L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le lundi 1 décembre 1986 - Vol. 29 N° 68

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

Quinze heures huit minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions. M. le député de Verchères.

Demandes au gouvernement de faire

respecter la Charte de la langue française

M. Charbonneau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 125 pétitionnaires étudiants au cégep de Sorel-Tracy qui invoquent les faits suivants. "Que la Charte de la langue française a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de la population du Québec; que le gouvernement fait subir de multiples reculs a la langue française au Québec et que le nombre de violations de la charte est en croissance, et concluant à ce que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement de faire respecter dans son esprit et dans sa lettre la Charte de la langue française et de cesser de favoriser, de multiples façons, le recul de la langue française au Québec."

Le Président: Pétition déposée.

M. Charbonneau: J'en ai une autre, M. le Président.

Le Président: M. le député de Verchères, une deuxième pétition.

M. Charbonneau: Une deuxième pétition. Cette fois adressée toujours à l'Assemblée par 106 pétitionnaires employés de SIDBEC-Dosco à Contrecoeur et qui dit également "Que la Charte de la langue française a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de la population du Québec; que le gouvernement fait subir de multiples reculs à la langue française au Québec et que le nombre de violations de la charte est en croissance, et concluant à ce que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement de faire respecter dans son esprit et dans sa lettre la Charte de la langue française et de cesser de favoriser, de multiples façons, le recul de la langue française au Québec."

Cela veut dire que ces deux pétitions ont été complétées en l'espace d'une journée à peine.

Le Président: Pétition déposée. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous me permettez. Il n'y aura aucune intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous donner les motifs de l'absence de onze ministres?

Des voix: Onze! Onze!

Le Président: M. le leader du gouvernement. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Volontiers. On sait que le premier ministre rencontre le nouveau maire de Montréal aujourd'hui même à Montréal.

Une voix: C'était ce matin, cela.

M. Gratton: Pardon!

Une voix: Bien non.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: M. le maire était occupé.

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.

M. Gratton: II y a deux ministres qui participent à des conférences fédérales-provinciales, notamment le ministre délégué aux Pêches qui est Halifax et le ministre délégué à la Privatisation qui est à Ottawa pour une conférence avec les ministres responsables des institutions financières.

Le ministre des Affaires municipales est en réunion avec les présidents et vice-présidents de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des municipalités régionales de comtés du Québec.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: M. le Président, si on a des questions, je ne les entends pas. Est-ce

qu'on peut...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Le ministre des Transports assiste au lancement de la Semaine de la sécurité routière à Montréal, et rencontrera également les présidents et vice-présidents des deux unions municipales. Le ministre des Relations internationales est à Paris, comme on le sait. Le ministre des Finances est en convalescence et le ministre de la Justice est, par pur hasard, dans le comté de Joliette. Je ne sais trop à quoi il procède, mais je pense que le député, lui, le sait. Finalement, le ministre délégué aux Mines a des rencontres dans sa circonscription électorale.

Le Président: Tel que je le mentionnais, nous allons... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant continuer les affaires courantes. Comme je le disais, cet après-midi, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Nous allons immédiatement procéder à la période de questions et réponses orales. Je vais reconnaître comme premier intervenant, M. le député de Terrebonne en principale.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

M. Blais: M. le Président...

Le Président: M. le député, vous avez la parole.

M. Blais: ...ma question concerne... Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Terrebonne.

Les poursuites en vertu du règlement sur les déchets dangereux

M. Blais: Ma question s'adresse au ministre de l'Environnement et concerne le non-respect des règlements sur les déchets dangereux. M. le Président, adopté le 15 octobre 1985, deux mois avant l'arrivée aux affaires de l'actuel gouvernement, le règlement sur les déchets dangereux dont s'est doté le Québec vise à assurer un contrôle sévère de la circulation de ces déchets, à resserrer les normes d'entreposage et à rendre les producteurs responsables de la gestion de leurs déchets jusqu'à leur prise en charge par un éliminateur, un recycleur ou un entreposeur autorisé. Or, il semble que le ministre de l'Environnement fasse peu de cas dudit règlement laissant 50 % des entreprises de nettoyage jeter impunément aux ordures, sans contrôle aucun, des tonnes de perchlo-roéthylène - un déchet toxique - et on ne sait pas où vont ces déchets.

Le Président: Votre question.

M. Blais: Je demande au ministre pourquoi il ne poursuit pas ceux qui enfreignent les règlements sur les déchets dangereux et les dispositions relatives à leur contrôle également. De cette façon, il néglige de protéger la santé des citoyens et des citoyennes du Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, une fois encore le député démontre que pendant neuf ans de pouvoir rien n'a été fait. La santé du public cela ne comptait pas durant les neuf dernières années et soudainement, on a émis un règlement pour les déchets dangereux. En octobre 1985, on nous a lâché le bébé avec l'eau sale et c'est à nous de faire le suivi de toutes ces procédures qui auraient dû être prises il y a neuf ans, pendant qu'eux étaient au pouvoir.

Une voix: C'est cela.

M. Lincoln: Attendez, M. le député, je vais vous donner la réponse. En juin 1986, mon adjoint parlementaire, le député de Pontiac, a rencontré l'association qui représente le plus grand nombre de buanderies au Québec pour justement travailler au suivi de cette question par rapport à l'industrie des nettoyeurs du Québec. En juillet 1986, le ministère a commencé des interventions directes avec deux compagnies, Safety-Kleen et CIL pour pouvoir faire le suivi du règlement. C'est très beau de mettre des gens en prison, c'est très beau de leur imposer des amendes, mais d'abord, il faut qu'il y ait les structures nécessaires pour transporter les déchets de façon sécuritaire et les entreposer, ce que vous n'avez jamais fait durant votre mandat. Depuis lors, nous avons des relations continuelles avec ces deux compagnies pour qu'il y ait une situation de concurrence entre ces compagnies. J'ai moi-même parlé à la direction générale de CIL.

Le Président: Conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Nous sommes en train de faire tout ce que nous pouvons pour assurer un suivi, ce qui aurait dû être fait il y a des années, afin que nous puissions faire un suivi efficace de la réglementation auprès de l'industrie des nettoyeurs. L'association nous appuie de façon effective et ceci va se

faire, contrairement à ce qui se faisait durant votre mandat alors que vous n'avez rien fait.

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le député de Terrebonne, en additionnelle.

M. Blais: Le ministre ne sait-il pas que ce règlement était nouveau et qu'il venait en application à l'automne 1985? Il faut moins d'un an pour envoyer des inspecteurs. Le ministre a-t-il l'intention d'envoyer des inspecteurs pour que la santé du public soit protégée dans ce domaine?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, si le député s'était intéressé, en octobre 1985, à la réglementation sur les déchets dangereux, il saurait que les déchets dangereux n'étaient pas réglementés du tout auparavant au Québec. Il y a une foule de toxiques dans l'atmosphère, il y a une foule de toxiques partout. Il faut établir des priorités. Aujourd'hui, nous sommes en train de faire le suivi de la réglementation afin qu'elle s'applique de façon effective à de petites industries, comme les buanderies; le règlement actuel, avec des formulaires de plusieurs pages, ne peut pas s'appliquer de façon effective. En même temps, il faut mettre en place des mécanismes pour effectuer le transport de ces déchets des buanderies; il faut un entreposage sécuritaire, des points de transfert et, ensuite, une usine d'élimination. C'est ce que nous allons faire en priorité. Ensuite, lorsque ces mesures seront mises en place, on prendra toutes les mesures nécessaires pour que le règlement s'applique de la façon la plus sécuritaire et la plus ferme possible.

Le Président: M. le député de Terrebonne, en additionnelle.

M. Blais: En l'absence du ministre de la Justice, ma question s'adressera à la vice-première ministre. Est-ce de sa propre initiative que le ministre de la Justice ne poursuit pas les fautifs dans ce règlement de l'environnement ou si c'est sur la recommandation du ministre de l'Environnement, comme c'est le cas pour ceux qui n'observent pas la loi 101, sur la recommandation du ministre qui s'en occupe?

Le Président: Mme la vice-première ministre.

Mme Bacon: M. le Président, vous me permettrez de suggérer au député de Terrebonne de poser sa question au ministre de la Justice quand il sera de retour, demain.

Le Président: M. le député de Terrebonne, en additionnelle?

M. Blais: M. le Président, si la vice-première ministre ne peut pas répondre aux questions, qu'elle en prenne avis, mais, seulement, il en manque déjà onze aujourd'hui.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: S'agissait-il là d'une question de règlement, d'une question qui appelle une réponse, ou quoi?

Le Président: Non. Je pense que c'était une tentative de question de règlement. M. le député de Duplessis.

Partage de la taxe de 15 % sur le bois d'oeuvre?

M. Perron: Merci, M. le Président. Mon intervention se veut en rapport avec la question du bois d'oeuvre surnommée "le marché de dupes" par tous les éditorialistes du Québec. La semaine dernière, en réponse au chef de l'Opposition, le premier ministre a indiqué que son gouvernement était confiant de pouvoir récupérer en totalité les 91 000 000 $ de la taxe de 15 % que le gouvernement fédéral a proposé d'imposer aux producteurs de sciage québécois, afin de contrer la menace d'un droit compensatoire équivalent par les Américains. (15 h 20)

Or, voilà que le chat sort du sac.Le Soleil de vendredi dernier rapporte les propos de Mme Guylaine Saucier, présidente de la Chambre de commerce du Québec et d'une importante compagnie de bois de sciage, qui a déclaré, à Rimouski, que la taxe de 15 % sera divisée en deux, soit 9 % au Québec et 6 % à Ottawa.

Ma question s'adresse au ministre délégué aux Forêts. Le ministre peut-il confirmer le sérieux de cette hypothèse que semblait ignorer le premier ministre du Québec deux jours auparavant?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai rien à ajouter à ce que le premier ministre a dit la semaine dernière concernant la taxe de 15 %, mais je dirai au député de Duplessis que ce n'est pas Mme Saucier qui va faire le partage entre la taxe imposée et celle qui sera appliquée pour les droits de coupe et

les redevances. Demain, il y a réunion encore à Washington à ce sujet et aussitôt qu'il y aura des développements, il me fera plaisir de l'en informer.

M. Parent (Bertrand): En additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Le ministre délégué aux Forêts est-il en mesure d'expliquer la stratégie de son gouvernement qui, après avoir accepté que le Canada capitule un peu trop rapidement devant les États-Unis, s'apprêterait à céder un nouveau champ de taxation au gouvernement fédéral qui créera ainsi un trou de 30 000 000 $ dans le budget de l'application de la nouvelle politique forestière?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, dans ce dossier, je dirai au député de Bertrand que tout le monde a raison. Si nous n'étions pas intervenus de la façon que cela a été fait, c'est-à-dire en faisant une proposition au gouvernement américain, à la demande de l'industrie cette fois, aujourd'hui, on nous dirait: Pourquoi n'avez-vous pas fait d'effort pour que l'argent reste au Canada et au Québec plutôt que d'aller aux États-Unis? C'est ce qu'on a fait. Si nous ne l'avions pas fait, je pense que le député de Bertrand aurait la même question à poser aujourd'hui.

Le Président: En additionnelle... Si vous me permettez, en additionnelle, M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, le ministre délégué aux Forêts peut-il indiquer quel est présentement le droit de coupe moyen au Québec?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien sûr, M. le Président. Mon critique officiel devrait le savoir, parce qu'il l'a mentionné à quelques reprises lui-même. Je me demande pourquoi il pose la question. Actuellement, le droit de coupe moyen au Québec se situe à 2,09 $ le mètre cube.

Le Président: M. le député de Duplessis, en additionnelle.

M. Perron: M. le Président, est-ce que le ministre délégué aux Forêts pourrait maintenant, après sa réponse, nous dire à quel niveau se situera ce droit de coupe, advenant l'application du projet de loi 150 sur les forêts? Peut-il indiquer si l'augmentation prévue servira à payer l'application de la nouvelle politique forestière ou à plaire, par exemple, aux Américains dans sa politique de 15 %?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, nous avons toujours dit que les travaux d'aménagement qui seront effectués en forêt par les utilisateurs seront déductibles des redevances qu'ils auront à payer.

Dans un deuxième temps, le droit de coupe et les redevances, moyens prévus au Québec seront variables selon les zones, la qualité des bois, les difficultés d'exploitation, l'offre, la demande et les marchés. Le droit de coupe moyen devrait se situer à environ 5.64 $ ou 5,65 $.

Le Président: M. le député de Duplessis, en additionnelle.

M. Perron: Est-ce que ces 5,64 $ ou 5.65 $, comme vient de dire le ministre, vont inclure ce qu'aura à payer l'industrie du sciage et l'industrie papetière en rapport avec les coupes du Québec?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, j'ai de la misère à saisir la question, mais toute même, nous ne faisons pas de distinction lorsqu'il s'agit de résineux. On parle de bois de sciage et de pâtes et papiers là? Nous ne ferons pas de distinction entre les deux secteurs pour établir les redevances.

M. Perron: M. le Président, je vais répéter ma question d'une autre façon...

Le Président: En additionnelle, M. le député de Duplessis.

M. Perron: ...pour que le ministre comprenne. Les 5,64 $ ou 5,65 $ qu'a mentionnés le ministre en réponse à une des questions que j'avais posées, est-ce que le ministre peut nous dire si ces 5,64 $ ou 5,65 $ incluent la participation des papetières et du bois de sciage dans les droits de coupe qui seront imposés par les Américains? C'est cela que je veux savoir.

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, le député de Duplessis demande

s'il y aura un partage des coûts entre l'industrie des pâtes et papiers et l'industrie de sciage. Non!

Le Président: M. le député de Verchères, en principale.

Le transfert éventuel des

ressources des groupes de

soutien aux initiatives-jeunesse

M. Charbonneau: En principale, M. le Président. Le 20 novembre dernier, le ministre de l'Industrie et du Commerce, à qui on demandait s'il était vrai que la Direction de l'aide à l'implantation industrielle de son ministère recommandait le transfert des ressources des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse, au Commissariat industriel, nous indiquait - et je cite la transcription du Journal des débats -ce qui suit: "M. le Président, nous sommes dans la prophétie et la prévision la plus extraordinaire."

Aujourd'hui, on est le 1er décembre. Est-ce que le ministre soutient toujours que c'est de la prophétie extraordinaire de lui demander s'il est exact que son ministère recommande une telle attitude?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce que le député évoque, c'est une modification éventuelle de la programmation du ministère de l'Industrie et du Commerce. La recommandation est faite au Conseil du trésor et au gouvernement. C'est le ministre qui fait les recommandations, ce n'est pas le ministère. Ce que j'ai confirmé, ce que je peux confirmer, c'est que ce sont des choses... - oui, je regrette, je me reprends -ce sont des choses que nous avons confirmées, mon collègue de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et moi-même, de l'Industrie et Commerce; nous avons confirmé que nous étions en discussion quant à la disposition de la panoplie de programmes qui s'appliquent au développement économique et qui passent par le soutien qu'on peut accorder au Commissariat industriel, aux groupes de soutien aux initiatives-jeunesse et la liste serait longue de tous les programmes de soutien au développement économique.

Ce qui est en cours, c'est une étude pour voir si on ne peut pas, de la façon la plus efficace possible, continuer à soutenir le développement économique du Québec de cette façon ou d'une autre façon. C'est à voir, c'est en discussion. Si le député présume, comme il le faisait à l'époque, que la décision était prise et que la recommandation avait été faite, je dis au député que c'est de la prévision et de la prophétie qu'il veut faire. Ce sera décidé en temps et lieu.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: En additionnelle. Le ministre nous parle d'étude et de décision non prises. Alors, comment explique-t-il que dans un mémoire adressé sous son nom au Conseil du trésor, en date du 15 octobre dernier, on lit: "D'autre part, il se dégage qu'il serait possible d'intégrer les groupes de soutien aux initiatives-jeunesse aux Corporations de développement économique". Plus loin, on nous indique que le ministère devrait mettre fin au programme de groupes de soutien aux initiatives-jeunesse et ainsi économiser plus de 3 700 000 $ au trésor public.

Comment peut-il nous parler d'étude alors qu'un mémoire a été remis au Conseil des ministres, daté du 15 octobre, et qu'une question a été posée le 20 novembre?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je tiens à souligner qu'à l'occasion de recommandations ou de documents qu'on soumet à différents comités ministériels ou au Conseil du trésor, cela continue à évoluer. La recommandation sera finale, la décision du gouvernement sera prise lorsque tout le monde sera satisfait de l'évolution de ce dossier.

Je répète qu'au moment où le député me pose la question, malgré tous les documents qu'il veut citer et sortir et dont il fait état du cheminement, c'est en discussion.

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Comment le ministre peut-il nous faire cette réponse alors que le document dont je lui parle, c'est un mémoire au Conseil du trésor de M. Daniel Johnson, le ministre de l'Industrie et du Commerce, en date du 15 octobre? Comment le ministre peut-il nous indiquer que ce mémoire n'aurait pas été préparé sous sa direction et sous sa commande? Est-ce qu'il pense qu'un mémoire au Conseil du trésor est préparé par des fonctionnaires sans que le ministre en demande une préparation?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. (15 h 30)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je réitère qu'à l'occasion du

cheminement d'un dossier, y compris ce qu'on peut soumettre pour discussion sous sa signature au Conseil du trésor ou ailleurs, cela fait l'objet de discussion au moment où on se parle. Lorsque cela sera traité au Conseil du trésor, ce pourra l'être au moment où c'est inscrit à l'ordre du jour du Conseil du trésor, de la façon dont cela se déroulera, compte tenu de ce qui peut se dérouler entre le moment où un ministre signe un document et le fait cheminer et le moment où le document est discuté, compte tenu des renseignements additionnels, des rencontres, des discussions, de tous les éléments au dossier qui doivent être considérés avant qu'une décision finale sur la programmation soit prise. C'est ce que je dis depuis le début au député.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle?

Une voix: ...

Le Président: M. le député, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Puisque, dans le mémoire au Conseil du trésor, on dit vouloir obtenir l'accord du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, est-ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu entend donner son appui à l'abolition dudit programme?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer - je crois que c'était à la suite de questions du député de Verchères en cette Chambre - qu'il y avait présentement des négociations en cours entre les ministères et les ministres concernés. J'ai également indiqué que, tant que le programme est et demeure au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, les crédits afférents y demeurent. Dans les discussions, lorsqu'il a été question de possibilité de transfert de programmes, il a toujours été question, de façon accessoire, de transférer lesdits crédits. Il n'a jamais été question dans les négociations, pour autant que cela concernait le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou le ministère de l'Industrie et du Commerce, de l'abolition.

M. Charbonneau: M. le Président, il faudrait peut-être que le ministre...

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: On pourrait peut-être transmettre une copie du mémoire de son collègue au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Le Président: Non. M. le député de Verchères...

M. Charbonneau: Est-ce que vous avez pris connaissance du mémoire de votre collègue au Conseil du trésor qui, lui, recommande non seulement le transfert du programme, mais son abolition et une économie de 3 700 000 $? Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce peut nous indiquer que sa position n'est pas celle qui...

Le Président: Non. Des voix: ...

Le Président: M. le député de Verchères, vous avez "additionné" une question. C'est une question à un ministre. M. le ministre du Revenu...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...

Le Président: ... Sécurité du revenu et Main-d'Oeuvre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. C'est: ministre du Travail, ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je ne siège malheureusement pas au Conseil du trésor. Vous comprendrez que les autres fonctions me retiennent. En ce qui concerne les échanges...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous comprendrez que les...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...échanges de propos ont porté sur l'essentiel du programme. Pourquoi au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, nous avons entrepris ces échanges et donné ouverture à des échanges? C'est parce que la clientèle comme telle des groupes, pour autant que les bénéficiaires de l'aide sociale les plus démunis sont concernés, c'est une clientèle qui est minoritaire dans le cadre de ce programme. Nous réévaluons l'ensemble de notre programmation pour faire en sorte de prioriser nos actions et nos programmes en fonction de la clientèle la plus démunie, la clientèle de l'aide sociale.

Le Président: Question additionnelle, M.

le député d'Ungava. En additionnelle, M. le député.

M. Claveau: Question additionnelle au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Dans toute cette cacophonie, dois-je, oui ou non... La preuve...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît: À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous me permettez. M. le député d'Ungava, vous avez la parole, en additionnelle.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je crois qu'on a tous été témoins de la cacophonie. À l'intérieur de tout cela, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité, dois-je, oui ou non, continuer à encourager les jeunes de mon comté à travailler pour l'implantation d'un groupe de soutien dans le secteur de Chapais-Chibougamau, à la suite de l'autorisation du ministre obtenue lors de l'étude des engagements financiers du 23 octobre dernier?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député, il s'agit de votre cas de comté auquel vous m'avez écrit et auquel je vous ai déjà répondu. Vous me demandiez, essentiellement, si la création d'un groupe de soutien était intrinsèquement liée à l'existence d'une MRC ce qui, dans votre comté qui a un territoire très étendu, posait des problèmes particuliers. Je vous ai répondu par écrit. Si vous voulez qu'on dépose les lettres en cette Chambre, je peux le faire.

M. Claveau: En additionnelle.

Le Président: M. le député d'Ungava, en additionnelle. En additionnelle, M. le député.

M. Claveau: Oui. En additionnelle, toujours au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Est-ce que, oui ou non, la réponse qu'il m'a donnée à ce moment est toujours valable? Est-ce que je dois continuer à travailler avec les jeunes à l'organisation d'un tel groupe de soutien? Oui ou non?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La réponse que je vous ai donnée aux engagements financiers et par écrit demeure valable.

M. Charbonneau: Une dernière question au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Le Président: M. le député de Verchères, êtes-vous en additionnelle?

M. Charbonneau: En additionnelle. Le Président: En additionnelle.

M. Charbonneau: Une dernière question au ministre de l'Industrie et du Commerce. Compte tenu du mémoire, quelle est la position personnelle du ministre, pas celle du cabinet, du Conseil des ministres, non mais du ministre qui a une responsabilité ministérielle? Quelle est votre position? Est-ce que c'est toujours celle qui est dans le document qui porte votre nom et qui est datée du 15 octobre? Êtes-vous, oui ou non, pour l'abolition des groupes de soutien d'initiatives-jeunesse et d'une économie de 3 700 000 $ sur le dos des groupes de jeunes du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je réitère, à l'occasion de la période de réponses, au député de Verchères que c'est toujours en discussion et que mon préjugé favorable est de faire en sorte que le gouvernement du Québec, avec les moyens qu'il a, continue à soutenir de façon la plus efficace possible le développement économique du Québec y compris par la contribution des jeunes.

Le Président: Mme la députée de Johnson, en principale.

Crédits consacrés aux radios communautaires

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Dernièrement, le ministre des Communications disait en cette Chambre que dès le 1er avril prochain, il couperait les subventions de son ministère aux 30 télévisions communautaires ainsi qu'à la cinquantaine de journaux communautaires. Selon ce qu'on entend dire, cela ne le satisferait plus du tout. Là il est en train de passer dans le tordeur même les radios communautaires. Je voudrais savoir de la part du ministre s'il voudrait reconsidérer sa demande. Cela ne venait pas des gens de Westmount. Ce sont des gens des régions éloignées.

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. French: M. le Président, je ne suis pas certain d'avoir tout à fait saisi le point précis de la question, mais si le but est de

savoir quelle est l'enveloppe budgétaire qui sera consacrée aux radios communautaires l'année prochaine, j'ai dit, a l'association en question et aux personnes qui m'ont interrogé là-dessus à plusieurs reprises que je vais faire tout mon possible pour protéger l'enveloppe budgétaire allouée aux radios communautaires pour l'année prochaine.

Le Président: Mme la députée de Johnson, en additionnelle.

Mme Juneau: Jusqu'à quel point le ministre peut-il nous garantir qu'il va protéger les radios communautaires étant donné que son attachée politique, Mme Lalonde, a déclaré qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement, les coupures ayant été imposées par le Conseil du trésor?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. French: Je suis content, M. le Président, que Mme la députée soulève cette citation parce que celle-ci n'est pas véridique. Mes amis d'en face n'ont jamais eu une telle expérience avec les journalistes. Ils ne connaissent pas cela, eux. Ils sont toujours cités avec beaucoup de précision, surtout l'ex-ministre de l'Agriculture qui, lui, n'a jamais eu l'occasion de dire qu'il a été mal cité.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:

M. French: Surtout, sur la souveraineté-association.

Non. Mme la députée, si cela vous intéresse vraiment de savoir ce que mon attachée politique aurait dit, c'était que le quantum des compressions budgétaires nécessaires a été décrété par le Conseil du trésor et que nous n'avons pas pu trouver d'autres choses moins prioritaires, malheureusement, qu'un certain nombre d'activités, dont les volets écrits et télévision du PAMEC.

Maintenant, vous me demandez si je peux vous donner des garanties. Je ne peux le faire, le processus budgétaire n'est pas terminé. D'autres défis se profilent à l'horizon concernant les finances publiques du Québec, et il n'y a aucune certitude dans aucun ministère à cause de cette situation. Nous avons un certain nombre de prémisses de base avec lesquelles nous essayons de travailler. Mais si vous pensez que, de notre part...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: M. le ministre des communications, vous avez la parole.

S'il vous plaît! J'ai accordé la parole au ministre, j'aimerais entendre sa réponse.

M. le ministre.

M. French: Ce qui est très clair, M. le Président, c'est que chaque ministre et le gouvernement en entier vont prendre leurs responsabilités. On va répondre de nos gestes, on va les expliquer par la suite. Si Mme la députée a des questions précises sur des problèmes précis, n'importe quand.

Le Président: Mme la députée de Johnson, en additionnelle.

Mme Juneau: M. le Président, j'aimerais bien savoir si le ministre a eu le temps avec tout son travail de lire le rapport Caplan-Sauvageau?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. French: Oui, M. le Président. Une voix: IIest bon?

Le Président: M. le député de Roberval, en additionnelle?

M. Gauthier: Oui, M. le Président...

Le Président: M. le député de Roberval. (15 h 40)

M. Gauthier: ...au président du Conseil du trésor. Dans le but de sauver la télévision communautaire, n'a-t-il pas envisagé d'effectuer la coupure qui serait probablement la moins dommageable au ministère des Communications, soit celle de couper le ministre qui est inefficace?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Je pense que je n'ai pas à rappeler au député de Roberval qu'il ne s'agit pas d'une question telle qu'on les reconnaît habituellement.

M. le député de Lac-Saint-Jean, en principale?

M. Brassard: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En principale, M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Oui, en principale.

Le Président: M. le député de Lac-Saint-Jean, en principale.

Fermeture de bureaux régionaux de la RRQ?

M. Brassard: M. le Président, on sait que la Régie des rentes du Québec a des bureaux régionaux dans plusieurs villes du Québec - Drummondville, Rimouski, Chicoutimi, Trois-Rivières etc. - où les citoyens peuvent obtenir l'aide et les renseignements désirés répondant ainsi aux

besoins d'information de dizaine de milliers de personnes au Québec. Le ministre responsable de la Régie des rentes du Québec peut-il dire en cette Chambre s'il est exact que la Régie des rentes envisagerait la fermeture de ses bureaux régionaux?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas si la question du député de Lac-Saint-Jean lui a été inspirée par une lecture attentive du rapport du Vérificateur général du Québec qui critiquait l'administration précédente quant au nombre de pieds carrés qu'utilise présentement la Régie des rentes du Québec ou quant à l'encadrement de cette Régie des rentes du Québec. Je ne sais si cette question a inspiré la vôtre. Nous sommes à regarder présentement si le taux de location est maximal, c'est-à-dire, si nous n'avons pas des superficies en trop. Je suis -comme vous l'êtes aussi - un député de région et je tenterai de m'assurer que ces économies ne se fassent pas aux dépens des régions mais que ce soit dans les grands centres surtout, où on est déjà présents, qu'on tentera de rapetisser.

Le Président: M. le député de Lac-Saint-Jean, en additionnelle.

M. Brassard: En additionnelle, compte tenu des dernières remarques du ministre, est-ce que le ministre ne pourrait pas s'engager devant cette Chambre à ce que la Régie des rentes du Québec maintienne ouverts ses bureaux dans les régions du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, vous comprendrez aisément, à la suite de la première réponse que j'ai apportée, que je déploierai toutes mes énergies afin de m'assurer que là où la Régie des rentes du Québec est présente de façon efficace avec un rapport coût-bénéfice pour assurer un service efficace à la population, elle demeure présente mais avec le nombre de pieds carrés dont elle a vraiment besoin pour demeurer présente.

Le Président: Je vais reconnaître une question principale au groupe ministériel, M. le député de Beauce-Nord, en principale.

M. Audet: Merci, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Les causes des faillites des PME au Québec

M. Audet: Ma question s'adresse au ministre délégué aux PME. En dépit du fait que le Québec a connu des baisses successives du nombre de faillites commerciales en 1983, en 1984, et en 1985, on y compte encore le plus grand nombre de faillites au Canada. Face à cette pénible situation, qui touche presque exclusivement des jeunes et des petites entreprises, le ministre est-il en mesure de nous indiquer s'il a identifié les principaux facteurs responsables de ce phénomène?

Le Président: M. le ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises.

M. Vallerand: Oui, M. le Président. Merci au député de Beauce-Nord pour sa question. Le problème sinon la problématique est la suivante: Conformément aux chiffres les plus récents, c'est-à-dire ceux de 1985, on recensait au Québec plus de 32 % de l'ensemble des faillites canadiennes. C'est un pourcentage qui est sinon inquiétant, très préoccupant. Au sujet des causes nous recensons que c'est principalement imputable, nous dit-on, à une mauvaise administration. On a tenté et on tente encore de ventiler davantage et d'approfondir ce qu'on veut dire par une mauvaise administration. On remarque entre autres une méconnaissance des marchés, une insuffisance des ventes et un manque de stratégie de marketing. C'est un ensemble de facteurs que nous sommes à analyser et nous serons davantage en mesure de faire rapport sur les causes véritables qui affectent un pourcentage aussi important de nos petites et moyennes entreprises au Québec. Il faut noter que c'est aussi l'expression d'un dynamisme particulier parce que nous créons au Québec un nombre considérable de petites et moyennes entreprises. Donc, il y a un processus d'élimination naturelle. Cependant le pourcentage de faillites nous inquiète et nous sommes à l'examiner attentivement.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord, en additionnelle?

M. Audet: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: En additionnelle, M. le Président. Y a-t-il des mesures que le ministre prévoit prendre pour réduire le nombre de faillites de PME au Québec et faire en sorte qu'elles contribuent encore plus à la croissance économique du Québec et au développement de l'emploi?

Le Président: M. le ministre délégué aux PME.

M. Vallerand: Oui, M. le Président. Les solutions qui sont imaginées sont nettement tournées du côté de l'amélioration de la gestion. Ce à quoi nous réfléchissons, c'est notamment à la gestion participative, aux nouveaux concepts de gestion, notamment le concept de gestion de qualité, les formes de participation financière directe, l'achat d'actions, etc. Faut-il vous dire, M. le Président, que notre gouvernement a déjà pris des mesures concrètes pour inciter nos entreprises à faire davantage participer les employés et à responsabiliser leur action dans l'entreprise, notamment par le biais du Régime épargne-actions, lorsqu'on l'a orienté davantage vers les besoins de financement de la petite et moyenne entreprise, des SPEQ, l'amélioration qu'on a apportée dans le dernier discours sur le budget aux SPEQ afin de permettre aux employés qui achètent des actions de déduire par-dessus la déductibilité déjà acceptée du Régime épargne-actions plus de 25 %, et d'autres mesures que nous imaginons, la dernière étant celle de mon collègue de l'Industrie et du Commerce eu égard aux sociétés de capital de risques par rapport à leurs préoccupations régionales pour améliorer les possibilités de financement en capital des petites et moyennes entreprises au Québec.

Des voix: Bravo!

M. Garon: M. le Président.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle ou en principale?

M. Garon: En additionnelle.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Le ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises a-t-il pris connaissance des statistiques et des résultats des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse? A-t-il remarqué que, justement, avec ces soutiens aux jeunes, le nombre de faillites est moins grand? A-t-il remarqué également, si on compare les statistiques de ces jeunes entreprises qui démarrent...

Le Président: Vous êtes en additionnelle.

M. Garon: ...avec d'autres, que le nombre d'échecs est beaucoup moins grand que dans d'autres groupes?

Le Président: Monsieur...

M. Garon: A-t-il l'intention de recommander le maintien des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse?

Le Président: M. le ministre délégué aux PME.

M. Vallerand: Oui, M. le Président. Il me fera plaisir de dire au député de Lévis que, effectivement, j'en ai pris connaissance. Je peux même lui dire que, dans la région de l'Estrie, excluant Sherbrooke, le groupe de soutien aux initiatives-jeunesse a reçu 752 demandes de soutien, en a accepté 159 et a créé plus de 309 emplois, pour un total de 2 200 000, c'est-à-dire un per capita d'environ 70 000 $ à 75 000 $ par emploi.

Effectivement, M. le Président, j'ai bien lu ce rapport. Ma conviction s'insère dans celle de mon collègue de l'Industrie et du Commerce que notre gouvernement fait tout en son pouvoir pour améliorer le développement économique du Québec et de ses régions à partir d'une ventilation et d'un inventaire de tous les instruments les plus efficaces possible, y compris ceux qui ont déjà prouvé leur véracité et leur efficacité.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de... M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Le ministre a-t-il pris connaissance également des résultats des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse de la région de Québec, qui sont extraordinaires?

Le Président: M. le député de Shefford, en additionnelle ou en principale?

M. Paré: En additionnelle.

Le Président: M. le ministre, voulez-vous répondre?

M. Vallerand: M. le Président, je pense avoir démontré à cette Chambre que j'ai bien pris connaissance de ce rapport et d'avoir fait un état des principaux résultats, y compris ceux de la région de Québec.

M. Paré: En additionnelle.

Le Président: M. le député de Shefford, en additionnelle.

M. Paré: Oui, M. le Président, une question additionnelle au ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises. Concrètement, ai-je bien compris que le ministre dit que, oui, il y avait de bons programmes sous l'ancien gouvernement qui ont été maintenus, que certains ont été abolis et que des mesures ont été prises, mais que, malgré cela, il reconnaît que le

Québec a plus de faillites que toutes les autres provinces au Canada et qu'il a l'intention de ne rien commander jusqu'à ce qu'il dépose son rapport au printemps?

Le Président: M. le ministre délégué aux PME. (15 h 50)

M. Vallerand: Dans l'esprit du député de Shefford seulement, M. le Président. Non, je ne pense pas que cela ait été la nature de ma réponse, bien au contraire. Premièrement, on a constaté - c'est important de le faire - le taux d'échec des petites et moyennes entreprises au Québec, de façon relative, en se comparant avec la moyenne canadienne.

On a dit: C'est inquiétant, mais c'est aussi préoccupant. De ce fait, on a annoncé les mesures qu'on voudrait voir se matérialiser pour soutenir davantage l'action importante de ces petites et moyennes entreprises au Québec. J'ai déjà mentionné les soutiens financiers en termes de capital d'aide au financement de la structure de capital des petites et moyennes entreprises qui existent déjà.

J'ai également mentionné ce qu'on exploite du côté des autres possibilités. En même temps, dans la même foulée, on est à examiner, avec mon collègue du ministère de l'Industrie et du Commerce, la façon de mieux cibler l'ensemble...

Le Président: M. le ministre...

M. Vallerand: ...des interventions financières pour soutenir l'action de la petite et de la moyenne entreprise au titre de l'aide au financement, de l'aide au développement, de l'aide à l'exportation, de l'aide à la recherche et de l'aide au design au Québec.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en principale.

Postes supprimés dans les bureaux régionaux de Communication-Québec

Mme Blackburn: En principale, M. le Président. Depuis avril dernier, huit des dix-sept postes d'animateur régional du Secrétariat à la jeunesse ont été abolis. Le Secrétariat à la jeunesse ne répond plus qu'aux demandes venant des ministères. On apprend maintenant que les postes de répondant jeunesse des bureaux de Communication-Québec vont être abolis, mettant ainsi fin aux services spécialisés d'information destinés aux jeunes.

Comme on connaît l'affection que le ministre des Communications porte aux régions où il coupe tout ce qui bouge ou semble vouloir bouger, je voudrais savoir de sa part s'il est exact que les 38 postes de répondant jeunesse des bureaux de Communication-Québec seraient abolis dès avril prochain.

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. French: M. le Président, ce qui est clair, c'est que les deux individus de chaque bureau seraient appelés à réorienter leur carrière, puisque, dès le début, les conditions d'engagement étaient deux ans d'expérience de travail et, après cela, passer à d'autres responsabilités et d'autres emplois dans d'autres secteurs. Sur le plan du programme, nous essayons de trouver des solutions de rechange, puisque effectivement nous avons trouvé l'expérience fort valable.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Mme Blackburn: M. le Président, le ministre vient de nous dire qu'il va créer 38 nouveaux chômeurs chez les jeunes prochainement, si je comprends bien, et qu'il n'a pas encore trouvé de solution.

Le Président: En additionnelle, Mme la députée.

Mme Blackburn: C'est une question. Est-ce qu'il peut également me dire qu'en même temps qu'il décide de couper ces postes et de créer de nouveaux chômeurs, il n'a pas encore trouvé de solution adéquate pour répondre aux besoins d'information des jeunes?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. French: M. le Président, il y a quand même un certain nombre de réalités non financières qu'il faut considérer, lorsque la députée de Chicoutimi commence à pleurer sur les 38 futurs chômeurs. L'une serait peut-être, après une expérience aussi valable qu'elle prétend avoir observée elle-même, que ces gens seraient plus qualifiés et, donc, ne seraient plus chômeurs. C'est exactement ce qui va se produire. Je vais m'engager à répondre en Chambre après que ces deux personnes par bureau auront trouvé d'autres emplois, mais non pas expliquer exactement l'histoire de travail qu'ont expérimenté chacun des individus.

Là, je vais vous garantir quelque chose. Ces deux personnes par bureau de Communication-Québec vont trouver un emploi, parce qu'elles ont une expérience fort pertinente. Donc, je ne crains pas pour leur avenir. Au contraire, je les ai rencontrées et je leur ai parlé. Il y en a qui ont déjà leur propre entreprise qui va devenir à temps plein dès que leur contrat

de travail avec nous sera terminé. Il y en a d'autres qui vont facilement dénicher d'autres contrats et des emplois permanents.

Pour ce qui est des 38 personnes actuellement en place, je n'ai aucune crainte. Pour ce qui est de trouver une solution valable, je serais intéressé à entendre des suggestions de Mme la députée. Si elle a des solutions constructives, tant mieux. Nous essayons de trouver des solutions de rechange et les moyens efficaces pour répondre aux besoins d'information pour les jeunes comme pour les autres.

Dans la plupart des cas, soulignons-le, ces individus desservent d'autres fins en même temps, c'est-à-dire qu'ils se sont révélés des collaborateurs valables en desservant d'autres clientèles, pas uniquement la jeunesse.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

M. Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre reconnaît que ce sera 38 postes de moins, donc des services de moins destinés aux jeunes du Québec et particulièrement dans les régions?

M. Jolivet: C'est celai

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. French: Ce que je reconnais, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît; M. le ministre, vous avez la parole.

M. French: ...c'est que les bureaux régionaux de Communication-Québec ont des responsabilités particulières et des ressources précises. Nous essayons d'avoir un bon équilibre entre les responsabilités et les ressources. Je lui ai dit tantôt que je serais toujours prêt à envisager toutes sortes de possibilités si nous voyons qu'il y a des besoins auxquels les bureaux de

Communication-Québec ne répondraient pas. Nous allons en discuter. Nous cherchons une formule pour continuer de fournir tous les services nécessaires aux populations des régions.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Mme Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Au moment où le ministre décide de couper ces postes, est-ce qu'il peut déposer le rapport d'évaluation des services qui ont été rendus par ces jeunes dans les bureaux de Communication-Québec?

Le Président: M. le ministre des

Communications.

M. French: M. le Président, je n'ai pas eu connaissance d'un dossier ou d'un document en particulier. S'il y en a un... Excusez-moi!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. French: II y a tellement de souffleurs de l'autre côté, il s'agit de choisir la bonne réponse.

M. Chevrette: M. le Président, il n'y a pas de souffleurs de l'autre côté. Il y a du monde qui vit au Québec et les rapports ont été remis aux députés. S'ils n'ont pas été remis au ministre, c'est effrayant!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, en réponse à la question, s'il vous plaît.

M. French: M. le Président, le leader de l'Opposition y va d'un bon exemple de cacophonie.

M. le Président, s'il y a un document susceptible d'intéresser la députée à ce sujet, je vais certainement le regarder et considérer si je peux le déposer.

M. Brassard: Une dernière principale.

Le Président: Une dernière question. M. le député de Lac-Saint-Jean, en principale.

Projet de réouverture de la papeterie Saint-Raymond à Desbiens

M. Brassard: Très courte principale au ministre de l'Industrie et du Commerce. Nous sommes informés que le conseil d'administration de la SDI aurait pris une décision quant à l'offre d'aide financière à faire au groupe Saint-Raymond-Paper, Johnson & Johnson, comportant, entre autres, le projet de réouverture de l'usine de Desbiens dans mon comté. Est-ce que le ministre a pris connaissance de cette offre faite par le conseil d'administration de la SDI? Est-ce qu'il a l'intention de prendre une décision relativement à ce dossier?

Le Président: M. le -ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, comme je l'ai dit à des intervenants du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, la SDI a eu à considérer le niveau de l'offre éventuelle qu'elle pourrait faire aux demandeurs intéressés à relancer, dans un projet nouveau, la papeterie Saint-Raymond à Desbiens. Étant donné l'ampleur du programme, étant donné les niveaux d'autorisation qui sont requis, j'ai toujours

indiqué aux intervenants locaux là-bas qu'il s'agissait de faire cheminer, encore une fois, auprès de la SDI, du ministre, de différents comités du conseil exécutif et du conseil exécutif éventuellement, ce dossier pour approbation et qu'à mon sens j'aurais des nouvelles avant la fin de l'année. C'est ce que j'ai toujours soutenu.

Ce qui ne m'apparaît pas exagéré, M. le Président, cela aurait fait, à la fin de l'année, environ cinq mois que la demande a été faite au gouvernement actuel. Cela faisait cinq ans qu'il ne se passait rien.

Le Président: Fin de la période de questions et réponses orales.

Nous allons maintenant continuer les affaires courantes. Il n'y a aucun vote reporté cet après-midi.

Motion sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Gratton: Oui, M. le Président. Il s'agit plutôt d'un préavis. Je voudrais que les membres de l'Assemblée prennent note que, une fois terminé le débat sur le principe du projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives, lequel débat sera entamé immédiatement au début des affaires du jour, nous donnerons l'avis pour que la commission des institutions procède à l'étude détaillée dudit projet de loi à la salle Louis-Joseph-Papineau, et ce, compte tenu de l'heure où on terminera ici à l'Assemblée nationale, probablement de 20 heures à minuit. (16 heures)

Le Président: Avez-vous d'autres avis à faire à l'Assemblée, M. le leader du gouvernement? J'ai également un avis, si vous me le permettez. Après la période des affaires courantes, la commission de l'économie et du travail se réunira à la salle Louis-Joseph-Papineau afin de tenir une séance de travail.

Y a-t-il d'autres avis touchant les travaux des commissions ou des renseignements sur les travaux de l'Assemblée? Cela va? M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je viens de consulter le vice-président de la commission de l'économie et du travail et j'avise simplement les collègues qui sont membres de la commission de l'économie et du travail que la séance de travail qui devait avoir lieu après la période des affaires courantes aura lieu à 16 h 30. Aux collègues qui sont ici et qui doivent se rendre à la séance de travail de la commission de l'économie et du travail, je signifie simplement l'heure de la rencontre.

Le Président: L'heure prévue était 16 heures, j'imagine.

M. Charbonneau: Elle est prévue immédiatement après les affaires courantes. La raison, c'est que le leader de l'Opposition, qui est aussi le critique dans le dossier du travail, doit le premier faire une intervention sur le projet de loi que le leader du gouvernement va appeler d'abord, cet après-midi. Immédiatement après, à 16 h 30, la séance de travail de la commission va se tenir.

Le Président: L'avis en est donné, Affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, voulez-vous appeler l'article 31 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 138

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: M. le leader du gouvernement, à l'article 31 du feuilleton, il s'agit de la reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 138, c'est-à-dire la Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives.

Je suis prêt à reconnaître le premier des intervenants cet après-midi sur le projet de loi 138. À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de reconnaître M. le leader de l'Opposition, comme prochain intervenant sur ce projet de loi, je demanderais à tous et chacun de regagner son siège.

Sur le projet de loi 138, M. le leader de l'Opposition, vous avez maintenant la parole.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi, parce que, dans un premier temps, j'entends rappeler ce que notre propre gouvernement a fait. On se souviendra tous que c'est l'actuel chef de l'Opposition qui, alors qu'il occupait le poste de premier ministre, avait nommé un Solliciteur général. D'ailleurs, on pouvait lire dans La Presse du lundi le 7 octobre 1985, un article de Jean-Guy Dubuc qui disait ceci: "Le cumul de fonctions ne peut être que temporaire: comment imaginer que le ministre de la Justice soit aussi ministre du Travail?"

On sait très bien qu'on disait: Enfin, la Justice sera rationnelle. On disait essayer d'éviter tout conflit d'intérêts en nommant un Solliciteur général; M. Dubuc vantait les

mérites de cette décision. On sait que ce poste avait été abandonné temporairement autant par le gouvernement Bourassa que par le gouvernement de M. Lévesque, mais il a été ramené par le gouvernement Johnson et confirmé à nouveau par le gouvernement Bourassa.

Je pense que cela s'inscrit dans la lignée ou dans cette volonté politique de faire en sorte que l'on ait véritablement un ministère dégagé de toute préoccupation administrative quotidienne pour se pencher réellement sur les orientations en justice, les orientations comme celles que nous avions prises. Vous me permettrez d'en énumérer quelques-unes. Je pense, entre autres, au fait que nous avons nous-mêmes instauré les programmes communautaires pour les personnes susceptibles d'être condamnées à la prison. Nous étions heureux à ce moment-là de l'avoir fait, parce que nous considérions que c'était avant-gardiste dans les années 1978. Cela avait amené des gens, bien sûr, à critiquer un peu le gouvernement d'alors, mais je pense que les parlementaires, ici, faisaient l'unanimité autour de ces programmes.

Je pense également qu'en 1979, la création de la Commission québécoise des libérations conditionnelles a fait l'unanimité de cette Chambre. Les parlementaires considéraient que c'étaient des gestes positifs en ce sens.

Nous avons également, en 1978, établi un nouveau règlement des établissements de détention qui précisait clairement que, dans un cadre juridique connu, les droits et obligations des détenus étaient consolidés. Je pense que c'était véritablement encore un pas en avant. Je pense également que la création d'alternatives à l'emprisonnement pour paiement d'amendes, notamment par l'instauration de travaux communautaires, était quelque chose de véritablement avant-gardiste qui donnait la chance à l'individu de se réhabiliter et de rendre service à sa collectivité. Je pense que le code de déontologie pour les policiers a été une bonne chose et je pense également, Mme la Présidente, que la création des corps policiers autochtones était aussi dans cet esprit: tâcher de rapprocher la justice des gens et faire en sorte qu'on puisse la rendre encore plus efficace. J'en suis d'autant plus heureux que le Solliciteur général aura, à mon avis, un rôle extrêmement important à jouer.

Ayant occupé les fonctions de ministre de la Santé et des Services sociaux, j'ai eu à rencontrer le ministre fédéral, M. Jake Epp, pour discuter avec lui de la collaboration ou de la participation financière du fédéral à tout l'aspect prévention. Malheureusement, le ministre de la Justice, M. Crosbie, est prêt à subventionner n'importe quelle maison de détention, n'importe quel pavillon pour jeunes détenus, mais le fédéral ne participe en rien présentement à tout le processus de prévention. On préfère payer 60 000 $, participer financièrement, pour un jeune qui est incarcéré dans un pavillon jeunesse et on ne débourse pas un cent du côté fédéral sur la notion de prévention. Je trouve cela scandaleux. Je trouve cela effrayant. On n'hésite pas à participer financièrement et à payer pour les jeunes qu'on incarcère, à toutes fins utiles, qui nous coûtent 60 000 $ en moyenne par année. On n'hésite pas à faire cela. Mais on pourrait peut-être faire que trois, quatre, cinq ou six jeunes dans chacune de nos régions du Québec évitent précisément l'incarcération. On pourrait injecter des sommes dans des mouvements, dans des associations, dans des groupements axés précisément sur la prévention, mais on a une fin de non-recevoir. Je pense que le Solliciteur général aura un rôle extrêmement important à jouer auprès du ministre fédéral de la Justice. Il est tout à fait inadmissible qu'en 1986 on axe encore tout notre travail sur le curatif et qu'on ne fasse à peu près rien sur le préventif.

Je pense qu'après un an de pouvoir le gouvernement devrait réfléchir drôlement à cet aspect. Il devrait entamer des discussions, si ce n'est déjà fait, puisque ce l'était avant même qu'on déclenche des élections le 2 décembre dernier, sur cette partie importante de la prévention concernant les jeunes en particulier. Je pense que le Solliciteur général aura, là-dessus, l'appui sans réserve de l'Opposition qui avait commencé ce travail et qui, par les mesures que j'énumérais tantôt, avait déjà fait un travail formidable dans ce sens-là. La création d'un ministère ne vient que concrétiser juridiquement une situation de fait qui dure depuis un an.

À partir de la création officielle d'un ministère, il va nous falloir entendre le Solliciteur général parler non pas exclusivement des devoirs qui lui sont confiés en vertu de ce projet de loi: mais d'assurer ou de surveiller, suivant le cas, l'application des lois relatives à la police; de favoriser et de promouvoir la coordination des activités policières; de maintenir un service de documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité et l'efficacité de l'action policière - on voit encore que tout cela est axé sur le curatif -de maintenir un service de documentation -je viens de le dire - d'administrer les établissements de détention - il n'y a rien sur l'aspect préventif - d'assurer la disponibilité des services d'agents de probation et de surveiller l'exécution des ordonnances de probation; de voir à la surveillance de la circulation routière - on ne voit pas encore là une dimension trop forte sur la prévention qui pointe à l'horizon - de voir à ce qu'il soit fait des recherches

par les coroners sur les causes et les circonstances de décès; de voir à ce que les commissaires aux incendies effectuent des recherches sur les dommages causés aux bâtiments, etc.; de délivrer, renouveler, suspendre ou révoquer les permis d'agence ou d'agent d'investigation ou de sécurité - c'est du curatif - de voir au contrôle de la circulation et de la vente des boissons alcooliques et de remplir les autres fonctions qui lui sont assignées par le gouvernement. (16 h I0)

C'est peut-être dans cet article fourre-tout, comme on dit en bon québécois, qu'on retrouvera le rôle qui est dévolu au Solliciteur général face à la prévention. Dans les dix ou onze responsabilités qui lui incombent de par sa loi constituante, rien n'est clair, rien n'est précis, rien ne va dans le sens des responsabilités du Solliciteur général en ce qui regarde la prévention. Quant à moi, cela m'apparaît une lacune fondamentale. Comme formation politique, nous aimerions, à cette kyrielle, à ces dix ou onze obligations qui lui sont faites ou devoirs qui lui sont faits par sa loi constituante, que le Solliciteur général ajoute une dimension face à la prévention du crime.

On peut toujours penser... C'est exactement la même comparaison que je pourrais faire avec la santé et les services sociaux. On dépense 7 900 000 000 $ à la santé et aux services sociaux. On dépense des centaines de millions pour la sécurité, dans la police. Mais on hésite trop souvent et tous les gouvernements, il faut se le dire, à injecter des sommes et confier des responsabilités spécifiques en ce qui regarde la prévention. Je suis persuadé que les usines qui ont mis sur pied - je vais en donner un exemple - un comité de santé et de sécurité du travail ont diminué le coût d'accidents, le nombre d'accidents parce qu'ils ont mis dans le coup les travailleurs, les contremaîtres, les patrons, ils les ont mis ensemble, ils les ont assis ensemble. Cela a permis de développer un tant soit peu ce souci de la sécurité. Dans le domaine de la santé et des services sociaux, malheureusement là aussi, on a mis beaucoup d'argent pour le curatif et on oublie qu'il y a du monde qui peut éviter, précisément, qu'on en soit à dépenser autant de milliards et de millions pour le curatif.

Je pense qu'on verse dans le même vice en ce qui regarde la police. Ne serait-ce que cet aspect des choses dans le projet de loi qui constitue le ministère du Solliciteur général, il m'apparaît important de revoir cette liste de devoirs ou d'obligations qui sont faites au ministre et lui donner ce rôle spécifique auprès des intervenants du milieu qui oeuvrent à la prévention. Cela m'apparaît un rôle important qu'il devrait mettre en évidence. C'est peut-être moins glorieux de travailler à la prévention. C'est peut-être moins le kodak ou la caméra sous le nez. Mais, au moment où le ministre et Solliciteur général ferme des prisons un peu partout au Québec, au moment où il ferme Saint-Joseph-de-Beauce et qu'il maintient celle de Brome-Missisquoi, parce que le ministre est probablement plus pesant dans Brome-Missisquoi que le député de Saint-Joseph-de-Beauce, au moment où on ferme même à celui qui vous a précédé sur le trône, Mme la Présidente, trois institutions pénitentiaires dans le comté de Saint-Jean, à Joliette, il y a des gens, au moment où on se parle, qui n'effectuent même par leur sentence de 20, de 30 ou de 40 fins de semaine. Ils viennent signer le vendredi soir et ils s'en retournent chez eux, parce qu'on ne peut pas leur offrir le gîte selon des principes administratifs. Pour sauver une piastre. Si bien que les gens rigolent de la justice.

Je pense qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Le gouvernement veut rationaliser administrativement, c'est son droit. Le gouvernement veut fermer des institutions pénitentiaires, c'est son droit. Mais qu'offre-t-il en retour pour la sécurité des citoyens?

Une voix: Rien.

M. Chevrette: Qu'offre-t-il pour l'encadrement de ces individus?

Une voix: Rien.

M. Chevrette: On dit: Signe et va-t'en chez toi. Si bien qu'il y en a qui concluent, dans l'entourage de certains: Finalement, le crime paie-t-if? Cela va jusque-là dans le raisonnement populaire. Il ne faut pas se surprendre qu'il y ait des gens qui réfléchissent ainsi quand on a des exemples concrets qui nous sont mis sous les yeux. Le Solliciteur général a un rôle extrêmement important qui demande de sa part extrêmement de prudence. Je comprends que l'expérience d'un an n'est peut-être pas suffisante. Ce qui lui a malheureusement permis de commettre des gaffes, mais il y en a une que je considère très grave pour un Solliciteur général, c'est celle d'avoir interprété, par exemple, l'alcoomètre. Cela, Mme la Présidente, je vous avoue que, pour un Solliciteur général, si on n'était pas au Québec, je suis convaincu qu'il ne serait plus Solliciteur général. On n'aurait jamais permis cela, une interprétation à l'encontre, lui qui se donne, entre autres, comme obligation de soutenir les efforts policiers, le Solliciteur général, qui, empressé parce qu'il voit un micro, devient fou, fou et déclare n'importe quoi.

Mme la Présidente, c'est dangereux, dire que, devant les policiers, on n'est pas obligé de se soumettre au test et, le lendemain, écrire qu'on est obligé de se

soumettre au test. Il y en a qui ont lu la veille et qui ne liront pas le lendemain, dans notre société, et qui vont poser des gestes vis-à-vis des policiers. Ils vont dire: Écoute, c'est le ministre lui-même qui l'a dit. Là, on assistera à des scènes désagréables.

C'est très sérieux le poste de Solliciteur général. Cela ne doit pas être confié à qui manque de jugement n'importe quand. Je pense que ce poste exige énormément de rigueur. Il doit être placé au-dessus même du ministre de la Justice. Son rôle est d'assurer, partout et en tout temps, l'application intégrale des lois et se placer en dehors de tout soupçon d'intervention pour que justice suive son cours normal et honnête. Je vous avoue, Mme la Présidente, là-dessus, que je suis un petit peu inquiet. Et j'ose espérer que c'est une erreur momentanée, que c'est une erreur que je qualifierai de mineure si le ministre prend le soin et l'énergie de la réparer avec toute la vigueur dont il est capable pour ne pas permettre, je pense, d'enlever l'autorité qui est dévolue à ceux qui ont le devoir de l'appliquer.

Je suis également très surpris que le Solliciteur général, lui qui a vanté pendant de longues minutes, en compagnie du député de Louis-Hébert, la qualité de nos enquêteurs, la qualité de nos policiers, la qualité de nos corps policiers au Québec, je suis très surpris, dis-je, de voir ces gens ne pas exiger que la sécurité soit accordée, par exemple, à tous ceux qui participeront au sommet francophone. Je suis énormément surpris qu'on n'ait pas exigé que, sur notre territoire québécois, on reconnaisse que la compétence de nos corps policiers était suffisante pour assurer pleine et entière sécurité à ces gens. Je suis d'autant plus surpris, Mme la Présidente, que vous aurez remarqué que celui-là même qui aura la charge, si cela n'a pas été changé, qui aura la charge de la sécurité au Québec pour tous nos visiteurs francophones, est celui-là même qui a été reconnu coupable de gestes en 1970 pour vol de liste de membres du PQ, de brûlage de grange, etc. Je pense que, trop fort devant les citoyens, cela ne peut pas avoir de crédibilité. Si le Solliciteur général, entouré de plusieurs de ses collègues, reconnaît la compétence, pour éviter qu'il y ait des gaffes, précisément, c'est le Québec qui devrait avoir la pleine et entière responsabilité.

On n'est pas Solliciteur général à moitié. On ne se tasse pas ou on ne se laisse pas tasser par qui que ce soit qui voudrait nous imposer des choses sur notre territoire. Il me semble que le Solliciteur général du Québec pourrait très bien, Mme la Présidente, imposer ses volontés, ses vues là-dessus, faire en sorte que l'expertise québécoise s'applique. Et on l'a l'expertise québécoise dans ce domaine. On est capable d'assumer pleinement nos responsabilités.

Je voudrais en terminant, parce que vous me faites signe de conclure, Mme la Présidente, vous dire que c'est nous qui avons précisément créé la fonction de Solliciteur général. C'est le chef de l'Opposition actuel qui y voyait un rôle extrêmement important. C'est nous qui avons posé des jalons extrêmement importants entre 1978 et 1986 sur la notion de réhabilitation, sur la notion de prévention, et je suis surpris, quoique nous voterons en deuxième lecture sur le principe de la création d'un ministère parce que nous sommes d'accord en principe avec sa création, mais nous regarderons avec le Solliciteur général, en commission parlementaire... Nous allons sans doute regarder ses devoirs et obligations pour qu'il puisse se donner un rôle en ce qui concerne la prévention et faire en sorte que notre climat social s'améliore davantage, Mme la Présidente. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader de l'Opposition. M. le député de Lévis. (16 h 20)

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, c'est un plaisir pour moi de parler sur le projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives.

Le précédent gouvernement du Parti québécois l'avait mis en fonction afin qu'on puisse en arriver graduellement, un jour, à créer un tel poste mais ne pas le créer de toute pièce à partir de zéro comme s'il n'existait pas et pour qu'on ne se retrouve pas non plus avec des conflits de ministères qui sont toujours dangereux lorsqu'un poste est créé à partir de rien et qu'une fois le ministre nommé, il doive arracher des morceaux à d'autres ministères avec tout ce que cela peut supposer de difficultés. Le nouveau Solliciteur général aura beaucoup plus de facilités à établir son ministère, parce qu'il aura déjà été constitué en grande partie au cours des années passées. Ce poste est important, parce qu'il est préférable dans un pays, sur un territoire d'avoir un chef de la police qui est distinct du chef de la magistrature et encore plus au Québec où il n'y a pas d'armée et où le ministre responsable de la police a des responsabilités particulières. Dans des situations difficiles à prévoir on ne peut pas faire appel à une force militaire qui n'est pas contrôlée par notre gouvernement. Ce gouvernement du Québec n'y a jamais fait appel sauf en 1970, et l'on sait avec quelle honte les Québécois ont vu l'occupation du territoire québécois par une année, pendant quelques mois, parce que le gouvernement avait manqué de courage, le gouvernement Bourassa du temps

on se le rappelle.

Aujourd'hui sur un territoire où il n'y a pas de force de l'intérieur autre que la police, il est important qu'il y ait des responsabilités particulières et il est important également que les gens ne confondent pas la police et la justice. La police joue un rôle dans l'administration des lois mais les tribunaux doivent garder leur caractère d'indépendance; cela va permettre aux contribuables ou aux citoyens d'arriver devant les tribunaux sans penser qu'il y a une complicité entre la police et la magistrature. C'est pourquoi il est important que les deux soient bien distincts et que l'ensemble des citoyens sachent que la police est leur ami dans le respect des lois mais, qu'en même temps ceux qui sont poursuivis devant les tribunaux sachent qu'ils sont sur un pied d'égalité devant la magistrature. Le Solliciteur général doit faire ses preuves d'une façon totale et entière devant le tribunal qui est un tribunal indépendant de la police et du Solliciteur général.

Il y a de nombreuses fonctions qui vont relever du Solliciteur général. Je sais qu'en commission parlementaire nous aurons l'occasion d'étudier différents aspects. Il y a un aspect qui m'intéresse particulièrement, comme citoyen qui a toujours été impliqué d'une façon particulière dans les questions maritimes et intéressé à ces questions, c'est la police sur le fleuve. J'ai eu l'occasion de constater à différentes reprises le méli-mélo et notamment il y a quelques années lorsque dans la région de Rivière-du-Loup un bateau avait pris feu. À la suite d'une enquête on a vu à quel point on s'était trouvé dans un véritable méli-mélo où la garde côtière canadienne n'assumait pas vraiment ses fonctions. On le sait d'autant plus que ses principaux effectifs se trouvent dans le golfe, notamment à Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard, et que c'est bien gentil, mais quand un bateau est en difficulté, quand il y a un travail de police à faire sur le fleuve, sur le plan de la sécurité, qui est l'une des fonctions importantes de la police, dans les faits, les gens qui sont en difficulté appellent d'abord la Sûreté du Québec. En réalité, c'est à cause d'une garde côtière inefficace, qui ne joue pas véritablement son rôle sur le fleuve Saint-Laurent, parce que ses effectifs sont surtout positionnés dans les provinces maritimes où il y a surtout des bateaux du gouvernement, puisque les véritables bateaux commerciaux circulent davantage sur le fleuve Saint-Laurent. Une photographie de la situation des bateaux au mois de décembre, il y a quelques années, démontrait que tous les bateaux commerciaux étaient à toutes fins utiles sur le fleuve Saint-Laurent ou sur les Grands Lacs, alors qu'il y avait des bateaux qui étaient la propriété du gouvernement fédéral autour de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse, du

Nouveau-Brunswick ou autour de l'Île-du-Prince-Édouard, mais il n'y avait presque pas de bateaux privés, ils se trouvaient essentiellement sur le fleuve Saint-Laurent.

Le fleuve Saint-Laurent étant partie intégrante du territoire québécois, il y a nécessité de surveillance policière, d'activité policière sur le fleuve Saint-Laurent. De fait, j'ai monté un dossier parce que je m'y suis impliqué particulièrement, d'autant plus que, comme ministre des pêches, je savais à quel point... On fait même appel, dans certains cas, aux pêcheurs qui se trouvent en mer. Un rôle de coordination est nécessaire tant sur la mer intérieure, comme le fleuve Saint-Laurent, que sur la terre. D'ailleurs, j'ai remarqué dans le projet de loi 102 qui a été déposé en Chambre qu'on tient compte de la juridiction de la souveraineté du Québec sur les fonds marins comme continuation des fonds terrestres. En dessous du fleuve, il y a des fonds terrestres qui se rejoignent d'une rive à l'autre et le gouvernement prévoit dans la loi 102 la souveraineté du Québec sur les fonds marins qui sont en dessous de l'eau et qui sont la continuation des fonds terrestres tant dans le fleuve Saint-Laurent que dans le golfe du Saint-Laurent.

Il est aussi important de prévoir que, sur le plan de l'intérieur, la coordination de l'activité policière sur le fleuve peut avoir certains caractères importants au point de vue de la sécurité du public. Quelqu'un qui est dans le milieu du fleuve, entre Baie-Comeau et Matane, doit pouvoir compter au point de vue de la prévention et de la sécurité sur certains effectifs qui vont lui rendre les services nécessaires. À ce point de vue, dans les faits, la meilleure organisation à laquelle font appel les gens qui sont dans des situations difficiles, c'est justement la Sûreté du Québec. Quand des chaloupes ne reviennent pas, quand des gens qui font du loisir s'en vont sur le fleuve et, pour une raison ou pour une autre, sont en difficulté, à qui font-ils appel? On me dit que, dans 90 % des cas, il s'agit de la Sûreté du Québec.

À ce point de vue, il serait important dans les faits, pour le gouvernement du Québec, à défaut du gouvernement fédéral, de prendre les responsabilités qui lui incombent, mais, comme il a décidé de garder peu d'effectifs de la garde côtière au Québec pour la poster surtout dans les provinces maritimes et créer de l'emploi à cet endroit, il serait important que, dans ce projet de loi, on prévoie l'activité du Solliciteur général, mais surtout des forces policières du Québec sur le plan de la sécurité sur le fleuve Saint-Laurent. C'est très important parce qu'on a connu au cours des dernières années des drames, des morts inutiles, des naufrages inutiles, des incendies qui ont duré plus longtemps qu'ils n'auraient

dû, parce qu'il n'y avait pas, sur le plan de la sécurité sur le fleuve Saint-Laurent, tous les éléments pour assurer cette sécurité. L'organisme le mieux placé pour le faire est la Sûreté du Québec.

Mme la Présidente, j'ai parlé de cette question puisque, pour différentes raisons, j'ai été souvent mêlé aux dossiers maritimes parce que, comme député de Lévis, on a des chantiers maritimes. C'est une question permanente. (16 h 30)

Comme citoyen originaire du comté de Bellechasse et résidant dans le comté de Lévis, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux pilotes de navire qui faisaient autrefois la remontée de Pointe-aux-Pères à Québec et maintenant des Escoumins à Québec. J'ai eu l'occasion aussi, comme ministre des Pêches pendant plusieurs années, de connaître les difficultés qu'il peut y avoir pour la sécurité et la protection des citoyens qui s'aventurent ou qui font le métier de travailler sur l'eau.

Mais dans le projet de loi, on parle également de l'implantation et de l'amélioration des méthodes de détection et de répression de la criminalité. On parle également de l'incarcération et de la réinsertion sociale des détenus. Je dois dire, qu'à ce point de vue, je me méfie du Solliciteur général, parce qu'à ce jour, ce qu'il a fait n'est pas une garantie pour l'avenir, parce que c'est sous sa juridiction qu'a été fermée la prison qui avait le plus haut taux de réinsertion sociale, celle de la Beauce.

La prison de Saint-Joseph-de-Beauce a été fermée alors qu'elle avait le plus haut taux de réinsertion sociale au Québec. Mais c'est celle-là que le Solliciteur général a décidé de fermer en premier, malgré tous les avis qui lui ont été fournis tant par la population locale et régionale que ceux qui ont eu à travailler dans ce secteur et qui sont des spécialistes de la réinsertion sociale.

Le ministre a été têtu comme une mule. Il s'est arc-bouté et a dit non, alors que ceux qui s'occupent de réinsertion sociale doivent d'abord être capables d'écouter, de comprendre des problèmes. Comme disait l'auteur Malraux dans La Condition humaine "juger, c'est souvent refuser de comprendre."

Quand on parle de réinsertion sociale, alors que les jugements ont déjà été apportés, il s'agit de comprendre davantage les gens qui ont connu des difficultés. On se rend souvent compte que ceux qu'on trouve dans des prisons n'ont pas eu la chance dans la vie au point de départ que d'autres ont eue et qu'il y a souvent une aide à fournir.

La prison de Saint-Joseph faisait ce travail. Le maire, la communauté locale et les communautés religieuses avaient même fait faire la rénovation du couvent par des détenus qui l'avaient fait bénévolement, en grande partie.

On sait aussi que la rivière Chaudière, dans le territoire devant Saint-Joseph, avait été nettoyée par les détenus, à tel point que la prison pouvait s'occuper de deux fois plus de détenus qu'il n'y avait de cellules. Pourquoi? Parce que la plus grande partie des détenus était en pension dans la communauté régionale. Ils faisaient des travaux communautaires et des travaux dans la région. Les cultivateurs faisaient souvent appel à leurs services, etc.

Le ministre n'a pas voulu... Aujourd'hui, quand je vois le mandat de la réinsertion sociale, je dois dire que j'ai peu confiance au ministre à ce point de vue, parce qu'il a fermé, contre l'avis de tous, la prison de Saint-Joseph qui avait deux fois plus de détenus affectés à la prison qu'il n'y avait de cellules.

Mais, au même moment, la prison de New-Carlisle qui avait deux fois moins de détenus que de cellules connaissait des travaux de 1 000 000 $ pour sa modernisation. Au lieu de moderniser celle qui était efficace, on modernisait celle qui était une des moins efficaces au Québec, la prison de New-Carlisle où se trouve le taux le moins élevé d'occupation de toutes les prisons du Québec. On fermait Saint-Joseph au moment où Orsainville était une prison pleine, où le taux d'occupation était de 100 % avec tous les problèmes qu'on connaît dans les prisons lorsqu'il y a un surplus de prisonniers, lorsqu'il y a un taux d'occupation totale et qu'on va mettre dans des prisons urbaines des gens qui viennent essentiellement du territoire rural.

Le ministre n'a pas été capable de comprendre cela et il a décidé de fermer la prison de Saint-Joseph envers et contre tous, Mme la Présidente. Vous remarquerez qu'il s'agit, à mon avis, d'un geste irresponsable, d'un geste contre l'humanité, contre les sentiments humains, alors qu'il y avait une implication vraiment entière, complète de la population envers la réinsertion sociale des gens qui étaient affectés à la prison de Saint-Joseph, des gens qui venaient essentiellement du territoire environnant.

Je suis allé visiter la prison et j'ai rencontré chaque prisonnier qui était dans sa cellule. Les gens qui venaient de divers milieux me disaient: Je suis content d'être à Saint-Joseph, car je viens d'un petit village et je me serais senti perdu dans un prison de 600 personnes comme Orsainville. Je préfère être ici et faire du travail communautaire dans une communauté locale comme celle dans laquelle je vivais. Mais non, le ministre a décidé de la fermer.

Deuxièmement, je trouve le gouvernement actuel insensible devant les problèmes que l'on connaît et qui sont l'équivalent de la fraude, du remorquage à vos frais. Sur le

territoire - et des jugements ont encore été rendus à Montréal la semaine dernière - des gens font . du remorquage, emmènent les automobiles le plus loin possible des endroits où elles étaient stationnées, légalement ou illégalement, et on fait faire du transport d'automobiles à des firmes qui exigent ensuite des montants extravagants à des automobilistes pour avoir transporté, sans droit, leur automobile à des distances incroyablement éloignées pour faire plus d'argent. Des jugements ont été rendus devant les tribunaux la semaine dernière.

Actuellement, à Montréal, c'est une épidémie. J'ai eu l'occasion de connaître ce phénomène personnellement la semaine dernière. J'ai appelé la police et elle a dit: Nous ne regardons pas cela. Comment, leur ai-je dit, des gens vont arriver et pourraient remorquer, transporter vos automobiles à cinq, six ou sept milles plus loin, et vous serez ensuite obligés de payer 70 $, 80 $ ou 90 $ pour avoir votre automobile, et la police n'a rien à voir là-dedans? Ils m'ont dit: Nous n'avons rien à faire et nous ne faisons rien à ce sujet.

Sur le territoire québécois, à cause de l'irresponsabilité du ministre qui ne s'occupe pas de ces questions, des compagnies peuvent actuellement s'embarquer dans le remorquage, remorquer des automobiles de leur propre autorité, les emmener aux garages les plus éloignés possible pour exiger la plus haute facture possible, et le ministre, lui, s'en lave les mains, sachant... C'est vraiment irresponsable, Mme la Présidente.

Je trouve gentil que le ministre veuille se donner des responsabilités, mais il devrait, au moins, bien s'acquitter des responsabilités qu'il a actuellement et s'assurer que les responsabilités qu'il a assumées. Actuellement, le remorquage à vos frais équivaut à une fraude que font des entreprises, qui ont inscrit sur l'épaule "Sûreté", imaginez-vous, comme s'il s'agissait de la Sûreté du Québec. J'ai l'intention de revenir sur cette question en cette Chambre, car j'ai trouvé épouvantable que des gens puissent prendre des automobiles, les remorquer à des distances considérables, et dire ensuite que vous ne pourrez pas avoir votre automobile si vous ne payez pas tel montant, et que la police dise: Nous n'avons rien à faire là-dedans; organisez-vous avez vos problèmes.

Mme la Présidente, le rôle d'un Solliciteur général est d'abord d'être vigilant. Le Solliciteur général actuel n'a pas brillé par sa vigilance. Il a surtout brillé par sa nonchalance. On remarque que, par la fermeture des prisons, il s'est désolidarisé entièrement du territoire rural et que son ambition semble faire au Québec l'une des plus grosses prisons, de fermer les petites pour pouvoir dire un jour, comme je me le rappelle, lors de l'inauguration d'une prison il y a quelques années à Orsainville... un homme politique qui était fier d'inaugurer la plus grande prison du Québec. Imaginez-vous le genre de fierté qu'on peut avoir. On a l'impression actuellement que le nouveau ministre veut indiquer qu'on n'a rien vu et qu'il a l'intention de concentrer davantage de prisonniers dans des prisons urbaines et de fermer les prisons locales ou régionales.

Mme la Présidente, en ville, laisser se perpétrer des fraudes de remorquage à vos frais, alors qu'il devrait intervenir et faire son travail pour que, dans ce domaine, ce ne soit pas de notoriété publique, que tout le monde le sache, mais que le ministre agisse comme s'il n'avait rien vu... (16 h 40)

Je ne veux pas être plus long, puisque mon temps est écoulé. Nous souhaitons que ce ministère que nous avons commencé à mettre sur pied en en créant les instruments, au cours des années 1978, 1979 et les années qui ont suivi, comme l'a indiqué le leader de l'Opposition, soit établi d'une façon rigoureuse et que le ministre soit à la hauteur de la situation.

La Vice-Présidente: Merci M. le député de Lévis. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Moi aussi je tiens à intervenir sur le projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives. C'est un projet de loi important. Il a peut-être seulement 48 articles, mais c'est quand même un projet important, parce que, finalement, il permet la constitution et l'organisation du ministère du Solliciteur général. Donc c'est important parce que la justice est quand même un des fondements importants dans le système dans lequel on vit, c'est-à-dire le système démocratique. Ce projet de loi, même s'il a seulement une quarantaine d'articles comme je vous le disais, vient modifier 21 lois. Donc, c'est important et cela donne énormément de pouvoir au Solliciteur général.

Je le trouve important et nous, oui nous sommes favorables. Nous sommes favorables parce que ce n'est pas nouveau. Ce n'est pas nouveau et de ce côté je pense qu'il y a des choses qu'il serait important de rappeler aux citoyens. Si nous sommes en faveur c'est que nous avions déjà enclenché le processus pour qu'il y ait au Québec cette division entre le Solliciteur général et le ministre de la Justice. D'ailleurs, à cet égard, j'aimerais vous rappeler un article de La Presse du 21 mars 1984 et qui s'intitulait comme suit: "Vers un ministère de l'intérieur." "L'Association du Parti québécois de Montréal-centre entend proposer une réforme en profondeur du système judiciaire

aux militants péquistes qui participeront à la fin du mois au conseil national du Parti québécois qui se déroulera à Québec. On proposera la création de deux ministères. Celui de la Justice serait maintenu, mais on ajouterait un ministère de l'Intérieur pour s'occuper des services policiers et correctionnels, de la sécurité de l'État et de l'ordre public."

Donc, dès mars 1984, nous proposions un ministère de l'Intérieur qui est l'équivalent du Solliciteur général. Si nous en avons fait la proposition il y a déjà quelques années, c'est qu'effectivement nous y tenions. Nous ne nous sommes pas contentés, comme parti, d'en faire la proposition lors de nos conseils nationaux et de l'inclure dans notre programme. Nous avons aussi posé des gestes pour qu'on puisse arriver à avoir un poste semblable de Solliciteur général. Donc, un de ces gestes fut que le chef de l'Opposition actuel qui était premier ministre l'automne dernier, M. Johnson, avait nommé M. Marc-André Bédard Solliciteur général, en 1985. Donc, dans les faits, cela existait déjà. Cela n'est rien de nouveau. C'est quelque chose que nous, comme ancien gouvernement, nous avions déjà concrétisé. C'était déjà la réalité des choses. Qu'on le reconnaisse aujourd'hui par la création du ministère, c'est ce que je vous dis, nous ne pouvons pas faire autrement que d'approuver cela. Nous sommes tout à fait d'accord. D'ailleurs, on peut lire dans La Presse du 7 octobre 1985, sous la plume de M. Jean-Guy Dubuc: "Enfin la Justice sera rationnelle." Je vais vous lire quelques petits paragraphes, je pense que cela vaut la peine. "En nommant M. Marc-André Bédard Solliciteur général, le premier ministre ne fait que renouer avec une heureuse tradition des années cinquante et soixante que M. Robert Bourassa a abolie pour ensuite y revenir. Chez nous, le poste de Solliciteur général est d'autant plus important que le Québec ne peut compter sur une armée pour protéger ses citoyens en situation difficile, et que le gouvernement hésitera toujours à faire appel aux services de la Gendarmerie royale, même s'il paie la facture de ses services. Ajoutons à cela l'existence de corps policiers extrêmement bien structurés et des conflits récents qui font la preuve du pouvoir de ces policiers." Je pourrais probablement en profiter pour féliciter les membres de la Sûreté du Québec, qui font un très bon travail. Ce sont des policiers compétents dans tous les domaines, qui ont fait leurs preuves, de même que les autres corps policiers du Québec, c'est-à-dire les corps policiers municipaux.

Donc, oui, au projet de loi 138, parce que nous, nous y croyions. Nous en avons parlé, nous l'avons mis dans notre programme et nous avons déjà créé le poste en nommant, il y a un an, M. Marc-André

Bédard, à ce poste de Solliciteur général, à l'automne de 1985.

Il y a d'autres réalisations que le gouvernement du Parti québécois a mises en place, lorsqu'il était de l'autre côté de la Chambre, et qui permettent d'avoir aujourd'hui le système judiciaire que l'on connaît, qui est très moderne, à mon avis, très avancé, et qui nous permet aujourd'hui un pas de plus, c'est-à-dire de crééer ce ministère du Solliciteur général.

Je vais énumérer quelques-unes des réalisations du gouvernement du Parti québécois en ce qui concerne le Solliciteur général, cela en vaut la peine. Il y a eu, entre autres, l'instauration des programmes communautaires pour les personnes susceptibles d'être condamnées à la prison. Je pense que c'est important. Cela fait partie non seulement d'une aide qu'on apporte à des organismes bénévoles dans différents milieux du Québec, mais cela permet une aide sur le terrain. Cela permet, entre autres, à des personnes de ne pas être pensionnaires de nos prisons, ce qui, à mon avis, est quelque chose que personne ne devrait vivre. On a plutôt instauré des programmes communautaires qui permettaient d'exempter de la prison dans le cas d'infractions mineures.

Il y a eu aussi la création de la Commission québécoise des libérations conditionnelles par le gouvernement du Parti québécois, un nouveau règlement des établissements de détention qui précise clairement, dans un cadre juridique reconnu, les droits et obligations des détenus. Les détenus sont des citoyens qui ont des responsabilités, des obligations, mais des citoyens qui ont aussi des droits. Ces droits ont été reconnus par l'ancien gouvernement du Parti québécois, une quatrième loi qui a été adoptée par l'ancien gouvernement afin de favoriser l'amélioration de la justice au Québec, le droit accordé aux détenus. Une autre: l'utilisation de plus en plus grande des ressources d'hébergement communautaire pour détenus non violents. Cela aussi, je pense que c'est important. Cela permet à des gens de pouvoir vivre en communauté et cela favorise une meilleure réintégration sociale. Cela permet à ces gens-là de vivre comme tout le monde. Cela veut dire une certaine détention, mais parmi la population: vivre dans des milieux de vie normaux, des milieux sociaux reconnus. Il y a eu aussi la création d'alternatives à l'emprisonnement pour paiement d'amendes, notamment, par l'instauration de travaux compensatoires. Il y a eu le code de déontologie pour les policiers et, finalement, la création de corps policiers autochtones.

Donc, vous le voyez, on est intervenu. On s'est occupé de la justice d'une façon très intense, parce qu'on avait une préoccupation constante, une préoccupation

sociale, une préoccupation d'économie aussi parce que les travaux communautaires, les libérations conditionnelles, l'hébergement communautaire, c'est finalement moins dispendieux pour les contribuables québécois que l'emprisonnement comme tel. Donc, on avait une préoccupation d'économie, de justice, de réhabilitation pour permettre aux gens qui sont dans des prisons de travailler, de recevoir une formation, de pouvoir sortir. Cela veut dire qu'après quelque temps en prison, si c'est plus ouvert, c'est plus facile ensuite de se trouver un emploi et d'être reconnu comme un citoyen égal aux autres. Oui, on est intervenu par les lois que j'ai mentionnées qui ont fait en sorte que la justice est plus humaine au Québec, plus moderne, mieux adaptée, avec un esprit ouvert.

On a également nommé, une année, un Solliciteur général. On ne peut faire autrement qu'être favorables à un pas de plus qui va dans le sens de nos préoccupations et des gestes qu'on a posés dans le passé. Donc, nous sommes pour le projet de loi 138.

J'aimerais aussi faire une certaine description des fonctions du Solliciteur général. C'est important, parce que ce projet de loi modifie 23 lois, mais il va aussi permettre au Solliciteur général d'avoir beaucoup de responsabilités. C'est bon que la population, les intervenants spécialement touchés, c'est-à-dire les corps policiers, les gens qui sont dans les pénitenciers, dans les centres de réhabilitation, les prisons, les conseils municipaux qui ont des corps policiers à leur charge, soient informés des pouvoirs qui vont dépendre du Solliciteur général, de façon à être en mesure de s'adresser à la bonne personne lorsqu'ils auront des interventions ou des demandes à faire ou des problèmes à régler, qu'ils sachent qu'ils doivent s'adresser non pas au ministre de la Justice, mais au Solliciteur général. (16 h 50)

Dans ce projet de loi, à l'article 9, on retrouve les fonctions importantes qui seront sous la responsabilité du Solliciteur général. Il est bon d'en nommer quelques-unes parce que cela touche les corps policiers municipaux, comme je le disais tantôt, cela touche aussi la population en général. Parmi les responsabilités qui seront données au Solliciteur général par le projet de loi 138: assurer ou surveiller, suivant le cas, l'application des lois relatives à la police.

Deuxièmement, favoriser et promouvoir la coordination des activités policières. C'est important, c'est, je pense, une responsabilité à la fois sociale, de justice et économique. Une bonne coordination a l'intérieur des activités policières, c'est très important. Parmi ces responsabilités, il y a aussi celle de maintenir un service de documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité et l'efficacité de l'action policière. Cela semble souvent plus ou moins important pour les citoyens de tenir des statistiques et de la documentation, mais c'est très important, parce que c'est à partir de cela que l'on peut évaluer si les gestes qui sont posés, si les décisions qui sont prises, si les lois qui sont votées sont correctes, vont dans la bonne direction et ont effectivement les effets prévisibles ou désirés lorsqu'on dépose un règlement ou une loi. Donc, on devra maintenir un service adéquat et à jour.

Le ministre aura aussi la responsabilité d'administrer les établissements de détention.

M. Brassard: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je m'excuse auprès de mon collègue, mais nous n'avons malheureusement pas quorum.

La Vice-Présidente: Si vous me le permettez, je vais vérifier, M. le député de Lac-Saint-Jean. Effectivement, je constate qu'il n'y a pas quorum; donc, qu'on appelle les députés.

Maintenant que nous avons quorum, je vous demanderais, M. le député de Shefford, de bien vouloir continuer.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente, je vais donc poursuivre. J'étais rendu à une autre responsabilité qui sera confiée au Solliciteur général par l'article 9 du projet de loi 138: Administrer les établissements de détention. Cela, c'est important aussi. J'espère que le passé ne sera pas garant de l'avenir dans ce secteur des responsabilités du nouveau Solliciteur général parce que, depuis le 2 décembre dernier, ce qu'on a surtout appris, cela a été des fermetures.

Comme le disait mon collègue de Lévis tantôt, on trouve cela un peu dommage et on se demande sur quoi reposent des décisions semblables, quand on sait qu'à la prison de Saint-Joseph-de-Beauce, entre autres, on y trouvait le plus haut taux de réinsertion sociale. Quand des institutions ont fait leur preuve, sont importantes dans le milieu, répondent à tous les critères de qualité et d'efficacité, comment peut-on justifier des décisions semblables? Je ne comprends pas.

Chez nous aussi, on a fait la même chose, dans mon coin, en annonçant la fermeture de la prison de Cowansville, en la rouvrant et en annonçant de nouveau qu'elle sera effectivement fermée. On ne sait pas dans combien de temps, c'est probablement une décision qui a été prise à la vapeur. Tout est transféré à Waterloo. Je ne peux

faire autrement que dire au Solliciteur général que s'il y a fermeture à Cowansville, au moins que les pensionnaires et les travailleurs de ce pénitencier soient transférés à Waterloo. Je suis tout à fait d'accord, parce que je dois dire que le Centre de réhabilitation de Waterloo est vraiment un centre qui donne une excellente formation aux gens qui y sont. C'est un centre ouvert qui permet une réinsertion sociale aux détenus, parce qu'ils peuvent aller travailler, ils peuvent être formés par un personnel compétent.

Donc, si le transfert se fait - je dois dire que je l'espère - vous n'aurez certainement pas d'objection de la part des gens de chez nous, puisque cela se fait dans un centre qui est aussi reconnu, bien coté et qui donne un service de qualité.

Une autre responsabilité qui sera dévolue au Solliciteur général par le projet de loi 138: Assurer la disponibilité des services d'agents de probation et surveiller l'exécution des ordonnances de probation; ce qui est très important pour aller justement dans le sens de la réinsertion sociale.

Il devra voir aussi à la surveillance de la circulation routière. Je dois dire, si on se fie aux autres projets de loi qui ont été déposés par son collègue, le ministre des Transports, qu'il va y avoir de plus en plus de vérifications, parce que les lois sont de plus en plus sévères ici, au Québec, que ce soit pour que les gens s'attachent, y compris sur la banquette arrière, que ce soit, maintenant qu'on sera plus attentifs à toutes les lois, que les charges seront plus élevées et, qu'en plus, les fonds perçus à cause des pénalités seront donnés aux municipalités... On peut s'attendre à ce qu'il y en ait davantage. Je vais donc inviter les citoyens à être de plus en plus prudents parce que les policiers seront de plus en plus aux aguets au Québec avec les lois adoptées.

