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(Dix heures neuf minutes)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir.
L'Assemblée nationale entreprend ses travaux. Â la
période des affaires courantes, il n'y a pas de déclaration
ministérielle.
Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président, si vous voulez appeler
l'article a, s'il vous plaît!
Projet de loi 59
Le Vice-Président: À l'article a, Mme la ministre
des Affaires culturelles présente le projet de loi 59, Loi modifiant la
Loi sur le cinéma et la Loi sur la Société de
développement des industries de la culture et des communications. Mme la
ministre des Affaires culturelles.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Oui, M. le Président. Ce projet de loi
prévoit l'intégration de la Société
générale du cinéma du Québec instituée en
vertu de la Loi sur le cinéma et de la Société de
développement des industries de la culture et des communications. Les
fonctions actuellement dévolues aux deux sociétés seront
dorénavant exercées par la société maintenant
désignée sous le nom de Société
générale des industries culturelles ou sous le sigle SOGIC et
déterminent la composition du conseil d'administration de SOGIC et
l'autorisent à accorder de l'aide financière à une
entreprise oeuvrant dans l'un des domaines de sa juridiction.
Le conseil d'administration de l'Institut québécois du
cinéma sera formé de neuf membres provenant exclusivement des
milieux des industries culturelles et nommés par le gouvernement. Il
accentue le rôle consultatif de l'institut à l'égard de
certains objets. Le projet prévoit également que certains
pouvoirs réglementaires qui étaient auparavant attribués
à la Régie du cinéma pourront désormais être
exercés par le gouvernement.
Le Vice-Président: Je demanderais simplement un peu de
silence, s'il vous plaît! MM. les députés, je demanderais
un peu de silence pour que nous puissions entendre les personnes qui ont des
messages à nous transmettre ou des projets de loi à nous
présenter. Est-ce que l'Assemblée accepte de se saisir de ce
projet de loi?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, adopté. Mais, M. le Président,
est-ce que la ministre prévoit une consultation?
Le Vice-Président: Mme la ministre. Mme Bacon:
...
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, la décision n'est pas
arrêtée, mais je consulterai Mme la ministre et on pourra en
informer l'Opposition.
Le Vice-Président: Donc, toujours à la
présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Au nom du ministre des
Transports, je voudrais que vous appeliez l'article b, s'il vous
plaît!
Projet de loi 56
Le Vice-Président: À l'article b, M. le leader du
gouvernement, au nom du ministère du Tourisme - un instant. C'est
ça? - M. le ministre du Tourisme présente le projet de loi 56,
Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. M. le
ministre du Tourisme.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci. Ce projet de loi a pour objet de constituer en
corporation l'Institut du tourisme et d'hôtellerie du Québec. Ce
projet prévoit que l'institut sera un mandataire du gouvernement et
qu'il sera administré par un conseil d'administration dont les membres
seront nommés par le gouvernement. L'institut aura pour objet de fournir
des activités de formation professionnelle dans les domaines de
l'hôtellerie, de la restauration et du
tourisme. Il pourra également faire de la recherche, apporter de
l'aide technique, produire de l'information et fournir des services dans ces
domaines. Ce projet de loi accorde au ministre du Tourisme le pouvoir de donner
à l'institut des directives portant sur son orientation et ses
politiques. Les directives devront être soumises au gouvernement pour
approbation. Si elles sont ainsi approuvées, elles lieront la
société. Toute directive devrait être déposée
à l'Assemblée nationale.
Enfin, ce projet de loi contient des dispositions relatives à la
protection des droits des fonctionnaires permanents du ministère du
Tourisme qui pourront devenir des employés de l'institut. Ces
employés pourront se présenter comme candidat à la
mutation pour un emploi dans la fonction publique et participer à un
concours de promotion conformément aux dispositions de la Loi sur la
fonction publique. Ils continueront de plus à bénéficier
du régime de retraite qui leur est applicable. Merci.
Le Vice-Président: L'Assemblée accep-te-t-elle de
se saisir de ce projet de loi?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Article c, M. le Président.
Projet de loi 60
Le Vice-Président: À l'article c du feuilleton, M.
le ministre des Transports présente le projet de loi 60, Loi modifiant
la Loi sur le ministère des Transports concernant le remisage de biens.
Je cède la parole à M. le leader du gouvernement, au nom du
ministre des Transports.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Oui, M. le Président. Ce projet de loi a pour
effet de permettre aux agents de la paix, en cas d'infractions commises sur des
propriétés gouvernementales administrées par le ministre
des Transports comme les haltes routières, de prendre possession et de
remiser aux frais du propriétaire les biens utilisés pour
commettre ces infractions. Le ministre des Transports pourrait alors disposer
de ces biens selon les conditions déjà prévues par la
loi.
Le Vice-Président: L'Assemblée accep-te-t-elle de
se saisir de ce projet de loi? Adopté. Nous arrivons maintenant à
l'étape du dépôt de documents. M. le ministre de
l'Éducation.
Rapport annuel du ministère de
l'Éducation
M. Ryan: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer
le rapport du ministère de l'Éducation pour l'année
1986-1987.
Le Vice-Président: Document déposé. Mme la
ministre de la Santé et des Services sociaux.
Rapport annuel de l'OPHQ
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel de l'Office des personnes handicapées
du Québec pour les années 1984-1985 et 1985-1986.
Rapport annuel de la RAMQ
J'ai également le plaisir de déposer le rapport annuel de
la Régie de l'assurance-maladie pour l'année 1986-1987.
Le Vice-Président: Ces documents sont
déposés.
M. le ministre de la Justice.
Rapport annuel de l'OPC
M. Marx: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel de l'Office de la protection du consommateur
pour l'année 1986-1987.
Le Vice-Président: Document déposé. M. le
ministre des Affaires municipales.
Rapport annuel de la SHQ
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1986 de la Société d'habitation
du Québec.
Le Vice-Président: Document déposé. M. le
ministre des Affaires municipales.
Avant-projet de loi sur l'organisation territoriale
municipale
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai également
l'honneur de déposer un avant-projet de loi sur l'organisation
territoriale municipale. Cet avant-projet de loi constitue la deuxième
étape du processus de révision des lois municipales qui refait ou
revoit toute les dispositions des lois municipales actuelles relatives à
l'organisation territoriale des municipalités locales.
Le Vice-Président: Document déposé. M. le
ministre des Communications. Non? M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Â l'égard de cet avant-projet de loi,
est-ce que les membres de l'Assemblée consentiraient à ce que je
donne
immédiatement un avis quant à la tenue d'une commission
parlementaire?
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement?
Consentement.
Renvoi à la commission de
l'aménagement et des équipements
pour consultation générale
M. Gratton: Merci, M. le Président. Je voudrais donc faire
motion pour que la commission de l'aménagement et des équipements
procède à une consultation générale et tienne des
auditions publiques à compter du 8 septembre 1987 dans le cadre de
l'étude de l'avant-projet de loi sur l'organisation territoriale
municipale, que les mémoires soient transmis au Secrétariat des
commissions au plus tard le 14 août 1987 et que le ministre des Affaires
municipales soit membre de ladite commission pour la durée du
mandat.
Le Vice-Président: Très bien. Maintenant, M. le
ministre des Communications.
Rapport annuel de la Commission d'accès
à l'information
M. French: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer, en deux exemplaires, le rapport annuel 1986-1987 de la
Commission d'accès à l'information.
Le Vice-Président: Document déposé.
Maintenant, en ce qui concerne le dépôt de rapports de
commissions, M. le président de la commission du budget et de
l'administration.
Étude détaillée du projet de loi
236
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
236, Loi modifiant la Loi concernant le Séminaire de Québec. Le
projet de loi a été adopté.
Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est
adopté? Adopté.
Étude détaillée du projet de loi
205
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 18 juin afin d'entendre les intéressés
et de procéder à l'étude détaillée du projet
de loi d'intérêt privé 205, Loi concernant Fleming Mines
Limited. Le projet de loi a été adopté avec un
amendement.
Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
Étude détaillée du projet de loi
204
M. Lemieux: J'ai de nouveau l'honneur, M. le Président, de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
204, Loi concernait Quick O Wash Inc. Le projet de loi a été
adopté.
Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est
adopté?
Une voix: Adopté. Le Vice-Président: Adopté.
Étude détaillée du projet de loi
217
M. Lemieux: Pour terminer, M. le Président, j'ai de
nouveau l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de
l'administration qui a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 217, Loi concernant Roma Gardens Inc.
Le projet de loi a été adopté.
Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Maintenant, M. le
président de la commission de l'aménagement et des
équipements.
Étude détaillée du projet de loi
192
M. Rochefort: Oui, M. le Président, permettez-moi de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé le 18 juin 1987 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 192, Loi modifiant la Loi concernant la ville de La Salle. Ce projet de loi
a été adopté.
Le Vice-Président: Le rapport est déposé. M.
le président de la commission des institutions.
Étude détaillée du projet de loi
223
M. Filion: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer les rapports de la commission des institutions qui a
siégé le 18 juin 1987 afin de procéder à
l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet
de loi
223, Loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur. Le projet de loi
a été adopté avec des amendements.
Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est
adopté?
Une voix: Adopté. Le Vice-Présidents
Adopté.
Étude détaillée du projet de loi
261
M. Filion: Le projet de loi 261, Loi concernant la succession
d'Alexandre Blouin. Le projet de loi a été adopté avec des
amendements également.
Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est
adopté?
Une voix: Adopté. Le Vice-Président:
Adopté.
Étude détaillée du projet de loi
214
M. Filion: Le projet de loi 214, Loi concernant certains
immeubles du cadastre de la paroisse Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette. Le
projet de loi a été adopté.
Le Vice-Président: Est-ce que ce rapport est adopté
également?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. En ce qui concerne le
dépôt de pétitions, il n'y a pas de dépôt de
pétitions. M. le leader du gouvernement. (10 h 20)
M. Gratton: Oui, M. le Président, pourrais-je solliciter
le consentement de l'Assemblée pour que nous puissions revenir aux
dépôts de documents pour que Mme la ministre responsable du
Conseil du statut de la femme puisse déposer le rapport annuel?
Le Vice-Président: II y a consentement?
M. Chevrette: Avec plaisir, M. le Président.
Le Vice-Président: Consentement. Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Rapport annuel du Conseil du statut de la
femme
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel du Conseil du statut de la femme pour
l'exercice 1986-1987.
Le Vice-Président: Alors, document déposé.
Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel. Nous arrivons donc maintenant
à la période de questions et réponses orales. La
première question revient à M. le député de
Lévis.
M. Rochefort: Pas de question ministérielle; on en prend
bonne note.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
La réforme fiscale fédérale et
les intentions du Québec
M. Garon: M. le Président, hier, le ministre
fédéral des Finances a déposé son livre blanc ou
son budget, sa réforme, dont une des principales caractéristiques
est de vouloir insidieusement empiéter sur les droits du Québec.
J'aimerais donc demander au ministre des Finances, ce matin, quelles sont ses
intentions. Est-ce qu'il a l'intention de faire des consultations? Est-ce qu'il
a l'intention... De quelle façon va-t-il manifester ses intentions?
Est-ce qu'il y aura une commission parlementaire pour permettre aux gens du
Québec de s'exprimer par rapport à la réforme
fédérale et celle que pourrait vouloir faire le ministre des
Finances pour s'harmoniser totalement ou en partie? Est-ce qu'il y aura un
livre blanc, un budget à l'automne, ou deux ou trois de ces mesures?
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Je ne sais pas pourquoi on applaudit de l'autre
côté.
M. Garon: Parce qu'on espère avoir des
réponses.
M. Levesque: Ah bon, voilà! M. le Président, je
dois d'abord dire au député de Lévis que je suis heureux
qu'il me pose une question à ce sujet, un sujet d'une grande importance
pour les contribuables du Québec, en particulier. Deuxièmement,
le député de Lévis sait que nous n'avons pas attendu le
livre blanc du gouvernement fédéral pour agir. On a pensé
que, lors de la présentation de notre budget, qui devait avoir lieu le 7
mai et qui a été avancée au 30 avril, on ferait simplement
un exercice purement comptable. Mais nous avons décidé
d'entreprendre immédiatement cette réforme. On se rappellera les
mesures fort importantes que nous avons mises de l'avant,
particulièrement dans le domaine de la recherche et du
développement et dans le domaine de l'impôt sur le revenu des
familles à bas revenu qui ont vu leur impôt soit être
complètement aboli, soit diminué sensiblement.
Je tiendrais aussi à rappeler au député de
Lévis, qui se demandait, à ce moment-là, lorsqu'il a
critiqué le budget... Il ne se le demandait même pas, il nous
disait que c'était absolument pour rien et que la réforme qui
s'annonçait aurait pour effet de rendre caduques toutes ces mesures. Or,
le livre blanc du gouvernement fédéral indique exactement le
contraire. Nous avions justement prévu que ces mesures seraient
conservées, résisteraient facilement au livre blanc.
Maintenant, le député de Lévis me demande si nous
allons nous harmoniser. Je lui dis: On ne s'harmonise pas sur un livre blanc,
on s'harmonise, lorsque les intérêts des contribuables
québécois l'indiquent, à un budget. Présentement,
il n'y a pas de budget fédéral, il y a un livre blanc. Nous
allons continuer notre propre réforme, mais nous avons, pour nous
éclairer, cet instrument de travail additionnel qui est ce livre blanc
du gouvernement fédéral.
Une voix: Nous éclairer!
Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Comme il semble que le ministre des Finances ait de la
difficulté à comprendre, je vais lui demander un exemple concret.
Le ministre des Finances, qui a annoncé des changements dans les
exemptions pour le 1er janvier 1988, alors que le ministre des Finances au
fédéral vient d'annoncer que ce ne sera plus des exemptions mais
des crédits d'impôt et -j'avais dit que son discours du 30 avril
ne serait pas valable pour 1988, - comment a-t-il l'intention d'appliquer ces
réformes pour les familles à faible revenu alors qu'à
partir du 1er janvier 1988, selon le gouvernement fédéral, il n'y
aura plus d'exemptions mais des crédits d'impôt et que le ministre
qui avait prévu des exemptions a dit qu'il s'harmoniserait... Qu'est-ce
qu'il a l'intention de faire à partir du 1er janvier 1988?
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, ce que nous avons fait dans
le budget du 30 avril dernier a été d'abolir l'impôt sur le
revenu pour 45 000 familles québécoises. Ce que nous avons fait
dans le budget du 30 avril a été de diminuer l'impôt sur le
revenu pour 300 000 autres familles québécoises. Cela va
résister à cette réforme annoncée, cela va
être intégré là-dedans. C'est cela que je dis au
député de Lévis. Je dis encore au député de
Lévis que quant à la question de savoir si nous allons nous
harmoniser avec certaines propositions qui deviendront contraignantes pour le
gouvernement fédéral lorsqu'il aura un budget:
Présentement, il n'y a pas de budget. Le député de
Lévis me dit: Si le gouvernement fédéral maintient son
intention de changer les exemptions et de faire des crédits
d'impôt, est-ce que vous allez vous harmoniser? Je dis qu'il est trop
tôt à ce moment-ci pour annoncer des choses comme celles que le
député de Lévis voudrait que j'annonce. Je suis prêt
à annoncer les choses une semaine à l'avance, mais pas six
mois.
Des voix: Ha: Ha! Ha!
Le Vice-Président: En complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, est-ce que je pourrais tenter
d'avoir une manifestation d'intention du ministre des Finances concernant la
possibilité qu'a annoncée le gouvernement fédéral
de taxer la nourriture et de taxer des services essentiels, comme les services
de dentiste, d'optométriste ou d'autres dans le domaine de la
santé? Est-ce que le ministre des Finances peut nous indiquer qu'il n'a
pas l'intention de taxer des services essentiels et qu'il n'a pas l'intention
de taxer la nourriture, puisque, à ce jour, c'est lui encore qui semble
avoir une certaine juridiction dans ce domaine?
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, il faudrait que le
député de Lévis lise bien le livre blanc...
Une voix: II ne l'a pas lu.
M. Levesque: ...du gouvernement fédéral. Il pose
des questions seulement relativement à la taxe de vente. Il laisse des
options ouvertes. Il parle de la possibilité d'une taxe nationale de
vente. Il parle de la possibilité d'une taxe TVA, une taxe sur la valeur
ajoutée. Il parle également d'une troisième option qui est
la taxe sur les transactions commerciales. Il n'a pas fait son lit. Il n'a pas
pris de décision. Il a soumis cela à la consultation. Ne me
demandez pas de m'harmoniser simplement sur la consultation. Je dis cependant
au député de Lévis: II n'est pas question pour le
gouvernement du Québec de céder un pouce dans l'autonomie fiscale
que nous avons présentement, dans l'initiative que nous avons de
décider nous-mêmes des mesures fiscales qui appartiennent au
gouvernement du Québec et à l'Assemblée nationale.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: En complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Une dernière question puisque, à toutes
celles que j'ai posées, je n'ai pas eu de réponse. Il y a un
secteur...
Des voix: Oh!
M. Garon: ...ou vous semblez être intéressé
à en donner une? Alors, je vais vous la poser dans ce secteur-là.
Est-ce que le ministre des Finances peut assurer l'Assemblée nationale
qu'il va protéger toutes les juridictions du Québec en
matière d'impôt et toutes les juridictions du Québec
également en matière de taxes directes et indirectes, M. le
Président?
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, j'ai l'impression que le
député de Lévis n'écoute pas les
réponses.
Une voix: Il ne les comprend pas.
M. Levesque: II pense qu'il pose des questions, il prépare
sa prochaine question et il oublie d'écouter la réponse.
Une voix: II ne les comprend pas.
M. Levesque: Le chef de l'Opposition a bien compris lorsqu'il a
applaudi tout à l'heure à la réponse que j'ai
donnée.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Levesque: Je répète une dernière fois, M.
le Président, que les intérêts du Québec seront bien
protégés.
Le Vice-Président: Question principale, M. le chef de
l'Opposition. (10 h 30)
Réserver aux jeunes 50 % des emplois
découlant des travaux de la Baie James
M. Johnson (Anjou): Question principale, M. le Président,
au premier ministre. On sait qu'il y a environ 175 000 jeunes de moins de 30
ans qui sont en chômage au Québec, officiellement. On sait
également qu'en pratique ils sont près de 250 000, ces hommes et
ces femmes de moins de 30 ans, à ne pas avoir un travail ou à ne
pas être à la recherche d'un emploi, dont près de 100 000
aptes au travail à l'aide sociale. On sait que leur situation,
relativement depuis 20 ans, en termes de chômage, s'est
dégradée par rapport au reste de la population. (10 h 30)
À côté de cela, on sait également que nous
avons une richesse naturelle importante qui s'appelle nos rivières,
notre hydroélectricité et qu'Hydro-Québec prévoit,
dans les années qui viennent, des travaux importants
d'aménagement hydroélectrique, y compris possiblement, sujet
à la signature des contrats, l'aménagement d'environ 3500 ou 4000
mégawatts prévus pour l'exportation aux États-Unis.
Dans la mesure où il s'agit d'un problème collectif et
dans la mesure où nous avons une ressource collective, est-ce que le
premier ministre accepte, tout au moins en principe, la suggestion que je lui
ai faite la semaine dernière, de consacrer, compte tenu des milliers
d'emplois qui pourraient être créés en termes d'emplois
additionnels non prévus sans l'exportation, 50 % de ces emplois à
la fois au niveau direct et au niveau de l'ensemble des entreprises qui
traiteront avec Hydro-Québec afin de rétablir une certaine
équité dans cette société à l'égard
des moins de 30 ans?
Le Vice-Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je suis heureux que le chef
de l'Opposition me pose cette question à l'Assemblée nationale.
Je suis même un peu intimidé d'avoir une question de nature
économique. J'ai dit hier au chef de l'Opposition que j'avais
été quand même étonné qu'il fasse cette
proposition devant des partisans. Si c'est une proposition qu'il
considère très importante, qu'il la fasse plutôt devant
l'Assemblée nationale.
Je vois le leader de l'Opposition souffler une réponse dont je me
doute du contenu parce qu'il sait qu'en 1971 le Parti québécois
m'avait reproché d'avoir lancé le projet de la Baie James devant
les partisans au Colisée.
Je suis quand même heureux de cette volte-face du chef de
l'Opposition parce que lui-même a dit, durant la campagne
électorale, que la phase II de la Baie James était pour
créer des jobs en Nouvelle-Angleterre et aux États-Unis. C'est ce
qu'il disait durant la campagne électorale. Là, je constate qu'il
a changé d'idée. Il se rallie aux partisans de la phase II de la
Baie James. J'en suis très heureux et je le félicite.
Quant à l'idée de réserver des emplois pour les
jeunes, ce n'est pas nouveau, je l'ai dit en fin de semaine alors que
j'étais à Halifax. Je suis même revenu lundi soir pour
répondre aux questions du chef de l'Opposition mardi. Je dis au chef de
l'Opposition que c'était déjà dans les plans, dans les
prévisions du chef du gouvernement. D'ailleurs, le livre que j'ai
publié, qui a été décrié à de
très nombreuses reprises par l'Opposition, par le Parti
québécois et qui s'intitule L'énergie du Nord, la force
du Québec, est dédié expressément à la
jeunesse du Québec.
Je suis heureux de voir que le chef de l'Opposition est maintenant
d'accord avec cela. Je lui dirai que durant la phase I, 41,7 % des emplois,
sans être réservés, ont été tenus par des
jeunes de moins de 30 ans. Donc, il s'agit de faire un effort avec lequel je
suis totalement d'accord, parce que j'en ai parlé constamment pour
augmenter ce pourcentage de 41,7 $ à environ 50 %. Je crois que cela
devrait être faisable. C'était déjà dans notre
intention. Si on peut aller au-delà de 50 %, on va être d'accord,
mais je dois dire que la proposition du chef de l'Opposition, à toutes
fins utiles, a déjà été largement appliquée
à la phase I et qu'à la phase II, ce sera plus facile encore de
l'appliquer, étant donné l'expérience qu'on a eue avec la
phase I et étant donné la volonté politique très
ferme du gouvernement actuel d'accorder la priorité à la jeunesse
du Québec sur cette question.
Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le
chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, cela ne m'arrive pas
souvent, mais je suis très heureux de la réaction du premier
ministre. Étant donné qu'il a pris le temps que vous avez vu, il
me permettra de faire un petit commentaire juste avant de lui poser une autre
question. Je luis ferai remarquer qu'on aimerait cela qu'il fasse des
déclarations à l'Assemblée nationale plutôt que
devant des assemblées partisanes. Il a promis, par exemple, devant une
assemblée partisane, la parité de l'aide sociale aux jeunes, mais
cela m'a l'air qu'il ne l'a pas fait encore à l'Assemblée
nationale.
Le premier ministre reconnaît donc le devancement des travaux de
la Baie James et non pas la Baie James II. On se comprend bien. C'est le
devancement des travaux prévus par Hydro-Québec. C'est cela qui
est en cause et le premier ministre le sait très bien. Il peut bien
appeler cela la Baie James II tant qu'il veut, mais ce n'est pas cela. C'est le
devancement des travaux prévus initialement par Hydro. Que tout cela va
générer des emplois non seulement sur les chantiers et on sait
que le critère utilisé par Hydro-Québec dans ces
données, c'est que, pour à peu près chaque million
investi, environ dix emplois sont créés directement sur les
chantiers. Mais il y a également, et il faut en tenir compte, dans
toutes les régions du Québec, des fournisseurs
d'Hydro-Québec. Que ce soit dans le secteur manufacturier ou le secteur
des services, à peu près tous les corps d'emplois sont
visés par l'activité générée par des
investissements d'Hydro-Québec. Est-ce que le premier ministre
accepterait, plutôt que de se contenter de dire qu'il a
dédicacé son livre, de dire qu'il est prêt, comme premier
ministre, non seulement à s'engager à ce qu'il y ait un minimum
de 50 % sur les chantiers, mais d'amener les entreprises et les syndicats
à négocier à ce que ce soit vrai aussi chez les
sous-traitants partout dans les régions du Québec?
Le Vice-Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je suis heureux de voir que
le chef de l'Opposition a quelque peu approfondi ses notions sur les emplois
indirects parce que je me souviens qu'au moment de l'investissement de
l'entreprise Hyundai, il y avait eu une certaine confusion. Dans les emplois
indirects, on mélangeait la restauration avec la sous-traitance. Alors,
je voudrais simplement exprimer ma joie de voir que le chef de l'Opposition a
commencé à faire ses classes là-dessus.
Ce que je lui dis, c'est que, dans une période où le
chOmage des jeunes était moins élevé - je lui donnais les
chiffres de la fin des travaux de la Baie James, du moins en 1976-1977 - il y
avait déjà 42 % des travailleurs de l'ensemble du complexe qui
avaient moins de 30 ans. Je dis au chef de l'Opposition que, dans une
période où le chômage des jeunes est beaucoup plus
élevé, chaque mesure qui a pour objet de combattre le
chômage des jeunes donne des résultats encore plus importants. On
peut dire, grosso modo, que des nouveaux emplois qui sont créés,
étant donné la proportion des jeunes qui sont en chômage,
il y en a environ 50 % qui vont aux jeunes en bas de 30 ans. Donc, je n'ai pas
d'objection à la proposition du chef de l'Opposition, mais je crois
qu'en pratique elle est déjà réalisée. En effet,
dans les emplois qui ont été créés on sait que dans
le dernier trimestre, nous avons eu 44 % des nouveaux emplois de tout le
Canada. Je crois que c'est peut-être la première fois depuis que
les statistiques sont établies au Québec qu'on a une performance
économique aussi dynamique pour l'ensemble des travailleurs.
Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que les mesures qui sont
prises actuellement aboutissent déjà très largement aux
objectifs qui sont énoncés de part et d'autre. Il reste quand
même que le chef de l'Opposition...
Le Vice-Président: En conclusion, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: ...dit lui-même - je pourrai peut-être
compléter ma réponse dans une autre sous-question - que
c'était assez complexe. Il a quand même fait une espèce de
flip flop assez spectaculaire sur cette question. C'est lui qui, comme ministre
du Travail, était responsable du règlement de placement qui a en
bonne partie fermé les
chantiers de construction aux jeunes. C'est lui qui a refusé
d'appuyer la loi 119 qui ouvrait les chantiers de construction aux jeunes.
Là, après avoir combattu des mesures proposées par le
ministre du Travail pour ouvrir les chantiers de construction aux jeunes, il
veut qu'on applique la clause "nonobstant" pour faire l'inverse. J'ai de la
difficulté à comprendre le chef de l'Opposition.
Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition, en
complémentaire. (10 h 40)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je comprends que le
premier ministre aimerait avoir la paternité de cette suggestion. Ce
n'est pas important qu'il ait la paternité, ce qui compte, c'est qu'on
règle le problème et que vous avanciez, puisque vous êtes
au gouvernement. Vous avez jusqu'en décembre 1988, si vous signez les
contrats avec les Américains, pour donner les décisions à
Hydro-Québec de procéder. Il faut que vous vous
prépariez...
Le Vice-Président: Votre question, M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): ...vous avez un an et demi pour vous
préparer et amener vos ministres à se préparer à
faire cela et à négocier avec les syndicats et les entreprises et
à préparer les institutions de formation qui sont importantes
dans ce secteur.
Le Vice-Président: Votre question, s'il vous plaît,
M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Compte tenu des chiffres qui
révèlent qu'en 1966 le taux de chômage était
d'environ 5,5 % en moyenne dans la population et tout juste de 6,5 % chez les
moins de 30 ans, alors qu'en 1976, à la fin de son second mandat, ce
taux de chômage des jeunes était déjà rendu à
16 %, 15,6 % pour être plus précis - il est en ce moment à
près de 17 % - le premier ministre ne reconnaît-il pas que
ça va prendre en pratique, non pas juste de laisser aller le
système en pensant que ça va intégrer plus de jeunes, mais
des mesures précises de négociations? Au-delà de cette
question de la Baie James, le premier ministre est-il prêt à
envisager d'implanter graduellement dans la fonction publique des programmes de
temps partagé pour permettre l'entrée de jeunes dans la fonction
publique québécoise, dans les secteurs public et
péripublic?
