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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le vendredi 19 juin 1987 - Vol. 29 N° 128

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

L'Assemblée nationale entreprend ses travaux. Â la période des affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle.

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président, si vous voulez appeler l'article a, s'il vous plaît!

Projet de loi 59

Le Vice-Président: À l'article a, Mme la ministre des Affaires culturelles présente le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur le cinéma et la Loi sur la Société de développement des industries de la culture et des communications. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Oui, M. le Président. Ce projet de loi prévoit l'intégration de la Société générale du cinéma du Québec instituée en vertu de la Loi sur le cinéma et de la Société de développement des industries de la culture et des communications. Les fonctions actuellement dévolues aux deux sociétés seront dorénavant exercées par la société maintenant désignée sous le nom de Société générale des industries culturelles ou sous le sigle SOGIC et déterminent la composition du conseil d'administration de SOGIC et l'autorisent à accorder de l'aide financière à une entreprise oeuvrant dans l'un des domaines de sa juridiction.

Le conseil d'administration de l'Institut québécois du cinéma sera formé de neuf membres provenant exclusivement des milieux des industries culturelles et nommés par le gouvernement. Il accentue le rôle consultatif de l'institut à l'égard de certains objets. Le projet prévoit également que certains pouvoirs réglementaires qui étaient auparavant attribués à la Régie du cinéma pourront désormais être exercés par le gouvernement.

Le Vice-Président: Je demanderais simplement un peu de silence, s'il vous plaît! MM. les députés, je demanderais un peu de silence pour que nous puissions entendre les personnes qui ont des messages à nous transmettre ou des projets de loi à nous présenter. Est-ce que l'Assemblée accepte de se saisir de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, adopté. Mais, M. le Président, est-ce que la ministre prévoit une consultation?

Le Vice-Président: Mme la ministre. Mme Bacon: ...

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, la décision n'est pas arrêtée, mais je consulterai Mme la ministre et on pourra en informer l'Opposition.

Le Vice-Président: Donc, toujours à la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Au nom du ministre des Transports, je voudrais que vous appeliez l'article b, s'il vous plaît!

Projet de loi 56

Le Vice-Président: À l'article b, M. le leader du gouvernement, au nom du ministère du Tourisme - un instant. C'est ça? - M. le ministre du Tourisme présente le projet de loi 56, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. M. le ministre du Tourisme.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci. Ce projet de loi a pour objet de constituer en corporation l'Institut du tourisme et d'hôtellerie du Québec. Ce projet prévoit que l'institut sera un mandataire du gouvernement et qu'il sera administré par un conseil d'administration dont les membres seront nommés par le gouvernement. L'institut aura pour objet de fournir des activités de formation professionnelle dans les domaines de l'hôtellerie, de la restauration et du

tourisme. Il pourra également faire de la recherche, apporter de l'aide technique, produire de l'information et fournir des services dans ces domaines. Ce projet de loi accorde au ministre du Tourisme le pouvoir de donner à l'institut des directives portant sur son orientation et ses politiques. Les directives devront être soumises au gouvernement pour approbation. Si elles sont ainsi approuvées, elles lieront la société. Toute directive devrait être déposée à l'Assemblée nationale.

Enfin, ce projet de loi contient des dispositions relatives à la protection des droits des fonctionnaires permanents du ministère du Tourisme qui pourront devenir des employés de l'institut. Ces employés pourront se présenter comme candidat à la mutation pour un emploi dans la fonction publique et participer à un concours de promotion conformément aux dispositions de la Loi sur la fonction publique. Ils continueront de plus à bénéficier du régime de retraite qui leur est applicable. Merci.

Le Vice-Président: L'Assemblée accep-te-t-elle de se saisir de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Article c, M. le Président.

Projet de loi 60

Le Vice-Président: À l'article c du feuilleton, M. le ministre des Transports présente le projet de loi 60, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports concernant le remisage de biens. Je cède la parole à M. le leader du gouvernement, au nom du ministre des Transports.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Oui, M. le Président. Ce projet de loi a pour effet de permettre aux agents de la paix, en cas d'infractions commises sur des propriétés gouvernementales administrées par le ministre des Transports comme les haltes routières, de prendre possession et de remiser aux frais du propriétaire les biens utilisés pour commettre ces infractions. Le ministre des Transports pourrait alors disposer de ces biens selon les conditions déjà prévues par la loi.

Le Vice-Président: L'Assemblée accep-te-t-elle de se saisir de ce projet de loi? Adopté. Nous arrivons maintenant à l'étape du dépôt de documents. M. le ministre de l'Éducation.

Rapport annuel du ministère de l'Éducation

M. Ryan: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport du ministère de l'Éducation pour l'année 1986-1987.

Le Vice-Président: Document déposé. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Rapport annuel de l'OPHQ

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de l'Office des personnes handicapées du Québec pour les années 1984-1985 et 1985-1986.

Rapport annuel de la RAMQ

J'ai également le plaisir de déposer le rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie pour l'année 1986-1987.

Le Vice-Président: Ces documents sont déposés.

M. le ministre de la Justice.

Rapport annuel de l'OPC

M. Marx: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de l'Office de la protection du consommateur pour l'année 1986-1987.

Le Vice-Président: Document déposé. M. le ministre des Affaires municipales.

Rapport annuel de la SHQ

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1986 de la Société d'habitation du Québec.

Le Vice-Président: Document déposé. M. le ministre des Affaires municipales.

Avant-projet de loi sur l'organisation territoriale municipale

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai également l'honneur de déposer un avant-projet de loi sur l'organisation territoriale municipale. Cet avant-projet de loi constitue la deuxième étape du processus de révision des lois municipales qui refait ou revoit toute les dispositions des lois municipales actuelles relatives à l'organisation territoriale des municipalités locales.

Le Vice-Président: Document déposé. M. le ministre des Communications. Non? M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Â l'égard de cet avant-projet de loi, est-ce que les membres de l'Assemblée consentiraient à ce que je donne

immédiatement un avis quant à la tenue d'une commission parlementaire?

Le Vice-Président: Y a-t-il consentement? Consentement.

Renvoi à la commission de

l'aménagement et des équipements

pour consultation générale

M. Gratton: Merci, M. le Président. Je voudrais donc faire motion pour que la commission de l'aménagement et des équipements procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du 8 septembre 1987 dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur l'organisation territoriale municipale, que les mémoires soient transmis au Secrétariat des commissions au plus tard le 14 août 1987 et que le ministre des Affaires municipales soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Le Vice-Président: Très bien. Maintenant, M. le ministre des Communications.

Rapport annuel de la Commission d'accès à l'information

M. French: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer, en deux exemplaires, le rapport annuel 1986-1987 de la Commission d'accès à l'information.

Le Vice-Président: Document déposé.

Maintenant, en ce qui concerne le dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission du budget et de l'administration.

Étude détaillée du projet de loi 236

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 236, Loi modifiant la Loi concernant le Séminaire de Québec. Le projet de loi a été adopté.

Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté? Adopté.

Étude détaillée du projet de loi 205

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 18 juin afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 205, Loi concernant Fleming Mines Limited. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.

Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

Étude détaillée du projet de loi 204

M. Lemieux: J'ai de nouveau l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 204, Loi concernait Quick O Wash Inc. Le projet de loi a été adopté.

Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté. Le Vice-Président: Adopté.

Étude détaillée du projet de loi 217

M. Lemieux: Pour terminer, M. le Président, j'ai de nouveau l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 217, Loi concernant Roma Gardens Inc. Le projet de loi a été adopté.

Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Maintenant, M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Étude détaillée du projet de loi 192

M. Rochefort: Oui, M. le Président, permettez-moi de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 18 juin 1987 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 192, Loi modifiant la Loi concernant la ville de La Salle. Ce projet de loi a été adopté.

Le Vice-Président: Le rapport est déposé. M. le président de la commission des institutions.

Étude détaillée du projet de loi 223

M. Filion: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer les rapports de la commission des institutions qui a siégé le 18 juin 1987 afin de procéder à l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet de loi

223, Loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté. Le Vice-Présidents Adopté.

Étude détaillée du projet de loi 261

M. Filion: Le projet de loi 261, Loi concernant la succession d'Alexandre Blouin. Le projet de loi a été adopté avec des amendements également.

Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté. Le Vice-Président: Adopté.

Étude détaillée du projet de loi 214

M. Filion: Le projet de loi 214, Loi concernant certains immeubles du cadastre de la paroisse Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette. Le projet de loi a été adopté.

Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté également?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. En ce qui concerne le dépôt de pétitions, il n'y a pas de dépôt de pétitions. M. le leader du gouvernement. (10 h 20)

M. Gratton: Oui, M. le Président, pourrais-je solliciter le consentement de l'Assemblée pour que nous puissions revenir aux dépôts de documents pour que Mme la ministre responsable du Conseil du statut de la femme puisse déposer le rapport annuel?

Le Vice-Président: II y a consentement?

M. Chevrette: Avec plaisir, M. le Président.

Le Vice-Président: Consentement. Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Rapport annuel du Conseil du statut de la femme

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du Conseil du statut de la femme pour l'exercice 1986-1987.

Le Vice-Président: Alors, document déposé. Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Nous arrivons donc maintenant à la période de questions et réponses orales. La première question revient à M. le député de Lévis.

M. Rochefort: Pas de question ministérielle; on en prend bonne note.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

La réforme fiscale fédérale et les intentions du Québec

M. Garon: M. le Président, hier, le ministre fédéral des Finances a déposé son livre blanc ou son budget, sa réforme, dont une des principales caractéristiques est de vouloir insidieusement empiéter sur les droits du Québec. J'aimerais donc demander au ministre des Finances, ce matin, quelles sont ses intentions. Est-ce qu'il a l'intention de faire des consultations? Est-ce qu'il a l'intention... De quelle façon va-t-il manifester ses intentions? Est-ce qu'il y aura une commission parlementaire pour permettre aux gens du Québec de s'exprimer par rapport à la réforme fédérale et celle que pourrait vouloir faire le ministre des Finances pour s'harmoniser totalement ou en partie? Est-ce qu'il y aura un livre blanc, un budget à l'automne, ou deux ou trois de ces mesures?

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Je ne sais pas pourquoi on applaudit de l'autre côté.

M. Garon: Parce qu'on espère avoir des réponses.

M. Levesque: Ah bon, voilà! M. le Président, je dois d'abord dire au député de Lévis que je suis heureux qu'il me pose une question à ce sujet, un sujet d'une grande importance pour les contribuables du Québec, en particulier. Deuxièmement, le député de Lévis sait que nous n'avons pas attendu le livre blanc du gouvernement fédéral pour agir. On a pensé que, lors de la présentation de notre budget, qui devait avoir lieu le 7 mai et qui a été avancée au 30 avril, on ferait simplement un exercice purement comptable. Mais nous avons décidé d'entreprendre immédiatement cette réforme. On se rappellera les mesures fort importantes que nous avons mises de l'avant, particulièrement dans le domaine de la recherche et du développement et dans le domaine de l'impôt sur le revenu des familles à bas revenu qui ont vu leur impôt soit être complètement aboli, soit diminué sensiblement.

Je tiendrais aussi à rappeler au député de Lévis, qui se demandait, à ce moment-là, lorsqu'il a critiqué le budget... Il ne se le demandait même pas, il nous disait que c'était absolument pour rien et que la réforme qui s'annonçait aurait pour effet de rendre caduques toutes ces mesures. Or, le livre blanc du gouvernement fédéral indique exactement le contraire. Nous avions justement prévu que ces mesures seraient conservées, résisteraient facilement au livre blanc.

Maintenant, le député de Lévis me demande si nous allons nous harmoniser. Je lui dis: On ne s'harmonise pas sur un livre blanc, on s'harmonise, lorsque les intérêts des contribuables québécois l'indiquent, à un budget. Présentement, il n'y a pas de budget fédéral, il y a un livre blanc. Nous allons continuer notre propre réforme, mais nous avons, pour nous éclairer, cet instrument de travail additionnel qui est ce livre blanc du gouvernement fédéral.

Une voix: Nous éclairer!

Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: Comme il semble que le ministre des Finances ait de la difficulté à comprendre, je vais lui demander un exemple concret. Le ministre des Finances, qui a annoncé des changements dans les exemptions pour le 1er janvier 1988, alors que le ministre des Finances au fédéral vient d'annoncer que ce ne sera plus des exemptions mais des crédits d'impôt et -j'avais dit que son discours du 30 avril ne serait pas valable pour 1988, - comment a-t-il l'intention d'appliquer ces réformes pour les familles à faible revenu alors qu'à partir du 1er janvier 1988, selon le gouvernement fédéral, il n'y aura plus d'exemptions mais des crédits d'impôt et que le ministre qui avait prévu des exemptions a dit qu'il s'harmoniserait... Qu'est-ce qu'il a l'intention de faire à partir du 1er janvier 1988?

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, ce que nous avons fait dans le budget du 30 avril dernier a été d'abolir l'impôt sur le revenu pour 45 000 familles québécoises. Ce que nous avons fait dans le budget du 30 avril a été de diminuer l'impôt sur le revenu pour 300 000 autres familles québécoises. Cela va résister à cette réforme annoncée, cela va être intégré là-dedans. C'est cela que je dis au député de Lévis. Je dis encore au député de Lévis que quant à la question de savoir si nous allons nous harmoniser avec certaines propositions qui deviendront contraignantes pour le gouvernement fédéral lorsqu'il aura un budget: Présentement, il n'y a pas de budget. Le député de Lévis me dit: Si le gouvernement fédéral maintient son intention de changer les exemptions et de faire des crédits d'impôt, est-ce que vous allez vous harmoniser? Je dis qu'il est trop tôt à ce moment-ci pour annoncer des choses comme celles que le député de Lévis voudrait que j'annonce. Je suis prêt à annoncer les choses une semaine à l'avance, mais pas six mois.

Des voix: Ha: Ha! Ha!

Le Vice-Président: En complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, est-ce que je pourrais tenter d'avoir une manifestation d'intention du ministre des Finances concernant la possibilité qu'a annoncée le gouvernement fédéral de taxer la nourriture et de taxer des services essentiels, comme les services de dentiste, d'optométriste ou d'autres dans le domaine de la santé? Est-ce que le ministre des Finances peut nous indiquer qu'il n'a pas l'intention de taxer des services essentiels et qu'il n'a pas l'intention de taxer la nourriture, puisque, à ce jour, c'est lui encore qui semble avoir une certaine juridiction dans ce domaine?

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, il faudrait que le député de Lévis lise bien le livre blanc...

Une voix: II ne l'a pas lu.

M. Levesque: ...du gouvernement fédéral. Il pose des questions seulement relativement à la taxe de vente. Il laisse des options ouvertes. Il parle de la possibilité d'une taxe nationale de vente. Il parle de la possibilité d'une taxe TVA, une taxe sur la valeur ajoutée. Il parle également d'une troisième option qui est la taxe sur les transactions commerciales. Il n'a pas fait son lit. Il n'a pas pris de décision. Il a soumis cela à la consultation. Ne me demandez pas de m'harmoniser simplement sur la consultation. Je dis cependant au député de Lévis: II n'est pas question pour le gouvernement du Québec de céder un pouce dans l'autonomie fiscale que nous avons présentement, dans l'initiative que nous avons de décider nous-mêmes des mesures fiscales qui appartiennent au gouvernement du Québec et à l'Assemblée nationale.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: En complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: Une dernière question puisque, à toutes celles que j'ai posées, je n'ai pas eu de réponse. Il y a un secteur...

Des voix: Oh!

M. Garon: ...ou vous semblez être intéressé à en donner une? Alors, je vais vous la poser dans ce secteur-là. Est-ce que le ministre des Finances peut assurer l'Assemblée nationale qu'il va protéger toutes les juridictions du Québec en matière d'impôt et toutes les juridictions du Québec également en matière de taxes directes et indirectes, M. le Président?

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, j'ai l'impression que le député de Lévis n'écoute pas les réponses.

Une voix: Il ne les comprend pas.

M. Levesque: II pense qu'il pose des questions, il prépare sa prochaine question et il oublie d'écouter la réponse.

Une voix: II ne les comprend pas.

M. Levesque: Le chef de l'Opposition a bien compris lorsqu'il a applaudi tout à l'heure à la réponse que j'ai donnée.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Levesque: Je répète une dernière fois, M. le Président, que les intérêts du Québec seront bien protégés.

Le Vice-Président: Question principale, M. le chef de l'Opposition. (10 h 30)

Réserver aux jeunes 50 % des emplois découlant des travaux de la Baie James

M. Johnson (Anjou): Question principale, M. le Président, au premier ministre. On sait qu'il y a environ 175 000 jeunes de moins de 30 ans qui sont en chômage au Québec, officiellement. On sait également qu'en pratique ils sont près de 250 000, ces hommes et ces femmes de moins de 30 ans, à ne pas avoir un travail ou à ne pas être à la recherche d'un emploi, dont près de 100 000 aptes au travail à l'aide sociale. On sait que leur situation, relativement depuis 20 ans, en termes de chômage, s'est dégradée par rapport au reste de la population. (10 h 30)

À côté de cela, on sait également que nous avons une richesse naturelle importante qui s'appelle nos rivières, notre hydroélectricité et qu'Hydro-Québec prévoit, dans les années qui viennent, des travaux importants d'aménagement hydroélectrique, y compris possiblement, sujet à la signature des contrats, l'aménagement d'environ 3500 ou 4000 mégawatts prévus pour l'exportation aux États-Unis.

Dans la mesure où il s'agit d'un problème collectif et dans la mesure où nous avons une ressource collective, est-ce que le premier ministre accepte, tout au moins en principe, la suggestion que je lui ai faite la semaine dernière, de consacrer, compte tenu des milliers d'emplois qui pourraient être créés en termes d'emplois additionnels non prévus sans l'exportation, 50 % de ces emplois à la fois au niveau direct et au niveau de l'ensemble des entreprises qui traiteront avec Hydro-Québec afin de rétablir une certaine équité dans cette société à l'égard des moins de 30 ans?

Le Vice-Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je suis heureux que le chef de l'Opposition me pose cette question à l'Assemblée nationale. Je suis même un peu intimidé d'avoir une question de nature économique. J'ai dit hier au chef de l'Opposition que j'avais été quand même étonné qu'il fasse cette proposition devant des partisans. Si c'est une proposition qu'il considère très importante, qu'il la fasse plutôt devant l'Assemblée nationale.

Je vois le leader de l'Opposition souffler une réponse dont je me doute du contenu parce qu'il sait qu'en 1971 le Parti québécois m'avait reproché d'avoir lancé le projet de la Baie James devant les partisans au Colisée.

Je suis quand même heureux de cette volte-face du chef de l'Opposition parce que lui-même a dit, durant la campagne électorale, que la phase II de la Baie James était pour créer des jobs en Nouvelle-Angleterre et aux États-Unis. C'est ce qu'il disait durant la campagne électorale. Là, je constate qu'il a changé d'idée. Il se rallie aux partisans de la phase II de la Baie James. J'en suis très heureux et je le félicite.

Quant à l'idée de réserver des emplois pour les jeunes, ce n'est pas nouveau, je l'ai dit en fin de semaine alors que j'étais à Halifax. Je suis même revenu lundi soir pour répondre aux questions du chef de l'Opposition mardi. Je dis au chef de l'Opposition que c'était déjà dans les plans, dans les prévisions du chef du gouvernement. D'ailleurs, le livre que j'ai publié, qui a été décrié à de très nombreuses reprises par l'Opposition, par le Parti québécois et qui s'intitule L'énergie du Nord, la force du Québec, est dédié expressément à la jeunesse du Québec.

Je suis heureux de voir que le chef de l'Opposition est maintenant d'accord avec cela. Je lui dirai que durant la phase I, 41,7 % des emplois, sans être réservés, ont été tenus par des jeunes de moins de 30 ans. Donc, il s'agit de faire un effort avec lequel je suis totalement d'accord, parce que j'en ai parlé constamment pour augmenter ce pourcentage de 41,7 $ à environ 50 %. Je crois que cela devrait être faisable. C'était déjà dans notre intention. Si on peut aller au-delà de 50 %, on va être d'accord, mais je dois dire que la proposition du chef de l'Opposition, à toutes fins utiles, a déjà été largement appliquée à la phase I et qu'à la phase II, ce sera plus facile encore de l'appliquer, étant donné l'expérience qu'on a eue avec la phase I et étant donné la volonté politique très ferme du gouvernement actuel d'accorder la priorité à la jeunesse du Québec sur cette question.

Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, cela ne m'arrive pas souvent, mais je suis très heureux de la réaction du premier ministre. Étant donné qu'il a pris le temps que vous avez vu, il me permettra de faire un petit commentaire juste avant de lui poser une autre question. Je luis ferai remarquer qu'on aimerait cela qu'il fasse des déclarations à l'Assemblée nationale plutôt que devant des assemblées partisanes. Il a promis, par exemple, devant une assemblée partisane, la parité de l'aide sociale aux jeunes, mais cela m'a l'air qu'il ne l'a pas fait encore à l'Assemblée nationale.

Le premier ministre reconnaît donc le devancement des travaux de la Baie James et non pas la Baie James II. On se comprend bien. C'est le devancement des travaux prévus par Hydro-Québec. C'est cela qui est en cause et le premier ministre le sait très bien. Il peut bien appeler cela la Baie James II tant qu'il veut, mais ce n'est pas cela. C'est le devancement des travaux prévus initialement par Hydro. Que tout cela va générer des emplois non seulement sur les chantiers et on sait que le critère utilisé par Hydro-Québec dans ces données, c'est que, pour à peu près chaque million investi, environ dix emplois sont créés directement sur les chantiers. Mais il y a également, et il faut en tenir compte, dans toutes les régions du Québec, des fournisseurs d'Hydro-Québec. Que ce soit dans le secteur manufacturier ou le secteur des services, à peu près tous les corps d'emplois sont visés par l'activité générée par des investissements d'Hydro-Québec. Est-ce que le premier ministre accepterait, plutôt que de se contenter de dire qu'il a dédicacé son livre, de dire qu'il est prêt, comme premier ministre, non seulement à s'engager à ce qu'il y ait un minimum de 50 % sur les chantiers, mais d'amener les entreprises et les syndicats à négocier à ce que ce soit vrai aussi chez les sous-traitants partout dans les régions du Québec?

Le Vice-Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je suis heureux de voir que le chef de l'Opposition a quelque peu approfondi ses notions sur les emplois indirects parce que je me souviens qu'au moment de l'investissement de l'entreprise Hyundai, il y avait eu une certaine confusion. Dans les emplois indirects, on mélangeait la restauration avec la sous-traitance. Alors, je voudrais simplement exprimer ma joie de voir que le chef de l'Opposition a commencé à faire ses classes là-dessus.

Ce que je lui dis, c'est que, dans une période où le chOmage des jeunes était moins élevé - je lui donnais les chiffres de la fin des travaux de la Baie James, du moins en 1976-1977 - il y avait déjà 42 % des travailleurs de l'ensemble du complexe qui avaient moins de 30 ans. Je dis au chef de l'Opposition que, dans une période où le chômage des jeunes est beaucoup plus élevé, chaque mesure qui a pour objet de combattre le chômage des jeunes donne des résultats encore plus importants. On peut dire, grosso modo, que des nouveaux emplois qui sont créés, étant donné la proportion des jeunes qui sont en chômage, il y en a environ 50 % qui vont aux jeunes en bas de 30 ans. Donc, je n'ai pas d'objection à la proposition du chef de l'Opposition, mais je crois qu'en pratique elle est déjà réalisée. En effet, dans les emplois qui ont été créés on sait que dans le dernier trimestre, nous avons eu 44 % des nouveaux emplois de tout le Canada. Je crois que c'est peut-être la première fois depuis que les statistiques sont établies au Québec qu'on a une performance économique aussi dynamique pour l'ensemble des travailleurs.

Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que les mesures qui sont prises actuellement aboutissent déjà très largement aux objectifs qui sont énoncés de part et d'autre. Il reste quand même que le chef de l'Opposition...

Le Vice-Président: En conclusion, M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...dit lui-même - je pourrai peut-être compléter ma réponse dans une autre sous-question - que c'était assez complexe. Il a quand même fait une espèce de flip flop assez spectaculaire sur cette question. C'est lui qui, comme ministre du Travail, était responsable du règlement de placement qui a en bonne partie fermé les

chantiers de construction aux jeunes. C'est lui qui a refusé d'appuyer la loi 119 qui ouvrait les chantiers de construction aux jeunes. Là, après avoir combattu des mesures proposées par le ministre du Travail pour ouvrir les chantiers de construction aux jeunes, il veut qu'on applique la clause "nonobstant" pour faire l'inverse. J'ai de la difficulté à comprendre le chef de l'Opposition.

Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition, en complémentaire. (10 h 40)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je comprends que le premier ministre aimerait avoir la paternité de cette suggestion. Ce n'est pas important qu'il ait la paternité, ce qui compte, c'est qu'on règle le problème et que vous avanciez, puisque vous êtes au gouvernement. Vous avez jusqu'en décembre 1988, si vous signez les contrats avec les Américains, pour donner les décisions à Hydro-Québec de procéder. Il faut que vous vous prépariez...

Le Vice-Président: Votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): ...vous avez un an et demi pour vous préparer et amener vos ministres à se préparer à faire cela et à négocier avec les syndicats et les entreprises et à préparer les institutions de formation qui sont importantes dans ce secteur.

Le Vice-Président: Votre question, s'il vous plaît, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Compte tenu des chiffres qui révèlent qu'en 1966 le taux de chômage était d'environ 5,5 % en moyenne dans la population et tout juste de 6,5 % chez les moins de 30 ans, alors qu'en 1976, à la fin de son second mandat, ce taux de chômage des jeunes était déjà rendu à 16 %, 15,6 % pour être plus précis - il est en ce moment à près de 17 % - le premier ministre ne reconnaît-il pas que ça va prendre en pratique, non pas juste de laisser aller le système en pensant que ça va intégrer plus de jeunes, mais des mesures précises de négociations? Au-delà de cette question de la Baie James, le premier ministre est-il prêt à envisager d'implanter graduellement dans la fonction publique des programmes de temps partagé pour permettre l'entrée de jeunes dans la fonction publique québécoise, dans les secteurs public et péripublic?

Le Vice-Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je vois que le chef de l'Opposition a glissé sur un autre secteur. Ce n'est pas une question de paternité. Je pense bien que la population du Québec est bien consciente, à la suite de tous les efforts, les déclarations et les volumes que j'ai écrits depuis une dizaine d'années, que le chef de l'Opposition, en fin de semaine, a fait une espèce de hold-up invraisemblable des idées du premier ministre du Québec. Je pense que cela a été nettement perçu par l'opinion publique, parce qu'on se souvient de tous les efforts qui ont été faits pour faciliter cela.

Ce que je dirai au chef de l'Opposition, c'est que, dans la mesure - je le lui répéterai parce que, dans sa question, il ne tenait pas tellement compte de la réponse que je lui avais donnée il y a quelques minutes - où le chômage des jeunes est plus élevé, les mesures pour combattre le chômage favorisent les jeunes. C'est logique! On a déjà commencé à le faire. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dévoilait un plan pour aider les jeunes agriculteurs, il y a quelques jours...

M. Garon: II y a 1000 jobs de moins.

Une voix: Pardon?

M. Garon: II y a 1000 jobs de moins...

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: Chaque fois que j'entends le député de Lévis, mon admiration s'accroît pour le chef de l'Opposition:

Des voix: Ha! Ha! Ha! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président: Brièvement, en conclusion, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président... Des voix: ...

Le Vice-Président: Un instant: Donc, M. le premier ministre, brièvement, en conclusion, s'il vous plaît:

M. Johnson (Anjou): Je comprends que le premier ministre voulait la placer depuis le début de la session, mais il est très tard, il est très tard:

Le Vice-Président: M. le premier ministre, en conclusion.

Une voix: Vous l'auriez souhaité avant? M. Bourassa: Ce n'est pas... Une voix: ...avant le congrès!

Des voix: Ha: Ha! Ha!

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous platt! Nous allons continuer. M. le premier ministre, en conclusion, s'il vous platt!

M. Bourassa: M. le Président, je dirai au chef de l'Opposition que ce qui compte, c'est la pertinence de la remarque. Ce que je veux lui dire, c'est que nous avons déjà posé des gestes. Je me référais aux mesures du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, tantôt, à celles du ministre du Travail, qu'a combattues le Parti québécois. Ils se sont même opposés au dépôt au projet de loi. Alors, je constate cette volte-face du chef de l'Opposition sur toutes ces questions, mais je veux lui dire qu'on est très conscient que c'est la grande priorité économique du gouvernement du Québec. On a déjà posé des gestes. Le chômage des jeunes a été réduit d'une façon significative depuis que nous avons pris le pouvoir. Nous allons poursuivre et nous sommes déterminés à prendre toutes les mesures qui s'imposent. On a adopté le projet de loi sur la Société d'investissement jeunesse, celui du Conseil permanent. On a d'autres mesures et on va prendre toutes les mesures appropriées car c'est notre grande priorité économique que de réduire le chômage de la jeunesse du Québec.

Le Vice-Président: En question principale, M. le député de Verchères.

Réduction de l'allocation pour fournitures scolaires

M. Charbonneau: M. le Président, je suis bien content d'entendre une telle déclaration du premier ministre. Quand il était dans l'Opposition, ses collègues, en particulier le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, dénonçaient, entre autres, un programme de relèvement de l'employabilité qui s'appelait "Rattrapage scolaire". Ils trouvaient que ce n'était pas un bon programme. Depuis ce temps-là, vous avez lancé, en campagne électorale, un projet de réforme de l'aide sociale où vous considériez que ce programme était valable et qu'il méritait d'être maintenu. Vous l'avez effectivement maintenu. Ce programme prévoyait, en vertu de l'article 35 du règlement de l'aide sociale, une allocation de fournitures pour payer les fournitures scolaires de 500 $. C'est un peu en regard de ce programme que je veux poser la question. Le problème, c'est qu'il semble que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ait autorisé des coupures qui font en sorte que ce n'est plus 500 $ maintenant qui sont accordés mais 35 $ pour les jeunes de moins de 30 ans bénéficiaires de l'aide sociale qui participent à ce programme ou pour les chefs de famille monoparentale. La question est la suivante: Est-ce que le ministre est d'accord avec la procédure actuellement suivie par les fonctionnaires de son ministère pour couper, aux participants au programme de rattrapage scolaire, les fournitures scolaires de 500 $ à 35 $? Est-ce qu'il ne considère pas cela comme un hold-up, comme le premier ministre le disait tantôt?

Le Vice-Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Premièrement, il faut replacer la question du député de Verchères dans son contexte. Il n'est pas vrai que lorsque nous étions dans l'Opposition nous ayons, comme formation politique, dénoncé le programme de rattrapage scolaire. Au contraire, ce programme a été étendu. Il s'applique non seulement aux jeunes âgés de moins de 30 ans mais il s'applique également aux mères de famille monoparentale âgées de plus de 30 ans. Nous avons toujours approuvé un tel programme. J'ai eu des discussions avec Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et votre affirmation est complètement fausse.

Quant à baliser le programme, il est vrai qu'il y avait un montant de 500 $ qui était généralement autorisé et généralement appliqué. Ce dont nous nous sommes rendu compte dans la pratique - et ce n'était pas dans l'ensemble des cas, mais dans certains cas - c'est qu'on a assimilé à du matériel scolaire, en début d'année scolaire, des ensembles de "jogging", des espadrilles, etc. Ce sont ces abus qui font en sorte qu'on a réévalué les besoins des étudiants, qu'ils soient de l'aide sociale ou pas, pour en arriver à un montant de 35 $. Maintenant, si vous considérez que ce n'est pas suffisant, nous sommes toujours prêts à discuter du montant. Est-ce 35 $, 40 $ ou 50 $? Je pense que vous allez être d'accord avec nous pour dire que l'objet de la dépense est de défrayer du matériel didactique. Comme ministre, j'insiste pour que ce matériel didactique soit défrayé, mais il n'est pas question de considérer comme du matériel didactique, sauf dans des cas exceptionnels, des ensembles de "jogging".

Le Vice-Président: En additionnelle, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, le ministre a la mémoire courte. Il oublie les dénonciations qu'il faisait du programme Déclic et un des éléments du programme Déclic était effectivement le rattrapage scolaire.

Le Vice-Président: Votre question.

M. Charbonneau: Est-ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu entend revenir sur sa décision et payer aux étudiants qui participent au programme de rattrapage scolaire, qu'ils soient de moins de 30 ans ou de plus 30 ans, les frais réels encourus pour le matériel scolaire? Il ne s'agit pas de parler d'ensembles de "jogging". Il s'agit des besoins réels des étudiants dans ce programme. Est-ce qu'il ne considère pas que plutôt de réduire cela de 500 $ à 35 $ il devrait peut-être demander des pièces justificatives et permettre, jusqu'à concurrence de 500 $, aux étudiants de pouvoir obtenir un remboursement pour les frais de matériel scolaire?

Le Vice-Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'objectif visé, je le répète au député de Verchères, c'est de s'assurer que le matériel didactique dont ont besoin ces personnes soit défrayé et pour un besoin considéré comme un besoin spécial lorsqu'ils participent à des cours de rattrapage scolaire. (10 h 50)

Comme ministre, je suis conscient qu'il faut défrayer ces coûts, parce que les jeunes n'ont pas cette marge de manoeuvre dans leur budget qui couvre les besoins essentiels. Maintenant, est-ce que ces coûts s'élevaient à 500 $? Il y a des études qui nous indiquent que ces coûts ne s'élèvent pas à 500 $. J'ai indiqué au député de Verchères que, présentement, le montant fixé est de 35 $ et qu'il est versé au mois de juillet pour prévoir la rentrée scolaire. Est-ce que le montant de 35 $ sera maintenu - c'est là la question du député de Verchères - pour le mois de juillet? Nous sommes présentement à réviser nos barèmes et nous ajusterons les 35 $. Si c'est encore 35 $ - s'il n'y a pas eu d'augmentation pour le matériel didactique, cela demeurera 35 $ - et s'il y a eu des augmentations, elles seront incorporées aux barèmes.

Maintenant, vous nous demandez: Pourquoi ne remboursez-vous pas chacune des factures, etc.? Sur le plan administratif, je pense que vous vous rendez compte des conséquences de votre question. Cela rejoint un peu la demande que vous avez faite concernant la nourriture pour les assistés sociaux: Pourquoi ne donne-t-on pas ce qu'on appelle des timbres à la nourriture pour s'assurer que cette proportion aille vraiment dans le budget de nourriture, et pourquoi ne donne-t-on pas des timbres pour la matériel didactique? Nous faisons confiance à cet esprit de priorités et de discernement de l'assisté social qui peut administrer le budget que nous lui confions. Mais nous sommes sensibles à vos représentations pour nous assurer que le budget confié a l'assisté social, lorsqu'il s'inscrit à des cours de rattrapage scolaire, soit suffisant pour couvrir le besoin d'achat de matériel didactique, et le couvrir complètement.

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Je n'ai jamais parlé de timbres... Je ne sais pas où le ministre est allé pêcher cela, c'est peut-être parce qu'il y a une grève des postes, actuellement. Est-ce que le ministre de l'Éducation qui, d'une certaine façon, est coresponsable de ce programme de rattrapage scolaire, a été informé du problème que vivent les étudiants qui participent à ce programme, soit les moins de 30 ans ou les plus de 30 ans, et est-ce qu'il entend faire des représentations à son collègue, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour faire en sorte que, finalement, on ait une allocation de fourniture scolaire en conformité avec les besoins réels? Je pense qu'il y a une exagération de la part du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui a fait passer cela de 500 $ à 35 $. Probablement que le premier ministre devrait se soucier de ce problème, lui qui était très fort sur le hold-up, tantôt.

Le Vice-Président: M. le député de Verchères, je vous demanderais d'abréger votre question, s'il vous plaît! M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Jolivet: Non, le ministre de l'Éducation.

Le Vice-Président: M. le ministre de l'Éducation, excusez-moi.

M. Ryan: M. le Président, j'ai reçu des représentations de la part d'étudiants concernés à ce sujet. J'en ai fait part à mon collègue, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Le ministre m'a répondu et nous devons continuer les conversations afin de voir si des ajustements ne seraient pas requis.

Le Vice-Président: M. le député de Jonquière, question principale.

Télégrammes de protestations

de municipalités au sujet

du projet de loi 43

M. Dufour: Merci, M. le Président. Lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi 43, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, le ministre

des Affaires municipales a affirmé à plusieurs reprises qu'il avait l'accord des deux unions municipales concernant ce projet de loi. Or, devant l'avalanche de télégrammes de protestations concernant le projet de loi 43, est-ce que le ministre des Affaires municipales maintient toujours ses affirmations selon lesquelles il y a entente entre les municipalités et lui-même?

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: M. le Président, le projet de loi 43 modifie, comme vient de le dire le député, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et règle, en quelque sorte, le problème de l'aménagement concernant la protection des rives, des berges et des zones inondables. Il s'agit d'une question d'environnement et le ministre de l'Environnement a sûrement des responsabilités et un rôle à jouer. Malgré ce fait, le gouvernement a décidé de confier aux municipalités la responsabilité première en cette matière, mais il a été convenu avec les présidents des deux unions que le ministre de l'Environnement aurait, à la fin du processus, lorsque les règlements municipaux auront été adoptés, dans des cas particuliers, la possibilité de regarder ces règlements et même de les faire modifier s'ils ne respectent pas les normes essentielles établies par le gouvernement.

Sur les principes, les présidents des deux unions municipales m'ont donné leur accord. Il est possible que, sur certaines modalités, il y ait eu des divergences de vues, mais sur les principes, sur le fait que le ministre de l'Environnement puisse avoir un pouvoir, un droit de regard sur les règlements municipaux, j'ai l'accord des présidents des deux unions municipales.

Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Est-ce que le ministre a pris connaissance du télégramme envoyé aux 95 MRC signé de la main du président, M. Roger Nicolet, qui dit: "Le 12 juin 1987, nous avons communiqué notre opposition au projet de loi 43. Nous vous incitons à intervenir par télégramme auprès du ministre des Affaires municipales avant qu'il ne soit adopté définitivement." Est-ce que le ministre maintient toujours qu'il a l'accord des unions des municipalités vis-à-vis du projet de loi 43?

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, je maintiens toujours que, sur le principe du projet de loi 43 et sur la responsabilité qui est donnée au ministre de l'Environnement, j'ai l'accord des deux présidents des unions municipales. J'aimerais citer au député de Jonquière, pour son information, un paragraphe - je ne citerai pas toute la lettre - d'une lettre que j'ai reçue, hier, du président de l'Union des municipalités du Québec, M. Jean Pelletier, qui dit ceci: "Après avoir fait un exposé du projet de loi 43, pour ces raisons, nous acceptons la responsabilité et le rôle dévolu au ministre de l'Environnement, bien entendu, par l'intermédiaire de la loi 43 modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme."

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président: En complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Comme le ministre des Affaires municipales a cité un document, est-ce que je pourrais lui demander de le déposer en cette Chambre?

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: II me fera extrêmement plaisir de mettre le député de Jonquière au courant des derniers développements dans les dossiers.

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales, vous avez cité un document. Est-ce que vous acceptez de le déposer? Très bien. Si vous voulez... Document déposé.

Question principale, M. le député de Beauce-Nord.

Programme d'assistance financière pour les victimes d'inondations

M. Audet: M. le Président, mardi matin dernier, le comité consultatif en matière d'inondation qui a été formé par le ministre des Approvisionnements et Services et responsable du Bureau de la protection civile du Québec remettait son rapport de recommandations.

On se rappellera qu'au mois d'avril dernier, le Québec et notamment la Beauce ont connu une des pires inondations de leur histoire. J'aimerais savoir de la part du ministre responsable du Bureau de la protection civile du Québec s'il entend donner suite aux recommandations contenues dans le rapport Gauvin qui recommande au gouvernement d'établir un programme d'assistance financière pour les victimes des inondations de mars et d'avril derniers.

Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements et Services.

M. Rocheleau: M. le Président, je voudrais, premièrement, remercier le député de Beauce-Nord pour l'intérêt qu'il porte à

ce problème très particulier des inondations, surtout que le député de Beauce-Nord connaît annuellement dans plusieurs municipalités de son comté des problèmes semblables. Effectivement, mardi dernier, le député de Montmagny-L'Islet, président du comité, déposait son rapport et, déjà, je l'acheminais au comité ministériel permanent de l'aménagement et du développement régional afin que ce rapport puisse être examiné et qu'on puisse lui donner son appréciation. Du même coup, j'avais certains commentaires mercredi de cette semaine du ministre de l'Environnement d'une part et du ministre des Affaires municipales d'autre part sur certains aspects du rapport déposé par le comité, des commentaires très positifs à l'égard de ce rapport. Je peux indiquer que, dès les prochaines semaines, quand j'aurai complété l'ensemble des propos tenus à l'intérieur du rapport, quand j'aurai complété avec l'Union des municipalités et l'Union des municipalités régionales de comté desquelles j'attends certaines recommandations, il me fera plaisir de recommander à mes collègues un décret pour reconnaître les inondations des mois de mars et avril 1987, plus particulièrement en ce qui concerne le secteur de la Beauce.

Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il compte appliquer la recommandation du comité à savoir que le cheminement administratif d'une réclamation soit parcouru dans un délai maximum de six mois?

Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements et Services. (11 heures)

M. Rocheleau: M. le Président, encore là, c'est l'une des principales recommandations du rapport, tenant compte du fait que, malheureusement, quand le gouvernement a à décréter pour venir en aide à des personnes, à des sinistrés, à des gens qui ont connu un problème particulier, entre autres les inondations, on doit corriger encore aujourd'hui ou indemniser ces sinistrés, alors que cela remonte à 1982, 1983 et 1984. Je pense qu'il est urgent d'adopter une politique d'indemnisation qui fera en sorte de suivre les recommandations du rapport dans le but de diminuer autant que possible et, à la suite des sinistres ou à la suite de l'intervention, de l'analyse, du décret, faire en sorte que les sinistrés puissent être dédommagés ou aidés dans les six mois du sinistre.

M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle.

Le Vice-Président: En complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je pense que ce que les Beaucerons attendent, ce n'est pas de savoir si cela va prendre six mois. C'est de savoir combien ils vont avoir. Je voudrais savoir, M. le Président, si le ministre responsable de la protection civile peut nous dire si les gens de la Beauce qui ont à être indemnisés le seront en vertu de l'ancienne politique ou s'ils le seront en vertu de la nouvelle politique qui a été adoptée en juillet dernier, à savoir que les premiers 2000 $, les citoyens devront les payer.

Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements et Services.

M. Rocheleau: M. le Président, j'avais cru avoir fait parvenir le rapport Gauvin à l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale. Je m'aperçois que le leader de l'Opposition n'a pas eu l'occasion d'en prendre connaissance à ce jour. Je veux lui indiquer que, par rapport au décret adopté en juillet dernier pour les inondations de mars et avril 1986 pour lesquelles on avait appliqué un pourcentage de 4 % sur la valeur foncière de la propriété, dans le rapport Gauvin qui nous a été soumis, une proposition tient compte davantage du plus démuni. Nous avons modifié les 4 % qui s'appliquaient antérieurement sur la propriété, nous avons soustrait le terrain et nous appliquons plutôt un facteur de 0,001 % sur la propriété seulement, ce qui fait que c'est plutôt croissant pour les mieux nantis et décroissant pour les moins bien nantis.

M. Garon: En additionnelle.

Le Vice-Président: Une dernière additionnelle, M. le député de Lévis.

M. Garon: J'aimerais savoir, indépendamment des 0,00, si le ministre va augmenter les subventions qui vont être versées aux Beaucerons qui ont été inondés, contrairement aux représentations du député de Beauce-Nord qui est allé justifier les coupures du ministre devant sa population?

Le Vice-Président: Votre question.

M. Garon: Est-ce qu'il va rétablir les subventions à un niveau équitable plutôt que de maintenir les coupures qu'il avait annoncées?

Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements et Services.

M. Rocheleau: M. le Président, je trouve très malheureux l'attitude du député

de Lévis qui, lui, n'avait jamais fait aucune représentation pour les sinistrés, même dans la région de Québec, alors que le député de Beauce-Nord a suivi le dossier avec beaucoup d'intérêt.

Des voix: Ah! Ah!

M. Rocheleau: Encore une fois, M. le Président, si le député de Lévis avait écouté la réponse que je viens de donner au leader de l'Opposition, il aurait compris que, dans la politique actuelle, nous recommandons d'aider davantage les plus démunis et de tenir compte que les mieux nantis devront se débrouiller eux-mêmes.

Une voix: En additionnelle.

Le Vice-Président: Merci. Question principale...

Une voix: En additionnelle.

Le Vice-Président: Question additionnelle, une très brève additionnelle, M. le député...

M. Vallières: Très brève, M. le Président. Je veux savoir du ministre s'il a l'intention de féliciter le député de Montmagny-L'Islet pour la qualité de son rapport.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Vice-Président: Très bien.

Une voix: Bravo!

Une voix: II aurait dû le faire au début.

Le Vice-Président: Question principale, M. le député de Laviolette.

Les états financiers de REXFOR

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Il y a quelque temps, j'avais fait mention que deux enquêtes se tenaient sur la société REXFOR. La première était effectuée depuis le mois de septembre 1986 par le Vérificateur général et c'était une vérification intégrée. D'autre part, une vérification interne commandée par le président du comité de vérification...

Des voix: ...

Le Vice-Président: M. le député de Laviolette, s'il vous plaît, un instant! Je demanderais la collaboration. Nous avons un peu de difficulté à entendre ici. J'aimerais avoir un peu plus de discipline chez les députés. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je vais recommencer, M. le Président, malgré ma grosse voix...

Des voix: Oh! Oh! Oh! M. Jolivet: ...pour dire ceci. Une voix: Aie là! Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Jolivet: Premièrement, je disais qu'il y avait une vérification intégrée commencée depuis le mois de septembre 1986 effectuée par le Vérificateur général, à la société REXFOR. La deuxième provenait du président du comité de vérification, donc du comité de vérification de REXFOR, M. Alain Belzile, qui, dans...

La deuxième provenait du président du comité de vérification de REXFOR, M. Alain Belzile, qui, dans un mandat donné à Mallette, Benoît, Boulanger, Rondeau et Associés dans une lettre, comme je l'avais dit à l'époque, de son propre bureau d'avocats de Rivière-du-Loup... Une vérification, donc, sur l'administration de REXFOR. Or, des sources nous indiquent que la société REXFOR aurait déposé son rapport financier indiquant un surplus, des bénéfices de 4 000 000 $. Entre-temps, on sait qu'à l'intérieur du mandat donné il y avait une discussion en rapport avec l'ancien président-directeur général, M. Michel Duchesneau -j'y avais fait allusion à l'époque - à savoir qu'il avait été congédié sur des informations provenant du comité de vérification.

Ma question au ministre délégué aux Forêts est la suivante...

Une voix: Fin de la période de questions.

Des voix: ...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! La période de questions se termine dans quelques instants. Nous allons laisser au député le temps de poser sa question et au ministre le temps d'y répondre. Je vous demanderais de collaborer, s'il vous plaît!

M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je ne suis pas pressé, M. le Président, je me fie à vous.

Le Vice-Président: Allez-y!

M. Jolivet: Pourquoi le ministre délégué aux Forêts retarde-t-il actuellement la divulgation du document, des états financiers de la société REXFOR, comme la loi lui impose de les déposer ici à l'Assemblée nationale? A-t-il peur que cela vienne à l'encontre des arguments invoqués pour le congédiement de M. Michel Duchesneau?

Le Vice-Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, la vérification intégrée se poursuit actuellement par le Vérificateur général chez REXFOR. L'autre mandat qui avait été donné concernant l'administration et les mesures à prendre pour économiser un peu d'argent à REXFOR dans le cadre d'un programme de restrictions, tout ça se fait actuellement. Tout dernièrement, je crois que les états financiers de REXFOR ont été approuvés par le conseil d'administration. Je demanderais au député de Laviolette d'être patient un petit peu. Il s'agit de les faire imprimer et je le déposerai à l'Assemblée nationale aussitôt que ce sera fait.

Le Vice-Président: Très bien! Ceci met fin à la période de questions.

Il n'y a pas de vote reporté.

Aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.

Modification à la convocation d'une

consultation générale afin d'examiner

les meilleurs moyens d'assurer le

respect des objectifs des mesures

d'aide aux régions périphériques

M. Gratton: Oui, M. le Président, je voudrais corriger un avis qui, à la suite d'une erreur technique qui a été décelée par le député de Verchères, nécessiterait qu'on le corrige. Il s'agit d'une motion de renvoi en commission de l'économie et du travail pour une consultation générale sur les prix de l'essence en vertu de l'article 146 des règles de pratique.

Je fais donc motion pour que la commission de l'économie et du travail procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du 9 septembre 1987 afin d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures d'aide aux régions périphériques relativement à la réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ par litre dans ces régions. Ces mesures étaient prévues dans l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18 décembre 1985 et le discours sur le budget du 1er mai 1986. Que les mémoires soient transmis au Secrétariat des commissions au plus tard le 10 août 1987 et que le ministre de l'Énergie et des Ressources soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Il va de soi, M. le Président, que, cette motion étant adoptée, elle remplacerait celle que nous avons présentée préalablement cette semaine.

Le Vice-Président: Très bien. Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion?

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président: Consentement. Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: J'ai déjà donné l'avis quant à la commission qui doit étudier l'avant-projet de loi sur la délimitation territoriale municipale. Donc, je n'en ai pas d'autres, M. le Président.

Le Vice-Président: Très bien. Il n'y a pas d'autres motions sans préavis?

Avis touchant les travaux des commissions. Il n'y a pas d'avis?

M. Gratton: Non.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président: Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...sur les travaux de l'Assemblée, je voudrais demander au leader du gouvernement s'il est prêt à conclure une entente. Étant donné que c'est vendredi, sans vouloir abréger le nombre d'heures de session parce que je comprends qu'il est responsable des échéances, et que plusieurs collègues de notre formation politique, à cause du congrès, n'ont pu aller dans leur famille depuis quelques semaines déjà, au lieu de reprendre nos travaux à 15 heures cet après-midi, je voudrais proposer qu'on les reprenne à 14 heures et qu'on siège de 14 à 20 heures pour permettre, à compter de 20 heures, à certains de nos collègues de pouvoir entrer chez eux après une absence assez prolongée. (11 h 10)

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Je pense qu'on pourrait agréer à cette demande ou suggestion du leader de l'Opposition dans la mesure où, avec ce que propose le leader, on suspendrait de 13 heures à 14 heures pour le lunch et on filerait de 14 heures à 20 heures sans suspension pour le souper. Évidemment, cela nous priverait d'une heure sur le programme prévu, mais je pense qu'on pourra probablement récupérer cela possiblement en siégeant un peu plus tard lundi soir. Donc, M. le Président, si cela agrée aux

membres de l'Assemblée, nous pourrions en faire un ordre de l'Assemblée immédiatement.

Le Vice-Président: Donc, il y a consentement. Nous en faisons un ordre de l'Assemblée. Les travaux se poursuivront jusqu'à 13 heures. Suspension de 13 heures à 14 heures et les débats reprendront à 15 heures jusqu'à 20 heures.

Une voix: 14 heures.

Le Vice-Président: De 14 heures à 20 heures. Je m'excuse. De 14 heures à 20 heures. Donc, ceci met fin à la période des affaires courantes. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant passer à la période des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

Projet de loi 31

Reprise du débat sur l'adoption du principe

M. Gratton: M. le Président, à l'article 5 du feuilleton, on retrouve la reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic.

Étant donné qu'il s'agit là en somme de concordance avec les conventions collectives des employés des secteurs public et parapublic, est-ce que je pourrais demander au leader de l'Opposition de consentir à ce que nous procédions à l'adoption du principe sans débat dès maintenant de façon qu'on puisse déférer le projet de loi à une commission parlementaire qui pourrait siéger aujourd'hui pour en faire l'étude détaillée, quitte à revenir éventuellement aux interventions à une autre étape? Est-ce que le leader de l'Opposition pourrait me donner son point de vue là-dessus?

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai demandé à mon collègue d'Abitibi-Ouest de prendre connaissance de ce projet de loi. Il l'a étudié et, effectivement, on pourrait procéder à l'adoption du principe sans interventions et garder nos interventions pour l'étude en troisième lecture.

Le Vice-Président: Très bien. En conséquence, j'appelle donc la reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Est-ce que cette motion d'adoption du principe est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Gratton: M. le Président, je ferai donc motion pour déférer ledit projet de loi à la commission du budget et de l'administration et pour qu'elle soit présidée par un président de séance.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Gratton: Cela étant, M. le Président, je voudrais maintenant donner l'avis qu'après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, donc à compter de maintenant jusqu'à 13 heures, et, si nécessaire, de 15 heures à 17 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic.

Le Vice-Président: Très bien. Cette motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président...

Le Vice-Président: C'est un avis. Excusez. C'était un avis. Très bien.

M. Gratton: Oui.

Le Vice-Président: Donc, avis est reçu.

