ l'heure, et ce, aussi, pour
les moins de 18 ans pour qui la hausse a été de 0,81 $
l'heure.
Dans un tout autre domaine, M. le Président, le nouveau
système de formation que propose le projet de loi 119 pourra nous
assurer une main-d'oeuvre compétente, polyvalente, dont les
prémisses de base seront les besoins, les réalités tant
des employeurs, des salariés que des artisans de l'industrie de la
construction.
M. le Président, en terminant, le système
suggéré propose effectivement l'entrée des jeunes dans
l'industrie de la construction, il permet une relève. Je sais que cela
choque le Parti québécois quand on parle de relève;
d'ailleurs, je l'ai souligné lors de l'interpellation de vendredi
dernier, c'est par un signe de nostalgie qu'on retrouve le Parti
québécois. Le plus jeune député, le
député de Verchères, commence déjà à
blanchir; on n'a plus de relève au sein de cette formation politique. Il
y a un an, jour pour jour, la population québécoise se donnait
quinze jeunes députés libéraux de moins de 35 ans.
Pour revenir à la loi 119 qui permet une relève dans le
domaine de la construction, cette relève sera formée en fonction
des besoins de l'industrie; cette relève fonctionnera selon une formule
que le Parti libéral est en train d'adopter.
M. le Président, demain, on pourra voir dans les journaux, on
pourrait même dire ce matin parce qu'il est 6 h 30, comme titre: Les
engagements pris sont tenus par le Parti libéral du Québec. Je
vous remercie, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Roberval.
M. Michel Gauthier M. Gauthier: Merci. Des voix:
Bravo!
M. Gauthier: M. le Président, c'est à partir de
déclarations comme celle que je vais vous citer que le gouvernement en
est venu à produire ce projet de loi qui, à notre avis, est bien
sincèrement au-delà des farces qui peuvent se faire à
cette heure-ci du matin, après avoir siégé durant toute
une journée et toute une nuit. C'est un projet de loi sur lequel nous
avons vraiment l'intention d'attirer l'attention du gouvernement pour une
modification parce que, à notre avis, il y a dans ce projet de loi des
éléments qui vont créer, au Québec, des
problèmes énormes, principalement à ceux qui font partie
d'une catégorie de gens très vulnérables, les gens de la
construction. Voici la citation, M. le Président. Elle est du
député de Portneuf, qui était le porte-parole en
matière de travail, je crois, dans l'Opposition officielle à
l'époque et qui est aujourd'hui ministre de l'Agriculture: Ce
règlement prive des centaines de milliers de travailleurs du
Québec, de sorte qu'aujourd'hui on a des gens qui sont en chômage
- le député de Portneuf disait cela - qui sont désireux de
travailler, qui ont un emploi disponible et qui voudraient travailler,
plutôt que de vivre de prestations.
Une citation comme celle-là, d'autres personnes l'ont reprise
à leur compte, l'ont enrichie et ont fait en sorte qu'on en est venu
à croire et à faire croire à plusieurs
députés, à plusieurs citoyens au Québec que le fait
d'enlever ce qu'on appelait la carte de construction, le fait d'ouvrir le
marché de la construction à tous les citoyens du Québec
qui sont intéressés à faire de la construction - je
démontrerai tout à l'heure que tel est le cas et c'est
écrit noir sur blanc dans le texte de loi qui nous est proposé -
cela permettrait de créer des emplois.
Je pense que le leader du gouvernement mentionnait que dans notre parti
on a tous eu - je sais que mes collègues, au-delà de la
partisanerie, ont également eu cela dans leur bureau de comté -
des gens qui sont venus nous dire: J'aurais un emploi si j'avais ma carte.
C'est arrivé quotidiennement. M. le Président, dans le
comté de Roberval, j'ai fait une petite vérification. Je tiens
à mettre mes collègues en garde. C'est très sérieux
ce que je vais dire, puisque je l'ai expérimenté. J'étais,
comme probablement plusieurs de mes collègues d'en face, un peu
fatigué de me faire dire par des citoyens, par des électeurs:
J'aurais du travail si j'avais ma carte. Or, j'ai fait un test quand on a
procédé à la construction du gazoduc qui passait au
SaguenayLac-Saint-Jean et qui s'adonnait à passer dans la
municipalité de Lac-Bouchette dans mon comté. Un bon lundi matin,
à mon bureau, deux citoyens de Lac-Bouchette sont venus me voir. Ce que
je raconte est très exact et on aurait avantage à
m'écouter. Deux citoyens de Lac-Bouchette sont venus me voir avec deux
jeunes dont je connaissais très bien les pères. Ils sont venus
m'implorer, comme si je pouvais changer la loi, afin d'obtenir une carte de
construction.
Ils s'étaient, en effet, présentés au chantier du
gazoduc près de chez eux et un
entrepreneur leur avait dit bien simplement: Avez-vous vos cartes? Ils
ont dit non. L'entrepreneur a dit: Si vous aviez vos cartes, j'aurais justement
du travail pour vous. Évidemment, la réaction normale de ces
citoyens a été de venir voir le député pour se
plaindre du règlement de placement pour dire: S'il n'y en avait pas,
j'aurais du travail. J'étais fort de cette expérience et heureux
d'apprendre qu'il y avait du travail de disponible. Il y a cinq travailleurs
dans la municipalité de Lac-Bouchette qui ont des cartes de
construction. Sur les cinq travailleurs, un seul était dans le chantier
du gazoduc. J'ai donc appelé les autres que je connais tous - j'en suis
d'ailleurs fier - pour leur dire: II semble qu'il y aurait deux emplois de
disponibles dans le chantier du gazoduc, puisque MM. Untel et Untel que vous
connaissez - c'est une petite municipalité, tout le monde se
connaît - se sont vu offrir des emplois s'ils avaient leur carte. Alors,
vous avez vos cartes, allez-y.
M. le Président, ils sont allés rencontrer l'entrepreneur.
Je le répète, je suis extrêmement sérieux quand je
raconte cela; c'est vraiment ce qui s'est passé. Ils sont allés
voir l'entrepreneur pour se faire dire qu'il n'avait pas besoin d'eux, qu'il
avait toute sa main-d'oeuvre, que c'était de la main-d'oeuvre
spécialisée et qu'il n'y avait aucun poste de disponible.
Voilà le véritable noeud du problème que vivent les
travailleurs québécois qui n'ont pas de carte et à qui on
promet des emplois. Effectivement, des entrepreneurs, pour des raisons
d'accommodation probablement ou pour toute autre raison, pour tout autre but,
politique ou autre, je ne sais trop je ne voudrais pas qualifier une telle
attitude - peut-être pour se débarrasser de personnes à qui
on ne peut pas fournir de travail et à qui on ne veut pas donner de
raison ont pris l'habitude de répondre: As-tu ta carte? Si tu avais ta
carte, je te donnerais de l'ouvrage; va voir ton député. (6 h
30)
Sachant fort bien que, premièrement, le député ne
peut pas donner de carte comme cela, parce que la loi et le règlement
sont là et que, évidemment, le député n'est pas
au-dessus des règlements, et sachant aussi que ces travailleurs seront
furieux contre le règlement de placement... On pourrait peut-être
se demander maintenant pourquoi les entrepreneurs pourraient bien avoir envie
de se débarrasser de ce règlement. N'est-ce pas ce qu'on appelle
la sécurité minimale pour un bassin de main-d'oeuvre qui est
extrêmement vulnérable dont le travail, dont le pain quotidien
dépend des fluctuations du marché de la construction,
dépend des grands chantiers, dépend de l'activité
économique dans son ensemble? N'est-ce pas commode pour un entrepreneur
de pouvoir puiser dans n'importe quel bassin de main-d'oeuvre, à
l'occasion, de prendre des gens qui sont à côté de chez lui
plutôt que de payer une pension, du déplacement ou des choses
semblables, d'avoir des travailleurs que l'on peut exploiter plus facilement
parce qu'ils sont extrêmement vulnérables et en quête d'un
emploi?
Je pense qu'il faut y penser deux fois avant d'enlever un
règlement comme celui-là. L'industrie de la construction, en
dehors du fait qu'elle n'a pas de murs, c'est exactement comme une autre
industrie. Adopter un projet de loi comme celui-là, ce serait un peu
l'équivalent d'adopter un projet de loi pour enlever, par exemple... Je
vois le député de Saint-Louis qui a déjà
été président de la Fédération des
commissions scolaires. C'est un homme de bon sens qui connaît les
problèmes du milieu du travail. Je suis persuadé qu'il
n'accepterait pas que sa formation politique enlève tous les
mécanismes de sécurité dans le monde de l'enseignement,
par exemple, laissant aux commissions scolaires la possibilité d'engager
à la petite semaine tantôt un enseignant disponible tantôt
un autre, un peu comme on le fait pour les suppléances, mais là
on ne peut pas faire autrement, malgré qu'on établisse des listes
prioritaires. Je suis certain qu'il ne serait pas d'accord avec sa formation
politique là-dessus. Or, aujourd'hui, il s'apprête à voter,
ce député de Saint-Louis - je fais appel à lui comme aux
autres -pour un règlement qui va créer exactement le même
chaos dans l'industrie de la construction.
Est-ce qu'on doit partir du principe qu'il y a des milliers
d'enseignants formés dans nos universités qui n'ont pas de
travail pour dire que les mécanismes de sécurité d'emploi
dans le monde de l'enseignement empêchent des jeunes
diplômés, qui ont dépensé de l'argent pour se faire
instruire pendant trois ans à l'université et qui n'ont aucune
possibilité de travail, à qui on empêche
complètement l'accès au marché du travail... Est-ce qu'on
va abolir la sécurité d'emploi dans le monde de l'enseignement
pour ouvrir les portes à ce bassin de main-d'oeuvre qualifiée que
sont les enseignants frais émoulus des universités et qui n'ont
pas de travail?
Je suis certain que cela ne viendrait à l'idée d'aucun
député dans cette Chambre. Dans l'industrie de la construction,
au-delà de la notion de murs qui n'existent pas, évidemment,
comme à l'industrie Domtar ou comme dans l'enseignement ou comme
à l'hôpital X, Y ou Z, pourquoi, dans l'industrie de la
construction, les travailleurs qui ont acquis par les années une
certaine expérience, qui ont acquis certains droits, pourquoi leur
enlèverait-on à eux ce minimum de mécanisme de
sécurité qu'est le règlement de placement sous
prétexte qu'il y a beaucoup de gens qui ont suivi des cours
de maçon, d'ouvrier, d'électricien et de je ne sais trop
quoi et qui veulent travailler dans cette industrie? Est-ce que quelqu'un peut
m'expliquer pourquoi, sinon d'avoir une conception du secteur de la
construction comme étant un déversoir de toute la main-d'oeuvre
qui reste et qui ne travaille pas ailleurs? Pourquoi ferait-on cela dans la
construction?
Quant à cela, le gouvernement, avec les mêmes objectifs de
justice sociale, avec les mêmes objectifs de
déréglementation qu'on nous a servis tantôt, pourquoi
n'abolirait-on pas, je ne sais pas, la sécurité d'emploi dans les
hôpitaux? Il y a plusieurs infirmières diplômées qui
ne travaillent pas. Pourquoi n'abolirait-on pas la sécurité
d'emploi dans l'enseignement? Pourquoi n'abolirait-on pas la
sécurité d'emploi dans toutes les industries du Québec,
puisqu'il y a plein de gens qualifiés qui ne travaillent pas? Mais
est-ce que cela rajouterait des postes d'enseignants que d'enlever la
sécurité d'emploi dans l'enseignement et de permettre que le
travail, au lieu d'être divisé entre 70 000 personnes, soit
divisé entre 100 000 personnes? Est-ce que cela ajouterait un seul job
au Québec que d'enlever ce mécanisme minimal de
sécurité?
Le raisonnement est le même dans la construction. Est-ce que cela
ajoutera une seule "job" dans la construction que d'élargir le bassin et
d'enlever à ces travailleurs vulnérables le seul mécanisme
de protection et de sécurité sociale qui leur est disponible
depuis quelques années?
M. le Président, c'est un pensez-y bien. Je sais que des
collègues en face doivent probablement réfléchir à
ce propos. Je les invite à répondre. Le député de
Saint-Maurice ne devrait pas rire, M. le Président. Il devrait
plutôt se servir de son droit de parlementaire, s'en aller à son
bureau, utiliser son droit de parole et me démontrer que je n'ai pas
raison dans la démonstration que je fais. S'il était un homme et
s'il était un digne représentant de ses citoyens, il devrait, M.
le Président, utiliser les moyens de cette Assemblée nationale
pour représenter ses citoyens et non pas faire des âneries
à 6 h 30 et me déranger dans mon droit de parole.