Une autre responsabilité, c'est de voir à ce que des recherches soient faites par les coroners sur les causes et les circonstances des décès, ce qui est déjà une responsabilité qui existe et qui est reconnue, encore une fois, au Solliciteur général; voir à ce que les commissaires aux incendies effectuant des recherches sur les dommages causés aux bâtiments par des incendies ou des explosions, de façon à déterminer si ces dommages résultent d'une conduite de nature criminelle. Il est tout à fait normal que ce soit dévolu au Solliciteur général. Délivrer, renouveler, suspendre ou révoquer les permis d'agents ou d'agences d'investigation ou de sécurité. Cela se fait actuellement par le Solliciteur général, même si le ministère ne sera formé que par la loi. C'est une autre chose importante parce qu'on disait tantôt qu'il y avait un mandat de coordination des activités policières. Je pense que cela fait partie des activités et qu'il est important de s'assurer que les gens qui ont ces permis répondent effectivement à des critères très importants et assez élevés. C'est important, ces gens-là ont un rôle à jouer dans la société.

Le Solliciteur général a aussi à voir au contrôle de la circulation et de la vente des boissons alcooliques, notamment par l'intermédiaire de la Régie des permis d'alcool du Québec, mais sous réserve des attributions du ministre de l'Industrie et du Commerce ainsi que de la Société des alcools du Québec. Donc, c'est important, parce qu'on sait que l'alcool, est la cause de beaucoup d'accidents au Québec. II y a une responsabilité importante dévolue au ministre des Transports mais aussi au Solliciteur général. Le ministre aura aussi à remplir toute autre fonction qui lui sera dévolue par le gouvernement. C'est donc un rôle très important pour la société québécoise, comme je le disais au début de mon intervention, étant donné que la justice est un des fondements même de notre système démocratique.

En terminant, je souhaite bonne chance au ministre. Comme je le disais, en espérant que son passé tout récent ne sera pas nécessairement garant de l'avenir... Comme je l'ai mentionné, c'est très important, parce qu'il a une responsabilité face à toute la population dans plusieurs secteurs. C'est la raison pour laquelle je lui souhaite bonne chance même si, en commission parlementaire, nous interviendrons pour nous assurer que cette loi sera la meilleure possible puisque cela touche la sécurité de tout le monde et que c'est la justice.

Je termine, tout comme plusieurs de mes collègues l'ont fait, en espérant que le ministre profitera du dépôt du projet de loi 138 qu'on étudie présentement pour essayer de rapatrier la responsabilité de la sécurité au Québec lors des événements internationaux. Je pense que c'est important. Et, comme je le disais tantôt, on peut féliciter nos forces policières au Québec qui ont fait leurs preuves, qui sont compétentes. On peut leur faire confiance, et, comme on a maintenant un ministre de la Justice et un Solliciteur général, avec des rôles bien précis pour chacun et des responsabilités importantes, je pense qu'on peut se permettre de rapatrier tout ça et d'agir comme des gens responsables, comme des gens capables, ce que nous sommes d'ailleurs. Je pense que cela serait important, non seulement pour l'image qu'on peut donner sur le plan international mais parce qu'on a les compétences. Je pense que c'est important qu'on prenne nos responsabilités et que, comme peuple et comme gouvernement de ce peuple québécois, on soit capables nous-mêmes de se donner la protection qui est indispensable pour la population du Québec et pour nos visiteurs. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Shefford.

M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci, Mme la Présidente. Il m'est agréable de prendre la parole sur le projet de loi 138 créant le poste de Solliciteur général de façon officielle. Connaissant la personne qui détiendra ce poste, je prends la parole pour faire quelques mises en garde. (17 heures)

On sait que c'est un poste qui a été tenu en dernier lieu par M. Marc-André Bédard, un homme noble, valeureux, d'expérience, un homme digne, un homme qui avait le potentiel pour remplir un poste de cette qualité. Et n'allez pas croire, Mme la Présidente, que je veuille douter de la qualité de celui qui vient. Ce préambule n'est pas dans ce but. C'est pour dire que ce poste s'ouvre et celui qui le remplira devra y penser deux fois avant de voter pour ce projet de loi, parce que ce sont des responsabilités énormes qui l'attendent. Je me demande, à la seule nomenclature des responsabilités de ce poste, si cela ne découragerait pas le plus extraordinaire des avocats du monde.

Je vais passer la première responsabilité pour y revenir plus précisément en dernier, parce que je crois que c'est la plus importante.

La deuxième responsabilité, c'est que le Solliciteur général assure et surveille l'application et la coordination des activités policières; cela implique 12 000 personnes. C'est une grosse responsabilité parce que la police est souvent mal perçue par certains groupes de personnes dans la société. La police est souvent perçue comme une justicière tandis qu'elle est une protectrice. Le nouveau Solliciteur général devra, je crois, voir à la valoriser davantage, parce qu'elle est protectrice et non pas là pour être punitive. Le Solliciteur général aura à valoriser, dans l'esprit de chacun des Québécois et des Québécoises, ce côté de protection que la police doit dégager, parce que c'est son rôle principal.

Troisièmement, maintenir un service de documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité du Québec. Ça, c'est un phénomène qui existe dans toutes les provinces. Il y a de la criminalité et on doit être renseigné afin d'apporter les remèdes à cette criminalité toujours trop grande.

La quatrième responsabilité du Solliciteur général, c'est d'administrer les établissements de détention. Je sais que je n'en parlerai pas trop longtemps à cause des circonstances dans lesquelles on voit arriver le nouveau Solliciteur général, à cause des coupures dans les budgets des prisons, dans les postes de détention. Je sais que cela lui fait mal de voir cela et je ne suis pas un gars qui veut tourner le couteau dans la plaie pour rien. Je sais que des confrères l'ont déjà fait et je vois que, déjà, le Solliciteur général a les yeux rougis. Alors, je ne voudrais pas en mettre davantage.

Cinquièmement, Mme la Présidente, il doit assurer les services d'agents de probation et surveiller l'exécution des ordonnances de probation. C'est aussi une tâche assez compliquée, mais plus facile que la précédente. Elle cause moins de préoccupations au Solliciteur général en devenir qui siège devant moi.

Sixièmement, le Solliciteur général doit voir à la surveillance de la circulation routière avec les ambitions du Conseil du trésor, avec les lois assez cupides du ministre des Transports. Je vois que le Solliciteur général deviendra vite très impopulaire et c'est pour cela que je lui fais une mise en garde. Ce poste sera un poste cible pour les critiques des conducteurs, des chauffeurs sur la route.

Septièmement - c'est comme les sept plaies d'Égypte; chaque responsabilité s'ajoute au fardeau. Je vois que, de l'autre côté, le Solliciteur général, de plus en plus, ouvre les yeux - il doit voir à ce qu'il soit fait des recherches par les coroners, comme on les appelle couramment, sur les causes et les circonstances des décès. Je ne reviendrai pas ici sur les différentes autopsies qui sont pratiquées dans le cas d'incidents malheureux dans le coin de Tadoussac, mais il demeure quand même que, là, c'est encore un point noir pour le Solliciteur général en devenir, officiel.

Huitièmement, le Solliciteur général doit voir à ce que les commissaires aux incendies effectuent des recherches sur les dommages causés et vérifient s'il n'y a pas . source criminelle d'incendie. Encore une lourde charge qui attend ce jeune avocat du Québec.

Neuvièmement, délivrer, renouveler, suspendre et révoquer les permis d'agence ou d'agent d'investigation ou de sécurité. Cela est un peu moins difficile, mais, pour les fins de semaine, cela le tiendra un peu occupé.

Dixièmement, le contrôle de la circulation et de la vente des boissons alcooliques. La Régie des alcools, non comme mon grand-père le disait, des "alcools", mais la Régie des alcools. Alors, la Régie des alcools, parce qu'il peut y avoir d'abord la fabrication d'alcool frelaté, il peut y avoir aussi vol et rapine d'alcool dans différentes institutions de sorte que nous évitions la taxe. Ce sont toutes des choses à surveiller par le Solliciteur général.

Ensuite, on dit à onzièmement que le solliciteur devra remplir toute fonction que

daignera lui attribuer le premier ministre.

Je vous disais qu'après avoir lu cela, si j'étais celui qui est en devenir - je ne le peux pas parce que je ne suis pas avocat et, raison majeure, je ne suis pas au gouvernement non plus - eh bien, en regardant toutes ces responsabilités, je me demande si je voterais pour une telle loi. Surtout que la responsabilité numéro un, qui est la sécurité publique, dans le contexte dans lequel nous vivons, j'y penserais à deux fois avant de voter pour une telle loi si j'étais l'élu d'un tel poste parce que cela ne prendra pas que des qualités, cela va demander du courage, du cran, de la renonciation et beaucoup, mais beaucoup de générosité apparente, parce que le rôle qu'il tiendra comme Solliciteur général, il ne le tiendra pas au sein d'une formation qui défend les faibles et les opprimés, il le sera au sein d'une formation qui s'appelle "Business Quebec Inc.", et cela porte des obligations terribles pour un Solliciteur général, parce que cette philosophie est provocatrice, elle est provocatrice de chahut social, de chaos social. Et à qui reviendra la responsabilité de voir à ce que la paix règne le plus possible sur le territoire québécois? Eh bien! au solliciteur en devenir.

Il ne faut jamais qu'il oublie qu'il fait partie d'un gouvernement qui sème, par ses gestes et sa philosophie, l'intolérance, qui est provocatrice de manifestations extérieures. Les gens, quand on est intolérant à leur endroit, manifestent de façon bruyante et de façon qu'on ne peut pas qualifier de civilisée. Mlais, quand on fait partie d'un gouvernement qui a une philosophie de provocateur, eh bien, à ce moment, c'est extrêmement difficile de remplir ce rôle en devenir. Il est toujours temps de renoncer pour lui. Mais, pour ce rôle en devenir, je sais qu'il est paré d'une limousine, d'un excellent salaire et d'égards sociaux qui ne sont pas à négliger dans le contexte britannique dans lequel nous vivons, mais il demeure quand même qu'il fait partie d'un gouvernement qui sème cette insécurité, insécurité en ne respectant pas la majorité francophone que nous sommes. Et, lui, je sais pertinemment que cela le touche énormément, mais il aura à défendre la minorité provocatrice par son rôle de Solliciteur général quand les moments que je ne désire pas arriveront, parce qu'en semant le vent, en semant le vent et en semant le vent et en semant le vent, on récolte la tempête.

Je le répète, en semant le vent. Pas juste une fois. Vous le semez dans toutes vos lois, dans toutes vos attitudes et dans l'esprit qui se dégage de ce gouvernement. Vous êtes des semeurs de troubles sociaux. C'est ce que vous êtes. Et cela ne prend pas un grand analyste pour voir poindre cet ouragan à travers toutes ces lois discriminatoires que vous nous amenez.

(17 h 10)

Vous devrez défendre la sécurité publique, pour ce gouvernement, M. le Solliciteur général. La sécurité publique d'un gouvernement qui ne respecte pas la majorité qui l'a élu, autant en éducation, autant en affichage, autant par la protection des illégaux, autant du côté linguistique que du côté environnemental. Ce n'est pas scandalisant que de le dire, c'est de le faire, madame, que vous devriez être scandalisée. Juste à l'entendre, je vois que certaines personnes de l'autre côté sont scandalisées d'entendre cela.

Ce n'est que le bout de l'iceberg du problème provoqué par la langue. Ce n'est que cela. N'oubliez jamais - je trouve cela incroyable - qu'une ministre qui communique au Québec avec les minorités culturelles en anglais seulement, quand je l'avise qu'elle devrait surveiller ses gestes provocateurs, qu'elle se mette à rigoler. Eh bien, sachez, madame... Mme la Présidente, j'aimerais bien que vous disiez au ministre de l'Immigration qu'elle devrait savoir qu'à trop longtemps provoquer, on sème l'émeute. Ensuite, ce sera un rôle extrêmement difficile à tenir et cela prendra un courage...

Une voix: Inouï.

M. Blais: ...merci pour l'adjectif inouï, on me souffle inouï.

On voit que ces gens connaissent la situation dans laquelle ils sont à s'engouffrer. Ils le font de façon rationnelle, c'est ce qui les rend plus coupables. Ils s'en rendent compte en plus et elle rit, et elle rit, et elle rit. Moi, je trouve cela presque scandaleux. Aussi, vous allez avoir à surveiller l'ordre social parce que vous avez fait miroiter à la jeunesse une prospérité générale, une prospérité totale que vous ne pouvez pas lui donner. Cela est un autre sillon où l'on sème la provocation. Autant dans les coupures des subsides sociaux, le BS, qu'on appelle, non indexé, sauf au bout de l'année où vous leur faites perdre 30 000 000 $ aux bénéficiaires de l'aide sociale. En ayant promis aux jeunes d'indexer plutôt...

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je conçois que lorsqu'on n'a rien à dire au sujet d'un projet de loi, on fasse des procès d'intention ou des discours-fleuves sur l'ensemble des politiques du gouvernement, mais j'aimerais que le député se rappelle qu'il s'agit ici d'un projet de loi présidant à la création du ministère du Solliciteur général. Je conçois également qu'on puisse, à titre d'exemple, illustrer ses propos en parlant de la situation appréhendée ou peut-être souhaitée du côté de l'Opposi-

tion. Parfois, je me pose la question. Mais je crois qu'il n'est pas pertinent de faire porter l'ensemble de l'intervention qu'on fait lors de l'adoption d'un projet de loi comme celui-ci sur tout, excepté sur l'objet du projet de loi. Je souhaiterais, Mme la Présidente, qu'on en revienne au sujet.

La Vice-Présidente: Là-dessus, effectivement, M. le député de Terrebonne, connaissant votre verbe, il vous serait facile de revenir à l'adoption du principe du projet de loi 138 ayant trait à la mise sur pied du ministère du Solliciteur général. Là-dessus, M. le député de Terrebonne, je vous cède la parole.

M. Blais: C'est bien sûr que je vais me conformer à votre directive parce que j'étais dans cette voie avant que M. le leader du parti au pouvoir vienne me demander de me conformer au règlement. Nous sommes ici à discuter du projet de loi 138. Nous créons un ministère. Nous créons un poste de Solliciteur général et je demande à celui qui occupera ce poste: Est-ce que vous devriez voter pour ce projet, parce qu'il comprend d'énormes responsabilités? Si je ne suis pas dans le corps du sujet en discutant comme je le fais, il n'y a pas de corps qui tienne, madame. Tout est mollusque ici-bas. Oui, il faut y penser deux fois avant de voter pour un projet de loi si on est le titulaire. Moi, en tant que citoyen, c'est très heureux, connaissant les compétences de cet homme, qu'il accepte de voter pour cette loi. Mais, je me sens obligé de lui dire, à cause du gouvernement dont il fait partie, de faire bien attention à lui. Ce sont des responsabilités énormes.

Aussi, chez les jeunes, l'incertitude concernant le gel de leurs frais de scolarité. Pensez-vous que cela ne provoquera pas des incidents sociaux d'être Solliciteur général et de regarder cela? Pensez-vous que c'est tentant d'accepter le poste quand on est soi-même partie de cette semence provocatrice? J'y penserais deux fois, moi. Oh, que j'y penserais! Ah, Seigneur! Je préfère être de ce côté-ci. Je préfère être de ce côté-ci.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez continuer, M. le député de Terrebonne.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Blais: Mme la Présidente, c'est bien sûr que les gens ne voient que celui qui discute à l'Assemblée. Parfois, il se passe des choses autour qui peuvent nous porter à un peu d'hilarité. Ce n'est pas que le sujet ne demande pas un sérieux total et absolu. Aussi, M. le Solliciteur général en devenir, j'espère que vous reprendrez à votre charge les revendications de M. Jérôme Choquette, qui, dans le début des années soixante-dix, revendiquait une part du gouvernement fédéral pour payer notre police, qui, à l'époque, s'élevait à 750 000 000 $. Et de 1972 à 1987, cela fait une quinzaine d'années. Si je compte bien, la part que le fédéral nous doit va certainement être triplée, être près des 2 000 000 000 $. Cela ferait du bien à votre faux déficit de 1 700 000 000 $ si vous allez chercher cela. Vous régleriez cela d'un coup sec, M. le Solliciteur général. C'est une belle responsabilité pour le Solliciteur général en devenir. Cela, c'est une belle charge. Cela pourrait plaider en faveur de voter pour ce projet de loi et d'accepter le poste.

Ensuite, je regarde l'immense tâche que le Solliciteur général aura à faire. Remettre de l'ordre dans tout le service policier, d'abord. Là-dessus, je sais que vous allez accepter le poste. Je vois votre risorius complètement agrandi. C'est donc que ce poste vous tente. Vu que je ne veux pas qu'on me traite de psittacisme, je vais tout simplement vous dire que je suis très heureux, pour vous valoriser, que vous acceptiez ce poste parce qu'il faut...

Et même dans mon propre comté, il me reste encore une ville, M. le Solliciteur général, qui n'a pas de police, une ville d'environ 6000 habitants. J'aimerais que, pour toutes les villes du Québec qui ont des services policiers et qui ont un nombre suffisant pour avoir leur propre police, bien, que le Solliciteur général applique la loi. Mme la Présidente, on me fait signe de tous côtés. Bien, cette loi est bien rédigée. Je vais voter pour cette loi, mais j'aimerais bien que, dans deux ans ou deux ans et quelques mois, quand vous retournerez en élections - c'est le terme que vous faites, trois ans d'habitude, trois ans et demie - que vous applaudissiez autant parce que votre philosophie provocatrice n'aura pas donné les dommages appréhendés que je ne souhaite guère. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Terrebonne. M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux d'intervenir sur le projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives, il ne faudrait pas l'oublier, en passant. (17 h 20)

Tout à l'heure à la suite du leader adjoint qui a parti la claque - comme on dit - j'ai l'impression qu'il y a des gens, de l'autre côté, qui se sont mis à applaudir sans d'abord savoir pourquoi; ils étaient occupés à

d'autres fonctions d'écriture ou de lecture.

Ce matin je donnais une conférence de presse dans ma région. Je disais que les gens de ma propre région étaient des gens qui ne parlaient pas à l'Assemblée nationale, à part le député d'Arthabaska, que je vois là-bas, qui parle quand il a son "fan club". Les autres, dans la majorité des cas, ne parlent jamais. Nous avons des problèmes.

Le député de Beauce-Nord - l'autre jour, il parlait sur la loi 150 Loi sur les forêts et on aura l'occasion d'y revenir ce soir je pense - n'intervient pas, il ne dit pas un mot sur certaines décisions qui ont été prises, dans sa région comme dans la nôtre, par le Solliciteur général.

Donc, il y a des gens dans ma région qui ne participent pas à ce débat qui est quand même très important. Le ministre, quand il a été placé à ces fonctions, a eu le mandat - du moins, s'il ne l'avait pas, il l'a dégagé, mais tout s'enclenchait dans ce sens - de faire une loi constitutive de son ministère, de rapatrier l'ensemble des droits et des obligations qu'un ministre doit avoir. Il a donc demandé à ses fonctionnaires de lui préparer, à partir des idées que le Conseil des ministres avait lancées et que lui-même, comme ministre, avait amenées, un projet de loi à déposer devant cette Assemblée, qui constitue et donne de façon juridique, à partir d'un cadre législatif, le ministère du Solliciteur général. Je dis cela parce qu'il ne faut pas oublier que, dans le passé, des gestes ont été posés, des décisions ont été prises qui, dans les faits, amenaient le poste qu'il occupe. Maintenant, il a la mission de le placer dans un cadre légal, pour éviter les chevauchements et pour éviter en même temps, de la part du ministre de la Justice, certaines possiblités de dilemme quant à la façon de régler certains problèmes, car dans bien des cas, c'était toujours le même personnage qui occupait, à la fois, le poste de ministre de la Justice et celui de Solliciteur général.

Il faut faire une distinction importante. Le Solliciteur général a la responsabilité de la sécurité publique qui comprend la police, les enquêtes, la détention et la probation. Quant à celui qui occupait dans le passé le poste de ministre de la Justice et en même temps que celui de Solliciteur général... On comprend très bien que le ministre de la Justice, de son côté, doive se préoccuper de toutes les affaires législatives comme les lois et les règlements, l'administration des tribunaux, la Charte des droits et libertés de la personne et le Code civil. Quand on fait cette distinction et que l'on fait en sorte que maintenant deux personnes occupent ces deux postes, il faut nécessairement en arriver à la mise sur pied d'un ministère du Solliciteur général.

Pour nous, au Québec, le poste de Solliciteur général est d'autant plus important que le Québec ne peut compter sur une armée pour protéger ses citoyens en situation difficile; on l'a vu dans le passé. Le gouvernement n'hésitera pas à demander l'aide de la Gendarmerie royale tout en payant la facture. On pourrait peut-être rappeler au ministre à ce sujet qu'effectivement des décisions ont été prises par ce gouvernement à la suite de discussions avec le gouvernement fédéral au sujet de la venue d'un sommet francophone important ici, au Québec. Nous savons selon les renseignements que nous possédons et que tout le monde possède maintenant et que les journaux avaient rappelés à l'époque, que c'est la Gendarmerie royale qui sera chargée, sur le territoire du Québec, de cette responsabilité de la sécurité du public qui viendra de partout au monde et des personnes qui sont invitées au sommet. Je pense qu'il faut rappeler que le Québec semble avoir accepté - du moins, on croit comprendre qu'il l'a accepté comme tel - que cette responsabilité, au lieu d'être accordée et d'être demandée à la Sûreté du Québec, soit remise entre les mains de la Gendarmerie royale du Canada. On peut donc demander au ministre - je suis assuré que les gens qui participeront à la commission parlementaire de notre côté le feront - pourquoi dans les faits ne pas rapatrier ce pouvoir qui semble, jusqu'à maintenant du moins, nous échapper. Pourquoi ne pas le rapatrier au Québec et donner à la Sûreté du Québec cette responsabilité qu'elle est capable d'assumer dans la mesure où on lui donnera les moyens de le faire, dans le contexte où c'est au Québec, sur son territoire, que se tiendra ce sommet francophone?

Dans les heures qui suivront, je pense que le ministre aura l'occasion, probablement au courant de la soirée, comme le leader du gouvernement l'a dit tout à l'heure, après la période de questions, quand il a annoncé les commissions, de discuter de ce point avec notre porte-parole, le député de Taillon, en commission parlementaire dès ce soir. Avec l'appui de l'Opposition, cela pourrait être intéressant et valable unanimement, de la part du gouvernement et de l'Opposition, d'en arriver à rapatrier au Québec cette responsabilité que la Sûreté du Québec est prête à prendre et est capable d'accomplir.

Je suis sûr que le ministre a été dès le départ mis au courant d'un problème. Je ne veux pas à ce moment dire que nous aurions dû le régler ou pas. Le ministre est conscient des problèmes que comporte le fait de mettre en place une police municipale dans des lieux de plus de 5000 habitants ou d'enlever celle qui se trouve dans des municipalités de moins de 5000 habitants. Le député de Terrebonne faisait mention d'une municipalité qui, chez lui, n'a pas accepté. Je pourrais parler de ma région aussi. De la même façon, le ministre est certainement

au courant du problème de Pointe-du-Lac, de la police de Trois-Rivières-Ouest et de la fameuse discussion qui a toujours lieu et qui dure encore dans le comté de Laviolette. J'aurais aimé entendre le député de Saint-Maurice ici aujourd'hui souligner cela au ministre.

Mme la Présidente, vous ne le savez peut-être pas parce que vous n'êtes pas de ma région, mais les gens de ma région le savent. Ceux de l'extérieur de ma région ne le savent pas, mais j'ai un parrain. Je suis le seul député de la région à avoir un parrain. Je prends le mot avec un grain de sel, vous le savez, Mme la Présidente. Le parrain du comté de Laviolette, semblerait-il, est le député de Saint-Maurice. Cependant, le député de Saint-Maurice aurait pu prendre la parole ici ce soir, cet après-midi ou la semaine dernière, et il aurait pu faire mention au ministre qu'il y a encore un problème qui perdure et qui n'est pas facile à régler, j'en conviens. Je ne veux pas, au moment où j'en parle, lui dire qu'il a tort ou qu'il a raison. Je veux juste le mettre au courant que ce problème existe encore. Il s'agit du corps policier de la municipalité de Saint-Tite. Les policiers et les gens ont fait des pressions pour ne pas qu'il disparaisse puisque la municipalité a moins de 5000 habitants. J'avais amené la discussion au niveau du ministre qui agissait à l'époque comme Solliciteur général à la justice et ce problème était toujours en discussion jusqu'à ce qu'une décision soit prise dans les derniers mois de 1985: la municipalité ayant eu à discuter de ce problème de différentes façons avait décidé de tenir un référendum. Le référendum a donné le résultat que les gens de la municipalité avaient demandé, que la police de Saint-Tite soit abolie et que la Sûreté du Québec, comme partout ailleurs dans les municipalités de moins de 5000 habitants, donne les services appropriés. Cependant, il est évident - le ministre le sait - que les yeux de tous les corps policiers municipaux au Québec sont rivés sur une décision qu'il aura à prendre dans le cas de Saint-Tite, mais je pense qu'effectivement le ministre, à ma connaissance, ni par le député de Saint-Maurice, ni par les réponses qu'il a pu donner à la municipalité, n'a pris de décision dans ce dossier. Je l'invite donc, compte tenu qu'il sera ministre responsable maintenant légalement au moment où la loi sera adoptée, de vraiment se pencher sur ce dossier et de prendre une décision: ou il garde le corps policier, ou il l'abolit, mais c'est à lui à prendre cette décision. (17 h 30)

Je dois rappeler au ministre que la population avait pris une décision et que le nouveau conseil municipal - puisqu'il y a eu beaucoup de changements lors de la dernière élection dans ce conseil, le maire de la municipalité ne s'étant pas représenté, un autre est arrivé... il y a aussi dans cette municipalité une demande en ce sens: qu'est-ce que le ministre va décider?

Un autre cas qui est peut-être plus difficile, puisqu'il n'y a pas de corps policier, c'est le secteur de mon lointain pays, que j'appelle, dans mon comté, mon vaste comté, la municipalité de Clova. À Clova, il y a eu des problèmes. Je remercie le ministre d'avoir, avec diligence, fait les interventions qui s'imposaient pour faire en sorte qu'on protège une population qui est vraiment lointaine et, en même temps, qui a des problèmes que le ministre connaît, j'en suis assuré. Je parle de lieu où il y a à la fois des autochtones et les autres personnes qui forment ce secteur. Je dois lui dire que cet hiver, à moins que le ministre des Transports ne prenne une décision au plus vite, à moins que même le ministre qui est votre voisin de droite, le ministre délégué aux Forêts, n'en prenne une lui aussi qui pourrait peut-être permettre d'ouvrir la route entre Clova et la route 117, c'est-à-dire... Le ministre délégué aux Forêts connaît très bien ce secteur, madame, puisqu'il est ministre et ingénieur forestier, il doit savoir qu'entre Clova et le camp club qu'on appelle Lac Ottawa, la route sera fermée à la prochaine tempête de neige, puisque le ministre des Transports refuse jusqu'à maintenant d'ouvrir le secteur en disant qu'il y a un secteur aéroportuaire, semblerait-il, un aéroport, et le train.

Je dois rappeler qu'un problème va exister si jamais la route est fermée dans le contexte où, le ministre le sait très bien -il y a eu de problèmes très violents l'an dernier et les gens ont demandé l'aide du Solliciteur général pour que la Sûreté du Québec se rende le plus rapidement possible dans le secteur. C'est l'une des tâches que le ministre a à accomplir, donner à ces personnes l'assurance d'une tranquillité certaine. Cette assurance... si jamais la route était fermée, l'aéroport ne fonctionne pas l'hiver, quoi qu'en dise le ministre des Transports, l'aéroport avec flotte ne fonctionne pas non plus l'hiver. Pendant plusieurs mois où la glace n'est pas prise sur les lacs, les skis ne peuvent fonctionner que ce soit à l'automne ou au printemps, il y a donc des problèmes qui peuvent surgir, surtout quand on connaît ce qui s'est passé l'an dernier.

Quant au train, simplement pour le rappeler à tout le monde, il n'y va que trois fois par semaine et, déjà, Via Rail annonce qu'elle veut faire des réductions et possiblement que le train ne s'y rendra qu'une fois par semaine. Effectivement, des gens ont droit à des services. Le ministre l'avait reconnu l'an dernier. Je le mets simplement, compte tenu qu'il aura des responsabilités prévues pas la loi, au courant qu'il est important qu'il voie à parler à ses collègues pour que la route soit au moins ouverte pour

que les gens puissent s'y rendre, s'ils ne peuvent y aller ni par train ni par avion.

J'aimerais aussi parler d'un secteur qui est à 35 milles au sud de Clova, le secteur de Parent. Il y a des problèmes et des difficultés là où la Sûreté du Québec ne se rend pas tous les jours et où elle doit donner certains services et où elle doit, dans certaines circonstances, prendre des moyens assez rapides pour s'y rendre. Je pense qu'effectivement le ministre aura à se pencher sur les problèmes qui peuvent surgir à Clova et à Parent en plus. À Parent, je veux seulement rappeler au ministre qu'il y avait eu des difficultés, à l'époque, pour les gens qui travaillaient pour le département de santé communautaire qui est devenu depuis ce temps, le CLSC de la Haute-Mauricie, où les infirmières refusaient d'aller travailler, compte tenu des dangers qu'il y avait du fait que certaines personnes amenaient du trouble dans la municipalité de Parent.

J'aimerais rappeler à ses responsabilités le ministre qui aura désormais une loi qui va encadrer l'ensemble de ces activités.

J'aimerais rappeler aussi à M. le ministre que, dans ma région, à Trois-Rivières, des décisions ont été prises par le Solliciteur général qui faisaient suite à l'ensemble des autres décisions, c'est-à-dire celle de fermer la prison de Trois-Rivières sur laquelle tout le monde semblait être d'accord, compte tenu de l'insalubrité de cette prison. C'était une vieille prison qu'il fallait fermer. Il y avait toujours eu des gens qui disaient aussi: II faut construire une prison. Le ministre est venu annoncer, à grand renfort de publicité, une prison. J'aimerais que le ministre soit bien conscient qu'il faut agir rapidement. Cela fait un an maintenant qu'il est à ce poste, mais il n'y a pas de choses concrètes, de visu, sur le terrain actuellement.

J'espère que le ministre - et le député de Trois-Rivières aurait pu nous poser ses questions - pourra nous dire qu'effectivement, après tant d'années, car cette vieille prison ne date pas simplement de son gouvernement, cela date de l'époque de Duplessis et on a compté un nombre d'élections sur l'ensemble de cette prison, ce que tout le monde espère, c'est qu'il y ait une prison régionale de qualité à Trois-Rivières.

Mais on comprendra que le ministre, de la façon dont il a présenté l'ensemble de l'incarcération au Québec, en était venu à dire qu'il fallait changer nos méthodes d'incarcération. Il fallait aller vers des moyens où on évite que les gens entrent dans les prisons pour utiliser d'autres moyens pour permettre à ces personnes de payer une certaine forme de dette à la société, mais de la payer non pas en étant incarcéré.

Je regarde l'ensemble des activités, des obligations qui sont d'abord celles de la prévention de la criminalité. Quels sont les moyens que le ministre, par ce projet de loi, va pouvoir donner à l'ensemble de la population pour permettre une prévention de la criminalité et, ensuite, permettre une forme de réinsertion sociale de l'ensemble des détenus leur permettant, une fois qu'ils ont payé la dette qu'ils avaient à payer, d'être réinsérés dans la société qui va leur permettre de mener une vie normale, convenable, dans la mesure où ils ont accepté que, s'ils ont commis une erreur, cela ne veut pas dire qu'ils vont la perpétuer.

Dans ce contexte, Mme la Présidente, j'ai voulu faire ce petit discours pour parler, surtout, de l'ensemble de ma région qui est très vaste, une des plus vastes au Québec et qui mérite une attention spéciale sur certains problèmes. J'ai voulu rappeler au ministre que la prison de Trois-Rivières, c'est une chose, mais également, pour tout l'ensemble des mesures qu'il a l'intention de mettre en place pour la réinsertion sociale des détenus pour la prévention de la criminalité, que le projet de loi puisse lui donner ces moyens d'agir. En conséquence, je me ferai un plaisir de voter pour ce projet de loi. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laviolette. M. le Solliciteur général, en réplique.

M. Gérard Latulippe (réplique)

M. Latulippe: Mme la Présidente, je suis très heureux de constater que c'est le troisième projet de loi que je présente et qui reçoit l'appui de l'Opposition. Je considère les démarches que nous avons entreprises jusqu'à maintenant au sein de ce que l'on a appelé le "ministère en devenir" sont certainement des démarches fortement louables pour l'ensemble des Québécois, puisque même l'Opposition. qui cherche toujours un moyen d'aller contre les visées du gouvernement, n'a pas trouvé un seul de ces moyens pour aller à l'encontre de mes projets de loi.

Je suis également étonné de voir comment tant de personnes...

La Vice-Présidente: Une question de règlement, M. le Solliciteur général.

M. Garon: Le député impute des motifs aux membres de l'Opposition, qu'il n'a pas le droit d'imputer quand il dit qu'on cherche constamment à être négatifs...

Une voix: De quel règlement?

M. Garon: En vertu du règlement qui dit qu'on n'a pas le droit d'imputer de motifs.

Une voix: Le connaissez-vous?

M. Garon: On n'a pas le droit d'imputer de motifs à un membre de cette Chambre.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je ne comprends pas la réaction du député de Lévis alors que le Solliciteur général félicite l'Opposition de sa clairvoyance d'avoir voté avec le pouvoir. Je ne comprends pas du tout.

La Vice-Présidente: Là-dessus, j'ai très bien compris. En vertu de l'article 35, on ne peut imputer des motifs indignes à un député. Or, M. le Solliciteur, vous avez dit que...

Des voix: ...

La Vice-Présidente: M. le Solliciteur général, je vous demanderais...

Des voix: ...

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! M. le Solliciteur, j'ai très bien suivi votre discours et vous avez félicité l'Opposition de vous appuyer là-dessus. Mais, un peu plus loin, vous avez dit qu'elle faisait tout pour... quand elle n'est pas d'accord. Donc, je vous demanderais, s'il vous plaît de ne pas imputer de motifs indignes à l'Opposition et de continuer votre discours. (17 h 40)

M. Latulippe: Mme la Présidente, il est évident que je n'impute pas de motifs indignes à l'Opposition, d'autant plus que ce sont ses membres qui appuient les projets de loi que je présente. Je ne comprendrais pas que ce soient là des motifs indignes. Bien au contraire, il s'agit là de gestes positifs de la part de l'Opposition, d'avoir appuyé jusqu'à maintenant tous les projets de loi que j'ai présentés et cela témoigne non seulement de la clairvoyance de l'Opposition en rapport avec mes projets de loi, mais aussi du fait que ces projets de loi sont véritablement pour le bien-être de l'ensemble des Québécois, Mme la Présidente.

Cependant, je devrais, à ce stade-ci, quand même corriger plusieurs interventions qui ont été faites de l'autre côté de la Chambre. Mes collègues sont tour à tour venus dire que le projet de loi qui était devant nous ne faisait, à toutes fins utiles, que concrétiser un état de fait, état de fait qui avait été créé par l'actuel chef de l'Opposition au moment où il avait créé, en 1984, un poste de Solliciteur général et qu'il avait à ce moment-là mandaté Me Marc-André Bédard pour le combler. On a, je pense, passé rapidement sur le fait que c'est le premier ministre de l'époque, M. Robert Bourrassa, qui, en 1975 - après le rapport du ministre de la Justice de l'époque - l'avait créé et qui avait nommé, en 1975, Me Fernand Lalonde Solliciteur général du Québec. Après la prise de pouvoir du Parti québécois en 1976, on a assisté immédiatement à l'abolition de ce poste de Solliciteur général. Je pense que l'Opposition a tout à fait oublié de dire que ce sont eux qui, en 1976, ont aboli le poste de Solliciteur général. Ils ont probablement aussi oublié de dire que l'actuel chef de l'Opposition a été et a occupé pendant plusieurs années le poste de ministre de la Justice et cumulait les deux fonctions. Si, à l'époque, c'était si nécessaire - comme ils le disent maintenant - de scinder en deux le ministère de la Justice afin qu'il y ait un poste de Solliciteur général et un ministre responsable de la sécurité publique et un ministre responsable de la justice, pourquoi l'actuel chef de l'Opposition, au moment où il était au Conseil des ministres, au moment où il occupait le chaire de ministre de la Justice, n'a-t-il pu convaincre son premier ministre de créer ce poste de Solliciteur général? Pourquoi n'a-t-il pas, à ce moment-là, conseillé, pourquoi n'a-t-il pas convaincu ses collègues du Conseil des ministres de créer ce poste de Solliciteur général pendant qu'il cumulait lui-même les deux fonctions, fonctions qu'on dit, dans certains cas, contradictoires? Cela démontre que c'est véritablement du temps du gouvernement de Robert Bourrassa, en 1975, que cette décision a d'abord été prise de créer ce poste de Solliciteur général.

Je voudrais aussi corriger plusieurs points, plusieurs faits que l'Opposition a soulevés. Mme la Présidente, quant à moi, en matière de sécurité publique, c'est fini, au Québec, les guerres de clochers. C'est fini, au Québec, ces situations de conflits entre le ministère ou entre le Solliciteur général du Québec et le Solliciteur général du Canada. Je pense que dans ce ministère plus qu'ailleurs, il est essentiel et important d'établir des liens de collaboration entre nos ministères. Je vais citer comme exemple la prévention en matière de criminalité.

J'entendais le leader de l'Opposition dire qu'on devrait amender le projet de loi puisqu'on ne faisait pas état de cette nécesssité et de cette responsabilité pour le ministre qui devrait être incluse dans le projet de loi sur la prévention de la criminalité. Je souligne en passant que l'article 8 du présent projet de loi prévoit et donne au ministre la responsabilité d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la prévention de la criminalité.

La coopération avec le gouvernement fédéral en matière de prévention de la criminalité est déjà instaurée au Québec,

Mme la Présidente, plus particulièrement depuis 1985. Je vais vous donner l'exemple de la Semaine de la prévention du crime, une semaine qui, chaque année depuis déjà quatre ans, survient au Québec et dont le véritable objectif est de concrétiser les programmes de prévention en matière de criminalité, d'élaborer des . mécanismes et de préciser la concertation entre les différents intervenants en matière de sécurité publique. Or, cette Semaine de la prévention du crime fut tenue pour la première fois au Québec en 1983 et en 1984. C'était, à l'époque, une initiative du Solliciteur général du Canada. Le gouvernement de l'époque, durant ces deux années, alors qu'on revient aujourd'hui nous parler de cette nécessaire implication du gouvernement du Québec dans la prévention de la criminalité... Je vous souligne qu'à l'époque, durant ces deux années, le gouvernement du Québec ne participa pas aux activités de la Semaine de la prévention du crime. On laissa à l'époque l'initiative de la Semaine de la prévention du crime uniquement au gouvernement fédéral durant les années 1983 et 1984. C'est l'an dernier que j'ai pris l'initiative de coopérer avec le gouvernement fédéral et d'assumer le leadership durant cette Semaine de la prévention du crime. Cette année, c'est conjointement avec le Solliciteur général du Canada qu'on a démarré et préparé cette Semaine de la prévention du crime. Le Solliciteur général du Québec a eu un impact non seulement positif, mais il a eu à prendre le leadership, alors que, pendant des années, l'ancien gouvernement n'a même pas daigné participer avec le gouvernement fédéral et le Solliciteur général du Canada à cette Semaine de la prévention du crime.

Comment peut-on aujourd'hui, Mme la Présidente, venir nous souligner l'importance de la prévention, alors qu'à l'époque on n'a même pas participé à cette Semaine de la prévention du crime? Je crois à la prévention du crime, Mme la Présidente, à la prévention de la criminalité. C'est dans notre loi et je n'ai pas attendu que ce poste soit concrétisé dans une loi pour participer et collaborer avec le gouvernement fédéral à la prévention de la criminalité.

La même situation s'applique à la protection des personnalités étrangères. Quel spectacle dégradant, que l'on ne peut accepter, que des corps policiers, des gouvernements ou des ministères se battent au moment où on a un visiteur étranger au Québec. Je pense que et la Gendarmerie royale du Canada et la Sûreté du Québec, dans les cas où nous avons des personnalités étrangères, à divers niveaux peuvent et doivent coopérer. Je pense qu'on doit reconnaître cette nécessaire coopération des deux niveaux de gouvernement.

Je vais vous donner un exemple. En ce qui concerne les renseignements de sécurité internationaux, il est évident que c'est le fédéral qui a la possibilité, les moyens, les communications, à travers les différents réseaux internationaux de police, de connaître les risques et les dangers pour les personnalités étrangères qui sont au Québec. Si je comprends l'Opposition, elle nous dit: Non, privons-nous de ces sources d'information relativement à la sécurité des personnalités étrangères. Privons-nous de coopérer avec la Gendarmerie royale relativement à la protection des personnalités étrangères. Imaginez-vous! Vous recevez un président, vous recevez un premier ministre d'un autre pays et vous vous dites: II est inutile d'avoir recours aux réseaux qui nous proviennent du fédéral pour connaître les risques et les dangers d'attentat en ce qui concerne ces personnalités étrangères. (17 h 50)

Avec quelle logique peut-on prétendre aujourd'hui qu'on peut assumer totalement la protection d'un président d'une république sans finalement avoir recours à ces réseaux d'information entourant la sécurité? Avec quelle logique peut-on nous dire à l'Assemblée nationale aujourd'hui que c'est inutile d'avoir recours à ces services de renseignements? Mme la Présidente, je pense que c'est la base en matière de sécurité publique. En matière de protection des personnalités étrangères, il est important de collaborer avec la Gendarmerie royale du Canada ou les services de renseignements. C'est fondamental de pouvoir assumer entièrement la protection des personnalités que le Québec invite ou que le Canada invite. Je pense que c'est dans le sens d'une collaboration que l'on doit, là comme ailleurs, se diriger.

Enfin, je voudrais parler rapidement, Mme la Présidente - c'est le leader de l'Opposition qui nous en parlait tout à l'heure - des sentences intermittentes. Il nous disait que dans certaines prisons des personnes qui sont condamnées à des sentences intermittentes, par exemple, des sentences de fin de semaine, ne purgent pas leur sentence. En 1984-1985, à l'époque de l'ancien gouvernement, à l'époque où ils avaient nommé un Solliciteur général, 992 personnes avaient été condamnées à une peine intermittente, pour un total de 51 353 jours à purger. Savez-vous combien de jours ont été purgés à l'époque de l'ancien gouvernement pour ces sentences intermittentes? 6933 jours, sur un total de 51 353. Et on vient nous dire aujourd'hui que ces sentences intermittentes ne seraient pas purgées? J'ai moi-même pris des moyens, il y a déjà quelques mois, pour m'assurer que ces sentences intermittentes soient purgées dans les différents centres, au maximum de ce qu'il était possible de faire. Il y a une amélioration substantielle depuis plusieurs mois quant à ces sentences intermittentes.

Qu'on ne vienne pas me décrire cette situation, puisque c'était une situation extrêmement grave et que le Solliciteur général de l'époque, ministre de la Justice, n'y a pas vu.

Finalement, je conçois et accepte que le fait d'occuper le poste de Solliciteur général dans ce nouveau ministère constitue un lourd défi, comme l'a dit, d'ailleurs, le député de Terrebonne. Je peux vous dire devant cette Assemblée que je ferai tout en mon pouvoir pour occuper ce poste avec la simplicité et les efforts les plus constants que je pourrai fournir à l'amélioration de la sécurité publique au Québec.

Une voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, le Solliciteur général. Le débat étant clos, est-ce que le principe du projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives, est adopté?

M. Brassard: Vote enregistré.

La Vice-Présidente: Vote enregistré. Qu'on appelle les députés.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler les députés, s'il vous plaît.

La Vice-Présidente: Qu'on appelle les députés.

M. Lefebvre: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: On peut appeler l'article 42 du feuilleton.

Une voix: Non, le vote. Des voix: Le vote.

Une voix: Pas question, le vote est demandé. (17 h 54 - 17 h 58)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! Que chaque député regagne son siège. Nous allons procéder à l'adoption du projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives.

Que ceux qui sont en faveur dudit projet de loi veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Latulippe (Chambly), Côté (Rivière-du-Loup), Mmes Gagnon-Tremblay (Saint-François), Robic (Bourassa), MM. Vallières (Richmond), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Lefebvre (Frontenac), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Lemire (Saint-Maurice), Mme Pelchat (Vachon), MM. Audet (Beauce-Nord), Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Hamel (Sherbrooke), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Mme Legault (Deux-Montagnes),

M. Jolivet: À l'ordre! À l'ordre!

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je demanderais aux députés qui n'étaient pas ici avant le début du vote de bien vouloir se retirer.

Une voix: II y avait une commission parlementaire.

M. Jolivet: À l'ordre! À l'ordre! Des voix: Hé! Hé! Hé!

La Vice-Présidente: Question de règlement.

M. Vallières: Mme la Présidente, je vous rappelle que des commissions siégeaient et que les cloches ont à peine eu le temps de sonner. J'ai demandé, ici, à la table, qu'on les fasse sonner un peu plus longtemps. J'aimerais vous indiquer également qu'il est de tradition, avant d'appeler un vote, de vérifier si les whips sont à leur place, debout, et sont prêts à prendre le vote, ce qui n'a pas été fait aujourd'hui.

Une voix: D'accord.

M. Vallières: Je demanderais qu'on accueille les députés qui doivent venir voter en cette Chambre.

M. Brassard: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le whip adjoint de l'Opposition.

M. Brassard: Mme la Présidente... Une voix: II y a consentement.

M. Brassard: ...question de règlement. Je comprends très bien les arguments évoqués par le whip du gouvernement, mais il n'en demeure pas moins que le vote était bel et bien commencé, et, par conséquent, ce que vous avez dit tout à l'heure, en invitant les députés à se retirer, je pense qu'on doit respecter la présidence et respecter le règlement. Personne de notre groupe n'est entré.

Une voix: C'est cela. Des voix: Oh! Oh! Oh!

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mille-Îles, je voudrais bien...

M. Maltais: Vous devriez avoir honte, l'Opposition: Honte!

La Vice-Présidente: M. le député de Mille-Îles, je vous demanderais de vous retirer. Là-dessus, je tiens à vous dire que j'ai fait appeler les députés. Une couple de fois, je me suis enquis pour qu'on appelle les députés. Le vote étant commencé, nous allons continuer le vote.

M. Brassard: Mme la Présidente, vous avez invité tout à l'heure le député de Saguenay à se retirer, il devrait se retirer.

La Vice-Présidente: M. le député de Saguenay, veuillez vous retirer, s'il vous plaît.

M. Maltais: Mme la Présidente, je voudrais savoir quelle faute j'ai commise. J'étais en commission parlementaire, les cloches ont sonné, on est partis de la salle Louis-Joseph-Papineau pour venir ici. II n'y a pas d'autre solution. Je n'ai pas commis de faute nulle part et je reste à mon siège.

M. Jolivet: Mme la Présidente... La Vice-Présidente: M. le...

M. Jolivet: ...sur la même question de règlement.

M. Maltais: Ce n'est certainement pas le député de Lac-Saint-Jean qui va m'envoyer.

M. Jolivet: Mme la Présidente, j'aimerais simplement rappeler que le député de Saguenay n'est pas nouveau en cette Assemblée. Je peux comprendre que le député de Mille-Îles se soit emporté, Mme la Présidente, mais une chose est certaine: Nous avons demandé le vote mais ce n'est pas nous qui avons demandé aux gens d'être présents, ici, en cette Assemblée. La présidente a décidé d'elle-même de lire et de dire que le vote est commencé. Cette décision appartient seulement à la présidence, et la présidence l'ayant fait, personne, de quelque côté de l'Assemblée, n'a le droit d'entrer, de se lever, de marcher et de déranger le vote.

Si vous le voulez, pour régler le problème, comme nous sommes compatissants, nous allons tout simplement vous proposer, Mme la Présidente, de reprendre le vote à 20 heures.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur l'intervention du député, en vertu de l'article 224, qui dit textuellement "qu'il doit y avoir entre l'appel et le vote lui-même cinq minutes" et en plus, comme le mentionnait le whip du gouvernement tout à l'heure, il y a une tradition qui veut que tant et aussi longtemps que le whip est debout, en principe, le vote ne commence pas...

Compte tenu de l'explication qu'a donnée le député de Saguenay, Mme la Présidente, je vous demanderais de permettre au député de Saguenay, puisque le délai de cinq minutes mentionné à l'article 224 ne s'est pas écoulé, entre l'appel et son arrivée...

La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais être très franche. À un moment donné, j'ai regardé pour voir le whip du gouvernement et je ne l'ai pas vu en Chambre. Donc, s'il n'était pas en Chambre, il ne pouvait pas être debout.

Deuxièmement, j'ai appelé les députés et j'ai permis un délai assez long pour qu'on puisse tenir le vote.

Troisièmement, je voudrais rappeler à cette Chambre l'article 225 où il est bien spécifié que lorsqu'un vote est appelé, aucun député, incluant le député de Saguenay, ne peut pénétrer en cette Assemblée. Je demanderais au député de Saguenay de bien vouloir se retirer ainsi que ceux qui n'étaient pas ici avant la tenue du vote pour qu'on puisse continuer le vote.

M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Mme la Présidente, je vais quitter mais en rappelant que les gens de l'Opposition sont de petites gens. Merci.

Une voix: Ce n'est pas nous autres. Ah!

La Vice-Présidente: Là-dessus...

Une voix: On n'est pas grand en tout cas!

Une voix: Pas grand mais assez gros!

Une voix: On n'a rien à voir dans ça!

La Vice-Présidente: Sur une question de privilège.

M. Vallières: Mme la Présidente, je pense qu'un droit est fondamental en cette Chambre, celui d'assurer aux députés qu'ils aient au moins le temps physique entre l'appel d'un vote de partir d'une commission parlementaire ou de leur bureau. Je l'ai vécu

tantôt; j'ai eu à peine le temps de descendre à la course et de venir réinstaller à mon pupitre.

Mme la Présidente, vous devrez, selon moi, lors d'une prochaine séance, si vous décidez de procéder immédiatement, nous indiquer comment, dans l'avenir, vous éviterez la répétition de pareille situation.

La Vice-Présidente: Là-dessus, ma décision était rendue. Je demanderais qu'on continue le vote.

Que ceux qui sont pour veuillent bien se lever!

Le Secrétaire-adjoint: MM. Joly (Fabre), Poulin (Chauveau), Thérien (Rousseau), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis), Rochefort (Gouin), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Paré (Shefford), Blais (Terrebonne), Dufour (Jonquière), Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc).

La Vice-Présidente: Que ceux qui sont contre l'adoption du principe du projet de loi 138 veuillent bien se lever!

Le Secrétaire: Pour: 42

Contre: 0

Abstentions: 0

La Vice-Présidente: Le principe du projet de loi 138, Loi sur le ministère du Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives, est donc adopté.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! L'Assemblée n'est pas levée.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour que le projet de loi 138 soit déféré à la commission des institutions.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Lefebvre: J'ai un avis à donner, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: J'avise cette Assemblée que, ce soir, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 138, Loi sur le ministère du

Solliciteur général et modifiant diverses dispositions législatives.

La Vice-Présidente: Cela dit, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 8)

(Reprise à 20 h 2)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 42.

Projet de loi 150

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 42 de notre feuilleton d'aujourd'hui, il s'agit de la reprise du débat qui avait été ajourné le 27 novembre 1986 et qui concernait le projet de loi 150, Loi sur les forêts. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Le débat de ce soir porte sur l'adoption de principe du projet de loi 150, Loi sur les forêts. C'est un projet de loi d'une très grande importance, un projet de loi en somme dont le principe a été mis en place, a été amorcé par le précédent gouvernement, au moment où il menait une consultation afin de revoir la politique forestière.

C'est donc un projet qui vient à terme après une longue maturation de plus de deux ans. Cela en fait un projet majeur au cours de cette session. Cependant, ce projet nous est présenté en fin de session, et cela a de quoi surprendre. Cela vient confirmer en quelque sorte l'impression première qu'on avait, à savoir que cette session est mal planifiée, qu'elle souffre d'improvisation, une improvisation qui s'illustre par un manque de coordination, une incohérence en ce qu'elle présente des projets de loi sans tenir compte de ce que serait une séquence logique d'adoption des projets de loi. Une session mal planifiée parce que, voyez-vous, les trois premières semaines de la session, on les a passées à examiner des projets de loi mineurs, pour ne pas dire, dans certains cas, quasi insignifiants. J'en sais quelque chose, puisque, avec le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur, mon collègue de Laviolette et moi-même avons eu à examiner - tenez-vous bien - cinq projets

de loi qui contenaient deux, trois ou quatre articles. Le projet de loi 25, Loi modifiant la Loi sur les investissements universitaires: quatre articles. Il faut se le rappeler, cela vient faciliter les emprunts en vue d'investissements universitaires, alors qu'on sait que les budgets sont en train d'être coupés. Comme pertinence pour justifier un projet de loi, il n'y avait pas là matière d'urgence. Projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur le Conseil des universités: trois articles. Projet de loi 28, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel: quatre articles. Il faut savoir que lorsque vous avez quatre articles, il y en a un, tout simplement, qui dit: Le projet de loi entre en vigueur à la date de son adoption. Vous savez, cela ne fait pas de gros contenus. Projet de loi 29, Loi modifiant la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, trois articles. En fin de session, plus précisément, les 11, 12 et 13 novembre, ce sont 36 projets de loi qu'on dépose d'urgence en Chambre. Il y a dans ces projets de loi, pas des projets de loi mineurs - il y en a bien quelques-uns qui ont deux ou trois articles - mais des projets de loi majeurs, comme par exemple celui sur lequel porte le débat ce soir, la Loi sur les forêts.

La Loi sur les forêts, pas moins de 228 articles. C'est en fin de session qu'on nous présente cela. On voudra ensuite nous faire croire que les travaux de cette session sont planifiés. De plus, le projet de loi 150 sur les forêts, déposé par le ministre délégué aux Forêts, et le projet de loi 102 sur les terres du domaine public, déposé le 13 novembre par le ministre de l'Énergie et des Ressources, viennent remplacer les lois sur les terres, la terre et les forêts. C'est un projet de loi important. Par ailleurs, ce qu'on constate à la lecture du projet de loi 150, c'est que, pour être cohérent, le moins auquel on aurait pu s'attendre, c'est que le projet de loi 102 aurait dû faire l'objet d'examen et d'adoption avant le projet de loi 150 puisque, dans le projet de loi 150, vous avez des articles qui viennent faire référence à un projet de loi 102 qui, lui, n'est pas adopté. Comme manque de planification, manque de coordination, comme incohérence dans la présentation du projet de loi, il me semble qu'il y a là un exemple qui illustre assez bien que cette session est mal planifiée.

Ensuite, il faudra essayer de faire comprendre aux contribuables du Québec qu'on n'est pas en train de gaspiller leur argent, notre temps, alors qu'en plus, très probablement, on nous fera siéger la nuit. Les citoyens seront en mesure de s'interroger, de s'inquiéter sur la valeur de l'examen qu'on sera en mesure de faire dans de telles conditions. C'est une session improvisée où la cohérence manque et est douteuse.

Je voudrais quand même vous dire que nous n'avons pas l'intention de voter contre le projet de loi, parce que, je le rappelle, il vient en quelque sorte concrétiser une réforme enclenchée par le gouvernement précédent.

En effet, le gouvernement du Parti québécois a enclenché en 1984 le processus de modification de la politique forestière parce que, en fait, le surplus de matière ligneuse que l'on observait en 1970 n'existait plus. D'abord, ce fut M. Duhaime, ensuite la relève a été prise par mon collègue, le député de Laviolette, M. Jean-Pierre Jolivet, qui a terminé la consultation et publié le livre blanc Bâtir une forêt pour l'avenir en juin 1985.

Le projet de loi que l'on retrouve ici reprend, pour l'essentiel, dans ses grands principes, les différentes recommandations contenues dans le livre blanc Bâtir une forêt pour l'avenir. Sur ces grands principes, l'Opposition ne pourra faire autrement qu'être d'accord avec le projet de loi présenté. Cependant, ce projet de loi appellera sans doute, et on l'espère, de nombreuses modifications, car il laisse place à de nombreuses interrogations. (20 h 10)

Je ne m'attarderai pas sur les différents articles du projet de loi 228. Cela prendrait un peu plus de 20 minutes. Cependant, deux choses ont retenu mon attention. Ce projet de loi contient au moins 18 règlements et prévoit pour le ministre des pouvoirs discrétionnaires assez exceptionnels.

Les pouvoirs réglementaires. Ce gouvernement nous a dit, nous a répété et réitéré et sur tous les tons et de toutes les manières: II n'est pas question que ce gouvernement tombe dans la manie du gouvernement précédent, de tout réglementer. On va y voir, on va même se donner une loi sur la réglementation, la loi 12 du ministre de la Justice. Et pourtant, ce projet de loi, je le rappelle, contient au moins 18 règlements. Il donne également - je pense en particulier à l'article 67 - au ministre un pouvoir discrétionnaire assez exceptionnel.

Il faut savoir que, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, les différentes lois sur lesquelles j'ai eu à intervenir contenaient, dans une proportion différente, des mesures, des règlements qui donnaient au ministre responsable des pouvoirs additionnels. Vous me permettrez de parler d'une loi et d'un projet de loi. Je pense à la loi 58 sur les illégaux. La loi 58 sur les illégaux vient donner au ministre de l'Éducation un pouvoir exceptionnel qui lui permet de déroger aux dispositions de la loi 101 et de reconnaître, à certaines conditions, qu'un enfant est admissible à l'école anglaise.

Ce gouvernement, qui s'est élevé contre les règlements, l'abus de règlements du précédent gouvernement, va beaucoup plus

loin que ce que le précédent gouvernement faisait, parce que, dorénavant, il y a des articles, des projets de loi et des lois qui ont été adoptés qui donnent, je le rappelle, au ministre titulaire, au ministre responsable des pouvoirs exceptionnels en certaines matières et, sur cette loi des illégaux, j'ai hâte de voir le moment où le ministre de l'Éducation viendra déposer, dans cette Chambre, la liste des enfants qui auront été admis dans les écoles anglaises en échappant au comité chargé d'examiner ces cas. C'est un pouvoir assez grand, surtout quand on connaît les orientations de ce gouvernement et le préjugé favorable qu'il a lorsqu'il s'agit de trancher les cas litigieux, à savoir si un enfant fréquentera ou non l'école anglaise ou l'école française. Dans des conditions comme cela, laisser au ministre, même le ministre de l'Éducation...

M. Ciaccia: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Je ne veux pas interrompre la députée dans son discours, mais je voudrais lui rappeler l'article 211. On discute ici du projet de loi 150 sur le régime forestier. Peut-être vous demanderais-je de rappeler la députée à la pertinence du débat. On ne discute pas, je crois, des illégaux ou du ministère de l'Éducation.

La Vice-Présidente: M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Mme la Présidente, premièrement, si le ministre ne voulait pas interrompre ma collègue, il avait juste à rester assis. Deuxièmement, si le ministre de l'Énergie et des Ressources avait bien écouté ce que ma collègue est en train de dire, il aurait compris qu'elle donne des exemples dans d'autres projets de loi pour corroborer ce qui est dans le projet de loi 150 et, ce faisant, son discours était pertinent.

La Vice-Présidente: Effectivement, on donne une interprétation assez large de l'article 239. On permet à certaines occasions de bifurquer pourvu qu'on revienne naturellement sur le sujet qui est l'adoption du principe du projet de loi 150. Mme la députée, je suis sûre que vous allez revenir sur le sujet. Là-dessus, je vous cède la parole.

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Soyez assurée que je n'y manquerai pas. Mais vous me permettrez de dire d'abord au ministre de l'Energie et des Ressources que, s'il n'avait pas voulu m'interrompre, il ne l'aurait pas fait, ce qu'il a fait, il m'a interrompue, si je ne m'abuse. Je comprends cependant qu'il soit assez sensible et chatouilleux, je dirais, lorsqu'on aborde ces questions de la langue. Je suis obligée de reconnaître avec lui que, si j'étais assise de l'autre côté de cette Chambre, je serais effectivement inquiète d'entendre soulever des cas qui démontrent, hors de tout doute, que ce gouvernement a des préjugés à l'endroit de certaines communautés et qu'il a décidé d'angliciser le Québec. Cela ne devrait pas déplaire au ministre de l'Énergie et des Ressources. Vous me permettrez...

M. Ciaccia: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Je vais de nouveau faire appel à l'article 211, parce que je crois très respectueusement que, dans la poursuite du débat, ce ne sont pas des exemples qu'on donne. On est en train de faire un débat de fond sur un sujet complètement différent de celui du projet de loi 150. Non seulement les propos sont totalement faux...

Des voix: Oh!

M. Ciaccia: ...sont inexacts... Si on veut passer des messages de ce côté-là de la Chambre, on peut en passer de ce côté-ci aussi. Je demanderais de rappeler la députée à la pertinence du débat en vertu de l'article 211.

La Vice-Présidente: Mme la députée de Chicoutimi, je veux bien vous donner l'occasion de bifurquer, mais il ne faudrait pas non plus en faire le sujet majeur de votre discours. Je vous demanderais de revenir à la pertinence du débat.

Mme Blackburn: Bien, Mme la Présidente. Je voudrais rassurer le ministre quand il dit que ce n'est pas un exemple. Effectivement, je n'ai pas voulu prendre le ministre à titre d'exemple; je ne pense pas que cela en soit un.

Je voudrais revenir à l'article auquel je faisais référence; je le lis: "Le ministre peut en tout temps autoriser le titulaire d'un permis d'usine de transformation du bois à récolter à la place du bénéficiaire dans une unité d'aménagement le volume de bois requis pour produire les copeaux, les sciures et les planures que le bénéficiaire fait défaut de lui fournir, malgré une convention expresse. Le ministre s'arroge le pouvoir d'intervenir lorsqu'il y a un litige entre les parties. J'avais toujours cru, moi, qu'il y avait des instances qualifiées pour le faire et que, lorsqu'il y a des litiges entre les parties, ou c'est tranché par le tribunal, ou

c'est tranché généralement par le biais de conventions.

Que le ministre s'arroge un tel droit, il y a là quelque chose de surprenant. Car voyez-vous, il y a aussi un autre exemple de projet de loi qui a été déposé récemment et qui s'appelle le projet de loi 140. Dans le projet de loi 140, la ministre responsable de la loi 101 vient, là aussi, se donner des pouvoirs exceptionnels qui, antérieurement, étaient réservés à certains organismes de protection de la langue. Dans sa sagesse, le législateur avait décidé que cet aspect de la protection et de l'application de la loi 101 devait échapper aux politiques pour être laissé à des instances un peu plus neutres, qui avaient comme responsabilité d'examiner les différentes modalités d'application ou de sanction prévues dans le cadre de la loi 101. Par ce projet de loi 140, la ministre vient également se donner par législation des pouvoirs exceptionnels.

Je reviendrai brièvement aux articles touchant différents règlements. Je le rappelle, ce gouvernement avait promis, s'était engagé devant la population, en campagne électorale, à déréglementer, à s'assurer que toute réglementation passerait par l'adoption de la Chambre, assurant le droit de l'Assemblée de voir les différents règlements adoptés par la Chambre et qui touchent les contribuables, les citoyens.

À titre d'exemple, voici ce que peuvent donner un règlement et deux discours, un discours dans l'Opposition et un discours quand on légifère. Prenons l'article 122: "Pour être reconnu par le ministre, l'organisme doit lui transmettre pour approbation ses règlements portant sur les cotisations des membres et le financement de ses activités, de même qu'un plan d'organisation pour la prévention et l'extinction des incendies." Généralement, ce que faisait l'ancien gouvernement, c'était de demander à l'organisme de déposer ses règlements. Ici, je lis "pour approbation des règlements". (20 h 20)

On ne se fait pas beaucoup confiance. Le ministre se réserve le pouvoir, le droit, la responsabilité d'approuver les règlements des organismes. Pour un gouvernement qui voulait déréglementer, qui assurait les citoyens, les contribuables qu'on ne verrait plus ce qu'on voyait avec le gouvernement du Parti québécois, c'est-à-dire des quantités considérables de règlements et de lois -disions-nous - sur toutes sortes de questions et de toute nature, voilà que ce gouvernement, dans un seul projet de loi, ne propose pas 1, 2 ou 3 règlements, mais 18. Je pense que vous devrez comprendre, Mme la Présidente, que bien que l'Opposition soit d'accord sur les principes généraux de ce projet de loi, il devra faire l'objet d'un examen extrêmement sérieux, particulière- ment dans les articles qui concernent à la fois les pouvoirs réglementaires et les pouvoirs discrétionnaires que ce projet de loi, s'il devient loi, pourrait conférer au ministre responsable. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Chicoutimi.

M. le député de Lotbinière.

M. Lewis Camden

M. Camden: Mme la Présidente, je commencerai mon allocution en brossant un bref tableau des différents problèmes qu'entraîne la situation actuelle sur la forêt québécoise, notre plus grande richesse, dont le dépérissement et la surexploitation mettent en cause la survie, non seulement de l'industrie, mais aussi de la ressource elle-même, ce qui justifie pleinement les visées du projet de loi 150, Loi sur les forêts.

Ainsi, nous sommes en mesure de constater depuis quelques années que la pénurie de la ressource qui se profile à l'horizon résulte d'une surexploitation globale de la forêt, c'est-à-dire que la cueillette de la matière ligneuse dépasse largement la capacité de régénération de nos forêts.

On récolte au Québec environ 21 000 000 de mètres cubes de bois annuellement alors que la possibilité réelle est de 18 000 000 de mètres cubes. De plus, depuis une quinzaine d'années, le développement accéléré de l'industrie du sciage lié au phénomène de la tordeuse ont contribué à réduire la capacité de reconstitution des stocks. C'est donc dans ce contexte que nous devons intervenir rapidement, car plusieurs régions du Québec pourraient devoir faire face à des ruptures de stock qui risqueraient d'entraîner des fermetures d'usines et, par conséquent, des pertes considérables d'emplois, et causer un effet dévastateur sur l'ensemble de l'économie du Québec et de ses régions. Faute d'un rigoureux programme de reboisement et d'une nouvelle politique forestière qui s'est fait attendre, de nombreuses régions sont donc exposées à cette situation. Rappelons-nous, à cet égard, que plus de 100 municipalités en régions dépendent de l'exploitation forestière et, sur l'ensemble du territoire, ce sont 225 000 travailleurs qui tirent directement ou indirectement leurs ressources financières de la forêt québécoise.

C'est pour ces raisons que notre formation politique a pris la décision d'agir rapidement dans ce secteur névralgique pour le développement économique du Québec, de ces régions en particulier et des travailleurs de ce secteur de l'économie. C'est aussi pour ces raisons que nous proposons une réforme en profondeur du système de gestion des forêts du domaine public. Les forêts doivent être exploitées d'une manière plus rationnelle

et nous devons assurer leur survie et leur développement, en plus d'assurer la pérennité de la ressource financière et de l'activité économique qui en découle.

Aussi, de façon concrète, le nouveau régime forestier propose-t-il quatre éléments majeurs qui ont pour objet la survie de la forêt. Dans un premier temps, l'on vise un nouveau partage des responsabilités. Ce premier élément vient remplacer le système de concession forestière par la formule du contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier qui liera le gouvernement et le propriétaire d'une usine de transformation du bois. Ce contrat d'une durée de 25 ans sera renouvelable tous les cinq ans et assurera au détenteur un approvisionnement continu. Celui-ci devra cependant s'engager à exécuter des traitements sylvicoles dans l'aire forestière décrite par le contrat.

Dans un deuxième temps, c'est le souci d'assurer la productivité constante des forêts qui motive ce projet. Ce deuxième élément est basé sur le respect de la possibilité forestière à rendement soutenu, c'est-à-dire le souci d'assurer à perpétuité la quantité et la qualité de bois que la forêt peut produire naturellement.

Dans un troisième temps, l'intégration des activités de coupe de bois dans l'ensemble des activités d'aménagement forestier. À ce chapitre, la coupe du bois ne sera plus considérée comme une activité isolée, mais elle devra s'insérer dans un ensemble d'opérations comprenant l'implantation et l'entretien des infrastructures, l'exécution de traitements sylvicoles dont le reboisement, la répression des épidémies d'insectes et de maladies et toute autre activité ayant un effet sur la productivité d'une aire forestière.

Dans un quatrième temps, le respect des autres utilisations de la forêt font aussi l'objet d'une préoccupation. Ce dernier élément tient compte des contraintes qui découlent de l'affectation des terres, de l'adaptation à certaines conditions locales et de la démonstration du respect de l'environnement. Tels sont les principaux éléments qui caractérisent le régime forestier que notre gouvernement se propose de mettre en place par ce projet de loi qui écarte la politique actuelle qui réservait au gouvernement la seule responsabilité de l'aménagement forestier et prévoyait l'allocation de droit de coupe aux entreprises. Celle-ci déresponsabilisait les entreprises à l'égard de la préservation et de l'amélioration de la forêt. En plus de constituer pour l'État une charge financière, le virage est donc important dans ce nouveau partage des responsabilités.

Pour la première fois, le gouvernement propose un plan général d'affectation des terres publiques en intégrant les diverses vocations d'exploitation, de récréation, de conservation et en définissant les modes d'intervention adaptés à chacune d'entre elles. Il s'agit là d'une percée importante en matière d'aménagement du territoire qui assurera une meilleure protection des ressources du Québec.

Le projet de loi 150, en plus de protéger les emplois menacés dans plusieurs régions du Québec, favorisera la création de milliers d'emplois dans la nouvelle industrie sylvicole tant au niveau de l'exploitation et du reboisement que de la recherche. En fait, il confirmera toutes les fonctions de la forêt récréative, industrielle, écologique et conduira une véritable conservation de toutes les ressources qui s'y trouvent.

Mme la Présidente, je dois vous dire que ce projet est important pour mon comté, important pour le nombre important d'emplois qui y sont reliés directement. C'est plus de 2000 emplois qui y sont reliés directement, soit des emplois dans le domaine du bois de sciage et, plus particulièrement, concernant les scieries de service, concernant également les copeaux de bois qui sont produits en forêt, la production de lattes, du placage et du jointage de bois, de la production de portes et châssis et autres bois ouvrés, et également, de parquets de bois dur et de la fabrication de bâtiments préfabriqués, d'armoires de cuisine, de cercueils et de bois de chauffage. Mme la Présidente, c'est plus de 2000 emplois en plus, si on tient compte de l'élément de production de plants forestiers qui sont cultivés dans les municipalités de Saint-Apollinaire et de Saint-Louis-de-Blandford.

Je termine en soulignant que ce nouveau régime forestier aura des impacts majeurs non seulement sur l'organisation même de la gestion des forêts et des habitudes qui y sont reliées, mais également sur le partage des responsabilités et surtout sur l'économie générale du secteur. Outre cet aspect organisationnel, les implications financières de ce nouveau régime constituent l'impact le plus important. En effet, la remise en production de tous les parterres de coupe, le respect du rendement soutenu, la protection du milieu forestier et l'effort de planification exigés de l'industrie entraîneront des déboursés supplémentaires pour l'industrie et pour le gouvernement, ce qui aura inévitablement un effet d'entraînement sur l'économie.

Comme le soulignait le ministre délégué aux Forêts, il ne suffit pas de se donner un nouveau régime forestier, il faut aussi changer notre façon d'intervenir en forêt et en arriver à un nouvel équilibre forestier.

C'est finalement pour toutes ces raisons précédemment évoquées que je voterai pour ce projet de loi. Merci. (20 h 30)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lotbinière. M. le député de Dubuc.

M. Hubert Desbiens

M. Desbiens: Merci. Le projet de loi 150 nous propose une réforme du régime juridique des forêts du domaine public, de même qu'une refonte et une mise à jour de la législation portant sur la protection des forêts, la mise en valeur des forêts privées ainsi que sur l'utilisation et la transformation du bois. Ce projet de loi fait suite à l'avant-projet du ministre délégué aux Forêts, qui a été présenté et étudié en commission parlementaire, et qui a fait l'objet de nombreuses et très vives réactions de la part des divers intervenants du milieu forestier.

Je dois évidemment, comme l'a souligné notre critique en matière de forêt, mon collègue, le député de Duplessis, dire que nous allons voter pour le principe de cette loi, puisque, déjà, c'est une amélioration fort importante sur ce qu'il nous avait présenté dans son avant-projet de loi. Et c'est à croire que, si le ministre avait accepté la demande des députés de l'Opposition de recevoir davantage de ces associations et de ces groupes représentatifs dans les régions du Québec, nous aurions sûrement un meilleur projet de loi encore.

Mme la Présidente, l'importance de la forêt au Québec, forêt productrice de matière ligneuse, est très grande. La forêt est importante d'une façon toute particulière dans un comté comme celui que j'ai l'honneur de représenter ici, puisqu'on y retrouve presque le tiers de la population qui est employée de façon directe ou indirecte, dont le travail dépend de la forêt québécoise, la forêt productrice de bois pour les usines de sciage ou la forêt productrice de bois pour les usines de pâtes et papiers.

C'est, bien sûr, avec beaucoup d'intérêt que j'ai suivi, avec mes collègues, le cheminement et la présentation, en 1984 et 1985, du livre blanc sur le régime forestier québécois. Cependant, on s'est rendu compte aussi, pendant tout ce cheminement, toute cette étude, ces rencontres, discussions avec les différents intervenants, que la forêt c'est également un milieu de vie. La Loi sur les forêts devrait reconnaître ce rôle multifonctionnel de façon beaucoup plus prononcée. Il y a la forêt productrice, comme je viens de le dire, de matières industrielles, mais il y a aussi la forêt qui est un habitat pour la faune. Il y a aussi ce qu'on pourrait appeler la forêt-loisir.

La forêt ne peut plus être considérée aujourd'hui, et encore davantage dans l'avenir, simplement comme une source de matière première pour l'industrie forestière. Sans vouloir limiter d'aucune façon l'importance de l'industrie forestière, la forêt contribue tout de même de façon essentielle au maintien de l'équilibre naturel par le rôle biologique qu'elle joue en tant qu'habitat faunique et par son action physique sur le sol, sur l'eau et sur l'air. Cela me rappelle une nouvelle du romancier et naturaliste français Jean Giono, intitulée L'homme qui plantait un arbre. Cette nouvelle nous décrit d'une façon très précise et nous fait vivre de façon très claire l'importance que peut avoir et que revêt la forêt dans tout l'ensemble de notre système biologique et écologique. Elle nous fait voir comment peut être désastreuse une utilisation non planifiée. Une coupe sauvage, une destruction complète de nos arbres entraîne la désertification d'un territoire. Elle nous montre aussi comment, patiemment, il est possible d'améliorer la vie biologique d'un territoire par la plantation d'arbres et comment redonner vie à tout l'ensemble des écosystèmes.

Mme la Présidente, le projet de loi 150 que nous étudions présentement m'apparaît un peu comme une pièce d'un casse-tête. Ce qui servirait de cadre à ce casse-tête, c'est évidemment la loi 102. Ma collègue de Chicoutimi en a fait une démonstration, il y a quelques instants. Je n'ai pas l'intention d'y revenir très à fond, mais il reste que la loi 102 m'apparaît être le cadre puisque c'est la loi qui porte sur les terres publiques au Québec et que la forêt est un élément des terres publiques au Québec; la forêt existe sur une partie des terres publiques du Québec et, dans ce sens, constitue donc une pièce de ce casse-tête qu'est l'ensemble du territoire québécois.

Si la forêt, comme je le disais tantôt, c'est plus aujourd'hui que cela n'était hier, le projet de loi 153 portant sur la faune et les habitats fauniques que nous allons sans doute étudier également au cours de la présente session, est sans doute une autre partie importante de ce casse-tête. Je voudrais surtout attirer ici l'attention des membres de l'Assemblée sur l'importance non seulement écologique, mais aussi économique, de cette forêt habitat faunique, de cette forêt-loisir. Au Canada, en 1985, l'activité de la pêche et de la chasse sportives a entraîné des investissements et un roulement d'environ 4 700 000 000 $. Au Québec même, l'activité des pêcheurs sportifs en 1985 - ce sont les chiffres du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec - qui a été pratiquée par 1 218 000 pêcheurs sportifs a eu une importance économique considérable de 598 000 000 $. Si on ajoute» à cela, la nourriture, l'hébergement, le transport et les services publics, les engins de pêche et les forfaits, il faut ajouter 51 900 000 $ supplémentaires.

La chasse sur le territoire forestier québécois a été pratiquée par environ 350 000 adeptes. Cela veut dire qu'il y a eu dans ce domaine, selon les derniers chiffres statistiques qu'on peut posséder qui remontent quand même à 1981, environ 5 000 000 de jours-récréation et des retombées économiques de 163 000 000 $. Si

on ajoute à cela ce qui se passe dans les pourvoiries et dans les ZEC, c'est 1 500 000 jours-récréation supplémentaires en 1981 pour les pourvoyeurs et des retombées économiques de 200 000 000 $. Dans les ZEC, on a eu une activité qui est sensiblement la même de 1 500 000 jours-récréation, mais qui a des retombées économiques beaucoup plus importantes d'environ 800 000 000 $. La pêche sportive au saumon a représenté à elle seule, en 1980, selon les dernières statistiques disponibles, des retombées économiques de 12 000 000 $. Quand on pense également aux animaux à fourrure, au piégeage donc et au trappage, en 1985-1986, toujours selon les statistiques du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, cela a entraîné des retombées économiques de 8 800 000 $. (20 h 40)

II y a 25 000 trappeurs au Québec, c'est-à-dire que 15 % de toutes les fourrures qui sont produites au Canada sont produites au Québec et on y est au deuxième rang. Il y a 57 000 travailleurs dans l'industrie de la transformation de la fourrure au Québec: les nettoyeurs, les teinturiers, les tanneurs, les coupeurs, etc.; c'est 76 % de l'ensemble de tous les travailleurs canadiens dans le domaine de la fourrure. J'ajouterai, Mme la Présidente, que les articles de fourrure engagent 8800 employés au Québec et 221 manufacturiers; c'est 85 % de toutes les manufactures de fourrure du Canada.

Ceci pour illustrer l'importance de la forêt-loisirs et de la forêt-faune. On ne peut pas oublier ces aspects si on veut vraiment étudier et développer ici même au Québec une politique qui soit vraiment une gestion polyvalente de l'ensemble de la forêt québécoise. Je n'ai bien sûr pas mentionné toutes les possibilités touristiques de loisirs de plein air que représente la forêt québécoise.

Mme la Présidente, il y a un autre point sur lequel je veux aussi attirer l'attention. Comme je le disais, même si on est d'accord avec le principe du projet de loi 150, il reste qu'il y a dans ce projet de loi au moins 18 projets de règlement et c'est un des aspects de cette loi sur lequel je pense qu'il est important, pour l'ensemble des parlementaires, de se pencher. À cette fin, je crois qu'il est important d'utiliser le rapport final d'un groupe de travail qui a été celui du groupe de déréglementation du gouvernement actuel. Ce rapport a été publié en juin 1986 et, aux pages 33 et suivantes, on parle du processus de réglementation. Je crois, étant donné le nombre et l'importance de la réglementation dans le projet de loi 150, qu'il est important et sage pour le ministre et pour l'ensemble des parlementaires de se rappeler au moins quelques-unes des conclusions d'un rapport qu'ils ont eux-mêmes commandé, qu'ils ont eux-mêmes écrit et déposé ici à l'Assemblée nationale.

Je vous fais lecture de certains passages qui m'apparaissent particulièrement importants. Ainsi, à la page 32, quand on parle des relations avec les citoyens, on dit que, ces dernières années, cela a été une préoccupation beaucoup plus grande de la part du gouvernement et de l'administration. On a même - vous vous en souvenez, d'ailleurs - créé, sous l'ancien gouvernement du Parti québécois, un poste de ministre délégué aux Relations avec les citoyens et les citoyennes et un secrétariat spécial qui était consacré à cette fin. On dit dans le rapport, assez curieusement, que ce secrétariat s'est intéressé presque exclusivement à la manière dont les services sont distribués et très peu à celle présidant à la préparation et à l'adoption de la réglementation. Pourtant, cette dernière constitue un élément fort important de la relation d'un État avec ses citoyens. Il n'est pas indifférent en effet que la réglementation soit rédigée en termes simples, clairs et accessibles. Il n'est pas indifférent non plus que cet effort de simplification soit accompagné d'un autre effort visant à impliquer davantage les intéressés et la population dans son ensemble dans la préparation de la réglementation.

Cette volonté d'associer plus directement les citoyens au processus de réglementation doit se trouver non seulement dans les organismes chargés de réglementer de larges secteurs d'activité économique ou sociale, mais aussi dans les ministères qui conçoivent la plupart des projets de loi ou de réglementation gouvernementale.

C'est toujours le rapport de la commission sur la déréglementation que je lis. Un peu plus loin, on dit: "II existe, surtout à l'égard de la réglementation, un processus façonné par les traditions parlementaires. Celles-ci ne sont pas figées dans le ciment, loin de là. L'utilisation qu'on a faite, depuis une quinzaine d'années, des commissions parlementaires et la récente réforme apportée aux règlements de l'Assemblée nationale en constituent une preuve tangible. Il n'empêche, toutefois, qu'aussi bien au niveau du gouvernement, lors de leur préparation, qu'à l'Assemblée, lors de leur adoption, on ne procède pas actuellement à une analyse suffisamment approfondie de leur impact sur l'économie et de la nécessité des dispositions qu'elles contiennent sur l'habilitation en matière de règlements d'application."

On dit plus loin, à la page 34: "Cela n'est guère surprenant lorsqu'on examine le processus de préparation et d'adoption des lois. Dans la pratique, on découvre que c'est souvent ce processus qui provoque des situations de réglementation inacceptables." Dans le projet de loi 150, on retrouve 18 projets de réglementation dont aucun n'a été

présenté aux membres de l'Assemblée pour étude. Plus loin encore dans le projet, à la page 34, on lit: "Par ailleurs, les lois sont adoptées en hâte, souvent en fin de session, submergeant toutes les ressources humaines spécialisées dans la rédaction des lois, bousculant les législateurs dans leur travail en fin de session et provoquant l'adoption des lois à la vapeur." C'est un extrait du rapport Scowen au nom du ministre titulaire... À la page 35: "La loi, ainsi fabriquée à la dernière minute et adoptée à la fine épouvante, comporte souvent des lacunes graves sur le plan du fond, engendrant un pouvoir réglementaire mal à l'aise dans cet habit législatif."

Quel sera l'habit de ces 18 projets de règlement qu'on retrouve dans le projet de loi 150? Nul ne le sait. Peut-être le ministre le sait-il, on n'en est pas encore sûr. C'est l'un des aspects de ce projet de loi qui est fautif, qui va complètement à l'encontre de la politique qu'on dit être de déréglementation. Il se dirige non pas vers une déréglementation, mais vers une réglementation beaucoup plus abondante sans que cette réglementation soit présentée aux membres de l'Assemblée nationale pour étude. C'est l'un des défauts majeurs du projet de loi. J'espère qu'à la suite de l'étude du projet de loi en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, le ministre sera en mesure de nous fournir des indications et, sans doute aussi, je l'espère, pour la bonne compréhension de tout le projet de loi lui-même, le dépôt de ces projets de réglementation.

Un dernier point en terminant. Évidemment, j'aurais aimé souligner... D'abord, je regrette que le gouvernement ne se soit pas rendu jusqu'à créer ce ministère de la Forêt que certains réclamaient qui aurait été au moins une étape vers un mode de gestion beaucoup plus détaillé et beaucoup plus en cohérence avec l'idée et les avancés qu'on fait sur l'utilisation polyvalente de la forêt. À cette fin, je cite... On sait qu'actuellement, les terres publiques sont sous la direction du ministère de l'Énergie et des Ressources, les forêts sous la direction du ministre délégué aux Forêts, l'environnement sous la direction du ministère de l'Environnement. Toute la question de la faune relève d'un autre ministre, celui du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je ne ferai qu'un rappel d'une des constatations qui est ressortie au congrès de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences dont le thème était: "L'utilisation polyvalente de la forêt, une utopie". La conclusion à laquelle on en vient, c'est que l'utilisation polyvalente du milieu forestier québécois demeurera un objectif quasi impossible à atteindre tant que sa gestion sera assumée par un ministère se préoccupant essentiellement de l'approvision- nement de l'industrie forestière en matière ligneuse.

(20 h 50)

Je termine en disant, tel que je l'ai affirmé au départ, que nous sommes d'accord avec le principe. Ce projet de loi est important, mais j'aurais tout de même préféré que le gouvernement et le ministre aillent plus loin quant à la gestion de la forêt, quant à la gestion de l'ensemble des activités que l'on peut retrouver en forêt, et nous proposent un mode de gestion plus approprié à 1986 et plus particulièrement aux années qui s'en viennent. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Dubuc.

M. le député de Rouyn-Noranda.

Des voix: Bravo! Bravo! M. Gilles Baril

M. Baril: Merci, madame. Je vous félicite, madame, d'avoir retenu mon comté.

Une voix: Elle a dit Rouyn-Noranda.

Une voix: Elle n'a pas dit Témiscamingue.

M. Baril: Est-ce qu'elle a dit juste Rouyn-Noranda?

Une voix: Oui.

M. Baril: Je n'avais pas compris, il y a Témiscamingue qu'il ne faut pas oublier.

Mes félicitations iront, en premier lieu, au député de Rivière-du-Loup, ministre délégué aux Forêts, pour le travail exceptionnel réalisé dans son projet de loi 150. Je lève mon chapeau à son équipe pour le sérieux et la ténacité avec lesquels elle a su mener ce projet à bon port. Ayant entendu une quarantaine d'intervenants venus déposer leur mémoire devant la commission en septembre dernier, en constatant les changements apportés au projet de loi, je réalise que vous avez tenu compte de l'opinion des intervenants.

Je suis député du comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, comté qui comprend une vaste forêt composée en majorité de peuplements feuillus et mélangés, avec présence d'essences nobles, principalement les pins blanc et rouge, le bouleau jaune et le frêne. Ces caractéristiques se différencient facilement de la grande forêt boréale de la majeure partie du Québec, laquelle est constituée de peuplements résineux dans les essences d'épinette, de sapin et de pin gris, en bonne partie.

J'aimerais, pendant quelques minutes, faire l'historique de la problématique générale de la forêt de mon comté. Par la

nature des peuplements présents sur tout le Témiscamingue, les travaux d'exploitation fournissent de nombreux produits différents pour lesquels la demande varie énormément. Les essences compagnes sont souvent très difficiles à écouler. La présence de peuplements mélangés engendre l'exploitation de grandes superficies pour récolter les quantités suffisantes au fonctionnement de plusieurs usines, étant donné la dispersion des tiges dans les peuplements.

De plus, la présence de grands volumes de bois en essences secondaires sur les parterres de coupe rend très onéreux le traitement sylvicole nécessaire pour assurer la régénération adéquate des territoires coupés. L'utilisation de ces volumes considérables libérerait les sites de coupe et favoriserait une diminution du coût des traitements sylvicoles en plus de faciliter grandement les travaux de récolte. Étant donné la superficie réduite du Témiscamingue à l'échelle de la province, peu de travaux de recherche ont été conduits jusqu'ici pour améliorer l'état de la forêt depuis les derniers dix ans.

Mme la Présidente, dans le passé, ce que je viens de vous lire était la préoccupation de la Société forestière du Témiscamingue, et je suis heureux aujourd'hui de pouvoir dire à cette société qu'on peut régler majoritairement leurs problèmes grâce à cette nouvelle loi 150. Si on ne peut pas tous les régler, du moins, nous en réglerons une bonne partie.