Le Vice-Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je vois que le chef de
l'Opposition a glissé sur un autre secteur. Ce n'est pas une question de
paternité. Je pense bien que la population du Québec est bien
consciente, à la suite de tous les efforts, les déclarations et
les volumes que j'ai écrits depuis une dizaine d'années, que le
chef de l'Opposition, en fin de semaine, a fait une espèce de hold-up
invraisemblable des idées du premier ministre du Québec. Je pense
que cela a été nettement perçu par l'opinion publique,
parce qu'on se souvient de tous les efforts qui ont été faits
pour faciliter cela.
Ce que je dirai au chef de l'Opposition, c'est que, dans la mesure - je
le lui répéterai parce que, dans sa question, il ne tenait pas
tellement compte de la réponse que je lui avais donnée il y a
quelques minutes - où le chômage des jeunes est plus
élevé, les mesures pour combattre le chômage favorisent les
jeunes. C'est logique! On a déjà commencé à le
faire. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
dévoilait un plan pour aider les jeunes agriculteurs, il y a quelques
jours...
M. Garon: II y a 1000 jobs de moins.
Une voix: Pardon?
M. Garon: II y a 1000 jobs de moins...
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bourassa: Chaque fois que j'entends le député de
Lévis, mon admiration s'accroît pour le chef de l'Opposition:
Des voix: Ha! Ha! Ha! Bravo! Bravo!
Le Vice-Président: Brièvement, en conclusion, M. le
premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président... Des voix: ...
Le Vice-Président: Un instant: Donc, M. le premier
ministre, brièvement, en conclusion, s'il vous plaît:
M. Johnson (Anjou): Je comprends que le premier ministre voulait
la placer depuis le début de la session, mais il est très tard,
il est très tard:
Le Vice-Président: M. le premier ministre, en
conclusion.
Une voix: Vous l'auriez souhaité avant? M. Bourassa: Ce
n'est pas... Une voix: ...avant le congrès!
Des voix: Ha: Ha! Ha!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous platt! Nous allons
continuer. M. le premier ministre, en conclusion, s'il vous platt!
M. Bourassa: M. le Président, je dirai au chef de
l'Opposition que ce qui compte, c'est la pertinence de la remarque. Ce que je
veux lui dire, c'est que nous avons déjà posé des gestes.
Je me référais aux mesures du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et, tantôt, à celles du
ministre du Travail, qu'a combattues le Parti québécois. Ils se
sont même opposés au dépôt au projet de loi. Alors,
je constate cette volte-face du chef de l'Opposition sur toutes ces questions,
mais je veux lui dire qu'on est très conscient que c'est la grande
priorité économique du gouvernement du Québec. On a
déjà posé des gestes. Le chômage des jeunes a
été réduit d'une façon significative depuis que
nous avons pris le pouvoir. Nous allons poursuivre et nous sommes
déterminés à prendre toutes les mesures qui s'imposent. On
a adopté le projet de loi sur la Société d'investissement
jeunesse, celui du Conseil permanent. On a d'autres mesures et on va prendre
toutes les mesures appropriées car c'est notre grande priorité
économique que de réduire le chômage de la jeunesse du
Québec.
Le Vice-Président: En question principale, M. le
député de Verchères.
Réduction de l'allocation pour fournitures
scolaires
M. Charbonneau: M. le Président, je suis bien content
d'entendre une telle déclaration du premier ministre. Quand il
était dans l'Opposition, ses collègues, en particulier le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
dénonçaient, entre autres, un programme de relèvement de
l'employabilité qui s'appelait "Rattrapage scolaire". Ils trouvaient que
ce n'était pas un bon programme. Depuis ce temps-là, vous avez
lancé, en campagne électorale, un projet de réforme de
l'aide sociale où vous considériez que ce programme était
valable et qu'il méritait d'être maintenu. Vous l'avez
effectivement maintenu. Ce programme prévoyait, en vertu de l'article 35
du règlement de l'aide sociale, une allocation de fournitures pour payer
les fournitures scolaires de 500 $. C'est un peu en regard de ce programme que
je veux poser la question. Le problème, c'est qu'il semble que le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ait
autorisé des coupures qui font en sorte que ce n'est plus 500 $
maintenant qui sont accordés mais 35 $ pour les jeunes de moins de 30
ans bénéficiaires de l'aide sociale qui participent à ce
programme ou pour les chefs de famille monoparentale. La question est la
suivante: Est-ce que le ministre est d'accord avec la procédure
actuellement suivie par les fonctionnaires de son ministère pour couper,
aux participants au programme de rattrapage scolaire, les fournitures scolaires
de 500 $ à 35 $? Est-ce qu'il ne considère pas cela comme un
hold-up, comme le premier ministre le disait tantôt?
Le Vice-Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Premièrement, il faut
replacer la question du député de Verchères dans son
contexte. Il n'est pas vrai que lorsque nous étions dans l'Opposition
nous ayons, comme formation politique, dénoncé le programme de
rattrapage scolaire. Au contraire, ce programme a été
étendu. Il s'applique non seulement aux jeunes âgés de
moins de 30 ans mais il s'applique également aux mères de famille
monoparentale âgées de plus de 30 ans. Nous avons toujours
approuvé un tel programme. J'ai eu des discussions avec Mme la ministre
de la Santé et des Services sociaux et votre affirmation est
complètement fausse.
Quant à baliser le programme, il est vrai qu'il y avait un
montant de 500 $ qui était généralement autorisé et
généralement appliqué. Ce dont nous nous sommes rendu
compte dans la pratique - et ce n'était pas dans l'ensemble des cas,
mais dans certains cas - c'est qu'on a assimilé à du
matériel scolaire, en début d'année scolaire, des
ensembles de "jogging", des espadrilles, etc. Ce sont ces abus qui font en
sorte qu'on a réévalué les besoins des étudiants,
qu'ils soient de l'aide sociale ou pas, pour en arriver à un montant de
35 $. Maintenant, si vous considérez que ce n'est pas suffisant, nous
sommes toujours prêts à discuter du montant. Est-ce 35 $, 40 $ ou
50 $? Je pense que vous allez être d'accord avec nous pour dire que
l'objet de la dépense est de défrayer du matériel
didactique. Comme ministre, j'insiste pour que ce matériel didactique
soit défrayé, mais il n'est pas question de considérer
comme du matériel didactique, sauf dans des cas exceptionnels, des
ensembles de "jogging".
Le Vice-Président: En additionnelle, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, le ministre a la
mémoire courte. Il oublie les dénonciations qu'il faisait du
programme Déclic et un des éléments du programme
Déclic était effectivement le rattrapage scolaire.
Le Vice-Président: Votre question.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu entend revenir sur sa décision et
payer aux étudiants qui participent au programme de rattrapage scolaire,
qu'ils soient de moins de 30 ans ou de plus 30 ans, les frais réels
encourus pour le matériel scolaire? Il ne s'agit pas de parler
d'ensembles de "jogging". Il s'agit des besoins réels des
étudiants dans ce programme. Est-ce qu'il ne considère pas que
plutôt de réduire cela de 500 $ à 35 $ il devrait
peut-être demander des pièces justificatives et permettre,
jusqu'à concurrence de 500 $, aux étudiants de pouvoir obtenir un
remboursement pour les frais de matériel scolaire?
Le Vice-Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'objectif visé, je le
répète au député de Verchères, c'est de
s'assurer que le matériel didactique dont ont besoin ces personnes soit
défrayé et pour un besoin considéré comme un besoin
spécial lorsqu'ils participent à des cours de rattrapage
scolaire. (10 h 50)
Comme ministre, je suis conscient qu'il faut défrayer ces
coûts, parce que les jeunes n'ont pas cette marge de manoeuvre dans leur
budget qui couvre les besoins essentiels. Maintenant, est-ce que ces
coûts s'élevaient à 500 $? Il y a des études qui
nous indiquent que ces coûts ne s'élèvent pas à 500
$. J'ai indiqué au député de Verchères que,
présentement, le montant fixé est de 35 $ et qu'il est
versé au mois de juillet pour prévoir la rentrée scolaire.
Est-ce que le montant de 35 $ sera maintenu - c'est là la question du
député de Verchères - pour le mois de juillet? Nous sommes
présentement à réviser nos barèmes et nous
ajusterons les 35 $. Si c'est encore 35 $ - s'il n'y a pas eu d'augmentation
pour le matériel didactique, cela demeurera 35 $ - et s'il y a eu des
augmentations, elles seront incorporées aux barèmes.
Maintenant, vous nous demandez: Pourquoi ne remboursez-vous pas chacune
des factures, etc.? Sur le plan administratif, je pense que vous vous rendez
compte des conséquences de votre question. Cela rejoint un peu la
demande que vous avez faite concernant la nourriture pour les assistés
sociaux: Pourquoi ne donne-t-on pas ce qu'on appelle des timbres à la
nourriture pour s'assurer que cette proportion aille vraiment dans le budget de
nourriture, et pourquoi ne donne-t-on pas des timbres pour la matériel
didactique? Nous faisons confiance à cet esprit de priorités et
de discernement de l'assisté social qui peut administrer le budget que
nous lui confions. Mais nous sommes sensibles à vos
représentations pour nous assurer que le budget confié a
l'assisté social, lorsqu'il s'inscrit à des cours de rattrapage
scolaire, soit suffisant pour couvrir le besoin d'achat de matériel
didactique, et le couvrir complètement.
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Je n'ai jamais parlé de timbres... Je ne
sais pas où le ministre est allé pêcher cela, c'est
peut-être parce qu'il y a une grève des postes, actuellement.
Est-ce que le ministre de l'Éducation qui, d'une certaine façon,
est coresponsable de ce programme de rattrapage scolaire, a été
informé du problème que vivent les étudiants qui
participent à ce programme, soit les moins de 30 ans ou les plus de 30
ans, et est-ce qu'il entend faire des représentations à son
collègue, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour faire en sorte que, finalement, on ait
une allocation de fourniture scolaire en conformité avec les besoins
réels? Je pense qu'il y a une exagération de la part du ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui a fait
passer cela de 500 $ à 35 $. Probablement que le premier ministre
devrait se soucier de ce problème, lui qui était très fort
sur le hold-up, tantôt.
Le Vice-Président: M. le député de
Verchères, je vous demanderais d'abréger votre question, s'il
vous plaît! M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Jolivet: Non, le ministre de l'Éducation.
Le Vice-Président: M. le ministre de l'Éducation,
excusez-moi.
M. Ryan: M. le Président, j'ai reçu des
représentations de la part d'étudiants concernés à
ce sujet. J'en ai fait part à mon collègue, le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Le ministre m'a
répondu et nous devons continuer les conversations afin de voir si des
ajustements ne seraient pas requis.
Le Vice-Président: M. le député de
Jonquière, question principale.
Télégrammes de protestations
de municipalités au sujet
du projet de loi 43
M. Dufour: Merci, M. le Président. Lors de l'étude
en commission parlementaire du projet de loi 43, Loi modifiant la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, le ministre
des Affaires municipales a affirmé à plusieurs reprises
qu'il avait l'accord des deux unions municipales concernant ce projet de loi.
Or, devant l'avalanche de télégrammes de protestations concernant
le projet de loi 43, est-ce que le ministre des Affaires municipales maintient
toujours ses affirmations selon lesquelles il y a entente entre les
municipalités et lui-même?
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Bourbeau: M. le Président, le projet de loi 43 modifie,
comme vient de le dire le député, la Loi sur l'aménagement
et l'urbanisme et règle, en quelque sorte, le problème de
l'aménagement concernant la protection des rives, des berges et des
zones inondables. Il s'agit d'une question d'environnement et le ministre de
l'Environnement a sûrement des responsabilités et un rôle
à jouer. Malgré ce fait, le gouvernement a décidé
de confier aux municipalités la responsabilité première en
cette matière, mais il a été convenu avec les
présidents des deux unions que le ministre de l'Environnement aurait,
à la fin du processus, lorsque les règlements municipaux auront
été adoptés, dans des cas particuliers, la
possibilité de regarder ces règlements et même de les faire
modifier s'ils ne respectent pas les normes essentielles établies par le
gouvernement.
Sur les principes, les présidents des deux unions municipales
m'ont donné leur accord. Il est possible que, sur certaines
modalités, il y ait eu des divergences de vues, mais sur les principes,
sur le fait que le ministre de l'Environnement puisse avoir un pouvoir, un
droit de regard sur les règlements municipaux, j'ai l'accord des
présidents des deux unions municipales.
Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Est-ce que le ministre a pris connaissance du
télégramme envoyé aux 95 MRC signé de la main du
président, M. Roger Nicolet, qui dit: "Le 12 juin 1987, nous avons
communiqué notre opposition au projet de loi 43. Nous vous incitons
à intervenir par télégramme auprès du ministre des
Affaires municipales avant qu'il ne soit adopté définitivement."
Est-ce que le ministre maintient toujours qu'il a l'accord des unions des
municipalités vis-à-vis du projet de loi 43?
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président, je maintiens toujours
que, sur le principe du projet de loi 43 et sur la responsabilité qui
est donnée au ministre de l'Environnement, j'ai l'accord des deux
présidents des unions municipales. J'aimerais citer au
député de Jonquière, pour son information, un paragraphe -
je ne citerai pas toute la lettre - d'une lettre que j'ai reçue, hier,
du président de l'Union des municipalités du Québec, M.
Jean Pelletier, qui dit ceci: "Après avoir fait un exposé du
projet de loi 43, pour ces raisons, nous acceptons la responsabilité et
le rôle dévolu au ministre de l'Environnement, bien entendu, par
l'intermédiaire de la loi 43 modifiant la Loi sur l'aménagement
et l'urbanisme."
Une voix: Très bien.
Le Vice-Président: En complémentaire, M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Comme le ministre des Affaires municipales a
cité un document, est-ce que je pourrais lui demander de le
déposer en cette Chambre?
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Bourbeau: II me fera extrêmement plaisir de mettre le
député de Jonquière au courant des derniers
développements dans les dossiers.
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires
municipales, vous avez cité un document. Est-ce que vous acceptez de le
déposer? Très bien. Si vous voulez... Document
déposé.
Question principale, M. le député de Beauce-Nord.
Programme d'assistance financière pour les
victimes d'inondations
M. Audet: M. le Président, mardi matin dernier, le
comité consultatif en matière d'inondation qui a
été formé par le ministre des Approvisionnements et
Services et responsable du Bureau de la protection civile du Québec
remettait son rapport de recommandations.
On se rappellera qu'au mois d'avril dernier, le Québec et
notamment la Beauce ont connu une des pires inondations de leur histoire.
J'aimerais savoir de la part du ministre responsable du Bureau de la protection
civile du Québec s'il entend donner suite aux recommandations contenues
dans le rapport Gauvin qui recommande au gouvernement d'établir un
programme d'assistance financière pour les victimes des inondations de
mars et d'avril derniers.
Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements
et Services.
M. Rocheleau: M. le Président, je voudrais,
premièrement, remercier le député de Beauce-Nord pour
l'intérêt qu'il porte à
ce problème très particulier des inondations, surtout que
le député de Beauce-Nord connaît annuellement dans
plusieurs municipalités de son comté des problèmes
semblables. Effectivement, mardi dernier, le député de
Montmagny-L'Islet, président du comité, déposait son
rapport et, déjà, je l'acheminais au comité
ministériel permanent de l'aménagement et du développement
régional afin que ce rapport puisse être examiné et qu'on
puisse lui donner son appréciation. Du même coup, j'avais certains
commentaires mercredi de cette semaine du ministre de l'Environnement d'une
part et du ministre des Affaires municipales d'autre part sur certains aspects
du rapport déposé par le comité, des commentaires
très positifs à l'égard de ce rapport. Je peux indiquer
que, dès les prochaines semaines, quand j'aurai complété
l'ensemble des propos tenus à l'intérieur du rapport, quand
j'aurai complété avec l'Union des municipalités et l'Union
des municipalités régionales de comté desquelles j'attends
certaines recommandations, il me fera plaisir de recommander à mes
collègues un décret pour reconnaître les inondations des
mois de mars et avril 1987, plus particulièrement en ce qui concerne le
secteur de la Beauce.
Le Vice-Président: Question complémentaire, M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il compte
appliquer la recommandation du comité à savoir que le cheminement
administratif d'une réclamation soit parcouru dans un délai
maximum de six mois?
Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements
et Services. (11 heures)
M. Rocheleau: M. le Président, encore là, c'est
l'une des principales recommandations du rapport, tenant compte du fait que,
malheureusement, quand le gouvernement a à décréter pour
venir en aide à des personnes, à des sinistrés, à
des gens qui ont connu un problème particulier, entre autres les
inondations, on doit corriger encore aujourd'hui ou indemniser ces
sinistrés, alors que cela remonte à 1982, 1983 et 1984. Je pense
qu'il est urgent d'adopter une politique d'indemnisation qui fera en sorte de
suivre les recommandations du rapport dans le but de diminuer autant que
possible et, à la suite des sinistres ou à la suite de
l'intervention, de l'analyse, du décret, faire en sorte que les
sinistrés puissent être dédommagés ou aidés
dans les six mois du sinistre.
M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle.
Le Vice-Président: En complémentaire, M. le leader
de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je pense que ce que les
Beaucerons attendent, ce n'est pas de savoir si cela va prendre six mois. C'est
de savoir combien ils vont avoir. Je voudrais savoir, M. le Président,
si le ministre responsable de la protection civile peut nous dire si les gens
de la Beauce qui ont à être indemnisés le seront en vertu
de l'ancienne politique ou s'ils le seront en vertu de la nouvelle politique
qui a été adoptée en juillet dernier, à savoir que
les premiers 2000 $, les citoyens devront les payer.
Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements
et Services.
M. Rocheleau: M. le Président, j'avais cru avoir fait
parvenir le rapport Gauvin à l'ensemble des députés de
l'Assemblée nationale. Je m'aperçois que le leader de
l'Opposition n'a pas eu l'occasion d'en prendre connaissance à ce jour.
Je veux lui indiquer que, par rapport au décret adopté en juillet
dernier pour les inondations de mars et avril 1986 pour lesquelles on avait
appliqué un pourcentage de 4 % sur la valeur foncière de la
propriété, dans le rapport Gauvin qui nous a été
soumis, une proposition tient compte davantage du plus démuni. Nous
avons modifié les 4 % qui s'appliquaient antérieurement sur la
propriété, nous avons soustrait le terrain et nous appliquons
plutôt un facteur de 0,001 % sur la propriété seulement, ce
qui fait que c'est plutôt croissant pour les mieux nantis et
décroissant pour les moins bien nantis.
M. Garon: En additionnelle.
Le Vice-Président: Une dernière additionnelle, M.
le député de Lévis.
M. Garon: J'aimerais savoir, indépendamment des 0,00, si
le ministre va augmenter les subventions qui vont être versées aux
Beaucerons qui ont été inondés, contrairement aux
représentations du député de Beauce-Nord qui est
allé justifier les coupures du ministre devant sa population?
Le Vice-Président: Votre question.
M. Garon: Est-ce qu'il va rétablir les subventions
à un niveau équitable plutôt que de maintenir les coupures
qu'il avait annoncées?
Le Vice-Président: M. le ministre des Approvisionnements
et Services.
M. Rocheleau: M. le Président, je trouve très
malheureux l'attitude du député
de Lévis qui, lui, n'avait jamais fait aucune
représentation pour les sinistrés, même dans la
région de Québec, alors que le député de
Beauce-Nord a suivi le dossier avec beaucoup d'intérêt.
Des voix: Ah! Ah!
M. Rocheleau: Encore une fois, M. le Président, si le
député de Lévis avait écouté la
réponse que je viens de donner au leader de l'Opposition, il aurait
compris que, dans la politique actuelle, nous recommandons d'aider davantage
les plus démunis et de tenir compte que les mieux nantis devront se
débrouiller eux-mêmes.
Une voix: En additionnelle.
Le Vice-Président: Merci. Question principale...
Une voix: En additionnelle.
Le Vice-Président: Question additionnelle, une très
brève additionnelle, M. le député...
M. Vallières: Très brève, M. le
Président. Je veux savoir du ministre s'il a l'intention de
féliciter le député de Montmagny-L'Islet pour la
qualité de son rapport.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Vice-Président: Très bien.
Une voix: Bravo!
Une voix: II aurait dû le faire au début.
Le Vice-Président: Question principale, M. le
député de Laviolette.
Les états financiers de REXFOR
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Il y a quelque temps,
j'avais fait mention que deux enquêtes se tenaient sur la
société REXFOR. La première était effectuée
depuis le mois de septembre 1986 par le Vérificateur
général et c'était une vérification
intégrée. D'autre part, une vérification interne
commandée par le président du comité de
vérification...
Des voix: ...
Le Vice-Président: M. le député de
Laviolette, s'il vous plaît, un instant! Je demanderais la collaboration.
Nous avons un peu de difficulté à entendre ici. J'aimerais avoir
un peu plus de discipline chez les députés. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Je vais recommencer, M. le Président,
malgré ma grosse voix...
Des voix: Oh! Oh! Oh! M. Jolivet: ...pour dire ceci. Une voix: Aie
là! Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Jolivet: Premièrement, je disais qu'il y avait une
vérification intégrée commencée depuis le mois de
septembre 1986 effectuée par le Vérificateur
général, à la société REXFOR. La
deuxième provenait du président du comité de
vérification, donc du comité de vérification de REXFOR, M.
Alain Belzile, qui, dans...
La deuxième provenait du président du comité de
vérification de REXFOR, M. Alain Belzile, qui, dans un mandat
donné à Mallette, Benoît, Boulanger, Rondeau et
Associés dans une lettre, comme je l'avais dit à l'époque,
de son propre bureau d'avocats de Rivière-du-Loup... Une
vérification, donc, sur l'administration de REXFOR. Or, des sources nous
indiquent que la société REXFOR aurait déposé son
rapport financier indiquant un surplus, des bénéfices de 4 000
000 $. Entre-temps, on sait qu'à l'intérieur du mandat
donné il y avait une discussion en rapport avec l'ancien
président-directeur général, M. Michel Duchesneau -j'y
avais fait allusion à l'époque - à savoir qu'il avait
été congédié sur des informations provenant du
comité de vérification.
Ma question au ministre délégué aux Forêts
est la suivante...
Une voix: Fin de la période de questions.
Des voix: ...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! La
période de questions se termine dans quelques instants. Nous allons
laisser au député le temps de poser sa question et au ministre le
temps d'y répondre. Je vous demanderais de collaborer, s'il vous
plaît!
M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Je ne suis pas pressé, M. le Président,
je me fie à vous.
Le Vice-Président: Allez-y!
M. Jolivet: Pourquoi le ministre délégué aux
Forêts retarde-t-il actuellement la divulgation du document, des
états financiers de la société REXFOR, comme la loi lui
impose de les déposer ici à l'Assemblée nationale? A-t-il
peur que cela vienne à l'encontre des arguments invoqués pour le
congédiement de M. Michel Duchesneau?
Le Vice-Président: M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, la vérification intégrée se poursuit
actuellement par le Vérificateur général chez REXFOR.
L'autre mandat qui avait été donné concernant
l'administration et les mesures à prendre pour économiser un peu
d'argent à REXFOR dans le cadre d'un programme de restrictions, tout
ça se fait actuellement. Tout dernièrement, je crois que les
états financiers de REXFOR ont été approuvés par le
conseil d'administration. Je demanderais au député de Laviolette
d'être patient un petit peu. Il s'agit de les faire imprimer et je le
déposerai à l'Assemblée nationale aussitôt que ce
sera fait.
Le Vice-Président: Très bien! Ceci met fin à
la période de questions.
Il n'y a pas de vote reporté.
Aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.
Modification à la convocation d'une
consultation générale afin
d'examiner
les meilleurs moyens d'assurer le
respect des objectifs des mesures
d'aide aux régions
périphériques
M. Gratton: Oui, M. le Président, je voudrais corriger un
avis qui, à la suite d'une erreur technique qui a été
décelée par le député de Verchères,
nécessiterait qu'on le corrige. Il s'agit d'une motion de renvoi en
commission de l'économie et du travail pour une consultation
générale sur les prix de l'essence en vertu de l'article 146 des
règles de pratique.
Je fais donc motion pour que la commission de l'économie et du
travail procède à une consultation générale et
tienne des auditions publiques à compter du 9 septembre 1987 afin
d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures
d'aide aux régions périphériques relativement à la
réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ par litre dans ces
régions. Ces mesures étaient prévues dans
l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18
décembre 1985 et le discours sur le budget du 1er mai 1986. Que les
mémoires soient transmis au Secrétariat des commissions au plus
tard le 10 août 1987 et que le ministre de l'Énergie et des
Ressources soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.
Il va de soi, M. le Président, que, cette motion étant
adoptée, elle remplacerait celle que nous avons présentée
préalablement cette semaine.
Le Vice-Président: Très bien. Est-ce qu'il y a
consentement pour la présentation de cette motion?
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président: Consentement. Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: J'ai déjà donné l'avis quant
à la commission qui doit étudier l'avant-projet de loi sur la
délimitation territoriale municipale. Donc, je n'en ai pas d'autres, M.
le Président.
Le Vice-Président: Très bien. Il n'y a pas d'autres
motions sans préavis?
Avis touchant les travaux des commissions. Il n'y a pas d'avis?
M. Gratton: Non.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Le Vice-Président: Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...sur les travaux de l'Assemblée, je
voudrais demander au leader du gouvernement s'il est prêt à
conclure une entente. Étant donné que c'est vendredi, sans
vouloir abréger le nombre d'heures de session parce que je comprends
qu'il est responsable des échéances, et que plusieurs
collègues de notre formation politique, à cause du
congrès, n'ont pu aller dans leur famille depuis quelques semaines
déjà, au lieu de reprendre nos travaux à 15 heures cet
après-midi, je voudrais proposer qu'on les reprenne à 14 heures
et qu'on siège de 14 à 20 heures pour permettre, à compter
de 20 heures, à certains de nos collègues de pouvoir entrer chez
eux après une absence assez prolongée. (11 h 10)
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je pense qu'on pourrait
agréer à cette demande ou suggestion du leader de l'Opposition
dans la mesure où, avec ce que propose le leader, on suspendrait de 13
heures à 14 heures pour le lunch et on filerait de 14 heures à 20
heures sans suspension pour le souper. Évidemment, cela nous priverait
d'une heure sur le programme prévu, mais je pense qu'on pourra
probablement récupérer cela possiblement en siégeant un
peu plus tard lundi soir. Donc, M. le Président, si cela agrée
aux
membres de l'Assemblée, nous pourrions en faire un ordre de
l'Assemblée immédiatement.
Le Vice-Président: Donc, il y a consentement. Nous en
faisons un ordre de l'Assemblée. Les travaux se poursuivront
jusqu'à 13 heures. Suspension de 13 heures à 14 heures et les
débats reprendront à 15 heures jusqu'à 20 heures.
Une voix: 14 heures.
Le Vice-Président: De 14 heures à 20 heures. Je
m'excuse. De 14 heures à 20 heures. Donc, ceci met fin à la
période des affaires courantes. À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons maintenant passer à la période des affaires du jour.
M. le leader du gouvernement.
Projet de loi 31
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
M. Gratton: M. le Président, à l'article 5 du
feuilleton, on retrouve la reprise du débat sur l'adoption du principe
du projet de loi 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives
concernant les régimes de retraite des secteurs public et
parapublic.