M. Gratton: Je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 77 du feuilleton, s'il vous plaît.

Reprise du débat sur la motion proposant que l'Assemblée nationale

autorise la modification de la

constitution du Canada en conformité

avec l'entente d'Ottawa

Le Vice-Président: À l'article 77 du feuilleton, nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion présentée par M. le premier ministre à l'effet suivant: "Que l'Assemblée nationale autorise la modification de la constitution du Canada par proclamation

de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe", annexe qui est jointe au feuilleton de cette journée-ci. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Comme vous l'avez mentionné, c'est le député de Nicolet qui avait proposé l'ajournement du débat. Mais, avec son consentement, je suggérerais que vous reconnaissiez le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes sans pour autant que le député de Nicolet perde son droit de parole, tel que prévu à l'article 102 de nos règlements.

Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette:...pas nécessaire.

Le Vice-Président: Oui, exactement.

M. Chevrette: Je pourrais donner tout de suite mon consentement. En vertu de votre motion, un député peut revenir.

Le Vice-Président: C'est cela.

M. Chevrette: Donc, il n'y a aucun problème.

Le Vice-Président: Effectivement. Nous sommes dans des règles spéciales. Il n'y a aucun problème. Alors, je cède maintenant la parole à M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier mon collègue le député de Nicolet pour me céder son rang comme orateur dans ce débat. L'entente que nous étudions, l'entente qui fait suite à ce compromis, à cette entente qui a été conclue au lac Meech, l'entente du 3 juin dernier, est le résultat d'un long processus qui a, de fait, débuté lors de la campagne électorale de l'automne 1985. Probablement jamais dans l'histoire du Québec un gouvernement ne s'est présenté devant l'électorat avec une position aussi claire que celle que nous avions en campagne électorale.

Cette position, pour nous, était la revendication des droits historiques du Québec en fonction de cinq grandes conditions qui sont au fondement même du Québec comme société moderne: reconnaître le Québec comme une société distincte à l'intérieur de la fédération canadienne; permettre au Québec de participer pleinement à la nomination des juges, qui viennent du Québec à la Cour suprême du Canada; permettre au Québec d'avoir les pouvoirs nécessaires pour se garantir une immigration capable de faire poids au problème de dénatalité que nous avons; capacité pour le Québec de pouvoir se retirer d'un programme conjoint en fonction de ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral et récupération du droit de veto pour le Québec.

Cinq conditions. L'entente du 3 juin, qui confirme officiellement, formellement l'entente du lac Meech, nous donne satisfaction sur ces cinq conditions. Cinq sur cinq. Voilà, M. le Président, le résultat premier qu'on doit souligner lorsqu'on parle de cette entente du 3 juin. J'entendais hier le chef de l'Opposition nous dire: Mais le Québec ne gagne aucun nouveau pouvoir dans cette entente. C'est le statu quo, nous disait-il. Et il allait même jusqu'à dire: Ce que vous obtenez pour la Cour suprême du Canada, mais ce n'est rien. Il n'y a rien là, disait-il. M. le Président, il n'y a rien là que d'obtenir que maintenant trois juges sur neuf à la Cour suprême du Canada viendront du Québec, et ce sera une garantie dans la constitution du Canadal II n'y a rien là lorsqu'on dit que ces juges qui viennent du Barreau ou de la magistrature du Québec, ces juges à la Cour suprême du Canada seront nommés à la suite de noms qui seront fournis par le gouvernement du Québec!

Dans ses propositions constitutionnelles, le Parti québécois, le gouvernement péquiste de l'époque allait beaucoup moins loin en ce qui regarde la Cour suprême du Canada et la nomination des juges. Je cite où on dit: "Bien que le pouvoir de nommer les juges québécois de la Cour suprême puisse relever formellement du gouvernement fédéral, la consultation du gouvernement du Québec devrait être institutionnalisée et l'obtention de son consentement requis". C'était une simple consultation qu'on demandait. On demandait dans ce projet d'accord constitutionnel du gouvernement péquiste, en ce qui regarde la Cour suprême, une simple consultation du gouvernement du Québec pour nommer ses juges à la Cour suprême alors que ce que nous obtenons dans cette entente, c'est que le gouvernement du Québec donne le nom pour faire partie de cette Cour suprême. (11 h 20)

C'est une implication directe. C'est le droit à l'initiative de la nomination. C'est beaucoup plus que ce que demandait le Parti québécois dans son projet d'accord constitutionnel. Je comprends le chef de l'Opposition de nous dire: II n'y a rien là. Je le comprends, parce qu'il se rend compte que ce que nous obtenons dans cette entente est beaucoup plus significatif. C'est un pouvoir nouveau pour le Québec et un pouvoir très important, lorsqu'on connaît l'importance de

la Cour suprême, non seulement comme grand interprète de la constitution canadienne, mais aussi comme grand interprète de la société canadienne et guébécoise par l'interprétation de la Charte des droits et libertés, par l'interprétation aussi de la Charte guébécoise des droits et libertés de la personne.

C'est donc un élément essentiel que nous récupérons; cela fait des années et des années gu'on discute de ces nominations à la Cour suprême. Et, dans cette entente du 3 juin, maintenant nous l'avons. Le gouvernement du Québec pourra fournir au gouvernement fédéral le nom de la personne qu'il veut comme juge à la Cour suprême pour représenter ces trois juges gui viennent obligatoirement du Québec. Ce sera maintenant dans la constitution canadienne.

Le chef de l'Opposition nous dit: II n'y a pas de nouveaux pouvoirs pour le Québec dans cette entente constitutionnelle. Il a probablement oublié de regarder la partie de cette entente gui concerne l'immigration. Il nous a déjà dit: II n'y a absolument rien là. En ce qui regarde l'immigration, vous obtenez, à toutes fins utiles, ce gue nous avons déjà avec l'entente Cullen-Couture, négociée en 1979. Eh bien, c'est faux! Ce que nous obtenons dans cette entente du 3 juin, en fonction de l'immigration, c'est beaucoup plus gue l'entente Cullen-Couture, parce que cette entente était simplement la possibilité d'une sélection conjointe avec le gouvernement fédéral pour le gouvernement du Québec. C'était simplement la possibilité de choisir, de sélectionner nos immigrants gui demandent à immigrer au Québec de l'extérieur du Canada et avec la participation du gouvernement fédéral. Ce n'était qu'une simple entente administrative, alors que nous avons maintenant, dans la constitution, le pouvoir pour le Québec, et le pouvoir exclusif, de sélectionner nos immigrants gui demandent à émigrer au Québec, soit de l'extérieur du Québec, du Canada et aussi - c'est très important -ceux qui sont déjà sur place et gui demandent d'être reçus comme immigrants ici, au Canada, au Québec. Je dis gue c'est très important lorsgue nous parlons du "sur place" parce gue cela signifie plus de 30 % de nos immigrants qui sont déjà sur place par suite d'une entente ou d'un échange avec les pays, qui sont ici comme étudiants, comme travailleurs à différents niveaux, à la suite d'un échange que nous avons avec d'autres pays, et qui demandent de devenir des immigrants québécois, de devenir des citoyens du Québec.

Nous allons, maintenant, avoir ces pouvoirs. Ce ne sont pas des pouvoirs nouveaux? Et, en plus, le Québec, par cette entente, aura le pouvoir de mettre en place sa politique d'intégration de ses immigrants parce que nous avons un problème majeur, soit que plus de 50 % de nos immigrants, à un moment donné, quittent le Québec pour une autre province canadienne. Il faut leur donner le goût de demeurer au Québec. Il faut leur donner le goût de participer avec nous à ce défi de notre société moderne québécoise. Il faut leur donner des cours de langue, des cours sur nos institutions; il faut leur montrer comment nous vivons, comment nous sommes, nous, Québécois et leur dire "vivez avec nous, venez participer à ce défi moderne gue nous avons". C'est comme cela que nous allons relever ce défi, ensemble, de la modernité pour le Québec. Avec cette entente, nous allons avoir la possibilité d'avoir des cours de langue pour nos immigrants, d'avoir les moyens de les intégrer à notre société, non pas les assimiler, parce que nous sommes très heureux de les accueillir avec leurs disparités culturelles, avec tout ce qu'ils peuvent nous apporter de spécificité de par le pays de leur origine. C'est un apport considérable pour la société québécoise. C'est excellent pour nous. Mais il faut qu'on puisse leur donner aussi les moyens de s'intégrer dans la population du Québec et de participer au bien commun de notre société québécoise.

M. le Président, on dit qu'il n'y a pas de pouvoirs nouveaux dans cette entente du 3 juin. En matière d'immigration, mais c'est évident gu'on a des pouvoirs nouveaux. C'est tellement important pour le Québec lorsgue nous réalisons gue nous avons un taux de natalité de 1,4 %, le deuxième plus bas au monde chez les pays industrialisés, immédiatement après l'Allemagne de l'Ouest. On sait gu'il faut en moyenne 2,2 % de taux de natalité pour une société industrialisée pour simplement maintenir son niveau de population. Nous, on se retrouve avec 1,4 %. C'est un problème très grave. Il nous faut une politique familiale mais il nous faut aussi avoir la possibilité de ravoir ces pouvoirs qui nous sont nécessaires pour notre immigration, demander à des gens de venir relever ce défi avec nous et faire en sorte qu'ils puissent vivre avec nous heureux pour participer au bien commun de la société québécoise.

En plus, dans cette entente du 3 juin, nous avons la garantie d'un nombre minimum d'immigrants et la possibilité d'ajouter 5 % justement pour des motifs démographiques. C'est une reconnaissance de notre besoin de cette immigration pour maintenir notre situation au point de vue du poids démographique dans la fédération canadienne. On vient nous dire qu'on n'a pas de nouveaux pouvoirs. On a des nouveaux pouvoirs en ce qui a trait à chacune de ces cinq conditions que nous avons demandées et que nous avons obtenues.

Maintenant, un sujet particulièrement important, la formule d'amendement. Dans toute constitution, il doit y avoir une

formule pour la modifier, c'est normal. On ne fait pas une constitution pour l'éternité. Â un moment donné, il faut la modifier. En 1982, on a inclus dans la constitution du Canada une formule d'amendement à laquelle avait souscrit le gouvernement péquiste de l'époque. Le 16 avril 1981 est une date malheureuse dans l'histoire politique du Canada et du Québec, moment où ce gouvernement vient d'être élu pour un deuxième mandat. Trois jours après, ils vont signer une entente avec les autres provinces pour dire: Le Québec est égal aux autres provinces. Le Québec n'a pas de situation particulière, le Québec est comme les autres provinces. Le résultat: on a perdu le droit de veto du Québec. On a perdu ce droit de dire non à un amendement majeur de la constitution qui peut affecter la situation du Québec comme partenaire de cette fédération, comme société distincte en fonction de nos droits historiques, de nos privilèges, de nos pouvoirs et de nos compétences. On l'a abandonné. C'est dans cette situation qu'on se retrouvait lorsqu'on a débuté ces négociations constitutionnelles. Il fallait revenir et j'ai fait ma tournée auprès de tous les premiers ministres des autres provinces, auprès de mes homologues dans les autres provinces pour leur dire: Écoutez, ce n'est pas tout à fait cela, vous savez. Le Québec n'est pas comme les autres provinces. On n'est pas pareil aux autres. Vous l'aviez signé, vous l'aviez dit, vous! Vous aviez signé un document pour leur dire: Nous sommes pareils aux autres. (11 h 30)

Maintenant, nous, il fallait repartir et leur dire: Écoutez, ce n'est pas tout à fait cela; selon nous, le Québec n'est pas comme les autres et nous voulons que vous puissiez le reconnaître. Nous avons notre spécificité, nous avons notre identité et il faut que ce soit bien compris lorsque l'on parle des droits historiques du Québec dans la formule d'amendement.

Une autre erreur qu'a faite le gouvernement péquiste de l'époque, il a dit: II n'y a pas de problème, nous aurons une formule meilleure que le droit de veto absolu parce que nous aurons le droit de nous retirer d'un amendement constitutionnel. Belle affaire, M. le Président! Évidemment, lorsqu'on parle d'un amendement constitutionnel sur le partage des compétences législatives, si l'on dit qu'une compétence fédérale comme l'assurance-chômage - prenons cet exemple - deviendra de compétence provinciale, cela se comprend bien, on l'accepterait. On a une compétence provinciale en ce qui regarde, par exemple, les universités. Je vois mon collègue, le ministre de l'Éducation, qui me parle des universités. Oui, si on disait que les universités qui sont de la juridiction du Québec seront maintenant de la juridiction du gouvernement fédéral, à ce moment-là, le Québec pourrait dire: On se retire, on ne veut pas cet amendement parce que nous voulons conserver cette compétence sur l'éducation, sur nos universités et un droit de retrait, mais, pour les autres, cela pourra s'appliquer et les universités seront de compétence fédérale pour les autres provinces, excepté pour le Québec qui se retire.

Cela se comprend dans les domaines de compétence législative, mais ce que n'avait pas compris le gouvernement péquiste de l'époque, c'est qu'on ne se retire pas d'une institution, on ne se retire pas du Sénat, on ne se retire pas de la Chambre des communes, on ne se retire pas de la Cour suprême. On s'est retrouvé avec un droit de retrait avec une compensation financière seulement dans les domaines de l'éducation et de la culture. Encore, cela signifiait qu'au moment de se retirer d'un domaine de compétence qui n'est pas de la culture ou de l'éducation les citoyens du Québec auraient été doublement taxés. Ils auraient payé par leurs taxes pour l'action de leur gouvernement dans un champ de compétence et ils auraient payé par leurs taxes qu'ils envoient au gouvernement fédéral pour l'application de ce champ de compétence qui est maintenant fédéral, qui n'appartient plus aux autres provinces. Ils étaient doublement taxés; c'était cela le résultat. Perte du droit de veto, double taxation pour les citoyens du Québec.

Ce que nous avons récupéré, ce que nous avons dans cette entente du 3 juin, c'est, tout d'abord, en ce qui regarde le droit de se retirer d'un amendement constitutionnel concernant le partage des compétences législatives, une compensation financière dans tous les cas, pas simplement en matière d'éducation et de culture, mais dans tous les cas. Deuxièmement, en ce qui regarde les modifications à nos institutions fédérales - c'est tellement important, on n'a pas changé le partage des compétences législatives très très souvent depuis le début de la fédération canadienne, peut-être à quatre reprises, formellement - qui sont au coeur même de notre vie dans cette fédération canadienne: modification à la Chambre des communes en ce qui regarde la représentativité des provinces par les sièges que nous avons à la Chambre des communes; modification du Sénat - on parle beaucoup de la modification du Sénat qui a raté sa vocation et qui doit retrouver un souffle nouveau, un véritable rôle dans cette fédération canadienne - en ce qui regarde la Cour suprême dont j'ai parlé tout à l'heure, en ce qui regarde aussi l'acceptation d'un nouveau partenaire de la fédération canadienne, et cela peut être un élément très important, nous récupérons ce droit de veto. Cette entente constitutionnelle nous

donne ce droit de veto.

Eh oui, on dira: Elle donne ce droit de veto aussi aux autres provinces. Eh oui, c'est le résultat, justement, du principe que vous avez déjà accepté de l'égalité des provinces, mais, pour nous, cela ne nous cause pas de désagrément, cela ne nous cause pas de problème. Ce qui est important pour nous, c'est que nous puissions récupérer le droit du Québec de dire non à un amendement constitutionnel qui va à l'encontre de ses droits historiques.

Il n'y a pas de pouvoirs nouveaux dans cette entente, nous dit le chef de l'Opposition. On récupère le droit de veto et il n'y a pas de pouvoirs nouveaux! Probablement qu'il va nous dire qu'il n'y a pas de pouvoirs nouveaux, non plus, alors que nous avons cette délimitation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Cela aussi était un point très important pour nous.

On ne voit pas dans le projet d'accord constitutionnel du gouvernement péquiste quelque demande que ce soit concernant le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, d'une façon claire, d'une façon évidente. Nous, nous voulons que l'intervention des deux niveaux de gouvernement puisse se faire d'une façon coordonnée, efficace pour le bien-être de. la population canadienne et québécoise. C'est cela, finalement, le défi du fédéralisme, de faire en sorte que les deux niveaux de gouvernement, le fédéral et le provincial, puissent agir chacun dans son domaine de compétence. en parfaite coordination pour le mieux-être de la population.

Ce pouvoir de dépenser, qui permet au gouvernement fédéral de dépenser des sommes d'argent dans des domaines de compétence provinciale, a été décrié par le gouvernement du Québec depuis des décennies. Ce que nous obtenons maintenant dans cette entente du 3 juin: nous ne reconnaissons pas le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, mais nous reconnaissons constitutionnellement le droit, le pouvoir d'une province de se retirer d'un programme conjoint établi par le gouvernement fédéral. Ça, c'est important, ça, c'est un pouvoir essentiel pour l'avenir économique du Québec, pour une meilleure coordination des deux niveaux de gouvernement à l'intérieur de la fédération canadienne.

Ce que cela signifie, c'est que, lorsque le gouvernement fédéral établit un plan conjoint dans un domaine, par exemple, la santé, si le Québec veut établir son propre programme ou veut tout simplement prendre une mesure, il pourra le faire en fonction de ses propres normes, de ses propres conditions, en fonction de la spécificité de sa population dans le domaine social, tout en respectant les objectifs nationaux parce que nous croyons en ce fédéralisme, nous croyons en ce pays, nous croyons en cette fédération.

Le Québec, en contrepartie de ce retrait, pourra recevoir des sommes d'argent qu'il pourra investir, soit dans son propre programme ou, s'il a déjà un programme, dans une mesure qui peut être, par exemple, au niveau des impôts, des bourses d'études, comme on le suggère.

Voilà des moyens de pouvoir récupérer pour nous des sommes d'argent qui nous reviennent en vertu des impôts que les Québécois et les Québécoises paient au gouvernement fédéral et qui nous reviennent dans la mesure où on respecte non pas des normes, non pas les critères du programme pour lequel on s'est désengagé, mais les objectifs nationaux de la fédération. C'est là un élément important que nous respectons, parce que nous croyons en cette fédération. Nous croyons que, si l'on veut garder l'unité de cette fédération, il faut qu'il y ait des programmes nationaux dans des domaines aussi importants pour la vie des Canadiens et des Canadiennes. Il doit y avoir de ces programmes nationaux.

Ce que nous disons, cependant, c'est que nous pouvons avoir nos propres besoins, nos propres éléments d'évolution économique et sociale et nous voulons respecter cette caractéristique qui nous est propre, cette spécificité qui nous est propre. Dans ce cadre, nous voulons respecter les objectifs nationaux, mais nous voulons avoir en main les outils pour notre développement social, politique et économique. Et c'est ce que nous obtenons avec ce pouvoir de dépenser. (11 h 40)

Le pouvoir de l'"opting out", comme nous l'appelons, le pouvoir de se retirer, il n'existait pas dans la constitution. Il avait été exercé par le Québec qui a été la seule province à l'exercer, à peu près à deux reprises, formellement, dans les années soixante, et il n'y avait pas de garantie constitutionnelle. Maintenant, dans cette entente du 3 juin, nous avons cette garantie constitutionnelle qui permet au Québec de se retirer d'un programme conjoint fédéral-provincial tout en recevant les sommes d'argent nécessaires pour établir son propre programme ou pour prendre une mesure en relation directe avec les objectifs nationaux.

M. le Président, lorsqu'on nous dit qu'il n'y a pas de nouveaux pouvoirs dans cette entente, est-ce que ce n'est pas un nouveau pouvoir important pour le Québec, pour son développement économique, que de pouvoir déterminer ses propres critères d'évolution dans ses programmes en fonction des objectifs nationaux, mais en fonction de nos propres spécificités économiques, sociales et culturelles? C'est un pouvoir extrêmement important, M. le Président.

Un dernier point, mais non le moindre, la reconnaissance dans la constitution que ce pays, le Canada, est fondé sur deux peuples fondateurs, deux communautés nationales, les

Canadiens d'expression française et les Canadiens d'expression anglaise, deux peuples égaux qui forment ce que nous appelons l'application du principe de la dualité canadienne. Et c'est là une notion que nous connaissons depuis fort longtemps au Québec. C'est là une notion qui nous est chère, qu'on a voulu depuis fort longtemps faire reconnaître dans la constitution canadienne et qui a été l'objet de nombreux débats. C'est une réalité maintenant.

C'est une réalité, ces deux peuples, Canadiens français et Canadiens anglais, comme aussi c'est une réalité, le Québec comme société distincte, une réalité non pas dans un préambule de la constitution qui pourrait avoir une valeur de référence morale, mais dans la constitution elle-même. Â l'article premier de la constitution qui crée ce pays, le Canada, qui a créé cette fédération en 1867, nous allons retrouver, inscrit explicitement dans la constitution, le principe de la dualité canadienne et le principe que le Québec forme une société distincte.

Une société distincte, qu'est-ce que cela signifie? M. le Président, nous n'avons pas voulu définir ce qu'est la société distincte québécoise parce que nous avons pensé à l'avenir, nous avons pensé aux générations futures, nous avons pensé au Québec moderne qui évolue dans ce contexte nord-américain. Nous savons tous que cette société distincte est fondamentalement, essentiellement, fondée sur la langue et la culture françaises. M. le Président, il n'y a pas deux, trois, quatre ou cinq provinces qui ont été reconnues comme sociétés distinctes. Il y en a une, le Québec. C'est bien évident qu'on sait pourquoi on la reconnaît comme étant distincte, par sa langue, par sa culture, mais aussi par ses institutions, par sa façon d'être, par sa façon de vivre. Nous sommes des Québécois fiers de notre originalité, de notre spécificité, fiers de ce que nous sommes et fiers de vivre dans ce pays, dans le Canada.

M. le Président, maintenant, dans la Loi constitutionnelle de 1867, dans le premier article substantiel, nous aurons la reconnaissance de ce principe de la dualité et du principe que le Québec forme une société distincte et aussi, comme deuxième partie de cette règle d'interprétation en fonction de ces deux grands principes, dualité et société distincte, la reconnaissance que le gouvernement du Québec, l'Assemblée nationale, cette Assemblée, a le rôle de protéger et promouvoir la spécificité du Québec. Cela fait des années et des années qu'on veut voir reconnu dans un texte constitutionnel ce rôle du gouvernement du Québec de protéger et de promouvoir la spécificité du Québec, sa langue, sa culture, ses institutions, sa façon d'être et nous allons l'avoir dans cette partie extrêmement importante de la constitution de 1867.

Le fait que ce soit inscrit au tout début de la constitution de 1867 démontre, justement, l'importance de ces principes et ça démontre très clairement que cette règle d'interprétation va s'appliquer à l'ensemble de la constitution du Canada. Ce n'est pas simplement une règle d'interprétation pour trois, quatre ou cinq points, c'est une règle d'interprétation pour l'ensemble de la constitution canadienne et ce sera très important pour l'avenir.

M. le Président, c'est évident que ce n'est pas parce que nous sommes reconnus dans la constitution comme une société distincte que demain l'assurance-çhômage, qui est de compétence fédérale, va devenir de compétence provinciale. C'est évident. Ce n'est pas parce qu'on est reconnu comme une société distincte que les bureaux de poste, qui sont de compétence fédérale, vont devenir de compétence provinciale parce que nous, on écrit en français. C'est évident. Ça. ne change pas le partage des compétences législatives tel qu'il est établi clairement dans la constitution. Cependant, ce que cela apporte de nouveau, " c'est un instrument d'interprétation pour faire en sorte que ce partage des compétences législatives puisse avoir sa réelle signification parce qu'il y a des zones grises, des ambiguïtés et c'est normal. Lorsqu'on écrit une constitution fédérale et qu'on doit distribuer des compétences législatives entre les deux niveaux de gouvernement, on ne peut pas tout prévoir d'une façon étanche. Il y a des difficultés, il y a des dizaines de causes chaque année partout au Canada concernant le partage des compétences législatives.

Nous avons là, avec la reconnaissance du Québec comme une société distincte, un outil fondamental, un outil premier pour interpréter ce partage des compétences législatives. Je donne des exemples. Prenons le cas de Radio-Québec. Je sais que mon collègue, le ministre des Communications, est ici en Chambre. Radio-Québec, qui est une société d'État, qui est un radiodiffuseur éducatif, demande sa licence de diffuseur pour son spectre de fréquence au CRTC, au gouvernement fédéral qui ne se penche pas sur la programmation de Radio-Québec qui est une programmation éducative de compétence provinciale. Mais il se passe rarement une année sans qu'on soulève que Radio-Québec est un diffuseur et que, par conséquent, il devrait relever de la compétence fédérale qui a la compétence en matière de radiotélévision. Et nous, du gouvernement du Québec, nous disons que Radio-Québec est de la compétence du Québec parce que c'est un radiodiffuseur, mais éducatif et que l'éducation, c'est de compétence provinciale.

Ce que nous avons maintenant avec la reconnaissance du Québec comme société

distincte, c'est la possibilité d'utiliser cet élément d'interprétation constitutionnelle, à savoir que le Québec est une société distincte, pour démontrer que Radio-Québec est un outil essentieI pour le développement culturel du Québec et que, par conséquent, nous avons une pleine compétence parce que nous avons competence en matière d'éducation, parce que nous sommes une société distincte bien que la radiodiffusion relève de la compétence fédérale. Voilà un exemple très concret. (11 h 50)

Je vous donne un autre exemple: les caisses populaires. Tout le Mouvement Desjardins fait partie du tissu social, économique et culturel du Québec et fait aussi partie de notre contexte social, politique, économique. Les caisses populaires sont de compétence provinciale, mais, par suite de décisions de tribunaux de première instance. Jamais la Cour suprême ne s'est prononcée sur la compétence du Québec sur les caisses populaires. Et on ne retrouve pas les caisses populaires expressément mentionnées dans le partage des compétences législatives, soit à l'article 91, soit à l'article 92 de la constitution canadienne. On dit que c'est de compétence provinciale parce qu'il s'agit de coopératives. Il s'agit de coopératives, donc de propriétés de droit civil et propriétés et droit civil, c'est de compétence provinciale.

Mais, très souvent, il y a des gens qui le contestent en disant: Attention! Les banques, c'est de compétence fédérale. Et les "caisses" populaires font des opérations bancaires. Elles devraient être de compétence fédérale. Nous devons avoir des outils' pour plaider que les caisses populaires sont vraiment de compétence provinciale. Et voilà un outil. Parce que nous sommes une société distincte et parce que le gouvernement et l'Assemblée nationale du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la spécificité québécoise, nous avons la possibilité d'utiliser cette règle d'interprétation pour soutenir notre compétence sur les caisses populaires parce qu'elles font partie de notre vie sociale, économique, culturelle.

Autre exemple, M. le Président, qui me touche particulièrement comme membre du gouvernement, c'est en matière de relations internationales. En matière de relations internationales, le Québec occupe une place de plus en plus importante en respectant la compétence du gouvernement fédéral en matière d'affaires étrangères. C'est le Canada, comme pays souverain, qui détermine le cadre d'action par sa politique en matière d'affaires étrangères. Mais le Québec a la capacité de pouvoir exercer ses compétences internes sur le plan externe et nous avons des délégations un peu partout dans le monde. Nous avons la possibilité de participer à des conférences internationales en matière de francophonie, par exemple. Nous sommes membres à part entière de l'Agence de coopération culturelle et technique de la francophonie et nous allons avoir le plaisir d'accueillir, les 2, 3 et 4 septembre, plus de 41 délégations, formées de chefs d'État et de gouvernement, qui se réuniront ici à Québec pour le deuxième Sommet de la francophonie.

Nous avons donc un rôle particulier et ce rôle particulier devra évoluer avec la francophonie. Que sera ce rôle particulier dans les prochaines années? J'espère qu'il sera le plus évident possible, le plus efficace possible parce que nous ne pouvons pas vivre isolés comme cela en Amérique du Nord. Il faut l'excellence. Nous, Québécois et Québécoises, nous savons que nous sommes confrontés plus que tout autre à ce défi de l'excellence et que le défi de l'excellence passe essentiellement par l'international.. On doit pouvoir s'exprimer, exprimer notre spécificité sur la scène internationale et nous avons là la possibilité de pouvoir asseoir nos compétences en matière internationale sur une règle d'interprétation constitutionnelle claire.

Encore là, Mme la Présidente, je voudrais vous dire que ce n'est pas parce qu'on est reconnu comme une société distincte qu'on va aller demander maintenant d'avoir, des ambassades partout dans tous les pays du monde. Ce n'est pas cela qu'on veut faire. Ce que l'on veut, en respectant le cadre fédéral, le cadre fédératif. en respectant la compétence fédérale en matière d'affaires étrangères, c'est avoir la possibilité d'exprimer ce que nous sommes sur la scène internationale. Mais il ne s'agit pas d'aller demander d'avoir des ambassadeurs dans tous les pays du monde parce que nous sommes distincts.

Ce que nous voulons, c'est la possibilité de nous exprimer très clairement sur la scène internationale en fonction de notre spécificité. Comme ministre des Relations internationales, c'est ma très grande préoccupation de pouvoir faire en sorte que ce défi de l'excellence auquel nous sommes confrontés comme Québécois, comme Québécoises, nous puissions l'exprimer avec le plus d'efficacité possible sur la scène internationale.

Mme la Présidente, il y a dans ce premier article qui sera dans la constitution de 1867 une clause de sauvegarde, comme nous en avons une pour le pouvoir de dépenser dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous avons mis une clause de sauvegarde parce qu'il y avait des gens qui s'inquiétaient et qui nous disaient: Attention, le pouvoir de dépenser, ça peut signifier que le gouvernement fédéral légifère dans des domaines de compétence provinciale. Non, ce n'est pas ça. Le pouvoir de dépenser ne peut pas autoriser le gouvernement fédéral à légiférer

dans des domaines de compétence provinciale. Pour plus de sécurité, nous avons une clause de sauvegarde en ce qui regarde le pouvoir de dépenser. Nous avons dit: II y aura une clause, elle est là, elle est bien là cette clause. Le pouvoir de dépenser ne permet pas au gouvernement fédéral de dépenser des sous dans un domaine de compétence par une voie législative qui équivaudrait, à toutes fins utiles, à légiférer dans un domaine de compétence provinciale.

Nous avons aussi une clause de sauvegarde dans le domaine de la société distincte et de la dualité canadienne. Une clause de sauvegarde qui permet au Québec d'avoir la garantie de ses droits linguistiques, d'avoir la garantie qu'il y a un plancher, un minimum de garantie qui peut nous permettre ensuite d'acquérir des éléments nouveaux pour cette sécurité culturelle qui est essentielle pour nous. Cette clause de sauvegarde que nous avons demandée, que le gouvernement du Québec a demandée, je dois l'avouer, a été discutée très durement. Je dois rendre hommage au premier ministre du Québec, M. Bourassa, qui a négocié cette clause pendant de nombreuses heures au matin du 3 juin dernier pour être certain que nous avons cette sécurité culturelle. Le premier ministre du Québec a obtenu de ses autres partenaires cette clause qui nous permet d'avoir cette garantie, qui nous permet maintenant de construire à partir de ce que nous avons déjà.

Je vois le chef de l'Opposition nous dire: Mais, vous n'avez pas de droits linguistiques. Vous n'allez chercher aucun droit linguistique. C'est faux. C'est, encore une fois, faux. Je l'ai démontré tout à l'heure en matière d'immigration. Je l'ai démontré, il y a quelques instants, en parlant de la société distincte qui est un pouvoir, qui est un outil fondamental pour soutenir nos compétences. Je le démontre encore par cette clause de sauvegarde qui est au fondement même de nos revendications comme société distincte en fonction de nos droits linguistiques, de nos droits culturels. On nous dit, du côté de l'Opposition, qu'il faut revendiquer les pleins pouvoirs pour le Québec en matière de langue. Nous les avons, ces pleins pouvoirs.

Il y a deux exceptions. Il y a l'article 133 inscrit par les Pères de la fédération canadienne dans la constitution de 1867. Pourquoi, Mme la Présidente? Pour permettre à un député anglophone de s'adresser dans sa langue, ici à l'Assemblée nationale. Est-ce qu'on peut être contre ça? Est-ce que l'Opposition est contre ça? Permettre à un anglophone de s'adresser à un tribunal et d'avoir le droit à un procès dans sa langue, est-ce qu'on peut être contre ça? J'entends les députés de l'Opposition qui nous disent: Non, c'est vrai qu'on ne peut pas être contre ça. L'article 23 de la constitution de 1982 établit les droits linguistiques pour les minorités et permet, par exemple, à des parents anglophones qui ont suivi leur instruction au niveau primaire dans une autre province canadienne en anglais d'inscrire leur enfant dans une école anglaise au Québec. Y a-t-il quelque chose de plus normal que de permettre ainsi à des Canadiens qui ont, suivi leur instruction en anglais dans une autre province, d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise au Québec? (12 heures)

Cela ne veut pas dire, par contre, qu'un Anglais d'Angleterre, qui émigre au Québec, peut inscrire ses enfants à l'école anglaise. Il ne le peut pas, alors qu'un Français de France, qui émigre au Manitoba, pourra, lui, envoyer ses enfants à l'école française. Mais, un Anglais d'Angleterre, qui vient ici au Québec, ne pourra pas inscrire ses enfants à l'école anglaise. C'est cela. On est contre cela, la "clause Canada"?

Nous acceptons ces articles 133 et 23, mais ce que nous voulons, c'est que le Québec ait pleine juridiction sur sa langue, et c'est ce que nous avons. C'est la garantie que nous avons par l'article 1 de notre entente, qui sera maintenant l'article premier de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est la garantie culturelle, linguistique qui va nous permettre ensuite d'acquérir le statut que nous voulons à l'intérieur de la fédération canadienne.

Quelquefois, les gens de l'Opposition me disent que je mentionne trop souvent que cette entente du 3 juin est une entente historique. Je ne le mentionnerai jamais assez: Cette entente, qui a été conclue tout d'abord au lac Meech et qui est le résultat d'une négociation, d'une discussion que nous avons menée, depuis plus d'un an maintenant, avec nos partenaires fédéraux, les autres provinces et le gouverment fédéral, cette entente du lac Meech, qui a été confirmée formellement devant toute la population du Canada par la télévision canadienne, est une entente historique. C'est un grand moment dans l'histoire du Québec et du Canada, parce que cette entente va pouvoir faire en sorte que le Québec retrouve sa place comme partenaire majeur de cette fédération en lui redonnant des droits historiques, des pouvoirs dont il a besoin pour faire valoir sa spécificité, son identité sociale, politique, économique, culturelle, et qui va aussi lui permettre d'évoluer dans le respect de sa spécificité et du fédéralisme canadien.

Cette entente donne aussi une évolution, un souffle nouveau au fédéralisme canadien. Par le pouvoir de dépenser auquel nous donnons un champ d'application - nous avons circonscrit l'application du pouvoir de dépenser - c'est une nouvelle dynamique politique que nous créons. On doit relier cette dynamique politique au fait que l'entente constitutionnelle va créer main-

tenant, dans la constitution, l'obligation de tenir une conférence annuelle des premiers ministres sur les questions économiques. Cela dépendait de la bonne volonté du gouvernement fédéral, du premier ministre du Canada de convoquer ou non les provinces au point de vue économique. Mais, maintenant, ce sera obligatoire; une fois par année, les premiers ministres du Canada se réuniront pour parler d'économie, ce qui veut dire que nous avons là un nouveau forum qui pourra s'articuler en fonction d'éléments concrets qui vont être discutés, que ce soit en fonction du pouvoir de dépenser, d'une nouvelle fiscalité ou de ces plans globaux que l'on doit mettre en place pour l'évolution économique de la fédération canadienne. Ce sera, là aussi, un élément nouveau.

Et que dire du Sénat canadien dont nous allons discuter en deuxième étape? Les sénateurs seront nommés par le gouvernement fédéral, mais à la suite de noms soumis par la province. Donc, ce sont les provinces qui auront l'initiative de soumettre des noms de personnes qui pourront représenter, bien sûr, l'intérêt national de la fédération, mais aussi, comme cela a toujours été la vocation du Sénat, comme le voulaient les Pères de la fédération canadienne en 1867, les intérêts des régions canadiennes, des provinces canadiennes. C'est, là aussi, un élément important qui va nous permettre de dégager au Canada un consensus nouveau, fondement d'un souffle nouveau qui nous permettra, par exemple, de discuter avec plus d'efficacité de sujets aussi importants que ces discussions concernant le libre-échange avec les États-Unis et notre place dans le monde en fonction de l'évolution économique mondiale telle qu'elle se dessine actuellement.

On dit souvent, du côté de l'Opposition, que c'est donner à la cour de justice tous les pouvoirs. On ne donne pas tous les pouvoirs aux tribunaux, Mme la Présidente. Ce que nous faisons, c'est que nous donnons aux hommes et aux femmes politiques dûment élus dans notre société démocratique les outils et les moyens nécessaires pour faire valoir ce que nous sommes comme membres de cette fédération, ce que ce pays est. C'est la pratique constitutionnelle qui est importante. Cette pratique sera en fonction du discours politique qui sera dorénavant tenu au Canada et au Québec.

Ce discours politique, maintenant, sera essentiellement fondé sur le fait que la constitution reconnaît le Québec comme une société distincte. Il sera essentiellement fondé sur le fait que ce pays est fondé sur la dualité canadienne. C'est ce discours politique qui va se développer de plus en plus et qui va créer au sein de ce pays une mentalité nouvelle, une mentalité qui vient, à toutes fins utiles, concrétiser une marche très longue, parce que cette entente, c'est la première étape d'une réforme constitutionnelle. Par le vote que l'Assemblée nationale fera sur cette entente du 3 juin dernier, c'est le compte à rebours pour que les autres provinces et le gouvernement fédéral puissent voter cette entente et puissent faire en sorte que ce soit des amendements à la constitution. Ensuite, on pourra aborder la seconde étape: la réforme du Sénat, la refonte de certains pouvoirs, la réforme de notre fédéralisme en fonction de ce souffle nouveau que nous avons dans la première étape et en fonction du défi que nous avons pour les années à venir.

Mme la Présidente, oui, c'est une entente historique. C'est une entente faite pour les générations à venir, pour mon fils qui pourra vivre dans un pays dont il sera fier, pour nos fils, pour nos enfants et pour les générations à venir qui seront fiers d'être dans ce pays, de vivre comme nous sommes avec notre originalité et notre spécificité, mais de vivre aussi avec cette fédération, ce défi de la fédération canadienne. C'est une entente historique et c'est un premier pas vers une réforme constitutionnelle qui fera en sorte que le Québec pourra être, comme partenaire majeur de cette fédération, un partenaire d'un grand pays, le Canada.

Des voix: Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Maintenant, je vais reconnaître le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. J'écoute attentivement les propos des intervenants libéraux, principalement l'orateur qui m'a précédé, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, et je me dis: Oui, il s'agit d'une confusion historique, puisque le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes est le seul avec son chef, avec les membres de son parti, à tenir le langage qu'il nous tient au sujet des prétendus nouveaux pouvoirs qu'aurait obtenus le Québec dans la signature de l'accord constitutionnel. (12 h 10)

Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes nous dit que cette entente contient pour le Québec de nouveaux pouvoirs, notamment pour garantir l'évolution normale sur le plan culturel et linguistique du Québec. Mais est-ce que la vérité ne vient pas plutôt du Canada anglais? Le sénateur Lowell Murray, ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales, le 17 juin, il y a quelques jours, au Sénat, disait: "La minorité anglophone du Québec est

probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays."

Est-ce que le premier ministre et son ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes savent que le reste du Canada interprète l'accord constitutionnel tout autrement que ce qu'ils nous en disent depuis qu'ils sont revenus des berges du lac Meech et d'Ottawa? Ian Scott, Procureur général de l'Ontario, dans le Toronto Star du 6 mai 1987 disait: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied des nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution; maintenant, il le sera. En ce sens, cette description formelle est une première et est à l'avantage du gouvernement d'Ottawa." Est-ce que c'est suffisamment clair pour empêcher le premier ministre et son ministre d'État de jeter de la poudre aux yeux des Québécois et tenter de faire croire à la population qu'il s'agit là d'une entente historique où le Québec fait des gains? Balivernes!

David Peterson, premier ministre de l'Ontario, lui aussi, était au lac Meech et lui aussi était à Ottawa: "Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de société distincte du Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances." Où est la garantie culturelle pour le Québec? Où est la garantie linguistique pour le Québec? Est-ce que la vérité ne vient pas plutôt du Canada anglais? Est-ce que la confusion à laquelle nous assistons actuellement sur le plan constitutionnel n'est pas directement la conséquence du référendum de 1980, où ce même premier ministre, où ce même ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales, où ce même ministre de l'Éducation actuel était sur la scène du Centre Paul-Sauvé, alors que Pierre Elliott Trudeau est venu faire accroire aux Québécois, pour leur faire peur, qu'un non voulait dire un oui au référendum. La confusion tient son origine du Centre Paul-Sauvé et se perpétue, aujourd'hui, dans l'accord constitutionnel.

Les libéraux provinciaux ont participé à cette confusion en jetant de la poudre aux yeux des Québécois et ils font la même chose, aujourd'hui, en tenant de "bulldozer" le Parlement dans une résolution constitutionnelle qui n'apporte rien de concret aux Québécois. C'est cela, la réalité. Je pense qu'il faudrait avoir un minimum d'honnêteté intellectuelle pour arrêter le premier ministre et son ministre délégué lorsqu'ils tentent de dire aux Québécois que notre culture est protégée. Rien dans cet accord ne protège notre lange et notre culture, et la confusion qu'ils entretiennent, dans laquelle, je dirais, ils sont passés maîtres tient son origine du référendum. Rappelez-vous le référendum, parce que, après le référendum, le Québec s'est fait planter par le reste du Canada qui a isolé le Québec et qui a conclu, durant "la nuit des longs couteaux", un accord par lequel le Québec se retrouvait seul, isolé. C'est cela, la vérité, lorsqu'on regarde au-delà de la poudre que tentent de jeter les libéraux sur le dossier constitutionnel. Si, vraiment, l'accord constitutionnel signifie autre chose que ce que je viens de dire, c'est-à-dire un statu quo pour le Québec et, dans certains cas, des reculs, pourquoi le ministre refuse-t-il de demander l'interprétation des tribunaux sur cet accord? Si cet accord signifie autre chose que le statu quo et des reculs en matière de pouvoir de dépenser, pourquoi le premier ministre du Québec refuse-t-il de procéder à la plus élémentaire consultation auprès de la population?

On se targue de l'autre côté... Le leader du gouvernement, en particulier, dit: Vous savez, on adopte ici la formule du débat référendaire, 35 heures de débat. Oui, mais lors du référendum, les 35 heures de débat à l'Assemblée nationale ont été suivies d'un large débat dans la population qui a duré 60 jours. De plus, les citoyens et citoyennes du Québec ont eu la chance d'aller aux urnes pour se prononcer pour ou contre le mandat qui consistait à donner au gouvernement du Parti québécois le droit de négocier sur une base d'égal à égal avec le reste du Canada une formule de souveraineté-association. C'est cela, la différence, Mme la Présidente. C'est cela, la démocratie, de permettre à ce débat d'aller rejoindre la population. Le ministre a raison sur une chose et on s'entend avec lui pour dire que la constitution est une affaire importante, comme un vêtement qu'on doit porter tous les jours. Cela nous affecte directement ou indirectement dans tout ce que nous faisons. On n'a qu'à regarder notre courrier. Il ne se passe pas une semaine sans qu'on reçoive un document qui vient ou du gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral. Cela, c'est la résultante de la constitution, du partage des pouvoirs en particulier.

Pourquoi ne pas procéder à cette consultation? Pourquoi ne pas ouvrir les portes du salon rouge aux experts constitutionnels, aux regroupements qui sont légitimement constitués au Québec et ne pas leur permettre de faire entendre leur point de vue si, véritablement, le premier ministre a raison de dire qu'il s'agit là de gain? La vérité, c'est que le premier ministre a peur de soumettre son accord à l'appréciation immédiate des tribunaux. Le premier

ministre, il faut s'en méfier, a peur d'ouvrir le débat à la consultation publique, sereine et calme, qu'on pourrait tenir n'importe quand, à l'automne ou l'an prochain. Nous avons trois ans pour adhérer à cet accord constitutionnel. Pourquoi cette précipitation? Pourquoi vouloir, immédiatement en fin de session et sans consultation, "bulldozer" les parlementaires pour obtenir leur accord? Est-ce qu'on a peur que, de l'autre côté, il y ait des libéraux qui se réveillent, qui se rendent compte finalement que c'est l'avenir du Québec qui est en cause, et que ces députés pourraient commencer à sonner l'alarme? Est-ce qu'on a peur que les experts viennent de l'autre côté nous dire que l'interprétation du ministre, quant à la clause sur la société distincte - on en parlera tantôt - ne vaut absolument rien?

Il serait temps que, sur un enjeu fondamental, le premier ministre cesse de louvoyer et entende clairement les opinions des experts et de la population sur une matière aussi fondamentale. On veut nous faire chanter "Ô Canada, terre de nos aïeux", mais qu'y a-t-il dans cette entente pour nos enfants? Qu'y a-t-il dans cette entente pour nous? C'est cela la véritable question. (12 h 20)

Parlons de la langue pendant quelques minutes. D'abord, on a un gouvernement en face de nous qui refuse d'appliquer la loi 101. Ce n'est pas surprenant qu'il se soit présenté à Ottawa sans demander que cette Assemblée nationale détienne les pouvoirs exclusifs de légiférer en matière linguistique. Il n'y croit pas à la capacité de ce Parlement de définir, nous-mêmes, nos termes, notre contrat linguistique au Québec. La loi 101 était la loi la plus socialement acceptée au Québec, parce qu'elle était précisément la loi la plus socialement acceptable au Québec. Le gouvernement libéral refuse de l'entériner et le Procureur général refuse de l'appliquer cette loi 101, comme c'est son devoir. Ce n'est pas surprenant qu'il soit allé à Ottawa sans nous chercher des garanties que nos pouvoirs et nos droits linguistiques seraient protégés. Je vous le dis franchement, si on n'est pas capable de vivre au Québec en français, j'aimerais mieux vivre ailleurs, l'hiver est-il moins long? Mais nous sommes tous attachés à ce coin de terre, parce que notre culture y règne; sinon, on va aller vivre en Californie ou ailleurs si on est pour vivre comme le reste du continent.

Donc, il nous faut absolument, il nous fallait absolument obtenir des garanties de protection de la loi 101 qui se fait charcuter depuis sa mise en vigueur par les tribunaux au point de vue de la langue d'administration, au point de vue de la langue d'éducation, au point de vue de la langue des affaires peut-être avec l'article 6 de la charte canadienne, au point de vue de la langue d'affichage. C'est cela la réalité, mais on n'a aucune garantie qu'on ne continuera pas à démantibuler notre loi 101. C'est cela la réalité.

Dans la clause de société distincte, il n'y a rien qui vient nous donner ces pouvoirs linguistiques qui sont pourtant fondamentaux. M. Lowell Murray n'est quand même pas un deux de pique, c'est lui qui dirige le dossier au gouvernement fédéral. "La minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays." C'est le sénateur Lowell Murray qui parle. Si c'était moi qui le disais ou si c'était le chef de l'Opposition qui le disait, qui le répétait, on dirait: Ah, les membres du Parti québécois ont des préjugés. Mais cela vient de la bouche du sénateur Lowell Murray, parce que c'est cela la réalité. Le ministre fait grand état, dit-il, des nouveaux pouvoirs qui auraient été acquis par le Québec lors de cette négociation. Allons voir, un par un, ces nouveaux pouvoirs.

D'abord, en ce qui concerne la Cour suprême, c'est un fait, l'accord constitutionnel prévoit que le Québec pourra suggérer une liste de noms afin que le Québec ait trois juges à la Cour suprême. Mais cela existe déjà depuis 1875 que le Québec a des représentants à la Cour suprême. Deuxièmement, cela n'empêchera jamais les juges québécois d'être en minorité à la Cour suprême. Trosièmement, pourquoi vouloir toujours s'en remettre à la Cour suprême pour décider de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être? Est-ce que la démocratie la plus élémentaire ne demande pas aux élus du peuple de prendre leurs décisions et de ne pas mettre sur les genoux des juges de la Cour suprême ou d'ailleurs des problèmes politiques qui doivent être réglés par des hommes et des femmes politiques?

Quelle abdication de responsabilités de la part du ministre qui attache une importance énorme à la Cour suprême! Je l'ai entendu à la commission parlementaire nous rappeler ce fait. Encore aujourd'hui il a passé dix minutes à nous parler des juges de la Cour suprême. Ils jouent un rôle important, certes, mais ce rôle ne doit pas éclipser les responsabilités fondamentales des députés que nous sommes. C'est cela la démocratie. Donc, la Cour suprême, n'en faisons pas un plat. Quand même, ayons le réalisme de garder cette clause de l'accord constitutionnel au niveau où il doit être.

Deuxième sujet pour le premier ministre et son ministre, l'immigration. D'abord, il faut comprendre en partant que l'immigration était une juridiction concurrente entre les deux pouvoirs, le

gouvernement central et les gouvernements provinciaux. Premièrement, c'est déjà dans la constitution. Deuxièmement, il existait déjà une entente Cullen-Couture intervenue en 1977; Couture du nom du ministre de l'Immigration du gouvernement du Parti québécois, Cullen étant le ministre de l'Immigration à l'époque. Entente qui est reconduite dans l'accord qui est devant nous.

Troisième élément au niveau de l'immigration, cet accord consacre le fait que le gouvernement fédéral sera le maître-d'oeuvre de la politique d'immigration et que le Québec jouera le rôle d'un deuxième violon. Où est le gain réel pour le Québec dans cette entente au niveau de l'immigration? Nul. C'est le statu quo et on voudrait s'en glousser.

En ce qui concerne le droit de veto, il faut bien se comprendre. Le droit de veto sur les institutions s'applique une fois par 50 ans. Il n'y a pas matière à écrire ,à sa mère, quand même, ni à se battre dans les autobus pour un droit de veto sur les institutions. Les provinces de l'Ouest attachent une grande importance à la réforme du Sénat mais pour nous, au Québec, cette réforme est tout à fait secondaire. Quant au reste, l'admission au Canada des nouvelles provinces, je pense que ça va peut-être prendre trois ou quatre générations avant qu'une nouvelle province se dessine quelque part et veuille entrer au Canada. Il n'y a quand même pas matière, quand on parle du droit de veto, à déchirer sa chemise comme le font le premier ministre et son ministre.

Quatrième élément, et c'est ça qui est important, les reculs que subit le Québec dans l'accord constitutionnel sur le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral qui est maintenant consacré officiellement dans la constitution, et qui permettra au gouvernement fédéral de fixer des objectifs nationaux auxquels devront se soumettre les provinces si elles veulent avoir le droit de retrait avec compensation. Cela veut dire qu'Ottawa définit des objectifs nationaux dans des matières qui pourraient relever des compétences provinciales et que le Québec, comme les autres provinces, devra s'y assujettir. Où est le gain? Le ministre nous dit qu'il s'agit là d'un gain formidable pour le Québec mais Ian Scott, Procureur général de l'Ontario, dit: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution; maintenant il le sera; et en ce sens, cette description formelle - une première - est à l'avantage d'Ottawa." Comment le ministre peut-il prétendre le contraire? Pourquoi aurait-il peur de soumettre cette clause à l'avis des experts constitutionnels, de la population et des groupements du Québec? Pourquoi ne pas la soumettre aux tribunaux, pour leur demander maintenant s'ils voient ce que le ministre y voit ou s'ils voient ce que le Procureur général de l'Ontario y voit? Ou, tout au moins, ayons l'honnêteté intellectuelle de ne pas prétendre qu'il s'agit là d'un gain pour le Québec.

Je pense qu'il faudrait quand même donner l'heure juste à la population à un moment donné alors qu'on s'apprête à adhérer au Canada, ici, à la sauvette, sans consultation et sans mandat de la population non plus.

Je voudrais revenir sur cet élément du mandat qui fait mal aux députés libéraux, Mme la Présidente. Durant la campagne électorale, je défie quiconque de nous dire que l'enjeu constitutionnel faisait partie des enjeux électoraux. Ce que j'ai entendu dans mon comté de la candidate libérale? Elle prétendait qu'ils étaient pour donner la parité d'aide sociale aux jeunes en bas de 30 ans et qu'ils étaient pour donner un salaire aux femmes au foyer. C'est ça que j'ai entendu dans mon comté et cela a été répété à la télévision. Qu'on ne vienne pas maintenant nous dire que l'enjeu de la dernière élection était un enjeu constitutionnel.

Je fais appel à la mémoire des gens qui nous écoutent, de ceux qui sont présents. Est-ce qu'une personne peut se lever et dire que l'enjeu constitutionnel était important lors de la dernière campagne électorale? Non. De prétendre le contraire est une fumisterie. Le gouvernement libéral...

Des voix: ...

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais la collaboration de la Chambre.

M. le député de Taillon.

Des voix: ...

(12 h 30)

M. Filion: Cela leur fait mal, Mme la Présidente, vous savez pourquoi.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre!