M. le Président, j'ai ' essayé - j'ai l'impression que la
vérité fait mal à certaines personnes - de voir ce que ce
projet de loi permettait de faire. On nous avait annoncé qu'on
laisserait des droits aux anciens travailleurs. J'ai entendu le
député de Mille-Îles dire tout à l'heure: On
conserve des droits pour les anciens travailleurs de la construction, on ne
leur enlève rien, on en ajoute à d'autres.
M. le Président, j'ai essayé de voir qui pourrait ne pas
être admis dans la construction au Québec avec ce projet de loi.
Une fois qu'on a fait le tour de tous les articles du projet de loi, on voit
que l'article 32 ouvre la construction à ceux qui ont un certificat de
compétence, l'article 33 ouvre aux personnes de seize ans et plus qui
ont une garantie d'emploi de 500 heures, à toutes les autres personnes
avec un cours de sécurité et une garantie d'emploi de 500 heures,
ensuite, à tous ceux qui ont déjà travaillé dans
une autre province, dans un métier donné ou qui ont l'intention
d'aller travailler à l'extérieur du pays dans un métier
donné.
Quand on fait la somme de ces passoires qui existent dans votre loi, la
question qu'on est en droit de se poser - et je vais la poser au ministre du
Travail en commission parlementaire parce que je vais y siéger avec le
ministre du Travail - qui au Québec - et je vous défie de me
répondre; vous êtes plusieurs, que quelqu'un me réponde
s'il le peut - pourrait réussir à ne pas être admis dans
l'industrie de la construction avec la passoire que vous avez
créée? Qui au Québec? Donnez-moi le profil de celui au
Québec qui ne serait pas admis dans la construction? Je vais vous le
dire: S'il n'a pas seize ans, il ne sera pas admis dans l'industrie de la
construction. Pour le reste, c'est ouvert à peu près à
toute main-d'oeuvre, y compris à celle qui ne répondant pas
à ces critères...
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Gauthier: M. le Président, il faudrait que les gens
d'en face essaient de comprendre qu'au-delà des quolibets, des farces
qu'ils peuvent faire ce matin, l'article 32 du projet de loi ouvre la
construction à tous ceux qui ont un certificat de compétence.
Est-ce que l'article 33...
Une voix: Et la situation actuelle?
M. Gauthier: D'accord. Donc, il y a une certaine quantité
de travailleurs, vous l'admettez, qui y sont admis. Il y en a
déjà, des travailleurs. Ceux qui ne répondent pas à
l'article 32, ne répondraient-ils pas par hasard à l'article 33
qui dit que si vous avez plus de seize ans et un certificat d'études,
vous l'avez? Ce sont les jeunes diplômés. On les ajoute,
ceux-là.
Deuxième catégorie, à l'article 33 toujours, M. le
Président. Vous avez seize ans, vous n'avez pas de cours
spécialisé, mais vous obtenez, par en dessous de la table ou
autrement, un certificat disant: Tu vas travailler 500 heures et tu as ta carte
de construction. Si tu n'es pas là-dedans et si tu es un salarié
de seize ans et plus, tu te trouves un certificat de 500 heures, tu suis un
cours de sécurité et tu l'obtiens, encore une fois, ton droit de
travailler. Si tu n'es pas dans ces catégories, tu n'as qu'à
avoir travaillé dans une autre province, dans un métier
quelconque, et tu l'obtiens. Si tu n'es pas dans cette catégorie, tu
n'as qu'à dire que tu as l'intention d'aller travailler à
l'extérieur du Québec pour un entrepreneur et tu obtiens ta
carte. (6 h 40)
M. le Président, si, par hasard, cela ne faisait pas assez de
monde dans le lot des travailleurs de la construction, on ajoute: Si tu viens
d'une autre province et que tu as un métier, une qualification, tu peux
venir sur un chantier du Québec.
Mais, M. le Président, la question que je leur pose de nouveau et
à laquelle celui qui prendra la parole après pourra
répondre, c'est qu'on me décrive donc le profil de celui qui ne
pourra pas accéder au marché de la construction avec votre loi.
Au lieu d'avoir 70 000 travailleurs ou 100 000 travailleurs de la construction,
si on passe à 200 000, à 150 000 ou 190 000 au rythme, il faut
bien le dire, où les travaux se dérouleront dans les
régions... Tantôt, dans des régions
éloignées, il y aura des travaux importants. Supposons que ce
soit dans la région de Chibougamau ou de Chapais ou dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue, à ce moment-là,
cela fait tout un bassin de main-d'oeuvre locale qui va inonder la
construction. Les vrais travailleurs de la construction qui ont peut-être
travaillé trois mois l'année passée vont être
noyés dans le flot de travailleurs. Là vont commencer les "games"
en dessous de la table, vous le savez, pour se faire engager par des
entrepreneurs et pour négocier des salaires en dessous de la table, pour
négocier des ristournes. Cela a déjà été
comme cela dans la construction au Québec. Vous savez que cela va
redevenir comme cela. Je ne comprends pas pourquoi un parti politique... Sur
quel principe pouvez-vous vous appuyer pour enlever à des travailleurs
le seul mécanisme de sécurité qui leur reste? À
quand la disparition des mécanismes de sécurité dans
l'enseignement, dans les hôpitaux ou ailleurs dans les autres secteurs?
C'est exactement ce que vous faites en nous demandant d'adopter ce projet de
loi qui modifiera complètement les règles dans l'industrie de la
construction.
M. le Président, encore une fois, j'exhorte le gouvernement
à revenir à de meilleures intentions, à considérer
les travailleurs de la construction avec les droits qu'ils ont acquis avec les
années, non pas comme des gens qu'il faut garder dans un secteur
déversoir, non pas comme des gens qui sont dans un secteur marginal,
mais comme des gens qui font partie d'une activité économique
importante et à qui il faut garantir un minimum de droits.
Juste une minute, en terminant, M. le Président. Vous m'indiquez
que mon temps achève. Je m'inquiète également de toute la
question de la mobilité de la main-d'oeuvre parce que je me souviens
d'avoir lu - si ma mémoire est exacte, c'est l'été dernier
dans un journal de Toronto - une déclaration du ministre de
l'Énergie de l'Ontario concernant les différentes
possibilités de s'associer au Québec dans les projets
hydroélectriques dans le Nord du Québec et qui répondait:
II n'est pas question qu'on aille faire des projets de construction de barrages
hydroélectriques ailleurs que chez nous s'il n'y a pas un minimum de
main-d'oeuvre proportionnelle qui puisse accéder à ces chantiers.
Je crains, M. le Président, qu'en enlevant la protection aux
travailleurs de la construction comme on le fait, tantôt, sur les grands
chantiers que le premier ministre lui-même voudrait faire en
collaboration avec des Américains ou avec des Ontariens, cette
mobilité qu'on consacre maintenant dans une loi ne fasse en sorte que
nos véritables travailleurs de la construction au Québec et ceux
qui s'y ajoutent ne soient pas les premiers servis, qu'on ne perde
énormément d'emplois dans ce secteur, qu'on ne perde surtout des
acquis très chers et qu'on ne revienne à ce qu'a
déjà été la construction au Québec,
c'est-à-dire quelque chose qui se faisait en dessous de la table, de
toutes sortes de façons plus ou moins légales, ce qui a
amené des troubles sur les chantiers et qui a dérangé la
paix sociale. Je crains fort que ce qu'on fait dans la construction ne soit
l'équivalent d'enlever la sécurité d'emploi dans d'autres
secteurs comme l'enseignement, les hôpitaux ou d'autres. Cela ne peut pas
être accepté. Je sais que les travailleurs de la construction ne
l'accepteront pas. Nous lutterons jusqu'à la limite de ce que nous
permet ce Parlement pour éviter ce que j'appelle ce carnage dans le
monde de la construction au Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a une autre personne qui
veut intervenir? M. le député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il faut croire que nos
collègues d'en face commencent à être épuisés
et qu'ils manquent d'idées puisque le principe de l'alternance a
tendance à s'effriter. Ou ils sont peut-être tous endormis
après nous avoir...
Des voix: On est là.
M. Claveau: Vous êtes là? Cela me fait
extrêmement plaisir de savoir que vous êtes là, parce qu'on
en a encore beaucoup à dire sur le projet de loi en question.
Tout au long de cette longue nuit de veille, les intervenants
ministériels ont gravité autour de quelques principes, de
quelques grandes lignes. Personnellement, j'ai discerné cinq
lignes qui se veulent être les points forts, qui se veulent être
les lignes mattresses, les lignes directrices pour justifier un tel projet de
loi. D'abord, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu s'attaque à deux questions fondamentales. Il y a deux choses
dans son discours. C'est facile à comprendre, il essaie de faire
brailler tout le monde à partir de deux principes qui reviennent un peu
comme le moulin à prières des Tibétains. Le moulin
à prières des Tibétains, il faudrait que vous
amélioriez votre culture, c'est la machine dont les Tibétains se
servent pour faire leurs prières.
Il y a deux choses qui reviennent régulièrement, c'est
là-dessus qu'est basée son argumentation. Il commence par nous
parler du droit au travail pour les jeunes et, à l'entendre, on a envie
de pleurer. Certes, il y a là un problème, c'est vrai, il y a un
droit au travail pour tout individu en âge de travailler, sans
discrimination, un droit au travail que tout gouvernement dans une
société civilisée se doit de respecter. On doit
effectivement faire en sorte, lorsque quelqu'un est apte au travail, qu'il
puisse, dans la mesure des disponibilités et des possibilités,
entrer sur le marché du travail. On doit lui faciliter l'accès au
travail, certes, mais pas à travers des politiques ou des absences de
politiques, des semblants de politiques qui se dégagent ici et là
au hasard des événements. Non. À l'intérieur de
véritables politiques d'emplois dynamiques, constantes, fermes, de
véritables approches globales du problème de l'emploi dans une
société et non pas en prenant en otage - et je dis bien prendre
en otage - un secteur spécifique de notre économie, comme c'est
le cas actuellement où on prend littéralement en otage
l'industrie de la construction comme pour en faire un modèle et pour
dire: Si on casse les reins aux gens de la construction, on sera capable
d'aller plus loin.
On a déjà commencé, d'ailleurs, à le faire
au niveau des comités paritaires. J'ai l'impression que ce gouvernement
n'a pas beaucoup parlé de sa position face aux comités paritaires
qu'il a carrément cessé de financer. Dans le domaine de la
mécanique automobile, entre autres, les comités paritaires ont
disparu, à toutes fins utiles. Certes, on dit: Oui, ils sont toujours
là, ils existent, mais on s'organise pour qu'ils soient le plus
inopérants possible. Or, cela est une des grandes réalisations de
l'actuel gouvernement libéral en poste depuis exactement un an
aujourd'hui. Mais il y a énormément de mécaniciens dans le
domaine de l'automobile qui vont se rappeler avoir peut-être un jour,
malheureusement, voté pour un gouvernement semblable.
Une voix: Majoritaire libéral.
M. Claveau: M. le Président, c'est à qui la
parole?
Le Vice-Président: C'est à vous, M. le
député.
M. Claveau: Une autre notion que le ministre fait miroiter
à tout vent, c'est la notion de l'injustice. Il essaie de dégager
à travers le problème spécifique de la construction la
notion de l'injustice dans l'accessibilité au travail. Il
véhicule faussement le problème de l'injustice au niveau du
travail en faisant accroire à la population, aux jeunes du
Québec, que, s'il ouvre l'industrie de la construction, il a
réglé tous les problèmes de l'injustice dans le domaine du
travail au Québec. C'est à peu près le message que nous
laisse le ministre. Il nous dit: Les jeunes n'ont pas de place sur le
marché du travail, mais on va leur ouvrir la construction, il va y avoir
de la place pour tout le monde, cela va être agréable, cela va
être plaisant de travailler dans la construction. Les jeunes vont avoir
toute la place qu'ils souhaitent. (6 h 50)
Malheureusement, il y a des jeunes qui s'accrochent à cela.
