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(Quatorze heures sept minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement.
M. Boulerice: Pour effacer vos péchés.
Le Président: Veuillez vous asseoir. Nous allons commencer
l'ordre du jour. Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je vous prie d'appeler
l'article c au feuilleton s'il vous plaît!
Projet de loi 6
Le Président: À l'article c au feuilleton, M. le
ministre délégué aux Finances et à la Privatisation
présente le projet de loi 6, Loi modifiant diverses dispositions
législatives concernant les valeurs mobilières.
M. le ministre.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, le présent projet de
loi a pour objet de modifier diverses dispositions législatives qui
s'appliquent aux offres publiques d'achat, d'échange ou de rachat, dans
le but d'assurer une plus grande uniformité de la réglementation
avec celle des autres provinces.
En outre, ce projet a pour objet de modifier d'autres dispositions de la
loi afin notamment d'élargir le droit de résolution
accordé aux souscripteurs, de reporter au règlement certains
éléments du régime des déclarations
d'initiés et d'assurer une meilleure répression des infractions
en matière d'information privilégiée.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir du projet de loi 6?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté, M. le leader de
l'Opposition?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Article e, M. le Président.
Projet de loi 30
Le Président: À l'article e au feuilleton, M. le
ministre du Travail présente le projet de loi 30, Loi constituant la
Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions
législatives.
M. le ministre du Travail.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président.
Ce projet de loi a pour objet la mise sur pied d'une Commission des
relations du travail qui aura tous les pouvoirs nécessaires pour agir
sur une partie importante des rapports collectifs du travail.
Ainsi, le projet de loi confie à cette commission le mandat
d'assurer le libre exercice du droit d'association déjà reconnu
par le Code du travail et les chartes en faveur des salariés et
d'administrer le processus d'accréditation des syndicats.
La commission pourra aussi intervenir pour faire respecter les
dispositions du Code du travail, d'abord par voie de médiation et
ensuite, si nécessaire, en ordonnant aux personnes concernées de
se conformer au code, afin de solutionner certains conflits de travail
rapidement et d'une manière appropriée au domaine des relations
du travail.
Elle aura également parmi ses autres fonctions, celle de voir
à la détermination et au respect des services essentiels en cas
de grève suivant les règles actuellement prévues pour les
services publics et les secteurs public et parapublic.
Le projet de loi prévoit en conséquence le transfert des
responsabilités actuelles du Bureau du commissaire du travail, du
Tribunal du travail, du Conseil des services essentiels et du Commissariat de
la construction à la nouvelle commission. Il apporte aussi les
ajustements nécessaires au Code du travail et a d'autres lois.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se...
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Considérant que ce sera probablement la seule
loi qui aura un peu de corps à cette session-ci, est-ce que le ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu envisage une
consultation préalable? Compte tenu des modifications importantes
prévues au Code du travail et à
plusieurs mécanismes de relations du travail, est-ce que le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
considère qu'il y aurait lieu d'envisager une commission parlementaire
élargie?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, au moment où on se
parle, je n'ai pas été consulté par le ministre. On pourra
se concerter et en aviser les membres de l'Assemblée dans les meilleurs
délais.
Le Président: Adopté?
Dépôt de documents, M. le ministre de l'Éducation,
de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Rapport annuel de la CPCOQ
M. Ryan: J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de la
Corporation professionnelle des conseillers d'orientation du Québec pour
l'exercice 1985-1986.
Le Président: Document déposé. Rapports de
commissions. Dépôt de pétitions.
Cet après-midi, il n'y a pas d'intervention portant sur une
violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait
personnel.
Avant de procéder à la période de questions orales,
j'aimerais aviser les membres de cette Assemblée que nous aurons
à procéder, immédiatement après la période
de questions, à un vote qui a été reporté hier
après-midi.
Egalement, M. le ministre de l'Environnement apportera un
complément de réponse à une question posée par M.
le député de Terrebonne il y a environ quinze jours. Je vais
reconnaître une première question orale. Question principale, M.
le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Droit de veto sur l'intervention
du fédéral dans les domaines de
juridiction provinciale
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, au premier
ministre. Hier, après avoir admis qu'à toutes fins utiles il n'a
pas obtenu le droit de veto pour lequel il demandait un mandat à la
population dans son programme électoral, le premier ministre a
élaboré un nouveau concept qui est celui du droit de dire non
pour le Québec en matière de pouvoir de dépenser. J'ai
quelques questions pour lui sur ce sujet.
On sait que le pouvoir de dépenser c'est la capacité pour
l'État fédéral de taxer de façon illimitée,
et donc de dépenser de façon illimitée, surtout, à
même un déficit croissant qui est en train d'endetter l'ensemble
des contribuables du Canada depuis de nombreuses années. On sait que ce
pouvoir de dépenser a été utilisé par l'État
fédéral depuis de nombreuses années pour faire des
incursions dans les domaines de juridiction des provinces et qu'il en est
résulté, à toutes fins utiles, à l'occasion, ce
qu'on a qualifié de maisons de fous, de confusion, ou encore, comme le
dit Maîtriser l'avenir, du Parti libéral, que c'est devenu
une pomme de discorde chaque fois que le gouvernement fédéral a
voulu s'en servir comme levier pour imposer aux provinces, et
singulièrement au Québec, des conditions plus ou moins rigides
dans l'utilisation des sommes versées.
Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il a obtenu un droit
de veto sur la capacité pour le fédéral d'intervenir dans
les domaines de juridiction provinciale et, deuxièmement, si ce droit de
veto s'applique aux programmes existants?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je remercie, évidemment, le chef de
l'Opposition d'être ici parce que d'habitude, le jeudi, il parcourt la
province. J'apprécie beaucoup qu'il ait fait exception aujourd'hui.
Probablement que la mobilisation générale doit aller très
bien et cela lui permet d'être ici cet après-midi. Je voudrais
dire au chef de l'Opposition, encore une fois - ça fait quatre fois que
je le lui dis - que, dans le programme du Parti libéral - j'ai
cité hier même le texte - puisqu'il a mentionné, dans sa
question, que c'est un programme sur lequel nous avions été
élus, c'est mentionné - dans le programme Maîtriser
l'avenir - qu'il y a deux formules acceptables. Donc c'est faux, c'est
absolument faux encore une fois de dire que nous n'avons pas été
élus sur cette plateforme, qui a permis... Puisque le chef de
l'Opposition veut parler du droit de veto, il va me permettre encore une fois
de dire un mot de l'historique. Il a voulu mentionner cette question dans le
préambule. C'est ma responsabilité de rétablir les
faits.
Le droit de veto n'existait pas pour le Québec, y compris pour
les institutions fédérales. Il n'existait que dans la formule de
7-50, c'est-à-dire sept provinces constituant 50 % de la population.
Donc, ça pouvait exclure le Québec. Nous avons obtenu le droit de
veto sur les institutions fédérales. Gain net. Plus que cela,
dans l'ancienne formule qui existait ou dans la formule actuelle, le droit de
retrait n'existe que pour l'éducation et la culture. Nous avons obtenu
son extension à l'ensemble des secteurs. Deux gains nets dans les
pouvoirs du Québec de pouvoir s'opposer soit par veto, soit par
retrait.
M. le Président, je m'excuse. Je voulais simplement et je le
ferai chaque fois que le chef de l'Opposition fera des affirmations fausses
comme il l'a fait à la télévision avant-hier soir,
trompant effrontément la population...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît! En conclusion, M. le premier ministre. En conclusion.
M. Bourassa: Je le ferai chaque fois que ce sera
nécessaire. Quant au pouvoir de dépenser, cela fait partie d'une
des cinq conditions qui avaient comme objectif de limiter le pouvoir de
dépenser. Le chef de l'Opposition est capable de lire comme nous tous.
Il n'a qu'à lire l'amendement...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...et il va s'apercevoir que nous avons obtenu de
nos partenaires une limitation au pouvoir de dépenser.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Je reviens au programme du Parti
libéral, M. le Président, du conseil général du
mois de juin 1985...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...publié quelques jours après
la position constitutionnelle que le gouvernement du Québec avait alors
déposée. Je lui rappelle l'article 28.10, s'il veut bien le lire:
"Qu'un gouvernement libéral réclame que la nouvelle constitution
reconnaisse formellement, au Québec, un droit de veto sur toutes les
questions de nature constitutionnelle" et non pas un droit de retrait.
Deuxièmement, est-ce que le premier ministre est prêt
à reconnaître que, dans le cas du pouvoir de dépenser, le
programme de son parti dit bel et bien, à l'article 28.9.1: Que la
création par le fédéral de tout nouveau programme
impliquant des subventions conditionnelles aux provinces soit soumise à
leur approbation, une telle approbation s'exprimant formellement dans le cadre
d'une règle décisionnelle similaire à la formule
d'amendement.
Est-ce que je dois comprendre que ce qu'a obtenu le premier ministre,
indépendamment de ce que dit le communiqué du lac Meech, c'est
que, dorénavant, avant de lancer un nouveau programme - souvent, source
de confusion pour les citoyens, pour les provinces et pour les budgets, source
d'augmentation des déficits, frictions administratives - le
fédéral devra obtenir l'approbation de sept provinces
représentant 50 % de la population?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition peut lire tous les
commentateurs - il y en a plusieurs qui se sont prononcés aujourd'hui,
pas nécessairement dans le sens de son analyse - qui concluent que c'est
un gain très net. Nous obtenons un droit de retrait.
Le texte parle d'un droit de retrait pour des mesures qui sont en
conformité avec les objectifs nationaux. J'ai dit au chef de
l'Opposition, avant-hier, que c'était peut-être l'un des cinq
points qui est le plus technique, là où le texte juridique -
j'étais d'accord avec lui - était très important à
examiner, évidemment. Dans le cas de la formule d'amendement - on vient
d'en discuter tantôt - je pense qu'on peut être très clair,
ainsi que dans le cas des juges pour la Cour suprême. Pour ce qui est de
l'immigration, cela pourrait être complexe. Mais, dans le cas du pouvoir
de dépenser, c'est une question technique. Nous nous sommes donc
entendus sur des principes. Ce qui est important pour nous, c'est que si nous
ne sommes pas d'accord - le Québec représente quand même 25
% de la population - avec un programme fédéral, nous avons la
possibilité de nous retirer avec une juste compensation. On parle de
pleine compensation, de juste compensation, de compensation raisonnable, ce
sont toutes des choses dont nous allons discuter la semaine prochaine, de notre
côté, avec le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, avec le ministre de l'Éducation, qui
connaît bien ces questions et d'autres... Vous avez l'air
d'hésiter.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! En conclusion, M. le ministre.
M. Bourassa: En tout cas, une résolution sera
présentée tantôt. Nous avons l'intention d'examiner toutes
les modalités de manière à satisfaire la curiosité
légitime du chef de l'Opposition.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle. (14 h 20)
M. Johnson (Anjou): C'est bien gentil tout cela.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): C'est bien gentil tout cela, M. le
Président, mais ce que je demande au premier ministre, c'est:
Considère-t-il que ce qu'il a obtenu, et qui devrait normalement
être traduit dans des textes, pour qu'on travaille sur quelque chose de
sérieux, c'est la garantie que le
gouvernement fédéral ne peut plus verser, par exemple, des
subventions aux institutions ou aux particuliers dans le domaine de la culture
et de l'éducation?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je crois que nous avons déjà
donné notre point de vue. Il est évident qu'il reste toujours la
possibilité, pour la fiscalité et, étant donné que
nous vivons dans une fédération, il est assez difficile
d'empêcher le gouvernement fédéral d'agir sur le plan
fiscal, cela s'est déjà fait. Sur le plan des institutions, nous
avons eu l'occasion de rétablir les faits à l'occasion d'une
déclaration qui aurait été faite, il y a quelques jours,
et qui, d'ailleurs, a été plus ou moins corrigée par M.
Murray, hier, dans un débat au Sénat, où il a dit
clairement que, dans cet accord, le gouvernement du Québec obtenait des
pouvoirs additionnels très importants. Nous sommes actuellement à
discuter avec nos partenaires pour la rédaction d'un texte juridique
couvrant tous ces angles et pour lequel nous aurons une discussion très
utile, la semaine prochaine.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Je veux bien, M. le Président, que le
premier ministre nous dise qu'il a obtenu bien des choses, sauf le droit de
veto, dans ces questions fondamentales, mais ma question au premier ministre
-avant qu'on ait les textes, et dans la mesure où M. Murray ne semble
pas dire la même chose à Toronto qu'à Ottawa ou quand il
parle en français ou en anglais - est celle-ci: Pourrait-on savoir si
l'entendement du premier ministre à l'occasion de cet accord
préliminaire qui, semble-t-il, est en train de donner lieu à une
deuxième négociation constitutionnelle... Le premier ministre
pourrait-il nous dire s'il considère que, dorénavant, le
gouvernement du Québec devra donner son approbation pour les versements
faits à des individus dans les secteurs de l'éducation et de la
culture ou à des institutions dans les secteurs de l'éducation et
de la culture.
M. Bourassa: M. le Président.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je viens de répondre au chef de l'Opposition.
Il y a toutes sortes d'interprétations qui peuvent être
données. Vous avez, d'un côté, M. Turner et M. Broadbent
qui disent que cela met en danger les principes de répartition de la
richesse au Canada. Il y en a d'autres, par ailleurs, qui disent qu'il faut
aller dans ce sens ou cela pourrait ne pas avoir des résultats
concrets.
Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que nous avons obtenu comme
principe que pour un nouveau programme nous pouvons - c'est quand même
écrit clairement dans le texte - obtenir un droit de retrait. C'est
quand même un gain net. C'est la première fois depuis 23 ans que
nous obtenons un tel résultat.
C'est évident, comme je le dis au chef de l'Opposition, qu'il y a
les pouvoirs fiscaux du gouvernement fédéral et c'est dans ce
contexte que nous examinons actuellement une formule qui protégerait les
intérêts du Québec et nous permettrait de nous retirer des
programmes avec lesquels nous ne serions pas d'accord et que nous voudrions
remplacer par des mesures ou des initiatives qui seraient conformes en
même temps aux objectifs nationaux.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre ne
reconnaît pas que c'est un peu de la nature d'une espèce de droit
de stationnement sur la lune, ce qu'il est en train de nous dire dans la mesure
où...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre ne
reconnaît pas qu'en pratique, une des sources de la grande
inefficacité de l'État québécois à
l'égard notamment de la réinsertion des
bénéficiaires d'aide sociale sur le marché du travail,
à l'égard de la formation professionnelle, à
l'égard des politiques de main-d'oeuvre, ce qui a fait l'objet d'un
accord depuis vingt ans au Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre entre les représentants patronaux et syndicaux, qu'une des
sources fondamentales d'inefficacité du système
québécois à cause du système fédéral,
c'est précisément la présence de l'État
fédéral dans tout le secteur de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu et qu'il n'a rien obtenu là-dessus?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, ça fait 25 ans qu'il
y a les programmes conjoints, 25 ans qu'on discute au Canada du pouvoir de
dépenser avec tous les gouvernements, une demi-douzaine de
gouvernements. C'est la première fois que nous pouvons réussir.
De la part de nos partenaires, cela n'a pas été
nécessairement facile et on voit actuellement les réactions des
différents chefs de parti au niveau fédéral. C'est la
première fois que
nous pouvons réussir au Canada, qu'une province est capable
d'obtenir de l'ensemble des autres provinces et du gouvernement
fédéral un accord pour limiter le pouvoir de dépenser.
C'est quand même un gain net que vous n'avez pas été
capables de réussir, quelle que soit la situation politique où
vous vous trouviez. Que vous ayez été en position de force ou en
position de faiblesse, vous n'avez jamais été capables d'obtenir
quoi que ce soit dans ce secteur. Nous, nous le faisons.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Plutôt que de parler de l'histoire ou
de la préhistoire, est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte
qu'il a manqué une occasion extraordinaire puisque, semble-t-il, il est
arrivé un peu comme un surhomme au lac Meech...
Une voix: Un matamore.
M. Johnson (Anjou): ...qu'il a manqué une occasion
extraordinaire de permettre au Québec d'avoir des moyens de
développer des politiques d'emploi intelligentes pour les citoyens du
Québec, en obtenant que le fédéral renonce à sa
présence dans ce secteur et fasse les transferts au Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je ne suis pas arrivé en surhomme au lac
Meech. Je crois que je n'ai pas, de mon côté, ce genre de
prétention.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition que la position de
négociation...
Le Président: Â l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: ...du Québec était liée aux
concessions, aux abandons que vous aviez faits. C'était la position de
négociation du Québec. Pas de droit de veto sur les institutions
fédérales, pas de droit de retrait. Plusieurs années de
fonctionnement du système fédéral, sans que l'on puisse
dire que, de façon générale, il y avait eu dans l'ensemble
du Canada des soubresauts parce que le Québec ne faisait pas partie de
l'entente constitutionnelle. Il y avait le risque énorme qu'au fil des
ans la situation du Québec soit banalisée, en ne faisant pas
partie de l'entente constitutionnelle. Donc, on n'arrivait pas là en
surhommes. On arrivait avec quelques atouts qui nous ont permis, parce qu'ils
ont été bien utilisés - la qualité de
l'équipe, notamment dirigée par le ministre
délégué aux Affaires intergouverne- mentales canadiennes,
et des hauts fonctionnaires d'une exceptionnelle qualité, qu'a connus le
chef de l'Opposition - alors avec une équipe comme celle-là et
quelques atouts, un certain sens de la synchronisation des
événements nous ont permis de récolter...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: ...nous ont permis d'obtenir des gains exceptionnels
pour l'avenir du Québec. C'est cela qu'on a obtenu.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je dirai au premier
ministre, qui évoque la présence de hauts fonctionnaires que j'ai
connus, que ce qui fait la qualité d'un haut fonctionnaire - Dieu sait
que M. Louis Bernard et Me Jean-K. Samson sont de remarquables hauts
fonctionnaires - c'est sa compétence, sa loyauté à
exécuter des mandats. Dans le cas présent, le problème
c'est celui qui donnait les mandats.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce que c'est en principale ou en additionnelle? En additionnelle, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, est-ce que le premier
ministre est en mesure, toujours relativement au pouvoir fédéral
de dépenser, de confirmer la déclaration du sénateur
Murray qui indiquait qu'il y avait bien des moyens de contourner les limites au
pouvoir de dépenser du Parlement fédéral, en particulier
les subventions directes aux individus et aux institutions?
Concrètement, est-ce que le Québec pourra exercer son veto,
empêcher le gouvernement fédéral, par exemple, de verser
des subventions aux bibliothèques publiques ou de verser des subventions
aux organismes d'éducation populaire...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: ...dans le secteur de la culture et de
l'éducation? Est-ce que...
Le Président: Votre question, s'il vous plaît! Votre
question, s'il vous plaît!
M. Brassard: Vraiment!
Le Président: Vous m'aviez dit en additionnelle, M. le
député de Lac-Saint-Jean, et vous avez dépassé de
beaucoup le temps accordé pour une question additionnelle. Je m'excuse.
Je reconnais que depuis toujours j'ai accordé des discrétions au
chef de
l'Opposition et au premier ministre, mais peu importe le sujet, je
voudrais qu'on respecte les règles établies depuis le
début.
M. Brassard: La règle établie...
Le Président: Ne recommencez pas la question.
M. Brassard: Sur la question de règlement, M. le
Président, ma question avait une forme interrogative d'un bout à
l'autre.
Le Président: Oui, mais là... Elle est
très... oui, mais ce n'était pas une question principale,
c'était une question additionnelle.
M. Brassard: II n'y avait pas de préambule non plus.
Le Président: Vous avez dépassé. (14 h
30)
M. Brassard: Est-ce que le Québec va pouvoir exercer son
veto, empêcher le gouvernement fédéral de verser des
subventions aux individus, aux institutions, par exemple, dans le cas des
bibliothèques publiques ou des organismes d'éducation populaire,
etc.? Est-ce que vous allez pouvoir empêcher le fédéral
d'empiéter dans des domaines de juridiction exclusive du
Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je voudrais répondre
au député de Lac-Saint-Jean - et en l'occurrence un peu le
frappeur de relève du chef de l'Opposition - que les propos du
sénateur Murray ont été, comme je l'ai dit tantôt au
chef de l'Opposition, corrigés par lui-même en disant que le
Québec obtenait des gains additionnels très importants.
S'il lit l'amendement comme tel - c'est dit que dans les juridictions de
nature provinciale, c'est-à-dire l'article 92 - il va constater que nous
avons un droit de retrait. C'est un texte constitutionnel, cela a des
implications juridiques importantes, c'est évident que nous avons notre
programme. Il y a une tradition au Québec qui s'est
réalisée à quelques reprises. On pense, par exemple,
à la lutte de M. Lesage dans le cas des régimes de retraite.
Nous voulons et nous travaillons actuellement un texte juridique qui
nous permet de consacrer dans la constitution ces gains très importants,
mais en même temps, M. le Président, de tenir compte de la
structure fédérale dans laquelle évolue le Québec
et qui lui donne des avantages indéniables.
Le Président: S'il vous plaît! M. le
député de Taillon, en principale.
Textes juridiques de l'entente du lac Meech
M. Filion: En principale, M. le Président, mais encore
dans le dossier constitutionnel. Il est établi que le premier ministre,
dans ce dossier, agit sans mandat réel de la population, avec une
précipitation injustifiée, compte tenu du délai de trois
ans contenu à la loi de 1982. D'autre part, l'accord lui-même est
rédigé sous la forme d'un communiqué de presse - il faut
le faire, en matière constitutionnelle - à tel point que toutes
les interprétations contradictoires ont actuellement cours au
Canada.
M. Mulroney rassure le Canada anglais: Québec n'a rien
gagné qu'il n'avait déjà; le premier ministre du
Québec corrige les propos...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
Une voix: En principale...
Le Président: Allez, allez:
M. Filion: ...le premier ministre corrige les propos de M.
Murray. Finalement, c'est le Toronto Star d'avant-hier, dans son
éditorial, qui résume le mieux ce qui se passe et l'état
de confusion actuelle. Après avoir fait le tour des contradictions, il
conclut: "But if Bourassa is right, they are wrong." "They", c'était M.
Mulroney et M. Peterson, premier ministre de l'Ontario.
M. le premier ministre, la population du Québec veut savoir qui
dit vrai, et quel est, au juste, l'accord du lac Meech. Par respect pour les
parlementaires, pour les experts, pour la population du Québec, le
premier ministre ne croit-il pas qu'il est indécent de tenir une
commission parlementaire sans avoir les textes juridiques servant de base en
droit constitutionnel?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je demanderais au
député de Taillon, si ce n'est pas trop lui demander, de me faire
parvenir la copie de l'éditorial du Toronto Star. Je ne
m'attendais pas que les députés du Parti québécois
citent le Toronto Star cet après-midi.
J'apprécierais...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. Rochefort: ...
M. Bourassa: Je dirais au député de Gouin que ce
n'est pas moi qui ai parlé du Toronto Star. Il a toujours
tendance à être
agité un peu, lors de la période de questions.
Le Président: À la question... S'il vous
plaît!
M. Bourassa: Je demande simplement au député de
Taillon...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: ...qui cite le Toronto Star, de nous faire
parvenir l'éditorial. On pourra en citer, des éditoriaux. Je
pourrais vous citer, aujourd'hui, MM. Léon Dion, Marcel Adam,
Gérald Beaudoin et d'autres, et je ne suis pas sûr, si vous aviez
eu le temps de les lire, que vous auriez posé les mêmes
questions.
M. le Président, nous avons décidé de tenir une
commission parlementaire de six jours. On parlait de trois jours et on a
prolongé a six jours, le plus longtemps possible avant la
conférence constitutionnelle des premiers ministres.
Télédiffusée. On ne craint pas de discuter ouvertement
à la télévision, comme nous le faisons, ici, à
l'Assemblée nationale. On n'a pas l'impression qu'à ce jour cela
nous a nui plus que normalement. On ne craint pas du tout de faire la
télédiffusion des travaux de cette commission parlementaire.
Je dirai au député de Taillon, comme je l'ai dit
publiquement au chef de l'Opposition mardi - ce sont toujours les mêmes
questions qu'on répète constamment - que je comprenais son
intérêt pour obtenir les textes juridiques. Je viens de lui dire
que, notamment, dans le cas du pouvoir de dépenser, la question est
complexe et importante et c'est un enjeu majeur pour l'équilibre du
fédéralisme au sein du Canada. Je comprends qu'on doive avoir un
texte de manière à pouvoir nous informer, mais au niveau des
principes, je crois qu'on peut commencer la commission parlementaire. Nous
soumettrons les textes juridiques le plus rapidement possible. On peut
commencer la commission parlementaire. Il y a des principes très
importants tels que la question du droit de veto, la nomination des juges.
Le Président: En conclusion.
M. Bourassa: Je crois qu'il y a lieu...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: On va discuter tantôt de la formation de la
commission. Je crois qu'il y a lieu, M. le Président, de commencer cette
commission. On a suffisamment de matière et la venue d'experts pourra en
justifier pleinement et totalement l'utilité même si, au
départ, on n'a pas tous les textes juridiques en cause.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: M. le Président, est-ce que le premier ministre
reconnaît, étant donné l'importance capitale du dossier
constitutionnel, qu'on ne peut pas convier les experts, les intervenants du
Québec à une commission parlementaire sans avoir le texte
même, surtout qu'en droit constitutionnel -le premier ministre est
avocat, je le lui rappellerai, cela ne paraît pas beaucoup -...
Des voix: Oh!
M. Filion: ...les textes, les concepts, les mots ont une
importance extrême. En ce sens, je rappelle...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Filion: ...au premier ministre, s'en souvient-il? que
l'importance des mots, qu'il a soulignée en Chambre mardi, est telle
qu'il faut, pour commencer une commission parlementaire, pour faire des travaux
productifs, que nous ayons d'abord le contrat avant de le signer.
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le député de
Taillon sait fort bien que nous avons soumis à l'occasion des
propositions, pas des orientations générales très vagues.
Si nous examinons l'un des cinq exemples, notamment le cas du droit de veto,
tout est spécifié: les secteurs, à quelles institutions
s'applique le droit de veto. Nous avons eu la chance de pouvoir nous entendre
sur des propositions constitutionnelles. Je lisais le projet d'accord
constitutionnel du Parti québécois - vous citez notre programme,
on peut citer le vôtre - dans lequel on voit les hommages que rend le
chef de l'Opposition au premier ministre du Canada pour sa volonté de
régler le problème constitutionnel. Nous avons réussi
à le faire. Nous avons des textes très précis;
peut-être pas des textes juridiques ou très
détaillés, mais très précis. Je pense qu'il y a un
intérêt évident pour tous à discuter les principes
et les modalités qu'on trouve dans ces textes. Lorsque nous aurons les
textes juridiques, parce qu'il y en a certains, on le sait, qui doivent
être discutés plus en détail, nous pourrons poursuivre le
travail de la commission. Mais je ne comprends pas du tout l'attitude du
député de Taillon et celle de l'Opposition de ne pas vouloir voir
l'utilité de cette commission parlementaire. Est-ce que cela va
être utile de prendre connaissance de ces questions? On dirait qu'ils
veulent absolument...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...des mesures dilatoires pour essayer de nous
empêcher de récupérer ce qu'ils ont perdu.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): En additionnelle, M. le Président. Il
me semble que la question est simple. Je comprends que le premier ministre
n'est jamais capable de répondre simplement. Est-ce que le premier
ministre ne reconnaît pas...
Une voix: Sauf...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. Johnson (Anjou): ...qu'en matière de droit
constitutionnel, le libellé et les textes sont importants?
Achèteriez-vous une maison sans la visiter? Hein? Je comprends que vous
êtes capable de la vendre sans regarder, par exemple. (14 h 40)
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): Plutôt que de nous faire de longs
exposés et des...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...placotages répétés,
est-ce que le premier ministre peut prendre l'engagement clair, aujourd'hui
jeudi, que, mardi, au moment de l'ouverture de nos travaux, nous aurons en
commission parlementaire, l'ensemble des textes juridiques qui vont engager
l'avenir du Québec?
Des voix: C'est cela.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Qui parle de vendre la maison, M. le
Président, quand on voit les abandons historiques qui ont
été faits par l'ancien gouvernement?
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: S'il y a un parti qui est mal placé dans
l'histoire du Québec pour faire des reproches sur la défense des
intérêts, c'est bien celui qui assume l'Opposition aujourd'hui et
probablement pour fort longtemps. J'ai répondu au chef de l'Opposition
que nous avons suffisamment de matière, de textes, d'affirmations et de
données, d'ailleurs qui sont commentés par les plus grands
spécialistes ces jours-ci. On n'a qu'à examiner les journaux
d'aujourd'hui. Ils n'attendent pas les textes juridiques finaux, ils sont
prêts à assumer la responsabilité de leurs commentaires,
quitte à faire des suggestions. Alors, je ne vois pas pourquoi...
Une voix: ...
M. Bourassa: Forcément. Je veux dire, ils peuvent. J'ai
dit qu'à la commission parlementaire, on va permettre de faire des
suggestions. J'espère que l'attitude de l'Opposition ne sera pas
uniquement négative. Ce ne sera pas nouveau, mais on s'attend que, sur
des questions comme celle-là, elle fasse preuve d'un minimum de
responsabilités. Je dis au chef de l'Opposition que nous avons
actuellement suffisamment de matière. Si nous pouvons, pour mardi
prochain, terminer tous les textes juridiques, nous allons le faire, mais il
peut arriver qu'il en manque quelques-uns. Mais nous aurons quand même
suffisamment de matière, simplement avec les décisions du lac
Meech, pour pouvoir occuper le chef de l'Opposition. Je ne vois pas en quoi il
maintient cette manoeuvre de diversion. Alors que nous avons tout le
nécessaire pour faire oeuvre utile pour l'avenir du Québec, le
chef de l'Opposition s'acharne sur des modalités, alors qu'on a deux
semaines pour discuter de ces questions.
Le Président: M. le député de Lévis,
en principale.
L'économie découlant de la modification
des allocations de disponibilité
M. Garon: M. le Président, hier, j'ai eu l'occasion de
poser une question au ministre des Finances...
Une voix: Avant-hier.
M. Garon: Avant-hier. Après avoir révisé les
chiffres...
Une voix: ...une bonne question sur l'indépendance.
M. Garon: ...concernant l'allocation de disponibilité...
Ne vous énervez pas, il n'y a personne qui pense que le premier ministre
est un matamore qui fait face à dix premiers ministres forts de
même, vous savez.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. Garon: Alors, j'aimerais...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: En
principale, M. le député de Lévis, s'il vous
plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Garon: Avant-hier, le ministre des Finances, qui n'avait
peut-être pas eu le temps de lire complètement le discours sur le
budget qui lui provenait du bureau du premier ministre, avait l'air un peu
mêlé dans l'allocation de disponibilité. Quand on regarde
les statistiques pour 1985, on se rend compte qu'il y avait 255 860 familles
qui avaient un enfant de moins de six ans au Québec, 96 917 familles qui
avaient deux enfants de moins de six ans, seulement 9742 familles qui avaient
trois enfants de moins de six ans, et quelques centaines de familles qui
avaient plus de trois enfants de moins de six ans.
Le Président: Votre question.
M. Garon: Cela veut dire que 363 219 familles avaient au moins un
enfant de moins de six ans. On a appris dans le discours sur le budget que le
ministre des Finances a coupé 200 $ à ces premiers enfants,
puisque l'allocation passe de 300 $ à 100 $ et que ces chèques
qui représentent des chèques... Il s'agit de multiplier 363 000
par 200 $. Cela veut dire plus de 72 000 000 $. J'aimerais demander au ministre
des Finances comment il se fait qu'il arrive en disant que la mesure, dans son
discours sur le budget, va s'appliquer à 1987, mais qu'il va
économiser seulement 48 000 000 $ alors qu'il va couper 200 $ à
363 000 familles?
J'aimerais que le ministre des Finances nous dise combien il va
économiser en 1987 avec ces changements, combien il va économiser
avec l'allocation de disponibilité qu'il a baissée de 300 $
à 100 $ pour le premier enfant?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, voilà justement le
genre de questions qui a été prévu pour les travaux en
commission.
Des voix: Ah bon:
M. Levesque: Pourquoi notre règlement...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque: ...prévoit-il un débat de quinze
heures ici à l'Assemblée nationale, suivi d'une autre
période de travaux de dix heures en commission? Justement pour pouvoir
répondre d'une façon pertinente et exacte lorsque l'on entre dans
les détails comme le fait présentement le député de
Lévis. Mais, pour lui répondre immédiatement, je vais lui
dire que si nous avons touché aux allocations de
disponibilité...
M. Jolivet: ...l'ancien gouvernement. M. Levesque: Vous l'avez
dit! Des voix: Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Le Président: À
l'ordre!
M. Levesque: C'est le député de Laviolette à
qui on ne peut rien cacher, qui l'a deviné, M. le Président. Il
dit: C'est la faute de l'ancien gouvernement: Et comment a-t-il pu ainsi
arriver à dire exactement la vérité, M. le
Président?
Le Président: En conclusion. En conclusion. En conclusion,
M. le ministre des Finances.
M. Levesque: En effet, M. le Président, j'ai l'honneur et
le privilège de travailler aujourd'hui avec des gens qui ont
également travaillé avec l'ancien gouvernement et, sans vouloir
commettre d'indiscrétion, je ne puis que confirmer ce que vient de dire
le député de Laviolette. Mais on n'a pas voulu,
évidemment, donner suite à cela à la toute dernière
minute. Pourquoi? Parce qu'on était à la veille, veille, veille
d'un appel au peuple. Mais pourquoi? Il y avait une logique là-dedans.
C'est qu'on venait d'augmenter les exemptions personnelles - on se rappelle
cela - et on avait pensé, en augmentant les exemptions personnelles,
qu'on pouvait enlever l'allocation de disponibilité. Il ne faut pas
oublier que l'allocation de disponibilité n'est qu'une alternative,
parce qu'on a droit soit à cela, soit aux soins de garde pour les
enfants.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Levesque: C'est pour cela, M. le Président, que
j'aimerais entrer dans cette question-là, mais j'attends de rencontrer
le député de Lévis en commission parlementaire pour le
confondre bien davantage sur cette question.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Garon: M. le Président, j'aimerais demander au ministre
des Finances qui dit qu'il avait prévu cette mesure dans son dernier
budget de l'an dernier, du 1er mai 1986 - il doit être un peu au courant
- de nous dire pourquoi il veut couper 72 000 000 $ en chèques aux
mères de famille qui ont un enfant de moins de six ans - quel que soit
le nombre - soit 200 $ par enfant de moins de six ans? C'est facile, 200 $ pour
363 000 familles. Comment arrive-t-il à nous dire que ça ne
coupera que 48 000 000 $ alors qu'on arrive, en multipliant le nombre d'enfants
par 200, à 72 000 000 $? Si le ministre est au courant, qu'il nous donne
donc une petite idée plutôt que d'attendre la commission
parlementaire, parce que les mères de famille sont
intéressées de savoir pourquoi elles seront coupées de 72
000 000 $.
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je m'en tiens exactement aux
chiffres qu'il y a dans le budget et je demanderais au député de
Lévis d'être extrêmement prudent lorsqu'il avance des
chiffres, des dates ou quoi que ce soit. Je relevais encore récemment
quelque chose qu'il disait, en posant une question hier ou avant-hier, que la
cote Moody's de la province avait été augmentée à
l'époque de Pâques...
Une voix: ...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Levesque: ...1986, avant le budget. Or, pourquoi le
député de Lévis a-t-il dit de pareilles - j'allais dire
quelque chose de non parlementaire - pourquoi a-t-il fait ça, alors que
c'est le 13 août que Moody's l'a fait et cela à cause justement du
budget présenté le 1er mai par le gouvernement actuel.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: En conclusion, M. le ministre. (14 h 50)
M. Levesque: Je dis au député de Lévis
d'être extrêmement prudent lorsqu'il avance des chiffres. Qu'il ait
l'humilité de penser que les fonctionnaires du ministère des
Finances, lorsqu'ils ont donné ces chiffres en annexe, il y a bien plus
de chances que ces chiffres soient exacts que le genre de chiffres
avancés par le député de Lévis qui -j'en ai des
exemples; si on avait le temps, je lui donnerais au moins trois, quatre autres
exemples où il a erré d'une façon... Je ne dis pas que
c'est volontaire, mais je lui demande au moins d'avoir un minimum de prudence
lorsqu'il avance des chiffres.
Le Président: M. le député de Lévis,
question additionnelle.
M. Garon: M. le Président, est-ce que je pourrais demander
au ministre des Finances s'il a lu l'article du journaliste Jean-Jacques
Samson, du Soleil, qui se référait au journaliste de
Radio-Canada, Miville Tremblay, qui avait su, lors d'un voyage à New
York, au mois de février 1986, que la cote du Québec serait
relevée, qu'il savait, dès le mois de février 1986, que la
cote du Québec serait relevée?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, qui ignorait
l'élection du Parti libéral? C'est triste!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais reconnaître maintenant
un député de la formation ministérielle. Question
principale, M. le député de Richmond.
Refus de la démission du ministre des
Finances
M. Vallières: M. le Président, ma question
s'adresse au premier ministre. À la suite des événements
de jeudi dernier qui ont entraîné le dépôt du budget
le même jour, est-ce que le premier ministre peut nous indiquer pourquoi
il aurait refusé la démission du ministre des Finances?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne vois pas pourquoi
l'Opposition s'oppose à ce que je réponde à cette
question. Avec toutes les accusations qui ont été faites encore,
il y a quelques minutes, par la députée de Johnson, très
charmante personne par ailleurs, mais, dans ses propos, il y a quelques
minutes, avec M. Pierre Pascau, je l'ai déjà trouvée
meilleure.
M. Chevrette: ...s'il vous plaît!
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, vous aurez remarqué
qu'on aurait pu se lever
probablement à quatre ou cinq occasions pour faire respecter
l'article 79. La question est claire, M. le Président. Cela vient de
leur côté. J'espère qu'on va pouvoir le faire respecter. Il
n'y a pas eu de préambule. Ce sont les questions pour lesquelles il a
refusé la démission. Quant aux ritournelles qu'il a apprises des
spécialistes, avant, pour venir à bout de les passer toutes - il
n'avait pas réussi à les capsuler toutes jusqu'à
maintenant - il me semble qu'il pourrait nous en faire part un autre jour. La
farce est finie aujourd'hui. Qu'il réponde aux questions
précises. Voyonsl
Le Président: M. le premier ministre, s'il vous
plaît!
M. Bourassa: Un peu de sang froid. Je comprends vos
problèmes, mais, quand même! Je veux dire au whip en chef, que la
complexité croissante de l'administration publique explique la
multiplication de ces accidents de parcours. Ce n'est pas le premier qui
arrive. Il y en a eu un ici, il y a quelques années, un à
Toronto, un à Ottawa. Donc, ce n'est pas nouveau. Je crois que, à
la lumière de cette complexité qui incite les ministres des
Finances et leurs collègues - j'ai moi-même assisté et
participé à une dizaine de réunions avec une dizaine de
fonctionnaires - la complexité croissante qui incite et justifie les
communications avec différents milieux, je crois que cela doit nous
inciter à actualiser les limites de la responsabilité du ministre
des Finances dans le cas du secret budgétaire.
M. le Président, j'ai parlé d'actualiser les limites du
secret budgétaire et de la responsabilité du ministre des
Finances. Si le ministre des Finances devait être tenu responsable, alors
que la formation et la réalisation du budget suppose toute une
série de consultations, de la moindre fuite ou de la fuite du budget,
qui serait prêt à jouer ce rôle?
Je crois que je peux répondre à une question
soulevée de façon très importante il y a quelques
jours.
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: C'est pour ces raisons que j'ai refusé la
démission du ministre des Finances et surtout celle de Gérard D.
Levesque, vu la qualité du budget qu'il nous a fourni. Je crois qu'on ne
peut certainement pas conclure que ce budget a été un budget
impopulaire. Juste pour terminer, M. le Président, en quelques secondes,
on a dit que la fuite aurait été organisée. Mais comment
penser que, pour un budget qui diminue les impôts de dizaines de milliers
de personnes, ceux des bas revenus où il y a des politiques nouvelles en
matière de recherche et de développement, qui réduit les
taxes que vous aviez imposées sur les vidéo cassettes...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...comment penser que nous aurions voulu camoufler
ce budget par une fuite précipitée?
Le Président: Â l'ordre, s'il vous platt! En
conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: En terminant, M. le Président, je suis fier
de la décision qui a été prise. La raison - quelques
phrases seulement - de ce secret budgétaire, c'est d'empêcher
qu'il y ait des bénéficiaires. Nous avons agi
immédiatement pour empêcher qu'il y ait des
bénéficiaires de cette fuite.
Le Président: À l'ordre, s'il vous platt!
M. Bourassa: C'est pourquoi...
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président: Un instant! C'est la première
question ministérielle cette semaine. Je pense que... À l'ordre!
Si vous me permettez - s'il vous plaît - sur la question de
règlement! Sur la question de règlement.
M. Chevrette: M. le Président, cela aurait beau être
la première, et cela aurait beau être le fait qu'il n'y en ait pas
eu du tout, cela ne justifie pas que le premier ministre prenne quatre minutes
pour répondre à une question plantée. Il y a toujours, M.
le Président, l'ombre de la queue du bon sens qui doit marcher dans
cette Chambre. Cela n'a plus de bon sens. Ce n'est même plus, M. le
Président, une question de latitude, comme le décrivait un
journaliste. Ce n'est même plus une question de laisser-aller. On dirait
qu'il y a deux personnes en Chambre: vous qui écoutez et M. Bourassa qui
parle, alors que nous autres on a le droit de parler.
Une voix: Deux poids, deux mesures.
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur la
même question de règlement. Sur la même question de
règlement.
M. Gratton: II me semble, M. le Président, que le leader
de l'Opposition a un rôle particulier à jouer ici à
l'Assemblée nationale, soit celui de respecter intégralement le
règlement. Il peut se plaindre d'un accroc au règlement comme il
vient de le faire, mais il me semble qu'il doit le faire dans le respect du
règlement en utilisant des termes qui sont parlementaires et en
exerçant un minimum de retenue. M. le
Président, ce genre de propos à votre endroit ou à
l'endroit de tout membre de l'Assemblée nationale, quant à moi,
n'est pas justifié et n'a pas sa place ici à l'Assemblée
nationale.
Si quiconque en cette Assemblée, incluant le leader de
l'Opposition, a des reproches à faire, des blâmes à
adresser, le règlement prévoit des dispositions très
spécifiques disant comment le faire, notamment l'article 315 et les
articles suivants. Il me semble qu'il est inacceptable, surtout de la part d'un
leader parlementaire de l'Opposition, qu'on fasse ce genre d'intervention qui
se répète tous les jours depuis quelque temps.
Le Président: M. le chef de l'Opposition. M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président... Le
Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): Sur la question de règlement?
Le Président: Sur la même question de
règlement, M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous savez que sur
ces questions, je suis un homme tolérant. J'ai eu l'occasion...
Le Président: Je pense que c'est très important. Je
vous demanderais, s'il vous plaît... J'ai accordé la parole au
chef de l'Opposition, je voudrais l'entendre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur ces questions,
vous savez que je suis un homme tolérant. Vous avez été
à même d'ailleurs, à l'occasion, de l'apprécier. Je
vous dirai, M. le Président, à la défense de mon
collègue et contrairement à ce que vient de dire le leader du
gouvernement, que si on veut faire planer sur cette Assemblée, au moment
où elle doit décider des questions constitutionnelles, une
diversion autour...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! (15 heures)
M. Johnson (Anjou): ...une diversion, M. le Président,
autour de la confiance de cette Opposition à votre égard,
j'avertis tout de suite le leader du gouvernement que nous ne marcherons pas
dans une telle manoeuvre et que vous savez, M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...que ces circonstances vous donnent
d'autant plus de ce que vous appelez votre latitude. J'avertis tout de suite le
leader du gouvernement et le premier ministre que nous discuterons ici...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...indépendamment des scénarios
qu'ils veulent créer ou inventer ou des situations qu'ils voudraient
provoquer, de ce qui est important.
Le Président: Sur la même question de
règlement, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: ...je voudrais dire...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...au chef de l'Opposition que je n'ai pas
l'impression, jusqu'à présent -je ne peux pas prévoir
l'avenir en politique -que c'est de notre côté qu'on a besoin de
diversion sur le débat constitutionnel.
Pour compléter ma réponse sur le budget, parce que je n'ai
pas eu de questions de l'Opposition, alors qu'on a....
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse, M. le premier
ministre.
Le Président: M. le premier ministre...
M. Chevrette: M. le premier ministre, je m'excuse.
Le Président: ...on est sur une question de
règlement.
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Le respect des règles...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que vous êtes toujours
sur la même question de règlement, M. le leader de
l'Opposition?
M. Chevrette: M. le Président, il y a un minimum auquel
l'Opposition a droit comme respect des règles. Vous nous avez fait
venir, M. le Président, les deux leaders ensemble. Vous nous avez
donné des directives précises quant aux minutes à
respecter pour ce qui est des réponses. Vous avez même
indiqué, en ce qui concerne les minutes à respecter quant aux
questions et réponses des deux chefs, une certaine latitude, mais vous
l'avez chiffrée, vous
l'avez quantifiée. Cela ne devait, en aucun temps,
dépasser deux minutes et demie, trois minutes pour un chef. C'est
vous-même qui me l'avez dit, M. le Président.
Je veux bien être respectueux des règles et faire la
courbette devant vous. Cela me ferait plaisir de le faire. Mais, mon
rôle, c'est de faire respecter, non seulement le règlement et la
lettre du règlement, mais aussi, et à plus forte raison, vos
propres directives que vous nous transmettez. Comment voulez-vous que je ne me
lève pas quand cela fait, à une question ministérielle,
quatre ou quatre minutes et demie que le premier ministre, à une
question plantée, est en train de conter l'histoire, de répondre
à la députée de Johnson, de faire une allusion au
député de Lévis, se permettre n'importe quoi. Alors que
vous savez pertinemment que l'article 79 de notre règlement dit ceci:
à une question précise, il faut que la réponse se rapporte
au sujet précis.
Plusieurs bouts de son intervention n'avaient même pas l'ombre
d'un rapport à la question, et vous le laissez aller quand même.
On n'est pas les seuls à se rendre compte de cela. Vous avez eu des
articles de journaux disant que la pertinence des réponses par rapport
aux questions posées, c'était devenu un spectacle.
L'Assemblée nationale veut bien respecter l'article 77, même vous
appuyer quand vous allez reprocher à l'Opposition que les questions
suscitent des débats, mais vous devez, à mon point de vue, M. le
Président, avoir la même rigueur pour les réponses. Quand
on se met à parler de la pluie... Dans le relevé...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! En conclusion, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: ...du règlement...
Le Président: En conclusion, s'il vous plaît!
M. Chevrette: ...vous regarderez, il y a un exemple concret qui
vous est donné. C'est vous qui nous avez fait publier ce beau petit
document. Je lisais, par exemple, qu'à un député, qui
posait une question portant sur le budget fédéral et son impact
au Québec, le ministre des Finances commence sa réponse en
invoquant le programme du Parti libéral. On dit: Cela n'a ni queue ni
tête, cela n'a pas de lien. Donc, non-pertinence, déclaré
hors du sujet. C'est la jurisprudence de l'application. On a
toléré...
Je vais vous faire parvenir, pour votre information, le relevé de
toutes les réponses et de toutes les questions adressées au
premier ministre depuis le début de la session. Si vous me trouvez une
question parmi toutes celles qui ont été posées au premier
ministre qui ne déroge pas à l'article 79 - les réponses,
dis-je - vous allez être un des seuls. On l'a fait vérifier, il
n'y a pas une réponse aux questions posées par l'Opposition qui
est relative à la question qui a été posée. Il me
semble que c'est cela qu'on demande comme respect. N'oublions pas que le
respect engendre le respect.
Le Président: Sur la question de règlement
seulement, M. le premier ministre, parce que la période de questions est
terminée.
M. Bourassa: Si le leader de l'Opposition veut garder un minimum
de crédibilité dans sa fonction, il ne devrait pas
déformer les faits. Si j'ai mentionné la députée de
Johnson, c'est qu'on parlait du secret budgétaire et que, à 13
heures cet après-midi... M. le Président, quand même!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: On a le droit de rectifier les faits. La
députée répétait des attaques sur le secret
budgétaire. Il n'y a pas eu de questions de l'Opposition sur le secret
budgétaire. C'est une question fondamentale dans notre système
politique. Je comprends que vous fassiez preuve d'une certaine latitude. Je
crois que j'ai dit que, dans le cas du secret budgétaire actuellement,
tout le monde commence à réévaluer cette question. J'ai
dit, M. le Président, que la raison d'être du secret
budgétaire, c'est les avantages de la suite. Il n'y a pas eu d'avantages
de la suite parce que le ministre a fait son discours le jour même.
Voilà pourquoi il doit rester à son poste en plus de toutes les
autres raisons exceptionnelles dont la qualité du budget et sa propre
compétence.
Des voix: Bravo!
Le Président: Sur la question de règlement, telle
que posée par M. le leader de l'Opposition et sur laquelle sont
intervenus M. le chef de l'Opposition et M. le leader du gouvernement. Je ferai
remarquer que lorsque vous êtes intervenu, M. le leader de l'Opposition,
ce ne faisait pas quatre minutes et demie, mais trois minutes et cinq secondes
que M. le premier ministre répondait à la question. Ce sont... Je
m'excuse là... Si on met en doute les greffiers, alors là...
À l'ordre, s'il vous plaît! On m'a dit trois minutes et cinq
secondes et on vient de m'apporter la confirmation. C'est le temps qui va
apparaître également au Journal dés
débats.
Dans un deuxième temps, depuis que je suis président - et
mes prédécesseurs l'ont fait également, - j'ai
donné une latitude très large au premier ministre et au chef de
l'Opposition, ce que je tente, avec la
collaboration de tous, de faire respecter. À plusieurs reprises,
des deux côtés de cette Chambre, on a dépassé le
temps, non pas le chef de l'Opposition pour qui c'est régulier et pour
M. le premier ministre également. Mais, pour tous les autres
intervenants, je tente de faire respecter le temps.
J'aimerais vous faire remarquer ceci: C'est la première fois dans
toutes les Législatures que la formation ministérielle a sa
question principale après une 4e question principale de l'Opposition et
ce, depuis plus longtemps que ma décision rendue en mai 1986.
Dans un troisième temps, c'est la première fois, je pense,
qu'un président, dans le but d'accélérer la période
de questions, impose un minimum de temps aux deux formations politiques.
J'aimerais vous rappeler que, dans la Législature qui nous a
précédés, en 1983, 1984 et 1985, je pourrais vous citer
plusieurs périodes de questions où plusieurs ministres et
certaines personnes qui sont ici, répondaient sans aucune question de
règlement, sans aucune intervention d'aucun membre de cette Chambre
pendant quatre minutes quelquefois, d'autres fois, trois minutes et
quarante-huit secondes, d'autres fois, quatre minutes et trentre-deux secondes
et il ne s'agissait pas du chef de l'Opposition ni du premier ministre.
Je veux bien, et j'ai demandé... M. le leader de l'Opposition,
c'est moi qui suis allé au-devant et qui ai demandé au mois de
mai, lors de ma décision sur la période de questions, dans le but
de tenter d'améliorer -je m'excuse, s'il vous plaîtl - la
période de questions, dans le but de permettre à l'Opposition de
poser plus de questions... J'ai moi-même vérifié dans les
Législatures précédentes et depuis quelques mois, nous
nous sommes beaucoup améliorés quant au nombre total de questions
qui sont posées ici à l'Assemblée nationale.
Je comprends très bien que, quelquefois, on ne respecte pas
totalement la directive, mais je demande encore une fois, comme je l'ai fait en
mai 1986, la collaboration des deux côtés de cette Chambre dans le
but de bien faire fonctionner les travaux.
Peu importent les remarques... Pour répondre plus directement
à votre intervention, M. le chef de l'Opposition, je n'ai pas à
répondre... Si vous me permettez, pour répondre à votre
intervention, M. le chef de l'Opposition, je n'ai à répondre
à aucune remarque concernant la façon dont j'ai pu rendre
certaines décisions ou quoi que ce soit. Je suis ici pour
présider les travaux et je le fais avec la collaboration des deux
côtés de cette Chambre.
Fin de la période de questions.
M. Chevrette: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Sur une question de règlement, mais
la période de questions est terminée.
Affaire de gageure lors de la série
Nordiques-Canadien
M. Chevrette: Oui. Je voudrais demander, M. le Président,
d'une façon particulière... Je sais qu'on n'a pas le droit
d'entrer dans cette Chambre costumé et d'avoir l'air partisan.
Voudriez-vous demander au ministre des Transports, M. le Président, de
nous expliquer pourquoi il est costumé puisque vous ne désirez
pas que les gens puissent entrer dans cette Chambre costumés.
Le Président: La période de questions est
terminée. On n'est plus à la période de questions.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends, M. le
Président, qu'il y a un consentement. Je vais simplement expliquer que
j'ai pris une gageure, je l'ai perdue. Comme les libéraux sont
respecteux de leurs engagements, on les respecte.
Des voix: Bravo!
(15 h .10)
Le Président: J'ai accepté un consentement de
trop!
M. Chevrette: C'est parce que j'avais cru entendre la comparaison
avec Bergeron que je pouvais m'adresser à un arbitre pour
connaître le partisan!
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: Fin de la période de questions
orales.
Adoption sur division des
amendements et de la motion
amendée du chef de l'Opposition
réclamant que le gouvernement
n'adhère pas à la constitution
sans obtenir des pouvoirs accrus
Contrairement à ce que j'ai annoncé avant la
période de questions, il n'y aura pas de complément de
réponse, et ce, de consentement avec les deux côtés de la
Chambre. Nous allons maintenant procéder au vote. Excusez-moi. Nous
allons procéder immédiatement au vote reporté.
Je demanderai votre attention. J'ai à vous faire lecture des
amendements qui ont été proposés. Avant de procéder
à la mise aux voix... À l'ordre, s'il vous plaît...
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: Oui, M. le leader de
l'Opposition. À l'ordre...
M. Chevrette: M. le Président, ayant été mis
au courant de ce qui doit venir, je demanderais qu'on évite le vote
enregistré et qu'on dise "sur division", vu qu'on est contre
l'amendement.
Le Président: Alors, nous allons procéder sur les
amendements et, après, le vote inversé. Je vais faire lecture des
amendements. Cette motion d'amendement se lit comme suit: Que la motion en
discussion soit amendée, dans un premier temps, a) en remplaçant,
à la cinquième ligne, la virgule et les mots "garantissant la
reconnaissance du" par les mots "et le"; b) en remplaçant, à la
sixième ligne, le mot "exclusif par le mot "fondamental"; c) en
ajoutant, après le mot "territoire", à la septième ligne,
ce qui suit: "sous réserve des articles 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867 et 23 de la Loi constitutionnelle de 1982"; d) en remplaçant,
à la huitième ligne, le mot "et" par une virgule et en ajoutant
après le mot "justice", à la neuvième ligne, ce qui suit:
"et à l'immigration," et e) en ajoutant, à la dixième
ligne, après le mot "sociaux" les mots "et la sécurité
culturelle".
Si cette motion d'amendement était adoptée, la motion
principale se lirait comme suit: "Que cette Assemblée réclame du
gouvernement qu'il n'engage pas l'avenir du Québec en adhérant
à la constitution sans obtenir des pouvoirs spécifiques accrus
confirmant notre identité nationale et le droit fondamental de
l'Assemblée nationale de disposer sur son territoire, sous
réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de
l'article 23 de la loi constitutionnelle de 1982, des questions linguistiques
reliées à l'éducation, à l'administration de la
justice et à l'immigration et assurant les progrès
économiques et sociaux et la sécurité culturelle du
Québec."
Que ceux et celles qui sont pour cette motion amendée...
Des voix: Adopté sur division.
Le Président: Adopté sur division. Si je comprends
bien...
M. Gratton: Êtes-vous pour la motion amendée?
Le Président: Même chose pour la motion.
Adopté.
M. Chevrette: C'est la même chose sur la motion, elle ne
veut plus rien dire.
M. Gratton: Motion adoptée sur division.
Le Président: Sur division, parfait! Nous allons
maintenant procéder aux motions sans préavis.
M. Gratton: M. le Président, pourrais-je, avec le
consentement des membres de l'Assemblée...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: ...procéder d'abord aux avis touchant les
travaux des commissions puisque les motions sans préavis pourront nous
amener à des travaux qui s'engageront immédiatement. Est-ce que
j'ai le consentement pour procéder aux avis touchant les travaux des
commissions immédiatement?
Le Président: Est-ce qu'il a consentement pour
procéder aux avis? M. le leader du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: M. le Président, je remercie l'Opposition.
J'avise l'Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes,
jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la
commission des affaires sociales poursuivra ses consultations
particulières dans le cadre de l'étude détaillée du
projet de loi 21, Loi concernant l'adoption et modifiant la Loi sur la
protection de la jeunesse, le Code civil du Québec et le Code de
procédure civile, et du projet de règlement sur l'adoption
internationale, tel qu'il a été publié dans la Gazette
officielle du Québec le 11 mars 1987. Ladite commission poursuivra
ses travaux le mardi 12 mai 1987 dans la même salle, et ce, de 10 heures
à midi.
Après les affaires courantes, jusqu'à 17 heures, à
la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'aménagement et
des équipements poursuivra l'étude détaillée du
projet de loi 100, Loi sur les élections et les
référendums dans les municipalités.
M. le Président, j'avise également cette Assemblée
que le jeudi 14 mai 1987, après les affaires courantes, jusqu'à
18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de
l'économie et du travail entendra les intéressés et
procédera à l'étude détaillée du projet de
loi d'intérêt privé 246, Loi concernant la dissolution de
l'Association des employés de Yellow Sample.
Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres avis concernant...
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Les motions sans préavis.
Le Président: Motions sans préavis, oui.
M. Brassard: Je... M. le Président.
M. Chevrette: Un instant, s'il vous plaît!
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Aux motions sans préavis, d'accord.
Le Président: Motions sans préavis, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, je solliciterais le
consentement de cette Chambre pour adopter la motion suivante: Qu'à
l'occasion de la Semaine des assistés sociaux, l'Assemblée
nationale presse le gouvernement de respecter ses promesses à l'endroit
des assistés sociaux, notamment en accordant la parité aux
jeunes, mais aussi en enclenchant la réforme de l'aide sociale. Est-ce
qu'il y a consentement pour qu'on...
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
débattre cette motion? M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je craindrais trop la
réaction du député d'Abitibi-Ouest si je devais consentir.
Donc, il n'y aura pas consentement.
Le Président: II n'y a pas consentement pour
débattre de cette motion. Toujours aux motions sans préavis. M.
le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, il n'y a pas le consentement,
mais il y a un problème. J'ai été mis en cause et je ne
comprends pas pourquoi. Quand même...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je m'excuse auprès du député
d'Abitibi-Ouest, c'était une boutade qu'il comprend, mais qui n'a rien
à voir avec son intérêt pour les assistés sociaux.
Je l'assure d'avance que notre refus de consentement n'a rien à voir non
plus avec notre manque d'intérêt pour la question.
Le Président: D'accord, cela va. Aux motions sans
préavis. M. le leader du gouvernement.