M. Filion: Ils vont la traîner longtemps, cette campagne électorale. De vouloir prétendre le contraire est une fumisterie.

Cinquièmement, la clause portant sur la société distincte. D'abord, il faut comprendre que cette clause est une règle d'interprétation de la constitution. Cela signifie en droit qu'elle est un principe dont les juges ne sont appelés à tenir compte que pour le cas où une règle de droit constitutionnel ne leur paraîtrait pas autrement claire. Ainsi, s'il est clair pour les juges que l'affichage français enfreint la liberté d'expression de la charte canadienne, la clause de société distincte doit rester

lettre morte. La seule façon non pas de savoir, mais d'avoir une quelconque idée de la fertilité ou de la stérilité d'une telle clause serait de poser d'avance quelques questions concrètes aux juges et de leur demander de se prononcer maintenant, ce que refuse de faire le gouvernement libéral.

Le fait que la clause de société distincte ne soit qu'une règle d'interprétation signifie aussi en droit que l'adhésion du Québec à la constitution de 1982 se fait à 1000 coudées en dessous de ce que la constitution de 1982 a fait au Québec. La constitution de 1982 a enlevé à l'Assemblée nationale le pouvoir souverain qu'elle avait en plusieurs matières: la langue, l'éducation, les droits civils, pour le donner aux tribunaux canadiens. La clause de société distincte ne fait qu'inviter ces tribunaux à tenir compte de l'évidence en cas de doute. Le pouvoir souverain, perdu en 1982, demeure donc aux mains des tribunaux canadiens. C'est cela la réalité sur la clause concernant la société distincte.

Mais la clause de société distincte, Mme la Présidente, si elle doit jamais servir, devrait être comprise à la lumière de plusieurs autres règles d'interprétation qu'énonce la constitution. Ainsi, par exemple, les juges devront tenir compte du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 qui dit que le Canada forme une fédération. Ils devraient tenir compte de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui dit que c'est là le test d'une loi raisonnable et justifiable. Ils devraient tenir compte de l'article 27 de la charte canadienne qui dit que toute interprétation de cette charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel du Canada. On voit dont que les mots "doit concorder" utilisés dans la clause de société distincte n'ont aucun poids singulier. Ils devraient tenir compte également du préambule de l'accord de 1987, qui affirme que celui-ci reconnaît le principe de l'égalité de toutes les provinces, le Québec au même niveau que I'île-du-Prince-Êdouard, au même niveau que l'Alberta et le Manitoba. C'est cela que dit le préambule de l'accord qui vient d'être signé.

Le Québec formerait donc une possible société distincte tout en étant une province juridiquement égale aux autres. Mais, deuxièmement, c'est une règle d'interprétation équivoque, car, il faut le rappeler, c'est une règle d'interprétation qui énonce deux principes opposés. Dans un premier temps, la clause dit que le Canada est d'abord un pays bilingue. Elle ajoute ensuite que ce fait constitue, et c'est important, une caractéristique fondamentale du Canada. C'est dans un second temps seulement qu'elle dit que le Québec forme une société distincte sans ajouter que ce fait constitue une caractéristique fondamentale du Canada.

Il est donc manifestement possible que cette clause à deux volets serve, d'abord et avant tout, la cause du bilinguisme dans l'ensemble du Canada et au Québec à l'encontre du fait français au Québec. Bien loin d'être susceptible d'augmenter les pouvoirs du Québec, cette clause est susceptible d'entraîner leur diminution. Le gouvernement du Québec l'a d'ailleurs compris et admis. Selon leur dire, c'est pour cela qu'ils ont ajouté une clause de sauvegarde qui, fondamentalement, est une clause de sauvegarde du statu quo constitutionnel, c'est-à-dire des pouvoirs déjà répartis à l'intérieur de la constitution. Une clause de sauvegarde, nous dit le premier ministre, comme si c'était une clause de sauvegarde du fait français. Pas du tout. C'est une clause de sauvegarde des pouvoirs qui sont distribués à l'intérieur de la constitution.

Mme la Présidente, vous m'indiquez qu'il me reste peu de temps. Je voudrais terminer en signalant deux choses. Pourquoi les élus du peuple voudraient-ils s'en remettre aux tribunaux pour décider de notre avenir? Pourquoi, s'il est vrai que le premier ministre nous dit qu'on a les pleines garanties en matière linguistique, n'est-ce pas écrit dans l'accord du lac Meech, ni dans l'accord d'Ottawa? Quand on a quelque chose à dire, on le dit clairement, et les gens le comprennent, non seulement les juges, mais la population également. Les juges ont un travail à faire, le travail d'interpréter les lois qui sont votées ici. Ils vont avoir le travail d'interpréter ce que la constitution va énoncer. Ce n'est pas une raison pour se dérober à la nécessité, surtout sur le plan historique actuellement, dans le cadre où nous sommes, entourés d'anglophones, à la nécessité de protéger adéquatement le fait français.

Mme la Présidente, il y a un expert entendu en commission parlementaire qui disait, je l'ai répété tantôt, que la constitution est comme un vêtement qu'on porte toujours sur soi parce qu'il influence le gouvernement dans les décisions qu'il doit prendre quotidiennement, parce qu'il influence, comme je l'ai dit tantôt, les citoyens également et les générations à venir. Une constitution ça ne change pas à tout bout de champ. Cet accord, nous allons vivre avec pendant longtemps, malheureusement. S'il est vrai que la constitution est comme un vêtement, le Québec se devait d'obtenir comme vêtement autre chose que le genre de camisole trouée que le premier ministre nous a ramenée du lac Meech et d'Ottawa. Une entente pleine de trous. Une entente où le Québec n'obtient aucun nouveau pouvoir. Une entente qui nous laisse vulnérables au jugement des tribunaux qui pourront, par exemple - le ministre d'État trouve ça drôle - interpréter l'article 6 sur

le libre établissement pour permettre à tous ceux qui viennent de l'extérieur du Canada de venir travailler en anglais ici au Québec. Cela n'est pas drôle, et il n'y a pas matière à rire de cela. Une camisole trouée au lieu d'avoir ce type de vêtement que le Québec aurait pu se donner. Un vêtement de type un peu survêtement athlétique où le Québec aurait pu exprimer sa vigueur culturelle, aurait pu exprimer un peu son muscle économique. Pourquoi y a-t-il 4 % de chômage dans la région de Toronto et qu'ici, au Québec, on est encore à 11 %? Le Québec doit se donner les moyens nécessaires sur le plan économique pour se développer. Cette constitution est beaucoup plus une camisole trouée que le type de vêtement athlétique dont le Québec aurait besoin pour donner aux générations à venir un peu d'espoir de progresser, de se développer sur le plan économique, sur le plan social, sur le plan culturel. Non, à l'accord constitutionnel!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Taillon. M. le député de Nicolet.

M. Maurice Richard

M. Richard: Merci, Mme la Présidente. L'entente du 2 juin 1987 au lac Meech demeurera sûrement historique dans les annales politiques du Canada et du Québec et constituera d'abord, de la part du reste du pays, une acceptation des conditions minimales, et même un peu plus, d'adhésion du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982. Le gouvernement libéral dirigé par son chef M. Robert Bourassa n'a jamais caché que cette entente constitue une étape fondamentale importante d'une démarche qui devrait être complétée, notamment lors des futurs échanges avec les autres provinces et le gouvernement fédéral sur des ententes fédérales-provinciales particulières et lors des prochaines rencontres constitutionnelles. (12 h 40)

II y a lieu de souligner le caractère particulièrement politique des positions que certains intervenants intéressés au dossier défendent. Quelques-uns utilisent ce prétexte pour régler peut-être des problèmes de leadership. D'autres n'acceptent pas ou ne reconnaissent pas leurs erreurs passées. Ces gens n'ont tout simplement pas réussi à concilier leurs intérêts propres avec le désir de la nation québécoise. Heureusement, ils ne forment qu'une minorité et il existe maintenant, tant au Québec que dans l'ensemble du Canada, un large consensus par lequel on reconnaît que l'entente du lac Meech de juin dernier, entre les onze premiers ministres des provinces canadiennes et du Canada, traduit les véritables intérêts du peuple québécois et du Canada.

Cette entente négociée constitue une étape essentielle pour pouvoir continuer de progresser à l'intérieur du cadre confédératif canadien où les intérêts de tous et de chacun sauront s'harmoniser. Elle est non seulement équitable, mais elle est également dotée des mécanismes nécessaires pour faire évoluer les relations entre les différents gouvernements dans le sens d'une meilleure équité et d'un respect mutuel.

Voyons ensemble les grandes lignes de cette entente: reconnaissance du caractère distinct du Québec comme règle d'interprétation judiciaire de la constitution; reconnaissance du rôle propre à l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec dans la protection et la promotion du caractère distinct de la société québécoise; droit de retrait assorti d'une juste compensation financière dans tous les cas d'amendements constitutionnels comportant le transfert d'un champ de compétence provinciale au pouvoir fédéral; droit de retrait assorti d'une juste compensation financière dans les programmes impliquant les paiements du gouvernement fédéral aux provinces dans des domaines relevant de la compétence exclusive des provinces; droit de veto sur toute modifications constitutionnelles concernant les matières suivantes: représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des communes, pouvoirs du Sénat et mode de nomination des sénateurs, nombre de sénateurs par province, la Cour suprême du Canada, le rattachement aux provinces, en tout ou en partie, de territoires, la création, s'il y a lieu, de nouvelles provinces; rôle élargi du Québec en matière d'immigration; pouvoir d'initiative du Québec concernant les nominations au Sénat; pouvoir d'initiative du Québec concernant les nominations des juges à la Cour suprême; garantie de la présence perpétuelle de trois juges en provenance du Québec au sein de la Cour suprême du Canada. Voilà les gains importants réalisés par le premier ministre, M. Bourassa, et je me réjouis de ses succès.

Ces acquis, contrairement à ce que laissent entendre les critiques de l'accord, ne sont pas le fruit du hasard, ni de l'improvisation. Il sont, au contraire, le résultat d'un travail ardu de consultation, constructif, méthodique et de méticuleuses études et de contacts réalisés depuis un an par le gouvernement libéral en place avec les autres gouvernements. Dans une perspective beaucoup plus large, ils sont également le fruit du travail de réflexion, de discussions publiques poursuivies au Québec depuis les 25 dernières années. Ils sont, enfin, l'expression du nouveau climat de confiance installé au Québec et dans le reste du pays depuis l'élection de l'équipe Bourassa, le 2 décembre 1985. La population du Québec a très largement donné son consentement à notre programme politique proposé.

L'accord du lac Meech viendra enfin

mettre un terme à l'isolement dans lequel le Québec était placé à "la suite du coup de force de 1981. L'entente du lac Meech obtient l'appui de la majorité des citoyens canadiens avec 56 %; on n'a qu'à consulter le sondage d'hier paru dans les grands quotidiens québécois. Le peuple du Québec peut être fier, aujourd'hui, de ces ententes. J'aimerais rappeler à tous mes collègues de l'Assemblée nationale et à la population en général que le programme du Parti libéral du Québec, au dernier scrutin général, faisait écho de la possibilité pour le Québec de réintégrer la constitution canadienne, mais à des conditions bien spécifiques.

Mme la Présidente, je crois qu'il est primordial que les membres de cette Assemblée nationale fassent l'unanimité autour de la motion débattue aujourd'hui, car il faut avoir la sagesse et la lucidité de profiter de cette conjoncture unique dans l'histoire de notre pays. Si nous ne savons pas profiter dès maintenant de ce momentum historique où les onze premiers ministres canadiens ont conclu à l'unanimité un accord qui vise à réintégrer le Québec à la fédération canadienne, les citoyens du Québec et du Canada deviendront les grands perdants de notre inaction. Car il s'agit d'une étape fondamentale à franchir pour le progrès social et économique du Québec comme celui du Canada.

Mme la Présidente, j'aimerais vous référer à une coupure de presse du 4 juin 1987 dans Le Devoir où M. Benott Lauzière, en rapport avec l'accord du lac Meech, disait ceci: "Probablement un heureux mélange de besoins, d'intérêts et de valeurs. Utile tant pour favoriser la réflexion et la discussion que pour susciter l'adhésion. L'accord ne plaira ni à ceux qui sont installés dans des visions abstraites, ni aux insécures chroniques en mal de garanties absolues. Aujourd'hui, nous assistons, non pas au triomphe d'une conception du fédéralisme, mais à celui de notre capacité de vivre en fédération".

Je terminerai, Mme la Présidente, en citant une grande dame du Québec décédée dernièrement, une citoyenne de mon comté, Mme Françoise Gaudet-Smet, qui, toute sa vie, avait utilisé cette phrase et l'avait appliquée: On n'attend pas les temps meilleurs, on les invente et on les fait. C'est ce que nous avons fait comme gouvernement.

Une voix: C'est beau.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Nicolet. M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir d'intervenir pour la deuxième fois dans ce débat puisque j'ai eu la chance de faire valoir, hier en soirée, pendant quelque 30 minutes, différents points qui me préoccupent particulièrement et qui me renversent concernant l'entente du lac Meech.

J'aurai l'occasion au cours des prochaines minutes d'ajouter à ce que j'ai mentionné hier et aller un peu plus profondément sur deux points concernant l'entente du lac Meech, plus particulièrement la notion de société distincte et le pouvoir de dépenser.

D'abord, je vous dirai que je comprends mal comment il se fait - je l'ai mentionné hier et je le réitère ce midi - que nous procédions ici à l'Assemblée nationale, en ce 19 juin, avec autant d'empressement pendant que tout le monde sait, c'est connu et c'est accepté, que nous avons trois ans devant nous pour une telle entente. Comment va-ton expliquer à la population du Québec que le gouvernement fédéral va venir consulter les citoyens du Québec pendant que le gouvernement du Québec, lui, ne les aura pas consultés? On a conclu, de la part du premier ministre, que le débat avait eu lieu. Oui, le débat a eu lieu dans le salon de l'autre cûté, le salon rouge, où quelques experts se sont manifestés pendant 55 heures pour venir dire qu'il y avait des préoccupations. À peu près à l'unanimité - il y avait des invités de chaque cûté, des invités du gouvernement et des invités de l'Opposition, des spécialistes en droit constitutionnel pour venir dire ce qu'ils pensaient, pour allumer des lumières, pour faire des mises en garde - ce qui est ressorti de cette consultation de 55 heures, c'était qu'il y avait certains dangers. Effectivement, le premier ministre est parti avec ses préoccupations en poche, avec son ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, ils sont allés à Ottawa le 3 juin dernier. Ils sont allés soi-disant pour être capables de faire avancer le dossier, pour être capables d'aller chercher des clauses sécuritaires, mais ils sont revenus, après la nuit du 3 au 4, avec une entente en poche.

Entente historique, dit-on. Je veux bien, Mme la Présidente, et je veux bien élever mes propos au-dessus de toute partisanerie politique, mais je ne peux m'empêcher de dire que si elle est historique, avec toute la conviction qui m'anime, elle est historique dans un sens où elle est inacceptable pour les Québécois. Je m'explique. Historique parce que, oui, cela va faire l'histoire, oui, après que nous l'aurons votée au cours des prochains jours, après ce mini-débat que nous avons ici, nous aurons, coulée dans la constitution, une position du Québec qui, à mon avis, est inacceptable. Bien sûr, cela va faire l'histoire parce qu'on aura à vivre avec cette entente du lac Meech.

Mme la Présidente, comment peut-on prétendre de la part d'un gouvernement, un

gouvernement qui doit avoir beaucoup de transparence, sceller le sort du Québec dans la constitution parce que la constitution est, à toutes fins utiles, ce qui va nous permettre de nous régir au cours des prochaines décennies? Nous devrons vivre avec cette nouvelle entente du lac Meech pour plusieurs et plusieurs années. Effectivement, ce qui est en train de se couler, c'est quelque chose d'historique. Si les citoyens du Québec, actuellement, ne réalisent pas ce qui est en train d'arriver, je crois qu'il est de notre rôle ici de faire le maximum de lumière. (12 h 50)

Soit dit en passant, ce petit débat de 35 heures, où environ 17 heures, 17 h 30 nous sont allouées de chaque côté, est bien peu. À cet effet, la plupart des députés gouvernementaux, les députés d'arrière-ban, comme on les appelle régulièrement, n'auront pas la chance de se faire entendre dans ledit débat. Parmi ceux-ci, peut-être 20 ou 30 pourront le faire, mais, à cause du nombre d'heures très limitées qu'ils ont, ils parleront comme le député de Nicolet l'a fait précédemment, pendant une période de sept ou huit minutes, au maximum.

C'est inacceptable, et je pense que tous les députés de cette Assemblée devraient avoir la chance de s'exprimer, de dire profondément ce qu'ils ressentent et prendre le temps de le faire. On n'est pas à quelques heures près, puisque le temps ne presse pas. À mon avis, c'est trop important de vouloir régler l'avenir du Québec en quelques heures. Je ne charrie pas, mais je suis convaincu que la façon dont procède actuellement le premier ministre est une façon qui manque de respect non seulement envers l'Assemblée nationale, non seulement envers ces élus qui sont les représentants de la population, mais envers la population.

On n'a pas, comme on ose le prétendre - je voudrais bien qu'on me confirme le contraire - un mandat actuellement très clair pour changer les règles du jeu. Il n'est pas vrai qu'à partir d'une élection nous puissions changer totalement l'avenir du pays qu'est le Québec. Il est incroyable de voir que l'ensemble des ministres, l'ensemble des députés, l'ensemble du gouvernement, avec le premier ministre en tête, disent à l'ensemble de la population: Oui, nous avons un mandat. C'est grave ce qui est en train de se passer. On est en train de signer un nouveau contrat, on est train de changer les règles du jeu. Il ne s'agit pas d'une petite loi qu'on est mandaté de passer. Il s'agit dans ce cas de changer les règles du jeu concernant l'avenir du Québec. Je trouve cela carrément inacceptable. Le ministre des Affaires intergouvernementales, ce matin, avec beaucoup d'éloquence, comme on lui en connaît, a fait valoir qu'il avait gagné beaucoup de points là-bas. On est allé au lac Meech, on est allé là-bas voir les autres provinces, rencontrer les autres premiers ministres avec des demandes qui n'étaient pas suffisantes. Nous l'avons dit, nous l'avons mis en garde, avant de partir, le chef de l'Opposition l'a fait et plusieurs d'entre nous l'avons fait. D'ailleurs, nous avons eu à travailler tout ce temps jusqu'à la toute veille, soit le 2 juin 1987, avec différents communiqués de presse, avec des textes qui n'étaient même pas les textes juridiques finals. Le premier ministre en cette Chambre a confirmé le 2 juin, soit dans les 24 heures qui précédaient son départ pour le lac Meech, qu'il n'avait pas encore les textes juridiques. Que ce soit un homme d'affaires, que ce soit un simple citoyen qui irait signer un contrat d'affaires, qui irait signer un contrat de mariage, parce que nous avons eu tous, un jour, à passer par l'un ou l'autre, on se doit d'avoir des textes dans lesquels on sait exactement à quoi on s'engage. Il n'est pas vrai que, maintenant qu'on revient avec les textes, nous devons procéder à la hâte. Qu'a-t-il à cacher, le premier ministre? Bien sûr, on en vient rapidement à la conclusion qu'il a peur de façon très claire que, finalement, les spécialistes, en scrutant un peu plus loin, s'aperçoivent qu'il y a des choses qui n'apportent pas toute la sécurité dont nous avons besoin. C'est là tout le litige et tout le problème.

Quand on parle de société distincte, qu'est-ce qu'on veut dire exactement? Que ce soit mentionné dans l'entente du lac Meech que le Québec est reconnu comme une société distincte, ça va. Mais, au-delà des belles paroles, au-delà de ce qui est mentionné comme étant reconnu comme une société distincte, ce que nous n'avons pas très clairement dans l'entente du lac Meech... Si on l'a, je voudrais bien qu'on m'en fasse la démonstration, mais ni le premier ministre, hier, ni le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, ce matin, n'ont réussi à démontrer que nous avons, de façon très claire, ce qui va avec la société distincte. Ce qui va avec la société distincte, Mme la Présidente, cela aurait été des clauses très claires stipulant, par exemple, qu'en matière linguistique l'Assemblée nationale du Québec a tous les pouvoirs, qu'elle peut légiférer et qu'elle ne sera pas mise en doute, mise en question par quelque tribunal que ce soit. Nous ne l'avons pas, Mme la Présidente; ce simple fait n'a pas été mis.

Je n'entrerai pas dans tous les détails d'interprétation dite juridique, n'étant pas un spécialiste en la matière, mais nous aurons la chance, cet après-midi, à la reprise du débat, de mentionner quelques précisions apportées par des spécialistes, parce qu'il y en a qui en ont apporté depuis ce temps.

Je vous dirai, Mme la Présidente, que ce que nous n'avons pas et ce que nous

réclamions, c'est que l'Assemblée nationale du Québec, qui est l'autorité, qui est celle qui décide de l'avenir des lois du Québec, puisse, en matière de langue et en matière de culture, être capable de décider, ici, à elle seule, des lois et de leur application. Si nous avions cela à l'intérieur de l'entente du lac Meech, on ne serait certainement pas à faire ce débat-là. Mais qu'est-ce que cela donne, à toutes fins utiles, de voir inscrit que nous sommes une société distincte, Mme la Présidente, si nous n'avons pas clairement les pouvoirs qui vont avec? On sait que, de la façon dont l'entente a été conçue et avec l'ajout des clauses de sauvegarde, nous sommes maintenant dans une situation beaucoup plus ambiguë que nous ne l'étions avant. J'aurai la chance tantôt d'apporter ces éclaircissements en regard de cet ajout pour le moins ambigu de la clause de sauvegarde. Un professeur de l'Université de Montréal, professeur en droit constitutionnel, Me José Woehrling, a, è cet effet, donné, au cours des trois derniers jours, soit les 16, 17 et 18 juin, un exposé assez éloquent dans le journal La Presse. À la section B-3, il y a un texte très clair qui vient spécifier particulièrement toute cette notion de clause de sauvegarde introduite par le premier ministre. On aura la chance de voir tantôt, lorsque nous pourrons continuer ce débat, de quelle façon les spécialistes interprètent maintenant cette clause de sauvegarde, comment ce qu'on prétend que cela donne ne le donne pas vraiment.

Je pense que l'ensemble des citoyens, des Québécois et des Québécoises, ne l'ont pas réalisé. C'est normal, parce que c'est quelque chose de fort complexe. On peut au moins, à ce stade-ci, dire ce que l'Assemblée nationale se devait de réclamer au minimum, c'est-à-dire ses pouvoirs en matière de légiférer, en matière de langue et elle ne les a pas réclamés. Ce qui fera qu'à l'avenir, comme c'était le cas antérieurement, avant le 3 juin, la loi 101 que tout le monde connatt, l'application de la loi 101 par exemple en matière d'affichage va continuer d'être interprétée par les tribunaux. Cela veut dire, quoiqu'on en pense ici, comme loi, que nous pouvons être renversés en termes de décisions par une interprétation des juges. C'est inacceptable parce que nous sommes une société minoritaire vivant dans un contexte nord-américain. Lorsqu'on parle de société distincte, c'est non seulement la question culturelle, la question de la langue, mais ce sont les différents secteurs dans lesquels nous évoluons. Le Québec est différent. Je pense que tout le monde reconnaît ici en cette Chambre que le Québec est différent, que cette société est distincte mais là où on ne s'entend pas, c'est sur les moyens dont on est en train de se doter pour être capable de le faire respecter. Le Québec, nos enfants, nos petits-enfants, les générations à venir devront vivre avec les outils qu'on se donne en ce moment.

C'est toute une responsabilité qu'a le gouvernement, qu'a le premier ministre de vouloir passer ce que j'appelle le rouleau compresseur sur une entente aussi importante parce qu'il faut réaliser qu'on est en train de couler littéralement dans le béton une entente avec laquelle on devra vivre.

La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le député de Bertrand. Compte tenu de l'heure, je dois suspendre les travaux ou obtenir l'autorisation du gouvernement pour pouvoir poursuivre votre intervention.

Une voix: Je pense qu'on va suspendre et on reprendra à 14 heures.

La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi pour faire suite à un ordre de l'Assemblée qui a été adopté ce matin.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 14 h 5)

La Vice-Présidente: À l'ordre. La Chambre reprend ses travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.

Dépôt de la liste des gens invités aux

consultations particulières sur la Loi

concernant le financement agricole

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente, avant de reprendre le débat, est-ce que vous me permettrez de déposer, et ce, de consentement, la liste des personnes et organismes invités à être entendus lors des consultations particulières sur la Loi concernant le financement agricole? On a le consentement de l'Opposition, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: II y a consentement?

Des voix: Consentement.

La Vice-Présidente: Consentement. Document déposé. M. le leader adjoint.

Reprise du débat

Nous allons donc reprendre l'article 77 du feuilleton. A l'article 77 du feuilleton, il s'agit de la reprise du débat qui avait été ajourné par le député de Bertrand concernant la motion du premier ministre qui se lit comme suit: Que l'Assemblée nationale autorise la modification de la constitution du Canada par proclamation de Son Excellence

le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe jointe au feuilleton.

Là-dessus, je vais reconnaître le député de Bertand, lui rappelant que son temps de parole est de seize minutes.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente. Juste avant de quitter pour la suspension à 13 heures, je mentionnais qu'il n'était pas seulement question de mentionner à l'intérieur de l'entente du lac Meech que le Québec est une société distincte, mais il fallait - c'est là tout le débat - s'assurer que l'on mette à l'intérieur de l'entente du lac Meech des clauses suffisamment claires pour qu'il n'y ait pas de possibilités d'interprétation par les tribunaux parce que ce serait ambigu.

Mme la Présidente, en d'autres mots, ce que ça veut dire, c'est que, actuellement, de la façon dont c'est inscrit à l'intérieur de l'entente du lac Meech, le Québec est distinct. Le Québec est distinct, mais il n'obtient rien de plus que les autres provinces qui lui sont égales et n'a surtout aucun autre pouvoir spécifique, aucun autre droit spécifique et aucun autre privilège spécifique.

Où est donc cette sécurité juridique dont nous parle le premier ministre? Quelle garantie peut-il donner que la loi 101 ne sera pas, encore aujourd'hui, démantelée par les tribunaux, comme ce fut le cas au cours de ces dernières années? Les tribunaux canadiens pourront continuer à se servir de la Charte canadienne des droits et libertés pour déclarer illégales les dispositions de la loi 101, pourtant si essentielles à la protection des droits de la majorité francophone.

Cela, tous les Québécois, tous les membres de cette Assemblée savent à quel point c'est important. Mais où est-elle, cette clause qui nous donne les pleines juridictions? Sur cette question de la société distincte, il faut être bien conscient qu'il y a différentes interprétations. Entre autres, il y a deux principes opposés à l'intérieur de l'entente du lac Meech. Dans un premier temps, la clause dit que le Canada est d'abord un pays bilingue. Là-dessus, on s'entend. Ensuite, elle ajoute que ce qui constitue une caractéristique fondamentale du Canada, c'est qu'il est bilingue. Dans un second temps seulement, elle dit que le Québec forme une société distincte, sans ajouter que ce fait constitue une caractéristique fondamentale du Canada. Il est donc manifestement possible que cette clause à deux têtes serve d'abord et avant tout la cause du bilinguisme dans l'ensemble du Canada, à l'encontre du fait français, ici au Québec. Bien loin d'être susceptible d'augmenter les pouvoirs du Québec, cette clause est, au contraire, susceptible d'entraîner leur diminution. Le gouvernement du Québec l'a, d'ailleurs, compris et admis; c'est pourquoi il a introduit ce qu'on appelle la fameuse clause de sauvegarde, le 3 juin 1987.

On a ajouté le nouveau paragraphe 4 le 3 juin à la clause de la société distincte parce qu'on sentait que cette clause de la société distincte n'était pas complète en elle-même. Donc, on a rajouté ce qu'on pourrait appeler des mesures sécuritaires, on a ajouté cette clause de sauvegarde. Ce nouveau paragraphe, cette clause de sauvegarde empêche effectivement que celle-ci ne puisse servir à diminuer les pouvoirs actuels du Québec. En revanche, cet ajout ne peut, en aucune façon, avoir comme effet d'augmenter les pouvoirs du Québec. La clause de sauvegarde empêche que la clause de la société distincte telle qu'elle est articulée ne marque un nouveau recul pour le Québec mais elle n'exprime aucune espèce de progrès concernant le futur. S'il est une clause de sauvegarde, Mme la Présidente, ce nouveau paragraphe 4 n'est que la sauvegarde du statu quo constitutionnel et nullement la sauvegarde d'une quelconque sécurité culturelle pour le Québec dans l'avenir.

Ce nouveau paragraphe 4, tel qu'il est rédigé, empêche, par ailleurs, le Québec, dans une certaine mesure, sinon totalement, d'acquérir des nouveaux pouvoirs en vertu de la clause de la société distincte. Autrement dit, cette clause de sauvegarde stérilise cette dernière, tout au moins dans une très large mesure. Je suggérais à mes collègues, qui sont intéressés par cette dimension et cette spécification, de lire très attentivement une analyse, - une parmi tant d'autres, qui est très bien faite - qui a paru dans le journal La Presse ces trois derniers jours, faite par Me José Woehrling qui explique, à toutes fins utiles, ainsi cette clause de sauvegarde: elle n'en est pas une puisqu'elle crée aussi une forme d'ambiguïté. Son article, étendu sur trois jours, sur trois pages dans le journal La Presse, donne toute l'explication concernant cette clause de sauvegarde.

Vous savez, Mme la Présidente, ni moi, ni, j'imagine, la plupart des membres dans cette Assemblée ne pouvons nous prétendre des experts, sauf qu'il y a des choses minimales que l'on peut comprendre et qu'il y a des choses auxquelles on peut se référer. Il y a dans ce cas-là des explications très précises qui sont apportées et qui ne sont pas faites dans quelque esprit de partisanerie que ce soit. Des deux côtés de la Chambre, il faut être capable de s'élever au-dessus de cela et ne pas dire: De toute façon, ce qu'ils disent, c'est faux, parce que, si on se met dans cet état, Mme la Présidente, on n'arrivera jamais à y voir clair. Lorsque l'on

aura à voter ici, le 23 juin très probablement, sur cette motion, il faudra que tous les députés des deux côtés de la Chambre soient pleinement conscients de ce qu'ils sont en train de voter. Des deux côtés de la Chambre, il ne faudrait pas agir parce qu'on nous a dit que c'était bon ou que ce n'était pas bon, mais que chaque individu, parce qu'il a un mandat de représenter la population ou une portion de la population du Québec, ait la profonde assurance que ce qu'on lui a dit, ce qu'on lui a véhiculé, c'est cela dans les faits.

Mais cette dimension de société distincte, cette clause de sauvegarde, j'en ai personnellement la profonde conviction et c'est la raison pour laquelle je l'exprime ici à l'Assemblée nationale, parce que cela fait partie des choses pour lesquelles on a le droit de s'exprimer... Si seulement au cours du mandat pour lequel on a été élus, on a véhiculé des messages et des convictions profondes, je pense qu'on aura accompli une partie de notre travail.

L'autre dimension, à cause du peu de temps qu'il me reste, sur laquelle je voudrais aussi apporter des éclaircissements, c'est cette dimension du pouvoir de dépenser. Le projet d'entente constitutionnelle, tel qu'on l'a actuellement, tel que nous le discutons et tel que nous l'entérinerons parce que la majorité l'emportera, donne, à toutes fins utiles, une assise juridique et constitutionnelle au pouvoir du gouvernement central de dépenser son argent dans les domaines de compétence exclusivement réservés aux provinces.

Or, si le Québec - comme toute autre province, mais parlons du Québec qui nous concerne - choisit de ne pas participer à un programme établi par le gouvernement fédéral - nous en connaissons, chacun d'entre nous, plusieurs de ces programmes - la province de Québec pourra se retirer, mais à la condition expresse d'appliquer un programme compatible avec les objectifs nationaux.

Mme la Présidente, comment, ce matin, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes est-il capable de nous dire, en toute sincérité, que là on a un pouvoir accru? Comment le ministre peut-il affirmer avec conviction que nous allons chercher des pouvoirs additionnels, tandis qu'actuellement, si on décide de ne pas embarquer dans un programme conjoint, un programme du gouvernement fédéral, nous avons, tout au moins, la possibilité de négocier des choses à côté pour être capables d'aller chercher ce que j'appellerais notre quote-part ou notre juste part?

Or, pour avoir participé à l'étude des crédits du ministre des Finances il y a quelques semaines, à la fin de mai, début de juin, je me suis rendu compte - le ministre des Finances l'a confirmé dans le discours sur le budget, il pourra le reconfirmer -qu'on a des problèmes à aller chercher ce qui nous appartient à Ottawa. On a des problèmes avec la péréquation. On sait qu'il y a des sommes qui nous étaient dues, qui ont été annoncées et auxquelles le Québec n'aura plus droit. Le ministre des Finances l'avoue, d'ailleurs, à son grand désarroi, il dit: Écoutez, ce n'est pas possible d'aller chercher cet argent. Comment va-t-on faire, à l'avenir, avec cette nouvelle clause de l'entente du lac Meech qui dit essentiellement: Si vous, du Québec, décidez de ne pas embarquer dans un programme et d'avoir cette somme d'argent, vous devez aller dans un programme similaire qui rencontre les objectifs nationaux, si on décide qu'on ne peut pas y aller parce que les objectifs nationaux, les objectifs du gouvernement fédéral sont différents de ceux du gouvernement du Québec?

C'est le cas dans plusieurs domaines. Hier soir, j'ai donné l'exemple de l'environnement. Si, pour nous, c'est une priorité, mais que ce n'en est pas une pour le gouvernement fédéral, qu'est-ce qu'on fait? Si, au contraire, dans un domaine particulier, le fédéral décide de mettre l'accent, de mettre de l'argent dans un programme conjoint, mais que, pour nous, ce n'est pas une priorité, qu'on ne veut pas mettre cet argent, on va perdre tout simplement cet argent. C'est dit très clairement que, si on ne donne pas suite à des programmes similaires sur la base d'objectifs nationaux, nous n'aurons pas cet argent.

Quand, de l'autre côté, on nous fait un exposé en nous disant: Écoutez, on a d'excellentes relations avec le gouvernement fédéral, cela va bien aller, je me permettrais de rappeler quelques dossiers d'ordre économique qui, depuis les 18, les 12 ou les 6 derniers mois, sont encore en suspens au gouvernement fédéral.

Est-il normal pour le développement des régions que nous ayons à attendre des subventions, de l'aide du gouvernement fédéral, mais de l'aide qui nous appartient, qui est notre juste part? Comment peut-on expliquer que, dans le cas de la papeterie de Matane, pour un dossier fort important créant plusieurs centaines d'emplois on attende aussi une injection de plusieurs millions de dollars? Même ici, au Québec, après avoir perdu le premier promoteur, on en a trouvé un deuxième lorsqu'on a vendu Donohue. Le groupe de Québécor l'a annoncé depuis déjà trois mois: il est prêt à lancer le projet de la papeterie de Matane. Le gouvernement du Québec, le ministre de l'Énergie et des Ressources, et le ministre de l'Industrie et du Commerce sont allés, ont fait des revendications auprès du gouvernement fédéral. On est rendu au 19 juin 1987 et on attend encore notre petite enveloppe

qui nous appartient pour lancer le projet. Vous acceptez cela, vous autres, qu'on doive attendre pour lancer le projet de la papeterie de Matane que le gouvernement fédéral se décide. Je regrette, je ne marche pas.

Qu'est-ce qui est arrivé pour le centre bancaire international? Qu'est-ce qui est arrivé dans le cas de l'Agence spatiale canadienne? Il faut se rendre compte de ce qui est en train de se passer. Ce n'est pas parce qu'il y a un gouvernement libéral actuellement que tout va arriver en ce qui concerne les fonds d'Ottawa. Je pense qu'on est capable de réaliser ce qui est en train de se passer au Québec. Les ministres fédéraux nous ont servi les raisons qu'ils ont pu pour nous préparer à ce que nous n'ayons pas l'Agence spatiale. On sait que c'est un dossier qui amènera plusieurs centaines de millions de dollars en retombées ici au Québec; on parle de 400 000 000 $, 500 000 000 $, jusqu'à 600 000 000 $ par année, pour les cinq ou six prochaines années. Tout est là, la masse critique, toute la recherche et le développement qui se font au Canada à plus de 56 % dans le domaine de l'aérospatiale, dans le domaine des télécommunications, cela se passe dans la région de Montréal et le gouvernement fédéral a suspendu une décision déjà depuis deux mois avant de dire: Nous allons de l'avant pour le Québec et nous allons de l'avant pour l'Agence spatiale canadienne dans la région de Montréal. (14 h 20)

Qu'attend-on? Il faut voir clair, il faut savoir lire entre les lignes et je pense qu'on n'a pas les moyens, ici au Québec, de perdre des projets d'une telle envergure. Que serait-il arrivé si le gouvernement fédéral avait décidé de ne pas donner 110 000 000 $, ses 50 % dans GM à Sainte-Thérèse? Au moment où l'on se parle, il est possible que l'usine de Sainte-Thérèse soit fermée. Mais qu'arrive-t-il des autres projets qui sont en attente depuis des mois?

Mme la Présidente, il faut réaliser que ce qu'on est en train de couler actuellement dans l'accord du lac Meech, c'est que c'est le gouvernement fédéral qui aura davantage de pouvoirs parce que lui va décider des priorités. Si nous n'embarquons pas, nous perdons cet argent, nous perdons notre dû, ce qui nous revient parce qu'il y a des objectifs dits nationaux. C'est ce sur quoi on ne s'entend pas de part et d'autre. D'un côté, nous disons: On n'a pas plus de pouvoirs, c'est le gouvernement fédéral. Et, de l'autre côté, on nous dit: Bien oui, on va avoir plus de pouvoirs. Écoutez, c'est merveilleux, ce qui nous arrive.

Je pense que, si on est capable de s'élever un tant soit peu au-dessus de toute ligne partisane, on est capable d'analyser bien clairement ce qui est en train de se passer avec cette notion du pouvoir de dépenser, le pouvoir accru du gouvernement fédéral parce qu'il va pouvoir diriger dans le sens qu'il le voudra les montants d'argent qu'il voudra bien envoyer au Québec et nous n'aurons pas le choix.

Je termine en disant que, bien sûr, le vote se prendra et, bien sûr, la majorité l'emportera. Mais il y a une chose qui va rester, qui va marquer l'histoire. Ceux qui auront pris la parole ou ceux qui n'auront pas eu la chance de prendre la parole dans cette Assemblée auront à vivre et à expliquer aux citoyens du Québec dans un an, dans cinq ans, dans dix ans qu'ils étaient là lorsque la décision s'est prise. Je serai heureux de dire en tout temps que j'étais parmi ceux qui votaient contre la constitution de la façon dont elle était présentée, qui votaient contre le fait que l'entente du lac Meech ne donne pas suffisamment de sécurité à l'ensemble des Québécois. Je pense que nous devons tous le dire très clairement. Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Bertrand. M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je suis fort heureux aujourd'hui de pouvoir prendre la parole sur une entente aussi historique, aussi importante et capitale pour le Québec. Mme la Présidente, faisons un petit tour dans l'histoire en nous rappelant que tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec depuis la confédération, et même avant, ont toujours réclamé des pouvoirs additionnels pour la société française en Amérique.

Mme la Présidente, tous les gouvernements avaient des objectifs et tous les gouvernements ont fait des demandes parfois identiques. Or, il arrive que, depuis 120 ans, c'est la première fois qu'un gouvernement a fait des demandes claires, nettes et précises au pacte confédératif. Elles ont toutes été acceptées. Voilà le sens du mot historique.

C'est la première fois qu'un gouvernement, dans un programme politique, s'était présenté devant la population et avait énoncé clairement ce qu'il ferait avec l'entente constitutionnelle qui avait été désastreuse pour le Québec le 16 avril 1981. Il avait énoncé clairement, au cours de la campagne électorale de 1985, ce qu'il ferait pour faire entrer par la grande porte, dans la dignité et l'honneur, le Québec à l'intérieur du pacte confédératif. La population du Québec a sanctionné par un vote des plus démocratiques et des plus clairs, un vote sans précédent au Québec, les objectifs du programme du Parti libéral. Avec un tel mandat, le premier ministre, l'honorable

Robert Bourassa, a commencé immédiatement à enclencher le processus de réintégration du Québec à l'intérieur du pacte confédératif avec les cinq conditions qu'il avait expliquées pendant la campagne électorale à la population.

Mme la Présidente, permettez-moi de rectifier certains faits. J'ai écouté attentivement, avant l'heure du lunch, le député de Taillon dire des absurdités tout à fait immorales dans cette Chambre. Lorsqu'un parti politique se présente devant l'électorat avec son programme dans une main, écrit en noir et blanc, et que chacun des candidats dans son comté a parlé de cette entente et des conditions auxquelles le Québec pouvait adhérer honorablement au pacte confédératif, il est absolument farfelu de venir dire des absurdités comme ça à l'Assemblée nationale. Ça, je pense que ça reflète la copie carbone des discours du référendum.

Ces gens n'ont pas encore compris. Ils ont été rejetés du revers de la main avec une idée de séparation. Ils sont devenus profédéralistes en 1984. Les plus grands séparatistes du Parti québécois qui crient aujourd'hui à l'Assemblée nationale, je les revois alors qu'ils étaient ministres dans le gouvernement du Parti québécois assis à ces banquettes. On a vu l'ancien ministre de l'Agriculture se promener avec des chèques de 13 000 000 $ dans ses poches qu'il était allé chercher à Ottawa. Il avait fait une chose sans précédent. Au lieu de le donner au ministre des Finances, il l'avait gardé trois jours dans ses poches. Il nous le montrait ici à l'Assemblée nationale. Voilà le "beau risque", qu'il nous disait, on est allé chercher de l'argent à Ottawa. Aujourd'hui, ces gens voudraient encore une fois, après le jugement de la population, revenir à l'Assemblée nationale et nous parler de séparation.

On va établir une chose claire et nette une fois pour toutes. Jamais, au grand jamais, de ce côté-ci de la Chambre, on ne pourra adhérer, d'aucune façon et pour aucune raison, au discours de ces gens-là parce qu'ils ont trompé odieusement, à deux reprises, la population du Québec et n'ont jamais été capables d'aller sur la place publique avec une option claire et nette. Jamais au Québec, on n'a vu un parti politique tenter de tromper la population de façon aussi odieuse. Chaque fois qu'on se présente devant l'électorat, on cache son option, on la met dans la poche arrière. Est-ce qu'on prend les Québécois pour des nouilles? Une fois qu'on est revenu dans l'Opposition, on redevient de purs séparatistes, des tendres et des purs, des vendeurs d'illusions, des "pelleteux" de nuages. C'est cela que ces gens-là voudraient aujourd'hui, proposer des ententes dans lesquelles ils ne croient pas.

Nous, nous sommes clairs, nets et précis. Le Parti libéral est un parti fédéraliste. On croit au Québec, on croit à notre pays également. On ne veut pas séparer le Québec. Ces gens-là ne sont pas de bonne foi aujourd'hui. La seule chose qu'ils veulent nous dire, c'est que les propositions constitutionnelles qui sont déposées à l'Assemblée nationale aujourd'hui ne font pas leur affaire. Je les comprends, parce qu'ils sont fondamentalement séparatistes. Ils essaient de garnir leur souveraineté-association, leur séparatisme, d'une affirmation nationale. Il y a juste eux autres qui peuvent se comprendre là-dedans. Ils sont 23 et il y en a 3 ou 4 qui ont "sacré le camp" depuis le congrès, parce qu'ils ne se comprennent pas. Lorsqu'on veut défendre les droits fondamentaux de nos concitoyens, il faut être clair dans notre esprit. À l'heure actuelle, les gens du Parti québécois n'ont aucune clarté. C'est pour cela que la population du Québec les a envoyés faire leurs classes. Allez apprendre à être clairs devant la population et vous reviendrez nous voir et on vous jugera à ce moment-là.

Le Parti libéral a toujours été clair. On n'a pas changé notre option, on ne l'a pas cachée, elle était là devant la population. Je prends à témoin ici mon collègue d'Orford qui a une expérience de 27 ans à l'Assemblée nationale. Il en a vu des vertes et des pas mûres! II pourrait faire bien des réflexions sur les discours du référendum qu'on a ressortis depuis deux ou trois jours ici à l'Assemblée nationale. On n'a qu'à les relire, ce sont les mêmes.

La population du Québec aime les choses claires: 77 % des gens au Québec croient que le Québec doit entrer par la porte d'honneur à l'intérieur de la Confédération canadienne. J'en suis particulièrement fier et heureux, Mme la Présidente, puisque ce sont deux grands Québécois au surplus qui le feront, le très honorable Robert Bourassa, premier ministre du Québec, et mon collègue de Manicouagan, l'honorable Brian Mulroney, premier ministre du Canada. Ce sont deux grands Québécois et aussi deux grands Canadiens qui feront entrer le Québec par la grande porte dans la confédération, qui ne "cafouilleront" pas les droits des Québécois dans une chambre d'hôtel, comme on l'a fait en 1981. On ne vendra pas le Québec pour une poignée de sardines, pour une poignée de lentilles. (14 h 30)

Nos droits sont enchâssés, clairs, compréhensibles, honnêtes et c'est pour cela que l'ensemble des députés à l'Assemblée nationale ont un devoir historique à remplir aujourd'hui, mais à remplir d'une façon positive, non pas en regardant ce qu'on pense, mais en regardant le mandat que la population nous a donné. C'est cela la différence entre le Parti libéral et le Parti

québécois qui se cherche encore dans une affirmation qui n'est pas nationale, mais qui n'est que purement opportunisme politique.

Mme la Présidente, nous attendons ce moment depuis de nombreuses années. Nous allons en profiter pour le dire à l'ensemble de la population du Québec. Au lieu de la diviser par un référendum, de faire faire des chicanes familiales, le Parti libéral s'était donné dans son programme l'article 1 et le premier ministre du Canada, en 1984, avait dit, à Sept-Îles: Nous ferons tout pour que le Québec entre par la grande porte dans la fédération canadienne. Mme la Présidente, les deux premiers ministres ont livré la marchandise. Il nous reste une chose en tant qu'élus du peuple, c'est de faire notre devoir ici, à l'Assemblée nationale, de faire notre devoir en prétendant et en s'assurant que la vérité n'est pas la possession d'un petit groupe de personnes. La vérité, c'est celle de la majorité. La majorité, c'est celle qui élit un gouvernement et qui lui donne un mandat. Le gouvernement a la responsabilité de prendre ce mandat.

Mme la Présidente, au cours des prochaines heures, il va se dire bien des choses ici, à l'Assemblée nationale, mais la plus importante c'est de faire notre devoir selon nos convictions, de faire notre devoir et d'aller répéter dans nos comtés combien nous avons été fiers de participer à 120 ans de séparation, mais de le faire en s'assurant que la dignité de chacun et de chacune a été gardée. Et c'est là-dessus qu'on devra faire notre devoir. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saguenay.

M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Contrairement à mon collègue de Saguenay, ce n'est certainement pas dans l'enthousiasme que je vais intervenir cet après-midi. Je vais lui rappeler très rapidement quelques petites choses sur les différences entre les deux partis politiques.

Premièrement, oui vous êtes fédéralistes et nous sommes souverainistes. La différence fondamentale, c'est dans le respect de la population.

Des voix: Ah! Ah!

M. Paré: Parce que vous êtes en train de nous passer un accord constitutionnel sur lequel la population n'a jamais pu se prononcer.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre!

M. Paré: Vous pensez qu'une élection sur un paquet de facteurs vient justifier une constitution qui n'a pas été soumise à la population alors que nous, dans notre démarche d'affirmation nationale pour la souveraineté politique du Québec, on y est allé dans le respect de la population par une consultation. On n'a pas eu peur, en 1980, de consulter la population sur l'option qu'on présentait aux Québécois, comme démarche et comme aboutissement espéré. On agit toujours dans le respect de la population et non pas à la vapeur, à la fin d'une session, presque en cachette. Cela n'a pas de bon sens. Cela n'a pas de bon sens de se faire élire sur toutes sortes d'engagements qu'on ne tient pas pour, ensuite, ramener, 18 mois plus tard, un projet de constitution en disant: Nous avons été élus sur cette base. Ramener toute l'élection du 2 décembre sur une base constitutionnelle, ce n'est pas le discours qu'on a entendu pendant la campagne électorale.

Cela dit, contrairement à mon collègue de Saguenay, je vais parler sur le fond du sujet, parce qu'on n'en entend pas beaucoup de l'autre côté. On fait plutôt de la politique. On essaie de reculer sur l'ancien gouvernement, sur le référendum, sur toutes sortes de sujets, mais l'avenir vers lequel on veut nous amener, c'est autre chose et c'est là-dessus qu'on doit parler. Mon collègue de Saguenay a conclu en disant: On va régler 120 ans de séparation. Je ne sais pas où il prend sa séparation. On est dans la constitution depuis 120 ans. Ce n'est pas une séparation. On est dedans. Cela ne tient même pas debout une argumentation semblable, sauf que cela fait des beaux discours et cela fait passer le temps. Il pourra dire: Je suis intervenu à l'Assemblée nationale sur un discours aussi fondamental que celui-là. C'est extraordinaire ce qui est en train de se passer, il faut le dire aux Québécois.

Avant de m'adresser directement aux Québécois, je vais m'adresser aux 122 députés de l'Assemblée nationale, les 122 des deux côtés de la Chambre, pour essayer de leur rappeler leur rôle. Pourquoi et pour qui a-t-on été élus par la population? On a été élus pour faire avancer la société, pour aider nos concitoyens, les Québécois et les Québécoises, à vivre mieux. Si l'on veut qu'individuellement les citoyens et les citoyennes du Québec vivent mieux avec un plus haut niveau de vie, avec plus de sécurité linguistique, avec une meilleure garantie de développement pour l'avenir, il faut s'assurer que, collectivement, on se donne les moyens. Notre rôle, c'est ça, c'est de travailler, dans chaque geste qu'on pose, dans chaque loi qu'on présente ici à l'Assemblée nationale, pour faire avancer la société québécoise. Pas la faire reculer, la faire avancer.

Vous ne me ferez pas croire que le

statu quo c'est suffisant pour les Québécois. Vous ne me ferez jamais croire ça. À preuve, la révolution tranquille amenée par le Parti libéral de 1960 demandait qu'on avance. Oui, on a avancé mais on n'a jamais assez avancé. On a beau avoir fait des gains extraordinaires depuis 27 ans, depuis un quart de siècle - oui, on en a fait beaucoup - on ne peut se satisfaire de ce qu'on a fait, de l'avancement, de la progression du Québec dans tous les secteurs, économique, culturel, social. Pour savoir si c'est suffisant il faut se comparer. On est encore en arrière de l'Ontario, on est encore en arrière de plusieurs pays industrialisés. Qu'on regarde les grandes puissances mondiales, qu'on regarde les Américains, est-ce que, parce que c'est la première puissance mondiale ils vont se limiter dans leurs pouvoirs, ils vont arrêter d'en demander? Non. Quand on arrête, on se fait dépasser ou on se fait écraser.

Et nous, on va accepter pour le peuple québécois le statu quo et même un recul? C'est inacceptable. Votre rôle ce n'est pas ça, vous n'avez pas été élus pour ça. Vous avez été élus pour faire avancer la société québécoise et si, collectivement, l'Assemblée nationale a plus de pouvoirs, si, collectivement, on se donne de nouveaux pouvoirs et qu'on les utilise dans le bon sens au lieu de s'en faire arracher, ce sont tous les Québécois qui vont en profiter individuellement. Mais on est en train de s'attacher, on est en train d'attacher l'avenir et on n'a pas le droit. Ce ne sont pas les discours que vous avez tenus le 2 décembre 1985. Vous n'avez jamais dit que, dans une constitution, on était pour reculer et s'attacher pour l'avenir. Vous allez accepter, dans cette entente du lac Meech, des choses qu'on n'a même pas acceptées il y a 120 ans. De céder des pouvoirs et de reconnaître la possibilité à Ottawa de rentrer dans nos juridictions - et on se vante de ça - ça va être inclus dans la constitution dans l'avenir.

Eh! qu'il y a des gens qui doivent être malheureux de l'autre côté, de s'être battus pendant toute leur vie pour qu'au Québec on soit un peuple fort, de se faire dire, par nous, pas par les autres, par nous ici, les 122: On cède, on recule et on bouche l'avenir des Québécois. C'est impensable! C'est impensable! et j'aurais honte d'être en faveur de ça. Je n'ai pas été élu pour ça et ce n'est pas parce qu'on est 23 qu'on ne criera pas pour dire ce qu'on pense, parce que c'est inacceptable. J'espère que vous allez tomber sur le fond du sujet vous autres aussi. C'est presque impensable, entre autres, de passer 35 heures - à 122 députés on va passer 35 heures - pour l'avenir du Québec. Une constitution presque plus changeable.