Étant donné qu'il s'agit là en somme de concordance
avec les conventions collectives des employés des secteurs public et
parapublic, est-ce que je pourrais demander au leader de l'Opposition de
consentir à ce que nous procédions à l'adoption du
principe sans débat dès maintenant de façon qu'on puisse
déférer le projet de loi à une commission parlementaire
qui pourrait siéger aujourd'hui pour en faire l'étude
détaillée, quitte à revenir éventuellement aux
interventions à une autre étape? Est-ce que le leader de
l'Opposition pourrait me donner son point de vue là-dessus?
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, j'ai demandé
à mon collègue d'Abitibi-Ouest de prendre connaissance de ce
projet de loi. Il l'a étudié et, effectivement, on pourrait
procéder à l'adoption du principe sans interventions et garder
nos interventions pour l'étude en troisième lecture.
Le Vice-Président: Très bien. En
conséquence, j'appelle donc la reprise du débat sur l'adoption du
principe du projet de loi 31, Loi modifiant diverses dispositions
législatives concernant les régimes de retraite des secteurs
public et parapublic. Est-ce que cette motion d'adoption du principe est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Gratton: M. le Président, je ferai donc motion pour
déférer ledit projet de loi à la commission du budget et
de l'administration et pour qu'elle soit présidée par un
président de séance.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: Cela étant, M. le Président, je
voudrais maintenant donner l'avis qu'après les affaires courantes
jusqu'à 13 heures, donc à compter de maintenant jusqu'à 13
heures, et, si nécessaire, de 15 heures à 17 heures, à la
salle Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de l'administration
procédera à l'étude détaillée du projet de
loi 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
régimes de retraite des secteurs public et parapublic.
Le Vice-Président: Très bien. Cette motion est
adoptée. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président...
Le Vice-Président: C'est un avis. Excusez. C'était
un avis. Très bien.
M. Gratton: Oui.
Le Vice-Président: Donc, avis est reçu.
M. Gratton: Je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 77
du feuilleton, s'il vous plaît.
Reprise du débat sur la motion proposant que
l'Assemblée nationale
autorise la modification de la
constitution du Canada en conformité
avec l'entente d'Ottawa
Le Vice-Président: À l'article 77 du feuilleton,
nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion
présentée par M. le premier ministre à l'effet suivant:
"Que l'Assemblée nationale autorise la modification de la constitution
du Canada par proclamation
de Son Excellence le gouverneur général sous le grand
sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe", annexe qui est
jointe au feuilleton de cette journée-ci. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Comme vous l'avez
mentionné, c'est le député de Nicolet qui avait
proposé l'ajournement du débat. Mais, avec son consentement, je
suggérerais que vous reconnaissiez le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
sans pour autant que le député de Nicolet perde son droit de
parole, tel que prévu à l'article 102 de nos
règlements.
Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du
gouvernement.
M. Chevrette:...pas nécessaire.
Le Vice-Président: Oui, exactement.
M. Chevrette: Je pourrais donner tout de suite mon consentement.
En vertu de votre motion, un député peut revenir.
Le Vice-Président: C'est cela.
M. Chevrette: Donc, il n'y a aucun problème.
Le Vice-Président: Effectivement. Nous sommes dans des
règles spéciales. Il n'y a aucun problème. Alors, je
cède maintenant la parole à M. le ministre des Relations
internationales et ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Je voudrais
tout d'abord remercier mon collègue le député de Nicolet
pour me céder son rang comme orateur dans ce débat. L'entente que
nous étudions, l'entente qui fait suite à ce compromis, à
cette entente qui a été conclue au lac Meech, l'entente du 3 juin
dernier, est le résultat d'un long processus qui a, de fait,
débuté lors de la campagne électorale de l'automne 1985.
Probablement jamais dans l'histoire du Québec un gouvernement ne s'est
présenté devant l'électorat avec une position aussi claire
que celle que nous avions en campagne électorale.
Cette position, pour nous, était la revendication des droits
historiques du Québec en fonction de cinq grandes conditions qui sont au
fondement même du Québec comme société moderne:
reconnaître le Québec comme une société distincte
à l'intérieur de la fédération canadienne;
permettre au Québec de participer pleinement à la nomination des
juges, qui viennent du Québec à la Cour suprême du Canada;
permettre au Québec d'avoir les pouvoirs nécessaires pour se
garantir une immigration capable de faire poids au problème de
dénatalité que nous avons; capacité pour le Québec
de pouvoir se retirer d'un programme conjoint en fonction de ce pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral et
récupération du droit de veto pour le Québec.
Cinq conditions. L'entente du 3 juin, qui confirme officiellement,
formellement l'entente du lac Meech, nous donne satisfaction sur ces cinq
conditions. Cinq sur cinq. Voilà, M. le Président, le
résultat premier qu'on doit souligner lorsqu'on parle de cette entente
du 3 juin. J'entendais hier le chef de l'Opposition nous dire: Mais le
Québec ne gagne aucun nouveau pouvoir dans cette entente. C'est le statu
quo, nous disait-il. Et il allait même jusqu'à dire: Ce que vous
obtenez pour la Cour suprême du Canada, mais ce n'est rien. Il n'y a rien
là, disait-il. M. le Président, il n'y a rien là que
d'obtenir que maintenant trois juges sur neuf à la Cour suprême du
Canada viendront du Québec, et ce sera une garantie dans la constitution
du Canadal II n'y a rien là lorsqu'on dit que ces juges qui viennent du
Barreau ou de la magistrature du Québec, ces juges à la Cour
suprême du Canada seront nommés à la suite de noms qui
seront fournis par le gouvernement du Québec!
Dans ses propositions constitutionnelles, le Parti
québécois, le gouvernement péquiste de l'époque
allait beaucoup moins loin en ce qui regarde la Cour suprême du Canada et
la nomination des juges. Je cite où on dit: "Bien que le pouvoir de
nommer les juges québécois de la Cour suprême puisse
relever formellement du gouvernement fédéral, la consultation du
gouvernement du Québec devrait être institutionnalisée et
l'obtention de son consentement requis". C'était une simple consultation
qu'on demandait. On demandait dans ce projet d'accord constitutionnel du
gouvernement péquiste, en ce qui regarde la Cour suprême, une
simple consultation du gouvernement du Québec pour nommer ses juges
à la Cour suprême alors que ce que nous obtenons dans cette
entente, c'est que le gouvernement du Québec donne le nom pour faire
partie de cette Cour suprême. (11 h 20)
C'est une implication directe. C'est le droit à l'initiative de
la nomination. C'est beaucoup plus que ce que demandait le Parti
québécois dans son projet d'accord constitutionnel. Je comprends
le chef de l'Opposition de nous dire: II n'y a rien là. Je le comprends,
parce qu'il se rend compte que ce que nous obtenons dans cette entente est
beaucoup plus significatif. C'est un pouvoir nouveau pour le Québec et
un pouvoir très important, lorsqu'on connaît l'importance de
la Cour suprême, non seulement comme grand interprète de la
constitution canadienne, mais aussi comme grand interprète de la
société canadienne et guébécoise par
l'interprétation de la Charte des droits et libertés, par
l'interprétation aussi de la Charte guébécoise des droits
et libertés de la personne.
C'est donc un élément essentiel que nous
récupérons; cela fait des années et des années
gu'on discute de ces nominations à la Cour suprême. Et, dans cette
entente du 3 juin, maintenant nous l'avons. Le gouvernement du Québec
pourra fournir au gouvernement fédéral le nom de la personne
qu'il veut comme juge à la Cour suprême pour représenter
ces trois juges gui viennent obligatoirement du Québec. Ce sera
maintenant dans la constitution canadienne.
Le chef de l'Opposition nous dit: II n'y a pas de nouveaux pouvoirs pour
le Québec dans cette entente constitutionnelle. Il a probablement
oublié de regarder la partie de cette entente gui concerne
l'immigration. Il nous a déjà dit: II n'y a absolument rien
là. En ce qui regarde l'immigration, vous obtenez, à toutes fins
utiles, ce gue nous avons déjà avec l'entente Cullen-Couture,
négociée en 1979. Eh bien, c'est faux! Ce que nous obtenons dans
cette entente du 3 juin, en fonction de l'immigration, c'est beaucoup plus gue
l'entente Cullen-Couture, parce que cette entente était simplement la
possibilité d'une sélection conjointe avec le gouvernement
fédéral pour le gouvernement du Québec. C'était
simplement la possibilité de choisir, de sélectionner nos
immigrants gui demandent à immigrer au Québec de
l'extérieur du Canada et avec la participation du gouvernement
fédéral. Ce n'était qu'une simple entente administrative,
alors que nous avons maintenant, dans la constitution, le pouvoir pour le
Québec, et le pouvoir exclusif, de sélectionner nos immigrants
gui demandent à émigrer au Québec, soit de
l'extérieur du Québec, du Canada et aussi - c'est très
important -ceux qui sont déjà sur place et gui demandent
d'être reçus comme immigrants ici, au Canada, au Québec. Je
dis gue c'est très important lorsgue nous parlons du "sur place" parce
gue cela signifie plus de 30 % de nos immigrants qui sont déjà
sur place par suite d'une entente ou d'un échange avec les pays, qui
sont ici comme étudiants, comme travailleurs à différents
niveaux, à la suite d'un échange que nous avons avec d'autres
pays, et qui demandent de devenir des immigrants québécois, de
devenir des citoyens du Québec.
Nous allons, maintenant, avoir ces pouvoirs. Ce ne sont pas des pouvoirs
nouveaux? Et, en plus, le Québec, par cette entente, aura le pouvoir de
mettre en place sa politique d'intégration de ses immigrants parce que
nous avons un problème majeur, soit que plus de 50 % de nos immigrants,
à un moment donné, quittent le Québec pour une autre
province canadienne. Il faut leur donner le goût de demeurer au
Québec. Il faut leur donner le goût de participer avec nous
à ce défi de notre société moderne
québécoise. Il faut leur donner des cours de langue, des cours
sur nos institutions; il faut leur montrer comment nous vivons, comment nous
sommes, nous, Québécois et leur dire "vivez avec nous, venez
participer à ce défi moderne gue nous avons". C'est comme cela
que nous allons relever ce défi, ensemble, de la modernité pour
le Québec. Avec cette entente, nous allons avoir la possibilité
d'avoir des cours de langue pour nos immigrants, d'avoir les moyens de les
intégrer à notre société, non pas les assimiler,
parce que nous sommes très heureux de les accueillir avec leurs
disparités culturelles, avec tout ce qu'ils peuvent nous apporter de
spécificité de par le pays de leur origine. C'est un apport
considérable pour la société québécoise.
C'est excellent pour nous. Mais il faut qu'on puisse leur donner aussi les
moyens de s'intégrer dans la population du Québec et de
participer au bien commun de notre société
québécoise.
M. le Président, on dit qu'il n'y a pas de pouvoirs nouveaux dans
cette entente du 3 juin. En matière d'immigration, mais c'est
évident gu'on a des pouvoirs nouveaux. C'est tellement important pour le
Québec lorsgue nous réalisons gue nous avons un taux de
natalité de 1,4 %, le deuxième plus bas au monde chez les pays
industrialisés, immédiatement après l'Allemagne de
l'Ouest. On sait gu'il faut en moyenne 2,2 % de taux de natalité pour
une société industrialisée pour simplement maintenir son
niveau de population. Nous, on se retrouve avec 1,4 %. C'est un problème
très grave. Il nous faut une politique familiale mais il nous faut aussi
avoir la possibilité de ravoir ces pouvoirs qui nous sont
nécessaires pour notre immigration, demander à des gens de venir
relever ce défi avec nous et faire en sorte qu'ils puissent vivre avec
nous heureux pour participer au bien commun de la société
québécoise.
En plus, dans cette entente du 3 juin, nous avons la garantie d'un
nombre minimum d'immigrants et la possibilité d'ajouter 5 % justement
pour des motifs démographiques. C'est une reconnaissance de notre besoin
de cette immigration pour maintenir notre situation au point de vue du poids
démographique dans la fédération canadienne. On vient nous
dire qu'on n'a pas de nouveaux pouvoirs. On a des nouveaux pouvoirs en ce qui a
trait à chacune de ces cinq conditions que nous avons demandées
et que nous avons obtenues.
Maintenant, un sujet particulièrement important, la formule
d'amendement. Dans toute constitution, il doit y avoir une
formule pour la modifier, c'est normal. On ne fait pas une constitution
pour l'éternité. Â un moment donné, il faut la
modifier. En 1982, on a inclus dans la constitution du Canada une formule
d'amendement à laquelle avait souscrit le gouvernement péquiste
de l'époque. Le 16 avril 1981 est une date malheureuse dans l'histoire
politique du Canada et du Québec, moment où ce gouvernement vient
d'être élu pour un deuxième mandat. Trois jours
après, ils vont signer une entente avec les autres provinces pour dire:
Le Québec est égal aux autres provinces. Le Québec n'a pas
de situation particulière, le Québec est comme les autres
provinces. Le résultat: on a perdu le droit de veto du Québec. On
a perdu ce droit de dire non à un amendement majeur de la constitution
qui peut affecter la situation du Québec comme partenaire de cette
fédération, comme société distincte en fonction de
nos droits historiques, de nos privilèges, de nos pouvoirs et de nos
compétences. On l'a abandonné. C'est dans cette situation qu'on
se retrouvait lorsqu'on a débuté ces négociations
constitutionnelles. Il fallait revenir et j'ai fait ma tournée
auprès de tous les premiers ministres des autres provinces,
auprès de mes homologues dans les autres provinces pour leur dire:
Écoutez, ce n'est pas tout à fait cela, vous savez. Le
Québec n'est pas comme les autres provinces. On n'est pas pareil aux
autres. Vous l'aviez signé, vous l'aviez dit, vous! Vous aviez
signé un document pour leur dire: Nous sommes pareils aux autres. (11 h
30)
Maintenant, nous, il fallait repartir et leur dire: Écoutez, ce
n'est pas tout à fait cela; selon nous, le Québec n'est pas comme
les autres et nous voulons que vous puissiez le reconnaître. Nous avons
notre spécificité, nous avons notre identité et il faut
que ce soit bien compris lorsque l'on parle des droits historiques du
Québec dans la formule d'amendement.
Une autre erreur qu'a faite le gouvernement péquiste de
l'époque, il a dit: II n'y a pas de problème, nous aurons une
formule meilleure que le droit de veto absolu parce que nous aurons le droit de
nous retirer d'un amendement constitutionnel. Belle affaire, M. le
Président! Évidemment, lorsqu'on parle d'un amendement
constitutionnel sur le partage des compétences législatives, si
l'on dit qu'une compétence fédérale comme
l'assurance-chômage - prenons cet exemple - deviendra de
compétence provinciale, cela se comprend bien, on l'accepterait. On a
une compétence provinciale en ce qui regarde, par exemple, les
universités. Je vois mon collègue, le ministre de
l'Éducation, qui me parle des universités. Oui, si on disait que
les universités qui sont de la juridiction du Québec seront
maintenant de la juridiction du gouvernement fédéral, à ce
moment-là, le Québec pourrait dire: On se retire, on ne veut pas
cet amendement parce que nous voulons conserver cette compétence sur
l'éducation, sur nos universités et un droit de retrait, mais,
pour les autres, cela pourra s'appliquer et les universités seront de
compétence fédérale pour les autres provinces,
excepté pour le Québec qui se retire.
Cela se comprend dans les domaines de compétence
législative, mais ce que n'avait pas compris le gouvernement
péquiste de l'époque, c'est qu'on ne se retire pas d'une
institution, on ne se retire pas du Sénat, on ne se retire pas de la
Chambre des communes, on ne se retire pas de la Cour suprême. On s'est
retrouvé avec un droit de retrait avec une compensation
financière seulement dans les domaines de l'éducation et de la
culture. Encore, cela signifiait qu'au moment de se retirer d'un domaine de
compétence qui n'est pas de la culture ou de l'éducation les
citoyens du Québec auraient été doublement taxés.
Ils auraient payé par leurs taxes pour l'action de leur gouvernement
dans un champ de compétence et ils auraient payé par leurs taxes
qu'ils envoient au gouvernement fédéral pour l'application de ce
champ de compétence qui est maintenant fédéral, qui
n'appartient plus aux autres provinces. Ils étaient doublement
taxés; c'était cela le résultat. Perte du droit de veto,
double taxation pour les citoyens du Québec.
Ce que nous avons récupéré, ce que nous avons dans
cette entente du 3 juin, c'est, tout d'abord, en ce qui regarde le droit de se
retirer d'un amendement constitutionnel concernant le partage des
compétences législatives, une compensation financière dans
tous les cas, pas simplement en matière d'éducation et de
culture, mais dans tous les cas. Deuxièmement, en ce qui regarde les
modifications à nos institutions fédérales - c'est
tellement important, on n'a pas changé le partage des compétences
législatives très très souvent depuis le début de
la fédération canadienne, peut-être à quatre
reprises, formellement - qui sont au coeur même de notre vie dans cette
fédération canadienne: modification à la Chambre des
communes en ce qui regarde la représentativité des provinces par
les sièges que nous avons à la Chambre des communes; modification
du Sénat - on parle beaucoup de la modification du Sénat qui a
raté sa vocation et qui doit retrouver un souffle nouveau, un
véritable rôle dans cette fédération canadienne - en
ce qui regarde la Cour suprême dont j'ai parlé tout à
l'heure, en ce qui regarde aussi l'acceptation d'un nouveau partenaire de la
fédération canadienne, et cela peut être un
élément très important, nous récupérons ce
droit de veto. Cette entente constitutionnelle nous
donne ce droit de veto.
Eh oui, on dira: Elle donne ce droit de veto aussi aux autres provinces.
Eh oui, c'est le résultat, justement, du principe que vous avez
déjà accepté de l'égalité des provinces,
mais, pour nous, cela ne nous cause pas de désagrément, cela ne
nous cause pas de problème. Ce qui est important pour nous, c'est que
nous puissions récupérer le droit du Québec de dire non
à un amendement constitutionnel qui va à l'encontre de ses droits
historiques.
Il n'y a pas de pouvoirs nouveaux dans cette entente, nous dit le chef
de l'Opposition. On récupère le droit de veto et il n'y a pas de
pouvoirs nouveaux! Probablement qu'il va nous dire qu'il n'y a pas de pouvoirs
nouveaux, non plus, alors que nous avons cette délimitation du pouvoir
de dépenser du gouvernement fédéral. Cela aussi
était un point très important pour nous.
On ne voit pas dans le projet d'accord constitutionnel du gouvernement
péquiste quelque demande que ce soit concernant le pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral, d'une façon
claire, d'une façon évidente. Nous, nous voulons que
l'intervention des deux niveaux de gouvernement puisse se faire d'une
façon coordonnée, efficace pour le bien-être de. la
population canadienne et québécoise. C'est cela, finalement, le
défi du fédéralisme, de faire en sorte que les deux
niveaux de gouvernement, le fédéral et le provincial, puissent
agir chacun dans son domaine de compétence. en parfaite coordination
pour le mieux-être de la population.
Ce pouvoir de dépenser, qui permet au gouvernement
fédéral de dépenser des sommes d'argent dans des domaines
de compétence provinciale, a été décrié par
le gouvernement du Québec depuis des décennies. Ce que nous
obtenons maintenant dans cette entente du 3 juin: nous ne reconnaissons pas le
pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, mais nous
reconnaissons constitutionnellement le droit, le pouvoir d'une province de se
retirer d'un programme conjoint établi par le gouvernement
fédéral. Ça, c'est important, ça, c'est un pouvoir
essentiel pour l'avenir économique du Québec, pour une meilleure
coordination des deux niveaux de gouvernement à l'intérieur de la
fédération canadienne.
Ce que cela signifie, c'est que, lorsque le gouvernement
fédéral établit un plan conjoint dans un domaine, par
exemple, la santé, si le Québec veut établir son propre
programme ou veut tout simplement prendre une mesure, il pourra le faire en
fonction de ses propres normes, de ses propres conditions, en fonction de la
spécificité de sa population dans le domaine social, tout en
respectant les objectifs nationaux parce que nous croyons en ce
fédéralisme, nous croyons en ce pays, nous croyons en cette
fédération.
Le Québec, en contrepartie de ce retrait, pourra recevoir des
sommes d'argent qu'il pourra investir, soit dans son propre programme ou, s'il
a déjà un programme, dans une mesure qui peut être, par
exemple, au niveau des impôts, des bourses d'études, comme on le
suggère.
Voilà des moyens de pouvoir récupérer pour nous des
sommes d'argent qui nous reviennent en vertu des impôts que les
Québécois et les Québécoises paient au gouvernement
fédéral et qui nous reviennent dans la mesure où on
respecte non pas des normes, non pas les critères du programme pour
lequel on s'est désengagé, mais les objectifs nationaux de la
fédération. C'est là un élément important
que nous respectons, parce que nous croyons en cette fédération.
Nous croyons que, si l'on veut garder l'unité de cette
fédération, il faut qu'il y ait des programmes nationaux dans des
domaines aussi importants pour la vie des Canadiens et des Canadiennes. Il doit
y avoir de ces programmes nationaux.
Ce que nous disons, cependant, c'est que nous pouvons avoir nos propres
besoins, nos propres éléments d'évolution
économique et sociale et nous voulons respecter cette
caractéristique qui nous est propre, cette spécificité qui
nous est propre. Dans ce cadre, nous voulons respecter les objectifs nationaux,
mais nous voulons avoir en main les outils pour notre développement
social, politique et économique. Et c'est ce que nous obtenons avec ce
pouvoir de dépenser. (11 h 40)
Le pouvoir de l'"opting out", comme nous l'appelons, le pouvoir de se
retirer, il n'existait pas dans la constitution. Il avait été
exercé par le Québec qui a été la seule province
à l'exercer, à peu près à deux reprises,
formellement, dans les années soixante, et il n'y avait pas de garantie
constitutionnelle. Maintenant, dans cette entente du 3 juin, nous avons cette
garantie constitutionnelle qui permet au Québec de se retirer d'un
programme conjoint fédéral-provincial tout en recevant les sommes
d'argent nécessaires pour établir son propre programme ou pour
prendre une mesure en relation directe avec les objectifs nationaux.
M. le Président, lorsqu'on nous dit qu'il n'y a pas de nouveaux
pouvoirs dans cette entente, est-ce que ce n'est pas un nouveau pouvoir
important pour le Québec, pour son développement
économique, que de pouvoir déterminer ses propres critères
d'évolution dans ses programmes en fonction des objectifs nationaux,
mais en fonction de nos propres spécificités économiques,
sociales et culturelles? C'est un pouvoir extrêmement important, M. le
Président.
Un dernier point, mais non le moindre, la reconnaissance dans la
constitution que ce pays, le Canada, est fondé sur deux peuples
fondateurs, deux communautés nationales, les
Canadiens d'expression française et les Canadiens d'expression
anglaise, deux peuples égaux qui forment ce que nous appelons
l'application du principe de la dualité canadienne. Et c'est là
une notion que nous connaissons depuis fort longtemps au Québec. C'est
là une notion qui nous est chère, qu'on a voulu depuis fort
longtemps faire reconnaître dans la constitution canadienne et qui a
été l'objet de nombreux débats. C'est une
réalité maintenant.
C'est une réalité, ces deux peuples, Canadiens
français et Canadiens anglais, comme aussi c'est une
réalité, le Québec comme société distincte,
une réalité non pas dans un préambule de la constitution
qui pourrait avoir une valeur de référence morale, mais dans la
constitution elle-même. Â l'article premier de la constitution qui
crée ce pays, le Canada, qui a créé cette
fédération en 1867, nous allons retrouver, inscrit explicitement
dans la constitution, le principe de la dualité canadienne et le
principe que le Québec forme une société distincte.
Une société distincte, qu'est-ce que cela signifie? M. le
Président, nous n'avons pas voulu définir ce qu'est la
société distincte québécoise parce que nous avons
pensé à l'avenir, nous avons pensé aux
générations futures, nous avons pensé au Québec
moderne qui évolue dans ce contexte nord-américain. Nous savons
tous que cette société distincte est fondamentalement,
essentiellement, fondée sur la langue et la culture françaises.
M. le Président, il n'y a pas deux, trois, quatre ou cinq provinces qui
ont été reconnues comme sociétés distinctes. Il y
en a une, le Québec. C'est bien évident qu'on sait pourquoi on la
reconnaît comme étant distincte, par sa langue, par sa culture,
mais aussi par ses institutions, par sa façon d'être, par sa
façon de vivre. Nous sommes des Québécois fiers de notre
originalité, de notre spécificité, fiers de ce que nous
sommes et fiers de vivre dans ce pays, dans le Canada.
M. le Président, maintenant, dans la Loi
constitutionnelle de 1867, dans le premier article substantiel, nous aurons la
reconnaissance de ce principe de la dualité et du principe que le
Québec forme une société distincte et aussi, comme
deuxième partie de cette règle d'interprétation en
fonction de ces deux grands principes, dualité et société
distincte, la reconnaissance que le gouvernement du Québec,
l'Assemblée nationale, cette Assemblée, a le rôle de
protéger et promouvoir la spécificité du Québec.
Cela fait des années et des années qu'on veut voir reconnu dans
un texte constitutionnel ce rôle du gouvernement du Québec de
protéger et de promouvoir la spécificité du Québec,
sa langue, sa culture, ses institutions, sa façon d'être et nous
allons l'avoir dans cette partie extrêmement importante de la
constitution de 1867.
Le fait que ce soit inscrit au tout début de la constitution de
1867 démontre, justement, l'importance de ces principes et ça
démontre très clairement que cette règle
d'interprétation va s'appliquer à l'ensemble de la constitution
du Canada. Ce n'est pas simplement une règle d'interprétation
pour trois, quatre ou cinq points, c'est une règle
d'interprétation pour l'ensemble de la constitution canadienne et ce
sera très important pour l'avenir.
M. le Président, c'est évident que ce n'est pas parce que
nous sommes reconnus dans la constitution comme une société
distincte que demain l'assurance-çhômage, qui est de
compétence fédérale, va devenir de compétence
provinciale. C'est évident. Ce n'est pas parce qu'on est reconnu comme
une société distincte que les bureaux de poste, qui sont de
compétence fédérale, vont devenir de compétence
provinciale parce que nous, on écrit en français. C'est
évident. Ça. ne change pas le partage des compétences
législatives tel qu'il est établi clairement dans la
constitution. Cependant, ce que cela apporte de nouveau, " c'est un instrument
d'interprétation pour faire en sorte que ce partage des
compétences législatives puisse avoir sa réelle
signification parce qu'il y a des zones grises, des ambiguïtés et
c'est normal. Lorsqu'on écrit une constitution fédérale et
qu'on doit distribuer des compétences législatives entre les deux
niveaux de gouvernement, on ne peut pas tout prévoir d'une façon
étanche. Il y a des difficultés, il y a des dizaines de causes
chaque année partout au Canada concernant le partage des
compétences législatives.
Nous avons là, avec la reconnaissance du Québec comme une
société distincte, un outil fondamental, un outil premier pour
interpréter ce partage des compétences législatives. Je
donne des exemples. Prenons le cas de Radio-Québec. Je sais que mon
collègue, le ministre des Communications, est ici en Chambre.
Radio-Québec, qui est une société d'État, qui est
un radiodiffuseur éducatif, demande sa licence de diffuseur pour son
spectre de fréquence au CRTC, au gouvernement fédéral qui
ne se penche pas sur la programmation de Radio-Québec qui est une
programmation éducative de compétence provinciale. Mais il se
passe rarement une année sans qu'on soulève que
Radio-Québec est un diffuseur et que, par conséquent, il devrait
relever de la compétence fédérale qui a la
compétence en matière de radiotélévision. Et nous,
du gouvernement du Québec, nous disons que Radio-Québec est de la
compétence du Québec parce que c'est un radiodiffuseur, mais
éducatif et que l'éducation, c'est de compétence
provinciale.