Convocation de la commission des
institutions sur l'entente du lac
Meech et proposition que le ministre
de l'Éducation en fasse partie
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, concernant la commission qui
se penchera sur l'entente du lac Meech, je voudrais proposer la motion
suivante: Que la commission des institutions entende les représentations
de ses membres, de personnes et d'organismes relativement à l'entente
intervenue le 30 avril 1987 au lac Meech concernant la constitution du Canada;
que le mardi 12 mai 1987, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures
à 22 heures la commission entende les représentations de membres
de la commission des institutions et que le temps de parole soit réparti
équitablement entre les groupes parlementaires; que la commission
procède à l'audition d'individus reconnus comme experts les 13 et
14 mai 1987, et ce, aux heures où peuvent siéger les commissions;
que la commission poursuive, si nécessaire, ces auditions, y compris
pour entendre, s'il y a lieu, d'autres experts, les 19, 20 et 21 mai 1987, et
ce, aux heures où peuvent siéger les commissions.
Quant à la durée des auditions et des remarques
préliminaires et finales ainsi que l'ordre de comparutions de personnes
et d'organismes, ceux-ci seront déterminés par entente entre les
leaders parlementaires. À défaut d'entente entre les leaders, la
commission des institutions en disposera lors de séances de travail qui
se tiendront le lundi 11 mai 1987 à compter de 15 heures et, si
nécessaire, le vendredi 15 mai 1987 à compter de 10 heures.
Que la séance de travail prévue à l'article 176 du
règlement se tienne, s'il y a lieu, au plus tard le mardi 26 mai 1987;
que le rapport de la commission soit déposé à
l'Assemblée nationale au plus tard le mercredi 27 mai 1987; que les
séances de la commission, sauf les séances de travail, soient
télédiffusées à compter du début de ces
travaux le mardi 12 mai 1987 jusqu'au plus tard 22 heures le jeudi 21 mai 1987;
que, malgré ce qui précède, le ministre de la Justice et
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration puissent
participer aux délibérations touchant leur secteur de
responsabilité, et ce, pour la durée du mandat; et, finalement,
que le premier ministre, le ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes et le député de Gouin soient membres de ladite
commission, et ce, pour la durée du mandat.
Je rétière ici la demande que je faisais cet
après-midi au leader de l'Opposition pour que nous puissions ajouter le
nom du ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de
la Science comme membre de ladite commission, et ce en accordant à
l'Opposition la possibilité de désigner un membre additionnel de
sa formation politique.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, la motion du leader du
gouvernement est assez conforme, sauf sur deux points. Il y a entente sur la
majorité des points qu'il y a là, mais il y a désaccord
sur la fermeture de la commission. Je pense qu'il faut le souligner, parce que
j'ai toujours dit au leader du gouvernement qu'on n'était pas d'accord
sur une date limite parce qu'il se pourrait fort bien qu'un plus grand nombre
de groupes veuillent se faire entendre. Quant à nous, sur un sujet comme
la constitution, on ne peut pas limiter le nombre de ceux qui voudraient se
faire entendre, d'autant plus que le gouvernement a pris un mois, deux mois
pour consulter sur la création d'un conseil consultatif de la jeunesse
qui n'engageait tout de même pas l'avenir du Québec.
Le ministre des Affaires municipales vient d'annoncer une consultation
assez longue, un délai très long même pour lever le
moratoire sur les condominiums dans le domaine de l'habitation. Deux mois pour
l'habitation, et pour ce qui est de l'avenir du Québec... (15 h 20)
Une voix: Deux semaines!
M. Chevrette: ...le texte du contrat qui peut lier pour des
années, des dizaines d'années l'avenir du Québec: Deux
semaines, six jours. On ne peut pas accepter cette partie-là, c'est
évident, j'ai toujours dit au leader du gouvernement que je n'acceptais
pas cette partie.
Quant au consentement qu'il nous demande expressément pour la
présence du ministre de l'Éducation, on en a discuté
longuement, M. le Président. Ce sont des députés qui
siègent normalement aux commissions, c'est clair. Par principe, on
accepte toujours que le ministre responsable en soit membre; cela, c'est vrai,
et on le dit, M. Rémillard. On dit que le premier ministre, bien
sûr, qui est le chef "négociateur", entre guillemets, y sera au
moins quelques fois, on peut lui permettre d'être membre, oui. On a dit
aussi que Mme Robic, la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, aura un droit de parole quand cela touchera ses
éléments. On a dit que lorsqu'il y aura des
éléments spécifiques pour le ministre de la Justice, il
aura un droit de parole. Je pense qu'on doit avoir touché passablement
tous les points. Le ministre de l'Éducation a probablement beaucoup de
problèmes avec les universités, on va lui donner la chance de les
régler. On ne donne pas notre consentement.
Le Président: M. le premier ministre, toujours sur la
motion du leader du gouvernement.
M. Bourassa: Je suis estomaqué!
Le Président: II y a consentement pour en débattre,
c'est ce que j'ai compris de l'intervention. Vous avez la parole, M. le premier
ministre.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: Je suis estomaqué des propos du leader de
l'Opposition, je ne sais pas si le chef de l'Opposition les endosse. Il signale
dans la première partie de son exposé que c'est un débat
exceptionnellement important. C'est malheureux qu'il quitte actuellement, mais,
en tout cas, le chef de l'Opposition sera là pour répondre. Il
signale que c'est un débat exceptionnellement important pour l'avenir du
Québec, déterminant pour des dizaines et des dizaines
d'années, parlant au nom de son parti. Nous voulons, dans cette
commission parlementaire, faire participer ceux qui peuvent apporter une
contribution - c'est la règle générale - ceux qui,
à cause de leur expérience, ceux qui, à cause de leurs
réalisations, peuvent apporter une contribution particulièrement
utile, nous voulons les faire participer à cette commission
parlementaire.
J'ai moi-même suggéré au leader d'inclure le
ministre de l'Éducation qui suit cette question depuis 25 ans,
Voilà que, dans un geste sans précédent de mesquinerie de
la part des membres de l'Opposition on veut bloquer la présence du
ministre de l'Éducation...
Une voix: Ils en ont peur.
Le Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!'
M. Bourassa: ...à un débat qu'eux-mêmes
qualifient d'historique. M. le Président, si j'étais à la
place du chef de l'Opposition - je le dis en toute candeur et très
sincèrement - j'aurais honte du geste qu'ils viennent de poser.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, toujours sur la
même motion.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président. Le ministre de
l'Éducation et le premier ministre savent le respect que j'ai pour la
contribution historique d'un grand éditorialiste et aussi d'un homme qui
a été chef de son parti, à l'époque où il
était dans l'Opposition autour de la réflexion sur les enjeux
constitutionnels au Québec et au Canada. Deuxièmement, je ne nie
aucunement l'intérêt personnel persistant du ministre de
l'Éducation pour ces questions. Il ne s'agit pas, pour nous, de mettre
en doute
ni la valeur de la contribution historique ni l'intérêt
personnel que porte ce ministre au dossier. Il s'agit pour nous, au moment
où le premier ministre nous enferre dans une procédure
accélérée: trente jours pour décider de l'avenir du
Québec alors que la constitution canadienne prévoit trois ans
comme possibilité entre le moment où il y a une entente et le
moment où les amendements peuvent être adoptés; six jours
en commission parlementaire, aucune garantie malgré les efforts au moins
verbaux du premier ministre que nous aurons des textes juridiques sur lesquels
nous discuterons; fermeture de la commission comme une guillotine au bout d'un
certain nombre de jours...
Le premier ministre reconnaîtra que, dans les circonstances -
encore une fois, sans mettre en doute la valeur de la contribution personnelle
apportée par le ministre de l'Éducation dans ce dossier depuis un
certain nombre d'années - nous croyons qu'il faille limiter les
dérogations au peu de règlements qui nous restent entre les mains
pour faire valoir notre point de vue, qu'il faille nous limiter à
accepter que des ministres, exceptionnellement, viennent comme membres de la
commission, parce que le leader ne veut pas qu'ils comparaissent, dans la
mesure où des objets précis dans cette entente touchent leur
ministère. C'est le cas de la ministre de l'Immigration et on peut
également considérer que c'est le cas du ministre de la Justice,
comme jurisconsulte du gouvernement et, dans certains objets
spécifiques, notamment autour de la formule d'amendement.
Par ailleurs, M. le Président, je devrai constater aussi que,
à ce que je sache, le principe de la responsabilité
ministérielle, au cas où il y aurait encore des doutes ici au
Parlement, existe encore. Je comprends qu'il n'y a plus de
responsabilité de la part du ministre des Finances quand il y a une
fuite budgétaire - le premier ministre nous l'a expliqué - mais
le principe de la responsabilité ministérielle existe encore dans
le système parlementaire. Le principe de la responsabilité
ministérielle veut que, lorsque le premier ministre ou un ministre
parle, il parle au nom du gouvernement et, en ce sens, je m'attends que
lui-même et son ministre des Relations internationales, quand ils
parleront, le fassent au nom du gouvernement. Il ne s'agit pas, dans ces
quelques jours qui nous restent, compte tenu du peu de moyens que nous avons,
de permettre qu'individuellement, des gens qui ont apporté une
contribution à ce dossier puissent bénéficier d'un
privilège qui va à l'encontre, je crois, de l'application de ce
principe de la responsabilité ministérielle, ou de celle du
premier ministre ou de son ministre responsable.
Le ministre de l'Éducation aurait pu être présent
si, dans l'entente du lac Meech, le premier ministre avait
démontré, par exemple, que le Québec
récupérait des sommes et obtenait que le fédéral
sorte du secteur de l'éducation. Ça, j'aurais compris ça
et j'aurais dit: Oui, le ministre doit être là. Â ma
connaissance, le ministre de l'Éducation n'assume pas, autrement que par
sa contribution personnelle dans certains comités, la
responsabilité du dossier. Deuxièmement, rien dans cette entente
ne touche le secteur de l'éducation, à notre grand regret, M. le
Président. Troisièmement, écoutez, on a peu de moyens; si
on pouvait respecter le minimum de règles dans les circonstances... Il
comprendra que cela n'a rien à voir avec une attitude personnelle ou une
mesquinerie qu'on ferait au ministre de l'Éducation. Absolument pas, et
le ministre le sait à part cela. Mais, dans ce domaine-là comme
dans tellement d'autres dans le dossier, cela a été amorcé
tout croche et cela donne des affaires tout croches.
Une voix: Question de règlement. M. Brassard:
Question de règlement.
Le Président: M. le premier ministre. Pardon?
M. Brassard: Question de règlement.
Le Président: Sur une question de règlement.
M. Brassard: Sur la motion qui est en discussion, le premier
ministre a exercé son droit de parole.
M. Bourassa: Mais ils ont donc peur, M. le Président,
de...
Des voix: Non, non.
Une voix: La règle, la règle.
M. Gratton: ...consentement, M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce qu'il y a consentement pour que M. le premier ministre intervienne
étant donné l'intervention de courte durée d'il y a
quelques minutes?
Une voix: Non.
Le Président: II n'y a pas consentement. Alors, sur une
motion, en vertu de l'article 146 de nos règlements...
M. Michel Gratton
M. Gratton: J'interviendrai très brièvement pour
souligner à mon tour la
mesquinerie qui a atteint son comble, M. le Président, en ce
qu'on refuse au premier ministre de fournir des explications. Il aurait pu dire
au chef de l'Opposition que la perception qu'on a de l'attitude de
l'Opposition, qui refuse son consentement pour que le ministre de
l'Éducation soit présent à la commission, c'est qu'elle
est tout à fait inexplicable. Quant à nous, M. le
Président, la question qui se pose, c'est de savoir si la contribution
du ministre de l'Éducation pourrait contribuer à servir les
intérêts du Québec.
Une voix: Le livre beige.
M. Gratton: L'auteur du livre beige du Parti libéral du
Québec, est-ce que ce n'est pas l'ex-chef du Parti libéral qui a
présidé à cette politique du gouvernement, cette politique
du parti et maintenant du gouvernement, qui a été en très
grande partie entérinée par l'entente du lac Meech? Est-ce que la
contribution du ministre de l'Éducation serait de nature à servir
ou à desservir les intérêts du Québec s'il
participait à la commission parlementaire? C'est la question qui se
pose. Si le premier ministre, à titre de chef du gouvernement, sent
qu'il pourrait être utile de pouvoir compter sur les conseils,
l'expérience et la connaissance du dossier du ministre de
l'Éducation, je ne peux qu'interpréter comme mesquinerie
très basse de la part de l'Opposition, pour des raisons qui n'ont rien
à voir avec le fond, mais qui ont tout à voir avec des
intérêts strictement partisans du Parti québécois,
le refus de son consentement.
Nous en prenons note, nous en prenons acte, M. le Président, et
nous serons présents à la commission. Nous serons là non
pas pour servir des intérêts partisans, mais pour tenter de servir
les intérêts supérieurs du Québec. Nous
déplorons, M. le Président, que le ministre de l'Éducation
ne soit pas présent pour y contribuer. (15 h 30)
Le Président: M. le député de Gouin, sur la
même motion.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Oui, M. le Président. Dans un premier temps,
vous me permettrez de souligner ma très grande surprise devant les
propos que vient de tenir le leader...
M. Gratton: Question de règlement. Je m'excuse
auprès du député de Gouin.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur
une question de règlement.
M. Gratton: Question de règlement, parce que je sais que,
dans une telle situation, il est nécessaire que les choses soient
clarifiées. J'ai fait la motion, M. le Président, je viens
d'intervenir et je voudrais que vous m'indiquiez si, du côté de
l'Opposition, on considère l'intervention que je viens de faire comme
étant mon droit de réplique, auquel cas le débat est
terminé et, sinon, si, du côté de l'Opposition - et je
laisse à l'Opposition le loisir de choisir l'intervention que je viens
de terminer n'est pas mon droit de réplique, évidemment, je me
réserverai le droit de répliquer à la fin du
débat.
Le Président: Sur le même point de droit, M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je crois que le
député de Gatineau et leader du gouvernement n'était pas
du tout intervenu sur la question. Il s'était contenté de lire la
motion. Et, à mon point de vue, il vient de livrer son premier message,
ce qui lui donne, comme parrain de la motion, le droit de conclure.
Le Président: D'accord. Sinon, cela mettait fin au
débat parce que personne ne peut intervenir après la
réplique.
M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Dans un premier
temps, je veux souligner ma très grande surprise, mon étonnement
devant les propos que vient de nous tenir le député de Gatineau
et leader du gouvernement, ici même à l'Assemblée
nationale, quant au respect qu'il a, dit-il, pour les compétences
constitutionnelles du ministre de l'Éducation.
Il faut rappeler que c'est vrai que le ministre de l'Éducation
est un homme compétent en matière constitutionnelle. Mais la
première personne qui, ici, à l'Assemblée nationale, est
allée à l'encontre des opinions, des orientations, des points de
vue, des prises de position de l'actuel ministre de l'Éducation, alors
qu'il occupait la fonction de chef de l'Opposition, alors qu'il était
chef du Parti libéral et que ce parti était dans l'Opposition,
c'est justement le député de Gatineau, le leader du
gouvernement...
Une voix: Voilà!
M. Rochefort: ...à l'Assemblée nationale
présentement. C'est lui-même qui avait avoué que
c'était pour des raisons partisanes, de basse partisanerie
électoraliste qu'il avait refusé d'endosser les points de vue du
député d'Argenteuil alors qu'il était chef de
l'Opposition. C'est lui qui, pour des raisons partisanes,
électoralistes, mesquines, faisant passer les intérêts du
Québec derrière les positions et les intérêts du
député de Gatineau sur le plan électoral et partisan,
était venu planter un poignard dans le dos du
ministre de l'Éducation, de son chef... Une voix:
Voilà: Une voix: Oui, oui, oui. Ah oui!
M. Rochefort: C'est lui qui a fait en sorte que l'ancien chef de
l'Opposition, l'ancien chef du Parti libéral, actuel ministre de
l'Éducation, perde ses lettres de noblesse à l'intérieur
de sa propre formation politique en matière constitutionnelle.
Des voix: C'est vrai!
M. Rochefort: C'est d'ailleurs dans les semaines qui ont suivi ce
geste que l'actuel ministre de l'Éducation, le député
d'Argenteuil, a été forcé, par les manoeuvres du
député de Gatineau, peut-être pas étrangères
aux ambitions de l'actuel premier ministre de se retirer...
M. Bourassa: Question de règlement. Question de
règlement.
M. Rochefort: Sur quoi se lève-t-il? Une voix: Une
question de règlement.
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
M. le premier ministre, sur une question de règlement.
M. Rochefort: Ce n'est pas une question de règlement,
ça.
Le Président: Un instant!
M. Rochefort: Ce n'est pas une question de règlement.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai été mis
en cause par le député de Gouin.
M. Rochefort: Ce n'est pas une question de règlement. J'ai
le droit de dire mon opinion.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre.
M. Bourassa: Je lui demanderais, pour présager d'une
façon un peu plus optimiste de la teneur de cette commission
parlementaire, d'éliminer de ses propos une indécence
inqualifiable.
M. Rochefort: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président: Sur la question de règlement, M. le
député de Gouin. S'il vous plaît!
M. Rochefort: Je vous ferai remarquer,
M. le Président, que vous auriez pu rappeler à l'ordre le
premier ministre, parce que sa question de règlement avait pour but
d'exprimer une opinion contraire à la mienne. Ce n'est pas par le biais
d'une question de règlement qu'on peut faire ça.
Le Président: Bon! Je vous rappellerai aussi à la
règle de la pertinence, s'il vous plaît, sur la motion.
Une voix: II était pertinent.
Le Président: La motion, s'il vous plaît!
M. Rochefort: M. le Président, je suis très
pertinent, je m'exprime sur un des volets qui est refusé par ma
formation politique, du libellé même de la motion du
député de Gatineau et leader du gouvernement à
l'Assemblée nationale.
Le Président: Allez! Allez!
M. Rochefort: Je disais que, si à l'intérieur
même du Parti libéral, le député d'Argenteuil n'a
plus les lettres de noblesse qu'il avait en matière constitutionnelle,
si, peut-être, ne s'est-il pas vu confier la responsabilité des
relations fédérales-provinciales, de la négociation
constitutionnelle entre l'actuel gouvernement et le gouvernement
fédéral et les autres provinces, c'est peut-être même
lié à ce geste qu'avait entrepris le député de
Gatineau pour miner, peut-être à jamais, à
l'intérieur de sa propre formation politique, la
crédibilité, la noblesse qu'avait eues jusqu'à ce jour le
ministre de l'Éducation et député d'Argenteuil dans sa
propre formation politique.
Aujourd'hui, on va nous dire qu'on pose un geste partisan, on va nous
dire qu'on pose un geste mesquin. Là où il y a eu mesquinerie,
là où il y a eu partisanerie, c'est quand on a miné, du
côté libéral, la crédibilité du
député d'Argenteuil en matière constitutionnelle. Si
l'actuel premier ministre avait voulu corriger cet affront fait au
député d'Argenteuil, notamment en matière
constitutionnelle, il lui aurait probablement confié la
responsabilité, dès le 13 décembre 1985, d'être son
ministre des relations fédérales-provinciales, d'aller
négocier avec le gouvernement fédéral et les gouvernements
des neuf autres provinces en matière constitutionnelle.
S'il y a des gens en cette Chambre qui ne reconnaissent pas la
compétence du ministre de l'Éducation en matière
constitutionnelle et qui ne lui font pas confiance en la matière, qui
ont refusé de lui confier des responsabilités gouvernementales,
non pas des responsabilités d'intérêt personnel, mais des
responsabilités
gouvernementales en la matière, c'est le député de
Gatineau et l'actuel premier ministre du Québec. Qu'ils assument les
conséquences de leur propre décision.
Une voix: ...parler du nez comme Rémillard.
M. Rochefort: Est-ce que je dois comprendre qu'on va aussi
proposer de faire venir les autres ministres de l'actuel gouvernement qui, en
matière constitutionnelle, ont aussi lancé un couteau au
député d'Argenteuil lorsqu'il était chef de l'Opposition?
Est-ce que c'est l'opération récupération de l'affront qui
avait été fait à l'époque au député
d'Argenteuil que vous êtes en train de faire, que vous tentez de mettre
en place ou est-ce que vous voulez qu'on bâtisse un cadre qui nous
permettra de discuter du dossier constitutionnel sérieusement,
rigoureusement avec les institutions gouvernementales qui nous gouvernent?
Je veux aussi souligner ma très grande surprise de
l'intérêt subit que le premier ministre accorde tout à coup
à la présence ou à l'absence du député
d'Argenteuil à cette commission, alors qu'il renvoie du revers de la
main l'importance, la dimension essentielle du dépôt des textes
juridiques avant que la commission n'entreprenne ses travaux.
Oui, M. le Président, je suis un des députés qui,
ici, reconnaissent les compétences du ministre de l'Éducation en
matière constitutionnelle. Mais, entre les compétences du
ministre de l'Éducation en matière constitutionnelle et la
dimension essentielle de la présence des textes de traduction juridique
du communiqué de presse issu du lac Meech, pour nous, il est primordial
que nous ayons entre les mains et que les experts, comme tous les groupes qui
se présenteront devant nous, aient entre les mains les documents
juridiques de traduction du communiqué de presse du lac Meech.
Voilà un élément beaucoup plus important, beaucoup plus
déterminant dans le déroulement de la commission et dans la
préparation de l'avenir du Québec. Si le Parti libéral a
des regrets quant au geste qu'il a posé visant à miner, à
l'intérieur de sa propre formation politique, la
crédibilité du député d'Argenteuil en
matière constitutionnelle, il n'a qu'à s'en mordre les
pouces.
Le Président: Sur la même motion, M. le ministre des
Finances.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, nous venons d'être
témoins de ce que l'on peut appeler là performance habituelle,
présente, contemporaine de l'Opposition, celle du Parti
québécois, au stade où il en est. Une voix:
Décadence!
M. Levesque: M. le Président, ces gens nous disent depuis
je ne sais combien de temps, combien de jours et de semaines que la question
est importante, tellement importante que le chef de l'Opposition lui-même
a dit que le budget, ce n'est même pas important - je comprends qu'il est
trop bon pour eux, mais il n'est pas important -tellement l'autre question est
importante. Il a mentionné: Le budget? Il y en aura d'autres budgets.
Mais, la question qui doit retenir l'attention de toute la population, c'est
quoi? C'est la question constitutionnelle. (15 h 40)
La question constitutionnelle est tellement importante que le chef de
l'Opposition demande à tous les citoyens et citoyennes du Québec
de mettre de côté leurs occupations, de se rallier et de marcher
je ne sais où, mais derrière lui. L'avenir du Québec,
l'avenir des générations qui viennent, il n'y a rien de plus
important.
Du même souffle, ces gens se comportent comme ils viennent de le
montrer à la face de la population du Québec, en refusant une
contribution parmi les plus importantes qui pourraient être
amenées sans que cela ne coûte un seul cent; pas question
d'argent, pas question de faire toutes sortes de procédures complexes.
Simplement dire: Oui, nous donnons notre consentement pour que le
député d'Argenteuil, ministre de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur, apporte sa contribution à cette
question tellement importante. Mais non, on ne veut pas. Pourquoi? Non pas
qu'on doute de la compétence du député d'Argenteuil. Au
contraire, le député de Gouin vient de souligner qu'il n'est pas
question de mettre en doute la compétence du député
d'Argenteuil. Comment pourrait-il? Personne au Québec ou au Canada ne
croirait le député de Gouin. Tout le monde le sait parce que le
député d'Argenteuil a toute une feuille de route dans le domaine
justement qui nous intéresse et qui est supposé être la
question primordiale de l'heure.
Le député d'Argenteuil a parcouru le Canada sur les
questions constitutionnelles. Il a rencontré et discuté avec les
plus grands constitutionnalistes de notre époque. Il a rencontré
tous les chefs de gouvernement. Il a lui-même été chef de
parti. Autrement dit, M. le Président, il a été dans le
domaine politique l'une des figures les plus présentes dans le
débat constitutionnel. De plus, il a été amené, de
par sa fonction de journaliste et d'éditorialiste, à
étudier et non pas seulement étudier à la façon
péquiste superficielle, sa caractéristique est
d'étudier
en profondeur. C'est justement le genre de personnage qui a fait une
étude approfondie de toutes ces questions constitutionnelles.
M. le Président, s'il y a quelqu'un qui peut témoigner de
l'intérêt, du dévouement et de l'implication du
député d'Argenteuil dans les questions constitutionnelles, c'est
celui qui vous parle. Nous avons travaillé ensemble dans ces questions.
Combien de jours et combien de nuits Claude Ryan n'a-t-il pas passés
justement dans ces documents de nature constitutionnelle qui nous
préoccupent aujourd'hui, sur cette question qui, selon le chef de
l'Opposition, fait que tout le Québec doit s'arrêter, le Canada
doit s'arrêter, le monde entier doit s'arrêter. C'est tellement
important, on doit mettre de côté tout ce qui existe, même
le budget, tellement c'est important, et voilà la contribution d'un
Québécois qui s'offre. Non. Non. On ne peut pas faire cela.
Pourquoi? Quels sont les arguments de fond que l'on a? M. le
Président, cela fait pitié de voir ce qui se passe ici, à
cette Assemblée nationale, aujourd'hui. Qu'est-ce qu'on refuse? On ne
demande pas de faveur. On demande de contribuer. On dit: Voici quelqu'un qui
est pourtant bien occupé, qui a pourtant bien d'autre boulot, qui
pourrait se réfugier derrière son travail énorme. Mais
non. Il s'offre pour accepter l'invitation du premier ministre de travailler
à l'intérieur de cette commission.
Nous avons devant nous une motion visant justement à permettre
que cette commission se penche sur l'entente intervenue le 30 avril 1987 au lac
Meech, concernant la constitution du Canada. M. le Président, nous avons
présentement besoin des meilleurs cerveaux de notre Législature.
Parmi ces meilleurs cerveaux, il y a le député d'Argenteuil. Tout
le monde reconnaît, d'un côté comme de l'autre de la
Chambre, son expérience, sa connaissance du dossier. Tout cela, on le
met de côté. Pourquoi? Pour des raisons purement et strictement
partisanes, petites, réellement inqualifiables selon le vocabulaire
permis dans cette Législature. M. le Président, je le dis et je
le répète, le député d'Argenteuil est un des plus
qualifiés que nous ayons pour faire partie de cette commission. Il ne
prend la place de personne. Il s'ajoute.
Cela n'enlève pas de place ou de siège à
l'Opposition. Elle pourra conserver tous ses droits, tous ses
privilèges, tout son temps de parole. Il n'y a rien qui est
enlevé. Il y a quelque chose qui s'ajoute, et on aime mieux faire de la
procédurite. On aime mieux faire ce que l'on a fait depuis le
commencement de ce débat. Je dis qu'il est important pour l'avenir du
Québec que nous fassions tout ce que nous pouvons afin de donner le
meilleur éclairage possible. Le premier ministre du Québec va
être là. La ministre de l'Immigration et des Communautés
culturelles sera là. Le ministre des Affaires canadiennes sera
là. Et les autres membres de la commission seront là, du
côté ministériel comme du côté de
l'Opposition.
Qu'est-ce que ça enlève de demander simplement d'ajouter
une autre contribution qui serait de nature à rendre des services au
Québec? Je pose la question en terminant. Qu'est-ce qui motive
l'Opposition? Où est-ce que l'on met l'accent? Est-ce qu'on met
l'accent, comme je prétends qu'on le fait du côté de
l'Opposition, sur les intérêts partisans? Est-ce qu'on ne devrait
pas, comme on prétend toujours vouloir le faire, mettre l'accent sur les
intérêts véritables du Québec? Ces gens se
prétendent les défenseurs des intérêts du
Québec. Voici une occasion où, simplement par un geste ouvert, un
geste non pas de magnanimité, mais un geste d'intérêt pour
le Québec, ils auraient pu dire: Certainement, et si vous avez d'autres
contributions à apporter, apportez-les, nous allons travailler ensemble
dans l'intérêt du Québec. Nous pouvons diverger sur
certains moyens. Mais nous allons prendre tout ce que nous avons à notre
disposition pour faire en sorte que cette commission réussisse à
démontrer dans quel sens les intérêts du Québec se
dirigent.
Je regrette, encore une fois, cette attitude de l'Opposition.
J'espère qu'avant la fin de ce présent débat, on se
ravisera. Ceux qui nous écoutent, les gens du Québec, ne
comprennent pas que Claude Ryan ne puisse pas participer à cela. Ils ne
comprennent pas cela. Il n'y a personne qui peut comprendre une attitude comme
celle-là. Si c'était pour enlever la place à un
député de l'Opposition, d'accord, je comprendrais. Même si
le député de l'Opposition est moins bon, c'est un
député pareil, c'est un député de l'Opposition et
la formation politique... On comprendrait. Y a-t-il une raison pour laquelle
vous refusez? Vous avez confiance dans Claude Ryan. Vous avez confiance, comme
la population du Québec a confiance parce qu'il a toute l'étoffe
nécessaire pour apporter une contribution valable. Pourquoi ne
voulez-vous pas? Pourquoi? Vous avez peur. Vous êtes pris dans - enfin,
je n'ai pas à le qualifier encore - la soupe, vous êtes pris dans
une sorte de situation où vous pouvez difficilement, d'abord, vous
entendre entre vous. Présentement, tout ce que vous dites c'est: Non, on
ne veut pas voir M. Ryan là. On ne veut pas le voir là. Et vous
prétendez défendre les intérêts du
Québec?
Voyons! Voyons! Voyons! Vous défendez quoi? Vous essayez
simplement de survivre dans votre soupe. Restez où vous êtes. Vous
serez là pour l'éternité, ainsi soit-il.
Le Président: Toujours sur la même motion sans
préavis, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Quelques remarques pour expliquer l'attitude de
l'Opposition sur cette motion. D'abord, nous avons réclamé
pendant des jours et des jours, depuis jeudi dernier, que la commission
parlementaire qui va porter sur ce dossier majeur qu'est la question
constitutionnelle soit une commission ouverte. Or, vous l'avez constaté
par la motion du leader du gouvernement, cette commission est, pourrait-on
dire, fermée; elle est limitée à six jours, à six
séances, au cours des deux prochaines semaines. (15 h 50)
Un dossier de cette importance aurait pu au moins nécessiter, de
la part du gouvernement, qu'il maintienne cette commission ouverte, de
façon que tous les groupes, intervenants ou individus, qui souhaitent,
au Québec, prendre position, témoigner, exprimer leur point de
vue sur cette question constitutionnelle, aient la possibilité de le
faire. Avec une commission fermée, ce qui risque d'arriver, ce qui peut
arriver, c'est qu'on se retrouve, après les six jours de séances,
avec des groupes, des organismes, des associations ou des individus qui ne
pourront ni être entendus ni exprimer leur point de vue sur cette
question majeure concernant l'avenir même du Québec. Cela nous
apparaît absolument inacceptable.
Je pense qu'une Opposition responsable se devait de ne pas donner son
consentement à ce que la commission parlementaire des institutions
portant sur la question constitutionnelle soit une commission
fermée.
Pourtant, quand on voit ce qui s'est passé depuis quelques mois,
ici même en cette Chambre, on se rend compte que, sur des dossiers sans
doute importants, mais moins majeurs, je dirais, que celui du dossier
constitutionnel, on a permis à des commissions de siéger pendant
des semaines et des semaines, sans échéance, sans limite,
permettant d'entendre tous les groupes qui souhaitaient le faire. Je pense en
particulier à la commission qui, récemment, a
étudié le projet de mise en place d'une commission consultative
sur la jeunesse. Tous les groupes qui ont voulu se faire entendre sur cette
question l'ont fait. Elle a siégé pendant plusieurs semaines. Je
veux bien croire qu'une commission consultative sur la jeunesse, c'est
important, mais, dans mon esprit, cela m'apparaît pas mal moins important
que l'avenir même du Québec qui se joue à la suite de
l'entente constitutionnelle du lac Meech. Cela m'apparaît pas mal moins
important.
Comment se fait-il qu'on ait exigé de fermer cette commission?
Pour nous, c'est inacceptable. Cela laisse planer des doutes sur les intentions
du gouvernement en cette matière. Pourquoi cet empressement? Comment
expliquer cet empressement à tenir cette commission, à mettre fin
le plus rapidement possible aux travaux de cette commission? On peut se
permettre d'avoir un certain nombre de doutes sur les intentions
gouvernementales. Cela ressemble étrangement à du "bulldozage" en
matière constitutionnelle sur une question aussi vitale et aussi
capitale. Cela ressemble à du "bulldozage".
Le gouvernement, sur la question constitutionnelle, est en train de
"bulldozer" le Parlement en imposant une commission fermée qui
siège rapidement, dès la semaine prochaine, sans même qu'on
soit assuré d'avoir les textes juridiques. Pourtant, Dieu sait que c'est
important, sur un dossier de cette nature, d'avoir les textes juridiques en
main, de pouvoir les étudier et les analyser. On n'est pas sûr de
les avoir. On tient rapidement la commission parlementaire. On limite le nombre
de jours de séance, risquant ainsi de voir des groupes ou des
associations être empêchés de s'exprimer sur cette question.
Cela ressemble à du "bulldozage" de la part du gouvernement sur cette
question. On ne peut pas accepter de s'associer à une telle
attitude.
Que craint le gouvernement? Pourquoi craint-il un examen approfondi de
cette entente, de cette question? Pourquoi a-t-il peur d'un examen approfondi
de la part de la commission parlementaire? Je pense que la question est
pertinente.
Quant à la présence du ministre de l'Éducation, je
vous dirai ceci. Si le premier ministre souhaitait ou voulait vraiment la
présence du ministre de l'Éducation, je dirais qu'il n'avait
qu'à être plus exigeant en matière de conditions
d'entrée du Québec dans la fédération canadienne;
il n'avait qu'à être plus exigeant et qu'à ne pas se
contenter des cinq conditions dangereusement minimales qui ont
été les siennes et celles de son gouvernement sur ce dossier,
avec des reculs, en plus, sur plusieurs de ces cinq conditions
déjà minimales au départ. Il n'avait qu'à
être plus exigeant en matière constitutionnelle.
Je vous dis, M. le Président, que si le gouvernement
libéral avait exigé que soit reconnu au Québec le droit
exclusif de déterminer sa langue officielle et de
légiférer sur toute matière linguistique dans les secteurs
de sa compétence, on aurait été très heureux,
à ce moment-là, d'avoir la présence du ministre de
l'Éducation, parce que cela le concernait, on aurait été
aussi très heureux de la présence de la ministre des Affaires
culturelles responsable de l'application de la charte du français. Si
cela avait fait partie des exigences et des conditions du gouvernement
libéral... Malheureusement, cela n'a pas été le cas.
Si, également, on avait exigé que le versement des
subventions fédérales aux individus et aux institutions oeuvrant
dans les
domaines de la culture et de l'éducation soit soumis à
l'approbation du Québec, cela aurait concerné l'éducation,
et on aurait été enchantés de permettre au ministre de
l'Éducation de siéger. Ce n'est pas le cas, cela ne fait pas
partie des conditions de ce gouvernement.
Si le Québec s'était vu confirmer dans l'entente du lac
Meech comme maître d'oeuvre de l'ensemble du domaine de la main-d'oeuvre,
avec tous les pouvoirs et les ressources que cette responsabilité
comporte, on aurait été enchantés, fort heureux et fort
satisfaits de permettre au ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu de siéger à la commission. Ce
n'est malheureusement pas le cas.
Pour tout dire, M. le Président, si le ministre de
l'Éducation, pour nous, ne doit pas siéger à cette
commission, le principal responsable est le premier ministre lui-même, le
gouvernement libéral, qui a exigé des conditions tellement
minimales au lac Meech qu'on n'a pas de raison, quant à nous, de
justifier la présence du ministre de l'Éducation.
Pour la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration,
on a dit oui. Pourquoi? Parce qu'il y a une condition, un élément
de l'entente qui porte sur l'immigration. Cela se justifie. La présence
de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration se
justifie. Le ministre de la Justice, oui, cela se justifie, il y a un
élément de l'entente qui porte sur la Cour suprême. Cela
justifie la présence, à l'occasion, du ministre de la Justice.
Mais il n'y a rien, dans cette entente, sur l'éducation, absolument
rien. On ne voit pas comment justifier la présence du ministre de
l'Éducation.
Je ne reviendrai pas sur les propos du député de Gouin
relativement aux attitudes passées du leader du gouvernement et de
certains de ses collègues, en particulier ses neuf collègues;
cela m'apparaissait important de le signaler tantôt. C'est pour ces
raisons que nous nous opposons, d'une part, à ce que cette commission
soit fermée et, d'autre part, à ce que le ministre de
l'Éducation en soit membre pendant toute la durée de ses
séances.
Le Président: Sur la même motion sans
préavis, M. le ministre des Transports.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
j'avais quitté pour aller vaquer à d'autres occupations, entre
autres, pour rencontrer, à la demande du député de
Roberval, des maires d'une de ses MRC qui avaient des inquiétudes quant
à la construction d'un certain chemin, et j'ai passé devant un
téléviseur. Ce que j'entendais, à mon grand
étonnement, c'est que l'Opposition refusait au député
d'Argenteuil le droit de siéger à une commission aussi
déterminante pour l'avenir du Québec. Très
étonné, je me suis arrêté pour prendre soin de
regarder ou d'analyser ce qui pouvait se passer, ce qui pouvait motiver une
décision comme celle-là de la part de l'Opposition, une
Opposition qui, bien sûr, n'est pas mesquine, une Opposition qui est
ouverte, une Opposition issue du Parti québécois, qui a fait la
gloire du Québec au cours des années 1976 pour sa transparence,
sa lucidité quant à l'avenir, cette ouverture d'esprit sur le
fond et sur la forme, ce parti de rénovateurs. C'est un parti, il faut
bien le dire, qui est devenu un petit parti, dont nous avons les plus simples
expressions devant nous. (16 heures)
Dans cette négociation que le gouvernement a eue avec la loyale
Opposition de Sa Majesté, il a offert et donné des choses pour
être capable de se préparer dans un débat aussi important
que celui-là. On a offert et mis à la disposition de l'Opposition
des sommes d'argent qui vont lui permettre d'engager un spécialiste en
droit constitutionnel et qui va bien la conseiller pour qu'elle soit capable
d'affronter cette commission.
Mais - faut-il le dire à la population -ce que nous visons
aujourd'hui, ce que le premier ministre et le député de
Jean-Talon ont réglé la semaine dernière au lac Meech,
c'est la réparation des erreurs commises dans le passé par le
parti qui est aujourd'hui dans l'Opposition. Bien sûr, le
député de Lévis peut ne pas être d'accord avec cela.
On le comprend, avec le combat qu'il mène à l'intérieur de
son propre parti depuis déjà un certain temps.
Les erreurs commises par les gens d'en face dans le passé ont
été réparées, la semaine dernière, et c'est
probablement sur le fond que ces individus ont largement peur d'aller en
commission parlementaire et de faire face au parti ministériel, qui est
prêt à défendre son dossier. Ces erreurs du passé,
ce sont vos erreurs que notre parti, notre gouvernement a
réparées la semaine dernière. Qu'on refuse au
député de Charlesbourg le soin d'être membre de cette
commission, c'eût été très normal, vu son niveau de
compétence et de connaissance du dossier constitutionnel, mais qu'on le
refuse au député d'Argenteuil, ministre de l'Éducation,
cela renverse toutes les données pour le moins intelligentes du
débat actuel.
Pourquoi le député d'Argenteuil et ministre de
l'Éducation doit-il assister à cette commission? D'abord, il faut
tenir compte du poste extrêmement important qu'il occupe dans ce
gouvernement comme ministre. Deuxièmement, il n'y a pas un seul
individu dans tout le Québec qui va vous prendre au
sérieux, quant aux compétence et qualités de l'homme, qui
ne se sont jamais démenties dans toute son histoire, pour la
défense des intérêts du Québec et aussi sa
connaissance profonde de l'histoire du Québec.
La troisième raison, extrêmement importante, qui est
à la base même de ce parlementarisme, le droit non pas d'un
ministre, mais d'un député... Est-ce que le député
d'Argenteuil n'est pas ici député au même titre que ses 121
collègues qui ont le droit fondamental de participer à une
commission parlementaire? Vous qui, très souvent, par l'entremise de
votre leader, vous levez pour clamer, pour revendiquer des droits qui, selon
vous, sont très souvent bafoués, ces droits de l'Opposition, que
faites-vous des droits du député d'Argenteuil qui, tout comme
vous, a été élu par ses concitoyens pour
représenter les électeurs du comté d'Argenteuil? Je pense
que vous avez là une porte de sortie pour réparer votre erreur
d'aujourd'hui, qui risque d'être historique.
Si vous ne voulez pas accepter le ministre de l'Éducation,
acceptez le député d'Argenteuil qui, lui, a des droits sur le
plan des droits fondamentaux dans notre société, sur le plan de
la démocratie, qui doivent être respectés et non pas
foulés aux pieds comme vous le faites actuellement.
Pourquoi cette attitude de l'Opposition et par qui? Le pourquoi est
très simple à régler. Nous avons devant nous et à
travers le Québec un parti moribond. Les statistiques sont très
claires, à la fois sur le plan du membership et sur le plan du
financement de ce parti politique. Bien sûr, on a pensé, avec ce
qui s'est passé au lac Meech, la semaine dernière, voir la
lumière au bout du long tunnel pour être capable de soulever les
gens au Québec, soulever l'armée, pour être capable de se
"revamper", de se maquiller encore une fois, pour être capable d'aller
chercher un minimum d'appuis au Québec, appuis que ce parti n'a plus en
raison des virages éternels qu'il a faits, pas plus qu'il n'a de
crédibilité.
Il est là, le pourquoi. Vous avez fondamentalement peur de venir
discuter à cette table des progrès majeurs et substantiels qu'a
obtenus le Québec. C'est cela la vérité et le pourquoi:
Cacher votre propre turpitude, cacher votre faiblesse sur le plan du nombre et
sur le fond, que vous reconnaissez dans votre chef et dans votre parti aussi.
Les dernières semaines et les derniers mois sont très
convaincants: 15 personnes par ci, 30 par là, un appui populaire
fantastique à votre base, et ça, c'est clair et c'est ça
que vous voulez masquer. Et 'par qui, M. le Président? Par qui? Par le
député de Gouin, le premier, l'organisateur en chef, lors du
dernier congrès au leadership, le député d'Anjou qui est
maintenant votre chef, M. le député de Terrebonne. L'organisateur
en chef, celui-là même qui, de l'intérieur de votre propre
parti - on a pu le constater et le voir ici, le vivre à chaque jour au
cours des années antérieures à 1985... L'organisateur en
chef du député d'Anjou s'est levé et a dit: Vous ne pouvez
pas, vous, le gouvernement libéral, faire en sorte que le
député d'Argenteuil puisse être à la commission
compte tenu de votre passé. Mais vous avez une très courte
mémoire, vous êtes sélectifs dans votre vision, dans vos
choix, compte tenu de tout ce que René Lévesque a pu vivre
à l'intérieur de votre parti, fomenté de
l'intérieur, alimenté par celui qui, tout à l'heure, se
levait, le député de Gouin, et qui faisait des reproches à
la partie gouvernementale.
Il y a aussi le député de Lac-Saint-Jean qui s'est
levé et qui est devenu un spécialiste en matière
constitutionnelle depuis quelque temps, bien sûr, prenant la
relève de son chef. Deux individus qu'on a vus de l'intérieur et
qui, dans les deux cas, ont très clairement choisi leur propre
intérêt, lorsqu'ils étaient en pleines difficultés
à l'intérieur de leur parti, leur propre intérêt,
jeunes ministres qu'ils étaient, et ils ont choisi celui qui, dans les
sondages à l'époque, était un peu plus populaire que les
autres, du moins auprès des membres du Parti
québécois.
Oui, c'est une erreur grossière, c'est une erreur
extrêmement importante et dommageable que de se priver de
l'expérience du député d'Argenteuil à cette
commission parlementaire, lui qui a un passé très riche en
connaissances, en analyses, et Dieu sait que tout le monde le reconnaît
dans tout le Québec. Tout le monde le reconnaît dans tout le
Québec. Aussi, cela me semble le point fondamental sur lequel vous devez
réfléchir, les droits d'un député à
l'Assemblée nationale, celui du député d'Argenteuil
à être membre à part entière de cette commission.
Vous avez commis une erreur. Je pense que vous vous devez de la réparer
immédiatement et de faire en sorte que cela devienne un voeu unanime de
cette Assemblée que le député d'Argenteuil puisse, avec
ses connaissances, son expérience, son jugement, éclairer les
travaux de cette commission et ce pour le grand bien de l'ensemble de la
collectivité québécoise et aussi de tout le Canada. Merci,
M. le Président.
Le Président: La totalité de l'enveloppe qui est
accordée aux deux côtés de cette Chambre pour cette motion
est d'une heure. Il reste six minutes, dont un droit de réplique
accordé à M. le leader du gouvernement. Je vous informe qu'il
reste à peine six minutes au débat pour la totalité,
incluant la
réplique, en vertu de nos règlements, c'est-à-dire
l'article 146 du règlement. M. le député de
Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, il aurait peut-être fallu
que le leader du gouvernement s'entende avec le ministre des Finances et le
député de Charlesbourg qui ont parlé trop longtemps. Mais,
M. le Président, essentiellement, la question est très simple: Si
le premier ministre considérait les lumières du
député d'Argenteuil si grandes, pourquoi ne l'a-t-il pas
amené avec lui au lac Meech? Le premier ministre n'a pas jugé
important d'amener avec lui, lors des négociations sur l'entente
constitutionnelle, le député d'Argenteuil. Il n'avait pas besoin
de ses lumières à ce moment-là. Ce n'était pas
nécessaire. Aujourd'hui, il veut enfermer le député
d'Argenteuil dans une trappe. Alors qu'il n'en avait pas besoin pour conclure
l'entente, là, il en a besoin pour cimenter l'unité de son parti,
pour défendre l'entente. (16 h 10)
Là, le premier ministre voudrait que le député
d'Argenteuil fasse partie de la commission pour défendre l'entente qu'il
a signé à genoux. Pensez-vous, M. le Président, qu'un seul
Québécois croit à "Bob le Matamore", pense vraiment que le
premier ministre du Québec est un premier ministre fort, capable
d'affronter l'ensemble du Canada pour défendre les droits du
Québec? Le premier ministre du Canada a dit clairement que le
Québec n'avait rien gagné dans cette entente. M. Mulroney a dit
à la face de tout le Canada anglais que le Québec n'a rien
gagné qu'il n'avait déjà.
M. le Président, il faudrait savoir que l'Opposition
protège, dans le fond, le député d'Argenteuil contre le
premier ministre qui veut l'enfermer dans une trappe. Et alors qu'il n'en avait
pas besoin pour négocier avec lui au lac Meech, maintenant, il voudrait
se servir de la crédibilité qu'a établie le ministre de
l'Éducation lorsqu'il était éditorialiste au Devoir
pour l'obliger à défendre l'entente qu'il a conclue,
accompagné seulement du député de Jean-Talon.
M. le Président, quant au ministre des Finances, j'aimerais qu'il
se serve de ses propres arguments. Pourquoi n'amène-t-il pas le ministre
de l'Éducation quand il discute, lui qui se fait organiser
régulièrement par le gouvernement fédéral,
d'entente sur la santé, des transferts fédéraux de
paiements au Québec sur la santé et l'enseignement
supérieur où il a été le plus mauvais
négociateur des 20 dernières années au gouvernement
fédéral?
Quand il y avait des questions difficiles à régler entre
le gouvernement du Parti québécois autrefois, le ministre des
Finances, comme député de Bonaventure, disait toujours: C'est une
question de savoir négocier. Il n'y en a pas un qui s'est fait organiser
autant que le ministre des Finances. C'est par centaines de millions que le
Québec a été coupé de transferts
fédéraux dans les domaines de la santé et de
l'enseignement supérieur. Si le ministre des Finances est sincère
pourquoi n'a-t-il pas appliqué lui-même ses propres principes en
se faisant accompagner du ministre de l'Éducation pour être
capable de négocier des fonds qu'il n'a pas été capable de
négocier?
C'est pourquoi le gouvernement fédéral a versé
beaucoup moins au Québec depuis l'arrivée de ce fameux parti qui
se prétendait un parti de négociateurs, mais où jamais le
Québec ne s'est fait autant organiser que depuis qu'il est là. M.
le Président, l'incapacité de négocier avec le
gouvernement fédéral du premier ministre, M. Bourassa, et du
ministre des Finances, M. Levesque, est connue. Jamais le Québec ne
s'est autant fait organiser dans les négociations. Et aujourd'hui le
premier ministre voudrait nous dire: Donnez-nous le député
d'Argenteuil dans une commission dont il ne fait pas partie pour venir
défendre, au nom du Parti libéral, une entente où le
premier ministre a jugé qu'il n'était pas utile lors des
négociations.
Nous ne ferons pas ce coup-là au député
d'Argenteuil et nous allons obliger le gouvernement, le premier ministre,
à vivre avec le député de Jean-Talon. S'ils sont trop
faibles pour se défendre en commission parlementaire, les gens s'en
rendront compte. Mais on n'obligera pas le député d'Argenteuil
à défendre une entente en commission parlementaire, alors que le
premier ministre a jugé que, lors des négociations, le
député d'Argenteuil n'était pas nécessaire. Merci,
M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de
Lévis.
Si je comprends bien, M. le leader de l'Opposition a une question de
règlement avant la réplique de M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je suppose que vous
avez annoncé de votre siège que c'était une heure en
fonction de l'article 146. Je voudrais vous dire que la motion que nous avons
devant nous n'est pas un renvoi simple en commission. Dans la motion que nous
avons devant nous, on parle de modalités, de composition, et ça
devient donc une motion qui n'est pas exclusivement de renvoi à une
commission et qui vous obligerait à limiter le débat à une
heure. Je pense que le député de Lévis a encore droit
à du temps compte tenu du fait que cette motion est plus englobante...
C'est pourquoi le leader du gouvernement a pris la peine de
se lever pour dire: J'irai aux motions. Vous vous rappellerez que je me
suis levé pour lui demander s'il ne faisait pas son annonce aux avis du
jour pour l'envoyer en commission. Il a dit: Non, je ferai une motion non
annoncée. Je comprends parce qu'une grande partie du texte que vous avez
devant vous est une entente, à l'exception de la limite. Il y a des
notions sur composition même de la commission. Il parle des deux
ministres qui en font partie. Il parle des modalités: les
premières journées c'est entre parlementaires, la deuxième
journée, c'est avec les experts pour les deux autres, et ensuite ce sont
les groupes.
Il y a plusieurs dimensions qui, à mon point de vue, font que
cette motion non annoncée n'en est pas une au titre de l'article 146,
mais bien une motion non annoncée qui permet aux parlementaires, quel
que soit leur nombre, de s'exprimer. Je vous demanderais peut-être de le
prendre en délibéré quelques minutes, je pense que c'est
important. Dans la motion présentée par le leader du gouvernement
- je pourrais vous en faire la lecture, mais je pense que vous l'avez lue
autant que moi - il y a plusieurs dimensions qui font qu'elle échappe
précisément à l'article 146 qui n'est qu'un renvoi en
commission qui est discutable dans un débat restreint. Pour toute motion
non annoncée qui comprend d'autres éléments, si, les 23,
on décidait de parler, dès qu'il y a consentement pour la
discussion, d'après le règlement, vous savez qu'après le
nombre de minutes, à moins qu'il y ait entente entre les deux leaders,
entre les deux formations politiques, il n'y a plus de limite.
Ne vous en déplaise, M. le Président, je voudrais que vous
considériez que, dans la motion, il y a des dimensions qui font qu'elle
échappe à l'article 146, puisqu'on parle de modalités de
fonctionnement, des personnes qui peuvent être présentes et, plus
que cela, le débat se fait sur une demande de consentement. Tout le
débat, depuis le début - je pense que le leader du gouvernement
en conviendra, c'est même un extra, un peu, de la proposition qui est ici
- s'est fait sur une demande de consentement qu'a faite le leader du
gouvernement.
M. le Président, je vous demanderais de reconsidérer votre
décision concernant la stricte application de l'article 146. Tel que
vous venez de le faire, le leader du gouvernement n'aurait même pas une
minute pour répliquer alors qu'il s'est lui-même levé en
cette Chambre. Je n'ai pas à plaider pour lui, mais je veux
démontrer qu'en fonction de l'article 146, on serait un peu dans les
carottes. En fonction de l'article 146, on aurait dû prévoir un
droit de réplique au proposeur dans un débat restreint, alors
qu'on a dépassé l'heure, au moment où l'on se parle. Je
pense que le député de Lévis a dépassé de
une ou deux minutes le temps de l'heure complète. À mon point de
vue, comme ce n'est pas une motion en vertu de l'article 146, le
député de Lévis a un droit de parole de 20 minutes au
maximum, s'il devait le prendre. On devrait prévoir un temps de
réplique dévolu normalement au leader du gouvernement ou à
tout parrain d'une motion non annoncée.
Le Président: Avant de reconnaître le leader du
gouvernement, je pense qu'il y a peut-être eu confusion. Il y avait
peut-être une entente des deux côtés de cette Chambre, sans
que je le sache, pour les enveloppes et le partage du temps. Je n'ai pas rendu
de décision et je ne veux pas la rendre. Je veux vous écouter, M.
le leader du gouvernement, à la suite de l'intervention de M. le leader
de l'Opposition.
M. Gratton: Oui. M. le Président.
Le Président: Tout le monde semble comprendre qu'il
s'agissait d'un débat de deux heures et non d'une heure, tel que...
Une voix: Même pas de deux heures.
Le Président: Même pas de deux heures? Motion non
annoncée: 20 minutes de chaque côté, s'il n'y a pas
d'entente. D'accord. C'est pour chaque intervenant.
M. Gratton: Aussi brièvement que possible, M. le
Président. Nonobstant le fait dans la motion que j'ai
déposée tantôt, qu'on y lit en titre qu'elle est
présentée en vertu de l'article 146 du règlement de
l'Assemblée nationale, ce qui vous a manifestement amené à
interpréter que l'article 146 devait s'appliquer, je dois
reconnaître le bien-fondé de l'argumentation du leader de
l'Opposition qui dit que, finalement, cette motion a été
présentée aux motions sans préavis parce qu'il y avait
entente et consentement unanime pour que nous la considérions.
Évidemment, je suis aussi obligé de reconnaître, comme lui,
que le contenu de la motion est beaucoup plus que le simple renvoi d'une
question en commission parlementaire. De ce fait, je serais porté, moi
aussi, à considérer que ce sont les règles, non pas de
l'article 146, quant à l'enveloppe de temps, qui s'appliquent, mais
plutôt les règles qui s'appliquent à toutes les motions
sans préavis, c'est-à-dire que la durée du débat
est limitée par le nombre d'intervenants qui veulent prendre la parole
pendant une période de 20 minutes.
Compte tenu de tout cela, j'irais volontiers dans le sens de ce que
suggère le leader de l'Opposition: que vous preniez la question en
délibéré et, si le député de Lévis
n'a pas terminé, qu'il puisse terminer son intervention jusqu'à
un maximum de 20 minutes. Entre-temps, j'inviterais le leader
de l'Opposition à ce qu'on se rencontre en votre présence
et on pourrait ensemble déterminer Une enveloppe de temps qui pourrait
peut-être mettre fin à ce débat afin de commencer l'autre.
(16 h 20)
Je veux que ce soit bien clair. Quand j'ai demandé le
consentement pour présenter les avis touchant les travaux des
commissions avant de procéder aux motions sans préavis, je
n'avais aucune indication, à ce moment-là, que le débat
sur cette motion sans préavis occuperait l'Assemblée aussi
longtemps. J'avais plutôt à l'esprit une autre motion que je
présenterai après celle-là et qui a trait à la
suspension des règles et qui, elle, sera présentée en
vertu de l'article 182 et qui débouchera justement sur la
présentation, par le ministre de l'Éducation, d'une loi
d'exception. Cette loi, évidemment, aurait empêché les
commissions de siéger si nous n'avions pas donné les avis
préalablement.
M. le Président, je fais mienne la suggestion du leader de
l'Opposition que vous preniez en délibéré que nous nous
rencontrions et que nous tentions ensemble de déterminer une enveloppe
de temps pour disposer de cette motion.
Le Président: Nous allons continuer le débat. Je
vais reconnaître M. le député de Lévis. Je ne veux
pas créer de précédent. C'est pourquoi je vais me retirer
et rencontrer les deux leaders sur l'article 146. M. le député de
Lévis, vous avez toujours la parole sur la même motion. Il vous
reste, M. le député de Lévis... M. le greffier, s'il vous
plaît, combien reste-t-il de temps?
Une voix: Six minutes.
Le Président: II vous reste six minutes, M. le
député de Lévis. M. le député de
Lévis, vous avez la parole.
Une voix: Quatorze. Le Président: Combien?
Une voix: Quatorze minutes.
Le Président: Quatorze. Excusez-moi. Quatorze minutes.
M. Garon: Merci, M. le Président. J'étais au
début de mon exposé. Je voulais dire que le premier ministre n'a
pas jugé bon de se faire accompagner du ministre de l'Éducation
lorsqu'il a négocié avec les neuf autres provinces et le
gouvernement fédéral. Il n'a pas jugé bon de se faire
accompagner et d'avoir les lumières du ministre de l'Éducation
qui, tous le reconnaissent, a travaillé sur ces questions
constitutionnelles plus que d'autres.
C'est au moment des négociations que les lumières du
député d'Argenteuil étaient nécessaires, pas au
moment où on essaie de vendre la salade aux Québécois,
mais, au moment où on négociait et où on avait besoin des
gens les plus forts. Pourquoi le premier ministre nous dit-il, aujourd'hui: Le
ministre de l'Éducation est mon ministre le plus fort, mais, à
Ottawa, je me contentais du député de Jean-Talon. L'ancien
premier ministre, M. Lévesque, quand il allait négocier avec
Ottawa, se faisait accompagner de plusieurs ministres, ceux qu'il
considérait qui devaient l'aider dans les dossiers. Je me rappelle; il
était accompagné du député de Louis-Hébert,
M. Morin, du ministre de la Justice et leader du gouvernement, M.
Marc-André Bédard, du leader du gouvernement, M. Charron, de
plusieurs personnes. À une certaine négociation où les
affaires agricoles étaient en cause, j'ai accompagné le premier
ministre.
Mais le premier ministre nous dit, aujourd'hui: Mon ministre, que tout
le monde va reconnaître comme compétent en matière
constitutionnelle, c'est le ministre de l'Éducation. Mais lorsqu'il a
négocié avec le gouvernement fédéral et les neuf
autres provinces, il n'en avait pas besoin. Ce n'était pas
nécessaire. Il voulait avoir la gloire pour lui tout seul. Mais lorsque
arrive la commission parlementaire, il ne voudrait pas que le monde pense que
le ministre de l'Éducation n'est pas complètement d'accord.
Là, il veut le mettre au "bat". Il veut le mettre à la commission
parlementaire pour l'obliger à défendre son brouillon pour lequel
nous n'avons même pas eu encore le texte juridique.
Il voudrait enfermer le ministre de l'Éducation et lui dire:
Maintenant, vous allez faire le soldat, un bon soldat. Vous allez aller en
commission parlementaire et défendre le papier le plus faible de toutes
les négociations qu'il y a eu avec le gouvernement
fédéral. Quand vous lisez les journaux, c'est évident
qu'on ne se fiera pas au député de Jean-Talon pour nous dire ce
qu'il pense de l'entente. Mais regardons ce que disent les journaux anglais. Le
Globe and Mail de Toronto disait, le 24 avril 1987: Jamais le
Québec n'a demandé si peu pour signer la constitution canadienne.