Dans l'ancienne loi, les différentes compagnies se disputaient cette forêt multiple. Certaines compagnies entraient en forêt pour couper des billes pour leur déroulage. D'autres entraient en forêt pour des poteaux de bois, d'autres pour du tremble, d'autres compagnies pour venir chercher le cèdre, d'autres pour la pâte à papier et d'autres pour le sciage. Aujourd'hui, par cette nouvelle loi, chaque compagnie pourra couper toutes ces essences sur le territoire qui lui sera alloué et elle pourra y faire son aménagement à son rythme, respectant ainsi le principe d'un rendement soutenu et celui des utilisations polyvalentes de nos forêts.

Le projet de loi se veut une réponse aux difficultés que nous connaissons depuis quelques années du déficit croissant entre les besoins en matière ligneuse et la possibilité forestière globale. Dans le passé, Mme la Présidente, nous récoltions plus que ce que la forêt pouvait produire. Je me rappelle l'ancien gouvernement, à l'avant-veille de l'élection de 1981. Ils étaient venus dans ma région faire croire à mes gens qu'on leur accorderait la possibilité d'un moulin de sciage sur des quantités de bois qui n'existaient pas.

Nous coupons dans le Témiscamingue plus de bois que la forêt ne peut en produire. Il est reconnu que nous avons un manque à gagner de 100 000 mètres cubes de bois par année. On promettait aux gens de ma région 130 000 mètres cubes de bois pendant quinze ans. J'ai dû affronter, le printemps dernier, les gens de mon comté afin de leur dire la vérité, cette vérité que le parti de l'Opposition sait aujourd'hui mais qu'il n'avait pas ce qu'il fallait dans le temps pour aller leur dire.

Je profite de l'occasion encore une fois, M. le ministre, pour vous féliciter de l'action que vous avez prise en présentant ce projet de loi 150.

J'écoutais la semaine dernière certains députés péquistes qui essayaient de nous parler du livre blanc sur la forêt. Vous savez, Mme la Présidente, on peut l'appeler jaune, on peut l'appeler vert, on peut l'appeler rose, câille ou de la couleur qu'on voudra, nous avons mis nos grandes culottes, selon l'expression, et nous avons présenté ce projet de loi. On nous a élus comme une équipe d'action et nous avons fait nos preuves. Depuis un an, que ce soit la baisse de la taxe sur le carburant dans les régions éloignées, que ce soit l'abolition du 9 % de taxe sur l'assurance-vie, que ce soit l'aide supplémentaire de 400 $ aux étudiantes et aux étudiants des régions éloignées et j'en passe, c'est ça un gouvernement d'action.

Des voix: Bravo!

M. Baril: En revenant à notre forêt du Témiscamingue, je vous dirais, Mme la Présidente, que peu de travaux de recherche ont été faits mais que grâce à la nouvelle politique forestière, à l'article 90, le ministre peut constituer des forêts d'expérimentation, des centres éducatifs forestiers, des forêts d'enseignement et de recherche du même type que la forêt de Montmorency.

Je suis persuadé que la Société forestière du Témiscamingue en profitera pour améliorer cette croissance si nécessaire à notre survie. Ces améliorations au mode de gestion des forêts publiques permettront à toute la population de retirer le maximum de profits de la ressource forêt tout en améliorant l'image de l'industrie forestière vis-à-vis du public en général. Pour nous, il est clair que les moyens retenus devront assurer l'avenir de notre industrie par le maintien et surtout l'amélioration de la richesse de nos forêts. La gestion de cette ressource devra être faite de façon à garantir la pérennité de la matière première.

En conclusion, la Société forestière du Témiscamingue est en accord avec l'orientation générale du projet de loi qui redonnera à l'industrie un sentiment d'appartenance face à des territoires d'approvisionnement. Il est sûr que des corrections et des précisions étaient

nécessaires dans l'avant-projet mais, M. le ministre, vous les avez faites dans le but de rendre le projet de loi viable pour l'industrie. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. En écoutant notre collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue on pourrait croire que le projet de loi qui est devant nous, qui concerne la forêt au Québec, la politique forestière, est finalement l'aboutissement du travail efficace du gouvernement libéral élu depuis décembre, donc depuis un an.

Des voix: Bravo! Bravo! (21 heures)

M. Charbonneau: Or, quand on regarde les faits, on se rend compte que ce n'est pas tout à fait la vérité, ce n'est pas tout à fait ce qui doit être indiqué et retenu.

Si on fait un peu l'historique, on se rend compte qu'il y a plusieurs années, en 1972, il y avait d'abord eu un énoncé de politique forestière qui avait donné lieu à un certain nombre d'actions et qui, à ce moment-là, avait contenté les gens de l'industrie et les gens qui se préoccupaient de l'avenir de la forêt au Québec. Mais, à partir du début des années quatre-vingt, on s'est rendu compte qu'il y avait un problème et qu'on n'arrivait pas à remplacer, à un rythme suffisamment rapide, la forêt qu'on utilisait, les utilisations qu'on en faisait. Là, on s'est rendu compte qu'il fallait agir d'une façon différente et corriger ce qui était en place depuis 1972. C'est la raison pour laquelle à partir de 1983 - pas depuis le 2 décembre 1985 - le gouvernement précédent avait mis en place un programme de reboisement important, le premier programme de reboisement efficace, sérieux, de l'histoire du Québec. Ce programme de reboisement n'était pas suffisant. C'était l'opinion du gouvernement précédent. C'est la raison pour laquelle, quelques mois plus tard, le ministre de l'époque, responsable de ces questions d'énergie et de ressources, M. Duhaime, avait publié un document sur la problématique du secteur forestier.

Donc, au mois de juin 1984, les intervenants et les gens qui s'intéressent à cette question au Québec... C'est une question importante. Il faut se rendre compte qu'il y a 10 % de la main-d'oeuvre, des gens qui travaillent au Québec qui travaillent d'une façon directe ou indirecte dans l'industrie forestière ou à cause de cette richesse naturelle qu'est la forêt. Je pense qu'on n'a pas besoin de faire de dessin à personne pour expliquer que le Québec est l'un des grands producteurs forestiers du monde et que notre économie est, en partie, basée sur cette richesse naturelle. Il était donc important qu'on s'attaque à la problématique de l'utilisation et de la régénération de notre forêt au Québec et il fallait le faire parallèlement à la mise en oeuvre et à l'opérationnalisation du programme de reboisement.

Ce document de consultation a donné lieu effectivement à une consultation. Ce document qui établissait la problématique a donné lieu à une consultation qui s'est poursuivie pendant plusieurs mois et qui a donné lieu, un an plus tard, à la publication, au mois de juin 1985, d'un livre blanc. Un livre blanc, c'est un énoncé de politique gouvernementale. Ce sont les choix politiques que le gouvernement fait à l'égard d'une question en particulier. Or, notre collègue, le député de Joliette, qui était, à l'époque, ministre délégué aux Forêts...

Une voix: Laviolette.

M. Charbonneau: Laviolette, pardon... a publié ce livre blanc qui s'intitulait Bâtir une forêt pour l'avenir.Finalement, quand on veut être honnête, Mme la Présidente, et regarder ce que nous avons aujourd'hui par rapport à ce qui a été fait par le précédent gouvernement, on doit reconnaître que le ministre délégué aux Forêts a fait un travail sérieux, mais a fait un travail dans la foulée de ce que ses prédécesseurs avaient accompli. Il n'a pas inventé le monde. Il n'a pas commencé une action. Il a poursuivi une action qui avait été entreprise par le gouvernement précédent, et c'était son devoir de le faire. Quand on entend les députés libéraux encenser leur ministre délégué aux Forêts, on est obligé de les rappeler à l'ordre et leur dire: Écoutez, vous pouvez toujours vous encenser, vous féliciter, vous congratuler, mais il y a peut-être un moment où cela frise l'indécence et il faut rappeler les événements, il faut rappeler les faits, il faut les situer dans une perspective qui permet à tout le monde de porter un jugement et en même temps de reconnaître que c'est une oeuvre collective des députés et des dirigeants politiques depuis un certain nombre d'années déjà que d'agir sur un problème fondamental à l'égard de l'économie québécoise.

Le travail que l'actuel ministre a fait, c'est quoi? C'est d'arriver, lui aussi - on dirait que c'est à tous les mois de juin qu'on intervient dans le dossier forestier - en juin 1986, de nous présenter un avant-projet de loi, qui comportait alors 113 articles, et qui,

de l'avis de plusieurs, comportait de nombreuses failles par rapport au document qui avait été publié un an plus tôt par son prédécesseur. Beaucoup d'organismes ont demandé une consultation particulière et, finalement, le gouvernement s'est rendu à l'évidence qu'il fallait effectivement donner l'occasion à nouveau aux gens de l'industrie, aux travailleurs de cette industrie et aux scientifiques qui sont intéressés par l'évolution de ce dossier de se faire entendre.

J'ai moi-même présidé la commission de l'économie et du travail, la consultation particulière de la fin d'août et du mois de septembre. Cette consultation particulière s'est échelonnée sur six jours. On a entendu plusieurs intervenants ayant même reçu des mémoires qui ont été analysés, je pense bien, à la fois par le ministre et par notre collègue, le député de Duplessis, notre critique en matière de forêt. Cela a permis finalement au ministre de se rendre compte qu'il fallait qu'il refasse ses devoirs et qu'il était important de revoir le document que son prédécesseur avait préparé, revoir le projet de loi à la lumière à la fois de ce document et des opinions qui ont été émises à l'occasion de cette consultation particulière.

Cela a donc amené le ministre, à la mi-novembre, juste au moment où il fallait absolument déposer tous les projets de loi selon les règlements de l'Assemblée, à nous présenter le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi 150 qui, comparativement à l'avant-projet de loi qui comportait 113 articles, en comporte 228.

Déjà, je pense que par rapport à ce que notre collègue, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, nous a dit, on voit que le ministre avait fait ses devoirs mais on a raison de lui indiquer qu'il va trop vite, qu'il y a un certain nombre de choses importantes à vérifier, qu'il y a des choses qu'il n'a pas prises en considération et qu'il doit prendre en considération. Il y a des questions importantes qu'il doit réévaluer.

Le nombre d'articles additionnels nous indique que, effectivement, le ministre a su écouter. Je pense qu'on doit reconnaître cela. Néanmoins, il demeure un certain nombre de questions inquiétantes et de questions qui, à notre point de vue, sont inacceptables. Mais, néanmoins, dans l'ensemble, je crois qu'on a devant nous un projet de loi qui mérite une attention et un accueil favorable. C'est ce que notre critique et les collègues qui m'ont précédé nous ont indiqué, Mme la Présidente.

Nous allons voter pour ce projet de loi. Nous espérons, cependant, que le ministre continuera d'avoir une attitude d'ouverture comme il l'a eue depuis le dépôt de son avant-projet de loi et qu'il participera à l'étude détaillée du projet de loi en comprenant que les interventions qui seront faites par le député de Duplessis sont des interventions qui non seulement visent à l'aider à faire son travail législatif et son travail de direction, mais à faire en sorte que les industriels, que les travailleurs et que l'ensemble de la société québécoise se retrouvent avec un projet de loi qui soit le plus acceptable possible, le plus parfait possible, étant entendu que la perfection n'est pas de ce monde, mais selon ce que mon collègue, le député de La Peltrie, me suggère, le plus complet possible. Je crois que ce que nous devons espérer, c'est que non seulement il soit complet mais qu'il soit le plus adapté à l'égard des défis et des problèmes qui se posent dans cette industrie et qui se posent à l'égard du renouvellement de cette richesse naturelle.

La forêt est une richesse naturelle renouvelable à condition qu'on prenne les moyens pour la renouveler. À cet égard, le ministre doit porter une attention particulière à partir de maintenant aux problèmes qui ont été soulevés dans l'intervention du député de Duplessis. Mais, avant de voir un certain nombre de ces questions, je voudrais souligner une question qui, à mon avis, apparaît un peu inquiétante et illogique dans l'attitude et le processus que le gouvernement a choisi d'adopter. Quand nous avons vu le ministre déposer le projet de loi 150 à la mi-novembre, nous l'avons vu également déposer un autre projet de loi, celui-là concernant les terres publiques. Normalement... je voudrais demander à mes collègues de l'autre côté s'ils pourraient me laisser intervenir avec un peu plus de silence. Cela nous permettrait de nous concentrer plus facilement lors de ses interventions. (21 h 10)

Mme la Présidente, le projet de loi 102 concernant les terres publiques vise à définir les terres publiques. Il vise à établir un processus d'affectation des terres. Je pense qu'à l'évidence même le projet de loi 102 doit être considéré, étudié, adopté au moins en même temps, sinon avant le projet de loi 150. Or, c'est ce qu'au départ le ministre voulait faire. À ce moment, nous n'avions aucune objection, aucun reproche à lui faire.

Ce qu'on apprend, c'est que le gouvernement a décidé de faire marche arrière. Enfargés par l'amateurisme du leader du gouvernement à l'égard de la planification des travaux parlementaires, le ministre et le gouvernement... Finalement, l'ensemble de la société québécoise intéressée par ce document voit le gouvernement retraiter sur le projet de loi 102 et nous indiquer que, parce que là aussi on avait convenu qu'il y aurait une consultation particulière au cours du mois de décembre, dans les prochains jours, là, le gouvernement recule et décide de ne pas faire cette consultation particulière et de ne pas adopter le projet

de loi 102.

Ce qui m'inquiète... Moi, je ne suis pas un spécialiste des questions forestières et je pense que les gens qui nous écoutent vont aussi comprendre que c'est inquiétant: Comment va-t-on ici adopter et donner les moyens au ministre délégué aux Forêts d'intervenir dans le secteur forestier plus efficacement, avec un projet de loi plus adapté aux défis de l'heure et aux défis des années à venir, quand le projet de loi qui devait encadrer, délimiter l'action dans le secteur forestier, c'est-à-dire le projet de loi concernant les terres publiques, lui, restera en plan sur les tablettes et sur la planche de travail ici à l'Assemblée nationale? J'arrive difficilement à comprendre les raisons qui ont motivé le ministre à accepter une telle attitude. Je crois que, si le ministre délégué aux Forêts s'était fait plus insistant, peut-être aussi s'il était plus influent - on ne peut pas lui en faire reproche, c'est un nouveau ministre et aussi un nouveau député - mais, s'il était plus insistant et plus influent à l'intérieur du gouvernement, peut-être aurait-il réussi à convaincre le leader du gouvernement et l'ensemble de ses collègues qu'un certain nombre d'autres lois dont on va débattre longtemps au cours des prochaines semaines ne sont finalement pas tellement urgentes et que, par ailleurs, ces projets de loi qui concernent 10 % de la main-d'oeuvre québécoise, des gens qui travaillent au Québec, et qui concernent une des industries de base du Québec, ces projets de loi, eux, mériteraient qu'on y travaille sérieusement au cours de ce mois de décembre, au cours des trois prochaines semaines. Non. Le gouvernement a décidé de présenter des projets de loi qui modifient la loi 101, alors que personne dans la société québécoise, à l'exception des bailleurs de fonds du gouvernement dans le West Island, personne n'a demandé au gouvernement de modifier et de charcuter la loi 101. Personne n'a demandé au gouvernement d'agir de la sorte. Mme la Présidente, est-ce qu'il serait possible de demander à mes collègues...

La Vice-Présidente: Là-dessus, je demanderais un peu la collaboration de la Chambre parce que effectivement on entend un peu jacasser de part et d'autre de sorte que cela peut déranger et le député et la présidente qui doit faire respecter les règlements. Là-dessus, je demanderais la collaboration de tout le monde. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci. Je vous expliquais et je l'expliquais surtout au ministre qu'il aurait dû et il devrait encore tenter de convaincre ses collègues du cabinet, et en particulier le leader du gouvernement, de mettre la pédale douce sur leur volonté de passer à la vapeur un certain nombre de projets de loi et faire en sorte que la consultation qu'on nous avait promise et annoncée à l'égard du projet de loi sur les terres publiques puisse se faire et que les discussions qui doivent être faites autour de ce projet de loi sur les terres publiques et, également, autour du projet de loi qui est en discussion actuellement, le projet de loi sur la forêt, l'industrie forestière, puisse se faire et qu'on se retrouve au début de 1987 avec un ensemble de lois cohérentes adaptées et prêtes à être mises en vigueur par le gouvernement. Ce que l'on craint de ce côté-ci de la Chambre, c'est que le manque de cohérence du gouvernement fasse en sorte qu'on commence probablement à appliquer le projet de loi à l'égard de la politique forestière sans avoir en main les instruments, les modalités et le cadre de référence que représente le projet de loi 102 sur les terres publiques.

Mme la Présidente, je vous ai indiqué qu'il y avait plusieurs modifications à apporter au projet de loi 150, plusieurs modifications et des points inquiétants. J'ai demandé au ministre d'écouter attentivement les propositions qui seront faites par le député de Duplessis et, également, de considérer la possibilité, puisqu'il était prêt à le faire sur le projet de loi des terres publiques, de faire une nouvelle consultation plus courte, bien sûr, que celle qui a déjà été faite à la fin de l'été, une brève consultation d'une journée ou deux sur ce projet de loi, étant donné que, depuis le dépôt du projet de loi spécifique et depuis la discussion que nous avons eue sur l'avant-projet de loi, un certain nombre d'organismes importants ont fait de nouvelles représentations. Étant donné que le projet de loi 150 concerne, et je le répète, un secteur important de l'activité économique du Québec, il serait normal que l'on prenne ici, à l'Assemblée nationale, toutes les précautions pour s'assurer que les opinions les plus éclairées dans cette industrie puissent être évaluées au mérite par le gouvernement et par les membres de la commission de l'économie et du travail qui auront à étudier ce projet de loi, article par article, pour faire en sorte que - et ce n'est pas un défi du Parti libéral, ce n'est pas un défi du Parti québécois, c'est un défi de société, c'est un défi collectif - nous puissions avoir, à l'égard de l'exploitation de la richesse naturelle qu'est notre forêt, un instrument d'intervention plus adapté au défi que représente la concurrence internationale, et au renouvellement et à la protection de cette richesse naturelle.

Je termine en vous indiquant, Mme la Présidente, que nous espérons sincèrement de ce côté-ci que le ministre délégué aux Forêts accepte cette demande qui, je pense, est raisonnable, d'autant plus qu'il avait lui-même déjà prévu deux jours de consultations

particulières concernant le projet de loi 102 sur les terres publiques. Puisqu'il a lui-même décidé de se rendre à l'impératif sans doute stratégique du leader du gouvernement de retirer le projet de loi 102 et donc de retirer la consultation particulière, au moins qu'il permette aux spécialistes et aux intervenants qui ont un éclairage important à ajouter à l'égard du projet de loi 150, qu'il leur permette d'apporter cet éclairage et d'intervenir à nouveau dans une consultation particulière qui serait limitée, qui serait relativement brève et qui permettrait aux parlementaires de faire une étude détaillée article par article et de donner au ministre délégué aux Forêts un meilleur instrument d'intervention pour qu'il puisse rendre la loi opérante dès le début de 1987. C'est la raison pour laquelle nous faisons cette demande et nous espérons que le ministre, Mme la Présidente, saura reconnaître à la fois l'ouverture d'esprit et la bonne collaboration qu'on lui a donnée jusqu'à maintenant de ce côté de la Chambre et en même temps la pertinence de la suggestion que nous lui faisons présentement. Merci, Mme la Présidente.

Une voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Verchères. M. le député de Prévost.

M. Paul-André Forget

M. Forget: Mme la Présidente, nous sommes appelés à débattre l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur les forêts.

Mme la Présidente, le projet de loi 150 propose une réforme du régime juridique des forêts du domaine public de même qu'une refonte et une mise à jour de la loi portant sur la protection des forêts, la mise en valeur des forêts privées ainsi que sur l'utilisation et la transformation du bois. En tant que législateurs, nous sommes tous conscients que la forêt a un rôle important à jouer dans le développement économique de la province de Québec, de l'État québécois. La sauvegarde de ce rôle exige des mesures nécessaires qu'on retrouve dans le projet de loi 150 en vue d'instaurer un nouveau régime forestier au Québec. (21 h 20)

En effet, Mme la Présidente, lorsqu'on parle de la sauvegarde de nos forêts avec le projet de loi 150, on pense à l'importance de ce secteur dans notre économie. Lors de la cérémonie d'ouverture de la semaine de l'arbre et de la forêt le 26 mai, le ministre délégué aux Forêts soulignait cette importance dans notre économie, et je cite: Les arbres ne font pas qu'embellir notre environnement; avec le bois qu'ils nous fournissent, ils nous permettent de vivre plus confortablement. L'exploitation de la matière ligneuse soutient l'existence d'une centaine de municipalités québécoises et fournit du travail à 10 % de notre main-d'oeuvre. 57 usines fabriquent des pâtes et papiers et plus de 2000 autres transforment le bois en milliers de produits et sous-produits qui agrémentent notre vie de tous les jours.

De plus, le projet de loi 150 sur la forêt, Mme la Présidente, s'attaque enfin efficacement aux problèmes fondamentaux qui menacent ce potentiel industriel d'envergure que constitue la forêt du Québec. Tel que cela s'imposait depuis longtemps, on propose des mesures propres à la fois à résoudre les problèmes suivants: le maintien et même la reconstitution du couvert forestier, la protection de l'ensemble des ressources du milieu forestier et l'harmonisation des activités qui s'exercent en forêt.

Ce projet de loi 150 sur la forêt résulte d'une approche rigoureuse impliquant tous les intervenants concernés, notamment une consultation élaborée avec de multiples intervenants lors de la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur la forêt. Il résulte également d'une collaboration intensive de plusieurs ministères, dont le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère de l'Environnement et le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Pour cela, je félicite le ministre délégué aux Forêts. Ce travail intensif des experts de ces ministères apparaît d'ailleurs de façon évidente dans l'allure très systématique et très rationnelle du projet de loi 150 sur les forêts à l'image du gouvernement que nous représentons.

Mme la Présidente, le projet de loi 150 va enfin au-delà des seules considérations économiques à court terme en se préoccupant également non seulement du couvert forestier, mais aussi d'aménagement forestier à des fins expérimentales de formation et de recherche. D'ailleurs, la recherche, c'est très important, étant donné, par exemple, les recherches remarquables effectuées au Québec dans le domaine de la foresterie, de même qu'une maîtrise de plus en plus affirmée des Québécois dans le domaine de la biotechnologie. En se préoccupant de l'aspect scientifique de l'aménagement de la forêt, le projet de loi 150 ouvre la voie à un avenir des plus prometteurs. On peut espérer une accélération de la croissance et on peut prévoir un contrôle efficace des maladies. On peut surtout prévoir que les générations futures pourront, elles aussi, compter sur la forêt pour leur bien-être.

Concernant, Mme la Présidente, cette nouvelle approche qui impose à ceux qui récoltent de se préoccuper de l'aménagement de la forêt, reconnaissons qu'il a fallu longtemps pour que le Québec soit dirigé par

un gouvernement assez énergique et responsable pour agir au cours de la dernière décennie. L'actualité n'a pu souligner que la menace de plus en plus certaine de rupture des stocks sans jamais pouvoir rapporter une seule mesure concrète de correction. Cette approche, également nouvelle, vise à impliquer simultanément les organismes de protection, les bénéficiaires de contrats d'approvisionnement, les propriétaires de forêts privées et le ministre de l'Énergie et des Ressources pour contrer ensemble les problèmes relatifs aux incendies, maladies et épidémies. Cette mesure constitue un des nombreux exemples du travail efficace et rationnel du projet de loi 150 sur la forêt.

Enfin, en établissant le principe que tous les bois récoltés au Québec dans le domaine public doivent être transformés au Québec, le projet de loi 150 témoigne d'une formule rationnelle remarquable non seulement en se préoccupant du maintien du couvert forestier, non seulement en voyant à l'aspect scientifique de l'aménagement de la forêt, non seulement en organisant la lutte aux incendies et aux épidémies, mais en veillant aux retombées économiques et industrielles du bois. Le projet de loi 150 constitue par conséquent un événement majeur pour le maintien du développement économique de ce secteur de l'économie québécoise. Cette transformation du bois au Québec engendre évidemment une activité économique créatrice d'emplois nombreux, indispensables à notre population surtout chez les plus jeunes de nos travailleurs parmi lesquels le chômage sévit de façon pénible dans certaines régions. On cessera d'exporter autant d'emplois en veillant ainsi sur la transformation des bois récoltés dans le domaine public.

Enfin, la mécanisation des opérations forestières a fait de cette industrie une industrie moderne laquelle exige, par conséquent, pour être rentable un mode d'opération continu capable de planifier des opérations sur une période suffisante pour justifier les investissements requis. Ces opérations exigent également une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée qu'il faut former. Il importait que le projet de loi 150 établisse un cadre de travail dûment défini, établisse des règles de gestion efficace de nos forêts. En bref, il importait que la loi relative aux forêts soit à la hauteur des investissements massifs que l'industrie a réalisés récemment au Québec, notamment, des 5 000 000 000 $ investis par les industries québécoises du sciage et des pâtes et papiers. Par le projet de loi 150 sur les forêts, le gouvernement du Québec démontre un sens des responsabilités compatible à celui des investisseurs, si nous voulons conserver nos acquis.

Au-delà de ces mesures efficaces proposées dans le projet de loi 150, ce qui retient l'attention, c'est le courage démontré par le gouvernement et le ministre délégué aux Forêts dans cette mise en ordre de l'exploitation des forêts de la province de Québec. Ce qui retient l'attention, c'est le sens des responsabilités démontré par le gouvernement. Pourtant, ces mesures s'imposaient depuis plusieurs années. C'est tout à l'honneur du gouvernement, si peu de temps après avoir pris en main la direction du Québec, d'avoir agi aussi rapidement et aussi efficacement. Le projet de loi 150 recevra, j'en suis assuré, l'appui de tous ceux qui ont à coeur la sauvegarde de nos forêts et de nos emplois que l'exploitation des forêts engendre. Le projet de loi 150 sur la forêt constituera bientôt un sujet de fierté pour tous ceux qui, comme moi, auront eu l'occasion de l'appuyer. J'appuie le projet de loi 150. Merci.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Prévost. Mme la députée de Marie-Victorin. (21 h 30)

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Oui, Mme la Présidente. Ce soir, nous devons nous pencher sur le projet de loi 150 sur les forêts. Il eut été évidemment beaucoup plus agréable de pouvoir discuter a la fois et des forêts et des terres, parce que les deux aspects sont intimement liés. Encore une fois, nous avons à faire à l'incohérence de ce gouvernement, ce gouvernement auquel on dit toujours: Agis en peu de temps, rapidement. Effectivement, Mme la Présidente, je suis obligée d'admettre avec vous que c'est un gouvernement qui agit en peu de temps et rapidement, mais non pas toujours dans le sens de la voie de l'expérience.

Ce gouvernement se disait, il y a deux ans, être la voie de l'expérience. Où en est-elle, cette expérience? Elle en est toujours à ce parti de "jingle" qui nous reçoit tous les jours à l'Assemblée nationale sur un air de bossa-nova: C'est la faute à l'ancien gouvernement! Mais jamais encore ce gouvernement n'a commencé à gouverner.

Nous sommes d'accord avec ce projet de loi, sur son fondement, mais pas sur les modalités, pas sur ses principes d'application, parce qu'il reste trop de choses qui n'ont pas été couvertes, trop de choses qui n'ont pas été étudiées. Ce projet de loi n'est pas l'objet du point de départ. Comment voulez-vous, dans une cohérence, dans une qualité, pouvoir donner force de loi à un projet qui repose sur une autre loi qui n'est même pas adoptée?

J'aimerais peut-être que ce gouvernement prenne un peu plus son temps et arrive

avec des projets de loi cohérents, efficaces et qui ne font perdre le temps de personne. Ce qui fait perdre le temps, ce n'est pas juste de passer des lois à toute vapeur, c'est vraiment, une fois les lois bien prises, bien faites, bien pensées, pour leur application et leur compréhension, permettre aux personnes, qui doivent les mettre en application, de ne pas perdre de temps.

Qu'est-ce qui arrive avec des lois semblable? Consultations par-dessus consultations pour essayer de comprendre où on s'en va, quels seront les impacts pour l'ensemble des travailleurs. Beaucoup de travailleurs des syndicats forestiers se posent énormément de questions sur ce projet de loi. Là aussi, on est allé très rapidement. Pour ce gouvernement, les questions des travailleurs et des syndicats, hou! il ne faut pas trop en parler, c'est tracassant, c'est fatigant; il faut y aller à la sauvette, avec les travailleurs et les syndicats. Quand ils parlent trop fort, c'est la muselière, avec ce gouvernement. On l'a vu par certaines lois qu'ils ont passées il n'y a pas si longtemps.

Ah! Mme la Présidente! Nous en sommes toujours au projet de loi où on nous dit qu'il faut aller rapidement. Nous sommes un bon gouvernement parce que nous sommes rapides, nous autres. C'est un peu comme les McDonald et les "Big Mac", on ne sait pas ce qu'on mange mais c'est rapide et cela remplit le ventre. C'est à peu près ce que ce gouvernement nous donne actuellement.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je demanderais la collaboration de la Chambre. J'aimerais bien reconnaître le droit de parole à chacun, qu'on puisse l'entendre. Là-dessus, je demande votre collaboration. Mme la députée de Marie-Victorin, vous pouvez continuer.

Mme Vermette: Pour ces gens, leur nourriture, ce n'est peut-être pas des "Big Mac" mais, pour la population, cela leur suffit qu'on leur donne des "Big Mac". Je comprends qu'ils puissent réagir!

C'est un gouvernement qui se soucie peu de la qualité de vie sous tous ses aspects. Je pourrais en discuter, mais on pourra me dire que je fais de grandes parenthèses. Je n'ai qu'à penser aux handicapés, à ce qu'on fait aux personnes handicapées. Je peux vous dire que la qualité de vie, ce n'est pas tout à fait le souci, la préoccupation des gens d'en face actuellement.

Une société démocratique permet à tous de s'exprimer et tient aussi compte de la volonté des principaux intéressés. Le rôle d'un gouvernement est d'arriver à établir des consensus, d'arriver à établir des compromis, et c'est un langage qui fait défaut à ce gouvernement. C'est la voie de la dictature. Quand c'est dit, c'est pensé par des maîtres à penser et par des chefs qui se sentent au-dessus de toute mêlée. Mais, on arrive là où on arrive et je vous garantis qu'en ce qui concerne le tissu social c'est la dernière préoccupation de ces gens-là. Établir des consensus, ils ne connaissent pas ça; établir des compromis, encore bien moins. On a juste à regarder ce qui se passe ces derniers temps. Tout le monde descend dans la rue. Et pourtant, nous vivions dans une paix relative, dans le calme au cours de ces dernières années. Mais, cela a pris un an pour que tout le monde redescende dans la rue. Finalement il...

M. Perron: Que la Sûreté du Québec sorte les matraques.

Mme Vermette: ...ne faudrait pas que la Sûreté du Québec sorte les matraques parce que là, on n'en reviendra plus. Cela fait penser à certains événements qui ont été très douloureux pour bien du monde.

M. Chevrette: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Chevrette: Vous savez qu'en vertu de nos règlements un député qui doit prendre la parole doit vous la demander. Que je sache, depuis le début de l'intervention de Mme la députée de Marie-Victorin, plusieurs députés l'interrompent de toutes sortes de façons. Je ne voudrais pas être dans l'obligation de les nommer par leur nom ce soir.

La Vice-Présidente: Cela étant dit, je vais remettre la parole à Mme la députée de Marie-Victorin. Je demande la collaboration de la Chambre. Puisque l'on est sur le projet de loi 150, sans être trop restrictive sur l'interprétation de l'article 239, j'aimerais pouvoir entendre discuter du projet de loi 150.

Là-dessus, Mme la députée de Marie-Victorin, je vous redonne la parole.

Mme Vermette: Je vais parler de l'écologie des lieux, Mme la Présidente. Cela fait partie aussi des politiques forestières, cela fait partie de l'environnement. Je pense que c'est très important quand on parle de qualité de vie. Justement les forêts font partie d'une qualité de vie parce que quand elles sont en bonne santé elles appartiennent à un environnement qui favorise l'ensemble de la population. Avoir un environnement sain c'est important pour elle; c'est de l'oxygène que d'avoir des forêts en bonne santé. C'est un peu d'oxygène dont on a tous besoin dans notre société à l'heure actuelle, parce qu'on risque d'en manquer dans peu de

temps.

En ce qui concerne le projet de loi -quand on parle de nos forêts, c'est une de nos plus grandes richesses, une richesse importante pour le Québec - nous avons toujours été favorables à l'expansion de la forêt et à prendre toutes les mesures nécessaires pour que nos forêts demeurent cette richesse appelée par une de mes collègues, l'or vert du Québec. Je pense que c'était un terme très bien choisi parce que c'est une des plus grandes richesses sur laquelle nous pouvons compter, qui favorise énormément de développements de différents aspects, dans différentes sphères.

Il aurait été préférable évidemment, avant d'entreprendre l'adoption à toute vapeur de ce projet de loi 150, de bien faire la part des choses, de bien étudier ce projet de loi et de voir tout son impact. Beaucoup de choses sont restées de côté, beaucoup de choses sont restées en suspens et en plus on apporte une nouvelle vision des choses. Qu'arrivera-t-il en ce qui concerne justement les terres et forêts? Nous n'en savons rien encore, nous avons simplement des projets de loi qui sont déposés devant nos yeux et nous sommes encore devant un fait accompli, un constat. Un gouvernement à pas feutrés qui dit toujours que tout va bien, qu'il n'y a rien, qu'il ne faut pas s'en faire. Ne vous en faites pas, faites-nous confiance, on est là pour vous protéger et aller dans le sens que nous avons décidé et aider nos amis à faire plus d'argent. C'est à peu près le style du gouvernement qu'on a et c'est le genre de loi que ces gens-là veulent nous faire adopter.

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Mme la Présidente, si vous sentez le besoin de vous lever, imaginez-vous que nous aussi. Je suis responsable de l'application des règlements pour notre formation politique. Je vous rappelle que ce sont toujours les mêmes. Quand vous faites remarque, je demande la collaboration de la Chambre, j'aimerais que vous demandiez la collaboration du gouvernement et non pas de la Chambre comme telle. Il y a deux partis dans cette Chambre et, que je sache, ce n'est pas nous qui interrompons notre collègue. (21 h 40)

La Vice-Présidente: Je demande la participation. Il s'agit du droit de parole de la députée rie Marie-Victorin. J'aimerais bien l'entendre. Il y a quelquefois tellement de conversations en cette Chambre que j'ai de la difficulté à suivre la députée de Marie-Victorin et, compte tenu que je peux avoir de la difficulté, je peux également avoir de la difficulté à faire respecter le règlement.

Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît, vous pouvez continuer!

Mme Vermette: Oui, Mme la Présidente. Je comprends que vous pouvez avoir certaines difficultés parce qu'il y a tellement de manque de coordination et de cohérence au gouvernement que ce n'est pas toujours facile de suivre.

Mme la Présidente, je voudrais vous dire, malgré tout ce que j'ai pu dire, que je n'en ai pas contre le projet de loi, mais c'est la façon dont on s'y prend pour présenter les projets de loi. Il y a des nuances à apporter en cette Assemblée nationale et je pense que c'est important qu'on les soulève. Il faut toujours, quand on est pris à la gorge, dire tout de suite: Oui, oui, oui, sans penser, sans réfléchir, comme si les choses, les événements allaient de soi. Il y a toujours un impact. Des retombées, c'est important.

Mme la Présidente, je veux vous dire que l'implantation est toujours la phase la plus importante et la plus fragile. Quand on ne prend pas le temps, avant, de faire une bonne cueillette des données et une bonne analyse, la phase d'implantation est toujours la plus difficile. C'est là qu'arrivent les problèmes et c'est là que surgissent justement les difficultés auxquelles on ne voudrait pas faire face. C'est là aussi que réagissent nos syndicats et les travailleurs parce qu'ils se sentent lésés, ils se sentent bousculés comme s'ils n'avaient pas de place, comme s'ils n'avaient pas leur mot à dire. Je pense que ce sont les principaux intéressés. Les gens de la base ont un mot à dire et il faut leur laisser une place.

Mme la Présidente, c'est dommage, mais on nous a d'abord présenté un projet de loi qui comptait quelques articles et, actuellement, c'est un projet de loi dont le nombre d'articles dépasse largement du double ceux qu'on avait au point de départ. Il faudrait qu'on fasse cela rapidement, à la sauvette, comme ça, de même. Je dis: Non, Mme la Présidente, c'est impensable. Par contre, à cause de l'urgence au Québec de se doter d'une politique forestière, j'ose espérer que nous pourrons aller beaucoup plus loin. J'ose espérer qu'on aura, avec le projet de loi 102, à aller beaucoup plus loin et à permettre à tous ces gens-là de se faire entendre afin qu'on ait de la cohérence dans ce gouvernement et que l'ensemble des Québécois et des Québécoises pourront bénéficier justement d'un gouvernement qui peut appliquer des lois dans le sens de la collectivité des Québécois et des Québécoises.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Est-ce qu'un député de la majorité ministérielle voulait intervenir, Mme la Présidente?

La Vice-Présidente: M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Je vois un whip adjoint qui indique à un de ses collègues de prendre la parole. Je prendrai la parole par la suite, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député...

M. Rochefort: On peut suspendre. Non, on va...

La Vice-Présidente: M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Vous comprendrez, Mme la Présidente, que je voulais respecter la pratique et la tradition en cette Chambre de l'alternance. Je ne voulais d'aucune façon empêcher le député de Sainte-Anne, qui est whip adjoint de sa formation politique, de permettre à un de ses collègues de prendre la parole sur cet important projet de loi.

Mme la Présidente, je désire m'associer à mon collègue, le député de Duplessis, porte-parole de notre formation politique pour le secteur de la forêt, dans le cadre de cet important projet de loi qui est ici à l'étude en deuxième lecture ce soir, soit le projet de loi 150, Loi sur les forêts. Le projet de loi qui est devant nous, pourrait-on croire, ne devrait probablement pas intéresser un député d'une région urbaine, d'une région fortement peuplée, par surcroît, de la région de Montréal, et, encore plus, d'un des deux comtés les plus densément peuplés de tout le Québec. Si j'ai choisi d'utiliser mon droit de parole pour participer à cet important débat qui nous regroupe tous ensemble ce soir, c'est qu'il faut reconnaître tous ensemble que la forêt, c'est quelque chose d'absolument majeur dans le développement économique du Québec. On sait qu'il y a au-delà de 250 000 hommes et quelques femmes, mais au-delà de 250 000 personnes qui gagnent leur vie de la forêt au Québec. Ces 250 000 personnes représentent près de 10 % de la force de travail totale du Québec. Cela indique donc jusqu'à quel point, à elle seule, la forêt est une ressource de premier plan pour le développement économique du Québec et aussi dans cet équilibre qui doit régner, qui doit bien exister entre les régions ressources du Québec que sont, par exemple, la Côte-Nord, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, la Haute-Mauricie, l'Abitibi, le nord des Laurentides, une partie de l'Outaouais, le Bas-Saint-Laurent—Gaspésie aussi, ces régions-ressources qui ont un rôle considérable à jouer dans ce développement économique du Québec par rapport à des régions plus identifiées comme régions consommatrices que sont la grande région de Montréal et la grande région de Québec. En ce sens, je pense qu'il faut que l'Assemblée nationale s'intéresse beaucoup à ce qui se passe dans nos forêts pour bien assurer cet équilibre dans le partage des responsabilités, dans le partage des fonctions entre les régions-ressources et les régions consommatrices que sont les grandes régions urbaines du Québec.

Mme la Présidente, je dois toutefois souligner ma déception, mon regret et surtout ma surprise de débattre ce soir du projet de loi 150, alors que le gouvernement a maintenant décidé - il le formalisera dans les prochaines heures, nous dit-on - de retirer le projet de loi 102 sur le menu législatif. Je suis d'autant plus surpris qu'il n'y a pas plus longtemps que la semaine dernière, à l'occasion d'une motion déposée par mon collègue, le député de Roberval, qui souhaitait que soit reportée l'étude du projet de loi 150 de quelques mois pour permettre, véritablement, que les projets de loi 102 et 150 puissent cheminer ensemble, puissent être étudiés concurremment de façon telle que tout le monde l'a toujours compris, de façon telle que tout le monde l'a toujours expliqué, de façon telle que tout le monde a toujours présenté ces législations, elles puissent être étudiées ensemble parce qu'elles constituent dans les faits un tout...

Mme la Présidente, je suis surpris de me retrouver aujourd'hui en train de discuter du projet de loi 150 alors qu'on sait que le projet de loi 102 sera retiré dans les prochaines heures, d'autant plus, comme je le disais tantôt, que le ministre responsable du secteur de l'Énergie et des Ressources affirmait, pas plus tard que le 25 novembre, mardi dernier, ici même à l'Assemblée nationale, à la suite d'une motion de mon collègue, le député de Roberval, qu'il voulait justement reporter l'étude du projet de loi 150 pour qu'on puisse étudier les projets de loi 150 et 102 en même temps. Le ministre de l'Énergie et des Ressources disait, et je cite au texte: "Je peux assurer le député de Roberval et l'Opposition que c'est notre intention de faire adopter avant la fin de la session le projet de loi 102 qui a été présenté à l'Assemblée nationale et les deux projets de loi seront adoptés en même temps avant le 21 décembre."

Je poursuis la citation, Mme la Présidente: "Et mon collègue, le ministre délégué aux Forêts, va assurer l'Opposition qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le projet de loi sur les terres et la loi que nous discutons maintenant, loi sur le nouveau régime forestier."

Mme la Présidente, après un tel engagement, on ne peut plus formel du

ministre de l'Énergie et des Ressources, on se retrouve ce soir à discuter du projet de loi 150 alors qu'on nous apprend tout à coup que le projet de loi 102 est sorti du décor, reviendra on ne sait quand devant l'Assemblée nationale et on nous dit encore moins comment le projet de loi 150 pourra être bien imbriqué avec le projet de loi 102 le jour où le gouvernement se réveillera et décidera peut-être de rappeler le projet de loi 102 à l'étude des membres de l'Assemblée nationale.

Cette incohérence législative posera des préjudices importants aux hommes et aux femmes qui ont la responsabilité, tant dans l'administration publique que dans le secteur privé, d'organiser l'ensemble de ce secteur important pour notre économie. Je dois déplorer avec mes collègues de l'Opposition qu'on agisse de la sorte. Je déplore d'autant plus une telle façon d'agir, que le fait que le projet de loi 150 et que le projet de loi 102 ne soient plus maintenant étudiés en même temps de front dans toute la compatibilité qui existe et qui doit exister entre ces deux lois, n'est pas le fruit du hasard mais bien plus le fruit du fait que le ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre délégué aux Forêts, et l'ensemble de leurs collègues qui sont parties prenantes à ce dossier, ont pris des vacances un peu, pas mal, beaucoup trop longues au cours de l'été qui vient de s'écouler...

(21 h 50)

Une voix: C'est ça.

M. Rochefort: ...et l'on se retrouve avec un engorgement de projets de loi dans les travaux parlementaires du côté ministériel, et, là, on s'aperçoit que ces gens qui se sont reposés trop longtemps cet été, qui n'ont pas assumé pleinement et de façon responsable leur mandat d'élus du peuple, leur mandat de dirigeants gouvernementaux de la société québécoise, là on se retrouve dans une situation où on vogue d'une incohérence législative à une autre, où on sera incapable d'établir les compatibilités entre ces deux lois très importantes. Et, finalement, qui en sera perdant? Les hommes et les femmes qui, tant du côté de l'administration publique que du côté du secteur privé, ont la responsabilité de faire vivre, de donner du dynamisme et de la vitalité à ce secteur d'activité de première importance dans notre société, et, en fin de compte, ultimement, c'est toute la société québécoise et l'économie du Québec qui perdra de son dynamisme et de son importance à cause du fait qu'on est incapable, du côté de la majorité ministérielle, de bien planifier les travaux parlementaires pour faire en sorte que l'Assemblée nationale puisse discuter intelligemment, en toute cohérence, en toute connaissance de cause, de deux projets de loi qui sont décrits par le ministre de l'Énergie et des Ressources lui-même, pas par nous, par le ministre de l'Énergie et des Ressources lui-même, qui nous dit que ces deux projets de loi doivent être absolument discutés ensemble, qui nous dit que ces deux projets de loi doivent absolument cheminer ensemble.

Là, on se retrouve dans une situation où on apprend: Oui, on va faire 150 et 102 un jour, peut-être, si jamais on ne prend pas des vacances trop longues du côté du gouvernement dans la période des fêtes. Peut-être qu'on pourra le rappeler à la session du mois de mars et du mois d'avril prochains. Là, peut-être qu'on nous dira que le nouveau discours d'ouverture, le discours sur le budget, avec les débats de ces deux éléments importants de notre vie parlementaire en Chambre, feront en sorte qu'on se retrouvera peut-être encore une fois, en fin de session, dans le goulot d'étranglement des travaux parlementaires, en juin prochain avec là tout à coup l'étude du projet de loi 102. Là, on se demande si cela ne nécessitera pas un troisième projet de loi pour venir établir de façon parfaite la cohérence législative entre la loi 150 qu'on nous fait débattre ce soir et le projet de loi 102 que, peut-être, un jour on discutera dans les prochains mois, alors que, pourtant, on s'était engagé formellement à ce que ces deux projets de loi, parce que c'est la logique qui le veut, parce que ce sont les intervenants qui le commandent, soient discutés en même temps.

Mme la Présidente, je suis déçu de cette attitude absolument improvisée dans laquelle on nous fait aborder ces questions contrairement à ce que la logique voudrait et contrairement aux engagements pris par le ministre de l'Énergie et des Ressources lui-même, qui disait encore là parler non seulement en son nom, mais au nom du ministre délégué aux Forêts. Je veux aussi ajouter dans cette intervention que, du côté de la majorité ministérielle, on semble penser que le Québec est né le 2 décembre 1985. On pense qu'avant le 2 décembre 1985, il ne s'est rien passé au Québec. J'écoutais, tantôt, des députés de la majorité ministérielle féliciter le ministre délégué aux Forêts pour son courage, pour son sens des responsabilités, comme si c'était lui qui un matin s'était levé et avait conçu toute la réforme dont nous discutons ici ce soir.

La vérité a quand même ses droits. La franchise devrait pouvoir seoir ici à l'Assemblée nationale de façon prioritaire, primordiale. Le projet de loi qui est discuté ici ce soir, le projet de loi 150, est un projet de loi qui découle d'un livre blanc articulé, cohérent, complet, fouillé, qui a obtenu l'accord et fait le consensus de l'ensemble des intervenants, qui avait non pas été déposé par le ministre délégué aux

Forêts de l'actuel gouvernement, mais par le député de Laviolette alors qu'il occupait le poste de ministre délégué aux Forêts sous un gouvernement du Parti québécois.

Une voix: C'est vrai.

M. Rochefort: Finalement, quelle est la part de travail, de responsabilité, qui revient à l'actuel ministre délégué aux Forêts? C'est bien plus, M. le Président, celle d'être arrivé au bon moment, dans un ministère où l'essentiel du travail avait été fait par le député de Laviolette. M. le Président, c'est plutôt l'inverse qui serait anormal. Après tout ce travail qui a été fait par le député de Laviolette alors qu'il était ministre délégué aux Forêts, que le nouveau ministre délégué aux Forêts nous dise: Je n'ai pas eu le temps de poursuivre le travail du député de Laviolette, je n'ai pas eu le temps de faire mes devoirs, je n'ai pas eu le temps de compléter les dossiers, on va reporter cela d'un an ou un an et demi; cela aurait été grave; cela aurait été une erreur. Mais que le ministre délégué aux Forêts vienne prendre le train là où il est rendu le 2 décembre 1985 et poursuive le travail qui était largement amorcé sous la gouverne du député de Laviolette, je crois que, au minimum, on n'a pas à parler de courage politique, on a simplement à reconnaître qu'un ministre a fait le travail pour lequel il a été élu et pour lequel il a été nommé, mais pas plus que cela, Mme la Présidente.

Il faut rappeler, comme je l'ai dit tantôt, que ce projet de loi découle d'un travail amorcé d'abord par une prise de conscience importante, pertinente et fondée, faite par le député de Laviolette et le gouvernement du Parti québécois auquel j'ai appartenu, quant aux problèmes de notre forêt et que l'ensemble des intervenants souhaitaient voir corriger. Quant à ce qui devait être fait pour que ce secteur de notre activité économique soit en mesure de donner son plein rendement, qu'il puisse jouer son rôle à fond dans le développement économique du Québec, cela fut un constat et ensuite un livre blanc a été déposé par le député de Laviolette sur lequel il a tenu une large consultation de l'ensemble des intervenants dans tout le Québec pour aboutir aujourd'hui au projet de loi 150.

Ce projet découle d'un avant-projet de loi qu'avait déposé le ministre mais qui, de toute évidence, n'était pas satisfaisant puisque cet avant-projet de loi qui comportait à peine 113 articles, a fait l'objet de longues discussions en commission parlementaire où presque tous les intervenants sont venus souligner combien il fallait compléter cet avant-projet de loi mal rédigé et combien il était important et essentiel qu'on le complète, combien il était important qu'on y ajoute des chapitres complets pour qu'on puisse donner à cette réforme, pour qu'on puisse donner au livre blanc du député de Laviolette son plein rendement, sa pleine mesure. Et là, tout à coup, on se retrouve quand, Mme la Présidente? À la toute fin de la session, avec non plus un projet de loi de 113 articles, mais avec un projet de loi de 228 articles que le gouvernement a décidé de faire adopter ici, à la vapeur, de nuit, en commission parlementaire où on mettra de la pression sur les élus du peuple pour se retrouver peut-être avec un projet de loi sur les forêts qui sera rempli de trous, qui ne sera pas bien ficelé, parce qu'on aura tenté de le faire adopter à la vapeur. Non seulement on aura tenté de le faire adopter à la vapeur, mais on tente du côté du gouvernement libéral de le faire adopter sans son pendant qu'est le projet de loi 102 qui nous avait été décrit comme devant constituer un tout avec le projet de loi 150.

Donc, on se retrouvera non seulement dans une situation où on travaillera à la vapeur, mais avec un projet de loi 150 qui sera un peu une patte en l'air jusqu'au jour où, peut-être, si jamais ils ne prennent pas de vacances trop longues au cours des fêtes qui viennent, on rappellera le projet de loi 102 qui vient compléter et qui est une partie prenante d'un tout que constitue les projets de loi 150 et 102.

Mme la Présidente, je veux aussi aborder une autre dimension de ce projet de loi qui, je dois le dire, m'agresse au plus haut point. On se retrouve avec un projet de loi qui, comme je le disais, est passé comme par magie de 113 à 228 articles mais qui, en plus, donnera naissance à la production de 18 règlements gouvernementaux. Quand on a demandé si ces règlements étaient prêts, si on était en mesure de les déposer pour qu'on puisse en prendre connaissance immédiatement pour bien voir dans quelle mesure la loi sera respectée, pour bien voir jusqu'à quel point la loi 150 aura des effets importants dans tel domaine plutôt que dans tel autre, pour voir comment cette loi s'appliquera dans les faits, on nous dit: Écoutez, on ne dépose pas les règlements tout de suite, on n'est pas en mesure de le faire. (22 heures)

Mme la Présidente, qu'est-ce qu'on est en train de nous dire? Adoptez le projet de loi 150 à la vapeur; le projet de loi 102 qui a été présenté comme un complément direct, comme étant une partie prenante d'un tout que constituaient les projets de loi 102 et 150 disparaît dans la nature parce que ces gens ont oublié de faire le travail l'été dernier. En plus, on dit: II y aura dix-huit règlements, on ne les a pas déposés, vous n'êtes donc pas en mesure d'évaluer toute la portée que le projet de loi pourrait avoir et qu'il aura dans l'intention d'un gouvernement

libéral. Ce n'est pas grave, on va se servir de la majorité ministérielle, on va le faire étudier jusqu'à minuit tous les soirs en commission parlementaire pour qu'on puisse un jour prétendre qu'on ait fait adopter la Loi sur les forêts.

Mme la Présidente, c'est une façon dangereuse de faire avancer un projet de loi de cette importance et c'est une façon qui ne peut que produire des situations où on reviendra dans une prochaine session nous dire: On a fait cela trop vite. On est allé trop vite et il faut apporter déjà des amendements dans six, huit, dix mois, dans un an au projet de loi 150, à la Loi sur les forêts parce que ce gouvernement a mal fait son travail, parce que ce gouvernement a encore une fois improvisé dans un secteur névralgique du développement économique du Québec.

Mme la Présidente, on viendra nous dire: Oui, mais c'est parce que l'Opposition n'a pas voulu collaborer et patati et patata. On nous accusera encore d'être responsables de cela. Non, Mme la Présidente. Nous avons pris nos responsabilités. Le député de Duplessis comme porte-parole de notre formation politique dans ce secteur a fait un travail remarquable et poursuivra son travail remarquable en commission parlementaire.

Mme la Présidente, j'informe, j'avise le gouvernement que cette façon de procéder est une façon qui ne peut que mener à une situation anarchique, à une situation qui produira des erreurs de parcours, qui fera en sorte qu'on ne permettra pas à l'industrie des forêts du Québec de donner sa pleine mesure dans le rôle essentiel, primordial, majeur, fondamental qu'elle joue, qu'elle veut et qu'elle doit jouer dans le développement économique du Québec.

Après, Mme la Présidente, on viendra nous expliquer qu'on est tout surpris qu'après avoir promis 80 000 emplois pour l'année 1986, alors que le Parti québécois a réalisé la création de 82 000 emplois en 1985, que là, tout à coup, on se retrouve avec 12 000 emplois créés, selon les chiffres d'octobre dernier, que les meilleures évaluations nous permettent de souhaiter qu'il y en aura peut-être 50 000, peut-être 60 000 pour l'année 1986 quand elle sera terminée; pour l'année prochaine il y en aura peut-être 45 000, nous prédisent les gens de la Banque de Montréal.

Mme la Présidente, c'est parce qu'on légifère de façon irresponsable, de façon improvisée du côté gouvernemental, notamment dans le cas qui nous occupe auprès du ministre de l'Énergie et des Ressources et du ministre délégué aux Forêts, qu'on se retrouvera dans une situation comme celle-là. Après, on viendra nous dire qu'on est bien déçu et qu'on considère que c'est plutôt ce qui s'est passé aux États-Unis qui affecte le développement économique et la mauvaise performance du gouvernement libéral en matière de création d'emplois.

Mme la Présidente, puisqu'on m'a invité à le faire, je conclurai en disant que si vous voulez créer des emplois comme vous l'avez promis et comme vous en avez reçu le mandat de la population du Québec, agissez donc de façon responsable pour que les détenteurs de ces leviers économiques aient entre les mains des instruments complets, des instruments qui leur permettront de donner leur pleine mesure et de jouer le rôle qu'ils souhaitent jouer dans le développement économique du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Gouin. M. le député de Terrebonne. Une question?

M. Ciaccia: Je voudrais prendre la parole.

La Vice-Présidente: Est-ce sur une question de règlement?

M. Ciaccia: Je voudrais prendre la parole, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: D'accord, allez-y.

La Vice-Présidente: M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je remercie le ministre de me concéder son droit de parole, c'est gentil. Je ne dirai peut-être pas exactement les mêmes choses qu'il dirait, mais je tiens à dire que nous parlons de la loi 150 qui s'appelle Loi sur les forêts et qui est en fait, en étant un peu plus pâle, mais un pâle reflet de Bâtir une forêt pour l'avenir; on garde quand même l'essentiel, mais beaucoup de choses manquent.

Le ministre délégué aux Forêts a certainement, par cette loi et à cause des circonstances, un rôle d'une extrême importance à jouer au sein du gouvernement du Québec. Tout d'abord, à cause de son rôle de ministre délégué aux Forêts, j'aimerais bien, à cause du premier principe directeur, pour que nos forêts soient belles, bonnes et viables qui est la reconnaissance de la dimension écologique, que le ministre loue un autobus, y fasse monter le cabinet entier et les amène dans la forêt pour voir la clarté, la limpidité, l'atmosphère de choix qui y règne, la tranquillité pour la réflexion saine.

De cette façon, j'ai bien l'impression que les qualificatifs qui sont souvent servis à vos confrères et, par ricochet, à vous-même d'être opaques, ténébreux, ombrageux, marécageux, visqueux changeraient automatiquement, parce que la forêt est inspiratrice de clarté, de transparence, de paix intérieure et de manifestation d'un air calme. Ce serait extraordinaire si, en prenant votre rôle au sérieux, vous ameniez le cabinet pour regarder la beauté de la nature. J'ai, dans ma tendre enfance -certains souffleront, parce qu'ils sont malins, il y a longtemps - erré beaucoup en forêt avec les scouts, les clubs 4-H et aussi avec un père qui était très chasseur - nous habitions sur une ferme quand j'étais jeune - et un grand-père qui était maître-draveur. Donc, je connais passablement la forêt et j'en parle avec une sorte d'émotion dans la voix à cause des souvenirs d'enfance que la forêt me rappelle. Je me rappelle la chasse, la pêche et toutes les beautés des arbres et des espèces d'arbres.

Dans ce projet de loi qui reflète quelque peu le livre Bâtir une forêt pour l'avenir, à cause de l'insistance de l'Opposition, le ministre a consenti à recevoir beaucoup d'intervenants et à lire les rapports de sorte que, maintenant, du côté écologique, la qualité des espèces autant des feuillus que des conifères ou des résineux, si vous aimez mieux, sera mieux protégée ou a des chances d'être mieux protégée pour le bien de notre richesse collective qu'est la forêt. Étant un député d'un comté presque urbain, c'est bien sûr que j'ai beaucoup moins de forêts dans mon comté que beaucoup d'entre vous. Cependant, à cause de l'impact, de l'importance du côté richesse naturelle qu'ont les arbres, la faune, la flore, je serais très heureux que plus de députés de l'autre côté, qui sont représentants de comtés ruraux, prennent la parole pour améliorer si possible ce projet de loi et pour dire leur amour de la forêt et par un discours en Chambre, fassent l'éloge de cette richesse naturelle.

Mme la Présidente, je sais que vous êtes une amante de la nature - on en parle souvent dans les journaux - que vous prenez souvent des marches en forêt et que vous aussi, vous avez gambadé dans les prés et dans tous les petits bois, lorsque vous étiez jeune. On l'a presque tous fait. Ce n'était pas seulement pour la cueillette des fraises ou des bleuets, c'était aussi pour connaître la nature, les sortes d'arbres. Qui n'a pas, dans sa vie, pris la hache pour aller couper le sapin de Noël? Qui ne l'a pas fait? Peut-être quelques-uns, mais ce sont des exceptions qui, dans les circonstances, confirment la règle. Tout le monde cherchait le sapin le plus beau, le plus noble, le plus grand. Et nous approchons de cette période où, dans chacune de nos maisons, nous rendons hommage à la forêt indirectement en rendant hommage à l'Enfant-Dieu le 25 décembre. C'est un hommage à la forêt parce que nous mettons à ses pieds cet arbre qui ennoblit nos richesses naturelles. Quoi de plus beau que nos arbres nourriciers! Quoi de plus beau! (22 h 10)

Du côté écologique, il faut se dire qu'à cause des représentations, un conseil de recherche forestière, maintenant, s'occupera de la qualité des espèces. On a vu plusieurs de nos arbres souffrir de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. C'est triste de voir souffrir la forêt. On a vu aussi beaucoup de nos ormes, il y a quelques années, résister très mal à une sorte de virus, dont je ne connais pas le nom scientifique, mais apparemment, c'est une espèce de lichen qui se promenait dans les airs et qui attaquait l'écorce de nos ormes, qui les étouffait tant et si bien qu'à la longue, ils périssaient, les pauvres.

Qui n'a pas été ému de voir les épinettes perdre leurs belles aiguilles vertes et voir nos ormes écorchés et perdre leurs feuilles! Si ce n'avait été de l'attention et de l'amour de la forêt de l'Opposition, ce Conseil de recherche forestière n'aurait pas vu jour. On se doit aujourd'hui de se féliciter. Je ne trouve pas que c'est orgueilleux de le dire quand on fait un noble coup comme celui-là. Tout d'abord, M. le ministre, on vous a presque imposé ce conseil de recherche parce qu'il y avait 37 groupes qui poussaient sur vous pour que vous allongiez la loi afin que le Conseil de recherche forestière soit créé par respect pour la qualité des espèces.

De façon générale, beaucoup de gens pensent à la forêt-production; beaucoup de gens pensent à la forêt productive, bien sûr. C'est un élément de taille que cette forêt productive. Je vois qu'il y a des députés qui doutent. Il y a souvent de vrais sceptiques et parfois, on joue et ce sont des personnes qui deviennent des "fausses sceptiques"; ce ne sont pas de vraies sceptiques. Je suis persuadé qu'on est convaincu de la valeur de ce projet de loi. L'espèce de répulsion que les gestes de l'autre côté peuvent parfois laisser croire, ce ne sont pas des gens qui sont vraiment sceptiques, ce sont des personnes qui sont de fausses sceptiques.

Il n'y a pas que la forêt productive qui existe, il n'y a pas que la forêt nourricière. Regardez, Mme la Présidente, ce joyau d'architecture qui nous habite, nous qui ne sommes payés à peu près que comme des briqueteurs, qu'on habite et qui nous habite parce qu'on l'aime aussi. Il nous habite aussi. Regardez, il y a beaucoup de bois. Pourquoi, Mme la Présidente, ce siège que vous occupez avec tant de dignité est si resplendissant? C'est le bois qui lui donne son âme et qui fait vibrer le poste que vous occupez! C'est le bois!

Une voix: ...

M. Blais Chagnon, Chagnon, il en restera toujours quelque chose! La forêt n'est pas seulement productive, elle est aussi la forêt-habitation de la faune. Qui d'entre nous, durant ses moments de loisir, durant les vacances, soit d'hiver, soit d'été, n'est pas allé à la chasse au lièvre, à la perdrix, au chevreuil, parfois à l'orignal - ceux qui ont un peu plus de panache vont à la chasse à l'orignal - les nobles gibiers de notre forêt.

Aussi, les poissons: le doré, l'achigan et la ouananiche, au lac Saint-Jean, le poisson qui fait frémir les fjords! Le poisson qui fait frémir les fjords, la ouananiche! Pas le ouaouaron, madame, la ouananiche. Qui d'entre nous ne connaît pas et ne déifie pas un peu dans son esprit la forêt loisir? Chasse pêche, baignade, camping, ce sont des côtés de la forêt qu'une loi comme celle-ci se doit de protéger. Nous aurions pu, si nous n'avions pas été que 23, insister davantage pour que ce projet de loi, qui se doit d'être le blanc-seing de l'ennoblissement de notre forêt, soit meilleur. Si nous avions été plus nombreux de ce côté-ci de la Chambre, nous vous aurions obligés à prendre vos responsabilités de A à Z. On n'a pas pu. "Que vouliez-vous qu'il fît contre trois? Qu'il mourût, ou qu'un beau désespoir alors le secourût." Nous ne sommes que 23 contre 99. Le projet de loi 102 est la prémisse de ce projet de loi; il se doit d'être voté avant celui-ci. Eh bien, à cause du nombre, nous sommes obligés de nous retirer. De quelle façon le gouvernement pourra-t-il adopter ce projet de loi qui, à différents endroits, réfère à la loi 102? J'ai l'impression qu'il y a certaines lois qui sont numérotées et ils commencent à les éliminer une par une. Ils commencent par 101, maintenant ils sont à 102. Je ne sais pas quelle sera la prochaine. La 103? Je n'ai pas vérifié. Ils s'en vont en augmentant. Ils sont rébarbatifs à 101. Là, c'est 102. C'est incroyable, Mme la Présidente.

Moi pour un, je suis heureux que les 37 organismes soient venus nous dire que, dans ce projet de loi, il faut que nous conservions l'abolition des concessions forestières sans compensation financière. Je suis très heureux que cela ait été accepté. Il faut qu'il en soit ainsi. Le remplacement de toutes les garanties d'approvisionnement et concessions forestières par des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier - cela devrait être là - sont des principes directeurs qui font consensus à l'extérieur du Parti libéral. "Quebec Business Incorporated." Ils font consensus à l'extérieur. Le maintien de l'État en tant que gestionnaire des ressources forestières, c'est d'une importance capitale.

Aussi, comme je vous le disais tantôt, mon grand-père était un maître draveur. Mon grand-père restait dans Lanaudière, c'était un draveur, un type qui a gagné toute sa vie dans la forêt. Déjà, à l'époque je m'en souviens, avec son bel accent d'argot québécois, il me disait: Mon ti-gars, quand les gouvernements comprendront ça, il ne faut pas que tu consumes plus que tu "sumes". Pour les urbains, je tiens à dire que surtout les personnes d'un certain âge ne disent pas "semer" elles disent "sumer". Alors, ils "sument" au printemps. Mon grand-père, ce grand philosophe de la nature, ce grand draveur, robuste comme un pin, comme un chêne, c'était un...

Une voix: Menaud.

M. Blais: ...Menaud, mais il s'appelait Lepage! Il collait à la forêt, mon grand-père Lepage. C'était un type qui était dans son métier, qui l'aimait. Il me disait, il y a 40 ans de ça - vous ne vous en souvenez certes pas, Mme la Présidente - Mon ti-gars, si les gouvernements comprennent ça, il ne faut pas que tu consumes plus que tu "sûmes". Ça faisait curieux à l'époque, mais regardez ce projet de loi. Il vient tout simplement donner raison à nos aïeux qui savaient que, si on laissait la nature seule, elle se reproduisait au rythme que la terre commande. Mais quand la main de l'homme y met le pied, eh bien, c'est sûr... (22 h 20)

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Blais: ...Mme la Présidente, on est obligés de se servir d'artifices et de techniques pour compenser les oublis, parce que l'homme a moins d'instinct qu'il n'en avait il y a 3000 ou 4000 ans. Je ne m'en souviens pas, mais, il y a 3000 ou 4000 ans, l'homme avait beaucoup plus d'instinct qu'aujourd'hui et nous sommes obligés d'avoir des techniques pour faire la compensation.

Mme la Présidente, combien de minutes me reste-t-il?

La Vice-Présidente: Trois ou quatre minutes.

Une voix: Consentement.

M. Blais: Consentement. Merci.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Blais: Eh bien, Mme la Présidente, j'avais préparé trois discours. Je vais faire le deuxième maintenant. Mme la Présidente, je vais conclure en disant ceci: Sur les grands principes directeurs de la protection de la forêt nourricière, eh bien, je me vois obligé de dire qu'on est d'accord, sauf sur quelques-uns qui laissent la porte ouverte à un certain protectionnisme qui pourrait être de mauvais

aloi selon la personne qui détiendrait le portefeuille des Forêts et qui pourrait même, dans certains cas, ouvrir la porte à un genre de patronage que je n'aime pas beaucoup. À part cela, Mme la Présidente, je tiens à vous dire qu'en commission parlementaire nous allons étudier article par article ce projet de loi et notre formation politique va demander certains petits ajustements. Nous espérons que, de façon générale, notre voix sera, une autre fois, entendue pour le bien de la collectivité parce que cette richesse naturelle, l'une des plus grandes au monde, la forêt, nous voulons qu'elle vive bien. Nous voulons que nos arbres poussent haut et que notre fierté avec elle s'épanouisse en toute dignité. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Terrebonne.

M. le ministre de l'Énergie et des R essources.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Avant de parler sur le fond du projet de loi 150, je voudrais rétablir un fait en ce qui concerne le projet de loi 102. L'Opposition semble faire beaucoup de cas du fait que le projet de loi 102 ne soit pas encore adopté. Le député de Gouin a mentionné que moi-même j'avais affirmé que le projet de loi 102 serait adopté durant la présente session, que c'était l'intention, de toute façon, du gouvernement. Il m'a cité en disant que c'était notre intention d'adopter le projet de loi 102 avant la fin de la présente session. Soyons clairs sur une chose, Mme la Présidente. Le projet de loi 150 n'est pas lié au projet de loi 102, même s'il y fait référence. On peut adopter le projet de loi 150 sans l'adoption du projet de loi 102. La seule affirmation que j'ai faite, c'est qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le projet de loi 102 et le projet de loi 150. Le projet de loi 102, c'est la loi sur les terres publiques et on a fait une scission entre la loi sur les terres publiques et la loi sur le régime forestier parce que les terres publiques comprennent plus que seulement les activités d'un régime forestier; elles peuvent référer a d'autres aspects, à d'autres activités.

Nous avons un projet de loi 102 sur les terres publiques qui va régir toute l'administration des terres publiques et nous avons un projet de loi 150 sur le régime forestier. Entre les deux projets de loi, il n'y a pas d'incompatibilité. C'est même un peu prématuré pour le député de Gouin de dire qu'on n'adoptera pas le principe avant la fin de la présente session. C'est encore possible. Ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas d'incompatibilité. C'est notre intention d'adopter le projet de loi 102 sur les terres publiques avant que le projet de loi 150 entre en vigueur. C'est notre intention bien que ce ne soit pas nécessaire. Nous pouvons avoir les deux projets de loi un après l'autre et la seule chose qui est importante, c'est qu'il n'y ait pas d'incompatibilité entre les deux. Il ne faudrait pas, comme excuse pour retarder l'adoption du projet de loi 150, invoquer le fait que le projet de loi 102 n'a pas encore été adopté et que nous devons tenir encore une commission parlementaire pour entendre les différentes parties qui veulent faire des représentations en ce qui concerne le projet de loi 102.

Il y a une chose que l'Opposition ne peut avoir, elle ne peut pas avoir des arguments des deux côtés. Elle ne peut pas dire: vous voulez adopter un projet de loi à la vapeur avant la fin de la session et, après cela, nous reprocher que nous voulons entendre les parties, que nous voulons avoir une commission parlementaire. Si cela prend un délai pour nous assurer que toutes les parties soient entendues et si on reporte l'adoption du projet de loi pour un meilleur fonctionnement et pour donner l'occasion à tous ceux qui veulent faire des représentations de le faire, je ne pense pas que l'Opposition puisse à ce moment nous reprocher de vouloir retarder l'adoption de ce projet de loi parce que nous voulons avoir une commission parlementaire, que nous voulons entendre les parties et que nous voulons vraiment que tout le nécessaire soit fait avant l'adoption du projet de loi 102, de la même façon que mon collègue, le ministre délégué aux Forêts, a fait tout le nécessaire pour que ce projet de loi soit adopté maintenant, parce que c'est une projet de loi économique, qui est très important.

Dans le contexte économique actuel, on n'insistera jamais assez sur la nécessité de mettre en place des mesures concrètes qui nous permettront de préserver nos acquis et de développer de nouvelles avenues. Le secteur forestier n'échappe pas à cette réalité. Au contraire, l'apport économique majeur de la forêt pour le Québec doit être préservé et même augmenté. Pour y parvenir, nous avons choisi de proposer l'instauration d'un nouveau régime forestier par le biais du projet de loi 150.

Même si l'industrie forestière présente des caractéristiques plus qu'intéressantes, il ne faut pas se leurrer. Si nous n'agissons pas rapidement, si nous ne donnons pas un sérieux coup de barre pour restaurer l'état des forêts du Québec, nous devrons faire face prochainement à des ruptures de stocks dans certaines régions.

Un fait est clair, nous avons à combler de sérieux retards dans le système de gestion de nos forêts. Je dirai que l'Opposition n'est pas étrangère à la situation qui, d'ailleurs, n'est pas nouvelle. Cette situation n'est pas apparue comme par miracle le 2 décembre 1985. Actuellement, la récolte annuelle est

de 21 000 000 de mètres cubes par an quand la possibilité réelle de la forêt est de 18 000 000 de mètres cubes. Encore plus, des garanties d'approvisionnement de 31 000 000 de mètres cubes sont accordées. Cela risque de nous mener tout droit vers des ruptures de stocks dans certaines régions, de compromettre la viabilité de l'industrie et de la placer dans un contexte d'insécurité.

N'oublions pas que l'industrie forestière a investi quelque 5 000 000 000 $ depuis 1979 pour assurer le maintien de sa capacité concurrentielle, excluant la participation des deux niveaux de gouvernement. Il ne faut pas oublier, non plus, que la production et la récolte de bois amènent des retombées économiques de 8 500 000 000 $ annuellement et que les exportations de produits forestiers comptent pour 30 % des exportations totales du Québec et pour 25 % des exportations forestières canadiennes. En 1983, elles totalisaient quelque 3 400 000 000 $.

De plus, 225 000 travailleurs tirent directement ou indirectement leurs revenus de la forêt et dans nos régions plus de 100 municipalités vivent de l'exploitation forestière. C'est parce que nous avons besoin de cet apport économique de taille, que nos régions en sont largement dépendantes et que tant d'emplois y sont rattachés que nous instaurons le nouveau régime forestier. Mon collègue, le ministre délégué aux Forêts, le parrain du projet de loi a exposé en détail les principes et les objectifs poursuivis, ainsi que les options retenues. Il a fait la démonstration de la justesse des choix qui ont été arrêtés. (22 h 30)

J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour souligner le travail de titan accompli par mon collègue, le ministre délégué aux Forêts. Sa connaissance profonde de la forêt, son implication dans le milieu ainsi que sa grande expertise ont fait que le nouveau régime forestier prenne forme et que nous puissions en discuter ensemble aujourd'hui. Je crois qu'il mérite nos plus sincères félicitations.

Nous sommes donc en mesure de vous proposer de restaurer l'état des forêts du Québec, de garantir les approvisionnements à long terme pour l'industrie, de protéger les emplois menacés dans plusieurs régions, de créer des milliers d'emplois dans la nouvelle industrie sylvicole. Le régime que nous proposons, qui repose sur la restauration de la forêt, présuppose un nouveau partage de responsabilités entre les divers intervenants et, en conséquence, une modification du rôle de l'État.

Le rôle de l'État dans le domaine forestier s'orientera dorénavant vers la définition des objectifs, la distribution de la ressource et le contrôle de la réalisation des travaux de mise en valeur exécutés par l'entremise de l'industrie forestière. Les responsabilités en matière de planification, d'intervention en forêt et de mise en valeur reviendront donc aux utilisateurs. Le nouveau partenariat que nous entendons mettre de l'avant implique pour les utilisateurs, des changements d'importance. Nous en sommes conscients, des coûts y sont associés et de nouvelles responsabilités en découlent, notamment au niveau de l'aménagement de la forêt qui constitue le pivot du nouveau régime forestier.

Il faut être réaliste. Le succès de l'opération repose, dans une large mesure, sur ce nouveau partenariat. Il faut réaliser qu'en contrepartie des efforts qu'elle consentira l'industrie bénéficiera de l'assurance dont elle ne bénéficie pas dans la situation actuelle en ce qui a trait aux garanties d'approvisionnement à long terme. En premier lieu, la gestion rationnelle de la forêt que nous préconisons lui permettra d'envisager ses investissements libérée du climat d'insécurité qui découle des risques de rupture de stocks dans certaines régions.

En second lieu, le nouveau mode de tenure, le contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestiers est un autre gage pour l'industrie qu'elle pourra s'approvisionner continuellement et conformément à ses besoins réels dans les forêts publiques. Y est rattaché un droit d'obtenir annuellement un permis d'intervention sur un territoire délimité, l'unité d'intervention. Notre intention est de conférer aux bénéficiaires du contrat un droit réel immobilier qui peut être utilisé en garantie. Nous répondons ainsi aux requêtes de l'industrie et des institutions financières qui nous ont été formulées au moment de l'entente de l'avant-projet de loi.

Nous jugeons important de le faire afin d'assurer une stabilité financière plus grande dans la gestion. La durée prévue de 25 ans, renouvelable à tous les cinq ans si les conditions s'y rattachant ont été respectées, indique bien l'intention que nous avons de donner une assurance à long terme à l'industrie. Il va sans dire que ces nouvelles dispositions auront une incidence au niveau de l'emploi. En plus de la préservation des emplois menacés actuellement dans plusieurs régions, il importe ici de rappeler que des milliers d'autres seront générés par les nouvelles activités sylvicoles. En outre, il ne faudrait pas passer sous silence que les nouvelles pratiques de gestion, d'aménagement forestier et de récolte devraient permettre d'augmenter le niveau de production de nos forêts. Les limites imposées au développement du secteur forestier par notre mode de gestion en vigueur devraient donc s'estomper, d'où la possibilité d'un essor plus grand pour l'industrie. Dans un contexte où il est question de l'implantation de nouvelles industries et de l'expansion de certaines déjà

existantes, il me paraît particulièrement intéressant d'envisager les résultats du nouveau régime forestier. Si certaines régions telles que le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie disposent encore de ressources suffisantes pour permettre un développement industriel important, je crois que nous devons mettre tout en oeuvre pour que de telles possibilités existent ailleurs au Québec.

J'aimerais maintenant aborder brièvement un aspect qui a été soulevé plus tôt dans le débat: les pouvoirs en matière d'aménagement contenus dans la Loi sur les terres du domaine public. Cet autre projet de loi qui résulte de la scission actuelle de la Loi sur les terres et forêts fera prochainement l'objet d'une consultation particulière et il sera adopté avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les forêts bien que, comme je l'ai mentionné tantôt, le projet de loi 150 ne soit pas lié au projet de loi 102; il pourrait entrer en vigueur sans l'adoption du projet de loi 102. Néanmois, c'est notre intention que le projet de loi 102 entre en vigueur avant ou en même temps que le projet de loi 150.

Nous avons décidé de scinder la loi actuelle parce que nous pourrons ainsi mieux répondre au contexte actuel de la gestion des terres publiques. D'une part, cela permettra de tenir compte des domaines d'interventions qui se sont multipliés au cours des ans: exploitation et transformation du bois et des minéraux, production d'énergie hydroélectrique; cela permet d'établir un cadre spécifique à la forêt. La nouvelle Loi sur les terres du domaine public aura évidemment des incidences sur l'application du nouveau régime forestier. Je pense plus particulièrement aux dispositions relatives à l'aménagement. La procédure d'adoption et de mise en vigueur du plan d'affectation des terres publiques qui s'y trouve permettra d'assurer une gestion ordonnée des terres publiques qui tienne compte des besoins de l'ensemble du Québec en matière ligneuse. Il y a maintenant une procédure en vigueur pour l'approbation des plans d'affectation et les schémas d'aménagement. Même si le projet de loi 102 n'est pas accepté, une procédure existe et elle pourra être utilisée pour la mise en application du projet de loi 150. Cependant, dans le projet de loi 102 nous clarifions cette situation et nous prévoyons des mesures pour la préparation des plans d'affectation, la relation entre les plans d'affectation et les schémas d'aménagement et, finalement, l'approbation par le gouvernement comme c'est le cas maintenant.

Comme je l'indiquais tout à l'heure, les intervenants du secteur forestier auront l'occasion de nous faire leurs suggestions et commentaires sur cet autre projet de loi avant son adoption. Le projet de loi 150 est l'expression du plus large consensus qui pouvait être obtenu à la suite des consultations qui ont suivi le dépôt de l'avant-projet de loi. Les modifications importantes qui ont été apportées pour tenir compte des représentations et des suggestions des intervenants illustrent bien jusqu'à quel point nous recherchons des solutions permettant d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés ensemble, tout en tenant compte des intérêts propres des différents intervenants. Dans une économie où le développement et la gestion de nos ressources ont joué depuis toujours un rôle de premier plan, le projet de loi 150 occupe un place majeure. J'exprime le voeu que tous et chacun reconnaissent son apport tant pour la ressource elle-même que pour la santé de l'industrie forestière, l'économie de nos régions et pour l'emploi. Le fait qu'on ait indiqué du côté de l'Opposition que le projet de loi serait adopté, qu'il y aurait unanimité, cela démontre encore une fois l'importance du projet de loi; il répond à des besoins urgents. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. M. le député de Lévis. (22 h 40)

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, je sais à quel point ce projet de loi vous intéresse. Je me rappelle, 11 y a quelques années l'ex-député de Louis-Hébert, M. Claude Morin, était allé faire une assemblée dans Bellechasse, et les gens lui avaient dit: II y a deux sujets qui nous intéressent dans Bellechasse: l'agriculture et la forêt. Si vous ne voulez pas nous parler de cela, vous pouvez partir, c'est ce dont on veut entendre parler.

Aujourd'hui, je sais à quel point vous brûlez sur votre siège d'intervenir dans ce débat puisque vous savez à quel point des éléments manquent dans ce projet de loi. Je parlerai particulièrement de trois domaines: premièrement, le domaine des tarifications américaines; deuxièmement, les pluies acides et, troisièmement, l'affectation des terres à la forêt ou à l'agriculture.

Mme la Présidente, alors que le gouvernement actuel s'amuse dans le libre-échange, tout le monde sais qu'actuellement la question du libre-échange entre les États-Unis et le Canada est déjà dépassée et qu'actuellement aux États-Unis, plus de 400 projets de loi protectionnistes sont à différentes étapes de leur présentation. De ces projets de loi protectionnistes, il y en a déjà un dont l'application est commencée, celui de la taxation, de la tarification sur le bois d'oeuvre parce que les Américains considèrent que les Canadiens n'imposent pas

de droits suffisants sur la forêt pour ramasser les arbres qu'on y trouve.

Actuellement, ce problème est majeur. Il va mettre en cause des milliers d'emplois au Québec et au Canada parce qu'on a fait fausse route en pensant que le problème entre les Américains et le Canada était celui du libre-échange alors que les Américains brûlaient de nous imposer des tarifs dans un grand nombre de secteurs.

Quand nous étions au gouvernement, nous avons pu faire enlever la taxe qu'on mettait sur le porc et faire que ce droit de compensation que les Américains avaient imposé sur le porc québécois soit enlevé et soit uniquement maintenu sur les porcs vivants exportés aux États-Unis, notamment du Manitoba et des provinces de l'Ouest. Nous avons réussi à faire en sorte qu'il n'y ait plus de droit d'impôt sur le porc transformé et exporté du Québec vers les États-Unis.

À ce moment-ci, ces prétendus grands spécialistes des affaires, qui pensaient mener le gouvernement comme une business ont réussi à faire en sorte qu'aujourd'hui le bois d'oeuvre vendu aux États-Unis aura un impôt de 15 %. Belle réalisation pour un gouvernement qu'on prétend dirigé par des businessmen, qui forme des comités pour abolir le Comité de surveillance des étalons, mais en même temps qui propose deux nouveaux conseils dans son projet de loi, dont le Conseil de la forêt et le Conseil de la recherche forestière.

On abolit le Comité de surveillance des étalons qui coûtait 2000 $ par année et on en forme un autre, un conseil sur la forêt. Quelle est la cohérence de ce gouvernement où on abolit les conseils consultatifs existants pour en créer de nouveaux qui ne fonctionneront peut-être pas mieux que ceux qui existaient déjà?

Aujourd'hui, les gens se retrouvent dans une situation où les Américains ont décidé d'agir de façon protectionniste par rapport au Canada et au Québec. Ces grands spécialistes n'ont rien dit, ils sont devenus muets comme des carpes. Comme disait mon collègue de Terrebonne, qu'il ne faut pas consumer plus qu'on "sume", je dirai qu'il faudrait d'abord commencer par "sumer" la terre pour qu'elle produise comme elle devrait prouduire. Dans le cas du ministre délégué aux Forêts, je vous dis qu'il n'a pas défoncé le mur du son dans la négociation avec les États-Unis sur les tarifs qui ont été imposés par les Américains. Rien de tel n'est arrivé dans le cadre du gouvernement précédent qui a, au contraire, réussi à enlever ces droits qui avaient été imposés de façon temporaire. Le gouvernement actuel qui se prétend compétent en matière d'affaires n'a pas réussi à accomplir quoi que ce soit dans ce secteur. Actuellement, les entreprises québécoises doivent payer le prix de l'incompétence du gouvernement que nous avons en face de nous.

Deuxièmement, en matière de protection et d'écologie de la forêt, le ministre parle des insectes. Il dit que son projet de loi permet la reconnaissance d'organismes de protection et d'extinction des incendies forestiers regroupant les bénéficiaires de contrats et les propriétaires de forêts privées. Il autorise le ministre à préparer et à appliquer un plan d'intervention contre les maladies des arbres et les épidémies d'insectes nuisibles après avoir consulté les bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement. Rien sur les pluies acides, alors qu'on sait qu'actuellement 60 % des forêts en Allemagne sont en train de mourir à cause des pluies acides, alors qu'on sait qu'actuellement les cheminées des États-Unis et de l'Ontario crachent 50 livres de produits chimiques à l'acre au Québec. Le ministre n'a rien dit sur les principaux éléments responsables de la destruction éventuelle de nos forêts, les pluies acides. Pas un son, pas un mot, alors qu'on sait que le principal danger, ce sont les pluies acides. On aurait pensé que le ministre aurait dit quelque chose, qu'il se serait intéressé à l'écologie de nos forêts autrement qu'en paroles. Mais non, pas un traître mot sur le principal danger que courent nos forêts. Les agriculteurs lui ont dit, par exemple, que les érablières sont les types de boisés les plus sensibles à ce genre d'éléments destructeurs. Actuellement, les érablières du Québec sont affectées dans une proportion plus ou moins forte, mais très forte dans certaines régions, principalement au sud du Québec, par les pluies acides. Les agriculteurs ont demandé des compensations considérables au gouvernement, parce que l'acériculture est en danger à la suite de ces pluies acides. Pas un mot sur ces éléments. On sait que cette accumulation est considérable, que les rejets sont très importants, qu'il ne s'agit pas de quelques dés à coudre à l'acre; on parle de 20 kilos à l'acre. Il s'agit de montants considérables de produits chimiques qui sont déversés sur les terres et sur les forêts du Québec. Les forêts du Québec sont souvent dans des lieux où la couche d'humus est très peu considérable. L'effet destructeur des pluies acides est encore plus fort dans un territoire comme le nôtre où les forêts sont fragiles parce qu'elles sont situées en milieu nordique. Il n'y a pas un mot du ministre délégué aux Forêts sur les pluies acides, principal élément destructeur actuel et éventuel des forêts qui nous entourent. Alors que déjà un certain nombre de lacs sont en train de mourir, alors que le ministre de l'Environnement, par son incurie, depuis sa nomination, a laissé les eaux de baignade contaminer les plages du Québec, qu'il n'a même pas eu le souci de les analyser pour

protéger les consommateurs, on peut s'imaginer à quel point ce gouvernement, qui n'avait aucune préoccupation pour les baigneurs, les êtres humains qui se baignaient sur les plages du Québec, n'est pas très compatissant pour les pluies acides qui se déversent sur les forêts du Québec. Pas un son. On va parler des moustiques, on va parler des épidémies de maringouins ou de tordeuses, mais on sait que la forêt est plus fragile à cause des produits chimiques qui s'y déversent. On n'est pas dans une forêt ordinaire, on est dans une forêt nordique.