Certes, je les comprends, ils veulent travailler. Ils s'imaginent que, si c'est
comme cela, peut-être qu'ils vont réussir à entrer sur le
marché du travail. Mais vous les prenez en otages, eux aussi. Le
gouvernement ne prend pas que l'industrie de la construction en otage. En
voulant faire un exemple flagrant devant l'ensemble du monde du travail, il
prend par la même occasion les jeunes en otage, il en fait des victimes
qu'il va lancer aveuglément dans une industrie dure et
sévère où les règles sont difficiles, et il va les
confronter directement avec leurs parents et avec leurs aînés pour
créer des conflits sur les chantiers de construction. C'est cela qui va
arriver.
Avec des choses semblables, on va vivre des situations difficiles parce
que les jeunes qui veulent travailler, qui ont le coeur à l'ouvrage,
c'est vrai, on va leur avoir fait croire que cela va être facile pour eux
d'arriver sur le marché de la construction. Sauf que, quand ils vont
avoir les emplois, ils vont se rendre compte qu'ils sont en concurrrence avec
quelqu'un d'autre. Ils ne sont pas en concurrence entreprise contre entreprise;
non, il sont en concurrence travailleurs contre travailleurs, jeunes contre
plus vieux. On ne fait qu'accentuer un conflit de générations qui
est déjà grave au départ où il y a toujours eu,
dans le domaine des relations du travail - ce n'est pas nouveau, ce n'est pas
le nouveau gouvernement qui a inventé cela, il n'y a rien de sorcier
là-dedans, tout le monde sait que
cela a toujours existé dans n'importe quel milieu de travail -
une compétition naturelle qui s'établit entre, d'une part, les
jeunes qui arrivent, fougueux, dynamiques, intéressés mais
très peu expérimentés et, d'autre part, les
aînés qui ont déjà une certaine
sécurité, qui ont déjà une connaissance acquise de
l'entreprise et qui peuvent se baser sur une expérience à long
terme.
Il y a toujours là un joint qui n'est pas facile à faire
et qui finit souvent par créer des frictions à l'intérieur
de quelque entreprise que ce soit. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On met
carrément les jeunes en affrontement direct avec les travailleurs de la
construction qui sont là sur le terrain. On fait en sorte d'accentuer
les conflits. On met en présence tous les différents
éléments qui vont faire en sorte de nous faire un beau cocktail
Molotov. Après, on va se demander comment il se fait que cela aura
explosé et on va dire qu'il n'y a pas de raison.
Un autre principe, qui a été utilisé,
celui-là par le député de Saint-Maurice, dit qu'il faut
ramener le jeu de la concurrence. Comment ramener le jeu de la concurrence au
niveau des entreprises? Est-ce qu'il n'existe pas de concurrence actuellement
au niveau des entreprises de construction? Je pense qu'il y a
déjà suffisamment de concurrence pour qu'on n'ait pas besoin
d'accentuer encore la concurrence entre les entreprises de construction qui
s'acharnent déjà l'une contre l'autre pour décrocher le
peu de contrats qui sont disponibles dans leur région et dans leur
milieu.
De quoi parlait le député de Saint-Maurice quand il
parlait de concurrence? Il parlait de mettre en concurrence les travailleurs
l'un contre l'autre. C'est cela qu'il nous disait, car il disait, par exemple,
qu'il y a des travailleurs incompétents...
M. Filion: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Question de règlement, M. le
député de Taillon.
M. Filion: Je ne sais pas s'il y en a qui rêvent tout haut,
mais vous conviendrez avec moi qu'on a de la difficulté à
entendre le député d'Ungava, même si on est assis l'un et
l'autre presque à ses côtés. Je vous demanderais d'essayer
de ramener à l'ordre ceux qui font des mauvais rêves.
Le Vice-Président: M. le député, un instant!
Je demande, évidemment, la collaboration de tout le monde pour qu'on
continue à écouter dans le silence chacune des interventions dans
cette Assemblée. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. On comprend qu'ils
puissent faire des cauchemars après avoir pris une telle décision
sur un tel projet de loi.
Je disais donc que le député de Trois-Rivières, de
Saint-Maurice, pardon, ce n'est pas loin, peut-être en cela appuyé
par son collègue de Trois-Rivières, arrivait avec une notion de
concurrence. Oui, mais quand il nous parlait de la notion de concurrence, il
nous disait en même temps que, d'après lui, il y avait
énormément de travailleurs dans la construction qui
n'étaient pas compétents et que cela faisait en sorte que les
coûts augmentaient, que les travaux ralentissaient, etc. Alors, il nous a
dit: On va apporter du sang neuf dans la construction pour remplacer les
incompétents qu'on a là. C'est à peu près ce qu'il
nous disait, M. le Président, je ne l'invente pas. Cela a, d'ailleurs,
été très bien relevé par mon collègue de
Duplessis tout de suite. Au bénéfice de ceux qui sont
peut-être déjà réveillés, parce qu'à
l'heure où il l'a dit en Chambre il y a beaucoup de
télépectateurs qui dormaient, mais qui nous écoutent
sûrement à l'heure qu'il est avant d'aller au travail, vers 3 h 30
ou 3 h 45, il a bel et bien dit qu'il y avait énormément
d'incompétents actuellement dans l'industrie de la construction et que
cela urgeait, que cela pressait de faire entrer du sang neuf avec des jeunes
compétents et dynamiques. C'est cela qu'il entend quand il parle de
concurrence, M. le Président, ce n'est rien d'autre.
La concurrence dans l'industrie de la construction, les entrepreneurs -
il le sait pour en être un ou en avoir été un - en ont
déjà suffisamment et ils voudraient bien en voir
disparaître un peu car ils doivent lutter pour décrocher quelques
contrats à l'occasion, dans leur milieu. C'est là, quand il nous
parle de concurrence, qu'il ne faut pas se tromper. Il ne faut pas se tromper,
il parle vraiment d'établir une concurrence entre travailleurs.
Cela me fait penser à un groupe d'oiseaux, de goélands qui
se battent pour un sandwich. Plus il y a de goélands autour du sandwich,
moins il va y en avoir qui vont manger. C'est à peu près cela, le
problème: on n'augmente pas le sandwich, on met plus de goélands
autour du sandwich. C'est cela, l'affaire. C'est là que s'établit
sa concurrence. C'est comme cela que cela va se faire. C'est la loi du plus
fort, c'est la loi des loups qui se dévorent entre eux en mangeant le
premier qui tombe quand il fait froid en hiver, durant les périodes de
famine. C'est cela, la concurrence dont nous parle le député de
Saint-Maurice dans le domaine de la construction, ce n'est rien d'autre. Ce
n'est sûrement pas les entrepreneurs qui veulent accentuer la concurrence
entre eux, il ne faut pas s'en faire.
On revient donc à l'autre principe que j'ai effleuré
rapidement, qui a été touché
aussi par le député de Saint-Maurice, le principe de la
compétence. Il nous dit: II nous faut du sang neuf, nos travailleurs de
la construction sont, à toutes fins utiles, incompétents. C'est
ce qu'il a dit, les galées de cette Assemblée pourront en
témoigner.
Enfin, en sauveur, au nom d'un cinquième principe, le
député de Notre-Dame-de-Grâce se lève et dit: Voyons
donc, l'industrie de la construction est déjà trop
encadrée. Ce ne sont pas des lions en cage, ces gens. Lorsqu'on ouvrira
la cage, ils ne s'entre-dévoreront pas. Nous faisons un pari, nous
dit-il, sur la raison qui doit dominer et qui va faire en sorte qu'ils vont
vivre harmonieusement, qu'ils vont faire que tout est beau dans le meilleur des
mondes sans qu'il y ait de problèmes. Il nous dit cela tout de suite
après que son collègue de Saint-Maurice nous eut dit que, lui, ce
qu'il voulait, c'était qu'on augmente la concurrence entre travailleurs
dans le secteur de la construction. Quand on augmente la concurrence, on
s'apprête à voir des étincelles; c'est cela, le
problème.
On nous fait accroire, en plus, que ce seront des jeunes alors que,
comme l'a si bien démontré mon collègue, le
député de Roberval, c'est ouvert à tout le monde, à
tous ceux qui ont faim et soif de construction non seulement au Québec,
mais dans l'ensemble de la fédération canadienne puisqu'on
s'ouvre aussi aux autres provinces. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce nous dit en toute candeur: II n'y a pas de
problème, ces gens savent vivre. Certes, ils savent vivre, certes, ce
sont de bonnes gens, certes, ce sont des gens en qui on peut avoir confiance.
Par contre, vous serez d'accord avec moi, M. le Président, pour dire
que, quand on le fait exprès pour mettre des gens dans des situations
conflictuelles, on ne doit pas s'étonner s'il y a des poings qui
revolent à l'occasion. Qu'on ne s'étonne pas de cela.
On a déjà vécu des situations semblables dans le
domaine de la construction, des démonstrations ont été
faites ici, par les membres de l'Opposition, tout au long de cette longue nuit
de veille, la nuit des longs couteaux, devrais-je dire, de l'industrie de la
construction. Il y a eu, tout au long de cette nuit de veille, cette nuit de
deuil de l'industrie de la construction au Québec, toute une
démonstration qui a été faite ici et qui a bel et bien
démontré qu'antérieurement on a vécu des situations
désastreuses non pas parce que les travailleurs de la construction
étaient des gens malhonnêtes, pas parce que ce n'étaient
pas de braves gens, mais parce qu'ils se retrouvaient dans des situations
conflictuelles, de concurrence entre eux, alors qu'ils avaient à lutter
l'un contre l'autre pour réussir à gagner des revenus
convenables. (7 heures)
Si le gouvernement du Québec, en 1977, a été
amené à prendre des mesures pour donner à l'industrie de
la construction une structure d'ensemble qui enlève cette concurrence
malsaine et malhonnête entre les travailleurs, c'est parce qu'il y avait
des raisons. Cela ne s'est pas fait tout seul. S'il n'y avait pas eu de
véritables raisons, les travailleurs de la construction, ne vous en
faites pas, ne l'auraient jamais accepté.
Aujourd'hui, les travailleurs de la construction sont bien à
l'intérieur de la structure qui n'est certes pas parfaite, car des
structures parfaites, il n'y en a pas. On est les premiers à dire, avec
les travailleurs de la construction, qu'il y a des modifications à
apporter, qu'il y a des ouvertures possibles dans certains secteurs et à
certaines conditions. En prenant en considération un certain nombre de
données, il y aurait des alternatives qui permettraient peut-être
un meilleur accès aux jeunes dans le domaine de la construction,
à une certaine jeunesse compétente et qualifiée
intéressée, non pas à des gens de tous azimuts qui vont
aller se faire des revenus complémentaires pour boucler leur fin de
mois, avec quelques heures de travail ici et là pour des entrepreneurs
dans le domaine résidentiel, entre autres, comme cela a, d'ailleurs,
été dit plus ou moins par le député de
Saint-Maurice.
C'est un peu le tableau. On le fait exprès pour mettre les gens
dans une situation qui sera invivable et, après, on se demande comment
il se fait que cela va mal dans l'industrie de la construction. Pourquoi et au
nom de quel principe ce gouvernement peut-il se permettre, comme je le disais
au début, de prendre en otages les travailleurs de la construction pour
essayer de faire accroire à la jeunesse du Québec que l'on va
régler tous ses problèmes en lui ouvrant l'industrie de la
construction, alors que, parallèlement, on ferme les services aux jeunes
en régions? On essaie de jumeler des services avec d'autres de
façon à économiser quelques millions ici et là, en
démobilisant la jeunesse, en faisant en sorte que cela coûte moins
cher selon le principe de la rationalisation. On dit aux mêmes jeunes:
Vous n'aurez pas de problème, de toute façon, on vous ouvre
l'industrie de la construction. On ne leur dit pas qu'on les met en concurrence
directe avec leurs aînés, par exemple, avec les gens
compétents et qualifiés qui sont déjà en nombre
supérieur à la demande, au moment où l'on se parle, dans
cette industrie.
Que pensez-vous qu'il va se passer? Que l'on développe des
politiques globales avec une vision intégrée de l'ensemble des
problèmes de travail qui affectent les jeunes et les moins jeunes de
notre société et on sera d'accord avec ce gouvernement. Mais,
jusqu'à ce jour, il ne nous a proposé
absolument rien et il ne nous a donné aucune solution par rapport
à un plan de société, à un plan global qui
permettrait de relancer, comme il le disait si bien en campagne
électorale, l'emploi au Québec. Qu'est-ce qu'on a vu? Rien. La
seule mesure qu'on veut prendre, c'est d'utiliser un milieu qui avait acquis
une certaine compétence et un niveau de stabilité. On s'empresse
de le déstabiliser pour faire accroire aux jeunes que c'est par
là qu'on va régler leurs problèmes. Comme si tous les
jeunes du Québec qui veulent travailler étaient
intéressés à travailler dans la construction!