Le Globe and Mail est considéré comme un bon journal. Il
avertissait les Anglais: Signez au plus vite; jamais le Québec n'a
été à terre comme cela, jamais le Québec n'a
été à genoux.
Si le premier ministre n'a pas jugé bon, à ce moment, de
se faire accompagner du ministre de l'Éducation, qui pensait que le
député de Jean-Talon suffisait, qu'il n'a jamais eu de demande
aussi faible, pourquoi, aujourd'hui, demanderait-il au député
d'Argenteuil de venir défendre ce bout de papier à propos duquel
le Globe and Mail déclare que jamais le Québec n'a
demandé
aussi peu.
On voit plus tard, dans Le Devoir du 5 mai 1987: Le
sénateur Lowell Murray... Pardon. On voit ce que déclare le
premier ministre du Canada. On dit: Mulroney et Murray - le sénateur
Lowell Murray -rassurent le Canada anglais. Québec n'a gagné
aucun pouvoir qu'il n'avait déjà. Voulez-vous dire que M.
Mulroney est en train de mentir au Canada anglais? Voulez-vous dire que le
sénateur Murray est en train de mentir au Canada anglais? Voulez-vous
dire que le Globe and Mail est en train de mentir au Canada anglais? Ils
sont en train de dire jamais on n'a vu un gouvernement aussi faible.
Pensez-vous qu'il y ait un seul Québécois qui pense
sérieusement que Robert Bourassa, premier ministre du Québec, est
un homme fort, que c'est un homme qui a une colonne vertébrale d'acier,
que c'est un homme qui va mettre le poing sur la table et va faire fendre la
vitre en deux? Personne ne pense cela. Tout le monde sait que Robert Bourassa,
premier ministre du Québec, est un homme mou. Que dans toutes ses
négociations avec Ottawa, il a toujours été mou.
Aujourd'hui, il voudrait se faire défendre par un homme qui s'est
bâti une réputation d'homme de principe dans les années
passées comme éditorialiste. Il voudrait l'obliger à aller
à une commission parlementaire pour défendre un texte.
Nous considérons que nous ne devons pas faire ce coup-là
au député d'Argenteuil. J'ai eu l'occasion de voir, par exemple,
des gens nommés à des commissions parlementaires se
désister. J'ai vu votre commission de l'Assemblée nationale
où ça devait être cinq présidents de commission qui
devaient siéger, et quatre se sont désistés pour qu'on
nomme des hommes de bras du Parti libéral. Voyez-vous? Si c'est
ça le parlementarisme... Il faut commencer à appliquer dans cette
Chambre certains des principes du parlementarisme. On ne voudrait pas que le
premier ministre se serve de l'ancien éditorialiste du Devoir
pour violer ces principes fondamentaux de base.
Si le premier ministre avait tellement besoin des lumières du
député d'Argenteuil, ministre de l'Éducation, il aurait pu
lui demander de l'accompagner au lac Meech. Là le député
d'Argenteuil, ministre de l'Éducation, aurait défendu un projet
qu'il aurait contribué à négocier. C'était trop
l'histoire du passé au Québec, la partisanerie politique.
C'était trop l'histoire du passé. Cela a été
l'histoire du passé pour nous faire entrer dans la
Confédération et, à différentes époques de
notre histoire, par partisanerie politique, on a oublié les droits
fondamentaux du Québec. Il est temps qu'au fond on applique un peu les
règles du Parlement. Si on a un livre de règlements, pourquoi
faudrait-il toujours, sans arrêt, en changer les règles alors que
ces règles ont été établies comme les règles
du parlementarisme?
Est-ce que le premier ministre n'est pas capable de défendre
lui-même l'entente qu'il a lui-même négociée avec le
député de Jean-Talon? Ces deux matamores, ces deux personnes qui
veulent nous faire croire qu'elles ont mis le Canada anglais à genoux
défendront leur position, alors que tous les gens qui commencent
à approfondir cette question se rendent compte qu'une
société distincte, on ne voit ça dans aucun texte
constitutionnel, dans aucun pays au monde. On parle de société
quand il s'agit de société commerciale, mais jamais de
société politique. On parle alors de peuple. On parle du pouvoir
de dépenser alors que les gens qui commencent à analyser se
rendent compte qu'un des grands problèmes des années
passées, c'était le pouvoir de dépenser et que le texte en
question ne règle d'aucune façon la question du droit de
dépenser.
M. le Président, il est temps qu'on mette deux personnes devant
elles-mêmes en commission parlementaire, devant leur miroir pour qu'elles
puissent défendre elles-mêmes le brouillon, le papier qui ne donne
rien aux Québécois à toutes fins utiles. Si le premier
ministre n'avait pas besoin du député d'Argenteuil pour
négocier avec lui au lac Meech, s'il ne voulait pas avoir le
député d'Argenteuil, si le député d'Argenteuil lui
portait ombrage, si le député d'Argenteuil n'était pas le
si grand conseiller dont il avait besoin pour négocier, pourquoi
aurait-il besoin de ce conseiller une fois que l'entente est signée pour
essayer de nous bourrer?
M. le Président, les Québécois ne sont pas dupes et
ils veulent voir à la télévision le premier ministre
lui-même avec son principal conseiller en cette matière, le
député de Jean-Talon, venir défendre leur propre
brouillon, leur propre papier, mais avec un texte juridique. Pas un texte de
placotage. Pas un communiqué de presse comme pour la Baie James, dans
les années qui ont précédé, en 1974, où on a
annoncé dans un grand geste publicitaire, à la Goebbels, au
Colisée de Québec, une Baie James dont les coûts ont
été trois ou quatre fois plus élevés que ceux qui
avaient été prévus. Ces grands spécialistes, ces
faux spécialistes des droits du Québec n'ont rien
négocié véritablement au lac Meech. (16 h 30)
Plus les gens grattent, plus les gens se rendent compte qu'ils n'ont
rien négocié. Nous sommes actuellement, parce que non signataires
de la constitution canadienne, dans une position que nous ne retrouverons
jamais sur le plan des négociations constitutionnelles et ce n'est pas
en acceptant des "guidis-guidis", des points-virgules et en refusant de faire
le véritable débat de fond... Vous savez, le premier ministre ne
nous a jamais dit ce qu'il demandait. Le
ministre des Finances, actuellement, dans la réforme fiscale
canadienne, ne nous dit pas ce qu'il demande. Ce gouvernement est trop mou pour
nous dire, à l'avance, ce qu'il demande parce qu'il sait qu'il ne l'aura
pas. Après cela, il voudrait défendre le texte signé
plutôt que les demandes du Québec.
Madame... M. le Président, vous êtes revenu, je veux vous
dire que ce n'est pas pour nuire au gouvernement, mais, au contraire, selon la
logique qu'il a lui-même établie, pour faire que ceux qui ont
défendu l'accord constitutionnel à Ottawa soient ceux qui
viennent la défendre devant les Québécois. Qu'ils
n'essaient pas de se faire aider par d'autres qu'ils n'ont pas
considéré utile devoir les accompagner dans ces
négociations fédérales-provinciales.
Le député d'Argenteuil n'était pas
nécessaire au lac Meech. Ils n'avaient pas besoin de ses
lumières, de ses conseils; ils ne voulaient surtout pas qu'il leur porte
ombrage. Ils ne voulaient surtout pas qu'il demande plus. Mais, aujourd'hui,
une fois qu'ils ont signé leurs papiers, ils voudraient que celui qui a
une plus grande réputation quant aux principes vienne leur prêter
main-forte pour défendre leurs papiers.
Nous ne devons pas enfermer le député d'Argenteuil dans
cette logique infernale de partisanerie. Nous devons le laisser en dehors de ce
débat où il n'a pas été partie. Que le
député de Jean-Talon et le premier ministre défendent ce
qu'ils ont bâti eux-mêmes seuls, sans l'appui du Québec,
sans demander quoi que ce soit au Québec, sans même informer le
Québec de ce qu'ils demandaient.
Qu'ils vivent eux-mêmes avec leur propre turpitude!
Le Président: Je remercie M. le député de
Lévis. Toujours sur la même motion, je reconnais maintenant M. le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, je serai bref. Je
veux seulement souligner, le plus sincèrement possible, ma surprise et
ma profonde déception devant l'attitude de l'Opposition. Très
sincèrement, je me demande pourquoi l'Opposition refuse que le ministre
de l'Éducation soit présent, soit membre de cette commission qui
étudiera l'entente conclue par les premiers ministres du Canada au lac
Meech pour rapatrier le Québec dans la Fédération
canadienne.
Ce sera une commission parlementaire historique parce que l'entente, qui
a été conclue au lac Meech, est une entente historique, une
entente qui devrait nous amener à vivre comme Québécois,
comme Québécoises, comme des partenaires majeurs de cette
fédération canadienne, et une entente aussi qui permettra au
fédéralisme canadien de pouvoir évoluer dans une dimension
nouvelle, plus conforme au défi que nous avons maintenant comme
partenaire de cette fédération à laquelle nous tenons
comme Québécois et comme membres de ce que nous appelons le
Québec, société distincte, auquel nous tenons aussi.
Nous connaissons la très grande compétence du ministre de
l'Éducation comme artisan de la politique gouvernementale, qui est
présentement celle du gouvernement, et qui, à toutes fins utiles,
a trouvé son aboutissement, sous plusieurs de ses aspects, dans cette
entente du lac Meech.
Pourquoi l'Opposition veut-elle refuser au député
d'Argenteuil, ministre de l'Éducation du Québec, de faire partie
de cette commission? Pourquoi, si ce n'est la peur de voir ce ballon, qu'ils
ont gonflé à vide, se dégonfler trop rapidement? Cette
attitude du chef de l'Opposition, de l'Opposition en général est
déplorable. Depuis que nous avons conclu cette entente, dès le
lendemain, le chef de l'Opposition parlait du monstre du lac Meech. Nous avions
vendu la maison sans l'avoir visitée, mais le problème, c'est
qu'il commentait l'entente sans l'avoir lue. Maintenant qu'il l'a lue, il
commence à trouver que ce n'est peut-être pas tout à fait
aussi mauvais.
De toute façon, les réactions sont là. Dès
le lendemain de cette entente, dans la presse, partout, les meilleurs
commentateurs, les commentateurs les plus avisés, les
constitutionnalistes les plus compétents, les plus reconnus au
Québec et au Canada nous disaient qu'il s'agissait d'une entente
historique. Seulement aujourd'hui, seulement ce matin, le professeur
Léon Dion dit: "Compte tenu des circonstances, cette entente a atteint
les limites du possible." Le professeur Dion nous dit que ce que M. Bourassa a
obtenu au lac Meech constitue un progrès considérable sur les
demandes initiales du Parti québécois.
M. le Président, on connaît la grande compétence du
professeur Dion, comme on reconnaît aussi la pertinence des propos du
journaliste Marcel Adam qui, ce matin, lui aussi, nous disait: "Et ceux qui
connaissent un peu l'histoire récente et ne manquent pas tout à
fait de sens politique ne peuvent qu'être étonnés de
l'ampleur des gains obtenus par M. Bourassa le 30 avril." Partout dans la
presse, on reconnaît la valeur de cette entente comme un
événement historique pour le Québec et pour le Canada.
La véritable raison qui fait que l'Opposition refuse au ministre
de l'Éducation de venir siéger à cette commission, c'est
qu'ils ont peur de la réaction. Ils ont peur qu'on démontre
qu'ils ont réagi trop vite. Ce que je veux dire à l'Opposition,
c'est qu'il n'est pas trop tard, réalisez que vous vous
êtes trompés. D'accord, vous avez agi trop rapidement,
ça se peut, ce sont des choses qui arrivent, mais réalisez que
vous avez une entente qui fera du Québec un partenaire majeur de cette
fédération avec des droits que vous-mêmes n'avez même
pas demandés.
Je dis à l'Opposition: Réalisez et venez en commission
parlementaire pour que, sereinement, au-dessus de la partisanerie, au-dessus de
la démagogie, nous puissions ensemble étudier cette entente du
lac Meech et que nous puissions voir si des experts pourraient y trouver des
failles. Nous, nous sommes persuadés qu'il n'y a pas de faille parce que
nous nous sommes assurés, pendant tout ce long processus de discussions
et, à la fin, de négociations, que ce que nous négociions,
ce que nous avons obtenu, c'est ce que nous pouvions obtenir de meilleur pour
le Québec.
J'entendais tout à l'heure le député de
Lévis dire: Le ministre de l'Éducation n'a pas à
être membre de la commission parce qu'il n'a pas été
impliqué dans le processus de discussions. Je veux dire au
député de Lévis que, de fait, le ministre de
l'Éducation a été impliqué dans tout le processus
que nous avons suivi depuis le début jusqu'à la fin comme membre
de ce comité que nous avons créé au sein du cabinet pour
suivre le dossier constitutionnel. C'est donc un autre motif qui devrait nous
amener à recevoir avec plaisir la participation du ministre de
l'Éducation à la commission qui étudiera cette entente du
lac Meech. (16 h 40)
De fait, le seul motif qui peut pousser l'Opposition à refuser la
présence du ministre de l'Éducation, c'est la peur d'être
confrontée à une réalité qui, chaque jour,
s'affiche maintenant, d'une façon de plus en plus évidente. J'ai
de bons amis avec lesquels je m'entends très bien, mais avec qui je ne
partage pas les opinions politiques. Ce sont des indépendantistes, les
Rhéaume, Manière, de Bellefeuille, pour lesquels j'ai beaucoup de
respect. J'ai beaucoup de respect pour ces gens qui sont
indépendantistes, qui croient à un Québec
indépendant et qui n'ont pas peur d'exprimer leurs idées
clairement, qui nous disent clairement: Nous sommes indépendantistes.
Ils m'ont dit: Gil, on ne peut pas être d'accord avec votre entente,
parce que, nous, nous sommes indépendantistes et, avec cette entente, il
ne nous sera plus possible de faire l'indépendance du Québec
parce que tous les Québécois et Québécoises vont se
rendre compte qu'on peut vivre comme Québécois, comme
Québécoises, avec tout ce que cela comprend, au sein de la
Fédération canadienne, en tirer les bénéfices que
nous devons en retirer. Ils le disent très franchement,
honnêtement: Nous sommes contre l'entente parce que nous sommes des
indépendantistes.
Il y en a d'autres qui m'ont dit: Nous, on ne peut pas accepter de
toucher au pouvoir du gouvernement fédéral que nous voulons le
plus fort possible. C'est certain. Je leur dis: Vous avez
l'honnêteté de faire valoir vos idées et vous avez un bon
motif pour être contre cette entente du lac Meech parce que c'est une
entente qui respecte le fédéralisme et qui respecte aussi le fait
que les provinces sont des entités politiques autonomes au sein de cette
fédération.
Je ne comprends pas l'attitude de l'Opposition et je lui demande le plus
sincèrement possible de s'élever au-dessus de la partisanerie et
de la démagogie et d'accepter que le ministre de l'Éducation
fasse partie de cette commission pour que nous puissions ensemble
étudier cette entente du lac Meech pour le mieux-être de
l'ensemble de la population du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci, M. le ministre. Je vais
reconnaître, sur la même motion, M. le député de
Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je vais
essayer, comme à mon habitude, d'avoir, dans mon discours, le respect
des êtres humains. Vu qu'une personne est en cause, il faut faire
attention plus qu'à l'accoutumée.
Avant de parler de cette motion de fond, je voudrais simplement relever
une phrase qui, je l'espère, a été lâchée de
façon malheureuse par le ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes. Il dit que certains souverainistes lui disent qu'il sera
impossible de faire la souveraineté du Québec si cette entente
est signée. C'est faux! Il n'y a rien qui empêche un peuple,
quelle que soit sa situation, de se libérer. On a vu des gens beaucoup
plus mal pris que nous qui l'ont fait. Alors, je dirais à Gil: On le
fera.
M. le Président, je voudrais absolument que le ministre des
Affaires canadiennes, qui brandit le signe des nazis en me regardant, retire ce
geste.
Le Président: M. le député de Terrebonne, je
pense que vous avez la parole et je n'ai pas vu de signe qui
était...
M. Blais: M. le Président, je tiens à ce qu'il
retire ce geste.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je ne sais si on peut
demander à des députés membres
de l'Assemblée nationale de retirer des gestes, mais moi, je
demanderai au député de Terrebonne de se rappeler les
dispositions de l'article 35, qui lui interdisent de désigner un
député, par son nom et, de surcroît, par son prénom.
La réserve et le respect des personnes qu'évoquait lui-même
le député de Terrebonne au début de ses remarques
devraient, je pense, l'inspirer à plus de retenue dans son intervention,
ce qui permettra de terminer ce débat dans le calme et la
sérénité.
Le Président: M. le député de Terrebonne,
vous avez la parole.
M. Blais: M. le Président, parle-mentairement parlant, je
ne peux pas vous appeler par votre prénom, mais ce n'est pas un manque
de respect envers votre personne. Cela m'a échappé et je le dis.
Cependant, je n'aime pas, quand quelqu'un ne partage pas l'idée d'un
autre, qu'on fasse un geste comme si être souverainiste au Québec,
c'était être nazi. Il y a tout de même une limite. Si vous
voulez que je vous porte du respect, ayez-en à mon endroit et envers
tous les souverainistes du Québec. Je vous en supplie. Il n'y a rien,
absolument rien qui peut empêcher un peuple, quelles que soient les
ententes, de prendre... Tous les peuples du monde ont droit à
l'autodétermination et le peuple québécois aussi. Nous
avons droit à cette autodétermination qui pourrait nous mener
à la souveraineté. Donc, quelles que soient les ententes que vous
fassiez, je n'aime pas que vous disiez qu'on ne pourrait pas faire la
souveraineté. Cependant, comme souverainistes, vu que nous voulons
passer d'un pays dont nous faisons partie, qui est fédéraliste,
pour aller vers la souveraineté et qu'actuellement la démocratie
nous commande - et je respecte la démocratie -de vivre dans ce
système fédéraliste, tant qu'à y vivre, nous
aimerions, nous les souverainistes, y vivre le mieux possible. Cette entente,
nous trouvons qu'elle n'est pas convenable pour le peuple
québécois, que vous appelez, par dégradation, la
société québécoise. Nous voulons que le peuple
québécois vive le mieux possible dans cette
fédération avant que, démocratiquement, nous en
sortions.
C'est la remarque sur cette phrase que vous avez dite que j'avais
à vous faire et je regrette que vous ne puissiez pas retirer votre
signe. Il n'a pas été vu à la télévision,
mais il était très insultant, monsieur, pour la personne à
qui vous parlez. Pour commander le respect aux autres, on doit d'abord
respecter la personne à qui on veut le demander. Je ne suis pas un
fasciste, je ne suis pas un hitlérien, monsieur. Je suis un grand
démocrate.
Celui qui est concerné par cette motion, je me souviens que
lorsqu'il était chef du Parti libéral, je me suis levé
ici, en Chambre, pour lui rendre hommage. Je m'en souviens, plusieurs mois
avant qu'il démissionne, je lui conseillais de démissionner parce
que je disais: Le Parti libéral ne peut pas avoir à sa tête
un homme qui pense; il lui faut un homme qui dépense, et je savais qu'on
le jetterait en bas du précipice. Je reconnais l'honnêteté
intellectuelle de cet homme. Je le respecte, je le respecte du fond de
moi-même à cause de ses qualités intellectuelles, à
cause de ses connaissances. Bien sûr, il peut être ombragé,
faisant partie du cabinet, par la solidarité ministérielle. Cela
peut ombrager les déclarations qu'une personne peut faire après.
On est tenu, quand on est dans un groupe, d'être solidaire. Je reconnais
que cet homme serait capable de participer à la commission et serait
solide pour ce faire. Mais vu que la chapelle qui est actuellement au pouvoir
ne reconnaissait pas ses qualités pendant qu'on était sur la
ligne de feu, je ne vois pas pourquoi aujourd'hui on voudrait cibler sur lui
pour lui faire poser des gestes qu'il poserait peut-être par
solidarité, mais non pas convaincu comme il l'était avant quand
il disait aux neuf de ne pas aller parader à Ottawa pour sabrer le
rapatriement unilatéral. C'est aussi par décence pour son
rôle de député, à cause des nombreux
problèmes qu'il y a actuellement au ministère de
l'Éducation, la grève des chargés de cours, la
grève de Transco, les difficultés avec Le Royer, les parents de
Jonquière qui s'énervent, les changements d'école dans
Brossard, et que sais-je encore?
C'est bien sûr que vous ambitionnez sur lui, je le vois, mais
à ce point, c'est outrepasser les capacités d'un être que
je respecte. De ce fait, je m'opposerai à ce qu'il soit à cette
commission parce qu'il y a trop... Son devoir d'état lui a toujours
servi de leitmotiv dans sa vie. Il serait obligé d'abandonner ses
responsabilités du ministère de l'Éducation pour aller
essayer de sauver une entente que, nous disait-on, on n'avait pas lue, une
entente qu'on qualifie d'historique. Je ne voudrais pas qu'il soit
obligé de négliger son devoir d'état pour essayer de
sauver du gouffre certaines personnes qui s'y sont elles-mêmes
engouffrées. (16 h 50)
M. le Président, je tiens à dire qu'ils ont besoin de lui
aujourd'hui pour cette entente. Le communiqué de presse que nous avons
limite le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans
les objectifs futurs mais dans les intrusions du pouvoir de dépenser du
fédéral dans le passé aucune entente n'a été
conclue, et le gouvernement fédéral est dans l'éducation,
dans la formation professionnelle et dans la main-d'oeuvre. Ce sont trois
points où le fédéral a mis la main sur l'autonomie du
Québec. Nous aurions aimé la participation du ministre de
l'Éducation qui s'oppose certainement à cela, il s'y est
toujours opposé, pour qu'il en parle à cette commission mais
c'est vous-même qui l'avez rendu persona non grata, et, quant à
nous, cela nous peine beaucoup de poser le geste que vous nous commandez de
faire par la reconnaissance de ses qualités que vous n'avez pas su faire
lorsque le temps y était. Quand quelqu'un est sous les feux de la rampe,
on lui donne la main, quand il s'en retire, je m'excuse, on n'essaie pas, par
des tergiversations, de venir redonner au pot de beurre son titre de pot de
beurre. Quand le pot de beurre est vidé parce qu'on l'a fait
sécher au soleil, il n'y a plus rien dans le pot. Merci, M. le
Président.
Le Président: Je vous remercie, M. le député
de Terrebonne.
Si je comprends bien, M. le leader du gouvernement, c'est la
réplique à votre motion?
M. Michel Gratton (réplique) M. Gratton: Oui, M. le
Président...
Le Président: Une dernière intervention, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: ...si cela agrée aux membres de
l'Assemblée. Très rapidement, j'aimerais simplement clore ce
débat en disant que je suis surpris que, du côté de
l'Opposition, alors qu'on réclame à cor et à cri qu'on
tienne une commission parlementaire ouverte à tous les
intéressés, qu'on le fasse à partir de textes juridiques
complets, qu'on le fasse supposément, selon les dires du chef de
l'Opposition, dans le meilleur intérêt de la défense du
Québec, dans la même phrase, on se refuse de laisser et d'accepter
la participation d'un des personnages qui ont probablement marqué les
dernières années au niveau constitutionnel, autant sinon plus que
tout autre, en la personne du député d'Argenteuil, ministre de
l'Éducation.
Je ne relèverai pas les nombreuses accusations qui ont
été portées par certains membres de l'Opposition,
notamment le député de Gouin, comme si, de ce
côté-ci, celui qui vous parle ou tout autre membre de
l'équipe ministérielle avait des leçons de loyauté,
des leçons de rectitude, à recevoir des membres de l'Opposition
et, particulièrement, du chef de l'Opposition aujourd'hui.
Sûrement que le comportement du député d'Anjou, chef de
l'Opposition, à l'endroit de son chef d'alors, René
Lévesque, n'a rien de comparable à ce que tentaient de reprocher
certains porte-parole de l'Opposition tantôt à certains membres
ministériels.
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, M. le Président. Il nous
était apparu, et je suis sûr que c'est ce qui a motivé le
premier ministre autant que le ministre délégué aux
Affaires canadiennes lorsqu'ils m'ont demandé, à titre de leader
parlementaire, de négocier la possibilité que le ministre de
l'Éducation, député d'Argenteuil, puisse participer aux
travaux de la commission... Ils reconnaissaient, et reconnaissent depuis
longtemps, la valeur des avis, des conseils que leur prodigue à tous
deux le député d'Argenteuil. Ce n'est pas pour rien que le
député d'Argenteuil est membre du comité
ministériel sur la constitution. Ce n'est pas pour rien non plus que le
premier ministre le consulte sur toutes ces questions, et ce, de façon
régulière. C'est donc ce qui incitait le premier ministre et le
ministre délégué aux Affaires canadiennes à
souhaiter très vivement la présence du ministre de
l'Éducation au cours de ces travaux que l'Opposition tantôt
qualifie d'historiques, tantôt qualifie d'exercices bidons. Il faudrait
savoir, et on le saura peut-être au cours des travaux de la commission,
à compter de mardi prochain, où se loge l'Opposition, si,
vraiment, ce qui anime l'Opposition, c'est la défense des
intérêts des Québécois ou si, par hasard, ce n'est
pas plutôt la défense des intérêts du parti et, en
particulier, du chef actuel du parti. Je laisse aux membres du Parti
québécois le soin d'en juger puisque, il faut bien le constater,
ce sont à peu près les seules personnes qui s'intéressent
maintenant à ce qui se passe à l'intérieur du Parti
québécois.
Pour nous, la commission siégera, tel que le prévoit cette
motion que j'ai présentée tantôt, à compter de
mardi, 15 heures. Ses travaux seront télédiffusés en
direct pour les séances du matin et de l'après-midi et, en
différé, à compter de 23 heures pour ce qui touche la
partie des travaux qui seront exécutés après 18 heures,
c'est-à-dire de 20 heures à 22 heures. La commission
siégera trois jours au cours de la semaine prochaine. Le premier jour
sera consacré à un débat entre parlementaires, les
députés membres de la commission, dont le premier ministre et le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes, malheureusement, sans pouvoir y inclure le député
d'Argenteuil. Les deux jours suivants porteront sur l'audition d'experts
invités tant par le gouvernement que par la formation de l'Opposition.
Au cours des trois jours de la semaine suivante, on pourra inviter d'autres
experts. Bien sûr, on entendra également des personnes, des
organismes qui auront manifesté le désir de se faire
entendre.
Nous pensons effectivement qu'il s'agit là d'une commission dont
les travaux sont extrêmement importants pour l'avenir du Québec.
Nous entendons nous y consacrer de façon sérieuse dans le calme
et la sérénité, si possible. Je spécifie "si
possible" parce que, si le débat que nous venons d'observer cet
après-midi est une indication, cela risque
fort de ne pas servir les meilleurs intérêts des
Québécois. Je dis tout de suite, M. le Président, que,
quant à nous, nous abordons ces travaux avec objectivité, avec le
souci très sincère de tenter d'améliorer le sort des
Québécois, de tenter de faire en sorte qu'enfin le Québec
soit partie prenante de l'acte constitutionnel de 1982 et ce, dans le meilleur
intérêt de nos concitoyens. J'invite l'Opposition, la
réflexion de la fin de semaine aidant, à reconsidérer la
possibilité de permettre au député d'Argenteuil de faire
partie des travaux de la commission. Quoi qu'il en soit, nous serons là
à l'heure convenue et nous invitons l'Opposition à nous y
retrouver.
Le Président: Je remercie le leader du gouvernement. Avant
d'appeler le vote sur la motion de renvoi en commission, en vertu de l'article
146 de nos règles de procédure, je tiens à aviser les
membres de cette Assemblée qu'il y a eu consentement des deux formations
politiques composant cette Chambre pour aller au-delà de l'article 146
de notre règlement, quant à cette motion, cet après-midi,
sans créer de précédent. Est-ce que la motion de renvoi en
commission sur l'entente du lac Meech est adoptée?
M. Chevrette: Sur division.
Le Président: Adopté sur division. Toujours aux
motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais maintenant
proposer la motion suivante...
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Le leader du gouvernement va comprendre pourquoi je
me lève. Étant donné qu'il s'apprête à faire
une motion de suspension des règles, il y a un ordre de la Chambre pour
discuter d'une motion du député de Lévis et je pense qu'on
pourrait annoncer immédiatement qu'il y a eu consentement pour que cet
ordre de la Chambre soit reporté à mardi.
Le Président: Sur l'intervention de M. le leader de
l'Opposition, M. le leader du gouvernement. (17 heures)
Motion proposant la suspension de certaines
règles en vue de l'adoption du projet de loi 48
M. Michel Gratton M. Gratton: Oui, M. le Président. Le
leader de l'Opposition a raison. D'ailleurs, le libellé de la motion que
je présente prévoit déjà les dispositions qui nous
permettront de disposer de ce débat, qui avait été
considéré comme prioritaire pour la séance d'aujourd'hui.
Donc, je fais motion afin de suspendre certaines règles de
procédure en vertu de l'article 182 du règlement de
l'Assemblée nationale.
La motion se lit comme suit: Qu'en raison de l'urgence de la situation,
il y a lieu, conformément aux dispositions des articles 182 et 183 du
règlement, et ce, en vue de l'adoption du projet de loi 48, Loi sur la
reprise de certains services de l'Université du Québec à
Montréal, de proposer que les règles ci-après
mentionnées soient suspendues. Les articles 20 et 54, les
deuxième et troisième alinéas de l'article 84, les
deuxième, troisième et cinquième paragraphes de l'article
87, les articles 88 à 93, 111 à 114, 205 à 208, 230, 232,
233, 236, 237, 240, 241, le deuxième alinéa de l'article 244,
à l'article 248, les mots "l'adoption du projet de loi est fixée
à une séance subséquente", les deuxième et
troisième alinéas de l'article 256 et à l'article 272 les
mots "le discours et le débat à l'Assemblée sont
prioritaires".
Que les règles ci-dessus énumérées soient
suspendues jusqu'à l'adoption du projet de loi.
Report du débat sur le rapport de la commission
de l'Assemblée nationale
Que le débat de cinq heures sur le rapport de la commission de
l'Assemblée nationale, qui devait se tenir aujourd'hui,
conformément à un ordre de l'Assemblée, soit
reporté au mardi 12 mai 1987.
Que, malgré les dispositions de l'article 29, toutes les
séances de l'Assemblée nationale soient publiques, que la
commission plénière fasse rapport au plus tard deux heures
après le début des travaux; que, dix minutes avant l'expiration
de ce délai, le président mette aux voix sans débat les
articles et les amendements dont la commission n'aurait pas disposé. Que
le débat sur l'adoption du projet de loi soit limité à 20
minutes par groupe parlementaire et que l'Assemblée puisse siéger
dès l'appel des affaires du jour jusqu'à l'adoption du projet de
loi 48 sous réserve de compléter les deux dernières
étapes des affaires courantes.
M. le Président, ce qui justifie la présentation de cette
motion de suspension des règles, c'est essentiellement que la
grève des chargés de cours de l'Université du
Québec à Montréal a commencé le 23 mars et en est
maintenant à sa septième semaine. Il y a 1900 chargés de
cours membres du syndicat et inscrits sur les listes de l'université. Il
y a entre 1000 et 1100
chargés de cours engagés par session.
Malgré l'intervention d'un médiateur du ministère
du Travail dans le dossier et les rencontres qui ont eu lieu avec les parties,
aucune entente n'est possible au moment où nous nous parlons. Un
écart de 7 000 000 $ sépare les parties et cet écart porte
principalement sur les clauses salariales et sur le perfectionnement.
Cette grève cause un tort considérable aux
étudiants de l'UQAM. Plusieurs ont des engagements pour des emplois
d'été à l'extérieur. D'autres doivent
compléter leur baccalauréat pour être admis aux examens ou
aux stages des corporations professionnelles. La session d'été
est déjà fort compromise et plusieurs ne pourront
compléter leur formation dans les délais qu'ils s'étaient
fixés. Pour l'institution, cette grève s'ajoute à celle
qu'a déclenchée l'ANÈQ, l'automne dernier, et nuit
considérablement à sa réputation.
Les règlements de l'Université du Québec
prévoient qu'une session doit comprendre douze semaines complètes
de cours pour qu'elle puisse être valide. Normalement, une session
comprend quinze semaines. Au moment où la grève fut
déclenchée, dix semaines de cours avaient été
complétées. Le projet de loi vise donc à assurer le retour
au travail des chargés de cours pour permettre à
l'université d'organiser le rattrapage de deux semaines
nécessaires pour valider la session et pour voir à l'organisation
de la session d'été.
Ce sont ces raisons qu'explicitera davantage le ministre de
l'Éducation, parrain du projet de loi 48, qui incite le gouvernement
à ne faire simplement qu'assumer ses responsabilités devant
l'urgence de la situation.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement,
pourriez-vous faire le dépôt de votre motion, s'il vous
plaît?
M. le ministre de l'Éducation.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, c'est toujours avec une
réelle tristesse que nous devons inviter l'Assemblée nationale
à intervenir de manière extraordinaire dans un conflit de travail
qui devrait, suivant l'économie de nos lois et suivant notre tradition
démocratique, trouver sa solution par la négociation libre entre
les parties qui sont immédiatement concernées. Nous avons chaque
année à mettre au point au Québec des centaines de
conventions collectives de travail. La très grande majorité sont
arrêtées à la suite de négociations libres entre les
parties à l'intérieur d'un cadre que définit la
législation du Québec avec l'aide, au besoin, des services du
ministère du Travail et, généralement, le processus se
termine par une décision libre des parties concernées.
Dans ce cas-ci, c'est-à-dire dans le cas du conflit qui
sévit à l'Université du Québec depuis le 23 mars
dernier, c'est-à-dire depuis sept semaines, les chargés de cours,
au nombre d'environ 1000 comme l'a dit tantôt le leader du gouvernement,
ont décidé de mettre fin à la prestation de leurs cours
parce qu'ils ne réussissaient pas à s'entendre autour de la table
de négociation avec leur employeur, qui est l'Université du
Québec à Montréal. Nous avons dès le début
du conflit et même bien auparavant suivi de près le
déroulement des événements tout en respectant la
liberté de chacune des parties. En particulier, dans ce cas-ci, la
liberté de l'Université du Québec à Montréal
qui est un grand établissement universitaire et qui dispose comme toutes
les autres universités de la faculté de négocier
elle-même ses ententes collectives de travail avec ses employés
salariés.
Mais à mesure que le conflit se prolongeait, nous en avons
été saisis de manière de plus en plus pressante. Les deux
parties ont d'abord fait appel à l'autorité du gouvernement par
la voie des services réguliers du ministère du Travail.
Dès le début du conflit, la partie patronale faisait appel au
ministère du Travail demandant l'intervention d'un conciliateur. Je dois
rendre hommage à mon collègue, le ministre du Travail, qui
parlera tantôt sur le principe même du projet de loi, pour la
collaboration dont il a assuré les parties et pour la collaboration qui
a constamment existé entre lui et le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science depuis le tout début du conflit.
Le ministre du Travail a mis au service des parties deux conciliateurs
qui sont parmi les meilleurs de la magnifique équipe de conciliateurs
que nous avons au ministère du Travail. Ces deux conciliateurs se sont
mis à la disposition des parties, ont multiplié les
démarches pour les rapprocher et ils ont dû conclure qu'il
était impossible d'en arriver à un règlement
négocié. Moi-même, en ma qualité de ministre
responsable de l'enseignement universitaire, devant les pressions qu'on
exerçait sur moi, à la fois la partie syndicale, la partie
patronale et les étudiants, surtout les étudiants... Je pense
qu'on me connaît assez dans cette Chambre. Mon principal défaut
n'est pas l'indifférence. Le député de Laviolette m'a
souvent reproché au contraire d'intervenir peut-être un peu trop
dans certaines situations. Il aurait voulu que je reste parfois plus
collé à ma chaise. J'ai bien de la difficulté. J'ai
rencontré les parties. Je les ai rencontrées le 10 avril une
première fois. J'avais laissé le conflit se développer
pendant quelques jours.
Au bout d'une couple de semaines, j'ai dit aux parties: J'aimerais bien
vous voir
pour vérifier où en est le conflit. Les deux sont venues.
J'ai fait venir les étudiants également. Chacun m'a saisi de son
expérience, de sa perception du problème. Nous avons repris
l'expérience le 27 avril. C'était au lendemain de Pâques
comme vous savez. La première rencontre avait eu lieu avant
Pâques. Nous espérions que le congé pascal procurerait le
répit nécessaire pour permettre aux parties d'en venir à
une entente. Au lendemain de Pâques, comme le conflit n'était pas
réglé, j'ai rencontré de nouveau les parties. Comme rien
n'arrivait encore, je les ai rencontrées une troisième fois, le 4
mai, c'est-à-dire lundi de cette semaine. (17 h 10)
Avant de m'en venir à Québec pour la session, j'ai
insisté pour voir les deux parties afin de leur dire clairement qu'on ne
pouvait pas continuer indéfiniment à chercher en vain une
solution.
Nous avons eu une dernière rencontre hier soir, au bureau du
premier ministre, avec le président de la CSN, accompagné d'un de
ses conseillers. J'étais accompagné, de mon côté, du
négociateur principal de la partie patronale, Me Richard Drouin. Nous
avons fait une dernière tentative, pendant au moins une couple d'heures,
pour trouver un terrain de rapprochement. Au bout de ces conversations, nous
avons dû convenir, de part et d'autre, que l'écart séparant
les deux parties était trop grand et qu'il serait impossible, dans une
période de temps que je qualifierais de raisonnable, de trouver une
solution par la voie des négociations.
Donc, premier point, voici un conflit qui ne présente aucune
chance sérieuse d'aboutir à un règlement
négocié dans un avenir prévisible. Cela est une conclusion
que tirent les conciliateurs, les deux parties, le ministre du Travail que j'ai
consulté avant d'en venir à ma conclusion et que je tire
moi-même, Mme la Présidente, en mon âme et conscience. J'en
ai fait part au gouvernement, hier après-midi, à l'occasion de la
réunion du Conseil exécutif.
Deuxième facteur central, le plus important de tous, les
conséquences de ce conflit pour les étudiants. On peut bien se
dire théoriquement: Les deux parties ne s'entendent pas aujourd'hui,
cela fait sept semaines, bien qu'elles continuent une huitième semaine,
une neuvième semaine, une dixième semaine, et, un jour, elles se
rendront bien compte de la nécessité d'en venir à un
accord.
Ce serait vrai si nous étions dans un conflit ordinaire de
travail. S'il s'agit d'une entreprise qui vend des vêtements, des
chaussures ou des appareils ménagers et où on est en
grève, le client de ladite entreprise peut se procurer les biens dont il
a besoin ailleurs. C'est la pénalité que les employés
imposent à l'employeur. Ils lui disent: II n'y a pas moyen d'en venir
à une entente avec vous, nous allons empêcher le fonctionnement de
l'entreprise en retirant librement notre prestation de travail, en retour de
quoi, vos clients seront dégagés et ils pourront s'adresser
ailleurs avec le risque que vous les perdiez pour toujours. Cela est un facteur
qui agit sur l'entrepreneur pour l'amener à chercher un règlement
négocié.
Dans ce cas-ci, vous êtes en face d'une clientèle captive.
Ce n'est pas du tout la même chose. Un étudiant, qui a
commencé sa formation à l'UQAM, ne peut pas facilement
décider, au milieu d'une année, en plein coeur d'un semestre, de
s'en aller à l'Université de Montréal ou à
l'Université McGill. Il a suivi des cours suivant une économie
qui est propre à l'UQAM, suivant un cheminement qui n'est pas le
même à cette institution que dans les autres. La seule voie de
sortie qu'il a, c'est de s'en aller sur le marché du travail en risquant
de gaspiller toute cette longue période de sa vie qu'il a
consacrée à se préparer à acquérir un
diplôme universitaire. Voici une clientèle qui est captive.
Maintenant, si j'apportais mon seul témoignage, vous auriez
raison d'en douter parce que je ne suis plus étudiant à
l'université. Je l'ai été autrefois, à une
époque où les grèves d'étudiants et de professeurs
n'étaient pas aussi fréquentes que depuis quelques années.
Par conséquent, je ne suis pas le meilleur témoin.
J'ai fait venir les étudiants qui m'avaient écrit, tout
d'abord. Je vais vous lire le message qu'ils m'adressaient dès le 8
avril dernier. Ensuite, je vous donnerai les éléments qu'ils
m'ont communiqués ces jours derniers, à ma demande. Dès le
8 avril dernier, le Front commun des étudiants de l'UQAM, lequel
regroupe environ 65 % de tous les étudiants de l'UQAM - il regroupe tous
les étudiants des sciences de l'administration, du secteur de la
formation des maîtres et de l'informatique; c'est au moins 55 % à
60 %, peut-être que 65 %, c'est un peu fort - m'a envoyé cette
lettre: "M. le ministre, la présente vous est adressée par le
Front commun des associations étudiantes de l'UQAM, qui regroupe tout
près de 20 000 étudiants actuellement inscrits à
l'Université du Québec à Montréal. Nous
représentons 55 % de la clientèle étudiante de cette
institution." Il y a eu des déplacements de voies au cours des
dernières semaines, pour des raisons sur lesquelles j'aurai l'occasion
de revenir plus tard. "Les sept associations étudiantes qui composent le
front commun - dont voici la liste, entre parenthèses: Association
générale des étudiants en informatique, Association des
étudiants du module des sciences comptables, Association des
étudiants au certificat en sciences comptables, Association
des étudiants en ressources humaines, Association des
étudiants du module d'administration, Association des étudiants
du module du baccalauréat en comptabilité et en management et
Association des étudiants du secteur de la formation des maîtres
-réclament aujourd'hui l'intervention de votre gouvernement et de
l'Assemblée nationale, s'il y a lieu, afin d'accélérer le
plus possible le règlement du conflit qui sévit entre le Syndicat
des chargés de cours et la direction de l'UQAM. Cette intervention nous
apparaît d'autant plus urgente que la direction de l'université a
fait connaître son intention de prolonger la session actuelle d'une
journée pour chaque jour de grève des chargés de cours,
à compter du lundi 13 avril. "Depuis le 23 mars dernier, les
étudiants de l'UQAM sont les victimes involontaires d'une grève
qui, malgré son caractère légal, ne cesse de leur porter
préjudice de plusieurs manières: perte de cours, formation
incomplète ou insuffisante, incapacité potentielle de se
présenter aux examens des corporations professionnelles, retard
éventuel dans l'obtention d'un diplôme, incertitude quant à
la tenue de stages déjà planifiés pour la saison
d'été, danger de perte d'emplois d'été si le
calendrier académique est prolongé, difficultés
d'inscription aux cours de la prochaine session, perte éventuelle de
salaire et d'expérience, rajustement possible au chapitre des
prêts et bourses, dépenses supplémentaires de logement et
de subsistance. "Ce sont là les exemples les plus évidents et,
malheureusement, aussi, les plus éloquents de l'odieux que cette
grève fait porter sur les épaules des étudiants qui ont
acquitté l'ensemble de leurs frais de scolarité et qui
s'attendent à recevoir l'ensemble des cours auxquels ils sont inscrits.
Chaque jour supplémentaire de grève accroît ce
préjudice imposé aux étudiants. Nous croyons donc tout
à fait justifié de réclamer l'intervention des pouvoirs
publics que vous représentez afin que les deux parties trouvent
rapidement un terrain d'entente et, partant de là, que les cours
reprennent le plus tôt possible, suivant l'horaire régulier."
Cela, c'était en date du 8 avril. J'ai fait revenir les
étudiants à mon bureau à Montréal le 27 avril. Je
voulais savoir où ils en étaient, et ils m'ont dit que la
situation était infiniment plus grave qu'elle ne l'était lorsque
je les avais rencontrés la première fois. Je leur ai
demandé de me mettre par écrit des exemples concrets de ces
préjudices que subissent les étudiants, d'en
énumérer quelques-uns.
On me signale que l'obtention de bourses privées - il y a les
bourses du gouvernement, mais il y a beaucoup de bourses privées qui
sont également à la disposition des étudiants -
nécessite la plupart du temps la réussite d'un certain nombre de
crédits durant une année académique. Plusieurs
étudiants comptaient sur la session d'été pour accumuler
ces crédits. Si la session d'hiver n'a pas pu être
complétée normalement, la session d'été ne peut pas
commencer pour ces étudiants. Il faut d'abord qu'ils complètent
leur session d'hiver avant d'avoir accès à la session
d'été, et c'est la clé de la situation qui nous oblige
à nous réunir de manière spéciale aujourd'hui. Tant
que la session d'hiver n'a pas été complétée, la
session d'été est compromise, elle ne peut pas avoir lieu pour
des centaines d'étudiants. Dans ces cas-ci, les étudiants qui
avaient planifié l'obtention de bourses privées en vue de
l'année 1987-1988 seraient privés de l'accès à ces
bourses. C'est grave.
L'ensemble des maîtrises offertes dans les universités
commencent en septembre, de manière très générale,
et pour plusieurs, la session d'été constitue la dernière
chance de finir à temps leur baccalauréat, sinon, ils devront
attendre une année supplémentaire avant d'avoir accès
à un programme de maîtrise. Pour plusieurs entreprises,
l'obtention du bac est une condition sine qua non à l'embauche d'un
finissant d'université. La reprise des cours de la présente
session et la tenue de la session d'été sont primordiales pour
permettre à des centaines d'entre eux - là on ne parle pas de
quelques douzaines, ils sont des centaines et des milliers... Seulement en
sciences de la gestion à l'Université du Québec à
Montréal, savez-vous combien il y a d'étudiants, Mme la
Présidente? Il y en a près de 15 000. Alors, ce ne sont pas des
choses qu'on peut traiter à la légère - près de 15
000 étudiants. (17 h 20)
On a parlé du problème du logement de ces
étudiants. Un grand nombre d'entre eux étaient logés
à Montréal et devaient terminer leurs études à la
fin d'avril. Mais, leurs baux sont échus. Où sont-ils? Moi, je
crains beaucoup que plusieurs d'entre eux ne soient retournés dans leur
foyer; un grand nombre d'entre eux viennent de l'extérieur de
Montréal. Ce ne sera pas facile de les ramener pour finir la session
d'hiver. Il faut essayer de les ramener par tous les moyens.
Déjà, un préjudice financier énorme est
infligé à ces personnes tout à fait innocentes du litige
dont elles sont les victimes.
Perte de salaire pour plusieurs d'entre eux pendant la saison
d'été. Vous savez que les emplois d'été se
règlent au mois d'avril ou au tout début de mai; c'est
pratiquement réglé. Dans ce cas-ci, la plupart devaient commencer
à travailler à compter de la fin de mai. Ne sachant pas à
quoi s'en tenir, qu'est-ce qui va arriver? La mesure que nous proposerons
tantôt va permettre de terminer cette session au cours des deux
prochaines
semaines. Ils vont savoir à quoi s'en tenir et, après
cela, ils seront libres, ils auront réglé leur trimestre, ils
pourront engager la session d'été, dans le cas de ceux qui sont
intéressés à poursuivre en été.
Je dois souligner qu'à l'UQAM, contrairement à nos autres
institutions universitaires, avec une exception majeure pour Concordia, les
études, cela marche à longueur d'année. Les gens, en
moyenne, sont plus âgés que dans les universités
ordinaires. C'est une université, nous le savons tous, qui, à
bien des égards, a été plus proche des citoyens
ordinaires; elle a pratiqué l'idéal de l'accessibilité
d'une manière plus poussée que les autres et, par
conséquent, sur le modèle de l'ancien collège Sir George
Williams qui est maintenant devenu l'Université Concordia dont nous
sommes tous fiers, surtout de ce point de vue, a essayé de faire une
université plus "peuple", une université plus proche du peuple.
C'est malheureux parce que c'est celle qui a été le plus
appelée à souffrir de conflits de travail de toutes sortes qui
rendent l'accessibilité beaucoup plus symbolique et théorique.
Quand les cours ne sont pas offerts, on a beau avoir les plus beaux principes
et les plus beaux programmes gouvernementaux, au bout de la ligne, cela donne
un gros zéro; c'est ça que cela donne.
Je pourrais continuer, je le ferai tantôt, parce que le temps se
fait court, mais il y en a une quantité énorme, j'ai une
quinzaine d'exemples concrets qui m'ont été
présentés. Je pense que c'est assez clair. Des milliers
d'étudiants ont signé un contrat avec l'UQAM en vertu duquel ils
ont droit de recevoir des prestations de cours et des services de professeurs
pour la formation à laquelle ils aspirent à juste titre. Â
cause de ce conflit qui se prolonge, ils subissent déjà, si nous
n'agissions pas maintenant, un préjudice très grave que la
collectivité n'a pas le droit de leur imposer. C'est tout l'idéal
de l'accessibilité, de l'égalité des chances et de la
démocratisation de l'éducation qui est impliqué dans la
mesure que nous sommes appelés à prendre aujourd'hui. Si nous
voulons que l'accessibilité soit autre chose qu'un idéal
théorique, qu'elle soit une réalité vécue, il faut
que cela s'applique pour les étudiants d'abord; c'est à eux que
nous pensons.
Vous me direz: Le groupe qui est allé vous voir, M. le ministre
de l'Enseignement supérieur, ne représente pas 100 % de la
clientèle étudiante. Il y a un autre groupe qui représente
une partie de la clientèle étudiante qui n'a pas demandé
à rencontrer le ministre de l'Enseignement supérieur, qui a
essayé de compliquer les choses en venant faire une occupation sauvage
à mon bureau de Lachute, une occupation barbare. Je vous le dis
franchement, je les ai fait sortir par la police, on n'a pas attendu, ils
n'avaient pas affaire là, ce n'était pas leur droit d'occuper un
lieu public, on leur a dit de retourner chez eux, de s'occuper utilement dans
la société, qu'on ne marchait pas avec des cris, avec de la
force, cela a été bien simple.
Ils ont fait cela à mon bureau de Montréal, une fois
également. Pendant que des collaborateurs de mon bureau
négociaient avec eux dans mon bureau de Québec, une autre bande
de jeunes voyous s'est présentée à mon bureau et a
terrorisé mon personnel. Ils ne m'auraient pas terrorisé si
j'avais été là. On n'a pas pu discuter sérieusement
avec eux. On ne peut pas vraiment s'interroger sur l'apport qu'ils pourraient
fournir au conflit; ils ont eu toute la chance de le fournir. Dieu sait que le
ministre actuel et ses collaborateurs sont accessibles à tous ceux qui
ont des points de vue à communiquer. Nous nous faisons un point
d'honneur de les écouter et de réagir quand ils nous communiquent
une opinion. Par conséquent, je pense que de ce point de vue la
démonstration a été amplement faite que des dommages,
déjà irréparables malheureusement, ont été
subis. Le souci le plus élémentaire du bien commun oblige donc
l'Assemblée nationale à prendre maintenant ses
responsabilités.
Il y a un autre facteur sur lequel je dois insister. C'est le
dégât que cet arrêt de travail cause à
l'Université du Québec. L'Université du Québec est
en train de devenir un de nos excellents établissements universitaires.
Je signale, par exemple, que dans le domaine des sciences de la gestion, c'est
l'établissement universitaire qui obtient les meilleurs résultats
aux compétitions nationales de l'Institut des comptables
agréés de tout le Canada. Elle n'a pas peur de présenter
ses candidats à ces compétitions et je me souviens d'un jour
où l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur, M.
Bérubé, et moi-même avions été d'accord pour
féliciter l'Université du Québec à Montréal
de ses excellentes performances à ces compétitions
nationales.
Je recevais ces jours derniers, en date du 4 mai, une lettre du recteur
de l'Université du Québec à Montréal - dont je vais
vous donner lecture; je pense que cette lettre parle plus que tous les autres
témoignages que je pourrais apporter moi-même - au sujet du tort
irréparable qui est causé à l'Université du
Québec par cet arrêt de travail qui se prolonge
indéfiniment. "M. le ministre. "Au moment où débute la
septième semaine de la grève du syndicat des chargés de
cours, je dois m'adresser à vous pour vous faire part de l'angoisse
croissante que ce conflit inspire à toute la communauté de
l'Université du Québec à Montréal. Ce qui a
débuté comme un conflit de travail dégénère
en un processus très inquiétant de désagrégation de
l'université et menace
maintenant tout l'avenir de l'établissement.
Ce conflit de travail, en dépit du calme apparent qui l'entoure,
a déjà fait de sérieux ravages. Évidemment, la
réputation de l'université en est atteinte, bien injustement,
compte tenu des remarquables progrès que nous avions enregistrés
au cours des dernières années. Les étudiants, les
professeurs, le personnel non enseignant et les cadres sont profondément
perturbés et démoralisés par une situation dont ils
sentent tous et toutes qu'ils sont des victimes impuissantes.
Au-delà de ces difficultés prévisibles, la
persistance du conflit a d'ores et déjà occasionné de
très graves préjudices aux étudiants et aux
étudiantes ainsi qu'à la mission pédagogique de
l'université. J'en veux pour preuve ce qui suit. La validation et la
conclusion de la session d'hiver 1987 pour les cours dispensés par les
chargés de cours deviennent chaque jour plus complexes et plus
problématiques. Un nombre croissant d'étudiants ont quitté
l'université ou s'apprêtent à le faire en raison de leur
travail d'été, de l'expiration de leur bail, de contraintes
personnelles ou familiales aussi valables. Seront-ils disponibles pour la
reprise des activités? De même, de nombreux chargés de
cours occupant ailleurs qu'à l'université un emploi principal
seront-ils disponibles pour reprendre le travail?
Il y a plus grave encore. Pour la session d'hiver 1987,
l'étirement du conflit et la distance temporelle croissante entre les
dix semaines d'enseignement complétées avant le 23 mars et les
deux autres semaines qui sont le minimum nécessaire à la
validation de la session menacent sérieusement la qualité des
apprentissages des étudiants. Sur ce point précis, j'ai le devoir
de vous faire part, à titre de recteur, de ma très grande
inquiétude, laquelle est largement partagée par les
étudiants et les étudiantes et par toute la communauté de
l'UQAM. La session d'été 1987, indispensable à de nombreux
étudiants, est significativement réduite puisqu'une partie
importante des enseignements ne peut pas être attribuée, les
chargés de cours n'étant pas là pour accepter les charges.
De plus, la session d'hiver, nous l'avons vu tantôt, n'est pas encore
complétée. L'ombre de ce conflit commence même à
menacer la session d'automne 1987 dont l'organisation est de plus en plus
problématique avec chaque jour qui passe. La détérioration
de la vie pédagogique de l'université, le préjudice
très grave que subissent étudiants et étudiantes, le
danger qui pèse toujours davantage sur l'université ne peuvent ni
ne doivent être sous-estimés." (17 h 30)
Je passe sur d'autres passages que j'aurai peut-être l'occasion de
citer plus tard dans le débat. Je n'aurai pas d'objection à
communiquer copie de cette lettre à l'Opposition si elle veut bien que
je la dépose. "J'ai donc le pressant devoir de vous informer que, seule,
l'UQAM ne peut plus assurer la sauvegarde des droits essentiels des
étudiants et des étudiantes et que seule - et j'ai compris que
"seule", cela voulait dire sans l'aide du gouvernement et de l'Assemblée
nationale - l'UQAM ne peut plus assumer l'intégralité de ses
obligations académiques envers la société
québécoise. L'UQAM sait que vous serez sensibles à cet
état de fait dramatique."
Je termine ici la citation. Je pense que ces faits et ces passages de la
lettre du recteur de l'UQAM en date du 4 mai, que j'ai portés à
votre connaissance, parlent plus fort que tous les arguments que je pourrais
invoquer, Mme la Présidente, afin de justifier l'urgence que nous
sentons actuellement et qui nous inspire la conviction qu'il est du devoir de
l'Assemblée nationale d'agir sur ce conflit pendant qu'il est encore
temps de sauver au moins l'essentiel de cette session d'hiver qui est
déjà, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse à compter de
maintenant, gravement compromise, mais qu'il serait encore pire et infiniment
condamnable de laisser se perdre totalement sans que l'Assemblée
nationale ne fasse rien.
Voilà la raison qui nous a inspirés de présenter la
motion d'urgence déposée tantôt par le leader du
gouvernement. Je pense que nous avons fait tout ce qui est raisonnablement
possible pour empêcher qu'on en vienne jusque là. Mais, parce que
nous respectons la lettre et l'esprit de notre législation du travail,
nous ne pouvions faire autrement que nous ne l'avons fait jusqu'à
maintenant et nous en sommes venus au point où l'incitation n'est plus
suffisante, où l'encouragement et la présence ne produisent pas
les résultats attendus, il faut la présence concrète et
agissante de l'Assemblée nationale elle-même. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation, de la Science et de l'Enseignement supérieur.
M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez
tout d'abord de reprendre certains propos du ministre de l'Éducation
puisque le leader lui a confié la responsabilité, en tout cas
c'était leur droit de se partager un temps. Je dois vous avouer que je
suis énormément surpris des propos utilisés par le
ministre de l'Éducation parce que toute son argumentation est
basée sur le sens des responsabilités, sur son devoir d'agir.
À mon point de vue, M. le Président, au moment où le
ministre aurait dû
intervenir, il n'a précisément pas pris ses
responsabilités. Il a regardé passer le train. Là, il a
dit: C'est grave, il y a des préjudices pour les étudiants. Je
comprends qu'il y a des préjudices pour les étudiants, et, au
moment où le projet de loi intervient, il va en créer encore
davantage des préjudices pour les étudiants.
J'ajouterai un bémol cependant. Pour les finissants, je comprends
que c'est un problème très particulier puisqu'ils devraient
peut-être se réinscrire à des sessions. Mais, pour les
étudiants réguliers qui sont en cours d'études, qui n'ont
pas terminé, qui ne sont pas à la fin de leurs études ou
pour qui ce n'est pas la session terminale, ou bien on manque d'imagination, ou
bien on manque de moyens, mais il me semble qu'il y a une foule de
possibilités. Combien d'individus qui, à cause de maladie au
cours d'une session, se réinscrivent à des cours additionnels
à l'autre session et réussissent à rattraper à
l'intérieur d'un délai de six ou sept mois ce qu'ils ont
perdu?
Ma surprise est d'autant plus grande que c'est le ministre
lui-même qui dit: Dans deux semaines, on aura rattrapé tout
ça. Pourquoi n'a-t-il pas agi au moment où c'était
important et que tous les étudiants étaient encore dans les
universités, où ces jeunes n'auraient pas perdu l'occasion
d'avoir un travail de vacances? Mon fils est à l'Université de
Montréal, et ils ont fini. Si le ministre était intervenu
après quatre semaines de conflit comme ministre de l'Éducation,
quatre semaines de conflit, c'est beaucoup en éducation. Le gouvernement
du Québec est toujours intervenu en éducation après un
maximum de douze ou treize jours. C'est l'ultime nombre de jours de
grève que j'ai vu en éducation.
M. le Président. C'est la première fois que je vois... Je
ne parle pas du projet de loi 67, M. le ministre. Vous parlez d'avant le projet
de loi 25. Je parle depuis le projet de loi 25, depuis le moment où les
négociations sont contrôlées par le niveau de
l'État, par le gouvernement pour le contenu monétaire. Il n'y a
jamais eu une grève qui ait dépassé treize jours dans
quelque secteur de l'éducation que ce soit. C'est une première,
c'est une première loi d'exception dans le domaine de
l'université à ma connaissance, en tout cas, pour la vie
politique. Si le ministre était intervenu au bout de quatre semaines en
disant qu'il reste deux semaines, ces jeunes auraient fini le rattrapage de
deux semaines et seraient précisément sur le marché du
travail, comme tous leurs autres collègues.