Par exemple, le ministre de l'Énergie et des Ressources pourrait aller voir, s'il veut se renseigner, à l'île Notre-Dame qu'ils ont voulu fermer, mais on a eu le temps d'en faire un bout avant qu'ils soient au gouvernement. Il pourra voir, par exemple, la taïga qu'on a transportée du Nord sur l'île Notre-Dame, justement pour montrer aux citadins ce qu'est une forêt nordique. Il y verra un mélèze qui a près de 100 ans et qui est tout petit, parce qu'il a dû braver les éléments, qu'il a dû lutter pour pouvoir vivre et grandir péniblement. Quand on parle de la forêt québécoise, on ne parle pas d'une forêt de pins jaunes des États-Unis, on ne parle pas d'une forêt qui a poussé dans les meilleures conditions, mais d'une forêt qui prend 50, 75 ou 100 ans pour faire un arbre et plutôt 100 que 50, alors qu'on va lui rejeter des tonnes et des tonnes de produits chimiques crachés par les cheminées des usines américaines. On aurait pensé que le ministre se serait donné quelque pouvoir à ce sujet, qu'il aurait indiqué des politiques, qu'il aurait déclaré des intentions. Au contraire, pas un mot, parce qu'il semble inconscient comme le ministre de l'Environnement, qui est le ministre le plus inconscient de l'Environnement que l'on ait eu dans l'histoire du Québec. (22 h 50)

Troisièmement, l'affectation des terres. Il y aurait un élément que je voudrais ajouter. J'étais d'accord pour adopter le projet de loi 102 avant le projet de loi 150. Le projet de loi 102, qui porte sur les terres du domaine public, a été présenté par le ministre de l'Énergie et des Ressources le 13 novembre 1986, a été renvoyé à la commission de l'économie et du travail - c'est encore indiqué au feuilleton le mardi 18 - et disparaît du feuilleton le mercredi 19 novembre, alors qu'il devait être adopté avant le projet de loi 150 sur les forêts, qui a été présenté le même jour, le 13 novembre, par le ministre délégué aux Forêts.

On aurait pensé, avec une certaine cohérence, que le gouvernement avait l'intention de faire cheminer, comme il l'avait indiqué, ces projets de loi simultanément. Il y a eu des déclarations à cet effet. On se rend compte que le gouvernement ne sait pas où il va, il improvise à la petite semaine. Certains documents ont été préparés - des livres blancs dont il se moquait tant - par l'ancien gouvernement et il est content de les avoir aujourd'hui pour s'en inspirer et préparer certains projets de loi, beaucoup plus que du programme du Parti libéral. Tout ce qu'on y trouvait est maintenant sujet à étude; ce qu'on n'y trouvait pas n'est plus étudié parce qu'il y avait des projets du temps de l'ancien gouvernement pour essayer de fonctionner.

Mais le gouvernement est incohérent, les travaux parlementaires sont mal planifiés. Après avoir fait siéger les députés pendant trois semaines sur des projets de loi minimes d'un, deux ou trois articles: un article et la mise en vigueur, deux articles, le gouvernement a déposé en catastrophe, les 11, 12 et 13 novembre, 36 projets de loi dont le projet de loi 150 sur les forêts et le projet de loi 102 sur les terres du domaine public. Aujourd'hui, le gouvernement, après avoir déposé le projet de loi sur les forêts et le projet de loi sur les terres publiques, le projet de loi 102, a décidé de retirer ce dernier.

C'était un moment pourtant important pour le monde forestier. Cette décision du gouvernement libéral vient scinder définitivement la gestion des terres et la gestion des forêts qui n'étaient plus sous la même responsabilité ministérielle depuis la nomination de mon collègue et voisin de bureau de Laviolette à titre de ministre délégué aux Forêts en décembre 1984.

C'était important puisque le projet de loi 102 parlait de l'affectation des terres publiques. On sait que l'une des principales questions, toujours litigieuses, dans le domaine des terres publiques, même si un certain travail a été fait par l'ancien gouvernement, a été de continuer à faire en sorte que les terres qui ont une vocation agricole qui sont sous la responsabilité du ministre des Forêts soient transférées sous la responsabilité du ministre de l'Agriculture afin d'être affectées à l'agriculture. Les terres qui n'ont pas de vocation agricole et qui sont sous l'autorité du ministre de l'Agriculture seront transférées sous l'autorité du ministre des Forêts pour servir au reboisement le plus rapidement possible plutôt qu'être maintenues sous l'autorité du ministre de l'Agriculture.

Nous avons eu l'occasion de voter le projet de loi sur les terres publiques agricoles justement pour permettre ce développement. Nous avons mis en oeuvre des politiques au cours des deux ou trois dernières années pour permettre la réaffectation des sols. Le projet de loi 102 venait indiquer de quelle façon pourraient se faire ces affectations. Là, on a reculé. Maintenant, qu'est-ce qui va arriver? Personne ne le sait. Le gouvernement lui-

même n'a pas l'air de le savoir. Pourtant, il y avait eu des engagements formels de la part du ministre de l'Énergie et des Ressources. Il avait dit, alors que nous nous inquiétions justement du danger que tout cela se fasse de cette façon... Mardi dernier, le 25 novembre, le ministre de l'Énergie et des Ressources a été le premier à intervenir sur une motion du député de Roberval demandant le report de quatre mois de l'adoption du projet de loi 150 où il a déclaré: Je peux assurer le député de Roberval et l'Opposition que c'est notre intention de faire adopter avant la fin de la session le projet de loi 102 qui a été présenté à l'Assemblée nationale et les deux projets de loi seront adoptés en même temps avant le 21 décembre. Et mon collègue délégué aux Forêts va assurer l'Opposition qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le projet de loi sur les terres et la loi que nous discutons maintenant, la loi sur le nouveau régime forestier. Paroles écrites sur la glace au soleil puisqu'il n'en reste plus rien! Le projet de loi 102 a été retiré et l'incohérence s'établit encore une fois dans un gouvernement qui ne sait pas exactement où il s'en va. Il a décidé de retirer le projet de loi qui était la loi-cadre pour commencer avec le projet de loi particulier qui va semer de l'inquiétude et qui fait en sorte que l'encadrement général qui était nécessaire pour déterminer comment se fait l'affectation des sols au Québec est retiré. Il semble que rien ne le remplacera, du moins prochainement.

Il n'y a pas de coordination ni de cohérence. Après un an de pouvoir, le gouvernement a déjà perdu le nord, sinon la boussole. Que l'on se comprenne bien, l'Opposition appuie une grande partie des principes directeurs du projet de loi sur les forêts dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er avril 1987. Mais l'adoption de ce projet de loi aurait dû se faire en toute logique en parallèle avec la loi sur les terres pour éviter les incohérences. De la même façon, les règlements sur l'allocation des terres publiques forestières et des terres publiques agricoles ont été faits au cours des dernières années par le gouvernement précédent, en cohérence, en parallèle, comme deux rails de chemin de fer qui "convolent" côte à côté pour une meilleure sécurité des gens qui se trouvent sur le territoire québécois, des gens qui sont affectés par l'affectation des sols à l'agriculture ou à la forêt. Il n'est pas cohérent de faire adopter une mesure sans que l'autre ait son pendant.

Actuellement, on voit que le ministre de l'Agriculture dort sur la "switch". Il est rarement ici. Il ne s'est pas occupé de faire ses devoirs. Encore une fois, on ne sait pas du tout comment va se faire l'affectation des sols au point de vue de la forêt ou de l'agriculture. Le ministre n'est pas là, il va voir l'exposition de Toronto. Imaginez-vous! Mais, pendant ce temps-là, les devoirs ne sont pas faits et, quand il en fait, c'est pour enlever le lait aux enfants dans nos écoles.

Mme la Présidente, vous qui venez du comté de Bellechasse, vous savez ce que cela veut dire l'affectation des terres à l'agriculture ou à la forêt. Vous savez ce que cela veut dire le reboisement des terres en milieu forestier ou en milieu agricole, le long des cours d'eau, le long des lacs et le long de tous les milieux où des rives seront reboisées, où, actuellement, tout le monde agricole est inquiet et se demande dans quelles conditions tout cela va se faire.

Il était nécessaire que les projets de loi 102 et 150 puissent être discutés en commission parlementaire par les différents intervenants parce que c'est le genre de projets qui peuvent avoir des conséquences importantes pour le milieu rural. Aujourd'hui, on se rend compte que le ministre est peu préoccupé par les vrais problèmes que connaissent les gens. On comprend qu'on s'amuse à faire des ministères, un peu comme des jeux de Monopoly ou des jeux où on fait la guerre pour s'amuser, où on fait des transactions pour s'amuser, des jeux qu'on se donne dans le temps des fêtes.

Les gens ont besoin d'autre chose au Québec, en termes de priorité, que des créations de ministères ou des restructurations d'administrations. Il y a des problèmes sérieux et réels qui confrontent notre population.

Le problème des pluies acides est plus important actuellement que n'importe quel autre pour nos producteurs forestiers. Le problème des taxes, les tarifications américaines sur le bois d'oeuvre, c'est plus important que les queues de renard sur les antennes des automobiles. (23 heures)

L'affectation des sols: des milliers d'acres actuellement inutiles qui étaient en train d'être transférés sous l'ancien gouvernement à l'agriculture sont dans un programme qui est devenu stagnant depuis le nouveau gouvernement. Les gens me disent: Autrefois, la roue tournait rondement; actuellement, on fait une demande et, au bout de presque un an, on n'a même pas encore eu de réponse, ni même d'accusé de réception, parce que les problèmes réels des gens sont loin des préoccupations du gouvernement. Le gouvernement qui prend la peine d'adopter un projet de loi et qui veut faire des règlements pour abolir le Comité de surveillance des étalons et, en même temps, établir des normes d'accouplement pour les étalons au Québec, lui, par exemple, ne prend pas le temps de traiter des véritables problèmes auxquels notre population est confrontée parce que c'est un gouvernement qui, essentiellement, ne veut pas entendre les gens. On l'a vu avec toutes

les commissions parlementaires que nous avons demandées. Il ne veut pas entendre les gens. Il est sourd aux revendications des gens, aux représentations de la population et, un jour, la clameur qui s'élèvera autour du parlement fera en sorte que les sourds entendront, mais il sera trop tard pour ce gouvernement qui ne veut pas entendre la population.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lévis.

M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. En premier lieu, je pense qu'il faudrait rétablir certains faits par un bref rappel historique parce qu'à écouter les interventions des députés libéraux - il est vrai qu'ils ont cessé de le faire depuis un certain temps; à partir d'une certaine heure, il semble qu'ils deviennent silencieux - on aurait pu imaginer que tout avait commencé le 2 décembre 1985 en matière de politique forestière. Je pense qu'il faut rappeler certains faits, ne serait-ce que pour démontrer que le Parti québécois a fait progresser, de façon considérable et de façon tangible, l'industrie forestière, le secteur forestier au Québec.

Je rappellerai particulièrement deux éléments à ce sujet. D'abord, lors de notre premier mandat, c'est nous qui avons lancé un programme de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Je pense que tout le monde sait que l'industrie des pâtes et papiers au Québec est un moteur essentiel de notre économie. Ce sont plusieurs milliards de dollars d'exportations par année. C'est près de 200 000 emplois directs et indirects. C'est un pilier de l'économie québécoise.

Quand on a pris le pouvoir en 1976, on s'est rendu compte, on a constaté que cette industrie périclitait, que sa capacité concurrentielle était en sérieuse dégradation et qu'il fallait un coup de barre sérieux. M. le Président, c'est ce que nous avons fait en mettant sur pied le programme de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers, ce qui a généré des investissements de l'ordre de 2 300 000 000 $, avec des subventions précises concernant certains investissements. On peut dire que la plupart des entreprises de pâtes et papiers ont collaboré. Elles se sont impliquées, elles ont participé au programme. Aujourd'hui, on peut dire qu'on se retrouve avec une industrie québécoise des pâtes et papiers dynamique, qui s'est renouvelée, qui s'est modernisée, qui est maintenant capable d'affronter la concurrence internationale dans ce domaine. Il était temps qu'on le fasse. C'est ce que nous avons fait. Je pense qu'il faut le rappeler en cette Chambre à l'occasion de l'étude de ce projet de loi. Il faut le rappeler parce que tout le monde conviendra que l'industrie des pâtes et papiers est un élément majeur du secteur forestier, de l'industrie forestière. C'est également un pilier de l'économie québécoise. C'est nous qui avons pris les devants dans ce domaine. C'est nous qui avons instauré ce programme de modernisation de l'industrie.

Le deuxième élément qu'il faut rappeler et qu'on doit imputer au gouvernement du Parti québécois, c'est que, lors de notre deuxième mandat, c'est nous qui avons enclenché et mis en application un très vaste programme, ambitieux, disaient certains à l'époque, de reboisement de nos forêts avec un objectif, pour 1988, de reboisement de 300 000 000 de plants. On peut penser actuellement que, selon la vitesse de croisière de réalisation de ce plan de reboisement, l'objectif de 300 000 000 de plants mis en terre sera atteint en 1988. Je pense qu'il faut en attribuer la paternité au gouvernement du Parti québécois. Nous avons pris conscience de la nécessité de régénérer nos forêts, de reboiser et nous avons pris les moyens pour atteindre ces objectifs.

Enfin, un autre élément qu'il faut rappeler à cette Chambre et à la population, c'est que c'est le gouvernement du Parti québécois, à la fin de son deuxième mandat, qui a mis en route la nouvelle politique forestière qui a pris la forme du projet de loi 150 sur les forêts.

J'entendais tout à l'heure les députés libéraux féliciter le ministre délégué aux Forêts. Je pense qu'il faut aussi féliciter le député de Laviolette, l'ex-ministre délégué aux Forêts, parce que c'est lui qui a amorcé cette refonte complète, totale, globale, de la politique forestière au Québec en publiant son livre blanc Bâtir une forêt pour l'avenir.

M. le Président, la problématique forestière est bien connue. Je n'insisterai pas beaucoup là-dessus. Tout le monde en convient, il y a un consensus à ce sujet. Nous allons nous retrouver à moyen terme en situation de pénurie et de déficit sur le plan des approvisionnements de matière ligneuse. Je vous lis juste un petit paragraphe du livre blanc qui est très révélateur à ce sujet: "La récolte actuelle qui est de 26 000 000 de mètres cubes dépasse largement la possibilité biophysique qui est évaluée à 22 000 000 de mètres cubes pour l'ensemble des territoires privés et publics sur la base des pratiques actuelles de récolte en excluant la zone pâtes et sans tenir compte des travaux d'aménagement. Cette situation entraîne un déficit à moyen terme qui ne peut que s'accentuer, toutes choses étant égales par ailleurs, puisque le développement prévu des marchés impliquerait une récolte de 36 000 000 de mètres cubes en l'an 2000."

Donc, tout le monde convient - le ministre délégué aux Forêts actuel également, lui qui est ingénieur forestier, je suis persuadé qu'il en est parfaitement conscient - qu'on se retrouvera avec un problème sérieux d'approvisionnement en matière ligneuse à moyen terme. Il faut, évidemment, résoudre ce problème, compte tenu de l'importance de l'industrie forestière dans l'économie québécoise.

C'est, d'ailleurs, parce qu'on avait pris conscience de ce phénomène, de cette situation qu'on avait lancé le plan de reboisement visant 300 000 000 de plants mis en terre, il y a quelques années. C'est en ayant à l'esprit cette situation de pénurie qui nous menaçait. Cependant, on était aussi conscient qu'il fallait une politique globale en matière forestière et qu'il fallait mettre en place un nouveau régime forestier avec tous les éléments permettant de régler ce problème de déficit, ce problème de pénurie qui se présentera à nous dans quelques années.

C'est pourquoi il est évident que, comme formation politique, nous serons d'accord avec le projet de loi 150 puisqu'on y retrouve les principes fondamentaux qu'on retrouvait dans le livre blanc Bâtir une forêt pour l'avenir. Entre autres, je pense à l'abolition des concessions forestières. Je pense que tout le monde convient que c'est un régime désuet qu'il faut abolir. On est également parfaitement d'accord pour remplacer ce régime qu'on abolit par la mise en place de contrats d'approvisionnement et d'aménagement avec les entreprises qui utilisent la matière ligneuse au Québec et qui exploitent des usines de transformation. j'insiste sur le fait qu'il s'agit de contrats d'approvisionnement et d'aménagement, parce que je pense que tout le monde est d'accord également au Québec pour relier très étroitement l'approvisionnement, donc la récolte, l'exploitation forestière et l'aménagement forestier. Il faut que ce soit associé, relié ensemble. Il faut que les entreprises qui s'approvisionnent, donc qui prélèvent la ressource, qui utilisent la ressource, participent également à l'aménagement, à la régénération et au reboisement en forêt. Donc, les deux sont reliés. Nous sommes parfaitement d'accord avec ce principe fondamental qu'on retrouve dans le projet de loi 150. (23 h 10)

M. le Président, il y a un aspect qui m'intéresse beaucoup à titre surtout, en particulier, d'ancien ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, c'est le principe de l'utilisation polyvalente de la forêt. Je pense qu'à l'heure actuelle, en 1986, il faut être conscient du fait que la forêt n'est plus, n'est pas exclusivement un réservoir de matière ligneuse. C'est plus que cela. C'est davantage que cela. C'est également cela aussi, bien évidemment. C'est sûr que la forêt, c'est un réservoir de matière ligneuse, qui joue un rôle économique majeur. C'est aussi un habitat pour la faune. Et il y a toutes les activités qui sont liées à la faune: la pêche, la chasse, le piégeage. On sait que c'est au moins presque 1 500 000 Québécois qui s'adonnent à ces activités reliées à la faune. C'est donc un élément important, une utilisation importante de la forêt.

La forêt, c'est aussi un lieu de loisir. C'est également un lieu de villégiature. Je pense que c'est maintenant fort répandu. Donc, il faut se rendre compte et prendre conscience que la forêt doit répondre à de multiples besoins. Il faut se rendre compte de la nécessité de concilier parfois des besoins qui peuvent être opposés, de concilier des intérêts qui peuvent parfois être divergents. Il faut parfois permettre les prélèvements de matière ligneuse, mais en même temps protéger les habitats fauniques essentiels. Il faut permettre le prélèvement de la matière ligneuse, mais en même temps il faut protéger les lieux de loisirs en forêt. En même temps qu'il faut permettre le prélèvement et l'exploitation de la ressource forestière, il faut aussi parfois conserver un certain nombre de sites dont le caractère est jugé exceptionnel. C'est ce qu'on fait, entre autres, en créant des parcs nationaux.

Nous avions, à l'époque où nous étions au gouvernement, préparé un Guide des modalités d'intervention en forêt, de façon à permettre, justement, de concilier ces divers besoins, de façon à permettre de concilier les divers intérêts et les diverses utilisations qu'on peut faire de la forêt. Je suis fort heureux de voir que le ministre délégué à la Forêt et ses collègues ont repris ce Guide de modalités d'intervention et qu'ils l'ont, d'ailleurs, rendu public en septembre dernier. J'en suis fort satisfait, parce que c'est important de bien encadrer et d'imposer parfois un certain nombre de contraintes à ceux qui exploitent la forêt, à ceux qui utilisent la matière ligneuse, de façon, justement, à permettre d'autres usages, d'autres utilisations.

Dans ce Guide des modalités d'intervention, on prévoit, évidemment, la protection des lacs et des cours d'eau, ce qui m'apparaît essentiel. On prévoit des modalités visant à protéger la faune, les ravages de chevreuil, par exemple, les aires de confinement de l'orignal, les lieux de concentration des oiseaux aquatiques, les habitats du castor, les héronnières. Il y a des éléments, des modalités d'intervention qui sont imposées aux entreprises, aux utilisateurs de la forêt pour faire en sorte que ces habitats fauniques soient protégés. C'était revendiqué, réclamé par tous ceux qui s'intéressent à la faune et à sa protection.

L'article 24 du projet de loi, d'ailleurs, prévoit justement que ces modalités

d'intervention seront en quelque sorte imposées aux utilisateurs de la matière ligneuse. Nous sommes, évidemment, parfaitement d'accord avec le fait qu'on impose des modalités d'intervention pour protéger la faune, pour assurer la protection des sites récréatifs et également pour protéger les lacs et les rivières. Cependant, M. le Président, à l'article 24, on fait référence, en matière de modalités d'intervention, à un "plan d'affectation approuvé par le gouvernement conformément à la Loi sur les terres du domaine public", c'est-à-dire le projet de loi 102, qui est également déposé devant cette Chambre. En d'autres termes, si l'on veut que le Guide des modalités d'intervention - qui deviendra un règlement, d'ailleurs, en vertu de la loi, ce qui est très bien, quant à nous - puisse s'appliquer concrètement et puisse être respecté par les utilisateurs, il faut à la base connaître le plan d'affectation des terres publiques.

Le plan d'affectation des terres publiques constitue l'assise de ce règlement sur les modes d'intervention parce que c'est le plan d'affectation des terres publiques en vertu du projet de loi 102 qui va classifier les terres publiques en plusieurs zones en fonction de leur utilisation et de leur potentiel. Il y aura des zones de production forestières exclues, par exemple les parcs ou les réserves écologiques. Il y aura des zones forestières où la production forestière sera permise et des zones où elle sera prioritaire. Selon que le site d'exploitation d'une entreprise se retrouve dans l'une ou l'autre de ces zones, en vertu du plan d'affectation les modalités d'intervention diffèrent, sont plus ou moins contraignantes; mais si le plan d'affectation n'est pas adopté, si le gouvernement ne peut pas adopter le plan d'affectation des terres publiques pour la simple et bonne raison que le projet de loi qui prévoit le plan d'affectation n'est pas, lui non plus, adopté, qu'est-ce qui se passe, M. le Président?

Cela a été mis en lumière par plusieurs de mes collègues et il m'apparaît important d'en reparler. Un certain nombre d'éléments de la politique forestière, du régime forestier qu'on retrouve dans le projet de loi 150 seront inopérants, inapplicables si le projet de loi 102 n'est pas adopté parce que l'une des assises du nouveau régime forestier, de la nouvelle politique forestière, c'est le plan d'affectation des terres publiques. Le plan d'affectation des terres publiques est adopté en vertu des dispositions du projet de loi 102 dont on n'a même pas commencé l'étude en cette Chambre.

On a raison de dire, M. le Président, qu'on va se retrouver avec un projet de loi sur les forêts, si on l'adopte, à qui il va manquer l'une des assises. Le plan d'affectation des terres publiques et l'un des éléments majeurs aussi de cette politique forestière qui est le règlement sur les modalités d'intervention ne pourront pas concrètement s'appliquer puisque le zonage prévu dans le plan d'affectation ne sera pas, lui non plus, connu et en vigueur.

Par conséquent, on se doit, comme Opposition, de mettre en lumière le manque de cohérence, le manque de logique du gouvernement en cette matière. On est obligé de constater qu'on se retrouve en face d'une mauvaise planification législative. Il est évident, à l'étude des deux projets de loi 102 et 150, qu'à tout le moins ils doivent être étudiés concurremment, en même temps. L'idéal serait qu'on ait d'abord adopté le projet de loi 102 et, ensuite, qu'on étudie le projet de loi 150 sur les forêts. Mais, au moins, les deux projets de loi devraient être étudiés concurremment, en même temps puisque les deux sont étroitement liés. L'un ne va pas sans l'autre. Il y a donc un manque de cohérence de la part du gouvernement et un manque de planification législative qu'on a dénoncés depuis le début de cette session, M. le Président. Mon collègue de Lévis l'a fait encore tout à l'heure; le gouvernement ne sait pas où il s'en va en matière législative. Le gouvernement ne semble pas avoir de stratégie ni de cohérence en matière législative, ni de logique.

Tout en vous disant, en conclusion, M. le Président, que nous sommes bien prêts et disposés à adopter le projet de loi 150, nous mentionnons, toutefois, au ministre qu'en commission parlementaire nous allons faire des efforts sérieux, positifs, pour améliorer le projet de loi. Il nous faut, cependant, reconnaître que le gouvernement planifie mal ses interventions législatives, planifie mal les travaux de la Chambre. Et on doit prendre acte de cette mauvaise planification, incohérente et manquant de logique. Merci, M. le Président. (23 h 20)

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: M. le Président, dans mon comté, le beau comté de Taillon, malheureusement, on ne peut pas dire qu'il y a des forêts, même s'il y a de très beaux coins. II y a des parties de mon comté qui ont été bien préservées, notamment la base de plein air de Longueuil. J'invite les gens d'en face à venir jeter un coup d'oeil là-dessus. M. le Président, même s'il n'y a pas de forêts, mon intérêt pour cette question n'en est pas moindre.

Vous savez, la réforme de la Loi sur les forêts, en fait, c'est le gouvernement du Parti québécois qui l'a enclenchée en 1984; c'est lui qui a enclenché le processus de

modification de notre politique forestière. Car, on le sait, le surplus de matière ligneuse qu'on observait en 1970 n'existait plus.

Yves Duhaime, un de nos distingués collègues à l'époque, a publié la problématique en 1984 et a consulté de nombreux intervenants. Mon collègue actuel, le député de Laviolette, a terminé cette consultation et a publié, en juin 1985, le livre blanc Bâtir une forêt pour l'avenir. Après une consultation particulière où il y avait pas moins de 37 organismes et qui a duré six jours à la fin de septembre sur un avant-projet de loi, le ministre a modifié sensiblement la loi.

Je pense que c'est bon de relever l'utilité d'un processus ouvert de consultation. Ce n'est pas nécessaire de se cacher, comme le font trop souvent, malheureusement, les gens d'en face depuis qu'ils ont pris le pouvoir en décembre 1985. Pas nécessaire, non plus, d'étudier des projets de loi la nuit, comme on va devoir le faire ce soir, pour éviter peut-être que les gens, les intervenants ne nous écoutent. Quand on prépare bien nos travaux législatifs, quand on ordonne notre calendrier législatif d'une façon cohérente, ce sont des choses qui ne se produisent pas. Malheureusement, ce soir, à une heure tardive, mes collègues et moi, nous devrons intervenir sur ce projet de loi.

Rapidement, M. le Président, je tiens à rappeler les grands principes directeurs de ce projet de loi qui font, je pense qu'on peut le dire, un large consensus, car, je crois que nous devons le souligner, nous devons appuyer les grands objectifs du projet de loi et de la réforme qui s'imposait. Nous aurons de très nombreux amendements à proposer sur cette loi.

Maintenant, je tiens à rappeler rapidement les principes directeurs de cette loi qui font largement consensus: d'abord, la reconnaissance de la dimension écologique de nos forêts; deuxièmement, l'abolition des concessions forestières sans compensation financière; le remplacement de toutes les garanties d'approvisionnement et concessions forestières par des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier; le maintien de l'État en tant que gestionnaire de la ressource forestière; la participation de l'industrie forestière et des coopératives forestières à l'aménagement des forêts, reconnaissant ainsi l'interdépendance des opérations de récolte et de régénération - en somme, chaque arbre coupé devrait être remplacé, comme l'a bien souligné, dans son allocution de tantôt, le député de Lévis; la reconnaissance du statut du producteur forestier privé, que le précédent gouvernement a eu le mérite de faire adopter par l'Assemblée nationale dès juin 1985; l'objectif du programme de reboisement d'atteindre une vitesse de croisière de 300 000 000 de plants en 1988 et l'application du principe du rendement soutenu qui confirme un niveau de récolte des bois correspondant à la possibilité de la forêt à se régénérer; enfin, la publication d'un Guide des modalités d'intervention en milieu forestier qui permettra de prescrire des normes de coupe de bois en fonction de divers milieux forestiers et de leur fragilité.

Rendu public le 10 septembre dernier, il ne faut pas oublier que ce guide négocié entre trois ministères, Énergie et Ressources, Environnement et Loisir, Chasse et Pêche, était prêt depuis plus d'un an. J'ai souligné tout à l'heure que ce projet de loi, dans ses grandes orientations, devait recevoir notre approbation, mais que, cependant, il contenait de graves lacunes. Ce soir, je voudrais en relever une, laissant à mes collègues le soin de faire le tour des autres importantes lacunes de ce projet de loi.

Vous aurez remarqué que ce gouvernement libéral a la fâcheuse habitude de s'occuper des murs sans s'occuper des gens qui travaillent à l'intérieur de ces murs, comme au Manoir Richelieu. Vous aurez remarqué que ces gens s'occupent des avions, mais qu'ils ne s'occupent pas des gens qui travaillent dans ces avions, comme lors de la vente de Quebecair. Vous aurez remarqué que, lors de la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, on a, encore une fois, vendu les murs, les machines, mais on ne s'est pas occupé des cultivateurs, des producteurs et des gens dont le revenu dépendait de la Raffinerie de sucre du Québec.

Je vais vous donner un autre exemple qui est contenu dans le projet de loi 150. Après la consultation menée par le député de Laviolette sur un avant-projet de loi, le ministre dépose un projet de loi qui ne contient rien sur l'impact qu'il aura sur les relations du travail, sur les travailleurs et travailleuses de la forêt, rien qui touche les gens qui s'occupent d'abattre les arbres. Les arbres ne tombent pas seuls, pas plus que le reboisement ne se fait seul. Ce sont des gens, des hommes et des femmes, des Québécois et des Québécoises qui travaillent dans ce secteur. Croyez-le ou non, le projet de loi déposé devant nous est complètement silencieux sur les conditions de travail des gens en forêt. L'abolition des concessions forestières, la création de la sylviculture auront d'importants impacts sur l'organisation du travail en forêt. Mais le Code du travail devra être modifié afin de tenir compte des nouvelles accréditations syndicales nécessaires sur les nouveaux territoires.

Je tiens à rappeler au ministre qui, malheureusement, n'est pas avec nous lorsqu'on discute de son projet de loi... Peut-être est-il à l'extérieur, je ne le vois pas en Chambre actuellement. On m'informe qu'il

vient juste de sortir, j'espère qu'il va revenir. Je voudrais lui rappeler l'une des recommandations unanimes de la commission Beaudry. La commission Beaudry, commission bipartite patronale-syndicale, commission où on avait ajouté certains experts en droit du travail, avait recommandé l'institution d'une enquête sur les conditions de travail des travailleurs de la forêt. Nous avons pressé le ministre du Travail, notamment lors de l'étude de ses crédits l'an dernier, c'est-à-dire au début de cette année, pour qu'il institue cette enquête qui était requise et recommandée par la commission Beaudry; il n'a pas voulu y donner suite. (23 h 30)

Aujourd'hui, on va discuter de la matière, on va discuter des arbres, mais où est la préoccupation du ministre pour les hommes et les femmes qui travaillent cette matière? Où est la préoccupation chez les gens du parti ministériel pour les hommes et les femmes qui travaillent en forêt, qui travaillent dans ces industries? Pas un mot, me signale-t-on, n'est venu du côté ministériel sur les ressources humaines, pourtant essentielles, affectées en forêt, comme si le travail se faisait tout seul, comme si, en votant des lois, on réglait tout. C'est cela qui est un peu le credo du gouvernement libéral: On vote des lois et on s'imagine que tout se règle par la suite. Ce sont des hommes et des femmes qui mettent en oeuvre les lois que nous votons dans ce Parlement, et rien n'est possible sans ces ressources humaines qui viennent s'impliquer dans un travail.

Je tiens à vous relire, M. le Président, ce que contenait le livre blanc de juin 1985, qui s'appelait Bâtir une forêt pour l'avenir, de mon collègue - je l'ai dit - le député de Laviolette. Page 93: Les modifications au régime forestier, et plus particulièrement celles touchant la remise en production du territoire, vont avoir des impacts sur l'organisation du travail en forêt. Ainsi, l'adaptation des procédés de récolte en vue d'assurer la régénération peut entraîner une modification importante dans la façon d'opérer en forêt et dans le type de machinerie utilisé; de même, la définition de territoire d'allocation et surtout l'abolition des limites de concessions forestières va entraîner des modifications en ce qui concerne l'accréditation syndicale. Tous ces éléments, en plus des besoins de formation, en plus de la nécessité d'améliorer la qualité de vie et la sécurité du travailleur en forêt, nécessitent une intervention particulière de façon à en minimiser les impacts négatifs sur l'ouvrier forestier.

Voilà le type de préoccupations qui était véhiculé dans le livre déposé par le député de Laviolette mais qu'on ne retrouve plus maintenant dans le projet de loi ou même dans la politique générale du gouvernement. Les groupes de travailleurs impliqués sont actuellement très inquiets. D'ailleurs, ils ont rencontré le ministre délégué aux Forêts au cours des derniers mois. Malheureusement, ces rencontres n'ont apparemment rien donné de fructueux; le ministre est toujours silencieux sur cet aspect du projet de loi. Je vais donner en exemple à cette Chambre le mémoire des quatre syndicats de travailleurs forestiers du Saguenay—Lac-Saint-Jean, de Québec-Nord, du Bas-Saint-Laurent—Gaspésie et de Québec-Sud. Notre préoccupation, dit ce mémoire déposé au ministre, se situe au niveau de la rétrocession et des garanties d'approvisionnement qui, selon l'article 98 de l'avant-projet de loi et l'article 191 du projet de loi 150, sont toutes reprises en main ou abolies à l'adoption de la loi.

Évidemment, sur le principe, nous sommes d'accord, et cela depuis longtemps. Cependant, devant le changement proposé par le ministre, un changement de grande envergure qui va sans nul doute occasionner des déplacements de secteurs d'activités de certaines compagnies ou de certains utilisateurs, qu'adviendra-t-il des accréditations syndicales qui sont la base du syndicalisme dans le secteur forestier?

Est-ce qu'on va me répondre: Ce n'est pas important, c'est secondaire? Comme, probablement, le Conseil des ministres a décidé, lorsqu'il a vendu le Manoir Richelieu: C'est secondaire, les accréditations. Une accréditation syndicale pour le travailleur, c'est une protection minimale, une protection vitale parce qu'elle confirme le principe reconnu dans le Code du travail que pour négocier avec son employeur on peut se regrouper et qu'une fois regroupés et accrédités l'employeur a le devoir - pas le pouvoir, le devoir - de négocier avec cette association accréditée, sans quoi les conditions de travail des travailleurs et travailleuses ne peuvent que s'en trouver affaiblies. C'est tout cela la base du syndicalisme, c'est la force de la solidarité des travailleurs qui décident de se regrouper. Qu'adviendra-t-il, M. le ministre, des accréditations syndicales qui sont la base du syndicalisme? C'est dans le secteur forestier comme dans les autres, d'autant plus que dans certains endroits ces accréditations sont rattachées à un territoire donné. Nous pouvons nous imaginer facilement le type de fouillis que pourrait occasionner une telle mesure si elle n'est pas accompagnée d'un changement au Code du travail qui assurera la protection de l'accréditation syndicale dont je parlais tantôt.

Il devrait également en être ainsi pour les entreprises qui ont actuellement des garanties d'approvisionnement mais qui, par la nouvelle philosophie du ministère, pourraient ne plus en avoir si elles peuvent s'approvisionner en résidus dans les usines de

sciage environnantes. De ce fait, le territoire de coupe qui leur est actuellement attribué servirait d'approvisionnement pour une autre entreprise. Donc, selon la loi, actuellement, cette accréditation devrait être maintenue. Les travailleurs concernés devraient conserver leurs droits acquis.

Si ces questions peuvent paraître secondaires - je vous remercie de m'indiquer qu'il me reste deux minutes, je vais terminer là-dessus, M. le Président - à certains ministres libéraux, je tiens à rappeler au ministre que la commission Beaudry s'est penchée en profondeur là-dessus. Les conditions de travail en forêt, qu'il connaît, je pense, assez bien, il le sait, ne sont pas faciles. D'abord, ce sont des gens qui, dans bien des cas, doivent s'exiler, laisser leur famille pour de longues périodes de temps. Ce sont des gens qui, parfois, vivent dans des conditions de vie très difficiles car en plus de l'isolement ils doivent supporter un environnement matériel des plus faibles. Dans ce sens-là, je crois que le devoir du ministre, dans ce cas-ci peut-être plus que dans un autre secteur, est de s'assurer que le monde, le vrai monde, pas les grandes structures de son ministère, pas les organigrammes que j'appelle parfois les "organigrouilles" mais les gens qui vivent en forêt puissent recevoir du ministre la préoccupation qu'ils méritent et que je crois que le ministre est capable de leur fournir.

Ces situations se sont déjà présentées dans d'autres secteurs de l'activité économique. Les ministres ou les dirigeants de gouvernement qui ont fait fi de cette réalité fondamentale n'auront jamais réussi à faire adopter leur réforme ou à la faire vivre parce que, encore une fois, des lois, c'est bien beau, M. le ministre, mais, une fois adoptées par nous, les lois doivent être vécues par les gens. (23 h 40)

En ce sens-là, en terminant, j'attire votre attention là-dessus, tout en espérant que le ministre puisse apporter à nos propos une oreille attentive. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au député de Joliette et leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de dire à cette Assemblée que je suis fils de bûcheron, que je connais très bien la forêt et que je sais jusqu'à quel point, M. le Président... Même si cela fait sourire le ministre, je n'ai pas honte d'être fils de bûcheron. J'en suis même fier parce qu'on n'est pas parvenus à des postes, nous autres. On a bûché pour y parvenir, M. le Président.

Parler de la forêt, parler de cette richesse renouvelable à une heure aussi tardive, je conviens avec plusieurs d'entre vous que cela aurait été préférable d'en parler en toute quiétude quand les gens peuvent écouter les propos des deux formations politiques et juger. Je me permettrai quand même de faire un certain historique de ce que nous avons fait comme formation politique, ce qui nous permettra sans doute de juger de ce qu'on s'apprête à faire.

M. le Président, je me souviens très bien qu'en 1976, lorsque j'ai été élu député, M. Lévesque avait insisté fortement sur le fait que c'était inconcevable de continuer à diriger nos politiques de la forêt...

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président.

Une voix: II n'y a pas quorum.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean, sur une question de règlement.

M. Brassard: Je m'excuse auprès de mon collègue, mais il faut 20 députés pour le quorum.

Le Vice-Président: Je vous dirai, M. le député, étant donné qu'une commission, si je ne m'abuse, siège...

M. Brassard: Elle ne siège plus depuis un bon bout de temps.

Une voix: C'est terminé.

Le Vice-Président: Je m'excuse, je vais faire les vérifications nécessaires. On m'avait dit que la commission était appelée jusqu'à minuit. Nous allons vérifier si la commission siège ou pas. Nous allons faire la vérification dans un instant. Est-ce qu'on peut vérifier au secrétariat si la commission siège? Merci.

Si les députés veulent bien prendre leur place, s'il vous plaît!

Une voix: Je pense qu'il manque des péquistes.

Une voix: Non.

Le Vice-Président: Je constate, à ce moment-ci, que nous avons quorum même si la commission ne siège pas. Donc, nous pouvons poursuivre. Je fais faire la vérification immédiatement pour savoir si, effectivement, aucune commission ne siège. Dans ce cas, le quorum sera d'un minimum de 21 députés.

M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, je disais

donc que le premier ministre, en 1976, nous avait dit: C'est impossible de continuer à gérer nos forêts, notre richesse naturelle renouvelable, de la façon dont les libéraux l'ont fait de 1970 à 1976.

M. le Président, à cette époque, on reboisait à raison d'environ 16 000 000 de plants par an, alors qu'on coupait environ 300 000 000 d'arbres par année. Qui plus est, M. le Président, croyez-le ou non, il aurait été intéressant d'entendre un ingénieur forestier, comme l'actuel ministre délégué aux Forêts, nous dire que pendant la dernière année de leur règne, en 1976, ils ont mis en terre 6 000 000 de plants. Savez-vous ce qu'ils ont fait avec les autres 10 000 000? Ils n'avaient pas d'argent pour les faire planter. Ils les ont brûlés. C'était cela l'administration forestière du régime libéral des années 1970 à 1976.

Qu'avons-nous fait face à cette situation tout à fait aberrante? Qu'avons-nous fait de ce manque complet de vision dans la gestion d'une richesse naturelle renouvelable, mais renouvelable pour autant qu'on s'en préoccupe? Ne pas laisser n'importe qui, n'importe quand, faire n'importe quoi. Non, M. le Président, nous avons décidé ceci. Notre formation politique a décidé du principe suivant: Un arbre coupé, il faut en assurer immédiatement le reboisement. C'est là une façon intelligente de bâtir sur quelque chose de solide, de bâtir une forêt, comme disait le ministre des Forêts, mais pas quelque chose en l'air, en mettant des montants d'argent et en y allant sur un plan quinquennal en s'assurant que ce principe soit bel et bien mis en pratique.

Non satisfaits de cela, nous avons voulu voir plus globalement, à part cela. C'est là que le ministre des Terres et Forêts à l'époque, notre collègue de Laviolette a soumis une politique à la consultation et, lui, ne refusait pas les groupes. Il n'avait pas peur de rencontrer Rexfor. Il n'avait pas peur de rencontrer les travailleurs du Saguenay. Il ne se camouflait pas derrière le fait qu'un groupe pouvait venir lui dire qu'il ne serait pas tout à fait d'accord. Non. C'était une ouverture très large. Les groupes qui ont voulu rencontrer le ministre, ce dernier se déplaçait pour aller les rencontrer. C'est ce que nous avons fait.

À part cela, nous avons stimulé et revitalisé une industrie en perte de vitesse non concurrente. Nous n'avons pas hésité à aller négocier avec le gouvernement fédéral pour en arriver à la conclusion d'un programme conjoint pour revitaliser tout le secteur des pâtes et papiers. Voilà ce que nous avons fait. Et le ministre voudrait, aujourd'hui, qu'on sorte l'encensoir et qu'on lui dise: Je suis beau, je suis ingénieur forestier, tout ce qui arrive, c'est moi qui l'ai fait. C'est du plagiat, en bonne partie. Si, au moins, il avait plagié correctement, on n'aurait pas le tollé de la Chambre des notaires, on n'aurait pas l'UPA qui s'interroge très fortement sur l'utilisation des forêts publiques, on n'aurait pas de groupes qui nous demandent désespérément: Mais, est-ce que cela a du bon sens? Il nous soumet un projet de loi de 108 articles, puis, après avoir entendu une partie d'entre nous, pas tous, il nous pond un projet de loi de 228 articles. Très bon travail, bien fait. Excellent travail. Un brouillon qu'on a présenté aux gens. Et on arrive devant les parlementaires et, dans l'espace d'un rien de temps, on voudrait qu'on adopte ce projet de loi.

Tout en étant d'accord avec le principe qu'il nous faut gérer correctement nos forêts, tout en respectant les lignes directrices de ce projet de loi - on ne peut pas être contre son adoption de principe - il a besoin de changer de couleur entre le principe et la troisième lecture parce qu'on va s'interroger à nouveau. Le ministre a besoin de se montrer ouvert et d'arriver avec des amendements corrects qui assurent un développement cohérent et non pas exclusivement se donner de petits articles pour lui permettre de faire une certaine forme de patronage. Non, M. le Président, on n'acceptera pas cela sans doute. On va sans doute se parler sérieusement à l'étude article par article. Je suis toujours surpris quand je lis des projets de loi de ce parti, quand ils n'ont pas un article, sous prétexte qu'ils prétendent légiférer différemment... Ils se sont proclamés les champions de la déréglementation. Dans son projet de loi, le ministre en a 18. Est-ce que le ministre va déposer, en commission parlementaire, ses 18 règlements pour qu'on puisse voir si vraiment ces règlements sont cohérents et concordants avec les articles de la loi, avec l'esprit de la loi? Est-ce que le ministre, qui lui aussi disait: "II faut déréglementer", et qui propose 18 règlements d'un coup, va avoir la décence de permettre aux parlementaires de jouer vraiment leur rôle de façon intelligente? Est-ce qu'il céposera les règlements pour qu'on puisse en Faire une étude très sérieuse?

Ces gens se contredisent d'une journée à l'autre. Je n'en reviens pas, moi. J'ai lu avec attention les galées du discours du ministre de l'Énergie et des Ressources et il rassure tojt le monde en cette Chambre. Il dit: "Ne vous en faites pas, la loi 102 va être appliquée et va être adoptée avant Noël. La loi 150 va être adoptée avant Noël." Le ministre se relève ce soir et dit: "La loi 102 ne sera pas adoptée avant Noël." Il va falloir qu'on retire un jour ou l'autre l'avis de motion qu'on a donné en cette Chambre pour faire des consultations publiques les 11 et 12 décembre prochain. Il y a du monde qui travaille pour rédiger les mémoires let il y a du monde ici en cette Chambre qui annonce qu'ils vont retirer la

loi. On ne joue pas au fou avec le monde et avec les groupes qui préparent des mémoires. On ne rit pas des gens en les faisant assoeir à la journée longue pour rédiger des mémoires sous prétexte qu'on va les entendre, alors qu'on n'a pas encore retiré en cette Chambre l'ordre qu'il y aura des séances publiques et des auditions publiques les 11 et 12 décembre prochain. (23 h 50)

Comment se fait-il que, ce soir, on apprend qu'il n'y en aura pas d'auditions publiques et qu'on n'a pas encore averti les groupes, qui sont en préparation, de tout arrêter? On a changé d'idée. Cela suppose quoi, M. le Président, au niveau de la loi 150, la cohérence? Est-ce que le ministre, arrivé en deuxième lecture, à l'étude article par article, va proposer un paquet de modifications, un paquet d'amendements parce que la loi 102 ne sera pas appuyée ou adoptée cet automne? Est-ce que le ministre va présenter ces amendements avant même qu'on soit à l'étude article par article en commission parlementaire, ou s'il va, comme certains l'ont déjà fait dans sa formation politique, attendre le dépôt du rapport en cette Chambre pour préparer un paquet d'amendements visant à corriger le fait qu'ils ne veulent plus que la loi 102 sur les terres publiques soit adoptée, qui est supposée être l'assise juridique de toute cette loi 150? Est-ce qu'on connaîtra ces amendements de concordance ou encore de substitution au fait que la loi 102 n'est pas adoptée? C'est autant de questions auxquelles le ministre devrait répondre, au moins, dans son droit de réplique, s'il veut éclairer les parlementaires, parce que, au moment où on se parle, tout ce qu'on sait, c'est que le projet de loi 102 n'est pas supposé être appelé.

On ne sait pas s'il y aura des audiences publiques les 11 et 12, mais on sait que l'argument pour les retirer, c'est qu'on apportera des amendements au projet de loi 150. Où sont ces amendements? Sont-ils préparés? Sont-ils déposés à temps pour qu'on puisse les étudier article par article en commission parlementaire? Sinon, M. le Président, c'est leurrer les parlementaires et le Parlement.

M. le Président, ces gens, depuis le début de leurs discours, pour les quelques-uns qui ont parlé, selon leur grande foi, se sont levés beaucoup plus pour dire: Bravo à M. le ministre d'avoir eu le courage politique et d'avoir été vite! Je les ai écoutés: ce sont presque les seuls arguments qu'ils ont trouvés. Bravo, M. le ministre! M. le ministre, vos gens n'ont pas parlé, par exemple, des travailleurs de la forêt eux qui disaient tantôt, de leur côté: On se préoccupe de tout. Je vous rappellerai qu'il y a une commission parlementaire à laquelle notre ami, le député de l'Ungava, a proposé un mandat d'initiative aux parlementaires de votre côté - le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue était là - et le mandat était le suivant: "La commission de l'économie et du travail se donne un mandat d'initiative visant à faire la lumière sur les conditions de travail en forêt et à évaluer l'impact de la nouvelle politique forestière sur les relations du travail dans la forêt." Tergiversations, M. le Président! Refus d'analyser précisément les conditions de travail des travailleurs forestiers. Et vous allez venir nous dire que vous êtes sensibles à cela. Vous vous êtes même refusé un mandat d'initiative d'une commission qui aurait pu se pencher là-dessus, parce que le livre blanc déposé par le député de Laviolette en parlait et votre politique n'en parle plus, M. le ministre délégué aux Forêts. Vous avez fait fi des rapports de commissions de travail et de commissions d'enquête et je vais vous lire quelques paragraphes: "En raison des conditions de travail imposées actuellement aux travailleurs forestiers, le travail en forêt entraîne une insécurité financière. Pour remédier à cette situation - je vous dirai qui l'a écrit avant de rire, M. le député de Prévost, il serait peut-être bon que vous réfléchissiez avant de rire parce qu'il y a des travailleurs forestiers dans votre comté - pour remédier à cette situation, il a été proposé d'effectuer une vaste enquête sur l'ensemble du secteur forestier, d'abolir le salaire à forfait parce qu'il incite à un rythme de travail élevé, cause de nombreux accidents du travail et soumet les travailleurs à une insécurité financière par suite des aléas de la coupe de bois durant la pluie, les neiges, la topographie des terrains, la qualité des arbres etc.; d'obliger les compagnies forestières à fournir les outils de travail et les camps forestiers sur leur territoire de coupe ou à défrayer le logement, la pension et le transport; de vérifier la pertinence de la législation et du Code du travail concernant la transmission des droits et obligations à l'occasion d'une rétrocession de la concession et lors des changements de territoires prévus au permis de coupe.

La conclusion de la commission Beaudry, qui a existé durant plus d'un an, était la suivante: "Compte tenu des nombreuses demandes faites à la Commission consultative sur le travail et du rapport d'étape du groupe de travail sur l'exploitation forestière, que le ministre du Travail ouvre dans les plus brefs délais possibles une enquête sur l'ensemble des activités en forêt." Cette enquête devrait cerner tous les sujets susceptibles d'influencer les droits et les conditions de travail de la main-d'oeuvre forestière et notamment l'influence de la planification de la production sur les besoins et les conditions de travail des ressources humaines." Les effets de la mécanisation sur la santé et la

sécurité et la rémunération du travailleur forestier, la quantité et la qualité de la formation des ouvriers, la pratique de la sous-traitance et ses répercussions sur les conditions de travail sur le droit d'association, pas un mot!

Pas un mot, M. le Président. Qu'est-ce qui les intéresse, M. le Président? Faire plaisir à un groupe d'intérêts. Dans cela, il y a des gens qui donnent de leur temps. Vous me direz: Bien sûr ils sont rémunérés. Avez-vous déjà travaillé en forêt? Avez-vous déjà travaillé en forêt l'automne, M. le Président? Moi, j'ai travaillé en forêt l'automne. J'ai connu ce que c'était d'empiler du bois avec un cheval, avec mon père. Ne venez pas me dire... et il y en a plusieurs qui connaissent bien cela ici. Avant de décider de ne pas vous préoccuper de la main-d'oeuvre forestière, pensez-y un tant soit peu. C'est un métier extrêmement difficile, vous le savez. Ils n'ont pas d'alternative, quand ils sont à sous-contrat en particulier, d'agir à la sauvette. Combien d'hommes sont brûlés à 35 ou 40 ans à peine, dans le domaine de la forêt?

Je suis né dans ce milieu et je peux vous en parler très longuement. Je ne pense pas qu'on puisse rire de ces conditions de travail. Elles sont malheureuses, M. le Président. Ceux qui travaillent en forêt sur des horaires de huit, sept, comme c'est le cas présentement a Casey au nord du Québec, dans le nord du comté de Laviolette, ceux qui sont huit jours dans le bois à travailler huit jours consécutifs pour être sept jours en bas, vous irez voir dans quelles conditions de travail ils oeuvrent, M. le Président. Le ministre n'a pas un mot. Il a même rayé cela de sa politique, parce que cela existait dans le livre blanc qui avait été déposé en cette Chambre par le député de Laviolette. On a l'air à s'en foutre éperdument.

Donc, M. le Président, vous ne serez pas surpris bien sûr, que, dans les prochains jours, les prochaines heures, il y ait des groupes qui veuillent se faire entendre sur ce projet de loi de 108 articles, converti en 228 après avoir écouté environ la moitié de ceux qui voulaient être entendus. Vous ne serez pas surpris qu'il y en ait qui crient pour être entendus. Vous ne serez pas surpris qu'il y ait des amendements suggérés par des groupes, que des groupes fassent encore parvenir au ministre des suggestions d'amendements. J'ose espérer que le ministre, en toute honnêteté intellectuelle, déposera pour les membres de la commission l'ensemble des amendements qu'il aura reçus à la suite de la republication de son projet de loi qui a maintenant 228 articles et non plus de 108.

Je demande au ministre, dans son droit de réplique, lorsque viendra son tour de parler, de nous dire s'il accepte de déposer devant les membres de la commission l'ensemble des amendements qu'il aura reçus soit de l'UPA, d'entrepreneurs forestiers, de la Chambre des notaires ou d'autres groupes intéressés au développement de la forêt. Je demande au ministre s'il est prêt à s'engager à déposer ces amendements ou s'il attendra que les groupes passent par le biais de l'Opposition pour venir à bout d'avoir les amendements à des clauses bien précises.

Je répète que le principe du projet de loi est bien en soi. Mais je suis convaincu que le ministre aurait pu prendre le temps de permettre à tous les groupes d'avoir une version au moins définitive de ce qu'il pensait. Quand on voit clair dans une politique, on présente le tout globalement et on dit: Voilà ma politique! Voilà les aspects auxquels le gouvernement tient! Voilà les principes auxquels le gouvernement ne dérogera pas, c'est son mot final! II ne s'agit pas de présenter un brouillon et, ensuite, de ramasser les orientations à gauche et à droite pour essayer de se faire une idée et, encore une fois, manquer son coup parce qu'il n'aura pas eu le courage d'inviter tous les groupes qui avaient des choses à lui dire sur l'ensemble des sujets. (minuit)

M. le Président, ce ministre délégué aux Forêts incarne très bien l'allure de ce gouvernement, à la sauvette, à la va-comme-je-te-pousse. Des ballounes, il en dégonfle une, il en ressouffle une, pas de problème, la vie est belle, on a le sourire. On a même essayé de lui montrer certaines de ses cassettes et il n'a pas réussi à les prendre, celui-là. Entre vous et moi, M. le Président, il me semble que cet ingénieur forestier devrait être au moins sensible à ceux qui oeuvrent en forêt, à ceux qui connaissent la forêt, à ceux qui non seulement ont étudié dans les livres, mais à ceux qui ont vécu sur le terrain ce que c'était que la forêt, pour bien lui faire comprendre qu'il oublie des dimensions très importantes dans sa politique. On ne peut pas bâtir une politique en faisant fi des acteurs principaux. Les acteurs principaux, M. le Président, dans toute cette politique, ce sont les travailleurs, ceux qui oeuvrent, ceux qui dépensent énergie et temps, ceux qui sont sur le terrain. Ce sont eux qui permettent les profits. Ce sont eux qui permettent à des compagnies d'avoir des revenus intéressants. Ces gens, vous les ignorez complètement, M. le ministre, et j'ai la conviction que vous faites fausse route. Merci.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je commencerais mon intervention en disant:

Comment réussir à faire d'une idée, qui avait fait consensus, d'une bonne idée, d'un principe de base très important, une sauce qui n'est pas la plus mangeable? Comment réussit-on, par un principe qui a fait l'unanimité au Québec, à présenter une politique forestière qu'on appelle désormais, pour se différencier du Parti québécois, un régime forestier? Comment réussit-on à présenter une telle politique qui, d'une certaine façon, amène en même temps des modalités d'application qui sont très différentes de celles qu'on avait proposées?

J'ai eu l'occasion d'entendre les députés du gouvernement, à un certain moment, encenser le ministre comme si le régime forestier présenté était venu d'une génération spontanée. H ne faut pas oublier qu'il y a des gestes qui ont été posés dans le passé, en particulier en 1972. Cet énoncé de politique de 1972 a été fait par un gouvernement libéral. Les députés du gouvernement sont venus nous dire: Messieurs, dans le temps où vous étiez au gouvernement, vous n'avez rien fait. Aurait-il fallu, M. le Président, qu'en 1976, quatre ans après l'énoncé de politique qui avait amené l'ensemble des scieries au Québec depuis 1970, dans l'Abitibi-Témiscamingue et le Nord-Ouest en particulier, on change tout cela en disant que ce n'était pas bon? Ce n'est pas de même qu'on a réagi, on a regardé la politique. Effectivement, elle avait, à cette époque, selon les connaissances qu'on avait, un certain bon sens.

Les années 1976, 1977, 1978 ont été plutôt consacrées à autre chose. Dans ma région en particulier, alors que des usines fermaient dans les pâtes et papiers, le gouvernement de l'époque a décidé de présenter au gouvernement fédéral libéral de l'époque une politique qui visait à permettre aux usines des pâtes et papiers de survivre dans la tourmente - c'était dans les années 1976, 1977, 1978 - politique qui a permis la sauvegarde des usines. Il n'était, à ce moment, en aucune façon pensable de parler de politique forestière si on ne sauvait pas, au moins, les usines qui mangeaient ce bois, qui amenaient chez elles ce bois. Il a donc fallu passer aux actes. Si le gouvernement de l'époque n'avait pas posé ces gestes, aujourd'hui, peut-être qu'on ne parlerait pas de politique forestière parce qu'il resterait beaucoup de bois dans la forêt, ces usines étant fermées, mais il y aurait beaucoup de chômeurs au Québec.

Donc, la politique de l'époque a été importante pour l'ensemble des usines de pâtes et papiers, une politique de modernisation et d'accélération des machines. En même temps, il ne faut pas l'oublier, ce n'est pas parce qu'on a modernisé nos machines qu'on a utilisé plus de bois. Le ministre est ingénieur, il le sait très bien, ces usines, parce qu'elles se sont modernisées, utilisent moins de bois et, dans bien des cas, parce qu'on a changé nos techniques, nos façons de procéder, nous avons, actuellement, l'utilisation de feuillus avec des résineux qui permet une utilisation optimale et maximale de la ressource forestière au Québec, en particulier, pour ceux qui viennent des régions où il y a des forêts mélangées.

Ce n'était pas une génération spontanée, le document que nous avons devant nous. Il a franchi l'étape importante de la consultation par mon collègue, Yves Duhaime, et celle de la présentation d'un livre blanc qui a amené le projet de loi. Je pense que ce livre blanc a fait le consensus au Québec et, comme je le disais à l'époque, on ne demande pas l'unanimité. On n'obtiendra jamais l'unanimité. La perfection n'est pas de ce monde, mais un consensus important est établi. Tout le monde voulait et espérait que cette politique soit faite le plus rapidement possible. Lors de la campagne électorale dans mon comté, le candidat libéral qui vous représentait a lancé à cor et à cri à tout le monde qui voulait l'entendre que la politique forestière, malheureusement, arrivait trop tard. On se retrouve un an après, alors que, si nous avions été reportés au pouvoir, elle serait déjà adoptée, elle serait déjà en place.

Une voix: Vous avez eu 9 ans pour le faire!

M. Jolivet: Cela ne me dérange pas, M. le Président, je suis habitué à les entendre crier.

Ce que je vous dis, c'est qu'actuellement nous avons une politique qui détermine qu'à partir du 1er avril 1987 il y aura des gestes de poser, mais que la politique n'entrera pleinement en vigueur qu'en 1990. L'ensemble des compagnies papetières et les compagnies de sciage, à l'époque, avaient une certaine forme de crainte. C'était un laps de temps trop long pour permettre le lobbying, pour permettre, finalement, que dans le partage des territoires qu'on a prévu à l'intérieur du projet de loi on arrive à faire en sorte que des gens, par des pressions de part et d'autre, viennent changer le contexte dans lequel nous sommes actuellement, qui est un contexte difficile.

Le projet de loi ne nous donne aucune garantie qu'il n'y aura pas des pressions qui seront exercées sur le ministre et qui feront en sorte que, finalement, il y aura de la part du ministre des tentations de répondre différemment à ces demandes d'allocation de territoires par des compagnies qui en voudront davantage. Les compagnies papetières sont très sensibles à ce sujet. On parle d'utiliser 23 000 000 de mètres cubes pour le partage des territoires; alors que la capacité portante de la forêt dans sa forme

biophysique actuelle est de 18 000 000, quand on veut la porter, par l'intermédiaire des procédés qu'on veut mettre en place, à 23 000 000 ou 24 000 000, je crains qu'on ne partage ces territoires à partir d'une hypothèse qui est réalisable, mais dans la mesure où tous les gestes sont posés. Quels sont ces gestes? Ce sont les travaux sylvicoles; ce sont de nouveaux modes de gestion de la forêt sur lesquels on s'entend de part et d'autre de cette Assemblée, et des méthodes différentes des coupes actuelles.

Dans le projet de loi, on en fait mention, je pense que c'est essentiel et important de laisser une forme de liberté aux compagnies qui auront les territoires dans la mesure où le gouvernement, par l'intermédiaire de vérifications annuelles sur la base des possibilités des cinq années en marche jusqu'à un contrat de 25 ans, peut prévoir que les coupes puissent être faites selon les garanties que pourront apporter les compagnies de remettre en production le territoire forestier du Québec.

De nouvelles méthodes de récolte. S'assurer que les arbres soient coupés dans la mesure où on ne va pas chercher seulement les "patchs" ici et là qui sont les plus denses. Donc, passer dans le résineux d'une densité de coupe de 75 mètres cubes par hectare à une densité de 49 mètres cubes par hectare. C'est-à-dire, à ce moment, aussi changer les méthodes de récolte.

Je l'ai souvent répété et je vais continuer à le répéter, le reboisement est l'une des techniques les plus coûteuses, mais il doit être fait. Cette technique, si elle doit être appliquée, doit l'être si nécessaire. Donc, reboisement si nécessaire, mais pas nécessairement reboisement. (0 h 10)

Je pense que c'est le journal La Presse du mois de juin 1985 qui titrait en première page dans la section qui la concernait: "Tout arbre coupé doit être remplacé". Le mot "remplacé" ne veut pas dire, M. le Président, qu'il doit y avoir nécessairement du reboisement. Le journaliste qui a écrit le texte avait bien compris le sens que le livre blanc donnait à cela, c'est-à-dire de s'assurer que tous les mécanismes et toutes les techniques nécessaires soient utilisés pour que la forêt soit remise en reproduction, mais non pas nécessairement par le reboisement seulement.

Dans le livre blanc, à la page 72 - et mon collègue, le député de Duplessis, a essayé d'en savoir davantage de la part du ministre et il n'en sait pas encore plus, mais j'espère que le ministre dans son droit de réplique aura l'occasion de nous répondre -on dit ceci: "La capacité concurrentielle de l'industrie: La fiscalité constitue un élément important de l'environnement de l'industrie forestière. Le gouvernement entend donc étudier tous les mécanismes reliés à la fiscalité dans le secteur forestier de façon à mettre de l'avant les mesures susceptibles d'améliorer la capacité concurrentielle de l'industrie québécoise." Donc, lorsque le livre blanc est apparu, des ordres ont été donnés. Ce que l'on sait... J'ai l'impression que le ministre ne le sait pas trop et ce sont les craintes que des industriels ont aussi. À la suite des questions qui ont été posées par le député de Duplessis, à savoir est-ce que le ministre veut déposer en cette Chambre les études sur la capacité concurrentielle de l'industrie des pâtes et papiers dans le contexte de l'augmentation des droits de coupe prévue par sa politique forestière, études commandées en juin 1985 et non encore rendues publiques par le ministre, des renseignements nous indiquent qu'aussi bien pour les industriels de sciage, comme l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, que pour les industries forestières comme l'Association des industries forestières du Québec représentant en particulier les papetières, au sujet des analyses sur la capacité concurrentielle à l'intérieur du projet de loi déposé maintenant et aussi, à ce qu'on a su, des droits de coupe, des "stumpage" comme on les appelle, demandés par les Américains, des études existent et des études sont là. Que le ministre ne veuille pas les déposer, c'est une chose mais qu'il ne vienne pas nous dire comme il l'a dit: Si cette étude est complétée et si elle existe, comme le prétend le député de Duplessis, il me fera plaisir de la déposer. Je demande donc, ce soir, pour les industriels qui auront à regarder et étudier le projet de loi article par article et qui auront des recommandations à faire au ministre, qu'ils puissent connaître les résultats de ces études aussi bien dans le sciage que dans les pâtes et papiers. Ces gens ont besoin de cela, les députés de l'Opposition ont besoin de cela pour faire un travail convenable et pour faire comprendre au ministre qu'il y a peut-être des gestes qu'il ne doit pas poser et qui doivent être retardés s'il est important de les faire. Je pense sans me tromper, d'après ce que j'ai comme renseignements, que ces études sont faites usine par usine. On connaît actuellement ce qui va se passer au Québec.

Il y a une autre chose qui m'inquiète -le député de Duplessis en a fait aussi mention lors d'une question posée au ministre - il s'agit de toute la question de la décision américaine d'exiger des droits de compensation. Dans le projet de loi, le ministre n'en fait pas mention, mais on sous-tend à l'intérieur de ce document, selon les renseignements que nous possédons, qu'en ce qui concerne l'augmentation de 15 % qui fait actuellement l'objet de négociations entre les États-Unis, le Canada et le Québec - le Québec étant une des provinces participant à

ce débat - nous avons actuellement l'impression que le ministre est en train de se faire avoir, que le gouvernement est en train de se faire avoir, et que le ministre qui discute de ces sujets, c'est le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique ou des relations avec le Canada. Je pense que le ministre à ce sujet doit nous donner des réponses et en donner aussi aux gens de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, aux gens des industries forestières et des papetières aussi qui sont plus vulnérables à ce sujet parce qu'ils sont les plus grands exportateurs.

Ce sont aussi les gens qui, actuellement, par le fait que des droits de coupe seront chargés au bois de sciage, au bois d'oeuvre, verront par le fait même augmenter à un autre niveau, par l'intermédiaire des copeaux et résidus de sciage, le coût à la tonne de papier fabriqué ici au Québec et vendu aux États-Unis. Le ministre en est conscient, mais il ne doit pas laisser à un autre ministre le soin de le décider.

Ce qu'on remarque ici, c'est que le ministre semble être un très bon garçon. Nous l'avons dit, nous l'avons répété, il semble tellement bon garçon qu'il est sous la tutelle du ministre responsable de l'Énergie et des Ressources et il est en train de se mettre sous deux autres tutelles: le ministre du Commerce extérieur et le ministre de l'Industrie et du Commerce. À une question qui a été posée sur la capacité concurrentielle des compagnies, le ministre répondait au député de Duplessis: Effectivement, il est évident que nous transmettrons toutes les données forestières au ministre de l'Industrie et du Commerce concernant Domtar et Donohue au sujet des allocations de bois, des autorisations et du volume de bois qu'on coupe sur les terrains publics du Québec. Mais il me semblait, quant à moi, que des décisions avaient été prises par l'ancien gouvernement et qu'elles devaient être continuées par le gouvernement actuel, à savoir qu'il y avait un ministre responsable de la gestion de la forêt. Ce ministre est le ministre délégué aux Forêts. Ce n'était pas le ministre de l'Industrie et du Commerce; ce n'était pas le ministre du Commerce extérieur; ce n'était pas le ministre de l'Énergie et des Ressources; c'était le ministre responsable, le ministre délégué aux Forêts. Or, nous avons l'impression actuellement que le ministre est en train de se faire manger la laine sur le dos par d'autres ministres qui prennent les responsabilités qu'il doit avoir. Il est important que le ministre soit responsable non seulement de l'allocation des bois, non seulement de la répartition des volumes de bois, mais il doit être responsable de la gestion de l'ensemble des industries du Québec pour savoir ce qui se passe dans ces industries.

II y avait au ministère et je pense qu'il existe encore au ministère et j'espère qu'il en est resté chez le ministre délégué aux Forêts de ces gens capables de déterminer ce que sont les industries au Québec. Le ministre de l'époque des Terres et Forêts, M. Yves Bérubé, a fait un travail extraordinaire. Il avait mis en place les moyens de s'assurer qu'effectivement le gouvernement pourrait correctement dire au gouvernement fédéral comment régler le problème de la modernisation des usines de pâtes et papiers au Québec. Or, nous avons l'impression, à la suite du projet de loi, que le ministre est en train d'abdiquer des choses.

Un exemple final avec le ministre de l'Énergie et des Ressources, c'est la question de la loi 102. Je comprends difficilement que le ministre, un ingénieur forestier, soit en train de se laisser passer un sapin comme celui-là. Beaucoup d'ingénieurs forestiers -c'était présent au congrès des ingénieurs forestiers - demandaient la création d'un ministère des Terres et Forêts. Qu'est-ce qu'on est en train de faire? On est en train de faire une scission complète. Le ministre de l'Énergie et des Ressources, responsable de tous les bons dossiers des terres et forêts - quand c'est le temps d'annoncer des bonnes nouvelles, il le fait - est en train de lui enlever une partie importante de l'ensemble des terres publiques. Or, nous sommes devant le projet de loi 102. D'après les renseignements que nous avons, et nous allons le répéter, à moins qu'on nous dise le contraire, on va le retirer et on va retirer les consultations particulières qui avaient été prévues. On va adopter la loi 150 sans avoir déjà adopté la loi 102. Le ministre devra répondre: Est-ce lui qui a la responsabilité? A-t-il tous les pouvoirs de le décider ou s'il faut qu'il se réfère, soit au ministre de l'Industrie et du Commerce pour le dossier Domtar-Donohue-Dofor, soit au ministre de l'Énergie et des Ressources sur la question des terres, soit au ministre du Commerce extérieur pour les "stumpage" américains? Qui mène dans ce ministère? Je pense qu'il est très important de le savoir, M. le Président.

En terminant, puisque vous me faites signe qu'il faut terminer, je dois dire que, quant à moi, malgré le fait qu'on diverge sur l'ensemble des modalités d'application - et on va le dire en commission parlementaire -sur les principes, on peut s'entendre facilement. Je peux même, contrairement à d'autres députés, terminer en disant que je remercie le ministre d'avoir présenté le projet de loi parce que, effectivement, il était important qu'il soit présenté. Je devrais aussi dire que bien des gens ont travaillé sur l'ensemble de ces documents, que ce soit le livre blanc ou le projet de loi, notamment le sous-ministre en titre, M. Tessier, le sous- ministre adjoint. M. Paillé ou M. Defrasnes du service ou mes employés à l'époque où j'étais ministre, comme Pierre Mathieu; il y a beaucoup de travail qui a été fait. Ce ministre a pris ensemble... M. le Président, est-ce que je peux terminer? (0 h 20)

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Allez-y.

M. Jolivet: Ce ministre a profité de tout cela. À ce moment, je dis que ce n'est pas de la génération spontanée et le ministre le sait très bien. Le ministre va également reconnaître qu'il y a des gens qui ont eu à travailler avant lui et qu'il récolte ce que d'autres ont semé. Ce qui est important, c'est que la semence qu'il va mettre en terre ne soit pas comme l'énoncé de politique de 1972, un énoncé qui devra être corrigé trop vite.

C'est une politique qui doit demeurer dans le temps et les compagnies forestières sont prêtes à y participer dans la mesure où elles savent ce que cela va leur coûter et où on s'en va avec cette politique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le ministre délégué aux Forêts, votre droit de réplique.

Des voix: Bravo!

Une voix: Enfin quelqu'un qui connaît la forêt!

M. Albert Côté (réplique)

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, c'est aujourd'hui le 2 décembre. Il y a un an, on sait ce qui s'est passé au Québec.

Des voix: Bravo!

Des voix: Un grand balayage!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis très fier, M. le Président, d'être le premier membre de ce gouvernement libéral à prendre la parole dans cette Assemblée. Au début de ce débat sur l'adoption du principe du projet de loi 150, nous avons perdu un temps précieux sur une motion dilatoire présentée par l'Opposition. Il est évident que, lorsque l'on n'a rien à dire ou à redire, c'est le genre d'échappatoire que l'on utilise.

C'est, en effet, tellement plus facile d'user ou d'abuser de dérobades, de trouver des excuses, d'avancer des faux-fuyants, d'utiliser des subterfuges ou d'inventer des prétextes pour masquer son inaction ou tout simplement pour empêcher les autres de poser les gestes que l'on aurait dû poser soi-même.

En présentant sa motion de report, M.

le Président, au début de ce débat, l'Opposition a montré encore une fois, comme si c'était nécessaire, le peu d'empressement qu'elle a toujours manifesté à l'égard des forêts du Québec, mis à part l'intérêt personnel témoigné par les députés de Laviolette et de Duplessis, je le reconnais devant cette Assemblée.

M. le Président, je suis heureux au moins de constater que, depuis le rejet de cette motion de report où les fleurs du tapis ont fait trébucher l'Opposition, nous parlons enfin de la forêt.

Je remercie tous mes collègues des deux côtés de cette Chambre de l'intérêt qu'ils portent à la forêt. Plus nous parlons et plus nous parlerons de cette forêt, mieux ce sera, parce que nous la respecterons davantage, parce que nous serons forcés de mieux l'aménager. De cette façon, nous assurerons notre avenir et celui des générations futures.

M. le Président, le débat sur l'adoption de principe a cependant permis de constater que le projet de loi sur les forêts suscite une vague d'unanimité dans cette Chambre quant aux principes qui le sous-tendent. J'ai remarqué avec plaisir que les membres de l'Opposition qui sont intervenus dans le débat n'ont eu, sauf certaines remarques plus ou moins valables, que des éloges à formuler à l'égard du projet de loi 150.

J'aimerais, d'ailleurs, poser quelques questions à l'Opposition sur certains points soulevés par elle au cours de ce débat. J'aimerais que le député de Dubuc vérifie ses chiffres quant aux emplois reliés à l'industrie de la fourrure ou du trappage. Ne s'agit-il pas de 5700 emplois plutôt que 57 000 en forêt dans ce domaine, puisqu'au total on ne compte que 65 000 travailleurs québécois qui tirent leur subsistance de cette ressource, la ressource de la faune?

Par exemple, j'aimerais que l'Opposition me dise comment elle peut justifier sa requête voulant que la création de nouveaux parcs en forêt dans les territoires qui seront désignés aux industriels, si petits soient-ils, soit strictement faite aux frais de l'industrie alors que les parcs constituent des équipements que l'ensemble de la collectivité entend se donner et dont elle voudra se doter.

Un autre point soulevé par le député de Bertrand m'intrigue énormément. Ainsi, le député de Bertrand, après avoir sans doute mûrement réfléchi, soutient avec le plus grand sérieux du monde que le bois de la Côte-Nord et de l'île d'Anticosti doit mourir sur place. Je demande donc au député de Bertrand s'il entend par là que les populations de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent devront déménager à Anticosti ou dans la région de Natashquan. Est-ce qu'il entend par là que nous devrons fermer des usines dans le Bas-Saint-Laurent et la

Gaspésie pour en construire de nouvelles sur la Basse-Côte-Nord? Est-ce qu'il entend par là que l'on devra construire des cégeps, des universités, des autoroutes, des écoles et des hôpitaux nouveaux à Anticosti ou dans la région de Natashquan et plus à l'est? Ne pense-t-il pas qu'il est plus logique de transporter temporairement du bois d'un côté à l'autre du fleuve pour permettre à la forêt gaspésienne et du Bas-Saint-Laurent de se refaire plutôt que de déménager des populations entières et d'installer les infrastructures et les équipements qui seraient alors requis?

Une voix: À Rivière-du-Loup. Des voix: Aie! Aie!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si son collègue de Shefford avait pris le temps de lire le projet de loi, il n'aurait sans doute pas fait ces commentaires au sujet du rôle de suppléance de la forêt publique parce qu'il aurait constaté que cette notion est inscrite dans le projet de loi à deux reprises. Il aurait, en outre, nuancé passablement ses remarques concernant les pouvoirs abusifs du ministre. Même si certains députés se sont amusés à compter jusqu'à 18, les articles qui ont été ajoutés à la suite de l'avant-projet de loi prennent soin d'un grand nombre de règlements. Mais en fait, le plus grand pouvoir abusif qui n'ait jamais été accordé à un ministre des Forêts n'est-il pas celui qui l'autorisait à allouer des volumes de bois plus considérables que la capacité de production de la forêt? Ce pouvoir abusif a été la marque de commerce du gouvernement péquiste entre 1976 et 1985.

C'est en très grande partie en raison de l'usage immodéré de ce pouvoir par nos collègues d'en face que nos forêts sont tellement menacées aujourd'hui et dans un état aussi précaire. Non seulement le gouvernement précédent ne portait aucun intérêt à la forêt en allouant des volumes supérieurs à la capacité de production de nos forêts, il en dilapidait ainsi le capital et même accordait des reports et des crédits de droits de coupe importants avec ou sans intérêt.

Une voix: Ils ont géré ça comme des "peanuts".

M. Côté (Rivière-du-Loup): Était-ce pour satisfaire les créanciers ou encore par esprit d'équité envers ceux qui honorent leurs redevances à l'État? Il faudrait tout de même que l'Opposition soit un peu plus rigoureuse à cet égard et un peu plus conséquente d'une manière générale.

L'autre soir, je me suis demandé qui, du porte-parole officiel ou de son interprète, disait vrai. Alors que le critique officiel de l'Opposition en matière de foresterie, le député de Duplessis, réclame et exige dans cette Assemblée et lors de conférences de presse, et ce depuis près d'un an, la présentation de la nouvelle politique forestière, le député d'Ungava, qui est à ses côtés et qui a l'habitude de préciser la pensée de son collègue, clamait bien haut que l'on allait trop vite avec l'énoncé de notre politique. Qui dit vrai, M. le Président? Comment peut-on les suivre dans les méandres de leurs propos contradictoires? Je suis embarrassé entre l'esprit et la pensée et j'allais dire entre l'esprit et la chair.

Il y a un instant, je parlais de l'usage immodéré du véritable pouvoir abusif qu'un ministre des Forêts peut posséder et que, heureusement, nous corrigeons avec le présent projet de loi. Lorsqu'un ministre des Forêts peut autoriser des volumes supérieurs à la possibilité, il dispose de véritables pouvoirs abusifs envers un patrimoine collectif et providentiel tout comme celui de notre culture et de notre langue que nous nous devons de transmettre à nos héritiers dans les meilleures conditions. Le projet de loi corrige cette situation. Désormais, les allocations ne pourront outrepasser la possibilité réelle. C'est ainsi que les allocations de plus de 31 000 000 de mètres cubes de bois sur une possibilité de 18 000 000 de mètres cubes ne pourront plus avoir cours. (0 h 30)

Hélas! depuis 1976, c'était malheureusement monnaie courante. M. Bérubé a géré la forêt comme s'il s'agissait d'une mine, c'est-à-dire sur la base de l'exploitation systématique, quitte à tout fermer au moment de l'épuisement. Quant à M. Duhaime, il n'a jamais géré la forêt, même avec un mauvais système de gestion, parce que les forêts, cela l'ennuyait et c'est ainsi qu'il a délégué ses responsabilités aux fonctionnaires.

J'aimerais vous citer un extrait de l'étude des crédits du ministère, le 17 juin 1983, lorsque le député de Pontiac posa une question au ministre de l'Énergie et des Ressources du temps: "Est-ce que le ministre peut nous indiquer à quel moment il a l'intention de présenter un plan intégré de gestion des forêts du Québec?" Voici la réponse de M. Duhaime: "Une grande question pour environ dix ans d'ouvrage." Le député d'Outremont poursuit: "Est-ce que vous avez au moins commencé à y travailler? Peut-être que le ministre peut me donner le cheminement qui va être suivi pour arriver aux résultats." Réponse de M. Duhaime: "Ce n'est pas mon habitude beaucoup. Je ne sais pas si c'est l'influence de mes séjours dans les institutions anglaises, mais j'ai l'habitude de travailler cas par cas." La gestion forestière était bien loin de ses soucis.

Par bonheur, et pour l'honneur du

gouvernement péquiste, le député de Laviolette a tenté de recoller les pots cassés de ses collègues, mais il était trop tard. Je reconnais son travail parce qu'au niveau forestier, jusqu'à tout récemment, avec l'aide du député de Duplessis, il a été le début d'une conscience forestière de l'ancien gouvernement.

Par ailleurs, M. le Président, je tiens surtout à rendre hommage aux ouvriers forestiers auxquels a fait référence le député d'Ungava. Je veux rassurer le député d'Ungava et lui dire que ces personnes se fient à nous des deux côtés de cette Chambre pour légiférer sérieusement, et j'en fais une remarque pour le député de Terrebonne à qui je dirai: Peut-être qu'il nous faudra penser à fournir des garanties en bois aux orignaux.

Je disais: pour légiférer sérieusement et assurer l'avenir des ouvriers forestiers, M. le Président, car le gouvernement précédent n'a pas su le faire, sans doute parce qu'il se croyait dans l'abondance financière, dans l'abondance forestière et aussi dans l'euphorie nationaliste, ce qui le rendait particulièrement insouciant dans ce domaine comme dans bien d'autres d'ailleurs, notamment au chapitre de l'amiante.

J'aimerais aussi rappeler à nos amis d'en face que la fusion du ministère des Terres et Forêts au sein du ministère de l'Énergie et des Ressources est leur oeuvre. Je veux leur dire que, même si le député de Duplessis a indiqué en commission parlementaire qu'il s'agissait là d'une des erreurs parmi d'autres du gouvernement du Parti québécois, je travaille dans une très grande harmonie avec mon collègue John Ciaccia et qu'on fera pour le mieux ensemble, encore une fois, pour corriger les erreurs du gouvernement précédent.

Du côté ministériel, ceux qui sont intervenus ont insisté, à tour de rôle, sur la capacité de ce projet de loi de répondre aux difficultés majeures auxquelles sont confrontées les forêts du Québec. Tous les intervenants, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre de cette Chambre, ont convenu de la nécessité d'une réforme en profondeur du mode de gestion de nos forêts pour assurer le développement économique, pour maintenir les emplois actuels dans l'industrie forestière et accroître ce nombre d'emplois par la création de la nouvelle industrie sylvicole qui procurera du travail à des milliers de Québécois et de Québécoises.

M. le Président, si le projet de loi sur les forêts suscite une telle unanimité, c'est en grande partie parce que les principes fondamentaux sur lesquels il est basé sont reconnus par tous et cela, depuis fort longtemps, sauf par les profiteurs et les pilleurs de la forêt privée et publique. C'est aussi parce que nous en avons pris le temps d'entendre les intervenants du milieu forestier nous formuler des commentaires et des suggestions. C'est surtout parce que nous en avons largement et positivement tenu compte, dans la mesure du possible, au cours de la rédaction de ce projet de loi.

Ceux qui se sont donné la peine de lire l'avant-projet de loi déposé le 19 juin et l'actuel projet de loi savent que des changements majeurs ont été apportés dans l'unique but d'en bonifier le contenu. Je dois avouer ici que si j'ai choisi la formule de l'avant-projet de loi, c'était voulu afin de mesurer et d'évaluer la volonté de changement chez les intervenants.

D'autre part, M. le Président, j'ai l'intention au cours de l'étude du projet de loi article par article, dans le même ordre d'idées, de proposer des amendements permettant d'améliorer encore, si c'est possible, le contenu du projet de loi. C'est ainsi, par exemple, que j'entends apporter certains amendements visant à clarifier la nature du droit octroyé à un bénéficiaire d'un contrat d'approvisionnement et d'aménagement afin de faciliter le financement de ses opérations.

L'objectif ultime de ces amendements est de permettre aux institutions prêteuses d'obtenir des titres pouvant servir de garantie. Ces amendements touchent plusieurs articles, notamment ceux traitant de l'incessibilité du contrat, ceux traitant des raisons qui permettent au gouvernement de résilier le contrat des bénéficiaires, ceux qui traitent de l'enregistrement des contrats et des privilèges, créances et hypothèques qui peuvent y être attachés et l'article traitant de la nature même du droit du bénéficiaire.

M. le Président, au cours du débat sur la motion de report présentée par l'Opposition, le député de Duplessis a soulevé, pour justifier sa motion, l'opinion selon laquelle les grandes associations de l'industrie forestière n'avaient pas eu le temps d'étudier le projet de loi. J'ai l'impression qu'il essayait de se disculper lui-même. Je dirais au député de Laviolette et au député de Duplessis que l'étude sur la capacité concurrentielle de l'industrie n'existait pas, selon mes fonctionnaires. Si elle a débuté en juin 1985, je me demande pourquoi elle n'a pas été complétée avant les élections, par mon prédécesseur. Je peux lui affirmer, cependant, que les amendements dont je viens de parler et que j'ai l'intention d'apporter au projet de loi au cours de l'étude article par article sont issus pour l'essentiel de notre réflexion et des suggestions formulées par les mémoires soumis par l'Association des industries forestières du Québec et par l'Association des manufacturiers du bois de sciage du Québec depuis le dépôt de ce projet de loi, le 13 novembre dernier, avec les félicitations des producteurs de bois qui m'ont transmis leurs commentaires. Il s'agit, M. le

Président, d'intervenants majeurs au Québec. Ces amendements assureront une plus grande flexibilité au projet de loi.

Dans le même but, M. le Président, j'entends proposer un autre amendement qui apportera un peu plus de souplesse dans la détermination des volumes qui seront octroyés aux utilisateurs durant la période transitoire. Cet amendement aura pour effet de permettre au ministre de tenir compte d'événements qui sont hors du contrôle de l'utilisateur, mais qui affectent sensiblement et significativement le volume moyen utilisé par son usine comme, par exemple, une fermeture temporaire à la suite d'un incendie majeur ou d'une grève prolongée. Comme vous pouvez le constater, M. le Président, nous sommes toujours ouverts à des suggestions qui permettent d'améliorer le contenu et la portée de cette loi, parce que nous voulons le meilleur régime forestier possible au Québec.

Il y aura d'autres amendements que j'entends proposer dans les prochains jours. Par exemple, contrairement à ce qui est prévu à l'article 204, soit la révocation de tous les droits sans indemnité, nous entendons introduire un amendement visant à éviter que d'éventuels préjudices soient causés dans les cas d'ententes particulières intervenues dans le passé et impliquant des échanges de terrains entre le gouvernement et certains utilisateurs. Dans ces cas, l'amendement permettra au gouvernement d'indemniser sous différentes formes l'industriel qui aurait transféré sa propriété au gouvernement en échange d'une concession qui sera révoquée par cette loi. Cette mesure plaira certainement au député de Duplessis, parce qu'elle fait également partie des suggestions formulées par l'industrie depuis le 13 novembre dernier. Bien sûr, il y aura de nombreux amendements sur des détails qui toucheront plusieurs articles afin de préciser les termes utilisés et d'assurer l'uniformité dans la terminologie.

Par ailleurs, j'envisage la possibilité d'introduire un amendement visant à allonger quelque peu le délai accordé à l'industrie pour réagir à la proposition de contrat avant son entrée en vigueur suivant les termes de la loi. Au contraire, au chapitre de la forêt privée, mon intention est d'assouplir les exigences en ce qui concerne le plan simple de gestion exigible préalablement à l'obtention du statut de producteur forestier. Toujours concernant la forêt privée, j'entends clarifier des termes utilisés dans le projet de loi afin de préciser davantage la notion de statut de producteur forestier par rapport au certificat du producteur forestier. (0 h 40)

En ce qui concerne les articles de concordance au sujet du Code du travail, je veux informer cette Assemblée que mon collègue, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail ici présent ce soir, est présentement en train de procéder à l'analyse de la situation et qu'il présentera le plus tôt possible les amendements requis au Code du travail.

M. le Président, je ne veux pas revenir sur l'importance de l'industrie forestière au Québec. Je ne veux pas revenir non plus sur l'urgence d'implanter un nouveau régime forestier. Tous et chacun dans cette Assemblée en ont parlé d'abondance. Je veux tout simplement rappeler que ce projet de loi propose une réforme essentielle au mode actuel de gestion des forêts.

Le débat sur l'adoption du principe a cependant permis de constater que le projet de loi sur les forêts suscite une vague d'unanimité en cette Chambre quant au principe qu'il sous-tend. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Alors, le débat de l'étude du projet de loi étant terminé est-ce que la motion du ministre délégué aux Forêts proposant l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur les forêts est adopté?

M. Gendron: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président: Vote enregistré. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je propose que le vote soit reporté à demain à la fin de la période des affaires courantes.

Le Vice-Président: Donc, le vote est reporté à la prochaine séance des affaires courantes. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 119

Reprise du débat sur la motion de report de l'adoption du principe

Le Vice-Président: Donc, l'article 15 du feuilleton; nous allons maintenant reprendre le débat sur le projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Ce projet de loi est au stade de l'adoption du principe. Nous avons eu une motion de report présentée par le leader de l'Opposition. À ce moment, nous reprenons donc le débat sur cette motion de reporter l'adoption du principe du projet de loi de quatre mois. En conséquence, à l'ajournement de ce débat, la parole était au député de Saint-Maurice. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président, si vous me le permettez et avec la permission de mon collègue de Saint-Maurice, j'entamerai le débat pour le gouvernement.

Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du gouvernement. Je vous cède donc la parole tout en stipulant que le droit de parole du député de Saint-Maurice est protégé puisqu'il n'avait pas commencé son intervention.

Je devrais spécifier ici également qu'on m'informe que la motion de report est pour six mois. Cette motion de report a pour but de reporter l'adoption du principe dans six mois. Je voudrais spécifier que ce débat sur la motion de report est un débat restreint d'une durée maximale de deux heures et, lors d'une rencontre entre les leaders des deux formations politiques, il a été convenu que le temps sera partagé également entre les deux formations politiques. C'est une enveloppe maximale d'une heure pour chacune des formations, sans limite de temps à l'intérieur de l'enveloppe pour les intervenants. Si une des formations ne prend pas tout le temps qui lui est alloué, soit une heure, le temps peut s'accroître pour l'autre formation politique si demande en est faite. Nous procéderons par alternance dans les débats.

Donc, la parole est maintenant au leader du gouvernement.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez d'abord d'expliquer pourquoi, à titre de leader du gouvernement, je vous ai demandé d'appeler cet article du feuilleton, c'est-à-dire dans un premier temps l'adoption du principe du projet de loi 119, qui, comme on le sait, vise surtout à abolir la carte de classification dans l'industrie de la construction; mais ce débat sur l'adoption du principe devra être retardé d'au maximum deux heures afin que nous puissions disposer de cette motion de report de six mois qu'a présentée le leader de l'Opposition au nom de sa formation politique. Si nous commençons les travaux à minuit 45, c'est essentiellement parce que l'Opposition a choisi, je pense, je dois deviner que c'est là leur stratégie, de marquer leur dissension sur le projet de loi 119 en ayant utilisé quelque sept heures du temps de cette Chambre à parler sur les deux projets de loi que l'Assemblée nationale a étudiés au cours de la journée. Deux projets de loi, M. le Président, sur lesquels l'Opposition s'est dite d'accord. L'Opposition votera en effet en faveur de l'adoption du principe du projet de loi créant le ministère du Solliciteur général, dont nous avons débattu l'adoption du principe cet après-midi. L'Opposition, on l'a entendu le répéter à plusieurs reprises, a l'intention d'appuyer l'adoption du principe du projet de loi 150 sur la politique forestière dont nous venons de terminer le débat.

Nous avions indiqué, M. le Président, au leader de l'Opposition qui en a sûrement fait part à son caucus de députés, notre intention de faire en sorte que l'adoption du principe du projet de loi 119 soit terminée en cours de séance aujourd'hui. Aujourd'hui étant mardi - nous parlions de cela hier, lundi -c'est toujours notre intention de siéger aussi longtemps que ce sera nécessaire pour que le projet de loi 119 franchisse l'étape de ce que nous avions l'habitude d'appeler la deuxième lecture.

Pourquoi, M. le Président? Parce que, essentiellement, on s'y est engagé. Cela peut paraître curieux aux gens de l'Opposition, mais quand on s'engage à quelque chose de ce côté-ci, on tente, dans la mesure du possible, de respecter nos engagements.

Des voix: Bravo!

M. Gratton: M. le Président, nous avons dit combien de fois, depuis que ce règlement de placement dans l'industrie de la construction existe, depuis juillet 1978 si je ne m'abuse, qu'il brimait les droits, la liberté de certains travailleurs de la construction de pouvoir exercer leur métier, de pouvoir gagner leur vie honorablement dans l'industrie de la construction! C'est tellement vrai que ce règlement brimait les droits que nous avons vu le gouvernement précédent modifier ledit règlement à au moins une douzaine d'occasions, des modifications qui venaient à répétition réduire la portée du règlement parce qu'inapplicables, surtout parce qu'elles s'inspiraient d'un critère tout à fait artificiel c'est-à-dire le nombre d'heures travaillées.

M. le Président, s'il y a une région au Québec qui a souffert de l'existence de ce règlement de placement dans la construction c'est bien l'Outaouais. En effet, comme l'ensemble du territoire québécois, les vrais travailleurs de la construction, les gens qui possédaient leur carte de compétence soit comme électriciens, soit comme plombiers ou charpentiers-menuisiers, ou ceux qui étaient reconnus comme qualifiés pour agir comme manoeuvres sur les chantiers de construction, combien d'entre eux n'ont pu exercer leur droit au travail malgré que des employeurs se disaient prêts à les embaucher? Combien de ces personnes n'ont pu exercer leur métier strictement en fonction de ce critère retenu dans le règlement de placement qui voulait, qui veut toujours qu'on ne puisse travailler sur un chantier de construction sans y avoir travaillé pendant un nombre d'heures déterminé au cours d'une période de temps déterminée?

Combien de fois j'ai vu dans mon comté, M. le Président, des travailleurs qualifiés, des gens qui détenaient un permis

ou une carte de compétence, chômer et devoir se contenter des prestations d'assurance-chômage quand ce n'était pas pire, l'assistance sociale, alors qu'ils assistaient impuissants à surveiller des chantiers de construction où des gens de l'extérieur venaient y travailler. Par exemple, je pourrais citer le cas de logements subventionnés dans la ville de Maniwaki où, en fonction du règlement, l'entrepreneur général qui détenait le contrat a dû employer des gens qui provenaient de la région de Hull, à 90 milles au sud, devait défrayer leurs dépenses, leurs frais de déplacement, leurs frais de séjour à Maniwaki, parce que le règlement était ainsi fait qu'on devait d'abord employer tous ceux qui étaient dans le bassin régional de main-d'oeuvre pour des catégories de travailleurs avant de pouvoir puiser à même ceux qui ne détenaient pas la carte de classification.

On voyait des gens, avec leur carte de compétence, assister impuissants et voir des personnes de l'extérieur travailler dans leur propre municipalité, alors qu'eux devaient se contenter de l'assurance-chômage ou de l'assistance sociale. Est-ce que cela avait des effets bénéfiques sur les coûts de construction, sur les prix que doivent payer les consommateurs clients de ces entreprises de construction? Évidemment pas, M. le Président. (0 h 50)

Mais comme je le disais, dans la région de l'Outaouais, une région frontalière, le problème était magnifié du fait qu'au moins 3000 à 4000 résidents du Québec, travailleurs de la construction, gagnent de façon régulière leur vie sur les chantiers de construction de l'Ontario, où il n'existe aucun règlement semblable à celui qui prévaut au Québec.

En 1979-1980, je me rappelle fort bien que le gouvernement provincial de l'Ontario -le ministre du Travail du temps était le Dr Elgie - avait menacé d'instituer un règlement semblable à celui du Québec pour ses chantiers de construction, parce que le gouvernement subissait des pressions de la part de travailleurs de la construction de l'Ontario qui faisaient valoir qu'eux n'avaient pas accès aux chantiers du Québec alors que de nombreux, des milliers de résidents du Québec pouvaient venir travailler sur les chantiers de construction en Ontario et, dans certains cas, les priver - ces travailleurs ontariens qualifiés - de pouvoir exercer leur métier.

Force nous est de reconnaître que si le gouvernement de l'Ontario avait exercé cette menace, avait mis à exécution cette menace, c'est de 3000 à 4000 travailleurs de la construction québécois qui se seraient vus automatiquement privés de la possibilité de gagner leur vie honorablement sur les chantiers de l'Ontario. Car dans notre région on a beau parler d'achat chez nous, on a beau parler de la nécessité d'être solidaires entre nous, le fait demeure que chez nous la solidarité s'exerce dans une région qui englobe des parties de l'Ontario.

Je ne me cache pas du tout, M. le Président, pour vous dire que cela, à plusieurs égards, constitue un net avantage, avantage d'ailleurs dont peuvent toujours jouir des travailleurs de la construction québécois qui, par milliers, comme je le soulignais, gagnent leur vie en Ontario.

Pourquoi refuser ce report à six mois? Il y a plusieurs raisons et le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu les expliquera en détail. Mais, essentiellement, d'abord, nous avions pris l'engagement, en campagne électorale -c'était écrit en toutes lettres dans le programme du Parti libéral du Québec, c'était écrit en toutes lettres dans la plupart des programmes régionaux des candidats libéraux - que nous abolirions la carte de classification dans l'industrie de la construction. Nous avions pris l'engagement que nous l'abolirions pour les raisons que j'ai évoquées et pour combien d'autres.

Il est vrai, M. le Président, que le fait de rendre accessibles à un plus grand nombre de travailleurs qualifiés les chantiers de construction ne réglera en rien le salaire moyen des employés. Il n'y a personne de ce côté-ci de la Chambre qui a prétendu qu'en abolissant le règlement de placement de la construction il va y avoir, comme par enchantement, plus de travail dans le domaine de la construction et que, donc, on pourra accommoder plus de travailleurs sans pour autant que le salaire de ceux qui y travaillent déjà soit affecté.

Il n'y a jamais personne qui a prétendu cela, et il n'y a personne qui va le prétendre non plus. Tout ce qu'on dit, c'est qu'il est injuste, qu'il est inéquitable qu'on ne permette pas à tous ceux qui sont qualifiés pour le faire de pouvoir gagner leur vie honorablement. On peut concevoir - et c'est d'ailleurs ce que propose le projet de loi 119 - de limiter l'accès au domaine à partir de critères qui concernent la compétence. On peut imaginer également qu'il puisse y avoir contingentement, qu'il soit régional ou provincial. Mais il faut que ce contrôle de l'accès se fasse à partir de critères de compétence qui sont fondés, comme le propose le projet de loi 119, plutôt que de critères tout à fait artificiels.

Par exemple, on a utilisé l'argument à plusieurs reprises dans le passé: Pourquoi un travailleur de la construction devient-il incapable, inhabile à exercer son métier, parce qu'il a le malheur de ne pas avoir travaillé pendant un certain nombre d'années, alors que dans les professions, on n'a pas les mêmes exigences? Si on avait les mêmes exigences, celui qui a présidé à l'implantation du règlement alors qu'il était

ministre du Travail, l'actuel chef de l'Opposition, pourrait souffrir lui aussi de l'impossibilité de retourner à sa profession de médecin ou à son autre profession, celle d'avocat, du fait qu'il n'a pas exercé régulièrement cette profession de médecin depuis qu'il est député. On n'impose la même exigence à personne d'autre, sauf dans le domaine de la construction.

À quoi servirait de reporter le projet de loi à six mois? Le ministre s'est déjà engagé à tenir une commission parlementaire dès cette semaine, soit jeudi et vendredi, pour entendre les intéressés: les cinq associations syndicales, les sept associations patronales de même que l'Office de la construction du Québec. On aura au moins une journée, si nécessaire deux journées, de consultation avec les principaux intéressés. Intéressés qui n'ont pas pris connaissance du projet de loi 119 seulement aujourd'hui mais, dans certains cas, qui y ont même travaillé, puisque depuis les mois de février ou mars dernier, un comité formé de représentants des associations patronales et syndicales a siégé et s'est réuni à la demande du ministre du Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ils ont préparé les améliorations que l'on pourrait apporter à la réglementation actuelle.

Le projet de loi 119 est le résultat des travaux de ce comité, des consultations qui ont eu lieu et qui continuent d'avoir lieu. Je vois les députés de l'Opposition sourire de l'autre côté. Je dirai que la consultation qui a présidé à la préparation du projet de loi 119 est passablement plus valable, plus sérieuse que celle qui a présidé à la prise de position du Parti québécois en fin de semaine dernière, lors de son conseil national. On a dit aux députés du Parti québécois, comme les conseils nationaux ont l'habitude de le faire... Je me souviens de projets de loi, notamment en 1974, sur le salaire des députés où l'aile parlementaire du Parti québécois avait donné son accord, son engagement quant à la formule proposée par le gouvernement et où un conseil national du Parti québécois leur avait ordonné de rebrousser chemin.

M. Gendron: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant, M. le leader du gouvernement. Il y a une question de règlement. M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Vous conviendrez qu'il y a un article de notre règlement qui exige que l'orateur s'en tienne à la pertinence. Je pense qu'on est sur une motion de report. On est donc très loin du conseil national de la fin de semaine. Je pense que l'orateur doit s'exprimer sur ce que lui-même appelle une motion de report et non pas sur un compte rendu, selon sa vision partisane, de ce qui s'est passé au conseil national du parti. Je ne détesterais pas que vous le rappeliez à l'ordre en lui disant que c'est le moment de parler de la motion de report sur quelque chose qui est loin d'être mûr pour être discuté aujourd'hui. C'est ce qu'on a à discuter.

Le Vice-Président: Très bien. La dernière partie de votre intervention était sur le fond, évidemment. Je vous entendrai sûrement là-dessus tantôt. Je cède à nouveau la parole au leader du gouvernement en lui demandant effectivement de s'attacher à la motion de report sur l'adoption du principe du projet de loi. (1 heure)

M. Gratton: Avec plaisir, M. le Président. Je terminerai simplement en réitérant que, si les députés du Parti québécois ont pour seule raison de présenter cette motion de report, c'est d'après les directives qu'ils ont reçues de leur conseil national en fin de semaine. On a lu les journaux et on s'est aperçu que, probablement parce que certains militants péquistes sont un peu désappointés de la performance de leurs députés à l'Assemblée nationale, ils leur ont dit: Mettez-y du tigre. Faites votre travail. Il est temps après un an - cela fait effectivement un an aujourd'hui - que vous cessiez de penser que vous êtes encore au pouvoir et que vous acceptiez d'être ce que vous êtes, des députés de l'Opposition qui vous opposez. Même quand vous n'avez pas raison, opposez-vous.

M. le Président, je suis convaincu, et d'ailleurs on l'a vu dans l'attitude désinvolte des porte-parole du Parti québécois tout au cours de la journée depuis 16 heures cet après-midi, qu'on a eu la piqûre. On s'est fait dire: Vous ne faites pas votre job comme il faut, puis il serait temps que vous commenciez à le faire. Je suggère à ces amis d'en face que ce n'est pas en présentant la motion de report à six mois qu'ils font un job sérieux d'Opposition. Parce que s'opposer à partir d'arguments aussi faibles que ceux que le leader de l'Opposition invoquait dans son intervention sur l'adoption du principe, ce n'est pas un travail d'Opposition sérieux, ce n'est pas un travail qui sera jugé, même par les propres membres de leur parti, comme étant un travail sérieux.

M. le Président, faire une motion de report à six mois, alors que cela fait huit ans que les travailleurs de la construction se plaignent de ce règlement, que cela fait huit ans que les députés du Parti québécois, ceux qui font du bureau de comté, et je conviens qu'il y en a qui n'en font pas, mais il y en a qui en font, comme le député de Shefford, je reçois suffisamment de correspondance de

lui comme ministre du Revenu pour savoir qu'il fait son travail de bureau de comté, mais je le mets au défi de se lever ici, à l'Assemblée nationale, et de me dire que jamais un électeur de son comté n'est allé se plaindre du règlement de placement, n'est allé lui dire qu'il était injuste pour lui, lui qui était détenteur d'une carte de compétence, de ne pouvoir avoir accès à l'industrie de la construction, simplement parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences d'un règlement sur le nombre d'heures travaillées. Je le mets au défi, dis-je, et je mets l'ensemble des députés du Parti québécois au défi de me dire qu'ils n'ont jamais reçu des représentations de ce genre.

M. le Président, c'est pour cela que le ministre du Travail - et je l'en félicite - a eu le courage d'agir là où l'ancien gouvernement a refusé d'agir pendant huit ans. Parce que, ayant implanté un mauvais règlement, on a tenté par tous les moyens de le faire accepter par les intervenants et évidemment, il y a certains syndicats qui, aujourd'hui, s'opposent à son abolition et je dis à ces gens du syndicat: Vous avez raison. Vous faites votre travail consciencieux de protéger les intérêts des membres de votre syndicat, ceux qui ont des droits acquis, ceux qui, ayant obtenu leur carte de classification, peuvent maintenant se servir de cela comme d'une espèce de système d'ancienneté. Ce n'était pas là le but de règlement de classification. Je maintiens très respectueusement qu'en adoptant la motion de report à six mois, nous ne ferions que retarder le règlement d'un problème urgent que le projet de loi 119 viendra régler de la meilleure façon possible avec la collaboration de tous.

M. le Président, j'invite les syndicats à reconnaître que s'ils ont à protéger et à promouvoir les intérêts de leurs membres, le gouvernement, lui, a le devoir de promouvoir et de protéger l'intérêt de l'ensemble des citoyens et, notamment, des jeunes travailleurs de la construction. C'est pourquoi nous voterons contre la motion de report. Ensuite, nous procéderons à l'adoption du principe de ce projet de loi très bénéfique pour l'ensemble des intervenants.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Je trouvais cela un peu ironique d'entendre le leader du gouvernement nous dire avec, non pas brio, mais expérience et ruse: Vous savez, nous, les libéraux, quand nous nous engageons, nous respectons notre parole.

Une voix: C'est vrai.

M. Charbonneau: C'est intéressant, M. le Président, d'entendre le leader du gouvernement nous dire cela aujourd'hui, le 2 décembre, jour pour jour de l'anniversaire de la prise du pouvoir par le Parti libéral.

Des voix: Bravo!

M. Charbonneau: II y a un an, dans le comté de Verchères, le candidat libéral avait dit, appuyé par le premier ministre d'aujourd'hui, par le leader du gouvernement et par l'ensemble des députés: Non, la Raffinerie de sucre du Québec ne fermera pas. Cet engagement libéral avait été pris dans le comté de Verchères. Et la parité de l'aide sociale, et les handicapés, et les coupures dans le secteur de la santé, et la participation des femmes au régime des rentes du Québec, et, et, et, M. le Président, on pourrait en ajouter.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Verchères. M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Gratton: Je m'excuse, M. le Président, d'interrompre cette envolée du député de Verchères. J'ai l'impression qu'il s'envole peut-être pour faire oublier qu'il est devenu souverainiste non pratiquant en fin de semaine.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Gratton: M. le Président, j'opine qu'il est beaucoup moins pertinent que je ne l'étais lorsque le leader adjoint m'a interrompu tantôt.

Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du gouvernement. Je vous ferai remarquer que votre remarque était hors du sujet sur la question de règlement. Je cède à nouveau la parole au député de Verchères et je comprends qu'il s'éloigne un tant soit peu de la motion de report comme telle, mais je vous ferai remarquer qu'il a quand même une certaine latitude et je verrai dans quelques instants s'il rapporte ses propos au projet en discussion. Je vais continuer de l'écouter. M. le député de Verchères.

M. Gendron: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Sur la question de règlement soulevée par le leader du gouvernement, je veux simplement faire remarquer

que j'ai rappelé le leader du gouvernement à la pertinence du débat après avoir toléré cinq bonnes minutes que je trouvais impertinentes. Compte tenu de la marge de manoeuvre qui a toujours été attribuée dans un tel débat, je pense qu'il faut laisser cette marge de manoeuvre au député. S'il s'éloigne complètement de la motion de report, je me fie sur vous pour le rappeler à l'ordre.

Le Vice-Président: C'est exactement ce que j'ai mentionné, M. le leader adjoint de l'Opposition, et je vais tenter de maintenir le débat dans la pertinence, sur la motion de report. Je cède la parole à M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je vous prends à témoin. Je ne faisais que répliquer au leader du gouvernement qui, pour expliquer le report à six mois, disait: On s'est engagé à faire cela. On ne peut pas tolérer un report de six mois. Il s'est vanté, comme leader du gouvernement, que, lorsqu'on est libéral et ministre libéral, on respecte sa parole.

Je pense qu'il était, à ce moment-ci, un peu approprié de rappeler aux gens qui nous écoutent que tel n'est pas le cas dans une bonne partie des dossiers que le gouvernement a sur ses tables de travail depuis un an. J'en ai mentionné un qui me concerne particulièrement dans mon comté. J'en ai énuméré d'autres qui concernent le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui est aussi le ministre du Travail. C'est d'ailleurs l'un des problèmes qui nous amènent à demander une motion de report. Ce ministre n'a peut-être pas bien fait ses devoirs. Il est tellement occupé à toutes sortes de tâches. Il devrait peut-être consacrer un peu plus de temps à bonifier son projet de loi.

Est-ce nécessaire - nous ne le pensions pas, mais il semble que oui - d'indiquer au gouvernement que son projet de loi est un projet de loi majeur qui concerne une industrie importante au Québec? Est-il important et utile, nous ne le pensions pas, mais il semble que oui, de rappeler au gouvernement et lui mettre en évidence que le projet de loi qu'il nous présente dépasse largement les cadres de l'industrie de la construction?

Je prends à témoin un article publié dans La Presse mardi dernier, le 25 novembre, sous la signature du chroniqueur et éditorialiste, Pierre Vennat, qui est un ancien collègue de travail au temps où j'étais à La Presse et qui, de l'avis de tous dans la profession, y compris dans le milieu du travail, est probablement l'un des meilleurs journalistes qui traitent des questions de relations du travail. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail me fait signe que oui. On s'entend au moins sur cela, M. le Président. (1 h 10)

M. Vennat rappelait que, par le biais de ce projet de loi, c'est dans les faits tout le problème du partage du travail dans une société où les emplois se font de plus en plus rares qui se pose. En un mot, en vertu du nouveau projet, le gâteau à se partager dans la construction ne sera pas plus copieux, mais plus de gens auront le droit d'en manger. Plus loin, M. Vennat nous disait: Ce débat est un débat de société. S'il est valable qu'on en discute dans la construction, il est valable qu'on en discute partout. Ce qu'il indiquait finalement, c'est que les questions que remet en cause le projet de loi qui nous est présenté concernant de l'industrie de la construction ne concerne pas uniquement l'industrie de la construction. Quand on s'attaque au droit d'ancienneté, quand on s'attaque au régime des conventions collectives, quand on s'attaque au principe de la sécurité d'emploi reconnu dans le régime des conventions collectives et dans le droit du travail du Québec et inscrit dans les lois et dans les conventions collectives depuis des années, on ne peut pas prétendre, si on est le moindrement honnête, que ce que l'on fait affecte uniquement l'industrie de la construction. Cela affecte bien sûr directement l'industrie de la construction, mais cela affecte plus fondamentalement - c'est ce que M. Vennat nous indiquait dans son texte - et globalement l'ensemble du monde du travail au Québec.

À cet égard, M. le Président, quand on a devant nous un projet de loi qui a une telle portée, directe et indirecte, je crois que le premier réflexe qu'on doit avoir c'est: Faisons attention. Regardons très attentivement ce que nous dit ce projet de loi. Voyons si ce projet de loi répond bien aux problèmes qu'on a identifiés, s'il ne crée pas plus de situations inacceptables et s'il ne crée pas plus de problèmes qu'il n'en règle. Quand on a un projet de loi de cette nature, de cette importance, et qu'on a un signal, dès le départ, que le projet de loi ne fait pas l'unanimité, que le projet de loi n'est pas reçu avec une salve d'applaudissements dans la société, un deuxième réflexe devrait arriver, le réflexe de dire: Oh! regardons cela encore plus attentivement. Qui n'est pas d'accord et pourquoi ces gens-là ne sont-ils pas d'accord? Nous sommes en présence, bien sûr, du monde patronal, qui en a eu plus que le client n'en demandait et qui applaudit le ministre. Mais il y a la très grande majorité des travailleurs de la construction qui, comme le leader du gouvernement nous le disait tantôt, attendent depuis huit ans ce projet de loi.

C'est curieux, les opinions qu'on a un peu partout. J'ai l'impression qu'au cours des

prochains jours, le ministre va s'en rendre compte d'une façon encore plus éclatante. Les travailleurs de la construction ne sont pas d'accord avec ce projet de loi. Les grandes centrales syndicales du Québec sont vigoureusement contre ce projet de loi. Ce projet de loi n'est pas accueilli et ne recueille pas l'unanimité dans l'industrie et dans la société québécoise. À chaque jour qui passe depuis le dépôt de ce projet de loi, on a des éditoriaux, on a des commentateurs et des analystes qui nous indiquent qu'en prenant connaissance non seulement de l'ensemble du projet de loi mais de l'ensemble des éléments qui sont soulevés par ce projet de loi, les gens commencent à avoir une attitude de plus en plus réservée, méfiante et se disent: II faut faire attention. Il ne faut pas aller trop vite. Il faut regarder cela de près, il faut bien analyser. Il faut peser le pour et le contre. Pour peser le pour et le contre, je pense qu'il faut du temps. Le leader du gouvernement nous a dit tantôt: Nous allons rejeter cela parce que nous avons accepté une consultation parlementaire. Nous avons accepté qu'une commission parlementaire se penche a la fin de la semaine, pendant deux jours. Très bien, il va y avoir une commission parlementaire. Nous allons entendre des témoins. Vous auriez dû, M. le Président, entendre le genre de débat qu'on a eu aujourd'hui, lors de la commission de l'économie et du travail, où cela a pris de longues minutes, sinon quelques heures, pour faire comprendre à nos collègues d'en face qu'une heure, par exemple, pour entendre la FTQ-Construction, ce n'était pas assez et que dans la mesure où nous voulions vraiment consulter et faire en sorte que cette consultation ne soit pas une farce, il fallait donner une période de temps raisonnable. Cela a pris tout notre petit change pour finir par faire comprendre à nos collègues d'en face qu'il faudrait au moins donner une heure et demie à la FTQ-Construction. On n'a pas été capables de faire comprendre aux gens d'en face que la CSN, la CSD et le Conseil provincial des métiers de la construction eux aussi auraient besoin de plus de temps pour expliquer leur point de vue et que si les députés de chaque côté de la Chambre voulaient faire un travail constructif et efficace pour que cette consultation soit autre chose qu'une farce, il leur fallait du temps pour interroger les gens, connaître les commentaires, les évaluer et aller au fond des choses. C'est ce qu'on a demandé à nos collègues et c'est ce qu'ils ont refusé de faire: faire en sorte que cette consultation soit vraiment une consultation afin d'aller au fond des choses.

Mais qu'importe, il y aura consultation de deux jours. On finira à minuit vendredi soir, comme ce soir à 1 h 20, on est obligés de parler de ce projet de loi et de cette motion, alors qu'on a devant nous un gouvernement qui s'était engagé - et c'est un autre de ses engagements - qu'il gouvernerait, dirigerait et organiserait les travaux parlementaires d'une autre façon que le gouvernement précédent qui, lui, de temps à autre, était obligé d'avoir recours à cette technique parlementaire. Alors, les libéraux ne feraient jamais cela, M. le Président. Je vous prends à témoin, il est 1 h 20 et on commence le débat. J'espère que, ce matin, vous vous souviendrez à quelle heure on le finira. Vous vous souviendrez sans doute des engagements de vos collègues qui, il y a un an et plus, nous disaient: On ne fera jamais cela, mais on aura une commission parlementaire. Que peut-on penser d'une commission parlementaire qui, par la suite, amènera le gouvernement à utiliser le bulldozer pour nous obliger à adopter le projet de loi avant ou au plus tard le 19 décembre? Comment penser que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail est sérieux quand il nous indique qu'il est prêt à entendre les parties quand, déjà, il a indiqué que le 19 décembre la loi serait adoptée? Comment penser que les commentaires qui seront faits par les parties qui viendront en commission parlementaire seront évalués au mérite? Comment penser que ces gens-là vont vraiment être écoutés si, à un moment donné, ils pourraient faire la démonstration en commission parlementaire que le projet de loi va nous conduire à un cul-de-sac? Comment penser que c'est une consultation sérieuse?

M. Gendron: M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Question de règlement. Il est de coutume que cette Chambre siège avec le quorum. Présentement nous n'avons pas quorum.

Le Vice-Président: Je vais vérifier immédiatement. Nous avons effectivement quorum. Recommencez.

Des voix: Ah!

M. Charbonneau: M. le Président, comment penser que l'on va assister à une consultation sérieuse et que les gens qui vont venir en commission parlementaire vont avoir l'impression que finalement ils ne viennent pas se faire les complices d'un gouvernement qui, pour ne pas perdre complètement la face va donner l'impression qu'il écoute0 Comment va-t-on penser que ces gens-là vont prendre l'exercice au sérieux quand, au départ, le ministre leur dit à toutes fins utiles: Le projet de loi va être adopté au plus tard le 19 décembre, quelles que soient

les informations que vous nous donnerez, quels que soient les éclairages que vous nous apporterez, quelles que soient les opinions que vous émettrez, notre lit est fait, nous allons adopter le projet de loi? Comment penser que le gouvernement est sérieux et que nous ne sommes pas justifiés, aujourd'hui, de demander un report?

C'est le ministre qui a accepté la consultation. Ce que nous faisons actuellement, c'est permettre au ministre de ne pas perdre la face, c'est faire en sorte que le ministre ne se rende pas complètement ridicule aux yeux de l'opinion publique. Un ministre qui dit: Je suis prêt à écouter les parties et qui, en même temps, dit: De toute façon, qu'ils disent ce qu'ils voudront, mon lit est fait, c'est le 19 décembre, cela vient de s'éteindre; dites ce que vous voulez en commission parlementaire, je suis obligé de vous l'accorder, parce que j'aurais à peu près tous les éditorialistes et tous les commentateurs du Québec sur le dos, mais, ne vous en faites pas, une fois que je me serai débarrassé de ces deux jours-là, après, je sais où je m'en vais. Je m'en vais vers la guillotine, vers le bulldozer. Je m'en vais vers l'adoption forcée d'un projet de loi, même si vous ne le voulez pas, même s'il y a des conséquences négatives, même si cela est inacceptable à bien des égards et même si cela heurte de front l'ensemble de nos traditions de relations du travail et de nos lois de relations du travail. (1 h 20)

C'est finalement cela que le ministre a fait en acceptant une commission parlementaire, mais en même temps, en refusant non seulement la motion de report, mais toute possibilité de tenir compte du travail, des commentaires et des opinions des gens qui sont les premiers concernés.

Pourquoi, M. le Président, adopter cette nuit le principe du projet de loi avant même d'entendre les parties? Pourquoi adopter le principe avant même d'entendre les parties? Je pense, en toute décence, M. le Président, que le minimum qu'on aurait pu s'attendre du gouvernement et du ministre, dans la mesure où, encore une fois, on lui prête un peu de sincérité à l'égard de la commission parlementaire qu'il a accepté de tenir, de la consultation qu'il a accepté de faire, le minimum qu'il aurait pu au moins accepter, le minimum de signal qu'il aurait pu donner aux parties, le respect qu'il aurait pu témoigner envers les gens qui sont convoqués en commission parlementaire, c'est de leur dire: Écoutez, avant d'adopter le principe, puisque je sais que vos objections portent sur le fond même de ce projet de loi, sur les principes mêmes de ce projet de loi, j'accepte de retarder l'étude du principe du projet de loi et je vais d'abord vous entendre. Après cela, je vais évaluer l'ensemble.

M. le Président, depuis dix ans que je siège à l'Assemblée nationale, je n'ai pas assisté souvent à l'adoption, à la présentation et à la discussion de projets de loi aussi importants où se tient une commission parlementaire après plutôt qu'avant l'adoption du principe. Il y a dans notre règlement une disposition qui permet, lorsqu'on a déposé le projet de loi à l'Assemblée nationale, qu'avant l'étude du principe, avant la discussion du principe, on puisse procéder à une consultation particulière plus ou moins poussée, plus ou moins longue. C'est ce que le ministre aurait dû faire et c'est ce que nous lui permettons de faire avec la motion que nous présentons. C'est ce qu'il aurait dû faire en guise de respect pour les gens qui sont concernés et simplement pour la cohérence, M. le Président, compte tenu de la nature des critiques qui sont présentées depuis quelque temps, depuis la présentation du projet de loi.

Je crois, M. le Président, qu'il faut plus de temps pour bien faire les choses. Ce n'est pas uniquement les gens de l'Opposition qui disent cela. Tous ceux qui analysent le projet de loi depuis quelque temps en arrivent à la même conclusion. Le ministre n'a pas travaillé correctement, pas plus dans ce dossier que dans celui de l'aide sociale ou dans celui de la participation au régime de rentes des femmes au foyer. Le ministre a été envoyé à ses devoirs deux fois par le premier ministre à l'égard du dossier de la parité de l'aide sociale. Il me fait signe que c'est trois. Nous ne savions pas pour la dernière fois. C'est une nouvelle. Malheureusement, les journalistes ne sont pas ici pour l'entendre. On pourra peut-être se faire un plaisir de la rappeler demain. Mais trois fois, si je prends sa parole, trois fois, on l'a renvoyé à ses devoirs. Je crois, M. le Président, que le premier ministre a fait une erreur. C'est qu'il aurait dû renvoyer son ministre à ses devoirs pour ce projet de loi également. Pas quatre fois, mais au moins une fois aurait suffi dans le cas qui nous occupe.

Le leader du gouvernement nous a dit tantôt: Écoutez, je ne peux pas accepter la proposition de l'Opposition. Vous savez, le projet de loi 119 est le résultat d'une consultation et du travail d'équipe avec les parties. Imaginez-vousl

M. le Président, j'ai ici devant moi le rapport des comités que le ministre a mis en place. Au comité sur la formation et la qualification de la main-d'oeuvre et sur l'abolition du certificat de classification, secteur construction, rapport des trois tables de travail sur l'abolition du certificat de classification; rapport de la table de travail sur l'élaboration d'une réglementation devant remplacer l'actuel règlement sur le placement dans l'industrie de la construction, rapport de la table de travail sur l'analyse

du cadre institutionnel de la formation et de la qualification de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Il y a eu des rapports. Effectivement, des syndicats et des patrons ont, avec des fonctionnaires, participé à des comités de travail. M. le Président, le problème, c'est que ces rapports sont datés du mois de mai 1986 et que, par la suite, les parties n'ont pas été reconvoquées.

Ce qu'on retrouve dans ces documents, à bien des égards, va a l'encontre de ce qu'on a dans le projet de loi 119. Curieux processus qui nous amène à parler de rapports où les parties ont été associées et d'un projet de loi où, semble-t-il, on aurait également associé les parties, mais là, curieusement, les gens n'ont pas été convoqués à participer au processus.

J'ai ici une lettre datée du 2 octobre 1986, adressée à M. Jean-Paul Rivard de la FTQ-Construction et signée par Maureen Flynn, conseillère politique du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail. La lettre se lit comme suit: "Cher monsieur, M. Pierre Paradis m'a priée de répondre à la vôtre du 10 septembre dernier concernant la prochaine rencontre du comité sur la formation et la qualification de la main-d'oeuvre et l'abolition du certificat de classification. Tel que discuté, nous comptons convoquer les parties à la mi-octobre. Veuillez recevoir, cher monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs."

Depuis le mois de mai jusqu'à cette lettre, ces gens n'avaient reçu aucune nouvelle du ministre. Comble d'ironie, sinon de malhonnêteté intellectuelle pour le moins, alors qu'on disait aux gens: Écoutez, on va au moins vous reparler à la mi-octobre - et on leur disait cela au début d'octobre - ces gens n'ont pas entendu parler du ministre du Travail. Ils ont appris, comme tout le monde, les paramètres du projet de loi 119 quand il a été déposé ici à l'Assemblée nationale à la mi-novembre.

Voilà la réalité et le genre de consultation à laquelle on a assisté, M. le Président. Le leader du gouvernement a un sacré front d'essayer de nous faire accroire aujourd'hui, en pleine nuit, que le projet de loi 119 est la conséquence et la résultante d'un travail de collaboration et de participation des syndicats de la construction et des patrons de la construction, alors que c'est complètement faux. Il est faux de prétendre, comme le fait le leader du gouvernement, que la loi 119 est, dans le fond, un consensus des parties syndicales et patronales du monde de la construction. C'est faux, c'est de l'aberration et de la tromperie! Ce n'est pas parce qu'il est une heure et demie du matin que le leader du gouvernement peut se permettre de tromper l'Assemblée nationale et la population du

Québec.

Le Vice-Président: M. le député de Verchères, je voudrais simplement à ce moment-ci, avant que vous n'alliez plus loin dans votre intervention, vous rappeler que certains termes ont été jugés antiparlementaires. Je vous demanderais d'être fort adéquat dans votre vocabulaire et d'éviter les termes que vous connaissez fort bien et qui ont été décrétés antiparlementaires. Je vous cède à nouveau la parole.

M. Charbonneau: M. le Président, je pense que j'ai été prudent. Je n'ai pas utilisé à la limite - j'ai été prudent et vous le reconnaîtrez - les termes qui me sont interdits. J'ai utilisé l'expérience que j'ai acquise un peu dans cette Chambre pour aller jusqu'à la limite, mais je ne l'ai pas franchie.

M. le Président, non seulement les parties n'ont pas été vraiment consultées, mais le ministre n'a pas non plus consulté le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je sais que le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui me fait signe que non et qui n'est pas à son siège, celui qui a produit le rapport Scowen, de son nom, sur la déréglementation, aurait bien aimé voir disparaître le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je le sais. Il nous l'a dit dans un rapport.

Le ministre du Travail nous avait dit le contraire, quelques mois auparavant. Il nous avait dit: Je veux revaloriser le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, d'autant plus que le méchant gouvernement du Parti québécois l'avait mis sur les tablettes. Moi, le nouveau héro libéral, je vais revaloriser le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; j'ai mis sur les tablettes la Table nationale de l'emploi, le Secrétariat à la concertation en emploi, mais je vais revaloriser le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. (1 h 30)

Très bien. Qu'est-ce que vous attendiez pour le consulter ce conseil consultatif sur un projet de loi majeur concernant les relations du travail, les politiques de main-d'oeuvre et la situation de la main-d'oeuvre au Québec? Pouquoi ne l'avez-vous pas fait? Pourquoi n'avez-vous pas fait ce que vous aviez dit aux engagements financiers, à l'étude des crédits, il y a quelques mois, revaloriser le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre? C'est un instrument important, c'est un instrument que vous nous reprochiez d'avoir négligé. Pourquoi ne l'avez-vous pas revalorisé? Pourquoi ne lui avez-vous pas soumis le projet de loi, vos éléments de comité, votre rapport? Pourquoi n'avez-vous pas fait cela?

Ah non, ce n'était pas important de soumettre cela au Conseil consultatif du

travail et de la main-d'oeuvre. Surtout, ce qui importait, c'était de faire croire au public qu'on le consultait, que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre était valorisé, mais, quand c'était le temps de passer aux actes, c'était une autre paire de manches. Ce gouvernement qui nous a habitués, depuis un an, au double langage a continué, d'une façon très éclatante, à cultiver le double langage à l'égard de l'industrie de la construction.

Un projet de loi qui est un brouillon mérite d'être retravaillé. Pour retravailler un projet de loi de cette ampleur, de cette importance, cela prend du temps. Un projet de loi de cette nature ne s'étudie pas en pleine nuit et ne se discute pas de la façon dont on est parti pour le discuter. C'est un projet de loi qui bouleverse et qui attaque de front les fondements des relations du travail, de nos lois du travail, un projet de loi qui, d'une certaine façon, comme le disait M. Vennat, est un débat de société, mais les débats de société, je m'excuse, ne se font pas en pleine nuit. Les débats de société se font le jour, on prend le temps de les faire. On les fait comme il le faut. On entend les parties, on les écoute, on évalue ce qu'elles ont à dire, on pèse le pour et le contre et on prend le temps, par la suite, de corriger. On fait cela correctement. On fait cela adéquatement. On fait cela dans le respect des gens. On fait cela aussi dans le respect de l'intelligence des citoyens et des citoyennes. On fait cela dans le respect de la conscience qu'il y a des conséquences qu'il faut évaluer.

Voilà une autre des raisons pour lesquelles on pense qu'il faut reporter l'étude de ce projet de loi. Il y a des conséquences importantes et il est fondamental de jeter un éclairage adéquat sur ces conséquences. Il est important de bien mesurer les conséquences du projet de loi. Sur l'emploi d'abord, le leader du gouvernement a, encore une fois, sorti la cassette pour essayer de nous faire pleurer en nous disant: II y a tellement de gens qui n'ont pas pu travailler, qui auraient voulu travailler, qui étaient prêts à travailler, mais qui ne pouvaient pas travailler, des gens qui auraient travaillé si on avait eu le projet de loi 119, si cela avait été une loi, il y a quelque temps, quand ces gens faisaient du bureau de comté à cet égard.

La réalité, M. le Président, le leader a fini par la reconnaître, mais à ce moment il ne se rendait même pas compte qu'il était en contradiction avec ce qu'il venait de dire quelques instants auparavant. Ce projet de loi ne créera pas un emploi de plus, alors que toute l'argumentation du gouvernement, que l'argumentation principale que nous a servie le ministre, c'est une argumentation qui voulait faire croire aux jeunes au Québec qu'avec ce projet de loi on aurait plus d'emplois. C'est comme si le leader du gouvernement ne s'était pas rendu compte tantôt que, quand il faisait du bureau de comté, les gens à qui il ne pouvait pas donner un emploi ou ne pouvait pas promettre un emploi, ces gens aujourd'hui, s'ils pouvaient avoir un emploi avec le projet de loi 119, il n'aurait pas plus la paix dans son bureau de comté parce que ce seraient d'autres qui, aujourd'hui, viendraient le voir, parce que c'est cela la réalité.

On a vu un certain nombre de commentateurs, de journalistes reprendre cet argument: Vous savez, dans le fond, ce que ce projet de loi va faire pour bien des jeunes, c'est leur permettre de prendre la place de leur père. Que le leader du gouvernement nous dise ici, aujourd'hui, s'il pense moins dramatique le fait d'avoir le père d'un jeune qui est allé le voir dans son bureau de comté plutôt que le fils. Quelle différence cela va faire que ce soit le père ou le fils qui fasse antichambre chez le député pendant quelque temps, qu'il finisse par avoir un rendez-vous avec le ministre et qu'il lui demande au bout du compte: Qu'est-ce que vous avez pour moi? Je veux travailler, j'ai un emploi garanti par mon oncle, par ma tante, par mon voisin qui est dans la construction. Que ce soit le père de 45 ans ou le fils de 25 ans, quelle est la différence? C'est une personne qui veut un emploi et qui ne peut pas en avoir.

Quand va-t-on finir par dire aux gens que ce projet de loi ne créera pas un seul emploi? C'est une conséquence importante, M. le Président, et il est important qu'on prenne le temps de l'expliquer aux gens, qu'on prenne le temps de faire réaliser à la jeunesse du Québec qu'on l'a trompée et qu'il n'y aura pas plus d'emplois, qu'on prenne le temps aussi de se rendre compte que, dans ce projet de loi, non seulement il n'y a pas de garantie pour une approche plus importante à l'égard de l'emploi pour les jeunes mais que, finalement, il n'y a pas de discrimination positive pour les jeunes. Il y a aussi des moins jeunes qui vont pouvoir avoir accès à l'industrie de la construction et qui, finalement, vont entrer en concurrence avec les jeunes. Ce n'est pas vrai que les facilités qui seront faites maintenant à l'égard de la compétence vont favoriser uniquement les jeunes. Pour expliquer cela et pour ne pas créer une perturbation sociale trop grande, il faut du temps.

M. le Président, ce projet de loi... M. Vennat nous l'a indiqué et nous l'a rappelé, presque tous ceux qui ont écrit sur ce projet de loi au cours des dernières semaines ont rappelé une chose qui est une évidence: depuis la mise en place du règlement de placement dans l'industrie de la construction, il s'est établi au Québec une paix sociale importante dans cette industrie. Tous, M. le Président, se questionnent sur ce qui va

arriver à cette paix sociale, importante pour le développement économique du Québec et pour l'harmonie sociale.

M. le Président, c'est une conséquence que de maintenir la paix sociale, c'est une responsabilité fondamentale d'un gouvernement que de s'occuper du maintien de la paix sociale dans une société. Je crois, quand on a un projet de loi qui risque d'attaquer de front et de compromettre la paix sociale, surtout quand cette paix sociale a été acquise durement, à la suite d'événements inacceptables, dramatiques... A-t-on besoin de rappeler les incidents de la Baie James il y a quelques années? A-t-on besoin de rappeler la commission Cliche? A-t-on besoin de rappeler le banditisme qui existait dans l'industrie de la construction? A-t-on besoin de rappeler les rackets de protection qui ont existé dans cette industrie? A-t-on besoin de rappeler le favoritisme et la corruption qui existaient dans cette industrie il y a quelques années? Est-ce cela qu'on veut rétablir? Dans ce sens, quand on pense à des conséquences aussi dangereuses, à des conséquences aussi lourdes, le minimum qu'on fait quand on a une attitude responsable, c'est de prendre le temps d'agir. On ne s'énerve pas, on ne va pas adopter un projet de loi à la sauvette et obliger des discussion en pleine nuit. On fait en sorte de bien évaluer les conséquences, de les bien considérer. C'est cela qu'on a à faire et qu'on doit faire quand on est un gouvernement sérieux et responsable qui se disait il y a à peine douze mois, jour pour jour, prêt maintenant à assumer le pouvoir.

Quand les libéraux ont fait leur gros party de la victoire il y a un an, ils ont dit entre autres: Écoutez, vous nous avez élus avec une bonne majorité, ne vous inquiétez pas, on est prêts à assumer le pouvoir. Cela fait neuf ans qu'on attend après. Ce qu'on constate, M. le Président, c'est qu'ils n'avaient rien compris aux enjeux importants, ils n'avaient rien compris de ce qui était fondamental.

Quand le leader du gouvernement nous a dit tantôt qu'on avait un engagement, quel était-il? Encore là, on pourrait comparer cela au dossier de l'aide sociale. Après un an, on ne sait pas encore de quelle parité le gouvernement nous parlait, mais on sait que, à l'époque, comme pour l'aide sociale, il y avait deux discours. Certains parlaient de l'abolition du règlement de placement dans l'industrie de la construction et d'autres nous parlaient de l'abolition du certifcat de classification, c'est-à-dire le permis de travail. Selon le public auquel on s'adressait, un député libérai ou un militant libéral disait à l'époque: Nous allons abolir tout le règlement de placement, cela va être complètement déréglementé. Dans d'autres cas, on nous disait: On va simplement abolir le permis de travail. C'est cela le genre d'engagement qu'on faisait dans un langage confus. Aujourd'hui, on se retrouve avec une situation qui est dangereuse, une situation qui nous amène à nous rendre compte que ceux qui parlaient de l'abolition du règlement de placement trompaient la population. (1 h 40)

M. le Président, je vous ai dit tantôt ce que nous indiquait M. Vennat - le ministre reconnaissait que c'était un des experts au Québec sur ces questions - que le projet de loi concernait l'ensemble du régime des conventions collectives au Québec, que le projet concernait les clauses de sécurité d'emploi et d'ancienneté. Surtout - je le rappelle, parce que je crois que c'est tellement fondamental - ce projet de loi dépasse largement les cadres de l'industrie de la construction.

Un projet de loi de cette ampleur mérite d'être évalué plus longuement, d'être mieux mûri, d'être mieux travaillé, d'être plus soupesé. Parmi les députés libéraux, parmi les gens qui m'écoutent dans cette salle - le leader du gouvernement nous a parlé de ses expériences de bureau de comté - il y a probablement plus de nouveaux députés que d'anciens, des gens qui n'ont pas encore une longue expérience des bureaux de comté. Je crois qu'il serait important, avant d'adopter le projet de loi et les conséquences qu'il pourrait éventuellement susciter, de permettre à de nouveaux députés de se demander d'abord ce qui va arriver après. Il y a des députés qui commencent simplement à réaliser les conséquences qui pourraient intervenir avec l'adoption de ce projet de loi.

M. le Président, il y a un défi qui est actuellement le défi de tous ceux qui sont attachés au bon sens. C'est le défi qu'il faut des explications. Il y a des éléments à évaluer; il y a des éléments à reconsidérer dans ce projet de loi. Ce n'est pas exact, ce n'est pas vrai qu'on va faire cela en peu de temps. M. Vennat disait: Le temps des fêtes est peu propice à l'étude d'un projet de loi dont la portée sociale dépasse une seule industrie. Il y aurait lieu, d'un côté, d'en reporter l'adoption au moins à Pâques et ainsi de discuter du travail partagé à tête reposée. Je pense que c'était un conseil sage, un conseil éclairé de quelqu'un qui a plus d'expérience des relations du travail et du monde du travail que toutes les personnes qui sont ici ce soir à l'Assemblée nationale du Québec, y compris et probablement surtout le présent ministre du Travail. Quelqu'un qui nous donne ce genre de conseil, quelqu'un qui a cette crédibilité, cette expérience, c'est le genre de conseil qu'on devrait écouter et retenir judicieusement.

M. le Président, c'est la raison pour laquelle on a présenté une motion de report de six mois. Parce qu'on veut que le

gouvernement fasse les choses correctement, parce que ce projet de loi a une portée sociale considérable, parce que c'est inacceptable, à notre avis, de présenter un projet de loi, de le faire discuter en pleine nuit et d'obliger l'Assemblée nationale à l'adopter à la vapeur, avant les fêtes, avant le 19 décembre.

C'est la raison pour laquelle nous, de ce côté, présentons sincèrement cette motion de report. Nous espérons que, finalement, après ces deux heures de discussion, les collègues d'en face auront compris que c'est autant leur intérêt que le nôtre, que celui de l'ensemble de la société québécoise qui demande actuellement de faire en sorte que le projet de loi soit reporté et qu'on en arrive à l'adoption d'un projet de loi qui corresponde au défi et aux besoins véritables de l'industrie de la construction et de l'emploi. M. le Président, merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: M. le Président, je suis content de parler tout de suite après l'intervention du député de Verchères, parce qu'il est aussi agressif à 1 h 30 ou 1 h 45 qu'à 16 heures quand il pointe du doigt. Je me rappelle, quand j'ai pris le cours de droit criminel à l'Université de Montréal, que l'on m'avait dit: Pointer du doigt, c'est un acte criminel, une voie de fait.

C'est ce qu'il fait. Il s'énerve pour rien. M. le Président, j'aimerais bien savoir si le député de Verchères va faire circuler son discours, ce qu'il vient de dire, cette nuit à 1 h 30, aux gens de son comté et surtout aux jeunes. On se rappelle très bien, avec le député de Verchères, que l'on parle de ce problème depuis huit ou neuf ans. II disait tout à l'heure: Je suis ici comme député depuis dix ans. Moi, je lui dis: Je suis ici comme député depuis cinq ans. On vous faisait face dans le temps. On vous a demandé à genoux ou par des requêtes: S'il vous plaît! Voulez-vous ouvrir la porte dans l'industrie de la construction pour donner la chance aux jeunes de travailler? On vous a demandé cela d'une manière raisonnable.

Nous avons eu la visite à l'Assemblée nationale d'un organisme - M. le Président, vous vous rappelez? et le député de Verchères s'en souvient - le Regroupement des interdits de la construction du Québec Inc. L'affaire a duré tellement longtemps qu'ils se sont incorporés. Ils ont eu une charte du gouvernement pour s'incorporer et dire: Nous sommes les interdits de la construction parce que les péquistes ne veulent pas que l'on travaille. Croyez-vous ça! Ils sont venus ici. Je les ai rencontrés, ces interdits-là. J'étais au deuxième étage où se trouvent maintenant les péquistes. On les a rencontrés. M. Pagé, qui était whip dans le temps, était responsable du dossier avec le ministre actuel. Ces pauvres gars étaient obligés de travailler au noir, en dessous, de n'importe quelle manière pour gagner quelques sous pour payer le pain et le sel de leur famille, parce que le Parti québécois ne permettait pas à ces gars-là de travailler.

Ce soir, on nous dit: Ce n'est pas le temps de discuter. Il faut nous donner encore six mois pour réfléchir. Je vais répondre aux arguments du député de Verchères quand il a dit: Le Parti libéral respecte sa parole. Oui, M. le Président. Vous m'avez dit l'autre jour que je ne peux jamais répondre directement au député. Donc, je vous le dis à vous, M. le Président. Dites au député de Verchères qu'on respecte notre parole dans le Parti libéral du Québec et dans l'industrie de la construction. Quand il a dit que l'on dépasse largement le cadre de l'industrie de la construction dans ce projet de loi, je le dis encore à vous, M. le Président: Est-ce que le député de Verchères a lu le projet de loi 119? Parce qu'on ne parle que de la construction, pas d'autre chose. On n'est pas en train de faire des grandes thèses péquistes pour savoir comment régler les problèmes du monde. On veut seulement régler le problème dans la construction, pas d'autre chose.

Le député de Verchères a dit: II s'agit d'un grand débat de société. Oui, on est prêt à faire ce débat. On est prêt depuis longtemps. Qu'il ne commence pas à dire: Vous parlez dans la nuit, en cachette, mystérieusement. Ce n'est rien de ça. La seule raison pour laquelle on en parle tant... M. le Président, j'étais ici cet après-midi et ce soir dès 20 heures, prêt à parler. Savez-vous pourquoi on n'a pas parlé? Parce que le député de Terrebonne a parlé de son grand-père dans la forêt pendant vingt minutes. Aie! J'étais ici. Arrêtez donc! Tous ces députés-là...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Polak: J'ai parlé sur ce sujet la semaine dernière, mais au moins j'ai été assez honnête de ne pas parler de la forêt parce que ce n'est pas mon domaine. Je suis un député de la ville, comme le député de Verchères. J'ai parlé seulement de la motion de report parce que c'est une question de procédure. Mais toute la "gang" a parlé ce soir du projet de loi sur les forêts. Les députés ne savaient même pas de quoi ils parlaient. Il y avait un projet de loi devant eux et ils regardaient dedans. Ils parlaient vaguement du non-sens du projet de loi sur la forêt. C'est honteux! Ils se sont dit: On va traîner les libéraux jusqu'à minuit et

après rien ne se passera. Vous avez fait erreur. Nous sommes élus pour gouverner, alors, on va continuer de parler.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Polak: On était prêt à parler sur le projet de loi 119 à 16 heures, à 20 heures, à minuit, à une heure et à 2 heures, et on continue. Quant à moi, j'espère que ma santé tiendra, mais on va rester ici jusqu'à ce que ce soit fini.

Le député de Verchères a dit: II y a un signal qui dit qu'il n'y a pas d'unanimité sur ce projet de loi. Mais qu'est-ce que vous voulez, pauvre député de Verchères? Évidemment qu'il n'y a pas d'unanimité, il n'y en a jamais. C'est pourquoi on a été élus. C'est pour gouverner. Il n'y a pas eu d'unanimité non plus le 2 décembre dernier -il y a maintenant un an - mais on célèbre cela. Il y a eu 99 députés élus et vous en avez eu 23. La population a parlé non pas unanimement mais presque unanimement.

Le député de Verchères a dit: Les travailleurs de la construction ne sont pas contents. Savez-vous pourquoi ils ne sont pas contents? C'est parce qu'eux, de l'Opposition, ont mal expliqué cette affaire-là. Ils ont tenté d'insinuer des choses, de dire qu'on ne protège pas ceux qui sont là et qu'il n'y a pas de droits acquis. Ce n'est pas vrai, M. le Président - je ne peux pas parler de tous les détails du projet de loi parce que je n'ai pas le droit de le faire - c'est un autre acte honteux. Ils savent très bien, quand ils lisent le projet de loi, que l'on protège les droits acquis; on protège les droits de ceux qui sont là, qui auront d'ailleurs tout de suite leur certificat de compétence numéro un. (1 h 50)

M. le Président, le ministre l'a dit carrément dans son discours - et c'est l'engagement de notre parti - on va prendre des mesures pour que ceux qui sont là travailleront, parce que dans un région le travail sera divisé parmi ceux qui sont prêts et qui peuvent travailler dans cette région.

M. le Président, le député de Verchères est connu comme le protecteur de la jeunesse; je m'en souviens très bien, quand j'étais dans l'Opposition, c'est lui qui a écrit le rapport sur la jeunesse. C'est un expert sur toute la question de la jeunesse. Cela me gêne que ce député, qui est expert auprès de la jeunesse, ne soit pas assez honnête pour dire: Vous, les libéraux et finalement le gouvernement, donnez une chance aux jeunes qui sont compétents et qui veulent travailler.

La semaine dernière, j'étais ici et j'ai écouté religieusement le leader de l'Opposition présenter la motion. C'est un homme qui connaît le domaine de la construction. Il a parlé et, quand je l'ai entendu, je me suis dit: Cela va très bien. À un moment donné, cela a tourné. Il disait: C'est pour cela que je présente une motion de report. Je me suis dit: Pourquoi? À tout ce qu'il avait dit, il y avait une réponse. À un moment donné il disait: II faut entendre les parties. Le ministre va entendre les parties. On aura deux jours d'enquête cette semaine. Ils viendront, jeudi et vendredi, tout le monde, les syndicats, les patrons, tous ceux qui sont intéressés. Tout à l'heure le député de Verchères a dit - je trouve cela honteux -que la consultation pour moi, ce ne sera pas autre chose qu'une farce.

M. le Président, je ne peux pas parler directement au député de Verchères, mais je lui dis que je trouve cela honteux qu'il considère qu'une commission parlementaire de deux jours, ce sera une farce. Ce n'est pas une farce. On va écouter ces gens et on prendra note de ce qu'ils disent et, s'il y a un changement à faire sur les articles en question, on va le faire, parce qu'on est un parti raisonnable. C'est pour cela qu'il y a un an on a été élus avec 99 sièges contre 23.

M. le Président, le député de Verchères a dit tout à l'heure: On attaque le droit d'ancienneté, on attaque la sécurité d'emploi. C'est un slogan très facile pour inciter le monde syndical à venir ici jeudi et vendredi et dire: II ne faut rien écouter de ce gouvernement libéral parce qu'il n'y a rien de bon dans ce projet de loi. Mais parlez donc avec les travailleurs. Vous saurez, M. le Président, que c'est autrement. Il faut le dire au député de Verchères. Il est parti, peut-être qu'il avait peur que je parle.

J'ai eu la visite de quelques jeunes vendredi à mon bureau de comté, la dernière visite avant la session intensive. Parce qu'ils ne connaissent pas le nom et le titre du député, ils m'ont dit: M. Polak, ce petit Chevrette nous bloque. On veut travailler. M. le Président, excusez-moi de ce qu'ils m'ont dit, mais je vous le répète. Ils ne connaissent pas les titres. Ils ne savent pas si c'est le leader parlementaire de l'Opposition, le député de ceci ou de cela. Ils mentionnent le nom du gars: le petit Chevrette. Je leur ai dit: Excusez-moi, ce n'est pas le petit Chevrette, c'est le leader de l'Opposition. Il a fait une motion de reporter le projet de loi et je suis d'accord avec vous. Il veut le bloquer pour encore six mois. Ils ont répondu: Ce n'est pas possible après sept ans.

M. le Président, ce n'étaient pas des gars de seize ans, c'étaient des gars de 24 et 25 ans qui ont attendu depuis huit ans, depuis que les péquistes étaient au pouvoir. Ils ne travaillent pas encore dans l'industrie de la construction. Ils n'en ont pas le droit. Ils sont bloqués, parce que c'est fermé. Vous n'avez pas tant d'heures de travaillées: vous ne pourrez pas rentrer. Que tu t'appelles Jean, Paul, Pierre, anglophone ou francophone, il n'y a pas de différence.

Aucun jeune ne travaille.

M. le Président, on est rendu à ce point-là et le ministre présente un projet de loi où on va dire: Cela va être basé sur la compétence, mais on respecte les droits acquis. On respecte ceux qui sont là-dedans, n'ayez pas peur. Ne vous laissez pas exciter par ce gars-là, par l'Opposition, qui essaie de trouver n'importe quel cheval de bataille. C'est triste. Vous n'allez pas réussir, je suis fier, d'être ici à 2 heures du matin et de rester ici aussi longtemps que mon ministre le veut. Je reste ici parce que, quand je dois voter, je vote, mais on va continuer, on va adopter ce projet de loi, on va le faire raisonnablement et on va écouter ceux qui vont venir en commission parlementaire parce que le ministre écoute, le député écoute et le gouvernement écoute. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Prendre la parole après le député de Sainte-Anne qui s'est enflammé une fois de plus, à deux heures du matin, je tenterai...

Une voix: II tente n'importe quoi.

M. Parent (Bertrand): ...rapidement, dans le peu de temps qui nous est accordé sur la motion de report concernant le projet de loi 119, d'aborder trois points précia. Tout d'abord, quant à la question que mon collègue de Verchères soulevait il y a quelques minutes, à savoir pourquoi adopter en toute urgence le principe du projet de loi avant d'aller en consultation... J'aimerais, M. le Président, qu'on puisse faire respecter...

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Bertrand. Sur une question de règlement, l'interprétation du règlement est claire. Je demanderais aux députés de cette Assemblée de respecter le droit de parole de l'intervenant. Si vous avez quelque chose à dire, vous vous lèverez après lui, à votre tour. Vous aurez chacun le droit de parole en temps et lieu. M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. La motion de report que l'Opposition fait actuellement ne vise nullement à retarder les procédures, puisqu'il est maintenant deux heures du matin et qu'on se doit d'en discuter l'urgence.

Le ministre a déposé le projet de loi 119. Il a annoncé une commission parlementaire qui doit se tenir cette semaine, les 4 et 5 décembre. Dans cette foulée, on tente ce soir, cette nuit ou ce matin, devrais-je dire, un sprint pour essayer d'adopter la motion ou le principe du projet de loi 119.

D'abord, les députés libéraux, durant la campagne électorale - je pourrais citer les députés de Portneuf, de Chambly et de Pontiac et le candidat libéral dans Joliette -le 22 novembre 1985, véhiculaient essentiellement - j'ai des coupures de presse à cet effet - qu'il s'agissait, comme engagement libéral, de l'abolition pure et simple du règlement de placement dans la construction, tout cela dans le but de permettre à des jeunes d'entrer sur le marché du travail dans l'industrie de la construction. On voit ce qui se passe exactement un an après, M. le Président. On ne parle plus de l'abolition d'un règlement de placement. Le ministre a révisé sa position et il parle maintenant de l'abolition de la carte de classification. Je pense qu'il y a une marge fort importante entre les deux. C'est donc dire que le ministre a dû lui-même réviser sa position, à savoir que le projet de loi 119 devrait contenir strictement l'abolition, non pas du règlement de placement, mais de la carte de classification.

Deuxièmement, le ministre a fait part qu'il s'agirait, dans ce cas, de faire de la place aux jeunes. Il déclarait qu'il fallait faire de la place pour les jeunes, sous prétexte que l'industrie de la construction subissait un vieillissement de sa main-d'oeuvre. Je vais seulement lui citer la page 31 du dernier rapport de l'OCQ, publié en 1985, où il est clairement indiqué que l'âge moyen des salariés de la construction, entre 1984 et 1985, s'est amélioré et est passé de 39,3 ans à 38,6 ans, et on prévoit, en 1986, que la relève continuera à se faire de façon importante concernant ce renouvellement de la jeunesse.

Les principes qui motivent actuellement le ministre à faire adopter le projet de loi 119 visent à faire de la place aux jeunes, indiquent qu'il y a une urgence de ce côté et, s'il faut prendre les paroles du député de Sainte-Anne, il y a quelques minutes, effectivement, nous attendons depuis neuf ans. (2 heures)

Je ne prétends pas - et je ne pense pas que qui que ce soit ici puisse le prétendre -que le règlement de placement, tel qu'on le conçoit actuellement dans l'industrie de la construction, soit parfait. Toutefois, le projet de loi 119 ne vient y apporter aucune solution, car ce qu'on fait essentiellement, c'est que, sous prétexte qu'on veut ouvrir la porte aux jeunes, sous prétexte qu'on veut donner la chance aux jeunes, ce qui est un bon principe en soi, on crée une situation qui va devenir intenable. C'est la raison pour laquelle on veut avoir cette consultation que

le ministre a accepté de tenir, même si elle n'est que sur une période de deux jours. On pourra voir au sortir de cela ce que le ministre devra faire avec le projet de loi 119. Mais avant cela, on ne doit pas procéder en toute hâte quelques jours avant, soit dans les 48 heures qui précèdent, pour adopter déjà le principe. Essentiellement, M. le Président, l'industrie de la construction admet environ 65 000 travailleurs actuellement et le fait de l'ouvrir à 200 000 ou 250 000, cela ne créera aucun emploi. Le ministre lui-même l'a confirmé en répondant lors des périodes de questions. Aucun emploi nouveau ne va être créé. Il ne faut quand même pas rêver en couleur, en pensant que le projet de loi 119 va régler tous les problèmes dans la construction parce qu'il ouvre les portes et qu'il permet finalement à tout le monde d'y avoir accès.

M. le Président, si nous défendons, ce soir ou cette nuit, la motion de report, c'est qu'on pense que le projet de loi 119, tel qu'il est conçu actuellement, tel qu'il est présenté actuellement, contrairement à ce que le leader du gouvernement a mentionné, n'a pas fait l'objet définitivement - mon collègue de Verchères l'a très bien démontré - de consultation en profondeur. Il y a eu une consultation qui s'est menée dans les premiers mois de l'année 1986, mais les recommandations des différents groupes de travail, essentiellement, n'étaient pas en accord avec le ministre. On se doit, à ce stade-ci, non pas dans le but de retarder les procédures, d'aller vers la consultation qui est prévue au cours des prochains jours. À la suite de cela, que le ministre refasse ses devoirs, comme cela lui a été demandé.

En conclusion, M. le Président, je pense que c'est dangereux de s'aventurer actuellement avec le projet de loi 119, non seulement au dire de l'Opposition, mais au dire aussi de plusieurs chroniqueurs, de plusieurs journalistes, de plusieurs personnes du milieu, plusieurs centrales syndicales. Si on adopte le projet de loi 119, si on achemine en toute hâte le projet de loi 119 comme on semble vouloir le faire, ce sera, finalement, le chaos, le fouillis qui va s'installer dans le domaine de la construction et la loi de la jungle, comme certains l'ont dit. Je pense que ceux qui ont vécu les années 1970 savent exactement de quoi on parle.

M. le Président, je pense que, dans cet esprit-là, il est important que le ministre révise sa position, il est important que les députés ministériels prennent en considération ces points-là et qu'on prenne le temps... Je pense qu'on n'est pas à quelques jours, à quelques mois près pour une loi aussi importante. Il faut qu'on puisse réviser notre position et prendre en considération la motion de report qui est faite. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Mille-Îles.

Une voix: Cela va aller mal. M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: M. le Président, bien entendu, je sais qu'il est très tôt ce matin et c'est peut-être une question de perception. J'entendais le député de Verchères tantôt qui nous disait qu'il était très tard ce soir. J'aime mieux voir, avec optimisme, l'aube d'une nouvelle journée se lever sur un premier anniversaire de la prise du pouvoir du Parti libéral du Québec.

Cette différence de perception des choses, on la retrouve, M. le Président, dans cette motion de report. J'aimerais vous citer les termes exacts utilisés par le leader de l'Opposition, le député de Joliette, le jeudi 20 novembre 1986, à la page 4193 du Journal des débats. Je lis: "D'ajouter, à la fin, dans les six mois, ce qui permettra au ministre du Travail de convoquer les parties, de les entendre, de travailler, de faire son devoir et de présenter un produit fini."

M. le Président, la motion de report est devenue maintenant inutile, caduque et redondante. Si on prend les objectifs mêmes visés par le leader de l'Opposition, soit de permettre au ministre du Travail de convoquer les parties et de les entendre, le ministre du Travail, le mercredi 26 novembre 1986, au Journal des débats, s'engageait à la convocation d'une commission parlementaire. C'est bien cette semaine, jeudi et vendredi, que la commission parlementaire de l'économie et du travail entendra les divers intervenants, conformément à la demande qui a été faite la semaine précédente. Par conséquent, les deux premiers motifs, il faut les oublier. La troisième raison que le leader de l'Opposition a soulevée le jeudi 20 novembre, c'était que le ministre du Travail devait travailler ou faire son devoir. Quand, tantôt, je regardais le député de Verchères déposer avec vigueur sur son pupitre l'ensemble des rapports qui ont été produits par les groupes de travail, partie syndicale, partie patronnale et fonctionnaires, et qui ont mené à l'élaboration, à la présentation du projet de loi 119, je me dis, M. le Président, que le ministre du Travail a très bien fait son travail et qu'il n'a pas à reprendre ses devoirs. Quant au dernier objectif du leader de l'Opposition, c'était de présenter un produit fini. Je lui dirai qu'après information personnelle le projet de loi 119 constitue peut-être le projet de loi le mieux rédigé depuis le 2 décembre 1985.

Faut-il ajouter que les véritables motifs qui se cachent derrière la motion de report sont les suivants, et le leader de l'Opposition les a déclarés lors de sa première intervention, le jeudi 20 novembre 1986. Je

soutiens que, malheureusement, le leader de l'Opposition s'est trompé. À la page 4193, le leader de l'Opposition a énoncé: "Je prétends que la position présentée par le ministre est la négation même du droit d'association dans le fin fond pratique. On décide unilatéralement - c'est quasi une loi d'exception -d'enlever le seul critère d'ancienneté qui existait dans l'industrie de la construction. C'est la véritable raison pour laquelle, M. le Président, la motion de report est présentée et que nous la débattons présentement." Je dois fermer les guillemets. Merci, M. le député.

La loi 119 ne nie pas le droit d'association. La loi 119 n'élimine pas la formule Rand et la perception des cotisations syndicales sur le revenu des salariés dans l'industrie de la construction. C'est tout le contraire que fait cette loi. Elle responsabilise les parties et accorde un véritable sens au droit d'association, pas seulement dans le secteur des relations du travail, mais également dans les autres secteurs tels que la formation professionnelle, l'embauche, le placement. Quand on utilise l'épouvantail à moineaux du critère d'ancienneté ou du concept d'ancienneté, les cartes de classification telles qu'elles existaient ne sont pas un véritable critère d'ancienneté. Ce sont plutôt les années d'ancienneté accumulées par les travailleurs dans la construction et leur compétence accumulée au fur et à mesure des journées passées sur les chantiers de construction qui constituent pour eux le véritable trésor qu'est leur ancienneté. Faut-il se demander comment il se fait qu'au cours des neuf dernières années, si l'on considérait qu'il devait y avoir sur les chantiers de construction un critère d'ancienneté, le Parti québécois, qui était au pouvoir au cours de toutes ces années, n'a pas légiféré pour reconnaître des priorités de retour au travail par ancienneté sur certains chantiers? Cela n'a pas été fait. La question fondamentale qu'il faut se poser, bien entendu, à l'encontre de ce que le leader de l'Opposition essaie de nous faire croire, c'est: Quelle distinction véritable d'ancienneté y a-t-il entre un travailleur de 25 ans qui aurait obtenu ses 1000 heures, sa carte de classification, avec une année d'ancienneté dans le domaine de la construction, et un travailleur de 55 ans qui, lui, aurait 30 ans d'ancienneté dans le domaine de la construction et lui aussi son critère de 1000 heures respecté? Tout ce concept d'ancienneté est un faux concept. Le débat fait par l'Opposition, en alléguant que nous touchons et affectons les critères d'ancienneté, est un faux débat. Le concept d'ancienneté soulevé et perçu comme il l'est par l'Opposition est plutôt un critère de contingentement de la main-d'oeuvre. (2 h 10)

Le leader de l'Opposition a souligné également, en appui à sa motion de report, M. le Président - j'ai entendu tantôt d'autres députés de l'Opposition parler de chiffres absolument astronomiques - lors du débat du 20 novembre, que 300 000 personnes pourraient entrer dans l'industrie de la construction. Un peu plus loin dans son intervention, à la page 4183 des débats, 200 000; un peu plus loin, 150 000. Ces chiffres ont été cités pour semer un peu d'émoi dans la population et créer un sorte de vague de fond à l'encontre du projet de loi. Cette attitude non réfléchie de lancer des chiffres en l'air dans le but de se créer un capital politique, qui est très rare présentement pour le parti de l'Opposition, ne tient absolument pas compte des dispositions du projet de loi. Lorsqu'on lit adéquatement et correctement le projet de loi, on s'aperçoit que tel n'est pas le cas et que c'est absolument impossible dans les faits qu'un tel nombre puisse exister à court terme, à moyen terme ou à long terme dans l'industrie de la construction.

Spécifiquement, M. le Président - j'y reviendrai tantôt, lors de l'autre débat sur le principe du projet de loi - les articles 41 et 42, contrairement à tout ce qui a été dit et à ce que le député de Bertrand nous a dit tantôt quant à la loi de la jungle, assurent le maintien et la continuité du règlement de placement actuel, sauf que nous éliminons la carte de classification et que nous remplaçons ce critère par un critère de compétence.

J'aimerais en terminant, M. le Président, m'attaquer à ce qui est derrière tout le discours du leader de l'Opposition. Son idée maîtresse se traduit dans la phrase ci-contre qu'il nous a émise, le mercredi 20 novembre dernier, à la page 4183 du Journal des débats: II faut se méfier des discours néo-conservateurs qui allèguent la liberté et la saine concurrence, qui favorisent l'abolition pure et simple de toute mesure de contrôle autre que la vérification de la pure et simple compétence. À mon avis, c'est très dangereux de s'exprimer ainsi." Je dis au chef de l'Opposition que c'est du "vasage", de l'imprécision, de vieilles "tounes" que l'on entend tourner depuis fort longtemps et qui démontrent que l'Opposition est contre, mais qu'elle ne sait pas pourquoi. J'aimerais bien savoir quelle est la vision péquiste de l'avenir du domaine de la construction et si cette vision a déjà été exprimée dans le passé par un quelconque membre du Parti québécois.

Dans le journal Le Devoir du mardi 11 novembre 1986, à la page 6, Gilles Lesage parlait du flottement néo-péquiste. Je pense que cela s'applique très bien à la déclaration faite par le leader de l'Opposition que je viens de citer à l'instant, M. le Président. Je vous rapporte les paroles de M. Lesage: "À

la recherche de sa nouvelle identité, le Parti québécois de M. Johnson flotte présentement dans toutes sortes de directions divergentes, lorgne vers des horizons contraires, flaire le vent. Il essaie tant bien que mal de se distinguer du néo-conservatisme dominant et du Parti libéral. Mais la démarche est encore mal assurée. Il ne veut pas renier ses anciennes croyances, mais la réalité l'y force. Il n'a pas encore trouvé son nouveau créneau, sa bannière, son âme." M. Lesage de continuer: "À ce jour, le nouveau dessein péquiste est léger, imprécis. Après avoir mis en réserve ses dogmes, après avoir perdu son côté "collectiviste", il doit éviter de devenir un fourre-tout, sans cohérence et sans cohésion."

C'est, justement, cette vision que je qualifierais de néo-péquiste, cette vision néo-corporatiste. L'ancien gouvernement du Parti québécois a toujours tenté de faire correspondre ses intérêts personnels à l'intérêt de structures corporatistes de notre société, de structures - et il faut le dire -syndicales, à l'époque.

Je dis qu'il y a danger et le danger est le suivant: c'est qu'à trop vouloir se coller à des idéaux corporatistes, on perd peut-être, comme parti politique, sa propre identité. Je pense que, messieurs, vous avez fait la preuve d'un tel état de choses.

Pourquoi pendant six mois, M. le Président? Parce qu'il est grand temps de corriger ce préjugé péquiste néo-corporatiste en faveur de pseudo-privilèges syndicaux et de certaines centrales syndicales. Parce qu'il est urgent non pas d'avoir un faux préjugé favorable envers les travailleurs, non pas de prendre parti pour la partie patronale ou pour la partie syndicale, mais bien de prendre parti, une fois pour toutes au Québec, pour l'ensemble de l'industrie de la construction. Parce que, surtout, M. le Président, il est vital, pour l'économie du Québec, pour une industrie qui contribue pour 12 000 000 000 $ au produit intérieur brut, que le gouvernement du Québec corrige cette situation malsaine et injuste qui a trop duré. C'est pour cette raison, M. le Président, qu'en bon Québécois, comme un de mes électeurs me le disait pas plus tard que la semaine dernière dans mon bureau relativement à ce projet de loi, et ce n'était pas un entrepreneur ou un propriétaire d'entreprise, il faut arrêter de niaiser avec le "puck". C'est pour cela que je voterai contre la motion de report.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Les libéraux nous disaient: On ne siégera pas la nuit, on aura des fins de session beaucoup plus civilisées. Pourtant, M. le Président, au cours de la première nuit de la session intensive de décembre, nous sommes en train de légiférer sur un projet de loi beaucoup trop important pour être présenté durant la nuit.

J'aimerais reprendre un point qui a été soulevé par mon collègue de Gatineau qui disait: On ne doit pas limiter l'accès aux travailleurs justifiés. Si on retient ce principe, M. le Président, pourquoi ne pas accepter dans les hôpitaux du Québec tous ceux et toutes celles qui sortent de nos écoles de formation dans ce domaine? Pourquoi ne pas accepter dans nos écoles, dans nos universités et dans nos cégeps tous ceux qui sortent de nos institutions avec un brevet d'enseignement? Cela, peu importe l'ancienneté, peu importent les besoins, peu importent les conventions collectives. Il faut faire attention à ce que vous dites, M. le député de Gatineau.

Pourquoi l'urgence? C'est bon pour les gens qui sont dans cette Assemblée de se poser la question: Pourquoi cette urgence? Est-ce à cause du prix des maisons? Nonl Parce qu'une maison au Québec qui se vend entre 60 000 $ et 65 000 $ se vend en Ontario 100 000 $. Est-ce que c'est parce que vous voulez qu'on finisse par payer le même prix qu'en l'Ontario parce que vous voulez tout amener sur un même pied d'égalité? Non, il n'y a pas urgence sur le facteur du prix des maisons. (2 h 20)

Pourquoi y a-t-il urgence? Est-ce à cause du faible taux de construction en 1986 au Québec? Nonl Parce que l'année 1986 est la meilleure depuis dix ans. Il n'y a tellement pas d'urgence qu'on prévoit déjà -attendez, ce n'est pas fini - une diminution importante pour 1987. Votre ministre des Affaires municipales, dans une déclaration la semaine dernière, prévoyait une diminution de 50 % de la main-d'oeuvre dans le secteur pour l'an 2000. Donc, il n'y pas urgence de ce côté, non plus. Est-ce à cause des problèmes sur les chantiers de construction? Non. Il n'y a plus de problèmes sur les chantiers de construction depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976.

Rappelez-vous qu'il y avait d'énormes problèmes entre 1970 et 1976 et que le projet de loi 119 risque de ramener des problèmes sur les chantiers de construction. Est-ce qu'il y a des problèmes présentement? Non. Les menaces de problèmes qu'on a sur les chantiers de construction, c'est à cause de la loi 119. Est-ce à cause de l'absence de jeunes sur les chantiers? Non, il en est entré 17 000 en 1986. Ce que le ministre veut amener, ce n'est pas une ouverture plus pour les jeunes que pour les autres. Si le ministre nous dit le contraire, ce n'est pas ce qu'il a dit quand il a livré le fond de sa pensée lorsqu'il était de passage à Bromont, le 22 octobre dernier. Je cite: "De passage à

Bromont, le ministre Paradis veut ouvrir le marché de la construction à tous les travailleurs".

Je cite le reportage de la journaliste, Mme Jacqueline de Bruycker, une femme extraordinaire. Je pense que mon collègue de Brome-Missisquoi va dire la même chose. Ce qu'elle rapporte, c'est la vérité et c'est ce qui a été dit. Écoutez bien cela, c'est important, les jeunes: "Profitant de la tribune que lui offraient lundi soir la Chambre de commerce et l'Association des entrepreneurs en construction de Brôme-Missisquoi-Shefford, le ministre du Travail, Pierre Paradis, a clairement indiqué son intention d'ouvrir le marché de la construction à tous les travailleurs intéressés à y oeuvrer". Pas seulement les jeunes, tous les travailleurs.

Quand on regarde l'article 32 du projet de loi, il est dit que tous ceux qui ont seize ans et qui peuvent se faire garantir 500 heures vont pouvoir travailler dans les chantiers de construction. Où retrouve-t-on la compétence promise? Encore une fois et comme toujours, on leurre la population; on fait accroire des choses aux jeunes qu'on n'a pas l'intention de respecter, pas plus qu'on ne l'a fait pour la parité de l'aide sociale, pas plus qu'on ne l'a fait pour les prêts et bourses et le gel des frais de scolarité.

On trompe encore la population. Est-ce dans le but de protéger le consommateur? Non, M. le Président. Si on voulait vraiment protéger le consommateur, le ministre n'aurait qu'une chose à faire. Il n'aurait qu'à mettre en vigueur les articles 77 à 83 de la loi 59 qui a été votée en juin 1985 et qui est prête. S'il voulait protéger le consommateur, le ministre n'aurait qu'à prendre une décision, sans même être obligé de revenir à l'Assemblée nationale.

Pourquoi est-on si pressé? On est pressé parce qu'on veut faire accroire qu'on va tenir une promesse électorale. On sait très bien qu'on ne répondra malheureusement pas aux promesses qu'on a faites aux jeunes. Je trouve cela malheureux.

Encore une fois, ce gouvernement est en train de tromper les jeunes, de leurrer les jeunes et toute la population. Pour toutes les raisons que j'ai exprimées, non seulement on ne doit pas voter pour le projet de loi 119, mais on ne doit surtout pas l'adopter maintenant et à la vapeur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le ministre du Travail.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. Le député de Shefford qui vient de nous adresser la parole a eu, au moins, le mérite de ne pas tenter, comme certains de l'autre côté, de nous faire croire qu'il parlait sur une motion de report. Il s'est prononcé contre le fond du projet de loi. C'est son droit, mais il n'a pas l'attitude d'autres députés de l'autre côté de tenter de faire croire qu'il demandait un report de six mois, de façon à mieux étudier le projet de loi et de façon à mieux le comprendre. On a compris de son intervention qu'il ne l'avait jamais lu, qu'il n'a pas l'intention de le lire et qu'il est en devoir commandé pour s'opposer au fond du projet de loi. Il revenait du congrès du Parti québécois.

M. le Président, pendant neuf ans dans cette Chambre, les députés libéraux, lorsqu'ils siégeaient de l'autre côté de la Chambre, se sont opposés aux permis de travail dans l'industrie de la construction. Les députés libéraux se sont opposés à la carte de classification dans l'industrie de la construction.

Au moment de la campagne électorale, dans le programme du Parti libéral du Québec, Maîtriser l'avenir, il y avait un chapitre qui traitait spécifiquement de l'industrie de la construction au Québec. Pour les péquistes qui prétendent cette nuit, à 2 h 25, se faire prendre par surprise, je vous invite à relire la page 5 dudit programme qui se lit comme suit: "La compétence doit être le principal critère d'entrée sur le marché de la construction autant à l'égard des entrepreneurs que des salariés. Le contingentement de la main-d'oeuvre par le nombre d'heures de travail s'est avéré injuste, discriminatoire, socialement néfaste et économiquement injustifiable. Incidemment, l'industrie est présentement fermée à toute relève. Désormais et au départ, c'est le certificat de qualification ou l'attestation du début d'apprentissage au lieu du nombre d'heures qui servira de critère d'embauche des salariés."

Il y a un peu plus d'un an, au Centre Paul-Sauvé, à Montréal, où des milliers de jeunes étaient venus entendre les porte-parole du Parti libéral, j'avais, à la demande du premier ministre, choisi d'intervenir sur un thème qui me tenait particulièrement à coeur, le permis de travail dans l'industrie de la construction. À ce moment-là, j'ai parlé aux jeunes des vrais bâtisseurs du Québec. J'ai parlé aux jeunes du règlement des cartes de classification que leur avait imposé un de mes prédécesseurs, l'ancien ministre du Travail, en 1977, et actuel chef du Parti québécois. J'avais parlé à ces jeunes de la façon dont l'actuel chef du Parti québécois leur avait bloqué la possibilité d'avoir accès à l'industrie de la construction. C'est peut-être pourquoi, de l'autre côté, on s'acharne présentement à ne pas vouloir accepter les jeunes dans l'industrie de la construction, parce qu'on sait que c'est le chef péquiste qui est le père du règlement

qui interdit aux jeunes d'y avoir accès.

Qui, de l'autre côté, n'a pas reçu dans son bureau, parmi les députés présents - je pourrais peut-être prendre le député de Shefford à témoin parce que j'ai des lettres à mon bureau qui viennent de son bureau de comté - des jeunes auxquels il a eu à expliquer la situation suivante? Le jeune, qui est dans votre bureau, est diplômé d'études secondaires, dans un métier de la construction. C'est un jeune qui se prétend compétent. Il est allé à l'OCQ, au bureau de Granby ou d'ailleurs. On lui a demandé: Est-ce que tu as travaillé 2000 heures dans les deux dernières années? Le jeune a répondu: Vous n'êtes pas sérieux, j'étais à l'école. Je ne pouvais pas travailler 2000 heures. Est-ce que le bassin provincial de la main-d'oeuvre est vide? Bien non. Il y a, à Sept-Îles, quelqu'un qui est plombier. Le règlement dont le chef du Parti québécois est père, c'est ce règlement-là. C'est un règlement qui, à toutes fins utiles, interdit à un jeune le droit au travail. Mais, s'il y a quelque chose de sacré dans notre société, c'est bien ce droit et la possibilité pour un jeune compétent d'avoir accès à une industrie aussi importante que l'industrie de la construction. Cela a été et est présentement pour le Parti libéral du Québec un élément sacré de la politique québécoise.

Nous fêtons, cette nuit, l'arrivée à la tête des affaires de l'État du Parti libéral du Québec. Un an, jour pour jour. Lorsque, au Centre Paul-Sauvé, je m'étais adressé à ces milliers de jeunes, je ne savais pas que, le 12 décembre dernier, je serais, à la demande du premier ministre, assermenté comme ministre du Travail, donc, ministre parrain du permis de travail, de la carte de classification dans l'industrie de la construction. Dès le mois de février, j'ai eu à prendre des décisions importantes quant à ce permis de travail, quant à cette carte de qualification. (2 h 30)

Pour ceux et celles qui, peut-être, souhaiteraient avoir un délai pour étudier leurs dossiers de l'autre côté de la Chambre, je tiendrais à résumer le déroulement des événements qui concernent ce permis de travail depuis février 1986. Pas six mois, mais dix mois de travail.

Février 1986, le gouvernement a annoncé qu'il renouvelait les 105 000 cartes de classification venant à échéance le 31 mars 1986 et ce, jusqu'au 31 décembre prochain, afin de permettre la mise en place d'un nouveau système d'accès à l'industrie basé sur la compétence. Dès lors, février 1986, le gouvernement du Parti libéral décida de consulter les sept associations patronales et les cinq associations syndicales concernées dans le domaine de la construction.

Mars 1986, formation d'un comité sur la formation et la qualification profes- sionnelles et sur l'abolition des cartes de classification. Membres du comité: les sept associations patronales, les cinq associations syndicales, le sous-ministre du Travail, le sous-ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, le sous-ministre de l'Éducation.

Juin 1986, le comité se réunit et les représentants patronaux et syndicaux déposent leurs positions sur les cinq tables de travail qui avaient été créées. Fin juin, le 21 pour être exact, le gouvernement reçoit les recommandations formulées par les partenaires de l'industrie.

À partir de juillet - et c'est peut-être pour cela que vous demandez que ce soit reporté de six mois ce soir - une équipe composée d'experts et de conseillers en construction a analysé les recommandations et les positions des parties. À partir de ces recommandations, cette équipe a proposé un nouveau système: vous ne pouviez pas le savoir, vous étiez en vacances à ce moment-là.

Une voix: Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cette équipe, qui a préparé le projet de loi, propose essentiellement que, premièrement, à l'avenir, seules les personnes ayant reçu une formation pertinente au métier choisi ou à l'occupation choisie pourront travailler dans l'industrie de la construction. Non pas le "free for all", comme vous avez tenté de l'indiquer: seules ces personnes. À l'avenir, la formation des travailleurs de l'industrie sera établie par les parties qui siégeront à la nouvelle Commission de la construction du Québec.