Premièrement, cette hypothèse est déjà assez
bizarre, mais il semble que ce soit la seule hypothèse qu'ait retenue le
ministre responsable du dossier. Qu'attend-on? Pourquoi n'entre-t-on pas dans
tous les domaines, comme le disait un de mes collègues tout à
l'heure? Si on attaque l'industrie de la construction, pourquoi ne pas attaquer
tous les autres domaines? Avant longtemps, ce sera l'industrie minière
et l'industrie forestière dont il est question actuellement qui seront
discriminatoires envers les jeunes. Ce seront les services sociaux, les
hôpitaux et l'industrie du transport qui seront discriminatoires envers
les jeunes. Au nom de cette discrimination, on s'apprête peut-être
- et là, on est en droit de se poser la question, surtout après
la disparition sournoise des comités paritaires un peu partout au
Québec - à essayer de rentrer dans le corps de toute
l'organisation des travailleurs sous prétexte que c'est discriminatoire,
car, lorsqu'on n'est pas membre d'un syndicat, on ne peut pas entrer dans
l'entreprise et dans le milieu qui est protégé par cet
organisme.
Ici, M. le Président, on est en train de faire croire
discrètement et subtilement à la population du Québec que
tout milieu de travail protégé est discriminatoire en soi, et ce
gouvernement est en train de s'organiser pour démolir toute structure de
travail au Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Taillon.
Des voix: Hé! Hé!
Le Vice-Président: Je m'excuse infiniment. Je n'avais pas
remarqué qu'un député ministériel se levait. Je
reconnais à ce moment-ci, en vertu du principe de l'alternance, M. le
député de La Peltrie.
Des voix: Bravo!
M. Lawrence Cannon
M. Cannon: Merci, M. le Président. Cette Assemblée
s'arrête aujourd'hui sur un problème qui, même s'il a
été soulevé il y a plusieurs années, n'a jamais
connu la moindre ébauche de solution. Qu'il me soit permis de vous
rappeler la conclusion des nombreux rapports ou comités d'étude
en commission qui se sont penchés sur le sujet. Je parle, en effet, du
rapport Cliche de 1975, du comité Dussault de 1977, de la commission
Jean de 1981, ainsi que de la commission parlementaire permanente du travail de
1984 où tous concluaient que le système de formation et
d'apprentissage ne répondait plus aux besoins de l'industrie.
Si, depuis les dix dernières années, aucune
démarche n'a été faite pour améliorer les lacunes
soulevées dans ces rapports, le gouvernement libéral, lui, a la
ferme intention de voir à la qualité de la formation
professionnelle de la main-d'oeuvre dans le secteur de la construction, ainsi
qu'à la finalité première de la formation,
c'est-à-dire l'accès au travail. Les études
mentionnées antérieurement et les conclusions auprès des
intéressés, employeurs comme employés, nous ont permis de
constater la faible influence des parties en matière
d'élaboration des programmes de formation qui, actuellement, se font
sans tenir compte réellement des besoins de l'industrie.
Ce manque de concertation, tant au niveau du ministère de
l'Éducation qu'au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, débouche sur une formation
professionnelle qui ne tient pas compte des besoins réels de
l'industrie, puisque ces derniers sont absents de la planification des
programmes de formation. Le Parti libéral proposait déjà,
dans son programme électoral de novembre 1985, que les programmes de
formation de la main-d'oeuvre soient élaborés par les gens du
milieu de la construction, tout en respectant l'aspect pédagogique qui
doit, néanmoins, demeurer sous la conduite du gouvernement de
façon à assurer la qualité et l'uniformité à
l'ensemble de la population.
Le projet de loi 119 propose donc le remplacement de l'Office de la
construction du Québec par la Commission de la construction du
Québec et crée le comité de formation professionnelle de
l'industrie de la construction. Ces partenaires, en collaboration avec le
ministre de l'Éducation et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu, pourront veiller à ce que soient
intégrées des connaissances et des habiletés devant
être acquises en milieu scolaire, ainsi que la formation devant
être acquise en milieu de travail, en plus de tenir compte des besoins de
l'industrie. Tout ceci dans le but d'amener l'école à
répondre aux besoins du marché, donc de faciliter l'accès
au marché à cette relève plus compétente et
polyvalente dans un secteur névralgique de notre économie.
En plus de vouloir bien cerner les
besoins du marché, tant de manière qualitative que
quantitative, la concertation entre tous les intervenants permettra de
réévaluer la durée excessive de l'actuel système
d'apprentissage, le manque de suivi d'un candidat, le manque de
flexibilité du système, l'absence d'une formation minimale
adaptée, la non-correspondance des cours en institution aux
métiers à exercer et le trop grand nombre d'intervenants à
ce niveau. La concertation avec les représentants du milieu industriel
permettra de déterminer de façon plus réelle les
prérequis nécessaires pour accéder à la formation
professionnelle en milieu scolaire.
L'inaction du gouvernement antérieur, M. le Président, a
maintenu dans nos institutions des jeunes en période de formation
où la non-correspondance de la formation aux besoins de l'industrie
s'est traduite par une non-reconnaissance pleine et entière de la
formation dispensée. Le gouvernement actuel veut remplir l'un de ses
rôles premiers, c'est-à-dire voir à la saine gestion de ces
institutions qui doivent offrir, au niveau de la formation, entre autres, des
services qui répondent aux besoins pour lesquels ils sont
créés. (7 h 10)
Au volet de la formation professionnelle, ce projet de loi permettra,
par le nouveau système, d'assurer la compétence requise aux
futurs travailleurs concernés et ainsi d'arrimer la formation
professionnelle dispensée en milieu de travail à celle
reçue en milieu scolaire, puisque l'implication des parties couvrira
toutes les étapes de la formation à dispenser. Cette étape
essentielle à une formation adéquate verra, elle aussi, une
amélioration à sa réalisation.
En effet, le projet de loi 119 établit que l'accès
à l'industrie de la construction sera basé sur la
compétence et non plus sur un critère d'heures
travaillées, système qui s'est révélé
injuste et discriminatoire, discriminatoire surtout pour les jeunes de la
société québécoise.
Le nouveau système d'accès à l'industrie
établit que les jeunes qui auront complété avec
succès un cours de formation professionnelle dans l'un des
métiers de la construction auront accès à l'apprentissage
et pourront travailler. Le ministère de l'Éducation formera le
nombre de jeunes requis en fonction de l'estimation des besoins établis
par la Commission de la construction du Québec qui possède toutes
les données, l'expertise pour l'élaborer.
L'estimation des besoins de main-d'oeuvre se fera donc avec les
partenaires de l'industrie qui sont les mieux placés pour
déterminer leurs besoins. Ainsi, le gouvernement formera le nombre de
jeunes nécessaires pour répondre aux besoins de l'industrie et le
jeune qui aura étudié et appris à l'école un
métier pourra poursuivre son cheminement en apprentissage.
Actuellement, pour avoir le droit de faire un apprentissage dans un
métier de la construction, il faut avoir 16 ans et détenir un
certificat de classification. Pour avoir un certificat de classification, il
faut avoir accumulé des heures travaillées. Le jeune, sur les
bancs d'école, ne pouvait accumuler des heures travaillées.
C'était impossible. Ainsi, l'accès à l'industrie de la
construction était fermé aux jeunes.
Le système proposé par le projet de loi 119 permet
l'entrée des jeunes dans l'industrie de la construction. Il permet une
relève qui sera formée en fonction des besoins de l'industrie,
qui recevra une formation qui ne consistera plus en une accumulation d'heures
travaillées sur un chantier donné mais qui combinera la formation
en école sur un chantier.
En terminant, M. le Président, permettez-moi de vous rappeler une
des priorités du gouvernement actuel qui est de favoriser l'accès
au travail pour les travailleurs et les travailleuses du Québec par des
politiques tenant compte des réalités, des besoins et des moyens
à notre disposition. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président.
J'écoutais l'intervenant précédent nous parler de la
formation de la main-d'oeuvre dans la construction, nous dire comment les
industries, le ministère de l'Éducation, etc., se concerteront
pour arriver à produire des ouvriers qualifiés dans la
construction. Je pense que, manifestement, il y a une partie de la
problématique qui a échappé au député de La
Peltrie. Le problème, au Québec, ce n'est pas qu'il n'y a pas
suffisamment de jeunes formés pour l'industrie de la construction. Le
problème, c'est qu'il y a un nombre d'emplois limités dans la
construction comme dans la fonction publique, dans la fonction publique comme
dans le taxi, comme dans n'importe où. C'est cela le problème
dans l'industrie de la construction. Tout le monde voudrait avoir une bonne
"job", comme on dit, à bon salaire et travailler de façon la plus
permanente possible, avoir un revenu décent. Tout le monde voudrait le
faire et c'est le pourquoi du règlement de placement dans l'industrie de
la construction. C'est précisément pour cela qu'il a
été instauré, qu'il a été assoupli, qu'il a
été amendé au fil des années pour faire en sorte
qu'on puisse reconnaître au Québec une classe de travailleurs de
la construction qui pourront gagner leur vie honorablement et gagner un salaire
décent.
Or, maintenant, le ministre du Travail et le leader parlementaire du
gouvernement, reconnaissent que le projet de loi ne modifiera en rien la masse
salariale dévolue à l'ensemble de la main-d'oeuvre de la
construction. Il n'y aura pas plus d'argent qui va être donné
à l'ensemble des travailleurs de la construction après l'adoption
- si jamais cette Assemblée en arrive là - de la loi 119. Il n'y
aura pas plus de dollars versés par les entrepreneurs de la
construction. Cela ne dépend pas du projet de loi 119. Cela
dépend des chantiers qui sont mis en construction.
Or, les discours qu'on entend de l'autre côté partent dans
bien des cas d'une prémisse fausse, mais qui est véhiculée
par le Parti libéral depuis longtemps, qui est véhiculée
par le Parti libéral depuis l'instauration du règlement de
placement où les gens d'en face ont fait accroire et continuent de faire
croire, particulièrement à la jeunesse du Québec, que de
toucher au règlement de placement permettra un nombre accru de jobs dans
la construction.
Je vois le député de Notre-Dame-de-Grâce qui a
encore cette impression alors que son propre leader reconnaissait en Chambre,
au début de la nuit, que ce n'est pas par enchantement que les jobs vont
venir dans la construction. Le ministre du Travail, lorsqu'il était
interrogé lors des périodes de questions par le
député de Verchères et lorsqu'il est interrogé par
des journalistes sérieux, reconnaît également que cela ne
changera rien à la masse salariale qui tombe dans les goussets des
travailleurs de la construction pas plus que cela ne changera quelque chose au
nombre de jobs décents qui vont exister dans le secteur de la
construction.
Mais - c'est cela qui est important - le Parti libéral
véhicule depuis 1977 cette fausse idée. Ils ont tenté de
se faire du capital politique avec l'idée qu'abolir le règlement
de placement réglerait le problème dans la construction et qu'on
pourrait, comme par magie, multiplier le nombre d'emplois offerts aux
travailleurs de la construction. C'est contre la logique la plus
élémentaire. Je donnais l'exemple tantôt de la fonction
publique. Pourquoi le Parti libéral - d'ailleurs, il va falloir
surveiller ces gens parce que c'est peut-être une future promesse
électorale - ne dirait-il pas: On ouvre la fonction publique au complet,
y compris les institutions d'enseignement, y compris les hôpitaux? Ce
seraient 300 000 jobs; on va dire aux gens: Écoutez, vous voulez
travailler au gouvernement, vous voulez travailler dans les institutions
d'enseignement ou dans les hôpitaux, vous venez de sortir de
l'école, vous avez un diplôme, on va vous faire travailler.