J'espère que vous connaissez la façon de changer la constitution à l'avenir. Le Sénat, les Communes, les dix Législatures, une majorité de Canadiens. Vous essaierez d'amener à l'avenir des changements favorables, des changements positifs pour les Québécois parce que, rappelez-vous que, dans le passé, on n'a jamais gagné, sauf quand on se battait avec nos moyens que vous êtes en train de nous enlever. C'est impensable, c'est honteux. C'est honteux parce que c'est nous qui sommes en train de dire aux Québécois: On n'est pas un peuple. On l'a toujours pensé. On a toujours travaillé pour le peuple québécois, on va fêter dans quelques jours la fête nationale du peuple québécois et on vient nous dire, pas par les étrangers, pas par les gens d'Ottawa, on est en train de dire, nous les Québécois ici élus à l'Assemblée nationale: Nous ne sommes pas un peuple, nous sommes une société; nous ne sommes qu'une société. Beau cadeau à faire aux Québécois pour le 24 juin 1987, cette petite société, ce ratatinement de peuple; société, comme on peut dire la Société Saint-Jean-Baptiste, comme on peut dire la société "peu-importe-laquelle", même des sociétés sans but lucratif, même des sociétés bénévoles.

On devient une société, on devient un groupe multiculturel comme les autres. On est en train de faire passer la majorité française du Québec au rang de minorité au Canada, parce qu'on transfère les pouvoirs ou on les partage alors qu'on ne l'a jamais accepté. C'est notre décision à nous qu'il n'y ait plus de peuple québécois. C'est votre décision à vous qu'on change tout ça pour le mot "société". Distincte tant que vous voudrez, je vais y venir, mais on passe de peuple à société. On passe de majorité québécoise à minorité canadienne. Je ne vous dirai certainement pas merci.

Quand on parle d'affirmation nationale pour se donner le meilleur pour les Québécois, vous, de quoi parlez-vous? Vous parlez d'affirmation provinciale. Quand le premier ministre vient se moquer de notre affirmation nationale - il essaie même de la récupérer - ce n'est pas correct, parce que l'affirmation nationale, c'est s'occuper d'un peuple, avoir une ouverture sur le monde et être autonome au moins dans ce qui est capital, la survie. (14 h 40)

Ici, c'est une affirmation provinciale et il faut savoir tenir compte du préambule de l'accord de 1987 qui affirme que celui-ci reconnaît le principe de l'égalité de toutes les provinces. Le Québec forme une société distincte tout en étant une province juridiquement égale aux autres. D'égal à égal, entre Québec et Ottawa, c'est fini. C'est d'égal à égal, le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard, le Québec et le Nouveau-Brunswick, le Québec et Terre-Neuve; les pouvoirs, c'est Ottawa. On n'est plus d'égal à égal avec Ottawa et, de l'autre côté, on ne se bat pas pour cela. On est d'égal à

égal avec l'Île-du-Prince-Édouard, c'est cela qu'on est en train de reconnaître. C'est dans le préambule de l'accord de 1987. C'est presque incroyable et c'est en train de se concrétiser. Un de vos grands porte-parole lors du référendum, M. Chrétien, l'a véhiculé lorsqu'il disait: Le Québec est un gros Nouveau-Brunswick. Si vous autres, cela ne vous fait pas mal, moi, cela me fait mal, parce que le Québec est plus qu'un gros Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, la majorité francophone est devenue minoritaire. Regardez la situation des francophones au Nouveau-Brunswick, aujourd'hui, est-ce cela que vous voulez pour la majorité actuelle des francophones du Québec? C'est cela que vous êtes en train de nous donner comme cadeau pour la fête nationale du 24 juin! C'est presque incroyable. Je vois des gens rire de l'autre côté, c'est encore plus triste. C'est presque incroyable.

On devient juste une société distincte et une province légale comme les autres. C'est exactement cela. On trouve cela drôle, de l'autre côté. Bien, je dois vous dire que j'aime mieux me battre, j'ai été élu pour cela; j'aime mieux travailler fort, que cela prenne du temps, mais travailler pour l'affirmation nationale.

Pour l'affirmation nationale... Ce que je veux pour les Québécois, c'est rien de mieux que le meilleur. Le meilleur, c'est quand on prend notre place, c'est quand on se sert soi-même: charité bien ordonnée commence par soi-même. On n'est jamais mieux servi que quand on pense à nous, quand nos priorités, c'est nous qui les décidons. Parce que lorsque ce n'est pas nous, cela donne les résultats qu'on a connus depuis 120 ans.

Les principales choses, les principaux développements, c'est l'Ontario, nous, les miettes, sauf depuis 25 ans, parce qu'on a décidé de prendre notre place. Là, on décide qu'on va en prendre moins. C'est beau de signer une constitution, c'est vrai que c'est plaisant quand on est premier ministre, sauf qu'on n'a pas été élu pour se faire plaisir, mais pour faire avancer les Québécois comme peuple.

Pourquoi l'urgence, bon Dieu? Pourquoi amener cela maintenant, alors qu'il y a seulement, au moment où l'on se parle, deux provinces qui ont déposé? Aucune n'est en train d'en faire l'étude, cela va être reporté à l'automne. On a trois ans pour la faire ratifier. Quelle est l'urgence? D'où cela vient? Pourquoi est-ce que nous, ici, nous allons évacuer ce dossier, d'ici à quelques jours, pour ne pas permettre aux gens de se faire entendre, alors que l'Ontario et le gouvernement fédéral vont entreprendre une consultation: l'Ontario, la consultation de sa population, et le fédéral, celle de l'ensemble des Canadiens?

Nous, les Québécois, de quoi allons-nous avoir l'air? On s'est déjà prononcé sur un minimum qui n'est déjà pas acceptable. Les Québécois qui ne sont pas d'accord vont-ils aller se faire entendre lors de la consultation du fédéral? On va les retourner chez eux. Votre lit est fait, allez-vous-en chez vous. C'est impensable. En plus, il est mentionné, à la première page de l'entente du 3 juin, que, dans les meilleurs délais, le gouvernement du Canada conclura avec celui du Québec une entente concernant les pouvoirs respectifs du Québec et d'Ottawa en matière d'immigration, ainsi que le retrait du fédéral dans certains services avec juste compensation financière du Québec.

Si on a tant confiance, pourquoi ne va-t-on pas négocier avant pour s'assurer qu'on va être respecté après? Bien non, on règle cela et ensuite on dit: On n'a plus de moyen et on n'a plus de force. Donnez-nous cela, et on espère que cela va être bon, et, si ce n'est pas bon, on n'essaiera de vous défendre parce qu'on est fédéralistes et parce qu'on est pour un grand principe au lieu d'être pour la défense des Québécois. Il n'y en a pas d'urgence d'amener cela aujourd'hui, vous le savez très bien. Comment se fait-il qu'il y aurait une urgence à ce point pressante pour l'avenir des Québécois, sur l'entrée du Québec dans la constitution, qu'il faille absolument en discuter dans les 48 ou 72 heures qui vont suivre, alors que, pour d'autres sujets aussi importants, mais jamais aussi importants que ceux-là, toutes les réponses qu'on a de l'autre côté, quand on questionne les ministres, c'est: On va faire un comité d'étude, on va faire un Conseil consultatif, entre autres le Conseil consultatif de la jeunesse.

Au lieu de régler les problèmes des jeunes qu'on connaît maintenant, on forme un conseil consultatif qui nous fera des recommandations dans trois ans. Mais on dit: C'est important de connaître la situation. C'est important de consulter les gens. C'est important pour un secteur comme cela. C'est important pour un sujet parmi tous les autres sujets, mais, pour le sujet capital de notre avenir collectif, on ne consulte pas. On ne peut pas reporter. On ne peut pas mettre sur pied un comité d'étude ou consultatif. Non, on le passe à la vapeur. On étire les travaux de fin de session pour être capable de passer cela pendant que les gens sont occupés, pensent à autre chose ou commencent à préparer leurs vacances. C'est presque incroyable. L'urgence, c'est votre urgence. C'est votre urgence pour essayer de faire accepter aux autres provinces ce minimum inacceptable pour les Québécois. Mais avez-vous pensé que c'est une médaille à deux faces, que, si cela peut forcer d'une certaine façon les autres provinces à accepter ce minimum, cela va leur permettre d'aller demander davantage de pouvoirs et que, nous, on ne pourra pas, à l'automne, en

exiger davantage comme elles parce qu'on s'attache maintenant. Ce n'est pas très intelligent. De très mauvais négociateurs et surtout de très mauvais Québécois à mon avis. Donc, il n'y en a pas d'urgence. La société distincte...

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Je m'excuse. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je ne vous demande pas de partager les opinions des membres de l'Assemblée mais si vous voulez par la suite intervenir, vous avez un droit de parole comme tout le monde. M. le député de...

M. Paré: Mme la Présidente, je vais apporter un petit correctif. Je n'ai pas mis un mot de trop. J'en ai omis un. De très mauvais défenseurs des Québécois.

Pour ce qui est maintenant de cette fameuse société distincte....

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Paré: Est-ce qu'on pourrait demander à la députée qui n'est pas capable de se prononcer sur le fond au moins de respecter l'idée de ceux qui défendent les Québécois.

La Vice-Présidente: Une question de règlement. S'il vous plaît, est-ce que je pourrais entendre la question de règlement? M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je pense que le député de Shefford est très injuste à l'égard de Mme la députée puisqu'elle est intervenue sur le fond. S'il ne fait pas attention, elle va intervenir à nouveau et le confondre.

La Vice-Présidente: Là-dessus, pour l'instant, M. le leader du gouvernement, il s'agit du droit de parole du député de Shefford. Naturellement, je reconnaîtrai tout autre intervenant qui voudra bien prendre la parole après l'intervention du député de Shefford. Là-dessus, je vous laisse la parole, M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Maintenant en ce qui concerne cette fameuse société distincte qu'on ne retrouve que dans un mot, mais cela donne quoi une société distincte quand ce ne sont que des mots sans pouvoir réel. N'oubliez pas quelque chose, sur le plan juridique, "société distincte", ce n'est qu'une règle d'interprétation. Cela signifie en droit qu'elle est un principe dont les juges ne sont appelés à tenir compte que pour le cas où une règle en droit constitutionnel ne leur apparaît pas autrement claire. Ainsi, s'il est clair pour les juges que l'affichage français enfreint les libertés d'expression de la Charte canadienne des droits, la clause de société distincte doit rester lettre morte à cet égard. C'est cela la société distincte, des mots, mais seulement une règle d'interprétation. Une règle d'interprétation dont on ne tiendra compte que si cela semble justifié, mais cela ne le sera même pas dans des questions aussi fondamentales que la survie de la majorité francophone au Québec. C'est de cet avenir qu'on est en train de discuter ici. C'est presque incroyable qu'on accepte cela. (14 h 50)

On reconnaît par contre - c'est cela qu'il faut lire, c'est cette entente - elle reconnaît au point 1 qu'il y a, au Canada, au Québec, une majorité de francophones et dans le reste du Canada une majorité d'anglophones, mais que - et c'est ce qui est important - cela constitue un caractère fondamental du Canada. C'est le point 1 sur lequel on va signer. Le caractère fondamental du Canada, c'est que c'est un pays bilingue, c'est cela que vous êtes en train d'accepter pour les Québécois. Quand on parlait avant aujourd'hui du Canada bilingue, on parlait d'un Québec français et des autres provinces anglophones. On est en train de dire maintenant que c'est le Canada, dans sa totalité, qui est bilingue.

Le Québec n'est plus français avec cela. Le Québec devient bilingue avec une reconnaissance dans le point 2 conforme au sein du Canada, une société distincte dans le sens qu'il y a ici une majorité de francophones alors que, dans les autres provinces, il y a une majorité anglophone. On fait juste reconnaître une situation. Mais en mettant dans le point 1 que le Canada est bilingue, on vient dire au Québec que ce n'est plus un territoire français, que c'est un territoire bilingue. Et c'est vous qui acceptez cela. Je trouve cela inacceptable.

Au point 2, le Parlement du Canada et les Législatures des provinces, dont le Québec, ont le rôle de protéger la caractéristique fondamentale du Canada visée à l'alinéa (1))a). L'alinéa (1)a), c'est le caractère fondamental du Canada, le bilinguisme. Dans 2, on s'oblige à défendre, on s'oblige ici à protéger la caractéristique fondamentale du Canada, ce pays bilingue. Et cela, on va le retrouver dans toutes sortes de contestations ensuite. Les juges à Ottawa vont décider quoi? Si c'est vrai que le passé est garant de l'avenir, ce sera toujours à notre détriment, toujours à notre détriment et là, on sera vraiment un gros Nouveau-Brunswick.

Allez voir la situation des francophones hors Québec. On peut bien vouloir se battre pour la situation des francophones hors Québec et la minorité anglophone la mieux traitée au monde qu'on retrouve au Québec, on peut bien vouloir défendre ces gens-là,

mais le meilleur service qu'on peut rendre aux francophones hors Québec, c'est d'être forts et en sécurité au Québec, mais ce qu'on est en train de faire par l'entente du lac Meech, c'est qu'on est en train de s'affaiblir, on est en train de s'ôter des pouvoirs. La société distincte, malheureusement, n'est pas exprimée en termes de pouvoirs, on ne s'en donne pas et c'est cela que je trouve inacceptable. C'est toujours seulement sur les mots et on ne peut pas accepter cela.

Si on revient maintenant à la survie du français au Québec, on vient reconnaître que le gouvernement fédéral a des pouvoirs linguistiques, des pouvoirs sur le Québec. On reconnaît cela alors qu'on aurait dû, comme on est la seule place où on contrôle le gouvernement majoritairement francophone en Amérique du Nord, conserver, garder et exiger l'exclusivité de la législation culturelle linguistique, ici au Québec. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Ce que cela reconnaît actuellement, et tout le monde le reconnaît, j'espère que vous allez le reconnaître aussi, c'est le statu quo au niveau linguistique.

La paragraphe (4), la fameuse clause de sauvegarde qui nous est amenée, c'est le statu quo de ce qu'on connaît présentement. Je ne sais pas si vous êtes satisfaits du statu quo. Je ne sais pas si vous vous êtes promené, pour voir quelle est la situation au Québec présentement. Ce n'est pas l'anglais qui est menacé au Québec présentement, c'est le français. Le statu quo que vous voulez...

Le Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Paré: ...c'est de continuer à faire en sorte que cela se dégrade. Le statu quo, avec les pouvoirs qu'on s'est fait imposer en 1982 dans le "Canada Bill", cela faisait en sorte qu'on était soumis à des articles de la constitution et à la Charte canadienne des droits et libertés. Qu'est-ce que cela a amené? Cela a amené la contestation de la loi 101. Quant à cela, les Québécois savent de quoi on parle parce qu'il y a seulement cela qui peut nous préserver, non seulement nous permettre de nous développer, mais au moins préserver notre survie, l'assurer. En 1982, qu'est-ce qui est arrivé? On est soumis au "Canada Bill", à la Charte canadienne des droits et libertés. Cela a fait que des pans de murs complets de la loi 101 sont tombés. Il est arrivé que ce même gouvernement à Ottawa a subventionné Alliance Québec à coup de millions pour qu'il vienne contester la loi de la majorité au Québec. Alliance Québec, avec des millions d'Ottawa, est venue défaire une loi adoptée à l'Assemblée nationale par une majorité. Et maintenant, tout est contesté et ce sont des juges à Ottawa qui décident. Et avec ce qu'on est en train de nous faire adopter ici, à l'avenir, ce ne sera plus l'Assemblée nationale du Québec qui décidera d'essayer d'exprimer, d'essayer de faire vivre la volonté des Québécois, ce seront des juges à Ottawa, parce qu'on transfère les pouvoirs d'interprétation à la Cour suprême, à des juges recommandés par les provinces, mais nommés par Ottawa.

Depuis 120 ans, cela a toujours joué contre nous et c'est normal. Je l'ai dit tantôt au début: charité bien ordonnée commence par soi-même. À Ottawa, les gens sont nommés avec une mentalité et une philosophie qui n'est pas la mentalité québécoise. On peut essayer de la changer par la nouvelle constitution. On peut essayer de faire du Québec un gros Nouveau-Brunswick, pour qu'on devienne minoritaire à plus ou moins long terme. Mais on n'a pas de garanties. On s'en vient reconnaître à Ottawa ce pouvoir et, en plus, la Cour suprême retarde.

Pour ce qui est de l'affichage, qu'est-ce qui va arriver si votre volonté de l'autre côté, si la volonté que vous avez, c'est que le Québec devienne effectivement bilingue? Dans l'affichage, dans le choix de la langue d'enseignement, n'importe où, si c'est cela votre volonté, faites adopter une loi ici. Ne laissez pas les juges à Ottawa le faire à votre place, parce que vous n'avez pas le droit, pour l'avenir, d'enlever des pouvoirs à l'Assemblée nationale, car c'est toute la population du Québec que vous allez pénaliser.

Donc, dans le domaine linguistique, cette "société distincte" complètement creuse de pouvoirs, vide, qui ne fait que reconnaître qu'on est majoritaire mais sans nous assurer que dans l'avenir on va le demeurer, car, comme je vous le disais, l'article 1 dit que ce qui est primordial pour Ottawa, c'est le caractère fondamental du Canada qui est bilingue. On est en train de nous bilinguiser et on sait ce que cela veut dire. On n'a pas le droit de ne pas conserver la route de l'avenir ouverte pour les Québécois. N'oubliez jamais que c'est nous qui décidons ici. On est ici les 122 qui allons décider de l'avenir des Québécois et de leur survie. Est-ce qu'on a le droit de prendre des chances et des risques? Je dis non.

Le fameux pouvoir de dépenser d'Ottawa. On nous arrive en applaudissant et en disant qu'enfin, on va limiter le pouvoir de dépenser d'Ottawa. À la vérité, Mme la Présidente, quand on lit les textes, c'est incroyable comment c'est complètement à l'opposé. On vient de reconnaître, pour la première fois depuis la constitution de 1867, qu'Ottawa a le droit de dépenser dans les secteurs provinciaux. Parce qu'on reconnaît une situation de fait, encore une fois, c'est le statu quo.

Donc, si le gouvernement fédéral est présentement dans l'éducation, dans les

affaires sociales, dans la main-d'oeuvre, partout, comme ils sont déjà partout, c'est le statu quo. Et on vient le reconnaître, ce qu'aucun gouvernement n'avait accepté avant ce que vous proposez maintenant. On reconnaît la présence du fédéral dans nos champs de juridiction actuels. Pour l'avenir, on vous dit: On va vous limiter. On va nous limiter dans le sens que nous pourrons nous retirer, mais à la condition que vous nous compensiez financièrement. Mais il y a une contrainte, par exemple. Nous devrons réinvestir dans le même champ, dans le même sens imposé par Ottawa.

Encore une fois, je n'appelle pas cela de l'autonomie. J'appelle cela de la soumission. Ce qu'on est en train de faire, M. le premier ministre a raison, ce n'est certainement pas de l'affirmation nationale. Et ce n'est surtout pas non plus, je pense, de l'affirmation provinciale. C'est plutôt de la résignation nationale et c'est dommage! Les Québécois méritent mieux que cela. Ils ne méritent pas des gens qui se résignent. Ils méritent des gens qui se battent.

Vous me dites qu'il ne me reste plus grand temps, Mme la Présidente. Je vais conclure là-dessus. Qui doit-on croire? Est-ce qu'on doit croire le sénateur Lowell Murray, ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales qui dit: La minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois de notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays? (15 heures)

Est-ce qu'on doit croire M. Scott, Procureur général de l'Ontario qui dit: L'entente du lac Meech donne pour la première fois au gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale. Écoutez bien ça avant de voter vous autres. M. Scott, procureur de l'Ontario qui déclarait: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied des nouveaux programmes sociaux". Et pourtant ça relève des provinces. "Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution; maintenant il le sera; et en ce sens, cette description formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa." Qui doit-on croire? Le premier ministre du Québec ou le premier ministre David Peterson de l'Ontario.

Je cite: "Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de société distincte du Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances." On nous dit ici qu'on a une protection presque infinie. La société distincte, c'est bon. On a maintenant un article, une clause de sauvegarde pour le français et on se fait dire par le premier ministre de l'Ontario, par M. Murphy, par M. Scott, que ce n'est pas ça la réalité. C'est pour ça que vous le passez à la vapeur parce que vous avez peur qu'on écoute les discours des députés des autres provinces qui vont venir nous dire la vérité.

Je me rappelle les engagements que vous aviez pris sur la parité des assistés sociaux, sur le fait que jamais la Raffinerie de sucre du Québec à Saint-Hilaire ne serait fermée. C'est le genre d'engagement que vous avez pris et sans consultation vous avez fait le contraire. Je vais vous dire que quand M. Bourassa me dit maintenant qu'on est en sécurité avec cette entente constitutionnelle, que la sauvegarde du français est là, et qu'on se fait dire le contraire par les autres premiers ministres, par les autres ministres, députés et sénateurs à Ottawa et dans les autres provinces, avec les promesses et les paroles non tenues de M. Bourassa, je dois vous dire que je crois davantage les autres. Si, aujourd'hui on nous passe ça à la vapeur, c'est qu'on veut absolument que les 99 députés de l'autre côté votent pour avant que, dans les autres provinces, on soit venu expliquer clairement comment on est en train d'attacher le Québec pour l'avenir, comment on est en train de se bloquer l'avenir. Je vous répète ce que je disais au début: N'oubliez jamais, vous autres ici, les députés qui allez voter ça - si vous votez pour - si vous bloquez l'avenir du Québec, si vous pénalisez la survie du français, vous l'aurez choisi librement. Ce sera de votre faute à vous autres. Vous serez responsables parce que ce ne sont pas les autres qui nous l'imposent. C'est nous qui sommes en train de discuter là-dessus et c'est nous qui allons avoir à voter là-dessus. On a une responsabilité. Les gens nous ont élus. J'écoutais hier le premier ministre et le ministre de l'Agriculture qui disaient, lors d'une rencontre au Château Frontenac: On veut un Québec de plus en plus fort, alors que ce sont là des reculs. Il faudrait, à partir de maintenant, au moins reconnaître que si on vote pour ça, c'est qu'on n'est plus prêt à travailler pour que le Québec soit de plus en plus fort. Merci, Mme la Présidente.

M. Lefebvre: Le député de Shefford me permettrait-il de lui poser une question?

La Vice-Présidente: Vous savez qu'en vertu de nos règlements, il faut obtenir l'autorisation du député. M. le député de Shefford, consentez-vous à une question?

M. Paré: Oui.

La Vice-Présidente: J'aimerais rappeler aux deux personnes, aux deux membres de l'Assemblée que la question doit être brève ainsi que la réponse. M. le leader adjoint du

gouvernement.

M. Lefebvre: J'aimerais savoir du député de Shefford, franchement, quelle est la différence fondamentale entre sa vision de l'avenir du Québec et celle du chef indépendantiste Gilles Rhéaume qui, lui, a la franchise et l'honnêteté de nous dire clairement qu'il souhaite la séparation du Québec et ce, le plus tôt possible? Pourrait-il me donner la différence entre sa conception de l'avenir du Québec et celle de Gilles Rhéaume?

La Vice-Présidente: M. le député de Shefford.

M. Paré: Avec plaisir, d'une façon très claire et très courte. Avec des phrases qui sont bien plus claires que ce qu'on retrouve là-dedans et qui portent moins à contestation. Oui, ce qu'on voit pour l'avenir des Québécois, c'est la souveraineté-association dans une démarche d'affirmation nationale.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît. Vous avez posé une question. J'aimerais bien entendre la réponse. M. le député.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Je peux vous faire un peu d'histoire, si vous voulez. Je ne reculerai pas à l'énormité que vous avez dite tantôt en affirmant que, depuis 120 ans qu'on est séparé du Canada. Cela a été votre fin de discours tantôt. Moi je dis: On est dans le Canada depuis 120 ans. La constitution nous étouffe tellement que même vous autres, vous vous sentez obligés de la réécrire. Ce que vous êtes en train de faire, c'est de faire reculer le Québec. Nous, ce qu'on propose aux Québécois, c'est une avenue. Qu'on ne soit pas traités comme une simple société, mais un peuple, et un peuple c'est en étant souverain, mais on propose une association avec le reste du Canada, une association par laquelle on va traiter d'égal à égal avec Ottawa et non pas d'égal à égal avec Terre-Neuve et avec l'Île-du-Prince-Édouard. Cette démarche, on va la faire dans le respect du peuple, pas à la vapeur dans une fin de session comme vous êtes en train de le faire, mais dans une démarche d'affirmation nationale. On est patient, on a le goût de travailler pour les Québécois, on n'a pas le goût de bâcler les choses comme vous êtes en train de le faire.

M. Marx: Mme la Présidente, j'aimerais poser une question.

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213, c'est une... S'il vous plaît! J'aimerais avoir la collaboration de la Chambre et ce, pour le meilleur... En vertu de l'article 213, il s'agit d'une question. Or, la question a été posée...

M. Marx: Avec le consentement... Une voix: Non, non.

La Vice-Présidente: Bon, je n'ai pas de consentement.

M. Marx: Je vois que l'Opposition a peur de ma question.

Une voix: Non, non, on n'a pas peur de toi.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît!

M. Marx: Ils ont peur de dire la vérité.

Une voix: On n'a pas peur de toi.

La Vice-Présidente: Bon. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demande la collaboration de la Chambre pour pouvoir entendre tous les intervenants. Là-dessus, je suis prête à reconnaître le prochain intervenant qui est le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones et député d'Abitibi-Est.

M. Raymond Savoie

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Évidemment, le député de Shefford était mal placé pour répondre à une question comme celle-là et on comprend, par la grande confusion de sa réponse, pourquoi les Québécois n'ont plus confiance en son parti, pourquoi les Québécois ont élu le Parti libéral aux dernières élections.

Des voix: Bravo!

M. Savoie: C'est un triste jour lorsqu'un membre du Parti québécois se lève et dit: Oui, on est en faveur de... Par contre, il faut tenir compte de l'affirmation, tout en voulant discuter d'égal à égal avec les autres provinces dont nous sommes... En tout cas!

Je pense qu'il y avait un film où on répétait sans cesse: De la clarté dans la confusion ou la confusion dans la clarté. En tout cas, c'était quelque chose comme ça. Nous, du Parti libéral, nous savons où nous allons.

Nous avons établi dès la campagne électorale notre programme dont j'ai un exemplaire ici et où on énumère aux articles 33, 34, 35, 36, les conditions qu'on favorise pour adhérer aux modifications constitutionnelles de 1982. A titre d'exemple, je peux lire pour ceux qui nous écoutent qu'un gouvernement libéral réclame l'inscription dans la préambule de la nouvelle constitution d'un énoncé reconnaissant

explicitement le Québec comme foyer d'une société distincte. À l'article 35, on parle d'un contrôle sur l'immigration; à l'article 36, de la nomination des juges de la Cour suprême provenant du Québec et choisis par le Québec; à l'article 37, du contrôle des dépenses.

Tout cela, nous l'avons énoncé, nous l'avons publié pendant la campagne électorale. Au mois de mai 1986, le député de Jean-Talon et ministre responsable des relations intergouvernementales a énoncé très clairement les cinq conditions lors d'un grand discours fortement applaudi par ses collègues. Il dit et je cite: Ces conditions sont la reconnaissance explicite du Québec comme société distincte, la garantie de pouvoirs accrus en matière d'immigration, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser, la reconnaissance d'un droit de veto et la participation du Québec à la nomination des juges à la Cour suprême du Canada.

Je ne voudrais pas entretenir cette auguste Assemblée sur l'ensemble de ces points. Vous savez que, comme ministre délégué aux Mines et député d'Abitibi-Est et également responsable des Affaires autochtones, je dois me pencher sur quelques questions, notamment sur ce que nous amène l'accord du lac Meech au niveau du développement régional. Qu'en est-il de la position des autochtones et qu'en est-il de la protection et de la défense de notre langue et de notre culture?

Lorsque j'ai commencé à exercer mes fonctions, la première chose que j'ai constatée, évidemment, c'est la difficulté de faire concorder l'ensemble des gestes en matière de développement régional avec le gouvernement fédéral. Vous savez que le gouvernement fédéral peut établir des politiques pour favoriser le développement régional en établissant des programmes de création d'emplois, des programmes d'exploration comme il l'a fait en Gaspésie ou des programmes, par exemple, dans l'industrie forestière sur la Côte-Nord. Â plusieurs reprises, nous avons eu des échanges, d'ailleurs fort laborieux, avec le gouvernement fédéral pour le développement régional. Bien sûr, notre gouvernement est l'un des premiers intéressés et bien sûr, nous avons posé, depuis les élections, de nombreux gestes qui démontrent notre intérêt et la fierté que nous avons de nos régions, mais on ne peut régler le problème du développement régional qu'en versant d'énormes montants à gauche et à droite provenant, soit d'une orientation qu'ont déterminée certains ministres fédéraux vis-à-vis d'une politique bien établie du gouvernement québécois. (15 h 10)

Cela prend une concordance. Et quand je lis l'accord du lac Meech, j'arrive à un article que je vais vous citer. Je ne ferai pas comme les députés de l'Opposition qui le résument, qui le tournent à leur façon. Je vais vous le lire tout simplement et ce sera beaucoup plus clair. À l'article 7 qui modifie l'article 106A de la constitution, on dit tout simplement: "Le gouvernement du Canada fournit une juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un programme national cofinancé qu'il établit après l'entrée en vigueur du présent article dans un secteur de compétence exclusive provinciale, si la province applique un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux."

Cela voudrait dire, Mme la Présidente, que, lorsque le gouvernement fédéral sera en mesure d'établir un programme, par exemple, pour le développement régional - parce que c'est là le point que j'examine aujourd'hui -il pourrait l'établir pour le développement d'une partie du Québec et dire: On propose telle chose. Nous, du gouvernement du Québec, on pourrait regarder cela à la lumière des fonds qu'on investit dans cette région, des optiques qu'on croit les plus intéressantes pour le développement de cette région, et on pourrait dire très facilement: Oui, d'accord, votre programme coïncide avec le nôtre, allez-y, vu qu'il s'agit d'un programme exclusif, nous allons l'administrer. Ou on pourrait dire, et là, pour une fois, c'est clair, les mécanismes seront établis: Non, on s'excuse, bien que vous ayez les grandes orientations. Par exemple, lors d'une intervention dans un programme d'exploration minérale, on pourrait dire au gouvernement fédéral: Non, non ce n'est pas acceptable; nous, nous visons telle approche; malgré le fait que ce soit, dans ses grandes lignes, compatible avec vous, nous voulons plutôt avoir l'argent, l'incorporer dans nos programmes, qu'il y ait une harmonie parfaite et assurer ainsi que, lorsqu'on versera l'argent à cette région, elle en fera une utilisation maximale.

En tant que ministre délégué aux Mines, qui est un fort outil de développement régional, en tant que député d'une région éloignée, en tant que député extrêmement préoccupé par le développement de nos régions, je vois, à l'article 7, modification à l'article 106, un atout qu'on pourrait utiliser à notre avantage, un atout qui pourrait certainement susciter le développement de nos régions. Le Parti québécois, évidemment, n'a en aucune façon soulevé cette question de l'article 106 en disant: Bien oui, c'est une ingérence au niveau d'une prérogative, d'un droit d'un gouvernement provincial, d'une certaine exclusivité. Je dis le contraire. Je dis que nous avons une occasion. Je dis que nous pouvons, à ce moment-là, d'une façon nettement meilleure qu'auparavant, améliorer et développer nos régions avec les fonds, soit avec un programme sur lequel nous sommes

entièrement d'accord, soit en disant: Donnez-nous l'argent; nous allons l'incorporer à notre programme de développement régional. À ce moment-là, l'argent sera mieux dépensé et assurera donc le développement de nos régions. Ce n'est certainement pas moi qui vais parler contre l'article 7, Mme la Présidente.

Au sujet des autochtones, s'il y a une question qui est mal connue ou méconnue de la population québécoise, ce sont certainement les droits et les revendications justes des peuples autochtones. Les peuples autochtones ont regardé l'ensemble de l'entente du lac Meech; ils n'y ont pas formulé d'objection. Ils ont dit: Bien sûr, on aurait aimé avoir la possibilité, avant la signature de l'entente, qu'on fixe, qu'on arrive à une entente pour continuer le discours constitutionnel avec nous. Bien sûr, ils auraient aimé une mention explicite en ce qui concerne leurs droits et leurs revendications. Lors de cette entente et malgré que ce n'était pas nécessaire, il a été stipulé, à l'article 16, soit les dispositions générales, il n'y en a que deux, où on dit: "L'article 2 de la Loi constitutionnelle de 1867 n'a pas pour effet de porter atteinte aux articles 25 ou 27 de la Charte canadienne des droits et libertés, à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou au paragraphe 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. On sait donc qu'on a fait une mention qui n'était pas nécessaire, qui n'était pas exigée, parce que le droit des autochtones, en vertu de l'article 35 de la loi constitutionnelle, n'exige pas cette répétition à ce moment-ci. Mais, on voulait le leur donner pour les rassurer et leur démontrer notre bonne foi.

Je pense également que M. Rémillard a voulu démontrer, en insistant pour que ce soit dans l'accord du lac Meech, qu'il ne voulait en aucune façon, qu'il soit soupçonné qu'on porte atteinte de quelque manière que ce soit aux revendications des autochtones.

Comme ministre responsable des Mines, comme député intéressé au développement régional, comme ministre responsable également de la question autochtone, je ne peux que donner mon accord aux modifications proposées à la constitution de 1867. 11 y a un troisième point. Comme Québécois, je dois me soucier si on a effectivement, dans cet accord, une protection suffisante pour notre langue et pour notre culture. Je regarde le texte et je lis: "Toute interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec..." Donc, toute interprétation. Et, à l'alinéa (2): "la reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une société distincte." Et, à l'alinéa (3), on lit: "La Législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec visé à l'alinéa (l)b)." Cela pourrait dire, par exemple, que lorsque le Parti québécois a édicté la loi 101 et qu'on ne savait pas si c'était constitutionnel ou pas, je crois maintenant qu'elle sera effectivement constitutionnelle.

Qu'est-ce que ça veut dire au niveau de lois ou de mesures au niveau de l'emploi, de la protection de notre culture et de nos institutions? Je crois que, dès le début, dans la constitution, il sera stipulé qu'on a le devoir, le rôle de promouvoir et de protéger le caractère distinct du Québec. Nous avons donc cette obligation imposée en vertu de l'article 2. Il y a là, pour la première fois dans l'histoire du Québec, une protection réelle, une protection concrète de notre société distincte.

Sans vouloir m'embarquer dans un discours partisan, tout simplement en parlant franchement, en examinant l'accord du lac Meech et les responsabilités que j'exerce, je ne peux faire autrement que d'être d'accord avec ce qui a été signé au lac Meech au début de juin 1987. Je ne peux pas m'y opposer. C'est un geste concret et tangible qui nous permettra de compléter des programmes de développement régional en coopération avec le gouvernement fédéral, qui assurera également dans le domaine minier, du moins je l'espère, des fonds additionnels de la part du gouvernement fédéral, qui pourrait également nous rassurer chaque fois qu'on pose, en tant que Québécois, un geste qui protégera la langue française au Québec, qui protégera nos institutions et l'ensemble de notre culture. Je ne peux qu'applaudir à ce geste, remercier et féliciter l'excellent travail exécuté par le député de Jean-Talon et, bien sûr, notre premier ministre qui, dès 1983, a entrevu la réalisation de ces cinq conditions.

Le travail qu'a effectué le Parti libéral du Québec n'est pas le travail de l'Opposition qui pelleté des nuages. Ce n'est pas un travail d'érudit, de quelqu'un qui est loin d'une certaine réalité. Ce n'est pas non plus un travail mal fait. Cela a été nos engagements. Pendant la période électorale, on y a donné suite, on l'a proposé par le biais du député de Jean-Talon à plusieurs reprises lors des rencontres constitutionnelles et, finalement, grâce à toute la dextérité et à la connaissance que possède notre premier ministre, nous avons réussi, lors de la rencontre du lac Meech, à les faire adopter par l'ensemble des neuf autres provinces. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre.

M. le député de Laviolette. (15 h 20)

M. Jean-Pierre Jolivet M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente.

Je vais commencer là où le ministre qui vient de me précéder, a terminé. Je ne serai pas partisan, je vais faire en sorte que mes propos soient les plus francs possible, mais je ne continuerai pas dans la même veine de ce qu'il a fait ensuite parce que, justement, il a été partisan. Il a dit: L'Opposition pellette des nuages et nous, du pouvoir, ce n'est pas de cette façon qu'on voit cela.

J'ai l'intention de regarder l'entente qui a été signée à Ottawa le 3 juin dernier, laquelle entente faisait suite à une préentente, si on peut l'appeler comme telle, du lac Meech le 30 avril dernier. Je pourrais, comme je l'ai fait hier - c'est la deuxième occasion que j'ai de participer à ce débat - parler d'une autre partie en disant que je suis heureux, ce matin, d'avoir enfin vu quelqu'un de ma région prendre un petit dix minutes, le député de Nicolet, qui est le président du caucus de la région 04. Je ne sais pas s'il y aura d'autres députés de la région 04 qui auront l'occasion d'intervenir dans ce débat pour faire valoir leurs points de vue. Je vois le député de Trois-Rivières qui me fait signe que oui, probablement au courant de la semaine prochaine. Je suis heureux d'entendre enfin des ministres parler. Il y a eu le ministre responsable du dossier des Affaires intergouvernementales canadiennes, puis celui qui nous quitte et qui a parlé avant moi, le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones, alors qu'hier, de 20 heures à 24 heures, pas un mot de leur part.

Je voudrais m'entretenir aujourd'hui d'une partie du dossier qui n'est pas incluse dans l'entente du lac Meech et dans celle du 3 juin à Ottawa, mais qui, cependant, aurait dû l'être, de l'avis de plusieurs et c'est mon avis également. Comme je suis responsable d'un secteur qui est important au Québec, comme porte-parole de l'Opposition en la matière, au chapitre de l'enseignement primaire et secondaire, j'aimerais vous entretenir, pendant les quelques minutes qui me sont dévolues, sur le fait qu'il manque à cette entente quelque chose qui aurait dû, de l'avis de plusieurs, faire partie des conditions inhérentes à toute entente constitutionnelle avec les autres provinces du Canada.

Vous savez, il existe un large consensus parmi l'ensemble des citoyens et des principaux intervenants dans le secteur de l'enseignement, que ce soit les directions d'école, les commissaires d'écoles, les évêques, l'ensemble des membres des comités d'école, l'ensemble de tous ceux qui, de près ou de loin, comme enseignants ou personnel de nos écoles, travaillent à l'intérieur de nos écoles; donc, il y a un large consensus dans ce milieu scolaire, même au plan politique et au plan social, quant à l'établissement de commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles.

On se souvient qu'il y a eu un projet de loi qui a été adopté, qui avait fait l'objet d'un large consensus. Il avait été précédé par de nombreuses heures de consultation et de nombreuses demandes venant de l'ensemble du milieu scolaire et, finalement, il a été adopté par l'Assemblée nationale, en décembre 1984, afin de traduire ce large consensus; c'est la loi 3.

On se souvient aussi qu'en juin 1985, en réponse à une requête déposée par certaines commissions scolaires confessionnelles, la Cour supérieure invalidait les dispositions de la loi 3 comme contraires aux garanties confessionnelles inscrites à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867; elle enjoignait, à ce moment-là, le gouvernement d'en suspendre l'application. On se souviendra - j'aurai l'occasion de l'expliquer davantage - que cela s'appliquait, en termes de partie inconstitutionnelle, aux commissions scolaires de Montréal et de Québec. Et, parce que le juge dit: Si une partie n'est pas constitutionnelle, l'ensemble ne l'est pas, donc, actuellement, cela empêche une évolution normale au Québec.

Le gouvernement précédent, on s'en souvient, avait porté ce différend, cette cause en appel. Plusieurs questions ont été posées par l'Opposition au ministre de l'Éducation actuel sur différentes lois, à différents moments depuis maintenant près d'un an et demi. Après de nombreuses tergiversations, le gouvernement libéral, qui est en face de nous, décidait, en mars dernier, de ne pas maintenir l'appel. En même temps, on s'en souvient, il abandonnait des procédures qui avaient été instituées concernant le caractère confessionnel de l'école Notre-Dame-des-Neiges, et ceci aussi en appel. Tout cela a été arrêté.

Qu'est-ce que l'on disait dans des journaux à cette époque, au mois d'avril, lors de la décision? On disait: Une décision difficile à comprendre. Comme le disait dans son opinion Monique Plourde: "En abandonnant ces procédures judiciaires, le ministre de l'Éducation ne sacrifie-t-il pas le consensus social à l'obstination de quelques irréductibles qui, obnubilés par leurs droits acquis et leurs intérêts corporatifs, refusent tout compromis? Le ministre, continuait-elle, aurait, paraît-il, entrepris une révision plus large de sa politique en matière de structures scolaires. Bien, mais faut-il croire sans voir? Que le ministre nous présente ses nouveaux paramètres, qu'il nous fasse connaître cette ou ces solutions miracles pour sortir de l'impasse. Ce n'est sûrement pas par la voie de la négociation constitutionnelle proposée par le Conseil supérieur de l'éducation puisque le ministre ne la trouve pas pertinente. Le monde de l'éducation a suffisamment sué dans ce dossier pour avoir droit à des explications moins sibyllines." Elle continuait en disant: "Ne faudrait-il pas également vérifier les

implications nouvelles qu'apporte l'article 23 de la Charte canadienne des droits dans ce dossier? Ne serait-il pas prudent de négocier une réécriture de l'article 93 qui respecterait enfin l'ensemble de la société québécoise actuelle?" Là, elle continuait en disant: "Si le compte rendu du Devoir nous permet encore quelques espoirs, celui de La Presse ne nous en laisse aucun. La déconfessionnali-sation des structures scolaires est remise aux calendes grecques. C'est clair, pour le ministre, ce n'est pas un problème de fond comme la qualité de l'enseignement."

Le Conseil supérieur de l'éducation aussi a émis un avis insistant sur le fait qu'effectivement on devait aborder cette question lors des discussions constitutionnelles. Il disait ceci dans son avis qui a été émis en janvier 1987: "Ce n'est pas ici le lieu de reprendre les raisons qui ont amené de très nombreux citoyens et de très nombreux organismes à souhaiter que la langue remplace la religion comme critère de base de l'établissement des commissions scolaires. Mais l'ampleur même du mouvement d'opinion créé autour de cette question éminemment sociale mérite la plus grande considération. Les deux grands partis politiques provinciaux, l'Assemblée des évê-ques du Québec, les centrales syndicales, Alliance Québec, la Fédération québécoise des comités de parents, la Fédération des commissions scolaires catholiques, des associations d'administrateurs scolaires, pour ne nommer que ces organismes, se sont tous ralliés à cette modification structurelle à laquelle le Conseil supérieur de l'éducation a lui-même donné son appui dans un avis émis en septembre 1983. Sur cette question on peut assurément parler d'une volonté majoritaire. Cette volonté majoritaire est actuellement paralysée."

Le Conseil supérieur de l'éducation, dans le même avis, continuait en disant: "À la suite du récent et nouveau blocage que l'on sait, les risques ne sont pas théoriques que des raidissements et des crispations puissent porter les germes de nouvelles tensions. Une organisation scolaire qui, sur des questions aussi fondamentales qu'émotivement chargées, réussit mal à répondre aux besoins des usagers et à assurer dans ses instances de décision et d'orientation une représentation équilibrée des populations qu'elle dessert ne peut qu'être génératrice de profondes et légitimes insatisfactions." (15 h 30)

Qu'est-ce que disait le Conseil supérieur de l'éducation dans son avis? Il disait ceci: "Le conseil est d'avis que, devant la paralysie que connaît actuellement le système scolaire québécois en matière de confes-sionnalité, il n'est pas souhaitable de seulement laisser porter et d'attendre. Des droits et des libertés individuelles ne peuvent pas s'exercer de manière satisfaisante. Une volonté collective majoritaire est contrée. Des possibilités s'amenuisent de vivre harmonieusement des évolutions que tout identifie comme nécessaires. Tel est le prix social croissant que les retards accumulés nous obligent a payer."

Et il disait: "II faut pouvoir mettre en place des aménagements qui permettent une évolution équitable des structures scolaires du Québec. C'est pourquoi le Conseil supérieur de l'éducation recommande au ministre de l'Éducation de faire en sorte que, lors des négociations constitutionnelles dont on a annoncé l'ouverture prochaine, le gouvernement inclue la question de la confessionnalité scolaire dans son dossier de positions, qu'en matière de confessionnalité scolaire l'objectif du gouvernement du Québec soit d'assurer au Québec la pleine capacité de se donner un système d'éducation qui, tout en tenant compte des droits confessionnels et linguistiques reconnus, permette de répondre plus adéquatement aux exigences croissantes de la pluralité et de mieux respecter les droits et libertés de tout citoyen."

Quand on regarde cet appel du Conseil supérieur de l'Éducation en regard des décisions qui avaient été prises dans le passé, qui ont été enrayées par des jugements en Cour supérieure et portées en Cour d'appel, mais retirées par le gouvernement libéral, le fait de n'avoir même pas apporté ce point dans les négociations cause, je pense, à l'ensemble de la population du Québec des problèmes et des torts irréparables.

Je ferai simplement allusion à ce problème en lisant un avis du 26 avril 1983 à Me François Houle, de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, écrit par le ministre actuel, alors qu'on lui avait demandé des avis en regard, justement, de l'article 93. Il indiquait clairement que le Québec a des pouvoirs que la Confédération canadienne lui enlève d'une certaine façon dans la mesure où on dit: "Les Pères de la confération - et c'est écrit dans le texte que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes envoyait -ont accordé aux provinces la compétence exclusive de légiférer en matière d'éducation par un article spécifique de l'acte de 1867, c'est-à-dire l'article 93. Ils ont voulu, par là, montrer la très grande importance qu'ils accordaient à ce domaine de législation."

On disait dans ce même texte: "Le Haut-Canada n'était pas favorable au système des écoles séparées confessionnelles. Ses députés auraient préféré un système non confessionnel. Or, l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique est donc l'un des compromis les plus importants que les Pères de la confération ont dû faire pour réaliser l'union canadienne. On ne se permettrait pas aujourd'hui, compte tenu de

l'évolution du système scolaire, de faire la même revendication pour faire comprendre ailleurs, au Haut-Canada de l'époque, l'Ontario d'aujour'hui, qu'effectivement, on aurait dû s'assurer que nous ayons les moyens de corriger les difficultés que comporte l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique."

On dit très bien que ce sont les commissions scolaires communes, rurales, qui peuvent se voir accorder cette déconfession-nalité aujourd'hui, eu égard au pouvoir de faire des commissions scolaires linguistiques. Seules les commissions scolaires protégées de Montréal et de Québec, en vertu de la constitution, sont soumises à cette capacité actuelle d'être protégées par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. J'irais plus loin en disant que, dans son document, le ministre indiquait qu'effectivement c'étaient les commissions scolaires de niveau primaire qui étaient touchées. Et je vous le lis dans le texte, à la page 29: "II est aussi important de comprendre que la protection de l'article 93 ne s'étend qu'au niveau élémentaire."

Une voix: Qui a écrit cela?

M. Jolivet: Qui a écrit cela? C'est l'actuel ministre alors qu'il faisait un rapport à la Fédération des commissions scolaires sur une loi dont vous avez la connaissance. C'est lui qui a écrit cela à l'époque et c'est à ce moment-là que je dis que, si vraiment il y avait moyen d'aller négocier, c'était à ce moment-ci qu'on aurait dû le faire.

Je dirai que le ministre actuel et le gouvernement, en plus de laisser tomber les procédures d'appel de la loi 3, ont refusé de façon catégorique de répondre à toute demande, qu'elle vienne du Conseil supérieur de l'éducation, qu'elle vienne des milieux concernés, qu'elle vienne de tous ceux qui, de près ou de loin, ont dit qu'il fallait faire des changements. Ils s'en sont tenus seulement aux cinq conditions. Nous disons que ceci constitue la preuve flagrante de l'absence de volonté politique de procéder à l'établissement de commissions scolaires linguistiques et ce, malgré la promesse du Parti libéral pendant la campagne électorale de le faire. Ce n'est même pas ce qu'on revoit aujourd'hui. Ils n'ont même pas eu le courage politique de l'inclure dans les discussions.

Lors de la commission parlementaire sur l'accord du lac Meech certains intervenants sont à nouveau venus réclamer du gouvernement qu'il obtienne la suppression des contraintes existant quant à la reconnaissance de la pleine compétence du Québec en matière d'éducation. C'est très simplement la Centrale de l'enseignement du Québec et l'Alliance des professeurs de Montréal qui, dans leurs documents, ont présenté, ont demandé à ce premier ministre qui était là ou à son ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes d'agir et de faire en sorte qu'on puisse avoir, dans la discussion, toute la question du critère linguistique plutôt que celle du critère confessionnel.

Le gouvernement a seulement indiqué que cette question pourrait être abordée lors du deuxième round de négociations. Mais, quand on regarde l'entente du 3 juin dernier, de quoi s'aperçoit-on? C'est qu'elle n'est même pas à l'agenda. On sait, cependant, qu'à l'agenda du deuxième round il y a la réforme du Sénat et il y a toute la question des pêches, mais aucune revendication du Québec quant à la possibilité d'inclure toute la rediscussion de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

En conclusion, Mme la Présidente, la confessionnalité de nos commissions scolaires est figée par une constitution qui date de 120 ans. Cette constitution enraie l'évolution souhaitable de nos structures scolaires dans le contexte du pluralisme croissant de la société québécoise. Par son inaction et son acceptation tacite de l'article 93, le gouvernement cautionne le maintien de privilèges à certains groupes confessionnels et une mainmise inacceptable sur le système public.

Je ferai référence à cette discussion que nous avons eue, le ministre de l'Éducation et moi-même, à la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi 130 où des groupes, le Mouvement laïque, la CEQ et d'autres, auraient voulu être entendus sur des droits que le ministre remettait, en vertu de cette loi, aux protestants et aux catholiques, en vertu, justement, d'une clause qu'ils ont eux-mêmes décriée à l'époque, la clause "nonobstant" de l'Acte constitutionnel de 1982.

Le maintien de la confessionnalité a d'autres effets néfastes. Conjuguée aux dispositions de la loi 101, la confessionnalité est à la source de la création et du gonflement du secteur français dans certaines commissions scolaires protestantes, notamment à Montréal. Celles-ci accueillent, en effet, un nombre croissant d'élèves francophones et d'allophones dans leurs classes françaises sans toujours leur offrir un niveau de services comparables à celui de leurs clientèles anglophones. Même, des parents nous ont écrit pour nous dire qu'effectivement ils ne recevaient même pas l'information en français; ils la recevaient en anglais alors que normalement la loi 101 oblige à leur donner la documentation convenable.

Compte tenu de la baisse de leurs effectifs au secteur anglais, ces commissions scolaires connaissent, de plus, des problèmes de relocalisation des clientèles, que ce soit dans la commission scolaire de Brossard, de la rive-sud, que ce soit à Lakeshore. On les

connaît. On commence à s'apercevoir qu'il y a des problèmes et elles ont déjà commencé à recourir aux formules de cohabitation linguistique. Elles seront probablement tentées d'y recourir de plus en plus souvent. Dans certains cas, cela peut être préjudiciable à l'intégration des immigrants à la majorité francophone. (15 h 40)

Et on peut s'imaginer toutes sortes de choses qui existent. Le cas d'une école moitié anglaise, moitié française, située dans un quartier fortement anglophone et dont les classes françaises sont composées d'un grand nombre d'allophones. Selon vous, Mme la Présidente, dans quelle langue discute-t-on dans les cours de récréation, dans quelle langue discute-t-on quand on va prendre l'autobus scolaire ensemble? Ajoutons que les commissions scolaires protestantes ne se gênent pas pour enseigner l'anglais dès la première année au primaire, en contravention au régime pédagogique, à des enfants dont c'est la langue seconde et non la langue maternelle.

On se retrouve donc dans une situation qui est loufoque où des institutions anglophones, telles les commissions scolaires protestantes de Montréal, sont responsables de l'accueil et de l'intégration d'une part importante des immigrants et des réfugiés. L'établissement de commissions scolaires sur la base de la langue plutôt que de la religion mettrait un terme à de telles situations. Les gens qui sont en face le reconnaissent. Ils l'ont reconnu parce que, dans leur programme électoral, c'est ce qu'ils ont écrit. Malheureusement, ce n'est pas une priorité qu'ils ont retenue. Il aurait peut-être fallu demander si c'était une priorité prioritaire. Mais on sait ce qu'ils font avec les priorités prioritaires.