Qui croira dans cette enceinte ce soir qu'on est en train de discuter sur une motion de report? La crédibilité même de votre formation politique, mesdames et messieurs de l'autre côté, est remise en question.

Une voix: Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque vous avez, à compter de 20 heures ce soir, fait de l'obstruction systématique sur un projet de loi sur lequel, fondamentalement, vous êtes d'accord - d'ailleurs, vous allez voter pour le projet de loi de mon collègue sur la politique forestière - est-ce que, au cours de la journée, lorsque vous avez fait de l'obstruction systématique sur un projet de loi pour lequel essentiellement vous allez voter, la création du ministère du Solliciteur général, vous n'aviez pas en tête à ce moment-là l'idée de tenter de reculer en pleine nuit les travaux qui touchent le projet de loi sur l'industrie de la construction, de façon que les travailleurs qui sont principalement concernés n'aient pas la chance d'écouter nos débats et d'avoir l'heure juste

sur le contenu d'un projet de loi que vous ne connaissez pas?

N'avez-vous pas, en ce faisant, un peu comme vous l'avez fait avec le règlement de la construction de votre chef du Parti québécois, qui a forcé le travail au noir au Québec de la part de pères de famille et de jeunes, forcé les députés à travailler en pleine nuit...

Une voix: Au noir!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...à 2 h 30 ou 2 h 35? Quelqu'un me suggère: "à travailler au noir" à l'Assemblée nationale du Québec. Remettre de six mois nos travaux -c'est là le supposé but de la motion péquiste équivaut à remettre de six mois la commission parlementaire prévue pour jeudi et vendredi prochains où nous entendrons, oui, les cinq centrales syndicales de l'industrie de la construction; où nous entendrons, oui, les sept associations patronales; où nous entendrons l'Office de la construction du Québec. Auriez-vous peur de ce que ces gens pourraient venir nous dire? C'est pourquoi vous nous demandez de remettre cela de six mois?

Remettre de six mois, qu'est-ce que ça veut dire pour le jeune qui est au secondaire présentement? Je vois des enseignants de l'autre côté. Quand s'effectuent les choix pour un jeune quant à son année scolaire qui suit? Cela ne s'effectuera pas au cours de l'été prochain, ça s'effectuera au cours du semestre qui sera engagé à partir de janvier. Et si ces jeunes-là ne connaissent pas les règles du jeu quant à l'industrie de la construction, ce n'est pas de six mois que vous remettez leur avenir, c'est d'un an. C'est vrai qu'un an pour vous autres, ce n'est peut-être pas important parce que pendant neuf ans vous avez remis à néant l'avenir de toute une génération de jeunes au Québec.

M. le Président, remettre de six mois, c'est penser qu'aucun travail n'a été effectué. Je ne les en blâme pas parce que ce n'est pas un travail de six mois qui a été effectué dans ce projet de loi; travail dans l'Opposition pendant neuf ans; travail au niveau de la campagne électorale; travail de dix mois depuis la prise du pouvoir du Parti libéral du Québec. Je comprends ces gens-là de vouloir six mois. Ils ont passé la moitié des dix premiers mois en vacances l'été dernier pendant que des gens étaient au travail: les gens de l'industrie de la construction, les entrepreneurs, les centrales syndicales et le ministère du Travail. Ces gens-là étaient en vacances et maintenant ils demandent de tout retarder.

Quelle est la véritable position du Parti québécois quant à ce projet de loi, quant à cette motion de report? Je tentais ce matin, à la lecture des journaux - parce que je me suis dit: Cela va bien être un sujet abordé à l'occasion de leur congrès de la fin de semaine - d'avoir l'heure juste. J'ai commencé avec des titres qui m'ont un peu inquiété, qui n'ont rien à voir avec l'industrie de la construction, mais qui indiquent la position de ces gens-là dans un dossier qui est supposé être le plus important de l'autre côté de la Chambre. Ce matin, un grand quotidien montréalais titrait: "Pierre Marc Johnson invite les militants à la patience. La souveraineté demeure l'option du PQ." Un autre grand quotidien titrait: "Conseil national du PQ. L'indépendance ne sera pas l'enjeu des prochaines élections." J'ai lu la résolution adoptée, M. le Président, et ils ont tous les deux raison même s'ils peuvent vous sembler en contradiction.

C'est ça la position de ces gens-là dans le dossier constitutionnel, mais c'est également ça la position de ces gens-là dans le dossier de la construction parce que sous le titre "Empêcher l'abolition de la carte de la construction", les membres du Parti québécois, en fin de semaine, en même temps qu'ils ont demandé à leurs parlementaires de s'opposer au projet de loi, leur ont demandé de s'assurer d'obtenir du gouvernement libéral qu'il fasse connaître ses objectifs et les justifications à toute modification du règlement de placement. En même temps qu'ils disent: Ne touchez à rien, ils demandent à ces gens-là d'obtenir du Parti libéral ces justifications. En même temps qu'ils disent: Conservez la discrimination contre les jeunes du chef actuel du Parti québécois, ne touchez à rien, gardez la discrimination contre les jeunes, ils disent: "Les péquistes veulent également que le gouvernement Bourassa se commette en faveur de mesures de discrimination positives à l'égard des jeunes."

Une voix: Double langage.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Double langage sur le plan constitutionnel et même double langage sur le plan de la carte de classification dans l'industrie de la construction.

Vous m'indiquez, M. le Président, que je dois conclure. Quelques-uns des orateurs de l'autre côté, qui ne se sont absolument pas prononcés sur la motion de report, ont tenté de se prononcer sur le fond du projet de loi, ont tenté de faire croire aux gens que la partie patronale appuyait le Parti libéral et que la partie syndicale s'opposait au projet de loi. C'est un petit peu ce qu'on décode des messages de l'autre côté.

Je ne vous dirai pas de qui vient la citation que je vais vous lire. Je vais peut-être laisser le temps aux recherchistes de l'équipe de l'autre côté de la découvrir. Je vous la cite, M. le Président: "Dans la mise en place de ces nouveaux modes d'accès à

l'industrie de la construction - on identifie la partie - la partie syndicale mise sur la bonne volonté des parties - ils ne connaissaient sans doute pas nos amis d'en face - et croit sincèrement que la proposition du ministre pourrait s'avérer l'alternative la plus sérieuse soumise ces dernières années en matière de politique de main-d'oeuvre." Cela ne vient pas d'une partie patronale. Cette citation, je viens de la recevoir d'un local important dans le domaine de l'industrie de la construction. Il y a quelqu'un qui s'esclaffe de l'autre côté. (2 h 40)

Une voix: Pouliot.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a quelqu'un qui s'esclaffe et qui vient de dire que c'est Pouliot. Je vous dirai: Non, ce n'est pas Maurice Pouliot; cela ne vient pas de Maurice Pouliot.

Une voix: Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des gens dans l'industrie de la construction qui, spontanément, se manifestent et nous indiquent que vous devriez clarifier vos choses à l'occasion de vos congrès. M. le Président, ce projet de loi - je l'ai indiqué à l'occasion de mon discours en deuxième lecture sur le principe - je le dédie...

Le Vice-Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...spécialement à la jeunesse québécoise parce que ne pas avoir accès à l'emploi est la pire des inégalités et c'est vous, de l'autre côté de la Chambre, qui avez créé cette inégalité. Tout ce que nous faisons de ce côté-ci, c'est tenter de donner à de jeunes Québécois compétents une chance égale d'avoir accès à l'industrie de la construction. C'est pourquoi nous n'attendrons pas six mois et nous demandons le vote sur votre motion.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Ce n'est pas pour intervenir. En vertu du règlement, comme le ministre a cité un document qu'il avait en main, je fais la demande expresse qu'il dépose le document.

Une voix: C'est un journal.

Le Vice-Président: M. le ministre, vous avez effectivement cité un document. Est-ce que vous acceptez de le déposer?

M. Jolivet: II n'a pas à accepter, il doit le déposer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il était complet...

Le Vice-Président: Non, je regrette infiniment. Â ce moment-ci, je dois dire une chose: Au sens de notre règlement, le ministre qui a cité un document peut, sur demande, être tenu de le déposer à la condition expresse qu'il n'invoque pas le motif de l'intérêt public pour ne pas le déposer.

Une voix: Ah!

Le Vice-Président: M. le ministre, je vous demande de déposer le document ou d'invoquer ce motif.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, si le document était complet, je le déposerais. Maintenant, je veux m'assurer qu'il sera en version complète demain et cela me fera plaisir de le remettre aux députés.

Le Vice-Président: Très bien. À ce moment-ci, je cède la parole, comme dernier intervenant dans ce débat restreint, au député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, je veux simplement prendre les quelques minutes qui sont miennes pour indiquer à cette Chambre qu'en ce qui concerne l'Opposition nous sommes convaincus qu'il y a une multitude de motifs pour prétendre qu'il y aurait lieu de reporter l'étude du principe du projet de loi et je pense que la motion de report est entièrement justifiée. Brièvement, je veux simplement mentionner une couple de raisons.

Contrairement à ce qui a été affirmé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, ce n'est pas qu'on ne pense pas qu'il y ait eu du travail de fait, c'est que, précisément, c'est un projet majeur, important et tout autant les centrales syndicales que le patronat prétendent que nous ne nous retrouvons plus dans le projet de loi qui a été déposé. Entre la version annoncée et ce qui est sur la table, M. le Président, il y a un monde de différence. Pas plus tard qu'aujourd'hui, les parties patronales concernées dans le dossier... Je n'ai pas le temps de les nommer; je le ferai en deuxième lecture. Ici, j'ai le nom de sept organisations patronales qui prétendent qu'il y a lieu d'être très inquiet de l'ingérence du gouvernement dans ce projet de loi. Contrairement à ce qui avait été annoncé - d'abord, c'est complètement faux, ils sont habitués de nous donner

des faussetés - il ne s'agit pas de l'abolition du...

Le Vice-Président: Je regrette, M. le leader adjoint de l'Opposition, mais vous savez fort bien que vous ne pouvez pas, en vertu de notre règlement, mettre en doute la parole d'un député, ne pas accepter la parole d'un député. Vous ne pouvez pas employer les termes que vous avez mentionnés en disant que ce sont des faussetés qu'on vous dit. Vous ne devez pas imputer de motifs, vous devez accepter la parole. Je vous demanderais de respecter notre règlement.

M. Gendron: Oui, M. le Président. On va respecter le règlement, sauf que je suis convaincu qu'en disant qu'il s'agissait de faussetés je n'ai pas mis en doute la parole d'un ministre. Je parle de façon générale de ce qu'on a sur la table.

Le Vice-Président: Je m'excuse, M. le député d'Abitibi-Ouest. J'ai très bien compris votre intervention. Vous mentionniez qu'on disait des faussetés, qu'un ministre ou des députés disaient des faussetés. Dans ce cas-là, vous contribuez à imputer des motifs indignes ou à mettre en doute la parole d'un député. Dans ce sens-là, je vous demande simplement, sans discussion, de respecter la décision que j'ai rendue. Je vous demande de vous conformer à notre règlement.

M. Gendron: Je voulais uniquement indiquer à cette Chambre, M. le Président, que l'engagement qui avait été pris par le Parti libéral, c'était d'abolir le règlement de placement. Or, aujourd'hui, dans le règlement qui est sur la table, on ne fait pas qu'abolir le règlement de placement et c'est en cela que je prétends qu'il s'agissait de quelque chose d'erroné par rapport aux engagements. Si vous aimez mieux le terme "erroné" que des "faussetés", cela ne me dérange pas.

Et il y a une multitude d'autres motifs. J'en cite uniquement un autre, M. le Président. Il me semble que, si ces gens étaient sérieux et voulaient que la consultation qu'ils entendent faire dans les prochains jours soit effectivement significative et importante, on permettrait d'avoir la consultation avant de faire le débat que nous faisons aujourd'hui, parce qu'une fois les principes d'un projet de loi adoptés cela devient un peu difficile de prétendre qu'on va entendre des intervenants pour infléchir les orientations de ce gouvernement.

Alors, cela ne fait pas sérieux. Comme il reste seulement quelques minutes, M. le Président, et que je pense que... Encore là, c'est contraire à ce qui avait été annoncé par ce gouvernement qui voulait travailler sérieusement, parce qu'il avait laissé voir que le Parlement, pour lui, c'était une institution sérieuse et crédible.

Motion d'ajournement du débat

À ce moment-ci, je voudrais me prévaloir d'un article de notre règlement pour proposer d'une façon officielle et formelle, puisque le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu lui-même a admis qu'il était illégitime de travailler au noir et que cela ne fait pas sérieux de travailler à trois heures de la nuit à un projet de loi aussi important, d'une telle envergure, je veux me prévaloir à ce moment-ci de l'article 100 de notre règlement pour proposer l'ajournement du débat.

Le Vice-Président: Donc, à ce moment-ci, l'ajournement du débat étant proposé, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Disons qu'il y a deux choses. À moins qu'on n'adopte la motion, je dois dire que celui qui a proposé cette motion a un droit de parole, au sens de notre règlement, de dix minutes et un représentant des ministériels aura à ce moment-ci un droit de parole de dix minutes. Comme proposeur, M. le député d'Abitibi-Ouest, vous aurez un droit de réplique de cinq minutes. Donc, nous allons procéder au débat sur cette motion d'ajournement, si je comprends bien. Je vous cède la parole pour les dix prochaines minutes.

M. Gendron: Au préalable, M. le Président...

Le Vice-Président: Un instant!

M. Gendron: J'allais demander si cette motion est agréée ou si elle ne l'est pas.

Le Vice-Président: Oui. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je pourrais être convaincu de l'opportunité d'adopter la motion. Je vais écouter ce qu'a à dire le leader adjoint de l'Opposition.

Le Vice-Président: Donc, au sens de notre règlement, je vous cède la parole pour dix minutes.

M. François Gendron

M. Gendron: Je remercie énormément le leader du gouvernement parce que je suis convaincu que, s'il se donne la peine d'entendre les arguments que je vais évoquer, il va se rallier à l'Opposition pour voter l'ajournement.

M. le Président, les motifs pour lesquels j'ai fait appel à l'article 100 du règlement c'est que, sincèrement, je pense

que ce gouvernement doit savoir que si on est obligé de siéger ce soir, le premier jour de l'application du règlement sessionnel, c'est parce qu'il a manqué de planification, c'est parce qu'il a complètement manqué à son devoir de planifier les travaux de cette Chambre. J'étais heureux tantôt d'entendre le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui mentionnait qu'on avait été en vacances et c'est parce qu'on avait été un certain moment en vacances qu'on n'a pas voulu prendre connaissance davantage de l'évolution de la réflexion concernant le règlement de placement, alors qu'il est on ne peut plus clair que c'est ce gouvernement, par une absence totale de classification des travaux de la Chambre, qui depuis au moins quatre semaines nous a littéralement convoqués comme Parlement à être constamment en vacances en nous faisant légiférer sur des insignifiances, en nous faisant légiférer sur des choses complètement inutiles où eux-mêmes se gourmaient de prétendre qu'il était important dans un projet de loi de changer une virgule par un point-virgule, de changer un "de" par un "et", et ainsi de suite. C'est ce que nous avons fait pendant des semaines, puisque le leader n'a pas été en mesure de planifier les travaux de cette Chambre.

Si on avait affaire à un gouvernement qui avait un peu de respect pour la population du Québec et un peu plus de respect pour ce qu'il fait... Il prétend que la réflexion est importante dans le règlement de placement; il prétend que nous sommes rendus à une étape où, effectivement, il faut prendre une décision. Il me semble que si on avait une once de responsabilité du parlementarisme on le ferait en plein jour, on le ferait au vu et au su de tout le monde et on n'aurait pas honte de parler de ce qu'ils ont l'intention de mettre sur la table.

Mais ce n'est pas cela, M. le Président. On a assisté à une bouffonnerie du Parlement avec ce gouvernement et je vais l'illustrer par un exemple très précis. Le Parlement travaille au ralenti. Je vais juste illustrer qu'une semaine de travaux à l'Assemblée nationale permet normalement, en excluant les périodes de questions et les affaires inscrites par les députés de l'Opposition - c'est le débat du mercredi - de consacrer treize heures à débattre sur des lois. (2 h 50)

Je répète: normalement une semaine parlementaire permet de faire treize heures de débat sur des lois. Or, en ajournant la Chambre, en suspendant les travaux et en utilisant même la Chambre comme commission plénière, plutôt que d'utiliser le mécanisme normal des commissions parlementaires, le leader du gouvernement n'a réussi à occuper que six heures des treize heures disponibles au cours de la semaine du 4 au 6 novembre 1986.

Je prends juste un exemple. Pendant une semaine complète, tout ce que ce gouvernement tellement irresponsable, tellement incapable d'assumer ses responsabilités de planification a réussi à nous faire faire pendant une semaine de treize heures, c'est six heures de législation alors que le règlement en permet treize. C'est le double et un peu plus, de moins que le règlement ne le permet. Ne pensez-vous pas que ce soit notre responsabilité de dire au public qu'à 3 heures du matin cela ne fait pas vraiment sérieux d'adopter un projet de loi où eux prétendent que son degré d'évolution, son cheminement nous conduise à faire une discussion importante, majeure puisqu'il s'agit d'une réforme sans précédent, d'une réforme importante.

Je pense que la situation que je viens d'illustrer démontre une totale mauvaise planification des travaux de la part du leader du gouvernement qui n'a pas su prévoir un menu législatif suffisant. Cela démontre aussi l'irresponsabilité du chef de ce gouvernement, de la vice-première ministre qui avait le culot, dans son discours inaugural, a la place du grand absent qui lui est obligé d'aller se faire élire une deuxième et une troisième fois avant d'entrer ici dans cette Chambre, de nous indiquer d'une façon très solennelle, avec la suffisance qu'on lui connaît: Vous allez voir qu'avec nous, le Parlement cela va être sérieux. C'est fini les affaires de siéger jour et nuit et on va prendre le temps qu'il faut, on va prendre le temps de consulter les parties, de s'assurer que les gens soient associés au processus législatif. C'est cela qu'on entendait.

Là nous en sommes au premier jour de l'application du règlement sessionnel, M. le Président, et ces gens vont essayer de nous faire passer toute la nuit sous prétexte que c'est nous qui sommes en faute parce qu'on a eu le malheur d'utiliser notre droit de parole comme parlementaires. Imaginez. On a eu le malheur d'utiliser notre droit de parole comme parlementaires. La conséquence de quatre semaines de non planification des travaux vous allez l'assumer, ce n'est pas nous qui allons l'assumer. À combien de reprises n'avons-nous pas été obligés de suspendre? Une fois c'est un coquetel, une fois c'est une remise de livres. On n'a rien à faire en Chambre parce que ces messieurs ont mal planifié la session parlementaire. Responsabilité du premier ministre, parce qu'il n'a pas eu la capacité d'exiger de ses propres ministres de faire des dépôts de projets de loi qui seraient arrivés en temps opportun lors du déroulement de cette session.

Qu'est-ce qui empêchait le ministre du Travail, puisqu'il dit que cela fait des mois et des mois que sa réforme est prête, de l'avoir déposée il y a quelques semaines?

Qu'est-ce qui empêchait le ministre délégué aux Forêts de déposer son projet de loi trois semaines plus tôt? S'il l'avait déposé trois semaines avant, est-ce que c'est ce soir que nous aurions fait pendant des heures le débat en deuxième lecture? On aurait pu le discuter autrement.

C'est clair que ce gouvernement a négligé de faire ses devoirs. Le Parlement ne fonctionne plus normalement. De plus, les projets de loi sont des projets mineurs dont le Parlement est saisi pour changer des virgules et des points-virgules. C'est tellement vrai ce que je vous dis, M. le Président, que je donne un autre exemple de l'irresponsabilité de ce gouvernement. Ils nous disent à propos du projet de loi 119: Oui, on va donner suite à des consultations particulières. Mais on va donner suite à des consultations particulières en profilant d'avance les appuis de ceux qui sont d'accord avec nous dans la façon d'organiser les travaux. Ainsi on a dû assister à un véritable exercice de camouflage où on s'assure d'abord que les groupes qui sont pour le projet de loi auront les meilleures heures de présentation, les meilleures heures disponibles. Ceux qui auraient un autre point de vue à faire valoir, qui sont en désaccord avec ce gouvernement, on vous vera la nuit, on fera du travail au noir avec vous autres comme le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu le disait tantôt.

C'est irrespectueux pour les parlementaires, surtout en ce premier jour et si ces gens prétendent que c'est un anniversaire aujourd'hui, c'est un anniversaire passablement triste, passablement pénible, un peu dans la noirceur comme ces gens aiment mieux vivre de ce temps-ci. On dirait qu'ils aiment mieux vivre dans la noirceur, parce que, effectivement, il n'y a pas un an d'écoulé que déjà, ils ont honte de leur législation, tellement honte qu'ils disent: On va la faire de nuit et non pas de jour, M. le Président.

Je pense que c'est important que cela soit dénoncé. C'est important qu'on fasse savoir aux citoyens et citoyennes du Québec qu'il y a un mécanisme prévu dans le règlement, justement pour permettre de temps en temps à l'Opposition de démontrer à la face de tout le public québécois qu'on a affaire à un gouvernement qui, par manque de planification, par irresponsabilité, aujourd'hui en est rendu à faire du cynisme avec des auditions d'individus intéressés à débattre les vraies questions. C'est du vrai cynisme, M. le Président, de faire accroire qu'il faut absolument travailler de nuit sur le projet qu'on va étudier tantôt en deuxième lecture, sur le principe du projet de loi modifiant le règlement de placement. Mais ce n'est plus pour modifier le règlement de placement, c'est une réforme globale, majeure. On va faire accroire, après avoir accepté le principe, que ces gens vont avoir la pleine liberté de faire valoir leur point de vue et apporter des modifications substantielles qui vont changer le cours des événements.

Il me semble, M. le Président, que c'est important de dénoncer l'absence de planification du gouvernement, l'irresponsabilité du leader du gouvernement qui a mis le Parlement en vacances pendant quatre semaines et, dès le premier jour où le règlement lui permet d'abuser de l'Opposition, d'abuser du système parlementaire, il se sert effectivement des dispositions qui ont été adoptées par le règlement pour faire siéger le Parlement à des heures indues à propos de quelque chose d'important, de majeur selon son propre collègue. Ce n'est pas moi qui disais cela, c'est le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui disait que le projet de loi était important, fondamental et qu'il y aurait lieu de l'étudier, non pas à la noirceur, non pas nous aussi de travailler au noir, mais de l'étudier au vu et au su de tout le monde.

En conséquence, M. le Président, j'espère que le leader du gouvernement va finir par comprendre le bon sens et convenir que ce ne sont pas des heures convenables pour faire siéger des parlementaires sur un projet de loi aussi valable, aussi important et qui mérite au moins d'être étudié et d'être regardé sous tous ses volets. C'est pourquoi je fais appel à l'ensemble des parlementaires pour accepter la motion d'ajournement et pour qu'on fasse ce débat en temps utile.

Le Vice-Président: Je cède la parole au leader du gouvernement.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Oui, M. le Président. J'avais promis d'écouter bien attentivement le leader adjoint de l'Opposition qui aurait pu me convaincre.

Je l'ai entendu parler de la mauvaise planification du gouvernement en matière de législation. Évidemment, le député d'Abitibi-Ouest a omis de dire que l'Opposition sait depuis vendredi dernier qu'il était dans l'intention du gouvernement de faire adopter le principe du projet de loi 119 au cours de la séance de lundi. Or, pour ceux qui nous écoutent, qui ne s'y retrouvent peut-être pas, même s'il est mardi, nous sommes encore à la séance de lundi, puisque celle-ci n'a pas été ajournée. C'est d'ailleurs le but que vise la motion d'ajournement du débat - il y a un écho de ce côté-là, M. le Président - c'est ce que vise la motion d'ajournement du débat du député d'Abitibi-Ouest.

Donc, depuis vendredi, l'Opposition sait qu'on a l'intention de demander à l'Assemblée nationale d'adopter le principe du projet de loi 119. Il faut terminer la discussion avant de l'adopter. Cela aussi,

c'est important de le rappeler. Pour l'adoption du principe, c'est un débat qui est limité à des interventions de 20 minutes par député, ici à l'Assemblée nationale. Il y a l'étude détaillée de chacun des articles du projet de loi et dans ce cas-ci, encore plus, il y a une commission parlementaire qui a été convoquée pour jeudi, qui pourra continuer à siéger le lendemain, vendredi, si nécessaire, pour entendre les cinq associations syndicales impliquées dans le domaine de la construction, les sept associations patronales impliquées dans l'industrie de la construction et finalement, l'Office de la construction du Québec, pour leur demander de venir nous dire ce qu'ils pensent du projet de loi 119. Cela, c'est de la transparence, M. le député d'Abitibi-Ouest.

Uhe voix: C'est vrai. (3 heures)

M. Gratton: Ils viendront nous dire ce qu'ils en pensent, mais nous avons le droit, en tant que gouvernement, de dire ce que nous en pensons. C'est ce que nous brûlons de faire au cours du débat sur l'adoption du principe, mais non pas au cours d'un débat qui entoure une motion de forme qui ne vise qu'à remettre à plus tard. Le gouvernement précédent a fait cela pendant neuf ans, remettre à plus tard, et c'est pour cela que la population - il y a exactement un an aujourd'hui - a dit: Dehors, cela fait trop longtemps que ça dure! C'est pour cela qu'il y a eu un changement, M. le Président, une mauvaise planification.

J'ai la mauvaise habitude - de cela je m'en confesse - de croire les gens de l'Opposition quand ils me donnent des indications sur la durée des débats et de penser que ce qu'ils me disent, c'est la vérité et de penser que, lorsqu'ils m'indiquent que... Par exemple, sur le projet de loi 138, loi créant le ministère du Solliciteur général, on m'avait dit: II y aura seulement un intervenant de notre côté. C'était la semaine dernière. On est revenu quelques jours plus tard pour nous dire: En caucus on a décidé qu'on va en avoir quatre. On les a accommodés, pas de problèmes. On a demandé à des députés de notre côté de se préparer pour que l'alternance soit respectée. On nous est arrivé aujourd'hui et on a dit: Ce n'est plus ni un, ni quatre, c'est neuf. Effectivement, il y a eu neuf députés qui ont répété l'un après l'autre qu'ils sont en faveur du projet de loi 138 créant le ministère du Solliciteur général. Ils ont tous dit qu'ils étaient en faveur et ils ont tous parlé de quoi durant le débat? De la langue. Vous allez me demander, M. le Président, ce que cela faisait dans le débat. Je me pose encore la question. Ces gens voulaient parler de la langue alors qu'il s'agissait de la création du ministère du Solliciteur général. On a passé deux heures complètes à terminer un débat qui, nous avait-on indiqué, aurait duré peut-être 30 minutes.

Sur le projet de loi 150, on a eu des interventions pendant quatre heures et quarante-cinq minutes de la part principalement de l'Opposition, pour nous dire quoi? Qu'ils sont d'accord avec le projet de loi 150 sur la politique forestière du gouvernement. Ils nous ont même dit: C'est nous qui avons préparé le projet de loi. Mais était-il nécessaire de prendre quatre heures et quarante-cinq minutes pour nous dire que le projet de loi que nous présentons est tellement bon qu'ils sont d'accord parce que c'était eux, de toute façon, qui en étaient les parrains? Il me semble qu'on a beau se donner des mérites, cela ne prend pas quatre heures et quarante-cinq minutes!

M. le Président, c'est ce qui nous a amenés à devoir entamer le débat sur l'adoption du principe, mais pas encore, parce qu'il fallait disposer de la motion de report à six mois, avant. C'est cela qu'on devra trancher si je devais conclure que le député d'Abitibi-Ouest n'a pas été suffisamment convaincant en nous proposant d'ajourner notre débat.

M. le Président, je ne le ferai pas languir plus longtemps. Je lui dirai que non, il ne m'a pas convaincu. Je n'oserai pas dire... Peut-être bien que si son collègue, le député de Joliette, leader de l'Opposition avait été ici, il aurait pu me convaincre avec des arguments un peu plus corsés. Je pense que le député d'Abitibi-Ouest est peut-être trop poli. Il a voulu se retenir, il nous a dit par contre, par exemple, que le gouvernement avait honte de son projet de loi et que c'est pour cela qu'on en discutait la nuit. M. le Président, nous étions prêts à entamer le projet de loi dès cet après-midi. D'ailleurs, nous avions prévu disposer de cela vers minuit ce soir après un débat complet et sérieux qui reste encore à venir malheureusement, mais à venir pourquoi? Parce que les députés de l'Opposition ont voulu remplir la commande reçue au conseil national de la fin de semaine où on leur a dit: Allez faire votre job, opposez-vous et bloquez le projet de loi 119. Ils sont tellement peu convaincus qu'eux préfèrent en discuter la nuit. Bien, soit! Discutons-en la nuit et nous voterons contre la motion d'ajournement du débat.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, vous avez un droit de réplique de cinq minutes.

M. François Gendron (réplique)

M. Gendron: Merci, M. le Président. Lorsqu'on invoque l'absence de planification

et les responsabilités de ce gouvernement, il ne faut sûrement pas s'étonner qu'il ne change pas d'avis indépendamment des arguments invoqués. Cela, je le savais avant de commencer ma plaidoirie. J'aurais pu faire preuve de mesquinerie, un peu comme le leader du gouvernement, en disant que j'ai été témoin à plusieurs reprises en cette Chambre de ce que le leader du gouvernement a eu le culot de dire à des collègues: Vous n'avez rien à dire, je le sais - c'est lui qui parlait à ses collègues - mais il faut que vous fassiez du temps. Je l'ai entendu à cinq ou six reprises dans les deux semaines au cours desquelles on a littéralement perdu notre temps. Même si j'avais invoqué ces arguments, cela n'aurait pas changé le point de vue du leader. Quand on a autant d'irrespect du Parlement, quand on a cette force du nombre, cette prétention de "bulldozer" tout le monde y compris l'Opposition parce qu'ils sont seulement 23, ce n'est pas la valeur des arguments qui va faire changer d'idée à ces gens-là.

Je tiens à réaffirmer ce que j'ai mentionné: Chose certaine, cela ne leur prendra pas neuf ans avant de se faire mettre dehors s'ils continuent à faire siéger les parlementaires à des heures indues. La population a rapidement compris que ce gouvernement n'a pas le courage d'agir en plein jour, n'a pas le courage de faire des lois au vu et au su de tout le monde.

J'aurais pu parler pendant des heures et dire en cette Chambre qu'on voulait travailler, qu'on s'attendait à avoir des lois importantes, des projets de loi qui permettent d'avoir des débats de fond. On a été obligé de se contenter pendant quatre semaines - je le répète - de projets de loi vides, insignifiants. Le leader se faisait même un plaisir de se lever chaque fois en expliquant qu'il y avait une nouvelle façon de légiférer et que, même des projets de loi qui ne voulaient rien dire, c'était important de prendre le temps de les passer un à la fois. Quelquefois, c'était pour changer le titre: au lieu de parler d'affaires municipales ou de commission municipale, on parlerait de municipalités. Changer uniquement une phrase, une appellation, c'est ce que ces gens-là ont voulu faire pendant quatre semaines. Aujourd'hui, ils vont faire croire...

Le Vice-Président: Un instant!

À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais votre collaboration...

Une voix: Faites descendre le chef.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais simplement votre collaboration pour nous permettre de terminer ce débat.

M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: J'ajouterai également, contrairement à ce que le leader du gouvernement a mentionné, que je n'ai jamais dit que l'Opposition ne savait pas que le leader du gouvernement nous avait informés qu'il voulait effectivement que, le lundi 1er décembre - même si on est rendu au 2 -nous procédions en cette Chambre à l'adoption du projet de loi 119 concernant les modalités du règlement de construction. Je n'ai jamais affirmé en cette Chambre qu'on ne savait pas cela. Vous avez commencé votre intervention en disant: J'ai avisé vendredi l'Opposition... Je n'ai jamais parlé de cela; on le sait depuis vendredi.

Ce que j'ai dit, cependant, en plaidant que c'était irrespectueux envers le Parlement de faire siéger les parlementaires la nuit, c'est que, s'il y avait eu une planification intelligente des travaux, les projets de loi majeurs, on les aurait eus il y a une couple de semaines, il y a deux ou trois semaines. Les parlementaires qui voulaient exprimer des points de vue différents, comme c'est normal de le faire, auraient eu l'occasion de le faire en plein jour. Cela aurait démontré la profondeur ou la volonté politique de ce gouvernement de faire effectivement une réforme qu'il est capable de défendre, qui se tient debout. Mais les membres du gouvernement ont tellement honte qu'ils ne sont même pas capables de débattre ce projet de loi en plein jour et, surtout, de permettre aux intervenants de venir participer au débat.

Règle générale, la nuit, cela prend uniquement des zélés, comme le leader du gouvernement veut que nous en soyons, en ordonnant de travailler jusqu'à des heures indues. Mais les gens de la presse, de ce temps-ci, que font-ils? Ils font ce qu'il est normal de faire après une journée bien accomplie. Normalement, la nuit, c'est pour se reposer. Le gouvernement devrait comprendre que, lorsqu'on a à étudier des projets de loi majeurs et d'envergure, ce serait pas mal plus intelligent de le faire au vu et au su de tout le monde, en présence de personnes qui pourraient être intéressées à entendre leurs arguments, à entendre le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui essayait de nous convaincre qu'il s'agissait là d'un projet de loi majeur, mais pour lequel l'ensemble des intervenants était complètement d'accord avec lui.

Si c'était le cas, pourquoi a-t-il peur d'aller rencontrer l'ensemble de ceux qui veulent en discuter avant que nous nous compromettions dans l'adoption du principe? Règle générale, M. le Président, quand on veut entendre des intervenants, on les entend avant de se compromettre. La rencontre de jeudi et vendredi, c'est uniquement pour la frime, pour faire semblant que ces gens ont eu l'occasion de s'exprimer, alors que

pendant huit, neuf ou dix heures, ici en cette Chambre, on aura adopté le principe du projet de loi. Ce ne sont que des modalités qu'on pourra retoucher et le leader du gouvernement sait cela. C'est pourquoi je voulais proposer l'ajournement du débat. Je pense que si, du côté ministériel, le leader était sérieux, il solliciterait l'appui de l'Opposition pour ajourner le débat tout de suite.

Des voix: Bravo:

Le Vice-Président: Nous allons donc procéder à la mise aux voix de cette motion d'ajournement du débat.

Une voix: Vote enregistré.

Le Vice-Président: Vote enregistré donc, qu'on appelle les députés.

(3 h 13 - 3 h 18)

Le Vice-Président: Je demanderais aux députés de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît!

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion d'ajournement du débat présentée par le député d'Abitibi-Ouest.

Que ceux et celles qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis), Charbonneau (Verchères), Gendron (Abitibi-Ouest), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Claveau (Ungava),

Le Vice-Président: Que ceux et celles qui s'opposent à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Gratton (Gatineau), Mme Bacon (Chomedey), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Côté (Rivière-du-Loup), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), MM. Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Cusano (Viau), Dauphin (Marquette), Philibert (Trois-Rivières), Lefebvre (Frontenac), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Rivard (Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane), M. Séguin (Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lot- binière), Mme Cardinal (Châteauguay), MM. Després (Limoilou), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gobé (Lafontaine), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier), Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Thérien (Rousseau), Saint-Roch (Drummond).

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a des députés qui s'abstiennent? Aucune abstention.

Le Secrétaire: Pour: 10

Contre: 60

Abstentions: 0

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mise aux voix de la motion de report

Cette motion d'ajournement du débat étant rejetée, nous poursuivons le débat sur la motion de report. À ce moment-ci, je dois constater que le débat restreint sur la motion visant à reporter l'adoption du principe du projet de loi dans six mois est terminé. Ce débat étant terminé, je vais mettre aux voix la motion de report comme telle. M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, je voudrais vous informer que nous serions d'accord, plutôt que de revoter, pour que ce soit le même vote, mais inversé, pour permettre aux membres du gouvernement de faire leur devoir. Nous serions prêts à voter contre la motion de report pour autant qu'ils soient d'accord pour voter pour.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je souhaiterais plutôt qu'on le fasse unanimement. Nous voterons contre également.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Vice-Président: Dois-je comprendre... Oui, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, on conviendra du même vote pour la motion de report.

Le Vice-Président: Très bien. Si je comprends bien, le vote pour la motion de

report est le même que celui que nous avons eu. La motion de report est donc également rejetée.

Des voix: Ah!

Motion d'ajournement du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: Très bien. À ce stade-ci, nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 119. Je reconnais M. le député de Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, une question de directive concernant l'article 34. Nous venons d'avoir une demande d'ajournement du débat selon l'article 100. L'article 100 stipule qu'un ajournement du débat ne peut être proposé qu'une fois, et à tout moment de la séance. Une telle motion ne requiert pas de préavis et ne peut l'être qu'une fois au cours d'une séance par quelqu'un d'autre qu'un ministre ou un leader adjoint.

Je voudrais savoir si vous considérez qu'une motion d'ajournement que nous pourrions amener directement aujourd'hui, tout de suite, pourrait être considérée comme une deuxième motion d'ajournement durant la même séance.

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Louis, la directive que je dois émettre à ce moment-ci, c'est que la motion d'ajournement du débat vaut pour chaque débat qui peut être appelé durant la journée, selon moi. À ce moment-ci, la précédente motion d'ajournement portant sur la question du débat restreint portant sur la motion de report, cela met fin à toute possibilité d'avoir une deuxième motion d'ajournement dans ce débat qui, de toute façon, est clos.

Cela ne restreint en rien le droit d'un député de présenter, dans le cadre du débat sur la motion principale d'adoption du principe du projet de loi, une autre motion demandant l'ajournement du débat. D'accord? Je vous cède maintenant la parole pour votre droit de parole sur la deuxième lecture ou l'adoption du principe du projet de loi.

M. Chagnon: M. le Président, je vais tout simplement utiliser l'article 100 pour faire une demande d'ajournement, compte tenu du fait que les membres de l'Opposition n'ont pas tellement participé aux travaux ce soir, étant peu nombreux, tandis que, du côté ministériel, nous sommes presque tous là. De toute façon, je pense qu'il est, comme l'a souligné le député d'Abitibi-Ouest, inconvenant de ne pas dormir à cette heure-ci. Il semble que les collègues de son caucus soient en train de dormir. Je propose qu'on fasse un ajournement tout de suite.

Le Vice-Président: Vous proposez donc l'ajournement du débat sur le l'adoption du principe du projet de loi 119. Très bien. Dans un premier temps, je m'enquiers si cette motion est agréée ou... M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je comprends fort bien les motifs invoqués par le député de Saint-Louis. Je serais tenté de partager son point de vue d'autant plus que l'Opposition ne semble pas attacher un très vif intérêt au débat. Cependant, M. le Président, il ne m'appartient pas, à titre de leader du gouvernement, d'organiser les travaux de l'Opposition, aussi faibles soient-ils.

Le Vice-Président: D'accord. Un instant! Un instant! Un instant! Je voulais simplement à ce moment-ci m'enquérir si cette motion était adoptée ou pas unanimement, ou si je dois procéder au débat de fond sur cette motion. Donc, je comprends à ce moment-ci que cette motion n'est pas agréée, nous allons donc procéder, tel que le prévoit notre règlement, au débat sur cette motion. M. le député de Saint-Louis, vous avez un droit de parole de dix minutes.

M. Chagnon: M. le Président, il est maintenant 3 h 30. Nous avons procédé depuis quinze heures, depuis le début de la période de questions. Cela fait au-delà de douze heures trente minutes que le Parlement siège, et nous avons adopté le principe de deux lois. L'Opposition a fait un "filibuster" sur une loi, la Loi créant le ministère du Solliciteur général. Quatre heures et demi de débats pendant lesquels l'Opposition nous a tenu, pour faire en sorte d'acquiescer à la demande du gouvernement, un discours qui ne fait qu'entériner la position gouvernementale.

Sur un deuxième projet de loi, la Loi sur les forêts, présenté par le député de Rivière-du-Loup, une loi très importante pour l'avenir de la société québécoise, nous en convenons tous, l'Opposition nous a fait entendre neuf orateurs pour nous dire qu'ils étaient d'accord avec le principe du projet de loi. On a tout fait pour retarder les travaux de cette Chambre jusqu'à 3 heures, 3 h 30. M. le Président, malheureusement, sur le projet de loi 119, cherchant à régulariser une situation dans le secteur de la construction, cherchant à faire en sorte de redonner du travail aux jeunes Québécois et à faire en sorte de leur permettre de travailler dans le domaine de la construction, l'Opposition a, pour une raison de stratégie, demandé un report de six mois du dépôt du projet de loi.

M. le Président, comme on l'a souligné

dans une précédente motion d'ajournement, à 3 h 30, il devrait nous être loisible de pouvoir ajourner l'Assemblée, que chacun aille se reposer et puisse revenir plus en forme demain matin pour nos travaux qui commenceraient à 10 heures avec la période de questions. Il me semble que, compte tenu de la façon dont l'Opposition a orienté les travaux de cette Chambre depuis le début de cette période du mois de décembre, nous ne pouvons faire autrement que de constater, d'une part, la mauvaise foi de l'Opposition en ce qui concerne l'organisation des travaux et, deuxièmement, de faire en sorte d'éviter à l'ensemble des membres de cette Chambre... Comme je l'ai mentionné tout à l'heure presque 80 % des députés ministériels sont ici et travaillent depuis 15 heures hier après-midi, soit depuis le début de nos travaux, tandis que, dans l'Opposition officielle, nous retrouvons qui? Nous retrouvons quatre ou cinq membres de l'Opposition officielle qui ont participé aux travaux depuis 20 heures hier soir. Je pense qu'il serait convenant que nous puissions aller nous reposer et faire en sorte que nos travaux soient ajournés jusqu'à demain.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole au député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition tout en demandant à l'Assemblée d'accorder son attention à l'orateur qui va parler. M. le député d'Abitibi-Ouest. (3 h 30)

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais simplement revenir aux arguments que j'ai invoqués il y a quelques minutes pour illustrer non seulement que le leader du gouvernement est farfelu, que le premier ministre du Québec est également farfelu en cette Chambre, mais ce que l'on vient d'entendre du député de Saint-Louis qui, il y a quelques minutes à peine, s'exprimait contre la motion d'ajournement. Trois ou quatre minutes plus tard, le même député de Saint-Louis, qui a voté contre l'ajournement du débat, propose lui-même l'ajournement de ce débat. Je pense que cela illustre mes prétentions. Nous avons affaire à un gouvernement qui, depuis bientôt un an, utilise un double langage, et qui démontre une incohérence chronique dans ses attitudes, dans ses discours. Non seulement on a vu cette incohérence dans leurs engagements électoraux non réalisés, dans leurs promesses absolument farfelues, hypocrites envers les jeunes quand on leur a fait accroire que ce gouvernement avait des solutions pour les jeunes, mais on en a encore un exemple ce soir. Ces gens prétendent qu'il était urgent d'adopter un projet de loi pour donner l'occasion aux jeunes de venir travailler dans la construction. Comment voulez-vous que je les croie, M. le Président? Comment voulez-vous que je croie ces gens qui ont renié à peu près tous leurs engagements?

Ils avaient promis la parité de l'aide sociale pour les jeunes. On l'attend encore. Les mêmes jeunes n'ont pas la parité. Ils avaient promis d'injecter un montant additionnel de 30 000 000 $ dans les prêts et bourses. On n'a pas eu droit à un montant additionnel mais on a eu droit à une coupure de 24 000 000 $. Pensez-vous qu'on soit surpris que des jeunes ne les croient plus? Des jeunes qui voudraient que nous n'étudiions pas un projet de loi à des heures aussi tardives pour leur donner la chance de voir encore une fois qu'entre le dire et l'action de ces gens-là, il y a un monde de différence. Il y a un fossé qui s'agrandit et qui sépare. C'est irresponsable. On a l'occasion de voir cela par l'attitude du député de Saint-Louis. Il y a sept minutes, lui et tous ses pairs - j'ai failli utiliser un qualificatif qui répondrait mieux à ce qu'ils sont, un qualificatif comme "suiveux", parce qu'ils l'ont suivi dans le rang - ont dit, exprimé par le député de Saint-Louis: Nous sommes contre la motion d'ajournement. Ils l'ont applaudi parce qu'il avait présenté une motion d'ajournement, comme si cela faisait sérieux. Je veux bien croire qu'il est 3 h 30, M. le Président. Je veux bien croire que, normalement, nous sommes ailleurs que dans cette enceinte. Il y a sûrement des choses plus intéressantes à faire à ces heures-là que ce que nous faisons ici. Mais cela ne fait quand même pas très sérieux qu'un parlementaire, après avoir battu avec l'ensemble des ministériels une motion d'ajournement, se lève, utilise son droit de parole et propose, en vertu de notre règlement, l'ajournement des débats.

Je suis convaincu que ces gens sont tellement inconséquents qu'ils ne donneront même pas leur appui à la motion du député de Saint-Louis. Ils ne donneront même pas leur appui à la motion d'ajournement du député de Saint-Louis parce qu'ils ne veulent pas tous passer pour ridicules. Qu'il y en ait un qui soit plus ridicule que les autres, cela va. C'est acceptable dans ce parti. Mais ils ne veulent pas se ridiculiser complètement. Demain, cela va être beau à voir dans les journaux, d'avoir battu la motion en moutons, d'une façon répétitive...

Des voix: En caribous...

M. Gendron: ...en caribous, si vous aimez mieux cette expression, sans aucune analyse des motifs pour lesquels j'avais demandé d'avoir un peu d'attention de leur part et sans considérer que ce n'est pas à 3 h 30 ou à 4 h 30 du matin qu'on peut

discuter d'un projet de loi aussi important. Je suis convaincu que le député de Saint-Louis ne trouvait pas mes arguments convaincants puisqu'il a senti le besoin de voter contre. Quelques secondes après, peut-être parce qu'il veut voir son nom dans le journal, peut-être que c'est la première fois qu'il utilise son droit de parole en cette Chambre depuis des semaines, il propose à nouveau l'article 100 de notre règlement qui prévoit l'ajournement d'un débat.

Je peux vous dire que si on avait affaire à des gens un peu plus responsables, je serais d'accord pour l'ajournement des débats, puisque c'est ce que j'ai proposé tantôt. Je le dis également à l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui nous écoutent: Je veux avoir de la continuité dans la motion d'ajournement. J'étais d'accord tantôt, puisque je l'ai moi-même présentée. De ce côté-ci, nous allons voter pour la motion d'ajournement. Je peux me fier sur mes collègues parce qu'ils vont être assez sérieux pour m'appuyer, ce que le député de Saint-Louis n'aura pas. Le député de Saint-Louis ne pourra pas avoir l'appui de ses collègues dans la farce monumentale qu'il vient de faire de ce Parlement.

En ce qui me concerne - cela fait quand même dix ans que je suis dans ce Parlement - c'est sûrement un précédent. Je suis content qu'il soit créé par un membre de l'équipe ministérielle pour montrer que tout peut être utilisé pour caricaturer une situation qui, en soi, était déjà assez caricaturale, M. le Président.

Je pense que c'était assez caricatural, en soi, de faire travailler les parlementaires à 3 h 30 sur supposément un projet de loi sérieux. Encore là, on aura perdu, pendant quelques minutes, ce temps de la Chambre pour ridiculiser une situation qui mériterait d'être prise un peu plus au sérieux, parce que, si on a prévu cette disposition dans le règlement, ce n'est sûrement pas, après avoir battu une motion d'ajournement, pour en présenter une autre tout de suite, que ses collègues n'appuieront même pas. C'est important de vous le signaler. On va les laisser s'amuser. Nous, on est prêt à travailler, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement?

M. Gratton: Oui, M. le Président, une demande de directive. Est-ce que, en vertu de l'article 101, qui dit que l'auteur de la motion, le député de Saint-Louis, et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de dix minutes, je pourrais, au nom du gouvernement, à titre de représentant de mon groupe parlementaire, m'exprimer sur la motion?

Une voix: Certainement.

Le Vice-Président: Effectivement, au sens de notre règlement, puisqu'on dit que l'auteur de la motion et qu'un représentant de chaque groupe parlementaire ont également un droit de parole de dix minutes, vous pouvez utiliser un droit de parole de dix minutes, comme représentant du gouvernement à ce moment-ci.

M. Gratton: M. le Président, je n'utiliserai pas le...

Le Vice-Président: M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Sur la même question de directive, j'aimerais que vous soyez un peu plus précis. À moins que je ne sache plus lire, ce qui est possible à cette heure, il est clairement indiqué que l'auteur de la motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de dix minutes. Un instant, M. le Président, je voudrais avoir une précision. Il me semble que la première fois que j'ai présenté la motion d'ajournement, vous ayez clairement expliqué à cette Chambre que, comme proposeur, j'avais dix minutes de temps d'expression, un membre de l'équipe ministérielle avait dix minutes aussi et j'avais un droit de réplique de cinq minutes. C'est vous, comme président, qui avait indiqué, à la première fois que cette motion a été utilisée, que nous avions, de chaque côté de cette Chambre, pour nous exprimer, dix minutes de droit de parole et cinq minutes comme droit de réplique.

Que je sache, puisque le proposeur a été le député de Saint-Louis au nom des ministériels, il a agi comme représentant du gouvernement dans cette motion. S'il n'a pas voulu utiliser son droit de parole de dix minutes, c'était son droit, mais ce n'est plus transférable à un autre membre de l'équipe ministérielle, à l'intérieur de cette même période de dix minutes. En conséquence, s'il y en a un qui doit parler de la motion, puisque le temps du premier représentant du gouvernement est écoulé, c'est le proposeur, dans son droit de réplique et non pas un autre membre du gouvernement.

Le Vice-Président: Très bien. Là-dessus, M. le député d'Abitibi-Ouest, je reconnais que vous avez dit tantôt comme proposeur que vous aviez un droit de parole de dix minutes comme le leader du gouvernement ou que quelqu'un de cette formation politique avait un droit de dix minutes et que vous aviez une réplique de cinq minutes. Mais j'aurais dû ajouter également que quelqu'un d'autre de votre formation politique avait également un temps de parole de dix

minutes, ce que je n'ai pas fait à ce moment.

Mais si quelqu'un s'était levé pour me demander la parole, j'aurais dû le reconnaître, puisque, en vertu du règlement, il est clairement stipulé que l'auteur de la motion a un temps de parole de dix minutes et que le représentant de chaque formation a un droit de parole de dix minutes. À ce moment, on ne peut présumer de la solidarité de l'ensemble d'un groupe parlementaire avec celui qui propose la motion, même s'il est de son groupe.

Donc, je dois vous aviser également qu'on m'informe qu'il y a, d'ailleurs, des précédents. J'entends, à ma gauche, quelqu'un qui me confirme cette chose, qu'il y a déjà eu des précédents en cette Chambre à ce sujet et je parle évidemment de celui qui me le confirmait, de l'ancien vice-président de l'Assemblée.

M. le leader du gouvernement, vous avez un droit de parole de dix minutes si vous voulez l'utiliser.

M. Charbonneau: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Sur une question de règlement auparavant, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Étant donné que vous venez de reconnaître que, dans les faits, à l'égard du problème de l'ajournement, on a été privé d'une période de dix minutes, est-ce que...

Le Vice-Président: Un instant, ah non! Je ne vous laisserai pas argumenter là-dessus. Je n'ai nullement privé quelqu'un d'un droit de parole. C'est simplement que, dans la délimitation du temps, quand une motion d'ajournement du débat a été présentée une première fois, j'ai mentionné qu'en vertu du règlement, le député d'Abitibi-Ouest avait un droit de dix minutes et qu'un porte-parole du gouvernement avait également dix minutes et que, de toute façon, M. le député d'Abitibi-Ouest avait un droit de réplique de cinq minutes. (3 h 40)

Je n'ai évidemment pas mentionné l'autre période de dix minutes pour votre formation politique. Vous pouvez peut-être dire que c'est une erreur de ma part, mais je vous dirai que je n'ai privé aucune personne d'un droit de parole. S'il s'était avéré que quelqu'un de votre formation politique se lève, à ce moment, pour demander la parole, j'aurai dû le reconnaître et je l'aurais reconnu sur la foi des précédents antérieurs. Très bien!

Donc, M. le leader du gouvernement.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, je vous remercie et je n'abuserai pas du temps de cette Chambre. Je vais simplement expliquer, M. le Président, très brièvement, pourquoi j'entends inviter mes collègues à voter contre la motion d'ajournement du débat du député de Saint-Louis.

Je dirai d'abord, en réplique à ce que disait le député d'Abitibi-Ouest, que c'est la première fois que cela se passe comme cela ici à l'Assemblée nationale, que le député de Rivière-du-Loup, M. Boucher, avait fait exactement la même chose au cours d'un débat qui - je ne me rappelle pas l'occasion - devait être du type de celui qu'on connaît actuellement.

Une voix: Est-ce que c'était un péquis-te?

M. Gratton: Oui, c'était un député pé-quiste, Jacques Boucher, de Rivière-du-Loup...

Une voix: Jules.

M. Gratton: ...Jules, pardon! Il avait fait la motion d'ajournement du débat, à la demande du leader ou du leader adjoint du gouvernement à ce moment. Il s'était trompé effectivement parce que le représentant du gouvernement ne lui avait pas expliqué le pourquoi de la motion. Le pourquoi de la motion, pour ceux que cela intéresse, est simple. Je vais laisser le député de Saint-Louis l'expliquer parce qu'il n'y a personne qui a dû expliquer au député de Saint-Louis ce qui se passait.

C'est lui-même qui est venu me voir et qui m'a souligné que cette motion d'ajournement du débat, qu'on retrouve à l'article 100, pourrait possiblement être faite une deuxième fois, puisque le débat tombait maintenant sur l'adoption du principe, par l'Opposition, à une heure qui pourrait se situer entre 3 h 45 et 10 heures, qui est l'heure de la reprise de la prochaine séance de l'Assemblée.

Il soupçonnait que l'Opposition ferait justement cela de façon à déranger le plus grand nombre de personnes. C'est lui qui m'a suggéré de faire la motion d'ajournement et que nous la défaisions pour qu'ensuite on puisse vraiment passer au fond du problème, c'est-à-dire à l'adoption du principe du projet de loi 119.

Des voix: Bravo!

M. Gratton: M. le Président, je veux féliciter mon collègue de Saint-Louis qui, après un an seulement de parlementarisme, en sait déjà plus que l'ensemble de l'Opposition. Je lui dis, M. le Président, qu'en votant contre sa motion j'aurai le sentiment de reconnaître qu'il est un homme d'équipe,

qu'il est un parlementaire qui ira loin, M. le Président, mais, malheureusement pour lui, pas ce matin.

Une voix: Aussi loin que Harry Blank!

Le Vice-Président: M. le député de Lévis, sur quoi? Est-ce sur une question de règlement?

M. Garon: Non, en vertu de l'alternance.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Vice-Président: Non! Je m'excuse, M. le député de Lévis, il n'y a pas d'alternance à ce moment-ci, c'est la réplique qui est prévue par le règlement. Je demanderai votre attention, s'il vous plaît, pour la réplique du député de Saint-Louis. Vous avez cinq minutes.

M. Jacques Chagnon (réplique)

M. Chagnon: M. le Président, je suis désolé que mon collègue d'Abitibi-Ouest n'ait pas saisi plus rapidement la question que l'on vient de soulever. Il aurait pu la prendre positivement et se dire: Le député de Saint-Louis a voté contre ma motion d'ajournement croyant, de bonne foi, que mes collègues de l'Opposition sont dans leur bureau à travailler même si l'heure est un peu tardive.

J'ai tout à fait malheureusement constaté que les collègues du député d'Abitibi-Ouest, non seulement n'étaient pas dans leur bureau, non seulement n'étaient pas à l'Assemblée, mais ils n'étaient pas disponibles pour venir voter avec l'Opposition sur les deux motions que nous avons votées antérieurement, à ce moment. Le député d'Abitibi-Ouest aurait pu au moins considérer l'effet positif de la raison pour laquelle j'avais voté contre sa motion d'ajournement.

Il est malheureux que nous n'ayons pu entendre le député de Lévis. Je devrai me soumettre, encore une fois, probablement en commission parlementaire, à un autre petit cours de procédure parlementaire de la part de mon collègue de Lévis. Je le ferai de bon gré. Mais, M. le Président, je tiens à mentionner...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Chagnon: ...que la motion d'ajournement, si elle est battue, fera que les travaux de cette Assemblée continueront jusqu'à demain matin.

Le Vice-Président: M. le député de Laviolette, sur une question de règlement.

M. Jolivet: Une question de directive.

Le Vice-Président: De directive, oui.

M. Jolivet: Est-ce qu'il est permis, M. le Président, à quelqu'un qui a fait une motion de voter contre sa motion?

Le Vice-Président: Je vous dirai que c'est chacun... C'est une question de directive et je peux vous répondre que, s'il a été convaincu par les arguments contraires, il pourra voter contre sa propre motion.

Donc, le débat étant clos, nous allons maintenant procéder à la mise au voix de cette motion d'ajournement du débat. On demande le vote enregistré. Qu'on appelle les députés! (3 h 50)

Je prie l'ensemble des députés de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît! Messieurs les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons donc procéder à la mise aux voix de la motion d'ajournement du débat présentée par le député de Saint-Louis. Que ceux et celles qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Chagnon (Saint-Louis), Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis), Charbonneau (Verchères), Gendron (Abitibi-Ouest), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Paré (Shefford), Claveau (Ungava).

Le Vice-Président: Que les députés qui s'opposent à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Gratton (Gatineau), Mme Bacon (Chomedey), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Côté (Rivière-du-Loup), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), MM. Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Cusano (Viau), Dauphin (Marquette), Philibert (Trois-Rivières), Lefebvre (Frontenac), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Lemire (Saint-Maurice), Rivard (Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane), M. Séguin (Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), MM. Després (Limoilou), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gobé (Lafontaine), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Hains (Saint-Henri), Houde

(Berthier), Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Thérien (Rousseau), Saint-Roch (Drummond).

Le Vice-Président: Y a-t-il des abstentions? Aucune abstention.

Le Secrétaire: Pour: 12

Contre: 59

Abstentions: 0

Le Vice-Président: Donc, la motion est rejetée. À ce stade-ci, nous allons maintenant poursuivre le débat sur l'adoption du principe...

M. Charbonneau: M. le Président, question de directive.

Le Vice-Président: Question de directive, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Serait-il possible à ce moment-ci de demander au leader du gouvernement de nous indiquer quels sont les députés qui sont sur le "shift" de nuit de l'autre côté, pour savoir avec lesquels on va travailler?

Le Vice-Président: Un instant! Ce n'est évidemment pas une question de directive. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au député de Saint-Louis, qui peut poursuivre son intervention s'il le veut pour la durée maximale de 20 minutes. M. le député de Saint-Louis.

M. le leader du gouvernement? M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, je pense que le député de Saint-Maurice doit débuter les travaux en deuxième lecture.

Le Vice-Président: M. le député... À ce stade-ci de la procédure, puisque vous avez demandé l'ajournement du débat, si la motion est rejetée, nous devons poursuivre les débats et, à ce moment-là, vous devez vous-même commencer votre intervention. Si vous ne désirez pas. L'heure aidant, vous devez vous-même poursuivre votre intervention, plutôt, sur l'adoption du principe. Si vous ne la poursuivez pas, vous perdez - à l'ordre, s'il vous plaît! - votre droit de parole. C'est ce qui se passe généralement quand un député demande l'ajournement du débat. Il peut reporter son intervention s'il ne l'avait pas commencée. Dans votre cas, je vous avais reconnu comme intervenant au débat sur l'adoption du principe. Vous avez présenté cette motion à ce moment-là; donc, dans le cadre de votre intervention, je vous reconnais sur le projet de loi 119.

M. Gendron: M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant! M. le leader adjoint de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Gendron: Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous dire s'il avait pris la peine d'informer le député de cette disposition?

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président: Un instant! Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, une vraie question de règlement, M. le Président. Est-ce que je me trompe quand je vous fais remarquer que vous avez effectivement reconnu le député de Saint-Louis au moment où vous rappeliez le débat sur l'adoption du principe? Mais je vous rappelle, M. le Président, que le député de Saint-Louis est intervenu sur une question de directive. Il vous a demandé d'interpréter l'article 100 afin de savoir si, une motion d'ajournement du débat ayant déjà été présentée dans le cadre du débat sur la motion de report, une nouvelle motion d'ajournement du débat pouvait être présentée dans le cadre du débat sur l'adoption du principe. Vous avez répondu que oui. Immédiatement, le député a invoqué son intention de présenter la motion d'ajournement.

M. le Président, je vous soumets donc très respectueusement que le député n'intervenait pas sur le fond, sur l'adoption du principe du projet de loi, mais sur une question de règlement et qu'en faisant la motion d'ajournement il n'a pas commencé son intervention.

M. Gendron: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, sur la question de règlement, je veux vous faire valoir bien simplement que le déroulement des faits ne s'est pas passé comme le raconte le leader du gouvernement. À la suite de la question posée par le député de Saint-Louis sur une question de directive, lui expliquant quelle était la signification de l'article 100 et de l'article 101, vous avez

par la suite reconnu à nouveau le droit de parole au député de Saint-Louis et, pour être en mesure de faire une proposition d'ajournement du débat, il faut avoir la parole.

M. le Président, on ne peut, en cette Chambre, faire une motion d'ajournement si on n'exerce pas son droit de parole. En conséquence, il est clair que le député de Saint-Louis doit continuer de s'exprimer, puisque, si vous lui avez permis de se référer à l'article 101 sur l'ajournement du débat, c'est qu'il prétendait avoir le droit de parole.

Le Vice-Président: Effectivement, M. le leader adjoint de l'Opposition, je ne pourrais mieux exposer la situation que vous ne l'avez fait, et c'est pour cette raison que, M. le député de Saint-Louis, je vous avais reconnu dans le cadre du débat. Si vous voulez faire votre intervention, vous devez donc la poursuivre immédiatement. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, je tiens tout simplement à vous rappeler, comme en font foi les galées, que vous m'avez effectivement donné la parole sur un point de directive qui était l'article...

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Louis, un instant! Un instant: Je veux être bien clair. J'ai rendu une décision. J'ai eu la perception du débat tel que je l'ai entrevu et je dois vous dire que je vous ai donné la parole dans le cadre du débat et, pour proposer une motion d'ajournement d'un débat, il faut que vous ayez la parole sur le débat en question. Donc, c'est clair et vous avez la parole en deuxième lecture à ce moment-ci sur l'adoption du principe. Vous devez exercer votre droit de parole ou le céder à un autre, et, à ce moment-là, le perdre. À vous la parole.

M. Chagnon: Alors, M. le Président, je céderai mon droit de parole.

Le Vice-Président: Très bien.

Une voix: Suivant!

(4 heures)

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: Je reconnais à ce moment-ci, en vertu du principe de l'alternance, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Il est 4 heures. C'est le 2 décembre. C'est donc le premier anniversaire de l'élection de ce gouvernement.

Des voix: Bravo!

Mme Blackburn: J'entends les députés applaudir, mais, pour cet anniversaire, j'ai la grande impression que les jeunes sont en train d'enterrer leurs illusions, illusions de croire que ce gouvernement tiendrait les engagements pris à leur endroit. C'est un anniversaire plutôt sombre pour la jeunesse du Québec.

Tout à l'heure, j'écoutais le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous dire qu'il déplorait le fait que les principaux intéressés.» M. le Président, est-ce qu'on peut demander au député de Saint-Louis de quitter?

M. Chagnon: Pardon? Oui.

Le Vice-Président: Très bien, vous avez la parole, Mme la députée, et je vous prierais de l'exercer.

Mme Blackburn: Tout à l'heure, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu disait déplorer le fait que les jeunes particulièrement intéressés par ce projet de loi n'étaient pas en mesure de suivre les débats en raison de l'heure tardive.

Je pense bien que ce n'est pas l'occasion qui a manqué à ce gouvernement de prendre la décision de tenir ce débat à des heures normales. Le leader adjoint de l'Opposition rappelait tout à l'heure que durant la semaine du 4 octobre on a tenu six heures de débat en Chambre, alors qu'il y avait place pour en tenir treize. On ne serait pas en train de faire du travail de nuit - admettons qu'on n'est pas payé à temps double comme députés - si ce gouvernement avait planifié ses travaux de façon décente.

Ce gouvernement ne respecte aucun de ses engagements, à l'exception de ceux à l'endroit des anglophones et des hauts salariés. II ne respecte même pas l'engagement qu'il avait pris de ne pas siéger dans de telles conditions. Cela ne surprendra personne. À vous voir aller un an plus tard, je me dis que, lorsqu'on voudra qualifier quelqu'un qui ne respecte pas ses engagements, dorénavant, on n'aura qu'à dire un vrai libéral, et tout le monde aura compris.

M. le Président, le projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, est inacceptable, tant sur la forme dans laquelle il a été présenté que sur le fond, parce qu'il est improvisé, parce qu'on n'en a pas mesuré les conséquences au moment de l'application et parce que les principes de la loi que défend le ministre ne sont pas ceux qui sont précisément contenus dans la loi. Il est improvisé parce que, si le ministre était sérieux, si, effectivement, les principes qu'il

dit avoir mis de l'avant se retrouvaient dans la loi, on retrouverait des dispositions claires et précises qui permettraient de penser que les jeunes auraient la priorité.

M. Jolivet: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Laviolette, sur une question de règlement.

M. Jolivet: Je m'excuse de déranger ma collègue, mais nous n'avons pas quorum. Comme on vient de voter une motion pour continuer, j'aimerais que les libéraux reviennent en Chambre.

Le Vice-Président: Donc, je calcule pour le quorum. Qu'on appelle les députés, s'il vous plaît!

À ce moment-ci, nous avons quorum. Je rappellerais simplement aux députés qui s'interrogent dans cette Assemblée présentement que le quorum, pour un débat, consiste en 21 députés exactement, y compris celui qui préside, dans l'Assemblée et non pas à l'extérieur de l'enceinte de l'Assemblée. Quand le député de Laviolette a soulevé cette question de règlement, il n'y avait pas le nombre de députés requis en Chambre, effectivement. Si vous voulez éviter cette chose, vous n'avez simplement qu'à être présents en Chambre en tout temps lors des débats, sinon, à chaque fois, je devrai appeller les députés.

Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le ministre nous a dit encore ce soir, il l'a répété à maintes occasions, que le projet de loi 119, selon lui, devrait ouvrir les métiers de la construction aux jeunes travailleurs. Rien dans le projet de loi ne nous permet de voir que les jeunes auront effectivement une priorité d'embauche. Cependant, ce qu'on voit dans la loi, c'est qu'à peu près n'importe qui, mais n'importe qui, pourra dorénavant entrer dans la construction du moment où il a seize ans et que quelqu'un lui garantit qu'il pourra travailler pendant 500 heures. Voulez-vous me dire dans quelle mesure ce projet de loi assure un emploi aux jeunes diplômés du Québec, aux jeunes diplômés de nos écoles polyvalentes, diplômés dans les métiers de la construction? Comment ce projet de loi peut-il prétendre que ces jeunes auront une priorité d'embauche?

Le projet de loi est ainsi libellé que n'importe quel travailleur, qu'il soit dans une entreprise s'il a une qualification pour travailler dans la construction, qu'il soit en chômage temporaire, qu'il soit en grève ou simplement en vacances d'été, n'importe qui possédant les qualifications pourra dorénavant entrer dans la construction.

J'entends le député de Saint-Maurice dire: C'est parfait. Il ne tient pas tout à fait le même discours que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu dit que cela ouvre les portes aux jeunes au Québec. Est-ce qu'on va être obligés de rappeler que c'est quelque chose que l'on appellerait trahir la confiance des jeunes que de leur faire croire que cela leur ouvre la porte alors que n'importe qui, y compris le professeur en vacances, va pouvoir dorénavant entrer dans les métiers de la construction? Je ne vois pas comment cette mesure-là peut donner de la place aux jeunes.

C'est ce que je trouve inacceptable parce que l'on continue à entretenir la confusion. Au cours des années, à force de le répéter, on a fini par faire croire à la population qu'en ouvrant les métiers de la construction, en déréglementant on créerait des emplois. C'est encore ce que l'on est en train de faire ce soir. On est en train de dire aux jeunes: La loi 119 va vous faire de la place et devrait créer des emplois. C'est faux. Vous le savez très bien et vous êtes encore en train de tromper la population jeune.

S'il y a quelque chose que je trouve détestable et méprisable, c'est le fait de tromper la confiance que les jeunes ont mise en vous.

Ce projet de loi ne garantit en rien que les jeunes trouveront une place et qu'on donnera priorité d'embauche aux jeunes. L'Opposition estime qu'en ce sens le projet de loi ne va pas suffisamment loin. Ce que l'on aurait souhaité, c'est un projet de loi qui de façon certaine donne priorité d'embauche aux jeunes diplômés des écoles, que l'on introduise dans ce projet de loi ce que l'on appellerait une disposition de discrimination positive. Dans ce sens-là, l'Opposition est favorable à une telle disposition, mais ce n'est vraiment pas ce que l'on retrouve dans ce projet de loi. N'importe qui va pouvoir dorénavant entrer dans les métiers de la construction. Selon certaines analyses, cela aura comme effet d'augmenter, de doubler et voire même de tripler le nombre de travailleurs des métiers de la construction.

Qu'est-ce que cela donne aujourd'hui? Le revenu moyen des travailleurs de la construction est de l'ordre de 18 000 $. On va le partager entre le père et le fils. Cela va faire deux pauvres à 9000 $. C'est très payant! (4 h 10)

Ce projet de loi n'aura pas pour effet de créer des emplois et ce n'est pas ce gouvernement qui est en train de prendre des mesures pour en créer. Cette année, au cours des huit premiers mois de l'année, il s'est perdu 3000 emplois à temps plein chez les jeunes, alors que l'Ontario, à qui aime

bien se comparer ce gouvernement, en a créé 22 000, soit une différence de 25 000 emplois pour les jeunes. On ne parle pas d'emplois généraux, on parle d'emplois pour les jeunes. Ici, ils en ont perdu 3000. Le gouvernement a, à toutes fins utiles, gelé les projets d'immobilisation et de construction. Ce n'est pas comme cela qu'on va créer des emplois dans la construction. Donc, ce gouvernement est encore en train de tromper les jeunes en leur laissant croire qu'ils auront une place dans la construction et en leur laissant croire qu'en déréglementant on crée des emplois.

Actuellement, il y a environ 120 000 travailleurs de la construction dont 65 000 à 66 000 sont actifs. Ce gouvernement fait également croire à la population que les métiers de la construction sont fermés. Pourtant, au cours des huit premiers mois de l'année il en est entré 5818 exclusivement du côté des nouveaux apprentis. On peut postuler que les nouveaux apprentis, ce sont davantage des jeunes. Les apprentis qui ont été rappelés sont au nombre de 4416. Cela veut dire qu'au cours des huit premiers mois de l'année c'est 10 234 apprentis qui ont été soit rappelés ou nouvellement engagés. Dans la classe A, 707 nouveaux appelés et 1954 rappelés.

Au total cette année, c'est plus de 12 800 personnes qui ont été appelées, dans les huit premiers mois de l'année, à rejoindre les rangs des travailleurs de la construction. Que l'on essaie de faire croire à la population que c'était complètement bouché, fermé pour les jeunes, c'est faux. C'est faux et c'est tromper les jeunes, c'est tromper la population. On essaie de faire croire que cette loi aura comme effet de donner la priorité aux jeunes, c'est faux. Encore une fois, on est en train de tromper les jeunes du Québec. J'espère que vous aurez la décence de le leur dire quand ils iront vous voir, dans vos bureaux.

On est en train d'essayer de faire croire aux jeunes du Québec que déréglementer les métiers de la construction, cela aura comme effet de créer des emplois, on est encore une fois en train de tromper la population. Non seulement le projet de loi ne permet absolument pas, je le rappelle, de privilégier l'embauche de jeunes travailleurs, mais il ne protège pas non plus de l'abus d'employeurs plus ou moins consciencieux.

Cela veut dire qu'un jeune travailleur de la construction pourra faire 500 heures puis ils le mettent de côté pour en prendre un autre et ils recommencent comme cela constamment. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui empêche cela. Cela veut dire qu'on pourra s'organiser dorénavant du "cheap labour" dans la construction. C'est juste ce que cela veut dire.

Des voix: Oh!

Mme Blackburn: Cela veut dire que dorénavant on pourra avoir des travailleurs à bas salaire constamment et en tout temps. Cela se renouvellera au fur et à mesure qu'il y aura des gens qui accepteront le système. Ce qu'on se prépare, ce sont des troubles sociaux. On avait une relative paix sociale, mais le gouvernement est en train de la menacer par cette loi, et de la menacer lorsqu'il s'agit des services externes dans les hôpitaux, des urgences, des ambulances, lorsqu'il s'agit des travailleurs des affaires sociales, lorsqu'il s'agit des jeunes qui ont dû débrayer pendant je ne sais combien de jours pour amener ce gouvernement à respecter un engagement pris sur le gel des frais de scolarité.

Ce projet de loi, malgré ce que nous dit le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qu'il reçoit un certain appui d'un certain milieu, d'un certain syndicat - on sait lequel - malgré ce discours, on sait très bien que ce projet de loi n'est pas accepté par les syndicats et qu'il menace la paix sociale.

On a vu, au cours de cette première année du mandat du gouvernement libéral, plus de troubles, de débrayages, de manifestations, de mécontentement qu'au cours des quatre dernières années. Si quelqu'un l'a oublié, qu'on regarde l'histoire du Manoir Richelieu, qu'on regarde l'histoire de Quebecair, qu'on regarde l'histoire des manifestations des jeunes sur la colline parlementaire et qu'on regarde l'histoire des débrayages. Il ne se passe pas de journées ou presque pas de semaines sans qu'il y ait une manifestation. N'est-ce pas la semaine dernière, si je ne m'abuse, que les personnes handicapées ont dû venir manifester ici en Chambre contre des compressions effectuées dans le budget pour adapter les services à leurs besoins?

M. le Président, ce projet de loi vient encore jeter, si c'est possible, du discrédit sur ce gouvernement. Si le député de Taschereau...

M. Chevrette: L'homme aux biscuits.

M. Perron: Si le député de Taschereau veut parler, il n'a qu'à prendre la parole.

Mme Blackburn: ...veut prendre la parole, M. le Président, peut-être pourrait-il la demander?

Le Vice-Président: Effectivement, Mme la députée de Chicoutimi. Je vais demander au député de Taschereau et au leader adjoint de l'Opposition de ne pas discuter ensemble et ils ne vous dérangeront pas, purement et simplement.

Vous avez la parole pour poursuivre votre intervention.

Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président. Si c'est encore possible, ce projet de loi vient ajouter au discrédit de ce gouvernement. J'entendais tout à l'heure les députés du gouvernement applaudir au premier anniversaire. J'ai eu comme l'impression qu'ils n'avaient pas lu les mêmes journaux que moi parce que le bilan qui est fait par la presse écrite et parlée, et de façon quasi unanime pour ne pas dire unanime - peut-être la presse anglophone avec un peu plus de nuances - est extrêmement négatif. À moins que vous n'ayez pas lu les journaux, je n'ai pas vu la même chose. Si vous voulez, on peut en citer. Si vous voulez que je vous donne de bonnes raisons de comprendre le bilan négatif qui est celui de ce gouvernement pour la première année, je vous rappellerais que la parité de l'aide sociale pour les moins de 30 ans, je n'ai pas l'impression qu'ils l'auront pour Noël. On a bien donné, en déductions d'impôt, 87 000 000 $ aux hauts salariés dans la province de Québec comme cadeau de Noël l'an passé, mais je n'ai pas l'impression qu'on donnera la parité aux jeunes assistés sociaux cette année.

On a bien eu le gel des frais de scolarité, mais on a accepté des frais afférents. Qu'est-ce que cela veut dire, les frais afférents? Cela veut dire, cette année, environ 10 000 000 $ de plus que les jeunes étudiants des universités ont été obligés de payer. Les prêts et bourses, on promettait 30 000 000 $ d'amélioration et on a coupé de 24 300 000 $. On a trompé les jeunes de l'équivalant de 54 000 000 $, alors qu'on en donnait 87 000 000 $ aux riches dans la province de Québec.

Quant aux emplois pour les jeunes, on a réussi, en une seule année, même pas une seule année mais huit mois d'une année, selon Statistique Canada, à perdre 3000 emplois à temps complet pour les jeunes alors qu'on est en pleine reprise économique. Il faut le faire! Pour un gouvernement qui s'était donné comme priorité des priorités la jeunesse, comme résultat, il faut le faire!

On nous avait également dit: Fini les fins de session irresponsables où on siège jour et nuit. Et là j'ai l'impression que ce sera et tout le jour et toute la nuit. Parce que, si j'ai bien compris le jeu tout à l'heure, on devrait se rendre à 10 heures demain matin jusqu'à l'ouverture de la prochaine séance.

Ce projet de loi ne donne aucune garantie aux jeunes, contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire, et je trouve irresponsable et extrêmement méprisable qu'on entretienne encore aujourd'hui et ce soir cette illusion chez les jeunes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Maurice.

Des voix: Bravo! (4 h 20)

M. Yvon Lemire

M. Lemire: M. le Président, en tant que membre de l'Assemblée nationale, député du comté de Saint-Maurice et adjoint parlementaire du ministre du Travail, je suis très heureux aujourd'hui de vanter les mérites de tous les intervenants de l'industrie de la construction. Étant moi-même un ex-constructeur qui a vécu 20 années dans le domaine de la construction et étant aussi fils d'un ouvrier de la construction, ce dont je suis très fier, je suis aujourd'hui très à l'aise de pouvoir parler des 17 années de l'application de la loi 290. Après une brève analyse, comme on l'a constaté cette nuit, à 4 h 25 ce matin, le 2 décembre, cela fait déjà un an que notre gouvernement a pris le pouvoir, que ce nouveau gouvernement est au pouvoir. Depuis ce temps, la confiance s'est implantée au Québec.

À partir d'indices que nous possédons au ministère, il est possible de prévoir cette année que le nombre d'heures travaillées va atteindre 91 000 000 comparativement à 84 000 000 l'an dernier, soit une hausse de 7,7 %. Cette situation est des plus encourageantes et est attribuable, comme je le disais tantôt, au retour d'un climat social et économique plus sain qui incite les investisseurs à venir s'implanter ici au Québec. Â titre d'exemple, comme nous l'avons constaté cette année, les investissements créateurs d'emplois ont connu, cette année, une hausse de 7 %, alors qu'on avait prévu en janvier une augmentation de 3 %.

D'autre part, mentionnons aussi qu'en septembre la confiance revient. En septembre, Statistique Canada indiquait que 32 000 emplois permanents avaient été créés au pays, dont 29 000 l'ont été au Québec. Après une année de pouvoir, notre gouvernement réaffirme son intention de réaliser un des engagements électoraux de notre formation politique dans le domaine de la construction, soit l'abolition de la carte de classification le 31 décembre. Le ministre du Travail a mis sur pied un comité qui a eu comme mandat de lui formuler des recommandations sur trois éléments bien précis, bien que le député de Joliette disait, la semaine dernière, que M. le ministre du Travail n'avait pas consulté. Ainsi, le ministre du Travail avait demandé que les membres du comité lui fassent part de leurs suggestions sur des critères d'accès à l'industrie de la construction basés sur la compétence, sur des mesures à prendre afin de réaliser l'objectif de notre gouvernement qui consiste à favoriser une plus grande participation des représentants syndicaux et patronaux dans le programme de formation, afin que lesdits programmes répondent aux

besoins du marché et, enfin, qu'ils proposent des solutions d'application des sujets régis par le règlement sur le placement qui s'inscriront dans la nouvelle politique d'accès à l'industrie par la voie de la compétence.

Ce comité, rappelons-le, était formé des représentants des sept associations patronales dont la FCQ, la Fédération de la construction du Québec, des cinq associations syndicales, des sous-ministres aux ministères de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du Travail et de l'Éducation, ainsi que du président de l'Office de la construction du Québec. Ces gens se sont mis rapidement à la tâche. Ils ont accompli un travail exceptionnel.

M. le Président, malgré les critiques du leader de l'Opposition, M. le ministre du Travail a consulté. Comme on le sait, l'industrie de la construction au Québec est une des plus réglementées, sinon la plus réglementée de toutes. Elle est d'emblée beaucoup plus réglementée que la même industrie ailleurs en Amérique du Nord. La centralisation d'un régime aussi considérable qui implique tant de personnes, de travaux, d'argent appelle inévitablement l'intervention gouvernementale.

C'est ainsi que, depuis les 17 années que la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction est en vigueur, on peut dire qu'il n'y a eu aucune négociation normale. Aucune entente n'a été conclue normalement depuis 1970, et il y a eu six rondes de négociation, sept si on inclut les négociations qu'on a appelées la bataille de l'indexation, en 1974. De ces six ou sept rondes, seulement deux se sont réglées autrement que par une loi spéciale ou une intervention directe de l'État.

Une dernière ronde, celle de 1986, dans une situation et une confiance économiques remarquables, s'est réglée par négociation avec notre ministre du Travail. Même dans tous ces cas, il y a eu intervention gouvernementale et souvent de différents types. En ce sens, on peut dire que la libre négociation entre les parties qui donne lieu à une entente intervenue librement n'existe plus dans la construction depuis l'adoption du projet de loi 290.

En décembre 1968... Je voudrais faire une remarque au député de Verchères, qui parlait sur la motion de report, pour lui dire que, dans le domaine de la construction, c'est vrai qu'on a évolué, mais que dans le moment on a de graves problèmes. On a des problèmes. C'est pourquoi c'est nécessaire qu'à l'heure actuelle on devienne plus compétent dans le domaine de la construction. Le régime a apporté plusieurs avantages. On n'a pas dit que tout était mauvais, mais il y a des corrections à apporter présentement dans l'industrie de la construction. I y a eu de bonnes choses. On peut souligner, par exemple, au cours des dix dernières années, la transformation du climat de travail sur les chantiers de construction. C'est vrai qu'on a pratiquement éliminé tous les conflits de juridiction entre les métiers, les conflits qui perturbent encore les chantiers de construction partout ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Le décret de la construction a introduit d'autres rigidités dans le marché de la main-d'oeuvre et, indirectement, dans le marché du produit. Nous en mentionnons deux aspects. Le règlement de placement contrôle l'embauche des salariés et limite l'accès à l'industrie de la construction et le groupe qui souffre le plus de cette forme de discrimination est celui des jeunes. Par ailleurs, le décret impose la parité salariale à l'échelle du Québec même si le marché du travail et le marché du bâtiment lui-même ne sont que locaux ou régionaux. (4 h 30)

M. le Président, seule une concurrence véritable peut y réintroduire, surtout dans les secteurs constitués de petites et moyennes entreprises, un dynamisme dont l'industrie a besoin et une créativité qui suscite de nouveaux types et de nouveaux modes de construction. La loi 119 mettra fin aux injustices envers les travailleurs qui sont capables de contribuer au développement de cette industrie, mais auxquels il est défendu d'y accéder. Les estimations du travail au noir, quant au travail illégal, ont varié au cours des années, mais il est généralement admis à ce moment-ci qu'une proportion d'environ 15 % à 25 % des travaux théoriquement couverts par le décret se font légalement ou non à des conditions de travail très différentes.

Je voudrais vous faire remarquer que présentement nous avons 15 000 membres inscrits à l'AECQ. Sur ces 15 000 membres il y en a 13 000 qui sont des employeurs. Les autres membres ne sont que des travailleurs autonomes. Ce que je veux mentionner, sur tous ces 13 000 membres, il y en a 70 % qui sont des entrepreneurs généraux dans le secteur résidentiel. Il y en a 36 % qui ne sont ni incorporés, ni inscrits. C'est un peu pourquoi le secteur où ce non-respect, par rapport à ces statistiques, se retrouve principalement est celui de la construction d'habitations. C'est ainsi que l'artisan qui exécute seul des travaux pour une personne physique, le plus souvent à sa résidence, n'est pas assujetti à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et, par conséquent, n'est pas assujetti au décret. Dans une autre perspective, il est clair qu'une bonne partie de la construction résidentielle effectuée en dehors des villes échappe, pour une très grande part, à la surveillance des inspecteurs de l'OCQ et que, déjà, les lois du marché y déterminent les conditions de travail. En somme, une partie importante de la

construction résidentielle est déjà dans les faits déréglementée.

Nous sommes convaincus qu'il faut ramener le jeu de la concurrence dans tout le secteur, en particulier dans la rénovation des habitations et même dans toutes les constructions résidentielles de faible envergure, sans oublier la réparation et l'entretien. Des efforts devront être faits. J'énumère de nouveau quelques statistiques du ministre du Travail pour vous dire que, pour former un charpentier menuisier, cela prend sept ans et demi, pour former un peintre, cela prend neuf ans et trois mois, pour former un maçon, cela prend huit ans et quatre mois. M. le député de Shefford, M. le député de Joliette, M. le député de Bertrand, Mme la députée de Chicoutimi...

Une voix: Tous absents.

M. Lemire: ...je dois vous dire, par une explication bien précise, pourquoi il faut revenir à la compétence dans le domaine de la construction. En 1985, on posait 1000 briques pour 400 $ les 1000 par des entrepreneurs en maçonnerie dans toute la province. En 1986, le printemps passé, l'été passé, on posait de la brique à 800 $ les 1000. Savez-vous qu'un petit bungalow de 8000 briques avec un garage, cela coûte 3 200 $ de plus en 1986, parce qu'on n'a pas la compétence qu'il faut? C'est vrai, vous allez me dire: II y a des jeunes qui sont entrés sur le marché du travail. Oui. À l'OCQ, il y a des apprentis qui sont inscrits, mais ceux-ci n'ont pas la compétence. Ces jeunes posent 100 briques, 200 briques par jour au lieu de poser 500 à 600 briques. Donc, l'entrepreneur en maçonnerie contrôle la main-d'oeuvre dans le domaine de la maçonnerie. Vu qu'il y a un manque de main-d'oeuvre dans le domaine de la maçonnerie avec le vieillissement de la main-d'oeuvre, avec l'âge qui est à 44 ans, savez-vous ce qui se produit présentement au Québec, M. le Président? M. le député de Joliette est absent. Il faudrait qu'il retourne sur le marché de la construction pour aller voir ce qui se passe. J'étais au colloque de la Fédération de la construction au Palais des congrès quand M. le député de Joliette a parlé pendant vingt minutes. M. Jean Cournoyer a parlé durant vingt minutes. M. le député de Joliette a dit: Ce sera l'anarchie. Après quelques explications, M. Jean Cournoyer de répondre: Cela fait sept ans que j'ai décroché du domaine de la construction. Cela se peut que je ne sache pas ce qui se passe dans le domaine de la construction. Bien, je dirais à M. Jean Cournoyer, ainsi qu'au député de Joliette, qu'ils devraient revenir voir ce qui se passe dans le domaine de la construction. On a un manque de main-d'oeuvre compétente, mes amis.

Une voix: Exactement.

M. Lemire: Vous savez, en 1985, il s'est posé et il s'est livré 400 000 000 de briques en Ontario, de la brique d'argile. Savez-vous combien il s'en est livré au Québec? On a livré 100 000 000 de briques d'argile seulement au Québec. Pourquoi? Parce qu'on a un manque de compétences. L'augmentation du prix de la pose de la brique fait qu'au Québec, présentement, les Québécois n'ont pas le privilège de se faire construire une maison en brique de leur choix. Le problème de nos compétences s'amplifie. Cela s'amplifie toujours avec les années. C'est pourquoi le ministre du Travail veut mettre au point un système de formation modulaire et y intégrer, en adoptant des mécanismes d'évaluation et de reconnaissance des compétences acquises, le ministère de l'Éducation, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et les gens du milieu de la construction. Il est temps que ces gens reprennent le pouvoir qu'ils ont perdu. Depuis quelques années, depuis neuf ans, on choisit les employés de la construction par ordinateur. Le 31 décembre, il sera fini ce temps.