Ce que nous avons maintenant avec la reconnaissance du Québec
comme société
distincte, c'est la possibilité d'utiliser cet
élément d'interprétation constitutionnelle, à
savoir que le Québec est une société distincte, pour
démontrer que Radio-Québec est un outil essentieI pour le
développement culturel du Québec et que, par conséquent,
nous avons une pleine compétence parce que nous avons competence en
matière d'éducation, parce que nous sommes une
société distincte bien que la radiodiffusion relève de la
compétence fédérale. Voilà un exemple très
concret. (11 h 50)
Je vous donne un autre exemple: les caisses populaires. Tout le
Mouvement Desjardins fait partie du tissu social, économique et culturel
du Québec et fait aussi partie de notre contexte social, politique,
économique. Les caisses populaires sont de compétence
provinciale, mais, par suite de décisions de tribunaux de
première instance. Jamais la Cour suprême ne s'est
prononcée sur la compétence du Québec sur les caisses
populaires. Et on ne retrouve pas les caisses populaires expressément
mentionnées dans le partage des compétences législatives,
soit à l'article 91, soit à l'article 92 de la constitution
canadienne. On dit que c'est de compétence provinciale parce qu'il
s'agit de coopératives. Il s'agit de coopératives, donc de
propriétés de droit civil et propriétés et droit
civil, c'est de compétence provinciale.
Mais, très souvent, il y a des gens qui le contestent en disant:
Attention! Les banques, c'est de compétence fédérale. Et
les "caisses" populaires font des opérations bancaires. Elles devraient
être de compétence fédérale. Nous devons avoir des
outils' pour plaider que les caisses populaires sont vraiment de
compétence provinciale. Et voilà un outil. Parce que nous sommes
une société distincte et parce que le gouvernement et
l'Assemblée nationale du Québec ont le rôle de
protéger et de promouvoir la spécificité
québécoise, nous avons la possibilité d'utiliser cette
règle d'interprétation pour soutenir notre compétence sur
les caisses populaires parce qu'elles font partie de notre vie sociale,
économique, culturelle.
Autre exemple, M. le Président, qui me touche
particulièrement comme membre du gouvernement, c'est en matière
de relations internationales. En matière de relations internationales,
le Québec occupe une place de plus en plus importante en respectant la
compétence du gouvernement fédéral en matière
d'affaires étrangères. C'est le Canada, comme pays souverain, qui
détermine le cadre d'action par sa politique en matière
d'affaires étrangères. Mais le Québec a la capacité
de pouvoir exercer ses compétences internes sur le plan externe et nous
avons des délégations un peu partout dans le monde. Nous avons la
possibilité de participer à des conférences
internationales en matière de francophonie, par exemple. Nous sommes
membres à part entière de l'Agence de coopération
culturelle et technique de la francophonie et nous allons avoir le plaisir
d'accueillir, les 2, 3 et 4 septembre, plus de 41 délégations,
formées de chefs d'État et de gouvernement, qui se
réuniront ici à Québec pour le deuxième Sommet de
la francophonie.
Nous avons donc un rôle particulier et ce rôle particulier
devra évoluer avec la francophonie. Que sera ce rôle particulier
dans les prochaines années? J'espère qu'il sera le plus
évident possible, le plus efficace possible parce que nous ne pouvons
pas vivre isolés comme cela en Amérique du Nord. Il faut
l'excellence. Nous, Québécois et Québécoises, nous
savons que nous sommes confrontés plus que tout autre à ce
défi de l'excellence et que le défi de l'excellence passe
essentiellement par l'international.. On doit pouvoir s'exprimer, exprimer
notre spécificité sur la scène internationale et nous
avons là la possibilité de pouvoir asseoir nos compétences
en matière internationale sur une règle d'interprétation
constitutionnelle claire.
Encore là, Mme la Présidente, je voudrais vous dire que ce
n'est pas parce qu'on est reconnu comme une société distincte
qu'on va aller demander maintenant d'avoir, des ambassades partout dans tous
les pays du monde. Ce n'est pas cela qu'on veut faire. Ce que l'on veut, en
respectant le cadre fédéral, le cadre fédératif. en
respectant la compétence fédérale en matière
d'affaires étrangères, c'est avoir la possibilité
d'exprimer ce que nous sommes sur la scène internationale. Mais il ne
s'agit pas d'aller demander d'avoir des ambassadeurs dans tous les pays du
monde parce que nous sommes distincts.
Ce que nous voulons, c'est la possibilité de nous exprimer
très clairement sur la scène internationale en fonction de notre
spécificité. Comme ministre des Relations internationales, c'est
ma très grande préoccupation de pouvoir faire en sorte que ce
défi de l'excellence auquel nous sommes confrontés comme
Québécois, comme Québécoises, nous puissions
l'exprimer avec le plus d'efficacité possible sur la scène
internationale.
Mme la Présidente, il y a dans ce premier article qui sera dans
la constitution de 1867 une clause de sauvegarde, comme nous en avons une pour
le pouvoir de dépenser dont j'ai parlé tout à l'heure.
Nous avons mis une clause de sauvegarde parce qu'il y avait des gens qui
s'inquiétaient et qui nous disaient: Attention, le pouvoir de
dépenser, ça peut signifier que le gouvernement
fédéral légifère dans des domaines de
compétence provinciale. Non, ce n'est pas ça. Le pouvoir de
dépenser ne peut pas autoriser le gouvernement fédéral
à légiférer
dans des domaines de compétence provinciale. Pour plus de
sécurité, nous avons une clause de sauvegarde en ce qui regarde
le pouvoir de dépenser. Nous avons dit: II y aura une clause, elle est
là, elle est bien là cette clause. Le pouvoir de dépenser
ne permet pas au gouvernement fédéral de dépenser des sous
dans un domaine de compétence par une voie législative qui
équivaudrait, à toutes fins utiles, à
légiférer dans un domaine de compétence provinciale.
Nous avons aussi une clause de sauvegarde dans le domaine de la
société distincte et de la dualité canadienne. Une clause
de sauvegarde qui permet au Québec d'avoir la garantie de ses droits
linguistiques, d'avoir la garantie qu'il y a un plancher, un minimum de
garantie qui peut nous permettre ensuite d'acquérir des
éléments nouveaux pour cette sécurité culturelle
qui est essentielle pour nous. Cette clause de sauvegarde que nous avons
demandée, que le gouvernement du Québec a demandée, je
dois l'avouer, a été discutée très durement. Je
dois rendre hommage au premier ministre du Québec, M. Bourassa, qui a
négocié cette clause pendant de nombreuses heures au matin du 3
juin dernier pour être certain que nous avons cette
sécurité culturelle. Le premier ministre du Québec a
obtenu de ses autres partenaires cette clause qui nous permet d'avoir cette
garantie, qui nous permet maintenant de construire à partir de ce que
nous avons déjà.
Je vois le chef de l'Opposition nous dire: Mais, vous n'avez pas de
droits linguistiques. Vous n'allez chercher aucun droit linguistique. C'est
faux. C'est, encore une fois, faux. Je l'ai démontré tout
à l'heure en matière d'immigration. Je l'ai
démontré, il y a quelques instants, en parlant de la
société distincte qui est un pouvoir, qui est un outil
fondamental pour soutenir nos compétences. Je le démontre encore
par cette clause de sauvegarde qui est au fondement même de nos
revendications comme société distincte en fonction de nos droits
linguistiques, de nos droits culturels. On nous dit, du côté de
l'Opposition, qu'il faut revendiquer les pleins pouvoirs pour le Québec
en matière de langue. Nous les avons, ces pleins pouvoirs.
Il y a deux exceptions. Il y a l'article 133 inscrit par les
Pères de la fédération canadienne dans la constitution de
1867. Pourquoi, Mme la Présidente? Pour permettre à un
député anglophone de s'adresser dans sa langue, ici à
l'Assemblée nationale. Est-ce qu'on peut être contre ça?
Est-ce que l'Opposition est contre ça? Permettre à un anglophone
de s'adresser à un tribunal et d'avoir le droit à un
procès dans sa langue, est-ce qu'on peut être contre ça?
J'entends les députés de l'Opposition qui nous disent: Non, c'est
vrai qu'on ne peut pas être contre ça. L'article 23 de la
constitution de 1982 établit les droits linguistiques pour les
minorités et permet, par exemple, à des parents anglophones qui
ont suivi leur instruction au niveau primaire dans une autre province
canadienne en anglais d'inscrire leur enfant dans une école anglaise au
Québec. Y a-t-il quelque chose de plus normal que de permettre ainsi
à des Canadiens qui ont, suivi leur instruction en anglais dans une
autre province, d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise au
Québec? (12 heures)
Cela ne veut pas dire, par contre, qu'un Anglais d'Angleterre, qui
émigre au Québec, peut inscrire ses enfants à
l'école anglaise. Il ne le peut pas, alors qu'un Français de
France, qui émigre au Manitoba, pourra, lui, envoyer ses enfants
à l'école française. Mais, un Anglais d'Angleterre, qui
vient ici au Québec, ne pourra pas inscrire ses enfants à
l'école anglaise. C'est cela. On est contre cela, la "clause
Canada"?
Nous acceptons ces articles 133 et 23, mais ce que nous voulons, c'est
que le Québec ait pleine juridiction sur sa langue, et c'est ce que nous
avons. C'est la garantie que nous avons par l'article 1 de notre entente, qui
sera maintenant l'article premier de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est la
garantie culturelle, linguistique qui va nous permettre ensuite
d'acquérir le statut que nous voulons à l'intérieur de la
fédération canadienne.
Quelquefois, les gens de l'Opposition me disent que je mentionne trop
souvent que cette entente du 3 juin est une entente historique. Je ne le
mentionnerai jamais assez: Cette entente, qui a été conclue tout
d'abord au lac Meech et qui est le résultat d'une négociation,
d'une discussion que nous avons menée, depuis plus d'un an maintenant,
avec nos partenaires fédéraux, les autres provinces et le
gouverment fédéral, cette entente du lac Meech, qui a
été confirmée formellement devant toute la population du
Canada par la télévision canadienne, est une entente historique.
C'est un grand moment dans l'histoire du Québec et du Canada, parce que
cette entente va pouvoir faire en sorte que le Québec retrouve sa place
comme partenaire majeur de cette fédération en lui redonnant des
droits historiques, des pouvoirs dont il a besoin pour faire valoir sa
spécificité, son identité sociale, politique,
économique, culturelle, et qui va aussi lui permettre d'évoluer
dans le respect de sa spécificité et du fédéralisme
canadien.
Cette entente donne aussi une évolution, un souffle nouveau au
fédéralisme canadien. Par le pouvoir de dépenser auquel
nous donnons un champ d'application - nous avons circonscrit l'application du
pouvoir de dépenser - c'est une nouvelle dynamique politique que nous
créons. On doit relier cette dynamique politique au fait que l'entente
constitutionnelle va créer main-
tenant, dans la constitution, l'obligation de tenir une
conférence annuelle des premiers ministres sur les questions
économiques. Cela dépendait de la bonne volonté du
gouvernement fédéral, du premier ministre du Canada de convoquer
ou non les provinces au point de vue économique. Mais, maintenant, ce
sera obligatoire; une fois par année, les premiers ministres du Canada
se réuniront pour parler d'économie, ce qui veut dire que nous
avons là un nouveau forum qui pourra s'articuler en fonction
d'éléments concrets qui vont être discutés, que ce
soit en fonction du pouvoir de dépenser, d'une nouvelle fiscalité
ou de ces plans globaux que l'on doit mettre en place pour l'évolution
économique de la fédération canadienne. Ce sera, là
aussi, un élément nouveau.
Et que dire du Sénat canadien dont nous allons discuter en
deuxième étape? Les sénateurs seront nommés par le
gouvernement fédéral, mais à la suite de noms soumis par
la province. Donc, ce sont les provinces qui auront l'initiative de soumettre
des noms de personnes qui pourront représenter, bien sûr,
l'intérêt national de la fédération, mais aussi,
comme cela a toujours été la vocation du Sénat, comme le
voulaient les Pères de la fédération canadienne en 1867,
les intérêts des régions canadiennes, des provinces
canadiennes. C'est, là aussi, un élément important qui va
nous permettre de dégager au Canada un consensus nouveau, fondement d'un
souffle nouveau qui nous permettra, par exemple, de discuter avec plus
d'efficacité de sujets aussi importants que ces discussions concernant
le libre-échange avec les États-Unis et notre place dans le monde
en fonction de l'évolution économique mondiale telle qu'elle se
dessine actuellement.
On dit souvent, du côté de l'Opposition, que c'est donner
à la cour de justice tous les pouvoirs. On ne donne pas tous les
pouvoirs aux tribunaux, Mme la Présidente. Ce que nous faisons, c'est
que nous donnons aux hommes et aux femmes politiques dûment élus
dans notre société démocratique les outils et les moyens
nécessaires pour faire valoir ce que nous sommes comme membres de cette
fédération, ce que ce pays est. C'est la pratique
constitutionnelle qui est importante. Cette pratique sera en fonction du
discours politique qui sera dorénavant tenu au Canada et au
Québec.
Ce discours politique, maintenant, sera essentiellement fondé sur
le fait que la constitution reconnaît le Québec comme une
société distincte. Il sera essentiellement fondé sur le
fait que ce pays est fondé sur la dualité canadienne. C'est ce
discours politique qui va se développer de plus en plus et qui va
créer au sein de ce pays une mentalité nouvelle, une
mentalité qui vient, à toutes fins utiles, concrétiser une
marche très longue, parce que cette entente, c'est la première
étape d'une réforme constitutionnelle. Par le vote que
l'Assemblée nationale fera sur cette entente du 3 juin dernier, c'est le
compte à rebours pour que les autres provinces et le gouvernement
fédéral puissent voter cette entente et puissent faire en sorte
que ce soit des amendements à la constitution. Ensuite, on pourra
aborder la seconde étape: la réforme du Sénat, la refonte
de certains pouvoirs, la réforme de notre fédéralisme en
fonction de ce souffle nouveau que nous avons dans la première
étape et en fonction du défi que nous avons pour les
années à venir.
Mme la Présidente, oui, c'est une entente historique. C'est une
entente faite pour les générations à venir, pour mon fils
qui pourra vivre dans un pays dont il sera fier, pour nos fils, pour nos
enfants et pour les générations à venir qui seront fiers
d'être dans ce pays, de vivre comme nous sommes avec notre
originalité et notre spécificité, mais de vivre aussi avec
cette fédération, ce défi de la fédération
canadienne. C'est une entente historique et c'est un premier pas vers une
réforme constitutionnelle qui fera en sorte que le Québec pourra
être, comme partenaire majeur de cette fédération, un
partenaire d'un grand pays, le Canada.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
Maintenant, je vais reconnaître le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente.
J'écoute attentivement les propos des intervenants libéraux,
principalement l'orateur qui m'a précédé, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, et
je me dis: Oui, il s'agit d'une confusion historique, puisque le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes est
le seul avec son chef, avec les membres de son parti, à tenir le langage
qu'il nous tient au sujet des prétendus nouveaux pouvoirs qu'aurait
obtenus le Québec dans la signature de l'accord constitutionnel. (12 h
10)
Le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes nous dit que cette entente contient pour le
Québec de nouveaux pouvoirs, notamment pour garantir l'évolution
normale sur le plan culturel et linguistique du Québec. Mais est-ce que
la vérité ne vient pas plutôt du Canada anglais? Le
sénateur Lowell Murray, ministre d'État aux Relations
fédérales-provinciales, le 17 juin, il y a quelques jours, au
Sénat, disait: "La minorité anglophone du Québec est
probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord
constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze
gouvernements se sont engagés à protéger ce que
j'appellerais la dualité linguistique de ce pays."
Est-ce que le premier ministre et son ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
savent que le reste du Canada interprète l'accord constitutionnel tout
autrement que ce qu'ils nous en disent depuis qu'ils sont revenus des berges du
lac Meech et d'Ottawa? Ian Scott, Procureur général de l'Ontario,
dans le Toronto Star du 6 mai 1987 disait: "L'accord du lac Meech
renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur
pied des nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est pas
mentionné dans la constitution; maintenant, il le sera. En ce sens,
cette description formelle est une première et est à l'avantage
du gouvernement d'Ottawa." Est-ce que c'est suffisamment clair pour
empêcher le premier ministre et son ministre d'État de jeter de la
poudre aux yeux des Québécois et tenter de faire croire à
la population qu'il s'agit là d'une entente historique où le
Québec fait des gains? Balivernes!
David Peterson, premier ministre de l'Ontario, lui aussi, était
au lac Meech et lui aussi était à Ottawa: "Ce sont les tribunaux
qui définiront le concept de société distincte du
Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des
interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances."
Où est la garantie culturelle pour le Québec? Où est la
garantie linguistique pour le Québec? Est-ce que la vérité
ne vient pas plutôt du Canada anglais? Est-ce que la confusion à
laquelle nous assistons actuellement sur le plan constitutionnel n'est pas
directement la conséquence du référendum de 1980,
où ce même premier ministre, où ce même ministre
d'État aux Relations fédérales-provinciales, où ce
même ministre de l'Éducation actuel était sur la
scène du Centre Paul-Sauvé, alors que Pierre Elliott Trudeau est
venu faire accroire aux Québécois, pour leur faire peur, qu'un
non voulait dire un oui au référendum. La confusion tient son
origine du Centre Paul-Sauvé et se perpétue, aujourd'hui, dans
l'accord constitutionnel.
Les libéraux provinciaux ont participé à cette
confusion en jetant de la poudre aux yeux des Québécois et ils
font la même chose, aujourd'hui, en tenant de "bulldozer" le Parlement
dans une résolution constitutionnelle qui n'apporte rien de concret aux
Québécois. C'est cela, la réalité. Je pense qu'il
faudrait avoir un minimum d'honnêteté intellectuelle pour
arrêter le premier ministre et son ministre délégué
lorsqu'ils tentent de dire aux Québécois que notre culture est
protégée. Rien dans cet accord ne protège notre lange et
notre culture, et la confusion qu'ils entretiennent, dans laquelle, je dirais,
ils sont passés maîtres tient son origine du
référendum. Rappelez-vous le référendum, parce que,
après le référendum, le Québec s'est fait planter
par le reste du Canada qui a isolé le Québec et qui a conclu,
durant "la nuit des longs couteaux", un accord par lequel le Québec se
retrouvait seul, isolé. C'est cela, la vérité, lorsqu'on
regarde au-delà de la poudre que tentent de jeter les libéraux
sur le dossier constitutionnel. Si, vraiment, l'accord constitutionnel signifie
autre chose que ce que je viens de dire, c'est-à-dire un statu quo pour
le Québec et, dans certains cas, des reculs, pourquoi le ministre
refuse-t-il de demander l'interprétation des tribunaux sur cet accord?
Si cet accord signifie autre chose que le statu quo et des reculs en
matière de pouvoir de dépenser, pourquoi le premier ministre du
Québec refuse-t-il de procéder à la plus
élémentaire consultation auprès de la population?
On se targue de l'autre côté... Le leader du gouvernement,
en particulier, dit: Vous savez, on adopte ici la formule du débat
référendaire, 35 heures de débat. Oui, mais lors du
référendum, les 35 heures de débat à
l'Assemblée nationale ont été suivies d'un large
débat dans la population qui a duré 60 jours. De plus, les
citoyens et citoyennes du Québec ont eu la chance d'aller aux urnes pour
se prononcer pour ou contre le mandat qui consistait à donner au
gouvernement du Parti québécois le droit de négocier sur
une base d'égal à égal avec le reste du Canada une formule
de souveraineté-association. C'est cela, la différence, Mme la
Présidente. C'est cela, la démocratie, de permettre à ce
débat d'aller rejoindre la population. Le ministre a raison sur une
chose et on s'entend avec lui pour dire que la constitution est une affaire
importante, comme un vêtement qu'on doit porter tous les jours. Cela nous
affecte directement ou indirectement dans tout ce que nous faisons. On n'a
qu'à regarder notre courrier. Il ne se passe pas une semaine sans qu'on
reçoive un document qui vient ou du gouvernement provincial ou du
gouvernement fédéral. Cela, c'est la résultante de la
constitution, du partage des pouvoirs en particulier.
Pourquoi ne pas procéder à cette consultation? Pourquoi ne
pas ouvrir les portes du salon rouge aux experts constitutionnels, aux
regroupements qui sont légitimement constitués au Québec
et ne pas leur permettre de faire entendre leur point de vue si,
véritablement, le premier ministre a raison de dire qu'il s'agit
là de gain? La vérité, c'est que le premier ministre a
peur de soumettre son accord à l'appréciation immédiate
des tribunaux. Le premier
ministre, il faut s'en méfier, a peur d'ouvrir le débat
à la consultation publique, sereine et calme, qu'on pourrait tenir
n'importe quand, à l'automne ou l'an prochain. Nous avons trois ans pour
adhérer à cet accord constitutionnel. Pourquoi cette
précipitation? Pourquoi vouloir, immédiatement en fin de session
et sans consultation, "bulldozer" les parlementaires pour obtenir leur accord?
Est-ce qu'on a peur que, de l'autre côté, il y ait des
libéraux qui se réveillent, qui se rendent compte finalement que
c'est l'avenir du Québec qui est en cause, et que ces
députés pourraient commencer à sonner l'alarme? Est-ce
qu'on a peur que les experts viennent de l'autre côté nous dire
que l'interprétation du ministre, quant à la clause sur la
société distincte - on en parlera tantôt - ne vaut
absolument rien?
Il serait temps que, sur un enjeu fondamental, le premier ministre cesse
de louvoyer et entende clairement les opinions des experts et de la population
sur une matière aussi fondamentale. On veut nous faire chanter "Ô
Canada, terre de nos aïeux", mais qu'y a-t-il dans cette entente pour nos
enfants? Qu'y a-t-il dans cette entente pour nous? C'est cela la
véritable question. (12 h 20)
Parlons de la langue pendant quelques minutes. D'abord, on a un
gouvernement en face de nous qui refuse d'appliquer la loi 101. Ce n'est pas
surprenant qu'il se soit présenté à Ottawa sans demander
que cette Assemblée nationale détienne les pouvoirs exclusifs de
légiférer en matière linguistique. Il n'y croit pas
à la capacité de ce Parlement de définir,
nous-mêmes, nos termes, notre contrat linguistique au Québec. La
loi 101 était la loi la plus socialement acceptée au
Québec, parce qu'elle était précisément la loi la
plus socialement acceptable au Québec. Le gouvernement libéral
refuse de l'entériner et le Procureur général refuse de
l'appliquer cette loi 101, comme c'est son devoir. Ce n'est pas surprenant
qu'il soit allé à Ottawa sans nous chercher des garanties que nos
pouvoirs et nos droits linguistiques seraient protégés. Je vous
le dis franchement, si on n'est pas capable de vivre au Québec en
français, j'aimerais mieux vivre ailleurs, l'hiver est-il moins long?
Mais nous sommes tous attachés à ce coin de terre, parce que
notre culture y règne; sinon, on va aller vivre en Californie ou
ailleurs si on est pour vivre comme le reste du continent.
Donc, il nous faut absolument, il nous fallait absolument obtenir des
garanties de protection de la loi 101 qui se fait charcuter depuis sa mise en
vigueur par les tribunaux au point de vue de la langue d'administration, au
point de vue de la langue d'éducation, au point de vue de la langue des
affaires peut-être avec l'article 6 de la charte canadienne, au point de
vue de la langue d'affichage. C'est cela la réalité, mais on n'a
aucune garantie qu'on ne continuera pas à démantibuler notre loi
101. C'est cela la réalité.
Dans la clause de société distincte, il n'y a rien qui
vient nous donner ces pouvoirs linguistiques qui sont pourtant fondamentaux. M.
Lowell Murray n'est quand même pas un deux de pique, c'est lui qui dirige
le dossier au gouvernement fédéral. "La minorité
anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant
qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre
histoire, les onze gouvernements se sont engagés à
protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce
pays." C'est le sénateur Lowell Murray qui parle. Si c'était moi
qui le disais ou si c'était le chef de l'Opposition qui le disait, qui
le répétait, on dirait: Ah, les membres du Parti
québécois ont des préjugés. Mais cela vient de la
bouche du sénateur Lowell Murray, parce que c'est cela la
réalité. Le ministre fait grand état, dit-il, des nouveaux
pouvoirs qui auraient été acquis par le Québec lors de
cette négociation. Allons voir, un par un, ces nouveaux pouvoirs.
D'abord, en ce qui concerne la Cour suprême, c'est un fait,
l'accord constitutionnel prévoit que le Québec pourra
suggérer une liste de noms afin que le Québec ait trois juges
à la Cour suprême. Mais cela existe déjà depuis 1875
que le Québec a des représentants à la Cour suprême.
Deuxièmement, cela n'empêchera jamais les juges
québécois d'être en minorité à la Cour
suprême. Trosièmement, pourquoi vouloir toujours s'en remettre
à la Cour suprême pour décider de ce que nous sommes et de
ce que nous voulons être? Est-ce que la démocratie la plus
élémentaire ne demande pas aux élus du peuple de prendre
leurs décisions et de ne pas mettre sur les genoux des juges de la Cour
suprême ou d'ailleurs des problèmes politiques qui doivent
être réglés par des hommes et des femmes politiques?
Quelle abdication de responsabilités de la part du ministre qui
attache une importance énorme à la Cour suprême! Je l'ai
entendu à la commission parlementaire nous rappeler ce fait. Encore
aujourd'hui il a passé dix minutes à nous parler des juges de la
Cour suprême. Ils jouent un rôle important, certes, mais ce
rôle ne doit pas éclipser les responsabilités fondamentales
des députés que nous sommes. C'est cela la démocratie.
Donc, la Cour suprême, n'en faisons pas un plat. Quand même, ayons
le réalisme de garder cette clause de l'accord constitutionnel au niveau
où il doit être.
Deuxième sujet pour le premier ministre et son ministre,
l'immigration. D'abord, il faut comprendre en partant que l'immigration
était une juridiction concurrente entre les deux pouvoirs, le
gouvernement central et les gouvernements provinciaux.
Premièrement, c'est déjà dans la constitution.
Deuxièmement, il existait déjà une entente Cullen-Couture
intervenue en 1977; Couture du nom du ministre de l'Immigration du gouvernement
du Parti québécois, Cullen étant le ministre de
l'Immigration à l'époque. Entente qui est reconduite dans
l'accord qui est devant nous.
Troisième élément au niveau de l'immigration, cet
accord consacre le fait que le gouvernement fédéral sera le
maître-d'oeuvre de la politique d'immigration et que le Québec
jouera le rôle d'un deuxième violon. Où est le gain
réel pour le Québec dans cette entente au niveau de
l'immigration? Nul. C'est le statu quo et on voudrait s'en glousser.
En ce qui concerne le droit de veto, il faut bien se comprendre. Le
droit de veto sur les institutions s'applique une fois par 50 ans. Il n'y a pas
matière à écrire ,à sa mère, quand
même, ni à se battre dans les autobus pour un droit de veto sur
les institutions. Les provinces de l'Ouest attachent une grande importance
à la réforme du Sénat mais pour nous, au Québec,
cette réforme est tout à fait secondaire. Quant au reste,
l'admission au Canada des nouvelles provinces, je pense que ça va
peut-être prendre trois ou quatre générations avant qu'une
nouvelle province se dessine quelque part et veuille entrer au Canada. Il n'y a
quand même pas matière, quand on parle du droit de veto, à
déchirer sa chemise comme le font le premier ministre et son
ministre.