Le maintien de la confessionnalité scolaire nuit, dans les faits, à l'intégration des allophones à la majorité francophone, un facteur clé pour préserver le caractère distinct de la société québécoise. En particulier, je pourrais faire référence à un article de Mme Hélène Pelletier-Baillargeon dans La Presse du 25 mars 1987, sous le titre "Pénélope chez les libéraux". "Les enjeux sont, en effet, de taille: les divisions scolaires confessionnelles empêchent actuellement la loi 101 de parachever l'intégration des immigrants à la culture de la majorité. À cause d'une division religieuse de plus en plus factice, les immigrants de foi "autre" que catholique romaine se retrouvent, en vertu de la loi 101, inscrits dans les classes françaises des écoles protestantes. Or, dans les faits, ces écoles sont "neutres" et de langue anglaise." Elle continue. "Cette situation fausse conduit à des distorsions alarmantes. Scolarisés en français à l'intérieur d'un système scolaire anglais, tous ces "non-catholiques" le sont dans une langue de traduction, puisque la culture et la langue d'usage des communications, des services parascolaires, des corridors et de la cour d'école demeurent anglaises."

Je termine la citation que je veux faire de son texte: "Cette dérive, on s'en doute, convient admirablement au BEPGM (Bureau des écoles protestantes du grand Montréal) parce qu'elle lui permet de contourner les effets intégrateurs de la loi 101 en récupérant, à long terme, la majorité des immigrants issus de ses classes françaises et qui constituent plus du tiers de sa clientèle."

Dans ces circonstances, il aurait été normal, il aurait été correct de prévoir, dans les discussions, toute la question de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le lac Meech n'apporte aucune solution à cette problématique, pas plus, d'ailleurs, que l'accord du 3 juin, à Ottawa. Je pense que nous devons, encore une fois, insister pour que cette discussion se fasse et qu'elle ne se fasse pas comme elle se fait actuellement, en poussant dans le dos, pour en arriver à une décision rapide à la toute fin d'une session.

Dans ces circonstances, M. le Président, vous comprendrez très bien que je n'ai, en aucune façon, l'intention de voter pour la résolution du premier ministre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci. Je ne voudrais pas répondre à tout le discours du député de Laviolette, mais, comme il a mentionné le Bureau des écoles protestantes du grand Montréal, il faut que je fasse une correction. Il faut que le député de Laviolette comprenne, une fois pour toutes, que, même si ce sont des anglophones qui sont dans ces écoles, ils apprennent le français. Quand ils sortent de ces écoles, ils parlent le français et l'anglais, sans aucun problème. Le député de Laviolette devrait comprendre, une fois pour toutes, que c'est dans ces écoles qu'on a commencé le système d'immersion totale. Je me rappelle que mon petit gars, qui a maintenant 28 ans, quand il avait 8 ans allait à ces classes. C'était la première année de cette expérience. Il est sorti de ces écoles, il pratique maintenant comme avocat, et il parle le français aussi bien que le député de Laviolette et il parle l'anglais très bien aussi.

Mme la Présidente, pardon! M. le Président, excusez-moi, je vois qu'on a un changement d'équipe. Je suis ici depuis hier matin et j'écoute les débats, j'écoute mes amis péquistes et, de plus en plus, je commence à voir que j'avais toujours raison quand je disais: Vous, vous êtes négatifs et,

nous, nous sommes positifs. Des voix: Bravo!

M. Polak: Vous, vous êtes pessimistes et, nous, nous sommes optimistes. Le député de Rosemont m'aide de temps en temps dans mes discours. Il m'a dit: Maximilien, n'oublie pas de dire qu'eux, ils ont une vision où ils se replient sur eux-mêmes, tandis que nous, nous avons une vision d'ouverture.

Il est intéressant de relire les journaux de temps en temps. Il y a un dictionnaire du parfait péquiste. Il faut que je mentionne cela rapidement. Ils sont encore en train de se chercher. Depuis une dizaine d'années, vous êtes passés de séparatistes à indépendantistes, à souverainistes, à promotionnistes, à révisionnistes, à orthodoxes et, maintenant, vous êtes affirmationnistes. J'ajouterais une autre catégorie, les "garonistes", c'est-à-dire ceux qui ne croient ni en rien ni en personne.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Polak: M. le Président, vous savez que M. Trudeau, l'ancien premier ministre du Canada, est intervenu dans ce débat, heureusement pas ici, mais en dehors. Je n'ai jamais été d'accord avec sa vision du Canada. J'étais très heureux et vraiment impressionné par l'article que le ministre de l'Éducation a écrit dans La Presse du 30 mai où il répondait point par point à l'intervention de M. Trudeau. Je cite un extrait de l'article de M. Ryan qui est d'une importance capitale. On parle de la vision du Canada et du rôle du Québec dans le Canada. C'est M. Ryan qui parle et je le cite avec fierté: "Le Canada est plutôt, pour reprendre une belle expression de Joe Clark que M. Trudeau s'est souvent plu à déformer, une communauté de communautés, une réunion librement consentie de sociétés diverses qui acceptèrent, pour la poursuite d'un plus grand bien, de se réunir en un pays fédéral sans renoncer pour autant à leur identité." C'est exactement cela qu'on retrouve dans cet accord du lac Meech. Je continue de citer M. Ryan: "II est possible d'être à la fois un Québécois profondément engagé, un Québécois d'abord et avant tout, et un Canadien sincèrement et loyalement voué à l'édification d'un Canada fort." C'était notre vision, et cela a été dit d'une manière que tout le monde comprend et sur laquelle tout le monde est d'accord. Il parle encore de cette population du Québec qui représente une partie très importante, voire majoritaire, de la population québécoise. N'oublions pas, messieurs et mesdames les péquistes, on a eu une élection en décembre 1985, on avait un programme, et ce qu'on trouve maintenant dans l'accord du lac Meech, on trouve cela dans notre programme sur lequel nous avons été élus en 1985.

J'ai lu un article qui m'a impressionné. Je pense que cela vient de La Voix de l'Est, sous la signature de Claude Bruneau. Je cite: "C'est le temps, en effet, pour le Canada et le Québec de passer à autre chose. Il y a un temps pour déchirer, messieurs et mesdames les péquistes et un temps pour coudre, messieurs et mesdames les libéraux. Un temps pour aimer, messieurs et mesdames les libéraux, et un temps pour haïr, messieurs et mesdames les péquistes, un temps pour la guerre, messieurs et mesdames les péquistes, et un temps pour la paix, messieurs et mesdames les libéraux, comme s'exprime le sage de l'Ecclésiaste. Après 25 ans de luttes constitutionnelles, il est temps que les politiciens donnent place à d'autres priorités. La population, elle, l'a déjà fait."

On n'a pas beaucoup de temps pour intervenir; je vais dire quelque chose en anglais. Because in my riding there is an subtantial part of English-speaking Canadians and sometimes, you hear it is said that in the National Assembly, although we have the right to speak English, we do not do so often enough. I am not replacing Reed Scowen who is gone, but I just want to make a few remarks and cite from clippings in newspapers: The Globe and Mail: "Accord welcomes back Québec, Historic constitutional agreement signed" and cite from The Globe and Mail, Toronto: "Today, we welcome Québec back to the Canadian constitutional family". (15 h 50)

This is an article that I found in The Gazette in a speech given by Eric Kierans who, himself, was a former minister here in the National Assembly. It is called: Meech Lake Accord is a good curb to centralization. And I quote Mr. Kierans: There has always been an elitist cast to federal liberalism, supported by a swollen bureaucracy: the view that only. Ottawa knew what was best for Canada. Whether the slogans were cooperative federalism or just society made little difference. Meech Lake is not new. Meech Lake is simply the closest that we have come to following the original intent and meaning of the British North America Act. It reflects more accurately what the original Fathers of Confederation thought that they were agreeing to. They lived with each other, quarreled and wrangled, in debates, assemblies and conferences for years. They knew what was possible and what the different colonies could accept. They never intended the provinces to be as dependent as they, in fact, became. Above all, they knew a centralized Canada would not work.

M. le Président, I want to terminate by saying that this Lac Meech agreement is something that is acceptable, of course to the French-speaking population of Québec,

also to the English-speaking population of Québec and also to the rest of Canadians across Canada. I am proud to be a part of the government, M. le Président, formed by Mr. Bourassa, assisted by "le ministre des affaires étrangères" who is sitting here right now. I listened to his speech and I want to thank him for the work that he has done, for having made all those visits, including to Premier Vander Zalm, of British Columbia -he is of Dutch descent too. He has managed to convince the Premiers of all the other provinces that what Quebec wants, what Quebec has asked is to enter into the Canadian Confederation once and for all on terms acceptable to everybody.

I am proud to belong to this party. I am proud to belong to the Liberal Party of Quebec which forms the government. I am an optimist and I think that we will only see better things from here on. Thank you very much.

Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Comme certainement un bon nombre de mes concitoyens d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai toujours manifesté beaucoup de curiosité et d'intérêt pour un député qui a siégé comme représentant d'Hochelaga à l'Assemblée législative, qui est bien connu dans notre histoire et qui s'appelle Antoine-Aimé Dorion. J'ai eu l'occasion de faire un certain nombre de recherches pour mieux connaître celui qui a représenté une partie du quartier que je représente maintenant. L'idée m'est venue, il y a quelques semaines, de solliciter des services de la bibliothèque de l'Assemblée nationale un compte rendu des débats parlementaires qui ont entouré, en 1867, l'adhésion à la confédération. J'invite, d'ailleurs, les collègues de cette Assemblée à faire cet exercice qui est très instructif pour y constater, d'abord, M. le Président, que rien n'a vraiment changé sauf, il faut bien le dire, la position du Parti libéral.

Antoine-Aimé Dorion, député libéral d'Hochelaga à l'époque, chef de l'Opposition, réclamait au nom de son parti avec insistance, en le répétant inlassablement, en déposant des motions devant cette Chambre, que le peuple soit consulté et sonnait l'alarme face à une constitution qui fut imposée et qui allait nous donner un gouvernement de plus en plus centralisé. Antoine-Aimé Dorion disait ceci: "Vu le changement complet. - nous sommes en 1867 - de la constitution de cette province, qu'un appel constitutionnel soit fait au peuple avant que ces résolutions ne soient soumises à la considération du Parlement impérial et qu'il en soit définitivement disposé." Comme vous le savez, M. le Président, le gouvernement impérial disposera de ce projet de confédération et le gouvernement ne devait jamais permettre au peuple, lui, de se prononcer. Il faut constater que l'histoire se répète encore, à l'exception que les libéraux ont, eux, renié leur passé.

M. le Président, je pense bien qu'une des questions que toute personne de bon sens, à la veille de l'ouverture de l'été qui aura lieu demain, se pose, c'est: Pourquoi cette précipitation ou cette préméditation à agir? Dans un cas comme dans l'autre, que ce soit de la précipitation ou de la préméditation, il faut constater que le résultat est le même et le résultat, M. le Président, c'est un effet de surprise malsain. Cet effet de surprise malsain, ce n'est pas seulement pour l'Opposition, mais aussi pour la population. Je me suis demandé sincèrement, M. le Président: Pourquoi le gouvernement risque-t-il de discréditer, en la bousculant, une entente à laquelle il croit et pourquoi a-t-il décidé de renoncer à faire partager l'honneur et l'enthousiasme qu'il dit ressentir par toute la population, y compris par la jeunesse et par le secteur étudiant du Québec, en faisant ce débat l'automne prochain? Pourquoi renoncer maintenant à faire partager cet enthousiasme en adoptant cette résolution en queue de poisson à la fin d'une session?

M. le Président, cette hâte est suspecte et elle ne l'est pas qu'à mes yeux. Elle l'est aux yeux de beaucoup de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui se sont demandé, hier matin, ce qui avait bien pu se passer pour justifier cette précipitation. Il faut, quand même, qu'il y ait une explication. Je dois dire que c'est d'autant plus suspect que le gouvernement prétend avoir enregistré une victoire. Alors, pourquoi renoncer à la célébrer dans l'honneur et de meilleures conditions au moment opportun? Comme si, après avoir commencé les négociations en lion, le gouvernement acceptait de les finir en mouton.

Les journaux ont rapporté, à la suite de la nuit d'Ottawa, que le chef du gouvernement avait déclaré, à sa sortie, être satisfait de cette entente et considérer que le Québec allait la signer dans l'honneur et l'émotion. Maintenant que la brume de cette nuit blanche est dissipée, on se rend, d'abord, compte que l'honneur, ce sera à voir dans trois ans, dépendamment des résultats que l'on ne connaît pas. Quant à l'émotion, le moins qu'on puisse dire, c'est que pour tout de suite elle fait assez cruellement défaut. Je dois vous dire que l'impression qu'on en a, c'est que l'émotion s'est transformée en crainte et en peur.

Dans ce procédé, pour moi, deux peurs dominent: la première peur, celle d'une mobilisation du Canada anglais pour obtenir des modifications à l'entente. Première peur

du gouvernement, peur qui tenaille le chef du gouvernement atteint du syndrome du non. La peur de dire non pour une troisième fois. Après Victoria en 1976, après le référendum en 1980, la peur de dire non encore une fois après des modifications qui lui seront réclamées par ses partenaires à la suite de leurs consultations. M. le Président, les députés ministériels qui sont intervenus depuis le début de ce débat ne se sont pas rendu compte qu'ils paient un tribut à leur chef atteint du syndrome du non.

La peur aussi, de l'autre côté, des modifications toujours, mais celles-là réclamées de plus en plus fortement par ses propres compatriotes du Québec. La peur d'une paix sociale troublée et la nécessité de faire vite pour essayer de mettre le Québec devant le fait accompli et obtenir une sorte de résignation tranquille. (16 heures)

M. le Président, la peur est mauvaise conseillère. Le chef du gouvernement me donne l'impression d'avoir peur de rester sur le carreau comme une vieille fiancée qui regrette d'avoir trop souvent dit non et qui est prête à dire oui à n'importe qui, même pour un moins bon parti. Ce qu'il faut constater, c'est que le prétendant se fait tirer l'oreille et que la fiancée commence à avoir la crainte d'être abandonnée et elle voudrait, d'une certaine façon, devancer la cérémonie. C'est l'explication de cette motion et de ce débat, à ce moment-ci: un chef de gouvernement atteint du syndrome du non, qui craint d'être en situation de le répéter une autre fois au nom du Québec.

Je dois vous dire que la corbeille de mariage est pas mal vide pour devancer la cérémonie. Et, à part ce que je considère comme une dot assez maigre de société distincte, qui réussit, de peine et de misère, à nous protéger contre la volonté de toutes les autres d'être traitées de la même façon, je dois constater qu'on tente de travestir le statu quo actuel en victoire. Au mieux, ce dont il s'agit au lac Meech, c'est de statu quo juridique et, au pire, c'est d'une sorte de glissement lent, mais continu et inexorable vers un gouvernement central de plus en plus centralisé et, vers un gouvernement de Québec de plus en plus local, avec l'interprétation lente, mais inexorable des tribunaux.

C'est, quand même, surprenant qu'on puisse considérer que c'est une victoire de ne pas perdre, qu'on gagne à ne pas reculer, surtout qu'il s'agit d'un statu quo juridique. Vous savez qu'en politique le statu quo n'existe pas. C'est essentiellement un rapport de forces, tout le monde le sait, on avance ou on recule. Il faut reconnaître que, présentement, on nous demande d'applaudir un statu quo juridique en matière d'immigration; mais déjà le Québec avait par entente un pouvoir de sélection et d'accueil qui, maintenant, vient de lui être constitutionnalisé. Il faudrait adopter l'attitude, selon le gouvernement, de remercier pour tout ce qu'ils ont réussi à ne pas nous faire perdre, en d'autres mots, pour tout ce que les autres ont été assez bons de nous laisser et qu'ils auraient pu, malgré tout, essayer de nous enlever. En définitive -c'est ce que répète inlassablement le chef du gouvernement - le principe directeur dans ces négociations, c'est qu'il ne faut surtout pas demander ce qu'ils ne veulent pas nous donner, de peur d'avoir l'air d'être d'éternels perdants. Il faut s'en tenir à ce qu'ils sont prêts à nous consentir pour nous donner les apparences d'être gagnants. C'est cela, la victoire du lac Meech.

Il faut, quand même, se rendre compte qu'on avait un premier ministre du Québec, sincèrement, je pense, fédéraliste convaincu, neuf premiers ministres provinciaux qui se considéraient comme repentants ou qui devaient, tout au moins, donner l'apparence de l'être, plus un premier ministre canadien ouvertement affiché comme réconciliant et qui, de toute façon, avait intérêt à l'être; alors, ces conditions exceptionnelles réunies, précédées, comme l'a signalé le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, par des pèlerinages discrets, mais non moins nombreux, sérieux et efficaces dans les capitales des autres provinces, l'ensemble de ces facteurs réunis donne le statu quo, comme si le Québec était allé au bout de ce qu'il pouvait obtenir quand, dans les circonstances actuelles, il a tant à revendiquer.

Le lac Meech restera, je pense, la démonstration de l'impossible renouvellement du fédéralisme. Les conditions que je viens de décrire ne se répéteront sans doute pas et je ne pense pas qu'il faille, pour autant, conclure que les négociateurs n'étaient pas bons. Moi, M. le Président, je dois vous dire que je commence à considérer, qu'au Québec, le fait de continuellement discréditer ceux qui vont négocier, comme si c'était leur faute de perdre plutôt que la faute de ceux qui refusent, personnellement, ce n'est pas une attitude que j'ai l'intention d'adopter. Je pense que discréditer, que déprécier les négociations, quelles qu'elles soient, que le Québec mène, cela n'a pas nécessairement comme effet de nous permettre d'en obtenir plus. Je dois constater, avec sincérité, que les conditions vont faire en sorte que quels que soient les négociateurs, aussi excellents puissent-ils être, ils seront toujours perdants. Comment imaginer gagner quand, dans la réalité de ce système de négociations, vous partez avec un numéro perdant?

M. le Président, je crois que le Québec va obtenir des pouvoirs additionnels. Dans ce sens, je vous prie de croire que, bien qu'indépendantiste, je suis toujours prête à applaudir à toute action, quelle qu'elle soit,

qui a comme effet d'ajouter aux pouvoirs du Québec, de lui permettre d'obtenir des instruments qui conviennent à ses responsabilités et qui conviennent aussi au défi qu'il a à remporter. Je dois vous dire que je pense sincèrement que le Québec ne va obtenir que s'il est prêt à prendre, même si cela lui est refusé. En dehors de ce contexte, le Québec joue perdant. La présentation de cette motion me laisse croire que même le gouvernement est en train de se faire servir cette médecine qui va certainement jouer en sa défaveur.

Alors, M. le Président, je pense que des problèmes réels, en termes de vision, existent. Je ne sais si j'ai encore l'occasion d'en donner quelques exemples. Ce sont là des façons tellement différentes. Je vais en citer deux en particulier. La première concerne la façon, pour les groupes de femmes au Canada anglais et au Québec, d'examiner toute cette question de partage des pouvoirs et d'attribution de responsabilités à l'égard de l'avancement du dossier des femmes. Cela a été assez intéressant et éloquent, d'une certaine façon, que les positions du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme soient rendues publiques le jour même où la Fédération des femmes du Québec rendait, elle aussi, ses positions publiques. Une lecture très rapide nous permet de constater une démonstration très simple. Ce sont là deux visions diamétralement opposées qui, inexorablement, entrent en collision.

Je vais simplement vous citer la position du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme qui, légitimement, dans sa vision du progrès de l'égalité des femmes au Canada, réclame du premier ministre canadien et je cite: "Nous nous réjouissons que vous ayez assurés à la Chambre des communes que l'accord ne limitera en rien le pouvoir de dépenser du fédéral, en droit et dans la pratique, et que le gouvernement verra à établir des normes applicables à tout programme provincial subventionné par l'État canadien. Le leadership fédéral, en ce domaine, ne pourra se manifester efficacement que si le gouvernement fédéral conserve, et cela sans équivoque, le pouvoir de mettre sur pied des programmes sociaux répondant à de solides objectifs nationaux et à des normes rigoureusement uniformes et si les compensations pour les provinces qui se dissocient sont accordées, à la condition qu'un programme provincial analogue et réellement équivalent soit en vigueur. (16 h 10)

C'est assez clair, M. le Président. C'est une position qui consiste à dire aux provinces: Harmonisez vos programmes avec les politiques définies par un gouvernement central. Les gouvernements des provinces deviennent des gouvernements locaux chargés d'administrer, avec quelques modifications, mais à peine, puisqu'il s'agit de programmes analogues et réellement équivalents, des grandes politiques nationales.

C'est la vision légitime du Conseil consultatif canadien, mais je n'ai pas besoin de vous le dire, diamétralement opposée, M. le Président, à celle de la Fédération des femmes du Québec qui, le même jour, faisant connaître sa position disait: II nous est plus facile de plaider à Québec pour des programmes sociaux adaptés aux besoins des femmes que ce ne l'est à Ottawa. S'il est vrai, ajoute la Fédération des femmes du Québec, que le mouvement féministe canadien met d'abord sa confiance dans le gouvernement fédéral pour améliorer le sort des femmes, le mouvement féministe québécois compte, pour sa part, bien davantage sur Québec pour assurer une plus grande égalité entre hommes et femmes.

Comment cela se traduit-il dans la réalité? Il est évident, M. le Président, que tout cela n'est pas qu'un débat d'historiens, de constitutionnalistes ou de savants juristes. Dans la réalité, cela se traduit par le fait que le Québec est actuellement, au moment où on se parle, malgré l'entente du lac Meech, malgré cette signature quasi inévitable, cette motion, plutôt, qui sera ratifiée inévitablement avec la majorité que détient le gouvernement dans cette Chambre... Mais cela se traduit comment aujourd'hui même? Par le fait que le Québec n'obtient pas sa juste part pour le financement des services de garde, parce que, contrairement au gouvernement fédéral, le Québec a opté pour financer également un service de garde en milieu scolaire que le gouvernement fédéral ne considère pas comme prioritaire.

Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président? Parlons-nous franchement. Cela veut dire qu'une société comme la nôtre, qui a quelques défis - n'est-ce pas? - à relever en Amérique du Nord: celui d'être dynamique, d'être une société française et une société gagnante... Ce défi suppose évidemment que l'on se relève aussi sur le plan démographique et, en conséquence, que l'on se donne des politiques sociales et des politiques familiales conséquentes avec les responsabilités particulières que l'on a.

M. le Président, qu'est-ce que cette motion, cette ratification va apporter de plus au Québec en cette matière? Rien. Je pense que ce qui est le plus grave dans cette entente du statu quo, c'est ce qui n'est pas dedans. L'insuffisance qui est quasiment considérée comme un plafond au Canada anglais, déjà mobilisé pour le modifier, cette insuffisance va peser lourdement, plus le temps va passer, sur la capacité du Québec de faire face, comme peuple, au défi de son propre avenir. C'est un , exemple, mais j'aimerais bien avoir l'occasion d'en apporter

plusieurs autres. Je pense, entre autres, à mes concitoyens de Hochelaga-Maisonneuve qui, souvent nombreux, sont venus me voir pour se plaindre en me disant: Comment se fait-il qu'à mon fils ou ma fille, à qui on offre des programmes d'employabilité, à qui on offre à 18, 19 ou 20 ans, d'être actifs dans notre société, la première condition qu'on leur fixe, c'est de s'inscrire au bien-être social? C'est d'obtenir leur bien-être, condition essentielle pour pouvoir, par la suite, faire quelque chose dans la vie: un retour aux études, des travaux communautaires, un stage dans une entreprise. Comment se fait-il que le premier geste qu'on propose à un jeune qui est sans emploi et qui a 18, 19 ou 20 ans, c'est d'obtenir son numéro de B5, avant de lui proposer de faire quelque chose?

M. le Président, je dois constater que cela fait partie des conditions édictées au Québec en regard du régime d'assistance publique du Canada qui ne finance sa quote-part de ses programmes que dans la mesure où il respecte ses propres critères et que les critères exigés ont été que ces programmes soient financés à l'intérieur du régime d'assistance publique et, donc, à l'intérieur des sommes versées en péréquation, notamment pour l'aide sociale.

M. le Président, les exemples pourraient se multiplier. Je pense terminer en invoquant un problème d'identité. Je pense qu'avant même d'examiner la question de notre société il faut d'abord aussi examiner cette question de notre propre identité. Nous devenons, nous, les Québécoises et les Québécois, dans cette entente, des Canadiens d'expression française.

Je me rappelle le débat de 1981 qui a eu lieu ici dans cette Chambre sur le rapatriement de la constitution. Je me rappelle que les représentants acadiens venus assister aux débats dans les galeries m'avaient dit, après trois jours de débats, que ce qu'ils comprenaient difficilement des Québécois, c'est que, contrairement à eux, les Acadiens, qui n'avaient jamais eu de problème d'identité, ayant toujours su qu'ils étaient Acadiens, même quand c'étaient les "Canayens" qui habitaient à 99 % le territoire du Canada, ils m'avaient dit: Nous constatons, nous, les Acadiens, ne pas avoir de problème d'identité, mais avoir un problème de territoire. Vous, les Québécois, vous n'avez pas de problème de territoire, mais, quelque part, il y a un problème d'identité que vous n'avez pas réglé en constatant que, dans cette Chambre, les uns après les autres, nous pouvons nous lever aussi légitimement en nous présentant comme Canadiens, comme Canadiens français ou comme Québécois.

M. le Président, pour nos concitoyens, que signifie l'identité québécoise profondément? Cela ne peut pas recouvrir que ceux d'entre nous qui sont d'origine canadienne-française. Les Québécois forment un peuple d'origines diverses, puisqu'il y a 100 façons d'être Québécois, qu'on peut l'être à la façon haïtienne, ou chilienne, ou vietnamienne, ou portugaise, ou indienne, ou anglaise, et c'est là une identité qui permet à beaucoup de gens de s'y référer. Il n'y a qu'une seule façon d'être Canadien français. On l'est de par ses origines, parce que ce n'est pas là une identité, c'est là l'appartenance à une minorité.

M. le Président, l'avenir du Québec passe par un choix d'identité. Je conclus en vous disant que, profondément, je pense que les peuples sans État, ce qui est le cas du peuple québécois, sont comme des brebis entourées de loups et que les États entre eux ont certainement les pouvoirs de les mettre au défi de survivre. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de La Peltrie.

M. Lawrence Cannon

M. Cannon: Merci, M. le Président. C'est avec une grande émotion que je prends la parole en cette Chambre et que je viens apporter mon témoignage d'appui à cette entente intervenue entre les premiers ministres du pays lors de la rencontre historique du 3 juin dernier.

Vous me permettrez de parler beaucoup plus d'abondance du coeur que d'analyser rigoureusement l'accord qui fait les délices des experts constitutionnalistes et, il faut l'avouer, de l'Opposition, qui refuse de voir dans cette entente la vision d'un pays généreux, accueillant et qui offre à tous ses citoyens un climat d'opportunités et de sérénité. Bien modestement, je m'associe à cette génération de Québécois et de Québécoises qui ont façonné, particulièrement depuis les 25 dernières années, cette nation francophone où l'entrepreneurship et la confiance en nos moyens cohabitent avec un réel souci de sauvegarder nos valeurs culturelles inédites et notre héritage multiethnique. (16 h 20)

J'ai en effet vécu, je l'avoue, avec un certain ravissement l'époque galvanisante où le premier ministre d'alors M. Jean Lesage a donné à nos jeunes Québécois et Québécoises d'alors les leviers nous autorisant au plus grand espoir quant à notre formation et nos ambitions professionnelles. J'ai vécu aussi malheureusement cette époque de déchirement de l'époque référendaire au cours de laquelle l'actuel parti d'Opposition a littéralement manipulé les âmes et les coeurs des citoyens pour tenter de les conduire dans un projet de société égoïste, myope et illusoire.

Mon engagement dans le défi politique, il y a trois ans, provenait de ce goût de venir au coeur de l'action terminer la mission que s'est traditionnellement fixée le Parti libéral du Québec, soit celle d'assurer à nos concitoyens la prospérité, l'équité dans une société ouverte et consciente de son immense potentiel. Ma fierté d'aujourd'hui, M. le Président, d'être membre du gouvernement de M. Robert Bourassa est telle que c'est avec enthousiasme, sérénité et espoir que je célébrerai dans quelques jours notre fête nationale, qui cette année aura une grande connotation de liberté et de fraternité. L'histoire, j'en suis persuadé, jugera l'actuel gouvernement, l'actuel premier ministre et par extension notre formation politique comme celui et celle qui auront pu donner au Québec sa véritable dimension de société distincte et d'un pays régi par une constitution moderne et adaptée.

La persévérance du premier ministre du Québec, la compétence du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes auront permis, j'en suis profondément convaincu, d'éliminer ce sentiment d'oppression et de devoir public mal accompli qui était nôtre depuis une certaine nuit de 1982. L'impression qui est mienne aujourd'hui, en prenant la parole devant cette Assemblée, est d'émerger d'une longue nuit où se sont agités les fantômes constitutionnels. On se souviendra que l'expremier ministre du Canada, M. Pierre-Elliott Trudeau parlait jadis du dossier constitutionnel comme d'un panier de crabes. Plus près de nous, un auteur bien connu de l'Opposition, M. Pierre Vallières, en parlant de M. Trudeau et de René Lévesque, les traitait de scorpions associés à ce sujet.

C'est sans doute cette nostalgie du temps passé, cette étouffante association que cherche aujourd'hui désespérément à perpétuer l'actuelle Opposition dans sa dialectique archaïque. Encore ici, M. le Président, l'histoire jugera sévèrement ces supposés leaders qui ont littéralement étouffé la conclusion du dossier constitutionnel et ce, pendant de trop nombreuses années. Je constate d'ailleurs avec regret qu'un des axes privilégiés du chef de l'Opposition est de tenter de semer le doute quant au mandat de l'actuel gouvernement, reçu en décembre 1985, quant au règlement du dossier constitutionnel. Puis-je lui rappeler qu'un remarquable texte émanant du Parti libéral en février 1985, et intitulé Maîtriser l'avenir déterminait avec précision les conditions d'un arrangement constitutionnel qui autorisaient l'adhésion du Québec dans l'honneur et la dignité.

Je suis persuadé qu'une lecture sérieuse de ce document constituerait une source d'inspiration permettant au chef de l'Opposition d'éliminer l'impressionnante ambiguïté du paradoxe d'affirmation nationale et d'État souverain que son leadership chancelant n'aura pas pu éliminer encore tout récemment. Il est bien évident, M. le Président, que la constitution ne constituera jamais un "best seller", pas plus que nous verrons des files de citoyens se précipiter au comptoir pour se procurer le texte de l'accord du 3 juin dernier. J'irai même jusqu'à dire que je partage l'opinion de ceux et de celles qui n'ont pas constaté de changement majeur dans le mode de vie après le 3 juin dernier.

Comme l'affirme la réclame télévisée, "Ça change pas le monde, sauf que...". Ce "sauf que", je le puiserai dans mon expérience d'adjoint parlementaire au ministre du Développement technologique et du Commerce extérieur pour témoigner que cette clarification du rôle du Québec au sein de la fédération canadienne est de nature à lui procurer des avantages stratégiques à court et à moyen terme, puisque nos efforts au plan économique pourront dorénavant s'appuyer sur des textes précis.

Ces textes précis viennent authentifier et confirmer l'existence d'un pays uni avec ses particularismes distinctifs, riches et attrayants. Il suffit d'avoir accompli quelques missions auprès de nos partenaires commerciaux actuels ou potentiels pour constater que l'ambiguïté de notre situation constitutionnelle soulevait certaines interrogations chez nos interlocuteurs. Ces interrogations, je le concède, n'ont jamais été vitales, mais elles manifestaient, néanmoins, un certain agacement qui a pu, en quelque circonstance, être interprété comme un manque de maturité de la part de nos dirigeants politiques.

Le monde des affaires québécois doit également inspirer le ton de nos délibérations. Il est probablement utile de nous poser sincèrement la question suivante: Dans quel état lamentable serait aujourd'hui l'économie québécoise si nos gens d'affaires avaient autant tergiversé, tout au long des années, que, nous, élus de la population, l'avons malheureusement fait? Nos collègues d'en face peuvent en témoigner avec une éloquence exemplaire, puisque pendant de trop nombreux mois, ils ont donné le triste spectacle d'une souveraineté-association avec ou sans trait d'union, d'un lamentable "Renérendum" et, plus récemment, d'un Québec souverain dans l'affirmation nationale ou, serait-ce, plutôt, l'affirmation nationale pour un Québec souverain? Devant un comportement qui frôlait le ridicule, en de multiples circonstances, la saine réaction de la communauté d'affaires québécoise a été d'isoler carrément dans leur verbiage ces gens politiques coupés de la vraie réalité, de la productivité, de la compétition dans l'arène internationale.

L'occasion nous est donnée, pendant ces

heures qui permettront enfin la conclusion de l'épopée constitutionnelle, de procéder, chacun de nous, à une réflexion sincère, à savoir si cette Assemblée du peuple a toujours su avec discernement et générosité placer les intérêts supérieurs de la nation québécoise au-dessus des égoïsmes partisans et de la myopie collective.

Dans quelques heures, nous tous, membres de cette Assemblée nationale, aurons l'occasion de nous tenir fièrement debout et d'affirmer par notre vote le respect que nous nourrissons à l'égard de nos concitoyens et concitoyennes. Un vote pour la résolution formulée le 3 juin dernier voudra dire: Québécois et Québécoises, oui, vos élus ont travaillé avec sérieux, célérité et compétence. Aujourd'hui, ils vous offrent avec satisfaction un pays juridiquement complet et une constitution qui protégera pendant des générations votre identité distinctive, votre langue, votre culture et qui, plus est, facilitera la gestion de la chose publique grâce à des mécanismes d'accommodement s'appliquant selon les voeux des communautés régionales. Le véritable enjeu du vote que nous aurons à prendre dans quelques heures sera de sécuriser l'ensemble de notre jeunesse, la garde montante, en lui disant: Voilà, nous avons bien travaillé, nous vous cédons un pays qui est né dans la sollicitude, que nous avons réussi à bonifier et qui vous offrira, dans l'avenir, toutes les possibilités de vous épanouir, de vous réaliser pleinement dans l'harmonie, la compréhension, l'acceptation des différences. Voilà la véritable signification de notre vote. (16 h 30)

II est des moments privilégiés dans l'évolution d'un peuple et le débat que nous vivons pendant ces heures me semble procéder de ces rendez-vous assez uniques, non seulement pour notre société mais particulièrement pour nous, parlementaires. En jetant ces quelques idées sur papier, j'ai tenté, à l'instar de nombre de nos concitoyens, de situer dans une perspective élargie ce petit rôle que, personnellement, j'aurais pu jouer dans l'évolution de ce pays qui est le nôtre. Comment un Canadien de vieille souche irlandaise aurait-il pu transmettre à ses descendants ce qu'il a reçu en héritage culturel et qu'il aura réussi à bonifier? La réponse m'est vite apparue évidente, et c'est un pays en ordre constitutionnellement qui peut, sans aucun doute, constituer l'héritage le plus précieux et probablement, M. le Président, le plus palpable à l'usage.

Toute oeuvre conçue et réalisée par le génie humain présente inévitablement certains points plus faibles ou certaines zones imprécises. Le projet d'accord constitutionnel signé le 3 juin n'échappe probablement pas à cette règle immuable, et l'Opposition s'est chargée, avec un acharnement qui frisait parfois la rage, de les gonfler d'une manière exagérée. On a même entendu des enflures verbales telles que "le monstre du lac Meech", "vendre à rabais la maison" et autres exagérations de ce genre. C'était, à mon sens - et cela le demeure -une injustice à l'intelligence de nos concitoyens et nos concitoyennes et de la politicaillerie de bas étage qui sont loin de générer une attitude de respect pour l'institution dans laquelle nous oeuvrons. Qu'il me soit permis, M. le Président, d'espérer que la décantation de l'histoire effacera ces propos malheureux et inopportuns. Nous nous retrouverons véritablement dans un temps nouveau où l'acrimonie et la morosité n'auront plus leur raison d'être.

Cette intervention, M. le Président, en terminant, vous l'aurez constaté, ne vient pas placer les points sur les "i" ni les barres sur les "t". Elle se voulait d'abord et avant tout un témoignage authentique d'un Québécois tout aussi authentique qui a la nette impression de vivre un moment exceptionnel et qui est en train de travailler à façonner l'histoire. La majorité de nos ancêtres étaient des marins à la découverte d'un nouveau monde, M. le Président. Ils sont arrivés à bon port et les générations qui nous succéderont partiront à nouveau à la conquête de l'univers. Leur mère patrie demeurera toutefois le Canada et le Québec et elles se rappelleront qu'en 1987, dans l'honneur et dans la dignité, un pays réel a vu le jour.

Dans cinq jours, lorsque nous célébrerons la fête nationale, il m'apparaît clairement que nous aurons une motivation renouvelée pour afficher notre fierté et notre appartenance. J'irai même jusqu'à prédire que "Gens du pays" reflétera une réalité nouvelle, une réalité de conciliation et non plus d'affrontement comme nous l'avions malheureusement vécu ad nauseam pendant plusieurs années. À la fierté d'appartenir à un gouvernement qui aura su, avec maturité, sortir le Québec d'un cul-de-sac constitutionnel, permettez-moi, M. le Président, de rendre hommage aux Québécois et aux Québécoises qui ont su, tout au long de ces négociations, faire confiance à notre premier ministre ainsi qu'à toute son équipe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, mes premiers mots seront d'abord pour vous dire que ce n'est pas avec beaucoup d'émotion que je vais intervenir en cette Chambre sur le débat qu'on a à faire concernant

l'éventuel accord du lac Meech. C'est plutôt avec déception, dépit, une certaine rage au coeur et même beaucoup d'amertume. Je veux cependant prendre quelques minutes pour expliquer mes sentiments à ce moment-ci.

C'est beaucoup plus d'abord parce que le moment pour discuter d'une question fondamentale - il est exact, je le reconnais, que la question est fondamentale, elle est importante - est mal choisi, inopportun, inapproprié. Il faut vraiment avoir affaire à un gouvernement qui n'a aucun sens de la démocratie, qui est complètement irresponsable devant l'électorat québécois, pour avoir le culot d'amener à ce moment-ci une motion de cette importance, selon les perroquets qui se répètent de l'autre côté en disant que c'est majeur, c'est important et que ce serait donc important pour le Québec de se canadianiser. Évidemment, ça, ce n'est pas notre point de vue, mais au moins ce sont des points de vue qui se respectent. Si, à tout le moins, on avait affaire à un premier ministre qui a un peu le respect du Parlement et de la démocratie, il y a une chose qui est sûre, M. le Président, on aurait respecté le parlementarisme, on aurait respecté les parlementaires et on aurait attendu à l'automne pour prendre le temps de regarder ça, prendre le temps de discuter ça. Cela aurait été beaucoup plus respectueux du parlementarisme et des fins de session. Nous sommes dans une fin de session vide de contenu, vide de projets de loi où, depuis des semaines, les parlementaires s'ennuient, bayent aux corneilles.

L'entente est ratifiée depuis le 3 juin. Le premier ministre ne veut rien savoir d'amener ça en Chambre pour s'acquitter de sa responsabilité avant les deux derniers jours de la session où, manifestement, tout le monde parlait d'un seul sujet il y a quelques jours: Oui, on va être en mesure de fermer la session jeudi soir ou vendredi. Je peux même vous dire, M. le Président, que probablement que je ne parlerais même pas et que personne d'entre nous ne parlerait à ce moment-ci si on avait respecté le rythme de la session, si on avait respecté ce qui était prévu. Pourquoi a-t-il attendu les derniers jours de la session si c'est si majeur, si important, si essentiel de se couler et si ces gens-là pensent qu'ils n'ont pas peur des réactions du bassin québécois?

Donc, il est évident que c'est inopportun, inapproprié et ce n'est pas seulement celui qui vous parle qui pense ça. Qu'est-ce que la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit à son article 39? "La proclamation visée au paragraphe 38 (1) ne peut être prise que dans les trois ans suivant l'adoption de la résolution à l'origine de la procédure de modification..." Le paragraphe 38 est celui qui prévoit la mécanique parallèle d'adoption d'un amendement constitutionnel par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et des Assemblées législatives des provinces. On a donc prévu un délai de trois ans. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'y a pas le feu dans la baraque, il n'y a pas le feu dans la cabane. Et, si on avait un peu le sens des responsabilités, du parlementarisme, de la démocratie, ce n'est pas vrai que nous serions en train de débattre d'une telle résolution.

Pourquoi le Québec irait-il s'étirer le cou alors que seulement deux provinces sur les neuf autres qui restent ont daigné déposer leur résolution et qu'aucune de celles qui ont été déposées n'est présentement à l'étude? Pourquoi même, à la limite, aller partir le chronomètre des trois ans en adoptant une résolution sans bien mesurer les avantages ou les inconvénients pour le Québec? Cette précipitation soudaine est complètement contradictoire - mais ce n'est pas la première fois - avec les propos du premier ministre au lendemain du 3 juin qui, alors, était très prudent et n'avait pas du tout l'air d'être pressé. Mais ce n'est pas la première fois qu'on se fait... - je n'ai pas le droit d'employer l'expression - mais qu'à tout le moins on trompe cette Chambre, on trompe les parlementaires.

La vice-première ministre, dans son discours d'ouverture - on est toujours sur ce même discours d'ouverture - mentionnait: Nous, on va être un gouvernement d'ouverture, on va être un gouvernement attentif, respectueux de la démocratie. Ils l'ont bafouée littéralement et on en a encore une preuve aujourd'hui. Alors que le premier ministre disait, le 4 juin: Pas question de bousculer les parlementaires avec cette résolution. Pas question de bousculer les Québécois et les Québécoises avec cette résolution, il arrive tout le contraire de ce qui a été mentionné. Il y a à peine deux ou trois jours, il n'était même pas question de débattre ce que nous débattons. Est-ce parce qu'on a reçu un avertissement, un avis préalable? Pensez-vous que si c'est si majeur, si important... Le minimum de convenance parlementaire aurait au moins exigé que nous puissions apporter cette résolution, non pas dans une fin de session, mais à une reprise de session, calmement, et prendre le temps d'en parler. On a trois ans pour s'en rendre compte, M. le Président.

Pourquoi un tel empressement à procéder alors que plusieurs gouvernements, dont le fédéral et celui de l'Ontario, ont annoncé leur intention de procéder à des consultations, uniquement au cours des prochains mois, qui pourraient déboucher sur des amendements majeurs? C'est tellement ridicule que je m'arrête là sur l'opportun. C'est tellement ridicule que ça signifie que, possiblement, dans ma circonscription, ainsi que dans celle de bien de mes collègues, on

verra des autorités du gouvernement fédéral venir consulter les Québécois sur l'accord du lac Meech, alors qu'il me semble que cela aurait été bien plus respectueux, comme parlementaires, que ce soit nous, comme élus. Moi, en Abitibi-Ouest... Celui qu'on a élu, c'est celui qui vous parle, pour représenter les intérêts de cette population. (16 h 40)

J'aurais aimé prendre le mois de septembre et le mois d'octobre pour aller vérifier mes prétentions, à savoir que c'est un accord qui ne satisfait pas les intérêts des Québécois et des Québécoises. Je suis assez honnête pour le dire. J'aurais aimé aller vérifier mes prétentions, parce que chacun et chacune d'entre nous doivent vivre avec nos prétentions. J'ai la prétention que cet accord ne sert pas du tout les intérêts des Québécois et des Québécoises. Mais cela aurait été beaucoup plus respectueux de la démocratie de me permettre d'aller vérifier avec les gens, plutôt que de se faire bousculer dans une fin de session, pendant deux ou trois jours, sous prétexte qu'on nous donne 35 heures pour pérorer, alors qu'on assiste à des discours complètement vides, insignifiants où des gens, avant même de parler, nous disent "nous sommes optimistes -comme le député de Sainte-Anne - positifs".

J'ai l'impression qu'ils sont bien plus minimalistes, mais probablement qu'il ne sait pas ce que cela veut dire. Ils sont bien plus minimalistes. Nous, ce que nous voulons, c'est le seuil, le moins possible au Québec, un petit Québec rapetissé, provincial, sans pouvoirs réels, à vendre - on s'en est rendu compte depuis un an et demi avec ce gouvernement, un Québec à vendre par la privatisation, tout ce qui allait bien, on le vend - pour qu'il soit le plus petit possible, qu'il ressemble le plus possible à une petite province. Une petite province, cela ne nous intéresse pas, parce que, ce qui s'est passé, le 20 mai 1980, ce n'est pas un mal de ventre. Le 20 mai 1980, quand il y a eu la question référendaire et qu'on a consulté les Québécois, si on ne s'était pas fait tromper encore une fois par des spécialistes de la peur et de la tromperie, genre celui qui a essayé encore de nous monter un "show", comme l'ancien premier ministre canadien -mais là, cela n'a pas poigné parce qu'on commence à le connaître - il y a une grosse chance que les Québécois auraient compris que la demande qu'on leur faisait était beaucoup plus respectueuse de ce que nous sommes, sur une base historique: un peuple distinct, une communauté distincte avec des particularités linguistiques, culturelles, économiques et éducatives. On ne ressemble en rien à ce beau Canada "coast to coast", de Vancouver à aller dans l'Est, dans l'Ontario, dans les provinces maritimes et au Québec.

Tout ce qu'on discute est artificiel, parce qu'on discute l'entente d'un pays artificiel, qu'on essaie de maintenir artificiellement, qui boite, qui fonctionne cahin-caha depuis des années. Je voulais juste, au moins, vous signaler dans mes premières minutes, avant d'en venir au fond, qu'il faut vraiment être rendu passablement irrespectueux de la démocratie et d'un Parlement pour faire accroire que c'est opportun, à ce moment-ci, de discuter de quelque chose que ces gens-là vont essayer de nous faire accroire que c'est majeur! Imaginez, M. le Président, "je parle avec profonde émotion", comme on a entendu, il y a quelques minutes, le député de La Peltrie nous le dire et qui nous lisait un texte préparé d'avance; alors c'était censé être son coeur qui parlait. Ces gens-là vont nous faire accroire qu'ils parlent avec émotion. Ce n'est pas de cela qu'ils parlent dans les corridors car ils nous disent "cela n'a pas de bon sens d'apporter cela à ce moment-ci". Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? On se l'est fait imposer tout comme vous. Pas assez...

Une voix: ...

M. Gendron: Écoutez, je l'ai entendu, je l'entends partout et j'ai le droit de le répéter parce que je pense que... C'est moi qui ai droit de parole, M. le Président. J'ai entendu cela partout: "Bien non, cela n'a pas de bon sens", parce que dès que quelqu'un a une once de jugement, il est obligé d'admettre que cela n'a pas de bon sens de discuter de cette question à ce moment-ci. Même, je pourrais citer une multitude d'exemples. Un journaliste, hier ou avant-hier, faisait un bulletin de nouvelles et il disait la même chose. Il disait ceci: "Le gouvernement québécois devient le quatrième du pays à partir le débat sur le lac Meech. Dès demain, l'Assemblée nationale sera appelée à débattre et à adopter une motion pour entériner cet accord. Le gouvernement veut ainsi passer un message clair aux autres gouvernements. Québec est satisfait de l'entente signée à Ottawa - ce n'est pas vrai, c'est le Parti libéral - et n'a aucunement l'intention d'accepter - écoutez bien cela - que leurs partenaires - parce qu'on parlait du partenariat, Canada d'ouverture, l'hypocrisie en grande quantité industrielle -les négociations sur la base d'amendements qu'ils pourraient soumettre." Je répète: "...le Québec n'a aucunement l'intention d'accepter que leurs partenaires veuillent prendre les négociations sur la base d'amendements qu'ils pourraient soumettre." Ils ont peur, effectivement, que le reste du Canada anglais - puisqu'eux, règle qénérale, parlent avec fair-play, franchise et ils l'ont fait récemment... C'est drôle tous les anglophones nous disent que cela ne vaut pas cinq cents. Tous les anglophones disent qu'ils n'ont

jamais vu cela. Jamais, de mémoire récente, le Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature de l'accord constitutionnel. Je comprends que cela presse. Je comprends que le feu est pris dans la cabane, d'après ces gens-là. Mais est-ce que c'est respecter la démocratie? Est-ce que c'est respecter l'évolution des pensées sur une question importante comme cela?

Au lieu d'entendre pendant 16 heures, 17 heures ou 30 heures mon opinion et celle de mes collègues et, inversement pour les gens d'en face, pensez-vous que ce ne serait pas plus intelligent d'aller vérifier, à nouveau, pourquoi il y a eu autant d'intervenants qui sont venus en commission parlementaire, des spécialistes sur ces questions, comme on dit. Ils sont venus nous dire qu'il y avait d'immenses trous qui ne sont toujours pas comblés et, en particulier, vos experts nous l'ont dit.

Je ne referai pas la commission parlementaire. Quand Léon Dion vient vous dire -vous l'écoutez quand cela fait votre affaire -ce n'est pas parce qu'il y aura la référence à la société distincte... Si vous laissez cette notion entre les mains d'un juge au plan de l'interprétation, ce n'est pas sécurisant pour les Québécois et les Québécoises par rapport à ce que nous sommes. Moi, cela m'intéresserait d'interroger à nouveau Léon Dion à la suite du supposé accord. M. Bourassa, premier ministre du Québec dit: Oui, je vais m'occuper de cela. Faites-moi confiance. Je vais aller renégocier l'accord et quand je vais revenir cela va être beau et parfait. Il n'y aura plus de trous.

Il y en a plus qu'avant! Ce n'est pas parce qu'il y a une clause que je commenterai pendant quelques secondes tantôt... Tous les spécialistes nous disent qu'elle n'offre pas la sécurité que nous étions en droit d'attendre. Donc, M. le Président, le premier point c'est: Est-ce que c'était opportun de commencer le débat? Non. Le deuxième point: Que cache ce gouvernement? C'est simple. Sa stratégie est très claire. J'espère que tout le monde l'a vu, sa stratégie est très claire. Il ne veut pas laisser le temps passer. Quand on est fier d'une chose et qu'on est convaincu que ce que l'on a à offrir est valable, est discutable, on ne fonctionne pas comme vous êtes en train de faire, en imposant un tel fonctionnement: À la vapeur, rapidement, 35 heures d'affilées en suspendant les règles.

Imaginez, on suspend les règles de procédure et on procède comme si la terre arrêtait de tourner et que, demain matin, il fallait donner notre accord alors qu'on a trois ans pour régler l'affaire, parce que justement c'est une question importante et majeure. Ce qui se cache sous cela c'est ceci: Le gouvernement ne veut pas laisser le temps à la population de s'intéresser à la question, de bien saisir les enjeux. Il veut faire vite, rapidement, de façon précipitée, pour faire en sorte que, dans quelques jours, tout soit réglé, qu'on soit comme on l'a entendu. On va aller fêter bien plus la confédération, cependant, pour ces gens que la Saint-Jean-Baptise ou la fête de la Saint-Jean, la fête nationale du Québec. C'est plus cela qu'on va aller fêter. Là, dans l'atmosphère de l'été, des vacances estivales, des fêtes, cela ne risque pas de se soulever. Cela risque de se calmer parce que, en règle générale au Québec, juillet, c'est tranquille. Il ne se passe pas grand'chose en ce qui en trait aux grands débats de société. Au mois d'août, cela commence à bouger, un peu. Mais la bêtise sera consommée et ces gens auront l'impression d'avoir fait un grand débat démocratique. La résolution sera probablement rendue, ailleurs au Canada, dans les autres provinces. Ces gens commenceront à pérorer en octobre, en novembre mais après avoir reçu l'indication du corridor québécois fixé après avoir baliser le sens dans lequel devait se faire tout ce débat.

Le premier ministre du Québec disait, en 1977 - cela doit faire 50 fois qu'il change d'idée, mais en tout cas! - en répondant à la question sur la constitution à l'occasion d'une entrevue: Malheureusement - disait-il, c'est toujours Bourassa 1 qui parlait, mais Bourassa II devrait avoir au moins, de temps en temps, les mêmes références - l'intérêt pour les questions constitutionnelles au sein de la population du Québec n'a jamais été grand. C'est dû, je crois au caractère technique des débats, mais il reste que ces choses ont des conséquences sérieuses et ont des conséquences majeures. J'ai fait mon élection du 15 novembre sur cela. Voici ce qu'il ajoutait: Cela n'a pas suscité beaucoup d'intérêt auprès de la population.