Une voix: C'est vrai, cela.

M. Lemire: Les gens du milieu de la construction, M. le Président, s'assureront d'une relève compétente et polyvalente répondant à l'évolution du marché du travail dans ce secteur névralgique de notre économie. J'invite le député de Laviolette à voter avec moi en faveur du projet de loi 119 et, si le député de Laviolette a besoin de conseils, cela me fera plaisir d'aller passer une demi-heure à son bureau pour lui expliquer quels sont les problèmes que nous avons dans la rentabilité des entreprises de construction parce qu'on n'a pas les compétences dont nous aurions besoin.

En terminant, ce que nous souhaitons, ce que je souhaite, c'est d'éliminer, M. le Président, la surprotection, de donner la liberté et la chance à tous, principalement à nos jeunes qui sont capables de le faire, de travailler et de contribuer au développement de cette industrie qui nous est si chère. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: M. le Président, ce qu'on entend dans cette Chambre, ce n'est pas possible! Lorsqu'on vient d'écouter le député de Saint-Maurice, un ancien entrepreneur, qui est peut-être toujours entrepreneur, parler de la façon dont il le fait, tout ce qu'il a en vue - je dis bien tout ce qu'il a en vue -

c'est le signe du dollar, le signe de piastre. Tout ce qu'il a en vue, c'est de faire de l'argent et, très souvent, de faire cet argent sur le dos des travailleurs de la construction. (4 h 40)

M. le Président, cet ancien entrepreneur a parlé de consultation du ministre du Travail en rapport avec les instances des milieux de travail, c'est-à-dire l'AECQ, les représentants syndicaux et tout ce qui représente le patronat. En plus, il a parlé de la compétence des travailleurs de la construction. Ce que je retiens de ce qu'il a dit, c'est qu'il a à peu près blâmé les travailleurs actuels de la construction en ce sens que ces derniers étaient actuellement des incompétents. Je peux l'assurer que le message qu'il a livré dans cette Chambre sera communiqué auprès des travailleurs de la construction de mon comté de la Côte-Nord et de l'ensemble du Québec, je vous en passe un papier. Deuxièmement, lorsqu'il a mentionné que pendant dix ans le climat social au Québec était à son meilleur dans le domaine de la construction et lorsqu'il a mentionné qu'il y avait de nettes améliorations à certains niveaux en ce qui concerne le règlement de placement et en ce qui concerne la loi 290, comment se fait-il qu'il endosse le projet de loi 119 que nous avons devant nous ici, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, pendant qu'il a vanté tout ce système que nous avions au cours des dernières années?

M. le Président, je sais très bien par expérience et par la formation syndicale que j'ai eues au cours de plusieurs années, lorsque j'étais sur le marché du travail à Hydro-Québec et dans d'autres domaines aussi, que ce qui est en train de se passer en cette Chambre, cette nuit, à 4 h 45 du matin, si ce projet de loi est endossé tel qu'il est actuellement c'est-à-dire la loi 119, va possiblement - j'espère que non - créer dans les prochains mois, sinon dans la prochaine année, des problèmes sociaux énormes dans les milieux de la construction. Vous, les entrepreneurs, vous, les libéraux, qui êtes financés, justement, par la grande majorité des entrepreneurs et des patrons du Québec, si vous ne faites pas attention vous allez vous apercevoir de ce qui va se passer éventuellement sur les chantiers de construction. On retournera à ce qu'on a connu entre 1970 et 1976, à des choses que j'ai vues dans mon comté et dont je vais vous parler tout à l'heure. C'était le gouvernement de Robert Bourassa qui était là de 1970 à 1976. C'était, justement, ce même gouvernement qui, à la suite des problèmes qui ont été vécus à la Baie James dans la domaine de la construction, a amené la commission Cliche dont faisaient partie mon collègue de Joliette, l'actuel premier ministre du Canada, ainsi que l'honorable

Robert Cliche. Je peux vous dire que, si l'on se donne la peine de regarder ce qu'il y avait dans le rapport et ce qui en est ressorti, c'est-à-dire la création de ce qu'on a appelé le règlement de placement déposé dans la Gazette officielle du Québec, le 30 septembre 1977, ce règlement a permis des choses nettement appréciables en ce qui a trait à la construction.

Lorsque le député de Saint-Maurice vient parler des coûts quand il parle d'une maison de brique, etc. - en tout cas, il a mélangé tout cela - il oublie que c'était parfaitement normal que les coûts de construction d'une maison ne soient pas rattachés à la question du placement mais qu'ils étaient plutôt rattachés au décret, à l'inflation et aux augmentations salariales qui ont été apportées au cours des quinze dernières années dans le domaine de la construction. Il faudrait tout de même que les députés libéraux soient honnêtes en cette Chambre et donnent l'heure juste en ce qui a trait au domaine de la construction.

M. le Président, ici, je prends à témoin un article du journal Le Devoir - que je sache, ce n'est pas n'importe quel journal pour les libéraux - où c'est écrit - j'espère que cela n'arrivera pas - textuellement ceci: FTQ et CSKl disent ne pas vouloir retourner à l'anarchie, à la violence, à la corruption, à la loi de. la jungle, qui ont pu exister avant la tenue de l'enquête sur la liberté syndicale dans l'industrie de la construction; exemple: la commission Cliche.

M. le député de Saint-Maurice et les autres députés en cette Chambre vous ne vous rappelez peut-être pas ce qui s'est passé dans le comté de Duplessis, mais rappelez-vous lorsque les libéraux de l'organisation libérale du comté de Duplessis - cela ne se passait pas seulement dans mon comté, cela se passait dans l'ensemble des comtés du Québec - vendaient des cartes de la construction dans des salons de massage, dans des tavernes, dans des brasseries à coups de 200 $ ou de 300 $. Le projet de loi 119 que nous avons en face de nous actuellement va permettre cela. Cela va être des organisateurs libéraux qui vont en profiter et cela va être des gars de l'OCQ et peut-être des gens qui sont actuellement dans les bureaux de l'OCQ dans mon comté qui vont en profiter et qui vont faire exactement cela. Je vous en passe un papier que, si vous avez ce problème, ce sera vous qui l'aurez créé; ce ne sera pas nous, de l'Opposition, à l'Assemblée nationale. Vous pouvez être sûrs de cela.

Si l'on veut parler du règlement de placement, je peux vous dire qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites depuis quelques années sur le règlement de placement, particulièrement au moment de la crise économique de 1982 et des quelques années qui ont suivi. Beaucoup de

commentaires étaient fondés, j'en conviens, beaucoup d'autres l'étaient passablement moins, j'en conviens aussi, faisant appel à l'émotivité, au corporatisme ou encore à l'idéologie. Tous ces échanges se sont traduits par des courants de pressions politiques particulièrement fortes et ont amené le Parti libéral à des engagements électoraux et à des déclarations publiques particulièrement floues sur cette question. Le ministre du Travail parle d'abolition du certificat de classification. Le leader du gouvernement libéral, quant à lui, annonce, en septembre, une loi abolissant le règlement de placement pour cet automne. Le rapport Scowen, lui, propose l'abolition de tout le règlement pour ne maintenir qu'un régime de qualification. À mon avis, le dossier de la construction était mal parti.

Je continue, parce que je sens le besoin de dire quelques mots sur la pertinence générale d'une réglementation en matière de placement, d'embauche et de formation. D'abord, la relation employeurs-employés dans la construction est très spéciale, tout le monde le sait. Après chaque contrat, le travailleur se retrouve techniquement en chômage. Dans les autres industries, la relation est beaucoup plus stable. De même, beaucoup de conventions collectives prévoient, en cas de mises à pied, des priorités dans l'ordre de rappel et d'engagement des travailleurs. Est-il donc si farfelu et si exagéré de vouloir tenter de stabiliser la main-d'oeuvre dans la construction? Ce que vous êtes en train de faire, vous, les libéraux, c'est justement, déstabiliser la main-d'oeuvre dans la construction en créant un bassin qui va peut-être être le double ou le triple au cours des prochains mois. Je peux vous dire que c'est là que vous pouvez avoir un problème. Lorsque vous vous vantez d'être des créateurs d'emplois et d'être des personnes qui ont une ligne directe avec le Saint-Esprit en rapport avec la création d'emplois chez les jeunes, je pense que ce n'est pas dans la construction.

Bien sûr, il faut certaines ouvertures, comme on le préconisait et comme on l'a fait au cours des dernières années. Qu'on se rappelle qu'en 1985 il y a 17 000 jeunes qui sont entrés dans la construction, qui avaient des diplômes et qui sont devenus des apprentis. Qu'on se rappelle ce qu'a dit la députée de Chicoutimi il n'y a pas si longtemps en cette Chambre, à savoir qu'en l'espace de huit mois, dans la construction, il y a eu près de 12 500 nouveaux arrivants. Ce n'est pas une fermeture, le règlement de placement actuel; au contraire, c'est une ouverture. Si vous voulez, dans votre projet de loi, contingenter d'autres que les étudiants, je serais peut-être d'accord pour travailler dans ce sens. Si vous voulez ouvrir cela pour les étudiants, mais de façon honnête et honorable, je serais peut-être d'accord pour examiner cela. Mais la façon dont vous le faites dans votre projet de loi va amener au Québec - encore une fois, j'espère que non - un climat social perturbé dans le domaine de la construction et vous allez regretter amèrement d'avoir adopté le projet de loi 119 tel qu'il est libellé au moment où on se parle.

Lorsqu'on arrive, par exemple, au règlement de placement, rappelez-vous les chiffres que je vais vous donner. Vous aimez les chiffres, on va vous en donner. Le 30 septembre 1977, lors du dépôt dans la Gazette officielle du Québec du règlement de placement dans la construction, il y avait 253 000 personnes inscrites dans la construction et, à ce moment-là, il y avait 140 000 personnes qui y travaillaient. Le 1er juillet 1978, le jour de l'application du contingentement dans la construction, on a vu des personnes qui sont disparues des rangs de la construction, avec raison d'ailleurs, puisqu'il y avait 140 000 personnes inscrites et qu'il y avait du travail pour 110 000 personnes. Aujourd'hui, au moment où on se parle, au cours de 1986, il y a 117 000 personnes inscrites dans la construction et il y a du travail pour 65 000.

Allez-vous, les libéraux, nous faire croire, à nous de l'Opposition, et faire croire aux jeunes du Québec que l'ouverture relative au règlement de placement, la porte de grange ouverte, va permettre la création d'emplois chez les jeunes? La meilleure façon de créer des emplois, c'est d'abord de faire en sorte que les travailleurs de la construction qui sont actuellement inscrits aient des emplois au cours des prochaines semaines. Cela, c'est votre travail. C'est vous qui avez été élus le 2 décembre dernier, ce n'est pas nous. Dieu sait comment, au cours des prochaines années, la population du Québec va subir les conséquences de votre élection du 2 décembre dernier. Dieu sait combien les entrepreneurs, au cours des années 1970 à 1976, même jusqu'au milieu de l'année 1977, ont vécu l'anarchie dans le domaine de la construction. (4 h 50)

Mon collègue parlait d'anarchie; je vais vous en parler de l'anarchie. Au cours des neuf dernières années où nous étions au gouvernement, vous étiez dans vos pantoufles et vous regardiez passer le train à ce moment.

Une voix: Vous avez vomi sur nous!

Le Vice-Président: Un instant, M. le député. Le député qui avait la parole était le député de Duplessis. Certains commentaires ont été émis dans cette Chambre qui n'étaient pas dans le cadre du débat. Je demanderais aux députés de respecter le droit de parole des autres

personnes en cette Chambre et de ne pas intervenir. Par la même occasion, M. le député de Duplessis, vous le savez fort bien, lorsque vous faites une intervention en Chambre, vous ne devez jamais vous adresser directement à un député ou aux députés des autres partis ou même de votre parti en cette Chambre. Je vous demanderais de faire votre intervention également selon les règles de l'Assemblée pour éviter, justement, des réponses indues au moment de votre intervention.

M. Perron: M. le Président, si vous me le permettez, par votre intermédiaire, je voudrais dire à la députation libérale que la grande majorité d'entre eux n'a pas vécu l'anarchie des années 1970 à 1976, n'a pas vécu, non plus, ce qui s'est passé, à certaines périodes qu'on a très bien connues, à la Baie James et ailleurs sur les gros chantiers, dans les grosses constructions que nous avions au Québec. Je voudrais que vous passiez le message au député de Saint-Maurice qui fait actuellement toutes sortes de simagrées et de grimaces au moment où je parle; il va peut-être regretter cela dans les semaines, les mois et les années qui viennent.

Ce gouvernement, au cours de la campagne électorale, a passé son temps à faire des promesses en l'air. Je considère même aujourd'hui qu'il a été élu sur de fausses représentations. Je peux vous dire que cela va lui être remis sous le nez au cours des prochaines années, bien plus vite que ne le pensent les membres du Parti libéral de cette députation. Je voudrais rappeler aux membres de cette Chambre, M. le Président, en passant par votre intermédiaire, que j'étais sur place dans différents dossiers où vous-mêmes, les libéraux, de 1970 à 1976, aviez créé des problèmes a cause de certains droits que vous donniez à certains syndicats dont le 144 du temps, Dédé Desjardins inclus. Vous avez peut-être une mauvaise opinion de Dédé Desjardins aujourd'hui, mais vous en aviez une bonne dans le temps. Et qu'on se le rappelle. Que chacun et chacune d'entre vous, les membres de cette Chambre, se rappellent ce qui s'est passé au mont Wright, ce qu'on a baptisé communément le feu du mont Wright. Qu'on se rappelle ce qui s'est passé à cause, justement, de personnes qui avaient été engagées, qui n'avaient aucune compétence dans certains domaines quant à la sécurité. Qu'on se rappelle les six personnes qui ont été tuées au silo du mont Wright. Qu'on se rappelle cela. Ce n'est pas une question de compétence. C'est parce que vous aviez le droit d'engager à peu près n'importe qui, pour autant qu'il était du Parti libéral.

Une voix: C'est cela.

M. Perron: M. le Président, qu'on se rappelle ce qui s'est passé dans la construction de SIDBEC-Normines, à Port-Cartier. Qu'on se rappelle se qui s'est passé lors de la construction de l'usine ITT à Port-Cartier. Qu'on se rappelle aussi ce qui s'est passé aux 3 milles, lorsque vous étiez au gouvernement entre 1970 et 1976. Quand on parle des 3 milles à Sept-Îles, on se le rappelle encore aujourd'hui. On se rappelle que cette journée un certain organisateur libéral, au mois de mai, était rentré dans une foule de 1000 personnes. Il faisait partie d'un certain réseau qui voulait protéger le patronat. Il y a eu 37 blessés, il y à eu une personne tuée, un certain M. Saint-Gelais. Rappelez-vous cela. Vous allez peut-être regretter tous les gestes que vous posez aujourd'hui face à cette loi que nous avons devant l'Assemblée nationale.

Lorsqu'on voit l'ensemble de la députation applaudir à des changements radicaux qui nous arrivent en pleine face à l'Assemblée nationale, à la suite de décisions qui ont été prises, de promesses qui ont été faites à un certain Maurice Pouliot, que vous connaissez très bien, le président du syndicat provincial des métiers de la construction. C'est un de vos "chums", vous le savez. C'est peut-être éventuellement le futur président de la commission que vous créez par la loi. C'est peut-être le futur président.

Le député de Saint-Maurice parlait de Jean Cournoyer. Il était présent quand mon collègue a fait un discours devant les membres du patronat. Je voudrais rappeler ceci aux membres de cette Chambre, sous la plume de Jean-Jacques Samson qui n'est pas particulièrement l'un de nos amis: "La réforme du ministre Pierre Paradis dégage donc une odeur un peu suspecte pour le nez coloré de Jean Cournoyer, ministre libéral de 1970 à 1976. M. Cournoyer flaire des ouvertures au patronage." Plus loin: "M. Cournoyer reste très sceptique face à l'argument de l'urgence d'ouvrir cette industrie à une nouvelle main-d'oeuvre."

Si le domaine de la construction est si fermé, comment se fait-il que 20 000 nouveaux travailleurs ont eu leur certificat durant la dernière année, en 1985? Lorsqu'on vient nous dire, de l'autre côté, que le marché de la construction est fermé aux jeunes, lorsqu'on vient nous parler, de l'autre côté, de l'incompétence des travailleurs, comme l'a fait en cette Chambre le député de Saint-Maurice, je trouve vraiment regrettable qu'a ce moment-ci, lors de ce débat sur une chose aussi importante, le gouvernement libéral crée effectivement de la zizanie au moment où on se parle et sème le germe de l'anarchie dans l'industrie de la construction. Je dis bien "le germe de l'anarchie", en espérant que cela va en rester là. Mais Dieu sait que, si ce projet de loi qui est devant nous, à l'Assemblée

nationale, qui, dans les prochaines heures, sera en commission parlementaire pour écouter des mémoires et par la suite à l'étude article par article, est adopté tel que libellé, je vous en passe un papier, des problèmes, ce ne sera pas seulement vous, les députés libéraux, qui allez en avoir, mais ce sera aussi l'ensemble de la population du Québec, l'ensemble du monde de la construction. L'ensemble du monde de la construction, cela inclut les entrepreneurs, cela inclut donc le patronat et aussi les travailleurs de la construction; cela inclut des fonctionnaires qui travaillent actuellement à l'OCQ, cela inclut aussi des fonctionnaires qui sont actuellement au travail au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et au ministère du Travail.

Je voudrais terminer, M. le Président, en vous disant ceci: Qu'on se rappelle tout ce qui s'est passé lorsqu'il n'y avait pas de règlement de placement, lorsque c'était simplement une carte de compétence qui était émise par des patroneux; qu'on se rappelle comment, à un certain moment, en 1976, un décision électorale a été prise le 15 novembre et les gens qui voulaient corriger tout ce qui se passait de malsain dans le secteur de la construction ont su pour qui voter. Ils savaient très bien, en 1976, qu'en tant que gouvernement, face aux travailleurs syndiqués de la construction, nous, du Parti québécois, allions prendre nos responsabilités. Nous les avons prises en 1977, face à la loi 45, qu'on appelle la loi antibriseurs de grève. J'ai bien hâte de voir ce que vous allez faire, de l'autre côté, avec la loi 45, c'est-à-dire les articles 111 et suivants du Code du travail actuel; j'ai bien hâte de voir cela.

M. le Président, je voudrais terminer en vous disant que je trouve regrettable que les libéraux, que ce gouvernement nous ait amené en cette Chambre le projet de loi 119, qui concerne les travailleurs de la construction, qui est aussi mal fait, qui est aussi malsain pour notre société et qui va, d'après moi, faire en sorte non pas d'améliorer le climat pour les jeunes autant que pour les plus vieux, mais qui va faire en sorte, justement, de ramener ce climat social que nous avons connu au cours d'une période de 1970 à 1976, et cela, je ne le souhaite pas. Merci.

Le Vice-Président; Je donne maintenant la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci. M. le Président, j'ai écouté avec attention les paroles du député de Duplessis. Je dois dire que j'ai trouvé que, parfois, il n'était pas très loin d'un appel à la violence au Québec, ce que je déplore fortement. Il est sur la mauvaise piste, il a démontré qu'il n'a même pas lu le projet de loi puisqu'il a parlé complètement hors du sujet. (5 heures)

Je veux, d'abord, féliciter le ministre du Travail d'avoir présenté le projet de loi. Je peux vous dire que j'ai été le président d'un groupe de travail sur la déréglementation au Québec et le projet de loi 119 fait partie de nos recommandations. Notre recommandation 65 allait exactement dans le sens de ce projet de loi.

On a proposé une série de mesures qui vont même plus loin que cela dans le domaine de la déréglementation de l'industrie de la construction, une déréglementation presque totale, échelonnée sur plusieurs années, pour retourner cette industrie au régime normal de travail. Je dois dire qu'on a eu l'occasion d'étudier cette industrie en profondeur. C'est une industrie spéciale qui nécessite une attention spéciale.

Il faut - nous l'avons recommandé -amender le Code du travail et la Loi sur les normes du travail avant de procéder à une déréglementation plus profonde. Mais nous sommes persuadés que c'est quelque chose qui peut se faire, qui doit se faire, et qui sera bon non seulement pour l'industrie de la construction mais pour tout le Québec.

Mais dans les quelques minutes qui sont à ma disposition, je veux aborder deux questions précises qui sont soulevées régulièrement, non seulement par le député de Duplessis, mais par la plupart des députés qui ont parlé de ce projet de loi du côté de l'Opposition.

La première revendication, la première déclaration des députés de l'Opposition est dans le sens que ce projet de loi va créer une instabilité sociale, un retour à la jungle. Il y a plusieurs façons de le décrire et quelques-uns l'ont décrit comme un retour à l'anarchie.

La deuxième constatation ou prétention de l'Opposition, c'est que ce projet de loi ne créera aucun nouvel emploi. Je veux parler précisément de ces deux points, parce que je trouve que c'est important que les faits soient rectifiés.

Premièrement, examinons pour deux instants la question de l'anarchie et du retour à la jungle. L'argument est le suivant: on est bien réglementé aujourd'hui; la réglementation, la mise en tutelle de l'industrie de la construction avait pour effet d'assurer la paix sociale; et si on enlève ce contrôle total de l'industrie de la construction, on risque de revoir M. Dédé Desjardins et le saccage de la Baie James, qui est arrivé en 1974, revenir une deuxième fois.

Cet argument, M. le Président, est basé sur l'idée que les travailleurs et les patrons de l'industrie de la construction au Québec sont une espèce de race à part, une espèce

d'animaux sauvages qui ont besoin d'être contenus dans une cage de réglementation par le gouvernement, qui ne sont pas comme les travailleurs et les patrons dans les autres industries du Québec, qui ne sont pas comme les autres industries de la construction dans les autres régions de l'Amérique du Nord où cette réglementation n'existe pas, mais à cause d'un certain caractère ou de la personnalité de ces personnes, le gouvernement qui les a mis dans cette cage en 1974 est condamné à les garder dans la même cage pour l'éternité, parce qu'une fois qu'on ouvre la cage, qu'on déréglemente un peu, ils vont retourner à leur état de 1974.

Il est possible que ce soit vrai. Mais nous, du côté du gouvernement et certainement nous, le groupe de travail qui avons examiné la situation dans le projet de déréglementation, nous ne sommes pas du tout persuadés que ce soit le cas.

Nous croyons plutôt que la situation de 1974 est arrivée à cause de toute une série de mouvements socio-économiques et culturels qui arrivaient à une certaine conjoncture qui a créé une situation spéciale et que la violence ne fait pas partie des travailleurs de la construction ni des propriétaires des compagnies de construction. Cela ne fait pas partie de leurs moeurs; ils ne sont pas comme ça.

C'était un accident socioculturel et économique des années soixante-dix qui ne va pas se répéter. Et ces personnes peuvent aujourd'hui être libérées de cette cage. Le député de Duplessis et les autres députés de l'Opposition seront très surpris de voir que ces personnes sont parfaitement capables de se comporter d'une façon civilisée et de se responsabiliser l'une envers l'autre, les propriétaires envers les travailleurs et le contraire, sans la tutelle du gouvernement et d'une façon normale dans tous les autres secteurs de l'économie du Québec et je le répète, dans toutes les autres industries de la construction en Amérique du Nord, sauf pour le Québec, parce que le Québec est le seul territoire en Amérique du Nord où l'industrie de la construction est sous tutelle gouvernementale comme on le voit ici. C'est un pari que l'on fait. On croit profondément en la responsabilité et la maturité de cette industrie.

Le député de Duplessis et ses collègues croient que ces groupes sont toujours dans un état sauvage et que nous avons la responsabilité de les garder en cage. Nous faisons le pari que nous avons raison. Je peux vous dire qu'après avoir étudié la question à temps plein, pendant six ou sept mois, je suis persuadé que vous verrez que c'est nous qui avons raison dans cette affaire.

La deuxième et la dernière question que je veux soulever est celle de la création d'emplois. Plusieurs députés de l'Opposition ont dit: Votre projet ne créera aucun nouvel emploi. Quelques-uns ont dit: Ce sont les fils qui prendront le travail des pères. Je pense que c'est la façon la plus courante de dénigrer le projet de loi. Il est certain que ce projet de loi n'est pas la solution à la création d'emplois au Québec ou même à la création d'emplois dans l'industrie de la construction. Mais pour toute personne qui a étudié un peu l'économie, pour toute personne qui a suivi un peu les documents produits ici au Québec par l'Université de Montréal et l'Université Laval depuis plusieurs années, il est évident que l'élargissement du nombre de personnes qui travaillent ou qui sont disponibles à l'intérieur de cette industrie va augmenter le nombre d'emplois indirectement et probablement assez rapidement. Je vais vous expliquer pourquoi en deux mots. Premièrement, on parle de compétence. L'idée derrière la prétention de l'Opposition que les fils vont prendre la place des pères, c'est qu'ils pensent que les fils seront probablement plus débrouillards, plus énergiques et que, en conséquence, ils seront embauchés plus facilement par les propriétaires que ceux qui sont un peu plus vieux. Je n'en suis pas certain, parce qu'il y a aussi la question de l'expérience et de la maturité. Il n'est pas du tout certain que les jeunes seront favorisés.

Mais, de toute façon, on sait très bien que, si on favorise la compétence dans une industrie, on doit normalement avoir une productivité accrue. En conséquence, nous aurions, avec cette productivité accrue, des coûts plus bas de construction. Quand les coûts sont moins élevés dans une industrie où il y a beaucoup de concurrence, et Dieu sait qu'il y a beaucoup de concurrence dans l'industrie de la construction, puisqu'il y a des milliers de compagnies de construction, aussitôt qu'il y a une baisse dans les coûts, vous avez aussi très rapidement une baisse dans les prix. Des économistes de l'Université Laval ou de l'Université de Montréal vous diront clairement que, si vous avez une baisse dans les prix des maisons, par exemple, au Québec, vous aurez une hausse dans la demande des maisons.

Les économistes sont même capables de vous dire que, si vous avez une baisse de 10 % du prix d'une maison vous aurez une augmentation de la demande de tant de pourcentage. L'élasticité de la demande d'un produit est quelque chose de connu de presque tout le monde qui connaît un peu l'économie. Finalement, si vous avez une augmentation dans le nombre de maisons vendues, vous aurez certainement une augmentation dans le nombre de personnes qui travaillent dans l'industrie de la construction. C'est une leçon qu'on apprend aux étudiants de Ire année en économie. C'est connu un peu partout dans le monde.

Effectivement, l'élargissement du bassin du nombre de personnes qui se font de la concurrence pour les emplois dans l'industrie de la construction va avoir assez rapidement comme conséquence un élargissement du nombre de personnes qui ont un emploi dans cette industrie. Je prétends donc et je pense que je peux vous trouver beaucoup d'expériences réelles et certainement beaucoup de textes économiques à l'appui de mon argument. La création d'emplois sera une conséquence inévitable de l'adoption du projet de loi 119. (5 h 10)

M. le Président, en terminant, je veux simplement vous dire que je pense que le gouvernement est justifié de l'adopter, et ce, avant Noël. Cela fait huit ans qu'on a dit clairement à la population que, si on était élu, on serait prêt à faire ce changement. Le ministre du Travail a créé un groupe de travail à l'intérieur de son ministère, qui a étudié les détails pendant huit mois. La population est bien avertie de nos intentions et l'industrie aussi. Je suis certain que tout le monde va profiter, non seulement l'industrie de la construction, mais toute la population du Québec, tous les consommateurs du Québec et certainement les travailleurs dans l'industrie de la construction du Québec, de l'adoption du projet de loi 119. Merci.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Maintenant, M. le Président, avant de commencer mon intervention, est-ce que vous pourriez vérifier s'il y a quorum?

Le Vice-Président: Très bien, M. le député! À ce moment-ci, je dois constater que nous sommes exactement 21 députés. Nous avons donc quorum.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je pourrais peut-être commencer mon intervention par la fin de l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce quand il dit que le fait d'adopter ce projet de loi va créer des emplois. C'est justement ce que les gens essaient de dire à des jeunes: Si nous changeons le règlement de placement, si nous enlevons la carte de classification, si nous faisons... En fait, on les voit parler de différentes choses à la fois pour embrouiller les pistes et finalement dire qu'ils ont une intention, c'est de changer radicalement le règlement de placement. Mais au profit de qui?

Ils ont l'intention de le faire en disant qu'ils vont créer des emplois. Voyons donc! Est-ce que le fait d'adopter ce projet de loi ici ce soir a pour but de créer des emplois?

Est-ce que le projet de loi n'est pas plutôt un moyen de régler des problèmes d'entrepreneurs?

Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait, dans son intervention, que le secteur de la construction est un secteur où, depuis 1974, à cause des événements qui se sont produits, sont arrivées des décisions gouvernementales pour faire un décret, obligeant, par loi, par décret, selon certaines circonstances, les relations du travail dans le secteur.

Il est évident que les gens sont capables de régler entre eux leurs discussions quant aux conditions de travail par l'intermédiaire d'une convention collective. Malheureusement, dans les années qui ont précédé l'adoption du règlement de placement, des événements majeurs au Québec se sont produits, que personne ne veut voir se reproduire.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce dit que nous basons notre argumentation sur l'hypothèse qu'il va y avoir de la casse. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas ce que nous disons. Nous espérons, du côté de l'Opposition, que cela ne se produira pas. Au contraire, les gens sont matures, ils peuvent vraiment discuter, mais, dans certaines circonstances, il faut encadrer l'ensemble du travail. Il n'y a personne qui va nier ici, dans cette Assemblée, que des gens ne peuvent pas entrer sur le marché de l'enseignement s'ils n'ont pas d'abord la compétence et si, en plus de cela, ils n'ont pas aussi l'autre capacité qui est celle d'avoir un emploi.

Il y a un contingentement qui existe et il y a beaucoup d'enseignants qui voudraient entrer sur le marché et qui ne le peuvent pas, et d'autres qui le font tout simplement à l'intérieur d'une banque de rappel. Quand on est dans le secteur des affaires sociales, combien de jeunes actuellement cherchent de l'emploi et n'obtiennent en fait que des emplois occasionnels. Parfois cela prend un an, deux ans, trois ans avant d'obtenir un emploi à temps plein.

Vouloir dire que le fait de changer le règlement de placement a pour effet d'ouvrir le marché du travail aux jeunes, c'est les leurrer. C'est ce que nous disons. Ce que nous disons à l'ensemble des députés du pouvoir actuellement, c'est que quand ils étaient dans l'Opposition, ils ont tenu un langage qui a amené des décisions prises lors de la campagne électorale et qui aujourd'hui nous amènent un document qui est un projet de loi. Ils disent aux jeunes: si nous enlevons telle et telle chose nous allons vous permettre d'entrer sur le marché du travail et nous allons créer de l'emploi. C'est cela que nous dénonçons. Nous dénonçons le fait que les gens au pouvoir aient dit, alors qu'ils étaient dans l'Opposition et dans certains cas certains continuent à le dire comme le

député de Notre-Dame-de-Grâce vient de le confirmer, que le règlement de placement va créer de l'emploi.

Si nous avons un marché du travail qui peut contenir 100 000 personnes et que nous donnons des cartes à 200 000 personnes, qu'est-ce qui va se produire? Est-ce qu'on va avoir créé plus d'emplois? Non. On va avoir donné ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce disait tout à l'heure, la possibilité de la concurrence. Mais la concurrence dans quoi? La concurrence pour enlever le job de l'autre mais non pas la concurrence quant aux salaires et quant aux conditions de travail. La concurrence dans ce secteur est délimitée par la convention collective. Mais est-ce qu'on va dire au jeune: Tu vas avoir un emploi? Ton emploi tu vas le prendre au détriment de qui dans le fond? Au détriment de la personne âgée qui est ton père, qui est ton oncle, qui est ton cousin, qui est ton frère? Tu vas le prendre de quelqu'un puisqu'il y a de la place pour 100 000 personnes et qu'il y en a 200 000 actuellement. Il y a peut-être 125 000 personnes ou 130 000 personnes qui ont le droit de travailler, comme disent les libéraux. Est-ce que les 70 000 personnes qui vont s'ajouter vont avoir nécessairement un job? Non. Ils vont devoir prendre la place d'une autre personne s'il n'y a de la place que pour 100 000 personnes.

Je pense qu'il faut dire la vérité telle qu'elle est. Si c'est le fait d'avoir plus de travaux, le fait d'avoir des conditions -comme les libéraux disent qu'ils sont en train de mettre sur pied - pour avoir un climat qui va favoriser l'esprit d'initiative au Québec et qui va favoriser une meilleure organisation du secteur du travail de la construction, alors à quoi cela sert-il de changer le règlement si - comme ce fut prouvé l'année dernière - 17 000 jeunes ont trouvé de l'emploi dans le secteur de la construction? S'ils ont l'intention de créer le mouvement pour que de plus en plus d'emplois soient créés dans la construction à quoi cela sert-il de changer: les jeunes vont avoir leur chance comme tout le monde. Mais à quoi cela sert-il de mettre les germes qui pourraient être potentiellement là pour créer des problèmes? C'est régler les problèmes de qui?

Quand le député de Saint-Maurice vient parler - enfin un gars de ma région - d'un sujet qu'il semble connaître, qu'il doit connaître et que j'espère il connaît, je suis très heureux, comme député régional, qu'enfin quelqu'un de ma région vienne parler. Je le regarde et je me dis: Qu'est-ce que vous défendez comme entrepreneur? Les ouvriers et les gens de la construction qui ont rencontré les députés du caucus du Parti libéral de ma région ont dit qu'ils étaient très satisfaits du ministre de la région mais qu'ils étaient très insatisfaits du député de

Saint-Maurice qui parlait comme un patron. Pour eux, il n'essayait pas de les écouter, il essayait de s'écouter lui-même pour bien voir si ce qu'il avait à dire représentait ce qu'il pense comme employeur et comme entrepreneur. C'est cela dans le fond qu'il allait présenter. Quand ce député vient nous dire que le règlement de placement tel qu'il sera changé a pour but dans son esprit à lui d'ouvrir le marché à plusieurs personnes, je dis qu'il leurre les jeunes de notre région comme d'ailleurs. Le règlement de placement, les amendements qui sont apportés par le projet de loi vont créer des appétits chez des gens, qui, malheureusement ont besoin d'autres sortes de promesses, des vraies promesses d'emplois. Regardons l'ensemble de l'emploi au Québec cette année. On disait dans les promesses du Parti libéral, que l'on créerait 80 000 emplois par année pendant les cinq prochaines années, c'est-à-dire 400 000 emplois. Qu'est-ce qu'on a fait cette année? On va avoir de la misère à obtenir 50 000 ou 60 000 emplois. Dans la construction combien d'emplois vont être créés cette année dans le contexte que nous avons de dossiers qui ont été fermés? C'est ce qu'on appelle le "phasing-out". Il y a eu la fermeture du dossier Corvée-habitation. Corvée-habitation amenait du travail dans le secteur de la construction. Corvée-habitation ne sera plus là. Combien d'emplois ont été créés par Corvée-habitation? Combien d'habitations ont été construites qui ont permis aux jeunes et à d'autres d'être sur le marché du travail? (5 h 20)

Le député de Saint-Maurice parlait tout à l'heure de la question des briqueleurs. Il disait que nous avons des gens qui demandent 800 $ pour 1000 briques posées. Dans le cas mentionné, il disait qu'ils recevaient 400 $ pour 1000 briques posées l'an passé. Tout d'abord, il y a une grosse différence; il va en convenir avec moi. La seule chose qu'il ne faut pas oublier, ce sont les programmes Loginove, qui sont maintenant devenus des PAQ et les programmes PAREL dans les milieux ruraux qui vont revenir à l'ensemble du PAQ.

Le programme Corvée-habitation. Combien d'habitations ont été construites avec une nouvelle technique autre que la brique? Ce qui fait qu'il y a une demande du marché, ce qui fait que les briqueleurs disent: Moi, je suis dans le secteur de la construction comme briqueleur, mais je dois vous dire qu'il y a moins de maisons construites en briques, il y a moins de rénovations qui sont faites avec des briques, il y a maintenant des bâtisses qui sont construites avec d'autres matériaux, ce qui provoque une sorte de demande dans un autre secteur d'activité.

Le député de Saint-Maurice disait tout à l'heure que les gens de la construction

sont des incompétents et il dit que ce sera basé sur le principe de la compétence. Cela sous-entend - et je trouve malheureux qu'on laisse sous-entendre ces choses - que les gens qui travaillent dans le secteur de la construction sont des gens incompétents. Est-ce que le député veut nous dire que les gens qui sont actuellement dans le secteur de la construction, qui sont plus âgés, parce qu'ils ont une certaine expérience, qui est aussi une forme de compétence, il faut en convenir, puisqu'il parlait du nombre d'années que cela prend pour rendre compétent un jeune soit comme briqueleur ou comme menuisier-charpentier. Je pense que le député parlait de la façon dont on doit permettre à des jeunes qui sont des apprentis de devenir des gens de la construction avec une compétence acquise par expérience en plus de celle acquise par des études.

Quand le député nous dit que le nouveau critère sera celui de la compétence, j'ai des craintes. J'ai peur de penser qu'il soupçonne les gens qui sont actuellement dans le secteur de la construction d'être des incompétents. J'espère qu'il ne pense pas comme cela mais, s'il le pensait, cela m'ennuierait énormément.

Il y a des conditions, qui ont été celles des années 1970 à 1976, qu'il ne faut pas négliger, qu'il faut regarder comme étant des conditions découlant de graves problèmes survenus sur les chantiers de construction au Québec. Ce que les gens de l'Opposition veulent, ce que les gens de l'Opposition espèrent, c'est que cela ne se reproduise plus. Ils ne veulent pas que le projet tel que présenté amène ces conditions qui ont été explosives. Le secteur de la construction est un secteur très fragile, c'est un secteur qui demande qu'on le juge, qu'on le regarde avec beaucoup d'attention. Il faut permettre aux gens d'avoir des conditions de travail convenables, des conditions de salaire convenables.

Qu'a apporté au Québec le règlement de placement tel qu'on le connaît? Il a permis à des gens qui ne devaient pas être dans le secteur de la construction, c'est-à-dire les professeurs de niveau technique dans la menuiserie, l'électricité, le chauffage, de travailler sur des chantiers de construction durant leurs vacances. C'était possible dans le passé, personne ne pouvait les en empêcher, à condition qu'ils aient les cartes nécessaires, leur permis de travail en conséquence.

Il y avait aussi d'autres personnes: des pompiers, des policiers qui, à cause de leur convention collective, à cause des négociations qu'ils ont menées, ont eu des conditions de travail qui ont fait qu'ils sont une partie du temps policier ou pompier et l'autre partie du temps sur des chantiers de construction, dans leurs moments de liberté.

D'autres personnes avaient aussi décidé d'être des employés de compagnie, dans le temps où les compagnies étaient prospères et florissantes. Ces gens-là étaient soit à la Consol, soit à la Belgo, soit à la CIP, soit dans des industries comme le textile, à l'époque, pour faire ce qu'on appelait l'entretien normal: de l'électricité, de la mécanique, du chauffage ou pour l'ensemble des besoins d'une compagnie. Ces gens-là avaient choisi un milieu de travail qui leur convenait, avec des horaires convenables, comme du 9 à 5, sans nécessairement avoir à se déplacer dans l'ensemble de la province pour obtenir un emploi.

D'autres personnes avaient plutôt opté pour la construction telle qu'on la connaît, avec les difficultés que cela comporte, avec le fait que les heures de travail sont parfois difficiles, avec le fait de s'éloigner de la famille pour aller sur des chantiers éloignés, toutes sortes de conditions qui font que ces gens-là avaient opté pour un secteur d'activité à leur convenance, qui leur permettait de vivre selon des conditions convenables.

Regardons ce qui s'est passé. On en a eu des échos. Ce n'est pas pour rien que la commission Cliche a existé. Il y avait effectivement sur les chantiers des batailles pour savoir qui était responsable du chantier de construction comme organisme syndical ou autre. Dans ce temps-là, des gens ont eu des sévices. Je pense que, effectivement, la commission Cliche est venue nous montrer qu'il fallait apporter les correctifs nécessaires et, en conséquence, amener une tranquillité, une paix sur les chantiers de construction. Cela a permis en même temps de faire en sorte que les gens qui étaient... On les a appelés - peut-être à mauvais escient, dans certains cas - les vrais travailleurs de la construction, c'est-à-dire ceux qui vivaient de la construction. Il ne s'agissait pas de ceux qui avaient une deuxième "job" dans la construction soit, comme je le disais tout à l'heure, des enseignants qui, durant l'été, allaient travailler sur les chantiers de construction ou des policiers, des pompiers ou d'autres qui venaient des secteurs de l'industrie pour prendre la place de ceux qui voulaient vivre convenablement de la construction.

Qu'est-ce que cela a apporté? Cela a apporté une stabilité depuis 1977. Cela a permis aussi en même temps, au niveau du secteur de la construction, de faire en sorte que des gens aient des heures travaillées en plus grand nombre que dans le passé et des conditions de salaire plus avantageuses que dans le passé. Est-ce qu'on peut se permettre que cela change? Est-ce qu'on veut dire que maintenant le patron pourra utiliser les moyens pour dire aux gens: Viens chez moi et peut-être contourner par la bande la convention de la construction? Est-ce que cela permettra à des gens de vivre

convenablement à des heures convenables en termes de nombre d'heures pour l'année, en termes de salaire convenable?

Je pense qu'il faut se poser cette question. Il faut regarder le projet de loi 119 comme pouvant justement causer des problèmes. Nous espérons que cela ne causera pas ces problèmes-là. C'est pour cela que des gens s'opposent à ce projet de loi et qu'ils demandent que, lors de la commission parlementaire qui aura lieu jeudi et vendredi prochains, le ministre écoute avec attention l'ensemble des gens qui veulent venir lui dire que des problèmes pourraient être causés s'il était adopté tel quel, que des changements majeurs doivent y être apportés pour permettre justement aux gens de la construction de vivre des conditions normales quant au salaire, quant aux conditions de travail, quant au temps qu'ils pourront passer dans la construction comme le règlement de placement a permis jusqu'à maintenant.

Je réitère donc mon appel aux députés du gouvernement de bien regarder avec attention ce projet de loi, de ne pas écouter nécessairement le ministre ou ceux qui sont des entrepreneurs actuellement en cette Assemblée et qui disent que cela réglera les problèmes de la construction. Au contraire, je pense qu'il y a des dangers que cela ne règle pas les problèmes dans la construction. Au contraire, cela aggravera les choses parce qu'on aura fait croire à des jeunes que, étant donné qu'on aura changé le règlement, ils auront de l'emploi alors qu'ils se réveilleront le lendemain matin en sachant qu'effectivement ils n'ont pas d'emploi, pas plus qu'avant, que les conditions n'ont pas changé parce que d'autres personnes qu'eux auront pris leur place et qu'en conséquence tout le travail qu'ils auront fait jusqu'à maintenant pour faire reconnaître leur capacité de travail aura été vain puisque effectivement ce n'est pas ce que le projet de loi 119 leur propose. Je vous remercie, M. le Président. (5 h 30)

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Laviolette intervenir sur le projet de loi 119. Malheureusement, relativement au principe même du projet de loi, que j'ai lu, je pense, avec beaucoup d'attention car je l'ai annoté en marge à plusieurs endroits, il semble que l'Opposition n'ait pas fait son travail, le travail de base de bien comprendre les principes fondamentaux du nouveau régime qui régira bientôt les relations du travail dans l'industrie de la construction. J'ai participé à une émission il y a près de trois semaines où la question qui était posée était de savoir si, avec le projet de loi 119, nous allions retourner à la loi de la jungle dans l'industrie de la construction. J'ai répondu, à cette émission radiophonique, que, selon moi, non, et pour plusieurs raisons. D'une part, parce qu'il y a responsabilisation des parties et je pense que c'est ce qui fait le plus peur à toutes les parties dans le domaine de la construction, centrales syndicales et partie patronale. Depuis X années, aussi loin que l'on puisse retourner par rapport aux relations du travail - bien entendu, l'on remonte jusqu'en 1968 et à la loi 290, alors que M. Bellemare pensait, à cette époque, que la loi 290 allait régler tous les problèmes de l'industrie de la construction, ce qui n'a pas été le cas - on s'est retrouvé dans une situation où les centrales syndicales d'un côté et la partie patronale de l'autre côté ne se sont, à toutes fins utiles, presque jamais parlé. Elles n'ont même jamais négocié.

Les premiers articles du projet de loi 119, les articles 3, 3.2 et 3.11, parlent de cette nouvelle commission de la construction du Québec qui sera composée de quatre représentants d'associations d'employeurs, quatre représentants d'associations de salariés, deux représentants nommés par le ministre du Travail, un autre représentant nommé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et un autre nommé par le ministre de l'Éducation, ainsi que le président nommé par le gouvernement. Il y a deux volets. Le premier volet c'est, à l'article 3.11, un comité administratif sur les relations du travail - on y voit très bien le principe qui est inscrit dans le projet de loi 119 - composé de cinq membres: un président, un représentant de l'association d'employeurs siégeant au conseil, un représentant des associations d'employés et deux représentants nommés par le ministre du Travail.

Cela signifie, comme premier article important du projet de loi, que les parties, la partie syndicale et la partie patronale, pour la première fois depuis 1968, auront le contrôle de leur propre destinée, de leur avenir dans l'industrie de la construction en ce qui a trait aux relations du travail. Les parties syndicale et patronale seront associées constamment dans un processus continu de négociation. Si on prend la liste des quinze rondes de négociations passées, M. le Président, on ne peut pas dire que, dans ce domaine, on a négocié de façon bien ouverte. On se rappelle la loi spéciale de 1970 parrainée par le ministre du Travail de l'époque, M. Pierre Laporte, déterminant les conditions de travail pour une période de trois ans. On se rappelle, en 1973, la loi spéciale proposée par le ministre, M. Jean Cournoyer, accompagnée de la loi 9 amendant la clause de représentativité syndicale. On se rappelle, en 1976, que l'Assemblée nationale a accordé au ministre

du Travail les pouvoirs requis pour amender le contenu et la durée des décrets dans le but d'assurer la tenue des jeux olympiques. Qu'on se rappelle 1979. En 1979, une exception. C'était la seule convention collective qui fut réellement négociée et prolongée par décret selon la procédure prévue par la loi.

Il faut ajouter peut-être par rapport à 1979 que c'était à la veille du référendum de 1980 et qu'une des parties syndicales a fait preuve de complaisance et peut-être même de collusion avec le gouvernement dans le but d'éviter une grève. 1982. Utilisant les pouvoirs d'urgence qui lui avaient été conférés en 1972, le ministre promulgue d'autorité, contre la volonté de la partie patronale clairement édictée en assemblée générale, les conditions de travail qui prévaudront pour les deux années suivantes.

Alors, le cheminement constant a été sans l'ombre d'un doute qu'au chapitre des relations du travail dans l'industrie de la construction cela n'a jamais fonctionné, parce qu'il n'y a jamais eu de conditions propices pour mettre les gens autour d'une même table. Les gens qui ont été au pouvoir pendant neuf ans ne s'en sont pas aperçus ou, s'ils s'en sont aperçus, ils n'ont rien fait pour corriger la situation. Le Parti libéral du Québec, lui, a le courage politique de corriger cette situation.

M. le Président, au chapitre de ce volet des conditions de travail, quelles ont été les conséquences de cet état de fait? La loi fut amendée à plusieurs reprises, soit environ une trentaine de fois. Ces multiples interventions ont eu pour effet d'imposer un contrôle de plus en plus grand de l'État sur le secteur de la construction. Entre autres, les pouvoirs de l'Office de la construction du Québec ont été élargis et le rôle des parties contractantes a été éliminé. Dès lors, au fil des ans, le contrôle de la main-d'oeuvre s'est limité à l'application bête du règlement de placement, aveuglément et sans discernement. Nous avons abouti par compromission et démission à cet...

M. Gendron: M. le Vice-Président.

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Mille-Îles. M. le leader adjoint de l'Opposition, sur une question de quorum?

M. Gendron: C'est cela. Je voudrais m'excuser auprès du député qui a un excellent discours. J'aimerais qu'il soit entendu par un plus grand nombre de collègues.

Le Vice-Président: Nous arrivons à ce moment-ci au quorum, M. le leader adjoint de l'Opposition. M. le député de Mille-Îles, si vous voulez continuer.

M. Bélisle: Je disais, M. le Président, que nous avons abouti par compromission et démission à cet étrange résultat - et je pense qu'on doit se le rappeler - totalement à l'opposé de ce que l'Etat visait par son intervention originale de 1968. Qui pis est, l'État-arbitre s'est transformé par le biais de son préjugé favorable aux travailleurs en allié du monde syndical par simple calcul électoraliste.

Je considère que ce cheminement a mené au contrôle par l'État et pour l'état de l'industrie de la construction, en posant comme prémisse que la partie syndicale demanderesse bénéficie d'une forte présomption de légitimité dans ses revendications. Dans ces conditions, les lois et règles du marché ne s'appliquent plus, ce qui entraîne des disproportions salariales inacceptables et des rémunérations injustifiables. Oui, c'est l'État qui a détruit les mécanismes de la juste offre et de la juste demande. Il revient dès lors à l'État de ressusciter les lois économiques fondamentales du marché du travail dans l'industrie de la construction.

Dans cette même veine, je pourrais vous citer de nombreux énoncés de personnes qui ont défilé au cours des dernières années devant la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu. Un exemple. Le lundi 31 mai 1982 - et je vous souligne ici le passage qui décrit pourquoi la commission était réunie -la commission est réunie afin d'entendre des organismes en regard des raisons - écoutez bien le titre de la commission - motivant l'impossibilité de s'entendre relativement aux modifications à apporter au décret de la construction adopté par le décret 3938-80 du 17 décembre 1980. (5 h 40)

Plus loin, le 31 mai 1982, M. André Chartrand, du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, s'exprimait ainsi, à la page 5110: "...MM. les membres de la commission, c'est maintenant devenu une coutume pour les partenaires de l'industrie de la construction de se présenter devant la commission pour solutionner les problèmes relatifs à l'établissement des conditions de travail applicables à notre secteur d'activité."

Bien plus, le président de la FTQ-Construction, lors de cette même commission parlementaire.» Et qu'on ne vienne pas nous dire, aujourd'hui, que la FTQ-Construction est contre le projet de loi 119. Écoutez bien, je cite M. Lavallée: "La loi est impraticable. Les beaux objectifs d'harmonisation des relations du travail qui ont présidé à l'adoption de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et à ses divers amendements, par la suite, n'ont jamais été atteints. (...) On l'a dit et redit devant diverses commissions parlementaires

et devant tous les comités d'enquête chargés de faire la lumière sur notre industrie: la loi est impraticable, parce qu'elle institue une pluralité et une concurrence syndicales quasi illimitées, tandis qu'elle crée artificiellement l'unité de la partie patronale." Ainsi de suite, ainsi de suite et ainsi de suite.

Je pense que j'ai fait la preuve... Je pourrais vous citer d'autres membres de centrales syndicales, d'autres présidents de centrales qui, tout au cours des débats en commission parlementaire, lors des lois spéciales depuis 1968, ont toujours dit la même chose. Je pense qu'il y a des gens qui étaient sourds dans cette Assemblée. Des gens ne voulaient pas comprendre. Ce soir, moi, je suis très fier de faire partie de ce gouvernement qui va instituer une gestion tripartite. Vous vous êtes vantés d'avoir inventé la cogestion. Vous l'avez peut-être inventée, mais dites-vous que, nous, présentement, on est en train de l'appliquer dans la réalité des faits dans l'industrie de la construction.

Deuxième volet, le volet de l'article 3.12. Le principe du projet de loi est confirmé et donne aux deux parties également - partie patronale et partie syndicale -le contrôle de la formation professionnelle, le contrôle de la compétence. Il me semble que c'est là une excellente mesure qui vise à la productivité, qui vise également à remplacer ce faux critère, soit le critère du nombre d'heures travaillées par un individu ou par un autre, et qui est totalement discriminatoire...

Une voix: Aberrant.

M. Bélisle: ...aberrant face au jeune qui ne peut pas avoir satisfait à ce critère, ce qui le place totalement en marge de la société. Ce que je dois vous dire et qui m'affecte beaucoup, c'est que ce critère, de la façon dont il est déterminé, l'industrie de la construction demeure la seule industrie au Québec qui a un tel critère pour limiter l'accès à des postes dans l'industrie. Prenons l'exemple des carrossiers, ceux qui réparent nos voitures, des coiffeurs, des infirmières, des avocats. C'est quoi le processus qu'on retrouve dans n'importe quelle industrie au Québec? C'est tout simple. On s'en va à l'école. On obtient un certificat d'études, ce qui est inscrit dans le projet de loi 119. Par la suite, on obtient un certificat de compétence. On se présente à des examens. On obtient donc une carte de compétence. Par la suite, on s'en va sur le marché du travail et là on demande à postuler un emploi. Avant l'arrivée de cette loi 119, ce n'était pas du tout ce qui se passait dans le domaine de la construction. On exigeait en plus que l'individu ait déjà complété du travail dans le domaine. Chose absolument impensable, inadmissible.

Comment les parties syndicales, patronales, peuvent-elles être en désaccord avec l'article 4 du projet de loi qui leur donne l'entier contrôle? Huit sur treize. Elles vont peut-être nous dire, comme elles nous le disaient l'autre jour: Le gouvernement, vous avez encore le nez là-dedans. Ôtez-vous donc de là! Vous avez nommé quatre représentants, vous nommez le président.

Moi, je dis la chose suivante, M. le Président: Qu'ils nous fassent la preuve dans les trois prochaines années qu'ils sont capables de se comporter en adultes et de régler autour d'une même table leurs problèmes en se parlant constamment. Je pense bien que dans quelque temps on pourra voir à l'horizon le gouvernement, à bon droit, diminuer peut-être le nombre de représentants au conseil d'administration de la Commission de la construction. Mais qu'ils ne viennent pas nous dire: Qu'est-ce que vous faites là, vous autres? Parce que, depuis 1968, la seule chose qu'ils cherchent à faire, c'est de dire publiquement non, non, non. On voudrait bien que vous ne vous mêliez pas de nos affaires. Cela, c'est la version publique, alors qu'en réalité on sait très bien que ce qu'ils veulent, c'est qu'ils veulent toujours que le gouvernement légifère, décrète et impose les conditions salariales, les normes de travail.

Il est évident, M. le Président, que le Parti libéral du Québec, avec ce projet de loi 119 est contre la surmonopolisation, est contre la surréglementation. Avez-vous conscience que le régime qui existe présentement a créé un monstre administratif qui est l'Office de la construction du Québec? Ce monstre administratif, M. le Président, il comporte plusieurs tentacules. On pourrait peut-être ajouter aussi tous ceux qui contrôlent l'industrie de la construction indirectement. Le monstre de contrôle et de réglementation dans l'industrie, l'OCQ, c'est 618 personnes, avec des emplois permanents, bien entendu. L'AECQ, c'est 85 personnes. Les syndicats, les centrales syndicales, les permanents d'affaires, les agents d'affaires, les secrétaires, les délégués de chantier représentent au-dessus de 500 personnes. C'est 1300 personnes chargées de réglementer, de contrôler une industrie. Si vous l'évaluez à 65 000 ou à 100 000, cela fait une proportion totalement aberrante que l'on ne peut absolument pas comparer à aucune autre industrie au Québec. C'est un super-monstre qui police une industrie.

Je pense que la seule solution pour diminuer cette surréglementation, c'est la solution envisagée par le projet de loi 119 qui est de faire qu'une fois pour toutes, dans un mécanisme constant, les gens autour d'une table, la partie syndicale et la partie patronale, puissent se parler, puissent négocier constamment, puissent mettre leurs

problèmes sur la table, établir des critères, établir des programmes de formation et en venir à des consensus.

Également, le Parti libéral du Québec est contre l'érection d'un système qui bloque l'accès à l'industrie et qui repose sur un critère artificiel, soit le nombre d'heures de travail. Ce que le Parti libéral du Québec veut, M. le Président, c'est responsabiliser les intervenants et faire en sorte qu'ils cessent de compter sur l'État.

M. le Président, je ne dois pas entrer dans le fin caractère des articles et analyser tout ce qui est inclus dans le projet de loi, mais j'aimerais attirer l'attention des gens qui nous écoutent sur les passages les plus importants qui inscrivent les principes du projet de loi: formation professionnelle, article 16, "85.1 La formation professionnelle a pour objet d'assurer une main-d'oeuvre compétente et polyvalente en fonction des besoins des employeurs, des salariés et des artisans de l'industrie de la construction". Ce n'est pas le besoin d'une classe spécifique, c'est le besoin de toutes les parties de l'industrie. Également, M. le Président, si on va un peu plus loin et qu'on regarde attentivement les articles 32 et 36, j'exhorte les salariés de l'industrie de la construction, ceux qui gagnent leur vie présentement, à lire ces articles. Ils vont s'apercevoir que leurs droits acquis sont protégés. Il n'y a pas de passe là-dedans. Il n'y a pas de truc de magie, en aucune façon. Finalement, les articles 41 et 42: "41. Les règlements adoptés en vertu de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction demeurent en vigueur jusqu'à ce qu'ils soient modifiés. 42. Le règlement sur le placement des salariés continue de s'appliquer." (5 h 50)

Cela signifie, M. le Président, contrairement à tout ce que l'on véhicule présentement dans les journaux, par les centrales syndicales et par certains membres de l'Opposition, qu'il y a continuité et que ce sont les parties qui décideront quand elles voudront modifier le règlement de placement. Une chose toutefois est changée: la carte de classification, qui a comme critère le nombre d'heures de travail, est éliminée. Mais le reste demeure en vigueur. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le projet de loi: les articles 41 et 42. Il faut les lire cependant pour avoir une idée de ce qu'ils disent.

M. le Président, en conclusion, je vais voter pour le projet de loi et l'adoption du principe de ce projet de loi longtemps attendu, qui remet aux parties le contrôle d'une industrie, ce qu'elles ont toujours souhaité et demandé publiquement. Je suis assuré qu'elles feront un excellent travail et que la partie syndicale et la partie patronale apprendront à se connaître pour améliorer le sort de leur industrie et l'amener vers un niveau qui n'a pas encore été atteint au

Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. J'écoutais le député de Mille-Îles et j'avais l'impression que j'entendais quelqu'un qui n'avait jamais fait de bureau de comté, qui ne savait pas ce qu'était un travailleur de la construction, qui n'avait jamais mis les pieds sur un chantier de construction, et surtout qui avait finalement réussi à faire le tour de passe-passe de parler durant 20 minutes sans aborder les problèmes majeurs que pose le projet de loi. Une espèce de discours de camouflage où on a essayé d'éviter de parler des problèmes de fond.

Le problème fondamental du projet de loi, c'est qu'il représente, pour des milliers de personnes, pour les jeunes à qui l'on a fait miroiter des possibilités d'emplois, pour les travailleurs actuels de l'industrie de la construction et pour l'ensemble de la population, une fumisterie monumentale.

On nous a présenté ce projet de loi comme étant le projet de loi qui créera de l'emploi dans l'industrie de la construction, qui permettra plus de possibilités d'emploi dans l'industrie de la construction. En réalité, plus de personnes seront amenées à se partager le même gâteau, plus de personnes vont se disputer le même nombre de postes. Comment peut-on penser s'adresser à l'intelligence des gens et penser faire croire aux gens que le projet de loi actuellement devant nous créera plus d'emplois, alors que ce qu'il fait c'est permettre à plus de personnes d'avoir accès à une industrie.

Plus d'emplois, c'est plus de "jobs" créées, plus de chantiers de construction en activité, plus de construction domiciliaire, plus de construction industrielle et plus de grands projets. C'est cela que signifie "plus d'emplois". Or, le projet de loi ne met évidemment pas en place de nouveaux projets de construction. Il fait simplement en sorte que les 65 000 ou 70 000 postes qui existent actuellement seront multipliés non pas uniquement par deux, ce qui représenterait le nombre de personnes actuellement compétentes, mais par un nombre indéterminé. Trois ou quatre fois plus de personnes pourront y avoir accès, car là, maintenant, on a ouvert le marché, non pas uniquement aux personnes actuellement compétentes, mais à toutes les personnes qui pourraient éventuellement le devenir par la formation et même plus, comme on le verra un peu plus tard.

Donc, M. le Président, c'est une fumisterie. Ce projet de loi ne créera pas

plus d'emplois. Il a, par ailleurs, été présenté dans l'engagement électoral du Parti libéral à l'égard de la construction comme étant la possibilité d'obtenir enfin un emploi. Je me rappelle les propos que tenait il y a quelques heures le leader du gouvernement, député de...

Une voix: De Gatineau.

M. Charbonneau: ..Gatineau - à cette heure-ci, on m'excusera d'avoir quelques trous de mémoire. Le député de Gatineau nous rappelait les problèmes de ses jeunes électeurs qui venaient le voir dans son bureau de comté, qui lui demandaient un emploi et à qui il n'était pas capable de proposer des débouchés. Est-ce que le député de Gatineau, le leader du gouvernement, va être en mesure de régler maintenant les problèmes de ces gens-là? Est-ce qu'il va être en mesure de régler le problème des jeunes qui sont venus le voir il y a quelques mois, quelques semaines ou quelques jours à son bureau de comté? Est-ce qu'il va pouvoir leur garantir à eux et à tous ceux qui vont aller le voir un emploi assuré dans l'industrie de la construction? Il sait bien que cela n'est pas possible. Le député de Mille-Îles, qui vient d'intervenir, sait bien que cela n'est pas possible. Mais on continue de faire croire dans les discours de l'autre côté que ce projet de loi va créer plus d'emplois, qu'il est la solution pour avoir accès à l'industrie de la construction.

Lorsqu'on regarde la réalité... On nous a dit: Les jeunes n'ont pas accès à l'industrie de la construction. D'abord, il faut se rendre compte que cela n'est pas exact. Seulement au cours des deux dernières années, plus de 20 000 nouveaux jeunes travailleurs ont eu accès à l'industrie de la construction. Il n'y a pas beaucoup d'industries au Québec, quand on regarde les secteurs industriels, qui peuvent prétendre avoir eu pour la jeunesse au cours des dernières années, depuis la crise économique en particulier, un taux d'accès aussi important que l'industrie de la construction. Je pense qu'il faut arrêter de charrier des faussetés. Il est évident que l'industrie de la construction est une industrie contingentée. Actuellement, n'y a pas accès qui veut. Néanmoins, au cours des dernières années, cette industrie a permis à des centaines de jeunes de s'introduire dans cette industrie et d'y avoir une place. Je pense que c'est un élément important à considérer.

Un deuxième élément à l'égard de la promesse qu'on a faite aux jeunes, c'est le fait que, lorsqu'on regarde de près le projet de loi, il n'y a pas une ouverture réservée uniquement pour les jeunes. En fait, quand on lit en particulier l'article 35 du projet de loi, on se rend compte que cet article permet à tout individu d'avoir accès à l'industrie s'il a plus de 16 ans et s'il obtient d'un employeur une garantie d'emploi de 500 heures. On n'indique pas dans cet article que ce sont les moins de 25 ans ou encore les moins de 30 ans mais bien toute personne de plus de 16 ans; elle peut avoir 45, 50, 60 ans. C'est ce que dit l'article alors qu'on a fait croire et qu'on continue de faire croire aux gens que ce projet de loi est précisément présenté pour faciliter l'accès des jeunes à cette industrie. La réalité est tout autre.

Le député de Mille-Îles nous disait tout à l'heure qu'on ne retournerait pas à la loi de la jungle. Très bien. C'est très intéressant d'entendre cette affirmation. Mais, qu'est-ce qui faisait qu'auparavant, il y avait la loi de la jungle? C'est qu'on avait la possibilité d'avoir accès à l'industrie de la construction par la corruption, par l'achat de cartes de compétence, de cartes de classification. Qu'est-ce qui va se produire? Avec la possibilité, pour quelqu'un qui n'est même pas compétent, d'obtenir un emploi dans la seule mesure où il pourra avoir une garantie d'emploi de 500 heures d'un employeur, cela va être relativement facile, comme l'indiquait l'ancien ministre du Travail du gouvernement Bourassa première version, M. Cournoyer, de trouver un oncle, un ami du député, un entrepreneur en construction qui est un bailleur de fonds du Parti libéral pour prendre entente avec la personne en disant: Tu n'auras pas 500 heures, mais ne te plains pas trop, ne va pas te plaindre par la suite parce que nous te signerons la garantie dont tu as besoin pour avoir ton permis de travail. Une fois que tu auras ce permis de travail, même si tu ne fais pas toutes les heures qu'on t'avait promises, tu pourras aller voir d'autres employeurs et tu auras ton permis de travail. (6 heures)

C'est un peu cela que l'ancien ministre indiquait en disant: Finalement, on se retrouvera dans une situation de "racket" de l'octroi d'une garantie d'emploi. On monnaiera les garanties d'emploi et on donnera l'impression que ces garanties sont vraiment exécutoires. On permettra à des gens même pas compétents d'avoir accès à l'industrie, simplement parce qu'une personne complaisante leur aura donné la garantie qu'ils auront 500 heures de travail.

M. le Président, c'est également une fumisterie à l'égard de la promesse d'accorder aux employeurs et aux salariés la responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre. Le député de Mille-Îles nous indiquait il y a quelques instants que, par ce projet de loi, les parties auront le contrôle de la formation. Il a lui-même reconnu par la suite que ce n'est pas tout à fait ce qui va se passer. Le gouvernement sera présent pour s'assurer que ces adolescents, patrons et employés - c'est ce qu'il nous a dit - sont

assez matures et ont fait la preuve qu'ils sont capables de s'occuper de la formation. Quand ils auront fait la preuve qu'ils sont capables de s'occuper de la formation, dans deux ou trois ans, nous, le bon et paternel gouvernement libéral, les affranchirons et nous leur permettrons de s'occuper de leur formation, comme de grands garçons et de grandes filles.

Pourtant, ce n'est pas ce qu'on disait le 22 novembre 1985 quand le Service des communications du Parti libéral du Québec rendait publics l'engagement électoral du Parti libéral et les promesses libérales à l'égard du secteur de la construction. On lisait dans la liste des engagements rendus publics ce jour-là: On s'engage, en particulier, à accorder aux employeurs et aux salariés de la construction la responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre. Il y a un an, les parties dans l'industrie de la construction étaient assez matures pour qu'on leur promette de leur remettre la formation complète dans l'industrie de la construction. Un an plus tard, maintenant que le Parti libéral est au pouvoir, ces gens ont perdu toute maturité, ils devront être sous la tutelle du gouvernement.

Voilà un exemple parmi tant d'autres, depuis un an, du double langage des libéraux. On dit quelque chose, on fait le contraire. On promet aux gens de prendre telle attitude et, quand on est au pouvoir, on fait le contraire. Cela s'est produit dans tellement de dossiers qu'il faudrait au moins une heure de discours pour pouvoir indiquer à la population du Québec tous les engagements électoraux qui ont été reniés par le Parti libéral et par le gouvernement libéral.

On nous a dit tantôt: Les droits acquis seront protégés. Le député de Mille-Îles nous a dit très sérieusement: Les droits acquis des travailleurs actuels seront protégés. Comment peut-il faire une telle affirmation quand le projet de loi 119 heurte de plein fouet et compromet le droit d'ancienneté, ce droit reconnu dans le fonctionnement de nos relations du travail depuis plusieurs années? Le droit acquis de l'ancienneté, c'est ce que compromet le projet de loi 119. Mais le député de Mille-Îles, qui n'a sans doute jamais mis les pieds sur un chantier de construction, dit: Écoutez, les droits acquis des travailleurs de l'industrie de la construction, nous les respectons.

Une voix: C'est un aristocrate.

M. Charbornneau: Oui, c'est sûr que c'est un aristocrate. Juste à l'écouter parler, on voit bien que c'est un aristocrate. Mais il faut se salir les mains de temps en temps. II faut aller voir ce que c'est. Quand on est député, il faut sortir de son bureau, il faut sortir des cocktails et aller sur les chantiers pour voir le monde. Il faut demander aux travailleurs de la construction s'ils considèrent que leurs droits à l'ancienneté vont être respectés. Ils vont venir vous le dire vendredi: Non, nos droits à l'ancienneté ne sont pas respectés, ne sont pas protégés. Notre droit acquis à l'égard de l'ancienneté n'est pas protégé. Pourtant, que se produit-il dans d'autres industries? Dans d'autres industries, on reconnaît toujours ce droit à l'ancienneté, ce qui fait qu'une usine du comté de Mille-Îles qui ferme ses portes ne permet pas, à ce moment-là, aux travailleurs de cette usine de se tourner vers l'industrie de la construction et d'aller prendre la place des gens qui sont dans l'industrie de la construction, pas plus qu'actuellement une réduction du personnel dans une entreprise qui est syndiquée, du comté de Mille-Îles, fait en sorte que, lorsqu'il faut rappeler du personnel, on va rappeler des travailleurs de la construction. Non, il y a un droit à l'ancienneté, il y a un droit de rappel et on rappelle d'abord les gens qui ont de l'ancienneté dans l'usine. Cela se fait un peu partout au Québec. Actuellement, on commence à battre en brèche ce droit acquis dans l'industrie de la construction. On va le battre en brèche par la suite dans d'autres secteurs industriels. C'est cela la réalité. On commence par l'industrie de la construction et, bientôt, on va compromettre ce droit acquis à l'ancienneté dans d'autres secteurs industriels.

M. le Président, un des droits les plus fondamentaux pour le travailleur de la construction, c'est le droit è un salaire et à maintenir son niveau de salaire. Que va-t-il arriver, M. le Président? Le Conseil du patronat lui-même nous a expliqué ce qui va arriver. Il disait: Ce projet de loi 119 va contribuer à abaisser les coûts de la construction. Comment les coûts de la construction vont-ils être abaissés? Bien simplement, M. le Président. Les plus vieux travailleurs de la construction, ceux qui ont des droits acquis actuellement, vont voir leur emploi remplacé compromis en fait, pas remplacé parce que leur emploi va continuer à exister, ils vont se voir remplacer par de plus jeunes travailleurs. C'est cela qui va arriver. De plus jeunes travailleurs qui sont moins expérimentés - ce n'est pas un tort de leur part - mais des jeunes travailleurs qui commandent des salaires moins élevés. C'est évident que les entrepreneurs de la construction vont pouvoir offrir sans doute des prix plus bas aux consommateurs, aux entreprises qui veulent agrandir, parce qu'ils vont avoir à leur disposition une main-d'oeuvre à meilleur marché. Qu'est-ce qu'on fait des droits acquis salariaux? Le député de Mille-Îles n'en a pas parlé. Ce n'est pas important. Mais très sérieusement, il est venu nous dire ici: Écoutez, on va protéger les droits acquis des travailleurs actuels de l'industrie de la construction. Mais ces gens-

là vont venir vous dire vendredi que leurs droits acquis, c'est aussi le droit à maintenir des conditions de salaire décent. C'est ce que vous ne faites pas dans le projet de loi 119. Vous n'êtes pas capable de garantir les droits acquis salariaux dans l'industrie de la construction. Comment pouvez-vous prétendre sérieusement que les droits acquis des gens qui travaillent actuellement dans cette industrie vont être protégés quand vous savez très bien que ce qui va arriver, c'est que les plus vieux travailleurs vont être remplacés par les plus jeunes, les pères par leurs fils et que ces plus jeunes vont avoir des salaires moins élevés? Ils vont commander des salaires moins élevés. Sans compter le fait que, si vous augmentez considérablement la main-d'oeuvre dans l'industrie, le même gâteau va aussi possiblement se voir partager par un plus grand nombre. C'est ce qui va arriver. (6 h 10)

Cela veut dire que - c'est une autre des questions soulevées par l'ancien ministre du Travail, M. Cournoyer - ce qui va arriver, c'est que plus de personnes se partageront le même gâteau et au total ces gens-là vont gagner moins d'argent. Si vous avez actuellement 65 000 postes, ces gens-là finissent avec ces 65 000 postes; c'est 65 000 personnes qui les occupent à temps plein. Ces gens-là, au bout de l'année, se sont ramassé un montant d'argent qui leur permet de vivre. Mais, si vous faites en sorte que les mêmes fonctions puissent être remplies par 100 000 personnes, c'est évident que le salaire de ces 100 000 personnes sera moins élevé. Ces gens-là vont gagner annuellement moins cher. Vous vous retrouvez dans une situation où vous allez non seulement créer l'illusion de créer des emplois, mais vous allez appauvrir dans les faits les travailleurs et les travailleuses dans l'industrie de la construction. C'est la réalité et c'est à l'encontre du respect des droits acquis, M. le Président.

Il y a une autre fumisterie qui a été véhiculée et que constitue ce projet de loi 119, c'est la fumisterie que le projet de loi 119 va faire disparaître le travail au noir. Il n'y a pas un député qui est intervenu, y compris le ministre du Travail, y compris le leader du gouvernement, y compris le député de Mille-Îles, pour nous expliquer comment le travail au noir disparaîtrait. Comment le travail au noir va-t-il disparaître quand vous allez obliger les pères de famille à aller concurrencer au noir leurs fils qui auront pris leurs emplois et de s'offrir sur le marché de la construction au noir à des salaires plus bas encore que ceux de leur fils? Comment pouvez-vous nous expliquer que le travail au noir va disparaître? Comment allez-vous dire cela aux travailleurs et aux travailleuses de la construction qui vont venir témoigner en commission parlementaire jeudi et vendredi prochain, M. le Président? Comment pouvez-vous prétendre honnêtement et sincèrement que le travail au noir va être réduit ou même disparaître? Il faut vraiment avoir une attitude machiavélique pour continuer à soutenir que le projet de loi 119 est un projet de loi qui crée de l'emploi, est un projet de loi qui protège les droits acquis des travailleurs de la construction, est un projet de loi qui va abolir et permettre de régler une fois pour toutes le problème du travail au noir, est un projet de loi qui redonne le contrôle de la formation aux parties, alors que pour toutes ces questions importantes le contraire va se produire.

M. le Président, le Parti libéral a été élu, comme chaque gouvernement, non pas pour détériorer une situation mais pour l'améliorer. Le Parti libéral a comme responsabilité, maintenant qu'il est au gouvernement, de maintenir un des acquis les plus importants dans l'industrie de la construction au plan de l'activité économique du Québec, c'est-à-dire la paix industrielle et la paix sociale. Cette responsabilité qu'a le gouvernement, il est en train de la compromettre dangereusement. Je crois qu'à cet égard le projet de loi qui est devant nous, non seulement en fonction des éléments que j'ai mentionnés au cours de mon intervention, mais également à l'égard de la conséquence sur la paix sociale et la paix industrielle au Québec, mérite non seulement d'être combattu mais d'être battu. C'est la raison pour laquelle nous allons voter contre ce projet de loi; c'est la raison pour laquelle nous faisons ce combat parlementaire et c'est la raison pour laquelle nous allons faire ce combat parlementaire jusqu'au bout. Je peux vous assurer, M. le Président, que dans un ou deux ans ce sera probablement les députés d'arrière-ban, qui aujourd'hui se font les porte-parole serviles du ministre du Travail, qui iront en caucus demander au gouvernement, à leur ministre du Travail: Rétablissez l'ordre. Cela n'a plus de bon sens, on n'est plus capable de supporter la pression quand on travaille à notre bureau de comté le lundi. Ce que l'on a fait à la fin de 1986 était une aberration. Revenons à ce qui existait avant, à l'époque où cela marchait mieux. Voilà ce que nous disons maintenant au gouvernement.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Charles Messier

M. Messier: Merci, M. le Président. Il y a quelques minutes, le député de Verchères s'excusait auprès de cette Chambre de ne pas se rappeler le nom de la circonscription électorale du leader parlementaire. Ce que je demanderais à la population, aux électeurs du

comté de Verchères, c'est d'oublier le discours que le député vient de prononcer, un dicours vide de sens tant dans sa forme que dans son contenu.

M. le Président, avec la loi 119, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, cette industrie aurait une chance de se prendre en main; non pas qu'elle ne soit pas autonome puisqu'elle constitue un des principaux domaines de travail au Québec, mais elle se prendrait en main plutôt en s'assurant d'embaucher des travailleurs compétents, en mesure de répondre réellement à ses besoins et, mieux encore, ces travailleurs pourront désormais être des jeunes pour qui le marché dans le domaine de la construction était hermétiquement fermé et ce, depuis fort longtemps.

Le système de formation tel que décrit dans la loi devrait ainsi garantir une relève expérimentée de façon à garder l'expertise déjà acquise au Québec dans le domaine de la construction, mais aussi en uniformisant, partout en province, les compétences et les connaissances des travailleurs. Ce n'est plus un secret pour personne, M. le Président, que les gens qui désiraient oeuvrer dans le domaine de la construction devaient compter plus sur leur chance que sur leur compétence. À preuve, la moyenne d'âge des gens impliqués dans les différents métiers est de 41 ans pour les électriciens, de 48 ans pour les briqueteurs-maçons et les charpentiers menuisiers et de 49 ans pour les peintres et les plombiers. Êtes-vous au courant, M. le Président? Parfait! Et même chez les apprentis, M. le Président, la moyenne d'âge dépasse largement les 25 ans. Tout cela parce que le système de formation actuel est trop lourd, trop complexe, mais surtout beaucoup trop long. Calculé en nombre d'heures travaillées, M. le Président, cela peut prendre quelques mois, même quelques années, soit de huit à neuf ans d'apprentissage avant d'atteindre le degré d'expérience requis. Mais, là encore, ce n'est que par un simple examen écrit que l'on vérifie les compétences des travailleurs. Non pas que je mette en doute les capacités des ouvriers de la construction, mais on ne peut s'empêcher de remarquer que nombre d'entre eux échouent au moment du test, soit 80 % d'échecs chez les charpentiers menuisiers, 71 % chez les électriciens et la liste pourrait s'allonger. En associant le ministère de l'Éducation au milieu de la construction afin de dispenser la formation adéquate en milieu scolaire, il est permis de penser que ces taux seront à la baisse; plus encore, un tel système de formation raccourcira la durée de l'apprentissage et devrait permettre aux entrepreneurs de bénéficier des services de gens aptes à combler leurs besoins, tout cela en permettant aux jeunes issus du secondaire de mieux s'intégrer dans ce milieu qui leur était fermé puisqu'ils recevront désormais une formation technique complète et auront l'occasion de l'expérimenter sur des chantiers-écoles. Ces chantiers, qu'ils soient publics ou privés, faciliteront l'apprentissage précis des connaissances et pourront offrir aux jeunes la chance d'acquérir une expérience pratique. Ensuite, la Commission de la construction du Québec pourra délivrer un certificat d'apprentissage qui leur ouvrira les portes de ces chantiers.

Actuellement, M. le Président, le seul moyen d'entrer sur un chantier c'est de satisfaire aux exigences d'heures travaillées minimales. Pourtant, les jeunes ne peuvent espérer atteindre ces normes sur leur banc d'école. C'est ainsi qu'on se retrouve actuellement avec seulement 1300 apprentis de moins de 20 ans sur les 15 400 que compte la province. Ce qui ne signifie pas pour autant que l'on doive à l'avenir faire de la discrimination positive, c'est-à-dire favoriser l'embauche des jeunes au détriment des travailleurs plus âgés. Au contraire, la nouvelle loi met l'accent sur l'acquisition des compétences, mais aussi sur la reconnaissance de ces mêmes compétences. Il suffira alors de s'en tenir à ces critères pour s'adjoindre des travailleurs mieux formés. (6 h 20)

Comme député d'une région, comme vous d'ailleurs, je reçois quotidiennement des travailleurs, des jeunes et des moins jeunes, qui me disent: J'ai un document officiel d'un employeur qui atteste qu'il est prêt à m'engager, mais ce même employeur me demande d'avoir ma carte. Malheureusement, je suis obligé de le ramener sur terre et de lui dire qu'il y a un cercle vicieux, que, dans le domaine où il veut travailler, soit le domaine de la construction, des travailleurs sont disponibles dans toute la province, non pas dans sa seule région, mais dans toute la province. Autrement dit, M. le Président, je dois lui dire carrément: Va faire un tour au bien-être social pour voir ce qui se passe là-bas. C'est la justice du Parti québécois, c'est la politique discriminatoire du Parti québécois que nous allons corriger avec la loi 119. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous indiquait qu'il y a plus de 5000 travailleurs dans l'industrie de la construction du Québec qui détiennent un certificat de qualification et qui sont âgés de 65 ans et plus. On refuse de donner la possibilité aux jeunes d'entrer sur le marché de la construction, ce qui pourrait, de surcroît, aider à rajeunir notre main-d'oeuvre.

Cette loi, M. le Président, n'enlève rien aux travailleurs de la construction. On remplace la carte de classification par un certificat de compétence. Cette loi n'affecte en rien les taux de salaires ni le régime des avantages sociaux, le régime de retraite ni la paie de vacances. Cette loi enlève les

barrières discriminatoires face aux jeunes. On leur donnera la possibilité d'entrer dans un marché dont le Parti québécois leur avait fermé la porte. Le gouvernement libéral n'en est pas à ses premières armes dans l'abolition des mesures discriminatoires. Nous enlevions il y a quelques mois les barrières discriminatoires face aux personnes qui retiraient le salaire minimum. Notre gouvernement a ajusté ce même salaire minimum, le faisant passer de 4 $ à 4,35 $ l'heure, et ce, aussi, pour les moins de 18 ans pour qui la hausse a été de 0,81 $ l'heure.

Dans un tout autre domaine, M. le Président, le nouveau système de formation que propose le projet de loi 119 pourra nous assurer une main-d'oeuvre compétente, polyvalente, dont les prémisses de base seront les besoins, les réalités tant des employeurs, des salariés que des artisans de l'industrie de la construction.

M. le Président, en terminant, le système suggéré propose effectivement l'entrée des jeunes dans l'industrie de la construction, il permet une relève. Je sais que cela choque le Parti québécois quand on parle de relève; d'ailleurs, je l'ai souligné lors de l'interpellation de vendredi dernier, c'est par un signe de nostalgie qu'on retrouve le Parti québécois. Le plus jeune député, le député de Verchères, commence déjà à blanchir; on n'a plus de relève au sein de cette formation politique. Il y a un an, jour pour jour, la population québécoise se donnait quinze jeunes députés libéraux de moins de 35 ans.

Pour revenir à la loi 119 qui permet une relève dans le domaine de la construction, cette relève sera formée en fonction des besoins de l'industrie; cette relève fonctionnera selon une formule que le Parti libéral est en train d'adopter.

M. le Président, demain, on pourra voir dans les journaux, on pourrait même dire ce matin parce qu'il est 6 h 30, comme titre: Les engagements pris sont tenus par le Parti libéral du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier M. Gauthier: Merci. Des voix: Bravo!

M. Gauthier: M. le Président, c'est à partir de déclarations comme celle que je vais vous citer que le gouvernement en est venu à produire ce projet de loi qui, à notre avis, est bien sincèrement au-delà des farces qui peuvent se faire à cette heure-ci du matin, après avoir siégé durant toute une journée et toute une nuit. C'est un projet de loi sur lequel nous avons vraiment l'intention d'attirer l'attention du gouvernement pour une modification parce que, à notre avis, il y a dans ce projet de loi des éléments qui vont créer, au Québec, des problèmes énormes, principalement à ceux qui font partie d'une catégorie de gens très vulnérables, les gens de la construction. Voici la citation, M. le Président. Elle est du député de Portneuf, qui était le porte-parole en matière de travail, je crois, dans l'Opposition officielle à l'époque et qui est aujourd'hui ministre de l'Agriculture: Ce règlement prive des centaines de milliers de travailleurs du Québec, de sorte qu'aujourd'hui on a des gens qui sont en chômage - le député de Portneuf disait cela - qui sont désireux de travailler, qui ont un emploi disponible et qui voudraient travailler, plutôt que de vivre de prestations.

Une citation comme celle-là, d'autres personnes l'ont reprise à leur compte, l'ont enrichie et ont fait en sorte qu'on en est venu à croire et à faire croire à plusieurs députés, à plusieurs citoyens au Québec que le fait d'enlever ce qu'on appelait la carte de construction, le fait d'ouvrir le marché de la construction à tous les citoyens du Québec qui sont intéressés à faire de la construction - je démontrerai tout à l'heure que tel est le cas et c'est écrit noir sur blanc dans le texte de loi qui nous est proposé - cela permettrait de créer des emplois.

Je pense que le leader du gouvernement mentionnait que dans notre parti on a tous eu - je sais que mes collègues, au-delà de la partisanerie, ont également eu cela dans leur bureau de comté - des gens qui sont venus nous dire: J'aurais un emploi si j'avais ma carte. C'est arrivé quotidiennement. M. le Président, dans le comté de Roberval, j'ai fait une petite vérification. Je tiens à mettre mes collègues en garde. C'est très sérieux ce que je vais dire, puisque je l'ai expérimenté. J'étais, comme probablement plusieurs de mes collègues d'en face, un peu fatigué de me faire dire par des citoyens, par des électeurs: J'aurais du travail si j'avais ma carte. Or, j'ai fait un test quand on a procédé à la construction du gazoduc qui passait au Saguenay—Lac-Saint-Jean et qui s'adonnait à passer dans la municipalité de Lac-Bouchette dans mon comté. Un bon lundi matin, à mon bureau, deux citoyens de Lac-Bouchette sont venus me voir. Ce que je raconte est très exact et on aurait avantage à m'écouter. Deux citoyens de Lac-Bouchette sont venus me voir avec deux jeunes dont je connaissais très bien les pères. Ils sont venus m'implorer, comme si je pouvais changer la loi, afin d'obtenir une carte de construction.

Ils s'étaient, en effet, présentés au chantier du gazoduc près de chez eux et un

entrepreneur leur avait dit bien simplement: Avez-vous vos cartes? Ils ont dit non. L'entrepreneur a dit: Si vous aviez vos cartes, j'aurais justement du travail pour vous. Évidemment, la réaction normale de ces citoyens a été de venir voir le député pour se plaindre du règlement de placement pour dire: S'il n'y en avait pas, j'aurais du travail. J'étais fort de cette expérience et heureux d'apprendre qu'il y avait du travail de disponible. Il y a cinq travailleurs dans la municipalité de Lac-Bouchette qui ont des cartes de construction. Sur les cinq travailleurs, un seul était dans le chantier du gazoduc. J'ai donc appelé les autres que je connais tous - j'en suis d'ailleurs fier - pour leur dire: II semble qu'il y aurait deux emplois de disponibles dans le chantier du gazoduc, puisque MM. Untel et Untel que vous connaissez - c'est une petite municipalité, tout le monde se connaît - se sont vu offrir des emplois s'ils avaient leur carte. Alors, vous avez vos cartes, allez-y.

M. le Président, ils sont allés rencontrer l'entrepreneur. Je le répète, je suis extrêmement sérieux quand je raconte cela; c'est vraiment ce qui s'est passé. Ils sont allés voir l'entrepreneur pour se faire dire qu'il n'avait pas besoin d'eux, qu'il avait toute sa main-d'oeuvre, que c'était de la main-d'oeuvre spécialisée et qu'il n'y avait aucun poste de disponible.