Imaginons deux secondes qu'ils diraient: À ce moment-là,
les règles de recrutement de la fonction publique, cela ne compte pas,
ou les règles de recrutement dans les institutions d'enseignement, c'est
la compétence qui compte. Il y a plein de professeurs qui se cherchent
des jobs. Il y a plein de préposés aux
bénéficiaires qui cherchent des jobs dans mon comté et
ailleurs. Il y a plein de personnel, de femmes qui retournent sur le
marché du travail et qui aimeraient cela avoir un emploi, mais dans la
fonction publique québécoise. Est-ce qu'on va dire à ces
gens: Venez, on va changer les règles et tout le monde va venir
travailler? Ce n'est pas vrai. Cela ne fera pas plus de jobs décents. La
seule chose que cela peut donner, par exemple, c'est qu'au lieu d'avoir un
travailleur de la construction qui va gagner 30 000 $ par année, 25 000
% ou 20 000 $ selon les conditions de travail, on pourra en avoir deux pour la
même tarte. Ou on pourra en avoir dix pour la même tarte.
C'est là qu'il faut craindre les dangers et les
conséquences du projet de loi 119 sur le climat social. C'est là
qu'il faut s'interroger sur le degré de réflexion qu'a mis le
gouvernement avant de déposer le projet de loi 119. C'est ce qui m'a
inquiété personnellement, M. le Président. J'ai suivi le
débat entourant le règlement de placement et j'ai cru que le
ministre du Travail utilisait le temps qui lui était imparti par les
circonstances, c'est-à-dire les derniers dix mois, pour
réfléchir aux conséquences de l'abolition d'un
règlement de placement. Malheureusement, je m'étais
trompé. Je le reconnais ce soir, je m'étais trompé. (7 h
20)
Le ministre du Travail du gouvernement libéral manque de
prévoyance lorsqu'il s'imagine que la mise en oeuvre d'un projet de loi
tel que le projet de loi 119 pourrait se faire sans heurt, sans malaise social,
à l'intérieur de la main-d'oeuvre de l'industrie de la
construction. Cela m'inquiète pour l'avenir.
Le gouvernement libéral, on le sait, a un long passé, un
malheureux et long passé de troubles sociaux. Je vois dans cette Chambre
qu'il reste beaucoup de jeunes députés qui comme moi n'ont pas
vécu de l'intérieur la période de 1970 à 1976, mais
qui, comme moi, ont probablement la mémoire de l'ensemble des
événements que le Québec a connus durant cette
période. Pourquoi? Parce qu'il existait des malaises sociaux. Pourquoi?
Parce que le Parti libéral de l'époque avait fait croire et
accroire aux gens des mirages. Pourquoi? Parce que le Parti libéral a
semé des expectatives, en particulier chez les jeunes, mais des
expectatives qu'ils ne seront pas en mesure de satisfaire. Qu'on ait donc
l'honnêteté de leur dire, aujourd'hui. Qu'on ait donc
l'honnêteté de leur dire que, si un jeune trouve un emploi dans le
domaine de la
construction avec le projet de loi 119, ce sera parce qu'il aura mis
quelqu'un un peu plus âgé que lui dehors. Qu'on ait
l'honnêteté de se lever en Chambre et de le dire! Non, le ministre
du Travail continue de tergiverser autour de son projet de loi. Il ne dit pas
la vérité. S'il veut l'abolir le règlement de placement,
qu'il en fasse le choix politique, qu'il se lève, qu'il l'abolisse. Mais
qu'il explique, par exemple, les conséquences et qu'on arrête de
l'autre côté de dire aux jeunes: La construction vous est ouverte.
C'est complètement, mais complètement, dangereux pour le climat
social du Québec. D'autant plus, et vous le savez, que les jeunes sont
particulièrement déçus de ce que le gouvernement
libéral a fait depuis un an. Parité d'aide sociale au sujet de
laquelle la candidate libérale dans mon comté s'est
promenée à la télévision et dans son
dépliant pour dire aux gens... Dans la parité d'aide sociale, la
seule chose qui se passe, c'est qu'on prend les plus vieux et qu'on va les
ramener au même niveau que les plus jeunes. Je n'appelle pas cela une
parité, j'appelle cela un nivellement par le bas.
Dans la construction, c'est encore plus vrai. Il y a des jeunes qui sont
venus dans mon comté également. J'écoutais le ministre du
Travail raconter qu'il y a des jeunes qui venaient le voir et qui disaient:
J'ai ma carte de compétence et je ne travaille pas. Le ministre du
Travail disait: C'est bien épouvantable. Moi, j'en ai des gens qui
viennent dans mon bureau de comté, mais pas juste des jeunes de la
construction, des jeunes dans tous les secteurs qui viennent dans mon bureau et
qui aimeraient avoir un emploi. Est-ce que je leur dis: Vous voulez travailler
dans la fonction publique? On va faire sauter les règles dans la
fonction publique et tout le monde va venir y travailler. Est-ce qu'on leur
dit: On va faire sauter les règles dans les hôpitaux et tout le
monde va venir y travailler?
Nous, du Parti québécois, nous sommes un peu plus
cohérents. Ce n'est pas pour ramasser du capital politique, M. le
Président, que je me livrerai avec mes gens dans le bureau de
comté à semblable conversation. L'économie d'un pays est
une affaire de solidarité entre les différents groupes qui la
composent. Et défaire le règlement de placement, c'est chercher
à opposer ceux qui ont du travail à ceux qui n'en ont pas. C'est
mettre, l'un en face de l'autre, un chômeur avec quelqu'un qui travaille
et lui dire: Si tu veux une "job", bien pousse-le donc l'autre! C'est pas comme
cela que cela fonctionne, M. le Président, une société
pour qu'elle se développe harmonieusement. Cela fonctionne par la
concertation, cela fonctionne par des efforts soutenus, des efforts
coordonnés pour développer des secteurs de l'industrie. Il n'y a
rien là-dedans pour développer le secteur de la construction,
rien. Mais, on a quand même le projet de loi 119.
Je pense que le gouvernement est conscient que ce que je dis, ce matin,
est exact. Mais le Parti libéral a fait un bout de chemin quand il
était dans l'Opposition en se ramassant du capital. Je vois le
député de Gatineau qui est intervenu plusieurs fois en cette
Chambre à l'époque des débats sur le règlement de
placement. Il a dit, cette nuit: On a passé neuf ans à le
combattre; maintenant, on le réalise. Je pense qu'il connaît fort
bien les conséquences de sa décision. Ces gens sont-ils
suffisamment conscients des problèmes sociaux que cela peut causer?
C'est cela qui m'inquiète. Sont-ils conscients du degré
d'insatisfaction qui existera chez les jeunes lorsqu'ils s'apercevront que le
projet de loi 119 n'a pas fait de magie et que tout ce que cela produit, c'est
une bousculade entre deux groupes dans la société: ceux qui ont
un emploi et ceux qui n'en ont pas?
J'aurais aimé que le gouvernement libéral produise au
moins une petite politique, l'ombre du commencement d'une politique visant
à développer l'industrie de la construction. J'aurais aimé
qu'on reprenne certains programmes mis de l'avant par le gouvernement du Parti
québécois, Corvée-habitation et tous les autres, pour
tenter de soutenir un peu cette industrie. Mais non, on s'est acharné
à remplir une promesse électorale qui, on le savait, était
vide de sens, mais lourde de conséquences. Je pense que le wagon du
ministre du Travail est comme celui qui a commencé à
démarrer il y a très longtemps et se dirige vers un mur de
brique. Mais comme il y a beaucoup de gens dans le wagon, comme on a vendu bien
des billets, on dit: On y va et on y va encore plus vite. Mais c'est un mur de
brique qu'il y a en face, et il le sait fort bien.
Gouverner, c'est prévoir. Est-ce que le gouvernement a
prévu ce qui se passera sur les chantiers de construction quelques mois
après l'adoption du projet de loi 119? Est-ce que le gouvernement a
prévu ce qui se produira lorsqu'un entrepreneur de Montréal
obtiendra un contrat dans la région du SaguenayLac-Saint-Jean ou
de l'Abitibi ou même à Québec et voudra embaucher son
monde? Est-ce que le gouvernement libéral a prévu les
conséquences d'une main-d'oeuvre affamée sur le respect des
conditions de travail dans le décret? Quand la tarte est là, que
70 personnes veulent la manger et qu'il n'y a que dix places, laissez-moi vous
dire une chose, il y en a qui sont prêts à payer sous la table
pour en manger un morceau. C'est normal. Ces gens auront été
encouragés par le Parti libéral. Le Parti libéral a-t-il
prévu les normes d'embauche en régions lorsque des contrats
seront exécutés? Cela, c'est inquiétant.
La construction est un milieu particulièrement sensible où
la loi de la jungle prend des proportions drôlement concrètes. Le
saccage à la Baie James, cela ne fait pas si longtemps, cela a eu lieu.
La loi de la jungle, la concurrence débridée, l'irrespect de la
protection de la main-d'oeuvre, l'irrespect de l'ancienneté dans
l'industrie de la construction, cela peut - ne nous le souhaitons pas - prendre
des allures de dynamite. C'est un milieu fragile qui connaissait la plus
parfaite paix depuis neuf ans, depuis le règlement de placement dans le
milieu de la construction. Est-ce qu'il y en a un, de l'autre
côté, qui peut dire que l'industrie de la construction, depuis
neuf ans, représente un milieu bardassé, victime de secousses?
Pas du tout, au contraire, le dernier décret a été
signé volontairement entre les parties.
M. le Président, je sais qu'il me reste peu de temps.
Malheureusement, nous n'avons que 20 minutes chacun pour discuter de ce projet
de loi. Vous me faites signe qu'il me reste environ trois minutes. (7 h 30)
En terminant, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'il y en
a de petites vites dans ce projet de loi. Je ne sais pas si cela a
été examiné comme il faut au caucus libéral. Je
pense que lorsqu'on a adopté la première partie concernant le
règlement de placement, on n'a pas regardé comme il faut la
commission de la construction du Québec. Un organisme paritaire
financé par qui? Par les travailleurs et les entrepreneurs qui versent
chacun 1/2 %. Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce que le ministre du Travail fait?
Vous êtes-vous interrogés en caucus là-dessus? D'abord, il
double les cotisations, il crée la Commission de la construction du
Québec, il change le nom de l'office - cela n'est pas tellement grave -
mais il en change surtout la composition pour faire en sorte... Je lis
textuellement la composition de la Commission de la construction du
Québec à l'article 3.2: 1° quatre, qui vont être issus
des milieux patronaux après consultation de l'AEQ et des six ou sept
associations patronales de la construction; 2° quatre, après
consultation des syndicats - jusque là, cela va bien; 3° deux,
recommandés par le ministre du Travail - on se dit que le ministre du
Travail veut être sur place; c'est l'argent des travailleurs et des
entrepreneurs qui est là, le ministre du Travail veut avoir son mot
à dire, il en met deux. Cela continue: 4° un autre,
recommandé par le ministère de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu - c'est le même ministre. Il en nomme
trois, on aurait pu le dire. On dit: C'est fini, quatre, quatre, trois, c'est
déjà fort. 5° un autre, recommandé par le
ministère de l'Éducation. On est rendu à quatre, quatre,
quatre. Un tiers, mais qu'est- ce que le gouvernement paie là-dedans?
C'est l'argent du monde, l'argent des travailleurs et des entrepreneurs. Enfin,
le président est nommé par le gouvernement.
On s'aperçoit là des visées du ministre du Travail,
des visées gouvernementales, des visées du Conseil des ministres
qui aura un bloc de cinq, le bloc le plus important, majoritaire en nombre au
sein de la Commission de la construction du Québec. Ce sont des petites
vites que le ministre du Travail a incluses dans son projet de loi. Quant
à y être, le règlement de placement, les gens vont
évidemment discuter beaucoup de cette partie. Moi, j'en profite, je
refais mon Office de la construction du Québec et j'en prends le
contrôle.
Je vais vous dire tout de suite que cela ne marchera pas. Dans la
construction, ces "gamiques" portent des noms qu'on ne peut pas reproduire
à l'Assemblée nationale mais les gars de la construction, comme
on les appelle, avec qui j'ai travaillé durant mes études, les
gars de la construction et les patrons de la construction, ces petites
"gamiques", ils ne prennent pas cela. Le ministre du Travail devrait retourner
à sa table de travail, comme il l'a fait pour l'aide sociale. Qu'il
continue à étudier et à consulter comme il faut, pas
à moitié mais pour vrai. Qu'il fasse en sorte que son projet de
loi soit débattu non pas en pleine nuit pour éviter probablement
que les gens ne nous écoutent, mais qu'on en discute le jour,
ouvertement, qu'on fasse des consultations qui soient autre chose que de la
frime, qu'on mette ce projet de loi au grand jour, parce que ce n'est pas vrai
qu'on va réqler, que le gouvernement libéral va régler une
promesse électorale folichonne avec un projet de loi qu'on
étudiera la nuit.