Il n'a pas répété l'erreur en décembre, même si, encore là, on a entendu plusieurs perroquets dire: Nous, on sait où est-ce qu'on s'en va! On a le mandat de faire cela. C'est faux, c'est mensonger auprès de la population et c'est de continuer à la tromper, parce que ce n'est pas vrai que, lors de la dernière élection, la question constitutionnelle était au coeur de l'élection. C'est tellement vrai qu'elle n'était pas au coeur de l'élection que, M. Bourassa lui-même disait, à la suite de l'élection du 15 novembre sur cela: Cela ne crée pas d'intérêt dans la population. Donc, on ne peut pas faire de débat avec cela dans la population puisque cela ne l'intéresse pas comme je le souhaite. II ajoutait en parlant de la constitution: Pourtant c'est le problème qui mène à tous les autres. "La constitution représente notre façon de vivre - c'est M. Bourassa qui parle, je suis en train de le citer - je sais qu'il n'a jamais été facile pour les hommes politiques de faire des

débats sur les questions constitutionnelles parce qu'il faut expliquer ce lien fondamental entre la constitution et le vécu des citoyens." (16 h 50)

II me semble, M. le Président, que c'est on ne peut plus clair: toute la stratégie de ce gouvernement est basée sur une fausse urgence, est basée sur l'incapacité de faire face calmement à la population et de prendre le temps de regarder cela. Quand on est obligé de se faire dire par des gens qui ne sont pas des constitutionnalistes, mais qui ont quand même un sens pratique commun, et j'espère que le public... Je suis sûr que le public va comprendre, ce sont mes amis d'en face qui m'inquiètent. Quand M. Louis Laberge est venu dire en commission parlementaire ceci - c'est un exemple, c'est la même chose pour M. Gérald Larose - je reviendrai sur M. Louis Laberge. M. Gérald Larose disait ceci: Au Québec, celui qui veut acheter une "minoune" est mieux protégé par notre législation en matière de protection du consommateur qu'un peuple qui veut signer un accord constitutionnel, en termes de délai. La mise sur pied de la politique forestière a pris deux ans; l'avenir d'un peuple, on veut le jouer dans deux semaines et là, on veut le rejouer dans deux jours. L'avenir du peuple québécois, on veut rejouer cela dans deux jours, mais ce n'est pas important, c'est secondaire, ces gens-là ont la vérité, on se l'est fait dire tantôt: Mon collègue, le député d'Abitibi-Est commençait son discours en disant: Nous, du Parti libéral, on sait ce qu'on veut. On a la vérité, c'est clair, on sait ce qu'on veut. Je le sais.

Des voix: Bravo!

M. Gendron: Je vous l'ai dit et on le sait, ce que vous voulez: un Québec provincial, faible, sans moyen, petit, rapetissé, à vendre où il y aura de moins en moins d'outils, de capacité de répondre aux besoins fondamentaux. Je reviens sur la politique du développement régional. Le député d'Abitibi-Est, ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones, disait: Là, je suis content, parce que, enfin, pour ce qui est du développement régional, tout cela va être balisé à l'intérieur de la constitution. Quel grand mot qui ne veut rien dire! Alors que vous savez bien, M. le Président, qu'il n'y a strictement rien de changé, la seule différence, c'est que c'est pire, parce que là on aura constitutionnalisé le pouvoir de dépenser dans toutes les juridictions, dans toutes les régions du Québec, dans tous les domaines.

Dorénavant, si le gouvernement fédéral veut indiquer à la population d'Abitibi-Ouest ou d'Abitibi-Est, de Saguenay—Lac-Saint-Jean, de la Gaspésie, qu'il serait peut-être plus important de privilégier tel créneau de dépenses dans des choses qui ne les regardent pas du tout, il pourra le faire, mais cette fois-ci, avec la permission, l'autorisation de ces supposés positifs, de ces supposés optimistes qui ont tellement peu demandé que, justement, ils sont revenus ici et ils ont dit: Sacré monde! Cela a marché, on n'a rien demandé! Un peu comme disait ma collègue de Maisonneuve: Peut-on fêter quelque chose quand on n'a pas perdu tout court?

Tout ce qui vous est arrivé, c'est que vous n'avez rien perdu, mais vous n'avez rien gagné et vous voulez régler l'affaire dans deux jours, dans deux jours, vous empresser de fermer le couvercle sous prétexte que le débat est terminé. Ces brillants délégués, ces brillants représentants du Québec sont allés négocier un accord et, en une nuit à peine, reviennent au Québec et là, ils auraient gagné les pouvoirs historiques des derniers premiers ministres. Au contraire, toute la base historique des pouvoirs fondamentaux sur lesquels les premiers ministres des provinces se sont battus, vous n'avez absolument rien obtenu là-dessus, absolument rien! Rien de changé.

Je voudrais parler justement pendant quelques minutes de deux éléments. Parce que, moi, me faire parler du droit de veto et me faire dire qu'on va pouvoir nommer les juges à la Cour suprême... D'abord, c'était comme cela, les amis, alors, cela n'a rien changé, la différence, c'est qu'il va y avoir une liste et avant cela, il n'y en avait pas. Mais faire nommer des juges pour que, constamment, on se fasse défaire nos affaires, je ne trouve pas que j'ai gagné grand-chose. J'entendais mon collègue, le député de Laviolette, qui parlait effectivement d'un aspect qu'il me paraît connaître, tout le volet éducatif, concernant l'incapacité de faire les adaptations requises au niveau de la législation scolaire. J'ai été ministre de l'Éducation pendant un an, M. le Président, et je peux vous dire que, pendant un an, j'ai été presque constamment empêché de fonctionner comme ministre de l'Éducation, un an incapable d'être un vrai ministre de l'Éducation pour un Québec fort parce que chaque fois qu'on a voulu adapter les lois éducatives à la réalité du Québec, on s'est fait débouter par des cours, on s'est fait débouter à cause d'un article qui s'appelle l'article 93 de la vieille constitution canadienne qui n'a aucune espèce de signification pour ce que nous sommes, qui ne correspond pas du tout au peuple québécois. Déboutés dans la loi 3, déboutés dans la loi 19, déboutés dans la loi 24, et je m'arrête là. Toutes nos lois éducatives, pendant un an, ont été suspendues parce que la Cour suprême a décidé, contrairement à ce que vous pensez et contrairement à vos affirmations gratuites, que dans un domaine où la constitution prétend que le Québec a

pleine et entière juridiction, c'est vrai, à la condition qu'on soit subordonné à la constitution canadienne.

Si vous étiez effectivement aussi positifs, aussi optimistes et que vous sachiez vraiment ce que vous voulez, il me semble que ce serait au moins important de convenir que, pour ce qui est des matières éducatives, que, pour ce qui est des questions linguistiques, il devrait y avoir un Parlement pour un peuple, pour une communauté distincte, et ce serait vrai, ce ne serait pas un discours. Quand il y a un peuple, un Parlement qui fait des lois en éducation et qu'elles ne sont pas défaites par la Cour suprême et par la constitution, même chose dans le domaine linguistique, là, vous auriez un peu de crédibilité, vous auriez une once de crédibilité pour faire accroire qu'enfin le Canada nous a reconnus comme société distincte. Ce n'est pas cela qu'il a fait. Il a écrit une phrase là-dessus parce que la phrase antérieure avait réglé notre cas en disant que, dorénavant, on fera partie d'un Canada bilingue, d'un Canada artificiel, d'un Canada qui ne répond pas du tout à nos aspirations, mais la phrase est là.

Oui, c'est vrai qu'il y a une phrase qui parle du caractère distinct du Québec, mais on ne l'a jamais défini. C'est une clause qui sera constamment interprétée par des juristes, qui sera constamment interprétée à la lumière du cadre dans lequel on aura voulu fonctionner, c'est-à-dire à l'intérieur du giron canadien, sous le titre "caractère distinct du Québec". Par une clause qui est censée servir ultérieurement à l'interprétation de la constitution, on reconnaît de façon spécifique l'existence de la dualité linguistique du Canada. Reconnaître fondamentalement l'existence de la dualité linguistique du Canada, d'abord, c'est une erreur de fait, mais, en plus d'être une erreur de fait, c'est complètement l'inverse de ce qui a été revendiqué dans les 50 dernières années pour le Québec.

Lorsque vient le moment d'être plus précis dans la définition du caractère distinct de la société québécoise, on ne dit rien, pas un traître mot. Le silence total, à peu près comme ces représentants forts numériquement, 99, mais combien faibles! Ils ont exactement les mêmes droits de parole que nous. Après cinq minutes, pour des gens qui sont fiers, ils sont essoufflés, ils n'ont rien à dire. Après dix minutes au maximum, ils "s'effoirent". Ils n'ont plus un mot à dire. Ils n'ont plus un mot à dire et ils sont censés parler de quelque chose d'extraordinaire. Enfin, le Québec rejoint le giron canadien! C'est beau! On devrait faire sonner les cloches parce que c'est tellement sain, beau et bon pour le Québec. Nous rejoignons nos compagnons canadiens et on est effectivement fondus dans l'entité canadienne. Ils prennent six minutes, sept minutes, quelques- uns ont fait dix minutés, et ils n'ont plus rien à dire pour vanter ses beaux mérites, alors qu'ils ont exactement le même droit de parole que nous. C'est du temps partagé pour le débat de 35 heures.

Je reviens sur le titre du caractère distinct. Il devient clair, M. le Président, que ce seront toujours les tribunaux, et, ultimement, la Cour suprême du Canada, qui définiront sur cet arrière-plan ce qui est spécifiquement québécois et en particulier les politiques linguistiques du Québec. De plus, le projet du lac Meech oublie tous les pouvoirs spécifiques autres, notamment la culture, les relations internationales, le développement régional et tous les éléments d'une communauté, d'un peuple qui aurait marqué notre spécificité, qui aurait marqué notre distinction, qui aurait marqué en quoi effectivement le Québec se distingue.

Dans le projet, on est tellement distincts, M. le Président, qu'on va ressembler exactement à tous les autres. C'est un des problèmes majeurs du lac Meech. Il n'y a absolument rien là-dedans qu'on n'a pas donné à l'ensemble des autres provinces, sauf une affaire: on a écrit le bout de phrase "caractère distinct", interprété par des juges qui seront de bonne foi. Je suis convaincu que ces gens vont être de bonne foi, mais ils vont être obligés de faire l'interprétation à l'intérieur du cadre dans lequel on les aura placés. Or, c'est un cadre fédératif, c'est un cadre canadien, c'est un cadre qui ne correspond pas du tout à ce que nous sommes. C'est cela que des spécialistes sont venus nous dire en commission parlementaire: M. Dion, M. Daniel Turp, M. Roger Lemelin, Daniel Latouche, Pierre-André Côté. Additionnez-les, ils sont tous venus nous dire qu'en ce qui concerne la société distincte et le pouvoir de dépenser, il y a des faiblesses inimaginables. (17 heures)

Comble du comble, il me semble, encore là, que si on avait un peu de capacité à regarder froidement, calmement, comment il se fait que pour la première fois... Quant à moi, en tout cas, ça fait une vingtaine d'années que je m'intéresse aux questions politiques. Ça fera bientôt onze ans que je suis porte-parole, avec fierté, des électeurs d'Abitibi-Ouest et représentant de l'Abitibi-Témiscamingue et en onze ans, c'est la première fois que, dans un document que tout le monde peut consulter, je vois que c'est le Canada anglais qui est obligé de parler pour le Québec dans ce dossier.

Le Canada anglais ne se gêne pas, lui. Il dit partout: L'entente du lac Meech, pour la première fois, donne au gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale. Ce sont des gens de Toronto, de Vancouver et d'ailleurs qui disent: Comment se fait-il que vous dormez debout les Québécois?

Qu'est-ce qui se passe? Cela n'a pas de bon sens qu'on soit obligé de parler pour vous et dire: Vous êtes en train de vous faire avoir comme jamais. Je disais tantôt, que le député d'Abitibi-Est, ministre délégué aux Mines était heureux de ça. Là, enfin, par une clause sur le pouvoir de dépenser, on a réglé les intrusions du fédéral. C'est le contraire. On vient de constitutionnaliser ses interventions. Qui le dit par exemple? Le fair-play anglophone.

J'aime mieux me fier à leur fair-play qu'à la partisanerie aveugle de l'autre côté de cette Chambre qui parle avec un bandeau sur les yeux parce qu'on leur a demandé, pendant deux jours, de flatter cette entente, sans probablement l'avoir regardée, l'avoir analysée. Si c'était ça et qu'ils étaient convaincus qu'ils ont raison, pourquoi n'ont-ils pas donné la chance à l'électorat de prendre le temps, lui aussi, de la regarder et de l'analyser? Qu'est-ce qui pressait? Vous savez bien qu'il n'y avait rien qui pressait. Le sénateur Lowell Murray rappelle: ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue, etc., c'est que rien ne sera modifié dans la répartition des pouvoirs et que personne n'a obtenu quelque chose de plus qu'il n'avait déjà.

De l'accord du lac Meech, Ian Scott, Procureur général de l'Ontario dit qu'il renforcera les pouvoirs du fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. Qu'est-ce qu'on dit partout, M. le Président? On dit partout une chose: On s'est fait avoir. On s'est fait rouler dans ce dossier. Si j'ai tort, pourquoi avez-vous peur qu'on prenne le temps d'aller voir la population pendant cinq, six mois, puisqu'on en a pour trois ans avant de régler l'affaire?

Prendre le temps d'aller voir la population. Effectivement, cela ne me fait rien, M. le Président, de revenir ici au début de janvier 1988 et de dire: J'ai tort. Tous les gens que j'ai consultés m'ont dit que j'étais dans les patates. C'est faux mes craintes. Ça va bien les affaires. Si j'avais encore du temps... Je reviendrai lundi ou mardi, mais je conclus là-dessus. J'aurais ici une opinion juridique. Vous pourriez m'en citer des opinions juridiques. Mais à tout le moins, ça mériterait de faire un débat. Il y en a une ici qui dit: Toute la question de la clause sur la société distincte, puisqu'elle sera soumise aux règles d'interprétation, n'apporte à peu près aucune garantie qu'on sera respecté pour ce que nous sommes.

Il me semble, M. le Président, que si on avait affaire à un gouvernement respectueux de la démocratie, convaincu qu'il a entre les mains quelque chose de bon pour le Québec, quelque chose de bon pour les Québécois et les Québécoises, on aurait au moins la décence d'aller les voir et de ne pas faire accroire hypocritement, comme le premier ministre l'a fait croire dans une émission: Écoutez, on vous donne 35 heures, c'est tout autant que le référendum. Au référendum, on a donné du temps parce qu'on initiait un processus de consultation. On a mis des heures à débattre cette question. On a pris deux mois avec la population parce qu'on n'avait pas peur d'aller voir la population. La population s'est exprimée. Faites-le donc l'exercice. Vérifiez-le avec la population plutôt que de prétendre artificiellement que vous avez quelque chose dans votre mandat alors que le premier ministre lui-même a au moins admis que, contrairement à ce qu'il a déjà fait en 1981 et 1976, ce n'est pas vrai que la question constitutionnelle faisait véritablement partie des enjeux électoraux en 1985, si on a une once d'honnêteté.

Si vous avez quelque chose d'aussi merveilleux entre les mains, soumettez-le à la population plutôt que de faire une espèce de farce du Parlement. On s'est ennuyé comme ce n'est pas possible pendant un mois, un mois et demi. On est obligé de suspendre à tout bout de champ parce qu'ils n'ont pas la capacité d'amener un programme législatif. Et, dans les deux derniers jours, ils nous arrivent avec, supposément, ce qui est l'avenir du Québec, ce qui est fondamental et qui permet de faire dire à tous les perroquets: Je parlerai, M. le Président, avec beaucoup d'émotion et de fierté sans trop savoir ce que je veux dire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: ...adjoint de l'Opposition, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, j'ai une demande du leader adjoint du gouvernement, en vertu de l'article 213, à savoir si vous permettez une question.

M. Gendron: II faut que j'y pense, vu que je m'en vais via Nordair-Métro. Il est toujours en retard... Je vais prendre la chance qu'il ait quelques minutes de retard...

Le Vice-Président: D'accord. De toute façon, la question doit être brève et la réponse doit également être très brève. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, j'aimerais savoir du leader adjoint de l'Opposition quelle est sa vision constitutionnelle de l'avenir du Québec? Est-ce que c'est la séparation? Est-ce que c'est la souveraineté-association...

Le Vice-Président: Un instant, M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: Est-ce que c'est...

Le Vice-Président: Non, un instant, M. le leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint, vous n'avez plus la parole. Je ne pense pas que ce soit une question permise. Un instant! M. le leader adjoint du gouvernement. C'est une question qui, à mon sens, en vertu de l'article 213 n'est pas permise. Elle va engendrer un débat. La question doit être brève - elle n'était pas brève en soi, d'après ce que j'ai pu entendre jusqu'à maintenant - et il est évident que la réponse ne pourrait être brève non plus.

Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Louis-Hébert.

M. Lefebvre: On ne peut pas poser de question, M. le Président, si je comprends bien. Hein?

M. Gendron: ...

Le Vice-Président: Un instant!

M. Gendron: C'est quoi, votre question?

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît:

Un instant: A l'ordre, s'il vous plaît!

Vous avez demandé pour poser une question. Je vous ai donné la parole, mais la question que vous posiez n'était pas recevable au sens du règlement qui demande une question brève. J'ai rendu ma décision là-dessus. Je ne permettrai pas d'autres questions.

M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: M. le Président, le navire québécois arrive en vue de la terre et on arrive à la fin d'un long voyage où les écueils et les récifs ont été nombreux. Nous avons vécu sur une mer agitée qui a été une mer péquiste pendant de nombreuses années. Depuis quelques mois, maintenant, le gouvernail est entre les mains d'un capitaine d'expérience avec un équipage d'expérience, avec des gens qui savent où ils vont. On a mis les voiles et on a rectifié la direction du navire québécois. Finalement, les membres de l'équipage, la vigie en premier, crient terre! On voit la terre, on voit la fin de ce long voyage. On arrive, M. le Président, au but que nous recherchions depuis longtemps, c'est-à-dire la sécurité juridique du Québec.

Nous avons décidé de régler le problème maintenant parce qu'il traîne depuis assez longtemps et tout ce qui traîne, c'est bien connu, se salit. Cela ne traînera pas plus longtemps parce que c'est dans le décor depuis des dizaines et des dizaines d'années. L'heure est maintenant venue de conclure un marché entre des gens responsables qui ont évalué les risques et qui ont regardé ce qu'on voulait, ce que l'autre partie voulait, quels étaient les objectifs communs qui étaient recherchés. A la fin de cette évaluation, en gens responsables, ils ont décidé de mettre leur signature au bas du papier, de clore le contrat. Il y a des limites à s'associer souverainement. Cela a été cela un bout de temps, on s'associait souverainement. Allez m'expliquer cela!

Maintenant, on s'affirme nationalement ou on se nationalise affirmativement, M. le Président. Il faudrait comprendre... On invoque... On fait des peurs à tout le monde, on parle de monstre. Pendant des années, on a crié au loup du côté du PQ à toutes les occasions. Maintenant on crie au monstre et on ne s'entend même pas sur ce que le monstre doit dévorer. Il y a un ancien premier ministre du Canada qui nous fait accroire que le monstre dévore les petits Canadiens avant le déjeuner et les péquistes nous font accroire que le fameux monstre du lac Meech dévore les petits Québécois. On ne s'entend pas sur les habitudes alimentaires du monstre! (17 h 10)

On a vécu dans une situation qui est devenue intenable. Grâce à Dieu, maintenant, c'est terminé. Le Québec a décidé de mettre clairement sur papier la réponse à la question qu'on a entendue partout, mais qu'on n'entendra plus: What does Québec want? Québec veut signer une entente constitutionnelle selon des termes, selon des conditions qui ont été définies et qui sont les nôtres depuis longtemps. Elles sont connues, elles sont remplies. What does Québec want? Québec wants to sign now what we have decided to sign and what is agreeable to everybody. C'est cela qu'on veut, M. le Président.

Évidemment, dans une perspective péquiste, on ne signerait jamais. C'est bien sûr qu'on ne pourrait pas signer, parce que si les péquistes allaient pour discuter quelque chose à Ottawa, ils n'apporteraient même pas leur plume pour signer tellement ils sont décidés de ne pas signer, parce que tous les prétextes sont bons. Tous les prétextes sont bons pour faire échouer ce qui ne doit pas réussir dans une perspective péquiste. Cela ne peut pas réussir, M. le Président, parce que ce serait la destruction inéluctable, fondamentale, essentielle de la raison d'être, de ce qu'on pense la raison d'être - on ne le sait plus - de l'existence du Parti québécois.

M. le Président, le Québec a décidé d'obtenir, au moyen de négociations sincères, au moyen de négociations honnêtes, par des gens sincères et par des gens honnêtes qui ont fait leur devoir, qui sont allés de province en province rencontrer les premiers ministres, qui ont passé des heures et des

heures à discuter sérieusement... À la suite de cela, le Québec a obtenu ce qu'il avait annoncé qu'il obtiendrait. On nous a fait valoir tout à l'heure, et c'est le député d'Abitibi-Ouest qui le disait, qu'on ouvrait le débat sur la question nationale avec le référendum. Le débat, nous l'avons ouvert le 2 décembre et avant le 2 décembre, avec notre programme électoral. Et la population a décidé à ce moment-là. Cela vaut n'importe quel référendum, M. le Président. Cela vaut n'importe quel référendum.

Nous l'avons fait lors d'une campagne électorale parce que c'est la façon de procéder. C'est parce que nous croyons que notre système fonctionne comme cela, au moyen d'élections, au moyen d'équipes d'hommes et de femmes qui se présentent sous une étiquette avec un programme défini qu'ils font valoir, qu'ils défendent, qu'ils justifient. La population vote, M. le Président. Ce n'est pas après coup, une fois qu'on est élus, qu'on revient avec des référendums, avec des questions alambiquées, des questions qui contiennent 100 mots, où une chatte perdrait ses petits. On ne savait plus à quoi s'en tenir, M. le Président. La preuve, c'est qu'il y a des fédéralistes qui votaient pour. La preuve que cela ne voulait pas dire grand-chose, M. le Président. C'est la meilleure preuve.

On ne savait plus - on était déchirés -ce que cela voulait dire. Cela pouvait vouloir dire ce qu'on voulait. Alors, M. le Président, on a procédé autrement. On a procédé logiquement. On a eu un programme, on l'a présenté, on a été élus sur ce programme-là. On a dit: Si vous nous élisez, on va tenter d'obtenir de nos partenaires canadiens l'acceptation d'un certain nombre de conditions et si on les obtient, on va réintégrer la fédération canadienne. C'est bien sûr qu'on ne défait pas le Canada en signant l'entente constitutionnelle. C'est certain que ce n'est pas cela qu'on fait. C'est certain, mais on obtient pour le Québec le maximum et tout ce qu'on a demandé, M. le Président. Quand j'entends les amis d'en face nous dire qu'on n'obtient pas beaucoup, que la Cour suprême, ce n'est pas beaucoup, que l'immigration, ce n'est pas beaucoup, que la limitation du pouvoir de dépenser, ce n'est pas beaucoup, eh bien! c'est déjà quelque chose!

Je ne comprends pas leurs discours, alors que ce sont eux qui ont mis au monde le terme "étapisme". Eux autres procédaient par étapisme. Ils venaient à bout du salami en le tranchant petites tranches par petites tranches, disaient-ils. Ils appelaient cela la technique du salami dans le temps, M. le Président. À force de lui enlever des tranches, il n'en reste plus.

Nous autres, M. le Président, on obtient pour le Québec la sécurité juridique. On obtient la confirmation de la fierté d'être Québécois à l'intérieur d'une fédération qui nous reçoit les bras ouverts, qui nous dit: Venez-vous-en avec nous autres; on a besoin de vous autres parce que, sans vous autres, ce n'est pas pareil et ce n'est pas plaisant. Le party n'est pas complet sans vous autres. Venez, on va vous garantir des affaires, on va vous garantir une chaise à la table, on va vous garantir la société distincte, on va vous garantir des juges à la Cour suprême, on va vous garantir une limitation du pouvoir de dépenser du fédéral, on va vous garantir que l'immigration ne jouera pas contre vous autres. C'est cela qu'on voulait, M. le Président. On nous dit non seulement cela, mais que les règles qu'on définit maintenant, on ne les changera pas sans votre accord; on n'y touchera pas si vous ne nous dites pas que vous êtes d'accord pour les changer. Cela s'appelle, envers le Québec, dans le bon sens du terme, une offre qu'on ne pouvait pas refuser, qu'on aurait été fous de refuser et qu'il n'était pas question qu'on refuse non plus.

Dans les circonstances, M. le Président, je veux tout simplement me réjouir et déplorer profondément l'attitude de l'Opposition. Il est bien sûr que c'est la solution de facilité, qu'il est facile de dénoncer ce genre d'accord. On devrait avoir une admiration sans borne pour les artisans et les architectes de ce sur quoi on discute aujourd'hui. L'impossible, le miracle s'est presque réalisé. Au moins, comme je le disais au début de mon intervention, on voit la terre sur le navire québécois. On arrive à la terre. Cela a été dur, mais il y a un port quelque part. On y arrive, et c'est grâce, comme je le disais, à l'équipage, au capitaine qui s'appelle le premier ministre du Québec, et grâce au Parti libéral.

Je vous assure, M. le Président, que, quand on laissait entendre, tout à l'heure, que des députés ministériels se plaindraient qu'on adopte cette résolution maintenant, je vous dirai que c'est faux. Ce n'est pas vrai. Il y a un enthousiasme indéniable parmi toute notre équipe pour défendre cette résolution-là, en parler dix minutes chacun notre tour. On ne peut pas faire plus, parce qu'on est 99 et, si on parlait chacun trois quarts d'heure, comme vous tentez de le faire, M. le Président, il n'y en aurait que 15 ou 20 qui parleraient chez nous. Mais chacun a son mot à dire là-dessus; c'est pour ça qu'on ne parle pas plus longtemps. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas des choses à dire, c'est parce qu'on croit au partage et on croit que l'opinion de notre voisin est aussi importante que la nôtre et qu'elle vaut la peine d'être écoutée, et c'est ce que je vais faire en me rassoyant tout de suite.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Louis-Hébert.

M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Quand j'ai été élu, le 15 novembre 1976, et que j'ai fait mon entrée en cette Chambre... Mme la Présidente, pouvez-vous demander, s'il vous platt, qu'on ait le même respect qu'on a eu?

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je suis d'accord qu'on devrait accorder toute l'attention aux propos du leader de l'Opposition, mais il ne peut quand même pas nous reprocher de féliciter un collègue qui vient de faire un excellent discours, et c'est tout ce qu'on faisait, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je vous redonne la parole, M. le député.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je disais donc que, quand je suis entré en cette Chambre, j'avais la conviction et j'ai toujours la conviction que le premier rôle d'un élu dans ce Parlement était de défendre les intérêts d'abord premiers, prioritaires du peuple québécois, des citoyens québécois, et je n'ai pas perdu cette conviction qu'il nous faut travailler. Qui que nous soyons, de quelque côté de la Chambre que nous soyons, nous devons travailler d'abord et avant tout dans l'intérêt des Québécois qui nous ont envoyés siéger dans ce Parlement. Je n'ai pas perdu non plus le cap vers l'accroissement des pouvoirs pour ceux qui m'ont élu. Je ne pense pas qu'aucun citoyen, à quelque formation politique qu'il adhère, ne veuille voir augmenter les pouvoirs des Québécois. En particulier à cause de notre spécificité, justement, à cause de notre identité culturelle dans ce territoire nord-américain, je ne pense pas qu'il y ait un seul citoyen québécois qui ne veuille pas que les élus travaillent pour autre chose que pour accroître' les pouvoirs de ce Québec. Je ne crois pas ça et je n'ai pas perdu ce désir depuis 1976. Je ne pense pas qu'il y ait aucun élu québécois qui soit entré dans ce Parlement et qui ait le mandat de rapetisser le Québec, de le diminuer, de faire en sorte que s'arrête à certains niveaux la marche ascendante du Québec. Je ne crois pas qu'il y ait aucun élu québécois, que les citoyens du Québec nous aient envoyés ici, quelle que soit la circonscription électorale, pour autre chose que ça. Pour travailler dans son intérêt, pour accroître ses pouvoirs et qu'on puisse s'épanouir encore davantage. C'est ça le rôle premier, fondamental d'un député de cette Chambre et, Mme la

Présidente, quand on est élu, on nous fait prononcer un serment d'office. On nous dit qu'on prête serment pour travailler dans les intérêts supérieurs des Québécois, pour le développement des Québécois. C'est le serment premier que tout député prête en cette Chambre, Mme la Présidente. Je n'ai pas perdu de vue ce serment d'office et je crois que c'est mon rôle fondamental de le faire. (17 h 20)

Je croyais également, je crois toujours, que le Québec dans lequel on vit doit garder son visage français. Je pense que j'ai été élu pour cela et l'ensemble des députés, qu'ils soient 99 contre 23, ont été élus pour que le Québec garde son identité francophone. J'ai la conviction profonde et intime que c'est cela. Et de quelque côté de la Chambre que ce soit, j'aimerais entendre un député libéral se lever pour dire que ce n'est pas le rôle premier au Québec, pour un membre de l'Assemblée nationale, de ne travailler qu'en fonction d'accroître les pouvoirs et de s'assurer que cette spécificité culturelle, notre francophonie, on doit la défendre, la garder, accroître ses pouvoirs pour la garder et la conserver. J'ai toujours cru à cela et je pense que j'y crois encore plus que j'y croyais.

J'ai été des plus heureux dans cette Chambre le jour où l'Assemblée nationale du Québec, le jour où on a adopté la loi 101 qui nous donnait les pouvoirs de sauvegarder cette spécificité, d'être certain que le Québec demeurerait un Québec français. J'ai été très heureux. Moi aussi, je suis allé féliciter le ministre parrain et les autres qui avaient travaillé fort pour l'adoption de cette loi. C'est au-delà de 200 heures qu'on avait passées en commission parlementaire à bonifier cette loi. Nous en étions tous fiers. Nous avions le sentiment du devoir accompli, le soir où il y a eu sanction de la loi 101. C'était un grand jour pour le Québec, après avoir vécu les luttes stériles du projet de loi 63 et de la loi 22. La loi 101 venait couronner des efforts de plusieurs années, pour accoucher d'une loi qui faisait un très vaste consensus au Québec.

Cette joie que j'ai eue par l'adoption de cette loi s'est transformée en tristesse le jour où je me suis rendu compte que des tribunaux se sont mis, à toutes fins utiles, à enlever des pans complets à cette loi. Le législateur avait pourtant voulu être clair, mais les juges, les tribunaux, parce qu'on n'a pas les pouvoirs exclusifs en cette Chambre sur le plan linguistique, se sont mis à trancher des pans complets de la loi. Nos lois étaient inconstitutionnelles; on n'avait plus le droit, collectivement, nous, les élus du peuple, ceux qui nous avaient envoyés ici, de légiférer pour sauvegarder notre langue. C'était triste. J'étais triste, extrêmement triste à part cela. Ce que je ne comprenais

pas et que je ne comprends toujours pas, c'est qu'un parlementaire... J'écoutais le député de Mille-Îles dire: On s'en remet aux tribunaux pour l'interprétation. C'est impensable qu'un député en cette Chambre puisse réfléchir de cette façon. C'est nous qui sommes élus pour légiférer en fonction de la protection de nos droits. Ce n'est pas à Ottawa et aux tribunaux de décider comment on va protéger notre langue, comment on va s'en sortir pour garder ce visage français du Québec.

J'ai été malheureux de voir qu'on a amputé dans cette loi des pans complets, si bien qu'on a affaibli la situation du français au Québec. Mais, je croyais, par exemple -j'étais peut-être naïf - que les 122 députés de cette Chambre avaient cette volonté fondamentale de se dire: On n'est pas des 2 de pîque, on a été élus, chacun dans sa circonscription électorale, pour représenter du monde; on croit fondamentalement à nos droits, à notre spécificité, à notre identité, donc, est-ce qu'on peut accepter de diluer des droits aussi fondamentaux que celui sur le plan linguistique? C'est décevant de constater ces faits.

Arrive l'entente du lac Meech. Encore là, je vais dire pourquoi... Et je peux être aussi sincère que vous autres qui passez votre temps à dire qu'on ne veut rien faire. Je peux être aussi sincère que vous dans mes propos, parce que je crois fondamentalement à ce que je vais dire. J'ai été déçu, épouvantablement déçu de l'entente du lac Meech et je vais dire pourquoi. Je me dirai déçu pour ne pas dire plus. Nous avions l'occasion rêvée au lac Meech d'accroître nos pouvoirs, ou, au moins, de clarifier des situations, parce que le Canada anglais a dit: Bon, voilà un gouvernement fédéraliste. Enfin, on va pouvoir négocier. Qui avait le rapport de forces, à ce moment-là, si le Canada anglais voulait vous avoir à tout prix comme gouvernement? Qui avait le gros bout du bâton? C'était vous.

Quand on veut nous faire rentrer dans quelque chose on dit: Oui, mais qu'est-ce tu m'offres concrètement. Est-ce que tu m'offres suffisamment. Quand quelqu'un veut te vendre sa maison et que tu lui dis: Je veux te vendre ma maison. Tu lui dis: Oui, mais combien me demandes-tu. Si cela fait mon affaire, je l'achète mais si cela ne fait pas mon affaire je dis: Baisse ton prix. N'oubliez pas cela. Baisse ton prix puisque c'est toi qui me l'offres. Vous étiez en rapport de forces, le gouvernement Bourassa, le gouvernement libéral était en rapport de forces. Il avait une occasion rêvée d'améliorer la situation sur le plan du français entre autres.

Qu'est-ce qui est arrivé? À deux reprises dans cette Chambre, nous avons présenté une motion pour faire introduire dans les demandes du Québec le pouvoir exclusif de légiférer en français. À deux reprises, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes s'est appliqué à torturer la motion pour qu'elle ne veuille absolument plus rien dire. C'est cela le ministre, l'agent négociateur c'était lui. C'était lui qui s'en allait défendre les intérêts du Québec et il se refusait d'aller chercher des pouvoirs accrus pour défendre le français au Québec. Ils avaient une occasion rêvée et ils l'ont ratée.

On était en droit de s'attendre également que le premier ministre lui, qui à Victoria avait dit: Je veux la souveraineté culturelle du Québec, on était en droit de s'attendre que cet homme redise cette phrase à Ottawa et au lac Meech. Qu'il dise ce qu'est la souveraineté culturelle. La souveraineté culturelle, c'est les pleins pouvoirs sur la langue, sur la culture, sur les communications, parce que c'est directement relié à notre culture. Qu'a-t-il fait? Qu'est-ce que le premier ministre actuel, lui qui avait refusé de signer à Victoria parce qu'il désirait la souveraineté culturelle, a fait? Est-ce qu'il a exigé les pleins pouvoirs sur le plan linguistique? Est-ce qu'il a exigé les pleins pouvoirs sur le plan culturel? Est-ce qu'il a exigé les pleins pouvoirs sur le plan des communications? Même pas, Mme la Présidente.

Il avait le gros bout du bâton. Le Canada anglais voulait absolument nous faire rentrer. Cela, c'est toute une déception, une des causes fondamentales de déception. Il a obtenu une phrase. C'est écrit qu'on est une société distincte. C'est beau, c'est une belle phrase mais qu'est-ce qui nous distingue? Quelle est notre distinction par rapport aux Canadiens des autres provinces? Notre distinction n'est-ce pas la langue, à cause de notre langue, n'est-ce pas à cause de notre culture? Une société distincte, pour se distinguer, doit avoir des pouvoirs. Donc, si c'est la langue et la culture voyons donc quels pouvoirs nous avons obtenus sur le plan linguistique. Le statu quo, la soumission à deux articles de la charte fédérale. C'est exactement comme avant et plus encore on est obligés de promouvoir la dualité canadienne. La souveraineté culturelle est rendue où?

Les pouvoirs exclusifs pour une société distincte. Quels sont les pouvoirs que nous avons pour nous distinguer et pour continuer à nous distinguer ou, pour au moins, garder notre distinction? Quels sont les pouvoirs que nous avons? Aucun, Mme la Présidente. Aucun pouvoir additionnel. Le statu quo juridique le plus parfait. Pour bien me faire comprendre, le statu quo, c'est la même chose qu'avant. On n'a rien changé. La Cour suprême va continuer à avoir des procès et à rendre des décisions et à affaiblir le fait français au Québec. C'est pour cela qu'on est déçu, c'est pour cela qu'on est contre.

On a le droit fondamentalement d'être pour cela quand on a la conviction qu'on a été élus dans cette Chambre pour représenter les intérêts de la majorité du peuple québécois. Je n'ai pas honte de le faire.

L'empressement du gouvernement que nous avons en face, quel a été cet empressement dès l'arrivée au pouvoir? Tout de suite légaliser l'amnistie pour les illégaux, les soins de santé en anglais et s'il avait été capable de nous en passer une petite vite qu'on a bloquée à cause du règlement, il nous en passait encore plus. Quel a été le souci fondamental de protection de la majorité francophone? Aucun. On s'est présenté avec un passé riche de demandes devant le gouvernement d'Ottawa. (17 h 30)

Jamais un gouvernement n'a voulu plier sur les pouvoirs, sur la culture et sur la langue. C'est la première fois qu'on va accepter un statu quo qui nous subordonne, à toutes fins utiles, à la charte canadienne, ce qui fera que le Québec, dans dix, quinze ou vingt ans, sera un Nouveau-Brunswick, pas plus! Et on oublie... On est peut-être sincère quand on fait nos discours, de l'autre côté aussi; je ne veux pas douter de cela, je n'en ai pas le droit de toute façon. En vertu du règlement, je dois prendre la parole, mais on doit réfléchir sur ces faits-là, par exemple. Notre naïveté passagère peut vite être ramenée à la réalité quand on regarde ce qui se produit dans les faits. Cela n'a pas d'allure à Montréal depuis quelque temps, vous irez voir l'affichage. Sortez un peu! Vous allez vous rendre compte que, déjà, les citoyens qui n'ont pas ce souci du visage français, eux, ont compris la mollesse du gouvernement actuel et ils en profitent, Mme la Présidente, ils s'en donnent à coeur joie!

Mme la Présidente, cela a été ma plus grande déception de voir jusqu'à quel point on avait une occasion rêvée de faire en sorte que la société distincte... Une phrase qui, en soi, est belle dans une constitution, mais qui ne veut rien dire parce qu'on n'a pas les pouvoirs de se distinguer. Il me semble que si un père de famille dit à son garçon: Tu as 18 ans ce soir, tu es adulte, tu peux voler de tes propres ailes et qu'il dit au petit garçon: Selon la loi, tu as le droit de signer ton bail, tu as le droit... Si tu fais un acte croche, tu seras réprimé devant les cours de justice. Il est adulte, il le laisse voler de ses propres ailes. Mais si le même soir qu'il a ses 18 ans, le père lui dit: Tu vas au lit à 19 h 30 et tu te lèveras à 5 heures demain matin et je ne veux pas que tu ailles là, il va dire: Comment cela se fait-il? Je suis citoyen à part entière, j'ai le droit de vote, je peux être réprimé devant les cours de justice et qu'est-ce que cela me donne d'être adulte?

Là, vous dites: Vous avez une société distincte, sauf que tu n'as pas les pouvoirs exclusifs sur le plan linguistique, tu n'as pas les pouvoirs exclusifs de te distinguer sur ta culture, tu n'as pas les pouvoirs exclusifs en matière de communications qui est un moyen rattaché à notre culture. Et vous tentez de faire accroire aux Québécois qu'avec cette phrase non accompagnée de pouvoirs vous venez de doter le Québec de pouvoirs extraordinaires? Nonï Et on n'a pas le droit de faire croire à la population du Québec qu'elle a obtenu plus parce qu'il y a une phrase qui renferme: société distincte.

Je vous aurais cru et j'aurais parlé pour la motion si le titre, si la société distincte avait été accompagnée de pouvoirs exclusifs sur le plan linguistique, si la société distincte avait été accompagnée de pouvoirs exclusifs sur le plan de la culture. Oui, j'aurais embarqué parce que j'aurais dit: C'est un pas en avant, c'est un progrès pour le Québec, mais là c'est une phrase vide de sens qui vous permet de faire de beaux discours prétendant que vous avez obtenu la lune. Vous n'avez même pas obtenu une échelle pour commencer à monter un seul barreau pour obtenir quelque chose de positif et de plus, sur le plan linguistique, sur le plan culturel et sur le plan des communications.

Et que dire maintenant de l'attitude des députés qui, peut-être de bonne foi... Mais je les ai regardés, je n'ai presque pas manqué un discours depuis le début de cette motion, Mme la Présidente. Si je n'étais pas ici, j'étais devant la caméra dans mon bureau et j'ai suivi presque tous les discours. J'ai écouté le député de La Peltrie tantôt, j'ai écouté le député de Saguenay, j'ai écouté également le député qui a précédé le député de La Peltrie, j'ai oublié son nom, mais peu importe. J'ai vu des gens applaudir. Applaudir à quoi? On va regarder ensemble ce à quoi ils applaudissaient. Ils se sont levés quand le pompeux ministre délégué aux Affaires intergouvernementales a dit: Nous avons obtenu le droit d'être consultés sur les juges de la Cour suprême.

Mme la Présidente, les premiers ministres font des lobbies depuis des années quand arrive la nomination d'un juge à la Cour suprême. Le gouvernement d'Ottawa a toujours appelé au Québec pour dire: On va nommer untel, avez-vous quelque chose contre lui? Là, ils ont obtenu cela écrit sur papier. Cela s'est toujours fait et ils applaudissaient à tout rompre. Tu voyais applaudir cela en Chambre. Aie! Victoirel On est consulté, on l'est officiellement. Cela apporte quoi de tangible aux Québécois demain matin? Qu'est-ce que cela donne sur la sauvegarde des droits des Québécois? Qu'est-ce que cela ajoute à la société distincte? L'Île-du-Prince-Édouard va être consultée comme nous. Qu'est-ce que cela ajoute à la société distincte d'avoir une consultation officielle sur le nom des juges?

Mais on applaudissait, Mme la Présidente, à tout rompre. C'était beau de voir cela. Ils avaient l'air sincères. On a applaudi également le ministre - ah oui! il faut que je le dise. Nous avons obtenu - et je le vois, vous savez, avec sa pompe habituelle - Mme la Présidente, pour la première fois, une session annuelle des premiers ministres sur le plan constitutionnel. Là, les 99 applaudissaient, Mme la Présidente. Ils vont aller se parler chaque année sur la constitution. Cela se faisait dans à peu près toutes sortes de conférences fédérales provinciales. Il y en a à la tonne. Il y en a toujours eu au moins une, il y a des années où il y en a eu deux. Là, ils en ont obtenu une par écrit. Ils applaudissent à cela.

A la prochaine séance, ils vont parler du Sénat. Cela va améliorer bien gros le Québec. Cela va faire accroire que les droits des Québécois, en matière culturelle, en matière linguistique, en matière de communications, en matière d'emplois, en matière d'économie, cela va faire évoluer le Québec. Mais on a applaudi, Mme la Présidente. Cela applaudissait. Ils ont obtenu une séance par année statutaire. Bravo! Quel gain pour le Québec!

On a applaudi également au pouvoir de dépenser. C'est pire que c'était. Imaginez-vous que ce sera dans les mesures d'interprétation. Ce n'est même pas sûr, à part cela, que cela veut dire ce que le premier ministre a compris. Il n'est même pas sûr, lui non plus. Il a dit: Les jugements de cour, on verra. Si cela prend des programmes qui se situent à peu près dans les mêmes cadres, peut-être qu'ils paieront, peut-être qu'ils ne paieront pas. La compensation n'est pas plus sûre que cela. Alors qu'avant il y avait au moins une chose qui était claire, on pouvait réclamer à grands cris que, quand il donnait quelque chose et qu'on n'en voulait pas, on disait: Donnez-nous notre dû. Mais là, on se met dans un carcan où l'argent, en vertu de la constitution, ne pourrait pas venir. Et on a applaudi à cela. C'est plus ambigu qu'avant. Cela risque d'être pire qu'avant, mais on applaudit. C'est beau! On a signé, Mme la Présidente. Mais on applaudit.

Immigration. Ils ont raison d'applaudir. Mais ce que plusieurs ne savent pas de l'autre côté de la Chambre, c'est qu'ils applaudissent à une mesure négociée et entendue par le précédent gouvernement. C'est l'entente Cullen-Couture. Ce n'est pas le Parti libéral actuel qui a négocié l'entente Cullen-Couture. C'est le ministre Jacques Couture, qui était ministre du Travail et de de la Main-d'Oeuvre et ministre de l'Immigration à l'époque, Mme la Présidente, qui a conclu cette entente qu'on retrouve dans la constitution. Là, vous avez raison d'applaudir, mais dites-vous bien que vous ne vous applaudissez pas dans ce temps-là, vous applaudissez le geste du gouvernement précédent. Cela est clair, c'est précis et c'est enregistré. Je pense que n'importe quel citoyen peut vérifier ce que j'avance, Mme la Présidente.

Encore là, on s'est lié cependant à une entente à venir. On signe a priori sans savoir ce qui arrivera a posteriori, et on verra. S'ils s'imaginent encore une fois qu'ils ne se feront pas avoir, en tout cas, moi, j'en doute énormément, parce que je ne peux pas concevoir qu'un gouvernement qui avait le gros bout du bâton, qui disait: Nous, nous serons d'excellents négociateurs parce que nous sommes des fédéralistes, parce que nous croyons au régime fédéral et l'intérêt des Québécois sera vivement, fortement vigoureusement défendu... Mme la Présidente, je vous dis que c'est vigoureux, cela! Ils s'en vont négocier une société distincte et ils ne donnent rien. Cela va être distinct de quoi? Qu'est-ce qui va nous distinguer de l'Île-du-Prince-Édouard par rapport à la charte canadienne sur la langue? Absolument rien. Qu'est-ce qui va nous distinguer du Nouveau-Brunswick? Actuellement, on a la majorité francophone, mais, dans dix ans, dans vingt ans, qu'est-ce qu'on aura? Quel sera le pourcentage? Quel sera le climat au Québec? Parce qu'on aura, à cause de mollesse et de faiblesse ou de manque de convictions, purement et simplement, ou, encore, par assujettissement naturel parce qu'on se sent petit, on aura laissé empiéter sur nos droits.

Je n'accepte pas cela comme position. On a été élus dans cette Chambre, je le répète, on a prêté un serment pour défendre d'abord et avant tout les intérêts du peuple québécois, et les intérêts du peuple québécois, ce n'est pas dans le statu quo qu'on les retrouve, ce n'est pas dans l'affaiblissement qu'on les retrouve, c'est dans l'accroissement des pouvoirs. C'est comme cela qu'on défend des intérêts. Je ne vois pas quelqu'un qui se contente de peu quand il est en position d'aller chercher beaucoup ou plus. Je ne comprends pas cela, Mme la Présidente. (17 h 40)

Qu'est-ce qui arrivera demain matin avec Meech? L'entente du lac Meech est signée, Mme la Présidente. On ne sait même pas si les autres provinces vont signer. Mais on veut être les premiers alors qu'on aurait dû les regarder aller et leur dire: Si vous nous voulez, ce n'est pas moins que ça et au moins cela eut été intelligent. J'ai dit: Non, on se lie tout de suite. Si vous voulez en mettre plus, vous êtes pris, c'est nous autres qui va vous empêcher d'en mettre plus. Cela équivaut à cela. C'est brillant, imaginez-vous, comme force de négociation. Je ne comprends rien. C'est la première fois de ma vie que je vois ce style de négociation. Ordinairement un négociateur chevronné qu'est-ce qu'il fait? Il s'en va à la table, il

examine ce qu'on lui offre. Il dit: Je ne suis pas sûr que c'est assez. Il s'en va voir son monde. Il fait même prendre un vote par son monde pour montrer que ce n'est pas assez. Il retourne. IL dit au "boss": Voyez-vous, cela n'est pas assez. Ce que vous m'offrez, c'est rejeté par mon monde. Soit que vous augmentiez vos mises, sinon je ne peux pas signer. Ce n'est pas cela qui est arrivé. Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes disait: Je vais aller voir ce qu'ils vont m'offrir. Quand il est revenu, il a dit: II faut signer vite, vite. Imaginez-vous! Cela a l'air de quoi ça? Un petit gars en culottes courtes qui ne sait même pas comment ça fonctionne des négociations. Cela a l'air d'un matelot en goguette, qui n'a pas d'expérience. Cela a l'air de je ne sais pas quoi. Le pire, c'est que ça affiche un air pompeux pour essayer de se donner des capacités extravagantes. Quelqu'un qui ne le connaît pas et qui ne l'a jamais vu, s'imagine que c'est un surhomme. Quelqu'un qui constate les résultats s'imagine que c'est un "flo", comme on dit par chez nous, sans expérience. Cela n'a pas de bon sens.

Quand on négocie, Mme la Présidente, avant de signer un contrat collectif, que fait-on? On s'en va voir notre monde. On dit: Voici ce qu'on nous offre. Êtes-vous prêts à accepter, êtes-vous prêts à refuser, êtes-vous prêts à amender? Est-ce que ça vous en prend plus ou bien si vous acceptez? Et là c'est au monde à accepter ou à refuser. Ce n'est pas ça qu'ils font eux autres. Une nouvelle méthode de négociation pour le Parti libéral. Nous autres on consulte les experts, un communiqué de presse avant, on va négocier et on signe tout de suite. On ne donne pas la chance au monde d'examiner les textes juridiques, on signe tout de suite. On se dépêche en plein mois de juin de faire adopter cela pour ne pas que les cégépiens, les universitaires, pour ne pas que les spécialistes en plein coeur d'été ne puissent forger l'opinion publique. Les gens sont en vacances. Tout de suite. Ça presse, ça urge.

C'est ça, Mme la Présidente. C'est de la supercherie, ce qui se passe. C'est de la mascarade qui se passe. Cela n'a pas de bon sens d'agir de la sorte. Je pense que les citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard qui sont 160 000 vont être consultés par leur gouvernement. Quand je pense que le Sénat canadien va consulter. Quand je pense que le gouvernement canadien va consulter. Quand je pense qu'au Québec, celui, le groupe que le Canada anglais veut voir intégré, lui on ne le consulte pas. Lui on ne diffuse pas massivement cette entente de principe pour le moment. On ne veut pas les réactions. De peur qu'il y en ait, on profite d'une fin de session et on invoque l'urgence. Il faut le faire! C'est imbécile en plus. Invoquer l'urgence à la veille de la fête nationale pour adopter quelque chose qui peut prendre trois ans, sans s'exciter le poil des jambes. On peut ne pas s'énerver. On pourrait prendre tout le temps qu'on veut, l'étudier correctement, démontrer les bons côtés, regarder les points faibles, se faire une idée de ce que le Québec veut.

Ce n'est pas ça que vous leur faites. Vous les placez devant une situation juridique d'où on aura énormément de difficultés à sortir, Mme la Présidente. J'ose espérer, cependant, que les citoyens du Québec comprendront que depuis 18 mois, systématiquement, on a nié les engagements politiques qu'on avait pris. Je me souviens encore de Mme la vice-première ministre qui a prononcé, le 15 ou le 16 décembre 1985, le discours inaugural. Vous n'aviez pas le choix, parce que votre premier ministre se cherchait un comté. Elle s'est levée en cette Chambre et elle a dit: Dorénavant, il y aura des débats de fond dans la société québécoise. Nous rechercherons non pas l'affrontement, mais la concertation.

Vous avez de beaux mots, vous avez de beaux discours, mais vos gestes sont diamétralement opposés à ce que vous dites. Vous promettez blanc et vous offrez noir. Cela, les jeunes assistés sociaux du Québec l'ont compris. Cela, les femmes l'ont compris, les agriculteurs commencent à le comprendre. Il y en a bien d'autres. Il ne s'agit pas de bonder le Centre Paul-Sauvé de 5000 jeunes et de les faire applaudir à tout rompre: Oui, mon Robert, on est pour toi. Les mêmes jeunes, qui ont assisté à la fête au Centre Paul-Sauvé, ont cru à l'honnêteté des hommes politiques. C'est toute l'institution qui en prend pour son rhume. Quand on voit les volte-faces, quand on voit la faiblesse incarnée de ce gouvernement à se tenir debout au moment où ce serait si facile de le faire, au moment où les Québécois ne demandent pas mieux qu'une paix, une sérénité.

J'écoutais le député de Louis-Hébert tantôt. J'ai failli dire: Barrez donc les portes qu'on le poigne vivant! Cela n'avait pas de bon sens, déchaîné à propos de tout et de rien. Un bateau s'en va, il est sur la terre, il est prêt à s'échouer; il ne savait plus où il s'en allait du tout. Je l'ai cru, pour un moment, debout à côté de Bolivar! Ce n'est pas croyable de dire n'importe quoi sur une motion aussi fondamentale, une motion qui lie l'avenir du peuple québécois, une motion qui risque de nous faire perdre du temps et des pouvoirs énormes sur le plan linguistique. Là, ils diront: On a obtenu la société distincte. Oui, les Anglais vont nous trouver distants, ils vont nous trouver concombres à mort de voir qu'on n'a pas été capables, au moment où on en avait la possibilité, de se greffer au pouvoir exclusif de cette spécificité. Oui, les anglophones du Canada doivent rire dans leur barbe en disant: Ils se sont contentés d'une phrase sans exiger les

instruments qui vont avec. Oui, ils vont nous trouver stupides de voir qu'on ne se tient pas debout. Ils doivent y être heureux! Les gens d'Alliance Québec doivent-ils ricaner de voir qu'ils ont ce qu'ils voulaient, sur un plateau d'argent, sans même qu'ils aient à faire des batailles. On le leur offre sur un plateau d'argent, comme on l'a fait pour l'amnistie des illégaux, comme on l'a fait dans les soins de santé pour les anglophones. On est en train de leur mettre sur un plateau d'argent une série d'avantages.