Vous demandez à des jeunes de quitter des emplois, dans certain
cas, à d'autres, de se priver d'aller dans quelques jours sur le
marché du travail. Simultanément, ce beau gouvernement fait des
annonces et demande à des gens d'affaires de faire de la
publicité pour le placement étudiant. Vous devriez vous consulter
un peu, vous devriez vous parler un tantinet. Il me semble que le ministre,
avec son sens des responsabilités, toute son argumentation aurait eu de
la logique - parce que, dit-il, ce sont deux semaines de
récupération - avant de placer des jeunes dans une situation
encore pire.
Sept semaines! C'est lui-même qui dit sept semaines de conflit.
Sept semaines de conflit à l'université, entre vous et moi,
est-ce que le ministre n'aurait pas pu tenir les mêmes propos
après quatre semaines de grève dans le monde universitaire?
Est-ce que le ministre n'aurait pas placé les jeunes dans une situation
moins odieuse que celle où il les place aujourd'hui? La première
personne qu'on doit regarder quand on traite d'un conflit pareil, c'est le
bénéficiaire, le jeune, l'étudiant, celui ou celle qui est
à parfaire ses études. On est capable de faire preuve
d'imagination, que ce soit dans une commission scolaire, dans un cégep
ou dans une université, pour permettre à certains de ne pas
être pénalisés doublement.
Ce que le ministre fait aujourd'hui en obligeant les jeunes à
revenir, en ne leur offrant même pas la possibilité de
récupération sans qu'ils soient pénalisés, c'est
qu'il les pénalise doublement, M. le Président. Non seulement il
les oblige à payer du logement dans certains cas... Les jeunes avaient
loué un logement jusqu'au 30 avril. Vous les obligez à payer du
logement, bien souvent, en mai. Ce sera un mois de loyer à payer, qu'on
le veuille ou non, ou des chambres à prix fort élevé. Ce
n'est pas tout le monde qui demeure au campus universitaire, là
où il y en a. Qu'est-ce qu'on leur demande dans certains cas? De quitter
l'emploi qu'il ont postulé. On leur demande des sacrifices
extraordinaires, à ces jeunes.
Je comprends et j'ajoute toujours la nuance que j'ai faite en ce qui
regarde les finissants. Je comprends que c'est un point de vue assez
différent. Il me semble que le ministre, au moment où il invoque
l'urgence, le train est passé. II aurait dû invoquer l'urgence au
moment où il plaçait au moins... Ce n'est jamais si bon, une
session de douze semaines quand c'est quinze semaines, le programme normal; je
n'en disconviens pas, c'est clair. Mais, au moins c'est un minimum qui
était fixé, douze semaines. Si le ministre avait posé ce
geste à la fin de la quatrième ou à la fin de la
cinquième semaine, il plaçait au moins l'étudiant dans la
même situation que les autres étudiants du Québec,
peut-être pas en termes de contenu de cours, mais au moins en termes de
capacité d'emploi, en termes de possibilité pour le placement
étudiant, en termes de préjudice additionnel qu'il doit subir et
qu'on lui fera subir par l'adoption de cette loi, au moment où l'on se
parle.
À mon point de vue, M. le Président,
ce n'est pas une rigueur qu'on vient de démontrer, c'est une
mollesse, une faiblesse antérieure. Invoquer l'urgence à ce
stade-ci, à mon point de vue, M. le Président, c'est
carrément reconnaître notre impuissance à faire quelque
chose au moment où cela aurait été encore plus facile et
moins préjudiciable pour les jeunes étudiants de
l'Université du Québec. 3e suis énormément surpris.
Le ministre invoque également les questions de bourses. Je m'excuse,
mais, là-dessus, le ministre sait très bien que toute la notion
de prêts et bourses, c'est une question réglementaire. Il pouvait
pertinemment régler ce problème en disant: Je ne suis pas pour
pénaliser des jeunes sur le plan d'une bourse parce qu'ils sont victimes
d'une grève de relation du travail. Je peux bien décider, comme
ministre ou avec l'assentiment du Conseil des ministres, et ce, par
décret, que tous les jeunes qui ne sont pas nécessairement
finissants, mais qui poursuivront des cours aux autres sessions, ne se verront
pas pénalisés sur le plan des bourses. Cela se faisait
très bien par une décision ministérielle, par
décret gouvernemental et, à mon point de vue, c'eût
été facile d'éviter au moins cette partie de
préjudice que le ministre invoque pour justifier l'urgence
d'aujourd'hui. Cela ne m'apparaît pas une montagne à surmonter, M.
le Président. (17 h 40)
Deuxièmement, au temps où on est rendu, les jeunes sont
dans le décor, ils se sont trouvé des emplois. Il me semble qu'il
aurait été facile pour le ministre de l'Éducation de
regarder le conflit sous deux angles. Qu'est-ce qu'il y a à faire pour
les finissants concrètement à court terme? N'y a-t-il pas
possibilité de s'asseoir avec l'Association des professeurs
d'université et des chargés de cours et dire: Écoutez,
messieurs, je suis à regarder le refinancement des universités et
je ne suis pas certain qu'on n'arrivera pas à des conclusions en juin ou
en juillet, mais, pour le moment, je vais vous demander de faire un effort. Je
ne demanderai pas un effort à tout le monde. Je vais vous demander un
effort particulier pour des jeunes dont la carrière sur le marché
du travail doit débuter à la fin de l'été,
c'est-à-dire les finissants.
Aux chargés de cours pour les finissants, je vais vous demander
carrément de poser le geste de responsabilité comme groupe en
acceptant de donner les cours aux finissants. Et on va continuer à
renégocier de bonne foi avec les mécanismes de conciliation et
avec les mécanismes de médiation spéciale s'il le faut.
Mais ce n'est pas cela qui se passe. On dit à tout le monde: La
grève est finie après sept semaines dans l'éducation. Plus
que cela, vous allez revenir. On dit aux jeunes: Vous allez repayer du
logement, vous allez peut-être perdre votre possibilité d'emploi
alors que tous vos collègues des autres universités... Vous
êtes déjà dans le décor à la recherche d'un
emploi qui est peut-être même déjà trouvé.
On dit au jeune: Tu seras peut-être privé... Savez-vous,
Mme la Présidente, qu'il y a des jeunes qui vont à
l'université et dont les parents gagnent 24 000 $, 25 000 $? Et, parce
que les parents gagnent 24 000 $, 25 000 $, ils ne sont pas admissibles aux
bourses d'études. Le fameux TP4 qu'on demande aux jeunes. On dit:
Donne-moi les formules d'impôt de tes parents. Savez-vous que ces jeunes,
dont les parents gagnent 24 000 $, 25 000 $, 26 000 $, ne sont pas des
millionnaires? Ces gens sont exclus des bourses. Savez-vous que c'est le seul
revenu de travail qu'ils ont pour payer leurs études si ce n'est qu'un
prêt dans certains cas? C'est un préjudice extraordinaire pour
cette clientèle et il y a un très grand nombre d'étudiants
placés dans cette situation, où le parent gagne juste un peu plus
que la norme pour être admissible aux bourses. C'est grâce au
revenu de travail de ce jeune durant les vacances qu'il réussit à
payer ses études. Et on lui demande fort probablement de perdre son
emploi, on lui demande fort probablement d'aller dépenser d'une
façon accrue à part cela pour le logement parce qu'il avait
loué jusqu'au 30 avril, à peu près la fin normale dans
toutes les universités du Québec.
C'est cela qu'on fait aujourd'hui. Et on a laissé passer le
bateau au moment où le ministre aurait pu, d'une façon
responsable, d'une façon qui, je pense, lui revient de droit comme
ministre de l'Éducation, intervenir au moins au moment où les
préjudices n'étaient pas aussi grands que ceux qu'ils peuvent
occasionner aujourd'hui. Aux préjudices déjà subis, il
vient ajouter d'autres préjudices, des préjudices financiers
importants pour l'étudiant, des préjudices importants pour
certains pères de famille, pour certaines familles
québécoises pas si bien nanties. Assez faiblement... Sur le plan
de la rémunération, un père de famille qui gagne 24 000 $
devra payer des chambres pour son jeune ou sa fille à
l'Université du Québec pendant environ quinze jours, payer de la
nourriture, pour savoir, en fin de compte, qu'en plus de payer, son jeune ou sa
fille se verra peut-être privé d'un emploi d'été
parce que tous les autres universitaires sont disponibles au moment où
on se parle.
C'est extrêmement difficile d'accepter l'argumentation du ministre
de l'Éducation, qu'il veut, dit-il, une argumentation responsable. Quand
on est responsable, quand on se dit responsable, quand on se dit rigoureux, il
me semble qu'on analyse l'ensemble du portrait en cours de route. Le ministre
savait qu'il y avait grève depuis le 23 mars. Le ministre savait que
ça prenait douze semaines, j'espère, de session pour que
la session soit valide. Est-ce que le ministre n'aurait pas pu
intervenir au moment où c'était correct, où le jeune et la
jeune n'auraient pas eu à être pénalisés d'une
façon additionnelle? Comment concilier cela avec le sens des
responsabilités?
Il y a des pères de famille qui viennent à nos bureaux le
lundi matin et qu'est-ce qu'ils nous disent? S'il faut que mon jeune retourne
à l'université, je n'ai pas une cenne pour lui payer sa chambre
parce que son logement était loué jusqu'au 30 avril. Il louait au
mois. Je n'ai pas d'argent pour lui payer sa bouffe. Plus que cela, mon jeune
qui s'est trouvé un emploi, qu'est-ce qui va lui arriver? S'il
lâche, est-ce que l'agriculteur ou est-ce que l'entreprise n'en prendra
pas un autre qui est disponible? Mme la Présidente, où est le
sens des responsabilités? On est capable, il me semble, comme
ministériel, quand on accepte la fonction de ministre, de faire preuve
d'imagination, de dire à ceux qui sont en cours d'études, mais
qui ne sont pas nécessairement finissants: Écoutez, vous avez six
mois, vous avez huit mois ou vous avez douze mois pour rattraper le nombre de
cours perdus à la session d'hiver. On vous donnera jusqu'au mois de
février l'an prochain pour rattraper les heures de cours perdues.
Peut-être que les étudiants n'iront pas chercher des cours pour
douze semaines. Ils iront peut-être chercher quinze semaines de cours
pour valider leur propre session.
À ce moment, le ministre aurait le temps de regarder le
financement des universités; de regarder si c'est bien vrai que
l'Université du Québec est si mal prise qu'elle ne peut pas
traiter ses enseignants chargés de cours d'une façon correcte et
raisonnable. Mme la Présidente, quand on voit les professeurs
chargés de cours à l'université qui ne font que ça,
à 12 000 $, vous ne viendrez toujours pas me dire que c'est une fortune.
On va parler du fond tantôt. Mais sur l'urgence même, pour en
revenir au fond même de la motion présentée par le leader
du gouvernement et plaidée par le ministre de l'Éducation,
ça sonne faux. On n'a pas évalué au moment où on se
parle les répercussions et les préjudices causés aux
jeunes. Ces étudiants sont déjà assez touchés. Ces
étudiants sont déjà assez pénalisés.
Il me semble que le ministre, lui qui aime se mêler des conflits,
aurait pu prendre la solution de régler le sort des finissants dans un
premier temps, de regarder ce qu'il pouvait faire avec le reste dans un
deuxième temps. Cela me serait apparu une façon responsable. II
aurait pu faire adopter un décret et faire dire par son gouvernement:
Les jeunes qui n'ont pas terminé la session ne seront pas
pénalisés sur le plan des bourses d'études. Cela me serait
apparu quelque chose d'extrêmement intelligent et l'Opposition aurait
concouru à ce type d'opération. Mais non, on fait plus que
ça. On suspend toutes les règles. Là on renouvelle une
convention collective - qu'on va voir tantôt - jusqu'au 31
décembre 1988 et on décrète les salaires, sachant pourtant
qu'on doit analyser sous peu le financement des universités.
On renouvelle quand même les salaires jusqu'en 1988,
indépendamment du fait que les gens aient raison sur le fond. On le dit
dans la même foulée. Le ministre a eu une question la semaine
dernière, il s'est levé et a dit: Oui, il faut réviser le
financement des universités, mais je ne suis pas prêt, je me
compose un comité. Bien oui, après s'être composé un
comité, si celui-ci en arrive à des conclusions heureuses et si
elles ont pour objet d'améliorer la situation financière des
universités, qu'est-ce qui nous dit que cela n'aurait pas pour objet,
à ce moment-là, de dénouer l'impasse en ce qui concerne
les relations du travail entre l'université et ses enseignants
chargés de cours? II me semble que cela se faisait, il admet
lui-même qu'il faut que ce soit révisé.
Préjudice financier, Mme la Présidente, préjudice
à tous les chapitres pour le jeune, oui, c'est vrai; mais, il me semble
que, pour deux semaines, pour valider la fin de session, le ministre me serait
apparu beaucoup plus responsable s'il avait trouvé un terrain d'entente
pour les finissants et s'il s'était organisé pour que les autres
ne soient pas doublement pénalisés. Je n'en reviens tout
simplement pas, qu'un ministre de l'Éducation au Québec,
après quatre ou cinq semaines de grève dans une
université, n'ait pas pensé à ces
phénomènes. Est-il si "déconnecté" qu'il ne sait
pas comment cela se passe dans les universités, qu'il ne sait pas
à quel moment les années scolaires se terminent, jusqu'à
quel point un jeune universitaire se cherche de l'emploi à partir du
mois de janvier pour s'assurer qu'au mois d'avril il puisse commencer à
travailler? Serait-il "déconnecté" au point de ne pas savoir que
certains jeunes étudiants, hommes et femmes, ne vivent que grâce
à leur pitance qu'ils vont chercher par leur travail
d'été? Est-ce que le ministre est au courant qu'avec son
système de bourses, une personne, passé X milliers de dollars,
c'est pas admissible? Il me semble que le ministre de l'Éducation a
manqué le bateau. (17 h 50)
Aujourd'hui, il voudrait rentrer en gare et il court après le
train. Pour courir après le train, il risque d'en enfarger un joyeux
paquet. Il risque, précisément, qu'il y ait un bon nombre
d'étudiants qui auront un douloureux choix à faire, un difficile
choix à faire. Il y a des étudiants qui auront le choix de dire:
Bien, je reprendrai ma session à un autre moment parce que je n'ai pas
les moyens de perdre les 4000 $ ou 5000 $ que
je pourrais gagner parce que j'ai mon emploi. C'est le difficile choix.
À toutes fins utiles, à ce moment-ci, on reporte tout l'odieux,
par cette décision, sur le jeune. Je ne le prends pas. On ne peut pas
être d'accord.
On dit au ministre: T'as peut-être manqué le bateau ou le
train au moment où t'aurais dû le prendre. Mais, aujourd'hui, le
ministre devrait se retourner de bord, devrait chercher d'autres solutions,
d'autres hypothèses pour permettre aux jeunes d'être moins
pénalisés. Dans sa recherche pour que le jeune soit moins
pénalisé, il y a deux ou trois solutions. Que le ministre cherche
la solution aujourd'hui-même pour les finissants et que, pour les autres,
il leur annonce qu'ils ne seront pas pénalisés dans le
système boursier ni dans le système de prêts; qu'il leur
annonce également qu'ils auront douze mois pour reprendre le nombre de
cours perdus à l'intérieur ou en sus de leur session normale. Et,
automatiquement, à ce moment-là, lui qui se dit si respectueux
des lois et de la législation du travail, eh bien, il laissera cours
à la libre négociation avec les mécanismes prévus
dans le Code du travail. Le ministre ne serait pas, sans le vouloir - il est
peut-être bien de bonne foi, je ne veux pas lui faire de procès
d'intention - le parrain d'une loi qui vient pénaliser davantage un
grand nombre de jeunes, un grand nombre d'étudiants du
Québec.
Pour toutes ces raisons, il est bien évident que nous voterons
contre cette motion parce que, à notre point de vue, elle n'est
nullement justifiée à ce stade-ci. Que voulez-vous, le ministre a
manqué le bateau, qu'il rame, maintenant;
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader de l'Opposition,
député de Joliette.
Si vous me permettez, dans la motion de suspension des règles, on
demande de dépasser 18 heures. Mais comme cette motion n'est pas encore
adoptée, y a-t-il consentement pour que nous dépassions 18
heures?
M. Chevrette: Oui, il y a eu une entente selon laquelle on
n'arrête pas à 18 heures, on poursuit.
La Vice-Présidente: D'accord, merci. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Brièvement, Mme la Présidente, parce
que j'aurai l'occasion d'intervenir plus longuement sur le fond. En ce qui me
concerne, il m'appartiendra davantage d'intervenir sur le fond de ce projet de
loi spécial, de la mesure exceptionnelle.
Par contre, je voudrais joindre ma voix, pendant quelques minutes, sur
la motion d'urgence qui, encore une fois, nous convie à la suspension
des règles. Ce gouvernement avait le beau discours, je vois la
vice-première ministre - je m'en souviens tellement - qui, en l'absence
du premier ministre qui a pris du temps à se trouver un comté
pour se faire élire, avait lu le discours inaugural et disait: Nous,
vous allez voir que ça va changer, les choses vont changer, ce ne sera
plus pareil. Nous, on va l'avoir, l'ouverture, le bon discours et le dialogue.
Vous verrez, c'est fini, les lois matraques, c'est fini, les lois d'exception,
c'est fini, les lois du travail qui font qu'à un moment donné, on
est obligé de suspendre les règles, comme ça. Au diable ce
qui est prévu, on suspend les règles, et là, on plaide
l'urgence.
Là, le ministre de l'Éducation nous dit: Écoutez,
ce qui arrive est tellement grave, tellement majeur qu'il faut absolument que
l'Assemblée nationale soit saisie d'une loi. Il plaide l'urgence qu'il a
lui-même créée, parce que c'est un peu son habitude dans
les conflits de travail de s'arranger pour organiser l'urgence, pour
créer l'urgence. Sur l'urgence, je suis obligé de vous dire une
seule chose: L'urgence, ce n'est pas ce qui nous arrive, c'est l'absence de
responsabilité de ce gouvernement dans une situation qui était
connue dès le début. J'aurai l'occasion de revenir sur le fond
tantôt, sur ce qui s'appelle le sous-financement des bases
universitaires. C'est cela, l'urgence fondamentale dans ce dossier.
C'est tellement vrai que le ministre de l'Éducation...
Pensez-vous qu'il sait plus aujourd'hui que dès le début de ce
conflit, que, essentiellement, la demande était d'ordre salarial, que
j'aurai à expliquer tantôt. Fondamentalement, dès le
début, le problème de cette négociation était un
problème d'ordre salarial. Il y avait une demande de statut afin que
l'université reconnaisse que l'apport des chargés de cours est
majeur dans le système d'éducation universitaire
québécois. En conséquence, un chargé de cours doit
être rémunéré pour les prestations professionnelles
qu'il donne et il y avait lieu d'effectuer un rattrapage majeur, important et
fondamental. Pour ce faire, cela prend un minimum de financement universitaire.
J'aurai l'occasion de revenir là-dessus parce que cela m'apparatt
fondamental.
Aujourd'hui, après avoir laissé pourrir une situation,
après sept semaines pendant lesquelles on a laissé effectivement
ce conflit non pas se développer, mais progresser, comme c'est normal
dans un conflit de travail - normalement, un conflit de travail doit progresser
- on l'a laissé aller complètement et, à un moment
donné, on s'est dit... Les intentions du gouvernement devaient
être connues au préalable. À partir du moment où
c'est un problème de "cennes et de piastres" et qu'il appartient au
gouver-
nement de donner les enveloppes d'argent requis... Je suis convaincu
qu'il y a quatre semaines, le ministre de l'Education savait tout autant
qu'aujourd'hui, compte tenu que l'écart était à peu
près toujours le même depuis le début de cette
négociation, qu'il n'y aurait pas plus de possibilité d'y donner
suite. Aujourd'hui, il nous dit: Suspension des règles, urgence, il faut
sauver la session des étudiants qu'il a contribué lui-même
à gaspiller complètement. Il voudrait que, nous, on soit
conscients d'une seule chose en disant: Essayons de régulariser une
situation que j'ai laissé pourrir, indépendamment des
conséquences graves, dramatiques pour un très grand nombre
d'étudiants. Mon collègue de Joliette, leader de l'Opposition, a
très bien laissé voir les conséquences que cela
entraîne au plan de l'emploi et du rappel des étudiants qui sont
retournés à l'étranger. Le ministre de l'Éducation
sait au moins une chose: il sait que, normalement, dans le monde de
l'éducation universitaire, la session est terminée. C'est sept
semaines après... Il laisse finir la session et, là, loi
spéciale, suspension des règles, urgence de procéder
à régulariser l'affaire alors que cela aurait été
tellement possible, tellement plus normal de regarder cela plus
sérieusement après deux ou trois semaines, puisque, sur
l'ensemble des demandes syndicales, fondamentalement, la demande principale a
toujours porté sur une rémunération un peu plus normale
pour l'apport de ces gens-là dans le monde de l'éducation. Cet
élément était connu. Il n'y a aucune
différence...
Règle générale, Mme la Présidente - ce n'est
pas moi qui ai inventé cela - quand on plaide l'urgence, c'est qu'il est
arrivé des choses qui ont changé dans les conflits. Il est
arrivé une série de situations qui se sont
précipitées et, à un moment donné, on dit: II y a
urgence que l'Assemblée nationale soit saisie d'une loi spéciale.
Mais qu'est-ce qu'il y a eu de changé dans l'évolution de ce
conflit, Mme la Présidente, si ce n'est que le ministre de
l'Éducation, volontairement, l'a laissé aller jusqu'à la
fin de la session, sachant, bien sûr, et prétendant, bien
sûr, qu'il serait beaucoup plus facile pour lui d'attendre que la session
soit presque terminée, qu'il ait tous les inconvénients majeurs
qu'il nous a relatés en disant: Écoutez, je pourrais vous citer
des lettres du recteur, de sept associations qui réclament notre
intervention. Oui, mais les associations étudiantes n'ont jamais
réclamé une loi spéciale. Elles ont réclamé
l'intervention du gouvernement en termes de responsabilités.
Prendre ses responsabilités, cela voulait dire mettre du fric
à la bonne place, dans le sous-financement que lui-même, le
ministre de l'Éducation, dénonçait. Le ministre de
l'Éducation, comme critique de l'Opposition, l'a dénoncé
pendant des années quand, pour un bout de temps, j'étais
responsable de l'Éducation, qu'il y avait un problème de
sous-financement universitaire. On a fait un bout de chemin, Mme la
Présidente. On a essayé de corriger un peu. Il est arrivé
ce que vous savez et, aujourd'hui, c'est eux autres qui ont la
responsabilité de diriger l'État québécois. Le
problème est aussi grave. Il est aussi important. Il n'y a rien de
réglé et, aujourd'hui, on va essayer de nous faire accroire qu'on
va passer comme du beurre dans la poêle une suspension des règles,
plaider une motion d'urgence.
On va arriver avec une loi spéciale qui va régler toute
l'affaire pour valider une session des étudiants parce que,
effectivement, on aura contribué, par le laisser-faire, par le
pourrissement de ce conflit, à ce qu'on arrive dans une situation qui
est trop pénalisante pour les étudiants. Comme mon
collègue l'a laissé voir, il me semble que la seule urgence
nouvelle qu'il y a dans ce dossier-là c'est que, bien sûr,
après sept semaines de conflit, je pense que les problèmes sont
exactement ceux qui étaient connus dès le début du conflit
et il ne nous apparaît pas qu'il y a plus d'urgence aujourd'hui qu'il n'y
en avait dès le début du conflit. L'urgence dramatique, je vous
l'ai mentionnée tantôt, était présente, connue, et
elle était là dès le début du conflit à
cause du sous-financement des bases universitaires.
En conséquence, je ne veux pas aller plus loin sur l'urgence
parce qu'il n'y a pas d'argument si ce n'est de témoigner et constater
l'irresponsabilité de ce gouvernement, l'irresponsabilité du
ministre de l'Éducation de s'être assuré que le conflit
progresse et évolue mais sur des bases où l'Université du
Québec à Montréal aurait pu assumer davantage ses
responsabilités et tenir compte d'une demande légitimement
déposée dans une perspective où l'université aurait
été en mesure d'avoir les crédits suffisants pour la
considérer au mérite, l'évaluer au mérite, et nous
n'aurions pas eu à faire un projet de loi spécial avec une motion
de suspension des règles, Mme la Présidente, ni à plaider
l'urgence.
En ce qui me concerne, je pense que nous aurons l'occasion tantôt
de démontrer, sur le fond même du projet de loi, que le ministre
de l'Éducation et le gouvernement ont manqué à leurs
responsabilités. (18 heures)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Abitibi-Ouest. M. le leader du gouvernement.
M. Michel Gratton (réplique)
M. Gratton: Mme la Présidente, je m'abstiendrai de
répliquer aux propos du député de Joliette, leader de
l'Opposition, et de son adjoint, le député d'Abitibi-Ouest, sauf
pour dire qu'il me semble un peu incongru qu'on prétende de ce
côté-là qu'il y
avait urgence il y a déjà quelques semaines et qu'on
s'apprête à voter contre la motion de suspension des règles
qui s'appuie sur l'urgence de la situation.
Je propose donc, Mme la Présidente, que nous adoptions, que
l'Assemblée nationale adopte la motion de suspension des règles
pour que le ministre de l'Enseignement supérieur puisse
immédiatement proposer l'adoption du principe du projet de loi 48, ce
qui lui permettra en même temps de rectifier certaines affirmations,
malheureusement très erronées, faites par les membres de
l'Opposition.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement.
J'en déduis que le débat est clos. Est-ce que vous me relevez de
l'obligation de lire toute la motion?
M. Gratton: Oui.
La Vice-Présidente: Vous me relevez de cette obligation?
Bon. Est-ce que la motion afin de suspendre certaines règles de pratique
en vue de l'adoption du projet de loi 48 est adoptée?
M. Chevrette: Sur division.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
La Vice-Présidente: Adopté sur division. Si vous me
permettez, je vais vous donner les renseignements concernant les travaux de
l'Assemblée. Veuillez prendre avis que l'interpellation prévue
pour le vendredi 15 mai 1987 portera sur la négligence du gouvernement
libéral face au développement régional, notamment dans le
secteur de la voirie, sera présentée par le député
de Joliette et s'adressera au ministre des Transports.
Je vous rappelle également que l'interpellation du vendredi 8 mai
1987, soit demain, portera sur les propositions constitutionnelles du lac
Meech. Le député de Lac-Saint-Jean s'adressera alors au ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
Projet de loi 48 Présentation
Comme nous venons de suspendre les règles de cette
Assemblée, nous allons donc procéder immédiatement aux
étapes pour adopter le projet de loi 48. Le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science présente donc le projet de loi 48, Loi
sur la reprise de certains services de l'Université du Québec
à Montréal. Est-ce que l'Assemblée accepte de se saisir de
ce projet de loi?
M. Gratton: Je pense que ce serait mieux que le ministre
procède à la lecture des notes explicatives.
M. Chevrette: Je pense qu'il faudrait lire les notes
explicatives.
La Vice-Présidente: M. le ministre, s'il vous plaît,
veuillez nous lire vos notes explicatives.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, le projet de loi vise à
assurer la reprise de certains services d'enseignement à
l'Université du Québec à Montréal. À cette
fin, il fait obligation aux chargés de cours présentement en
grève de reprendre l'exercice de leurs fonctions à compter de 8
heures le 11 mai 1987.
De plus, le projet maintient en vigueur, jusqu'au 31 décembre
1988, les stipulations de la dernière convention collective, tout en
majorant les taux de rémunération selon le barème
applicable au secteur public. Enfin, le projet prévoit que tout
contrevenant à la loi s'exposera à des sanctions pénales
ou, dans le cas d'un chargé de cours, à la perte du pointage de
priorité qu'il a accumulé en vertu de la convention
collective.
La Vice-Présidente: Est-ce que l'Assemblée
nationale accepte de se saisir de ce projet de loi?
M. Chevrette: Sur division.
Adoption du principe
La Vice-Présidente: Accepté sur division. Le
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science propose l'adoption
du principe du projet de loi 48, Loi sur la reprise de certains services de
l'Université du Québec à Montréal. Oui M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais, avec le
consentement de l'Opposition, de reconnaître d'abord le ministre du
Travail qui interviendra en premier.
La Vice-Présidente: II y avait consentement M. le leader?
M. le ministre du Travail.
M. Chevrette: On va suspendre pour trente secondes.
La Vice-Présidente: II y a consentement pour qu'on
suspende trente secondes?
M. Chevrette: On ne s'oppose pas à ce que le ministre
parle, c'est juste une question, Mme la Présidente. Je vais essayer
d'expliquer ouvertement, il n'y a pas de cachette. Si le ministre du
Travail, Mme la Présidente, intervient sur le fond du projet de loi, il
est évident que ce n'est pas le discours principal, on s'attend que ce
soit le ministre de l'Éducation. Personnellement, si le leader n'y voit
pas d'objection, étant donné qu'on veut entendre le principe de
fond avant d'intervenir, on n'aura pas d'objection à ce qu'ils
interviennent tous les deux et après cela le principal intervenant de
notre côté interviendra. On voudrait entendre les motifs et la
plaidoirie du parrain du projet de loi avant que notre principal porte-parole
intervienne. On n'a pas d'objection à ce qu'ils se suivent.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je ne voudrais pas qu'on me
prenne pour un naïf et je conviens volontiers que la procédure,
bien qu'inhabituelle, puisse être retenue. Cependant, je ferai remarquer
au leader de l'Opposition que j'avais consenti tantôt qu'on intervienne
de façon continue du côté de l'Opposition et,
évidemment, le ministre de l'Éducation, n'ayant pas
été le parrain de la motion, ne pouvait exercer un droit de
réplique. Nous pensons que si cela peut faciliter les choses, soit, le
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu interviendra en premier. Le ministre de l'Éducation fera le
discours de fond sur le principe du projet de loi. Les députés de
l'Opposition pourront ensuite intervenir. Possiblement que d'autres membres
ministériels interviendront également. À la fin de quoi,
le ministre de l'Éducation, évidemment, exercera son droit de
réplique.
La Vice-Présidente: Oui, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: On est d'accord. Je voudrais quand même
signaler, parce que nos dires sont enregistrés, que ce n'est pas ce
qu'on demande et ce qu'on va faire qui va être inhabituel. Ce qui est
inhabituel, c'est que, pour la première fois, sur le principe d'un
projet de loi en deuxième lecture, ce n'est pas le parrain du projet de
loi qui va commencer l'exposé. Ouvertement, on pense qu'il est bien plus
légitime avant de permettre à l'Opposition, ce n'est quand
même pas nous qui présentons la loi spéciale... Si le
ministre du Travail veut discourir, même si la loi est au nom du ministre
de l'Éducation, nous sommes d'accord, que le ministre du Travail y
aille. Cependant, avant d'entendre une réplique de l'Opposition, on
voudrait entendre l'intervenant concerné par le projet de loi, puisque
ce n'est pas nous qui avons décidé que le projet de loi serait
sous la responsabilité du ministre de l'Éducation.
Que le ministre de l'Éducation dise: Moi, je veux savoir ce que
le ministre du Travail a fait dans cela et qu'il le dise publiquement, c'est
son affaire. Mais on pense qu'il est beaucoup plus opportun d'avoir une
réplique de l'Opposition qui pourra prendre l'ensemble des
éléments de ce conflit à la suite de l'intervention du
parrain du projet de loi qui est le ministre de l'Éducation.
La Vice-Présidente: D'accord. En vertu des règles
de cette Assemblée, je reconnais le premier qui se lève. Je crois
comprendre qu'il y a une entente pour que le ministre du Travail commence, par
la suite le ministre de l'Éducation comme représentant du
gouvernement sur ce projet de loi, puis, je reconnaîtrai deux autres
députés du côté de l'Opposition. Sur cela, M. le
ministre du Travail.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, Mme la Présidente.
Strictement pour préciser des questions de procédure. Dans une
situation qui n'était pas complètement identique mais qui
était similaire, là où mon collègue le ministre de
l'Éducation avait eu à présenter une loi spéciale
dans le cas, vous vous en souviendrez, des Autobus Terrebonne, le
côté ministériel avait adopté une stratégie
complètement inverse à celle qu'il adopte ce soir. À ce
moment, il disait: Cela devrait être le ministre du Travail qui parle le
premier pour nous expliquer ce qui se passe sur le plan des relations du
travail. -(18 h 10)
Mme la Présidente, j'ai écouté attentivement les
interventions de tous ceux qui ont évoqué la question de
l'urgence de la situation. Vous me permettrez d'être surpris - et de vous
l'indiquer - du vote de mes collègues d'en face quant à cette
question d'urgence. Après avoir écouté le
député de Joliette, j'en étais arrivé à la
conclusion que, si le gouvernement avait quelque chose à se reprocher,
c'est d'avoir attendu trop longtemps pour intervenir. Donc, ce que le
député de Joliette a plaidé, c'est que l'urgence est
encore plus présente qu'on peut l'avoir dit en Chambre. Je m'attendais
que l'Opposition concoure et vote avec le gouvernement sur la question de
l'urgence d'intervenir afin que l'on puisse minimiser les inconvénients
que subissent et qu'ont déjà subis les étudiants victimes
de ce conflit.
J'ai également écouté les discours des porte-parole
de l'autre côté et, comme ministre du Travail, je me suis senti
visé par les blâmes qu'on a adressés, par la bande, au
ministre de l'Éducation. On nous a accusés, comme gouvernement,
de ne pas avoir pris
nos responsabilités, de ne pas avoir déployé tous
les efforts nécessaires pour que les parties en arrivent à une
entente négociée à la table des négociations. On
nous a accusés de nous traîner les pieds - si je peux utiliser
l'expression - dans ce dossier. On nous a accusés de ne pas être
intervenus avant.
Si vous m'y autorisez, Mme la Présidente, je ferai une liste des
événements survenus depuis le 6 mai 1987 entre l'UQAM et le
syndicat des chargés de cours de l'UQAM. Je commencerai en
plaçant cette listé d'événements dans son contexte
historique. La convention collective qui liait l'Université du
Québec au syndicat des chargés de cours est expirée depuis
le 26 février 1986. Nous avons reçu un avis de
négociation, au ministère du Travail, des deux parties
impliquées le 13 novembre 1986. Nous avons également reçu
de la partie patronale, c'est-à-dire de l'université, une demande
de conciliation le 19 mars 1987. Le 20 mars 1987, trois jours après la
demande de conciliation, le ministère du Travail a nommé, comme
conciliateur au dossier, Yvan Saintonge et a demandé la convocation des
parties pour une première séance de conciliation. Le 23 mars
1987, il y a eu effectivement une première séance conjointe de
conciliation; le 25 mars 1987, séance conjointe de conciliation, suivie
d'une séance particulière et privée avec chacune des
parties impliquées; le 27 mars 1987, séance conjointe de
conciliation; le 2 avril 1987, rencontre du conciliateur avec la partie
syndicale et avec la partie patronale, séparément; le 3 avril
1987, rencontre du conciliateur avec la partie syndicale, qui maintient ses
prérequis, c'est-à-dire la reconnaissance du principe "à
travail égal, salaire égal", et, deuxièmement, le
règlement du salarial avant de discuter du normatif.
À la suite de cette séance, il y a eu un ajournement sine
die. La même journée, j'ai nommé Normand Gauthier,
directeur du service de médiation dans le secteur public, comme
ressource supplémentaire à ce dossier. Entre le 3 et le 7 avril
1987, il y a eu des rencontres informelles entre les représentants des
parties et Normand Gauthier, directeur du service de la médiation; le 8
avril 1987, séance conjointe de conciliation et rencontre entre le
ministre de l'Éducation et les représentants des parties; le 9
avril 1987, séance conjointe, où l'UQAM fait une offre salariale.
Le 10 avril 1987, séance conjointe de conciliation, la partie syndicale
rejette l'offre patronale à la suite de son assemblée
générale. Les deux parties attendent à ce moment de
rencontrer le ministre de l'Éducation. Le 11 avril 1987, Mme la
Présidente, les deux parties rencontrent le ministre de
l'Éducation. Le 13 avril 1987, séance conjointe de conciliation,
contre-proposition salariale de la partie syndicale, rejetée la
journée même par la partie patronale. Entre le 13 et le 22 avril
1987, rencontre informelle entre les représentants des deux parties et
M. Normand Gauthier. Le 22 avril 1987, séance conjointe de conciliation,
nouvelle offre patronale basée sur un taux différentiel,
rejetée par la partie syndicale le soir même. Le 27 avril 1987,
rencontre des deux parties avec le M. le ministre de l'Éducation,
rencontre du conciliateur avec le porte-parole syndical.
Entre les 27 et 29 avril 1987, rencontre informelle entre les
représentants de toutes les parties et M. Normand Gauthier. Le 29 avril
1987, séance conjointe de conciliation en présence du
conciliateur et de M. Normand Gauthier, rejet par les deux parties des
hypothèses de travail soumises par les conciliateurs et nouvelle offre
de la partie patronale, basée sur le taux unique. Entre le 29 avril et
le 4 mai, rencontre informelle entre les représentants des parties et M.
Normand Gauthier. Le 4 mai 1987, séance conjointe de conciliation,
contreproposition syndicale, rejetée par la partie patronale à la
table des négociations. Le 5 mai 1987, l'assemblée
générale des syndiqués rejette l'offre de l'employeur du
29 avril 1987.
Mme la Présidente, que l'Opposition accuse le gouvernement de
n'avoir rien fait dans ce dossier, de s'être tratné les pieds,
relève d'une méconnaissance totale des actions que le
ministère du Travail et le ministre de l'Éducation ont
posées conjointement dans cet important dossier. Il y a eu dix-huit
rencontres de conciliation conjointes ou ex parte. Il y a eu, Mme la
Présidente, de nombreux contacts informels des conciliateurs avec les
parties. Le ministère du Travail a mis toutes ses ressources à la
disposition des parties. Le ministre du Travail est demeuré en contact
constant, en semaine, en fin de semaine, de jour et de nuit, avec son
collègue, le ministre de l'Éducation. Conformément au
mandat généralement assumé par le ministère du
Travail dans ce type de dossier, nous avons, par le biais de nos ressources au
dossier, tenté l'impossible pour amener les parties à un
règlement négocié qui, pour nous au ministère du
Travail - et cet avis est partagé par le ministre de l'Éducation
-demeure et demeurera la meilleure de toutes les solutions aux
différends des partenaires d'une entreprise ou d'un service.
Malheureusement, malgré tous nos efforts et tous nos appels au sens des
responsabilités et à la maturité des parties, nous n'avons
pu réussir à les amener à s'entendre sur un
règlement négocié. Pas même les impacts majeurs sur
des tiers, que soulignait à raison le député de Joliette
et leader de l'Opposition, sur les étudiants, n'ont
ébranlé les parties. Jusqu'aux toutes dernières heures,
elles sont demeurées fermement ancrées sur leur position.
(18 h 20)
Nous avons pris soin d'affecter à cet important dossier les
ressources humaines du ministère du Travail, qui avaient, au cours des
derniers mois, connu de brillants succès dans les dossiers à peu
près les plus difficiles et les plus complexes. Mon collègue d'en
face, le député d'Abitibi-Ouest, se rappellera de l'intervention
couronnée de succès de MM. Saintonge et Gauthier dans le dossier
fort complexe du mont Grand Fonds où ces deux personnes ont
réussi à amener à la table des négociations,
à une entente négociée, une entreprise de Raymond
Malenfant et un syndicat de la CSN.
Nous pensions qu'en affectant ces ressources humaines au dossier, elles
pourraient dans un dossier qui, à première vue, nous apparaissait
aussi difficile, mais qui, après analyse, nous apparaît encore
plus complexe, amener les parties à une entente négociée.
En toute dernière heure et à la suite du Conseil des ministres
d'hier, le ministre de l'Éducation lui-même a rencontré au
bureau du premier ministre le chef de la CSN, Gérald Larose, dans le but
d'en arriver à la toute dernière minute, encore une fois, sans
compromis déshonorant pour une partie ou pour l'autre, à un
compromis qui aurait permis d'éviter l'intervention toujours
déplorable de l'Assemblée nationale dans un conflit de travail.
Malheureusement, les efforts du ministre de l'Éducation pas plus que
ceux des personnes ressources du ministère qui avaient réussi
dans le mont Grand Fonds n'ont réussi à amener les parties
à une entente négociée.
Dans ces circonstances et face aux menaces qui pèsent sur des
tiers, des étudiants, face a un blocage pour ne pas dire à un
braquage des parties dans les négociations, le gouvernement sur
recommandation du ministre de l'Éducation a décidé de
passer à l'action. Là-dessus, le ministre du Travail appuie sans
équivoque le ministre de l'Éducation. Hier au Conseil des
ministres, tous les membres du gouvernement ont sans équivoque
également donné leur appui au ministre de l'Éducation. Je
suis certain que, de ce côté-ci de la Chambre, tous les
députés ministériels donneront également leur appui
au ministre de l'Éducation. Ce que je demande à nos
collègues d'en face, ce n'est pas d'applaudir à l'action
gouvernementale, parce que les négociations que nous avons tenté
de mener jusqu'à la toute dernière heure se sont conclues par un
échec, c'est de prendre acte de toutes les démarches qui ont
été effectuées, c'est de prendre acte de la qualité
des intervenants au dossier, qu'il s'agisse des personnes ressources du
ministère du Travail ou de l'action directe menée par le ministre
lui-même. C'est de prendre acte de la célérité avec
laquelle ces personnes sont intervenues à chaque étape. C'est de
prendre acte de cette volonté gouvernementale de maintenir, dans des
circonstances souvent très difficiles et explosives, le contact entre
les parties. C'est de prendre acte que tous les efforts humainement possibles
ont été déployés par le gouvernement du
Québec pour amener les parties à une entente
négociée à la table des négociations.
Je demande également aux députés de l'Opposition de
prendre acte que cette intervention spéciale de l'Assemblée
nationale vise, d'abord et avant tout, à faire en sorte que les
étudiants et les étudiantes ne soient pas davantage
pénalisés. N'eût été la présence des
étudiants et des étudiantes, les négociations auraient pu
se poursuivre. Les chargés de cours sont représentés par
un syndicat qui est fort et qui aurait été capable de poursuivre
les négociations pendant longtemps. L'Université du Ouébec
comme telle aurait pu, comme employeur, poursuivre les négociations
pendant longtemps. Mais au centre de ce conflit, ceux et celles qui en
subissent présentement les répercussions, ce sont les
étudiants et les étudiantes. C'est pourquoi le présent
projet de loi est parrainé par le ministre de l'Éducation. Si le
ministère du Travail en était arrivé à la
conclusion que, sur le plan des négociations, il n'y avait absolument
plus rien à faire et que les étudiants n'avaient pas
été affectés, cela aurait été
différent.
Au moment où nous nous parlons, ce que je vous dis, c'est que
possiblement, il y a encore de la place pour de la discussion entre les
parties, mais que le gouvernement ne peut pas tolérer plus longtemps que
les étudiants paient la facture. J'ai mal compris pourquoi l'Opposition
a voté contre la motion du leader du gouvernement qui demandait que l'on
intervienne de façon que les cours reprennent dès lundi pour
sauver ce qui reste à être sauvé. J'ai mal compris la
décision de l'Opposition de voter contre le dépôt
même du projet de loi alors qu'ils ont énuméré
à peu près tous les inconvénients que peuvent subir les
étudiants. Je les implore de prendre acte de tous les gestes que le
ministère du Travail et que le ministre de l'Éducation ont
posés dans ce dossier. Je leur demande de considérer les torts
irréparables qui pourront être causés à des
centaines de jeunes au Québec. Je leur demande, sur la base de ces deux
considérations, de fouiller un peu leur conscience, de ne pas agir ou
voter par partisanerie politique, de voter en leur âme et conscience en
faveur de l'adoption d'un projet de loi qui fera en sorte que dès lundi
matin, les étudiants et étudiantes de l'Université du
Québec à Montréal pourront enfin avoir accès
à des cours dont ils ont été privés malheureusement
depuis trop longtemps déjà. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Travail. M.
le ministre de l'Édu-
cation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, à l'exemple de mon
collègue, le ministre du Travail, je m'étonne de l'attitude
adoptée par l'Opposition dans ce débat. Je m'en étonne
à deux points de vue.
Tout d'abord, on nous dit: Vous auriez dû agir plus vite. On ne
dit pas ce que nous aurions dû faire. On n'indique pas du tout ce que
nous aurions dû faire plus vite. Nous avons des lois du travail au
Québec que le député d'Abitibi-Ouest connaît
très bien. Il sait très bien qu'en vertu de nos lois sur le
travail, quand un conflit éclate dans une entreprise ou un
établissement, il y a des procédures qui doivent être
suivies en vue d'acheminer le conflit vers un règlement
négocié. Ces procédures sont sous l'autorité du
ministre du Travail. Pendant toute la période pendant laquelle nous
avons eu des raisons sérieuses de croire à la possibilité
d'un règlement négocié, le conflit était sous
l'autorité de mon collègue, le ministre du Travail, avec qui
j'étais en contact continu. Nous étions convenus dès le
début, comme nous l'avons fait dans des conflits antérieurs, que
le jour où nous serions d'accord pour conclure qu'une intervention
spéciale devenait nécessaire, nous prendrions nos
responsabilités. Je n'avais pas à m'immiscer dans les
responsabilités qui relèvent de mon collègue, de
même que celui-ci respecte les attributions du ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science et je vous dis franchement, Mme la
Présidente, pendant les premières semaines qu'a duré ce
conflit, je ne vois pas du tout ce qu'aurait pu faire le gouvernement pour
imposer un règlement. À moins que nous ne croyions pas du tout
à la responsabilité des parties en négociation et ce n'est
pas la position du gouvernement actuel. (18 h 30)
Une condition m'apparaît essentielle pour qu'arrive une
intervention spéciale du gouvernement et de l'Assemblée nationale
dans un conflit de travail. Il faut, d'abord, que le conflit ait mûri
dans l'esprit des parties. Il faut que les parties, à force de chercher
- loyalement je veux le croire - un règlement négocié
aient été amenées progressivement à conclure
qu'elles en étaient incapables. Il faut aussi que les effets pervers du
conflit sur des tiers soient perçus un peu clairement par l'opinion
publique. C'est une entreprise que nous faisons avec le concours
extrêmement important de l'opinion publique.
Or, ces conditions ne pouvaient pas être réunies il y a
trois semaines ou un mois. Que le député d'Abitibi-Ouest et ses
collègues se souviennent seulement du climat qui existait pendant la
période de Pâques. Est-ce que c'était le moment
d'introduire une loi spéciale? Vous auriez été les
premiers - j'ai presque envie d'employer le mot "pharisien" - à ce
moment-là, à nous dire: Qu'est-ce que vous faites dans ce
conflit-là? Vous n'avez pas d'affaire, laissez donc la
négociation se poursuivre. C'est facile de jouer les vierges
offensées, aujourd'hui, mais je vous assure que je ne vois pas à
quel moment, avant aujourd'hui, nous aurions pu intervenir en respectant
véritablement les parties en leur laissant prendre leurs
responsabilités au maximum.
J'aimerais que vous nous disiez ce que vous auriez fait, il y a un mois,
cela m'intéresserait et j'aimerais, comme l'a signalé mon
collègue le ministre du Travail, que vous nous expliquiez par quel
raisonnement subtil vous êtes capables de conclure qu'il existait une
urgence il y a un mois et qu'il n'en existerait plus aujourd'hui au point que
vous avez voté, tantôt, pour dire à la population du
Québec que vous ne croyez pas qu'il soit urgent de régler le
problème de l'Université du Québec à
Montréal.
J'aimerais que vous nous expliquiez, que vous nous disiez par quelle
contorsion mentale vous êtes conduits à la conclusion que ce qui
était urgent, à votre point de vue, il y a un mois, ne le serait
plus maintenant.
J'aimerais que vous nous disiez, surtout, quels moyens vous mettriez en
oeuvre, aujourd'hui, pour résoudre ce problème. J'entendais le
député de Joliette tantôt, le leader de l'Opposition, bien
connu pour sa facilité à parler de tous les sujets sans les avoir
trop étudiés le plus souvent. Il nous disait: "Vous auriez
dû vous occuper du cas des finissants, vous auriez dû faire des
arrangements spéciaux avec le syndicat." J'aurais aimé qu'il
fût conciliateur dans ce conflit-là et qu'il tentât cette
approche.
Nous l'avons tentée, nous avons fait des approches à la
partie syndicale pour examiner la possibilité d'offrir des services
spéciaux aux catégories d'étudiants qui étaient le
plus directement affectés. Vous savez très bien ce qu'on nous
répond dans ce temps-là, c'est le principal instrument de
marchandage dont dispose la partie syndicale dans un conflit, ce sont les
éléments qui sont les plus affectés par le conflit qu'on
n'a pas intérêt à servir tout de suite. Alors, je vous dis
c'est une proposition purement théorique qui n'a aucun rapport avec le
véritable rapport de forces qui se déroulait sur le terrain.
C'est bien facile de venir dire cela après coup. Alors, nous
attendrons vos lumières là-dessus et, s'il arrivait qu'il y ait
des lumières tout à fait inattendues, elles étaient
sûrement absentes de vos discours de tantôt, en tout cas.
Que des lumières tout à fait
inattendues se manifestassent nous les accueillerions avec grand plaisir
parce qu'il n'y a rien qui me répugne autant, personnellement, comme
d'être obligé de proposer à l'Assemblée nationale
une loi spéciale.
M. Gendron: Mme la Présidente, une question de
règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je ne me rappelle pas du dernier terme utilisé
par le ministre de l'Éducation mais ce qui ne fait pas vraiment notre
affaire, c'est que ce gouvernement est en train d'adopter une loi
spéciale et on n'a même pas quorum en Chambre. Alors, il me semble
qu'il serait plus facile, pour nous, en tout cas, de comprendre l'importance,
l'urgence. Une façon de signaler l'urgence, ce serait, à tout le
moins, qu'il y ait quelques collègues qui viennent appuyer le ministre
de l'Éducation, qui est en train de prétendre que la terre ne
tournera plus et il a peut-être raison, on va l'écouter
attentivement, mais il faudrait, au moins, que quelques collègues
viennent le signaler.
La Vice-Présidente: Effectivement, M. le
député d'Abitibi-Ouest, je demanderais qu'on appelle les
députés. (18 h 35 - 18 h 38)
Nous allons voir s'il y a quorum.
Le quorum étant atteint, nous allons poursuivre. M. le ministre
de l'Éducation.
M. Ryan: Mme la Présidente, je poursuis l'exposé
que j'ai commencé tantôt. Je rappelle brièvement
l'étonnement que m'a causé l'attitude adoptée par
l'Opposition sur la motion d'urgence et j'espère qu'au cours du
débat les porte-parole de l'Opposition pourront nous expliquer cette
nouvelle contradiction dans laquelle ils se sont enferrés et nous
expliquer comment une chose qui était urgente à leur point de vue
il y a un mois serait moins urgente maintenant, au point qu'on ne serait pas
obligé de le reconnaître à l'occasion d'un vote. C'est une
chose, au point de vue de la logique, que j'aimerais me faire expliquer parce
que j'ai du mal à la comprendre. (18 h 40)
J'en reviens au fond du problème. Nous sommes en présence
d'un conflit qui affecte l'Université du Québec à
Montréal. L'Université du Québec à Montréal
est une jeune université dont la fondation remonte à 1969, qui,
par conséquent, n'a pas encore 20 ans et qui regroupe déjà
plus de 35 000 étudiants dont une très forte proportion sont des
étudiants à temps partiel, donc, des étudiants qui ne
répondent pas tout à fait à la définition univoque
que proposait, dans son intervention de tantôt, le député
de Joliette. Il y a toutes sortes d'étudiants à
l'Université du Québec à Montréal, et je ne serais
pas étonné qu'une majorité de ces étudiants soit
des personnes qui travaillent. La proportion d'étudiants à temps
partiel est plus forte à l'Université du Québec à
Montréal que dans nos universités traditionnelles pour la raison
que je mentionnais plus tôt. C'est une université qui a
été fondée en vue d'être au service du peuple,
d'être immédiatement accessible sous les formes les plus
variées et les plus souples.
Or, cette université a connu un développement
phénoménal dans diverses disciplines, en particulier dans les
sciences humaines, dans les sciences de la nature et dans les sciences de la
gestion. Dans ces trois secteurs, l'Université du Québec compte
des services d'excellente qualité, qui se distinguent très
souvent de ceux qu'on trouve dans les autres institutions, mais qui sont de
plus en plus respectés à cause de leur qualité.
À cause du développement très rapide qu'elle a
connu, l'Université du Québec doit faire face à deux
problèmes, plus aigus chez elle que dans les autres institutions. Il y a
d'abord un problème de financement. L'Université du Québec
à Montréal nous rappelle souvent que le niveau de
subventionnement auquel elle a droit de la part du gouvernement est
inférieur à celui qu'on observe dans toutes les autres
institutions universitaires. Dans une lettre que le recteur m'adressait et dont
j'ai cité des extraits plus tôt, je trouvais le rappel des faits
suivants. Pour l'année 1985-1986, la subvention gouvernementale à
l'Université du Québec à Montréal s'élevait
à 4770 $ par étudiant. Dans les autres universités, la
moyenne des subventions était de 6942 $. Au niveau collégial,
elle était de 5118 $. Cela veut dire que la subvention moyenne per
capita versée à l'Université du Québec à
Montréal était inférieure en 1985-1986. Et le
député d'Abitibi-Ouest se souviendra, j'espère, que
l'année 1985-1986 fut la dernière du gouvernement dont il a fait
partie, dont il a été le ministre de l'Éducation.
Voilà une situation dont nous avons hérité, qui
s'est développée au cours des dix dernières années
et qui demande de toute évidence un examen approfondi et surtout des
solutions. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, il n'y avait pas de
ressources nouvelles pour les universités pendant la première
année. Nous avons même dû imposer un léger volume de
compressions aux universités. Est-ce que nous pouvions décemment
enlever à des universités qui en avaient besoin, des sommes, pour
les transférer à l'Université du Québec à
Montréal? Nous ne pouvions pas le faire. J'avais dit clairement aux
autorités de
l'UQAM, à ce moment-là, que, lorsque nous obtiendrions des
ressources additionnelles du gouvernement, nous verrions à
établir des normes de partage des ressources qui assureraient une
justice raisonnable à tous les établissements. Je renouvelle cet
engagement ce soir.
Dans le dernier budget du ministre des Finances, le gouvernement a
annoncé qu'il injectera, cette année, une somme de 15 000 000 $
pour le rehaussement de la base de financement des universités du
Québec, une somme de 10 000 000 $ pour le financement indirect de la
recherche, une somme de 8 000 000 $ pour le soulagement des déficits des
universités et d'autres sommes au titre de l'enrichissement des
bibliothèques, et de l'amélioration et la modernisation des
équipements. Inutile de préciser, Mme la Présidente, que
nous considérerons avec attention les problèmes de
l'Université du Québec à Montréal lorsque viendra
le moment d'établir le partage.
Un autre problème qui est venu s'ajouter à celui-là
et qui en est la suite logique, le gouvernement précédent se
baladait dans tout le Québec en se vantant de favoriser l'accès
du plus grand nombre à l'université, d'ouvrir toutes grandes les
portes de l'université. Toutefois, on a vu les ministres de
l'Enseignement supérieur ou de l'Éducation se promener en disant:
Nous sommes à l'avant-garde de l'accessibilité des services
collégiaux et universitaires. À quel prix? En même temps
qu'on augmentait le nombre des inscriptions dans les universités, on
diminuait le nombre des subventions accordées aux universités par
étudiant, tellement que lorsque nous avons pris le pouvoir, la
subvention per capita versée à chaque université
équivalait à peu près à 70 % en valeur
réelle de ce qu'elle était lorsque le Parti
québécois a pris le pouvoir en 1976.
Alors, qu'est-il arrivé? Les universités augmentent leurs
clientèles, l'Université du Québec à
Montréal, en particulier. On a dit: On va fournir de l'enseignement
à meilleur marché. On a été porté à
multiplier le recours aux chargés de cours. Le chargé de cours,
c'est une institution très importante dans la vie de toute
université. Cela ne commence pas avec l'Université du
Québec, nous en sommes tous conscients. Quand je faisais mes
études en relations industrielles et en service social à
l'Université de Montréal, il y a déjà un bon nombre
d'années, la grande majorité de mes professeurs étaient
des chargés de cours. C'étaient des dirigeants d'entreprises, des
dirigeants de relations industrielles dans des grandes entreprises
industrielles, des avocats spécialisés en relations du travail,
des personnes versées dans ces questions-là, mais des professeurs
permanents, il n'y en avait pratiquement pas.
Nous en avons ajouté plusieurs milliers au cours des 25
dernières années, tellement qu'aujourd'hui, les professeurs
permanents dans nos universités, il doit y en avoir à peu
près 8000 ou 9000 à travers le Québec. Ce n'était
pas suffisant pour répondre à la demande. Alors les
universités ont été enclines à recourir davantage
aux chargés de cours qui sont rémunérés sur une
base bien inférieure aux professeurs réguliers. C'est le cas de
l'Université du Québec, en particulier, qui s'est
retrouvée avec un nombre de chargés de cours très
élevé. C'est environ 1000 à 1100 chargés de cours
pour la session encore à terminer qui avaient été
engagés par contrat par l'Université du Québec. Certains
donnent une charge de cours pendant le semestre, c'est-à-dire 45 heures;
d'autres en donnent deux; d'autres trois. Cela peut aller jusqu'à six
charges de cours maximum pendant l'année et, dans certains cas, il y a
des exceptions qui vont jusqu'à sept ou huit. Mais, de manière
générale, le chargé de cours a une charge d'enseignement
moins lourde que le professeur régulier, mais il est
rémunéré pour une charge de cours.
La rémunération pour l'année 1986, la
dernière année de la convention qui finissait en février
1986, je pense que c'était 2934 $. Alors, les chargés de cours
trouvent que c'est inférieur. Ils ont demandé une
rémunération considérablement accrue. C'est le coeur du
litige. Pour le reste il n'y a pas de problème. Sur les clauses
normatives, les parties seraient prêtes à accepter demain matin
que la convention existante soit reconduite, parce que je dois préciser,
Mme la Présidente, que ces chargés de cours sont
syndiqués, sont autorisés à se regrouper en syndicat
dûment reconnu pour fins de négociations collectives depuis une
dizaine d'années.
Or, cette année, ils ont présenté des demandes
d'augmentations salariales qui auraient porté la
rémunération à un niveau supérieur à 4000 $,
à partir de 2934 $ où c'était à la fin de la
dernière convention. Mettez-vous à la place de la partie
patronale, une minute, qui est l'Université du Québec à
Montréal. Ce n'est pas la Canadian Industries Limited; ce n'est pas la
compagnie General Motors, c'est l'Université du Québec à
Montréal, laquelle retire la très grande majorité de ses
revenus, au moins 85 % de ses revenus, de subventions du gouvernement du
Québec.