Je voudrais ajouter un dernier mot là-dessus à
l'égard du leader parlementaire. Je me souviens fort bien qu'il m'a fait
siéger en comité plénier pour un projet de loi pour le
moins de troisième importance par rapport à celui-ci. Je me
souviens fort bien que le leader du gouvernement, une certaine semaine, aurait
pu nous faire travailler deux fois plus en Chambre. Au contraire, on a
travaillé six heures sur treize cette semaine-là, disait le
député d'Abitibi-Ouest. Mais cette nuit on nous a demandé,
on vous a demandé, parce que cela vous intéresse aussi ce projet
de loi, de discuter dans des conditions qui sont proprement inacceptables. Le
1er ou le 2 décembre, c'est inacceptable et c'est probablement un
précédent malheureux pour notre gouvernement, de siéger
aussi tôt que cela, 24 heures par jour, alors que nous avons tous des
devoirs parlementaires qui nous appellent dans quelques heures et ce n'est pas
fini. Il y en a d'autres qui vont intervenir après moi. Et ce n'est pas
fini. Inacceptable, M. le leader...
Le Vice-Président: En conclusion.
M. Filion: ...du gouvernement, comme façon de
procéder, alors que vous auriez pu déposer ces projets de loi le
1er, le 15, le 30 octobre ou à n'importe quelle autre date, disons le 30
octobre, après l'ouverture de la session. Vous avez raison de dire que
le déposer le 1er octobre, cela aurait été difficile, mais
si vous aviez dit même au leader de l'Opposition: Écoutez, on a
des projets de loi importants, voulez-vous qu'on se réunisse un peu plus
tôt? je suis convaincu que vous auriez eu l'assentiment de
l'Opposition.
Quand il y a des projets de loi sérieux, on les étudie
sérieusement et jusqu'au bout, mais ces conditions de travail qu'on
inflige aux parlementaires des deux côtés de la Chambre, à
cause d'un manque de prévoyance du leader, sont proprement
inacceptables, comme le projet de loi, d'ailleurs, M. le Président. Je
vous remercie.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à Mme la députée de Mégantic-Compton.
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Je suis
très heureuse ce matin de pouvoir m'exprimer en cette Chambre sur
l'important projet de loi 119 qui a été déposé
jeudi dernier par le ministre du Travail et député de
Brome-Missisquoi.
Ce projet de loi, M. le Président, apporte, selon moi, la
solution depuis longtemps espérée à l'un des
problèmes les plus graves que vivaient les jeunes et les travailleurs de
Mégantic-Compton. En effet, il m'arrivait très fréquemment
hélas! de les entendre raconter les difficultés qu'ils avaient
à surmonter, à la fin de leurs études, pour
acquérir une carte de classification qui leur permettrait de travailler
dans le domaine de la construction. Il est évident, M. le
Président, qu'au lendemain de la sanction de la loi il n'y aura pas 10
000 emplois créés et le ministre n'a jamais prétendu telle
chose. Mais le travailleur, ayant une carte de qualification et n'ayant pas sa
carte de classification, pourra, au moins, partir à la recherche d'un
emploi et espérer en obtenir un. Mais cette fameuse carte ne pouvait
être obtenue pour les nouveaux venus qu'en ayant effectué une
période d'apprentissage, pour chaque métier, de 2000 heures
chacune.
Ce critère basé sur le nombre d'heures est plutôt
farfelu, M. le Président, et quasiment irréaliste quand on sait,
par exemple, que, pour devenir charpentier et menuisier, il faut trois
périodes d'apprentissage; pour devenir électricien, 4 et pour un
tuyauteur, 4 également et qu'il n'y a aucun mécanisme de suivi du
candidat durant cette période d'apprentissage. Comment a-ton pu en
arriver à une situation aussi invraisemblable et aussi ridicule, M. le
Président?
Je peux vous dire également qu'il n'y a pas que les jeunes qui
ont souffert de cette situation. Je pense aussi à tous ceux qui, au
début de cette décennie, durant les pires années de la
récession, n'ont pu accumuler le nombre d'heures suffisant pour
conserver leur carte. Ce n'était certes pas à cause d'un manque
de compétence qu'ils se sont trouvés forcés de travailler,
bien malgré eux, dans l'illégalité. Il n'y avait pas
d'ouvrage à cette époque. Vous, membres de l'Opposition,
avez-vous oublié cette période, tout préoccupés que
vous étiez par les questions référendaires?
Ce règlement absurde, M. le Président, les a
empêchés d'exercer un métier qui avait toujours
été leur gagne-pain et qui assurait la subsistance de bien des
familles. Le Québec a été privé trop longtemps de
cette main-d'oeuvre qualifiée, compétente et désireuse de
travailler. Ce projet de loi était devenu une nécessité.
Il était devenu, de toute évidence, urgent de procéder
à une réforme. (7 h 40)
Le projet de loi 119 viendra, de plus, régulariser la situation
de ceux dont je vous ai parlé précédemment, ceux qu'on
appelle les interdits de la construction qui, désormais, ne se feront
plus enlever leur permis de travail parce qu'ils n'auront pas accumulé
le nombre d'heures requis.
Le projet de loi 119 ne peut que bonifier l'industrie de la construction
et le travailleur actuel peut être rassuré, car le nouveau
régime ne touche pas à ses conditions de travail, ne touche pas
non plus à son taux de salaire, ni à son régime
d'avantages sociaux, ni à sa paie de vacances. Il ne touche pas non plus
à ses congés fériés, non plus qu'au fonds
d'indemnisation des salariés en cas de faillite de l'entrepreneur, ni au
régime de retraite. Toutes les dispositions actuelles du
règlement sur le placement qui régissent l'inventaire permanent
des travailleurs, les agences de placement syndicales et le système de
référence de la main-d'oeuvre qui garantit la priorité
d'emploi, demeureront en vigueur. Seule la carte de classification émise
en vertu du règlement sur le placement est abolie.
Le projet de loi 119 prévoit un système d'accès
à l'industrie et une reconnaissance des droits acquis à tout
travailleur actif et enregistré présentement à l'Office de
la construction du Québec. Ce travailleur recevra automatiquement un
nouveau certificat de compétence qui lui permettra de continuer à
exercer ses activités sur les chantiers de construction à
l'échelle de la
province de Québec. Il est une chose très importante
à considérer également: ce projet de loi favorisera la
priorité régionale en permettant aux travailleurs résidant
dans une région d'y travailler prioritairement avant l'embauche d'un
travailleur résidant dans une autre région.
M. le Président, nous sommes appelés à
réformer aujourd'hui le ridicule érigé en système
par l'ancien gouvernement du Parti québécois sous la tutelle du
chef de l'Opposition, titulaire du ministère du Travail à
l'époque. Même l'ex-commissaire de la commission Cliche, l'actuel
leader de l'Opposition et député de Joliette, recommanda
l'abolition du système des permis de travail, soit à peu
près l'actuelle réforme que nous proposons aujourd'hui. Le leader
de l'Opposition a réussi ce que peu de parlementaires ont fait en cette
Chambre, soit de signer un rapport recommandant l'abolition du système
des permis de travail et de voter avec son parti en 1978 pour une
réforme prônant d'une façon absolue le contraire de ce
qu'il proposait quatre ans plus tôt. Maintenant, il est contre la mesure
qui est à peu près ce qu'il signait en 1974. Le moins que l'on
puisse dire, c'est que le leader de l'Opposition, le député de
Joliette, manque de suite dans les idées. Il n'est pas un chef-d'oeuvre
de cohérence.
En conclusion, je me réjouis du fait que, dorénavant,
jeunes et moins jeunes pourront accéder au marché du travail dans
l'industrie de la construction d'une façon plus équitable. Quant
aux autres travailleurs, ils savent bien que le but de cette mesure n'est pas
de les pénaliser, car les plus compétents auront toujours de
l'emploi. Tout le monde sait aussi que, sur les chantiers de construction, la
qualité du travail accompli dépend en grande partie des conseils
dispensés par les travailleurs les plus expérimentés.
Donc, ce projet de loi n'enlève rien à personne. Il ne
fait que donner à ceux qui veulent travailler la chance, au moins, de
chercher un travail. C'est une mesure des plus démocratiques qui
bénéficiera à l'ensemble des Québécois. Vous
avez sans doute compris que je vais voter pour l'adoption du principe du projet
de loi 119, non seulement par solidarité ministérielle, mais bien
par conviction personnelle, dans un sens d'équité et de justice
sociale pour tous. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette Mme Vermette: Merci, M. le
Président.
Je viens d'entendre la députée qui est toute en nuances
à cette heure-ci du matin. On vient de dire que c'est un projet de loi
qui donnera la chance aux gens de se trouver un emploi. On n'est plus aussi
catégorique ou affirmatif qu'on l'a déjà été
dans le langage, parce qu'on disait antérieurement que c'était
l'assurance de se trouver du travail. On commence à établir des
nuances parce qu'on commence à être conscient, justement, que l'on
ne peut pas donner plus d'emplois qu'il n'y en a. Finalement, si on ne veut pas
se faire prendre à partie, il faut vraiment revenir sur certaines
positions et nuancer davantage son vocabulaire. Je suis fort heureuse de voir
qu'il y en a qui sont capables de faire la différence entre avoir une
grande capacité d'emplois, un grand bassin d'emplois et un bassin
d'emplois plus restreint. À cause de ces considérations, il est
important d'établir des normes, des critères qui favorisent un
bon entendement, un bon climat social.
J'espère qu'au cours des prochaines heures on ira plus en
profondeur dans cette pensée qui nous permettra de nous attarder
davantage aux travaux journaliers de la Chambre et des députés en
cette Assemblée. Parce que passer une nuit sur un projet de loi n'est
pas la meilleure formule pour arriver à en cerner toutes les
conséquences. Je pense qu'il est important de prendre les bons moyens
pour mieux comprendre et cerner l'ensemble d'une problématique afin de
permettre aussi aux gens de cerner les différentes argumentations de
part et d'autre. Cela permet aussi à ces gens qui nous regardent
probablement ce matin, parce que les travailleurs, comme on le sait, sont des
gens qui se lèvent tôt... Ils ne passent probablement pas toute la
nuit debout, comme nous venons de le faire, mais ce sont des gens qui, pour
leur travail, doivent se lever tôt. Probablement qu'il y en a
quelques-uns qui se sont attardés ce matin, tout en prenant leur
déjeuner, à savoir ce qu'il adviendra de leur avenir. Est-ce
qu'il sera plus facile pour eux de se trouver de l'emploi? Est-ce que ce sera
la porte ouverte à tout le monde, comme on dit? Est-ce que le grand
rallye est commencé? Les plus rapides auront les "jobs", les moins
rapides attendront encore.
Je pense qu'ils sont en droit de se poser ce genre de questions.
Qu'arrivera-t-il aux aînés? Qu'arrivera-t-il aux plus jeunes,
à ces jeunes à qui on a promis mer et monde?Vous
savez ce qu'ont donné les projets Mer et monde, M. le Président.
Ce n'est pas toujours très concluant dans notre société,
les projets Mer et monde. C'est un peu comme le projet Rendez-vous 87, en
fait.
Il faut faire attention, quand on utilise un vocabulaire et surtout
quand on donne des attentes à une jeunesse qui se sent
désemparée actuellement parce qu'on lui
avait fait tellement de promesses, parce qu'on lui avait fait croire,
justement, que le Père Noël était arrivé avec le
Parti libéral. Mon Dieu qu'ils ont déchanté! On s'est
aperçu que la poche du Père Noël ne contenait que de l'air.
Il n'y avait rien. Il n'y avait pas de contenu. Il n'y avait pas de
contenant.
II est triste d'illusionner cette jeunesse qui, déjà, vit
des problèmes incommensurables, chez qui, actuellement, le taux de
suicide et le découragement augmentent de plus en plus dans notre
société. Je pense qu'il ne faut pas leurrer cette jeunesse. Le
peu d'espoir qu'elle a vis-à-vis des hommes et des femmes politiques, il
faut le conserver. Ma foi, on leur donne l'illusion que, parce qu'on abolit le
règlement de placement, les jeunes auront préséance dans
les emplois, que les jeunes pourront dorénavant se trouver plus
facilement un emploi. Qu'arrivera-t-il dans les faits, M. le Président?