On oublie qu'il y a une majorité qui veut survivre et qui est en danger sur le continent nord-américain. Cela, moi, je ne le prends pas. C'est avec conviction que je dis que le gouvernement Bourassa est faible, que le gouvernement Bourassa a manqué le bateau, que le gouvernement Bourassa a tout simplement abdiqué devant ses responsabilités de défenseur des droits collectifs des Québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme France Dionne

Mme Dionne: Mme la Présidente, c'est avec beaucoup de fierté, à titre de Québécoise et à titre de Canadienne, que je prends la parole aujourd'hui sur cette motion afin d'obtenir l'assentiment de l'Assemblée nationale sur l'entente constitutionnelle du 3 juin dernier.

Il y a plus de 20 ans déjà, s'amorçait un processus de réforme constitutionnelle au Canada. On se rappellera le rapport Laurendeau-Dunton paru au cours des années 1967 à 1970. Depuis ce temps, beaucoup de discussions ont eu lieu, que ce soit au Québec ou un peu partout au Canada, mais sans consensus, un consensus tel que celui que nous avons eu au lac Meech en avril et 6 Ottawa les 2 et 3 juin courant. Et c'est tout à l'honneur du gouvernement libéral qui a entrepris, dès les premiers mois de son mandat, les démarches nécessaires afin de convaincre le reste du Canada de l'importance de réintégrer le Québec à la fédération canadienne.

Permettez-moi de souligner des démarches qui ont été très positives, où les principaux intervenants du Québec, des autres provinces et du gouvernement fédéral ont franchi une à une les étapes d'une entente dans un climat de confiance et, surtout et avant tout, de respect mutuel.

Permettez-moi, Mme la Présidente, de rappeler à cette Chambre un ancien premier ministre du Canada, M. Lester B. Pearson qui remportait le prix Nobel de la paix pour son travail avant-gardiste au plan international. Aujourd'hui nous pourrions apprécier de la même façon le travail effectué par les différents partenaires à cette entente et tout particulièrement celui du premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, en lui décernant, s'il existait, le prix Nobel du Québec pour sa ténacité, sa diplomatie et son ardente conviction dans les intérêts du Québec et des Québécois et Québécoises.

Le Canada entre dans une nouvelle ère de collaboration pour une fédération où les droits et les devoirs du gouvernement canadien, de chacune des provinces et des territoires se modifient, se simplifient, s'ajustent à la lumière des expériences vécues depuis 1867. (17 h 50)

Une nouvelle maturité s'est installée dans la population demandant de préciser dans une entente constitutionnelle les responsabilités que chaque citoyen de chaque province veut bien assumer et, par ailleurs, que chaque citoyen tient à faire assumer par les différents ordres de gouvernement. Cette optique et cette maturité, les Québécois et les Québécoises les ont clairement démontrées le 2 décembre 1985 en accordant démocratiquement au gouvernement libéral le mandat de mettre en oeuvre le programme de son parti largement diffusé et d'entreprendre les négociations constitutionnelles sur la base de cinq conditions proposées dans ce document et non sur la base d'une vingtaine d'éléments d'une liste d'épicerie.

Avant de préciser certains éléments qui sont, sans contredit, des gains sans précédent pour le Québec, permettez-moi d'affirmer que seul le gouvernement libéral pouvait aller négocier une telle entente.

Oui, Mme la Présidente, je le dis et ce, sans prétention. La population du Québec a compris que le Parti québécois et le gouvernement qu'il formait ne pouvaient négocier de bonne foi les conditions de l'adhésion du Québec à la fédération canadienne. D'ailleurs, la population avait vu juste puisque même cet après-midi le député de Shefford, à une question du député de Frontenac, avait d'énormes difficultés à définir sa vision de la souveraineté, de l'affirmation nationale, sa vision sur un accord constitutionnel. Cet après-midi, bien sûr, il nous en a donné le meilleur exemple. Je pense que la seule chose que le Parti québécois et particulièrement le député de Shefford aurait dû apprendre depuis longtemps et qu'il n'a jamais apprise, c'est la clarté du message; tel que Boileau le disait: "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément." Le message du Parti québécois n'a jamais été clair et ça n'a pas changé.

Il fallait que ces négociations constitutionnelles soient menées par un gouvernement qui avait foi dans le Canada

et pour qui l'appartenance au Canada constituait et constituera une force additionnelle pour le Québec afin de maîtriser son avenir.

Voyons donc maintenant certains éléments qui sont, comme je le mentionnais plus tôt, des gains sans précédent pour les Québécois et les Québécoises. Pour la première fois depuis 1867, on a consacré le caractère distinct de la société québécoise en l'inscrivant dans la loi suprême du pays. L'Assemblée nationale et le gouvernement québécois se voient confier non seulement le rôle de protéger ce caractère distinct, mais également de le promouvoir, donc, une confirmation de ce droit avec les devoirs qui incombent à l'Assemblée nationale. Dans le même sens, afin d'assumer la pérennité du caractère français de la société québécoise, cette entente donnera au Québec les pouvoirs additionnels afin de mettre en oeuvre des politiques migratoires, démographiques et familiales indispensables à cette pérennité.

Que dire maintenant de l'obtention de la garantie qu'au moins neuf des juges de la Cour suprême proviendront du Barreau du Québec, sinon que ce gain contribuera à protéger le système de droit civil contre des interprétations pouvant porter atteinte à la spécificité du Québec.

Quant au droit de retrait avec juste compensation à l'occasion d'un amendement constitutionnel pouvant transférer au fédéral une compétence provinciale, quel que soit le secteur d'activité en cause, il est à mon avis fondamental, dans un esprit fédératif renouvelé, puisqu'il offre une protection plus grande dans les secteurs d'activité relatifs au caractère distinct du Québec. Cette décentralisation répond par ailleurs au voeu largement exprimé d'une majorité de Canadiens et de Canadiennes, et plus particulièrement des Québécois et des Québécoises. Venant moi-même d'un comté en région, j'apprécie cette entente qui aura pour effet une nouvelle collaboration fédérale-provinciale indispensable au développement concerté des régions tout en respectant les particularités bien distinctes de celles-ci. Que l'on prenne d'autres exemples de décentralisation au Québec: les caisses populaires et leur confédération, les coopératives agricoles et la fédérée, deux exemples de fédérations fortes par et pour leurs membres parce que leurs membres sont forts eux-mêmes.

La population du Québec le sait fort bien et était mûre pour réintégrer la fédération canadienne dans un nouveau climat de confiance et de sérénité, et surtout de respect mutuel. J'insisterai sur ce point, Mme la Présidente. On ne pouvait, on ne peut et on ne pourra se faire respecter de nos partenaires provinciaux et fédéraux qu'à la condition expresse que l'on se respecte soi-même, respect basé sur la confiance des

Québécois et des Québécoises dans leur potentiel collectif, en leurs institutions démocratiques et en l'avenir de la société qu'ils forment. Depuis un an et demi déjà, ce climat de confiance et de respect s'installe et l'entente constitutionnelle en est la juste preuve.

Dans le cheminement vers cette entente, je puis dire, aujourd'hui, que la démocratie a été respectée. Que l'on se souvienne du résultat du référendum de 1980 où la majorité des Québécois et des Québécoises a clairement indiqué son accord pour une nouvelle entente avec le reste du Canada. Cette même volonté populaire s'est manifestée le 2 décembre 1985. La commission parlementaire télévisée de mai dernier, où plus de 55 heures de travail ont permis à 18 individus et experts et à 20 groupes et organismes d'émettre leurs opinions, en plus des 35 heures où l'on débat, depuis hier, à l'Assemblée nationale du Québec, où l'on informe la population des différents aspects de cette entente, démontrent bien l'esprit qui règne.

L'accord constitutionnel du 3 juin dernier constitue une excellente entente qui s'inscrit parfaitement dans la foulée des revendications traditionnelles des différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du Québec. Il est l'aboutissement d'un débat qui dure depuis des décennies et dont le pour et le contre des différents aspects a été largement exposé à la population du Québec et à celle du Canada.

Je termine en affirmant que nous avons en main tous les éléments nécessaires pour faire, collectivement, un choix lucide et éclairé et nous avons l'intention de faire ce choix afin de permettre enfin au Québec de passer à d'autres défis, tous aussi importants pour son avenir et pour le mieux-être des citoyens du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Mme la Présidente, je commencerai par une poésie de Victor Hugo, où on disait: "L'honneur n'abdique point, nul n'a le droit de me prendre ma liberté, me prendre mon bien, mon ciel bleu, mon amour, tout l'univers aveugle est sans droit sur le jour, fut-on 100 000 000 d'esclaves, je suis libre." Je suis libre et c'est cette liberté de conscience et d'opinion qu'aujourd'hui je veux exprimer sur cette motion, parce qu'il y va de l'avenir du Québec. Je pense qu'il aurait été important et nécessaire de prendre le temps pour faire entendre l'ensemble des gens du Québec en ce qui concerne leur avenir et pouvoir se prononcer, d'une façon

lucide, claire et précise sur leur devenir collectif. Nous nous sommes vus en face d'un débat d'urgence. À mon avis, je ne crois pas qu'il y avait feu en la demeure puisque, effectivement, et d'autres de mes collègues l'ont déjà répété avant moi, nous avons une marge de manoeuvre d'au moins trois ans pour nous prononcer sur l'entente constitutionnelle. Nous ne sommes pas en demande mais nous sommes ceux qui doivent attendre les prises de position de l'ensemble des autres provinces, parce que ce sont eux qui sont conscients de la valeur du Québec et de la nécessité, pour eux, d'avoir la participation du Québec à l'intérieur de la constitution.

Mme la Présidente, je pense que ce qui a toujours fait la différence au Canada, c'est le fait québécois, parce que le Québec a toujours eu et a toujours défendu sa spécificité culturelle et linguistique. C'est ce qui a toujours rehaussé la cote du Canada, parce que justement nous avons cette originalité et cette créativité propres aux gens de chez nous. Ce qui fait que, dans un entourage américain, nous pouvons nous démarquer du reste de l'Amérique. Alors pourquoi, actuellement, nous qui sommes appelés à choisir, en fin de compte, l'avenir même du Québec, soit par un gouvernement fédéral ou soit par un gouvernement provincial, ne pas travailler avec chaleur à défendre nos arguments pour faire en sorte que ceux qui sont pour ou contre puissent se faire entendre. (18 heures)

La vérité a ses droits, je crois. La vérité n'est pas toujours du même côté. Depuis quelques mois, 18 mois à peine, nous sommes sous l'impression que la vérité n'a de droit que d'un seul côté et que, finalement, pour pouvoir s'exprimer très haut et clamer ses opinions, il faut appartenir à un certain parti politique et porter le sigle d'un parti politique, le Parti libéral.

Mme la Présidente, je crois qu'au Québec, toutes les opinions sont importantes et toutes les variables à l'intérieur des opinions, aussi. Il faut en tenir compte, quand il y va du devenir du peuple québécois.

Pourquoi, actuellement, ouvrir le débat alors que nous sommes à la fin de la session, à la fin de l'année scolaire pour plusieurs étudiants, plusieurs universitaires, alors que la majorité des gens ont bien mérité leurs vacances et, honnêtement, espèrent pouvoir se reposer pour le peu de temps qui leur est alloué en ce qui concerne leurs vacances? Un débat de la nature de celui que nous sommes en train de mener en ce qui concerne les ententes constitutionnelles va, pour longtemps, souder la participation du Québec dans l'entente constitutionnelle du Canada. Je pense qu'il aurait été davantage dans l'intérêt de ce gouvernement à faire en sorte que la majorité, le plus grand nombre possible des citoyens et des citoyennes québécois, puisse se faire entendre.

Nous, Mme la Présidente, n'avons pas eu peur de nos convictions et nous avons fait appel au peuple. Nous avons demandé au peuple de se pencher sur la question et de nous dire ce qu'il croyait être le mieux pour eux. Nous avons la conviction de nos idées quand nous croyons que ce que nous avançons s'impose d'autorité, sans même faire appel à un État qui est directif. Je pense que les Québécois n'ont pas besoin d'un État directif. On a plutôt besoin d'un État qui est soucieux des préoccupations de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Effectivement, Mme la Présidente, ce gouvernement a été élu le 2 décembre, tout comme moi, j'ai été élue le 2 décembre comme nouvelle députée. Je crois que l'ensemble des gens de ma circonscription croyaient que j'étais pour les représenter, ils croyaient aussi, tout comme moi, à mes idées souverainistes pour lesquelles je me suis défendue et débattue, pour lesquelles j'ai toujours dit que je me défendrais de même que je défendrais leurs droits à l'intérieur de l'Assemblée nationale, parce que j'y croyais. Il était essentiel et il était même de mon devoir de faire en sorte que les droits des Québécois soient préservés au maximum dans cette enceinte.

Mme la Présidente, nous sommes fiers d'être des Québécois. Nous sommes fiers d'être distincts de l'ensemble du reste du Canada parce que notre langue, notre culture, nos racines, ont fait de nous un peuple et non pas une société, parce que nous voyons grand et que nous avons toujours voulu nous développer dans un esprit d'ouverture qui fait que nous n'avons pas peur d'avoir une reconnaissance nationale. Quant à nous, une reconnaissance provinciale n'est pas tout à fait à la hauteur des aspirations de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Je pense qu'il est important de se rappeler cette notion de reconnaissance nationale pour laquelle nous avons toujours voulu combattre et nous avons toujours voulu demander davantage de plus grands pouvoirs. Aujourd'hui, avons-nous de plus grands pouvoirs avec l'entente que nous devrons signer à la suite de l'accord du lac Meech? Je ne crois pas, Mme la Présidente. Où sont-ils ces nouveaux pouvoirs sur lesquels on s'entend, à corps défendant, de l'autre cOté? Ce sont des pouvoirs qui ont toujours été reconnus antérieurement, notamment la nomination des juges. Effectivement, nous avons toujours eu droit à la nomination des trois juges qui représentaient le Québec. Avons-nous plus de garanties en ce qui concerne l'interprétation, par exemple de la spécificité du Québec? Je ne crois pas, Mme la Présidente, que le fait d'avoir le droit de

choisir les juges nous donne davantage de garanties en ce qui concerne la reconnaissance de la spécificité du Québec. Pourquoi, Mme la Présidente, alors que le temps ne nous presse pas, alors qu'il est possible pour nous de consulter ces juges ne pas leur demander: qu'en est-il de l'interprétation qu'ils font justement de cette société distincte? Il serait peut-être important de voir quelle direction ces mêmes juges prendront pour rendre verdict en ce qui concerne les interprétations, parce qu'ils auront de plus en plus à se pencher, parce que ce sera encore plus ambigu et moins clair que cela ne l'a jamais été pour l'ensemble des Québébois et des Québécoises, pour la spécificité, la société distincte du Québec.

Mme la Présidente, c'est un manque de respect envers les citoyennes et les citoyens du Québec et cela n'est pas reconnaître la capacité de faire des choix aux Québécois et aux Québécoises que de ne pas les consulter sur un sujet aussi important et d'envergure aussi importante pour leur avenir. Nous nous sommes fait dire que M. le premier ministre était un bon navigateur. Je peux vous dire que le premier ministre a habitué les Québécois à des promesses et, par ces promesses, il leur a monté des bateaux où il n'y a qu'un noeud et le noeud du problème, c'est le manque de courage politique du premier ministre qui pense beaucoup plus à faire plaisir à son électorat anglophone et à justifier son retour à la vie politique plutôt que de prendre en considération l'avenir et l'importance de la place que doit occuper le Québec dans cette constitution et dans cette confédération.

Mme la Présidente, nous n'avons pas besoin de naviguer en eau trouble. Je ne le pense pas. Nous avons besoin d'une ligne claire et précise et vraiment nous attarder davantage à définir un projet de société à la mesure du peuple québécois. Nous n'avons pas encore reconnu la volonté de ce gouvernement de se tracer les lignes importantes qui seraient la reconnaissance véritable du Québec français en terre d'Amérique, là où nous sommes menacés de plus en plus de disparaître si nous n'avons pas les garanties nécessaires pour faire en sorte que le fait français demeure ici au Canada, sur l'ensemble du continent nord-américain. Ce serait important. Nous avons besoin de refaire l'équilibre de nos forces et de redonner vie à nos racines, à notre culture; en un mot, nous avons besoin de nous donner vie à nous-mêmes. C'est important pour nous de travailler à édifier un projet de société cohérent avec l'âme québécoise.

Mme la Présidente, il aurait été préférable de se pencher sur les véritables problèmes pour une reconnaissance de l'ensemble des Québécois dans tout ce qui a toujours fait leur spécificité et de favoriser le dépassement pour le peuple québécois et qu'il puisse vivre pleinement son fonctionnement et son autonomie québécoise, non pas aller négocier à rabais et non pas tout simplement une reconnaissance du statu quo à l'intérieur du Québec et à l'intérieur de la confédération. Nous méritons une place de choix. Nous ne méritons pas de nous faire comparer à l'ensemble des provinces, si petites soient-elles en nombre. Nous faisons partie de ce peuple fondateur et, si ce n'avait été des francophones et du fait français, je ne crois pas que le Canada aurait pu avoir le rayonnement qu'il connaît à l'heure actuelle.

Nous sommes, pour une qrande part, responsables de ce développement et nous avons droit à cette reconnaissance et à ce statut particulier que nous réclamons, et nous trouvons plus que raisonnable dans les circonstances, non pas d'aller négocier avec un plancher minimum, mais vraiment une reconnaissance des pleins droits, une reconnaissance linguistique complète en matière de législation. Nous ne pouvons pas nous réjouir en ce qui concerne les ententes du lac Meech, parce que les cinq points que nous avons devant nous n'apportent rien de nouveau et ne donnent aucune garantie en ce qui concerne le développement des Québécois et de l'autonomie du Québec. (18 h 10)

Nous formons un des rares groupes homogènes, le peuple québécois francophone au Québec, en Amérique du Nord. C'est cela qui est à préserver, Mme la Présidente. Je pense que nous avons tous les moyens nécessaires pour faire en sorte que nous ayons une économie qui nous ressemble, une économie qu'a toujours caractérisée ce côté particulier, francophone, ce côté qui a fait que nous avons toujours été, par rapport à l'ensemble du reste du Canada, une province pas comme les autres, une province au sujet de laquelle on s'est souvent fait demander ce qu'elle voulait. Nous voulions justement conserver cette différence, nous voulions démontrer à l'ensemble du reste du Canada que nous étions capables de nous prendre en main, de nous orienter et de nous donner des outils de développement culturel, économique et social.

Nous avons eu et nous avons toujours créé notre propre originalité, ce qui fait que dans l'ensemble du Canada nous nous sommes démarqués. C'est cela que nous voulons privilégier et c'est cela aussi que nous voulons préserver. C'est cette caractéristique si propre à nous Québécois qui a fait que nous avons toujours su être des avant-gardistes et que nous avons su développer des moyens propres à nos aspirations, qui répondent à l'âme québécoise et qui répondent aussi de notre devenir.

Sur les plans économique et social, nous

avons eu ce goût de l'innovation. C'est ce même goût de l'innovation que nous voulons continuer à développer et que nous voulons continuer à préserver. Pourrons-nous, Mme la Présidente, avec l'accord, avec cette reconnaissance, conserver cette même initiative et ce même goût d'innovation? J'en doute, car il faudra, pour avoir la pleine compensation, s'imbriquer dans des programmes dits nationaux, c'est-à-dire des programmes qui correspondent à l'ensemble des provinces, parce que, en dehors de cela, nous ne pourrons pas avoir en retour finalement cette compensation financière.

Serons-nous toujours à la merci des choix des autres provinces? Je crois qu'il y a là encore une grande interrogation, parce qu'on n'a aucune garantie de pouvoir faire nos propres choix à l'intérieur de cette entente constitutionnelle. Je pense que c'est très dommage et c'est faire un accroc à tout ce qui a toujours été la spécificité des Québécois, parce que nous ne sommes pas comme les autres et nous ne serons jamais comme les autres. Nous avons ce qui est en nous pour faire notre différence et nous avons en nous les éléments essentiels qui ont toujours été si importants pour notre développement.

Mme la Présidente, le pouvoir de dépenser n'est pas la trouvaille du siècle. Il n'est pas ce que le Québec attendait pour lui permettre de se développer davantage et de se développer dans la modernité que nous trouvons si importante et si essentielle à l'heure actuelle et aussi, dans les programmes d'aide sociale que nous croyons propres à nos besoins, propres aux besoins de la population des Québécois et des Québécoises. Qu'en adviendra-t-il alors que nous serons dans ces ententes? Nous devrons nous soumettre à la règle du nombre. Je ne crois pas que nous allons représenter la règle du nombre. À ce moment, quelles sont les garanties que nos programmes spécifiques à nous du Québec pourront avoir l'avantage par rapport à l'ensemble des autres programmes? Aucune garantie, Mme la Présidente. Encore là, on nous demande de signer sans poser de questions, sans s'interroger et de faire confiance à ce capitaine de bateau qui est habitué à nous donner des réponses claires-obscures et qui est prêt à renoncer à une signature et qui a de la difficulté dans bien des cas à honorer sa signature.

Je vois sourciller le ministre des Finances. Mais, Mme la Présidente, je pourrai vous donner un exemple où le premier ministre a de la difficulté à honorer sa signature. Je n'ai qu'à relever le cas de l'Institut Doréa où les gens ont manifesté devant l'Assemblée nationale pendant je ne sais combien de jours pour dire à M. Bourassa: Ne vous rendez-vous pas compte de ce que vous signez, parce que vous avez signé une pétition pour maintenir intégrale- ment l'Institut Doréa? Finalement, non, répond M. le premier ministre. J'ai l'impression qu'à l'époque il était tout simplement candidat à la chefferie et candidat comme la plupart d'entre nous ici au moment de la période électorale. Et M. Bourassa avait signé la pétition à ce moment, je pense, sans se rendre compte des conséquences de son geste. Depuis qu'il est premier ministre, il est revenu sur sa signature. Il a de la difficulté parce que à partir d'aujourd'hui, l'Institut Doréa a fermé une unité, a fermé un département et l'Institut Doréa devra faire des mises à pied. C'est ça, finalement la parole et l'engagement du premier ministre. C'est pour cela qu'on dit: c'est important, finalement, de s'attarder. Il arrive, quelquefois, que le premier ministre... Je ne sais pas si c'est par enthousiasme ou parce que tout ce qui se trouve sur son passage l'emballe ou parce qu'il trouve que tout mérite une signature. Mais, à mon avis, je pense que pour apposer sa signature, il faut considérer les conséquences de cette signature et s'apercevoir, en bout de la ligne, que les gens ont des attentes à la suite de cette même signature.

Encore là, aucune garantie. Tout sent quelque chose de précipité. Nous n'avons pas raison de nous précipiter. Je pense que nous devons prendre le temps pour faire l'analyse nécessaire et vraiment d'attendre aussi que les autres provinces se prononcent là-dessus parce que ce n'est pas à nous de leur dire: Écoutez, c'est ça qu'on veut et là on va se contenter de cela. Finalement, on n'a pas besoin de plus. Je pense qu'il est important que nous prenions, nous, en fait, les occasions qui se présentent pour favoriser les discussions, favoriser les prises de position, que ce soit pour ou contre, mais, enfin, qu'on puisse dire: le débat a été fait clairement, les gens ont eu l'occasion de se prononcer à quelque niveau que ce soit. Ce que les experts ont pu dire en 35 heures de commission parlementaire, qu'on permette aussi à ceux qu'on appelle les gens du peuple de s'exprimer là-dessus, qu'on fasse confiance à leur maturité, à leur bon sens.

Je crois, moi, au bon sens de la population. Je crois aussi à la maturité du peuple québécois. Je pense que, lorsqu'on s'adresse à eux, ils peuvent comprendre largement parce qu'ils sont soucieux de leur avenir. Ils sont soucieux aussi des droits qu'on leur a toujours reconnus. Mais, ils sont surtout soucieux du maintien et du respect de leur langue et de leurs racines qui sont les éléments les plus chers pour eux, pour leurs enfants et pour leurs descendants. Ces éléments demeureront toujours, pour eux, un souci et une préoccupation constante. Ils demanderont à qui que ce soit à l'intérieur de ce parlement de les défendre le plus énergiquement possible pour leur permettre,

encore une fois, de porter la tête très haute, qu'ils puissent, avec fierté, parler la langue que leurs ancêtres leur ont transmise, qu'à leur tour, ils la transmettent à leurs enfants et, que de génération en génération, nous puissions avoir la fierté d'avoir une langue riche et une langue internationale, une langue qui pourra faire l'objet d'une fierté qui n'aura pas de fin.

Mme la Présidente, je vous remercie et j'espère que cette motion, en tout cas, sera plus qu'une motion d'urgence, qu'au-delà des mots et des sens vides, quelquefois, on puisse faire un véritable débat et que l'ensemble de la population québécoise puisse se pencher, non pas dans une période de vacances où les gens ont mérité largement leurs vacances après une année de travail ou une année scolaire, mais au retour, lorsque les gens ont les idées plus claires, plus arrêtées, moins ombrageuses par des journées de labeur. Il faut que les gens puissent véritablement se pencher avec sérénité sur la question, qu'ils puissent se pencher sur les enjeux et sur leur avenir. Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Mme la députée de Matane.

Mme Claire-Hélène Hovington

Mme Hovington: Merci, Mme la Présidente. J'ai grand plaisir aujourd'hui à participer un tant soit peu à ce débat historique. Débat historique car depuis 120 ans, c'est la première fois que le caractère distinct du Québec est reconnu officiellement. Dans la constitution de 1867, certains articles consacrent la spécificité du droit civil du Québec comme les articles 94 et 98. Pour le reste, on parle d'une stipulation de la spécificité dans le préambule. Remarquez que c'est déjà quelque chose d'en parler dans le préambule. Mais là où nous sommes gagnants, c'est que le caractère distinct du Québec est officialisé dans l'article 2 de la loi de 1867, donc inclus dans la constitution. Cela est une place de choix et c'est un gain pour le Québec. (18 h 20)

Je voudrais vous dire que le thème proposé cette année pour notre fête nationale du 24 juin, dans quelques jours, d'ailleurs, c'est "Le Québec, une culture à développer". Une culture à développer, c'est se reconnaître comme peuple, comme société, c'est assumer son héritage, mais c'est aussi projeter son avenir. Et, en tant que peuple, nous devons être fiers qu'ici, à l'Assemblée nationale, se déroule, en ce moment, ce débat historique sur, justement, l'avenir du Québec, un avenir projeté à l'intérieur de la fédération du Canada.

Une culture à développer, c'est aussi une sécurité culturelle à garantir; cette sécurité culturelle se trouve garantie par le gain touchant l'immigration. En effet, le Québec contrôlera la sélection, l'intégration et la quantité d'immigrants requise pour les raisons démographiques de son choix. On obtient la garantie que le nombre d'immigrants chez nous sera proportionnel à notre population, plus 5 %• La protection, elle est adéquate. C'est une revendication traditionnelle au Québec qui est enfin satisfaite.

Le député de Shefford nous accuse d'aller contre la volonté de la population. La population s'est prononcée le 20 mai 1980 au Québec; elle s'est prononcée contre l'indépendance du Québec. C'est cela, la démocratie. Quand le Québec nous a élus le 2 décembre 1985, il était au courant des cinq points que le Parti libéral avait dans son programme, cinq conditions minimales dont l'acceptation permettrait de normaliser la situation du Québec. Ces cinq conditions sont les suivantes: premièrement, la reconnaissance du Québec comme société distincte. Nous l'avons dans l'article 2 de la constitution. Deuxièmement, des pouvoirs accrus en immigration et nous les avons, je les ai énumérés tout à l'heure. Troisièmement, la limitation du pouvoir de dépenser du fédéral, nous l'avons aussi, nous avons même la possibilité de refuser des programmes fédéraux sans encourir de pénalité financière; le Québec retrouve ainsi sa marge de manoeuvre dans ses champs de compétence et il a le droit au retrait avec compensation; le Québec retrouve sa capacité de faire les choix qu'il estime les plus aptes à satisfaire les besoins et les exigences de la société distincte que nous sommes; c'est un gain! Quatrièmement, une formule d'amendement de la constitution avec droit de veto. Le Québec, oui, retrouve des droits historiques qui avaient été perdus. L'on retrouve un droit de veto abandonné par le gouvernement péquiste le 16 avril 1981; c'est un gain! Cinquièmement, la nomination des juges de la Cour suprême; l'entente du 3 juin 1987, l'entente du lac Meech, constitue une étape essentielle pour pouvoir continuer de progresser à l'intérieur du Canada.

L'Opposition est contre et c'est normal, ce sont des indépendantistes, enfin ils l'étaient, je ne sais pas s'ils le sont encore. J'oserais presque dire que l'Opposition péquiste est jalouse, oui, elle l'est de nos réalisations en tant que gouvernement pour le Québec; elle est jalouse même de notre chef, je dirais, le premier ministre, M. Bourassa, car ce n'est pas leur chef qui a concrétisé l'affirmation nationale pour le Québec, c'est nous, notre chef, le premier ministre du Québec qui a concrétisé l'affirmation nationale pour le Québec. C'est dur à avaler pour l'Opposition et c'est cela, leur jalousie. C'est nous qui avons concrétisé l'affirmation nationale du Québec à

l'intérieur du Canada.

La députée de Maisonneuve, tout à l'heure comparait la province de Québec à une vieille fiancée qui, après avoir essuyé plusieurs refus, a peur de rester sur le carreau et je la cite: "Le chef du gouvernement me donne l'impression d'avoir peur de rester sur le carreau comme une vieille fiancée qui regrette d'avoir trop souvent dit non et qui est prête à dire oui, à dire oui à n'importe qui, même pour un moins bon parti." Elle continue en disant: "Ce qu'il faut constater c'est que le prétendant se fait tirer l'oreille et que la fiancée commence à avoir la crainte d'être abandonnée. Elle voudrait devancer la cérémonie."

Mme la Présidente, je suis gênée pour la députée de Maisonneuve qui a une très piètre estime de la femme. J'ai une tante qui a dit non plusieurs fois. Et elle a dit non parce que le parti n'était pas bon, le prétendant n'était pas bon. Le jour où elle a dit oui ce n'est pas parce qu'elle avait peur d'être abandonnée comme dit la députée de Maisonneuve, c'est parce que le parti avait de l'allure, le prétendant avait de l'allure. C'est parce qu'elle a été une femme digne qu'elle a dit oui, alors. C'est ce nous avons fait. Nous avons dit oui, la province de Québec a dit oui non pas par peur d'être abandonnée, non pas par peur de rester sur le carreau, mais parce que c'était une entente réalisable et efficace pour tous les Québécois d'entrer dans la constitution du Canada. Voilà, Mme la Présidente.

Le député de Lac-Saint-Jean dit et je cite: "Le gouvernement profite de l'indifférence de la population à l'égard des complexes questions constitutionnelles." Mme la Présidente, je vais vous lire une lettre que j'ai reçue d'un de mes concitoyens de Saint-Joachim-de-Tourelle, c'est vraiment dans la péninsule de la Gaspésie. Cela m'est adressé à moi, Claire-Hélène Hovington, députée de Matane, Assemblée nationale. C'est marqué: Objet: L'entente survenue au lac Meech et je vais vous lire la lettre pour démontrer que ce n'est pas par indifférence de la population. "Chère députée, sincères remerciements pour votre beau travail que vous avez accompli au lac Meech le 30 avril dernier et félicitations. "Je considère que le premier ministre de notre province fait du bon travail et vous de même pour notre comté. "Avec l'expression de mes meilleurs sentiments, ceux de ma famille et ceux de nos amis. Encore une fois, merci et au revoir et vous pouvez compter sur ma collaboration." C'est signé: Germain Therrien, de Saint-Joachim-de-Tourelle. C'est un témoignage, c'est un Gaspésien pure laine faisant partie de cette population soit disant silencieuse et indifférente, selon l'Opposition toujours. En fait, l'Opposition a peur. Je vais vous lire dans Le Quotidien, le journal de Chicoutimi, le 6 mai 1987 où on peut lire sous la plume de Bertrand Tremblay: "Dans l'immédiat, l'entente du lac Meech s'avère la plus grande menace du Parti québécois car elle annonce l'avènement de la souveraineté des provinces". Vous voyez! Alors c'est de cela que le Parti québécois a peur. C'est une excellente entente. Les cinq conditions du gouvernement libéral sont respectées. Le moment est opportun car le PQ a perdu la confiance des Québécois. Le Québec est mûr pour réintégrer la fédération canadienne avec un nouveau climat de confiance favorisé par le gouvernement libéral. La sécurité culturelle est garantie. La prospérité économique est assurée. Le processus démocratique est respecté aussi. Plus de 55 heures de débat en commission parlementaire comparativement à 46 heures en 1981. 35 heures maintenant de débat constitutionnel, comme en 1980, lors du référendum.

Je suis très fière de participer comme Québécoise à ce débat historique. En fait, comme disait le premier ministre, à l'une des plus fortes démonstrations de patriotisme éclairé que nous avons eue à l'Assemblée nationale dans toute son histoire. Je suis convaincue que ma fierté est partagée par vous tous ici. Je souhaite donc que notre fête nationale, qui s'en vient dans quelques jours, soit marquée de cette fierté, fierté d'être Québécois, fierté d'être maintenant reconnus officiellement comme société distincte. Merci, Mme la Présidente. (18 h 30)

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Matane.

M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, j'ai écouté de mon bureau les discours qui ont eu lieu cet après-midi et j'ai compris pourquoi le chef du Parti libéral a décidé que les députés ministériels ne prendraient pas plus de dix minutes. Il s'est dit: Dans dix minutes, si on ne leur prépare pas leurs discours, ils vont être capables de déborder et de dire des choses épouvantables. De la sorte, alors qu'il s'est négocié 17 heures et 30 minutes de chaque côté de la Chambre et que chaque député pourrait avoir beaucoup de temps, aujourd'hui on voit que les députés du Parti libéral ne parlent pas plus que dix minutes et, finalement, qu'ils ne prendront pas leurs 17 heures et 30 minutes parce que le premier ministre n'a pas confiance.

J'ai écouté la députée de Matane. Je lui conseillerais d'ouvrir une agence matrimoniale où elle serait plus à l'aise que dans une constitution. Une constitution, c'est essentiellement un contrat et, même quand

les conjoints sont très amoureux, le code prévoit qu'il ne faut pas faire confiance et, s'ils sont tellement amoureux qu'ils oublient de faire un contrat, le Parlement a fait un contrat à leur place, justement parce qu'il ne faut pas faire confiance.

J'entends les députés libéraux dire: II y aura dix provinces et le fédéral, il faut faire confiance. Il y a 25 000 000 de Canadiens, il faut faire confiance. Parce que, dans ce qui est indiqué, rien n'est précis, il faut faire confiance. Pourtant, c'est le Parlement, c'est l'Assemblée nationale qui, dans le cas du mariage, si les amoureux ont oublié de faire un contrat, a pris la peine de préciser, imaginez-vous entre deux conjoints seulement qui se marient parce qu'ils s'aiment. Imaginez-vous, quand on a dix provinces et le gouvernement fédéral qui ne se sont jamais entendus depuis des générations, des députés naïfs du Parti libéral nous disent: II faut faire confiance. Imaginez-vous donc, Mme la Présidente!

Et plus que cela, après s'être fait organiser depuis plus de 200 ans, on est les premiers à faire un débat prétendument d'urgence, à la veille de la Saint-Jean-Baptiste, alors que la plupart des députés sont partis. Grosse urgence, grande importance pour le premier ministre, ce matamore nouveau, accompagné de Tarzan Rémillard...

Des voix: Ha! ha! ha!

M. Garon: ...courant d'une liane à l'autre dans cette forêt canadienne, dans un nouvel oecuménisme. Avez-vous déjà vu ça? Cette urgence nationale! Il n'y a pas un Parlement actuellement qui discute la question constitutionnelle et nous, on est en urgence nationale. Il fallait que ce soit immédiatement, alors que l'Ontario et le gouvernement fédéral eux-mêmes ont promis qu'ils consulteraient. Le fédéral va consulter de bord en bord du Canada. L'Ontario va consulter parce que le gouvernement ontarien, comme d'habitude, souhaite se faire dire non par sa population.

Nous, M. le Président, on est vide. Pas de consultation sur le texte juridique. Ailleurs dans le monde, la plupart des constitutions sont précédées d'un référendum où le peuple doit se prononcer. Ici, on ne veut même pas lui demander son opinion, d'aucune façon, même pas par consultation. Aucune consultation, alors que dans la plupart des pays du monde une constitution est établie par un référendum national après un mois, deux mois, trois mois de discussions de bord en bord du pays où ça devient le principal sujet de discussion. Ici, on traite la constitution comme si c'était une maladie honteuse. On en discute habituellement la nuit, loin de tout, pour que le monde ne sache pas ce qui se passe. On en traite comme d'une maladie honteuse.

La constitution canadienne a été depuis 30 ans discutée de nuit tout le temps. Qu'il s'agisse de 1981, de 1982, et, récemment, dans les semaines qui viennent de passer, la nuit, comme si on n'était pas capable de parler d'un contrat national ou d'un contrat constitutionnel autrement que la nuit, autrement qu'en escamotant les débats, comme si on avait honte. Oui, la vraie raison, c'est que les députés ministériels, le Parti libéral ont honte et ne veulent pas de débat; c'est pourquoi ils l'escamotent. Alors que trois ans de débats peuvent s'écouler, ici il n'y aura pas eu de débat. On aura empêché le débat.

C'est ce même premier ministre qu'on a connu de 1974 à 1976 qui a fini dans la honte, justement, parce qu'il n'était jamais capable de faire face aux situations. C'est cela, la honte d'un premier ministre qui n'a pas le courage d'aller voir la population, qui n'aime pas voir la population, qui se cache le plus possible parce qu'il sait que personne dans le Québec ne pense qu'il est un matamore. Personne dans le Québec ne croit que M. Robert Bourassa est un matamore. Personne ne pense que M. Robert Bourassa est capable de négocier avec neuf provinces au Canada et le gouvernement fédéral et de les avoir. Tout le monde sait que, au contraire, c'est un homme mou qui, habituellement, se fait rentrer dedans.

Des voix: Ha! Ha!

M. Garon: Personne ne pense que M. Robert Bourassa est capable de donner un grand coup de poing sur la table autrement qu'en se faisant mal aux mains. Non, Mme la Présidente, actuellement, il y a un rapport de forces et on a décidé de le faire disparaître. Parce que le Québec n'avait pas signé, parce que le Québec n'était pas partie, le Québec pouvait négocier et discuter pour essayer d'établir un rapport de forces pour obtenir des pouvoirs accrus.

Quand le premier ministre du Canada, M. Trudeau, avait dit, au moment du référendum, qu'un non voulait dire un oui, tout le monde avait compris, sans exception, qu'il s'agissait de pouvoirs additionnels. Or, dans le document qui vient d'être signé par le premier ministre du Québec, il n'y a aucun pouvoir additionnel. En plus, on fait disparaître le rapport de forces que le Québec avait par le fait de ne pas avoir signé. Il pouvait dire: Je ne signerai pas tant que ce ne sera pas satisfaisant.

Au contraire, ici au Canada, on est trop lâche pour faire une constitution décidée par les élus, essentiellement parce qu'on n'est pas capable de discuter des grands problèmes, on n'est pas capable de discuter des vraies questions, on n'est pas capable de faire autre chose qu'envoyer la poussière en dessous du tapis. On n'est

jamais capable de discuter des vraies questions pour arriver à des vraies réponses, à des vraies solutions, et on se retrouve toujours dans la même situation où on réussit à écrire des textes qui ne veulent rien dire ou bien qui ne règlent rien ou bien qui mènent à des chicanes. C'est parce qu'on est trop lâches, comme élus, pour régler ces questions. On dit: On ira devant les tribunaux et ils régleront cela. Cela, c'est la solution lâche.

Dans la plupart des peuples du monde, on établit des textes clairs, une constitution claire qu'on débat devant la population et, ensuite, après des consultations, on fait des changements, on va en référendum pour faire ratifier le tout par le peuple. Mais ici, loin de là! On ne veut pas que le peuple ait à se prononcer et le peuple n'a jamais eu à se prononcer sur la constitution canadienne. Jamais, dans toute son histoire, le peuple canadien n'a pu se prononcer sur sa constitution! Pourquoi? Parce que les élus -je le dis - sont trop lâches pour faire face aux situations, trop lâches pour trancher les questions, de sorte que, actuellement, tout le monde interprète les textes à sa façon.

M. le Président, on va voir quelques interprétations. Ici, le premier ministre matamore nous conte des histoires accompagné de son Tarzan, mais voici ce que dit le Canada anglais: "Le sénateur Lowell Murray, ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales...

La Vice-Présidente: M. le député, je m'excuse. Je demanderais la collaboration de cette Chambre. Présentement, c'est le député de Lévis qui a la parole et, si vous ne partagez pas son opinion, vous pouvez toujours revenir par la suite. M. le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, cela ne me dérange pas beaucoup d'entendre les cris de députés que personne ne connaît et qui crient dans cette Chambre, et dont ce sera le seul rôle au cours de ce mandat, et qui repartiront de cette Chambre sans que personne ne les connaisse davantage.

La Vice-Présidente: M. le député de Lévis, je vous demanderais de continuer.

M. Garon: Mme la Présidente, je vous dirai que le sénateur Lowell Murray, ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales, déclarait, le 17 juin 1987, au Sénat, concernant cette entente: "La minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze gouvernements se sont engagé à protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays."

(18 h 40)

Aucune protection pour le français; au contraire, on a protégé la minorité anglophone. Ce sera cela, la société distincte. On verra qu'avec le temps la société distincte ce sera établi par les tribunaux que c'est la seule minorité anglophone dans toute l'Amérique du Nord. Cela fait que la minorité anglophone du Québec devra être protégée et ce sera là le résultat de l'accord constitutionnel. On le verra dans l'avenir, à tel point - j'en parlerai tout à l'heure - que le premier ministre a jugé important de mettre une clause de sauvegarde et on verra le résultat que cela donne.

Ian Scott, le Procureur général de l'Ontario, disait dans le Toronto Star du 20 mai 1987: "L'entente du lac Meech donne pour la première fois au gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale." Un autre pas bon, j'imagine, pour Tarzan, alors que le Procureur général, celui qui interprète les lois en Ontario, dit: On vient de donner un droit constitutionnel au gouvernement fédéral d'intervenir dans des domaines de juridiction provinciale. C'est bon. En voici un autre, le Globe and Mail, le 25 avril 1987, un journal de Toronto. Cela doit être bon, puisque l'on trouve bon qu'ils viennent acheter nos journaux d'ici. Que disent-ils à Toronto? "Jamais, de mémoire récente, le Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature de l'accord constitutionnel de 1982 et de son retour dans la confédération." Jamais le Québec n'a si peu demandé. Le Globe and Mail écrit pour les gens de l'Ontario. Il leur dit: Jamais, le Québec n'a été si peu exigeant. Jamais, il n'a si peu demandé.

Le sénateur Lowell Murray, le 5 mai 1987, disait au Sénat: "Ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue à l'émission "Question Period" à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition (la clause de la société distincte) ne va en rien modifier la répartition des pouvoirs; qu'elle ne vise pas à le faire et que personne n'a prétendu qu'elle le ferait." Personnel Cela inclut le premier ministre du Québec. Elle ne change en aucune façon les pouvoirs, dit-il. Ian Scott, Procureur général de l'Ontario, dans le Toronto Star du 6 mai 1987, dit: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux... Le pouvoir de dépenser n'est pas sanctionné dans la constitution; maintenant, il le sera: dans ce sens, cette description formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa."

Un autre qui dit que ce sera à l'avantage d'Ottawa, parce que, pour les Canadiens anglais, il n'y a pas de différence entre le gouvernement d'une province et le gouvernement d'Ottawa. Pour eux, c'est leur

gouvernement anglais. Point. David Peterson, premier ministre de l'Ontario, dit dans le Globe and Mail du 16 mai 1987: "...Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de "société distincte" du Québec... L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances..." Voyez-vous, rien de clair ni rien de précis, sauf que tout ce qui est clair et précis va dans le sens de pouvoirs accrus pour le gouvernement fédéral.

Après, on va venir se gargariser, on va venir nous dire qu'il faut faire confiance, alors que la constitution, c'est le contrat le plus important qu'il peut y avoir ici. On dit: II n'y a pas de problème. Il n'y a rien de précis. Les tribunaux s'occuperont de cela. Est-ce cela, le rôle des élus qui ont été élus, justement, pour représenter le peuple et faire en sorte que les choses soient établies d'une façon claire, comme dans un contrat très important qu'est une constitution?

Mme la Présidente, j'ai dit tout à l'heure que, dans le mariage, les choses sont établies clairement par les conjoints. Ceux-ci passent devant un notaire et discutent clairement de ce qu'ils veulent faire et, s'ils ne le font pas, la loi prévoit quel régime juridique s'appliquera à eux. J'aimerais savoir quels sont les députés dans cette Chambre qui ont assez fait confiance à leur femme pour ne pas faire de contrat. La plupart d'entre eux ont dû faire un contrat, parce qu'autrefois c'était comme cela. Combien de femmes dans cette Chambre ont assez fait confiance à leur mari pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de contrat de mariage? Combien? Personne. Quand ils ne l'ont pas fait volontairement, c'est parce qu'ils souhaitaient que ce soit le code qui s'applique et, quand ils ne l'ont pas fait par erreur, par inadvertance ou par ignorance, la loi prévoit qu'ils en ont un contrat, c'est celui du Code civil. Quel est celui dans cette Chambre qui vend sa maison sans faire de contrat? Est-ce que le député de Louis-Hébert, quand il fait quelque chose, prend un contrat pour ne laisser rien dans le contrat et dit: On va faire confiance, on verra cela plus tard?

Au contraire, une constitution, c'est là pour établir les règles du jeu, pas pour dire: Ce n'est pas clair, on ne sait pas au juste, les tribunaux décideront. Rien ne va mener plus à la chicane qu'une constitution qui n'est pas claire, où tout le monde donne son interprétation. C'est cela qu'on voit à l'heure actuelle, des interprétations divergentes, différentes parce que rien n'est précisé, rien n'est clair. C'est pour cela qu'on entend des discussions naïves où on dit: II faut faire confiance. Qu'est-ce que c'est que cette affaire?

La meilleure entente qu'on puisse faire, c'est une constitution précise, déterminée, déterminante, où chacune des parties est satisfaite. Actuellement, les parties se pensent satisfaites, se disent satisfaites parce qu'elles interprètent le texte, chacune de façon différente. Chacune dit que cela veut dire une chose contraire à ce que dit l'autre. Les gens des autres provinces, des provinces anglaises, sont satisfaits parce qu'ils pensent que tout est en leur faveur, parce qu'ils disent clairement: C'est le fédéral qui va avoir le plus de pouvoirs, c'est le Canada anglais qui va avoir le plus de pouvoirs tandis qu'ici matamore et Tarzan nous disent qu'ils ont réussi à organiser tous ces gens.

La Vice-Présidente: M. le député de Lévis, j'aimerais peut-être vos rappeler l'article 35.1 qui dit bien que le député qui a la parole ne peut désiqner le président ou un député autrement que par son titre. J'aimerais qu'à l'avenir vous les désigniez par leur titre.

M. Garon: Mme la Présidente, je peux dire le matamore du comté de Saint-Laurent ou le Tarzan du comté de Jean-Talon.

La Vice-Présidente: M. le député, je comprends que vous êtes un homme de loi. Vous devez savoir qu'on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut faire directement. M. le député, vous pouvez continuer.

M. Garon: Mme la Présidente, vous voyez. Vous-même, vous n'y croyez pas parce que dire qu'un député est un matamore, ce n'est pas péjoratif, sauf si vous n'y croyez pas. Il n'y a rien de péjoratif à dire qu'un député est un Tarzan, sauf que vous considérez cela comme une farce parce que vous savez que ce n'est pas possible. Autrement, si c'étaient vraiment des matamores et des Tarzans, ce serait glorieux. Les gens diraient: On est défendu par des surhommes. Au contraire, à sa face même, vous n'y croyez pas. Vous n'y croyez pas et la population du Québec ne croira pas à cela.

Mme la Présidente, on a parlé de société distincte. On voit qu'on n'a rien défini jusqu'à ce qu'il y ait une commission parlementaire en cette Chambre, ici, à l'Assemblée nationale. Il y a eu une commission parlementaire et le premier ministre a senti que cette société distincte pourrait déraper vers une société qui serait distincte du fait qu'il y a une minorité anglophone en Amérique du Nord.

Il a fait ajouter un bout, le nouveau paragraphe 4 qui dit que la notion de société distincte "n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs, droits ou privilèges" - parce que c'est lui qui a insisté - maintenant c'est tout au plus le statu quo parce qu'il s'est aperçu que la notion de société distincte, telle qu'elle pourrait être interprétée, pourrait jouer contre le Québec, non seulement ne rien lui donner, mais jouer contre le Québec.

II a dit: Je vais mettre quelque chose de plus. Imaginez-vous! Là, il nous garantit le statu quo. Il essaie de nous garantir le statu quo comme quelqu'un qui dirait: Victoire! Je n'ai rien perdu!

Mme la Présidente, ce n'est pas cela que les Québécois recherchaient. J'ai entendu la députée de Matane nous dire: On a eu à la Cour suprême ce qu'on voulait. On va pouvoir proposer trois juges sur neuf. Qu'est-ce que cela va nous donner de les proposer, même de les nommer si nous voulons, quand ceux des autres provinces, seront six? Parce qu'essentiellement une constitution où nous en avons trois sur neuf est une constitution où les tribunaux supérieurs vont devoir interpréter. Dans ce tribunal suprême qui va interpréter cette constitution, nous serons minoritaires. Ce n'est pas une constitution égalitaire. C'est une constitution où, à la Cour suprême, il y aura trois juges du Québec et six du reste du Canada. À ce moment, on pense que les droits vont être interprétés en fonction du français. Naïveté! Tous les premiers ministres antérieurs ont dit que la Cour suprême était une tour qui penchait toujours du même côté, comme la tour de Pise, et ce n'était jamais de notre côté. (18 h 50)

Aujourd'hui, la députée de Matane nous dit, parce qu'elle a reçu une lettre - Beau témoignage, j'allais dire beau risque: une lettre! - Je m'assois sur ma lettre et je lui fais confiance. Voyons donc! Une lettre! Qu'est-ce que c'est que cela, M. le Président? Pour une constitution. Trois juges sur neuf, un sur trois. Et on dit qu'on est heureux et qu'on va remettre cela aux tribunaux qui vont trancher. Un sur trois. On ne pourra jamais gagner dans l'interprétation comme on n'a jamais gagné dans le passé. La loi 101 a été démantibulée en grande partie, justement, par cette Cour suprême. La loi 101 n'est plus celle du début avec toute l'interprétation qu'a donnée la Cour suprême dans différents cas parce qu'elle a tranché d'une façon constante et permanente contre le Québec, contre le français au Québec. Nos libéraux, ces gens perspicaces, ces prophètes de l'avenir ont décidé de faire une constitution pas claire où ils s'en remettraient à la Cour suprême du Canada. Et la députée de Matane dit: Grande victoire!

M. le Président, tout repose là-dedans. Quand le député de Jean-Talon a dit: Les tribunaux interpréteront, il a décidé de donner le Québec en otage à neuf juges de la Cour suprême où nous sommes minoritaires, où nous sommes trois sur neuf. Le reste, c'est du placotage parce qu'essentiellement ce sont les tribunaux qui vont décider, un tribunal de la Cour suprême du Canada où il y a deux fois plus d'anglophones que de francophones, deux fois plus de non-Québécois que de Québécois. À six contre trois, on gagne rarement, on ne gagne jamais. C'est ce qui s'est passé. Ce qu'on a négocié, c'est la pérennité de notre statut de minoritaires dans la Cour suprême du Canada. C'est ce que les libéraux ont négocié.

Quand j'entends qu'on a gagné quelque chose dans l'immigration, imaginez-vous, dans le "BNA Act", dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, l'immigration était déjà une juridiction concurrente du fédéral et du Québec. Il y a dix ans, il y a eu une entente entre le ministre fédéral M. Cullen et le ministre québécois, M. Couture, au début du premier mandat du Parti québécois. Les négociateurs n'ont rien obtenu de plus que la ratification de cette entente faite il y a dix ans. Ils n'ont rien obtenu de plus. Qu'on arrête de se conter des histoires pour essayer de bourrer la population! J'appelle cela la mentalité du tramway. Avançons par en arrière. C'est cela, la philosophie du Parti libéral. C'est pour cela qu'ils ne veulent pas aller devant la population.

C'est pour cela que, dans les trois ans qui viennent, au lieu de prendre les trois ans pour discuter avec la population et faire en sorte que les gens soient d'accord ou ne soient pas d'accord, ils ont refusé cette partie du débat, ils ont refusé d'aller devant la population.