Mme la Présidente, vous savez comme moi que nous avons
indiqué à tous les établissements qui relèvent du
financement public, par voie de subventions du gouvernement, qu'en
matière de rémunération, nous ne sommes pas
intéressés à les voir prendre les devants sur le
gouvernement lui-même. Nous voulons qu'il s'aligne sur la politique de
rémunération du gouvernement. Cette politique, nous l'avons
défendue avec vigueur pendant toute l'année 1986 à
l'occasion de la
ronde de négociations qui a eu lieu dans le secteur public. (18 h
50)
Nous avions défini une ligne de conduite au départ et nous
l'avons généralement maintenue moyennant des assouplissements
raisonnables, ce qui a donné un taux d'augmentation pour les trois
années d'une convention de 3,5 %, pour la première année,
4 %, pour la deuxième année, et, pour la troisième
année, un taux qui peut varier de 4,15 % à 4,82 %. Les
professeurs de l'UQAM avaient déjà signé une convention,
l'an dernier, bien avant le règlement du secteur public, dès le
printemps de 1986, dans laquelle ils écrivaient et bien sagement,
à mon point de vue, bien judicieusement: "La rémunération
sera alignée sur la politique gouvernementale qui sortira des
conventions collectives du secteur public." Ils nous ont épargné
un temps considérable de discussion. Ils ont fait montre de
réalisme. Ils ne se sont pas déchirés entre eux. Ils n'ont
pas perturbé la vie de l'établissement. Ce modèle a
été imité dans un certain nombre d'autres conventions
collectives de professeurs d'université.
Alors, l'Université du Québec à Montréal a
fait, à ses chargés de cours, des propositions qui s'inspiraient
de la politique générale du gouvernement. À cette
politique, elle a ajouté, en cours de route, certains adoucissements,
certains assouplissements mineurs, j'en conviens, mais qui, quand même,
amélioraient de manière intéressante les propositions
initiales. C'est là que nous en sommes.
Je vais donner quelques chiffres pour que ce soit clair. Le degré
de niveau actuel de la rémunération, comme je l'ai dit
tantôt, est de 2936 $ à la fin de la dernière convention.
L'Université du Québec à Montréal - je vais prendre
sa dernière offre pour être le plus récent - proposait 3037
$ pour l'année 1986, 3307 $ pour l'année 1987 et, finalement,
elle a arrondi les angles pour la dernière année en proposant
3500 $. C'est légèrement supérieur à la politique
de rémunération du gouvernement. Mais l'Université du
Québec avait décidé, dans son budget, qui est de l'ordre
de 135 000 000 $ par année, de prendre une somme d'environ 500 000 $ et
de l'affecter à des suppléments au chapitre des
rémunérations pour rendre les choses plus faciles à
l'intention des chargés de cours.
Mais la dernière demande des chargés de cours
s'établit à ceci. C'est celle que m'a déposée, hier
soir, M. Larose; la précédente était encore plus
élevée. Par conséquent, jusqu'à hier soir, nous
avions des écarts qui étaient de l'ordre d'environ 500 $ par
année. La dernière proposition, première année,
3400 $ par rapport à 3037 $ de proposition patronale, 3600 $ pour la
deuxième année par rapport à 3307 $ de la proposition
patronale et demande syndicale pour la troisième année, de 3800 $
par rapport à la proposition syndicale de 3500 $. Finalement, le
syndicat demandait, pour la quatrième année soit 1989, un montant
de 4000 $ qui, nous a-t-il dit, était le montant magique qu'on
visait.
Nous avons fait quelques avances de dernière minute pour essayer
de rétrécir l'écart, mais il s'est avéré
impossible de trouver un rapprochement suffisant. Au terme de conversations qui
avaient duré longtemps et qui furent, je dois le dire en toute
vérité, empreintes de courtoisie, de respect mutuel et de
dignité, il n'y a eu aucun éclat, aucune accusation, aucune
dénonciation, ni aucune insulte. Les conversations se sont
déroulées dans un climat vraiment exemplaire. Mais nous
étions obligés de conclure que l'écart qui séparait
les deux parties s'élève, seulement pour l'UQAM, pour les trois
premières années d'une convention, à environ 4 800 000
$.
Mais quand on arrête une décision pour l'UQAM, il faut
penser plus loin que son nez. Il faut penser que, demain, il y a des
chargés de cours qui sont en négociation à
l'Université du Québec à Rimouski. Il faut penser qu'il y
en a qui seront en négociation à l'Université du
Québec à Chicoutimi. Il faut penser qu'il y en a qui le sont
à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Il faut penser qu'une négociation doit s'engaqer avec des chargés
de cours à l'Université Laval. Il faut penser également
-je ne sais pas si l'Opposition est informée de ces faits - qu'il y a
peine deux mois, une convention était signée avec les
chargés de cours à l'Université de Montréal. La
convention signée par les chargés de cours et les
autorités de l'Université de Montréal s'établit
à un niveau très voisin de celui qu'évoque les
propositions de l'Université du Québec à Montréal
à ses chargés de cours. Les autorités de
l'Université de Montréal ont consulté le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science avant de faire leurs
propositions. Elles ont veillé loyalement - je leur en sais gré,
je leur en rends hommage - à présenter des propositions qui
restaient à l'intérieur des paramètres de la politique
gouvernementale.
Est-ce que le gouvernement pourrait sérieusement dire à
l'Université du Québec à Montréal: Bien, vous
autres qui avez toujours été un peu en avance sur les autres
universités en matière de rémunération de vos
chargés de cours, vous allez faire un bond en avant, vous allez leur
donner une leçon encore une fois, on va vous donner une avance plus
grande que jamais? Il faudrait être totalement dépourvu du sens
des responsabilités pour fonctionner comme cela. Il fallait absolument
garder à l'esprit la dimension plus large qui est celle du statut
de la rémunération du chargé de cours dans
l'ensemble des universités du Québec. Nous ne tenons pas à
leur imposer des conditions uniformes partout. Nous voulons que chaque
université garde la responsabilité de ses décisions.
En matière de rémunération, il est clair - je dois
le réaffirmer avec toute la force dont je suis capable - que les
universités doivent tenir compte dans leur décision des
politiques de rémunération du gouvernement. Alors, voilà,
Mme la Présidente, le fond du problème. Voilà ce qui nous
a obligés à agir. Quand on se heurte à une
résistance invincible à des propositions qui sont l'expression
fidèle et loyale de la politique du gouvernement, politique qui a
été confirmée dans des ententes collectives signée
avec 250 000 travailleurs au moins, je pense qu'on ne doit pas rester les bras
croisés. Je pense qu'on doit se rendre compte qu'il y a des
responsabilités à prendre. Il fallait avoir acquis la conviction
qu'un règlement négocié était devenu
complètement hors d'atteinte et que les conséquences d'un
prolongement du conflit devenaient irréparables. Cette conviction nous
l'avons acquise au cours des derniers jours de manière certaine. C'est
pourquoi nous avons agi à ce moment-ci.
Maintenant, les chargés de cours nous signalent qu'ils sont
soumis à des conditions de travail inacceptables. Ils nous ont fait des
représentations à la commission parlementaire de
l'éducation qui a étudié l'an dernier le financement et
les orientations des établissements universitaires. Nous les avons
écoutés avec respect. Sans tirer de conclusion pour l'instant, je
conviens qu'il faut étudier très attentivement la condition du
chargé de cours dans les universités du Québec. J'ai dit
au syndicat dès le début du conflit, dès la
première rencontre que j'ai eue avec lui, que l'arrêt de travail
n'était pas le contexte propice pour l'étude impartiale et plus
large qui doit être faite à ce sujet. On nous dit par exemple que
certains chargés de cours ont des charges d'enseignement aussi lourdes
que celles des professeurs réguliers mais qu'ils sont
rémunérés à 12 000 $ ou 15 000 $ par année,
tandis que le professeur régulier retire 45 000 $, 50 000 $ et 55 000 $.
Nous allons vérifié ces allégations.
Je crois comprendre que dans ce groupe de 1100 chargés de cours
qui sont en grève à l'Université du Québec à
Montréal, il y a un noyau composé de personnes qu'on appelle des
chargés de cours mais dont l'activité se rapproche davantage,
peut-être, de celle de professeur ou d'assistant professeur que de celle
de chargé de cours au sens technique du terme. On va regarder ces
choses. S'il fallait conclure que des redressements s'imposent et que des
redéfinitions de statut sont nécessaires dans certains cas, cet
examen sera fait au cours des mois à venir. C'est un examen que nous
voulons poursuivre en même temps que nous examinerons d'un autre
côté la charge de travail du professeur d'université. On ne
peut pas examiner la condition du chargé de cours sans approfondir
également les problèmes qui se posent en relation avec la charge
de travail du professeur régulier d'université. Ce sont deux
sujets que je ne voulais pas aborder personnellement tant que je n'aurais pas
reçu l'assurance que le gouvernement serait disposé à
injecter un peu plus de ressources dans le réseau universitaire.
J'aurais été incapable de me présenter devant les
universités... Mon collègue, le député de Rimouski,
qui a suivi avec moi les travaux de la commission parlementaire de
manière très ponctuelle, très attentive, se souvient
très bien des problèmes qu'on nous a posés. Si nous
étions allés soumettre les universités à de
nouvelles exigences sans faire montre en retour d'un minimum de
compréhension et d'accueil à leur endroit, nous n'aurions pas
été pris au sérieux. (19 heures)
Alors, il fallait que nous agencions tous ces facteurs, de
manière à pouvoir aller au fond des choses, autant en ce qui
touche la charge de travail du professeur régulier qu'en ce qui touche
la condition du chargé de cours. Et je veux dire aux chargés de
cours que je vois avec énormément de sympathie et de respect la
contribution qu'ils fournissent à la formation des étudiants
universitaires du Québec. A l'Université du Québec, les
chargés de cours fournissent, à eux seuls, plus de 50 % de tous
les cours dispensés au 1er cycle de formation universitaire,
c'est-à-dire au niveau du baccalauréat, plus de 50 % des
cours.
Quand ils me disent qu'ils touchent seulement 10 % des
rémunérations versées à l'Université du
Québec, je ne suis pas capable d'être indifférent, c'est
évident. Et je ne voudrais pas que, du côté de
l'Opposition, on s'imagine qu'on va m'apprendre ces faits. Nous en sommes
parfaitement conscients. Nous en sommes très bien informés. Mais
on ne peut pas généraliser certains cas à
l'intérieur du groupe des chargés de cours sans avoir
examiné tout l'ensemble. Il y en a un bon nombre qui n'ont pas de
problème urgent ni aigu. L'avocat qui gagne 150 000 $ par année
sur la rue Saint-Jacques à Montréal, qui va donner un cours de
droit à la faculté de droit de Montréal, il lui est assez
indifférent de toucher 2500 $ ou 5000 $ de rémunération.
S'il est prêt à fournir une contribution à bon compte
à l'Université de Montréal, je ne vois pas pourquoi cette
Chambre s'agiterait pour s'en inquiéter et je ne vois pas franchement ce
que la CSN viendrait faire là-dedans, ni la FTQ. On a des
problèmes de ce côté-là. Il va falloir
qu'on regarde tranquillement.
Il faut cesser de se créer des obligations mécaniques, des
obligations institutionnelles, dont on n'a pas mesuré la note en fin de
compte. Il est bien facile de dire qu'on va syndiquer tout ce monde-là.
On va mettre tout le monde au même niveau. Ce qu'il faut savoir, et je
veux l'illustrer concrètement, c'est que l'écart qui
sépare la partie syndicale de la partie patronale, au moment où
nous nous parlons, est un écart qui veut dire 4 800 000 $ pour l'UQAM.
Et si vous l'appliquez à l'ensemble des universités, il faut
multiplier par huit. Cela veut dire que cela fait 38 400 000 $. Le gouvernement
cette année n'est pas capable. Et ne demandez pas au ministre de
l'Enseignement supérieur d'aller recommander au gouvernement de mettre
uniquement dans cette chose-là toutes les ressources nouvelles qui ont
été libérées pour des besoins des
universités que nous avons laborieusement, mais assez clairement,
identifiés à la faveur du travail accompli par la commission
parlementaire de l'éducation sur les orientations et du financement des
universités l'an dernier.
Voilà le problème auquel nous faisons face. Nous allons
l'approfondir. J'ai proposé aux chargés de cours à un
moment donné -je pense que c'est dès les premières
rencontres - faisons donc une chose, rentrez donc pour un an avec la politique
gouvernementale. On va étudier la condition qui vous est faite. On
négociera une nouvelle condition dans un an. Refus catégorique.
Du côté de l'Opposition, on semblait s'inquiéter
tantôt de ce que rien n'ait été dit. Tout a
été tenté, Mme la Présidente. Tout a
été essayé. Quand on se heurte à une réponse
négative, répétée de manière
systématique - et je ne prête pas d'intention, je ne porte pas
d'accusation ou de jugement - on doit tirer des conclusions, lorsqu'on a la
responsabilité du bien général.
Maintenant, j'en viens au projet de loi. C'est très simple, un
projet de loi comme celui-ci est malheureusement très simple. Il doit
l'être. Il y a trois éléments essentiels à souligner
dans le projet de loi. Tout d'abord, le projet de loi crée pour les deux
parties, la partie patronale et la partie syndicale, l'obligation de reprendre
le service à compter du lundi 11 mai à 8 heures. Ceux qui sont
appelés par leur horaire à se rapporter seulement
l'après-midi, il n'y a pas de problème évidemment. Mais 8
heures est l'heure symbolique qui est indiquée. Il faut que l'UQAM
reprenne son fonctionnement normal à partir de 8 heures, lundi matin.
L'obligation créée par la loi que nous proposons vaut autant pour
la partie patronale que pour la partie syndicale. Interdiction est faite
à toute personne, de l'intérieur comme de l'extérieur, de
faire obstacle à la reprise des cours lundi matin.
Autrement, le législateur parlerait pour ne rien dire. Il y a des
"finasseux" dans ce monde-là comme dans tous les milieux qui cherchent
toujours ce qu'on appelle en anglais un "loophole", un petit trou dans la loi.
S'il y a des choses qui ne sont pas dites, il y en a qui concluent assez
légitimement à mon point de vue qu'elles sont permises. Alors il
faut les dire. C'est dit clairement que personne ne pourra s'ériger en
intermédiaire pour empêcher des professeurs, des chargés de
cours et les étudiants de pénétrer dans
l'université et d'y recevoir l'enseignement auquel ils ont droit. C'est
la première partie du projet de loi.
Deuxième partie, règlement du litige. Le règlement
qui est proposé ici est très simple. D'un côté,
toute la partie normative, toutes les clauses mécaniques, toutes les
clauses qui sont d'ordre normatif qu'on appelle, on reconduit la convention
actuelle et les deux parties m'avaient recommandé ces derniers jours
qu'on s'en tienne à la convention actuelle. C'est ce qu'elles auraient
fait elles-mêmes avec l'aide du conciliateur qui leur était
affecté. Par conséquent, il n'y a pas de problème ici.
Au sujet des salaires, nous n'avions pas d'objection à la
dernière proposition qu'avait présentée
l'Université du Québec à Montréal parce qu'il y
avait une certaine marge dans son budget que l'Université du
Québec à Montréal avait jugé opportun d'utiliser
pour embellir légèrement les offres qu'elle avait faites à
ses salariés. C'était son initiative, c'était sa
responsabilité. Nous l'avions acceptée. Mais là, c'est le
gouvernement qui agit, c'est l'Assemblée nationale. Notre norme, c'est
la politique salariale du gouvernement. C'est la politique qui a
été définie dans les conventions collectives que nous
avons signées avec de très nombreux syndicats, avec des dizaines
et des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public et, par
conséquent, les montants d'argent qui sont indiqués en annexe au
projet de loi 48 pour la rémunération des chargés de cours
sont des montants qui ont été établis à partir de
la rémunération actuelle ajustée suivant les pourcentages
qui sont indiqués dans la politique gouvernementale de
rémunération.
Un dernier point. Pour que la loi soit efficace, il faut certaines
sanctions. Le législateur ne parle pas pour rien dire, autrement on
pourrait écrire ces articles dans des journaux et cela suffirait. Mais
quand le législateur parle, c'est parce qu'il veut être
écouté. C'est pour cela qu'il a été mandaté
par ses concitoyens pour agir en leur nom, non pour parloter en leur nom, pas
pour délibérer, pas pour réfléchir en secret, mais
pour agir, pour trancher des problèmes, pour définir des
solutions et pour voir à ce qu'elle soient appliquées, que ses
décisions soient observées.
Dans le projet de loi, nous avons introduit deux sortes de sanctions. Il
y a tout d'abord des amendes pour ceux qui porteraient obstacle à
l'application de la loi. Ces amendes n'ont rien d'étonnant, ce sont les
mêmes que prévoit le Code du travail. Si on lit le Code du
travail, on y verra que les amendes prescrites en cas de violation d'une
convention collective ou des lois du travail sont exactement du même
ordre que celles que nous avons inscrites dans le projet de loi 48. Il y en a
une autre que nous avons inscrite aussi: le chargé de cours qui jugerait
devoir défier la loi, qui déciderait, sans raison valable, sans
motif raisonnable de ne pas répondre aux obligations qu'il a
contractées par son contrat envers la collectivité universitaire
de l'UQAM, serait considéré comme ayant renoncé à
la priorité de pointage à laquelle lui donne droit la convention
existante. En vertu de la convention actuelle, Mme la Présidente, une
personne qui a été porteuse d'une charge de cours acquiert un
titre d'ancienneté, un titre de priorité pour le cas où la
même charge de cours serait attribuée à un chargé de
cours l'année suivante. Elle accumule ces points de priorité et
lorsqu'elle a eu la chance d'avoir plusieurs charges de cours, elle occupe une
place qui lui donne une chance beaucoup plus grande de se voir attribuer des
charges de cours. Alors j'indique clairement que les chargés de cours
qui décideraient de se placer au dessus de la loi seront
considérés comme ayant renoncé à ces points de
priorité que leur confère le régime actuel de relations du
travail à l'UQAM. (19 h 10)
Mme la Présidente, je pense avoir dit l'essentiel au sujet de ce
projet de loi. Le gouvernement est très attaché à l'UQAM.
L'Université du Québec et ses filiales sont des créations
directes de l'Assemblée nationale du Québec. Elles ne sont pas
des établissements privés ou semi-privés. Elles sont des
établissements universitaires pleinement publics, c'est-à-dire
créés de toutes pièces par la volonté du
législateur, de l'Assemblée nationale, et maintenus par
l'intermédiaire d'un lien direct avec le gouvernement, beaucoup plus
direct que dans le cas des autres universités. Nous portons, par
conséquent, à l'Université du Québec et à
ses constituantes, en particulier à la principale de ses constituantes,
l'Université du Québec à Montréal, un
intérêt, un attachement et une affection particuliers. Nous tenons
à ce que cet établissement se développe dans les
meilleures conditions possible. Je voudrais rendre hommage, à ce
moment-ci, à la direction de l'Université du Québec,
à son recteur, M. Claude Corbo, et aussi à ses collaborateurs,
qui ont fait montre d'une présence, d'une disponibilité, d'un
esprit de collaboration et de réalisme exemplaires dans ce conflit. J'ai
eu l'occasion de les connaître davantage, de mieux connaître les
points de vue qu'ils défendaient. J'ai respecté leur
liberté de décision. Je dois dire que j'ai appris, au cours de
ces semaines pénibles, par mes contacts, à la fois, avec les
autorités de l'Université du Québec, avec les
chargés de cours, avec les étudiants également, à
mieux comprendre cet établissement et à mieux comprendre pourquoi
nous devons faire en sorte qu'ils puissent recommencer sans délai
à se développer dans les meilleures conditions.
J'ai été particulièrement affecté quand j'ai
pris connaissance de la lettre que m'a adressée, l'autre jour, M. Corbo,
lettre dans laquelle il confirmait des propos qu'il m'avait tenus verbalement
le matin du même jour. Quand il m'a dit: M. Ryan, c'est la
réputation et l'intégrité de l'Université du
Québec à Montréal qui sont attaquées, il faut qu'on
agisse vite parce que cela peut être tragique. Jusqu'à ce
moment-là, ce n'est pas le langage qu'on m'avait tenu. On m'avait dit:
C'est grave, les conséquences sont sérieuses, mais nous pensons
pouvoir nous en tirer par la négociation. Nous encouragions et le
syndicat et l'UQAM à faire cela. Dès que les autorités de
l'Université du Québec à Montréal - et j'aurais
souhaité que l'Opposition en fasse autant, qu'elle aille se renseigner
à la même source - m'eurent communiqué clairement leur
diagnostic concernant le stade dramatique et extrêmement critique
qu'avait atteint la situation, j'ai décidé d'agir. J'ai
tenté une dernière démarche auprès des parties.
Ensuite, je suis allé immédiatement au Conseil exécutif
faire rapport au gouvernement que cette situation avait assez duré et
que le gouvernement ne saurait, pour aucune considération, permettre
qu'elle se prolonge davantage.
Je tiens à souligner, Mme la Présidente - M. le
Président, excusez, nous avons eu un changement - que le projet de loi
reconduit la convention collective existante dans toutes ces dispositions qui
ne sont pas l'objet de modifications précises dans le texte même
du projet de loi. Cela veut dire que nous retombons en régime de
convention collective normal et qu'une grande marge d'initiative est rendue,
par le fait même, aux parties. Les parties sont libres de se retrouver
demain, après-demain, au début de la semaine et d'apporter
à leur convention certains ajustements dont elles pourront convenir
entre elles. Nous ne leur enlevons en aucune manière, sauf dans les
points qui sont définis par le projet de loi, la liberté de
négociation que leur reconnaissent nos lois du travail.
J'ose espérer qu'une fois cette étape difficile
passée - j'en conviens - un climat de collaboration pourra être
restauré entre
les chargés de cours et les autorités de
l'Université du Québec, ainsi qu'entre les chargés de
cours, les professeurs réguliers et les étudiants, de
manière qu'on voie fleurir de nouveau, à l'Université du
Québec a Montréal, cet esprit de communauté universitaire,
cette atmosphère de collaboration, de partage, de critique saine
également, mais dans un climat de dialogue qui doit être
caractéristique d'un établissement universitaire. Qu'on dise ce
qu'on voudra, le climat de confrontation qu'ont connu trop
d'établissements d'enseignement depuis une quinzaine d'années
n'est pas propice au développement de la vie intellectuelle dans les
universités, les collèges et les établissements
d'enseignement. Le développement de la vie intellectuelle doit se faire
dans un climat où les idées puissent être
échangées sans que toute la vie soit perturbée.
Le gouvernement apporte sa modeste collaboration à
l'amélioration très vivement souhaitée de
l'atmosphère et du climat à l'Université du Québec
à Montréal. Je sais que c'est une passe difficile, je ne me fais
aucune illusion. Nous sommes capables de la traverser.
Je voudrais remercier, avant de m'asseoir, le président de la
CSN, M. Larose, dont on me disait qu'il a fait des commentaires au sujet du
projet de loi cet après-midi, commentaires empreints de dignité
et de respect. Il n'est pas d'accord avec nous. M. Larose aurait
souhaité vivement qu'il n'y eût point de projet de loi. Il a fait
une critique digne d'un homme civilisé et responsable, j'en suis
très heureux. Je suis convaincu que si nous procédons dans le
même esprit, nous réussirons ensemble à finir la
tâche qui n'est pas terminée. Je conviens très bien qu'il y
a encore beaucoup de travail à faire, mais il faut faire ce pas-ci pour
être capable d'entreprendre les autres. Merci M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, mes premiers mots seront
d'abord pour vous indiquer et indiquer aux membres de cette Chambre que nous
aussi, en ce qui nous concerne, on va essayer d'avoir des propos dignes et
civilisés. Je connais tellement le ministre de l'Éducation pour
l'avoir eu comme critique, l'avoir côtoyé depuis un certain temps
ici à l'Assemblée nationale! H a cette bonne habitude, peu
importent les circonstances, de flatter à peu près tous les
personnages avec qui il a des relations et c'est une marque de politesse, comme
on me l'indique, de distinction. Il n'en demeure pas moins qu'on a une
responsabilité. On a des choses à faire comme Opposition
officielle et on a l'intention de les faire le plus convenablement possible
à l'intérieur des règles qui nous régissent, M. le
Président.
Ce n'est pas par toutes sortes de flatteries qu'il faut oublier ce
pourquoi nous sommes convoqués avec une suspension des règles;
nous sommes quand même en train de discuter un projet de loi
spécial. Peu importent les commentaires que nous ferons sur le projet de
loi, il n'en demeure pas moins que c'est une mesure d'exception. A ce sujet, ce
gouvernement a à peu près tout dit avec ses ténors quand
il était dans l'Opposition sur notre incapacité,
l'irresponsabilité, les conflits qui traînaient en longueur et
qui, obligatoirement, nous obligeaient à arriver avec des
règlements en catastrophe, ce qu'on appelait les lois spéciales.
Cela, je l'ai dit tantôt, ce serait fini avec ce beau et bon gouvernement
qui, lui, respecterait sa parole, qui, lui, aurait à peu près
toutes les solutions, à n'importe quel moment, à tous les maux de
la société.
Le projet de loi comme tel, M. le Président, avant d'aborder les
questions de fond et de revenir systématiquement sur les choses qui ont
été dites, il est clair... J'ai trouvé cela curieux,
d'ailleurs le ministre de l'Éducation a parlé pendant trois ou
quatre minutes sur le projet de loi et il a bien parlé 45 minutes sur
des grandes théories, valables mais qui méritent dans une
société d'être partagées et d'être
discutées. Ce n'est pas si certain que nous allons, à chaque fois
qu'il y aura de la théorisation sur des grands principes sociaux,
partager ceux du Parti libéral. Quand on sait que c'est d'abord et avant
tout un gros club privé, d'intérêts privés, il me
semble que c'est important de dire cela à la population. Les gens le
savent, les gens sont conscients qu'il y a des choses qu'il faut dire.
Tout ce que le projet de loi dit, M. le Président, c'est qu'on
veut que la grève cesse. Même si le "timing" n'est plus là,
la session est finie, les étudiants sont partis, ce n'est pas grave. On
fait accroire à la population que nous sommes des gestionnaires
efficaces et qu'on s'occupe... J'en ai entendu un, et on va y revenir
tantôt, dire que le coeur, le centre du conflit, c'est la
préoccupation des étudiants, imaginez! Ils sont tous partis, la
session est finie. Ils veulent avoir des jobs durant les vacances, c'est
normal. Il y a des étudiants étrangers qui étudient
à l'Université du Québec à Montréal. Ils
sont retournés là d'où ils venaient, c'est normal. On va
essayer de faire accroire cela à la population et on va le laisser
passer parce que c'est doucereux, que M. Larose a été gentil et
que tout le monde est beau et fin? Non, c'est un projet de loi spécial,
M. le Président, et on va en parler. Le projet de loi comme tel dit,
ce
n'est pas malin: Arrêtez cela, cela n'a pas de bon sens,
même si on a laissé faire pendant sept semaines où
c'était capital qu'il y ait un règlement.
Deuxièmement, on fait obligation d'arriver à 7 h 50 ou 8 h
15 si c'est votre horaire. Imaginez! dans un projet de loi spécial,
commencer à discuter de l'horaire! S'il y en a qui sont convoqués
à 16 heures, arrivez à 16 heures, on ne vous fera pas de
problème.
Troisièmement, on reconduit la convention collective. Là
vous avez un point important, M. le Président. M. le ministre de
l'Éducation a eu la franchise de dire: On reconduit la convention
collective. À un moment donné il a dit d'une façon
très claire: Ce n'est pas l'urgence, ce n'est pas les cours, c'est qu'on
veut que la politique salariale du gouvernement, qui s'applique à
l'ensemble des secteurs public et parapublic, soit également applicable
à des chargés de cours, même si la problématique est
tout autre. (19 h 20)
Même si les besoins sont fondamentalement différents,
même si cela n'a pas un brin d'allure, à un moment donné ne
pas regarder précisément les besoins d'un groupe en particulier,
vous allez passer dans le canal de la politique supposément de la
fonction publique et parapublique que nous avons. C'est cela que le ministre de
l'Éducation a dit, à un moment donné, d'une façon
très claire.
Je voudrais, M. le Président, parce que c'est ma
responsabilité revenir d'abord sur les propos du ministre du Travail.
Qu'est-ce qu'est venu faire le ministre du Travail dans ce débat? Comme
d'habitude, avec son ton le ministre du Travail est venu nous dire qu'il
était correct comme ministre du Travail, qu'il avait fait sa "job",
qu'il n'avait absolument rien à se reprocher. Et puis il nous a fait
l'historique du conflit de travail dont nous parlons, à savoir celui des
chargés de cours dont la grève a débuté le 23 mars
et qui en est à sa septième semaine. D'une façon
très détaillée, comme il est capable de le faire, en
mentionnant étape par étape, jour par jour, l'ensemble des
interventions de son équipe de travail, il est venu nous dire que, lui,
comme ministre du Travail, il s'était assuré de mettre les
meilleures ressources humaines disponibles qu'il y avait au ministère
parce que, ailleurs, ces mêmes ressources humaines avaient réussi
à régler un conflit et qu'en conséquence il n'avait rien
à se reprocher. Il est venu nous dire qu'il y avait eu 18 séances
de conciliation. Il est venu nous expliquer qu'il n'avait aucun reproche
à se faire parce qu'il avait eu des contacts informels, il avait eu des
contacts formels, il avait mis toute sa disponibilité, nuit et jour,
nous a-t-il dit, avec son collègue membre du gouvernement, le ministre
de l'Éducation.
On n'a jamais dit que ces gens-là ne s'étaient pas
parlé. J'espère qu'ils se parlent de temps en temps. On n'a
jamais dit que le ministre du Travail n'avait pas assumé les
responsabilités de ministre du Travail. Mais on va dire ce qu'on a
à dire et on va expliquer un peu leur interrogation, leur dire pourquoi
nous ne sommes pas d'accord avec le projet de loi. Pourquoi nous sommes contre
le projet de loi? Je vais avoir l'occasion d'y revenir et de le dire d'une
façon très précise. Je voulais juste couvrir un peu
l'aparté du ministre du Travail qui est venu nous dire: Regardez-moi
comme je suis beau, comme je suis fin, moi, je fais ma "job" comme ministre du
Travail. Qu'il y ait des conflits, que cela se termine par une loi
spéciale, ce n'est pas mon problème. Moi, j'ai fait ma "job",
j'ai mis toutes les dispositions à la portée des parties. Le
résultat n'est pas concluant. Donc je n'ai rien à me reprocher.
Je veux reprocher une seule chose au ministre du Travail, premièrement,
c'est d'être membre de ce gouvernement, deuxièmement, comme membre
du gouvernement de ne pas avoir assumé leurs responsabilités. Je
vais revenir tantôt sur le problème majeur, le problème de
fond de ce conflit qui a été très bien identifié
par le ministre de l'Éducation.
Même chose en ce qui concerne le ministre de l'Éducation.
Revenons-en aux propos du ministre de l'Éducation qui commence son
plaidoyer en disant: Nous n'aurions pas pu faire autrement. Et là, il
m'explique, il dit: Vous, M. Gendron, cela fait quand même un bout de
temps que vous êtes ici. Vous savez que, tant qu'un conflit est sous la
responsabilité du ministre du Travail, je ne peux rien faire. Il faut
que je le laisse sous la responsabilité du titulaire responsable des
relations du travail parce que c'est un conflit de travail. Je ne veux pas
savoir cela. Je suis au courant de cela, M. le Président. Il nous dit:
Quand aurait-il fallu intervenir? Êtes-vous capable de m'indiquer que
cela aurait été plus avantageux d'intervenir au préalable?
À quel moment précis nous aurait-il fallu intervenir comme
gouvernement? À la cinquième, sixième, huitième
semaine? Nous on dit: Oui. On va vous la donner la réponse. Nous pensons
que fondamentalement ce conflit, puisqu'il est relié à une
question de sous-financement décriée, dénoncée
depuis des années, pour lesquels ces qens-là ont pris des
engagements en campagne électorale en disant: Cela n'a pas de bon sens,
il faut rehausser les bases de financement universitaire, pas uniquement pour
mettre plus d'argent dans le système, mais pour que les parties
concernées, y compris les dirigeants de l'Université du
Québec à Montréal, puissent assumer, pleinement et
entièrement, l'entièreté de la gestion d'un centre
d'études universitaires au
Québec.
Il appartenait à l'Université du Québec à
Montréal de négocier avec l'autre partie, à savoir le
syndicat des chargés de cours de l'Université du Québec
à Montréal. Mais pour le faire, il est inacceptable qu'une des
premières remarques qu'ils ont faites, avant même de commencer les
négociations... Avant même que les négociations commencent,
l'administration de l'Université du Québec à
Montréal a dit ceci: Nous avons recours massivement aux chargés
de cours à cause d'un sous-financement chronique. Je tiens à vous
signaler que ce n'est pas moi qui parle. Je ne suis que le haut-parleur de ce
qui a été dit par les dirigeants universitaires. Je
répète parce que c'est fondamental. L'administration de
l'université a recours massivement aux chargés de cours à
cause d'un sous-financement chronique. Qu'est-ce que cela signifie? Cela
signifie deux choses. Tout le monde sait - M. le ministre de l'Éducation
l'a répété à trois ou quatre reprises - que le
coût annuel d'un chargé de cours, pour l'université, n'est
sûrement pas le même que celui d'un professeur à temps
plein. Il a dit que la situation des chargés de cours, cela fait
longtemps qu'elle existe, que ce n'est pas lui qui avait inventé cela et
que c'est nécessaire dans le réseau universitaire, nous en
sommes, mais pas abusivement.
Quand une université dit: On utilise de façon massive des
chargés de cours pour dispenser l'enseignement, elle sait très
bien que, ce faisant, elle ne s'acquitte pas pleinement de sa
responsabilité universitaire, compte tenu des faiblesses de la dimension
recherche et de l'encadrement; j'y reviendrai tantôt. Quand
l'université dit: Écoutez, je suis étouffée, je
n'ai pas fait le choix -c'est toujours l'université qui parle - de faire
des déficits accumulés, et je veux essayer de rester dans les
limites du financement qu'on m'accorde, elle nous dit par là qu'en
utilisant massivement les chargés de cours -excusez l'expression - elle
fait de l'argent. Cela lui coûte moins cher, elle économise et,
par le fait même, il y a des gens qui sont pénalisés.
Comme je vous l'ai mentionné, M. le Président, c'est connu
depuis fort longtemps. Ce sont ces gens qui, en campagne électorale, ont
dit: Nous, on va réqler le problème du sous-financement
universitaire. Ils voulaient tellement le régler que, tout de suite
après la prise du pouvoir, ils ont également, comme geste
inconséquent et irréfléchi, coupé encore, en plus
de ce qui s'était passé compte tenu des difficultés
budgétaires et de la crise économique de 1981, 1982 et 1983. Ils
ont encore sous-financé les universités.
C'est tellement vrai que ce sous-financement a été maintes
et maintes fois dénoncé par le ministre de l'Éducation
actuel qui était critique en matière d'éducation dans
l'Opposition. Combien de fois pourrait-on sortir les beaux discours qu'il a
prononcés en cette Chambre? Combien de fois? II a également
été amplement démontré, lors de la commission
parlementaire, que ce gouvernement a pris l'engagement d'entendre l'ensemble
des parties concernées pour faire l'évaluation du financement des
universités du Québec et pour conclure, non pas ce qu'on a
entendu, qu'il fallait continuer à regarder cela et qu'il fallait
continuer à faire des analyses, mais le ministre lui-même, avant
de se faire rabrouer par son premier ministre, avant de perdre la petite
bataille qu'il a livrée avec le président du Conseil du
trésor, a été obligé, dans ses conclusions de la
commission parlementaire sur le financement universitaire, de reculer comme
jamais par rapport aux positions d'entrée qu'il a utilisées lors
de l'ouverture de la commission parlementaire, constatant le sous-financement
universitaire. Coupure de 34 000 000 $ dans l'enveloppe, par ce gouvernement,
la première année de sa gestion! Cette année, avec des
crédits additionnels, avec une année d'abondance, selon le
président du Conseil du trésor et le ministre des Finances dans
un budget présenté en catastrophe, tout ce qu'ils ont pu ajouter
est à peine l'équivalent de la compression qu'ils avaient
effectuée l'an dernier. Donc, on est en 1987, mais cela veut dire qu'on
revient au niveau de 1985-1986.
L'UQAM a raison de prétendre qu'elle ne touchera pas grand-chose
de ces sommes. On ajoute seulement 15 000 000 $ à la base de
financement, soit - écoutez bien le chiffre - 1,5 % de l'enveloppe
actuelle. Le ministre de l'Éducation lui-même a convenu qu'elles
étaient sous-financées. Il en a parlé tantôt en
disant que la subvention per capita par étudiant à
l'Université du Québec à Montréal est de 4700 $
alors que, dans les autres universités, elle se situe davantage autour
de 7000 $ per capita. Donc, le sous-financement a notamment eu pour effet de
bloquer l'embauche de nouveaux professeurs, d'engager davantage de
chargés de cours et, avec toutes les conséquences que cela
implique, les professeurs de l'Université du Québec à
Montréal ont essayé de dire: Pour nous, il serait à peu
près temps de revendiquer une classification salariale c'est cela le
coeur du problème - et un perfectionnement qui permettrait un
véritable développement de l'université sur des bases
d'équité qui, seules, peuvent permettre une expansion continuelle
et équilibrée de l'Université du Québec à
Montréal. (19 h 30)
Nous avons exactement le même point de vue, à savoir qu'il
appartenait aux dirigeants de l'Université du Québec, s'ils
avaient la conviction que, pour eux, le
moment était venu de faire un effort pour tenir compte d'une
situation particulière des chargés de cours, il leur appartenait,
à l'intérieur de l'enveloppe dont ils disposent, d'exercer
librement cette orientation. Mais avec un sous-financement chronique comme ils
connaissent, avec l'obligation de s'en tenir à l'intérieur des
enveloppes octroyées et de ne pas faire le choix de déficits
accumulés ou exagérés, il devenait très difficile
d'aller plus loin. Ils ont fait le choix de ne pas négocier, de ne pas
tenir compte véritablement de la demande syndicale, de la situation
particulière, en sachant que le ministre de l'Éducation, le
gouvernement arriverait, en fin de compte, avec une loi spéciale parce
que, comme je l'ai mentionné tantôt, ces éléments
étaient connus depuis le début. Ces éléments
étaient connus depuis le début de la négociation et,
fondamentalement, le point majeur de cette négociation, c'était
une politique salariale mieux adaptée à la réalité
des chargés de cours. C'était cela, M. le Président. Ces
éléments étaient connus depuis le tout début.
Je pense également, M. le Président, qu'on ne peut pas
laisser passer sous silence Ce que j'ai mentionné tantôt, ce
qu'ils ont essayé d'appeler la justification de leur loi spéciale
parce qu'ils s'occupaient du coeur du problème, ce qui est au centre du
conflit, les conséquences graves et importantes pour les
étudiants. Nous ne pouvons pas être d'accord, nous ne pouvons pas
marcher et contribuer d'une façon illusoire à l'idée qu'en
intervenant par une loi spéciale, on va ainsi régler les
problèmes étudiants et que, ainsi, on va régler les
problèmes majeurs causés aux étudiants par l'arrêt
de travail. Nous sommes convaincus que le problème est beaucoup plus
fondamental.
Je voudrais prendre quelques minutes sur cet aspect parce qu'il
m'apparaît primordial. J'ai eu l'occasion, M. le Président, entre
autres, de communiquer avec Mme Josette COté, qui est une des
responsables d'associations étudiantes et elle m'a dit ceci: M. Gendron,
je suis personnellement contre une intervention du gouvernement, surtout par
loi spéciale, parce que, de toute façon, c'est encore les
étudiants qui vont continuer à être
pénalisés. Les étudiants vont continuer à
être pénalisés parce que, d'abord, on n'améliorera
sûrement pas le climat à l'intérieur du personnel
concerné, qui a l'obligation et qui a également la conviction
qu'il joue un rôle important dans la formation des jeunes qui passent par
l'université, même s'ils ont un statut de chargé de cours.
Je reviendrai quelques minutes sur le statut. Elle nous dit en plus que c'est
dégrader le climat. Nous serons exactement, l'an prochain, dans les
mêmes conditions, M. le Président.
Quelle est exactement la condition des chargés de cours? J'ai eu
l'occasion de le dire quelques secondes tantôt. Ce sont des gens qui,
dans certains cas, ne bénéficient à peu près
d'aucun encadrement professionnel. Quand je parle comme cela, M. le
Président, ce n'est pas contre les personnes concernées. Ils
n'ont même pas de statut professionnel reconnu. Ils n'ont pas un statut
institutionnel véritablement de professeurs d'université qui ont
une responsabilité éducative. Donc, cela veut dire des temps
d'enseignement, des temps de recherche, des temps d'encadrement. Toutes ces
dispositions, M. le Président, ce n'est pas par une loi spéciale,
avec le prétexte qu'on va faire redémarrer les cours, qu'on va
permettre que les conditions de vie des chargés de cours et, par voie de
conséquence, des étudiants qui doivent recevoir ces cours, vont
être améliorées pour les prochaines années. Si je
reviens à Mme Josette Côté, elle me disait: C'est pourquoi
nous avons appuyé la revendication des chargés de cours depuis le
début. C'est pourquoi nous sommes en accord avec leurs revendications.
Cela ne veut pas dire que nous partageons à 100 % les demandes du
syndicat des professeurs et des chargés de cours. On partage une chose:
Laissons à l'université la responsabilité, par un
financement adéquat, de prendre ses responsabilités. Cela va
éviter les ingérences continuelles du ministre de
l'Éducation dans le domaine de l'enseignement supérieur,
ingérences, à tout bout de champ, répétées
à la suite de la commission sur le financement, son beau discours sur le
refus de considérer la nomination de l'ancien ministre libéral,
M. Jean-Paul L'Allier comme recteur de l'Université Laval, son
ingérence dans un comité, récemment, concernant la gestion
du réseau UQ, concernant les orientations et le financement du
réseau UQ. Nous ne pensons pas, M. le Président, qu'on va
réussir à développer d'une façon convenable la
responsabilisation des intervenants universitaires si, à tout bout de
champ, c'est le ministre de l'Éducation qui dit: Vous allez passer par
là, vous allez passer à travers la politique salariale du
gouvernement.
Si le ministre de l'Éducation a voulu par une loi confier la
responsabilité de l'enseignement supérieur à des
directions universitaires, il leur appartient de prendre certaines
décisions. Comme il leur appartenait cette année de faire un
effort pour la reconnaissance d'une classification salariale qui aurait tenu
compte de l'apport important et significatif des chargés de cours, mais
pas uniquement en ce qui concerne le temps d'enseignement. Ces gens-là
ont prétendu dans des documents quand même assez
étoffés, dans des documents qui ont été
fouillés que si au minimum ils avaient une responsabilité de 50 %
de temps d'enseignement, s'appuyant sur certains documents, le syndicat
évaluant à 50 % le temps consacré par les professeurs
à
l'enseignement, donc un chargé de cours devrait être
payé un huitième du salaire moyen d'un professeur.
Je ne veux pas faire ici, dans un débat de deuxième
lecture, un très long exposé sur les chiffres. Tout ce que je
veux signaler, M. le Président, c'est que nous arrivons avec une loi
spéciale qui dit qu'il faut que cela recommence, mais je veux signaler
qu'on n'a rien réglé. Il y a donc danger que cela recommence mais
pas de la bonne façon. Le ministre de l'Éducation est constamment
revenu - et je suis convaincu qu'il va y revenir dans sa réplique - en
disant: Oui, mais écoutez, vous n'avez rien préconisé
comme solution, vous n'avez pas mentionné ce que vous auriez fait
à notre place. Oui, on dit que nous, dans ce dossier-là, si on
avait, après la commission parlementaire sur le financement des
études universitaires, convenu - il me semble que la preuve a
été largement faite, largement démontrée, largement
appuyée - qu'il était urgent d'avoir un financement plus
respectueux des besoins respectifs, cela aurait permis que les responsables,
les gens concernés, les parties... Il disait souvent: Suivant nos lois
du travail, on n'a pas... il faut laisser courir... il faut laisser les parties
cheminer et, à un moment donné, le conflit arrive à une
maturité puis il se règle, et s'il n'arrive pas à
maturité parce qu'il n'a pas mûri, le gouvernement intervient et
prend les responsabilités à la place des intervenants
concernés.
Si l'université avait le financement requis, il me semble qu'il
aurait été beaucoup plus facile de faire les pressions chez qui
de droit, de donner le soutien technique qu'il fallait donner, de donner la
part du ministère du Travail, mais une fois pour toutes permettre de
faire une brèche significative importante dans cette reconnaissance
fondamentale d'une forme de rémunération mieux adaptée
à ce que font les chargés de cours.
Là on va le voir article par article, M. le Président, et
on va le voir à un moment donné dans les annexes, on va imposer
à ces gens-là même pas les dernières offres pour
probablement les culpabiliser, probablement pour leur montrer que c'est le
gouvernement du Québec qui mène et que tout le monde doit passer
dans le pipeline de sa politique salariale qu'il n'a jamais débattue
publiquement. Il n'a jamais expliqué pourquoi il n'y a pas certains
groupes, M. le Président, qui devraient, avec les justifications
appropriées, être soustraits, être à l'écart
de cette politique générale qui effectivement peut s'expliquer
à l'intérieur de la fonction publique, mais qui ne tient
sûrement pas compte des conditions particulières et
spécifiques de ce que sont les chargés de cours et de ce que font
les chargés de cours.
Quant à la référence au sujet de l'urgence et au
fait d'avoir une loi spéciale pour que les cours reprennent le plus
rapidement sans évaluer, M. le Président, à ce moment-ci
les conséquences absolument dramatiques pour les gens concernés,
les étudiants, parce qu'on sait qu'il y en a un très grand
nombre... Même si on dit les cours reprennent, lundi matin à telle
heure, est-ce à dire que les étudiants de l'étranger vont
être là lundi matin à huit heures? Est-ce à dire que
ceux qui ont trouvé un emploi et qui ont décidé qu'ils
verraient à l'automne, à la prochaine session, comment finaliser
la session en cours, vont être là lundi matin parce qu'on l'a dit
dans une loi spéciale?
Nous, on pense, M. le Président, que c'est de la poudre aux yeux
pour les gens concernés, en ce qui concerne les étudiants, et ce
n'est pas exact qu'une telle loi spéciale va permettre de
rééquilibrer et, comme une intervention en bout de ligne, au tout
début, avec un financement approprié l'aurait permis, permettre
aux parties de jouer davantage leurs responsabilités, de s'acquitter de
ce qui leur appartient en termes de décision. J'ai toujours
pensé, M. le Président, que si l'Université du
Québec à Montréal voulait faire un effort et tenir compte
de sa situation particulière et spécifique, encore fallait-il
qu'elle puisse avoir les crédits requis pour regarder cela. A la
lumière des documents qu'on a examinés, à la
lumière de cette conviction qu'en fin de compte, si le conflit
s'éternisait, le gouvernement prendrait sa responsabilité
d'intervenir par une loi spéciale, c'était facile pour elle
d'avoir l'attitude qu'elle a eue, de ne pas trop faire d'efforts pour tenir
compte de la demande précise. (19 h 40)
Parce que le ministre de l'Éducation a été
très clair tantôt: le coeur du problème, toute la question
des négociations, pour ce qui est des chargés de cours, se
résumait à une question salariale fondamentalement.
Lui-même, insistant tantôt, disait: Écoutez, on est bons
princes, on reconduit la convention actuelle. Il n'a pas complètement
tort, d'abord en disant qu'à reconduire la convention collective
actuelle, il n'y a pas beaucoup de problèmes majeurs, puisque, quand on
regarde leurs dernières demandes, leurs dernières discussions, on
se rend compte que, fondamentalement, sur les clauses normatives, c'est le
statu quo, sauf pour l'accès aux charges de cours par la clause de
réserve pour les étudiants, et ainsi de suite, et, en dernier,
cela a été abandonné. Je suis convaincu qu'ils ne sont pas
pleinement satisfaits de l'offre déposée par la partie patronale
quant au perfectionnement, mais ce n'était pas un objet majeur, tout le
monde en conviendra. Pour les vacances, le statu quo, soit 8 %, il n'y a pas de
drame. Reconduire la
convention collective, il n'y a pas de drame. Il y avait un
problème majeur et, encore une fois, on ne l'aura pas
évalué au mérite, on n'aura pas permis que les
concernés, la partie patronale, puisse en faire une appréciation,
une évaluation vraiment significative en étant consciente qu'elle
aurait pu prendre cette responsabilité si elle avait eu les
crédits requis.
Non, je pense que, comme on l'a mentionné, la loi spéciale
va donner l'image, artificiellement, que tout est correct, que tout va
être repris et qu'enfin les sept semaines sont passées. Les
étudiants vont pouvoir reprendre leurs activités comme si on
était en plein milieu de l'année scolaire. On n'est pas en plein
milieu d'une année scolaire dans le monde universitaire, on est à
la fin d'une session qui, pour la plupart, est bel et bien terminée dans
des conditions difficiles ou, effectivement, on est resté une patte en
l'air. Ce n'est pas en retournant ces gens pour aller chercher une validation
officielle de la session qu'on va améliorer le climat et qu'on va
corriger les faiblesses de l'absence de locaux.
J'écoutais le ministre de l'Éducation tantôt. Il a
dit: Oui, on va regarder cela parce que des chargés de cours m'ont dit
qu'ils avaient une tâche qui, parfois, était aussi complète
que des professeurs à temps plein et qu'ils avaient la moitié, le
tiers, parfois le quart de leur rémunération. Je m'engage
à regarder cela. Pensez-vous que le ministre de l'Éducation ne
connaissait pas ces éléments depuis fort longtemps, lui qui a
été critique en matière d'éducation, lui qui est
ministre de l'Éducation depuis deux ans? Pensez-vous qu'il a besoin de
dire: J'ai encore besoin de recul pour regarder cela? C'est sa tendance,
règle générale, au lieu de prendre des décisions,
il faut qu'il regarde toutes les implications. Quand il a fini de toutes les
regarder, il recommence parce qu'il n'est pas sûr d'avoir toutes les
informations.
Il me semble que, dans ce dossier, il y a des éléments qui
étaient connus. Quand il me dit: J'ai entendu dire que certains
chargés de cours travaillaient dans des conditions pénibles:
absence de locaux, absence de bureaux de travail, incapacité
d'être associés à des projets de recherche, pensez-vous que
ce ne sont pas des éléments que le ministre de l'Éducation
connaît depuis fort longtemps?
Ma conclusion est la suivante. Artificiellement, on veut donner
l'impression que ces gens ont pris toutes les informations, on fait toutes les
vérifications et que, dans le présent cas, il y avait une seule
façon de régler l'affaire, même si on a fait des
suggestions, même si d'autres solutions auraient pu être
regardées. On a laissé aller la fin de session, on a
laissé aller le conflit et on arrive avec une loi spéciale parce
qu'on veut imposer fondamentalement la politique salariale du gouvernement
à un groupe qui aurait mérité mieux, à un groupe
qui aurait mérité qu'on regarde une fois pour toutes si, oui ou
non, on fait un effort important pour convenir que les chargés de cours
ont une mission éducative, une mission de recherche, une mission
d'encadrement et qu'en conséquence ils méritent que ceux pour qui
ils travaillent... Que je sache les chargés de cours de
l'Université du Québec à Montréal ne travaillent
pas pour le gouvernement du Québec; ils travaillent pour
l'université. Que l'Université du Québec ait la
capacité elle-même de regarder cela et de convenir si oui elle
pouvait effectivement tenir compte de leurs demandes mais à une
condition fondamentale, celle d'avoir le financement requis, ce qui n'est pas
le cas pour l'ensemble du réseau universitaire et ce n'est
sûrement pas le cas avec le petit montant qui a été
ajouté dans le récent budget du ministre des Finances. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est avec
consternation que j'apprenais aujourd'hui le dépôt de cette loi
d'exception par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science. Il fut une époque qui n'est pas si lointaine où le
député d'Argenteuil, qui officiait de ce côté-ci de
la Chambre, blâmait avec sévérité le gouvernement
pour sa gestion des relations du travail par l'utilisation de lois d'exception.
Je me rappelle le test à l'époque que le député
d'Argenteuil proposait au gouvernement en ce sens que toutes les étapes
devaient avoir été franchies d'une manière absolument
exemplaire et irréprochable - c'était ses propres paroles - pour
pouvoir justifier l'usage d'une telle loi d'exception.
J'aimerais examiner, M. le Président, les diverses étapes
qui ont été franchies dans ce dossier des chargés de
cours. J'aimerais par ailleurs rappeler rapidement au ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science les propos qu'il tenait
à l'époque, en février 1983, notamment, lorsqu'il disait:
La libre négociation, c'est un principe aussi fondamental en
démocratie que la liberté d'expression, que la liberté de
vote, que la liberté d'association; c'est un corollaire absolument
indispensable de la liberté d'association. Si vous avez la
liberté d'association et que vous refusiez la liberté de
négociation, vous n'êtes pas sérieux, c'est une
liberté de papier que vous avez, ce n'est pas une liberté
réelle. Ce que nous condamnons, disait-il à l'époque,
c'est l'utilisation de l'Assemblée nationale pour
contourner l'esprit et les exigences de nos lois ordinaires du
travail.
M. le Président, est-ce que tous les efforts humainement
possibles ont été déployés? C'est là, je
pense bien, la question qu'on doit se poser lorsqu'on a devant nous une loi
d'exception comme celle qui nous est présentée
présentement. Je dois vous dire, M. le Président, que je me suis
toujours méfiée, quel que soit le côté de la Chambre
que j'ai occupé, des motifs et justifications qu'on utilise à
l'usage des lois d'exception qu'on veut déposer. Encore une fois, je me
suis rendu compte aujourd'hui que j'avais bien raison, parce que
l'intérêt supérieur des étudiants que l'on dit
défendre, finit par se résumer dans les interventions par la
politique de rémunération salariale qu'on veut imposer.
Voyez-vous, M. le Président, le ministre du Travail et le
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science ont fait
état que les parties étaient ancrées. On a parlé
d'une voie sans issue, puisque les parties étaient, disait-on,
ancrées dans leur position. Alors, il faut comprendre que le
déblocage ne pouvait venir que du rattrapage. Le rattrapage supposait de
la part du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science un
acquiescement à sortir de la voie d'une politique salariale
dictée par le Conseil du trésor. Ce n'aurait pas
été un précédent, M. le Président. Pensons
aux procureurs de la couronne. Son homologue, le ministre de la Justice,
n'a-t-il pas d'abord plaidé, M. le Président? Peut-être que
c'est la première chose à laquelle on s'attendait de la part du
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, qu'il plaide la
légitimité des revendications des chargés de cours. Ce
serait peut-être une piètre consolation pour les chargés de
cours de constater malgré tout que leur campagne de sensibilisation aura
été réussie dans le cadre de leur présente
négociation. Leur campagne de sensibilisation à leurs
revendications légitimes a passé l'indifférence de
l'opinion publique.
M. le Président, je relisais l'ensemble des coupures de presse
qui ont fait état depuis sept semaines de cette question et je dois vous
dire que c'est là un très large consensus, cette situation ne
peut pas longtemps durer. Les chargés de cours ont certainement
réussi à augmenter les appuis dans la communauté
universitaire, mais je dirais dans la classe politique et dans les
médias, des appuis sur la nécessité de corriger cette
situation qui est elle-même génératrice de conflits. (19 h
50)
II faut voir que pour des centaines d'entre eux - on ne peut
peut-être pas parler pour la totalité des chargés de cours
mais certainement pour une bonne majorité d'entre eux - être
chargé de cours c'est constituer une main-d'oeuvre à bon
marché, ne disposant pas - tout le monde en convient -des conditions
essentielles à un travail universitaire de qualité. C'est
finalement occuper un emploi précaire, c'est être un enseignant
à la pièce, c'est avoir un salaire insuffisant, être
considéré comme un contractuel, communément entendu un
contractuel sous-payé, c'est être exclu de la participation aux
instances décisionnelles à l'université et c'est, en
d'autres termes, maintenir à l'université plus de 50 % de
l'enseignement sans être partie prenante à part entière. On
peut certainement reconnaître, M. le Président, même si
c'est pour une piètre consolation, qu'ils ont certainement réussi
à rejoindre l'opinion publique pour bien faire connaître leurs
revendications et la légitimité de leurs revendications.
Le ministre de l'Enseignement supérieur nous dit qu'il y avait
impasse, donc une voie sans issue, puisque - et je rapporte ici les propos
qu'il a tenus dans cette Chambre il y a à peine quelques minutes - le
coeur du litige étant que 85 % des revenus de subventions émanant
du gouvernement du Québec, il fallait appliquer la politique salariale,
la politique de rémunération. Je vous rappelle qu'il y a des
précédents où la générosité
gouvernementale, tout récemment, a été tout autre. Pensons
aux procureurs de la couronne qui eux aussi, avec raison, plaidaient la
légitimité de leurs revendications et eux aussi plaidaient la
nécessité d'un rattrapage et qui, pour les années 1986,
1987 et 1988 ont obtenu une augmentation totale de 35,8 %, augmentation de 35,8
%, consentie par le gouvernement à l'égard de cette
catégorie d'emploi, les procureurs de la couronne, qui - et tout le
monde en convenait - devaient bénéficier d'un rattrapage et qui
avaient une situation devant être corrigée.
Certainement que bon nombre de chargés de cours nous
écoutent et qui ont écouté le ministre de l'Enseignement
supérieur se sont quelque part indignés des marques d'affection
qu'il a manifestées à leur égard - je pense que c'est le
terme même qu'il a utilisé - et je dirais même sa
préoccupation en ce qui concerne l'amélioration de
l'atmosphère et du climat intellectuel à l'UQAM. La loi
d'exception qui est devant nous, M. le Président, aura plus pour effet
d'amener un climat de dégradation qu'un climat d'amélioration des
relations à l'université. Si on fait le test des étapes
qui doivent être franchies pour mettre à l'abri un gouvernement
qui utilise des lois d'exception, il faut reconnaître que, malgré
les séances de négociations dont a fait état le ministre
du Travail, il faut reconnaître que quelque action, pourparlers,
rencontres qui ont été conduits l'ont été par un
ministre qui savait de toute façon que cela ne devait donner aucun
résultat puisque,
ultimement, la politique salariale du Conseil du trésor devait
être celle que le ministre entendait imposer.
L'État a plus de responsabilité que quiconque parmi les
parties puisqu'il a le pouvoir ultime d'imposer et de contraindre. Il a aussi
le pouvoir de dénouer l'impasse avant que les parties en arrivent
à une voie sans issue. En l'occurrence, comme le ministre de
l'Enseignement supérieur l'a lui-même reconnu dans ce dossier des
chargés de cours, la seule façon de résoudre la question
était d'accepter qu'il y ait du rattrapage, était au moins
d'acquiescer au fait et de reconnaître le caractère inadmissible
de la situation, de reconnaître qu'il ne pouvait peut-être pas y
avoir une correction immédiate, mais qu'il devait y avoir certainement
un mouvement vers la correction dans le temps de ces disparités qui ne
sont pas acceptables. H y a deux catégories d'enseignants
réguliers, on le sait maintenant. Il y a des enseignants
réguliers à plein temps qui sont les professeurs et il y a des
enseignants réguliers qui sont, eux, des pigistes, qui sont instables.