On confronte deux générations: les anciens, qui ont acquis leur
expérience par la somme de leur travail, et les tout jeunes qui, par
leur volonté, par leur détermination à acquérir de
l'expérience, vont se faire la lutte, vont se faire concurrence. (7 h
50)
J'estime que ce n'est pas la façon d'évoluer dans une
société. Une société doit vivre de concertation, de
compromis. Elle doit vivre aussi avec les inconvénients et les avantages
de tout ce que cela comporte par rapport à ses expériences et par
rapport à son vécu, M. le Président.
C'est bien sûr que tout le monde voudrait avoir un travail. C'est
bien sûr que, de plus en plus, nos jeunes actuellement se cherchent
désespérément un travail parce qu'on n'est pas capable de
répondre à leurs attentes et à leurs besoins. Que fait ce
gouvernement pour vraiment créer de l'emploi pour ces jeunes? Que
fait-il d'une façon concrète? Où sont les "jobs" qu'on
avait promis aux jeunes? Ce ne sont que des illusions.
Bien sûr, Merlin l'Enchanteur prend sa baguette et, avec un peu de
poudre aux yeux et toute la panoplie nécessaire, veut nous convaicre
qu'il y a beaucoup d'emplois. Regardez, je joue avec les chiffres, je mets un
chiffre là, j'en mets un autre là et, voyez-vous, voilà,
vous devez croire ce que je viens de vous dire, c'est plein d'emplois au
Québec.
Moi, M. le Président, je mets au défi l'ensemble des
jeunes qui ont cru naïvement, mais qui ont cru avec tout ce qu'on
reconnaît chez la jeunesse que c'était possible pour eux d'avoir
un emploi, je mets au défi, dis-je, ces jeunes de trouver davantage de
l'emploi. J'espère pour eux, malgré tout, qu'ils n'arriveront pas
à se battre entre eux, parce que déjà c'est tellement
pénible pour ces jeunes de vivre les situations qu'ils ont à
vivre. Qu'est-ce qu'on veut faire de notre société? Est-ce qu'on
veut tout simplement s'en aller vers la théorie de Darwin où
seuls les plus forts, seuls les plus résistants pourront avoir une
chance de survie?
M. le Président, nous sommes, je crois, dans les années
précédentes, arrivés à établir ce consensus,
arrivés à harmoniser les règles du travail. On
était arrivé à créer un climat serein dans le
milieu de la construction. Que fait actuellement ce gouvernement? Parce que
cela faisait partie des promesses, parce que cela faisait partie de la poche du
Père Noël, on arrive aujourd'hui impunément à
déposer des projets de loi sans en mesurer d'aucune façon les
conséquences pour l'ensemble de la population. Parce que, M. le
Président, il y a des conséquences pour l'ensemble de la
population avec des projets de loi. Bien sûr, on a leurré nos
jeunes; bien sûr, on leur avait promis qu'ils pourraient avoir des
emplois d'une façon incroyable. Ils n'avaient qu'à avoir leur
carte de compétence et cela y était, Merlin l'Enchanteur avait la
"job" à côté.
Ce n'est pas cela, dans les faits, M. le Président. Un emploi
n'arrive pas juste en utilisant une baguette magique. Un emploi, c'est dans une
organisation structurelle, dans une planification organisationnelle
industrielle. Est-ce que ce gouvernement nous a parlé d'un plan
d'organisation industrielle? Pas du tout. Nous attendons toujours ce genre de
beau discours. Plus que ce beau discours, nous attendons de pouvoir nous
pencher, de regarder et de vraiment arriver à des mesures
concrètes de changement en profondeur dans notre
société.
Rien n'est fait encore, M. le Président. Voua savez, dans le
langage de la construction, pour l'hiver, quand il y a des trous, il y a du
"cold patch". Actuellement, nous vivons du "cold patch". Quand il y a un trou,
on prend un peu de "cold patch", on le bourre un peu et on dit: II ne faut pas
trop mesurer, il ne faut pas garder trop de trous dans nos routes. C'est
à peu près cela qui se passe actuellement dans les routes du
gouvernement, dans les sillons qu'ils se sont donnés comme gouvernement.
On met du "cold patch" un peu partout.
C'est temporaire, on appellerait cela un emplâtre dans certains
autres milieux, notamment dans le milieu de la santé. On pourrait dire
aussi que c'est un emplâtre sur des jambes de bois. Il y en a d'autres
qui l'ont utilisée avant moi, je le sais fort bien, mais ils en
étaient très préoccupés quand ils utilisaient ce
genre d'expression. M. le Président, force m'est d'admettre
qu'actuellement c'est un gouvernement qui met des emplâtres, qui trouve
des cataplasmes et qui trouve des solutions faciles à des
problèmes urgents et profonds.
C'est un gouvernement qui n'a pas de
profondeur. C'est un gouvernement de double langage. Je m'attendais
à beaucoup plus de sérieux de la part de ce gouvernement. Ils
avaient tellement la voix de l'expérience, M. le Président. Je me
dis: Où est rendue cette expérience? J'attends toujours cette
voix de l'expérience, cette voix de gens qui connaissaient les
solutions, de ces grands stratèges. Nous sommes toujours en train de
nous demander si ce gouvernement n'a pas perdu la notion de notre
société, le vécu de notre société. C'est
tout simplement que son coeur ne s'est pas arrêté de battre en
1976 et que, tout simplement, ils essaient de repartir une tuyauterie, une
machine qui a arrêté de battre depuis quelques années.
Actuellement, on essaie de lui donner un élan pour retrouver le rythme
des années actuelles. On est en droit vraiment de se poser cette
question, M. le Président. Je trouve qu'actuellement, les efforts ne
sont pas faits pour répondre à des besoins sérieux,
à des besoins urgents de notre société.
Il y a plein de choses qu'on n'a pas, aussi, dans ce projet de loi. On
ne parle pas des emplois où on a laissé miroiter que
c'était important, parce que tout le monde a connu pendant la
dernière campagne électorale... M. le Président, est-ce
que c'est possible, s'il vous plaît...
Le Vice-Président: J'entends quelques murmures,
évidemment, Mme la députée de Marie-Victorin. Je
demanderais aux députés de garder le silence pour laisser la
députée de Marie-Victorin poursuivre son intervention. Mme la
députée.
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Il y a plein de
points obscurs dans le projet de loi ou on en parle très peu parce que
cela a des conséquences aussi directement sur l'ensemble des
travailleurs. On essaie aussi de dire: Les jeunes manquent de formation, et il
faudrait les orienter davantage. Mais tout cela fait partie d'un plan
d'ensemble, cela fait partie d'un plan organisationnel de développement
industriel, compatible avec les besoins du milieu de la construction et aussi
avec les besoins de nos régions. On ne parle pas de cela, M. le
Président. Qu'est-ce qui va arriver d'une région à
l'autre? Qu'est-ce qui va arriver, compte tenu du besoin de la main-d'oeuvre
d'une région à l'autre? On n'en parle pas. C'est toujours la
même philosophie, soit la philosophie du marché, de la libre
entreprise. On sait ce que la libre entreprise à outrance peut donner.
Il n'y a pas de coeur dans la libre entreprise. Il n'y a pas de règles
de courtoisie dans la libre entreprise à outrance. C'est chacun pour soi
et c'est le plus fort qui l'emporte. Cela risque de briser la paix sociale et
de revenir comme on a toujours connu, il y a bien longtemps... On avait presque
oublié ce climat. Mais, M. le Président, nous allons être
obligés de revivre ces états d'âme que nous ne voulions
plus revivre, parce que nous croyions avoir établi une stabilité
dans le milieu de la construction. Mais, ma foi, voilà que ce
gouvernement se plaît à picosser ici et là tout ce qui peut
permettre de toucher à ce climat social, tout ce qui permettait
justement de nous donner des instruments qui nous favorisaient, qui
développaient justement notre harmonie sociale. Ce gouvernement est en
train de plus en plus de "gratouiller" partout où il peut dans tous les
différents milieux. Encore une fois, il se plaît à leurrer
la population avec les choix qu'ils sont en train d'accomplir, ô
merveille! Tout le monde trouvera justement la réponse et les solutions
à leurs problèmes. C'est une médecine qui devient
amère, M. le Président. C'est une médecine qui est
difficile à accepter pour certains sans avoir, dans certains cas, un
haut-le-coeur.
M. le Président, je regarde la santé et la
sécurité du travail. Mais que va-t-il arriver finalement en ce
qui concerne les assurances dans ce projet de loi? Qu'arrivera-t-il? On dit
que, dorénavant, ce ne sera plus la CSST qui couvrira les assurances qui
favorisaient le travailleur parce que c'était le travailleur... Ce qu'on
ne mentionne pas, c'est que le taux de capitalisation de la CSST est d'environ
55 %. On dit que, finalement, de plus en plus, les gens pourront avoir recours
aux compagnies d'assurances privées plutôt qu'à la CSST, M.
le Président. Mais qu'est-ce que cela veut dire finalement? Tout cela
veut dire que les primes pour le travailleur vont augmenter, parce que les
compagnies d'assurances ont habituellement besoin de capitaliser et, quand
elles capitalisent, c'est du 100 %, Mme la Présidente. On n'en parle
pas, on dit: Bien non. On fait toujours miroiter l'ombre. (8 heures)
Mme la Présidente, si c'était un si bon projet de loi, je
ne vois pas pourquoi l'ensemble des gens du milieu de la construction se
seraient élevés si rapidement contre ce projet de loi et
demanderaient si fortement à être entendus. Il y a des trous dans
ce projet de loi parce qu'il n'est pas conforme aux réels besoins du
monde de la construction actuellement.
Mme la Présidente, nos jeunes, à qui on a donné
énormément d'illusions, chez qui on a créé
énormément d'attentes, sont en mesure de demander à ce
gouvernement des comptes et d'avoir les vraies réponses aux questions.
Mais je me demande si ce gouvernement pourra apporter les véritables
solutions et les vraies réponses aux vrais besoins actuellement.
L'industrie de la construction a connu ses difficultés, non pas
à cause du règlement de placement, Mme la Présidente,
comme voudrait bien le laisser entendre ce
gouvernement, mais parce que dans les années 1981-1982 il y a eu
des problèmes réels structurels au niveau économique. Mme
la Présidente, cela n'a pas été propre au Québec,
mais cela l'a été dans l'ensemble des différents pays
industrialisés. Comme l'ensemble des pays industrialisés, nous
avons connu notre période de crise et cela n'a pas été
facile de nous en sortir, mais une chance que nous avions déjà un
règlement qui permettait...
Mme la Présidente, on commence à être de plus en
plus loquace de l'autre côté. Ils peuvent peut-être parler
après.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je comprends
que vous avez siégé tard et tôt ce matin, mais je
demanderais une participation pour que l'on puisse continuer le
débat.
Mme la députée de Marie-Victorin, en vous rappelant qu'il
vous reste environ trois minutes.
Mme Vermette: Mme la Présidente, je parlais de l'ensemble
de la conjoncture économique des années 1981-1982 qui n'a pas
été le propre du Québec. C'est une conjoncture qui a
touché l'ensemble des pays industrialisés; c'était
très difficile à l'époque, Mme la Présidente, de
pouvoir se trouver de l'emploi, parce que tout était stagnant, à
cause d'une crise économique structurelle et conjoncturelle.
Aujourd'hui, on essaie de faire croire que c'est à cause du
règlement de placement que les gens ont eu de la difficulté
à se trouver de l'emploi.
Mme la Présidente, il faudrait arrêter de croire la
population plus naïve qu'elle l'est en réalité. Les gens
sont capables de faire la part des choses et la différence. Ce n'est pas
simplement un coup de baguette magique qui peut favoriser le
développement des emplois, surtout dans une crise économique. Je
dis qu'il était important d'avoir un règlement-cadre avec des
critères qui permettait à des gens de pouvoir se trouver de
l'emploi et qui permettait de maintenir une paix sociale. Vous savez à
quel point dans de telles situations on peut développer facilement un
marché noir de main-d'oeuvre et on peut facilement favoriser toutes
sortes de règles de procédure qui ne sont pas conformes à
l'éthique, règle générale.
Mme la Présidente, il ne faut pas toucher à des organismes
qui ont prouvé par le passé leur bien-fondé et qui ont
permis de rétablir un équilibre et une paix sociale.
J'espère que l'on pourra dorénavant travailler dans des
conditions autres que celles de travailler en pleine nuit et qu'on pourra faire
la lumière au vu et au su de tous.