Quatrième élément, et c'est ça qui est
important, les reculs que subit le Québec dans l'accord constitutionnel
sur le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral qui est
maintenant consacré officiellement dans la constitution, et qui
permettra au gouvernement fédéral de fixer des objectifs
nationaux auxquels devront se soumettre les provinces si elles veulent avoir le
droit de retrait avec compensation. Cela veut dire qu'Ottawa définit des
objectifs nationaux dans des matières qui pourraient relever des
compétences provinciales et que le Québec, comme les autres
provinces, devra s'y assujettir. Où est le gain? Le ministre nous dit
qu'il s'agit là d'un gain formidable pour le Québec mais Ian
Scott, Procureur général de l'Ontario, dit: "L'accord du lac
Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre
sur pied de nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est
pas mentionné dans la constitution; maintenant il le sera; et en ce
sens, cette description formelle - une première - est à
l'avantage d'Ottawa." Comment le ministre peut-il prétendre le
contraire? Pourquoi aurait-il peur de soumettre cette clause à l'avis
des experts constitutionnels, de la population et des groupements du
Québec? Pourquoi ne pas la soumettre aux tribunaux, pour leur demander
maintenant s'ils voient ce que le ministre y voit ou s'ils voient ce que le
Procureur général de l'Ontario y voit? Ou, tout au moins, ayons
l'honnêteté intellectuelle de ne pas prétendre qu'il s'agit
là d'un gain pour le Québec.
Je pense qu'il faudrait quand même donner l'heure juste à
la population à un moment donné alors qu'on s'apprête
à adhérer au Canada, ici, à la sauvette, sans consultation
et sans mandat de la population non plus.
Je voudrais revenir sur cet élément du mandat qui fait mal
aux députés libéraux, Mme la Présidente. Durant la
campagne électorale, je défie quiconque de nous dire que l'enjeu
constitutionnel faisait partie des enjeux électoraux. Ce que j'ai
entendu dans mon comté de la candidate libérale? Elle
prétendait qu'ils étaient pour donner la parité d'aide
sociale aux jeunes en bas de 30 ans et qu'ils étaient pour donner un
salaire aux femmes au foyer. C'est ça que j'ai entendu dans mon
comté et cela a été répété à
la télévision. Qu'on ne vienne pas maintenant nous dire que
l'enjeu de la dernière élection était un enjeu
constitutionnel.
Je fais appel à la mémoire des gens qui nous
écoutent, de ceux qui sont présents. Est-ce qu'une personne peut
se lever et dire que l'enjeu constitutionnel était important lors de la
dernière campagne électorale? Non. De prétendre le
contraire est une fumisterie. Le gouvernement libéral...
Des voix: ...
La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre,
s'il vous plaît! Je demanderais la collaboration de la Chambre.
M. le député de Taillon.
Des voix: ...
(12 h 30)
M. Filion: Cela leur fait mal, Mme la Présidente, vous
savez pourquoi.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À
l'ordre!
M. Filion: Ils vont la traîner longtemps, cette campagne
électorale. De vouloir prétendre le contraire est une
fumisterie.
Cinquièmement, la clause portant sur la société
distincte. D'abord, il faut comprendre que cette clause est une règle
d'interprétation de la constitution. Cela signifie en droit qu'elle est
un principe dont les juges ne sont appelés à tenir compte que
pour le cas où une règle de droit constitutionnel ne leur
paraîtrait pas autrement claire. Ainsi, s'il est clair pour les juges que
l'affichage français enfreint la liberté d'expression de la
charte canadienne, la clause de société distincte doit rester
lettre morte. La seule façon non pas de savoir, mais d'avoir une
quelconque idée de la fertilité ou de la stérilité
d'une telle clause serait de poser d'avance quelques questions concrètes
aux juges et de leur demander de se prononcer maintenant, ce que refuse de
faire le gouvernement libéral.
Le fait que la clause de société distincte ne soit qu'une
règle d'interprétation signifie aussi en droit que
l'adhésion du Québec à la constitution de 1982 se fait
à 1000 coudées en dessous de ce que la constitution de 1982 a
fait au Québec. La constitution de 1982 a enlevé à
l'Assemblée nationale le pouvoir souverain qu'elle avait en plusieurs
matières: la langue, l'éducation, les droits civils, pour le
donner aux tribunaux canadiens. La clause de société distincte ne
fait qu'inviter ces tribunaux à tenir compte de l'évidence en cas
de doute. Le pouvoir souverain, perdu en 1982, demeure donc aux mains des
tribunaux canadiens. C'est cela la réalité sur la clause
concernant la société distincte.
Mais la clause de société distincte, Mme la
Présidente, si elle doit jamais servir, devrait être comprise
à la lumière de plusieurs autres règles
d'interprétation qu'énonce la constitution. Ainsi, par exemple,
les juges devront tenir compte du préambule de la Loi constitutionnelle
de 1867 qui dit que le Canada forme une fédération. Ils devraient
tenir compte de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et
libertés, qui dit que c'est là le test d'une loi raisonnable et
justifiable. Ils devraient tenir compte de l'article 27 de la charte canadienne
qui dit que toute interprétation de cette charte doit concorder avec
l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine
multiculturel du Canada. On voit dont que les mots "doit concorder"
utilisés dans la clause de société distincte n'ont aucun
poids singulier. Ils devraient tenir compte également du
préambule de l'accord de 1987, qui affirme que celui-ci reconnaît
le principe de l'égalité de toutes les provinces, le
Québec au même niveau que I'île-du-Prince-Êdouard, au
même niveau que l'Alberta et le Manitoba. C'est cela que dit le
préambule de l'accord qui vient d'être signé.
Le Québec formerait donc une possible société
distincte tout en étant une province juridiquement égale aux
autres. Mais, deuxièmement, c'est une règle
d'interprétation équivoque, car, il faut le rappeler, c'est une
règle d'interprétation qui énonce deux principes
opposés. Dans un premier temps, la clause dit que le Canada est d'abord
un pays bilingue. Elle ajoute ensuite que ce fait constitue, et c'est
important, une caractéristique fondamentale du Canada. C'est dans un
second temps seulement qu'elle dit que le Québec forme une
société distincte sans ajouter que ce fait constitue une
caractéristique fondamentale du Canada.
Il est donc manifestement possible que cette clause à deux volets
serve, d'abord et avant tout, la cause du bilinguisme dans l'ensemble du Canada
et au Québec à l'encontre du fait français au
Québec. Bien loin d'être susceptible d'augmenter les pouvoirs du
Québec, cette clause est susceptible d'entraîner leur diminution.
Le gouvernement du Québec l'a d'ailleurs compris et admis. Selon leur
dire, c'est pour cela qu'ils ont ajouté une clause de sauvegarde qui,
fondamentalement, est une clause de sauvegarde du statu quo constitutionnel,
c'est-à-dire des pouvoirs déjà répartis à
l'intérieur de la constitution. Une clause de sauvegarde, nous dit le
premier ministre, comme si c'était une clause de sauvegarde du fait
français. Pas du tout. C'est une clause de sauvegarde des pouvoirs qui
sont distribués à l'intérieur de la constitution.
Mme la Présidente, vous m'indiquez qu'il me reste peu de temps.
Je voudrais terminer en signalant deux choses. Pourquoi les élus du
peuple voudraient-ils s'en remettre aux tribunaux pour décider de notre
avenir? Pourquoi, s'il est vrai que le premier ministre nous dit qu'on a les
pleines garanties en matière linguistique, n'est-ce pas écrit
dans l'accord du lac Meech, ni dans l'accord d'Ottawa? Quand on a quelque chose
à dire, on le dit clairement, et les gens le comprennent, non seulement
les juges, mais la population également. Les juges ont un travail
à faire, le travail d'interpréter les lois qui sont votées
ici. Ils vont avoir le travail d'interpréter ce que la constitution va
énoncer. Ce n'est pas une raison pour se dérober à la
nécessité, surtout sur le plan historique actuellement, dans le
cadre où nous sommes, entourés d'anglophones, à la
nécessité de protéger adéquatement le fait
français.
Mme la Présidente, il y a un expert entendu en commission
parlementaire qui disait, je l'ai répété tantôt, que
la constitution est comme un vêtement qu'on porte toujours sur soi parce
qu'il influence le gouvernement dans les décisions qu'il doit prendre
quotidiennement, parce qu'il influence, comme je l'ai dit tantôt, les
citoyens également et les générations à venir. Une
constitution ça ne change pas à tout bout de champ. Cet accord,
nous allons vivre avec pendant longtemps, malheureusement. S'il est vrai que la
constitution est comme un vêtement, le Québec se devait d'obtenir
comme vêtement autre chose que le genre de camisole trouée que le
premier ministre nous a ramenée du lac Meech et d'Ottawa. Une entente
pleine de trous. Une entente où le Québec n'obtient aucun nouveau
pouvoir. Une entente qui nous laisse vulnérables au jugement des
tribunaux qui pourront, par exemple - le ministre d'État trouve
ça drôle - interpréter l'article 6 sur
le libre établissement pour permettre à tous ceux qui
viennent de l'extérieur du Canada de venir travailler en anglais ici au
Québec. Cela n'est pas drôle, et il n'y a pas matière
à rire de cela. Une camisole trouée au lieu d'avoir ce type de
vêtement que le Québec aurait pu se donner. Un vêtement de
type un peu survêtement athlétique où le Québec
aurait pu exprimer sa vigueur culturelle, aurait pu exprimer un peu son muscle
économique. Pourquoi y a-t-il 4 % de chômage dans la région
de Toronto et qu'ici, au Québec, on est encore à 11 %? Le
Québec doit se donner les moyens nécessaires sur le plan
économique pour se développer. Cette constitution est beaucoup
plus une camisole trouée que le type de vêtement athlétique
dont le Québec aurait besoin pour donner aux générations
à venir un peu d'espoir de progresser, de se développer sur le
plan économique, sur le plan social, sur le plan culturel. Non, à
l'accord constitutionnel!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taillon. M. le député de Nicolet.
M. Maurice Richard
M. Richard: Merci, Mme la Présidente. L'entente du 2 juin
1987 au lac Meech demeurera sûrement historique dans les annales
politiques du Canada et du Québec et constituera d'abord, de la part du
reste du pays, une acceptation des conditions minimales, et même un peu
plus, d'adhésion du Québec à la Loi constitutionnelle de
1982. Le gouvernement libéral dirigé par son chef M. Robert
Bourassa n'a jamais caché que cette entente constitue une étape
fondamentale importante d'une démarche qui devrait être
complétée, notamment lors des futurs échanges avec les
autres provinces et le gouvernement fédéral sur des ententes
fédérales-provinciales particulières et lors des
prochaines rencontres constitutionnelles. (12 h 40)
II y a lieu de souligner le caractère particulièrement
politique des positions que certains intervenants intéressés au
dossier défendent. Quelques-uns utilisent ce prétexte pour
régler peut-être des problèmes de leadership. D'autres
n'acceptent pas ou ne reconnaissent pas leurs erreurs passées. Ces gens
n'ont tout simplement pas réussi à concilier leurs
intérêts propres avec le désir de la nation
québécoise. Heureusement, ils ne forment qu'une minorité
et il existe maintenant, tant au Québec que dans l'ensemble du Canada,
un large consensus par lequel on reconnaît que l'entente du lac Meech de
juin dernier, entre les onze premiers ministres des provinces canadiennes et du
Canada, traduit les véritables intérêts du peuple
québécois et du Canada.
Cette entente négociée constitue une étape
essentielle pour pouvoir continuer de progresser à l'intérieur du
cadre confédératif canadien où les intérêts
de tous et de chacun sauront s'harmoniser. Elle est non seulement
équitable, mais elle est également dotée des
mécanismes nécessaires pour faire évoluer les relations
entre les différents gouvernements dans le sens d'une meilleure
équité et d'un respect mutuel.
Voyons ensemble les grandes lignes de cette entente: reconnaissance du
caractère distinct du Québec comme règle
d'interprétation judiciaire de la constitution; reconnaissance du
rôle propre à l'Assemblée nationale et du gouvernement du
Québec dans la protection et la promotion du caractère distinct
de la société québécoise; droit de retrait assorti
d'une juste compensation financière dans tous les cas d'amendements
constitutionnels comportant le transfert d'un champ de compétence
provinciale au pouvoir fédéral; droit de retrait assorti d'une
juste compensation financière dans les programmes impliquant les
paiements du gouvernement fédéral aux provinces dans des domaines
relevant de la compétence exclusive des provinces; droit de veto sur
toute modifications constitutionnelles concernant les matières
suivantes: représentation proportionnelle des provinces à la
Chambre des communes, pouvoirs du Sénat et mode de nomination des
sénateurs, nombre de sénateurs par province, la Cour
suprême du Canada, le rattachement aux provinces, en tout ou en partie,
de territoires, la création, s'il y a lieu, de nouvelles provinces;
rôle élargi du Québec en matière d'immigration;
pouvoir d'initiative du Québec concernant les nominations au
Sénat; pouvoir d'initiative du Québec concernant les nominations
des juges à la Cour suprême; garantie de la présence
perpétuelle de trois juges en provenance du Québec au sein de la
Cour suprême du Canada. Voilà les gains importants
réalisés par le premier ministre, M. Bourassa, et je me
réjouis de ses succès.
Ces acquis, contrairement à ce que laissent entendre les
critiques de l'accord, ne sont pas le fruit du hasard, ni de l'improvisation.
Il sont, au contraire, le résultat d'un travail ardu de consultation,
constructif, méthodique et de méticuleuses études et de
contacts réalisés depuis un an par le gouvernement libéral
en place avec les autres gouvernements. Dans une perspective beaucoup plus
large, ils sont également le fruit du travail de réflexion, de
discussions publiques poursuivies au Québec depuis les 25
dernières années. Ils sont, enfin, l'expression du nouveau climat
de confiance installé au Québec et dans le reste du pays depuis
l'élection de l'équipe Bourassa, le 2 décembre 1985. La
population du Québec a très largement donné son
consentement à notre programme politique proposé.
L'accord du lac Meech viendra enfin
mettre un terme à l'isolement dans lequel le Québec
était placé à "la suite du coup de force de 1981.
L'entente du lac Meech obtient l'appui de la majorité des citoyens
canadiens avec 56 %; on n'a qu'à consulter le sondage d'hier paru dans
les grands quotidiens québécois. Le peuple du Québec peut
être fier, aujourd'hui, de ces ententes. J'aimerais rappeler à
tous mes collègues de l'Assemblée nationale et à la
population en général que le programme du Parti libéral du
Québec, au dernier scrutin général, faisait écho de
la possibilité pour le Québec de réintégrer la
constitution canadienne, mais à des conditions bien
spécifiques.
Mme la Présidente, je crois qu'il est primordial que les membres
de cette Assemblée nationale fassent l'unanimité autour de la
motion débattue aujourd'hui, car il faut avoir la sagesse et la
lucidité de profiter de cette conjoncture unique dans l'histoire de
notre pays. Si nous ne savons pas profiter dès maintenant de ce momentum
historique où les onze premiers ministres canadiens ont conclu à
l'unanimité un accord qui vise à réintégrer le
Québec à la fédération canadienne, les citoyens du
Québec et du Canada deviendront les grands perdants de notre inaction.
Car il s'agit d'une étape fondamentale à franchir pour le
progrès social et économique du Québec comme celui du
Canada.
Mme la Présidente, j'aimerais vous référer à
une coupure de presse du 4 juin 1987 dans Le Devoir où M. Benott
Lauzière, en rapport avec l'accord du lac Meech, disait ceci:
"Probablement un heureux mélange de besoins, d'intérêts et
de valeurs. Utile tant pour favoriser la réflexion et la discussion que
pour susciter l'adhésion. L'accord ne plaira ni à ceux qui sont
installés dans des visions abstraites, ni aux insécures
chroniques en mal de garanties absolues. Aujourd'hui, nous assistons, non pas
au triomphe d'une conception du fédéralisme, mais à celui
de notre capacité de vivre en fédération".
Je terminerai, Mme la Présidente, en citant une grande dame du
Québec décédée dernièrement, une citoyenne
de mon comté, Mme Françoise Gaudet-Smet, qui, toute sa vie, avait
utilisé cette phrase et l'avait appliquée: On n'attend pas les
temps meilleurs, on les invente et on les fait. C'est ce que nous avons fait
comme gouvernement.
Une voix: C'est beau.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Nicolet. M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente. Il me fait
plaisir d'intervenir pour la deuxième fois dans ce débat puisque
j'ai eu la chance de faire valoir, hier en soirée, pendant quelque 30
minutes, différents points qui me préoccupent
particulièrement et qui me renversent concernant l'entente du lac
Meech.
J'aurai l'occasion au cours des prochaines minutes d'ajouter à ce
que j'ai mentionné hier et aller un peu plus profondément sur
deux points concernant l'entente du lac Meech, plus particulièrement la
notion de société distincte et le pouvoir de dépenser.
D'abord, je vous dirai que je comprends mal comment il se fait - je l'ai
mentionné hier et je le réitère ce midi - que nous
procédions ici à l'Assemblée nationale, en ce 19 juin,
avec autant d'empressement pendant que tout le monde sait, c'est connu et c'est
accepté, que nous avons trois ans devant nous pour une telle entente.
Comment va-ton expliquer à la population du Québec que le
gouvernement fédéral va venir consulter les citoyens du
Québec pendant que le gouvernement du Québec, lui, ne les aura
pas consultés? On a conclu, de la part du premier ministre, que le
débat avait eu lieu. Oui, le débat a eu lieu dans le salon de
l'autre cûté, le salon rouge, où quelques experts se sont
manifestés pendant 55 heures pour venir dire qu'il y avait des
préoccupations. À peu près à l'unanimité -
il y avait des invités de chaque cûté, des invités
du gouvernement et des invités de l'Opposition, des spécialistes
en droit constitutionnel pour venir dire ce qu'ils pensaient, pour allumer des
lumières, pour faire des mises en garde - ce qui est ressorti de cette
consultation de 55 heures, c'était qu'il y avait certains dangers.
Effectivement, le premier ministre est parti avec ses préoccupations en
poche, avec son ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, ils sont allés à Ottawa le 3
juin dernier. Ils sont allés soi-disant pour être capables de
faire avancer le dossier, pour être capables d'aller chercher des clauses
sécuritaires, mais ils sont revenus, après la nuit du 3 au 4,
avec une entente en poche.
Entente historique, dit-on. Je veux bien, Mme la Présidente, et
je veux bien élever mes propos au-dessus de toute partisanerie
politique, mais je ne peux m'empêcher de dire que si elle est historique,
avec toute la conviction qui m'anime, elle est historique dans un sens
où elle est inacceptable pour les Québécois. Je
m'explique. Historique parce que, oui, cela va faire l'histoire, oui,
après que nous l'aurons votée au cours des prochains jours,
après ce mini-débat que nous avons ici, nous aurons,
coulée dans la constitution, une position du Québec qui, à
mon avis, est inacceptable. Bien sûr, cela va faire l'histoire parce
qu'on aura à vivre avec cette entente du lac Meech.
Mme la Présidente, comment peut-on prétendre de la part
d'un gouvernement, un
gouvernement qui doit avoir beaucoup de transparence, sceller le sort du
Québec dans la constitution parce que la constitution est, à
toutes fins utiles, ce qui va nous permettre de nous régir au cours des
prochaines décennies? Nous devrons vivre avec cette nouvelle entente du
lac Meech pour plusieurs et plusieurs années. Effectivement, ce qui est
en train de se couler, c'est quelque chose d'historique. Si les citoyens du
Québec, actuellement, ne réalisent pas ce qui est en train
d'arriver, je crois qu'il est de notre rôle ici de faire le maximum de
lumière. (12 h 50)
Soit dit en passant, ce petit débat de 35 heures, où
environ 17 heures, 17 h 30 nous sont allouées de chaque
côté, est bien peu. À cet effet, la plupart des
députés gouvernementaux, les députés
d'arrière-ban, comme on les appelle régulièrement,
n'auront pas la chance de se faire entendre dans ledit débat. Parmi
ceux-ci, peut-être 20 ou 30 pourront le faire, mais, à cause du
nombre d'heures très limitées qu'ils ont, ils parleront comme le
député de Nicolet l'a fait précédemment, pendant
une période de sept ou huit minutes, au maximum.
C'est inacceptable, et je pense que tous les députés de
cette Assemblée devraient avoir la chance de s'exprimer, de dire
profondément ce qu'ils ressentent et prendre le temps de le faire. On
n'est pas à quelques heures près, puisque le temps ne presse pas.
À mon avis, c'est trop important de vouloir régler l'avenir du
Québec en quelques heures. Je ne charrie pas, mais je suis convaincu que
la façon dont procède actuellement le premier ministre est une
façon qui manque de respect non seulement envers l'Assemblée
nationale, non seulement envers ces élus qui sont les
représentants de la population, mais envers la population.
On n'a pas, comme on ose le prétendre - je voudrais bien qu'on me
confirme le contraire - un mandat actuellement très clair pour changer
les règles du jeu. Il n'est pas vrai qu'à partir d'une
élection nous puissions changer totalement l'avenir du pays qu'est le
Québec. Il est incroyable de voir que l'ensemble des ministres,
l'ensemble des députés, l'ensemble du gouvernement, avec le
premier ministre en tête, disent à l'ensemble de la population:
Oui, nous avons un mandat. C'est grave ce qui est en train de se passer. On est
en train de signer un nouveau contrat, on est train de changer les
règles du jeu. Il ne s'agit pas d'une petite loi qu'on est
mandaté de passer. Il s'agit dans ce cas de changer les règles du
jeu concernant l'avenir du Québec. Je trouve cela carrément
inacceptable. Le ministre des Affaires intergouvernementales, ce matin, avec
beaucoup d'éloquence, comme on lui en connaît, a fait valoir qu'il
avait gagné beaucoup de points là-bas. On est allé au lac
Meech, on est allé là-bas voir les autres provinces, rencontrer
les autres premiers ministres avec des demandes qui n'étaient pas
suffisantes. Nous l'avons dit, nous l'avons mis en garde, avant de partir, le
chef de l'Opposition l'a fait et plusieurs d'entre nous l'avons fait.
D'ailleurs, nous avons eu à travailler tout ce temps jusqu'à la
toute veille, soit le 2 juin 1987, avec différents communiqués de
presse, avec des textes qui n'étaient même pas les textes
juridiques finals. Le premier ministre en cette Chambre a confirmé le 2
juin, soit dans les 24 heures qui précédaient son départ
pour le lac Meech, qu'il n'avait pas encore les textes juridiques. Que ce soit
un homme d'affaires, que ce soit un simple citoyen qui irait signer un contrat
d'affaires, qui irait signer un contrat de mariage, parce que nous avons eu
tous, un jour, à passer par l'un ou l'autre, on se doit d'avoir des
textes dans lesquels on sait exactement à quoi on s'engage. Il n'est pas
vrai que, maintenant qu'on revient avec les textes, nous devons procéder
à la hâte. Qu'a-t-il à cacher, le premier ministre? Bien
sûr, on en vient rapidement à la conclusion qu'il a peur de
façon très claire que, finalement, les spécialistes, en
scrutant un peu plus loin, s'aperçoivent qu'il y a des choses qui
n'apportent pas toute la sécurité dont nous avons besoin. C'est
là tout le litige et tout le problème.
Quand on parle de société distincte, qu'est-ce qu'on veut
dire exactement? Que ce soit mentionné dans l'entente du lac Meech que
le Québec est reconnu comme une société distincte,
ça va. Mais, au-delà des belles paroles, au-delà de ce qui
est mentionné comme étant reconnu comme une société
distincte, ce que nous n'avons pas très clairement dans l'entente du lac
Meech... Si on l'a, je voudrais bien qu'on m'en fasse la démonstration,
mais ni le premier ministre, hier, ni le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes, ce matin, n'ont réussi
à démontrer que nous avons, de façon très claire,
ce qui va avec la société distincte. Ce qui va avec la
société distincte, Mme la Présidente, cela aurait
été des clauses très claires stipulant, par exemple, qu'en
matière linguistique l'Assemblée nationale du Québec a
tous les pouvoirs, qu'elle peut légiférer et qu'elle ne sera pas
mise en doute, mise en question par quelque tribunal que ce soit. Nous ne
l'avons pas, Mme la Présidente; ce simple fait n'a pas été
mis.
Je n'entrerai pas dans tous les détails d'interprétation
dite juridique, n'étant pas un spécialiste en la matière,
mais nous aurons la chance, cet après-midi, à la reprise du
débat, de mentionner quelques précisions apportées par des
spécialistes, parce qu'il y en a qui en ont apporté depuis ce
temps.
Je vous dirai, Mme la Présidente, que ce que nous n'avons pas et
ce que nous
réclamions, c'est que l'Assemblée nationale du
Québec, qui est l'autorité, qui est celle qui décide de
l'avenir des lois du Québec, puisse, en matière de langue et en
matière de culture, être capable de décider, ici, à
elle seule, des lois et de leur application. Si nous avions cela à
l'intérieur de l'entente du lac Meech, on ne serait certainement pas
à faire ce débat-là. Mais qu'est-ce que cela donne,
à toutes fins utiles, de voir inscrit que nous sommes une
société distincte, Mme la Présidente, si nous n'avons pas
clairement les pouvoirs qui vont avec? On sait que, de la façon dont
l'entente a été conçue et avec l'ajout des clauses de
sauvegarde, nous sommes maintenant dans une situation beaucoup plus
ambiguë que nous ne l'étions avant. J'aurai la chance tantôt
d'apporter ces éclaircissements en regard de cet ajout pour le moins
ambigu de la clause de sauvegarde. Un professeur de l'Université de
Montréal, professeur en droit constitutionnel, Me José Woehrling,
a, è cet effet, donné, au cours des trois derniers jours, soit
les 16, 17 et 18 juin, un exposé assez éloquent dans le journal
La Presse. À la section B-3, il y a un texte très clair
qui vient spécifier particulièrement toute cette notion de clause
de sauvegarde introduite par le premier ministre. On aura la chance de voir
tantôt, lorsque nous pourrons continuer ce débat, de quelle
façon les spécialistes interprètent maintenant cette
clause de sauvegarde, comment ce qu'on prétend que cela donne ne le
donne pas vraiment.
Je pense que l'ensemble des citoyens, des Québécois et des
Québécoises, ne l'ont pas réalisé. C'est normal,
parce que c'est quelque chose de fort complexe. On peut au moins, à ce
stade-ci, dire ce que l'Assemblée nationale se devait de réclamer
au minimum, c'est-à-dire ses pouvoirs en matière de
légiférer, en matière de langue et elle ne les a pas
réclamés. Ce qui fera qu'à l'avenir, comme c'était
le cas antérieurement, avant le 3 juin, la loi 101 que tout le monde
connatt, l'application de la loi 101 par exemple en matière d'affichage
va continuer d'être interprétée par les tribunaux. Cela
veut dire, quoiqu'on en pense ici, comme loi, que nous pouvons être
renversés en termes de décisions par une interprétation
des juges. C'est inacceptable parce que nous sommes une société
minoritaire vivant dans un contexte nord-américain. Lorsqu'on parle de
société distincte, c'est non seulement la question culturelle, la
question de la langue, mais ce sont les différents secteurs dans
lesquels nous évoluons. Le Québec est différent. Je pense
que tout le monde reconnaît ici en cette Chambre que le Québec est
différent, que cette société est distincte mais là
où on ne s'entend pas, c'est sur les moyens dont on est en train de se
doter pour être capable de le faire respecter. Le Québec, nos
enfants, nos petits-enfants, les générations à venir
devront vivre avec les outils qu'on se donne en ce moment.
C'est toute une responsabilité qu'a le gouvernement, qu'a le
premier ministre de vouloir passer ce que j'appelle le rouleau compresseur sur
une entente aussi importante parce qu'il faut réaliser qu'on est en
train de couler littéralement dans le béton une entente avec
laquelle on devra vivre.
La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le
député de Bertrand. Compte tenu de l'heure, je dois suspendre les
travaux ou obtenir l'autorisation du gouvernement pour pouvoir poursuivre votre
intervention.
Une voix: Je pense qu'on va suspendre et on reprendra à 14
heures.
La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre nos travaux
jusqu'à 14 heures cet après-midi pour faire suite à un
ordre de l'Assemblée qui a été adopté ce matin.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 14 h 5)
La Vice-Présidente: À l'ordre. La Chambre reprend
ses travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.