Maintenant, l'ensemble des examens qui ont été faits de la
situation permettent certainement de constater que c'est en partie le travail
qui est réalisé par ces chargés de cours qui assure le
financement de l'université. Il y a là quelque chose de
paradoxal, M. le Président, qui ne peut pas durer longtemps et qui est,
en soi, générateur de conflits.
La recherche loyale d'un règlement négocié, puisque
c'est certainement ce test qu'on examine du côté des partis pour
savoir si on est en droit, maintenant, d'imposer une loi d'exception, la
recherche loyale d'un règlement négocié passait par
l'acceptation d'un rattrapage salarial du côté gouvernemental et
c'est ce refus, M. le Président, qui m'amène, comme
députée, à refuser également d'entériner
cette loi d'exception qui ne me semble pas, loyalement avoir été
justifiée dans les circonstances. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Alors, je reconnais maintenant M. le
leader de l'Opposition, le député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais joindre ma
voix à celles du député d'Abitibi-Ouest et de Mme la
députée de Maisonneuve et dire quelques mots sur ce projet de loi
48.
M. le Président, je ne reprendrai pas essentiellement ce qui a
été dit mais je voudrais attirer l'attention sur un ou deux
articles de ce projet de loi, même si l'étude article par article
se fera en commission plénière tantôt. On en est au niveau
de l'adoption du principe.
Le principe d'une loi d'exception c'est de prévoir des
pénalités si les gens ne se conforment pas à la loi. Je me
rends compte, M. le Président, que le ministre va complètement
à l'encontre de son discours sur le principe lui-même quand on lit
le projet de loi. Je vais m'expliquer. Le ministre reconnaît que certains
chargés de cours, pour ne pas dire la totalité des chargés
de cours, méritent une étude bien attentive - il y en a qui sont,
peut-être, dans des conditions même pas correctes -qu'il faudrait
modifier cela, qu'il faudrait créer, je ne sais pas si c'est un
comité, mais celui-ci devrait se pencher là-dessus.
M. le Président, je pense que cela ne prend pas de longues
études pour se rendre compte que si l'Université du Québec
en est rendue à avoir 1100 chargés de cours, c'est parce qu'elle
a trouvé là un moyen comme université de pallier son
manque d'argent en engageant des chargés de cours au lieu de professeurs
réguliers. C'est, comme pour les hôpitaux, d'ailleurs, où,
au Québec, on en était rendu à 55 %, à 60 % de
personnel pratiquement à temps partiel. C'est un des moyens que les
administrations locales ont trouvé durant les crises économiques
pour pallier le manque de budget.
Donc, un chargé de cours qui donne le même nombre de cours
qu'un professeur à temps plein et qui reçoit à peu
près le tiers ou la moitié de son salaire, ce n'est
sûrement pas une justice sociale. On doit, donc, conclure assez
facilement que ces gens-là ont droit à un rattrapage.
Je me demande, à ce moment-là, à moins que mes
renseignements ne soient inexacts, pourquoi un des derniers articles, l'annexe
en particulier qui prévoit les salaires... Si on est conscient des
anomalies, si on est conscient des lacunes graves, si on est conscient du
manque à gagner et du rattrapage que doivent faire les chargés de
cours, je me demande à ce moment-là - et je demande au ministre
dans sa réplique de me répondre et d'informer cette Chambre
là-dessus - pourquoi, s'il est exact que la dernière offre de la
partie patronale est supérieure à l'annexe, on ne retrouve pas,
à ce moment-là, quand on reconnaît le principe du
rattrapage, au moins l'offre la plus haute qu'ils auraient reçue.
Déjà il y a quelque chose qui ne marche pas, il y a quelque chose
qui accroche là. Il y a quelque chose, M. le Président, qui me
dit qu'on reconnaît candidement au niveau du discours qu'il y a un
rattrapage certain à faire et on les pénalise par rapport
même à l'offre supérieure qu'ils auraient reçue au
cours des négociations.
Une voix: C'est cela.
M. Chevrette: Cela ne marche sûrement pas, M. le
Président. Vis-à-vis des chargés de
cours on a assez de leur imposer une loi d'exception, une loi
spéciale qu'on devrait, au moins, quand on reconnaît le
caractère plutôt ombrageux dans lequel ils sont sur le plan de la
reconnaissance de leurs droits sur le plan salarial, qu'on reconnaît
qu'il y a un rattrapage à faire... Je me demande bien pourquoi une loi
spéciale viendrait les pénaliser davantage.
C'est un peu cela que la députée de Maisonneuve fait
ressortir et c'est drôlement important. C'est une loi qui serait punitive
à double titre à ce moment-là pour les chargés de
cours. (20 heures)
M. le Président, je suis aussi surpris que dans ce projet de loi
qui veut mettre un terme à une grève, on se donne des pouvoirs de
présomption de culpabilité carrément. Quand on dit "qui
aurait dû savoir", on ne prend même pas la précaution
d'aller voir si l'individu est en mesure de savoir, mais on le présume
coupable. C'est une présomption de culpabilité dans le droit
qu'on se donne. On se donne le pouvoir d'engager n'importe qui par
décret aux conditions qu'on fixe, qui peuvent même être
supérieures aux conditions qu'on offre. Ça va jusque là.
Quant à pousser l'illogisme, on peut le pousser au bout. On pourrait
adopter un décret et paye les chargés de cours
l'équivalent du salaire moyen payé aux universitaires. Et, les
professeurs à qui on reconnaît une certaine forme de rattrapage,
on les pénalise par rapport à la meilleure offre qu'ils auraient
reçue. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là. Je suis
convaincu que le ministre devrait nous éclairer là-dessus lors de
son droit de réplique, parce que c'est quand même important
d'essayer de comprendre les enjeux du projet de loi.
Ce projet de loi vise-t-il à punir absolument ou s'il vise
à mettre un terme à une grève? En tout cas, ça
m'apparaît être de deux niveaux à ce moment-ci, à
moins qu'on ne me prouve le contraire. Non seulement ce projet de loi vise
à mettre un terme par des pénalités très fortes,
mais il vise également à pénaliser les individus qui
auraient utilisé un droit légal, un droit reconnu par les lois du
travail.
M. le Président, plus que ça, le projet de loi va plus
loin. Il dit: On peut engager des professeurs sans pour autant limiter la
tâche. Est-ce pour donner exclusivement du rattrapage dans le cadre du
rattrapage à opérer ou si on peut engager n'importe qui pour
substituer pour tout le temps? Ce n'est pas dit dans le projet de loi. Il
faudra le regarder très sérieusement avec le ministre parce qu'il
m'apparaît que ça pourrait être l'occasion d'exercer des
vengeances, d'autant plus que le ministre ne se garde pas de pouvoirs quant aux
vengeances éventuelles. Il laisse tout ça à
l'autorité compétente qui est l'Université du
Québec.
Quand le législateur intervient, il doit au moins essayer de ne
pas en donner plus que le client en demande à l'autre bout. Je ne pense
pas que l'université soit allée jusqu'à lui demander de
lui donner porte ouverte à des vengeances et à un esprit
revanchard quant à l'application d'une loi. Je pense qu'il faudra le
regarder très sérieusement lors de l'étude article par
article.
Je voudrais revenir sur ce que je disais vers les 17 heures cet
après-midi en ce qui concerne l'urgence. Malqré qu'on ait
laissé filer longtemps cette grève sans intervention au moment
où on aurait dû le faire, il m'apparaît qu'on n'a pas fait
preuve de grande imagination pour essayer d'éviter que les
étudiants soient pénalisés davantage. Je reviens sur cet
aspect parce que je pense que le projet de loi risque de faire deux victimes:
non seulement les chargés de cours, mais également, doublement,
les étudiants. Cela m'agace que le ministre, qu'un ministère ou
qu'un gouvernement ne fasse pas les efforts pour minimiser les impacts et les
préjudices, pour les réduire au maximum. Cela
m'inquiète.
Est-ce que le ministre a véritablement pensé à des
formules pour tâcher de limiter les préjudices causés aux
étudiants? Est-ce que le ministre a pensé à des formules
pour tâcher de faire en sorte qu'un étudiant qui se verrait,
à toutes fins utiles, privé de son gagne-pain, qui se verrait
peut-être refuser une bourse parce que sa session n'est pas finie et
peut-être refuser son travail... S'il continue son travail et ne vient
pas finir sa session, il va perdre sa bourse et, en plus, il va se retrouver
dans une reprise éventuelle de la session. Est-ce que le ministre,
à ce moment-ci, ne pourrait pas faire montre d'ouverture à ce
niveau, essayer de regarder des cas particuliers? Il y a des pauvres dans notre
société. Il y a des gens qui sont juste au-dessus du seuil de la
possibilité d'avoir des bourses et pour qui c'est drôlement
important de travailler et qui se sont fiés dans leur embauche purement
et simplement au fait que l'université se termine le ou vers le 30 avril
et qui ont commencé à travailler depuis une semaine. Ces gens
vont avoir à faire un choix extrêmement douloureux. Ces jeunes
devront peut-être abandonner leur travail qu'ils viennent de commencer,
se priver d'un revenu de 4000 $, 5000 $ gagné durant les vacances pour
pouvoir continuer leurs études en septembre. Ne pourrait-on pas offrir
à cette jeunesse la possibilité d'avoir un laps de temps X pour
compléter le minimum d'heures qu'il faut pour réaliser cette
session sans être placés devant l'éventualité
où ils perdraient, à toutes fins utiles, le revenu qui leur
permet de continuer leurs études universitaires?
Il me semble qu'il y a place à l'imagination, il y a place
à la recherche de
formules qui permettraient d'éviter au maximum les
préjudices. Il me semble que, comme législateurs, comme
Parlement, on se doit d'aller dans ce sens. D'autant plus - je le
répète - que, si on avait voulu, les préjudices auraient
été un peu moins grands, il y a quelques semaines, pour
l'étudiant. Actuellement, pour bon nombre d'étudiants, les
préjudices sont pires aujourd'hui qu'ils l'auraient été il
y a deux ou trois semaines.
D'autant plus que le ministre lui-même a dit qu'avec deux semaines
de session, cela pouvait couvrir au moins la validité de la session. Si
tel est le cas, il me semble que, placé devant un état de fait
où des individus risquent à la fois de perdre une subvention ou
une bourse parce qu'ils n'ont pas fini et avoir à choisir entre une
bourse et un salaire qui leur permet de continuer, il y a de la place pour
trouver des solutions et pour permettre aux jeunes de continuer correctement
leurs études, puisqu'on n'a pas annoncé, que je sache, de
réforme au plan des prêts et bourses pour la prochaine
année. Ce n'est pas encore fait.
Il faut bien essayer de composer avec ce qui existe. Moi, cela
m'apparaît quelque chose qu'il faut fouiller, qu'il faut trouver à
très brève échéance pour permettre aux jeunes
étudiants de l'UQAM de ne pas être doublement
pénalisés. Je terminerai mon bref exposé en demandant,
bien sûr, au ministre de l'Éducation de faire preuve de beaucoup
de souplesse parce qu'on sait bien que le poids du nombre va jouer. Quand bien
même on se lèverait et qu'on parlerait pendant deux heures, trois
heures ou quatre heures, on sait que le poids du nombre va jouer pour
l'adoption de la loi. On a beau être contre, elle sera adoptée, on
le sait.
Il n'en demeure pas moins qu'il me semble qu'avec un peu de souplesse de
la part du ministre, un tant soit peu, si le ministre est aussi conscient des
préjudices qui ont été causés aux étudiants,
il devrait être conscient des préjudices que lui-même
s'apprête à causer à d'autres étudiants et, dans
plusieurs cas, des préjudices qui seront en double vis-à-vis de
certains étudiants. Cela m'apparaît... Ce ne sont pas tous des
gens de Montréal qui vont à l'UQAM. Ce ne sont pas tous des gens
résidant à Pointe-aux-Trembles ou à Montréal-Est ou
à Montréal-Nord. Il y a des gens de Joliette, il y a des gens
d'un peu partout dans le Québec qui vont à l'UQAM. Il y a des
jeunes qui ont à payer un logement, ils ont à payer des frais de
déplacement. Il y a des jeunes qui devront séjourner à
Montréal et dont le bail est échu depuis le 30 avril. C'est
à ces jeunes qu'on va demander des sacrifices additionnels en plus
peut-être de leur demander de sacrifier un travail assez
rémunérateur qu'ils avaient déjà trouvé.
Donc, M. le Président, nous serons certainement contre ce projet
de loi, parce que nous pensons qu'il arrive à un moment
inapproprié. On est convaincu, à ce stade-ci, que le ministre
aurait pu consacrer ses énergies beaucoup plus à trouver des
solutions administratives face aux jeunes. Il était capable, par
décret de s'assurer que les jeunes ne seraient pas
pénalisés en ce qui concerne les prêts et bourses; il
était capable, par directives administratives de s'assurer que les
jeunes pourraient reprendre, dans un laps de temps x, le nombre d'heures
manquées pour terminer leur session; il était capable, sur le
plan administratif, de trouver des solutions pour ce qui est des finissants et
de faire en sorte, M. le Président, que cela lui donne le temps
nécessaire pour la révision du financement des
universités. Trouver des solutions, car l'Université du
Québec, on peut l'appeler l'université populaire,
l'université du peuple. Il me semble qu'elle a le droit aux mêmes
traitements que les autres universités; j'en suis convaincu et je pense
que le ministre de l'Éducation est conscient qu'on ne peut pas avoir un
financement de 4500 $ per capita quand on sait que, dans certaines
universités, c'est 7000 $ ou 8000 $ per capita que l'on reçoit
comme ressources financières ou qu'on a comme ressources
financières. (20 h 10)
II y a une équité, d'autant plus que l'on doit la
rechercher. Le ministre lui-même disait à plusieurs reprises, et
je me souviens que, quand il était dans l'Opposition, il parlait de
sous-financement puis de sous-financement des universités. Malgré
l'effort de 37 000 000 $ qu'on avait fait la dernière année, en
1985, je me souviens que le ministre de l'Éducation, qui était
à l'époque critique de l'Opposition en matière
d'éducation, avait dit de son siège: Ce n'est pas beaucoup. C'est
le commencement d'un balbutiement quant au redressement du financement des
universités.
Ce même ministre, M. le Président, en 1986, s'est fait
couper 34 000 000 $ et cette année, il vante et louange le ministre des
Finances de lui avoir donné 40 000 000 $. Il se retrouve avec un solde
net, pour deux ans, de 6 000 000 $, ce qui ne représente même pas
l'indexation normale des dépenses du gouvernement pour
l'Université du Québec. C'est 6 000 000 $ net de financement que
le Parti libéral a apporté aux universités, 6 000 000 $ de
plus, M. le Président, avec un nombre accru d'inscriptions, avec un
nombre d'options beaucoup plus développées, et cela, le ministre
ne le dit pas.
Dans son discours sur le budget, hier, je l'ai écouté
religieusement. Il a louangé le ministre des Finances de lui avoir
donné 40 000 000 $. Il n'a pas dit qu'il s'était fait couper 34
000 000 $, puis il ne se rappelait pas avoir dit que c'étaient des
balbutiements quand on avait donné 37 000 000 $. La
rigueur intellectuelle, M. le Président, c'est quoi? C'est de
dire: Oui, je n'avais pas trouvé ça gros, 37 000 000 $. Je le
répète, ce n'était pas gros, 37 000 000 $. Là, on
aurait reconnu l'ancien éditorialiste du Devoir. On aurait vu que le
gars était cohérent et qu'il assumait la rigueur qu'on lui
connaît. C'étaient des balbutiements quand on donnait 37 000 000
$. Il disait qu'il allait au fond des choses, qu'il grattait, qu'il fouillait,
que c'était rigoureux, son affaire. Il ridiculisait le ministre des
Finances de l'époque d'avoir donné 37 000 000 $. Il s'en fait
couper 34 000 000 $, il ne dit pas un mot. Il en ajoute 40 000 000 $ et il crie
au miracle, alors que ça ne fait que 6 000 000 $ de plus que le dernier
budget du gouvernement du Parti québécois.
Si 37 000 000 $, c'était un balbutiement en 1985, imaginez 6 000
000 $ de financement additionnel sur deux ans, sur deux budgets du Parti
libéral, 6 000 000 $ de plus, solde net. Où est-ce qu'on va? Je
le comprends de dire que les universités sont sous-financées,
qu'elles ont de graves problèmes, qu'elles ont cherché des
solutions pour s'en sortir, mais il y a deux victimes dans ces solutions,
qu'ont trouvées le ministre et l'université: ce sont les
chargés de cours, qui sont les parias de l'enseignement universitaire,
et ce sont les étudiants qui, à ce stade-ci, sont doublement
pénalisés, non seulement sur le plan des études, mais
également sur le plan des revenus pour études. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science,
pour l'exercice de son droit de réplique.
M. Claude Ryan (réplique)
M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt les
choses qui ont été dites par nos amis de l'Opposition. J'essaie
de trouver la ligne directrice dans la position adoptée par nos amis
d'en face, et j'ai un peu de difficulté à y voir clair. Il y a
une chose qui était claire dans l'intervention de la
députée de Maisonneuve. Elle a cité un écrit que
j'avais commis, je pense, à l'occasion du débat sur la
désastreuse loi 111. C'est une loi qui enlevait aux travailleurs, d'un
coup de plume, sans négociation, sans rien, des droits fondamentaux.
J'avais écrit des lignes que la députée de Maisonneuve a
citées, et je suis heureux de répondre ce soir à la
question qu'elle a posée.
Est-ce que toutes les étapes ont été
respectées? Oui, elles l'ont été. Le ministre du Travail
en a donné l'ample démonstration tantôt. Justement, nous
n'intervenons à ce stade que parce que nous nous sommes soigneusement
assurés que toutes les étapes du processus démocratique de
négociation ont été suivies. Ce que j'ai du mal à
comprendre, c'est l'attitude des collègues de la députée
de Maisonneuve, y compris le leader de l'Opposition. Je ne voudrais pas qu'il
se sauve...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Ryan: C'est l'attitude du leader de l'Opposition qui, lui,
aurait voulu que nous fassions cela il y a un mois. Il n'a jamais dit ce qu'il
aurait voulu qu'on fasse il y a un mois, mais il aurait sûrement
été en contradiction avec la députée de Maisonneuve
s'il avait voulu que nous agissions par voie de législation il y a un
mois. Je pense que, s'il y avait eu un petit caucus entre vous pour
préciser plus clairement votre ligne de conduite, peut-être nous
auriez-vous été plus utiles dans les interventions que vous avez
faites ce soir.
Je veux assurer la députée de Maisonneuve, pour revenir au
premier thème des interventions de l'Opposition, que du
côté du gouvernement, nous tenons beaucoup à ce que les
processus réguliers de la négociation tels que définis
dans nos lois soient observés au complet. Là-dessus, je suis
heureux de signaler, une fois de plus, et j'ai eu l'occasion de le faire
souvent en cette Chambre, que je suis tout à fait d'accord avec le
ministre du Travail et avec l'orientation générale qu'il imprime
à la politique du gouvernement en matière de relations du travail
et, plus particulièrement, en matière de conflits de travail. Par
conséquent, quand je dis ces choses, je m'appuie sur un exemple
très solide, celui qui est donné par le ministre responsable de
ces choses au sein du gouvernement.
La députée de Maisonneuve a dit une autre chose
très importante à mon point de vue. Elle a dit: II ne pouvait y
avoir de déblocage dans ce conflit qu'à partir d'un rattrapage -
je pense qu'elle a raison - à partir d'une injection d'argent
additionnel. Le mot "rattrapage", je ne l'emprunte pas tout de suite, je ne
l'épouse pas maintenant, parce que je n'ai pas complété
l'étude que nous devons faire à ce sujet. Je voudrais rappeler
à la fois au leader du gouvernement... C'est malheureux quand il est
obligé de s'absenter, parce qu'il revient avec le même argument
qu'il avait employé avant; on lui a répondu deux ou trois fois,
mais il n'en a pas eu connaissance. Il n'écoute pas. Le dialogue, cela
progresse quand on écoute l'autre. Autrement, on n'avance à
rien.
Je reviens à l'argument invoqué par la
députée de Maisonneuve au sujet du rattrapage. J'ai cité
le cas de l'Université de Montréal qui a signé une
convention avec ses chargés de cours, il y a à peine deux mois.
Il s'agit d'un syndicat de chargés de cours affilié à la
même fédération de la CSN que
le Syndicat des chargés de cours de l'UQAM et ce syndicat a
réglé pour trois ans en respectant la politique salariale du
gouvernement; l'Université de Montréal aussi. Est-ce qu'on
voudrait suggérer qu'il eût été désirable que
le gouvernement dise à l'Université de Montréal et
à son syndicat des chargés de cours: Vous vous êtes
comportés comme des naïfs, comme des gens innocents; nous allons
vous donner l'exemple; voici une convention que vous auriez dû signer si
vous aviez été un petit peu plus forts dans les jeux de
pression?
La preuve n'a pas été faite que, dans les nombreuses
priorités qu'ils nous sollicitent au niveau des universités,
l'augmentation considérable de la rémunération des
chargés de cours doive être la première des
priorités à retenir. Nous avons une obligation qui nous impose
d'aligner la rémunération des chargés de cours sur celle
donnée dans l'ensemble des secteurs public et parapublic. Je pense que
la politique que nous suivons est difficile à critiquer parce que,
même les centrales syndicales - les grandes centrales syndicales, la CEQ,
la FTQ et la CSN - ont signé avec le gouvernement des conventions qui
respectent cette politique salariale du gouvernement. On l'a définie
avec elles dans certaines modalités. Ce n'est pas une chose
unilatérale qui a été faite, mais les fondements qui
avaient été établis par le gouvernement sont
demeurés. Alors, nous appliquons cette politique-là au
problème des chargés de cours. (20 h 20)
On dit, du côté de l'Opposition: II y a un rattrapage
à faire. Moi, je dis: Je ne suis pas au stade où je peux faire
une recommandation à caractère général au
gouvernement en ce qui touche le rattrapage qui devrait être fait. Je dis
que nous avons besoin de faire une étude plus approfondie, de
vérifier des faits plus soigneusement. Je m'engage à le faire au
cours de la prochaine année ou des prochains mois et je ne pense pas que
ce serait responsable de proposer davantage actuellement.
Je tiens à rappeler, encore une fois, que les priorités
que nous présentent les universités sont extrêmement
nombreuses et coûteuses. Le renouvellement du personnel régulier
est peut-être un problème plus urgent et plus aigu pour les
universités que le problème des chargés de cours à
bien des égards. On n'engage pas de personnel enseignant nouveau dans
les universités depuis déjà quatre ou cinq ans. Le
personnel enseignant vieillit d'une année à chaque année.
La moyenne d'âge, qui était de 45 ans, il y a cinq ans, a
monté d'une année par année depuis ce temps-là. Je
dis 45 ans, c'est hypothétique; je ne l'affirme point. Mais on voit la
moyenne d'âge augmenter d'année en année. Le potentiel de
création en matière de recherche et d'enseignement est
affecté et il ne peut pas demeurer au même point s'il n'y a pas un
renouvellement continu qui se fait. Cela prend de l'argent pour cela. Où
va-t-on mettre exactement l'argent? Là, nous avons fixé quelques
objectifs. Nous augmentons la base de financement de 15 000 000 $ cette
année. Nous ajoutons une somme de 10 000 000 $ pour le financement des
frais indirects de la recherche.
On nous a dit de toute part que les universités qui font de la
recherche sont pénalisées par rapport aux autres, parce que pour
un projet de recherche qu'un professeur obtient, il y a des dépenses qui
vont avec ça. Il y a du personnel, il y a des locaux, il y a de la
papeterie, il y a des services de communication, etc. On dit que, pour 1 $ que
vous obtenez pour la recherche proprement dite, ça coûte un autre
1 $ pour les frais indirects. Là, nous disons que nous allons injecter
une somme dans ce secteur pour la prochaine année. Pas dans deux ans
mais pour l'année 1987-1988, celle qui est commencée. De plus
nous disons: II y a des déficits accumulés. Notre principe, c'est
que les universités doivent financer leurs déficits, les
reprendre en main. Mais il y a eu des cas d'injustice,
d'inégalité au cours des dernières années. On va
donner un certain coup de pouce à des universités qui ont
été l'objet d'un traitement carrément inégal. Ce
n'est pas énorme mais c'est quand même un bon coup de pouce qui
sera apprécié de la part des universités.
On nous avait signalé que les équipements dans les
universités laissent énormément à désirer.
Je l'ai constaté moi-même, je l'ai signalé dans des
interventions antérieures en cette Chambre. Nous aurons 5 000 000 $
garantis par année pendant les quatre prochaines années pour
l'amélioration des équipements.
Les bibliothèques, 5 000 000 $ par année pour les deux
prochaines années. En tout, les crédits nouveaux qui sont
engagés pour les universités au cours des quatre prochaines
années, 119 000 000 $. Ce n'est pas la fin, ça. Je peux vous
assurer tout de suite que l'an prochain je vais revenir. Il y a d'autres
besoins qui vont se présenter mais ce sont des choses qui sont acquises,
c'est un fondement sur lequel on va bâtir davantage. À comparer
avec le régime malthusien qu'on avait connu auparavant, je pense que
c'est une immense amélioration et cela pratiquement au début du
mandat du gouvernement et non pas juste à la veille de
l'élection, comme l'avait été l'injection de 38 000 000 $
du gouvernement précédent.
Je pense que la position que nous défendons se justifie
très bien. Je comprends le souci de la députée de
Maisonneuve et encore une fois, quand nous aurons cerné avec plus de
clarté les données réelles de ce problème, nous
verrons à proposer les
remèdes qui pourraient être nécessaires.
Le député de Joliette semblait beaucoup s'inquiéter
des étudiants et de l'accès aux bourses. Quand j'ai parlé
au début de notre débat, je parlais des étudiants qui
veulent tenter d'obtenir des bourses privées pour l'année
prochaine. Il faut qu'ils fassent leur demande au printemps ou à
l'été. On dit: Pour l'obtention de telles bourses, il faut que
vous ayez un baccalauréat ou il faut que vous ayez une maîtrise.
Les étudiants qui étaient au niveau du baccalauréat, il y
a la moitié de leurs cours qui n'étaient pas donnés depuis
six semaines. Pas de baccalauréat, pas de demande admissible pour
l'obtention d'une bourse privée. On ne parlait pas des bourses
publiques. Dans le domaine public, le député de Joliette n'a pas
à s'inquiéter, nous allons faire en sorte que personne ne soit
l'objet de conséquences injustes découlant du conflit. Je peux
vous assurer qu'on va regarder avec une attention particulière les
problèmes qui pourraient exister. Tous ceux qui étaient inscrits,
qui avaient accès à l'aide financière, ils ont reçu
l'aide financière à laquelle ils avaient droit et on n'a
exigé de personne qu'ils nous remboursent les sept semaines pour
lesquelles ils auraient touché une bourse ou un prêt et pendant
lesquelles ils n'auraient pas reçu de cours. Ça va faire deux
semaines de cours au lieu de cinq et on ne demandera pas la différence,
ça va rester dans l'un des goussets de l'étudiant ou de
l'étudiante concerné.
Par conséquent, c'est bien beau de verser des larmes pour la
télévision mais il faut d'abord s'informer des problèmes
réels et après ça peut-être qu'on peut tenir un
langage bien différent.
Je finis. Il y a un autre point sur lequel j'entends des apitoiements
mal éclairés de la part de l'Opposition. On parle de ces jeunes
qui sont partis de chez eux. Il y en a qui sont partis chez eux, je l'ai dit
moi-même, qui restent loin, qui ont déjà pris des emplois.
C'est vrai qu'il y a des conséquences qu'on ne pourra pas
réparer. Je l'ai dit tout le long du débat.
Ainsi que je l'ai signalé, la majorité des
étudiants inscrits à l'UQAM sont des adultes qui travaillent
à Montréal ou dans la région, qui vont être
très heureux de compléter leur session au cours des deux
prochaines semaines et qui pourront ensuite entreprendre une session
d'été ou une nouvelle session en septembre prochain qui leur
permettra d'atteindre l'objectif qu'ils se sont fixé. Mais penser que
c'est rien que des jeunes et qu'on aurait pu arranger tout cela il y a un mois,
aie, sortez du simplisme élémentaire! Ce ne sont pas des "cannes
de bines". C'est plus compliqué que cela.
Je peux vous assurer que ce que nous faisons est dans le plus grand
intérêt de la clientèle réelle de
l'Université du Québec à
Montréal à l'heure actuelle et non pas d'une
clientèle imaginaire comme celle qui existe encore chez ceux qui
conçoivent l'université selon les dimensions où on la
connaissait il y a dix ou quinze ans. L'université d'aujourd'hui est une
réalité très différente. On s'en va de plus en plus
vers une situation où la majorité des étudiants inscrits
dans nos universités sont en même temps au travail. Même
dans les collèges, M. le Président, une enquête
récente a montré qu'un étudiant sur deux travaille en
même temps qu'il suit des cours. A l'université, à plus
forte raison, il y en a encore plus que cela.
Par conséquent, ce que nous faisons est absolument
nécessaire pour tous ces étudiants qui vont être capables
physiquement, professionnellement et humainement de reprendre le collier
à l'Université du Québec à Montréal lundi
prochain. Pour le reste, je pense que nous avons fait amplement la preuve que
nous sommes capables de prendre un problème et de le mener à
terme. Mais qu'on n'attende pas de nous des solutions tant que nous n'aurons
pas complété les études nécessaires. Ce serait agir
de manière irresponsable.
Le projet de loi que nous présentons est modéré. Je
pense qu'il est ferme également parce que c'est un projet de loi qui
vise de l'action. Ce n'est pas un énoncé de théories. Nous
visons des résultats concrets lundi prochain et je veux assurer tous les
intéressés, les autorités de l'Université du
Québec à Montréal, les professeurs réguliers, les
chargés de cours, les étudiants, que nous leur accorderons toute
la collaboration et l'aide qui peuvent être attendues du gouvernement
afin que les fins pour lesquelles cet établissement universitaire a
été créé par l'Assemblée nationale puissent
être remplies au maximum. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 48, Loi sur la
reprise de certains services de l'Université du Québec à
Montréal, est adoptée?
M. Chevrette: Adopté sur division.
Le Vice-Président: Adopté sur division. M. le
leader du gouvernement.
Étude détaillée
M. Gratton: M. le Président, conformément à
la motion que nous avons adoptée, je proposerais maintenant que
l'Assemblée se transforme en commission plénière pour que
nous procédions à l'étude détaillée du
projet de loi.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. L'Assemblée
nationale se transforme donc maintenant en commission plénière.
(20 h 30)
Commission plénière
M. Saintonge (président de la commission
plénière): À l'ordre, s'il vous plaît-La
commission plénière se réunit pour l'étude
détaillée du projet de loi 48, Loi sur la reprise de certains
services de l'Université du Québec à Montréal. Au
départ, je dois préciser que la durée maximum du mandat
qui nous a été alloué est de deux heures puisque nous
avons à faire rapport au plus tard deux heures après le
début de nos travaux et que dix minutes avant l'expiration de ce
délai je devrai mettre aux voix, sans débat, les articles et les
amendements dont la commission n'aurait pas disposé à ce moment.
Puisqu'il est exactement 20 h 33, notre mandat ne pourra excéder 22 h
33.
Je demanderais si dès maintenant M. le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la
Science ou même les représentants de l'Opposition ont des
amendements à déposer ' pour étude par cette
commission.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Je voudrais déposer un projet d'amendement
touchant l'article 18. C'est un amendement qui ne touche pas le fond de
l'article 18, mais qui vise une certaine clarification dans la formulation.
Le Président (M. Saintonge): Très bien, M. le
ministre. Je comprends que cet amendement a déjà
été distribué à l'Opposition et nous en sommes
saisis. Nous y reviendrons à l'étude de l'article 18. Au
début de nos travaux, je demanderais au ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science s'il a quelques remarques
préliminaires. M. le ministre.
M. Ryan: Je n'ai pas d'autre remarque préliminaire que de
rappeler l'objet du projet de loi qui est d'assurer la reprise normale des
activités d'enseignement des chargés de cours à
l'Université du Québec à Montréal à compter
du lundi matin 11 mai.
Le Président (M. Saintonge): Très bien, M. le
ministre. Pour l'Opposition, M. le leader de l'Opposition, aucune remarque?
M. Chevrette: Étant donné qu'on a seulement deux
heures pour s'attaquer à l'étude article par article, je pense
qu'on va s'abstenir de tout commentaire.
Interprétation et application
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Je vous
remercie. Nous allons donc dès maintenant commencer l'étude
article par article. J'appelle par conséquent l'article 1. M. le
ministre.
M. Ryan: II s'agit dans l'article 1 de définitions. Je
n'ai pas de remarque particulière à faire au sujet des
définitions qui me paraissent tout à fait acceptables.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Est-ce
qu'il y a quelque question? Pas de question. L'article 1 est-il
adopté?
M. Chevrette: C'est une terminologie juridique en fonction des
conventions existantes, je suppose, et des accréditations. On n'a pas
à définir... Je suppose que cela a été
vérifié dûment par Me Brière.
Le Président (M. Saintonge): C'est ça. Donc, est-ce
que l'article 1 est adopté?
Des voix: Adopté.
Reprise des services
Le Président (M. Saintonge): Adopté. J'appelle
maintenant l'article 2, à la section II de la loi, Reprise des services.
L'article 2. M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, l'article 2 prévoit que
toute personne visée par cette loi doit reprendre ses activités
d'enseignement et fournir la prestation d'enseignement, d'encadrement et
d'évaluation que détermine l'employeur, afin d'assurer la
validité de la session d'hiver de l'année universitaire
1986-1987, et ce, à compter de 8 heures le 11 mai 1987.
On dit ensuite que pendant le reste de la période couverte par la
convention, le salarié devra accomplir tous les devoirs rattachés
à ses fonctions, compte tenu des conditions de travail qui lui sont
applicables sans arrêt, sans ralentissement ou diminution de ses
activités normales.
Alors, c'est l'article principal, c'est l'article majeur du projet de
loi avec l'article 3 qui s'applique à l'employeur. Je ne veux cependant
pas devancer, je veux dire qu'on pourrait les examiner ensemble pour voir s'il
y a relation de proportionnalité entre les obligations imposées
à l'un et à l'autre qu'on est en droit de souhaiter. Nous avons
fait de notre mieux de ce point de vue-là et, comme nous en sommes
à l'article 2, je n'entends point anticiper.
Le Président (M. Saintonge): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, on aurait un amendement
à proposer. Il s'agit de s'entendre. Dès qu'on va l'annoncer, on
va vous le distribuer. Le temps qu'il est distribué, je vais en
expliquer un peu le sens et la portée.
Comme vous venez de dire, l'article 2 est sûrement un article
majeur important de cette loi spéciale, si on veut s'assurer de la
reprise des activités. Cependant, comme on l'a souligné à
quelques reprises, même si on devait être sans doute encore une
fois dans l'erreur - parce que c'est très rare, selon le ministre de
l'Éducation, que l'Opposition peut apporter une contribution positive
à quelque chose - il nous apparaît que c'est fondamental qu'il
faille limiter le plus possible les impacts négatifs pour les
étudiants, notamment ceux qui résident à
l'extérieur de Montréal ou ceux qui auraient pris des engagements
quant à des emplois d'été.
On souhaiterait que dans l'article 2 du projet de loi, il y ait une
disposition un peu plus précise quant à l'obligation des parties
de tout mettre en oeuvre pour que les impacts soient le moins négatif
possible. Je sais bien qu'on va nous répondre que c'est clair que la
partie patronale va tout mettre en oeuvre pour éviter les impacts. Mais
on ne verrait pas pourquoi, si c'est très clair, il n'y aurait pas lieu
de resserrer et préciser dans le projet de loi une disposition qui
ferait que le moins possible - à partir du moment où on veut
valider cette session et qu'il y ait lieu de reprendre un certain nombre de
cours - cela ait des effets négatifs sur un très grand nombre
d'étudiants. On pense que tel que libellé à l'article 2,
c'est passablement général et, en plus, il n'y a aucune
précision quant à l'obligation de l'employeur de tout mettre en
-oeuvre pour que les effets soient le moins dommageables possible aux
concernés. Dans ce sens-là, M. le Président, on
suggère que l'amendement soit agréé.
Le Président (M. Saintonge): Donc vous avez reçu
l'amendement. M. le ministre.
M. Ryan: Malheureusement, nous ne pouvons pas accueillir cet
amendement, parce qu'on créerait des obligations qui sont
imprécises par la présentation même, qu'on en fait qui ne
seraient pas facilement vérifiables et qui risqueraient
d'entraîner des complications sans résultat vraiment positif. Ce
sont des choses justes cependant; ce sont des choses dont on peut convenir
assez facilement quant à l'esprit général. Mais, nous
estimons que cela fait partie des devoirs de l'employeur dans ce cas-ci
d'assurer ces choses-là. Cela fait partie de ses devoirs
réguliers et nous n'éprouvons pas le besoin ni la justification
nécessaire pour lui donner une directive formelle à cette fin
dans le texte de loi. (20 h 40)
M. Gendron: Vous ne croyez pas, M. le ministre, que d'abord... Je
dirai trois choses très rapidement, parce que j'ai envie de fonctionner
et non pas de discourir: Premièrement, c'est dans la mesure du possible;
deuxièmement, vous ne croyez pas que cela permette de donner des
indications nécessaires à l'employeur dans le sens qu'il
apprendrait par là que le législateur est d'accord pour que
l'employeur tienne compte de certaines dispositions précises afin de
pénaliser le moins possible. Et sur le plan concret, cela voudrait dire
que dans certains cas, il est possible que cela soit plus opportun, pour
éviter de pénaliser un certain nombre d'étudiants, de
commercer jeudi soir. C'est un exemple, je ne veux pas qu'on discute cela ce
soir. Mais si c'était dans le texte de loi, il me semble que, d'une
façon très claire, l'employeur saurait que le législateur,
dans sa loi spéciale, souhaite qu'il y ait des dispositions d'analyse,
des indications qui permettraient effectivement à l'employeur de tenir
compte de certains impératifs que je ne peux pas évaluer ici ce
soir et que je ne peux pas mesurer, mais il me semble que cela serait donc
simple de l'écrire en disant qu'on souhaite que... Si je ne l'ai pas
dans la mesure du possible, je dirais: Ecoutez, c'est une limitation trop
restrictive, cela peut donner un cadre interprétatif qui, lui, pourrait
avoir des conséquences, comme vous l'avez expliqué tantôt,
mais ce n'est pas le cas. Dans la mesure du possible, voulez-vous tenir compte
de certaines dispositions pour limiter les impacts négatifs et dans ce
sens, il pourrait y avoir des accomodements, des adaptations? Je m'arrête
là parce que je ne peux pas voir ce que je dirais de plus, c'est
très clair.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Je pense que le député d'Abitibi-Ouest l'a
très bien dit. Autant je ferai part à la direction de
l'Université du Québec à Montréal de mes propres
préoccupations à ce sujet, autant elle sera saisie des
préoccupations du député d'Abitibi-Ouest à la
lecture du compte-rendu des débats que nous aurons eus. Mais je ne vois
pas l'opportunité d'inclure cet amendement dans le projet de loi que
nous discutons. Tout d'abord, c'est un projet de loi qui porte strictement sur
les relations du travail. C'est un conflit de travail auquel nous apportons une
solution. Nous nous en tenons à cet aspect-là et la gestion
académique de l'Université du Québec à
Montréal est un domaine qui ne doit pas être régi par
cette
loi-ci, qui obéit à d'autres normes, à d'autres
canaux de responsabilité et je ne vois pas le lieu de l'insérer
dans ce projet de loi-ci.
Le Président (M. Saintonge): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le ministre, cela va être ma
dernière... D'abord, quand on ordonne à des chargés de
cours d'être là à telle heure, je suppose que cela doit
être pour donner des cours à du monde en face d'eux et non pas
pour des réunions administratives et tout cela. Donc, est-ce que vous ne
croyez pas qu'avec une disposition comme la vôtre cela peut être
difficile d'avoir l'ensemble des étudiants concernés -je ne sais
pas, je donne un exemple au-delà des textes - à 10 heures mardi
matin ou lundi matin prochain à 8 heures? Qu'est-ce qui va arriver pour
ces étudiants? Vous me répondez que vous ne le voulez pas, mais
je n'ai pas senti l'argument pour lequel vous ne voulez pas.
M. Ryan: Oui, mais je vous ai dit que cela n'entre pas dans le
champ de cette loi-ci. Cela fait partie des responsabilités normales
d'ordre académique des autorités de l'Université du
Québec à Montréal et du personnel de cet
établissement. Et là, nous cherchons une solution à un
arrêt de travail. Nous cherchons à assurer que la prestation
régulière de service reprendra lundi et le postulat que nous
devons entretenir, tout au long du projet de loi, c'est que les parties vont
prendre leurs responsabilités. On pourrait bien dire aux enseignants et
également aux chargés de cours: Là, vous devrez donner vos
cours de telle et telle manière en considérant que les
élèves ont été absents pendant six ou sept
semaines, en considérant qu'il y en a un qui va arriver en retard d'une
demi-journée. On ne veut pas s'engager dans ces choses-là. De
demander à des gens de faire cela dans la mesure du possible, c'est de
la tautologie.
M. Gendron: Dans votre libellé, M. le ministre, est-ce que
cela signifie que la prestation d'enseignement pourrait commencer mercredi
matin au lieu de vendredi matin ou lundi matin?
M. Ryan: Dans certains cas... Voulez-vous répéter
votre question?
M. Gendron: Bien... Vous aviez déjà commencé
à donner une réponse!
M. Ryan: J'ai reçu une indication de mon conseiller, mais
je veux m'assurer que j'ai bien compris votre question.
M. Gendron: Ma question est: Avec votre libellé, est-ce
que la prestation d'enseignement pourrait débuter à un moment
autre et dans un cadre autre que celui prescrit par l'article 2?
M. Ryan: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. "Dans un
moment autre", "dans un cadre autre"... A un moment autre, évidemment!
Disons qu'un chargé de cours a deux heures de cours à donner
à l'Université du Québec à Montréal par
semaine et sa charge de cours tombe le mercredi matin et le mercredi
après-midi, il ne sera pas là le lundi matin à 8 heures.
Sa responsabilité est d'être là conformément
à son horaire.
M. Gendron: Cela va, M. le ministre, mais celui qui doit
être là, lundi matin, à 8 heures, peut-être qu'il est
d'accord pour être là, mais, après avoir fait des
vérifications avec la direction des universités, peut-être
que son groupe d'étudiants ne veut pas être là parce que 95
% de son groupe sont des étudiants étrangers ou des
étudiants occupés à un travail et qui ont
décidé de ne pas y aller. Ce que je veux savoir très
clairement, c'est si votre libellé permet cette souplesse pour organiser
cela autrement afin que les impacts soient moins négatifs pour les gens
concernés, qu'un de vos collègues a appelé le coeur du
problème, soit les étudiants.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Ce sont des décisions qui relèvent des
autorités compétentes. Je présume que les autorités
du département, du module ou de la famille vont prendre les
décisions pertinentes.
M. Gendron: Cela signifie, M. le ministre, que vous me confirmez
que, si l'université ne pouvait pas prendre les dispositions pour faire
les vérifications, vous êtes en train de me dire que l'article
permet, effectivement, qu'on ne tienne pas compte des impacts
négatifs.
M. Ryan: Si j'avais la moindre raison de penser que la direction
de l'Université du Québec à Montréal ne voulait pas
prendre de dispositions pour que cet article soit appliqué loyalement,
je lui retirerais ma confiance.
M. Chevrette: M. le ministre, par l'article 2 tel que
libellé, qu'est-ce qui arrive à un enseignant chargé de
cours?
Le Président (M. Saintonge): Juste une seconde. Est-ce que
vous voulez qu'on dispose immédiatement de l'amendement proposé
ou si vous intégrez vos questions à l'intérieur de
l'amendement?
M. Chevrette: Cela ne me dérange pas,
c'est pour vous; moi, je n'ai plus rien à dire sur l'amendement.
Ce sont des questions sur la portée de l'article 2 tel que
libellé.
Le Président (M. Saintonge): On va disposer de
l'amendement, donc, mise aux voix de l'amendement. Je comprends que...
M. Chevrette: Adopté. Une voix: ...
Le Président (M. Saintonge): L'amendement est donc
rejeté.
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): L'amendement a
été rejeté. Ne vous faites pas d'illusion, c'est
rejeté, purement et simplement.
M. Chevrette: J'aimerais que vous disiez bien clairement que
c'est nous qui l'avons présenté.
Le Président (M. Saintonge): Donc, effectivement, pour le
Journal des débats, l'amendement présenté à
l'article 2 par le député d'Abitibi-Ouest est rejeté. Nous
revenons à la discussion sur l'article 2 et je cède la parole
à M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Ma question est la suivante. Dans le premier
paragraphe tel que libellé, qu'arrive-t-il d'un enseignant qui a
quitté, qui travaille pour un autre employeur, qui a
décidé qu'il en avait assez de crever de faim à
l'université? Est-ce que la portée de l'article 1 ne vient pas
annuler tout effet légal ou geste que l'individu pourrait avoir
posé de lui-même ou, si vous ne le liez pas, le rendez-vous
punissable en vertu des chapitres subséquents?
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Effectivement, s'il était à l'emploi de
l'université le 22 mars, il doit compléter sa prestation
d'enseignement pour la session qui prendra fin d'ici la fin du mois de mai. Il
va exécuter son contrat, il est lié par un contrat.
M. Chevrette: Oui, je comprends, mais l'individu qui est
lié par un contrat, est lié jusqu'au 30 avril, la fin des cours.
II arrive une grève et l'individu se retrouve avec un contrat en poche
depuis même assez longtemps, et c'est le 30 avril. Est-ce que votre loi
ne vient pas lier cet individu à l'université?
M. Ryan: Dans ces cas, il y a deux choses: il y a d'abord la
réaction de l'employeur. Il faudrait que l'employeur porte une plainte
et, dans ces cas, je ne vois pas que l'employeur porterait une plainte, irait
pourchasser quelqu'un qui se serait orienté autrement et qui aurait des
motifs très très sérieux de ne pas être capable de
revenir. Deuxièmement, le Procureur général doit
intervenir là-dedans aussi et exercer sa discrétion. Il va agir
suivant l'esprit de la loi. Je ne pense pas que cela comporte vraiment de
dangers. Il y a ces deux crans de sûreté qui sont quand même
très importants.
M. Chevrette: M. le ministre, vous dites que c'est probablement
l'article le plus important ou un des plus importants du projet de loi. Je
voudrais savoir si vous êtes au courant des intentions de
l'Université du Québec à Montréal pour la session
d'été? Est-ce que vous pourriez nous dire si c'est vrai que la
session d'été pourrait ne pas être dispensée par
certains chargés de cours, comme c'était prévu
antérieurement? A cause de la grève, elle ne le serait pas.
Est-ce que c'est vrai? (20 h 50)
M. Ryan: Selon mes renseignements -mes conseillers pourront me
corriger si je suis dans l'erreur ou si je communique des choses
incomplètes - une résolution avait été
adoptée par les autorités de l'UQAM il y a à peu
près deux ou trois semaines suivant laquelle la session
d'été allait être organisée par le recours à
des professeurs réguliers. Vu que les professeurs chargés de
cours étaient en grève, on ne pouvait pas organiser la session en
négociant des contrats avec eux. Comme il fallait faire un choix entre
renoncer à la possibilité de toute session ou faire une session
avec les ressources sur lesquelles on pouvait vraiment compter, un plan a
été fait pour une session d'été qui sera
assurée par des professeurs réguliers. Ce qui veut dire que les
prestations seront à peu près, selon les souvenirs que j'en
conserve, au tiers de ce qu'elles auraient été durant
l'année normale. Déjà - et ceci est un
élément que je porte à votre attention d'une
manière spéciale - plusieurs chargés de cours ont
laissé entendre qu'ils sont intéressés à avoir des
charges de cours pour la session d'été et les autorités de
l'Université du Québec à Montréal m'informaient,
cet après-midi même, qu'elles sont disposées à
négocier pour ajouter des prestations d'enseignement qui permettront de
mobiliser les chargés de cours intéressés.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais demander au
ministre si le fait de mettre un terme à la grève des
chargés de cours, de les forcer à retourner au travail... S'il
n'y avait pas eu grève, est-ce que les cours d'été
n'auraient pas été donnés par les
chargés de cours?
M. Ryan: En partie, sûrement.
M. Chevrette: M. le Président, si je pose cette question,
c'est parce que vous faites cesser par un projet de loi le mouvement de
grève. Le gâteau - appelons cela un gâteau pour les besoins
de la cause, pour essayer de nous comprendre - le champ d'action de ces
chargés de cours, c'était notamment la session
d'été également. L'Université du Québec
à Montréal dit: Non, cela va se donner par des professeurs
réguliers. Vous faites cesser la grève par une loi
spéciale et vous ne leur donnez pas la possibilité de reprendre
leur champ d'action, c'est donc un lock-out. On pourrait, à la rigueur,
appeler cela un lock-out par l'UQAM et ce serait une triple
pénalité dans les circonstances. Je vais expliquer les deux
autres après.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: On m'informe qu'on ne pouvait pas fixer de prestations
d'enseignement pour les chargés de cours quand ils étaient en
grève. Mais, dès ce soir, on commence à établir des
plans qui permettront d'attribuer des charges de cours aux chargés de
cours en suivant de manière très rapprochée le
modèle de la dernière année.
M. Chevrette: M. le ministre, c'est drôlement important et
je vais vous dire pourquoi. Dans certains cas, c'était
précisément cette session additionnelle qui permettait à
des individus qui avaient peu de revenus d'aller chercher un minimum vital. Si
jamais la priorité était donnée aux enseignants
réguliers, vous les coupez carrément... Ce serait punitif,
à mon point de vue, d'une triple façon, punitif, parce qu'ils
n'ont pas, à l'intérieur de l'annexe, la meilleure offre
patronale mais bien le pattern de la fonction publique; punitif à ce
stade-ci parce qu'on leur enlèverait un des champs d'action; cela me
paraîtrait assez... Je voudrais au moins que le ministre prenne un
engagement ferme en cette Assemblée nationale afin que le champ d'action
normalement dévolu à ces salariés ou à cette
catégorie de salariés soit remis à cette catégorie
de salariés. Il me semble que c'est un minimum d'engagement que le
ministre doit prendre ce soir, s'il ne veut pas passer pour... Pas lui...
L'université pourrait décider que ce sont les réguliers
et, automatiquement, conscients qu'ils ont un rattrapage à faire, ils
n'auraient même pas leur propre champ d'action
privilégié... Cela me paraîtrait odieux et je voudrais que
le ministre prenne un engagement ferme devant cette Chambre. Cela n'a pas de
bon sens.
M. Ryan: On vient de me donner l'assurance de la part des
autorités de l'UQAM que, dès ce soir, on commence à
établir des plans en vue d'attribuer aux chargés de cours des
charges de cours correspondant le plus près possible au modèle
qui existait les années précédentes. D'après ce que
je peux comprendre, le modèle général qu'on pouvait
observer, c'est qu'il y avait à peu près un tiers des charges de
cours en été qui étaient assumées par des
professeurs réguliers et deux tiers par des chargés de cours. On
va viser un équilibre semblable, mais il y a une chose sur laquelle on
n'a aucun contrôle, c'est la demande. Quelles seront les inscriptions?
C'est un point qui va conditionner l'ensemble. Il peut très bien arriver
que tel cours particulier ne puisse être assuré que par un
professeur régulier ou vice versa. Ces réserves étant
faites, je pense que j'ai reçu des autorités de l'UQAM
l'assurance que demandait le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Pourriez-vous me dire, M. le ministre, à
quelle date commencera la session d'été vu le report, d'une
certaine façon, de la session d'hiver qui est prolongée?
M. Ryan: Les plans ont été faits pour qu'elle
commence le 19 mai.
M. Chevrette: Là, il manquerait une semaine.
M. Ryan: Non. Il était prévu, comme le volume de
prestation de l'enseignement pour la session d'été était
seulement au tiers de ce qu'il aurait été normalement, qu'on
pouvait avoir la cohabitation des deux pendant la deuxième semaine de
récupération. Mais il y aura des ajustements qui vont se
faire...
M. Chevrette: Mais pour les étudiants...
M. Ryan: Soyez assuré qu'une priorité
spéciale sera accordée aux étudiants qui ont une session
à compléter.
M. Chevrette: Oui, mais, à plus forte raison, si c'est
pour les étudiants qui finissent la session d'hiver, comment vont-ils
commencer le 19 si vous les forcez à aller en classe du 11 aux environs
du 20? Comment vont-ils pouvoir commencer la session d'été le 19?
Cela ne fonctionne pas. Ne pourriez-vous pas demander à
l'université de reculer d'autant le début de la session
d'été? Il me semble que cela m'apparaîtrait un peu
cohérent.
M. Ryan: Si on se place dans la
perspective des chargés de cours, la situation ne se
présente pas tout à fait comme semble le penser le
député de Joliette. En fait, la session d'été pour
les chargés de cours, leurs prestations commenceront, eux, à
compter du 8 juin. Ils vont avoir tout le temps voulu pour compléter
leurs prestations d'enseignement à l'intention des étudiants de
la session qui prend fin au mois de mai. Ils auront le temps de corriger leurs
examens et tout, et leurs prestations de cours commenceront le 8 juin pour la
session d'été.
M. Gendron: Entre-temps, qui va donner la prestation?
Entre-temps, entre le début du 19 mai... Ah, mais oui.
M. Chevrette: C'est-à-dire que la session... Est-ce que je
comprends bien que la session d'été donnée par les
enseignants réguliers pourrait commencer le 19 mat...
M. Ryan: C'est cela.
M. Chevrette: ...et que les deux tiers de plus - c'est le tiers
qui commencerait le 19 mai - et que le deuxième tiers qui serait
donné par les chargés de cours, semblable au pattern de l'an
dernier, ce serait une prestation qui débuterait le 8 juin?
M. Ryan: C'est cela.
M. Chevrette: Pour l'étudiant qui voudrait s'inscrire
à la session d'été, mais à l'intérieur du
cadre du tiers donné par les enseignants réguliers, comment
va-t-il chevaucher les cours s'il commence le 19 et que vous l'obligez à
aller à l'école jusqu'aux environs du 20?
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Excusez-moi. J'ai raté la question. Si vous
voulez m'excuser. Voulez-vous répéter la question, s'il vous
plaît?
M. Chevrette: Oui. Il se peut qu'il y ait des étudiants de
la session d'hiver qui veuillent s'inscrire à la session
d'été commençant le 19. Qu'est-ce qui arrive pour ces
étudiants qui sont forcés, en vertu de la loi, de terminer leur
première session vers le 20 alors que vous dites que la session commence
le 19? Il y a un chevauchement de cours qui ne fonctionne pas.
Le Président (M. Saintonge): Nous allons donner au
ministre le temps de faire les consultations nécessaires. M. le
ministre.
M. Ryan: La direction de l'université verra à ce
que l'arrimage nécessaire soit fait pendant cette semaine, ces quelques
jours. L'arrimage sera fait et les validations seront assurées de
manière qu'ils puissent passer à l'autre étape ensuite
sans encourir de difficultés.
M. Gendron: Vous voyez, M. le ministre, dans le même sens
que mon collègue, combien cela aurait été important
d'accepter - oui, permettez-moi de finir - la proposition de tantôt parce
que là, il y aurait au moins dans la loi du gouvernement l'obligation de
tenir compte de... Ce sont des genres de situations particulières
où, si on ne veut pas que les inconvénients soient majeurs pour
l'étudiant... (21 heures)
Vous dites: Elle va en tenir compte. Mais on connaît le
résultat. Je suis convaincu, M. le ministre, qu'on pourra dire de
certains étudiants qu'ils auront été dans
l'incapacité de prendre la session intensive et en plus,
l'été, le malheur pour ceux qui connaissent ça, c'est
d'être intensif. Donc, il arrive souvent qu'à l'horaire vous ayez
des cours deux ou trois soirs par semaine, parce qu'ils ont une courte
période pour prendre leurs cours. Je suis convaincu qu'il y a des
étudiants qui seront pris dans le rattrapage -c'est une décision
du gouvernement dans sa loi spéciale - et qui n'auront pas
l'opportunité de prendre l'ensemble des cours qu'ils auraient voulu
suivre à la session d'été. Cela ne veut pas dire que je
leur prête une mauvaise foi. Je dis qu'ils n'ont pas l'obligation
légale, dans une loi, de tenir compte d'une disposition qui doit prendre
en considération ces situations particulières.
Vous nous dites: Laissez-leur ça, c'est leur affaire,
l'université va s'arranger avec ça. Je n'ai pas d'objection, mais
on dit que c'est faible, que ce n'est pas assez fort. Il n'y a pas de commune
mesure entre une loi spéciale versus ne pas avoir assez d'ouverture pour
accepter une disposition comme celle-là qui tiendrait compte de ce qu'on
vient d'évoquer.
M. Ryan: M. le Président, on sait que le
député d'Abitibi-Ouest a fait partie d'un gouvernement qui se
spécialisait dans les lois fortes. Des médecines de cheval, on
n'en veut pas. On veut des médecines qui restent les plus douces
possible, même s'il faut imposer une solution à contrecoeur. Je
tiens...
M. Gendron: Imaginez-vous que ce soir vous n'êtes pas bien
placé!
M. Ryan: Non, non, le dossier historique parle par
lui-même. Si on veut ouvrir ce volet-là, on va l'ouvrir avec
plaisir, avec peine plutôt.
Une voix: Oui.
M. Ryan: Oui? La loi 111, ça vous
intéresse de revenir là-dessus?
M. Chevrette: Oui, oui, on est prêt. Ça va vous
donner quoi dans votre loi, ça?
M. Ryan: Ça ne donnera rien, mais ça montrera
peut-être votre vraie orientation.
Le Président (M. Saintonge): Un instant, s'il vous
plaîtî Je demanderais qu'on demeure sur le fond du sujet,
c'est-à-dire le projet de loi 48. On a un mandat de deux heures et on
n'étendra pas le mandat à d'autres lois spéciales, on va
rester sur le projet de loi 48. Je vous demande de respecter la discussion sur
les articles qui sont appelés.
M. le ministre.
M. Ryan: Oui. Je crois comprendre, M. le Président, que
l'Opposition a hâte de passer à l'article 3 qui répond
précisément à ses préoccupations.
M. Gendron: Oui, juste un commentaire. Je pense que, s'il y a un
soir où le ministre de l'Éducation est mal placé pour
parler de médecine de cheval, c'est quand on est en train de regarder
une loi spéciale. Je ne pensais pas que c'était revenir sur le
passé. On l'a fait de bonne foi. Je veux juste conclure en disant que
l'article 2 aurait permis avec notre amendement de tenir compte des cas dont
mon collègue a discuté. C'est le choix du ministre, on en
regardera les effets dans le vécu.
Pour ce qui est de l'article 3, on a un amendement...
Le Président (M. Saintonge): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: J'aurais une autre question à l'article 2,
moi.
Le Président (M. Saintonge): À l'article 2, oui,
s'il y a d'autres questions, M. le député de Joliette et leader
de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, qu'arrive-t-il à un
étudiant de la Gaspésie qui serait à l'UQAM si
l'université a décidé que c'était tel jour tel
examen et qu'il ne peut pas se rendre pour des raisons X? Comment se verra-t-il
valider sa session?