Mme la Présidente, M. le Président, excusez, cela change souvent, la présidence trouve les députés ministériels fatigants, alors les présidents doivent se relayer. M. le Président, les libéraux ne veulent pas plus de pouvoirs pour le Québec. Les libéraux ont décidé qu'ils aimaient mieux que ce soit Toronto, Winnipeg, Vancouver, Halifax qui décident. Ils ont décidé que ça ne pourrait pas être Québec qui décide en matière de français. Ils ont décidé qu'en matière d'immigration on ne pouvait pas avoir les pleines juridictions, qu'en matière de langue, on n'aurait pas les pleines juridictions, qu'il n'y aurait pas plus de pouvoirs pour le Québec, qu'il n'y aurait pas un tribunal égalitaire. Ils ont choisi qu'on soit minoritaires définitivement d'une façon permanente dans un texte qu'ils ont endossé, appuyé.

M. le Président, je sais pourquoi le premier ministre a voulu faire le débat immédiatement. Il se dit qu'en le faisant immédiatement il ne court pas le risque que la population le fasse changer d'idée comme à Victoria, parce qu'à Victoria il s'était engagé, mais il a reculé, parce que la population s'est prononcée. Aujourd'hui, ce qu'il demande va encore moins loin que Victoria. Aujourd'hui, il sait que, si la population s'en mêle, cela ne passera pas. Sauf que, même en faisant ce débat prétendument d'urgence avant le temps alors qu'il a trois ans pour le faire, le débat va

continuer ailleurs. Les gens ailleurs vont commencer à dire ce que cela veut dire le texte. Je vais vous dire que la population du Québec va avoir, elle aussi, trois ans pour répondre à ce Parlement qui n'a pas voulu la mettre dans le coup.

La population du Québec ne permettra pas qu'on lui fasse une constitution sur laquelle elle n'a pas un mot à dire, sur laquelle elle n'est pas consultée et sur laquelle on fait un faux débat d'urgence, un peu avant l'ajournement qui devait se faire ce soir. On a appris avant-hier que ça continuerait parce que le premier ministre voulait faire un débat d'urgence par surprise pour une constitution.

C'est un viol, un viol du peuple québécois qui avait le droit de dire quelque chose; il n'avait pas d'affaire à se faire "garrocher" une constitution pour laquelle il n'a donné aucun consentement. S'il y a quelque chose, je dis qu'on viole le peuple québécois. Le peuple québécois a le droit de dire s'il est d'accord ou s'il n'est pas d'accord, de donner son opinion et d'être consulté. Il n'y a pas un pays au monde où on établit ces constitutions autrement que de cette façon. Peut-être au Chili avec M. Pinochet, peut-être dans certains endroits comme cela où la démocratie ne veut rien dire, mais il n'y a pas d'endroit au monde où on ne va pas devant le peuple pour expliquer à la population ce que l'on veut faire comme acte de base, comme acte constitutionnel.

Parce que l'acte constitutionnel influence tout ce qui va se passer après cela, tant sur le plan privé que public, ici au Québec et au Canada: les relations entre le Québec et le reste du Canada, les relations entre les francophones et les anglophones, les rapports de la langue française avec la langue anglaise, l'existence de notre société en Amérique du Nord. Tout cela doit être établi par une constitution. Aujourd'hui, alors que les textes ne sont pas clairs et qu'il y a des interprétations venant du Canada anglais, qui disent exactement le contraire de ce que nous disent le premier ministre du Québec et son lieutenant, le député de Jean-Talon, on ne voudrait pas aller devant la population du Québec, on ne voudrait pas expliquer ce qui se passe!

Je vais vous dire une chose: vous procédez peut-être bien de la meilleure façon pour que le peuple réagisse, parce que le peuple du Québec n'est pas plus fou et pas plus bête que les peuples d'ailleurs et il n'acceptera pas que son gouvernement, qu'il a élu, puisse établir de cette façon une constitution ou l'adhésion à une constitution qu'il n'a pas demandée, qu'il n'a pas choisie, pour laquelle il n'est pas partie, pour laquelle il n'a donné aucun mandat et pour laquelle le gouvernement ne veut pas le renseigner, ni lui dire ce qui se passe.

Si le gouvernement fédéral a prévu, imaginez-vous... Vous l'aimez, le gouvernement fédéral, vous le trouvez extraordinaire. Respectez-le donc pour une fois! Il donne trois ans pour en discuter. Il permet trois ans de discussions. Pourquoi prévoit-il trois ans de discussions, pour que les Canadiens anglais aient trois ans et que nous, nous ayons quinze jours? Pourquoi? Parce que le reste du Canada aura trois ans pour discuter de cette constitution. Nous, nous n'aurons pas eu grand-temps.

Si l'accord constitutionnel auquel vous avez adhéré - vous ne l'avez pas voté, mais vous l'avez signé - était si bon que cela, vous en seriez fiers; vous seriez fiers de faire participer tous les citoyens, de leur expliquer ce que c'est. Actuellement, vous voulez escamoter le débat parce que vous en avez honte. Vous savez que, si le peuple du Québec comprend et sait ce qu'il y a dans cet accord, il va se révolter; il va dire non à cet accord constitutionnel parce qu'il n'y a rien pour lui qui va dans la tendance historique du Québec qui veut avoir davantage depuis l'Acte de Québec de 1774. Nos ancêtres, occupés par l'armée anglaise, obtenaient plus en 1774 avec rien, avec des fourches et des bâtons; ils obtenaient plus en 1774 que le gouvernement québécois qui n'a rien obtenu, rien! Et le statut, c'est un statut de la honte et le peuple québécois ne comprendra pas que son gouvernement lui ait enfoncé un acte constitutionnel dans la gorge trois ans avant le temps, alors que, dans les autres provinces du Canada, le débat se fera, les gens pourront discuter, les gens seront consultés et ils pourront donner leur opinion, tandis qu'ici on va penser que c'est terminé. Le peuple du Québec n'acceptera pas d'être traité différemment; il n'acceptera pas que les autres provinces aient trois ans pour en discuter quand lui n'aura pas eu une seconde pour en parler, parce qu'il n'y a eu aucune consultation sur les textes juridiques.

Cela ne se fait dans aucune démocratie civilisée au monde! Dans les républiques de bananes, oui, dans les dictatures, oui; les tyrans adoptent leur constitution et ils ne s'occupent pas du peuple. Jamais dans les démocraties un acte constitutionnel ne s'est fait sans consultation avec la population, sans l'adhésion de la population exprimée, la plupart du temps, dans un référendum. Je vous dis que le peuple du Québec a droit à trois ans de discussions sur l'accord constitutionnel s'il le veut, de la même façon que chacune des autres provinces du Canada aura trois ans pour en discuter. Ce viol constitutionnel n'est pas pardonnable. Je vous garantis que le peuple du Québec ne l'acceptera pas. Je vous remercie. (19 heures)

Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M. le ministre délégué aux Pêcheries.

M. Robert Dutil

M. Dutil: M. le Président, lorsque j'ai décidé de m'engager en politique provinciale pour la première fois en 1979, il y a de cela huit ans, j'ai à ce moment décidé de parier sur le Canada. J'ai parié que, nous, les Québécois, finirions par trouver chez nos autres partenaires provinciaux et chez le gouvernement fédéral des interlocuteurs réceptifs à la réalité québécoise, des interlocuteurs qui comprendraient que ce pays est un pays différent dans lequel il y a une société distincte, un pays où les deux groupes linguistiques principaux peuvent travailler en étroite collaboration pour le mieux-être des citoyens de l'ensemble de ce pays, mais dans l'acceptation et le respect de nos différences fondamentales. Ce pari, je l'ai soutenu lors du référendum de 1980 en rejetant la voie de l'indépendance. Ce pari, je l'ai soutenu lors de l'élection provinciale de 1981 en appuyant le Parti libéral. Ce pari, je l'ai maintenu après le désastre constitutionnel de la négociation de 1981 où le Parti québécois a entre autres perdu le droit de veto pour le Québec.

À l'élection de 1985, le Parti libéral s'est engagé à travailler d'arrache-pied en vue de permettre au Québec d'adhérer dans l'honneur et l'enthousiasme à la constitution du Canada. Pour ce faire, il a établi dans son programme politique cinq conditions claires et essentielles d'adhésion. Ces cinq conditions sont fort bien connues puisque nous en avons longuement débattu durant la campagne électorale de décembre 1985 et puisque nous en avons débattu dernièrement également en commission parlementaire, lors de l'étude de l'accord du lac Meech. Cet accord a été obtenu grâce à la très grande habileté et à la très grande expérience du premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, appuyé par l'expertise constitutionnelle extraordinaire du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Gil Rémillard. C'est M. Robert Bourassa qui a obtenu de ses collègues des dix autres provinces et du premier ministre du Canada que l'adhésion du Québec soit considérée comme prioritaire dans les discussions constitutionnelles initiales à la suite du rapatriement de la constitution. C'était déjà là un pas fort important. C'est le premier ministre également, Robert Bourassa, qui est parvenu à l'accord historique du lac Meech, le 27 avril dernier, et c'est encore Robert Bourassa qui, le 3 juin dernier, a combattu pendant 20 heures pour obtenir cet accord final sur lequel nous allons voter incessamment, accord accepté à l'unanimité des premiers ministres provinciaux à Ottawa.

Je pense qu'il nous faut rendre cet hommage particulier à la ténacité et à la rigueur du premier ministre actuel. Il a su d'abord bien s'entourer. Il a entre autres convaincu l'actuel ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Gil Rémillard, expert constitutionnaliste enseignant dans ce domaine à l'Université Laval, de venir défendre ses idées en politique active. Tous les deux, depuis que le gouvernement libéral a été élu, le 2 décembre 1985, ont travaillé d'arrache-pied afin d'en arriver à ce que nous soyons reconnus dans la constitution comme société distincte. Ils ont travaillé afin que la Cour suprême soit inscrite comme institution dans la constitution avec trois juges venant du Québec et recommandés par le Québec. Ils ont travaillé afin que le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral soit encadré. Ils ont travaillé afin que nous ayons une protection constitutionnelle adéquate relativement à l'immigration et ils ont travaillé afin que le Québec retrouve son droit de veto, perdu le 16 avril 1981 par la négligence de l'ancien gouvernement, sur les modifications aux institutions et sur les amendements éventuels à la constitution. Ces cinq dossiers ont été travaillés de main de maître. Le ministre des Affaires intergouvernementales, depuis un an et demi, a travaillé sans relâche pour convaincre ses homologues des autres provinces du bien-fondé de nos demandes en vue de notre adhésion à cet accord constitutionnel, adhésion absolument nécessaire à notre développement culturel futur et absolument nécessaire pour le maintien d'un climat social adéquat permettant le développement économique du Québec. Ce travail a été fait par le ministre des Affaires intergouvernementales et ce travail a été complété de façon magistrale par le premier ministre le 3 juin dernier. Les dix premiers ministres, après des discussions qui ont duré tout près de 20 heures, en sont arrivés à un accord unanime qui permet enfin au Québec d'adhérer à l'accord constitutionnel de 1981 dans l'honneur et dans l'enthousiasme.

Nous procédons aujourd'hui à un débat en vue de l'adoption de la résolution nous faisant adhérer de façon officielle à cet accord du 3 juin 1987. Pourquoi sommes-nous les premiers à adopter cette résolution, alors que la loi prévoit que l'on dispose de trois ans pour ce faire? Je pense, M. le Président, que les raisons en sont évidentes, car cette première étape des négociations constitutionnelles a été l'étape du Québec. À la demande du premier ministre du Québec, avec l'accord des autres premiers ministres, il a été convenu l'année dernière, à Edmonton, que la priorité dans les discussions constitutionnelles serait de travailler justement à l'adhésion du Québec à l'accord de 1981.

Nous avons obtenu que chacune de nos cinq conditions soit acceptée au lac Meech et confirmée le 3 juin à Ottawa. Je pense

maintenant qu'il nous" appartient ici, au Québec, en tant que principal concerné dans cette entente, de donner aux autres provinces, premièrement, le signal de notre acceptation d'emblée de cet accord et, deuxièmement, le signal que nous souhaitons leur adhésion sans réserve, leur adhésion rapide pour montrer à tous les Québécois que l'esprit du lac Meech, que l'esprit d'un fédéralisme renouvelé, l'esprit d'un fédéralisme de collaboration, l'esprit d'un fédéralisme d'avenir est une réalité solide et profonde à travers tout le Canada. Les autres provinces canadiennes et le gouvernement fédéral ont compris que sans l'adhésion du Québec il ne pouvait y avoir de Canada, que, sans l'adhésion du Québec, notre pays vivrait sur un malaise qui ne ferait que s'envenimer.

Grâce à cet accord, M. le Président, le premier ministre actuel sera enfin reconnu non seulement pour sa grande habileté, non seulement pour sa grande expérience, non seulement pour sa ténacité proverbiale mais il sera également reconnu pour la valeur des résultats qu'il a obtenus pour les Québécois dans le domaine constitutionnel. Robert Bourassa est le père de la nouvelle fédération canadienne. Grâce à lui, nous pourrons dorénavant consacrer, en tant que gouvernement, toutes nos énergies à l'autre aspect tout aussi important de notre travail, c'est-à-dire à celui du développement économique, condition essentielle, on l'oublie trop souvent, au progrès social et au développement culturel du Québec.

Si nous voulons pour les Québécois ce développement culturel, ce progrès social, il est important, et c'est ce que nous avons obtenu, que le Québec soit reconnu dans la constitution pour ce qu'il est. Il est important que le Québec obtienne des garanties des autres provinces sur le maintien à long terme de ses pouvoirs, et nous l'avons également obtenu. Il est important maintenant que tous ensemble nous passions à la prochaine étape et que nous travaillions dorénavant au développement économique de notre province. (19 h 10)

Ceux qui, contrairement à nous, il y a plusieurs années, ont pris l'autre voie, celle de ne pas accepter, de ne pas croire que nous puissions obtenir ce que nous obtenons aujourd'hui par cet accord, ceux et celles qui ont pris la voie de travailler en vue de l'indépendance du Québec et qui se rendent compte aujourd'hui que nous avons bel et bien obtenu les garanties suffisantes, les garanties nécessaires à notre développement culturel, ceux-là, M. le Président, je les invite à faire ce que plusieurs autres Québécois ont fait, je les invite à rallier notre parti, le Parti libéral, un parti pragmatique, un parti ouvert aux discussions, un parti qui, par cet accord, nous permet de réintégrer la constitution de 1981 dans l'honneur et l'enthousiasme. Tous ensemble, nous travaillerions sans déchirement, comme par le passé, pour le meilleur intérêt de l'ensemble de nos concitoyens au progrès économique, social et culturel de tous les Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Vachon.

Mme Christiane Pelchat

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. La motion qui est soumise à cette Assemblée aujourd'hui est tout à fait exceptionnelle et de la plus grande importance pour le Québec, mais aussi pour tout le Canada.

Cette résolution qui demande à l'Assemblée nationale d'autoriser la modification de la constitution du Canada doit être adoptée sans délai. Le caractère historique de cette résolution que nous débattons aujourd'hui, à lui seul, justifie la suspension des règles normales de cette Assemblée.

Bien sûr, M. le Président, l'Opposition ne peut souscrire à cette profonde conviction partagée par mes collègues ministériels. Il est évident que la thèse du Parti québécois ne s'harmonise pas du tout avec ce que nous tentons de faire par l'entente du lac Meech, l'accord d'Ottawa, c'est-à-dire devenir membre à part entière de la fédération canadienne.

Il y a ici, M. le Président, l'affrontement de deux thèses: l'une, la nôtre, voulant que le Québec soit mieux équipé en restant membre de la fédération canadienne et en confirmant son appartenance par la ratification de cet excellent accord; l'autre, celle de l'Opposition officielle, voulant que le Québec devrait se séparer du reste du Canada.

M. le Président, j'aimerais vous citer un passage du discours d'un premier ministre québécois qui exprime à merveille la thèse que défend et qu'a toujours défendue le Parti libéral du Québec: Nous voulons un fédéralisme qui vivifie, qui décentralise et qui fait confiance aux gouvernements qu'il réunit. Nous croyons qu'entre les vérités simplificatrices de la sécession et l'abandon pur et simple de nos responsabilités à un autre gouvernement la formule fédérative est la meilleure, pour autant, bien sûr, que seront scrupuleusement respectés les traits particuliers de notre culture et les aspirations de la communauté québécoise. Un fédéralisme qui exprimera notre liberté authentique de Québécois dans des structures de participation dynamiques au grand projet de l'ensemble canadien. Â une souveraineté illusoire, il propose plutôt une pleine liberté de manoeuvre dans des structures fédérales respectueuses du caractère distinct de la

société québécoise et de sa spécificité culturelle.

M. le Président, il s'agit d'un extrait tiré de la déclaration du premier ministre, M. Robert Bourassa, lors de la conférence constitutionnelle des 14 et 15 septembre 1970. Vous constaterez avec moi, M. le Président, que cette citation est toujours actuelle et empreinte d'un réalisme qui a été reconnu le 3 juin dernier par tous les premiers ministres des provinces ainsi que par le gouvernement fédéral.

Nous l'avons bien démontré, au cours des 25 dernières années, la position du Parti libéral a toujours été la même et a toujours été connue de la population. Je pense que notre position a aussi été bien exprimée lors du référendum. Le livre beige en est sûrement l'expression la plus nette et la plus limpide. Le programme électoral de 1985 qui nous a conduit à l'élection du 2 décembre est tout aussi explicite: cinq conditions pour rentrer dans les rangs de la fédération y ont été énoncées. Ainsi, nous avons obtenu: 1° la reconnaissance explicite du Québec comme société distincte; 2° la garantie de pouvoirs accrus en matière d'immigration; 3 la limitation du pouvoir fédéral de dépenser; 4° la reconnaissance d'un droit de veto, le pouvoir de dire non, et 5° la participation du Québec à la nomination des juges à la Cour suprême. Nous avons obtenu cinq conditions sur cinq.

M. le Président, j'ai participé à la commission parlementaire sur l'entente du lac Meech. J'ai participé aux 55 heures de débats sur cette entente historique. Pas une fois, les experts ou les groupes présents n'ont apporté d'arguments suffisamment perturbants pour ébranler ma profonde conviction que nous agissions pour les meilleurs intérêts du Québec.

M. le Président, je suis sûrement la plus jeune parlementaire en cette Chambre, mais ce n'est pas pour autant que le débat constitutionnel me soit étranger. Au contraire, je suis née en plein débat constitutionnel. Je suis de la génération d'après la Révolution tranquille. Cependant, le débat sur cette question n'a cessé d'être présent pour ma génération, autant qu'il l'a été pour la génération qui m'a précédée. J'ai vécu la période référendaire avec beaucoup de scepticisme. Étudiante en sciences politiques, ces débats faisaient partie de la vie de tous les jours, de la bouche de tous les étudiants, mais jamais le Parti québécois, l'Opposition, n'a pu me convaincre de la pertinence de sa thèse, lors de mes vingt ans et pas plus aujourd'hui.

M. le Président, toutes ces annés à essayer de nous convaincre que le Québec ne peut s'épanouir autrement qu'en étant souverain, toutes ces années s'effacent dans la reconnaissance du Québec comme société distincte à l'intérieur du Canada et aussi, dans la reconnaissance que le Québec aura comme rôle de protéger et de promouvoir ce caractère distinct dans la fédération canadienne. De plus, le premier ministre, Robert Bourassa, a réussi à faire inclure une clause de sauvegarde qui garantit qu'aucune restriction ne pourra diminuer à l'avenir la compétence du Québec relativement à sa langue. Cette clause de sauvegarde vient résorber les inquiétudes des intervenants en commission parlementaire quant à nos compétences en matière linguistique.

Lors de cette même commission parlementaire, M. le Président, la très grande majorité des intervenants et des experts constitutionnels sont convenus que cet accord constitue les meilleurs gains possible pour le Québec. Bien sûr, M. le Président, que pour les séparatistes, les indépendantistes, les souverainistes, ce n'est pas assez, mais pour les tenants d'un fédéralisme asymétrique il s'agit là de gains importants et, gains importants aussi, pour toutes les autres provinces. Ainsi, cet accord reconnaît le principe de l'égalité de toutes les provinces, préalablement reconnu par le gouvernement péquiste en 1981. Pour nous, du Parti ministériel, il s'agit d'un principe normal sans pour autant diminuer les pouvoirs et surtout le caractère distinct du Québec.

M. le Président, par la formule d'amendement reconnue dans l'accord d'Ottawa, le Québec est plus protégé qu'il ne l'était en 1981, car, vous savez, jamais un gouvernement n'a perdu autant, lors d'une négociation constitutionnelle, que ce qu'a perdu le gouvernement précédent. Jamais un gouvernement n'aura pris autant à la légère la force du gouvernement central et le besoin constant pour le Québec de toujours rester sur ses gardes et de ne jamais s'endormir. Je dois vous dire que je n'étais pas très fière du gouvernement en 1981, gouvernement fraîchement réélu, lors d'une certaine nuit de 1981 au cours de laquelle il a perdu le droit de veto. Je sais que les représentants de l'Opposition n'en sont pas plus fiers, puisque depuis le début du débat sur cette motion ils n'ont pas parlé du gain extraordinaire qu'est la formule d'amendement, de la récupération du droit de veto. Pour eux il n'en est pas question, mais pour moi c'est une des principales raisons pour lesquelles le Québec peut estimer qu'il rentre la tête haute dans la fédération canadienne.

La formule d'amendement c'est la règle qui permet à toutes les provinces et au gouvernement fédéral de modifier à nouveau, au gré de l'évolution, la constitution du pays. C'est ce qui permettra au Québec d'aller chercher de nouveaux pouvoirs lors d'une deuxième ronde de négociations. C'est ce qui permet au Québec de dire non si l'État fédéral, tantôt gourmand, veut s'approprier des droits, des pouvoirs qui ne sont pas les siens.

(19 h 20)

En somme, c'est cette formule qui fera en sorte que jamais plus le Québec ne se retrouvera Gros-Jean comme devant, comme en 1981, alors qu'à son insu on rapatriait la constitution en y apportant des modifications sans que le Québec ait pu dire un traître mot. Ainsi, la constitution pourra être modifiée seulement si toutes les provinces s'accordent sur un changement aux institutions fédérales, comme la représentation du Québec au Parlement d'Ottawa, les changements au Sénat, les changements à la Cour suprême. C'est cela, la récupération du droit de veto. De plus, si jamais une province voulait transférer au gouvernement fédéral certaines de ses compétences exclusives, le Québec, pour tous les domaines, pourra se dissocier d'une telle mesure en recevant une juste compensation.

M. le Président, nous sommes aujourd'hui face à une entente qui reçoit l'accord des onze premiers ministres provinciaux et fédéral. Nous sommes en présence d'une volonté politique de toutes les provinces et de l'État fédéral, d'une ouverture d'esprit sans précédent face aux demandes du Québec. Il s'agit de circonstances uniques et bien particulières à la situation politique actuelle du pays. Les changements de mentalité chez les gouvernements des provinces et du fédéral contribuent à la conclusion de cette entente.

Nous retrouvons à l'intérieur des Législatures membres de la fédération des hommes et des femmes qui font preuve d'une ouverture d'esprit qui est digne d'attitudes réfléchies mais aussi rafraîchies par une nouvelle génération de gens élus qui sont exempts des ressentiments nourris par de vieux conflits persistants et entretenus par des préjugés des années soixante et soixante-dix.

En terminant, M. le Président, j'aimerais remercier sincèrement le premier ministre, Robert Bourassa, qui a fait preuve d'un talent de négociateur exceptionnel mais surtout d'un profond attachement au peuple québécois, à la société québécoise ainsi qu'à ses institutions. J'aimerais aussi remercier et souligner le travail de notre ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, notre expert constitutionnel, Gil Rémillard.

M. le Président, je crois que les gens de ma génération peuvent partager le sentiment que j'éprouve aujourd'hui, celui de fierté et surtout un sentiment de confiance quant à l'avenir de nos institutions et quant à leur place dans la fédération canadienne. Je suis d'autant plus fière d'être québécoise canadienne. L'accord d'Ottawa est, quant à moi, l'expression véritable de l'affirmation du Québec dans le Canada, soit l'affirmation nationale. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je cède maintenant la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, c'est très rare que dans cette Chambre et il est rare que dans des Parlements les députés élus, à un moment précis de l'histoire, aient à parler sur l'avenir du peuple qui, dans chacun des comtés, leur fait confiance. C'est très rare. C'est vrai que c'est une chance historique de parler de l'avenir du peuple québécois parce qu'une constitution, cela vient régir la vie de tout peuple à travers le monde.

C'est pour cela que je tiens à dire au tout début, M. le Président, que, sans partager les idées de ceux qui sont au gouvernement, je me dois, et je le fais de bon coeur, de respecter leurs idées. Je demande qu'on respecte les miennes. Bien sûr, je ne suis pas d'accord, et pas seulement parce que je suis un souverainiste. Je vais plus loin. Je le fais parce que je me sens intégré à une notion que j'ai personnellement de ce qu'est le peuple québécois et c'est ce qui nous différencie. Vous avez une notion du peuple québécois qui n'est pas ma notion. Aussi, au tout début, j'aimerais dire que j'ai peine à vous croire quand vous me dites que vous avez un mandat parce que les cinq conditions, ou à peu près, sont dans votre livre Maîtriser l'avenir, ou d'essayer de faire quelque chose dans ce qui viendra; le titre exact, je ne le connais pas.

J'ai peine à croire que vous dites cela en y croyant. Vous savez, quand une élection se fait sur un thème précis, comme la nationalisation de l'électricité, une élection spéciale qui a été faite par le grand Jean Lesage, un des meilleurs premiers ministres que le Québec ait connus, là, c'était précis. Il est allé chercher un mandat et il a demandé au peuple de lui donner un mandat pour une chose précise, au coeur même de la campagne électorale. Lorsque M. Lesage est arrivé en Chambre et qu'il a dit: Voici une façon de procéder pour remplir le mandat qu'on m'a donné, je le croyais. Mais, lorsque c'est un paragraphe dans un programme assez volumineux qu'on va chercher pour dire qu'on a le mandat, j'ai peine à croire que vous y croyez vous-mêmes.

C'est très dangereux. Supposons que ce soit vrai et que vous ayez raison, supposons que ce soit vrai que vous ayez le mandat, et que vous ayez raison, c'est incroyable ce que c'est dangereux. Souvenez-vous de votre slogan de la campagne électorale de 1976. C'est ce qui était sur toutes vos affiches: Non, au séparatisme. Vous vous souvenez de cela? C'était votre slogan. Le peuple a voté contre vous. A-t-il dit oui à la séparation? Alors, si nous avions dit à cette époque:

Nous avons le mandat de le faire, nous avons le mandat de faire la souveraineté du Québec, nous auriez-vous crus? Non! Pourquoi me demandez-vous à moi aujourd'hui, parce que vous avez un vague paragraphe... C'est loin de votre slogan électoral: Rapatrier le Québec dans la constitution. Un vague paragraphe dans un livre vague, mis vaguement pour que les gens divaguent quand ils le lisent. Croyez-vous que vous êtes mandatés?

Des voix: Oui.

M. Blais: À répondre oui, vous me dites que j'aurais dû voter la souveraineté en 1977. Vous voyez là! Le peuple, vous lui disiez: Dites non au séparatisme et il nous a dit oui! C'était bien plus fort, c'était au coeur de votre bataille, la phase Bourassa I. Bourassa phase I, excusez. Son slogan, rappelez-le-vous: Non au séparatisme, et le peuple a voté pour nous. Et moi, je ne me suis pas présenté en 1976, je n'étais pas là. Je me suis présenté en 1981 et j'ai été élu en 1981. Mais je suivais les activités politiques et j'étais persuadé moralement, rationnellement et intellectuellement que le Parti québécois, quoiqu'au pouvoir avec 71 députés, n'avait pas le mandat de faire la souveraineté. Comment pouvez-vous venir aujourd'hui me dire comme ça... Et je ne comprends pas le ministre pancanadien. Je ne comprends pas le ministre pancanadien de dire qu'il a le mandat, lui qui normalement se doit d'être le plus rigoureux intellectuellement dans ce dossier parce que le porte-parole officiel de ce dossier.

M. le Président, ça fait penser un peu que le respect qu'on se doit l'un envers l'autre, on se doit aussi d'avoir le respect de la population qui nous élit. On ne doit pas usurper, au nom d'une partisanerie tactique qui arrive à un moment spécifique, pour se sentir mandaté parce que c'est trop difficile après de défaire les choses que l'on fait sans y être autorisé par le peuple, et ça fait très mal quand le peuple s'en rend compte. (19 h 30)

D'abord, je tiens à vous dire que je crois à la démocratie. C'est pour cela que je respecte la majorité qui gouverne. Je crois aussi en la démocratie qui m'a donné le mandat de vous surveiller et de surveiller vos dires et surtout vos actes. C'est malheureux que les libéraux disent, d'après nous, toujours non à tout progrès réel du peuple québécois. Je ne m'obstinerai pas ici sur "société distincte" ou "peuple", du côté juridique ou constitutionnel, c'est à peu près l'équivalent; on m'a bien expliqué cela, c'est à peu près semblable. Dans les poursuites, dans les grandes batailles qui se font dans le monde, "société distincte", c'est à peu près synonyme de "peuple" et j'ai entendu de grands spécialistes nous dire que c'était à peu près équivalent. J'aime mieux le mot "peuple" parce que le peuple le comprend, tandis que, si je suis le représentant ici de la société, il trouve cela curieux. Quand même, je vous fais grâce des termes.

Vous demandez aux neuf autres provinces et au gouvernement fédéral de nous reconnaître, disons, comme peuple, cela va être plus facile. C'est ce que vous leur demandez comme gouvernement, c'est votre droit. C'est ce que vous leur demandez. Qu'est-ce qu'un peuple? Un peuple, si on est conscient de ce que c'est, de son vouloir et de ses désirs, de son droit et de ses devoirs, c'est d'abord de s'organiser structurellement pour avoir ce qu'il faut pour vivre selon ce qu'il est. Imaginez, un instant, si les libéraux et les grands de l'époque de la Révolution tranquille, plutôt que d'être divergents - je pense à nos quatre grands de l'époque, Lesage, Lévesque, Drapeau, Trudeau, quatre grands Québécois de l'époque. Ce sont eux nos quatre grands Québécois de l'époque. Ce sont des gens qui m'ont inspiré; je n'étais pas toujours d'accord avec eux, mais ce sont des gens qui m'ont inspiré comme être humain.

Plutôt que de se diviser pour différents goûts, si ces quatre grands avaient été ensemble pour défendre ce peuple que vous voulez faire reconnaître par les autres provinces aujourd'hui, est-ce qu'on en serait là? Est-ce qu'on en serait où on est? Non. Il y a longtemps que l'épanouissement du peuple québécois serait accompli. Et vous le savez! Mais toujours les libéraux ont tiré vers le non. Pourquoi? Vous demandez aux autres provinces de nous reconnaître comme peuple, vous n'avez jamais été capables de le faire vous-mêmes...

Une voix: Plus fort!

M. Blais: ...parce que vous auriez pu le faire vous-mêmes, vous auriez dit oui au référendum.

Une voix: ...

M. Blais: M. le Président, vous allez arrêter cet homme de grogner. C'est le député qui est là et je vais le nommer. A toutes les fois que je parle en Chambre, il grogne.

Le Vice-Président: Bon!

M. Blais: Ecoutez si vous ne comprenez pas. Je vous écoute avec attention et je respecte votre droit de parole.

Si nos quatre grands s'étaient unis pour que le peuple du Québec s'épanouisse, vous n'auriez pas à demander aux autres, aujourd'hui, de nous reconnaître comme peuple ou comme société distincte. Vous êtes obligés de faire cette quête dans les autres

provinces parce que vous n'avez pas été capables de le faire vous-mêmes sur notre territoire. Je trouve cela honteux. Et j'ai droit à cette opinion comme être humain. J'aurais tellement aimé que vous reconnaissiez d'abord vous-mêmes que nous étions un peuple avant d'aller quémander, quêter ailleurs cette reconnaissance que vous avez toujours combattue. Ne vous sentez-vous pas un peu vibrer à l'intérieur quand on vous dit des choses comme cela? Pourquoi ne nous avez-vous jamais reconnus comme peuple, nous, les francophones du Québec, et allez-vous commander aux autres de nous reconnaître? Vous avez tellement peur! Disons-nous nous-mêmes que nous sommes un peuple, et après on nous respectera. Après! C'est malheureux. Que c'est malheureux!

On nous dit de l'autre côté - j'ai entendu et je respecte cela, écoutez-moi bien, je le respecte et je le crois: Nous sommes des Québécois. Vous nous le dites, je le crois. C'est que nous n'avons pas la même définition du mot et nous avons droit, en cette Chambre, de ne pas avoir la même définition du mot. Je serais porté à dire, en parodiant Horace: Si vous n'êtes pas d'abord des Québécois, montrez que nous sommes tous ensemble dignes de l'être. Et, si ensemble nous le sommes, pourquoi ne le ferions-nous pas mieux paraître? Vous vous souvenez de cette phrase, parodiée selon ce qu'on dit aujourd'hui. Je m'adresse beaucoup au ministre pancanadien parce qu'il comprend la nuance. Je ne suis pas constitutionnaliste, je ne suis pas avocat. Non, je suis un type qui, dans son coeur, vibre quand on pense au Québec libre, cela me fait vibrer et j'en ai le droit. Plus que cela, j'en ai le devoir.

Dans le monde, vous avez vu tous les peuples du monde, l'Afrique en entier y est passée. Ils se sont libérés et ils se sont donné des constitutions qui répondent à leurs aspirations. Ils ne sont pas allés quémander ou quêter ailleurs une revendication comme peuple. Ils se sont d'abord reconnus eux-mêmes comme tels. C'est l'enfance de l'art. Il faut se respecter soi-même dans la distinction et se dire ce que nous sommes avant d'aller demander aux autres ce que nous devrions être. Une constitution est une manière d'être qui répond aux aspirations d'un peuple. Dans ce Canada artificiel, on fait une constitution et on demande aux peuples de se modeler sur cela. Vous voulez faire coller ensemble des parties réfractaires. On ne peut pas faire un seul pays avec l'Allemagne et la France. Ce sont deux peuples que je vénère et que j'adore. Entre eux ils ne se détestent pas. Mais faire un seul pays avec cela, c'est une impossibilité rationnelle. Il me semble que c'est facile à comprendre.

Si on veut voler de ses propres ailes, cela ne veut pas nécessairement dire que nous sommes de mauvais moineaux ou qu'on hait toutes les autres espèces qui volent sur cette terre. Le goéland peut respecter le rossignol tout en étant lui-même distinct et chez lui dans son nid - c'est facile à comprendre - et pondre ses propres oeufs au nombre qu'il veut, les couver si bon lui semble! J'ai beaucoup de peine à suivre le raisonnement de mes amis d'en face. Au Québec, moi, ce que je défends, c'est que je fais partie d'une majorité québécoise; ce que cette entente veut défendre, c'est que nous sommes une minorité canadienne. Personnellement je ne l'accepte pas. J'ai le devoir comme être humain de vivre sur ce territoire québécois comme majoritaire et non comme minoritaire d'un océan à l'autre. Non, non et encore non.

Dans mon comté, j'ai fait une élection en 1981, j'en ai fait une autre en 1985, j'ai été élu deux fois. Vous allez dire: II y en a qui ont été élus quinze fois, d'accord. La dernière élection, elle, n'était pas facile pour les péquistes. J'ai eu la plus grosse majorité de mon parti: 50 % de plus que le deuxième. Ce n'est pas par vanité que je le dis, mais je vais vous expliquer pourquoi. J'ai fait ma campagne électorale dans mon comté en disant partout devant la chambre de commerce, devant les hommes d'affaires, devant toutes les associations: Je suis souverainiste. Si vous m'élisez, vous élisez sur le territoire de Terrebonne un souverainiste et un souverainiste - vous les cataloguez -qui croit inéluctablement que la souveraineté du Québec se réalisera. Il y en a de toutes sortes, selon vous; moi, je pense qu'il y a seulement ceux-là, mais je le dis sans ambages. Aux prochaines élections, c'est encore ce que je dirai à mon monde. Si on ne m'élit pas, tout en faisant mon possible sur le territoire, je considérerai qu'on ne m'aime pas à cause de cela. Mais j'ai eu la plus grosse majorité et c'est 50 % de plus que le deuxième qui me suit. (19 h 40)

Je n'ai pas honte de mes idées, j'en suis vraiment très fier. Pourquoi dites-vous toujours non à cet épanouissement normal qui est le fleuron de la fierté naturelle de tout peuple qui se reconnaît lui-même comme tel? Vous êtes tout heureux, tout pimpant de voir dans la constitution éventuelle que les mots "société distincte" y seront. Si l'Ontario vous disait: Écoutez, M. le ministre pancanadien, vous avez voté contre cette société distincte au référendum de 1980, comment voulez-vous que moi je vote pour, aujourd'hui? Seriez-vous surpris? Moi, pas. Moi, pas. On sème et on récolte ce qu'on met en terre. C'est aussi simple que ça.

On a ce droit à une patrie, à un pays qui est le territoire du Québec pour moi, mais ce sentiment d'appartenance est sous cendres au Québec, il ne faut pas se leurrer. Il ne faut pas se leurrer. Il ne faut pas se leurrer. Il y a de grands pays qui ont perdu

la dernière guerre, la plus récente, la terrible guerre qui a fini en 1945: l'Allemagne, l'Italie et le Japon. Ils ont été complètement détruits. L'Allemagne réduite en cendres. Est-ce qu'il y a des statues de Washington sur le territoire italien? Est-ce que l'Italie est redevenue souveraine? Est-ce que le Japon est redevenu souverain? L'Allemagne, on en a même fait deux avec. Deux fois souveraine! Deux fois!

Comment se fait-il qu'au Québec des gouvernants, des penseurs et des gens qui semblent sincères - c'est ce qui me fatigue le plus - ne veulent pas reconnaître pour nous ces mêmes droits à se reprendre en main? C'est par innocence, j'espère, et non pas par volonté, sinon c'est à votre insu que ces choses-là arrivent. Je ne peux pas croire que c'est l'appât fictif d'une éventuelle auréole autour d'un livre historique qui dirait: C'est moi qui ai participé à conserver le Québec dans cette confédération. Ils sont déjà reconnus comme société distincte tellement secondaire que ce serait secondaire d'en écrire plus long dans ce livre. Je ne peux pas croire que ce soit ce qui vous guide. Je ne peux pas croire. Je trouve ça humiliant, personnellement humiliant.

On nous revient toujours, à savoir que nous sommes un peuple déchu. Nous avons perdu trois référendums. Mon Dieu! qu'on nous le rappelle donc souvent! Le référendum Montcalm et Wolfe, c'était un référendum armé, on l'a perdu. On l'a perdu! Le référendum de 1837, un autre référendum armé que, pour des causes un peu différentes, nous avons aussi perdu. Nous avons perdu! Est arrivée la démocratie après. Heureusement la démocratie a fait place à ça. Je suis un grand démocrate et là on en a eu un le 20 mai 1980 et on l'a perdu aussi. Je suis de ce peuple éternellement perdant. Je suis de ce peuple éternellement perdant pour le moment. Je voudrais qu'ensemble on essaie de s'en sortir pour devenir une fois, et de façon définitive, le peuple gagnant et ce n'est pas cette entente qui vient effleurer le début du commencement d'une victoire. Il y a un "v" dedans et il est pour "vaincu". Le seul "v" que vous nous apportez n'est pas le "v" de la victoire, c'est le "v" du vaincu. Je voudrais le "v" du vainqueur. Je le voudrais. Vous ne nous reconnaissez pas comme peuple distinct, comme société distincte et vous demandez aux autres de le faire. Quel phénomène politique dirige ce gouvernement!

Pourtant, pourtant, à l'époque du référendum, c'était M. Trudeau lui-même qui s'était fait le grand chef de la réaction négative à l'admission qu'un peuple en devenir voulait commencer par se libérer. Et vous l'avez cru, à l'époque. Vous étiez derrière. Vous étiez derrière, de façon totale. Aujourd'hui, il vous ... Et il ne s'est pas démenti depuis. Dans Cité libre il a toujours dit que le peuple québécois n'existait pas. Nous sommes au Québec, dit-il, une tribu, qui s'assoit dans un wigwam, qui fume le calumet de paix pour se consoler et qui élit des sorciers pour les représenter. Ce n'est pas très noble; il a toujours été ainsi. Quand il a été élu à la tête du Canada, il avait encore cela dans la tête et, quand il a dit non au référendum, c'était le même raisonnement, vous l'avez toujours suivi. Et là un de ses derniers élèves, à son insu, est dans la même lignée, sur le bout de la descente de cette idéologie qui considère le Québec comme une tribu, là, c'est "société distincte". C'est un petit pas de moins. Mais "peuple", cela aurait été trop dur à demander; "société distincte" est considérée comme une victoire effarante. Mon Dieu! Qu'on se sent donc petit quand on est défendu ainsi. Ce n'est pas de cela dont on a besoin au Québec. Société distincte, la vraie société distincte, le vrai peuple et il s'ensuit beaucoup de choses.

Les conséquences, si on regarde cela, c'est que, sur le territoire québécois, nous tous... On est tous des Québécois, là-dessus, je ne vous "obstine" jamais, et par respect pour vous je dis qu'on a une définition différente, jamais je n'attaquerai - vous le pensez peut-être - ce que vous êtes sincèrement, à condition qu'on se respecte, je vous le dis encore.

C'est le seul territoire du monde, le Québec - n'oubliez pas ce que je veux vous dire - où ses élus et son Parlement sont en dépérissement constant, du côté politique. Le North America Act fut rédigé à l'époque par les pères - comment les appelez-vous? - les pères de la confédération, n'est-ce pas? C'est comme cela qu'ils s'appelent ces grandes et nobles personnes. Les pères de la confédération... On s'est fait passer le plus beau sapin ce jour-là. Quand et où? On est passé d'une confédération, au début, à une fédération. Nous ne sommes plus une confédération, nous sommes maintenant une fédération. C'est le mot qui est utilisé, à bon escient, par votre ministre pancanadien. C'est une fédération. Une confédération, c'est une association de pays souverains. C'est cela une confédération d'États, de pays, c'est synonyme. Une fédération, c'est beaucoup plus floue, beaucoup plus "lax" et c'est devenu cela par votre propre volonté, pas nécessairement, mais par un manque de cran de l'ensemble de la population et des législateurs qui ont passé dans ce Parlement depuis ce temps. Croyez-vous que cette entente qui va venir confirmer certains droits, surtout dans le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, de venir... De façon constitutionnelle, cela n'a jamais été permis. Dans cette fédération, il y a certains points, dans certains dossiers, où nous sommes à 100 % souverains, c'est-à-dire que nous avons pleine juridiction: l'éducation, les

services sociaux, l'environnement; moitié-moitié, il y a l'agriculture, la main-d'oeuvre parce que M. Godbout, un bon libéral encore, a envoyé l'assurance-chômage à Ottawa en 1944. Quand les libéraux arrivent, certaines choses s'en vont à Ottawa. J'espère qu'ils s'en iront tous un jour pour qu'on puisse se gouverner nous-mêmes. Et il y a des points où le gouvernement fédéral est entièrement souverain. Tout ce qui est timbré, c'est fédéral, et l'armée, entre autres. C'est très ennoblissant pour un peuple d'avoir une armée, alors cela, c'est eux qui l'ont. Quant à nous, nous avons 100 % de juridiction sur l'éducation, les services sociaux et l'environnement. Et un bel exemple, et là ce sera constitutionnel, le gouvernement fédéral s'est toujours immiscé dans les affaires des provinces sans droits réels constitutionnels. Selon le gré du gouvernement en place à Ottawa, il administre selon son bon vouloir les parts du gâteau qu'il veut bien donner. On va le constitutionnaliser, mais il n'y aura aucune différence, aucune différence et je m'explique. (19 h 50)

Nous avons le programme d'assainissement des eaux - cela s'appelait les installations municipales, mais ce n'est pas important, pour qu'on se comprenne - qui a été mis en place par M. Diefenbaker, un homme que j'ai bien admiré sans voter pour lui; je l'ai bien admiré, il était franc, il disait: Je n'ai pas besoin du Québec pour gouverner. C'était franc et cela me faisait plaisir. J'aime les hommes francs en politique. Il a été élu quand même. Il a institué ce qu'on appelle l'aide aux provinces pour leur plan d'assainissement des eaux. M. Bourassa était au pouvoir en 1970, M. Bourassa phase I, mais il n'était pas prêt à embarquer dans ce programme d'objectif national. On a à peine profité de ce programme. Le Québec a fait son assainissement jusqu'en 1978; il s'est arrêté à 10 %. L'Ontario qui a toujours l'oreille tendue et un bureau énorme à Ottawa pour suivre les dossiers et influencer, 94 % et le reste, les provinces de l'Ouest, à 90 %, les Maritimes à 66 %.

Nous arrivons au pouvoir le 15 novembre 1976 - c'est très proche de 1977. Disons 1977 pour le bien de la cause. Nous relançons ce programme en grande vitesse. Nous dépensons en 1978 150 000 000 $ dans ce programme. M. Trudeau voit aller cela. Il se dit: J'ai un bon moyen de les affamer, c'est une juridiction provinciale, je vais arrêter le programme. Les autres provinces sont à 94 %, 90 %, Québec est à 10 %, on va couper cela. C'est une société distincte non reconnue. Ils ont voté non. Ils vont voter non à tout. Ils ont toujours dit non. Les libéraux sont avec moi, ils sont complices. C'est le PQ qui est au pouvoir: Coupons! Il a coupé. Et en même temps, pour montrer que c'était vraiment vrai, il signe avec l'Ontario et les États-Unis un programme à trois pour la dépollution des Grands Lacs et du fleuve. Il arrête comme par hasard à l'entrée du Québec à Cornwall. Et 80 000 000 $ ont été donnés l'année passé. Nous, on n'est pas capable d'avoir d'argent encore. Pourquoi? Le programme a été arrêté en 1978. Est-ce que les objectifs nationaux, quand une province n'est pas prête, ne seraient pas pénalisés avec la nouvelle entente de la même -j'allais dire de la même maudite façon, mais ce n'est pas parlementaire, je crois, alors je retire cela - de la même façon? Il faut au moins qu'il y ait un temps, un consensus.

Reprenons un exemple. On signe cette entente et l'année prochaine... On la signe à l'automne, disons. L'Ontario n'a pas de CLSC. Il en reste quelques-uns à faire au Québec. On n'a pas été assez longtemps au pouvoir, il nous manquait trois ou quatre mois pqur compléter le réseau, mais vous, vous ne le compléterez pas. Mais ce n'est pas ce dont je veux parler. Il nous en reste dix, douze à faire. Il n'y en a pas en Ontario. L'Ontario a l'oreille du gouvernement fédéral. Elle dit: Vous devriez faire des CLSC un objectif national. Un objectif national, les CLSC1 C'est une bonne idée. Québec les a quasiment tous faits. Donc, cela nous coûtera moins cher. Envoyez donc! C'est comme cela que cela se passe, n'est-ce pas?

La province qui a l'oreille, c'est la province majeure, parce que, eux, société distincte, ils savent qu'ils le sont. Là, un programme de CLSC comme objectif national et on va dire aux autres provinces: Embarquez dans ce plan. Nous, il va nous rester dix ou douze CLSC et eux vont se faire aider et le réseau complet sera payé en Ontario. Et, dans votre dernier budget, votre ministre des Finances dit que beaucoup de plans comme cela ont été amenés dans nos juridictions. À son annexe F, M. le ministre des Finances dit qu'en 1991-1992 ce sera une perte de 6 000 000 000 $ pour le Québec. Ce n'est pas moi. C'est dans votre dernier budget. Parce que le fédéral, après avoir implanté des programmes dans les juridictions du Québec ou des autres provinces, se retire. Pour nous, cela coûterait 6 000 000 000 $.

Je trouve cela très dur pour l'ego, le mythe que vous entretenez toujours dans la population, de peuple bilinque, comme si cela existait à travers le monde. Il n'y a aucun peuple au monde... Est-ce que vous allez venir à y penser de façon sérieuse? Il n'y a de peuple bilingue nulle part au monde. Il y a des élites qui parlent quelques langues, que des élites. Alors, arrêtons de dire qu'au Québec on fera avec les Québécois un peuple bilingue. Cela n'existe pas à travers le monde. On est super-brillants, les Québécois, mais on n'est pas plus brillants que

l'ensemble des gens qui habitent cette planète et un peuple bilingue, cela n'a jamais existé. Jamais.

Ce qui est malheureux ici et ce qui fait la source des mécontentements et des divergences qu'on a d'un côté et de l'autre, c'est que, même si nous sommes une majorité au Québec, la minorité, se considérant comme une majorité à travers le Canada, manque de respect envers la majorité dont je suis et de différentes façons, souvent à son insu, sans connaissance de cause ou poussée par des politiques comme celles que vous avancez. Prenez le manque de respect qu'on a eu dans le domaine scolaire. On a été obligé de faire une loi ici pour gracier tous les enfants, parce que les parents n'avaient pas respecté la loi de la majorité. Il faut tout de même le dire, c'est ça la base. On les a graciés. II n'y avait peut-être pas d'autre solution. Je ne veux pas parler de cela. C'est un manque de respect. La mère qui amenait son enfant à l'école n'avait pas le droit de l'y amener. C'est un manque de respect à la majorité. Cela, personne ne peut le contredire. Deuxièmement, l'affichage bilingue ou unilingue, c'est contre la loi du Québec. Est-ce que la minorité me respecte comme majorité, moi, en faisant des choses unilingues anglaises ou bilingues actuellement? La minorité se considère une majorité canadienne sur mon territoire québécois et manque de respect envers moi. Je trouve cela grave, et ce n'est pas cette entente qui va corriger ces choses.

En terminant, il reste quatre minutes.' Je ne vous dirai pas une chose extraordinaire en disant qu'il peut arriver deux choses avec cette entente. Elle va être signée par l'ensemble des provinces ou elle ne le sera pas. C'est une vérité de La Palice. Dans les deux cas, on va avoir l'air épais. Dans les deux cas. Moi comme partisan péquiste, je vais vous dire une phrase comme partisan péquiste: Signez donc. Notre débat ici, on ne l'a pas fait de façon partisane. Mais, comme partisan péquiste: Signez! Comme Québécois, je vous demande de ne pas le faire.

Vous voyez, j'espère, la différence entre les deux. On a défendu la position qu'on croit la meilleure pour les Québécois. Je vais vous dire pourquoi. Signez, en tant que partisan péquiste pour mon parti... Vous faites tellement croire, vous êtes des semeurs d'espoirs faux, vous faites miroiter devant le peuple québécois des pouvoirs énormes en matière culturelle et linguistique. Et c'est faux! Vous allez être blâmés lorsque votre chandelle va s'éteindre. On ne vous verra plus beaucoup. Vous êtes dans l'ombre de ce que le peuple pense actuellement.

Deuxièmement, si ça ne se signe pas, pensez à l'humiliation. Vous êtes les fers de lance, le premier Parlement qui veut lancer... Vous vous placez comme fers de lance, ça va se retourner en lances de fer contre vous, parce que si les autres provinces ne signaient pas... Cela en prend dix sur dix pour les changements constitutionnels, 7 et 50 % de population sur certains autres, mais, sur les changements, ça en prend jusqu'à dix sur dix. Vous savez cela. Vous êtes un spécialiste de ces choses. Quelle humiliation pour nous! Alors, comme Québécois, je vous demande de ne pas signer. Comme partisan du Parti québécois, j'aimerais que vous signiez parce que ce sera votre mort après, parce que vous avez fait miroiter mer et monde, et vous le savez. Là-dessus, je dois vous blâmer.

Qu'on n'ait pas la même définition du mot "Québécois", à la rigueur, ça passe. Mais ne venez pas me faire croire à moi, un spécialiste comme le ministre pancanadien et tous ceux qui sont autour et les grandes personnes qui sont payées très cher autour de vous pour vous dire ce que vous faites... Ce geste-là, vous le faites de façon éhontée, d'après moi. Vous savez ce que vous faites et vous dites qu'il y a certaines petites choses à l'intérieur de cela. Mais vous faites tellement croire aux Québécois que c'est le Pérou qui déménage au Québec, que, quand ce sera mis en application et que les gens se riveront le nez sur la Cour suprême pour abolir certains volets de la loi 101 encore une fois... Le peuple va exiger de vous des choses effrayantes. Et, si ça se signe, je vous jure que le Parti québécois prendra vite le pouvoir. J'en serais heureux parce que, je vais vous le dire en terminant, je l'ai déjà dit à certains endroits et j'aime beaucoup cette façon de le dire, je suis Québécois à fleur de lys, à fleur de peau, à fleur d'espoir, et à fleur de bataille constante de ce pays en devenir qu'est le territoire québécois. Je suis de ceux qui obtiendront avant de mourir que, sur cette terre québécoise, je m'appelle un type qui fait partie d'un peuple distinct, souverain et fier de l'être. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président: Cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner les travaux de l'Assemblée à lundi, 10 heures.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Donc, l'Assemblée nationale ajourne ses travaux à lundi prochain, 10 heures.

(Fin de la séance à 20 heures)

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