Dépôt de la liste des gens invités
aux
consultations particulières sur la Loi
concernant le financement agricole
M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente, avant de reprendre le
débat, est-ce que vous me permettrez de déposer, et ce, de
consentement, la liste des personnes et organismes invités à
être entendus lors des consultations particulières sur la Loi
concernant le financement agricole? On a le consentement de l'Opposition, Mme
la Présidente.
La Vice-Présidente: II y a consentement?
Des voix: Consentement.
La Vice-Présidente: Consentement. Document
déposé. M. le leader adjoint.
Reprise du débat
Nous allons donc reprendre l'article 77 du feuilleton. A l'article 77 du
feuilleton, il s'agit de la reprise du débat qui avait été
ajourné par le député de Bertrand concernant la motion du
premier ministre qui se lit comme suit: Que l'Assemblée nationale
autorise la modification de la constitution du Canada par proclamation de Son
Excellence
le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en
conformité avec l'annexe jointe au feuilleton.
Là-dessus, je vais reconnaître le député de
Bertand, lui rappelant que son temps de parole est de seize minutes.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente. Juste
avant de quitter pour la suspension à 13 heures, je mentionnais qu'il
n'était pas seulement question de mentionner à l'intérieur
de l'entente du lac Meech que le Québec est une société
distincte, mais il fallait - c'est là tout le débat - s'assurer
que l'on mette à l'intérieur de l'entente du lac Meech des
clauses suffisamment claires pour qu'il n'y ait pas de possibilités
d'interprétation par les tribunaux parce que ce serait ambigu.
Mme la Présidente, en d'autres mots, ce que ça veut dire,
c'est que, actuellement, de la façon dont c'est inscrit à
l'intérieur de l'entente du lac Meech, le Québec est distinct. Le
Québec est distinct, mais il n'obtient rien de plus que les autres
provinces qui lui sont égales et n'a surtout aucun autre pouvoir
spécifique, aucun autre droit spécifique et aucun autre
privilège spécifique.
Où est donc cette sécurité juridique dont nous
parle le premier ministre? Quelle garantie peut-il donner que la loi 101 ne
sera pas, encore aujourd'hui, démantelée par les tribunaux, comme
ce fut le cas au cours de ces dernières années? Les tribunaux
canadiens pourront continuer à se servir de la Charte canadienne des
droits et libertés pour déclarer illégales les
dispositions de la loi 101, pourtant si essentielles à la protection des
droits de la majorité francophone.
Cela, tous les Québécois, tous les membres de cette
Assemblée savent à quel point c'est important. Mais où
est-elle, cette clause qui nous donne les pleines juridictions? Sur cette
question de la société distincte, il faut être bien
conscient qu'il y a différentes interprétations. Entre autres, il
y a deux principes opposés à l'intérieur de l'entente du
lac Meech. Dans un premier temps, la clause dit que le Canada est d'abord un
pays bilingue. Là-dessus, on s'entend. Ensuite, elle ajoute que ce qui
constitue une caractéristique fondamentale du Canada, c'est qu'il est
bilingue. Dans un second temps seulement, elle dit que le Québec forme
une société distincte, sans ajouter que ce fait constitue une
caractéristique fondamentale du Canada. Il est donc manifestement
possible que cette clause à deux têtes serve d'abord et avant tout
la cause du bilinguisme dans l'ensemble du Canada, à l'encontre du fait
français, ici au Québec. Bien loin d'être susceptible
d'augmenter les pouvoirs du Québec, cette clause est, au contraire,
susceptible d'entraîner leur diminution. Le gouvernement du Québec
l'a, d'ailleurs, compris et admis; c'est pourquoi il a introduit ce qu'on
appelle la fameuse clause de sauvegarde, le 3 juin 1987.
On a ajouté le nouveau paragraphe 4 le 3 juin à la clause
de la société distincte parce qu'on sentait que cette clause de
la société distincte n'était pas complète en
elle-même. Donc, on a rajouté ce qu'on pourrait appeler des
mesures sécuritaires, on a ajouté cette clause de sauvegarde. Ce
nouveau paragraphe, cette clause de sauvegarde empêche effectivement que
celle-ci ne puisse servir à diminuer les pouvoirs actuels du
Québec. En revanche, cet ajout ne peut, en aucune façon, avoir
comme effet d'augmenter les pouvoirs du Québec. La clause de sauvegarde
empêche que la clause de la société distincte telle qu'elle
est articulée ne marque un nouveau recul pour le Québec mais elle
n'exprime aucune espèce de progrès concernant le futur. S'il est
une clause de sauvegarde, Mme la Présidente, ce nouveau paragraphe 4
n'est que la sauvegarde du statu quo constitutionnel et nullement la sauvegarde
d'une quelconque sécurité culturelle pour le Québec dans
l'avenir.
Ce nouveau paragraphe 4, tel qu'il est rédigé,
empêche, par ailleurs, le Québec, dans une certaine mesure, sinon
totalement, d'acquérir des nouveaux pouvoirs en vertu de la clause de la
société distincte. Autrement dit, cette clause de sauvegarde
stérilise cette dernière, tout au moins dans une très
large mesure. Je suggérais à mes collègues, qui sont
intéressés par cette dimension et cette spécification, de
lire très attentivement une analyse, - une parmi tant d'autres, qui est
très bien faite - qui a paru dans le journal La Presse ces trois
derniers jours, faite par Me José Woehrling qui explique, à
toutes fins utiles, ainsi cette clause de sauvegarde: elle n'en est pas une
puisqu'elle crée aussi une forme d'ambiguïté. Son article,
étendu sur trois jours, sur trois pages dans le journal La Presse,
donne toute l'explication concernant cette clause de sauvegarde.
Vous savez, Mme la Présidente, ni moi, ni, j'imagine, la plupart
des membres dans cette Assemblée ne pouvons nous prétendre des
experts, sauf qu'il y a des choses minimales que l'on peut comprendre et qu'il
y a des choses auxquelles on peut se référer. Il y a dans ce
cas-là des explications très précises qui sont
apportées et qui ne sont pas faites dans quelque esprit de partisanerie
que ce soit. Des deux côtés de la Chambre, il faut être
capable de s'élever au-dessus de cela et ne pas dire: De toute
façon, ce qu'ils disent, c'est faux, parce que, si on se met dans cet
état, Mme la Présidente, on n'arrivera jamais à y voir
clair. Lorsque l'on
aura à voter ici, le 23 juin très probablement, sur cette
motion, il faudra que tous les députés des deux
côtés de la Chambre soient pleinement conscients de ce qu'ils sont
en train de voter. Des deux côtés de la Chambre, il ne faudrait
pas agir parce qu'on nous a dit que c'était bon ou que ce n'était
pas bon, mais que chaque individu, parce qu'il a un mandat de
représenter la population ou une portion de la population du
Québec, ait la profonde assurance que ce qu'on lui a dit, ce qu'on lui a
véhiculé, c'est cela dans les faits.
Mais cette dimension de société distincte, cette clause de
sauvegarde, j'en ai personnellement la profonde conviction et c'est la raison
pour laquelle je l'exprime ici à l'Assemblée nationale, parce que
cela fait partie des choses pour lesquelles on a le droit de s'exprimer... Si
seulement au cours du mandat pour lequel on a été élus, on
a véhiculé des messages et des convictions profondes, je pense
qu'on aura accompli une partie de notre travail.
L'autre dimension, à cause du peu de temps qu'il me reste, sur
laquelle je voudrais aussi apporter des éclaircissements, c'est cette
dimension du pouvoir de dépenser. Le projet d'entente constitutionnelle,
tel qu'on l'a actuellement, tel que nous le discutons et tel que nous
l'entérinerons parce que la majorité l'emportera, donne, à
toutes fins utiles, une assise juridique et constitutionnelle au pouvoir du
gouvernement central de dépenser son argent dans les domaines de
compétence exclusivement réservés aux provinces.
Or, si le Québec - comme toute autre province, mais parlons du
Québec qui nous concerne - choisit de ne pas participer à un
programme établi par le gouvernement fédéral - nous en
connaissons, chacun d'entre nous, plusieurs de ces programmes - la province de
Québec pourra se retirer, mais à la condition expresse
d'appliquer un programme compatible avec les objectifs nationaux.
Mme la Présidente, comment, ce matin, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
est-il capable de nous dire, en toute sincérité, que là on
a un pouvoir accru? Comment le ministre peut-il affirmer avec conviction que
nous allons chercher des pouvoirs additionnels, tandis qu'actuellement, si on
décide de ne pas embarquer dans un programme conjoint, un programme du
gouvernement fédéral, nous avons, tout au moins, la
possibilité de négocier des choses à côté
pour être capables d'aller chercher ce que j'appellerais notre quote-part
ou notre juste part?
Or, pour avoir participé à l'étude des
crédits du ministre des Finances il y a quelques semaines, à la
fin de mai, début de juin, je me suis rendu compte - le ministre des
Finances l'a confirmé dans le discours sur le budget, il pourra le
reconfirmer -qu'on a des problèmes à aller chercher ce qui nous
appartient à Ottawa. On a des problèmes avec la
péréquation. On sait qu'il y a des sommes qui nous étaient
dues, qui ont été annoncées et auxquelles le Québec
n'aura plus droit. Le ministre des Finances l'avoue, d'ailleurs, à son
grand désarroi, il dit: Écoutez, ce n'est pas possible d'aller
chercher cet argent. Comment va-t-on faire, à l'avenir, avec cette
nouvelle clause de l'entente du lac Meech qui dit essentiellement: Si vous, du
Québec, décidez de ne pas embarquer dans un programme et d'avoir
cette somme d'argent, vous devez aller dans un programme similaire qui
rencontre les objectifs nationaux, si on décide qu'on ne peut pas y
aller parce que les objectifs nationaux, les objectifs du gouvernement
fédéral sont différents de ceux du gouvernement du
Québec?
C'est le cas dans plusieurs domaines. Hier soir, j'ai donné
l'exemple de l'environnement. Si, pour nous, c'est une priorité, mais
que ce n'en est pas une pour le gouvernement fédéral, qu'est-ce
qu'on fait? Si, au contraire, dans un domaine particulier, le
fédéral décide de mettre l'accent, de mettre de l'argent
dans un programme conjoint, mais que, pour nous, ce n'est pas une
priorité, qu'on ne veut pas mettre cet argent, on va perdre tout
simplement cet argent. C'est dit très clairement que, si on ne donne pas
suite à des programmes similaires sur la base d'objectifs nationaux,
nous n'aurons pas cet argent.
Quand, de l'autre côté, on nous fait un exposé en
nous disant: Écoutez, on a d'excellentes relations avec le gouvernement
fédéral, cela va bien aller, je me permettrais de rappeler
quelques dossiers d'ordre économique qui, depuis les 18, les 12 ou les 6
derniers mois, sont encore en suspens au gouvernement
fédéral.
Est-il normal pour le développement des régions que nous
ayons à attendre des subventions, de l'aide du gouvernement
fédéral, mais de l'aide qui nous appartient, qui est notre juste
part? Comment peut-on expliquer que, dans le cas de la papeterie de Matane,
pour un dossier fort important créant plusieurs centaines d'emplois on
attende aussi une injection de plusieurs millions de dollars? Même ici,
au Québec, après avoir perdu le premier promoteur, on en a
trouvé un deuxième lorsqu'on a vendu Donohue. Le groupe de
Québécor l'a annoncé depuis déjà trois mois:
il est prêt à lancer le projet de la papeterie de Matane. Le
gouvernement du Québec, le ministre de l'Énergie et des
Ressources, et le ministre de l'Industrie et du Commerce sont allés, ont
fait des revendications auprès du gouvernement fédéral. On
est rendu au 19 juin 1987 et on attend encore notre petite enveloppe
qui nous appartient pour lancer le projet. Vous acceptez cela, vous
autres, qu'on doive attendre pour lancer le projet de la papeterie de Matane
que le gouvernement fédéral se décide. Je regrette, je ne
marche pas.
Qu'est-ce qui est arrivé pour le centre bancaire international?
Qu'est-ce qui est arrivé dans le cas de l'Agence spatiale canadienne? Il
faut se rendre compte de ce qui est en train de se passer. Ce n'est pas parce
qu'il y a un gouvernement libéral actuellement que tout va arriver en ce
qui concerne les fonds d'Ottawa. Je pense qu'on est capable de réaliser
ce qui est en train de se passer au Québec. Les ministres
fédéraux nous ont servi les raisons qu'ils ont pu pour nous
préparer à ce que nous n'ayons pas l'Agence spatiale. On sait que
c'est un dossier qui amènera plusieurs centaines de millions de dollars
en retombées ici au Québec; on parle de 400 000 000 $, 500 000
000 $, jusqu'à 600 000 000 $ par année, pour les cinq ou six
prochaines années. Tout est là, la masse critique, toute la
recherche et le développement qui se font au Canada à plus de 56
% dans le domaine de l'aérospatiale, dans le domaine des
télécommunications, cela se passe dans la région de
Montréal et le gouvernement fédéral a suspendu une
décision déjà depuis deux mois avant de dire: Nous allons
de l'avant pour le Québec et nous allons de l'avant pour l'Agence
spatiale canadienne dans la région de Montréal. (14 h 20)
Qu'attend-on? Il faut voir clair, il faut savoir lire entre les lignes
et je pense qu'on n'a pas les moyens, ici au Québec, de perdre des
projets d'une telle envergure. Que serait-il arrivé si le gouvernement
fédéral avait décidé de ne pas donner 110 000 000
$, ses 50 % dans GM à Sainte-Thérèse? Au moment où
l'on se parle, il est possible que l'usine de Sainte-Thérèse soit
fermée. Mais qu'arrive-t-il des autres projets qui sont en attente
depuis des mois?
Mme la Présidente, il faut réaliser que ce qu'on est en
train de couler actuellement dans l'accord du lac Meech, c'est que c'est le
gouvernement fédéral qui aura davantage de pouvoirs parce que lui
va décider des priorités. Si nous n'embarquons pas, nous perdons
cet argent, nous perdons notre dû, ce qui nous revient parce qu'il y a
des objectifs dits nationaux. C'est ce sur quoi on ne s'entend pas de part et
d'autre. D'un côté, nous disons: On n'a pas plus de pouvoirs,
c'est le gouvernement fédéral. Et, de l'autre côté,
on nous dit: Bien oui, on va avoir plus de pouvoirs. Écoutez, c'est
merveilleux, ce qui nous arrive.
Je pense que, si on est capable de s'élever un tant soit peu
au-dessus de toute ligne partisane, on est capable d'analyser bien clairement
ce qui est en train de se passer avec cette notion du pouvoir de
dépenser, le pouvoir accru du gouvernement fédéral parce
qu'il va pouvoir diriger dans le sens qu'il le voudra les montants d'argent
qu'il voudra bien envoyer au Québec et nous n'aurons pas le choix.
Je termine en disant que, bien sûr, le vote se prendra et, bien
sûr, la majorité l'emportera. Mais il y a une chose qui va rester,
qui va marquer l'histoire. Ceux qui auront pris la parole ou ceux qui n'auront
pas eu la chance de prendre la parole dans cette Assemblée auront
à vivre et à expliquer aux citoyens du Québec dans un an,
dans cinq ans, dans dix ans qu'ils étaient là lorsque la
décision s'est prise. Je serai heureux de dire en tout temps que
j'étais parmi ceux qui votaient contre la constitution de la
façon dont elle était présentée, qui votaient
contre le fait que l'entente du lac Meech ne donne pas suffisamment de
sécurité à l'ensemble des Québécois. Je
pense que nous devons tous le dire très clairement. Je vous remercie
beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Bertrand. M. le député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je suis
fort heureux aujourd'hui de pouvoir prendre la parole sur une entente aussi
historique, aussi importante et capitale pour le Québec. Mme la
Présidente, faisons un petit tour dans l'histoire en nous rappelant que
tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec
depuis la confédération, et même avant, ont toujours
réclamé des pouvoirs additionnels pour la société
française en Amérique.
Mme la Présidente, tous les gouvernements avaient des objectifs
et tous les gouvernements ont fait des demandes parfois identiques. Or, il
arrive que, depuis 120 ans, c'est la première fois qu'un gouvernement a
fait des demandes claires, nettes et précises au pacte
confédératif. Elles ont toutes été
acceptées. Voilà le sens du mot historique.
C'est la première fois qu'un gouvernement, dans un programme
politique, s'était présenté devant la population et avait
énoncé clairement ce qu'il ferait avec l'entente
constitutionnelle qui avait été désastreuse pour le
Québec le 16 avril 1981. Il avait énoncé clairement, au
cours de la campagne électorale de 1985, ce qu'il ferait pour faire
entrer par la grande porte, dans la dignité et l'honneur, le
Québec à l'intérieur du pacte confédératif.
La population du Québec a sanctionné par un vote des plus
démocratiques et des plus clairs, un vote sans précédent
au Québec, les objectifs du programme du Parti libéral. Avec un
tel mandat, le premier ministre, l'honorable
Robert Bourassa, a commencé immédiatement à
enclencher le processus de réintégration du Québec
à l'intérieur du pacte confédératif avec les cinq
conditions qu'il avait expliquées pendant la campagne électorale
à la population.
Mme la Présidente, permettez-moi de rectifier certains faits.
J'ai écouté attentivement, avant l'heure du lunch, le
député de Taillon dire des absurdités tout à fait
immorales dans cette Chambre. Lorsqu'un parti politique se présente
devant l'électorat avec son programme dans une main, écrit en
noir et blanc, et que chacun des candidats dans son comté a parlé
de cette entente et des conditions auxquelles le Québec pouvait
adhérer honorablement au pacte confédératif, il est
absolument farfelu de venir dire des absurdités comme ça à
l'Assemblée nationale. Ça, je pense que ça reflète
la copie carbone des discours du référendum.
Ces gens n'ont pas encore compris. Ils ont été
rejetés du revers de la main avec une idée de séparation.
Ils sont devenus profédéralistes en 1984. Les plus grands
séparatistes du Parti québécois qui crient aujourd'hui
à l'Assemblée nationale, je les revois alors qu'ils
étaient ministres dans le gouvernement du Parti québécois
assis à ces banquettes. On a vu l'ancien ministre de l'Agriculture se
promener avec des chèques de 13 000 000 $ dans ses poches qu'il
était allé chercher à Ottawa. Il avait fait une chose sans
précédent. Au lieu de le donner au ministre des Finances, il
l'avait gardé trois jours dans ses poches. Il nous le montrait ici
à l'Assemblée nationale. Voilà le "beau risque", qu'il
nous disait, on est allé chercher de l'argent à Ottawa.
Aujourd'hui, ces gens voudraient encore une fois, après le jugement de
la population, revenir à l'Assemblée nationale et nous parler de
séparation.
On va établir une chose claire et nette une fois pour toutes.
Jamais, au grand jamais, de ce côté-ci de la Chambre, on ne pourra
adhérer, d'aucune façon et pour aucune raison, au discours de ces
gens-là parce qu'ils ont trompé odieusement, à deux
reprises, la population du Québec et n'ont jamais été
capables d'aller sur la place publique avec une option claire et nette. Jamais
au Québec, on n'a vu un parti politique tenter de tromper la population
de façon aussi odieuse. Chaque fois qu'on se présente devant
l'électorat, on cache son option, on la met dans la poche
arrière. Est-ce qu'on prend les Québécois pour des
nouilles? Une fois qu'on est revenu dans l'Opposition, on redevient de purs
séparatistes, des tendres et des purs, des vendeurs d'illusions, des
"pelleteux" de nuages. C'est cela que ces gens-là voudraient
aujourd'hui, proposer des ententes dans lesquelles ils ne croient pas.
Nous, nous sommes clairs, nets et précis. Le Parti libéral
est un parti fédéraliste. On croit au Québec, on croit
à notre pays également. On ne veut pas séparer le
Québec. Ces gens-là ne sont pas de bonne foi aujourd'hui. La
seule chose qu'ils veulent nous dire, c'est que les propositions
constitutionnelles qui sont déposées à l'Assemblée
nationale aujourd'hui ne font pas leur affaire. Je les comprends, parce qu'ils
sont fondamentalement séparatistes. Ils essaient de garnir leur
souveraineté-association, leur séparatisme, d'une affirmation
nationale. Il y a juste eux autres qui peuvent se comprendre là-dedans.
Ils sont 23 et il y en a 3 ou 4 qui ont "sacré le camp" depuis le
congrès, parce qu'ils ne se comprennent pas. Lorsqu'on veut
défendre les droits fondamentaux de nos concitoyens, il faut être
clair dans notre esprit. À l'heure actuelle, les gens du Parti
québécois n'ont aucune clarté. C'est pour cela que la
population du Québec les a envoyés faire leurs classes. Allez
apprendre à être clairs devant la population et vous reviendrez
nous voir et on vous jugera à ce moment-là.
Le Parti libéral a toujours été clair. On n'a pas
changé notre option, on ne l'a pas cachée, elle était
là devant la population. Je prends à témoin ici mon
collègue d'Orford qui a une expérience de 27 ans à
l'Assemblée nationale. Il en a vu des vertes et des pas mûres! II
pourrait faire bien des réflexions sur les discours du
référendum qu'on a ressortis depuis deux ou trois jours ici
à l'Assemblée nationale. On n'a qu'à les relire, ce sont
les mêmes.
La population du Québec aime les choses claires: 77 % des gens au
Québec croient que le Québec doit entrer par la porte d'honneur
à l'intérieur de la Confédération canadienne. J'en
suis particulièrement fier et heureux, Mme la Présidente, puisque
ce sont deux grands Québécois au surplus qui le feront, le
très honorable Robert Bourassa, premier ministre du Québec, et
mon collègue de Manicouagan, l'honorable Brian Mulroney, premier
ministre du Canada. Ce sont deux grands Québécois et aussi deux
grands Canadiens qui feront entrer le Québec par la grande porte dans la
confédération, qui ne "cafouilleront" pas les droits des
Québécois dans une chambre d'hôtel, comme on l'a fait en
1981. On ne vendra pas le Québec pour une poignée de sardines,
pour une poignée de lentilles. (14 h 30)
Nos droits sont enchâssés, clairs, compréhensibles,
honnêtes et c'est pour cela que l'ensemble des députés
à l'Assemblée nationale ont un devoir historique à remplir
aujourd'hui, mais à remplir d'une façon positive, non pas en
regardant ce qu'on pense, mais en regardant le mandat que la population nous a
donné. C'est cela la différence entre le Parti libéral et
le Parti
québécois qui se cherche encore dans une affirmation qui
n'est pas nationale, mais qui n'est que purement opportunisme politique.
Mme la Présidente, nous attendons ce moment depuis de nombreuses
années. Nous allons en profiter pour le dire à l'ensemble de la
population du Québec. Au lieu de la diviser par un
référendum, de faire faire des chicanes familiales, le Parti
libéral s'était donné dans son programme l'article 1 et le
premier ministre du Canada, en 1984, avait dit, à Sept-Îles: Nous
ferons tout pour que le Québec entre par la grande porte dans la
fédération canadienne. Mme la Présidente, les deux
premiers ministres ont livré la marchandise. Il nous reste une chose en
tant qu'élus du peuple, c'est de faire notre devoir ici, à
l'Assemblée nationale, de faire notre devoir en prétendant et en
s'assurant que la vérité n'est pas la possession d'un petit
groupe de personnes. La vérité, c'est celle de la
majorité. La majorité, c'est celle qui élit un
gouvernement et qui lui donne un mandat. Le gouvernement a la
responsabilité de prendre ce mandat.
Mme la Présidente, au cours des prochaines heures, il va se dire
bien des choses ici, à l'Assemblée nationale, mais la plus
importante c'est de faire notre devoir selon nos convictions, de faire notre
devoir et d'aller répéter dans nos comtés combien nous
avons été fiers de participer à 120 ans de
séparation, mais de le faire en s'assurant que la dignité de
chacun et de chacune a été gardée. Et c'est
là-dessus qu'on devra faire notre devoir. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saguenay.
M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Contrairement à mon collègue de Saguenay, ce n'est certainement
pas dans l'enthousiasme que je vais intervenir cet après-midi. Je vais
lui rappeler très rapidement quelques petites choses sur les
différences entre les deux partis politiques.
Premièrement, oui vous êtes fédéralistes et
nous sommes souverainistes. La différence fondamentale, c'est dans le
respect de la population.
Des voix: Ah! Ah!
M. Paré: Parce que vous êtes en train de nous passer
un accord constitutionnel sur lequel la population n'a jamais pu se
prononcer.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À
l'ordre!
M. Paré: Vous pensez qu'une élection sur un paquet
de facteurs vient justifier une constitution qui n'a pas été
soumise à la population alors que nous, dans notre démarche
d'affirmation nationale pour la souveraineté politique du Québec,
on y est allé dans le respect de la population par une consultation. On
n'a pas eu peur, en 1980, de consulter la population sur l'option qu'on
présentait aux Québécois, comme démarche et comme
aboutissement espéré. On agit toujours dans le respect de la
population et non pas à la vapeur, à la fin d'une session,
presque en cachette. Cela n'a pas de bon sens. Cela n'a pas de bon sens de se
faire élire sur toutes sortes d'engagements qu'on ne tient pas pour,
ensuite, ramener, 18 mois plus tard, un projet de constitution en disant: Nous
avons été élus sur cette base. Ramener toute
l'élection du 2 décembre sur une base constitutionnelle, ce n'est
pas le discours qu'on a entendu pendant la campagne électorale.
Cela dit, contrairement à mon collègue de Saguenay, je
vais parler sur le fond du sujet, parce qu'on n'en entend pas beaucoup de
l'autre côté. On fait plutôt de la politique. On essaie de
reculer sur l'ancien gouvernement, sur le référendum, sur toutes
sortes de sujets, mais l'avenir vers lequel on veut nous amener, c'est autre
chose et c'est là-dessus qu'on doit parler. Mon collègue de
Saguenay a conclu en disant: On va régler 120 ans de séparation.
Je ne sais pas où il prend sa séparation. On est dans la
constitution depuis 120 ans. Ce n'est pas une séparation. On est dedans.
Cela ne tient même pas debout une argumentation semblable, sauf que cela
fait des beaux discours et cela fait passer le temps. Il pourra dire: Je suis
intervenu à l'Assemblée nationale sur un discours aussi
fondamental que celui-là. C'est extraordinaire ce qui est en train de se
passer, il faut le dire aux Québécois.
Avant de m'adresser directement aux Québécois, je vais
m'adresser aux 122 députés de l'Assemblée nationale, les
122 des deux côtés de la Chambre, pour essayer de leur rappeler
leur rôle. Pourquoi et pour qui a-t-on été élus par
la population? On a été élus pour faire avancer la
société, pour aider nos concitoyens, les Québécois
et les Québécoises, à vivre mieux. Si l'on veut
qu'individuellement les citoyens et les citoyennes du Québec vivent
mieux avec un plus haut niveau de vie, avec plus de sécurité
linguistique, avec une meilleure garantie de développement pour
l'avenir, il faut s'assurer que, collectivement, on se donne les moyens. Notre
rôle, c'est ça, c'est de travailler, dans chaque geste qu'on pose,
dans chaque loi qu'on présente ici à l'Assemblée
nationale, pour faire avancer la société
québécoise. Pas la faire reculer, la faire avancer.
Vous ne me ferez pas croire que le
statu quo c'est suffisant pour les Québécois. Vous ne me
ferez jamais croire ça. À preuve, la révolution tranquille
amenée par le Parti libéral de 1960 demandait qu'on avance. Oui,
on a avancé mais on n'a jamais assez avancé. On a beau avoir fait
des gains extraordinaires depuis 27 ans, depuis un quart de siècle -
oui, on en a fait beaucoup - on ne peut se satisfaire de ce qu'on a fait, de
l'avancement, de la progression du Québec dans tous les secteurs,
économique, culturel, social. Pour savoir si c'est suffisant il faut se
comparer. On est encore en arrière de l'Ontario, on est encore en
arrière de plusieurs pays industrialisés. Qu'on regarde les
grandes puissances mondiales, qu'on regarde les Américains, est-ce que,
parce que c'est la première puissance mondiale ils vont se limiter dans
leurs pouvoirs, ils vont arrêter d'en demander? Non. Quand on
arrête, on se fait dépasser ou on se fait écraser.