M. Ryan: J'apprécie les inquiétudes pratiques du
député de Joliette. Je pense qu'il nous oblige à
préciser certaines choses et je pense que c'est très utile. Le
cas que vient de soulever le député de Joliette relève des
rapports entre l'étudiant et le professeur concerné. Il arrive
fréquemment qu'un étudiant ne puisse pas passer l'examen tel
jour. Il va passer une entente avec son professeur en vertu de laquelle il
passera l'examen tel ou tel jour. C'est la règle de base.
Moi-même, j'ai un de mes jeunes qui a fini au cégep
récemment. Il avait un ou deux examens à compléter et ne
pouvait pas être là le jour où l'examen était
administré à tout le monde. Le professeur lui a dit: Viens tel
autre jour, on va s'entendre. C'est le régime de base.
Maintenant, on m'assure que, dans l'hypothèse où des
ententes raisonnables ne pourraient pas être conclues entre un
étudiant et un chargé de cours, à ce moment-là, il
y a des mécanismes pour assurer que les droits de l'étudiant
seront respectés.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre est
conscient qu'à ce stade-ci un étudiant qui ne se présente
pas n'est pas considéré au stade de l'abandon, mais au stade de
l'échec? Si j'ai bien compris, la date de l'abandon n'est pas
considérée à ce stade-ci par rapport au temps de la
session où on est. Elle serait considérée comme un temps
d'échec dans le dossier scolaire lui-même. Pour compléter
ma question, l'université va-t-elle inscrire incomplet pour ne pas
mettre d'échec?
M. Ryan: C'est l'intention de l'université de tenir compte
de toutes les circonstances spéciales ayant découlé de
l'interruption dans la prestation des services d'enseignement et d'accorder
à chacun et à chacune un traitement juste et
équitable.
M. Chevrette: En vertu de quel article de votre loi
l'université peut-elle aider les jeunes, par exemple, qui sont dans des
situations ou des aberrations que je vous donnais dans les exposés
tantôt, M. le ministre? Est-ce que l'université a le pouvoir ou a
des directives à l'intérieur de votre projet de loi, ou des
lignes qui nous permettent de croire que l'université, par exemple,
pourrait aménager à l'intérieur de la session d'automne,
certains cours permettant à ceux qui n'ont pas été
capables de valider la session d'hiver de le faire?
M. Ryan: Ce sont toutes des choses qui sont possibles, mais il y
a tellement de possibilités, de situations inédites et de
solutions imaginatives que cela ne servirait à rien de vouloir les
prévoir toutes dans le texte de la loi.
M. Chevrette: Sans pouvoir les prévoir toutes, M. le
ministre, je sais que c'est impossible de tout prévoir. Probablement que
si on regardait une facette d'un problème on en trouverait dix autres.
Je pense que, si on avait au moins un principe de portée
générale qui obligerait l'Université du Québec
à Montréal, l'UQAM, à rechercher Se maximum de souplesse
dans l'aménagernent
des horaires d'ici X mois, permettant ainsi au plus grand nombre
d'étudiants possible de ne pas être pénalisés, sans
aller dans le détail, au moins on aurait dans la loi un principe qui
forcerait l'université... Je ne dis pas qu'elle ne le fera pas; ce n'est
pas une question de juger de la bonne foi ou de la non bonne foi.
Mais, je m'excuse, ce n'est pas un homme qui mène à
l'université, il y a plusieurs départements et plusieurs
secteurs. Je sais comment cela marche, une boîte. J'ai été
ministre, moi aussi. Quand bien même on voudrait que cela aille bien dans
certaines directions, on est obligé d'y aller parfois, n'est-ce pas? Je
prétends qu'on devrait introduire au moins un principe de base
forçant l'Université du Québec à assumer toute la
souplesse possible et imaginable, à faire preuve d'imagination. Parce
que, je le répète et vous le savez, il y a des étudiants
qui, à ce stade-ci, ont trouvé un travail
rémunérateur. C'est peut-être le montant de 4000 $ ou 5000
$ qu'ils vont gagner cet été qui va leur permettre
précisément de revenir à l'université l'an
prochain, et ce sont eux qui ont des parents gagnant peut-être juste un
peu trop pour ne pas avoir la bourse, en plus. On connaît la "game" dans
cela.
Il me semble qu'on pourrait avoir un principe de portée
générale qui oblige l'université à faire cela. Cela
nous permettrait, autant à vous qu'à nous de l'Opposition, de
jouer un râle positif dans ce sens et, à l'occasion, de rappeler
qu'il y a un principe et peut-être, ne pas se le cacher, se donner un
outil de pression pour que l'université fasse le maximum. Parce que ce
sont des bénéficiaires et ce sont des jeunes qui jouent avec leur
avenir. C'est sérieux. Est-ce que vous accepteriez un amendement de
portée générale, un principe de portée
générale sans aller dans le détail, mais qui obligerait
l'université à assouplir au maximum ses mesures et dans le temps
à part cela?
M. Ryan: Ma première inclination serait de répondre
de manière négative pour la raison suivante: Si on introduit le
critère de souplesse dans la législation, cela peut tendre
à accréditer le préjugé que le genre de validation
qui aurait été fait aurait été une validation au
rabais.
M. Chevrette: Je n'ai pas compris les derniers mots, je
m'excuse.
M. Ryan: Cela pourrait accréditer le préjugé
voulant que la validation qui aurait été faite aurait
été une validation au rabais. On ne veut pas donner cette
impression, mais je souscris tout à fait à l'objectif qui inspire
l'intervention du leader de l'Opposition. J'y souscris tellement qu'avant de
lui donner une réponse définitive je vais consulter mes
collègues qui m'entourent. S'ils m'amenaient à voir sa
proposition dans une perspective plus positive, cela me ferait bien plaisir de
vous le dire.
M. Gendron: Juste un instant, M. le ministre. M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Oui.
M. Gendron: Avant de consulter vos collègues, j'aimerais
bien que vous preniez en considération l'esprit de l'amendement qu'on
voulait proposer à l'article 3, qui est exactement dans le même
3ens qu'on aimerait vous entendre. Mais, en tout cas, dans votre
réflexion, si vous preniez en considération le libellé
proposé comme amendement à l'article 3, j'ai l'impression que
cela permettrait de tenir compte des préoccupations soulevées par
mon collègue, le député de Joliette. (21 h 10)
M. Ryan: Je trouve que l'article... L'amendement d'abord, on en a
disposé tantôt.
Le Président (M. Saintonge): Là-dessus, on
distribue un autre amendement.
M. Chevrette: Un nouveau texte. Il commence pareil, mais ce n'est
pas...
Le Président (M. Saintonge): C'est ça. C'est un
amendement à l'article 3 de la loi. Je vais le lire
immédiatement. Je comprends que ça peut influencer l'article 2.
En sachant l'amendement proposé à l'article 3, cela pourrait
compléter...
M. Gendron: II a exactement le même objectif.
Le Président (M. Saintonge): ...la discussion de l'article
2. Je vais lire le projet d'amendement proposé par M. le
député d'Abitibi-Ouest au projet de loi 48. Le projet de loi est
modifié par l'ajout à l'article 3 d'un deuxième
alinéa se lisant comme suit: "Rien dans le présent article ne
limite la possibilité pour l'employeur d'aménager dans le temps
comme dans la forme les services d'enseignement requis pour assurer la
validité de la session d'hiver de l'année universitaire 1986-1987
de façon à limiter au maximum les impacts négatifs d'un
prolongement de la session d'hiver pour les étudiants
concernés."
C'est un amendement à l'article 3, même si nous sommes
à l'article 2. Comme je l'ai dit tantôt, cela peut
compléter l'article 2. J'en fais part immédiatement à
l'Assemblée, ce qui n'empêchera pas de voter l'article 2 et de
revenir à l'amendement comme tel, pour le voter, à l'article
3.
M. Chevrette: Pour information...
Le Président (M. Saintonge): C'est ça.
M. Chevrette: ...si l'esprit agrée, même si les mots
n'agréent pas, ce n'est pas grave. On peut changer les mots. Mais on
veut véritablement qu'il y ait un principe de portée
générale, parce qu'il me semble qu'on a le même objectif.
J'ai écouté le discours du ministre tantôt et ça
ressemblait étrangement à ce que j'ai dit par la suite. Si on
converge vers un même objectif, il me semble qu'on doit donner une
pression morale dans le projet de loi.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Quand le député de Joliette est
laissé libre de m'écouter - parfois, il ne m'écoute pas
parce qu'il est dérangé par d'autres - on se comprend très
bien.
M. Chevrette: C'est le temps que vous en fassiez la preuve:
acceptez un principe de portée générale.
M. Ryan: Disons qu'on n'est pas au stade des propositions, juste
des réactions pour tout de suite, M. le Président. Je vais lire
l'amendement parce que ceux qui nous écoutent ne sont point
informés: "Rien dans le présent article ne limite la
possibilité pour l'employeur d'aménager dans le temps comme dans
la forme les services d'enseignement requis pour asssurer la validité de
la session d'hiver de l'année universitaire 1986-1987 de façon
à..." Là, vous autres, vous écrivez: "limiter au maximum
les impacts négatifs d'un prolongement de la session d'hiver pour les
étudiants concernés." Moi, je serais plutôt porté
à écrire quelque chose comme ceci - là, c'est tout
à fait exploratoire - de façon à tenir compte, sans
préjudice pour la qualité de l'enseignement, des conditions
particulières ayant découlé de l'interruption de
services.
M. Chevrette: Je n'ai pas d'objection à ça. J'irais
même, quant à moi, dans le temps, j'accepterais même un
sous-amendement du ministre encore - je sais qu'il a un spécialiste en
législation bien plus rapide que nous - qui pourrait dire que ces
possibilités pourraient s'étendre même à l'ajout de
cours à l'intérieur d'autres sessions, pour montrer que cela est
vaste. C'est vaste délibérément. Moi, je ne voudrais pas,
M. le ministre, et je pense que vous, non plus, vous ne voudriez sûrement
pas apprendre qu'un jeune a perdu ses revenus lui permettant d'aller à
l'université à l'automne et qu'il ne puisse pas reprendre ses
cours le soir durant la session d'automne, par exemple. Il me semble que ce
sont des possibilités.
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection à ce que nous
suspendions...
M. Chevrette: Oui, l'article pour permettre une
rédaction.
M. Ryan: ...le débat sur l'article 3, de manière
à donner le temps à nos conseillers...
M. Chevrette: D'accord.
M. Ryan: ...de prendre les moyens appropriés pour nous
aider à trouver les réponses à nos difficultés.
M. Chevrette: On pourrait suspendre les articles 2 et 3. D'abord,
on voulait le proposer à l'article 3, mais si jamais vous l'ameniez
à 2 tantôt...
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection.
M. Chevrette: ...on pourrait suspendre 2 et 3.
M. Ryan: Ce sont deux articles qui se complètent.
Le Président (M. Saintonge): En conséquence, nous
allons suspendre l'article 2 et l'article 3 également. Vous comprendrez,
quand même, que ce qu'on fait est un peu dérogatoire à nos
règles puisqu'on avait introduit un amendement à l'article 3
avant d'avoir disposé de l'article 2, mais...
M. Chevrette: À titre d'information.
Le Président (M. Saintonge): ...c'était à
titre d'information, car les deux articles étaient
complémentaires. Donc, je suspends à ce moment-ci l'article 2, de
même que l'article 3. J'appelle l'article 4. À l'article 4, M. le
ministre avez-vous certains commentaires?
M. Ryan: On aura un texte tantôt, dans quelques
minutes.
Le Président (M. Saintonge): Pour l'article 3 ou l'article
2, selon ce que vous avez décidé. Maintenant, j'ai appelé
l'article 4. Avez-vous quelques commentaires à l'article 4?
M. Ryan: Je n'ai aucun commentaire sur l'article 4.
Le Président (M. Saintonge): Y a-t-il des questions sur
l'article 4? Pas de questions. Est-ce que l'article 4 est adopté?
M. Gendron: Adopté.
Le Président (M. Saintonge): L'article 4
est adopté. J'appelle maintenant l'article 5. Y a-t-il des
commentaires, M. le ministre, sur l'article 5?
M. Ryan: À l'article 5, je n'ai pas vraiment de
commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Saintonge): Y a-t-il des questions
à l'article 5?
M. Chevrette: Nous avons un amendement, M. le Président,
que je voudrais présenter à l'article 5. Nous aimerions que le
libellé de cet article soit le suivant: L'association de salariés
doit prendre les moyens appropriés pour informer les salariés des
obligations leur résultant des dispositions de la présente
loi.
A l'avenir, M. le Président, pour la compréhension de ceux
et celles qui nous écoutent à ce moment-ci, il serait
peut-être bon qu'on lise l'article de la loi, parce que, si on arrive
avec un amendement, on détonne beaucoup quand on n'a pas entendu la
lecture de la loi. On pourrait peut-être tenir pour acquis comme
procédure que le ministre ferait la lecture de l'article de la loi et
cela nous permettrait à ce moment-là d'arriver avec
l'amendement.
Une voix: Vous devriez, vous, le lire, M. le
Président.
M. Chevrette: Ou bien le président pourrait le lire.
Le Président (M. Saintonge): L'article 5, tel que
libellé actuellement, se lit comme suit: "L'association de
salariés doit prendre les moyens appropriés pour amener les
salariés qu'elle représente à se conformer à
l'article 2." J'ai reçu un amendement proposé par M. le leader de
l'Opposition qui se lit comme suit: Le projet de loi 48 est modifié en
remplaçant l'article 5 par le suivant: "L'association de salariés
doit prendre les moyens appropriés pour informer les salariés des
obligations leur résultant des dispositions de la présente
loi.
Donc, sur l'article 5, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je pourrais peut-être le présenter en
30 secondes, M. le Président. La seule différence, c'est qu'on
dit: "doit prendre les moyens appropriés pour amener les salariés
qu'elle représente à se conformer à l'article 2."
Déjà, on empêche des leaders syndicaux, on empêche
tout officier syndical de parler contre la loi. On peut leur faire l'obligation
d'informer des obligations de la loi, mais de là à aller leur
dire de faire plus que le client n'en demande... Vous leur demandez de ne pas
parler contre, c'est déjà beaucoup, mais demander de les informer
pourrait être suffisant.
À notre point de vue, l'article 5, tel que nous le proposons avec
l'amendement, reflète plus la logique des choses, le bon sens.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Je serais porté à accepter plutôt
ceci: maintenir l'article 5 dans sa formulation actuelle, mais ajouter les mots
suivants: L'association de salariés doit notamment prendre les moyens
appropriés pour informer les salariés des obligations leur
résultant des dispositions de la présente loi.
M. Chevrette: M. le ministre, si vous regardez votre article 11,
vous vous couvrez déjà. "Quiconque contrevient, incite ou
encourage une personne à contrevenir à une disposition des
articles 2, 3 ou 6 commet une infraction et est passible, outre le paiement des
frais, d'une amende." Là, vous avez toutes les catégories.
Déjà, à l'article 11, vous prévoyez tous les types
d'infractions. J'ajoute même que l'article 12 crée une infraction
pour le non-respect de l'article 5.
À partir de là, M. le Président, quand on propose
l'amendement à l'article 5, c'est un devoir d'informer qu'on leur fait.
Vous, c'est plus qu'un devoir d'informer que vous leur demandez. Vous leur
demandez, à part cela, de prendre les moyens pour qu'ils rentrent.
Dès qu'il y en a un qui ne rentre pas pour toutes sortes de motifs qui
seraient à analyser, vous rendez automatiquement passibles au
pénal les officiers du syndicat. En vertu de l'article 12, c'est ce que
vous faites. Donnez-leur l'obligation de les informer, oui, mais l'obligation,
par exemple, de "prendre les moyens pour...", c'est forcer la note un peu. Ce
serait quels moyens?
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Y compris, au premier chef, la diffusion de
l'information.
M. Chevrette: Mais après avoir dit tout cela, pouvez-vous
m'en donner une couple? J'ai déjà vu un chef politique dire:
Nommez-moi un seul cas, puis on en a nommé 40. Si cela ne vous fait
rien, je vais vous demander juste un exemple.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: C'est un texte qui figure dans à peu près
toutes les lois d'exception que nous avons adoptées ces dernières
années. Ce n'est pas un texte inédit, c'est un texte que nous
avons emprunté, celui-là, j'en suis convaincu, à de
nombreux exemples de lois antérieures.
(21 h 20)
M. Chevrette: M. le Président, que ce texte soit
emprunté à quatorze ou quinze lois, quand on
légifère, on a le droit, je pense, de proposer des amendements
qui nous apparaissent logiques. Il me semble que vous les faites payer assez
cher, regardez les amendes, on peut être imaginatif à ce
prix-là. Parce que, si on ne fait qu'emprunter au texte, je serai
bientôt capable de vous en rédiger un, à force de vous en
faire! Cela en fait cinq de collés que vous me faites faire! Vous
n'aurez plus besoin de conseillers tantôt; vous viendrez me voir, je vais
vous recoller tous vos articles l'un après l'autre. Cela ne vous
coûtera rien.
Je veux dire qu'on est là pour légiférer, on doit
avoir le droit d'amender des textes qui nous apparaissent un peu... Des fois,
trop fort, ce n'est pas mieux, M. le ministre. Trop, des fois, c'est comme pas
assez. Vous savez cela. Ici, vous dites que vous allez les informer. Mais, plus
que cela, vous allez prendre les moyens pour qu'ils rentrent. Si un gars ne
veut pas rentrer, tords-lui le bras. Là, c'est permis de tordre le bras
à quelqu'un pour qu'il rentre. Mais ce n'est surtout pas permis pour
qu'il ne rentre pas.
M. le ministre, regardez les articles 11 et 12 et vous comprendrez que
la cohérence des textes pourrait nous permettre de dire informez-les,
à l'article 5.
M. Ryan: Cet article-là reste subordonné à
la charte des droits. Personne n'a le droit de contraindre un autre de
force.
M. Chevrette: Pourquoi écrivez-vous: "L'association de
salariés doit prendre les moyens appropriés pour amener les
salariés qu'elle représente à se conformer à
l'article 2"? Et, à l'article 2, c'est que tu rentres au travail le
lundi, 11. D'accord? Le représentant n'a pas le droit de lui dire de ne
pas rentrer. Donc, il n'y a pas de problème: il n'a pas le droit de le
lui dire, il est passible d'une amende. Il n'a pas le droit de lui dire: Ne
rentre pas parce qu'il y a une infraction à l'article 12 à part
cela, parce qu'il y a le non-respect pour ne pas avoir pris les moyens pour. Si
le gars arrive en avant, M. le Président, un chef syndical, et qu'il
informe son assemblée: Écoutez, messieurs, si vous ne rentrez
pas, c'est tant d'amende par jour, la loi le dit. Messieurs, si je vous disais
de ne pas rentrer, cela me coûterait de 10 000 $ à 50 000 $, etc.
Je ne comprends pas quel est votre objectif et votre désir de mettre
cela dans la loi.
M. Ryan: On ne se comprend pas. Ici, "l'association de
salariés doit prendre les moyens appropriés pour amener les
salariés qu'elle représente à se conformer à
l'article 2." On va prendre un exemple. Ce sont des citoyens responsables, ils
ne veulent pas se comporter ou se conformer d'une manière enfantine.
L'association a l'obligation de les réunir, par exemple, pour leur
permettre de discuter de cette loi, de voir la manière dont ils vont s'y
conformer. Ce n'est pas seulement un devoir d'information. Elle va fournir le
forum où les membres pourront se réunir pour prendre la
décision d'obéir à la loi. Cela va plus loin que
l'information. Cela fait partie des moyens appropriés pour amener...
M. Chevrette: M. le ministre, êtes-vous en train de me dire
qu'il est obligatoire pour un syndicat de convoquer son monde pour lui faire
accepter de respecter la loi? Je m'excuse, quand le législateur vote une
loi, j'ai toujours compris que tu fais une réunion d'information dans ce
temps-là. Tu leur dis: Voici la loi. Si vous leur donnez l'occasion de
se prononcer sur votre loi, je ne suis pas sûr qu'ils vont l'adopter.
M. Ryan: Excusez-moi, mais j'ai assisté à plusieurs
réunions syndicales dans ma vie où des travailleurs se sont
prononcés sur l'obéissance à des lois adoptées par
cette Assemblée nationale. Je me souviens qu'un soir, il était 1
heure du matin, il y avait une loi qui ramenait les travailleurs du transport
en commun à Montréal au travail. Leur avocat, dans le temps,
était un ancien collègue du député de Joliette, M.
Robert Burns, aujourd'hui juge du travail. Il avait été
obligé de venir leur dire qu'il fallait qu'ils rentrent parce que
c'était ce que dictait la loi. Mais il y avait une grosse
réunion. Il y avait au-delà de 1500 travailleurs qui
étaient là, vous savez. C'est courant. Il y a toutes sortes de
méthodes. Ce sont "les moyens appropriés". On n'en définit
pas un en particulier. Ils doivent "prendre les moyens appropriés".
M. Chevrette: M. le ministre, ce n'est pas
là-dessus...
M. Gendron: C'est pour amener...
M. Chevrette: L'obligation est faite au leader syndical de ne pas
inciter à... Est-ce qu'on reconnaît cela dans la loi? L'obligation
est faite au leader, en vertu de l'article 11, de ne pas inciter. D'accord?
S'il n'a pas le droit d'inciter, qu'est-ce qu'il peut faire d'autre en
assemblée générale que d'informer des obligations de la
loi?
M. Ryan: Un leader syndical... Où est cet article?
M. Chevrette: L'article 11, M. le ministre.
M. Ryan: L'article 11? Dites-moi donc où exactement.
M. Chevrette: "Quiconque contrevient, incite ou encourage une
personne à contrevenir à une disposition des articles 2, 3 ou 6
commet une infraction et est passible"... Et, s'il s'agit d'un chef, c'est
encore plus fort. L'incitation n'est pas trop forte rendue à 25 000
$.
M. Ryan: Mais des condamnations pour incitation ou
sédition, il n'y en a à peu près jamais.
M. Chevrette: Pardon?
M. Ryan: Des condamnations pour incitation ou sédition, il
n'y en a à peu près jamais.
M. Chevrette: Pourquoi le mettez-vous dans votre loi?
M. Ryan: C'est une mesure de précaution qui est
utilisée par ces messieurs. Essayez de faire une cause avec de
l'incitation et de la sédition, et vous allez dépenser bien des
frais d'avocat pour rien.
M. Chevrette: Donc, si c'est inutile dans la loi, on
l'enlèvera tantôt quand on y arrivera.
M. Ryan: Cela complète. Vous l'enlèverez quand vous
serez au pouvoir.
M. Gendron: M. le Président, je veux bien que le ministre
soit préoccupé par autre chose, mais, écoutez, l'article 5
n'a vraiment pas de bon sens, surtout après ce que vous venez de dire.
Si l'article 11 prévoit toutes les contraventions, les incitations, les
encouragements, ainsi de suite, le ministre me dit que ce n'est pas pareil. Un
instant, je suis prêt à vous donner raison, vous avez raison, ce
n'est pareil. Vous le savez d'avance, vous avez raison. Est-ce que l'article 5,
c'est pour ramollir l'article 11? Vous savez bien que non; par
définition, l'article 5 doit en rajouter.
Le problème qu'on a... Je ne suis pas avocat. On en a de moins
grand gabarit que ceux de l'État et à des salaires
inférieurs, mais, au-delà de cela, ils ont quand même un
peu d'expérience et ils nous disent qu'en termes de droit pénal
l'individu qui lit cela... "Prendre les moyens appropriés", cela ne nous
dérange pas. Ce n'est pas cela qui nous dérange. C'est "pour
amener les salariés qu'elle représente à se conformer"; on
prétend que ça va à l'encontre de la charte canadienne et
de la charte québécoise des droits de la personne. La personne
concernée peut ne pas savoir ce pourquoi elle pourrait être
pénalisée. Cela n'a pas de bon sens, en termes de droit
pénal, qu'un individu ne sache pas, dans un texte de loi; il pourrait
faire des affaires et être pénalisé, alors qu'il ne sait
pas.
De deux choses l'une: l'article 11 couvre toute l'affaire et votre
article 5 est inutile. Cela ne semble pas être votre prétention,
vous dites que ce n'est pas la même chose. Soit, on vous donne raison, on
vous donne notre bénédiction. L'article 5, ce n'est pas comme
l'article 11. Si l'article 5 n'est pas pareil, vous allez quand même
préciser que les moyens appropriés ne peuvent pas dépasser
l'information du contenu de la loi puisque toutes les autres dispositions, pour
des gens qui contreviendraient au contenu de la loi, auront leurs effets
pénalisants, négatifs et ainsi de suite. On avait l'idée
de vous proposer de biffer l'article 5. Si on ne biffe pas l'article 5, au
moins, il ne faudrait pas lui prêter un libellé qui va
probablement à l'encontre de la Charte des droits et libertés de
la personne. J'aimerais vous entendre là-dessus, M. le ministre.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: La loi s'adresse à l'association de
salariés qui est à l'origine de la grève. C'est sous les
auspices de l'association qu'a été prise la décision de
faire la grève et qu'a été maintenu l'arrêt de
travail. Des individus isolés, coupés les uns des autres
n'auraient pas réussi. Là, le législateur dit:
L'association de salariés, qui est responsable de la grève, doit
prendre les moyens appropriés pour que les salariés qu'elle
représente se conforment à l'article 2.
M. Gendron: Savez-vous, M. le ministre, que l'article 5
crée une infraction non définie? Où avez-vous
déjà vu, en droit pénal, créer une infraction qui
n'est pas définie?
M. Ryan: Mon conseiller me dit qu'on a vu ça au moins 20
ou 25 fois au cours des dernières années. Dans chaque loi
spéciale, des infractions de cette nature ont été
créées. Chaque fois qu'il y a une loi spéciale, il y en a
un certain nombre qui viennent s'ajouter.
M. Gendron: Est-ce que c'est testé par un tribunal,
l'article 5 tel que libellé? Est-ce que votre conseiller peut ajouter:
testé par un tribunal?
M. Chevrette: Jamais. Il ne peut pas l'ajouter, ça n'a
jamais été fait.
M. Ryan: Les lois, jusqu'à maintenant, ont toujours
été observées. Il y a eu de
brefs interludes dans certains cas, mais on est revenu vite à
l'observance de la loi, fort heureusement.
M. Chevrette: Le législateur n'est pas censé parler
pour ne rien dire; c'est un principe fondamental dans le droit parlementaire.
M. le Président, vous n'avez pas assez de contraindre l'individu
à ne pas dire ce qu'il pense, vous le rendez punissable en droit
pénal de ne pas dire ce qu'il pense, il n'a pas le droit de le dire. II
n'a pas le droit de dire que la loi n'a pas d'allure. Il faut qu'il dise que la
loi a du bon sens; sinon, il est contraignable.
M. Ryan: Non. Je regrette infiniment, je suis en désaccord
total avec cette interprétation.
M. Chevrette: M. le Président, vous n'avez pas le droit
d'inciter...
M. Ryan: Je suis en désaccord total. (21 h 30)
M. Chevrette: Si l'individu arrive devant l'assemblée de
son syndicat et dit à son monde: Je trouve que la loi est inique,
qu'elle n'a pas de bon sens, qu'elle n'a pas d'allure, il devient donc un agent
provocateur en vertu de l'article 11 de votre loi. Bien oui, en vertu de
l'article 11, vous dites qu'on n'a pas le droit d'inciter, M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président.
M. Chevrette: Vous n'avez pas parlé pour ne rien dire.
"Quiconque contrevient, incite ou encourage une personne a contrevenir..."
M. Ryan: Je pense qu'on s'égare.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Je pense qu'on s'égare. Il n'y a absolument rien
dans cette loi qui interdit la libre expression des opinions les plus
vigoureuses au sujet de la loi. Je veux que ce soit bien clair. Cela m'aurait
échappé s'il en était autrement. Mais entre émettre
une critique très sévère, dire que c'est une loi inique -
on peut même dire que c'est une loi pourrie - et dire aux gens: On va
s'organiser, je vous invite à défier cette loi, c'est là
qu'est la différence. Je pense qu'il n'y a absolument aucune limite
à la liberté de jugement.
M. Chevrette: D'accord. Je suis votre raisonnement, M. le
ministre.
M. Ryan: Oui.
M. Chevrette: Je reçois la nuance que vous faites. Vous
lui permettez de dire qu'elle est inique, vous lui permettez de dire qu'elle
est pourrie, mais il n'a pas le droit de dire qu'elle doit être
défiée. Moi, je suis d'accord avec vous, c'est cela que la loi
dit aussi. À partir de là, il a seulement à informer qu'on
n'a pas le droit de braver la loi. Pourquoi lui dites-vous de prendre les
moyens? Déjà, vous le forcez à les informer qu'ils n'ont
pas le droit. Là, vous dites de prendre des moyens additionnels, en
plus.
La Présidente (Mme Bégin): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Je pense qu'on finit par se comprendre un petit mieux de
part et d'autre à mesure qu'on se parle. C'est de valeur que le temps
soit limité. Si vous n'avez pas d'objection, Mme la Présidente,
on va examiner cette chose de nouveau. Il y a quelque chose dans ce que vous
dites.
M. Chevrette: Je vais vous donner un autre exemple pour vous
convaincre définitivement.
M. Ryan: Cela n'est pas nécessaire. M. Gendron: Cela vous
convaincrait.
M. Chevrette: Non, cela vous convaincrait.
M. Ryan: Oui.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je suis président
de syndicat...
M. Ryan: Peut-être que mes collègues ne veulent pas
que je sois convaincu.
La Présidente (Mme Bégin): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Oui, mais moi, je veux... M. Gendron: Cela,
on le sent.
M. Chevrette: ...parce que c'est vous qui êtes ministre et
qui avez la sanction finale.
M. Ryan: Ha! Ha! Ha!
M. Chevrette: Je suis président de syndicat, je dis
à mes commettants: C'est une loi pourrie, c'est une loi inique, cela n'a
pas de bon sens. La loi dit, cependant, que vous pouvez être poursuivi,
etc. Savez-vous que vous pouvez l'accuser de ne pas avoir pris les moyens pour
qu'ils rentrent en vertu de l'article 5 parce qu'il n'aura pas dit: Rentrez?
Non, il a dit qu'elle est pourrie et vous avez dit "libre expression". Vous
avez même dit "libre expression", vous, tantôt.
M. Ryan: Oui.
M. Chevrette: Vous avez utilisé très clairement ces
mots et je pense que vous étiez sincère. À partir du
moment où vous êtes très sincère, M. le
ministre...
M. Ryan: Toujours.
M. Chevrette: ...déjà il les a informés,
quand on le rend coupable après, il me semble qu'on n'est pas
obligé d'ajouter... Cela, c'est du tordage de bras à
l'envers.
M. Ryan: M. le Président, nous avons écouté
avec intérêt les observations de l'Opposition. Nous en prenons
note et nous reviendrons un peu plus tard dans la discussion sur cet article
dans l'espoir de pouvoir en venir à une entente.
Le Président (M. Saintonge): Est-ce que je comprends que
nous suspendons...
M. Chevrette: Oui, suspension. D'accord.
Le Président (M. Saintonge): ...l'article 5. Nous
suspendons et l'amendement et l'article 5.
M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. J'appelle
donc l'article 6.
M. Chevrette: Quant à nous, on n'a aucun commentaire. Mais
ce serait bon pour ceux qui nous écoutent de bénéficier de
la lecture de l'article 6.
Le Président (M. Saintonge): Je peux me conformer à
la lecture de chacun des articles. Très bien. Je note simplement que
nous avons commencé à 20 h 33.
M. Chevrette: Cela va bien, on a une heure.
Le Président (M. Saintonge): Je vais finir à 22 h
23 pour appeler les autres. D'accord?
L'article 6 se lit comme suit: "Nul ne peut par omission ou autrement
faire obstacle à l'exécution normale par les salariés des
tâches qui leur incombent en vertu des conditions de travail qui leur
sont applicables." Cet article est-il adopté?
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur
division.
J'appelle l'article 7 qui se lit comme suit: "Nul ne peut entraver
l'accès d'une personne à un lieu où elle a le droit
d'accéder pour exercer ses fonctions ou pour bénéficier
d'un service dispensé par l'employeur."
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur
division.
M. Ryan: Vous voulez que j'empêche les charqés de
cours d'entrer?
M. Chevrette: Non, ce n'est pas cela, M. le ministre. Ce n'est
pas cela.
Le Président (M. Saintonge): Donc, adopté sur
division.
J'appelle l'article 8...
M. Chevrette: C'est sur le fond du projet de loi.
Le Président (M. Saintonge): ...qui se lit comme
suit...
M. Chevrette: Cela aurait l'air fou, M. le ministre, de vous
donner raison sur chaque article...
Le Président (M. Saintonge): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: ...et d'arriver à voter contre à la
fin.
Le Président (M. Saintonge): M. le leader de l'Opposition.
Je pense que la discussion sur l'article...
M. Ryan: Pardon? Moi, j'espérais vous amener à
voter pour les articles et à changer votre jugement à la
fin....
M. Chevrette: Une cohérence.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre, un
instant.
M. Ryan: ...pour des articles et à changer votre jugement
à la fin.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre, un instant,
s'il vous plaît!
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Saintonge): La discussion est
terminée sur l'article 7 et nous n'allons pas faire de discussion de ce
genre.
M. Chevrette: D'accord. C'est correct. C'est le ministre qui a
commencé, encore.
Le Président (M. Saintonge): J'appelle l'article 8 qui se
lit comme suit: "S'il estime
que les salariés ne se conforment pas à l'article 2 en
nombre suffisant pour assurer les services d'enseignement de l'employeur, le
gouvernement peut, par décret, à compter de la date, pour la
période et aux conditions qu'il fixe, remplacer, modifier ou supprimer
toute disposition de la convention collective liant l'employeur et
l'association de salariés, afin de pourvoir au mode selon lequel
l'employeur comble un poste, procède à l'embauche de nouveaux
employés et à toute matière se rapportant à
l'organisation du travail. "Les dispositions d'un décret adopté
en vertu du premier alinéa font partie, pour la période qui y est
indiquée, de la convention collective qu'elles visent."
M. Chevrette: ...sûr que Me Brière va être
d'accord avec.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Chevrette: On peut présenter notre amendement?
Le Président CM. Saintonge): Vous avez un amendement?
M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Saintonge): Oui, d'accord. Donc, il y a
un amendement présenté à l'article 8 par le leader de
l'Opposition...
M. Chevrette: Non, par le député
d'Abitibi-Ouest.
Le Président (M. Saintonge): ...qui se lit comme suit: Le
projet de loi 48 est modifié, à la troisième ligne du
premier alinéa de l'article 8, par l'ajout, après le mot
"employeur", des mots "aux seules fins de fournir les prestations
d'enseignement, d'encadrement et d'évaluation pour assurer la validation
de la session d'hiver de l'année universitaire 1986-1987". Est-ce que
nous avons copie pour...
M. Chevrette: Oui, ils l'ont.
Le Président (M. Saintonge): Vous avez reçu copie
de l'amendement.
M. Gendron: Ah oui! M. le Président.
Le Président (M. Saintonge): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je voudrais tout simplement mentionner au ministre de
l'Éducation qu'il s'est sûrement emporté dans son
allégresse, après le mot "employeur", en ne limitant pas les
possibilités gouvernementales de décréter à peu
près n'importe quelle situation. L'objectif de cette loi, M. le
ministre, vous le savez, vous l'avez présentée sur le principe,
c'est que cela recommence rapidement et de valider la session.
Une voix: Décréter pour P-2, P-3.
M. Gendron: C'est de valider la session, que cela recommence et
décréter P-2, P-3. Que, la disposition - nous pensons qu'elle est
très importante - sur les possibilités que le gouvernement puisse
agir par décret, plutôt que la convention collective s'applique,
soit limitée aux seules fins de fournir les prestations d'enseignement,
d'encadrement et d'évaluation pour assurer la validation de la session
d'hiver de l'année universitaire 1986-1987. C'est cela l'objectif. Je
pense que vous avez raison d'avoir une disposition comme l'article 8 à
condition qu'elle soit limitée aux fins pour lesquelles il y a un projet
de loi spécial. Le projet de loi, vous l'avez expliqué, nous
pensons qu'ici, avec une disposition comme celle-là, cela ne permet pas
au gouvernement... Alors, je vois que vous êtes d'accord. J'arrête
de plaider.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Continuez votre plaidoyer. Il a besoin d'être
poussé plus loin.
M. Gendron: Oui?
Le Président (M. Saintonge): M. le député
d'Abitibi-Ouest, allez-y.
M. Gendron: S'il a besoin que je plaide davantage, j'aurai besoin
d'être entendu. Vous étiez en consultation. Très
sérieusement, M. le ministre, je pense qu'ici nous... Lisez l'article:
Si vous estimez - c'est le gouvernement qui parle dans la loi - que les
salariés ne se conforment pas à l'article ? en nombre suffisant
pour assurer les services d'enseignement de l'employeur, mais uniquement aux
fins de fournir les prestations d'enseignement, d'encadrement et
d'évaluation pour assurer la validation de la session d'hiver de
l'année universitaire 1986-1987 -et là c'est fini. C'est fini
dans le sens que le pouvoir...
Une voix: ...
M. Gendron: Non, un instant. S'il manque du personnel, etc., ce
sont les dispositions de la convention collective, M. le ministre, qui
devraient s'appliquer qui, là, deviennent un décret parce
qu'effectivement vous décrétez les conditions de travail. Mais
c'est la convention collective qui devrait pourvoir à tout le reste des
responsabilités. Par rapport à la possibilité que le
gouverne-
ment puisse décréter, nous sommes convaincus que, s'il y
avait la disposition uniquement quant à la prestation d'enseignement,
d'encadrement et d'évaluation de la session, là il n'y aurait pas
de pouvoir additionnel conféré au ministre.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: Je pense qu'il y a maldonne entre l'Opposition et le
gouvernement autour de l'article 8. L'article 2 auquel se réfère
l'article 8 dit clairement: "Pendant la période comprise entre le
début de la session d'été 1987 et le 31 décembre
1988, un salarié doit accomplir tous les devoirs attachés
à ses fonctions, compte tenu..." L'article 8 veut tenir compte de toute
situation susceptible de survenir pendant la durée de la convention qui
doit s'étendre jusqu'à la fin de 1988. (21 h 40)
M. Gendron: Mais si vous répondez comme ça,
ça signifie que la convention est complètement mise à
l'écart. C'est tellement vrai, M. le ministre, que j'ai ici le projet de
loi 160. À l'article 9 du projet de loi... Je me rappelle, on a
fouillé le procès-verbal et c'est exactement le même
processus. Ça a pris un peu de temps à vous convaincre. Voici le
texte. Je ne Vous lirai pas l'article 9 au complet mais c'est écrit:
"...uniquement aux fins d'assurer les services essentiels", parce qu'on pensait
que toute la portée de l'article 9 dans le projet de loi 160 devait se
référer uniquement aux services essentiels. Nous pensons que dans
le présent cas les obligations auxquelles vous faites
référence à l'article 2... La loi spéciale est
justifiée pour que ces gens-là fassent obligation à ce
pourquoi il y a nécessité d'adopter le projet de loi qui porte le
no 48, à savoir fournir les prestations d'enseignement, d'encadrement et
d'évaluation, pour assurer quoi? La validation de la présente
session. C'est ça le problème. Tout votre argument en
deuxième lecture, M. le ministre, était: Ça n'a pas de bon
sens de ne pas prendre les dispositions, premièrement pour que ça
recommence; deuxièmement, pour valider la session. Mais c'est pour ces
fins-là que l'article 8 existe et qu'il y a une référence
à l'article 2 parce que autrement "toute disposition de la convention"
ça ne tient plus et ça signifie que le gouvernement pourrait, tel
que vous l'avez écrit à l'article 8, pour toute autre chose que
la validation, les prestations d'enseignement d'encadrement et
d'évaluation, stipuler qu'il est autorisé à prendre des
mesures par décret pour fixer des conditions de différente
nature. Vous l'avez dit dans votre phrase tantôt... Écoutez! vous
avez dit: À l'article 2 il y a d'autres obligations que celles de
valider la session et d'encadrer les prestations d'enseignement et
d'encadrement. Vous avez tout à fait raison, mais qu'est-ce qui
régit habituellement toutes les autres dispositions? C'est la convention
collective, ce n'est pas la loi. La loi est obligée de régir
uniquement ce qu'elle doit couvrir: il faut que ça recommence, il faut
que vous donniez de l'enseignement, de l'encadrement et de l'évaluation
et que vous validiez la présente session, c'est-à-dire que la
session qui ne s'est pas terminée doit être validée.
Chaque fois qu'il y a à régir d'autres dispositions, M. le
ministre, vous devriez être à l'intérieur du cadre de la
convention collective et non dans le cadre de la loi spéciale.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, nous allons prendre en
considération les observations qui nous ont été soumises
par le député d'Abitibi-Ouest. Je demanderais que cet
article-là soit gardé en réserve pour un peu plus
tard.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Nous allons
suspendre et la discussion de l'amendement et la discussion...
M. Ryan: Pour ne pas agir de manière purement machinale je
veux vérifier si dans le cas de la loi 160 il s'était agi d'une
loi visant à mettre un terme à un arrêt de travail
illégal. Si c'était un arrêt de travail illégal,
à ce moment-là, je comprends qu'on ait mis des dispositions
visant à empêcher la répétition d'un tel arrêt
pendant la durée de la convention et donnant au gouvernement le pouvoir
de décider par décret. On va vérifier ce point-là
et si des éléments nous invitaient à
réfléchir dans le sens où nous y invite le
député d'Abitibi-Ouest, on le ferait.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Nous allons
suspendre la discussion sur l'amendement ainsi que sur l'article 8 au
complet.
Règlement du différend
Nous allons maintenant passer à la section III de la loi,
intitulée "Règlement du différend." J'appelle l'article 9.
Est-ce que l'article 9 est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Saintonge): Adopté. J'appelle
maintenant l'article 10 qui se lit comme suit: "Les stipulations visées
à l'article 9 constituent une convention collective au sens du Code du
travail et lient les parties jusqu'au 31 décembre 1988." J'ai
reçu un amendement à l'article 10 par
M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre, j'ai
reçu un amendement présenté par M. le député
d'Abitibi-Ouest à l'article 10, amendement qui se lit comme suit: Le
projet de loi 48 est modifié par l'ajout, à l'article 10, d'un
deuxième alinéa se lisant comme suit: "Les stipulations
visées au premier alinéa pourront être modifiées de
temps à autre du consentement de l'association de salariés et de
l'employeur." Donc, M. le député d'Abitibi-Ouest, sur votre
amendement.
M. Gendron: Oui. Je ne voudrais pas me le présenter, je le
connais. À l'article 10, M. le ministre de l'Éducation, on vous
disait qu'on avait un petit amendement à présenter. Je veux juste
l'expliquer. C'est que nous pensons que l'article 10, tel qu'il est
écrit: "Les stipulations visées à l'article 9 constituent
une convention collective au sens du Code du travail et lient les parties
jusqu'au 31 décembre 1988." pourrait être modifié par
l'ajout, à la fin du deuxième alinéa - c'est-à-dire
non. On remplacerait complètement l'article 10, n'est-ce pas?
Le Président (M. Saintonge): Vous ajoutez un
deuxième alinéa.
M. Gendron: D'accord. On ajoute. Excusez-moi. On ajouterait un
deuxième alinéa qui dirait: "Les stipulations visées au
premier alinéa pourront être modifiées de temps à
autre du consentement de l'association de salariés et de l'employeur".
Ceci, pour permettre qu'en cours de vécu de la loi spéciale, sur
consentement mutuel, les parties qui voudraient apporter des modifications
puissent le faire.
M. Ryan: Mes conseillers juridiques m'indiquent qu'il serait
superflu d'ajouter une clause comme celle-ci parce que c'est de la nature
même d'une convention collective d'être sujette à
modification sur libre consentement des deux parties concernées. Dans
des lois adoptées antérieurement dans des circonstances
semblables, on n'a pas mis de dispositions comme celle-là. Il semble que
ce serait faire parler le législateur pour ne rien dire, qui ne soit
déjà dans la nature des choses.
M. Gendron: Oui, M. le ministre. Je suis d'accord avec vous.
Mais, comme c'était notre prétention, une couple d'articles
auparavant, que justement il y avait des dispositions qui faisaient parler le
législateur pour ne rien dire, on s'est dit, s'il nous donne cet
argument, puis qu'il a refusé certains amendements sur la même
base, peut-être qu'il va les accepter. Mais, pour être plus
sérieux, si vous prétendez que l'article 10, conformément
aux dispositions du Code du travail, n'a pas besoin de cet ajout parce que
c'est superfétatoire, comme vous dites parfois, et que le Code du
travail le prévoit, parfait. Cela nous agrée. On retire
l'amendement proposé à l'article 10.
Le Président (M. Saintonge): Donc, l'amendement est
retiré. Est-ce que l'article 10 est adopté?
M. Gendron: Oui.
Sanctions
Le Président (M. Saintonge): Adopté. Nous allons
maintenant passer à la section IV de la loi, intitulée
"Sanctions" et à la première partie, "Poursuites pénales".
L'article 11.
Donc, à l'article 11, est-ce que vous avez quelques commentaires,
M. le ministre?
M. Ryan: Oui, M. le Président. J'aimerais demander
à mon collègue, le ministre du Travail, de fournir certaines
explications au sujet de l'article 11, si vous le permettez.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre du
Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Il s'agit peut-être, M.
le Président, de...
M. Gendron: ...d'explications. On est d'accord. Vous pouvez y
aller avec des explications, mais, nous autres, on n'a pas de problème
avec l'article 11.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous êtes d'accord avec les
sanctions, les poursuites pénales et les pénalités qui
sont incluses au projet de loi.
M. Chevrette: On ne parle pas du quantum nécessairement.
Quant au libellé...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faudrait que vous vous
entendiez. Il y en a un qui me dit qu'il est d'accord, l'autre me dit qu'il ne
l'est pas. (21 h 50)
M. Gendron: Non, non. Un instant. M. le Président. On est
tous les deux à la même place, au même endroit et à
la même heure. C'est que, depuis le début, si le ministre du
Travail avait suivi, quand on parle de notre accord, c'est sur la
compréhension du libellé qu'il y a là. Ce n'est pas notre
accord sur le fond. On n'était pas d'accord sur la loi. Alors, je ne
suis pas d'accord sur l'article 11. Je n'ai pas besoin d'un long discours du
ministre du Travail pour m'expliquer l'article 11. C'est ça que je veux
dire. On est d'accord qu'on comprend très bien les
pénalités, ce qui est écrit à l'article 11. On vous
demande de
nous faire grâce de vos explications à l'article 11.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce moment, je comprends
que vous êtes d'accord que vous compreniez bien ce que vous retrouvez, ce
que vous lisez. Maintenant, ce qui nous intéresse de ce
côté-ci, dans le débat, c'est de savoir si vous partagez
également, au niveau des peines et des sanctions qui sont
indiquées, l'avis du gouvernement qu'il s'aqit de sanctions et de peines
qui sont raisonnables ou si vous les qualifiez de déraisonnables, et
c'est là qu'il pourrait y avoir...
M. Chevrette: Ça, M. le ministre...
Le Président (M. Saintonge): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: ...chaque parlementaire dit bien ce qu'il veut sur
chaque article. À ce stade-ci je pense que vous n'êtes pas en
position d'interroger. C'est vous autres qui avez préparé le
projet de loi. C'est à nous autres de poser des questions sur votre loi.
Je comprends que vous avez des réminiscences du passé et que vous
y reviendrez. Pour le moment, imaginez-vous qu'on joue le rôle que vous
avez déjà joué.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député de
Joliette, je vous demandais si vous aviez des questions; si vous n'avez pas de
question et que vous êtes d'accord qu'il s'agit là - non
simplement que vous avez compris l'article - de pénalités qui
sont en équilibre, si je peux utiliser l'expression...
M. Chevrette: Je vais le dire au moment du vote.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...à ce moment, cela va
nous permettre de passer à l'article suivant. Si vous avez des
réserves...
M. Gendron: On était déjà à l'article
12, M. le Président.
Le Président (M. Saintonge): S'il vous plaît, on va
régler le problème si vous voulez, pour qu'on s'entende
très bien.
M. Chevrette: Un instant. De ce côté-ci?
Le Président (M. Saintonge): Non, non. Des deux
côtés. Simplement, c'est que j'avais donné la parole au
ministre du Travail pour expliquer quelque chose. On a dit: On est d'accord. Je
pense que ce que je vais faire pour que le débat se fasse proprement, je
vais demander au ministre du Travail de donner ses explications et vous aurez
aussi vos questions.
M. Chevrette: C'est bien correct. On n'en a plus besoin.
Le Président (M. Saintonge): Je pense que c'est la seule
façon, sinon on est en train de susciter un débat sur autre
chose. M. le ministre du Travail, vous avez la parole pour expliquer les
dispositions de l'article 11.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, tout
simplement pour indiquer très brièvement à l'Opposition
ainsi qu'à ceux et celles qui nous écoutent que vous retrouvez
là à l'article 11, autant sur le plan du libellé que des
quanta, ce que l'on retrouve à l'article 142 du Code du travail, et que
dans les circonstances le gouvernement est d'avis qu'il s'agit là de
sanctions qui sont en équilibre, vu les répercussions que peut
avoir un tel conflit.
Le Président (M. Saintonge): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: II faut reconnaître que les
pénalités individuelles ressemblent plus au code qu'à
certaines lois d'exception.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les pénalités
individuelles tout comme celles qui visent les dirigeants ou employés
d'une association et celles qui visent les associations comme telles sont
exactement celles que vous retrouvez à l'article 142 du Code du
travail.
M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Est-ce que
l'article 11 est adopté?
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur division.
J'appelle l'article 12. L'article 12 se lit comme suit: "Si l'association de
salariés ne se conforme pas aux articles 4 ou 5, elle commet une
infraction et est passible, outre le paiement des frais, de l'amende
prévue au paragraphe 3 de l'article 11 pour chaque jour ou partie de
jour pendant lequel des salariés représentés par
l'association de salariés contreviennent à l'article 2." Est-ce
qu'il y a des questions sur l'article 12? M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: C'est le lien qu'on a fait tantôt avec M. le
ministre, l'article 2 par rapport à l'article 12. Les amendements dont
on a parlé tantôt.
Le Président (M. Saintonge): Je vais suspendre l'article
12.
M. Chevrette: Si vous vous rappelez, on
a dit que si on avait un texte, étant donné que l'article
12 créait une infraction à l'article 5 - non, c'est à
l'article 5, je m'excuse. C'est vrai. L'article 12 crée une infraction
à l'article 5.
Le Président (M. Saintonge): C'est ça. Une voix:
L'article 5 est suspendu.
M. Chevrette: L'article 5 est suspendu présentement.
Le Président (M. Saintonge): Je comprends que vous voulez
que je suspende également l'article 12, vu la suspension de l'article
5.
M. Chevrette: Si jamais on avait un texte qui allait dans le sens
de ce qu'on avait dit, peut-être qu'on éviterait de faire un
amendement ici.
Le Président (M. Saintonge): Vous êtes d'accord que
nous allons suspendre l'article 12." Nous y reviendrons après avoir
adopté l'article 5.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on le suspend...
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, si on
le suspend comme tel, je comprends que vous avez des réserves à
cause de l'article 5 qui a déjà été suspendu, mais
que vous n'avez pas de réserve en ce qui concerne l'application quant
à l'article 4.
M. Chevrette: L'article 4 a été, à ce que je
sache, voté à cette commission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'avez pas de réserve
sur l'application de l'article 12 en relation avec l'article 4. Vos seules
réserves portent sur l'application de l'article 12 en relation avec
5.
M. Chevrette: C'est-à-dire qu'on n'avait aucune
réserve quant à la compréhension de l'article 4
effectivement.
Le Président (M. Saintonge): L'article 12 est suspendu.
J'appelle l'article 13.
M. Chevrette: C'est ça.
Le Président (M. Saintonge): Est-ce que vous voulez que je
lise l'article 13 également?
M. Chevrette: S'il vous plaît!
Le Président (M. Saintonge): Très bien. "Quiconque
contrevient à l'article 7 commet une infraction et est passible, outre
le paiement des frais, d'une amende de 1000 $ à 10 000 $. "S'il s'aqit
d'une personne visée au paragraphe 2 de l'article 11, l'amende
prévue au premier alinéa est de 2000 $ à 25 000 $."
M. le ministre, pas de commentaire?
M. Ryan: Pas de commentaire.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre du
Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas de commentaire. Cela nous
semble là, encore une fois, M. le Président, des montants qui
visent un respect de la loi et qui ont été fixés pour que
nous nous retrouvions le plus en équilibre.
M. Chevrette: Mais l'article 13, M. le Président...
Le Président (M. Saintonge): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Si je comprends bien, l'article 13 crée la
pénalité à la désobéissance de l'article
7.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela. C'est exact.
M. Chevrette: Et l'article 7, c'est l'accès aux lieux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): "Nul ne peut entraver
l'accès d'une personne à un lieu où elle a le droit
d'accéder pour exercer ses fonctions ou pour bénéficier
d'un service dispensé par l'employeur."
M. Chevrette: Mais, à l'article 11, si vous aviez
écrit - je reviens en arrière pour les fins d'explication, M. le
Président -"Quiconque contrevient, incite ou encourage une personne
à contrevenir à une disposition des articles 2, 3, 6 ou 7, commet
une infraction, l'article 13 serait inutile.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais les
pénalités ne sont pas les mêmes. Si vous regardez la
corrélation: dans l'article 13, vous ne retrouvez pas...
M. Chevrette: Une à 10 000 $ et deux à 25 000 $.
Alors que vous avez...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne retrouvez pas 25 000 $
à 100 000 $, vous retrouvez 1000 $ à 10 000 $ et vous retrouvez,
non pas 5000 $ à 50 000 $, mais 2000 $ à 25 000 $. Donc, on
n'aurait pas pu agir comme vous nous le suggérez présente-
ment en ayant les mêmes résultats que nous visons, avec les
chiffres dont nous faisons état.
M. Chevrette: Est-ce qu'on peut savoir brièvement, parce
que c'est la première fois qu'on revoit la distinction de ce type
d'amende en tout cas, à ma mémoire... Peut-être que cela
s'est vu, mais dans le projet de loi 160 je ne me souviens pas d'avoir vu cette
distinction législative quant aux pénalités à
l'accès des lieux par rapport aux autres. Est-ce que je fais erreur ou
si c'est ma mémoire purement et simplement?
Une voix: Vous avez une bonne mémoire. On n'a jamais vu
une amende différente.
M. Chevrette: Dans 160, entre autres, il me semble qu'on ne
voyait pas la distinction.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre du
Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est en train de vérifier
présentement, parce que 160 a été un projet de loi qui a
été parrainé par Mme la ministre des Affaires sociales. Ce
n'était ni le ministre de l'Éducation ni le ministre du Travail,
mais certains techniciens étaient les mêmes.
M. Chevrette: Oui, je serais surpris qu'ils soient
différents.
Le Président (M. Saintonge): L'article 13 est-il
adopté ou...
M. Chevrette: Cela dépend. On attend une petite
réponse.
Le Président (M. Saintonge): D'accord. Nous allons faire
la vérification demandée. M. le ministre.
M. Ryan: La distinction que nous avons dans le projet de loi 48
était déjà contenue dans la loi 160. Les montants
étaient différents, ils étaient plus gros dans la loi 160,
parce qu'on transigeait avec de plus grosses associations.
M. Gendron: La question n'était pas de vérifier -
j'aimerais cela que M. Brière écoute aussi - si les montants
étaient différents ou pas, c'est qu'ici vous avez...
M. Ryan: Ce n'est pas cela que j'ai dit. M. Gendron: Ah,
excusez-moi. M. Ryan: La distinction de base, 7. M. Gendron:
Entre l'accès et le reste?
M. Ryan: C'est cela. M. Gendron: D'accord.
M. Ryan: Cela y était dans le projet de loi...
M. Gendron: Si c'est ce que vous avez dit, cela va. C'est ce
qu'on voulait savoir, merci.
M. Ryan: C'est cela.
Le Président (M. Saintonge): Donc, cela convient. Est-ce
que l'article 13 est adopté?
M. Chevrette: Sur division. (22 heures)
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur division.
J'appelle donc l'article 14 qui se lit comme suit: "Toute personne qui, par son
acte ou son omission, en aide une autre à commettre une infraction est
coupable de cette infraction comme si elle l'avait commise elle-même, si
elle savait ou aurait dû savoir que son acte ou son omission aurait comme
conséquence probable d'aider à la commission de
l'infraction."
Est-ce que vous avez quelque information...
M. Gendron: Oui, un amendement.
Le Président (M. Saintonge): Un amendement à
l'article 14?
M. Gendron: A l'article 14.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Un
amendement à l'article 14 présenté par...
M. Chevrette: II faudrait peut-être déposer les
articles 14 et 15 parce qu'ils sont de même nature.
M. Gendron: Oui. Les articles 14 et 15 sont...
Le Président (M. Saintonge): Je préférerais
qu'on règle l'article 14, M. le leader de l'Opposition. On reviendra
à l'article 15...
M. Chevrette: Compte tenu du temps, M. le Président,
étant donné que c'est exactement la même nature...
Le Président (M. Saintonge): D'accord.
M. Chevrette: Je pense que cela pourrait peut-être
permettre...
Le Président (M. Saintonge): D'accord. Donc, à
l'article 14, il y a un amendement qui est proposé par M. le
député d'Abitibi-Ouest qui se lit comme suit: Le projet de
loi
48 est modifié par la suppression, à la quatrième
ligne de l'article 14, des mots "ou aurait dû savoir".
Pour le bénéfice de la discussion, l'article 15 se lit
comme suit: "Toute personne qui, par des encouragements, des conseils ou des
ordres, en amène une autre à commettre une infraction est
coupable de cette infraction ainsi que de toute autre infraction que l'autre
commet en conséquence des encouragements, des conseils ou des ordres, si
elle savait ou aurait dû savoir que ceux-ci auraient comme
conséquence probable la commission de l'infraction."
Il y a également une modification apportée à cet
article 15 par M. le député d'Abitibi-Ouest. La modification se
lit comme suit: Le projet de loi 48 est modifié par la suppression,
à la sixième ligne de l'article 15, des mots "ou aurait dû
savoir".
Ce sont donc les deux amendements aux deux articles en question. Est-ce
qu'il y a quelque commentaire, M. le député d'Abitibi-Ouest, sur
vos amendements?
M. Gendron: Le commentaire ne sera pas tellement long. Je
commence à trouver que des dispositions présomptives, dans une
loi spéciale, sont quand même en termes, encore là, de
droit, surtout avec des conséquences pénales, un peu, pas mal,
beaucoup, passionnément, comme diraient certains, abusives: Toute
personne, par son acte ou son omission, qui en aide une autre à
commettre une infraction est coupable de cette infraction comme si elle l'avait
commise elle-même si elle savait ou aurait dû savoir... La
disposition "aurait dû savoir" m'apparaît très abusive et
c'est d'introduire encore une fois une présomption de
culpabilité. La présomption de culpabilité, encore
là sans avoir une grande expérience comme juriste,
m'apparaît être un peu du droit nouveau, être dangereuse au
niveau des droits et libertés de la personne. Je ne pense pas qu'on ait
affaire à des criminels. Quand on est dans le domaine de
l'éducation, des chargés de cours qui ont comme mission
éducative de former des jeunes pour la relève et la
société de demain et qu'on met une disposition présomptive
qui impute d'avance des motifs d'ordre criminel, il me semble que c'est aller
très loin. En conséquence, l'Opposition préférerait
qu'aux articles 14 et 15 la disposition "aurait dû savoir" soit à
tout le moins éliminée.