Mme la Présidente, c'est sûr que les travailleurs de la
construction, ce sont des gens pour lesquels j'ai énormément
d'estime, ce sont des gens qui doivent se lever très tôt, qui
doivent aller sur les chantiers de construction très tôt. Mais,
connaissant fort bien leur intérêt pour le projet de loi, j'aurais
aimé que l'ensemble des citoyens et des citoyennes puisse prendre part
au débat. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. M. le député de Dubuc.
Une voix: Bienvenue parmi nous! M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci, Mme la Présidente. Je vous salue. Mme
la Présidente, le projet de loi 119 dont les notes explicatives nous
rappellent les principes - évidemment à 8 h 7 du matin, alors que
l'Assemblée nationale siège depuis hier, lundi, premier
décembre, nous en sommes maintenant au mardi 2 décembre...
Des voix: Bravo!
M. Desbiens: On va en profiter pour souhaiter un joyeux
anniversaire à nos amis du gouvernement. Profitez-en bien, vous n'en
aurez pas pour longtemps avec des projets de loi comme le projet de loi 119,
entre autres, que vous nous présentez ici.
Pendant la campagne électorale, vous avez fait miroiter,
particulièrement aux yeux des jeunes Québécois et des
jeunes Québécoises, qu'au Québec avec l'arrivée et
la victoire du Parti libéral ce serait la victoire de la jeunesse. Je
pense que les seuls jeunes qui ont réussi à se trouver un emploi
avec cela sont les jeunes députés qu'on a ici.
Mme la Présidente, il y a, dans ce projet de loi qui nous est
présenté par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail à l'occasion,
des principes qui touchent un des points majeurs, je crois, de cette relative
paix industrielle qu'on avait réussi à établir au
Québec depuis les troubles majeurs qu'on avait connus dans les
années soixante-dix. On se rappelle évidemment l'enquête
Cliche et les propositions présentées à l'époque
après cette enquête pour tenter d'amener une certaine paix sociale
dans le milieu de la construction au Québec. La construction est une
industrie comme l'industrie manufacturière, et la loi de l'offre et de
la demande d'emplois existe de la même façon que dans n'importe
quelle industrie. Tenter de faire croire à la population et aux jeunes
en particulier que le seul fait de modifier une convention collective, puisque
le règlement de placement est un peu la convention collective des
travailleurs de la construction, que le seul fait de modifier cette
convention
collective ou cette loi qui régit tout le domaine de la
construction sera créateur d'emplois, c'est évidemment tenter de
fausser l'information. Le premier ministre appelait cela de la
désinformation la semaine dernière. Ce doit être à
peu près le résultat que cela donne. (8 h 10)
La seule façon rapide et sûre de permettre l'entrée
à plus de jeunes gens dans le secteur de la construction, c'est bien
sûr la création d'emplois. Si le gouvernement avait rempli cet
engagement qu'il avait pris devant l'ensemble de la population du Québec
de créer 100 000 emplois - chiffres qui ont été
ramenés un peu plus tard, en campagne électorale, à 80 000
emplois - par année, il aurait été beaucoup plus facile,
pour les jeunes Québécois et Québécoises qui
tentent ou veulent trouver, à partir de leur formation, un poste dans le
secteur de la construction, de le trouver.
On dit que le règlement de placement dans la construction fausse
la concurrence et constitue une protection indue pour les travailleurs. On sait
que, sur ce point, l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec - on ne peut certainement les qualifier ni de socialistes ni de
péquistes - a fini par reconnaître que c'est vraiment
exagéré. De la campagne électorale et à la suite
des énoncés soit des ministres actuels soit des
députés actuels du Parti libéral qui, à
l'époque, lorsqu'ils siégeaient de ce côté-ci, nous
faisaient des discours sur le règlement de placement et les
difficultés que rencontraient des milliers de Québécois,
il y a un exemple dont on se souvient. Bien sûr, c'est celui du
député de Portneuf, l'actuel ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Il disait, entre autres:
Ce règlement prive des centaines et des milliers de travailleurs du
Québec de sorte qu'aujourd'hui on a des gens qui sont en chômage
et qui sont désireux de travailler, qui ont un emploi disponible et qui
voudraient travailler plutôt que de vivre de prestations, etc.
On a répété ce thème à
satiété pendant des mois et des mois. On a
répété ce thème tellement souvent qu'on a fini,
avec cette rumeur, par accréditer une espèce de situation
où on se disait: L'abolition du certificat de classification
créera des jobs. Cela va créer des jobs. La semaine
dernière, pourtant, le ministre du Travail a bien dit, ou n'a pas dit du
tout, puisqu'il n'a pas pu répondre - il n'a donné aucune
réponse -qu'il n'avait aucune étude en sa possession qui
indiquait de quelque façon que ce soit que l'abolition du certificat de
classification pourrait créer des jobs au Québec. Et pour cause,
parce que l'abolition de ce certificat de classification en soi ne
créera aucun emploi.
Il faut savoir quelle est la nature de ce règlement de placement
et du certificat de classification. Comme je le disais tantôt, le
règlement de placement dans l'industrie de la construction est issu du
rapport de la commission Cliche. À la page 248 de ce rapport, on peut
lire: "En second lieu, la commission prouve de façon très claire
que les abus qui touchent la main-d'oeuvre dans ce secteur de
l'économie, du point de vue du placement et de la formation, mettent les
relations industrielles de la construction dans le chaos. Même si les
préoccupations de main-d'oeuvre sont relativement récentes, nous
avouons qu'elles sont d'une importance capitale pour permettre le
fonctionnement sain, normal et efficace de la construction à
l'égard des travailleurs comme des employeurs et du public."
À la page 348 du même rapport: "En effet, si les
travailleurs n'obtiennent pas d'emploi, on souffre de mauvaises conditions de
travail. Si les employeurs n'arrivent pas à combler leurs besoins de
main-d'oeuvre, on ne peut espérer un climat propice aux relations
harmonieuses entre les parties."
Cette même commission Cliche sentait d'ailleurs le besoin de faire
un chapitre particulier sur la sécurité d'emploi. À la
page 401, on trouve que les objectifs visés par la commission dans sa
recherche d'une plus grande sécurité d'emploi sont les suivants:
1 Atteindre une utilisation optimale de la main-d'oeuvre. 2 S'organiser de
façon que le travailleur régulier de la construction, celui qui
gagne sa vie uniquement dans la construction, puisse en retirer un revenu
suffisant. 3 Veiller aussi à ce que la main-d'oeuvre disponible puisse
satisfaire à la demande en toutes circonstances. 4° Faire aussi en
sorte, même s'il y a constamment un bassin de travailleurs disponibles
pour satisfaire à une demande accrue et rapide de la part des employeurs
dans ce domaine, que le chômage saisonnier et les fluctuations cycliques
de la main-d'oeuvre dans ce secteur important soient réduits autant que
possible.
Le gouvernement précédent avait essayé, par le
règlement de placement, de répondre à ces voeux
exprimés par la commission d'enquête dans ce secteur. Il y a eu,
à une certaine époque, au-delà de 250 000 travailleurs
disponibles dans la construction. Est-ce que cela créait pour autant des
emplois? Il est évident que non, Mme la Présidente. Qu'il y en
ait 250 000, 100 000 ou 300 000, quand il y a du travail pour 75 000 personnes,
il ne peut y avoir que 75 000 personnes au travail. S'il en reste 100 000, 150
000 ou 200 000 qui se retrouvent sans emploi, on peut facilement imaginer le
climat et la tension qui peuvent régner entre ceux qui ont, si on peut
dire, la chance de décrocher un emploi et de travailler durant un nombre
suffisant d'heures pour réussir à faire un salaire raisonnable
et
ceux qui, plus malchanceux pour une raison ou pour une autre, ne peuvent
obtenir cet emploi recherché. Cela deviendra, comme cela l'a
été à l'époque, une source de conflits à
l'intérieur de notre société.
Évidemment, on avait, durant la campagne électorale,
également fait miroiter que ce serait l'abolition du règlement de
placement. Il est certain que le projet de loi est maintenant
déposé; le ministre ne peut plus jouer avec les termes de
façon politique. C'est le certificat de classification qui est ici
touché de façon particulière.
Il y a un autre point important concernant ce règlement; cela
constitue évidemment pour les travailleurs de la construction la seule
clause d'ancienneté qu'il peuvent posséder. Si, en
éliminant cette clause, on permet aux employeurs d'aller davantage
embaucher des jeunes, puisqu'il n'y a pas plus d'emplois, c'est finalement,
d'une certaine façon, donner la place du père au fils. Comment
serons-nous plus avancés et comment les jeunes travailleurs le
seront-ils à ce moment-là? (8 h 20)
Un autre danger qui existe déjà et qui sera davantage
vécu après l'adoption de ce projet de loi, c'est le travail au
noir. Il est bien certain que, pour la même quantité de travail,
s'il y a deux fois plus de travailleurs disponibles, les salaires de chacun
seront plus bas. Si on est douze à se séparer une tarte au lieu
de six, les pointes de tarte seront plus petites et, si la pointe de tarte est
trop petite pour satisfaire l'appétit, il y en a qui vont essayer de se
chercher un revenu, une pointe de tarte supplémentaire. Comment le
faire, Mme la Présidente, autrement qu'en essayant de travailler, de
faire ce qu'on appelle du travail au noir? Cette proposition du gouvernement
aura comme autre conséquence une certaine augmentation du travail au
noir, une augmentation du travail au noir qui est catastrophique dans un sens,
particulièrement pour le gouvernement.
Le Parti québécois est pour et il s'est prononcé,
évidemment, pour une amélioration de la situation de l'embauche
des jeunes dans la construction. Quand on compare les chiffres qui nous sont
fournis par l'Office de la construction du Québec pour 1985 et qui ont
été publiés dans son rapport, on se rend compte qu'il y
avait déjà cette amélioration recherchée par le
ministre du Travail. La situation vécue en 1985 démontrait que
l'effet recherché par la modification du pourcentage d'introduction des
jeunes dans l'industrie de la construction correspondait, finalement, à
la volonté exprimée par cette partie de notre population.
Comparativement à 1984, le nombre des compagnons dans l'industrie de la
construction a augmenté, en 1985, de 2 % alors que chez les apprentis
l'augmentation a été beaucoup plus considérable, soit 46,4
% de l'effectif. Cela a été une augmentation véritablement
spectaculaire si on compare le nombre des apprentis en 1984, qui était
autour de 10 500, qui est passé, en 1985, à quelque 15 000 jeunes
nouveaux introduits dans la construction. Cela démontre en même
temps cette nouvelle arrivée de jeunes. Cela confirme que
l'entrée des jeunes dans l'industrie de la construction est possible et
était déjà possible avec le règlement tel qu'il
existait, tout cela selon la conjoncture économique et le volume de
construction au Québec.
L'âge moyen, depuis plusieurs années au Québec,
avait plutôt tendance à augmenter; c'est vrai, sauf que,
justement, cette tendance commençait à s'estomper et même
à diminuer, comme cela s'est produit encore en 1985 et tel que le
révèle l'analyse de l'industrie de la construction au
Québec pour cette année-là.
Mme la Présidente, vous me signifiez que mon temps achève.
Brièvement, ce nouveau règlement ne viendra d'aucune façon
créer de nouveaux emplois pour les jeunes. Il risque fort d'ailleurs,
puisqu'il est ouvert à tout le monde, d'augmenter le nombre des
travailleurs de la construction, mais que ce nombre-là, justement, ne
soit pas constitué surtout de jeunes, parce que ce ne sont pas les
jeunes qui ont des relations très suivies, très fortes avec les
entrepreneurs. Cela risque que cela soit davantage des gens plus
âgés. En conséquence, bien sûr, je voterai contre le
projet de loi 119. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Dubuc. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je propose l'ajournement du
débat.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement pour
qu'on ajourne le débat?
M. Gendron: Est-ce que le leader du gouvernement a l'intention
d'utiliser son droit de parole de dix minutes?
M. Gratton: Non, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: II y a consentement?
M. Gendron: II y a consentement.
La Vice-Présidente: Nous allons donc ajourner les
débats concernant le projet de loi 119 et ajourner à 10 heures
aujourd'hui.
M. Gratton: Mme la Présidente, je fais motion pour que
nous ajournions nos travaux à 10 heures en disant à tous ceux qui
sont là: À tout à l'heure.
La Vice-Présidente: Travaux ajournés.
(Fin de la séance à 8 h 27)