Et nous, on va accepter pour le peuple québécois le statu
quo et même un recul? C'est inacceptable. Votre rôle ce n'est pas
ça, vous n'avez pas été élus pour ça. Vous
avez été élus pour faire avancer la société
québécoise et si, collectivement, l'Assemblée nationale a
plus de pouvoirs, si, collectivement, on se donne de nouveaux pouvoirs et qu'on
les utilise dans le bon sens au lieu de s'en faire arracher, ce sont tous les
Québécois qui vont en profiter individuellement. Mais on est en
train de s'attacher, on est en train d'attacher l'avenir et on n'a pas le
droit. Ce ne sont pas les discours que vous avez tenus le 2 décembre
1985. Vous n'avez jamais dit que, dans une constitution, on était pour
reculer et s'attacher pour l'avenir. Vous allez accepter, dans cette entente du
lac Meech, des choses qu'on n'a même pas acceptées il y a 120 ans.
De céder des pouvoirs et de reconnaître la possibilité
à Ottawa de rentrer dans nos juridictions - et on se vante de ça
- ça va être inclus dans la constitution dans l'avenir.
Eh! qu'il y a des gens qui doivent être malheureux de l'autre
côté, de s'être battus pendant toute leur vie pour qu'au
Québec on soit un peuple fort, de se faire dire, par nous, pas par les
autres, par nous ici, les 122: On cède, on recule et on bouche l'avenir
des Québécois. C'est impensable! C'est impensable! et j'aurais
honte d'être en faveur de ça. Je n'ai pas été
élu pour ça et ce n'est pas parce qu'on est 23 qu'on ne criera
pas pour dire ce qu'on pense, parce que c'est inacceptable. J'espère que
vous allez tomber sur le fond du sujet vous autres aussi. C'est presque
impensable, entre autres, de passer 35 heures - à 122
députés on va passer 35 heures - pour l'avenir du Québec.
Une constitution presque plus changeable.
J'espère que vous connaissez la façon de changer la
constitution à l'avenir. Le Sénat, les Communes, les dix
Législatures, une majorité de Canadiens. Vous essaierez d'amener
à l'avenir des changements favorables, des changements positifs pour les
Québécois parce que, rappelez-vous que, dans le passé, on
n'a jamais gagné, sauf quand on se battait avec nos moyens que vous
êtes en train de nous enlever. C'est impensable, c'est honteux. C'est
honteux parce que c'est nous qui sommes en train de dire aux
Québécois: On n'est pas un peuple. On l'a toujours pensé.
On a toujours travaillé pour le peuple québécois, on va
fêter dans quelques jours la fête nationale du peuple
québécois et on vient nous dire, pas par les étrangers,
pas par les gens d'Ottawa, on est en train de dire, nous les
Québécois ici élus à l'Assemblée nationale:
Nous ne sommes pas un peuple, nous sommes une société; nous ne
sommes qu'une société. Beau cadeau à faire aux
Québécois pour le 24 juin 1987, cette petite
société, ce ratatinement de peuple; société, comme
on peut dire la Société Saint-Jean-Baptiste, comme on peut dire
la société "peu-importe-laquelle", même des
sociétés sans but lucratif, même des sociétés
bénévoles.
On devient une société, on devient un groupe multiculturel
comme les autres. On est en train de faire passer la majorité
française du Québec au rang de minorité au Canada, parce
qu'on transfère les pouvoirs ou on les partage alors qu'on ne l'a jamais
accepté. C'est notre décision à nous qu'il n'y ait plus de
peuple québécois. C'est votre décision à vous qu'on
change tout ça pour le mot "société". Distincte tant que
vous voudrez, je vais y venir, mais on passe de peuple à
société. On passe de majorité québécoise
à minorité canadienne. Je ne vous dirai certainement pas
merci.
Quand on parle d'affirmation nationale pour se donner le meilleur pour
les Québécois, vous, de quoi parlez-vous? Vous parlez
d'affirmation provinciale. Quand le premier ministre vient se moquer de notre
affirmation nationale - il essaie même de la récupérer - ce
n'est pas correct, parce que l'affirmation nationale, c'est s'occuper d'un
peuple, avoir une ouverture sur le monde et être autonome au moins dans
ce qui est capital, la survie. (14 h 40)
Ici, c'est une affirmation provinciale et il faut savoir tenir compte du
préambule de l'accord de 1987 qui affirme que celui-ci reconnaît
le principe de l'égalité de toutes les provinces. Le
Québec forme une société distincte tout en étant
une province juridiquement égale aux autres. D'égal à
égal, entre Québec et Ottawa, c'est fini. C'est d'égal
à égal, le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard,
le Québec et le Nouveau-Brunswick, le Québec et Terre-Neuve; les
pouvoirs, c'est Ottawa. On n'est plus d'égal à égal avec
Ottawa et, de l'autre côté, on ne se bat pas pour cela. On est
d'égal à
égal avec l'Île-du-Prince-Édouard, c'est cela qu'on
est en train de reconnaître. C'est dans le préambule de l'accord
de 1987. C'est presque incroyable et c'est en train de se concrétiser.
Un de vos grands porte-parole lors du référendum, M.
Chrétien, l'a véhiculé lorsqu'il disait: Le Québec
est un gros Nouveau-Brunswick. Si vous autres, cela ne vous fait pas mal, moi,
cela me fait mal, parce que le Québec est plus qu'un gros
Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, la majorité francophone est
devenue minoritaire. Regardez la situation des francophones au
Nouveau-Brunswick, aujourd'hui, est-ce cela que vous voulez pour la
majorité actuelle des francophones du Québec? C'est cela que vous
êtes en train de nous donner comme cadeau pour la fête nationale du
24 juin! C'est presque incroyable. Je vois des gens rire de l'autre
côté, c'est encore plus triste. C'est presque incroyable.
On devient juste une société distincte et une province
légale comme les autres. C'est exactement cela. On trouve cela
drôle, de l'autre côté. Bien, je dois vous dire que j'aime
mieux me battre, j'ai été élu pour cela; j'aime mieux
travailler fort, que cela prenne du temps, mais travailler pour l'affirmation
nationale.
Pour l'affirmation nationale... Ce que je veux pour les
Québécois, c'est rien de mieux que le meilleur. Le meilleur,
c'est quand on prend notre place, c'est quand on se sert soi-même:
charité bien ordonnée commence par soi-même. On n'est
jamais mieux servi que quand on pense à nous, quand nos
priorités, c'est nous qui les décidons. Parce que lorsque ce
n'est pas nous, cela donne les résultats qu'on a connus depuis 120
ans.
Les principales choses, les principaux développements, c'est
l'Ontario, nous, les miettes, sauf depuis 25 ans, parce qu'on a
décidé de prendre notre place. Là, on décide qu'on
va en prendre moins. C'est beau de signer une constitution, c'est vrai que
c'est plaisant quand on est premier ministre, sauf qu'on n'a pas
été élu pour se faire plaisir, mais pour faire avancer les
Québécois comme peuple.
Pourquoi l'urgence, bon Dieu? Pourquoi amener cela maintenant, alors
qu'il y a seulement, au moment où l'on se parle, deux provinces qui ont
déposé? Aucune n'est en train d'en faire l'étude, cela va
être reporté à l'automne. On a trois ans pour la faire
ratifier. Quelle est l'urgence? D'où cela vient? Pourquoi est-ce que
nous, ici, nous allons évacuer ce dossier, d'ici à quelques
jours, pour ne pas permettre aux gens de se faire entendre, alors que l'Ontario
et le gouvernement fédéral vont entreprendre une consultation:
l'Ontario, la consultation de sa population, et le fédéral, celle
de l'ensemble des Canadiens?
Nous, les Québécois, de quoi allons-nous avoir l'air? On
s'est déjà prononcé sur un minimum qui n'est
déjà pas acceptable. Les Québécois qui ne sont pas
d'accord vont-ils aller se faire entendre lors de la consultation du
fédéral? On va les retourner chez eux. Votre lit est fait,
allez-vous-en chez vous. C'est impensable. En plus, il est mentionné,
à la première page de l'entente du 3 juin, que, dans les
meilleurs délais, le gouvernement du Canada conclura avec celui du
Québec une entente concernant les pouvoirs respectifs du Québec
et d'Ottawa en matière d'immigration, ainsi que le retrait du
fédéral dans certains services avec juste compensation
financière du Québec.
Si on a tant confiance, pourquoi ne va-t-on pas négocier avant
pour s'assurer qu'on va être respecté après? Bien non, on
règle cela et ensuite on dit: On n'a plus de moyen et on n'a plus de
force. Donnez-nous cela, et on espère que cela va être bon, et, si
ce n'est pas bon, on n'essaiera de vous défendre parce qu'on est
fédéralistes et parce qu'on est pour un grand principe au lieu
d'être pour la défense des Québécois. Il n'y en a
pas d'urgence d'amener cela aujourd'hui, vous le savez très bien.
Comment se fait-il qu'il y aurait une urgence à ce point pressante pour
l'avenir des Québécois, sur l'entrée du Québec dans
la constitution, qu'il faille absolument en discuter dans les 48 ou 72 heures
qui vont suivre, alors que, pour d'autres sujets aussi importants, mais jamais
aussi importants que ceux-là, toutes les réponses qu'on a de
l'autre côté, quand on questionne les ministres, c'est: On va
faire un comité d'étude, on va faire un Conseil consultatif,
entre autres le Conseil consultatif de la jeunesse.
Au lieu de régler les problèmes des jeunes qu'on
connaît maintenant, on forme un conseil consultatif qui nous fera des
recommandations dans trois ans. Mais on dit: C'est important de connaître
la situation. C'est important de consulter les gens. C'est important pour un
secteur comme cela. C'est important pour un sujet parmi tous les autres sujets,
mais, pour le sujet capital de notre avenir collectif, on ne consulte pas. On
ne peut pas reporter. On ne peut pas mettre sur pied un comité
d'étude ou consultatif. Non, on le passe à la vapeur. On
étire les travaux de fin de session pour être capable de passer
cela pendant que les gens sont occupés, pensent à autre chose ou
commencent à préparer leurs vacances. C'est presque incroyable.
L'urgence, c'est votre urgence. C'est votre urgence pour essayer de faire
accepter aux autres provinces ce minimum inacceptable pour les
Québécois. Mais avez-vous pensé que c'est une
médaille à deux faces, que, si cela peut forcer d'une certaine
façon les autres provinces à accepter ce minimum, cela va leur
permettre d'aller demander davantage de pouvoirs et que, nous, on ne pourra
pas, à l'automne, en
exiger davantage comme elles parce qu'on s'attache maintenant. Ce n'est
pas très intelligent. De très mauvais négociateurs et
surtout de très mauvais Québécois à mon avis. Donc,
il n'y en a pas d'urgence. La société distincte...
Des voix: ...
La Vice-Présidente: Je m'excuse. À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je ne vous demande
pas de partager les opinions des membres de l'Assemblée mais si vous
voulez par la suite intervenir, vous avez un droit de parole comme tout le
monde. M. le député de...
M. Paré: Mme la Présidente, je vais apporter un
petit correctif. Je n'ai pas mis un mot de trop. J'en ai omis un. De
très mauvais défenseurs des Québécois.
Pour ce qui est maintenant de cette fameuse société
distincte....
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Paré: Est-ce qu'on pourrait demander à la
députée qui n'est pas capable de se prononcer sur le fond au
moins de respecter l'idée de ceux qui défendent les
Québécois.
La Vice-Présidente: Une question de règlement. S'il
vous plaît, est-ce que je pourrais entendre la question de
règlement? M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je pense que le
député de Shefford est très injuste à
l'égard de Mme la députée puisqu'elle est intervenue sur
le fond. S'il ne fait pas attention, elle va intervenir à nouveau et le
confondre.
La Vice-Présidente: Là-dessus, pour l'instant, M.
le leader du gouvernement, il s'agit du droit de parole du député
de Shefford. Naturellement, je reconnaîtrai tout autre intervenant qui
voudra bien prendre la parole après l'intervention du
député de Shefford. Là-dessus, je vous laisse la parole,
M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Maintenant en ce
qui concerne cette fameuse société distincte qu'on ne retrouve
que dans un mot, mais cela donne quoi une société distincte quand
ce ne sont que des mots sans pouvoir réel. N'oubliez pas quelque chose,
sur le plan juridique, "société distincte", ce n'est qu'une
règle d'interprétation. Cela signifie en droit qu'elle est un
principe dont les juges ne sont appelés à tenir compte que pour
le cas où une règle en droit constitutionnel ne leur
apparaît pas autrement claire. Ainsi, s'il est clair pour les juges que
l'affichage français enfreint les libertés d'expression de la
Charte canadienne des droits, la clause de société distincte doit
rester lettre morte à cet égard. C'est cela la
société distincte, des mots, mais seulement une règle
d'interprétation. Une règle d'interprétation dont on ne
tiendra compte que si cela semble justifié, mais cela ne le sera
même pas dans des questions aussi fondamentales que la survie de la
majorité francophone au Québec. C'est de cet avenir qu'on est en
train de discuter ici. C'est presque incroyable qu'on accepte cela. (14 h
50)
On reconnaît par contre - c'est cela qu'il faut lire, c'est cette
entente - elle reconnaît au point 1 qu'il y a, au Canada, au
Québec, une majorité de francophones et dans le reste du Canada
une majorité d'anglophones, mais que - et c'est ce qui est important -
cela constitue un caractère fondamental du Canada. C'est le point 1 sur
lequel on va signer. Le caractère fondamental du Canada, c'est que c'est
un pays bilingue, c'est cela que vous êtes en train d'accepter pour les
Québécois. Quand on parlait avant aujourd'hui du Canada bilingue,
on parlait d'un Québec français et des autres provinces
anglophones. On est en train de dire maintenant que c'est le Canada, dans sa
totalité, qui est bilingue.
Le Québec n'est plus français avec cela. Le Québec
devient bilingue avec une reconnaissance dans le point 2 conforme au sein du
Canada, une société distincte dans le sens qu'il y a ici une
majorité de francophones alors que, dans les autres provinces, il y a
une majorité anglophone. On fait juste reconnaître une situation.
Mais en mettant dans le point 1 que le Canada est bilingue, on vient dire au
Québec que ce n'est plus un territoire français, que c'est un
territoire bilingue. Et c'est vous qui acceptez cela. Je trouve cela
inacceptable.
Au point 2, le Parlement du Canada et les Législatures des
provinces, dont le Québec, ont le rôle de protéger la
caractéristique fondamentale du Canada visée à
l'alinéa (1))a). L'alinéa (1)a), c'est le caractère
fondamental du Canada, le bilinguisme. Dans 2, on s'oblige à
défendre, on s'oblige ici à protéger la
caractéristique fondamentale du Canada, ce pays bilingue. Et cela, on va
le retrouver dans toutes sortes de contestations ensuite. Les juges à
Ottawa vont décider quoi? Si c'est vrai que le passé est garant
de l'avenir, ce sera toujours à notre détriment, toujours
à notre détriment et là, on sera vraiment un gros
Nouveau-Brunswick.
Allez voir la situation des francophones hors Québec. On peut
bien vouloir se battre pour la situation des francophones hors Québec et
la minorité anglophone la mieux traitée au monde qu'on retrouve
au Québec, on peut bien vouloir défendre ces gens-là,
mais le meilleur service qu'on peut rendre aux francophones hors
Québec, c'est d'être forts et en sécurité au
Québec, mais ce qu'on est en train de faire par l'entente du lac Meech,
c'est qu'on est en train de s'affaiblir, on est en train de s'ôter des
pouvoirs. La société distincte, malheureusement, n'est pas
exprimée en termes de pouvoirs, on ne s'en donne pas et c'est cela que
je trouve inacceptable. C'est toujours seulement sur les mots et on ne peut pas
accepter cela.
Si on revient maintenant à la survie du français au
Québec, on vient reconnaître que le gouvernement
fédéral a des pouvoirs linguistiques, des pouvoirs sur le
Québec. On reconnaît cela alors qu'on aurait dû, comme on
est la seule place où on contrôle le gouvernement majoritairement
francophone en Amérique du Nord, conserver, garder et exiger
l'exclusivité de la législation culturelle linguistique, ici au
Québec. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Ce que cela reconnaît
actuellement, et tout le monde le reconnaît, j'espère que vous
allez le reconnaître aussi, c'est le statu quo au niveau
linguistique.
La paragraphe (4), la fameuse clause de sauvegarde qui nous est
amenée, c'est le statu quo de ce qu'on connaît
présentement. Je ne sais pas si vous êtes satisfaits du statu quo.
Je ne sais pas si vous vous êtes promené, pour voir quelle est la
situation au Québec présentement. Ce n'est pas l'anglais qui est
menacé au Québec présentement, c'est le français.
Le statu quo que vous voulez...
Le Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Paré: ...c'est de continuer à faire en sorte que
cela se dégrade. Le statu quo, avec les pouvoirs qu'on s'est fait
imposer en 1982 dans le "Canada Bill", cela faisait en sorte qu'on était
soumis à des articles de la constitution et à la Charte
canadienne des droits et libertés. Qu'est-ce que cela a amené?
Cela a amené la contestation de la loi 101. Quant à cela, les
Québécois savent de quoi on parle parce qu'il y a seulement cela
qui peut nous préserver, non seulement nous permettre de nous
développer, mais au moins préserver notre survie, l'assurer. En
1982, qu'est-ce qui est arrivé? On est soumis au "Canada Bill", à
la Charte canadienne des droits et libertés. Cela a fait que des pans de
murs complets de la loi 101 sont tombés. Il est arrivé que ce
même gouvernement à Ottawa a subventionné Alliance
Québec à coup de millions pour qu'il vienne contester la loi de
la majorité au Québec. Alliance Québec, avec des millions
d'Ottawa, est venue défaire une loi adoptée à
l'Assemblée nationale par une majorité. Et maintenant, tout est
contesté et ce sont des juges à Ottawa qui décident. Et
avec ce qu'on est en train de nous faire adopter ici, à l'avenir, ce ne
sera plus l'Assemblée nationale du Québec qui décidera
d'essayer d'exprimer, d'essayer de faire vivre la volonté des
Québécois, ce seront des juges à Ottawa, parce qu'on
transfère les pouvoirs d'interprétation à la Cour
suprême, à des juges recommandés par les provinces, mais
nommés par Ottawa.
Depuis 120 ans, cela a toujours joué contre nous et c'est normal.
Je l'ai dit tantôt au début: charité bien ordonnée
commence par soi-même. À Ottawa, les gens sont nommés avec
une mentalité et une philosophie qui n'est pas la mentalité
québécoise. On peut essayer de la changer par la nouvelle
constitution. On peut essayer de faire du Québec un gros
Nouveau-Brunswick, pour qu'on devienne minoritaire à plus ou moins long
terme. Mais on n'a pas de garanties. On s'en vient reconnaître à
Ottawa ce pouvoir et, en plus, la Cour suprême retarde.
Pour ce qui est de l'affichage, qu'est-ce qui va arriver si votre
volonté de l'autre côté, si la volonté que vous
avez, c'est que le Québec devienne effectivement bilingue? Dans
l'affichage, dans le choix de la langue d'enseignement, n'importe où, si
c'est cela votre volonté, faites adopter une loi ici. Ne laissez pas les
juges à Ottawa le faire à votre place, parce que vous n'avez pas
le droit, pour l'avenir, d'enlever des pouvoirs à l'Assemblée
nationale, car c'est toute la population du Québec que vous allez
pénaliser.
Donc, dans le domaine linguistique, cette "société
distincte" complètement creuse de pouvoirs, vide, qui ne fait que
reconnaître qu'on est majoritaire mais sans nous assurer que dans
l'avenir on va le demeurer, car, comme je vous le disais, l'article 1 dit que
ce qui est primordial pour Ottawa, c'est le caractère fondamental du
Canada qui est bilingue. On est en train de nous bilinguiser et on sait ce que
cela veut dire. On n'a pas le droit de ne pas conserver la route de l'avenir
ouverte pour les Québécois. N'oubliez jamais que c'est nous qui
décidons ici. On est ici les 122 qui allons décider de l'avenir
des Québécois et de leur survie. Est-ce qu'on a le droit de
prendre des chances et des risques? Je dis non.
Le fameux pouvoir de dépenser d'Ottawa. On nous arrive en
applaudissant et en disant qu'enfin, on va limiter le pouvoir de
dépenser d'Ottawa. À la vérité, Mme la
Présidente, quand on lit les textes, c'est incroyable comment c'est
complètement à l'opposé. On vient de reconnaître,
pour la première fois depuis la constitution de 1867, qu'Ottawa a le
droit de dépenser dans les secteurs provinciaux. Parce qu'on
reconnaît une situation de fait, encore une fois, c'est le statu quo.
Donc, si le gouvernement fédéral est présentement
dans l'éducation, dans les
affaires sociales, dans la main-d'oeuvre, partout, comme ils sont
déjà partout, c'est le statu quo. Et on vient le
reconnaître, ce qu'aucun gouvernement n'avait accepté avant ce que
vous proposez maintenant. On reconnaît la présence du
fédéral dans nos champs de juridiction actuels. Pour l'avenir, on
vous dit: On va vous limiter. On va nous limiter dans le sens que nous pourrons
nous retirer, mais à la condition que vous nous compensiez
financièrement. Mais il y a une contrainte, par exemple. Nous devrons
réinvestir dans le même champ, dans le même sens
imposé par Ottawa.
Encore une fois, je n'appelle pas cela de l'autonomie. J'appelle cela de
la soumission. Ce qu'on est en train de faire, M. le premier ministre a raison,
ce n'est certainement pas de l'affirmation nationale. Et ce n'est surtout pas
non plus, je pense, de l'affirmation provinciale. C'est plutôt de la
résignation nationale et c'est dommage! Les Québécois
méritent mieux que cela. Ils ne méritent pas des gens qui se
résignent. Ils méritent des gens qui se battent.
Vous me dites qu'il ne me reste plus grand temps, Mme la
Présidente. Je vais conclure là-dessus. Qui doit-on croire?
Est-ce qu'on doit croire le sénateur Lowell Murray, ministre
d'État aux Relations fédérales-provinciales qui dit: La
minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure
position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première
fois de notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à
protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays?
(15 heures)
Est-ce qu'on doit croire M. Scott, Procureur général de
l'Ontario qui dit: L'entente du lac Meech donne pour la première fois au
gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser
dans les domaines de juridiction provinciale. Écoutez bien ça
avant de voter vous autres. M. Scott, procureur de l'Ontario qui
déclarait: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du
gouvernement fédéral de mettre sur pied des nouveaux programmes
sociaux". Et pourtant ça relève des provinces. "Le pouvoir de
dépenser n'est pas mentionné dans la constitution; maintenant il
le sera; et en ce sens, cette description formelle, une première, est
à l'avantage d'Ottawa." Qui doit-on croire? Le premier ministre du
Québec ou le premier ministre David Peterson de l'Ontario.
Je cite: "Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de
société distincte du Québec. L'impact de cette
reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires
et de l'évolution des circonstances." On nous dit ici qu'on a une
protection presque infinie. La société distincte, c'est bon. On a
maintenant un article, une clause de sauvegarde pour le français et on
se fait dire par le premier ministre de l'Ontario, par M. Murphy, par M. Scott,
que ce n'est pas ça la réalité. C'est pour ça que
vous le passez à la vapeur parce que vous avez peur qu'on écoute
les discours des députés des autres provinces qui vont venir nous
dire la vérité.
Je me rappelle les engagements que vous aviez pris sur la parité
des assistés sociaux, sur le fait que jamais la Raffinerie de sucre du
Québec à Saint-Hilaire ne serait fermée. C'est le genre
d'engagement que vous avez pris et sans consultation vous avez fait le
contraire. Je vais vous dire que quand M. Bourassa me dit maintenant qu'on est
en sécurité avec cette entente constitutionnelle, que la
sauvegarde du français est là, et qu'on se fait dire le contraire
par les autres premiers ministres, par les autres ministres,
députés et sénateurs à Ottawa et dans les autres
provinces, avec les promesses et les paroles non tenues de M. Bourassa, je dois
vous dire que je crois davantage les autres. Si, aujourd'hui on nous passe
ça à la vapeur, c'est qu'on veut absolument que les 99
députés de l'autre côté votent pour avant que, dans
les autres provinces, on soit venu expliquer clairement comment on est en train
d'attacher le Québec pour l'avenir, comment on est en train de se
bloquer l'avenir. Je vous répète ce que je disais au
début: N'oubliez jamais, vous autres ici, les députés qui
allez voter ça - si vous votez pour - si vous bloquez l'avenir du
Québec, si vous pénalisez la survie du français, vous
l'aurez choisi librement. Ce sera de votre faute à vous autres. Vous
serez responsables parce que ce ne sont pas les autres qui nous l'imposent.
C'est nous qui sommes en train de discuter là-dessus et c'est nous qui
allons avoir à voter là-dessus. On a une responsabilité.
Les gens nous ont élus. J'écoutais hier le premier ministre et le
ministre de l'Agriculture qui disaient, lors d'une rencontre au Château
Frontenac: On veut un Québec de plus en plus fort, alors que ce sont
là des reculs. Il faudrait, à partir de maintenant, au moins
reconnaître que si on vote pour ça, c'est qu'on n'est plus
prêt à travailler pour que le Québec soit de plus en plus
fort. Merci, Mme la Présidente.
M. Lefebvre: Le député de Shefford me
permettrait-il de lui poser une question?
La Vice-Présidente: Vous savez qu'en vertu de nos
règlements, il faut obtenir l'autorisation du député. M.
le député de Shefford, consentez-vous à une question?
M. Paré: Oui.
La Vice-Présidente: J'aimerais rappeler aux deux
personnes, aux deux membres de l'Assemblée que la question doit
être brève ainsi que la réponse. M. le leader adjoint
du
gouvernement.
M. Lefebvre: J'aimerais savoir du député de
Shefford, franchement, quelle est la différence fondamentale entre sa
vision de l'avenir du Québec et celle du chef indépendantiste
Gilles Rhéaume qui, lui, a la franchise et l'honnêteté de
nous dire clairement qu'il souhaite la séparation du Québec et
ce, le plus tôt possible? Pourrait-il me donner la différence
entre sa conception de l'avenir du Québec et celle de Gilles
Rhéaume?
La Vice-Présidente: M. le député de
Shefford.
M. Paré: Avec plaisir, d'une façon très
claire et très courte. Avec des phrases qui sont bien plus claires que
ce qu'on retrouve là-dedans et qui portent moins à contestation.
Oui, ce qu'on voit pour l'avenir des Québécois, c'est la
souveraineté-association dans une démarche d'affirmation
nationale.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît. Vous avez
posé une question. J'aimerais bien entendre la réponse. M. le
député.
M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Je peux vous
faire un peu d'histoire, si vous voulez. Je ne reculerai pas à
l'énormité que vous avez dite tantôt en affirmant que,
depuis 120 ans qu'on est séparé du Canada. Cela a
été votre fin de discours tantôt. Moi je dis: On est dans
le Canada depuis 120 ans. La constitution nous étouffe tellement que
même vous autres, vous vous sentez obligés de la
réécrire. Ce que vous êtes en train de faire, c'est de
faire reculer le Québec. Nous, ce qu'on propose aux
Québécois, c'est une avenue. Qu'on ne soit pas traités
comme une simple société, mais un peuple, et un peuple c'est en
étant souverain, mais on propose une association avec le reste du
Canada, une association par laquelle on va traiter d'égal à
égal avec Ottawa et non pas d'égal à égal avec
Terre-Neuve et avec l'Île-du-Prince-Édouard. Cette
démarche, on va la faire dans le respect du peuple, pas à la
vapeur dans une fin de session comme vous êtes en train de le faire, mais
dans une démarche d'affirmation nationale. On est patient, on a le
goût de travailler pour les Québécois, on n'a pas le
goût de bâcler les choses comme vous êtes en train de le
faire.