Voilà le véritable noeud du problème que vivent les travailleurs québécois qui n'ont pas de carte et à qui on promet des emplois. Effectivement, des entrepreneurs, pour des raisons d'accommodation probablement ou pour toute autre raison, pour tout autre but, politique ou autre, je ne sais trop je ne voudrais pas qualifier une telle attitude - peut-être pour se débarrasser de personnes à qui on ne peut pas fournir de travail et à qui on ne veut pas donner de raison ont pris l'habitude de répondre: As-tu ta carte? Si tu avais ta carte, je te donnerais de l'ouvrage; va voir ton député. (6 h 30)

Sachant fort bien que, premièrement, le député ne peut pas donner de carte comme cela, parce que la loi et le règlement sont là et que, évidemment, le député n'est pas au-dessus des règlements, et sachant aussi que ces travailleurs seront furieux contre le règlement de placement... On pourrait peut-être se demander maintenant pourquoi les entrepreneurs pourraient bien avoir envie de se débarrasser de ce règlement. N'est-ce pas ce qu'on appelle la sécurité minimale pour un bassin de main-d'oeuvre qui est extrêmement vulnérable dont le travail, dont le pain quotidien dépend des fluctuations du marché de la construction, dépend des grands chantiers, dépend de l'activité économique dans son ensemble? N'est-ce pas commode pour un entrepreneur de pouvoir puiser dans n'importe quel bassin de main-d'oeuvre, à l'occasion, de prendre des gens qui sont à côté de chez lui plutôt que de payer une pension, du déplacement ou des choses semblables, d'avoir des travailleurs que l'on peut exploiter plus facilement parce qu'ils sont extrêmement vulnérables et en quête d'un emploi?

Je pense qu'il faut y penser deux fois avant d'enlever un règlement comme celui-là. L'industrie de la construction, en dehors du fait qu'elle n'a pas de murs, c'est exactement comme une autre industrie. Adopter un projet de loi comme celui-là, ce serait un peu l'équivalent d'adopter un projet de loi pour enlever, par exemple... Je vois le député de Saint-Louis qui a déjà été président de la Fédération des commissions scolaires. C'est un homme de bon sens qui connaît les problèmes du milieu du travail. Je suis persuadé qu'il n'accepterait pas que sa formation politique enlève tous les mécanismes de sécurité dans le monde de l'enseignement, par exemple, laissant aux commissions scolaires la possibilité d'engager à la petite semaine tantôt un enseignant disponible tantôt un autre, un peu comme on le fait pour les suppléances, mais là on ne peut pas faire autrement, malgré qu'on établisse des listes prioritaires. Je suis certain qu'il ne serait pas d'accord avec sa formation politique là-dessus. Or, aujourd'hui, il s'apprête à voter, ce député de Saint-Louis - je fais appel à lui comme aux autres -pour un règlement qui va créer exactement le même chaos dans l'industrie de la construction.

Est-ce qu'on doit partir du principe qu'il y a des milliers d'enseignants formés dans nos universités qui n'ont pas de travail pour dire que les mécanismes de sécurité d'emploi dans le monde de l'enseignement empêchent des jeunes diplômés, qui ont dépensé de l'argent pour se faire instruire pendant trois ans à l'université et qui n'ont aucune possibilité de travail, à qui on empêche complètement l'accès au marché du travail... Est-ce qu'on va abolir la sécurité d'emploi dans le monde de l'enseignement pour ouvrir les portes à ce bassin de main-d'oeuvre qualifiée que sont les enseignants frais émoulus des universités et qui n'ont pas de travail?

Je suis certain que cela ne viendrait à l'idée d'aucun député dans cette Chambre. Dans l'industrie de la construction, au-delà de la notion de murs qui n'existent pas, évidemment, comme à l'industrie Domtar ou comme dans l'enseignement ou comme à l'hôpital X, Y ou Z, pourquoi, dans l'industrie de la construction, les travailleurs qui ont acquis par les années une certaine expérience, qui ont acquis certains droits, pourquoi leur enlèverait-on à eux ce minimum de mécanisme de sécurité qu'est le règlement de placement sous prétexte qu'il y a beaucoup de gens qui ont suivi des cours

de maçon, d'ouvrier, d'électricien et de je ne sais trop quoi et qui veulent travailler dans cette industrie? Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer pourquoi, sinon d'avoir une conception du secteur de la construction comme étant un déversoir de toute la main-d'oeuvre qui reste et qui ne travaille pas ailleurs? Pourquoi ferait-on cela dans la construction?

Quant à cela, le gouvernement, avec les mêmes objectifs de justice sociale, avec les mêmes objectifs de déréglementation qu'on nous a servis tantôt, pourquoi n'abolirait-on pas, je ne sais pas, la sécurité d'emploi dans les hôpitaux? Il y a plusieurs infirmières diplômées qui ne travaillent pas. Pourquoi n'abolirait-on pas la sécurité d'emploi dans l'enseignement? Pourquoi n'abolirait-on pas la sécurité d'emploi dans toutes les industries du Québec, puisqu'il y a plein de gens qualifiés qui ne travaillent pas? Mais est-ce que cela rajouterait des postes d'enseignants que d'enlever la sécurité d'emploi dans l'enseignement et de permettre que le travail, au lieu d'être divisé entre 70 000 personnes, soit divisé entre 100 000 personnes? Est-ce que cela ajouterait un seul job au Québec que d'enlever ce mécanisme minimal de sécurité?

Le raisonnement est le même dans la construction. Est-ce que cela ajoutera une seule "job" dans la construction que d'élargir le bassin et d'enlever à ces travailleurs vulnérables le seul mécanisme de protection et de sécurité sociale qui leur est disponible depuis quelques années?

M. le Président, c'est un pensez-y bien. Je sais que des collègues en face doivent probablement réfléchir à ce propos. Je les invite à répondre. Le député de Saint-Maurice ne devrait pas rire, M. le Président. Il devrait plutôt se servir de son droit de parlementaire, s'en aller à son bureau, utiliser son droit de parole et me démontrer que je n'ai pas raison dans la démonstration que je fais. S'il était un homme et s'il était un digne représentant de ses citoyens, il devrait, M. le Président, utiliser les moyens de cette Assemblée nationale pour représenter ses citoyens et non pas faire des âneries à 6 h 30 et me déranger dans mon droit de parole.

M. le Président, j'ai ' essayé - j'ai l'impression que la vérité fait mal à certaines personnes - de voir ce que ce projet de loi permettait de faire. On nous avait annoncé qu'on laisserait des droits aux anciens travailleurs. J'ai entendu le député de Mille-Îles dire tout à l'heure: On conserve des droits pour les anciens travailleurs de la construction, on ne leur enlève rien, on en ajoute à d'autres.

M. le Président, j'ai essayé de voir qui pourrait ne pas être admis dans la construction au Québec avec ce projet de loi. Une fois qu'on a fait le tour de tous les articles du projet de loi, on voit que l'article 32 ouvre la construction à ceux qui ont un certificat de compétence, l'article 33 ouvre aux personnes de seize ans et plus qui ont une garantie d'emploi de 500 heures, à toutes les autres personnes avec un cours de sécurité et une garantie d'emploi de 500 heures, ensuite, à tous ceux qui ont déjà travaillé dans une autre province, dans un métier donné ou qui ont l'intention d'aller travailler à l'extérieur du pays dans un métier donné.

Quand on fait la somme de ces passoires qui existent dans votre loi, la question qu'on est en droit de se poser - et je vais la poser au ministre du Travail en commission parlementaire parce que je vais y siéger avec le ministre du Travail - qui au Québec - et je vous défie de me répondre; vous êtes plusieurs, que quelqu'un me réponde s'il le peut - pourrait réussir à ne pas être admis dans l'industrie de la construction avec la passoire que vous avez créée? Qui au Québec? Donnez-moi le profil de celui au Québec qui ne serait pas admis dans la construction? Je vais vous le dire: S'il n'a pas seize ans, il ne sera pas admis dans l'industrie de la construction. Pour le reste, c'est ouvert à peu près à toute main-d'oeuvre, y compris à celle qui ne répondant pas à ces critères...

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gauthier: M. le Président, il faudrait que les gens d'en face essaient de comprendre qu'au-delà des quolibets, des farces qu'ils peuvent faire ce matin, l'article 32 du projet de loi ouvre la construction à tous ceux qui ont un certificat de compétence. Est-ce que l'article 33...

Une voix: Et la situation actuelle?

M. Gauthier: D'accord. Donc, il y a une certaine quantité de travailleurs, vous l'admettez, qui y sont admis. Il y en a déjà, des travailleurs. Ceux qui ne répondent pas à l'article 32, ne répondraient-ils pas par hasard à l'article 33 qui dit que si vous avez plus de seize ans et un certificat d'études, vous l'avez? Ce sont les jeunes diplômés. On les ajoute, ceux-là.

Deuxième catégorie, à l'article 33 toujours, M. le Président. Vous avez seize ans, vous n'avez pas de cours spécialisé, mais vous obtenez, par en dessous de la table ou autrement, un certificat disant: Tu vas travailler 500 heures et tu as ta carte de construction. Si tu n'es pas là-dedans et si tu es un salarié de seize ans et plus, tu te trouves un certificat de 500 heures, tu suis un cours de sécurité et tu l'obtiens, encore une fois, ton droit de travailler. Si tu n'es pas dans ces catégories, tu n'as qu'à

avoir travaillé dans une autre province, dans un métier quelconque, et tu l'obtiens. Si tu n'es pas dans cette catégorie, tu n'as qu'à dire que tu as l'intention d'aller travailler à l'extérieur du Québec pour un entrepreneur et tu obtiens ta carte. (6 h 40)

M. le Président, si, par hasard, cela ne faisait pas assez de monde dans le lot des travailleurs de la construction, on ajoute: Si tu viens d'une autre province et que tu as un métier, une qualification, tu peux venir sur un chantier du Québec.

Mais, M. le Président, la question que je leur pose de nouveau et à laquelle celui qui prendra la parole après pourra répondre, c'est qu'on me décrive donc le profil de celui qui ne pourra pas accéder au marché de la construction avec votre loi. Au lieu d'avoir 70 000 travailleurs ou 100 000 travailleurs de la construction, si on passe à 200 000, à 150 000 ou 190 000 au rythme, il faut bien le dire, où les travaux se dérouleront dans les régions... Tantôt, dans des régions éloignées, il y aura des travaux importants. Supposons que ce soit dans la région de Chibougamau ou de Chapais ou dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, à ce moment-là, cela fait tout un bassin de main-d'oeuvre locale qui va inonder la construction. Les vrais travailleurs de la construction qui ont peut-être travaillé trois mois l'année passée vont être noyés dans le flot de travailleurs. Là vont commencer les "games" en dessous de la table, vous le savez, pour se faire engager par des entrepreneurs et pour négocier des salaires en dessous de la table, pour négocier des ristournes. Cela a déjà été comme cela dans la construction au Québec. Vous savez que cela va redevenir comme cela. Je ne comprends pas pourquoi un parti politique... Sur quel principe pouvez-vous vous appuyer pour enlever à des travailleurs le seul mécanisme de sécurité qui leur reste? À quand la disparition des mécanismes de sécurité dans l'enseignement, dans les hôpitaux ou ailleurs dans les autres secteurs? C'est exactement ce que vous faites en nous demandant d'adopter ce projet de loi qui modifiera complètement les règles dans l'industrie de la construction.

M. le Président, encore une fois, j'exhorte le gouvernement à revenir à de meilleures intentions, à considérer les travailleurs de la construction avec les droits qu'ils ont acquis avec les années, non pas comme des gens qu'il faut garder dans un secteur déversoir, non pas comme des gens qui sont dans un secteur marginal, mais comme des gens qui font partie d'une activité économique importante et à qui il faut garantir un minimum de droits.

Juste une minute, en terminant, M. le Président. Vous m'indiquez que mon temps achève. Je m'inquiète également de toute la question de la mobilité de la main-d'oeuvre parce que je me souviens d'avoir lu - si ma mémoire est exacte, c'est l'été dernier dans un journal de Toronto - une déclaration du ministre de l'Énergie de l'Ontario concernant les différentes possibilités de s'associer au Québec dans les projets hydroélectriques dans le Nord du Québec et qui répondait: II n'est pas question qu'on aille faire des projets de construction de barrages hydroélectriques ailleurs que chez nous s'il n'y a pas un minimum de main-d'oeuvre proportionnelle qui puisse accéder à ces chantiers. Je crains, M. le Président, qu'en enlevant la protection aux travailleurs de la construction comme on le fait, tantôt, sur les grands chantiers que le premier ministre lui-même voudrait faire en collaboration avec des Américains ou avec des Ontariens, cette mobilité qu'on consacre maintenant dans une loi ne fasse en sorte que nos véritables travailleurs de la construction au Québec et ceux qui s'y ajoutent ne soient pas les premiers servis, qu'on ne perde énormément d'emplois dans ce secteur, qu'on ne perde surtout des acquis très chers et qu'on ne revienne à ce qu'a déjà été la construction au Québec, c'est-à-dire quelque chose qui se faisait en dessous de la table, de toutes sortes de façons plus ou moins légales, ce qui a amené des troubles sur les chantiers et qui a dérangé la paix sociale. Je crains fort que ce qu'on fait dans la construction ne soit l'équivalent d'enlever la sécurité d'emploi dans d'autres secteurs comme l'enseignement, les hôpitaux ou d'autres. Cela ne peut pas être accepté. Je sais que les travailleurs de la construction ne l'accepteront pas. Nous lutterons jusqu'à la limite de ce que nous permet ce Parlement pour éviter ce que j'appelle ce carnage dans le monde de la construction au Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a une autre personne qui veut intervenir? M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il faut croire que nos collègues d'en face commencent à être épuisés et qu'ils manquent d'idées puisque le principe de l'alternance a tendance à s'effriter. Ou ils sont peut-être tous endormis après nous avoir...

Des voix: On est là.

M. Claveau: Vous êtes là? Cela me fait extrêmement plaisir de savoir que vous êtes là, parce qu'on en a encore beaucoup à dire sur le projet de loi en question.

Tout au long de cette longue nuit de veille, les intervenants ministériels ont gravité autour de quelques principes, de

quelques grandes lignes. Personnellement, j'ai discerné cinq lignes qui se veulent être les points forts, qui se veulent être les lignes mattresses, les lignes directrices pour justifier un tel projet de loi. D'abord, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu s'attaque à deux questions fondamentales. Il y a deux choses dans son discours. C'est facile à comprendre, il essaie de faire brailler tout le monde à partir de deux principes qui reviennent un peu comme le moulin à prières des Tibétains. Le moulin à prières des Tibétains, il faudrait que vous amélioriez votre culture, c'est la machine dont les Tibétains se servent pour faire leurs prières.

Il y a deux choses qui reviennent régulièrement, c'est là-dessus qu'est basée son argumentation. Il commence par nous parler du droit au travail pour les jeunes et, à l'entendre, on a envie de pleurer. Certes, il y a là un problème, c'est vrai, il y a un droit au travail pour tout individu en âge de travailler, sans discrimination, un droit au travail que tout gouvernement dans une société civilisée se doit de respecter. On doit effectivement faire en sorte, lorsque quelqu'un est apte au travail, qu'il puisse, dans la mesure des disponibilités et des possibilités, entrer sur le marché du travail. On doit lui faciliter l'accès au travail, certes, mais pas à travers des politiques ou des absences de politiques, des semblants de politiques qui se dégagent ici et là au hasard des événements. Non. À l'intérieur de véritables politiques d'emplois dynamiques, constantes, fermes, de véritables approches globales du problème de l'emploi dans une société et non pas en prenant en otage - et je dis bien prendre en otage - un secteur spécifique de notre économie, comme c'est le cas actuellement où on prend littéralement en otage l'industrie de la construction comme pour en faire un modèle et pour dire: Si on casse les reins aux gens de la construction, on sera capable d'aller plus loin.

On a déjà commencé, d'ailleurs, à le faire au niveau des comités paritaires. J'ai l'impression que ce gouvernement n'a pas beaucoup parlé de sa position face aux comités paritaires qu'il a carrément cessé de financer. Dans le domaine de la mécanique automobile, entre autres, les comités paritaires ont disparu, à toutes fins utiles. Certes, on dit: Oui, ils sont toujours là, ils existent, mais on s'organise pour qu'ils soient le plus inopérants possible. Or, cela est une des grandes réalisations de l'actuel gouvernement libéral en poste depuis exactement un an aujourd'hui. Mais il y a énormément de mécaniciens dans le domaine de l'automobile qui vont se rappeler avoir peut-être un jour, malheureusement, voté pour un gouvernement semblable.

Une voix: Majoritaire libéral.

M. Claveau: M. le Président, c'est à qui la parole?

Le Vice-Président: C'est à vous, M. le député.

M. Claveau: Une autre notion que le ministre fait miroiter à tout vent, c'est la notion de l'injustice. Il essaie de dégager à travers le problème spécifique de la construction la notion de l'injustice dans l'accessibilité au travail. Il véhicule faussement le problème de l'injustice au niveau du travail en faisant accroire à la population, aux jeunes du Québec, que, s'il ouvre l'industrie de la construction, il a réglé tous les problèmes de l'injustice dans le domaine du travail au Québec. C'est à peu près le message que nous laisse le ministre. Il nous dit: Les jeunes n'ont pas de place sur le marché du travail, mais on va leur ouvrir la construction, il va y avoir de la place pour tout le monde, cela va être agréable, cela va être plaisant de travailler dans la construction. Les jeunes vont avoir toute la place qu'ils souhaitent. (6 h 50)

Malheureusement, il y a des jeunes qui s'accrochent à cela. Certes, je les comprends, ils veulent travailler. Ils s'imaginent que, si c'est comme cela, peut-être qu'ils vont réussir à entrer sur le marché du travail. Mais vous les prenez en otages, eux aussi. Le gouvernement ne prend pas que l'industrie de la construction en otage. En voulant faire un exemple flagrant devant l'ensemble du monde du travail, il prend par la même occasion les jeunes en otage, il en fait des victimes qu'il va lancer aveuglément dans une industrie dure et sévère où les règles sont difficiles, et il va les confronter directement avec leurs parents et avec leurs aînés pour créer des conflits sur les chantiers de construction. C'est cela qui va arriver.

Avec des choses semblables, on va vivre des situations difficiles parce que les jeunes qui veulent travailler, qui ont le coeur à l'ouvrage, c'est vrai, on va leur avoir fait croire que cela va être facile pour eux d'arriver sur le marché de la construction. Sauf que, quand ils vont avoir les emplois, ils vont se rendre compte qu'ils sont en concurrrence avec quelqu'un d'autre. Ils ne sont pas en concurrence entreprise contre entreprise; non, il sont en concurrence travailleurs contre travailleurs, jeunes contre plus vieux. On ne fait qu'accentuer un conflit de générations qui est déjà grave au départ où il y a toujours eu, dans le domaine des relations du travail - ce n'est pas nouveau, ce n'est pas le nouveau gouvernement qui a inventé cela, il n'y a rien de sorcier là-dedans, tout le monde sait que

cela a toujours existé dans n'importe quel milieu de travail - une compétition naturelle qui s'établit entre, d'une part, les jeunes qui arrivent, fougueux, dynamiques, intéressés mais très peu expérimentés et, d'autre part, les aînés qui ont déjà une certaine sécurité, qui ont déjà une connaissance acquise de l'entreprise et qui peuvent se baser sur une expérience à long terme.

Il y a toujours là un joint qui n'est pas facile à faire et qui finit souvent par créer des frictions à l'intérieur de quelque entreprise que ce soit. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On met carrément les jeunes en affrontement direct avec les travailleurs de la construction qui sont là sur le terrain. On fait en sorte d'accentuer les conflits. On met en présence tous les différents éléments qui vont faire en sorte de nous faire un beau cocktail Molotov. Après, on va se demander comment il se fait que cela aura explosé et on va dire qu'il n'y a pas de raison.

Un autre principe, qui a été utilisé, celui-là par le député de Saint-Maurice, dit qu'il faut ramener le jeu de la concurrence. Comment ramener le jeu de la concurrence au niveau des entreprises? Est-ce qu'il n'existe pas de concurrence actuellement au niveau des entreprises de construction? Je pense qu'il y a déjà suffisamment de concurrence pour qu'on n'ait pas besoin d'accentuer encore la concurrence entre les entreprises de construction qui s'acharnent déjà l'une contre l'autre pour décrocher le peu de contrats qui sont disponibles dans leur région et dans leur milieu.

De quoi parlait le député de Saint-Maurice quand il parlait de concurrence? Il parlait de mettre en concurrence les travailleurs l'un contre l'autre. C'est cela qu'il nous disait, car il disait, par exemple, qu'il y a des travailleurs incompétents...

M. Filion: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Question de règlement, M. le député de Taillon.

M. Filion: Je ne sais pas s'il y en a qui rêvent tout haut, mais vous conviendrez avec moi qu'on a de la difficulté à entendre le député d'Ungava, même si on est assis l'un et l'autre presque à ses côtés. Je vous demanderais d'essayer de ramener à l'ordre ceux qui font des mauvais rêves.

Le Vice-Président: M. le député, un instant! Je demande, évidemment, la collaboration de tout le monde pour qu'on continue à écouter dans le silence chacune des interventions dans cette Assemblée. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. On comprend qu'ils puissent faire des cauchemars après avoir pris une telle décision sur un tel projet de loi.

Je disais donc que le député de Trois-Rivières, de Saint-Maurice, pardon, ce n'est pas loin, peut-être en cela appuyé par son collègue de Trois-Rivières, arrivait avec une notion de concurrence. Oui, mais quand il nous parlait de la notion de concurrence, il nous disait en même temps que, d'après lui, il y avait énormément de travailleurs dans la construction qui n'étaient pas compétents et que cela faisait en sorte que les coûts augmentaient, que les travaux ralentissaient, etc. Alors, il nous a dit: On va apporter du sang neuf dans la construction pour remplacer les incompétents qu'on a là. C'est à peu près ce qu'il nous disait, M. le Président, je ne l'invente pas. Cela a, d'ailleurs, été très bien relevé par mon collègue de Duplessis tout de suite. Au bénéfice de ceux qui sont peut-être déjà réveillés, parce qu'à l'heure où il l'a dit en Chambre il y a beaucoup de télépectateurs qui dormaient, mais qui nous écoutent sûrement à l'heure qu'il est avant d'aller au travail, vers 3 h 30 ou 3 h 45, il a bel et bien dit qu'il y avait énormément d'incompétents actuellement dans l'industrie de la construction et que cela urgeait, que cela pressait de faire entrer du sang neuf avec des jeunes compétents et dynamiques. C'est cela qu'il entend quand il parle de concurrence, M. le Président, ce n'est rien d'autre.

La concurrence dans l'industrie de la construction, les entrepreneurs - il le sait pour en être un ou en avoir été un - en ont déjà suffisamment et ils voudraient bien en voir disparaître un peu car ils doivent lutter pour décrocher quelques contrats à l'occasion, dans leur milieu. C'est là, quand il nous parle de concurrence, qu'il ne faut pas se tromper. Il ne faut pas se tromper, il parle vraiment d'établir une concurrence entre travailleurs.

Cela me fait penser à un groupe d'oiseaux, de goélands qui se battent pour un sandwich. Plus il y a de goélands autour du sandwich, moins il va y en avoir qui vont manger. C'est à peu près cela, le problème: on n'augmente pas le sandwich, on met plus de goélands autour du sandwich. C'est cela, l'affaire. C'est là que s'établit sa concurrence. C'est comme cela que cela va se faire. C'est la loi du plus fort, c'est la loi des loups qui se dévorent entre eux en mangeant le premier qui tombe quand il fait froid en hiver, durant les périodes de famine. C'est cela, la concurrence dont nous parle le député de Saint-Maurice dans le domaine de la construction, ce n'est rien d'autre. Ce n'est sûrement pas les entrepreneurs qui veulent accentuer la concurrence entre eux, il ne faut pas s'en faire.

On revient donc à l'autre principe que j'ai effleuré rapidement, qui a été touché

aussi par le député de Saint-Maurice, le principe de la compétence. Il nous dit: II nous faut du sang neuf, nos travailleurs de la construction sont, à toutes fins utiles, incompétents. C'est ce qu'il a dit, les galées de cette Assemblée pourront en témoigner.

Enfin, en sauveur, au nom d'un cinquième principe, le député de Notre-Dame-de-Grâce se lève et dit: Voyons donc, l'industrie de la construction est déjà trop encadrée. Ce ne sont pas des lions en cage, ces gens. Lorsqu'on ouvrira la cage, ils ne s'entre-dévoreront pas. Nous faisons un pari, nous dit-il, sur la raison qui doit dominer et qui va faire en sorte qu'ils vont vivre harmonieusement, qu'ils vont faire que tout est beau dans le meilleur des mondes sans qu'il y ait de problèmes. Il nous dit cela tout de suite après que son collègue de Saint-Maurice nous eut dit que, lui, ce qu'il voulait, c'était qu'on augmente la concurrence entre travailleurs dans le secteur de la construction. Quand on augmente la concurrence, on s'apprête à voir des étincelles; c'est cela, le problème.

On nous fait accroire, en plus, que ce seront des jeunes alors que, comme l'a si bien démontré mon collègue, le député de Roberval, c'est ouvert à tout le monde, à tous ceux qui ont faim et soif de construction non seulement au Québec, mais dans l'ensemble de la fédération canadienne puisqu'on s'ouvre aussi aux autres provinces. Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous dit en toute candeur: II n'y a pas de problème, ces gens savent vivre. Certes, ils savent vivre, certes, ce sont de bonnes gens, certes, ce sont des gens en qui on peut avoir confiance. Par contre, vous serez d'accord avec moi, M. le Président, pour dire que, quand on le fait exprès pour mettre des gens dans des situations conflictuelles, on ne doit pas s'étonner s'il y a des poings qui revolent à l'occasion. Qu'on ne s'étonne pas de cela.

On a déjà vécu des situations semblables dans le domaine de la construction, des démonstrations ont été faites ici, par les membres de l'Opposition, tout au long de cette longue nuit de veille, la nuit des longs couteaux, devrais-je dire, de l'industrie de la construction. Il y a eu, tout au long de cette nuit de veille, cette nuit de deuil de l'industrie de la construction au Québec, toute une démonstration qui a été faite ici et qui a bel et bien démontré qu'antérieurement on a vécu des situations désastreuses non pas parce que les travailleurs de la construction étaient des gens malhonnêtes, pas parce que ce n'étaient pas de braves gens, mais parce qu'ils se retrouvaient dans des situations conflictuelles, de concurrence entre eux, alors qu'ils avaient à lutter l'un contre l'autre pour réussir à gagner des revenus convenables. (7 heures)

Si le gouvernement du Québec, en 1977, a été amené à prendre des mesures pour donner à l'industrie de la construction une structure d'ensemble qui enlève cette concurrence malsaine et malhonnête entre les travailleurs, c'est parce qu'il y avait des raisons. Cela ne s'est pas fait tout seul. S'il n'y avait pas eu de véritables raisons, les travailleurs de la construction, ne vous en faites pas, ne l'auraient jamais accepté.

Aujourd'hui, les travailleurs de la construction sont bien à l'intérieur de la structure qui n'est certes pas parfaite, car des structures parfaites, il n'y en a pas. On est les premiers à dire, avec les travailleurs de la construction, qu'il y a des modifications à apporter, qu'il y a des ouvertures possibles dans certains secteurs et à certaines conditions. En prenant en considération un certain nombre de données, il y aurait des alternatives qui permettraient peut-être un meilleur accès aux jeunes dans le domaine de la construction, à une certaine jeunesse compétente et qualifiée intéressée, non pas à des gens de tous azimuts qui vont aller se faire des revenus complémentaires pour boucler leur fin de mois, avec quelques heures de travail ici et là pour des entrepreneurs dans le domaine résidentiel, entre autres, comme cela a, d'ailleurs, été dit plus ou moins par le député de Saint-Maurice.

C'est un peu le tableau. On le fait exprès pour mettre les gens dans une situation qui sera invivable et, après, on se demande comment il se fait que cela va mal dans l'industrie de la construction. Pourquoi et au nom de quel principe ce gouvernement peut-il se permettre, comme je le disais au début, de prendre en otages les travailleurs de la construction pour essayer de faire accroire à la jeunesse du Québec que l'on va régler tous ses problèmes en lui ouvrant l'industrie de la construction, alors que, parallèlement, on ferme les services aux jeunes en régions? On essaie de jumeler des services avec d'autres de façon à économiser quelques millions ici et là, en démobilisant la jeunesse, en faisant en sorte que cela coûte moins cher selon le principe de la rationalisation. On dit aux mêmes jeunes: Vous n'aurez pas de problème, de toute façon, on vous ouvre l'industrie de la construction. On ne leur dit pas qu'on les met en concurrence directe avec leurs aînés, par exemple, avec les gens compétents et qualifiés qui sont déjà en nombre supérieur à la demande, au moment où l'on se parle, dans cette industrie.

Que pensez-vous qu'il va se passer? Que l'on développe des politiques globales avec une vision intégrée de l'ensemble des problèmes de travail qui affectent les jeunes et les moins jeunes de notre société et on sera d'accord avec ce gouvernement. Mais, jusqu'à ce jour, il ne nous a proposé

absolument rien et il ne nous a donné aucune solution par rapport à un plan de société, à un plan global qui permettrait de relancer, comme il le disait si bien en campagne électorale, l'emploi au Québec. Qu'est-ce qu'on a vu? Rien. La seule mesure qu'on veut prendre, c'est d'utiliser un milieu qui avait acquis une certaine compétence et un niveau de stabilité. On s'empresse de le déstabiliser pour faire accroire aux jeunes que c'est par là qu'on va régler leurs problèmes. Comme si tous les jeunes du Québec qui veulent travailler étaient intéressés à travailler dans la construction!

Premièrement, cette hypothèse est déjà assez bizarre, mais il semble que ce soit la seule hypothèse qu'ait retenue le ministre responsable du dossier. Qu'attend-on? Pourquoi n'entre-t-on pas dans tous les domaines, comme le disait un de mes collègues tout à l'heure? Si on attaque l'industrie de la construction, pourquoi ne pas attaquer tous les autres domaines? Avant longtemps, ce sera l'industrie minière et l'industrie forestière dont il est question actuellement qui seront discriminatoires envers les jeunes. Ce seront les services sociaux, les hôpitaux et l'industrie du transport qui seront discriminatoires envers les jeunes. Au nom de cette discrimination, on s'apprête peut-être - et là, on est en droit de se poser la question, surtout après la disparition sournoise des comités paritaires un peu partout au Québec - à essayer de rentrer dans le corps de toute l'organisation des travailleurs sous prétexte que c'est discriminatoire, car, lorsqu'on n'est pas membre d'un syndicat, on ne peut pas entrer dans l'entreprise et dans le milieu qui est protégé par cet organisme.

Ici, M. le Président, on est en train de faire croire discrètement et subtilement à la population du Québec que tout milieu de travail protégé est discriminatoire en soi, et ce gouvernement est en train de s'organiser pour démolir toute structure de travail au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Taillon.

Des voix: Hé! Hé!

Le Vice-Président: Je m'excuse infiniment. Je n'avais pas remarqué qu'un député ministériel se levait. Je reconnais à ce moment-ci, en vertu du principe de l'alternance, M. le député de La Peltrie.

Des voix: Bravo!

M. Lawrence Cannon

M. Cannon: Merci, M. le Président. Cette Assemblée s'arrête aujourd'hui sur un problème qui, même s'il a été soulevé il y a plusieurs années, n'a jamais connu la moindre ébauche de solution. Qu'il me soit permis de vous rappeler la conclusion des nombreux rapports ou comités d'étude en commission qui se sont penchés sur le sujet. Je parle, en effet, du rapport Cliche de 1975, du comité Dussault de 1977, de la commission Jean de 1981, ainsi que de la commission parlementaire permanente du travail de 1984 où tous concluaient que le système de formation et d'apprentissage ne répondait plus aux besoins de l'industrie.

Si, depuis les dix dernières années, aucune démarche n'a été faite pour améliorer les lacunes soulevées dans ces rapports, le gouvernement libéral, lui, a la ferme intention de voir à la qualité de la formation professionnelle de la main-d'oeuvre dans le secteur de la construction, ainsi qu'à la finalité première de la formation, c'est-à-dire l'accès au travail. Les études mentionnées antérieurement et les conclusions auprès des intéressés, employeurs comme employés, nous ont permis de constater la faible influence des parties en matière d'élaboration des programmes de formation qui, actuellement, se font sans tenir compte réellement des besoins de l'industrie.

Ce manque de concertation, tant au niveau du ministère de l'Éducation qu'au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, débouche sur une formation professionnelle qui ne tient pas compte des besoins réels de l'industrie, puisque ces derniers sont absents de la planification des programmes de formation. Le Parti libéral proposait déjà, dans son programme électoral de novembre 1985, que les programmes de formation de la main-d'oeuvre soient élaborés par les gens du milieu de la construction, tout en respectant l'aspect pédagogique qui doit, néanmoins, demeurer sous la conduite du gouvernement de façon à assurer la qualité et l'uniformité à l'ensemble de la population.

Le projet de loi 119 propose donc le remplacement de l'Office de la construction du Québec par la Commission de la construction du Québec et crée le comité de formation professionnelle de l'industrie de la construction. Ces partenaires, en collaboration avec le ministre de l'Éducation et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, pourront veiller à ce que soient intégrées des connaissances et des habiletés devant être acquises en milieu scolaire, ainsi que la formation devant être acquise en milieu de travail, en plus de tenir compte des besoins de l'industrie. Tout ceci dans le but d'amener l'école à répondre aux besoins du marché, donc de faciliter l'accès au marché à cette relève plus compétente et polyvalente dans un secteur névralgique de notre économie.

En plus de vouloir bien cerner les

besoins du marché, tant de manière qualitative que quantitative, la concertation entre tous les intervenants permettra de réévaluer la durée excessive de l'actuel système d'apprentissage, le manque de suivi d'un candidat, le manque de flexibilité du système, l'absence d'une formation minimale adaptée, la non-correspondance des cours en institution aux métiers à exercer et le trop grand nombre d'intervenants à ce niveau. La concertation avec les représentants du milieu industriel permettra de déterminer de façon plus réelle les prérequis nécessaires pour accéder à la formation professionnelle en milieu scolaire.

L'inaction du gouvernement antérieur, M. le Président, a maintenu dans nos institutions des jeunes en période de formation où la non-correspondance de la formation aux besoins de l'industrie s'est traduite par une non-reconnaissance pleine et entière de la formation dispensée. Le gouvernement actuel veut remplir l'un de ses rôles premiers, c'est-à-dire voir à la saine gestion de ces institutions qui doivent offrir, au niveau de la formation, entre autres, des services qui répondent aux besoins pour lesquels ils sont créés. (7 h 10)

Au volet de la formation professionnelle, ce projet de loi permettra, par le nouveau système, d'assurer la compétence requise aux futurs travailleurs concernés et ainsi d'arrimer la formation professionnelle dispensée en milieu de travail à celle reçue en milieu scolaire, puisque l'implication des parties couvrira toutes les étapes de la formation à dispenser. Cette étape essentielle à une formation adéquate verra, elle aussi, une amélioration à sa réalisation.

En effet, le projet de loi 119 établit que l'accès à l'industrie de la construction sera basé sur la compétence et non plus sur un critère d'heures travaillées, système qui s'est révélé injuste et discriminatoire, discriminatoire surtout pour les jeunes de la société québécoise.

Le nouveau système d'accès à l'industrie établit que les jeunes qui auront complété avec succès un cours de formation professionnelle dans l'un des métiers de la construction auront accès à l'apprentissage et pourront travailler. Le ministère de l'Éducation formera le nombre de jeunes requis en fonction de l'estimation des besoins établis par la Commission de la construction du Québec qui possède toutes les données, l'expertise pour l'élaborer.

L'estimation des besoins de main-d'oeuvre se fera donc avec les partenaires de l'industrie qui sont les mieux placés pour déterminer leurs besoins. Ainsi, le gouvernement formera le nombre de jeunes nécessaires pour répondre aux besoins de l'industrie et le jeune qui aura étudié et appris à l'école un métier pourra poursuivre son cheminement en apprentissage.

Actuellement, pour avoir le droit de faire un apprentissage dans un métier de la construction, il faut avoir 16 ans et détenir un certificat de classification. Pour avoir un certificat de classification, il faut avoir accumulé des heures travaillées. Le jeune, sur les bancs d'école, ne pouvait accumuler des heures travaillées. C'était impossible. Ainsi, l'accès à l'industrie de la construction était fermé aux jeunes.

Le système proposé par le projet de loi 119 permet l'entrée des jeunes dans l'industrie de la construction. Il permet une relève qui sera formée en fonction des besoins de l'industrie, qui recevra une formation qui ne consistera plus en une accumulation d'heures travaillées sur un chantier donné mais qui combinera la formation en école sur un chantier.

En terminant, M. le Président, permettez-moi de vous rappeler une des priorités du gouvernement actuel qui est de favoriser l'accès au travail pour les travailleurs et les travailleuses du Québec par des politiques tenant compte des réalités, des besoins et des moyens à notre disposition. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. J'écoutais l'intervenant précédent nous parler de la formation de la main-d'oeuvre dans la construction, nous dire comment les industries, le ministère de l'Éducation, etc., se concerteront pour arriver à produire des ouvriers qualifiés dans la construction. Je pense que, manifestement, il y a une partie de la problématique qui a échappé au député de La Peltrie. Le problème, au Québec, ce n'est pas qu'il n'y a pas suffisamment de jeunes formés pour l'industrie de la construction. Le problème, c'est qu'il y a un nombre d'emplois limités dans la construction comme dans la fonction publique, dans la fonction publique comme dans le taxi, comme dans n'importe où. C'est cela le problème dans l'industrie de la construction. Tout le monde voudrait avoir une bonne "job", comme on dit, à bon salaire et travailler de façon la plus permanente possible, avoir un revenu décent. Tout le monde voudrait le faire et c'est le pourquoi du règlement de placement dans l'industrie de la construction. C'est précisément pour cela qu'il a été instauré, qu'il a été assoupli, qu'il a été amendé au fil des années pour faire en sorte qu'on puisse reconnaître au Québec une classe de travailleurs de la construction qui pourront gagner leur vie honorablement et gagner un salaire décent.

Or, maintenant, le ministre du Travail et le leader parlementaire du gouvernement, reconnaissent que le projet de loi ne modifiera en rien la masse salariale dévolue à l'ensemble de la main-d'oeuvre de la construction. Il n'y aura pas plus d'argent qui va être donné à l'ensemble des travailleurs de la construction après l'adoption - si jamais cette Assemblée en arrive là - de la loi 119. Il n'y aura pas plus de dollars versés par les entrepreneurs de la construction. Cela ne dépend pas du projet de loi 119. Cela dépend des chantiers qui sont mis en construction.

Or, les discours qu'on entend de l'autre côté partent dans bien des cas d'une prémisse fausse, mais qui est véhiculée par le Parti libéral depuis longtemps, qui est véhiculée par le Parti libéral depuis l'instauration du règlement de placement où les gens d'en face ont fait accroire et continuent de faire croire, particulièrement à la jeunesse du Québec, que de toucher au règlement de placement permettra un nombre accru de jobs dans la construction.

Je vois le député de Notre-Dame-de-Grâce qui a encore cette impression alors que son propre leader reconnaissait en Chambre, au début de la nuit, que ce n'est pas par enchantement que les jobs vont venir dans la construction. Le ministre du Travail, lorsqu'il était interrogé lors des périodes de questions par le député de Verchères et lorsqu'il est interrogé par des journalistes sérieux, reconnaît également que cela ne changera rien à la masse salariale qui tombe dans les goussets des travailleurs de la construction pas plus que cela ne changera quelque chose au nombre de jobs décents qui vont exister dans le secteur de la construction.

Mais - c'est cela qui est important - le Parti libéral véhicule depuis 1977 cette fausse idée. Ils ont tenté de se faire du capital politique avec l'idée qu'abolir le règlement de placement réglerait le problème dans la construction et qu'on pourrait, comme par magie, multiplier le nombre d'emplois offerts aux travailleurs de la construction. C'est contre la logique la plus élémentaire. Je donnais l'exemple tantôt de la fonction publique. Pourquoi le Parti libéral - d'ailleurs, il va falloir surveiller ces gens parce que c'est peut-être une future promesse électorale - ne dirait-il pas: On ouvre la fonction publique au complet, y compris les institutions d'enseignement, y compris les hôpitaux? Ce seraient 300 000 jobs; on va dire aux gens: Écoutez, vous voulez travailler au gouvernement, vous voulez travailler dans les institutions d'enseignement ou dans les hôpitaux, vous venez de sortir de l'école, vous avez un diplôme, on va vous faire travailler.

Imaginons deux secondes qu'ils diraient: À ce moment-là, les règles de recrutement de la fonction publique, cela ne compte pas, ou les règles de recrutement dans les institutions d'enseignement, c'est la compétence qui compte. Il y a plein de professeurs qui se cherchent des jobs. Il y a plein de préposés aux bénéficiaires qui cherchent des jobs dans mon comté et ailleurs. Il y a plein de personnel, de femmes qui retournent sur le marché du travail et qui aimeraient cela avoir un emploi, mais dans la fonction publique québécoise. Est-ce qu'on va dire à ces gens: Venez, on va changer les règles et tout le monde va venir travailler? Ce n'est pas vrai. Cela ne fera pas plus de jobs décents. La seule chose que cela peut donner, par exemple, c'est qu'au lieu d'avoir un travailleur de la construction qui va gagner 30 000 $ par année, 25 000 % ou 20 000 $ selon les conditions de travail, on pourra en avoir deux pour la même tarte. Ou on pourra en avoir dix pour la même tarte.

C'est là qu'il faut craindre les dangers et les conséquences du projet de loi 119 sur le climat social. C'est là qu'il faut s'interroger sur le degré de réflexion qu'a mis le gouvernement avant de déposer le projet de loi 119. C'est ce qui m'a inquiété personnellement, M. le Président. J'ai suivi le débat entourant le règlement de placement et j'ai cru que le ministre du Travail utilisait le temps qui lui était imparti par les circonstances, c'est-à-dire les derniers dix mois, pour réfléchir aux conséquences de l'abolition d'un règlement de placement. Malheureusement, je m'étais trompé. Je le reconnais ce soir, je m'étais trompé. (7 h 20)

Le ministre du Travail du gouvernement libéral manque de prévoyance lorsqu'il s'imagine que la mise en oeuvre d'un projet de loi tel que le projet de loi 119 pourrait se faire sans heurt, sans malaise social, à l'intérieur de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Cela m'inquiète pour l'avenir.

Le gouvernement libéral, on le sait, a un long passé, un malheureux et long passé de troubles sociaux. Je vois dans cette Chambre qu'il reste beaucoup de jeunes députés qui comme moi n'ont pas vécu de l'intérieur la période de 1970 à 1976, mais qui, comme moi, ont probablement la mémoire de l'ensemble des événements que le Québec a connus durant cette période. Pourquoi? Parce qu'il existait des malaises sociaux. Pourquoi? Parce que le Parti libéral de l'époque avait fait croire et accroire aux gens des mirages. Pourquoi? Parce que le Parti libéral a semé des expectatives, en particulier chez les jeunes, mais des expectatives qu'ils ne seront pas en mesure de satisfaire. Qu'on ait donc l'honnêteté de leur dire, aujourd'hui. Qu'on ait donc l'honnêteté de leur dire que, si un jeune trouve un emploi dans le domaine de la

construction avec le projet de loi 119, ce sera parce qu'il aura mis quelqu'un un peu plus âgé que lui dehors. Qu'on ait l'honnêteté de se lever en Chambre et de le dire! Non, le ministre du Travail continue de tergiverser autour de son projet de loi. Il ne dit pas la vérité. S'il veut l'abolir le règlement de placement, qu'il en fasse le choix politique, qu'il se lève, qu'il l'abolisse. Mais qu'il explique, par exemple, les conséquences et qu'on arrête de l'autre côté de dire aux jeunes: La construction vous est ouverte. C'est complètement, mais complètement, dangereux pour le climat social du Québec. D'autant plus, et vous le savez, que les jeunes sont particulièrement déçus de ce que le gouvernement libéral a fait depuis un an. Parité d'aide sociale au sujet de laquelle la candidate libérale dans mon comté s'est promenée à la télévision et dans son dépliant pour dire aux gens... Dans la parité d'aide sociale, la seule chose qui se passe, c'est qu'on prend les plus vieux et qu'on va les ramener au même niveau que les plus jeunes. Je n'appelle pas cela une parité, j'appelle cela un nivellement par le bas.

Dans la construction, c'est encore plus vrai. Il y a des jeunes qui sont venus dans mon comté également. J'écoutais le ministre du Travail raconter qu'il y a des jeunes qui venaient le voir et qui disaient: J'ai ma carte de compétence et je ne travaille pas. Le ministre du Travail disait: C'est bien épouvantable. Moi, j'en ai des gens qui viennent dans mon bureau de comté, mais pas juste des jeunes de la construction, des jeunes dans tous les secteurs qui viennent dans mon bureau et qui aimeraient avoir un emploi. Est-ce que je leur dis: Vous voulez travailler dans la fonction publique? On va faire sauter les règles dans la fonction publique et tout le monde va venir y travailler. Est-ce qu'on leur dit: On va faire sauter les règles dans les hôpitaux et tout le monde va venir y travailler?

Nous, du Parti québécois, nous sommes un peu plus cohérents. Ce n'est pas pour ramasser du capital politique, M. le Président, que je me livrerai avec mes gens dans le bureau de comté à semblable conversation. L'économie d'un pays est une affaire de solidarité entre les différents groupes qui la composent. Et défaire le règlement de placement, c'est chercher à opposer ceux qui ont du travail à ceux qui n'en ont pas. C'est mettre, l'un en face de l'autre, un chômeur avec quelqu'un qui travaille et lui dire: Si tu veux une "job", bien pousse-le donc l'autre! C'est pas comme cela que cela fonctionne, M. le Président, une société pour qu'elle se développe harmonieusement. Cela fonctionne par la concertation, cela fonctionne par des efforts soutenus, des efforts coordonnés pour développer des secteurs de l'industrie. Il n'y a rien là-dedans pour développer le secteur de la construction, rien. Mais, on a quand même le projet de loi 119.

Je pense que le gouvernement est conscient que ce que je dis, ce matin, est exact. Mais le Parti libéral a fait un bout de chemin quand il était dans l'Opposition en se ramassant du capital. Je vois le député de Gatineau qui est intervenu plusieurs fois en cette Chambre à l'époque des débats sur le règlement de placement. Il a dit, cette nuit: On a passé neuf ans à le combattre; maintenant, on le réalise. Je pense qu'il connaît fort bien les conséquences de sa décision. Ces gens sont-ils suffisamment conscients des problèmes sociaux que cela peut causer? C'est cela qui m'inquiète. Sont-ils conscients du degré d'insatisfaction qui existera chez les jeunes lorsqu'ils s'apercevront que le projet de loi 119 n'a pas fait de magie et que tout ce que cela produit, c'est une bousculade entre deux groupes dans la société: ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas?

J'aurais aimé que le gouvernement libéral produise au moins une petite politique, l'ombre du commencement d'une politique visant à développer l'industrie de la construction. J'aurais aimé qu'on reprenne certains programmes mis de l'avant par le gouvernement du Parti québécois, Corvée-habitation et tous les autres, pour tenter de soutenir un peu cette industrie. Mais non, on s'est acharné à remplir une promesse électorale qui, on le savait, était vide de sens, mais lourde de conséquences. Je pense que le wagon du ministre du Travail est comme celui qui a commencé à démarrer il y a très longtemps et se dirige vers un mur de brique. Mais comme il y a beaucoup de gens dans le wagon, comme on a vendu bien des billets, on dit: On y va et on y va encore plus vite. Mais c'est un mur de brique qu'il y a en face, et il le sait fort bien.

Gouverner, c'est prévoir. Est-ce que le gouvernement a prévu ce qui se passera sur les chantiers de construction quelques mois après l'adoption du projet de loi 119? Est-ce que le gouvernement a prévu ce qui se produira lorsqu'un entrepreneur de Montréal obtiendra un contrat dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean ou de l'Abitibi ou même à Québec et voudra embaucher son monde? Est-ce que le gouvernement libéral a prévu les conséquences d'une main-d'oeuvre affamée sur le respect des conditions de travail dans le décret? Quand la tarte est là, que 70 personnes veulent la manger et qu'il n'y a que dix places, laissez-moi vous dire une chose, il y en a qui sont prêts à payer sous la table pour en manger un morceau. C'est normal. Ces gens auront été encouragés par le Parti libéral. Le Parti libéral a-t-il prévu les normes d'embauche en régions lorsque des contrats seront exécutés? Cela, c'est inquiétant.

La construction est un milieu particulièrement sensible où la loi de la jungle prend des proportions drôlement concrètes. Le saccage à la Baie James, cela ne fait pas si longtemps, cela a eu lieu. La loi de la jungle, la concurrence débridée, l'irrespect de la protection de la main-d'oeuvre, l'irrespect de l'ancienneté dans l'industrie de la construction, cela peut - ne nous le souhaitons pas - prendre des allures de dynamite. C'est un milieu fragile qui connaissait la plus parfaite paix depuis neuf ans, depuis le règlement de placement dans le milieu de la construction. Est-ce qu'il y en a un, de l'autre côté, qui peut dire que l'industrie de la construction, depuis neuf ans, représente un milieu bardassé, victime de secousses? Pas du tout, au contraire, le dernier décret a été signé volontairement entre les parties.

M. le Président, je sais qu'il me reste peu de temps. Malheureusement, nous n'avons que 20 minutes chacun pour discuter de ce projet de loi. Vous me faites signe qu'il me reste environ trois minutes. (7 h 30)

En terminant, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'il y en a de petites vites dans ce projet de loi. Je ne sais pas si cela a été examiné comme il faut au caucus libéral. Je pense que lorsqu'on a adopté la première partie concernant le règlement de placement, on n'a pas regardé comme il faut la commission de la construction du Québec. Un organisme paritaire financé par qui? Par les travailleurs et les entrepreneurs qui versent chacun 1/2 %. Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce que le ministre du Travail fait? Vous êtes-vous interrogés en caucus là-dessus? D'abord, il double les cotisations, il crée la Commission de la construction du Québec, il change le nom de l'office - cela n'est pas tellement grave - mais il en change surtout la composition pour faire en sorte... Je lis textuellement la composition de la Commission de la construction du Québec à l'article 3.2: 1° quatre, qui vont être issus des milieux patronaux après consultation de l'AEQ et des six ou sept associations patronales de la construction; 2° quatre, après consultation des syndicats - jusque là, cela va bien; 3° deux, recommandés par le ministre du Travail - on se dit que le ministre du Travail veut être sur place; c'est l'argent des travailleurs et des entrepreneurs qui est là, le ministre du Travail veut avoir son mot à dire, il en met deux. Cela continue: 4° un autre, recommandé par le ministère de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu - c'est le même ministre. Il en nomme trois, on aurait pu le dire. On dit: C'est fini, quatre, quatre, trois, c'est déjà fort. 5° un autre, recommandé par le ministère de l'Éducation. On est rendu à quatre, quatre, quatre. Un tiers, mais qu'est- ce que le gouvernement paie là-dedans? C'est l'argent du monde, l'argent des travailleurs et des entrepreneurs. Enfin, le président est nommé par le gouvernement.

On s'aperçoit là des visées du ministre du Travail, des visées gouvernementales, des visées du Conseil des ministres qui aura un bloc de cinq, le bloc le plus important, majoritaire en nombre au sein de la Commission de la construction du Québec. Ce sont des petites vites que le ministre du Travail a incluses dans son projet de loi. Quant à y être, le règlement de placement, les gens vont évidemment discuter beaucoup de cette partie. Moi, j'en profite, je refais mon Office de la construction du Québec et j'en prends le contrôle.

Je vais vous dire tout de suite que cela ne marchera pas. Dans la construction, ces "gamiques" portent des noms qu'on ne peut pas reproduire à l'Assemblée nationale mais les gars de la construction, comme on les appelle, avec qui j'ai travaillé durant mes études, les gars de la construction et les patrons de la construction, ces petites "gamiques", ils ne prennent pas cela. Le ministre du Travail devrait retourner à sa table de travail, comme il l'a fait pour l'aide sociale. Qu'il continue à étudier et à consulter comme il faut, pas à moitié mais pour vrai. Qu'il fasse en sorte que son projet de loi soit débattu non pas en pleine nuit pour éviter probablement que les gens ne nous écoutent, mais qu'on en discute le jour, ouvertement, qu'on fasse des consultations qui soient autre chose que de la frime, qu'on mette ce projet de loi au grand jour, parce que ce n'est pas vrai qu'on va réqler, que le gouvernement libéral va régler une promesse électorale folichonne avec un projet de loi qu'on étudiera la nuit.

Je voudrais ajouter un dernier mot là-dessus à l'égard du leader parlementaire. Je me souviens fort bien qu'il m'a fait siéger en comité plénier pour un projet de loi pour le moins de troisième importance par rapport à celui-ci. Je me souviens fort bien que le leader du gouvernement, une certaine semaine, aurait pu nous faire travailler deux fois plus en Chambre. Au contraire, on a travaillé six heures sur treize cette semaine-là, disait le député d'Abitibi-Ouest. Mais cette nuit on nous a demandé, on vous a demandé, parce que cela vous intéresse aussi ce projet de loi, de discuter dans des conditions qui sont proprement inacceptables. Le 1er ou le 2 décembre, c'est inacceptable et c'est probablement un précédent malheureux pour notre gouvernement, de siéger aussi tôt que cela, 24 heures par jour, alors que nous avons tous des devoirs parlementaires qui nous appellent dans quelques heures et ce n'est pas fini. Il y en a d'autres qui vont intervenir après moi. Et ce n'est pas fini. Inacceptable, M. le leader...

Le Vice-Président: En conclusion.

M. Filion: ...du gouvernement, comme façon de procéder, alors que vous auriez pu déposer ces projets de loi le 1er, le 15, le 30 octobre ou à n'importe quelle autre date, disons le 30 octobre, après l'ouverture de la session. Vous avez raison de dire que le déposer le 1er octobre, cela aurait été difficile, mais si vous aviez dit même au leader de l'Opposition: Écoutez, on a des projets de loi importants, voulez-vous qu'on se réunisse un peu plus tôt? je suis convaincu que vous auriez eu l'assentiment de l'Opposition.

Quand il y a des projets de loi sérieux, on les étudie sérieusement et jusqu'au bout, mais ces conditions de travail qu'on inflige aux parlementaires des deux côtés de la Chambre, à cause d'un manque de prévoyance du leader, sont proprement inacceptables, comme le projet de loi, d'ailleurs, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Je suis très heureuse ce matin de pouvoir m'exprimer en cette Chambre sur l'important projet de loi 119 qui a été déposé jeudi dernier par le ministre du Travail et député de Brome-Missisquoi.

Ce projet de loi, M. le Président, apporte, selon moi, la solution depuis longtemps espérée à l'un des problèmes les plus graves que vivaient les jeunes et les travailleurs de Mégantic-Compton. En effet, il m'arrivait très fréquemment hélas! de les entendre raconter les difficultés qu'ils avaient à surmonter, à la fin de leurs études, pour acquérir une carte de classification qui leur permettrait de travailler dans le domaine de la construction. Il est évident, M. le Président, qu'au lendemain de la sanction de la loi il n'y aura pas 10 000 emplois créés et le ministre n'a jamais prétendu telle chose. Mais le travailleur, ayant une carte de qualification et n'ayant pas sa carte de classification, pourra, au moins, partir à la recherche d'un emploi et espérer en obtenir un. Mais cette fameuse carte ne pouvait être obtenue pour les nouveaux venus qu'en ayant effectué une période d'apprentissage, pour chaque métier, de 2000 heures chacune.

Ce critère basé sur le nombre d'heures est plutôt farfelu, M. le Président, et quasiment irréaliste quand on sait, par exemple, que, pour devenir charpentier et menuisier, il faut trois périodes d'apprentissage; pour devenir électricien, 4 et pour un tuyauteur, 4 également et qu'il n'y a aucun mécanisme de suivi du candidat durant cette période d'apprentissage. Comment a-ton pu en arriver à une situation aussi invraisemblable et aussi ridicule, M. le Président?

Je peux vous dire également qu'il n'y a pas que les jeunes qui ont souffert de cette situation. Je pense aussi à tous ceux qui, au début de cette décennie, durant les pires années de la récession, n'ont pu accumuler le nombre d'heures suffisant pour conserver leur carte. Ce n'était certes pas à cause d'un manque de compétence qu'ils se sont trouvés forcés de travailler, bien malgré eux, dans l'illégalité. Il n'y avait pas d'ouvrage à cette époque. Vous, membres de l'Opposition, avez-vous oublié cette période, tout préoccupés que vous étiez par les questions référendaires?

Ce règlement absurde, M. le Président, les a empêchés d'exercer un métier qui avait toujours été leur gagne-pain et qui assurait la subsistance de bien des familles. Le Québec a été privé trop longtemps de cette main-d'oeuvre qualifiée, compétente et désireuse de travailler. Ce projet de loi était devenu une nécessité. Il était devenu, de toute évidence, urgent de procéder à une réforme. (7 h 40)

Le projet de loi 119 viendra, de plus, régulariser la situation de ceux dont je vous ai parlé précédemment, ceux qu'on appelle les interdits de la construction qui, désormais, ne se feront plus enlever leur permis de travail parce qu'ils n'auront pas accumulé le nombre d'heures requis.

Le projet de loi 119 ne peut que bonifier l'industrie de la construction et le travailleur actuel peut être rassuré, car le nouveau régime ne touche pas à ses conditions de travail, ne touche pas non plus à son taux de salaire, ni à son régime d'avantages sociaux, ni à sa paie de vacances. Il ne touche pas non plus à ses congés fériés, non plus qu'au fonds d'indemnisation des salariés en cas de faillite de l'entrepreneur, ni au régime de retraite. Toutes les dispositions actuelles du règlement sur le placement qui régissent l'inventaire permanent des travailleurs, les agences de placement syndicales et le système de référence de la main-d'oeuvre qui garantit la priorité d'emploi, demeureront en vigueur. Seule la carte de classification émise en vertu du règlement sur le placement est abolie.

Le projet de loi 119 prévoit un système d'accès à l'industrie et une reconnaissance des droits acquis à tout travailleur actif et enregistré présentement à l'Office de la construction du Québec. Ce travailleur recevra automatiquement un nouveau certificat de compétence qui lui permettra de continuer à exercer ses activités sur les chantiers de construction à l'échelle de la

province de Québec. Il est une chose très importante à considérer également: ce projet de loi favorisera la priorité régionale en permettant aux travailleurs résidant dans une région d'y travailler prioritairement avant l'embauche d'un travailleur résidant dans une autre région.

M. le Président, nous sommes appelés à réformer aujourd'hui le ridicule érigé en système par l'ancien gouvernement du Parti québécois sous la tutelle du chef de l'Opposition, titulaire du ministère du Travail à l'époque. Même l'ex-commissaire de la commission Cliche, l'actuel leader de l'Opposition et député de Joliette, recommanda l'abolition du système des permis de travail, soit à peu près l'actuelle réforme que nous proposons aujourd'hui. Le leader de l'Opposition a réussi ce que peu de parlementaires ont fait en cette Chambre, soit de signer un rapport recommandant l'abolition du système des permis de travail et de voter avec son parti en 1978 pour une réforme prônant d'une façon absolue le contraire de ce qu'il proposait quatre ans plus tôt. Maintenant, il est contre la mesure qui est à peu près ce qu'il signait en 1974. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le leader de l'Opposition, le député de Joliette, manque de suite dans les idées. Il n'est pas un chef-d'oeuvre de cohérence.

En conclusion, je me réjouis du fait que, dorénavant, jeunes et moins jeunes pourront accéder au marché du travail dans l'industrie de la construction d'une façon plus équitable. Quant aux autres travailleurs, ils savent bien que le but de cette mesure n'est pas de les pénaliser, car les plus compétents auront toujours de l'emploi. Tout le monde sait aussi que, sur les chantiers de construction, la qualité du travail accompli dépend en grande partie des conseils dispensés par les travailleurs les plus expérimentés.

Donc, ce projet de loi n'enlève rien à personne. Il ne fait que donner à ceux qui veulent travailler la chance, au moins, de chercher un travail. C'est une mesure des plus démocratiques qui bénéficiera à l'ensemble des Québécois. Vous avez sans doute compris que je vais voter pour l'adoption du principe du projet de loi 119, non seulement par solidarité ministérielle, mais bien par conviction personnelle, dans un sens d'équité et de justice sociale pour tous. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette Mme Vermette: Merci, M. le Président.

Je viens d'entendre la députée qui est toute en nuances à cette heure-ci du matin. On vient de dire que c'est un projet de loi qui donnera la chance aux gens de se trouver un emploi. On n'est plus aussi catégorique ou affirmatif qu'on l'a déjà été dans le langage, parce qu'on disait antérieurement que c'était l'assurance de se trouver du travail. On commence à établir des nuances parce qu'on commence à être conscient, justement, que l'on ne peut pas donner plus d'emplois qu'il n'y en a. Finalement, si on ne veut pas se faire prendre à partie, il faut vraiment revenir sur certaines positions et nuancer davantage son vocabulaire. Je suis fort heureuse de voir qu'il y en a qui sont capables de faire la différence entre avoir une grande capacité d'emplois, un grand bassin d'emplois et un bassin d'emplois plus restreint. À cause de ces considérations, il est important d'établir des normes, des critères qui favorisent un bon entendement, un bon climat social.

J'espère qu'au cours des prochaines heures on ira plus en profondeur dans cette pensée qui nous permettra de nous attarder davantage aux travaux journaliers de la Chambre et des députés en cette Assemblée. Parce que passer une nuit sur un projet de loi n'est pas la meilleure formule pour arriver à en cerner toutes les conséquences. Je pense qu'il est important de prendre les bons moyens pour mieux comprendre et cerner l'ensemble d'une problématique afin de permettre aussi aux gens de cerner les différentes argumentations de part et d'autre. Cela permet aussi à ces gens qui nous regardent probablement ce matin, parce que les travailleurs, comme on le sait, sont des gens qui se lèvent tôt... Ils ne passent probablement pas toute la nuit debout, comme nous venons de le faire, mais ce sont des gens qui, pour leur travail, doivent se lever tôt. Probablement qu'il y en a quelques-uns qui se sont attardés ce matin, tout en prenant leur déjeuner, à savoir ce qu'il adviendra de leur avenir. Est-ce qu'il sera plus facile pour eux de se trouver de l'emploi? Est-ce que ce sera la porte ouverte à tout le monde, comme on dit? Est-ce que le grand rallye est commencé? Les plus rapides auront les "jobs", les moins rapides attendront encore.

Je pense qu'ils sont en droit de se poser ce genre de questions. Qu'arrivera-t-il aux aînés? Qu'arrivera-t-il aux plus jeunes, à ces jeunes à qui on a promis mer et monde?Vous savez ce qu'ont donné les projets Mer et monde, M. le Président. Ce n'est pas toujours très concluant dans notre société, les projets Mer et monde. C'est un peu comme le projet Rendez-vous 87, en fait.

Il faut faire attention, quand on utilise un vocabulaire et surtout quand on donne des attentes à une jeunesse qui se sent désemparée actuellement parce qu'on lui

avait fait tellement de promesses, parce qu'on lui avait fait croire, justement, que le Père Noël était arrivé avec le Parti libéral. Mon Dieu qu'ils ont déchanté! On s'est aperçu que la poche du Père Noël ne contenait que de l'air. Il n'y avait rien. Il n'y avait pas de contenu. Il n'y avait pas de contenant.

II est triste d'illusionner cette jeunesse qui, déjà, vit des problèmes incommensurables, chez qui, actuellement, le taux de suicide et le découragement augmentent de plus en plus dans notre société. Je pense qu'il ne faut pas leurrer cette jeunesse. Le peu d'espoir qu'elle a vis-à-vis des hommes et des femmes politiques, il faut le conserver. Ma foi, on leur donne l'illusion que, parce qu'on abolit le règlement de placement, les jeunes auront préséance dans les emplois, que les jeunes pourront dorénavant se trouver plus facilement un emploi. Qu'arrivera-t-il dans les faits, M. le Président? On confronte deux générations: les anciens, qui ont acquis leur expérience par la somme de leur travail, et les tout jeunes qui, par leur volonté, par leur détermination à acquérir de l'expérience, vont se faire la lutte, vont se faire concurrence. (7 h 50)

J'estime que ce n'est pas la façon d'évoluer dans une société. Une société doit vivre de concertation, de compromis. Elle doit vivre aussi avec les inconvénients et les avantages de tout ce que cela comporte par rapport à ses expériences et par rapport à son vécu, M. le Président.

C'est bien sûr que tout le monde voudrait avoir un travail. C'est bien sûr que, de plus en plus, nos jeunes actuellement se cherchent désespérément un travail parce qu'on n'est pas capable de répondre à leurs attentes et à leurs besoins. Que fait ce gouvernement pour vraiment créer de l'emploi pour ces jeunes? Que fait-il d'une façon concrète? Où sont les "jobs" qu'on avait promis aux jeunes? Ce ne sont que des illusions.

Bien sûr, Merlin l'Enchanteur prend sa baguette et, avec un peu de poudre aux yeux et toute la panoplie nécessaire, veut nous convaicre qu'il y a beaucoup d'emplois. Regardez, je joue avec les chiffres, je mets un chiffre là, j'en mets un autre là et, voyez-vous, voilà, vous devez croire ce que je viens de vous dire, c'est plein d'emplois au Québec.

Moi, M. le Président, je mets au défi l'ensemble des jeunes qui ont cru naïvement, mais qui ont cru avec tout ce qu'on reconnaît chez la jeunesse que c'était possible pour eux d'avoir un emploi, je mets au défi, dis-je, ces jeunes de trouver davantage de l'emploi. J'espère pour eux, malgré tout, qu'ils n'arriveront pas à se battre entre eux, parce que déjà c'est tellement pénible pour ces jeunes de vivre les situations qu'ils ont à vivre. Qu'est-ce qu'on veut faire de notre société? Est-ce qu'on veut tout simplement s'en aller vers la théorie de Darwin où seuls les plus forts, seuls les plus résistants pourront avoir une chance de survie?

M. le Président, nous sommes, je crois, dans les années précédentes, arrivés à établir ce consensus, arrivés à harmoniser les règles du travail. On était arrivé à créer un climat serein dans le milieu de la construction. Que fait actuellement ce gouvernement? Parce que cela faisait partie des promesses, parce que cela faisait partie de la poche du Père Noël, on arrive aujourd'hui impunément à déposer des projets de loi sans en mesurer d'aucune façon les conséquences pour l'ensemble de la population. Parce que, M. le Président, il y a des conséquences pour l'ensemble de la population avec des projets de loi. Bien sûr, on a leurré nos jeunes; bien sûr, on leur avait promis qu'ils pourraient avoir des emplois d'une façon incroyable. Ils n'avaient qu'à avoir leur carte de compétence et cela y était, Merlin l'Enchanteur avait la "job" à côté.

Ce n'est pas cela, dans les faits, M. le Président. Un emploi n'arrive pas juste en utilisant une baguette magique. Un emploi, c'est dans une organisation structurelle, dans une planification organisationnelle industrielle. Est-ce que ce gouvernement nous a parlé d'un plan d'organisation industrielle? Pas du tout. Nous attendons toujours ce genre de beau discours. Plus que ce beau discours, nous attendons de pouvoir nous pencher, de regarder et de vraiment arriver à des mesures concrètes de changement en profondeur dans notre société.

Rien n'est fait encore, M. le Président. Voua savez, dans le langage de la construction, pour l'hiver, quand il y a des trous, il y a du "cold patch". Actuellement, nous vivons du "cold patch". Quand il y a un trou, on prend un peu de "cold patch", on le bourre un peu et on dit: II ne faut pas trop mesurer, il ne faut pas garder trop de trous dans nos routes. C'est à peu près cela qui se passe actuellement dans les routes du gouvernement, dans les sillons qu'ils se sont donnés comme gouvernement. On met du "cold patch" un peu partout.

C'est temporaire, on appellerait cela un emplâtre dans certains autres milieux, notamment dans le milieu de la santé. On pourrait dire aussi que c'est un emplâtre sur des jambes de bois. Il y en a d'autres qui l'ont utilisée avant moi, je le sais fort bien, mais ils en étaient très préoccupés quand ils utilisaient ce genre d'expression. M. le Président, force m'est d'admettre qu'actuellement c'est un gouvernement qui met des emplâtres, qui trouve des cataplasmes et qui trouve des solutions faciles à des problèmes urgents et profonds.

C'est un gouvernement qui n'a pas de

profondeur. C'est un gouvernement de double langage. Je m'attendais à beaucoup plus de sérieux de la part de ce gouvernement. Ils avaient tellement la voix de l'expérience, M. le Président. Je me dis: Où est rendue cette expérience? J'attends toujours cette voix de l'expérience, cette voix de gens qui connaissaient les solutions, de ces grands stratèges. Nous sommes toujours en train de nous demander si ce gouvernement n'a pas perdu la notion de notre société, le vécu de notre société. C'est tout simplement que son coeur ne s'est pas arrêté de battre en 1976 et que, tout simplement, ils essaient de repartir une tuyauterie, une machine qui a arrêté de battre depuis quelques années. Actuellement, on essaie de lui donner un élan pour retrouver le rythme des années actuelles. On est en droit vraiment de se poser cette question, M. le Président. Je trouve qu'actuellement, les efforts ne sont pas faits pour répondre à des besoins sérieux, à des besoins urgents de notre société.

Il y a plein de choses qu'on n'a pas, aussi, dans ce projet de loi. On ne parle pas des emplois où on a laissé miroiter que c'était important, parce que tout le monde a connu pendant la dernière campagne électorale... M. le Président, est-ce que c'est possible, s'il vous plaît...

Le Vice-Président: J'entends quelques murmures, évidemment, Mme la députée de Marie-Victorin. Je demanderais aux députés de garder le silence pour laisser la députée de Marie-Victorin poursuivre son intervention. Mme la députée.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Il y a plein de points obscurs dans le projet de loi ou on en parle très peu parce que cela a des conséquences aussi directement sur l'ensemble des travailleurs. On essaie aussi de dire: Les jeunes manquent de formation, et il faudrait les orienter davantage. Mais tout cela fait partie d'un plan d'ensemble, cela fait partie d'un plan organisationnel de développement industriel, compatible avec les besoins du milieu de la construction et aussi avec les besoins de nos régions. On ne parle pas de cela, M. le Président. Qu'est-ce qui va arriver d'une région à l'autre? Qu'est-ce qui va arriver, compte tenu du besoin de la main-d'oeuvre d'une région à l'autre? On n'en parle pas. C'est toujours la même philosophie, soit la philosophie du marché, de la libre entreprise. On sait ce que la libre entreprise à outrance peut donner. Il n'y a pas de coeur dans la libre entreprise. Il n'y a pas de règles de courtoisie dans la libre entreprise à outrance. C'est chacun pour soi et c'est le plus fort qui l'emporte. Cela risque de briser la paix sociale et de revenir comme on a toujours connu, il y a bien longtemps... On avait presque oublié ce climat. Mais, M. le Président, nous allons être obligés de revivre ces états d'âme que nous ne voulions plus revivre, parce que nous croyions avoir établi une stabilité dans le milieu de la construction. Mais, ma foi, voilà que ce gouvernement se plaît à picosser ici et là tout ce qui peut permettre de toucher à ce climat social, tout ce qui permettait justement de nous donner des instruments qui nous favorisaient, qui développaient justement notre harmonie sociale. Ce gouvernement est en train de plus en plus de "gratouiller" partout où il peut dans tous les différents milieux. Encore une fois, il se plaît à leurrer la population avec les choix qu'ils sont en train d'accomplir, ô merveille! Tout le monde trouvera justement la réponse et les solutions à leurs problèmes. C'est une médecine qui devient amère, M. le Président. C'est une médecine qui est difficile à accepter pour certains sans avoir, dans certains cas, un haut-le-coeur.

M. le Président, je regarde la santé et la sécurité du travail. Mais que va-t-il arriver finalement en ce qui concerne les assurances dans ce projet de loi? Qu'arrivera-t-il? On dit que, dorénavant, ce ne sera plus la CSST qui couvrira les assurances qui favorisaient le travailleur parce que c'était le travailleur... Ce qu'on ne mentionne pas, c'est que le taux de capitalisation de la CSST est d'environ 55 %. On dit que, finalement, de plus en plus, les gens pourront avoir recours aux compagnies d'assurances privées plutôt qu'à la CSST, M. le Président. Mais qu'est-ce que cela veut dire finalement? Tout cela veut dire que les primes pour le travailleur vont augmenter, parce que les compagnies d'assurances ont habituellement besoin de capitaliser et, quand elles capitalisent, c'est du 100 %, Mme la Présidente. On n'en parle pas, on dit: Bien non. On fait toujours miroiter l'ombre. (8 heures)

Mme la Présidente, si c'était un si bon projet de loi, je ne vois pas pourquoi l'ensemble des gens du milieu de la construction se seraient élevés si rapidement contre ce projet de loi et demanderaient si fortement à être entendus. Il y a des trous dans ce projet de loi parce qu'il n'est pas conforme aux réels besoins du monde de la construction actuellement.

Mme la Présidente, nos jeunes, à qui on a donné énormément d'illusions, chez qui on a créé énormément d'attentes, sont en mesure de demander à ce gouvernement des comptes et d'avoir les vraies réponses aux questions. Mais je me demande si ce gouvernement pourra apporter les véritables solutions et les vraies réponses aux vrais besoins actuellement.

L'industrie de la construction a connu ses difficultés, non pas à cause du règlement de placement, Mme la Présidente, comme voudrait bien le laisser entendre ce

gouvernement, mais parce que dans les années 1981-1982 il y a eu des problèmes réels structurels au niveau économique. Mme la Présidente, cela n'a pas été propre au Québec, mais cela l'a été dans l'ensemble des différents pays industrialisés. Comme l'ensemble des pays industrialisés, nous avons connu notre période de crise et cela n'a pas été facile de nous en sortir, mais une chance que nous avions déjà un règlement qui permettait...

Mme la Présidente, on commence à être de plus en plus loquace de l'autre côté. Ils peuvent peut-être parler après.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je comprends que vous avez siégé tard et tôt ce matin, mais je demanderais une participation pour que l'on puisse continuer le débat.

Mme la députée de Marie-Victorin, en vous rappelant qu'il vous reste environ trois minutes.

Mme Vermette: Mme la Présidente, je parlais de l'ensemble de la conjoncture économique des années 1981-1982 qui n'a pas été le propre du Québec. C'est une conjoncture qui a touché l'ensemble des pays industrialisés; c'était très difficile à l'époque, Mme la Présidente, de pouvoir se trouver de l'emploi, parce que tout était stagnant, à cause d'une crise économique structurelle et conjoncturelle. Aujourd'hui, on essaie de faire croire que c'est à cause du règlement de placement que les gens ont eu de la difficulté à se trouver de l'emploi.

Mme la Présidente, il faudrait arrêter de croire la population plus naïve qu'elle l'est en réalité. Les gens sont capables de faire la part des choses et la différence. Ce n'est pas simplement un coup de baguette magique qui peut favoriser le développement des emplois, surtout dans une crise économique. Je dis qu'il était important d'avoir un règlement-cadre avec des critères qui permettait à des gens de pouvoir se trouver de l'emploi et qui permettait de maintenir une paix sociale. Vous savez à quel point dans de telles situations on peut développer facilement un marché noir de main-d'oeuvre et on peut facilement favoriser toutes sortes de règles de procédure qui ne sont pas conformes à l'éthique, règle générale.

Mme la Présidente, il ne faut pas toucher à des organismes qui ont prouvé par le passé leur bien-fondé et qui ont permis de rétablir un équilibre et une paix sociale. J'espère que l'on pourra dorénavant travailler dans des conditions autres que celles de travailler en pleine nuit et qu'on pourra faire la lumière au vu et au su de tous.

Mme la Présidente, c'est sûr que les travailleurs de la construction, ce sont des gens pour lesquels j'ai énormément d'estime, ce sont des gens qui doivent se lever très tôt, qui doivent aller sur les chantiers de construction très tôt. Mais, connaissant fort bien leur intérêt pour le projet de loi, j'aurais aimé que l'ensemble des citoyens et des citoyennes puisse prendre part au débat. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. M. le député de Dubuc.

Une voix: Bienvenue parmi nous! M. Hubert Desbiens

M. Desbiens: Merci, Mme la Présidente. Je vous salue. Mme la Présidente, le projet de loi 119 dont les notes explicatives nous rappellent les principes - évidemment à 8 h 7 du matin, alors que l'Assemblée nationale siège depuis hier, lundi, premier décembre, nous en sommes maintenant au mardi 2 décembre...

Des voix: Bravo!

M. Desbiens: On va en profiter pour souhaiter un joyeux anniversaire à nos amis du gouvernement. Profitez-en bien, vous n'en aurez pas pour longtemps avec des projets de loi comme le projet de loi 119, entre autres, que vous nous présentez ici.

Pendant la campagne électorale, vous avez fait miroiter, particulièrement aux yeux des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises, qu'au Québec avec l'arrivée et la victoire du Parti libéral ce serait la victoire de la jeunesse. Je pense que les seuls jeunes qui ont réussi à se trouver un emploi avec cela sont les jeunes députés qu'on a ici.

Mme la Présidente, il y a, dans ce projet de loi qui nous est présenté par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail à l'occasion, des principes qui touchent un des points majeurs, je crois, de cette relative paix industrielle qu'on avait réussi à établir au Québec depuis les troubles majeurs qu'on avait connus dans les années soixante-dix. On se rappelle évidemment l'enquête Cliche et les propositions présentées à l'époque après cette enquête pour tenter d'amener une certaine paix sociale dans le milieu de la construction au Québec. La construction est une industrie comme l'industrie manufacturière, et la loi de l'offre et de la demande d'emplois existe de la même façon que dans n'importe quelle industrie. Tenter de faire croire à la population et aux jeunes en particulier que le seul fait de modifier une convention collective, puisque le règlement de placement est un peu la convention collective des travailleurs de la construction, que le seul fait de modifier cette convention

collective ou cette loi qui régit tout le domaine de la construction sera créateur d'emplois, c'est évidemment tenter de fausser l'information. Le premier ministre appelait cela de la désinformation la semaine dernière. Ce doit être à peu près le résultat que cela donne. (8 h 10)

La seule façon rapide et sûre de permettre l'entrée à plus de jeunes gens dans le secteur de la construction, c'est bien sûr la création d'emplois. Si le gouvernement avait rempli cet engagement qu'il avait pris devant l'ensemble de la population du Québec de créer 100 000 emplois - chiffres qui ont été ramenés un peu plus tard, en campagne électorale, à 80 000 emplois - par année, il aurait été beaucoup plus facile, pour les jeunes Québécois et Québécoises qui tentent ou veulent trouver, à partir de leur formation, un poste dans le secteur de la construction, de le trouver.

On dit que le règlement de placement dans la construction fausse la concurrence et constitue une protection indue pour les travailleurs. On sait que, sur ce point, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec - on ne peut certainement les qualifier ni de socialistes ni de péquistes - a fini par reconnaître que c'est vraiment exagéré. De la campagne électorale et à la suite des énoncés soit des ministres actuels soit des députés actuels du Parti libéral qui, à l'époque, lorsqu'ils siégeaient de ce côté-ci, nous faisaient des discours sur le règlement de placement et les difficultés que rencontraient des milliers de Québécois, il y a un exemple dont on se souvient. Bien sûr, c'est celui du député de Portneuf, l'actuel ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Il disait, entre autres: Ce règlement prive des centaines et des milliers de travailleurs du Québec de sorte qu'aujourd'hui on a des gens qui sont en chômage et qui sont désireux de travailler, qui ont un emploi disponible et qui voudraient travailler plutôt que de vivre de prestations, etc.

On a répété ce thème à satiété pendant des mois et des mois. On a répété ce thème tellement souvent qu'on a fini, avec cette rumeur, par accréditer une espèce de situation où on se disait: L'abolition du certificat de classification créera des jobs. Cela va créer des jobs. La semaine dernière, pourtant, le ministre du Travail a bien dit, ou n'a pas dit du tout, puisqu'il n'a pas pu répondre - il n'a donné aucune réponse -qu'il n'avait aucune étude en sa possession qui indiquait de quelque façon que ce soit que l'abolition du certificat de classification pourrait créer des jobs au Québec. Et pour cause, parce que l'abolition de ce certificat de classification en soi ne créera aucun emploi.

Il faut savoir quelle est la nature de ce règlement de placement et du certificat de classification. Comme je le disais tantôt, le règlement de placement dans l'industrie de la construction est issu du rapport de la commission Cliche. À la page 248 de ce rapport, on peut lire: "En second lieu, la commission prouve de façon très claire que les abus qui touchent la main-d'oeuvre dans ce secteur de l'économie, du point de vue du placement et de la formation, mettent les relations industrielles de la construction dans le chaos. Même si les préoccupations de main-d'oeuvre sont relativement récentes, nous avouons qu'elles sont d'une importance capitale pour permettre le fonctionnement sain, normal et efficace de la construction à l'égard des travailleurs comme des employeurs et du public."

À la page 348 du même rapport: "En effet, si les travailleurs n'obtiennent pas d'emploi, on souffre de mauvaises conditions de travail. Si les employeurs n'arrivent pas à combler leurs besoins de main-d'oeuvre, on ne peut espérer un climat propice aux relations harmonieuses entre les parties."

Cette même commission Cliche sentait d'ailleurs le besoin de faire un chapitre particulier sur la sécurité d'emploi. À la page 401, on trouve que les objectifs visés par la commission dans sa recherche d'une plus grande sécurité d'emploi sont les suivants: 1 Atteindre une utilisation optimale de la main-d'oeuvre. 2 S'organiser de façon que le travailleur régulier de la construction, celui qui gagne sa vie uniquement dans la construction, puisse en retirer un revenu suffisant. 3 Veiller aussi à ce que la main-d'oeuvre disponible puisse satisfaire à la demande en toutes circonstances. 4° Faire aussi en sorte, même s'il y a constamment un bassin de travailleurs disponibles pour satisfaire à une demande accrue et rapide de la part des employeurs dans ce domaine, que le chômage saisonnier et les fluctuations cycliques de la main-d'oeuvre dans ce secteur important soient réduits autant que possible.

Le gouvernement précédent avait essayé, par le règlement de placement, de répondre à ces voeux exprimés par la commission d'enquête dans ce secteur. Il y a eu, à une certaine époque, au-delà de 250 000 travailleurs disponibles dans la construction. Est-ce que cela créait pour autant des emplois? Il est évident que non, Mme la Présidente. Qu'il y en ait 250 000, 100 000 ou 300 000, quand il y a du travail pour 75 000 personnes, il ne peut y avoir que 75 000 personnes au travail. S'il en reste 100 000, 150 000 ou 200 000 qui se retrouvent sans emploi, on peut facilement imaginer le climat et la tension qui peuvent régner entre ceux qui ont, si on peut dire, la chance de décrocher un emploi et de travailler durant un nombre suffisant d'heures pour réussir à faire un salaire raisonnable et

ceux qui, plus malchanceux pour une raison ou pour une autre, ne peuvent obtenir cet emploi recherché. Cela deviendra, comme cela l'a été à l'époque, une source de conflits à l'intérieur de notre société.

Évidemment, on avait, durant la campagne électorale, également fait miroiter que ce serait l'abolition du règlement de placement. Il est certain que le projet de loi est maintenant déposé; le ministre ne peut plus jouer avec les termes de façon politique. C'est le certificat de classification qui est ici touché de façon particulière.

Il y a un autre point important concernant ce règlement; cela constitue évidemment pour les travailleurs de la construction la seule clause d'ancienneté qu'il peuvent posséder. Si, en éliminant cette clause, on permet aux employeurs d'aller davantage embaucher des jeunes, puisqu'il n'y a pas plus d'emplois, c'est finalement, d'une certaine façon, donner la place du père au fils. Comment serons-nous plus avancés et comment les jeunes travailleurs le seront-ils à ce moment-là? (8 h 20)

Un autre danger qui existe déjà et qui sera davantage vécu après l'adoption de ce projet de loi, c'est le travail au noir. Il est bien certain que, pour la même quantité de travail, s'il y a deux fois plus de travailleurs disponibles, les salaires de chacun seront plus bas. Si on est douze à se séparer une tarte au lieu de six, les pointes de tarte seront plus petites et, si la pointe de tarte est trop petite pour satisfaire l'appétit, il y en a qui vont essayer de se chercher un revenu, une pointe de tarte supplémentaire. Comment le faire, Mme la Présidente, autrement qu'en essayant de travailler, de faire ce qu'on appelle du travail au noir? Cette proposition du gouvernement aura comme autre conséquence une certaine augmentation du travail au noir, une augmentation du travail au noir qui est catastrophique dans un sens, particulièrement pour le gouvernement.

Le Parti québécois est pour et il s'est prononcé, évidemment, pour une amélioration de la situation de l'embauche des jeunes dans la construction. Quand on compare les chiffres qui nous sont fournis par l'Office de la construction du Québec pour 1985 et qui ont été publiés dans son rapport, on se rend compte qu'il y avait déjà cette amélioration recherchée par le ministre du Travail. La situation vécue en 1985 démontrait que l'effet recherché par la modification du pourcentage d'introduction des jeunes dans l'industrie de la construction correspondait, finalement, à la volonté exprimée par cette partie de notre population. Comparativement à 1984, le nombre des compagnons dans l'industrie de la construction a augmenté, en 1985, de 2 % alors que chez les apprentis l'augmentation a été beaucoup plus considérable, soit 46,4 % de l'effectif. Cela a été une augmentation véritablement spectaculaire si on compare le nombre des apprentis en 1984, qui était autour de 10 500, qui est passé, en 1985, à quelque 15 000 jeunes nouveaux introduits dans la construction. Cela démontre en même temps cette nouvelle arrivée de jeunes. Cela confirme que l'entrée des jeunes dans l'industrie de la construction est possible et était déjà possible avec le règlement tel qu'il existait, tout cela selon la conjoncture économique et le volume de construction au Québec.

L'âge moyen, depuis plusieurs années au Québec, avait plutôt tendance à augmenter; c'est vrai, sauf que, justement, cette tendance commençait à s'estomper et même à diminuer, comme cela s'est produit encore en 1985 et tel que le révèle l'analyse de l'industrie de la construction au Québec pour cette année-là.

Mme la Présidente, vous me signifiez que mon temps achève. Brièvement, ce nouveau règlement ne viendra d'aucune façon créer de nouveaux emplois pour les jeunes. Il risque fort d'ailleurs, puisqu'il est ouvert à tout le monde, d'augmenter le nombre des travailleurs de la construction, mais que ce nombre-là, justement, ne soit pas constitué surtout de jeunes, parce que ce ne sont pas les jeunes qui ont des relations très suivies, très fortes avec les entrepreneurs. Cela risque que cela soit davantage des gens plus âgés. En conséquence, bien sûr, je voterai contre le projet de loi 119. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Dubuc. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je propose l'ajournement du débat.

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on ajourne le débat?

M. Gendron: Est-ce que le leader du gouvernement a l'intention d'utiliser son droit de parole de dix minutes?

M. Gratton: Non, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: II y a consentement?

M. Gendron: II y a consentement.

La Vice-Présidente: Nous allons donc ajourner les débats concernant le projet de loi 119 et ajourner à 10 heures aujourd'hui.

M. Gratton: Mme la Présidente, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à 10 heures en disant à tous ceux qui sont là: À tout à l'heure.

La Vice-Présidente: Travaux ajournés.

(Fin de la séance à 8 h 27)

Document(s) associé(s) à la séance