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre du
Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de convaincre le
député d'Abitibi-Ouest du bien-fondé de maintenir au
projet de loi l'expression "aurait dû savoir". Je pense que l'expression
"si elle savait" ne pose pas de problème entre les deux formations
politiques si la mens rea est là et qu'elle est complète, que
l'infraction soit constatée, ça va. Je ne partage pas l'analyse
qu'en fait cependant le député d'Abitibi-Ouest quand il nous dit
que lorsqu'on écrit dans le projet de loi "aurait dû savoir", on
change la présomption. On ne change absolument pas la
présomption. Celui qui accuse ou l'accusateur devra démontrer que
la personne aurait dû savoir. C'est là pour éviter
peut-être... Je vais tenter de vous donner l'exemple qui me vient le plus
rapidement à la tête. Ce n'est peut-être pas l'exemple le
plus parfait, c'est peut-être un exemple qui va clocher, mais c'est quand
même un exemple qui va illustrer ce que nous tentons d'éviter. Si
les salariés étaient informés par circulaires
distribuées à leur domicile, on peut difficilement faire la
preuve que la personne savait. Si elle a pris la circulaire en la recevant et,
ne sachant pas de quoi il s'agissait l'a mise à la poubelle...
"...aurait dû savoir". Il faut que l'institution, le gouvernement, la
personne qui porte la plainte, prenne tous les moyens nécessaires pour
s'assurer que la personne aurait dû savoir et il faut faire cette preuve
que la personne aurait dû savoir. Ce n'est pas aussi simple que vous le
mentionnez en disant qu'il y a renversement de présomption. La
présomption n'est pas sur le travailleur, n'est pas sur la personne qui
pourrait commettre l'infraction. La présomption d'innocence demeure,
elle est pleine, complète et entière. Cela vise à
éviter que des gens, dans certains cas, posent des gestes pour
éviter de savoir. C'est finalement le but d'inclure cette
expression.
Le Président (M. Saintonge): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je ne sais pas si la consultation des juristes, c'est
pour confirmer ou corroborer les dires du ministre du Travail. Comme il y avait
possibilité tantôt, après une réflexion d'un
ministre, d'aller chercher une corroboration - ou l'inverse -des
spécialistes de ces questions qui en ont traité d'autres, je
voudrais savoir si M. Brière peut dire au ministre de l'Éducation
s'il partage l'explication qui a été fournie? Je ne demande pas
qu'il le dise lui-même, mais qu'on le dise par la voix d'un consultant
qui dit à son ministre quoi dire, et si le ministre veut prendre
à son compte la réflexion de M. Brière...
M. Ryan: Je n'ai pas besoin de consulter 25 encyclopédies;
"aurait dû savoir" me semble être plein de bon sens. Dans une loi
comme celle-là, c'est une expression qui me semble parfaitement
sensée.
M. Gendron: Parfaitement essentielle,
avez-vous dit?
M. Ryan: Parfaitement sensée.
M. Gendron: Sensée.
M. Ryan: Je vais vous donner...
M. Chevrette: Mais M. le ministre...
M. Ryan: Est-ce que je peux expliquer ma pensée?
M. Chevrette: Allez-y, excusez-moi. Je pensais que vous aviez
fini.
M. Ryan: C'est un grand mot pour une petite chose. Disons, par
exemple, que la direction du syndicat envoie une lettre circulaire à ses
membres pour les informer de ce qui était dans la loi et leur faire part
des obligations résultant pour eux de cette loi-là. Le gars qui
est chez lui et qui reçoit cela peut dire: Moi, ces maudites affaires de
syndicat et de gouvernement, je ne veux pas en entendre parler, je fourre
ça au panier. Il n'était pas au courant, mais il aurait dû
le savoir. Il a été convoqué à une
assemblée, il a dit: Moi, j'en ai plein mon voyage, je ne vais plus
à ces affaires-là, j'aime autant rien savoir. Il aurait dû
savoir, il ne peut pas plaider qu'il ne le savait pas.
Il me semble que c'est le sens commun, dans une société de
communication très développée comme la nôtre,
à part ça.
M. Chevrette: Je vais peut-être adresser ma question au
ministre du Travail qui avait commencé à y répondre.
À l'article 14, vous avez expliqué que vous aviez le fardeau de
la preuve.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
M. Chevrette: Relisons l'article 14 ensemble: "Toute personne
qui, par son acte ou son omission...". Il ne va pas à
l'assemblée; c'est un délégué de département
et il ne va pas à l'assemblée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas une infraction.
M. Chevrette: Non, mais regardez bien: "par... son omission, en
aide une autre à commettre une infraction est coupable..."
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais ne pas aller à
l'assemblée n'est pas une infraction.
M. Chevrette: Non, mais une omission. Le fait de ne pas avoir
fait circuler une feuille, par exemple, ça va jusqu'à l'omission.
C'est écrit "est coupable".
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député de
Joliette, je veux bien répondre à l'exemple que vous me donnez,
mais ne pas assister à l'assemblée syndicale...
M. Chevrette: Bon, oublier l'assemblée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... pour le travailleur ne
constitue pas une infraction, ni au sens du Code du travail, ni au sens de la
loi que nous avons devant nous présentement.
M. Chevrette: II a un paquet de feuilles à distribuer et
il ne les distribue pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas une infraction.
M. Chevrette: Ce n'est pas une infraction.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'a pas d'obligation,
d'après la loi, de distribuer des feuilles.
M. Chevrette: Bon. Donnez-moi donc un exemple d'omission qui
pourrait rendre le délégué coupable?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II omet de se présenter
à son travail.
M. Chevrette: Mais en quoi l'omission de se présenter
à son travail le rend-il coupable d'une infraction? Il n'aide pas un
autre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous donner un exemple
parfait. Il a la responsabilité d'afficher une liste, un horaire.
M. Chevrette: Au babillard, disons.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une responsabilité
qu'il a et il omet de le faire. À ce moment-là, cela peut
constituer une infraction.
M. Chevrette: Ce n'est pas une infraction? "aide une autre
à commettre une infraction est coupable"; vous le rendez coupable. Vous
dites que vous avez le fardeau de la preuve?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la question de la notion de
complicité. On a déterminé...
M. Chevrette: Le "guilt by association".
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a déterminé, au
moment où on se parle, qui était coupable de quoi. Maintenant,
ces gens peuvent commettre des infractions, mais pour commettre des
infractions, ils peuvent être
aidés. C'est toute la question de la notion de la
complicité. Là, on vous dit que toute personne qui, par son acte
ou omission, en aide une autre, est complice d'une autre dans l'infraction
commise en vertu de la loi, est coupable de cette infraction. On dit que celui
qui aide est aussi coupable que celui qui commet l'infraction. C'est tout ce
que cet article vise. (22 h 10)
M. Chevrette: Êtes-vous prêt à indiquer que le
fardeau de la preuve incombe à l'employeur?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, je suis prêt
à vous garantir...
M. Chevrette: Si vous me dites qu'il n'y a pas de
présomption...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...que la présomption
d'innocence joue et que le fardeau de la preuve incombe à celui qui
accuse.
M. Chevrette: Êtes-vous prêt à
l'écrire?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faudrait que je reproduise dans
ce texte de loi l'ensemble des règles d'interprétation et de
présomption. La présomption d'innocence joue tout le temps en
matière d'infraction et d'actes criminels.
M. Chevrette: Non, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais l'écrire, mais
ce serait redondant.
M. Chevrette: M. le ministre, dans plusieurs lois du travail
depuis quelques années...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans votre temps.
M. Chevrette: Non, non, non, dans votre temps, avec M. Jean
Cournoyer, les lois 129 et 130. Je pourrais en relever une couple.
Effectivement, dans certaines lois depuis douze ans, il y a eu des
renversements de preuves et je ne suis pas certain, par le libellé de
l'article 14 - je demanderais au ministre de bien le lire - je ne suis pas
certain que, dans les articles 14 et 15, tels que libellés, on ne
commande pas l'individu, que ce n'est pas lui qui a le fardeau de la preuve,
tels que libellés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je suis prêt à
en faire la lecture, M. le député de Joliette, parce que ce n'est
pas là l'intention du gouvernement. Nous n'avons pas l'intention de
renverser le fardeau de la preuve. Nous n'avons pas l'intention de faire en
sorte que la personne soit présumée coupable par la loi. Si nous
lisons attentivement l'article 14, "toute personne qui, par son acte ou son
omission..." Donc, il faut que la personne agisse, soit un acte, soit une
omission, en aide une autre - la notion de complicité, d'assistance -
à commettre une infraction. On ne présume pas qu'il y a une
infraction, il faut la prouver: "est coupable de cette infraction comme si elle
l'avait commise elle-même". Mais il " faut prouver qu'il y a eu
infraction et il faut prouver que la personne, par son action ou par son
omission, a aidé l'autre. Le fardeau de la preuve incombe à la
personne qui porte la plainte: "Est coupable de cette infraction comme si elle
l'avait commise elle-même si elle savait - donc, il n'y a pas de
problème, c'est la notion de la mens rea complète et
entière - ou aurait dû savoir - là, il faut prouver que la
personne aurait dû savoir, il n'y a pas de présomption que la
personne aurait dû savoir - que son acte ou son omission aurait comme
conséquence probable d'aider à la commission de
l'infraction."
La seule distinction qu'il y a avec la rédaction d'une infraction
habituelle est le "aurait dû savoir" que vous avez dépisté
au tout début et nous vous avons expliqué pourquoi le
gouvernement a ajouté les mots "aurait dû savoir". Mais le fardeau
de la preuve pour démontrer que la personne aurait dû savoir, pour
démontrer qu'il y a complicité, pour démontrer qu'il y a
infraction, appartient à celui ou à celle qui porte l'accusation.
Il n'y a pas de renversement du fardeau de la preuve comme vous venez de le
mentionner et comme vous l'avez déjà aperçu dans certaines
lois spéciales du travail.
Le Président (M. Saintonge): Je voudrais informer
l'Assemblée qu'à 22 h 23, je devrai mettre aux voix tous les
articles et amendements qui n'ont pas été appelés et pour
lesquels on n'a pas voté. Il y a actuellement trois articles qui sont
suspendus, avec certains amendements à apporter aux articles 3, 5 et
8.
M. Chevrette: Passons au vote des articles 14 et 15.
Le Président (M. Saintonge): D'accord. Nous allons
procéder aux articles 14 et 15 et je suggérerais que nous
revenions immédiatement aux articles 3, 5 et 8, sinon nous ne pourrons
pas revenir...
M. Chevrette: C'est-à-dire qu'on avait
déposé l'article 15, mais on va le retirer. Si l'amendement est
battu à 14, il va être battu à 15.
M. Gendron: Réglez 14 et 15.
M. Chevrette: Cela ne donne rien de...
Le Président (M. Saintonge): D'accord. Est-ce que
l'amendement proposé à l'article 14 est adopté?
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): C'est-à-dire qu'il est
rejeté. Je comprends donc...
M. Chevrette: C'est-à-dire que...
Le Président (M. Saintonge): Non, mais l'amendement...
M. Chevrette: ...l'amendement est rejeté.
Le Président (M. Saintonge): L'amendement est
rejeté. Donc, l'amendement à l'article 14 est rejeté. Ce
sera la même chose... Est-ce que l'article 14 est adopté?
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur division.
Est-ce que l'amendement proposé à l'article 15 est adopté?
Non, je comprends qu'il y a des...
M. Chevrette: On ne le dépose pas, on le retire.
Le Président (M. Saintonge): Je l'ai déjà
lu.
M. Chevrette: Ah! d'accord. Dans ce cas-là, faites comme
l'autre, comme pour l'article 14.
Le Président (M. Saintonge): II est rejeté?
Adopté sur division, n'est-ce pas, dans les deux cas? Donc, les articles
14 et 15 sont adoptés sur division.
M. Chevrette: On n'accepte pas l'article 16.
Articles en suspens
Le Président (M. Saintonge): Nous allons revenir à
l'article 3 du projet de loi. Et à cet article, je comprends qu'il y
avait un amendement proposé par l'Opposition. On était en train
d'examiner s'il y avait lieu de recevoir cet amendement ou même de le
sous-amender. Est-ce que, M. le ministre, vous avez une réaction
à ce moment-ci?
M. Ryan: M. le Président, pour être exact, nous
avions accueilli avec intérêt l'amendement présenté
par l'Opposition, mais j'avais moi-même mis de l'avant une formulation
différente pour les deux dernières lignes, et nous sommes en
train de mettre au point cette formulation. Cela viendra d'ici deux minutes. En
attendant, je voudrais que nous disposions tout de suite de l'article 5...
Le Président (M. Saintonge): D'accord.
M. Ryan: ...que nous avions laissé en suspens. Nous
serions prêts à accepter l'amendement proposé par
l'Opposition.
Le Président (M. Saintonge): À l'article 5?
M. Ryan: Oui.
,Le Président (M. Saintonge): Donc, l'amendement est
adopté.
Une voix: Oui.
M. Gendron: Cela prend du temps parfois, mais...
Le Président (M. Saintonge): Et l'article 5...
M. Gendron: ...on ne perd pas complètement notre
temps.
Une voix: Toujours. M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Saintonge): L'article 5 est adopté
tel qu'amendé. Est-ce que nous allons à l'article 8?
M. Ryan: L'article 8, ensuite. Là, nous ne pouvons pas
accepter l'amendement proposé par l'Opposition. Nous sommes très
sensibles aux représentations qui nous ont été faites,
mais nous devons peser éqalement les risques inhérents à
la situation dans laquelle nous sommes placés, une situation
délicate. Et il n'y aura rien de plus mauvais pour le gouvernement que
d'être obligé de revenir ici, à supposer que la situation
se gâche. Vous avez dit vous-même dans vos discours que ce n'est
pas nécessairement de nature à corriger toute la situation dans
peu de temps. On aura besoin d'un peu de temps pour manoeuvrer. Nous estimons
que cette protection-là est nécessaire tout en ayant la ferme
détermination de ne pas y recourir.
Le Président (M. Saintonge): Donc, l'amendement
proposé à l'article 8 est rejeté. Est-ce que l'article 8
est adopté?
M. Gendron: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur division.
Est-ce que nous sommes en état de revenir à l'article 3, M. le
ministre?
M. Ryan: Si vous voulez peut-être en passer juste un autre
avant, M. le Président.
Le Président (M. Saintonge): D'accord. En
conséquence, je vais appeler l'article 16.
Une voix: L'article 16, cela va.
Le Président (M. Saintonge): L'article 16, cela va. Donc,
l'article 16 est adopté.
M. Ryan: L'article 16 est adopté. Merci.
Une voix: Pardon?
M. Ryan: L'article 16 est adopté.
Le Président (M. Saintonge): L'article 16 est
adopté.
M. Chevrette: ...
Le Président (M. Saintonge): J'appelle maintenant...
Est-ce que c'est sur division ou adopté?
M. Ryan: C'est bon, ça. C'est le premier. Non, il est
adopté.
M. Gendron: ...sur division, mais je veux dire, l'article 16, on
n'a pas de problème et l'article 17, on n'a pas de problème.
M. Ryan: Je pensais qu'il était adopté. Le
Président (M. Saintonge): Un instant.
M. Ryan: M. le Président, vous nous nuisez. Vous faites
reprendre les votes.
Le Président (M. Saintonge): Non, M. le ministre, ce n'est
pas cela.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Saintonge): C'est simplement qu'à
ma gauche, j'entends: Adopté, et en même temps que j'écris,
j'entends: Adopté sur division. Je veux mettre cela bien clair. C'est
qu'actuellement...
M. Gendron: C'est un mot qui va à la suite de l'autre.
M. Ryan: Je n'avais pas compris les mots. Moi, j'ai les
oreilles...
Le Président (M. Saintonge): ...depuis le début de
l'étude du projet de loi...
M. Ryan: ...je n'avais pas compris les mots "sur division". Vous
êtes plus proche d'eux que moi, par vos fonctions.
Le Président (M. Saintonge): Très bien, mais je
dois vous dire, M. le ministre, qu'à l'article 16, j'avais
indiqué "adopté sur division".
M. Ryan: D'accord. C'est bien. M. Chevrette: C'est cela. M.
Gendron: 17, également.
Le Président (M. Saintonge): Je dois vous avouer que,
depuis le début, il y a certains articles qui n'ont pas
été adoptés sur division. J'ai demandé:
Adopté? On m'a dit: Adopté, et je n'ai pas entendu "sur
division".
M. Chevrette: II y en a eu un.
M. Gendron: Bien oui, il a accepté un amendement. Alors,
j'ai compris qu'on a dit "adopté".
M. Chevrette: II ne faut pas que vous votiez quand c'est nous qui
proposons.
M. Gendron: ...adopté sur division après un
amendement accepté de l'Opposition.
M. Ryan: ...si vous voulez être cohérent.
Le Président (M. Saintonge): Je vais tenter de mettre un
peu d'ordre dans cela.
M. Chevrette: Non, cela va bien.
M. Gendron: II y en a partout. 17 est adopté sur
division.
Le Président (M. Saintonge): D'accord, mais je vais
simplement...
M. Gendron: Non, c'est sérieux?
M. Ryan: Maintenant, est-ce qu'on est prêt avec l'article
2?
Le Président (M. Saintonge): M. le ministre, un instant.
Je vais faire une mise au point extrêmement claire ici. Je veux qu'on
s'entende très bien. C'est un projet de loi spécial quand
même. Il y a certains articles, comme l'article 1, qui est adopté
purement et simplement. L'article 2, on n'y est pas rendu encore; on ne l'a pas
adopté, ni l'article 3. L'article 4 est adopté. L'article 5 est
adopté tel qu'amendé. L'article 6 est adopté sur division,
7 sur division, 8 sur division, 9 et 10 adoptés, 11 adopté sur
division, 13 adopté sur division, 14, 15 et 16 adoptés sur
division. Et j'appelle l'article 17.
Une voix: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur
division. Est-ce que vous êtes prêts pour l'article 2?
M. Ryan: L'article 2, nous sommes prêts.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Nous
revenons, à ce moment-ci, à l'article 2 qui avait
été suspendu. Il y a principalement également un
amendement qui avait été apporté... Non, il n'y avait pas
d'amendement à l'article 2.
M. Chevrette: M. le ministre en a déposé un.
M. Ryan: ...amendement auquel nous apporterions un
sous-amendement. On peut peut-être commencer par le sous-amendement.
 l'article 2, nous rejetons l'amendement proposé, mais nous
sommes prêts à considérer un amendement à l'article
3.
Le Président (M. Saintonge): Donc, l'amendement est
rejeté à l'article 2.
M. Ryan: À l'article 2, nous rejetons l'amendement?
M. Chevrette: À l'article 2, vous ne faites plus d'autre
amendement.
M. Ryan: Non.
M. Gendron: 2, sur division.
M. Chevrette: Donc, l'article 2 serait adopté sur
division.
M. Ryan: C'est cela.
Le Président (M. Saintonge): Un instant, s'il vous
plaît! Il y a peut-être une confusion ici...
M. Chevrette: Non, c'est correct.
Le Président (M. Saintonge): ...mais l'article 2, je n'ai
aucun amendement. Je n'ai reçu aucun amendement à l'article
2.
M. Chevrette: C'est correct. Sur division.
M. Ryan: Cela va.
Le Président (M. Saintonge): Donc, l'article 2 est
adopté sur division. (22 h 20)
M. Chevrette: C'est parce qu'on avait mis le texte sur les deux
articles.
Le Président (M. Saintonge): À l'article 3
maintenant.
M. Ryan: Le premier alinéa de l'article 3 serait
adopté sur division si je comprends bien. Si vous voulez l'adopter sans
division, ce serait encore mieux.
Le Président (M. Saintonge): J'appelle l'article 3. J'ai
un amendement à l'article 3 qui a pour but d'ajouter un deuxième
alinéa. Donc, le premier alinéa demeure tel quel et il y a le
deuxième alinéa. Est-ce que l'amendement est adopté
ou...
M. le ministre, sur l'amendement.
M. Ryan: Sur l'amendement, M. le Président,
peut-être que ça simplifierait si on lisait tout le texte comme
nous voudrions l'amender. Si vous voulez le proposer, on acquiescera. "Rien
dans le présent article ne limite la possibilité pour l'employeur
d'aménager, dans le temps comme dans la forme, les services
d'enseignement requis pour assurer la validité de la session d'hiver de
l'année universitaire 1986-1987 de façon à tenir compte,
sans préjudice, à la qualité de l'enseignement, des
circonstances particulières résultant de l'interruption de cette
session."
M. Chevrette: On peut considérer que ça peut
être l'amendement plutôt que de refaire un autre texte. Il nous
reste à peine deux minutes et on a un autre amendement à
déposer.
Le Président (M. Saintonge): D'accord. Vous allez me
répéter les mots, M. le ministre: "...de façon à
tenir compte...
M. Ryan: ...sans préjudice à la qualité de
l'enseignement, des circonstances...
Le Président (M. Saintonge): Un instant: "...sans
préjudice...
M. Ryan: "...à la qualité de l'enseignement...
Le Président (M. Saintonge): "À la qualité
de l'enseignement..."
M. Ryan: Virgule.
Le Président (M. Saintonge): Virgule.
M. Ryan: "...des circonstances particulières...
Le Président (M. Saintonge): "...des circonstances
particulières...
M. Ryan: "...résultant de l'interruption de cette
session...
Le Président (M. Saintonge): "...résultant de
l'interruption...
M. Ryan: "...de cette session."
Le Président (M. Saintonqe): "...de cette session." Point,
fermez les guillemets. Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Chevrette: L'amendement est adopté.
Le Président (M. Saintonge): L'amendement est
adopté.
M. Chevrette: L'article tel qu'amendé est
adopté.
Le Président (M. Saintonge): Et l'article 3, tel
qu'amendé, est adopté. M. le ministre.
M. Ryan: Est-ce que vous êtes à l'article 18,
là?
Le Président (M. Saintonge): Un instant! Je vais arriver
avec ça immédiatement.
M. Ryan: Nous avions un amendement à proposer. Nous avions
déposé un amendement au tout début de la session.
Le Président (M. Saintonge): Oui. L'article 12 a
été suspendu.
M. Ryan: D'accord?
Le Président (M. Saintonge): Est-ce que l'article 12 est
adopté?
M. Ryan: Sur division.
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur division.
Puisqu'il est 22 h 23, je vais devoir maintenant...
M. Chevrette: J'ai une suggestion à faire au ministre.
Le Président (M. Saintonge): Oui.
M. Chevrette: Étant donné qu'il y a l'amendement de
l'article 18 à considérer et qu'on a un amendement à
déposer sur l'annexe, on peut, de consentement des deux parties,
prolonger de quelques minutes et faire un travail qui soit le plus
sérieux possible. Est-ce que le ministre accepterait?
Le Président (M. Saintonge): Là-dessus, M. le
député de Joliette, j'ai un ordre de l'Assemblée...
M. Chevrette: Oui, oui, mais je vous parle d'un consentement des
deux partis.
Le Président (M. Saintonge): ...auquel je ne peux
déroger ici en commission. Je pense qu'il nous reste dix minutes et nous
pourrons arriver à considérer les amendements. Je dois
considérer chacun des amendements qui sont déposés et je
vais les appeler et les considérer. D'accord?
M. Chevrette: Oui, mais il nous reste sept minutes. Si on peut en
profiter on va les prendre.
Le Président (M. Saintonge): J'appelle l'article 18.
L'ordre de l'Assemblée m'est venu de l'Assemblée. En commission
je ne peux pas déroger à un ordre de l'Assemblée.
D'accord?
M. Chevrette: Même si les deux leaders vous disaient qu'ils
sont d'accord?
Amendements proposés
Le Président (M. Saintonge): Même si vous
consentiez, je ne le pourrais pas parce que la commission
plénière n'a pas juridiction sur un ordre de l'Assemblée.
C'est l'Assemblée elle-même qui pourrait contrevenir à son
ordre et le changer. Donc, à l'article 18 tel que
présenté, j'ai un amendement proposé par M. le ministre de
l'Éducation qui a déjà été
déposé et qui se lit comme suit: "L'article 18 du projet de loi
est modifié par le remplacement des cinq dernières lignes du
troisième alinéa par les suivantes: "s'il s'est conformé
à l'article 2 ou si, sans être partie à une action
concertée, il en a été empêché malgré
qu'il ait pris tous les moyens raisonnables pour s'y conformer".
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): L'amendement est
adopté sur division.
M. Chevrette: Vous en avez un autre? M. Gendron: II va
l'appeler.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Est-ce
qu'il y a d'autres amendements à l'article 18?
M. Gendron: II y a le nôtre que vous allez appeler.
Le Président (M. Saintonge): D'accord. Très bien.
Donc, j'appelle l'amendement que vous me demandez d'appeler. L'article 18,
l'amendement. J'ai deux amendements proposés par l'Opposition. Un
amendement qui se lit comme suit: Le projet de loi 48 est modifié par
l'ajout, à la fin du troisième alinéa de l'article 18, des
mots "le dépôt
d'un grief par un salarié suspend toute perte de pointage de
priorité jusqu'à ce que le grief ait fait l'objet d'une
décision finale". Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
M. Ryan: M. le Président, j'aimerais vous en donner
lecture de nouveau. Je m'excuse, j'ai eu un moment de fuite.
Le Président (M. Saintonge): Très bien.
M. Chevrette: Vous n'êtes pas chanceux cette semaine: les
fuites du budget...
Le Président (M. Saintonge): Le projet de loi 48 est
modifié... C'est un amendement proposé par l'Opposition, qui se
lit comme suit: Le projet de loi 48 est modifié par l'ajout, à la
fin du troisième alinéa de l'article 18, des mots "le
dépôt d'un grief par un salarié suspend toute perte de
pointage de priorité jusqu'à ce que le grief ait fait l'objet
d'une décision finale".
M. Ryan: C'est un vieux débat, M. le Président, que
nous sommes prêts à ouvrir jusqu'à la fin de la
présente session, mais sur lequel nous ne pouvons pas céder.
Le Président (M. Saintonge): Donc, je comprends que cet
amendement est rejeté.
M. Ryan: Nous sommes obligés de le rejeter. C'est un vieux
débat qu'on ne résoudra pas ce soir.
Le Président (M. Saintonge): Très bien. Il y a un
autre amendement qui est proposé par l'Opposition: Le projet de loi 48
est modifié par l'ajout à la fin du dernier alinéa de
l'article 18 des mots "la décision d'infirmer une décision prise
par l'employeur doit rétablir le salarié dans tous ses droits
comme s'il n'avait jamais fait l'objet d'une telle décision".
Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Saintonge): Sans discussion. Je
dois...
M. Ryan: L'amendement est refusé.
Le Président (M. Saintonge): Refusé. Donc,
l'amendement est rejeté. Est-ce que l'article 18 est adopté?
M. Ryan: II est adopté.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur
division.
M. Ryan: Tel qu'amendé.
Le Président (M. Saintonge): Oui, c'est vrai.
Adopté tel qu'amendé.
Une voix: Sur division, mais tel qu'amendé.
Dispositions diverses
Le Président (M. Saintonge): Maintenant, nous passons
à la section V, Dispositions diverses. L'article 19. Est-ce que
l'article 19 est adopté?
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur
division.
J'appelle maintenant l'article 20. Est-ce que l'article 20 est
adopté?
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur
division.
J'appelle maintenant l'article 21. Est-ce que l'article 21 est
adopté? Adopté sur division.
Annexe
Nous allons maintenant appeler et regarder l'annexe. A l'annexe j'ai
reçu aussi de l'Opposition un, deux, trois, quatre amendements qui se
lisent comme suit...
M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait expliquer 30 secondes
à M. le ministre quel est l'esprit des amendements? Il va le comprendre
très rapidement.
Le Président (M. Saintonge): D'accord. Je vous donne une
minute.
M. Chevrette: Bon. M. le ministre, c'est purement et simplement
pour rendre conforme ce qu'on disait durant nos exposés, à savoir
qu'ils ont eu une offre supérieure aux tarifs qui sont dans la
présente loi. On a ajusté les montants en fonction de la
meilleure offre sachant qu'il y a du rattrapage à faire, sachant que la
partie patronale l'a suggéré en négociation, sachant que
l'objectif du projet de loi, c'est la reprise des cours et non pas la
pénalité des salariés, sachant que c'est une
université qui est quand même, au dire de tout le monde, de tous
les connaisseurs, sous-financée. On pense que ce ne serait pas
l'occasion, au moment d'une législation spéciale, de leur enlever
au moins la meilleure offre salariale qu'ils ont eue sur la table. Cela
m'apparaîtrait quelque chose de punitif et d'outrancier. Je pense que
vous pourriez vous rendre facilement aux quatre amendements, quitte à
vérifier les quantums pour voir s'ils suivent bien la dernière
offre patronale.
Le Président (M. Saintonge): J'ai trois amendements, M. le
député.
M. Chevrette: C'est trois, oui. C'est cela.
Le Président (M. Saintonge): Donc, à ce moment-ci,
je vais appeler chacun des amendements. Le premier amendement: Le projet de loi
48 est modifié par le remplacement, au paragraphe b de l'article 1 de
l'annexe, des chiffres 3158,64 $ par les chiffres 3307,36 $. Est-ce que cet
amendement est adopté?
M. Ryan: Rejeté.
Le Président (M. Saintonge): Rejeté. Un
deuxième amendement présenté par l'Opposition se lit comme
suit: Le projet de loi 48 est modifié par le remplacement, au paragraphe
c de l'article 1 de l'annexe, des chiffres 3294,73 $ par les chiffres 3500 $.
Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Ryan: Rejeté. (22 h 30)
Le Président (M. Saintonge): Rejeté. Et un
troisième amendement, toujours à l'annexe, proposé par
l'Opposition: "Le projet de loi 48 est modifié par la suppression de
l'article 4 de l'annexe." Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Ryan: Rejeté.
Le Président (M. Saintonge): Rejeté. L'amendement
est rejeté. Est-ce que l'annexe est adoptée?
M. Ryan: Oui.
M. Chevrette: Sur division.
Le Président (M. Saintonge): Adopté...
M. Chevrette: Et même j'aurais le goût d'inscrire ma
dissidence là-dessus parce que cela a l'air vengeur. Je l'inscris.
Le Président (M. Saintonge): Adopté sur
division.
M. Chevrette: Je ne sais pas ce qu'un gouvernement peut gagner
à faire cela.
M. Ryan: II n'y a rien qui les empêche de convenir entre
eux d'un ajustement.
M. Chevrette: Voyons. L'université se déplace pour
venir vous dire qu'ils ne veulent pas que vous l'acceptiez. Je ne sais pas en
quoi ils peuvent vous dire oui tout de suite. Ils ont des représentants.
Vous avez dit que vous avez des représentants.
Le Président (M. Saintonge): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: II reste trois minutes, M. le Président.
Le Président (M. Saintonge): Les discussions sont
terminées sur le projet de loi, je regrette.
M. Ryan: Je voudrais que vous sachiez que, dans le texte de la
loi, c'est le gouvernement qui a pris sa décision et non pas
l'Université du Québec à Montréal.
Le Président (M. Saintonge): Un instant. Un instant. S'il
vous plaît. Un instant.
M. Chevrette: Non, mais le gouvernement avait le droit de
modifier le texte.
Le Président (M. Saintonge): Un instant, s'il vous
plaît. Les débats en cette commission sont maintenant
terminés. Je dois faire adopter certains autres éléments.
Je vous rappelle que nous allons revenir quand même a l'étape de
l'adoption du projet de loi et que chacun des partis aura un droit de parole.
Est-ce que tous les intitulés du projet de loi sont adoptés?
Adopté. Est-ce que tous les intitulés sont adoptés?
M. Chevrette: Oui, oui.
Le Président (M. Saintonge): Adopté. Est-ce que le
titre du projet de loi est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Saintonge): Adopté. Est-ce que
l'ensemble du projet de loi tel qu'amendé est adopté?
Des voix: Sur division.
M. Saintonge (président de la commission
plénière): Adopté sur division. Ceci met donc fin aux
travaux de la commission plénière exactement dans le temps qui
nous avait été alloué par l'Assemblée nationale.
Afin de faire rapport à la présidence, je demanderais à
toutes les personnes qui accompagnaient les parlementaires, qui ne sont pas
membres de cette Assemblée, de bien vouloir quitter les lieux.
À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place. Je
demanderais aux membres de l'Assemblée de bien vouloir prendre place,
s'il vous plaît.
Donc, je demanderais à l'ensemble des députés de
bien vouloir prendre leur siège, s'il vous plaît.
Mme la Présidente, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la
commission plénière a procédé à
l'étude détaillée du projet de loi
48, Loi sur la reprise de certains services de l'Université du
Québec à Montréal et que ce projet de loi a
été adopté avec amendement.
La Vice-Présidente: Est-ce que le rapport de la commission
plénière est adopté tel qu'amendé?
M. Chevrette: Sur division.
La Vice-Présidente: Adopté sur division.
À ce stade-ci de nos travaux, le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science propose l'adoption du projet de loi 48, Loi
sur la reprise de certains services de l'Université du Québec
à Montréal et je suis prête à reconnaître le
premier intervenant.
M. Chevrette: Est-ce qu'on peut suspendre une minute?
La Vice-Présidente: Compte tenu de l'accord, nous allons
donc suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 37)
(Reprise à 22 h 41)
Adoption
La Vice-Présidente: Je vous demanderais de reprendre vos
sièges. Nous allons reprendre le débat concernant l'adoption du
projet de loi 48. Je vais céder la parole au ministre de
l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science. M. le ministre.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, nous voici rendus au terme de
ce débat que nous avons dû tenir aujourd'hui sur la grève
des chargés de cours à l'UQAM. Après sept semaines de
grève, il a fallu en venir à la conclusion que si
l'Assemblée nationale n'agissait pas tout de suite, la session d'hiver
était irrémédiablement perdue pour tous les
étudiants de l'UQAM. Elle sera perdue ou compromise pour un certain
nombre d'entre eux, nonobstant la loi que nous avons adoptée ce soir.
Mais nous avons de très bonnes raisons de croire que, pour la grande
majorité des étudiants inscrits à cette session, la
reprise des activités d'enseignement et de travail académique
à l'UQAM dès le lundi matin, 11 mai prochain, permettra à
la plupart d'entre eux de récupérer le temps perdu et de faire
suffisamment de travail au cours des deux semaines qui suivront pour que leur
session soit validée, c'est-à-dire considérée comme
régulière, comme ayant eu régulièrement lieu
à l'Université du Québec à Montréal.
Je pense que pour les étudiants - nous agissons d'abord pour eux
ce soir, je pense que nous en sommes tous très conscients - la
décision qu'a prise l'Assemblée nationale d'adopter ce projet de
loi est un immense soulagement. Elle sera accueillie avec beaucoup de
satisfaction par tous ceux qui avaient saisi le gouvernement de leur
désir de voir l'Assemblée nationale passer à l'action.
La loi que nous avons adoptée est une loi dure, comme le sont
toutes les lois d'exception en matière de relation du travail, mais
comparée à d'autres lois que nous avons connues sous le
gouvernement précédent, la loi 48 reste une loi
modérée. C'est une loi dont on a vu à circonscrire les
effets de manière qu'ils ne s'adressent qu'aux événements
ou qu'aux facteurs qui ont été directement reliés à
l'arrêt de travail ou à la possibilité d'une
répétition de l'arrêt de travail. Au cours des travaux que
nous avons faits en commission plénière, l'Opposition -dont je
regrette qu'elle n'ait pas approuvé le projet de loi avec le
gouvernement parce que je suis convaincu que, foncièrement, elle
l'approuve - l'Opposition, dis-je, a manifesté un esprit constructif. Je
pense que nous avons pu examiner le projet de loi article par article dans un
esprit de collaboration. Nous avons été très heureux, du
côté gouvernemental,. d'accepter les amendements qu'avait
proposés l'Opposition afin de bonifier le projet de loi. L'un de ces
amendements a une portée significative au point de vue des
libertés fondamentales. Nous avions inscrit dans le projet de loi une
disposition qui prévoyait que l'association de salariés doit
prendre les moyens appropriés pour ramener ses membres au travail. Comme
si on amenait des gens au travail par la main, de force, ou en les
réunissant dans une charrette en disant: On s'en va tous à notre
destination.
On nous a rappelé ces implications possibles de la formulation
que nous avions choisie, et nous avons été heureux, après
discussion, de nous rallier à l'amendement de l'Opposition suivant
lequel le devoir de l'association de salariés consistera d'abord
à informer ses membres des obligations résultant pour eux de
l'adoption du projet de loi. Je pense que la première démarche de
tout comportement civilisé, c'est l'information. Le projet de loi parle
clairement du devoir d'information qui incombe à l'association
concernée; je pense que nous l'acceptons tous facilement. Même sur
ce point, l'Opposition, qui s'efforçait de voter contre d'autres
dispositions tout aussi justifiées, a été obligée
de voter avec nous, et je l'en félicite.
Vers la fin du débat, l'Opposition a présenté des
amendements que nous avons malheureusement dû refuser et au sujet
desquels je dois quelques explications à
l'Assemblée nationale et aux travailleurs concernés. Il
s'agit de modifications qui visaient à apporter des changements à
l'annexe du texte de loi traitant de la rémunération des
chargés de cours. L'Opposition s'est étonnée de ce que le
gouvernement, dans le projet de loi, ait retenu comme base de
rémunération des normes empruntées directement à la
politique salariale du gouvernement. Nous avions l'obligation de le faire. Du
nous avons une politique salariale, ou nous n'en avons point. Je l'ai
déjà dit, dans la mesure où j'avais à me prononcer
sur ces choses. Quand nous avons soumis à l'Assemblée nationale,
il y a déjà plus d'un an, un projet de loi demandant le retour au
travail des conducteurs d'autobus de la compagnie Autobus Terrebonne à
la commission scolaire des Manoirs et à la commission scolaire Les
Écores, nous avions inscrit dans le projet de loi un pourcentage
d'augmentation de salaire moins élevé que la dernière
offre patronale, et nous avions fondé notre décision sur le fait
que si on oblige le gouvernement à intervenir, il doit intervenir en
fonction de ses critères et de ses politiques à lui, et non pas
des critères ou des points de référence particuliers de
l'employeur.
C'est le fondement de la décision que nous avons prise. Nous
avons dû, à regret, refuser les amendements que proposait
l'Opposition, et je voudrais ajouter une précision qui me paraît
significative. En vertu de la loi 48, la convention déjà
existante, qui était expirée depuis février 1986, continue
d'être en vigueur selon les dispositions de notre Code du travail tant
qu'elle n'a pas été remplacée par une autre. Cette
convention collective continue de s'appliquer pour la période devant
embrasser l'année 1987 et l'année 1988. Par conséquent,
toutes les dispositions que contenait la convention collective
déjà existante, sauf celles qui ont été
expressément modifiées par la loi 48, sont maintenues. Il y a une
de ces dispositions qui relève de notre législation
générale du travail et suivant laquelle les deux parties à
une convention sont libres d'apporter des modifications à leur
convention.
Si un employeur a un contrat avec son syndicat de travailleurs,
même si le contrat vaut jusqu'au 31 décembre 1988, à
supposer que les deux parties décident d'y apporter des modifications,
elles sont libres de le faire. Dans cet esprit, je dis à mes
collègues de l'Opposition et à mes collègues du
côté ministériel que si la partie syndicale et la partie
patronale, c'est-à-dire l'Université du Québec à
Montréal et son syndicat des chargés de cours, décidaient
de convenir, d'un commun accord, de modifier une partie de la loi 48 pour lui
substituer la dernière offre qui avait été faite par
l'Université du
Québec à Montréal, il n'y a absolument rien qui
empêche les deux parties de procéder ainsi. C'est la
responsabilité de l'Université du Québec à
Montréal; c'est elle qui est l'employeur dans ce dossier. Nous, nous
agissons comme gouvernement et nous ne la conduisons pas par la main jusque
dans les détails. (22 h 50)
Personnellement, je pense qu'il serait fort intéressant pour
l'avenir de la convention et pour les mois que ces parties devront vivre
ensemble, surtout pour les étudiants, jeunes et adultes, qui devront
bénéficier de l'activité des chargés de cours, que
l'on en vienne sur ce point à une entente dans les meilleurs
délais. Nous ne pouvions pas décider unilatéralement de
faire une chose comme celle-là, d'abord par respect pour l'employeur et,
deuxièmement, parce que le syndicat avait formellement rejeté,
encore aujourd'hui, cette proposition en disant qu'il aimait mieux celle qui
serait choisie par le gouvernement. Il appartiendra par conséquent aux
parties de rechercher à ce sujet, dans la mesure où elles le
désireront - et je souhaite que cette mesure soit réelle et
grande - les ajustements qui pourraient être souhaitables à ce
point dont nous venons de discuter de même qu'à d'autres articles
de la convention.
Je voudrais rappeler en terminant ce que j'ai dit à quelques
reprises au cours de la journée, à savoir que nous sommes
très conscients du côté gouvernemental des problèmes
que pose à notre conscience collective la condition du chargé de
cours à l'Université du Québec à Montréal et
dans les autres universités du Québec, quoique à des
degrés divers et sous des formes qui varient d'un établissement
à l'autre. Nous sommes conscients des problèmes qui existent de
ce côté. Nous entendons, au cours des mois à venir, pousser
à fond l'étude de toute la question reliée au statut et
aux espoirs légitimes, aux aspirations fondées que peuvent
nourrir les chargés de cours.
Il n'est pas normal qu'on ait besoin de chargés de cours dans une
proportion aussi élevée qu'actuellement et qu'à bien des
points de vue ils soient comme des parias à l'université, qu'ils
soient des personnes rejetées, qui n'ont pas de lieu de travail. Ils ne
sont pas invités aux commissions pédagogiques, ils ne sont pas
invités aux lieux de décisions où on
délibère de choses qui les intéressent au plus haut point.
Je ne fais de reproche à aucune université en disant ces choses,
je fais des constatations qui ont déjà été
portées à l'attention de la commission parlementaire de
l'éducation l'automne dernier. Ce sont des choses que nous examinerons
en profondeur, à tête reposée, avec un dossier complet
d'informations à notre portée. Je pense qu'après cet
examen, nous serons en mesure,
s'il y a lieu et moyennant démonstration et identification claire
des vrais problèmes, de procéder aux ajustements qui pourront
s'imposer.
Je termine en disant un mot pour l'Université du Québec
à Montréal. Nous avons, comme je l'ai dit pendant le
débat, un attachement particulier pour l'Université du
Québec et toutes ses constituantes. Parmi celles-ci, la plus importante
est l'Université du Québec à Montréal. Cette
université a des titres de noblesse qui nous sont chers. Elle s'est
distinguée en particulier par son désir de servir le peuple, de
servir les travailleurs, les adultes qui sont engagés dans la vie active
mais qui veulent rechercher un complément de culture ou de formation.
Dans la mesure où l'Université du Québec à
Montréal veut poursuivre cette vocation, je pense qu'elle a le droit de
s'attendre à la compréhension et à l'appui des pouvoirs
publics et, en particulier, de l'Assemblée nationale et du gouvernement.
Je veux assurer à la fois ses dirigeants, ses professeurs, ses
chargés de cours, son personnel, ses étudiants et ses
étudiantes de la sympathie active, de la compréhension du
gouvernement pour l'accomplissement de l'oeuvre très importante qui a
été confiée à l'Université du
Québec.
Je remercie tous les parlementaires qui ont suivi assidûment nos
débats, même pendant l'heure du souper, au cours de laquelle nous
avions décidé de siéger sans interruption. Je remercie nos
collègues de l'Opposition de l'apport constructif qu'ils ont fourni
à nos débats. J'espère qu'ensemble, nous collaborerons
à la réalisation des objectifs qu'a voulu poursuivre le
législateur en adoptant cette loi. Merci, Mme la Présidente.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. C'est le
député d'Abitibi-Ouest qui, immédiatement après sa
communication avec le lieutenant-gouverneur en conseil, prendra la parole comme
critique de l'Opposition. Cela pourrait prendre une minute. Le ministre de
l'Éducation me fait signe qu'il a une intervention à ajouter.
Donc, cela peut donner le temps à notre collègue de revenir.
La Vice-Présidente: M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Mme la Présidente, je remercie le leader de
l'Opposition de son obligeance. J'avais fait deux oublis dont je voudrais
m'excuser, mais surtout pour les réparer constructivement. Je voudrais
tout d'abord remercier le leader du gouvernement et le leader de l'Opposition
de l'excellente collaboration qu'ils nous ont apportée dans l'examen de
ce projet de loi. Je pense que c'est grâce à l'obligeance du
leader du gouvernement que nous avons pu procéder avec diligence et dans
un climat de collaboration au débat d'aujourd'hui.
Je voudrais remercier aussi de manière spéciale le
ministre du Travail pour la collaboration qu'il m'a accordée pendant
tout le cours de ce conflit. Nous avons fonctionné en étroite
symbiose, dans un esprit de consultation et de concertation continue, et je
voudrais le remercier d'avoir été avec nous pendant tous nos
débats d'aujourd'hui et de ce soir. Je l'ai vivement
apprécié.
Je voudrais également adresser des remerciements aux personnes
qui m'accompagnaient pour l'étude en commission plénière,
à M. Brière que nous taquinons, qui a servi sous un gouvernement
et sous l'autre, sous une férule également lourde, sous un
régime comme sous l'autre apparemment, mais toujours avec un sourire,
une bonhomie, une serviabilité exemplaires. Nous avions également
la présence de M. Richard Drouin, un négociateur bien connu du
gouvernement qui nous a accompagnés de ses sages conseils et qui avait
été retenu par l'Université du Québec à
Montréal comme conseiller spécial dans cette
négociation.
J'avais également mes collaborateurs du ministère, en
particulier M. Claude Benjamin, le sous-ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science, et mon directeur de cabinet, M. André
Fortier, que j'oublie toujours de remercier, mais à qui j'ai
pensé ce soir dans un élan de spontanéité dont je
suis très fier.
Je pense que ces personnes-là forment une équipe
formidable quand arrivent des problèmes comme celui auquel nous avons
fait face. Je voudrais rassurer l'Opposition en lui disant que nous avons une
équipe qui suit les choses de très très près, qui
agit beaucoup, mais qui essaie de ne jamais agir tant que son heure n'est pas
arrivée. Merci.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation.
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je vais vous demander une
suspension d'une minute. Vous comprendrez. Le leader du gouvernement est au
courant de la communication qu'a présentement le député
d'Abitibi-Ouest. Ce ne sera pas nécessaire, Mme la Présidente, il
vient de terminer. Donc, au moment où je me rassois, il pourra prendre
la parole en réplique.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader de
l'Opposition.
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. 3e ne veux pas
être très long en troisième lecture. Je veux tout
simplement signaler qu'il s'agissait bel et bien d'une loi spéciale qui
ordonne la reprise de l'enseignement par les chargés de cours dans des
conditions où nous, nous sommes loin d'avoir la conviction
qu'effectivement les premiers concernés pourront
bénéficier de cet enseignement de qualité auquel ils
auraient eu droit. Je veux tout simplement prendre quelques minutes pour
expliquer pourquoi nous étions en désaccord avec toutes les
phases à travers lesquelles notre régime parlementaire nous
demande de passer.
Fondamentalement, c'est une loi, même si elle a un
caractère spécial, qui ne règle absolument rien au fond du
problème. Le fond du problème a été soulevé,
a été souligné à plusieurs reprises. Il s'agit d'un
problème de sous-financement pour lequel le gouvernement a manqué
à ses responsabilités. Même si le ministre du Travail ou le
ministre de l'Éducation nous ont dit qu'à chacune des
étapes ils se parlaient et mettaient toutes les instances pour faciliter
les choses, il n'en demeure pas moins que le gouvernement n'a pas assumé
sa responsabilité de permettre à l'Université du
Québec à Montréal de pouvoir prendre la pleine et
entière responsabilité d'une libre négociation consentie
entre les parties, en étant capable elle-même de prendre une
décision quant au modèle à instaurer dans le cadre d'une
nouvelle formule de rémunération pour des gens qu'on appelle des
chargés de cours, qui offrent une prestation éducative
importante, nécessaire, dans le régime d'aujourd'hui. (23
heures)
Également, une raison pour laquelle on est contre, c'est que cela
gèle l'embauche de nouveaux professeurs avec les impacts sur la
qualité de l'enseignement. Le ministre non plus, à ces
égards, n'a apporté aucune solution à la suite de la
commission parlementaire qui, elle, n'a pas eu Heu lors du début des
négociations. La commission parlementaire sur le financement
universitaire a eu lieu depuis fort longtemps et, en conséquence, si le
ministre de l'Education et le gouvernement avaient pris leurs
responsabilités, nous n'aurions pas, ce soir à 23 heures,
à sanctionner la troisième lecture d'un projet de loi.
Nous sommes également contre, et je l'ai mentionné, parce
qu'il s'agit, encore une fois, d'une ingérence du gouvernement dans les
affaires du réseau UQ, une ingérence qu'on se doit de
dénoncer. Ce n'est pas la première. Ce fut le cas avec le
comité Desprès, ça été le cas
récemment avec le refus de la sanction quant à la nomination de
M. Lallier comme directeur de l'INRS. Le ministre de l'Éducation ne
s'est pas mêlé de ses affaires; il est intervenu, il s'est
ingéré dans le processus, et c'est une première loi
spéciale pour forcer le retour au travail des employés du secteur
universitaire. On ne pense pas qu'il était opportun d'intervenir dans ce
secteur-là pour le moment.
Les étudiants subissent, ont subi et subiront des sévices
importants, même si on a travaillé sérieusement et c'est ce
qui est déplorable. Parce que je savais d'avance que dans la
réplique du ministre de l'Éducation, encore là, on se
serait félicité, on se serait flatté en disant qu'on a
travaillé sérieusement. Nous pensons que c'est toujours ce qu'on
fait. On travaille sérieusement parce qu'on a un travail à faire
et, effectivement, on a travaillé très sérieusement pour
préparer rapidement 16 ou 17 amendements. Personne qui aurait pu
être témoin de cette commission plénière, Mme la
Présidente, n'aurait pu constater qu'à peu près sur chacun
des amendements qu'on a apportés on a eu un effet de surprise de la part
du ministre de l'Éducation, un effet de bon agrément, si vous me
permettez l'expression, en disant: Vous avez là quelque chose
d'important, vous avez là quelque chose de sérieux, vous avez des
amendements valables. À notre grand étonnement, on se rendait
compte que le ministre de l'Éducation, pour la plupart des articles du
projet de loi spécial où on a plaidé l'urgence, pour
lesquels on a arrêté toutes les procédures, était en
situation de déséquilibre - c'est très rare qu'on voit
ça chez le ministre de l'Éducation - par rapport à la
portée réelle des articles de son propre projet de loi
spécial. C'est nous qui avons dû assumer la responsabilité
d'apporter des amendements et de montrer les inconvénients majeurs que
son projet de loi pouvait avoir.
Ce qu'il y a de plus grave, Mme la Présidente, c'est qu'à
long terme également, à plus long terme, on va avoir
adopté une loi spéciale et on n'aura pas réglé
grand-chose pour les étudiants, on n'aura pas innové pour une
nouvelle formule de rémunération pour les chargés de cours
et, pis encore, au niveau de la qualité éducative, en septembre
1987, ces étudiants seront dans les mêmes conditions avec des
chargés de cours qui n'ont pas l'encadrement, qui n'ont pas ce que
j'appellerais l'environnement professionnel pour s'assurer de donner un
enseignement rayonnant de pleine qualité qui contribuerait davantage
à cette qualité éducative qu'on devrait tous, les uns et
les autres, avoir comme objectif.
Ce qu'il y a de plus grave, c'est que le ministre de l'Éducation
qui, en règle générale, n'a pas cet esprit partisan -
cela
ne cause pas de problème - avait cet esprit revanchard - c'est
rare qu'on voit ça chez le ministre de l'Éducation - chose
qu'à tout le moins, on pensait que dans une loi spéciale, la
décence, la normalité, les convenances commendaient que nous
allions obtenir, comme parlementaires, dans une loi spéciale, au
minimum, ce qui avait été déposé à la table
de négociation. Non, ce n'est même pas ça. Au nom d'un faux
prétexte, au nom de faux principes, au nom d'une politique soi-disant
salariale applicable à tout le monde, comme on dit en latin "across the
board", sans nuance, alors qu'on sait très bien...
Une voix: Comme on dit en anglais.
M. Gendron: Je le sais très bien! Alors qu'on sait
très bien que constamment un gouvernement qui a un peu de
sensibilité... Et un des premiers réflexes en politique, il me
semble, c'est d'avoir cette sensibilité réactionnelle à
des besoins particuliers, à des besoins spécifiques, parce que la
société et les individus ne sont pas tous faits de la même
façon, ils ne doivent pas tous passer dans le même moule, quels
que soient les motifs.
Il me semble que si on avait eu un peu de convenance, on aurait au moins
permis que ces gens-là puissent toucher ce qu'on appelle le maximum de
la dernière offre, pas quelque chose qu'on a inventé, pas quelque
chose qu'on veut prendre et une bonification dans une loi spéciale.
Je suis d'accord avec la philosophie du ministre du Travail qu'une loi
spéciale ne doit pas être une loi qui vient bonifier les choses
par surcroît, sous prétexte qu'on va prendre nos
responsabilités, mais tellement à regret, tellement par
dépit qu'on va y ajouter une somme quelconque. Ce n'est pas cela qu'on
demande et ce n'est pas cela qui serait logique. La logique serait au moins de
permettre que, dans les annexes, ces gens puissent toucher le dernier
dépôt qui a été offert à la table de
négociation. Ce n'est pas inventé par nous. À la table de
négociation. Voilà pourquoi nous serons contre le projet de
loi.
Une autre raison pour laquelle je pense qu'il y a lieu d'être en
désaccord total sur ce projet de loi, c'est que le ministre a
tenté de justifier les salaires décrétés en disant
que cela se comparait avantageusement à ce qu'ont obtenu les
chargés de cours de l'Université de Montréal. Il l'a
même cité et il aime toujours cela, nous prendre un peu comme si
nous, c'était la première fois qu'on parle, la première
fois qu'on touche à quelque chose, on ne connaît rien. Il a
demandé: Le député d'Abitibi-Ouest sait-il que les
chargés de cours de l'Université de Montréal - pas
l'Université du Québec à Montréal - ont
signé une convention? Bien oui, je le sais. Je le sais, je l'ai. J'ai la
copie. Je l'avais avant qu'il me demande d'aller la chercher. On l'a lue, on
l'a vue. Est-ce que la situation des chargés de cours de
l'Université du Québec à Montréal est exactement la
même que celle de l'Université de Montréal? Pas du tout, il
l'a dit lui-même, dans le per capita de financement obtenu par
l'Université du Québec à Montréal. Lui-même a
reconnu qu'il y avait un per capita inférieur à la moyenne des
autres universités par étudiant en cours.
Ici, il faut répondre que, dans le cas des professeurs de
l'Université de Montréal -pas de l'Université du
Québec à Montréal, l'Université de Montréal
- il s'agissait d'une première convention collective, M. le ministre de
l'Éducation. Je sais que cela ne vous dérange pas, mais je veux
juste dire que, pour des gens qui ont une habitude des relations du travail, il
y a une mosus de différence entre la première convention
collective et la quatrième. J'en sais quelque chose. J'ai
été syndiqué un bon bout de temps, je me rappelle ma
première, à 4700 $ par année. C'est comme cela que j'ai
commencé à enseigner. C'était ma première
convention collective. On croyait que ce n'était pas assez. On a fait
notre "job", on a fait les revendications qu'il était normal de faire
puis à la deuxième c'était meilleur, et à la
troisième c'était meilleur et c'est normal. Il n'y a personne
dans la société qui n'essaie pas de bonifier et
d'améliorer ses conditions de travail.
Pour ces gens, il faut être au courant qu'il s'agissait d'une
première convention obtenue de haute lutte, après huit ans de
batailles juridiques avec l'université, alors que pour ce qui est des
chargés de cours de l'Université du Québec à
Montréal, ils en sont à leur quatrième convention
collective. Or, il me semble que tout le monde comprend que quatre, cela ne
peut pas être comme un. C'est de même partout dans la
société. Il me semble que cela aurait dû être normal
pour les chargés de cours de l'Université de Montréal.
Il s'agissait en quelque sorte - et le ministre de l'Éducation
l'a reconnu, le ministre du Travail l'a reconnu - il s'agissait d'un groupe
organisé, il s'agissait d'un groupe qui effectivement voulait, avec
raison, faire reconnaître une fois pour toutes le principe que l'offre
éducative de ces gens, la prestation éducative de ces gens
devrait être prise au mérite et considérée comme
telle.
Je reconnais qu'il ne faut pas y aller globalement: il y a des
situations que le ministre a dit qu'il voulait analyser parce qu'il y a des
chargés de cours qui ont une autre responsabilité et un autre
salaire à l'extérieur. Donc, il ne faut pas y aller sans nuance.
Je sais cela. Mais il y a une différence entre ce que je réclame
et ce que
l'Opposition réclamait et ce qui arrive à ces gens. Ces
gens vont se retrouver lundi matin à huit heures dans les classes. Ils
n'auront même pas été capables d'obtenir la dernière
offre déposée par leur réel employeur. Leur réel
employeur, c'est l'Université du Québec à Montréal,
ce n'est pas le ministre de l'Éducation et le gouvernement du
Québec directement. C'est une ingérence, c'est une intrusion dans
le processus librement consenti de négociation, et ces gens voudraient
dire: Écoutez, soyez beaux et gentils, parce qu'on a regardé une
couple de vos amendements; donc, on ne voit pas pourquoi vous faites un plat
avec cela.
Conclusion, Mme la Présidente, en ce qui me concerne et en ce qui
concerne l'Opposition, cela demeure une loi spéciale. C'est une loi
spéciale qui ne corrige absolument rien sur le fond des choses et ce
dossier aurait mérité d'être traité sur le fond des
choses, et non sur l'objectif d'une politique salariale uniforme pour le
gouvernement quand on sait qu'il restait un seul point majeur - je reconnais
qu'il était majeur - à négocier. Même si ces gens
étaient arrivés avec un seul point de désaccord, ils
reçoivent, par la tête ou autrement, une loi spéciale. En
conséquence, nous pensons que cette loi spéciale était
inopportune, inappropriée, surtout quand le gouvernement n'a pas voulu
tenir compte des amendements qui auraient permis de restaurer un certain
équilibre pour ces gens. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Abitibi-Ouest. Il n'y a pas d'autre intervention de part et d'autre. Le
débat étant clos, est-ce que le projet de loi 48, Loi sur la
reprise de certains services de l'Université du Québec à
Montréal, est adopté?
Des voix: Adopté sur division.
La Vice-Présidente: Adopté sur division. M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, avant que nous ajournions
nos travaux, je désire simplement remercier l'ensemble des membres de
l'Assemblée nationale pour le travail accompli. Je vous demanderais
d'ajourner nos travaux au mardi 12 mai, 14 heures.
La Vice-Présidente: Nous allons donc ajourner nos travaux
au mardi 12 mai, 14 heures.
(Fin de la séance à 23 h 11)