M. Marx: Mme la Présidente, j'aimerais poser une
question.
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213, c'est
une... S'il vous plaît! J'aimerais avoir la collaboration de la Chambre
et ce, pour le meilleur... En vertu de l'article 213, il s'agit d'une question.
Or, la question a été posée...
M. Marx: Avec le consentement... Une voix: Non, non.
La Vice-Présidente: Bon, je n'ai pas de consentement.
M. Marx: Je vois que l'Opposition a peur de ma question.
Une voix: Non, non, on n'a pas peur de toi.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît!
M. Marx: Ils ont peur de dire la vérité.
Une voix: On n'a pas peur de toi.
La Vice-Présidente: Bon. S'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Je demande la collaboration de la Chambre pour
pouvoir entendre tous les intervenants. Là-dessus, je suis prête
à reconnaître le prochain intervenant qui est le ministre
délégué aux Mines et aux Affaires autochtones et
député d'Abitibi-Est.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Évidemment, le
député de Shefford était mal placé pour
répondre à une question comme celle-là et on comprend, par
la grande confusion de sa réponse, pourquoi les Québécois
n'ont plus confiance en son parti, pourquoi les Québécois ont
élu le Parti libéral aux dernières élections.
Des voix: Bravo!
M. Savoie: C'est un triste jour lorsqu'un membre du Parti
québécois se lève et dit: Oui, on est en faveur de... Par
contre, il faut tenir compte de l'affirmation, tout en voulant discuter
d'égal à égal avec les autres provinces dont nous
sommes... En tout cas!
Je pense qu'il y avait un film où on répétait sans
cesse: De la clarté dans la confusion ou la confusion dans la
clarté. En tout cas, c'était quelque chose comme ça. Nous,
du Parti libéral, nous savons où nous allons.
Nous avons établi dès la campagne électorale notre
programme dont j'ai un exemplaire ici et où on énumère aux
articles 33, 34, 35, 36, les conditions qu'on favorise pour adhérer aux
modifications constitutionnelles de 1982. A titre d'exemple, je peux lire pour
ceux qui nous écoutent qu'un gouvernement libéral réclame
l'inscription dans la préambule de la nouvelle constitution d'un
énoncé reconnaissant
explicitement le Québec comme foyer d'une société
distincte. À l'article 35, on parle d'un contrôle sur
l'immigration; à l'article 36, de la nomination des juges de la Cour
suprême provenant du Québec et choisis par le Québec;
à l'article 37, du contrôle des dépenses.
Tout cela, nous l'avons énoncé, nous l'avons publié
pendant la campagne électorale. Au mois de mai 1986, le
député de Jean-Talon et ministre responsable des relations
intergouvernementales a énoncé très clairement les cinq
conditions lors d'un grand discours fortement applaudi par ses
collègues. Il dit et je cite: Ces conditions sont la reconnaissance
explicite du Québec comme société distincte, la garantie
de pouvoirs accrus en matière d'immigration, la limitation du pouvoir
fédéral de dépenser, la reconnaissance d'un droit de veto
et la participation du Québec à la nomination des juges à
la Cour suprême du Canada.
Je ne voudrais pas entretenir cette auguste Assemblée sur
l'ensemble de ces points. Vous savez que, comme ministre
délégué aux Mines et député d'Abitibi-Est et
également responsable des Affaires autochtones, je dois me pencher sur
quelques questions, notamment sur ce que nous amène l'accord du lac
Meech au niveau du développement régional. Qu'en est-il de la
position des autochtones et qu'en est-il de la protection et de la
défense de notre langue et de notre culture?
Lorsque j'ai commencé à exercer mes fonctions, la
première chose que j'ai constatée, évidemment, c'est la
difficulté de faire concorder l'ensemble des gestes en matière de
développement régional avec le gouvernement
fédéral. Vous savez que le gouvernement fédéral
peut établir des politiques pour favoriser le développement
régional en établissant des programmes de création
d'emplois, des programmes d'exploration comme il l'a fait en Gaspésie ou
des programmes, par exemple, dans l'industrie forestière sur la
Côte-Nord. Â plusieurs reprises, nous avons eu des échanges,
d'ailleurs fort laborieux, avec le gouvernement fédéral pour le
développement régional. Bien sûr, notre gouvernement est
l'un des premiers intéressés et bien sûr, nous avons
posé, depuis les élections, de nombreux gestes qui
démontrent notre intérêt et la fierté que nous avons
de nos régions, mais on ne peut régler le problème du
développement régional qu'en versant d'énormes montants
à gauche et à droite provenant, soit d'une orientation qu'ont
déterminée certains ministres fédéraux
vis-à-vis d'une politique bien établie du gouvernement
québécois. (15 h 10)
Cela prend une concordance. Et quand je lis l'accord du lac Meech,
j'arrive à un article que je vais vous citer. Je ne ferai pas comme les
députés de l'Opposition qui le résument, qui le tournent
à leur façon. Je vais vous le lire tout simplement et ce sera
beaucoup plus clair. À l'article 7 qui modifie l'article 106A de la
constitution, on dit tout simplement: "Le gouvernement du Canada fournit une
juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas
participer à un programme national cofinancé qu'il établit
après l'entrée en vigueur du présent article dans un
secteur de compétence exclusive provinciale, si la province applique un
programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux."
Cela voudrait dire, Mme la Présidente, que, lorsque le
gouvernement fédéral sera en mesure d'établir un
programme, par exemple, pour le développement régional - parce
que c'est là le point que j'examine aujourd'hui -il pourrait
l'établir pour le développement d'une partie du Québec et
dire: On propose telle chose. Nous, du gouvernement du Québec, on
pourrait regarder cela à la lumière des fonds qu'on investit dans
cette région, des optiques qu'on croit les plus intéressantes
pour le développement de cette région, et on pourrait dire
très facilement: Oui, d'accord, votre programme coïncide avec le
nôtre, allez-y, vu qu'il s'agit d'un programme exclusif, nous allons
l'administrer. Ou on pourrait dire, et là, pour une fois, c'est clair,
les mécanismes seront établis: Non, on s'excuse, bien que vous
ayez les grandes orientations. Par exemple, lors d'une intervention dans un
programme d'exploration minérale, on pourrait dire au gouvernement
fédéral: Non, non ce n'est pas acceptable; nous, nous visons
telle approche; malgré le fait que ce soit, dans ses grandes lignes,
compatible avec vous, nous voulons plutôt avoir l'argent, l'incorporer
dans nos programmes, qu'il y ait une harmonie parfaite et assurer ainsi que,
lorsqu'on versera l'argent à cette région, elle en fera une
utilisation maximale.
En tant que ministre délégué aux Mines, qui est un
fort outil de développement régional, en tant que
député d'une région éloignée, en tant que
député extrêmement préoccupé par le
développement de nos régions, je vois, à l'article 7,
modification à l'article 106, un atout qu'on pourrait utiliser à
notre avantage, un atout qui pourrait certainement susciter le
développement de nos régions. Le Parti québécois,
évidemment, n'a en aucune façon soulevé cette question de
l'article 106 en disant: Bien oui, c'est une ingérence au niveau d'une
prérogative, d'un droit d'un gouvernement provincial, d'une certaine
exclusivité. Je dis le contraire. Je dis que nous avons une occasion. Je
dis que nous pouvons, à ce moment-là, d'une façon
nettement meilleure qu'auparavant, améliorer et développer nos
régions avec les fonds, soit avec un programme sur lequel nous
sommes
entièrement d'accord, soit en disant: Donnez-nous l'argent; nous
allons l'incorporer à notre programme de développement
régional. À ce moment-là, l'argent sera mieux
dépensé et assurera donc le développement de nos
régions. Ce n'est certainement pas moi qui vais parler contre l'article
7, Mme la Présidente.
Au sujet des autochtones, s'il y a une question qui est mal connue ou
méconnue de la population québécoise, ce sont certainement
les droits et les revendications justes des peuples autochtones. Les peuples
autochtones ont regardé l'ensemble de l'entente du lac Meech; ils n'y
ont pas formulé d'objection. Ils ont dit: Bien sûr, on aurait
aimé avoir la possibilité, avant la signature de l'entente, qu'on
fixe, qu'on arrive à une entente pour continuer le discours
constitutionnel avec nous. Bien sûr, ils auraient aimé une mention
explicite en ce qui concerne leurs droits et leurs revendications. Lors de
cette entente et malgré que ce n'était pas nécessaire, il
a été stipulé, à l'article 16, soit les
dispositions générales, il n'y en a que deux, où on dit:
"L'article 2 de la Loi constitutionnelle de 1867 n'a pas pour effet de porter
atteinte aux articles 25 ou 27 de la Charte canadienne des droits et
libertés, à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou
au paragraphe 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. On sait
donc qu'on a fait une mention qui n'était pas nécessaire, qui
n'était pas exigée, parce que le droit des autochtones, en vertu
de l'article 35 de la loi constitutionnelle, n'exige pas cette
répétition à ce moment-ci. Mais, on voulait le leur donner
pour les rassurer et leur démontrer notre bonne foi.
Je pense également que M. Rémillard a voulu
démontrer, en insistant pour que ce soit dans l'accord du lac Meech,
qu'il ne voulait en aucune façon, qu'il soit soupçonné
qu'on porte atteinte de quelque manière que ce soit aux revendications
des autochtones.
Comme ministre responsable des Mines, comme député
intéressé au développement régional, comme ministre
responsable également de la question autochtone, je ne peux que donner
mon accord aux modifications proposées à la constitution de 1867.
11 y a un troisième point. Comme Québécois, je dois me
soucier si on a effectivement, dans cet accord, une protection suffisante pour
notre langue et pour notre culture. Je regarde le texte et je lis: "Toute
interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec..."
Donc, toute interprétation. Et, à l'alinéa (2): "la
reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une
société distincte." Et, à l'alinéa (3), on lit: "La
Législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de
protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec
visé à l'alinéa (l)b)." Cela pourrait dire, par exemple,
que lorsque le Parti québécois a édicté la loi 101
et qu'on ne savait pas si c'était constitutionnel ou pas, je crois
maintenant qu'elle sera effectivement constitutionnelle.
Qu'est-ce que ça veut dire au niveau de lois ou de mesures au
niveau de l'emploi, de la protection de notre culture et de nos institutions?
Je crois que, dès le début, dans la constitution, il sera
stipulé qu'on a le devoir, le rôle de promouvoir et de
protéger le caractère distinct du Québec. Nous avons donc
cette obligation imposée en vertu de l'article 2. Il y a là, pour
la première fois dans l'histoire du Québec, une protection
réelle, une protection concrète de notre société
distincte.
Sans vouloir m'embarquer dans un discours partisan, tout simplement en
parlant franchement, en examinant l'accord du lac Meech et les
responsabilités que j'exerce, je ne peux faire autrement que
d'être d'accord avec ce qui a été signé au lac Meech
au début de juin 1987. Je ne peux pas m'y opposer. C'est un geste
concret et tangible qui nous permettra de compléter des programmes de
développement régional en coopération avec le gouvernement
fédéral, qui assurera également dans le domaine minier, du
moins je l'espère, des fonds additionnels de la part du gouvernement
fédéral, qui pourrait également nous rassurer chaque fois
qu'on pose, en tant que Québécois, un geste qui protégera
la langue française au Québec, qui protégera nos
institutions et l'ensemble de notre culture. Je ne peux qu'applaudir à
ce geste, remercier et féliciter l'excellent travail
exécuté par le député de Jean-Talon et, bien
sûr, notre premier ministre qui, dès 1983, a entrevu la
réalisation de ces cinq conditions.
Le travail qu'a effectué le Parti libéral du Québec
n'est pas le travail de l'Opposition qui pelleté des nuages. Ce n'est
pas un travail d'érudit, de quelqu'un qui est loin d'une certaine
réalité. Ce n'est pas non plus un travail mal fait. Cela a
été nos engagements. Pendant la période électorale,
on y a donné suite, on l'a proposé par le biais du
député de Jean-Talon à plusieurs reprises lors des
rencontres constitutionnelles et, finalement, grâce à toute la
dextérité et à la connaissance que possède notre
premier ministre, nous avons réussi, lors de la rencontre du lac Meech,
à les faire adopter par l'ensemble des neuf autres provinces. Merci, Mme
la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre.
M. le député de Laviolette. (15 h 20)
M. Jean-Pierre Jolivet M. Jolivet: Merci, Mme la
Présidente.
Je vais commencer là où le ministre qui vient de me
précéder, a terminé. Je ne serai pas partisan, je vais
faire en sorte que mes propos soient les plus francs possible, mais je ne
continuerai pas dans la même veine de ce qu'il a fait ensuite parce que,
justement, il a été partisan. Il a dit: L'Opposition pellette des
nuages et nous, du pouvoir, ce n'est pas de cette façon qu'on voit
cela.
J'ai l'intention de regarder l'entente qui a été
signée à Ottawa le 3 juin dernier, laquelle entente faisait suite
à une préentente, si on peut l'appeler comme telle, du lac Meech
le 30 avril dernier. Je pourrais, comme je l'ai fait hier - c'est la
deuxième occasion que j'ai de participer à ce débat -
parler d'une autre partie en disant que je suis heureux, ce matin, d'avoir
enfin vu quelqu'un de ma région prendre un petit dix minutes, le
député de Nicolet, qui est le président du caucus de la
région 04. Je ne sais pas s'il y aura d'autres députés de
la région 04 qui auront l'occasion d'intervenir dans ce débat
pour faire valoir leurs points de vue. Je vois le député de
Trois-Rivières qui me fait signe que oui, probablement au courant de la
semaine prochaine. Je suis heureux d'entendre enfin des ministres parler. Il y
a eu le ministre responsable du dossier des Affaires intergouvernementales
canadiennes, puis celui qui nous quitte et qui a parlé avant moi, le
ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones,
alors qu'hier, de 20 heures à 24 heures, pas un mot de leur part.
Je voudrais m'entretenir aujourd'hui d'une partie du dossier qui n'est
pas incluse dans l'entente du lac Meech et dans celle du 3 juin à
Ottawa, mais qui, cependant, aurait dû l'être, de l'avis de
plusieurs et c'est mon avis également. Comme je suis responsable d'un
secteur qui est important au Québec, comme porte-parole de l'Opposition
en la matière, au chapitre de l'enseignement primaire et secondaire,
j'aimerais vous entretenir, pendant les quelques minutes qui me sont
dévolues, sur le fait qu'il manque à cette entente quelque chose
qui aurait dû, de l'avis de plusieurs, faire partie des conditions
inhérentes à toute entente constitutionnelle avec les autres
provinces du Canada.
Vous savez, il existe un large consensus parmi l'ensemble des citoyens
et des principaux intervenants dans le secteur de l'enseignement, que ce soit
les directions d'école, les commissaires d'écoles, les
évêques, l'ensemble des membres des comités d'école,
l'ensemble de tous ceux qui, de près ou de loin, comme enseignants ou
personnel de nos écoles, travaillent à l'intérieur de nos
écoles; donc, il y a un large consensus dans ce milieu scolaire,
même au plan politique et au plan social, quant à
l'établissement de commissions scolaires linguistiques plutôt que
confessionnelles.
On se souvient qu'il y a eu un projet de loi qui a été
adopté, qui avait fait l'objet d'un large consensus. Il avait
été précédé par de nombreuses heures de
consultation et de nombreuses demandes venant de l'ensemble du milieu scolaire
et, finalement, il a été adopté par l'Assemblée
nationale, en décembre 1984, afin de traduire ce large consensus; c'est
la loi 3.
On se souvient aussi qu'en juin 1985, en réponse à une
requête déposée par certaines commissions scolaires
confessionnelles, la Cour supérieure invalidait les dispositions de la
loi 3 comme contraires aux garanties confessionnelles inscrites à
l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867; elle
enjoignait, à ce moment-là, le gouvernement d'en suspendre
l'application. On se souviendra - j'aurai l'occasion de l'expliquer davantage -
que cela s'appliquait, en termes de partie inconstitutionnelle, aux commissions
scolaires de Montréal et de Québec. Et, parce que le juge dit: Si
une partie n'est pas constitutionnelle, l'ensemble ne l'est pas, donc,
actuellement, cela empêche une évolution normale au
Québec.
Le gouvernement précédent, on s'en souvient, avait
porté ce différend, cette cause en appel. Plusieurs questions ont
été posées par l'Opposition au ministre de
l'Éducation actuel sur différentes lois, à
différents moments depuis maintenant près d'un an et demi.
Après de nombreuses tergiversations, le gouvernement libéral, qui
est en face de nous, décidait, en mars dernier, de ne pas maintenir
l'appel. En même temps, on s'en souvient, il abandonnait des
procédures qui avaient été instituées concernant le
caractère confessionnel de l'école Notre-Dame-des-Neiges, et ceci
aussi en appel. Tout cela a été arrêté.
Qu'est-ce que l'on disait dans des journaux à cette
époque, au mois d'avril, lors de la décision? On disait: Une
décision difficile à comprendre. Comme le disait dans son opinion
Monique Plourde: "En abandonnant ces procédures judiciaires, le ministre
de l'Éducation ne sacrifie-t-il pas le consensus social à
l'obstination de quelques irréductibles qui, obnubilés par leurs
droits acquis et leurs intérêts corporatifs, refusent tout
compromis? Le ministre, continuait-elle, aurait, paraît-il, entrepris une
révision plus large de sa politique en matière de structures
scolaires. Bien, mais faut-il croire sans voir? Que le ministre nous
présente ses nouveaux paramètres, qu'il nous fasse
connaître cette ou ces solutions miracles pour sortir de l'impasse. Ce
n'est sûrement pas par la voie de la négociation constitutionnelle
proposée par le Conseil supérieur de l'éducation puisque
le ministre ne la trouve pas pertinente. Le monde de l'éducation a
suffisamment sué dans ce dossier pour avoir droit à des
explications moins sibyllines." Elle continuait en disant: "Ne faudrait-il pas
également vérifier les
implications nouvelles qu'apporte l'article 23 de la Charte canadienne
des droits dans ce dossier? Ne serait-il pas prudent de négocier une
réécriture de l'article 93 qui respecterait enfin l'ensemble de
la société québécoise actuelle?" Là, elle
continuait en disant: "Si le compte rendu du Devoir nous permet encore
quelques espoirs, celui de La Presse ne nous en laisse aucun. La
déconfessionnali-sation des structures scolaires est remise aux calendes
grecques. C'est clair, pour le ministre, ce n'est pas un problème de
fond comme la qualité de l'enseignement."
Le Conseil supérieur de l'éducation aussi a émis un
avis insistant sur le fait qu'effectivement on devait aborder cette question
lors des discussions constitutionnelles. Il disait ceci dans son avis qui a
été émis en janvier 1987: "Ce n'est pas ici le lieu de
reprendre les raisons qui ont amené de très nombreux citoyens et
de très nombreux organismes à souhaiter que la langue remplace la
religion comme critère de base de l'établissement des commissions
scolaires. Mais l'ampleur même du mouvement d'opinion créé
autour de cette question éminemment sociale mérite la plus grande
considération. Les deux grands partis politiques provinciaux,
l'Assemblée des évê-ques du Québec, les centrales
syndicales, Alliance Québec, la Fédération
québécoise des comités de parents, la
Fédération des commissions scolaires catholiques, des
associations d'administrateurs scolaires, pour ne nommer que ces organismes, se
sont tous ralliés à cette modification structurelle à
laquelle le Conseil supérieur de l'éducation a lui-même
donné son appui dans un avis émis en septembre 1983. Sur cette
question on peut assurément parler d'une volonté majoritaire.
Cette volonté majoritaire est actuellement paralysée."
Le Conseil supérieur de l'éducation, dans le même
avis, continuait en disant: "À la suite du récent et nouveau
blocage que l'on sait, les risques ne sont pas théoriques que des
raidissements et des crispations puissent porter les germes de nouvelles
tensions. Une organisation scolaire qui, sur des questions aussi fondamentales
qu'émotivement chargées, réussit mal à
répondre aux besoins des usagers et à assurer dans ses instances
de décision et d'orientation une représentation
équilibrée des populations qu'elle dessert ne peut qu'être
génératrice de profondes et légitimes insatisfactions."
(15 h 30)
Qu'est-ce que disait le Conseil supérieur de l'éducation
dans son avis? Il disait ceci: "Le conseil est d'avis que, devant la paralysie
que connaît actuellement le système scolaire
québécois en matière de confes-sionnalité, il n'est
pas souhaitable de seulement laisser porter et d'attendre. Des droits et des
libertés individuelles ne peuvent pas s'exercer de manière
satisfaisante. Une volonté collective majoritaire est contrée.
Des possibilités s'amenuisent de vivre harmonieusement des
évolutions que tout identifie comme nécessaires. Tel est le prix
social croissant que les retards accumulés nous obligent a payer."
Et il disait: "II faut pouvoir mettre en place des aménagements
qui permettent une évolution équitable des structures scolaires
du Québec. C'est pourquoi le Conseil supérieur de
l'éducation recommande au ministre de l'Éducation de faire en
sorte que, lors des négociations constitutionnelles dont on a
annoncé l'ouverture prochaine, le gouvernement inclue la question de la
confessionnalité scolaire dans son dossier de positions, qu'en
matière de confessionnalité scolaire l'objectif du gouvernement
du Québec soit d'assurer au Québec la pleine capacité de
se donner un système d'éducation qui, tout en tenant compte des
droits confessionnels et linguistiques reconnus, permette de répondre
plus adéquatement aux exigences croissantes de la pluralité et de
mieux respecter les droits et libertés de tout citoyen."
Quand on regarde cet appel du Conseil supérieur de
l'Éducation en regard des décisions qui avaient été
prises dans le passé, qui ont été enrayées par des
jugements en Cour supérieure et portées en Cour d'appel, mais
retirées par le gouvernement libéral, le fait de n'avoir
même pas apporté ce point dans les négociations cause, je
pense, à l'ensemble de la population du Québec des
problèmes et des torts irréparables.
Je ferai simplement allusion à ce problème en lisant un
avis du 26 avril 1983 à Me François Houle, de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, écrit par le ministre actuel, alors qu'on lui avait
demandé des avis en regard, justement, de l'article 93. Il indiquait
clairement que le Québec a des pouvoirs que la
Confédération canadienne lui enlève d'une certaine
façon dans la mesure où on dit: "Les Pères de la
confération - et c'est écrit dans le texte que le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
envoyait -ont accordé aux provinces la compétence exclusive de
légiférer en matière d'éducation par un article
spécifique de l'acte de 1867, c'est-à-dire l'article 93. Ils ont
voulu, par là, montrer la très grande importance qu'ils
accordaient à ce domaine de législation."
On disait dans ce même texte: "Le Haut-Canada n'était pas
favorable au système des écoles séparées
confessionnelles. Ses députés auraient
préféré un système non confessionnel. Or, l'article
93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique est donc l'un des
compromis les plus importants que les Pères de la confération ont
dû faire pour réaliser l'union canadienne. On ne se permettrait
pas aujourd'hui, compte tenu de
l'évolution du système scolaire, de faire la même
revendication pour faire comprendre ailleurs, au Haut-Canada de
l'époque, l'Ontario d'aujour'hui, qu'effectivement, on aurait dû
s'assurer que nous ayons les moyens de corriger les difficultés que
comporte l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique."
On dit très bien que ce sont les commissions scolaires communes,
rurales, qui peuvent se voir accorder cette déconfession-nalité
aujourd'hui, eu égard au pouvoir de faire des commissions scolaires
linguistiques. Seules les commissions scolaires protégées de
Montréal et de Québec, en vertu de la constitution, sont soumises
à cette capacité actuelle d'être protégées
par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. J'irais plus loin en
disant que, dans son document, le ministre indiquait qu'effectivement
c'étaient les commissions scolaires de niveau primaire qui
étaient touchées. Et je vous le lis dans le texte, à la
page 29: "II est aussi important de comprendre que la protection de l'article
93 ne s'étend qu'au niveau élémentaire."
Une voix: Qui a écrit cela?
M. Jolivet: Qui a écrit cela? C'est l'actuel ministre
alors qu'il faisait un rapport à la Fédération des
commissions scolaires sur une loi dont vous avez la connaissance. C'est lui qui
a écrit cela à l'époque et c'est à ce
moment-là que je dis que, si vraiment il y avait moyen d'aller
négocier, c'était à ce moment-ci qu'on aurait dû le
faire.
Je dirai que le ministre actuel et le gouvernement, en plus de laisser
tomber les procédures d'appel de la loi 3, ont refusé de
façon catégorique de répondre à toute demande,
qu'elle vienne du Conseil supérieur de l'éducation, qu'elle
vienne des milieux concernés, qu'elle vienne de tous ceux qui, de
près ou de loin, ont dit qu'il fallait faire des changements. Ils s'en
sont tenus seulement aux cinq conditions. Nous disons que ceci constitue la
preuve flagrante de l'absence de volonté politique de procéder
à l'établissement de commissions scolaires linguistiques et ce,
malgré la promesse du Parti libéral pendant la campagne
électorale de le faire. Ce n'est même pas ce qu'on revoit
aujourd'hui. Ils n'ont même pas eu le courage politique de l'inclure dans
les discussions.
Lors de la commission parlementaire sur l'accord du lac Meech certains
intervenants sont à nouveau venus réclamer du gouvernement qu'il
obtienne la suppression des contraintes existant quant à la
reconnaissance de la pleine compétence du Québec en
matière d'éducation. C'est très simplement la Centrale de
l'enseignement du Québec et l'Alliance des professeurs de
Montréal qui, dans leurs documents, ont présenté, ont
demandé à ce premier ministre qui était là ou
à son ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes d'agir et de faire en sorte qu'on puisse
avoir, dans la discussion, toute la question du critère linguistique
plutôt que celle du critère confessionnel.
Le gouvernement a seulement indiqué que cette question pourrait
être abordée lors du deuxième round de négociations.
Mais, quand on regarde l'entente du 3 juin dernier, de quoi
s'aperçoit-on? C'est qu'elle n'est même pas à l'agenda. On
sait, cependant, qu'à l'agenda du deuxième round il y a la
réforme du Sénat et il y a toute la question des pêches,
mais aucune revendication du Québec quant à la possibilité
d'inclure toute la rediscussion de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique.
En conclusion, Mme la Présidente, la confessionnalité de
nos commissions scolaires est figée par une constitution qui date de 120
ans. Cette constitution enraie l'évolution souhaitable de nos structures
scolaires dans le contexte du pluralisme croissant de la société
québécoise. Par son inaction et son acceptation tacite de
l'article 93, le gouvernement cautionne le maintien de privilèges
à certains groupes confessionnels et une mainmise inacceptable sur le
système public.
Je ferai référence à cette discussion que nous
avons eue, le ministre de l'Éducation et moi-même, à la
commission parlementaire qui a étudié le projet de loi 130
où des groupes, le Mouvement laïque, la CEQ et d'autres, auraient
voulu être entendus sur des droits que le ministre remettait, en vertu de
cette loi, aux protestants et aux catholiques, en vertu, justement, d'une
clause qu'ils ont eux-mêmes décriée à
l'époque, la clause "nonobstant" de l'Acte constitutionnel de 1982.
Le maintien de la confessionnalité a d'autres effets
néfastes. Conjuguée aux dispositions de la loi 101, la
confessionnalité est à la source de la création et du
gonflement du secteur français dans certaines commissions scolaires
protestantes, notamment à Montréal. Celles-ci accueillent, en
effet, un nombre croissant d'élèves francophones et d'allophones
dans leurs classes françaises sans toujours leur offrir un niveau de
services comparables à celui de leurs clientèles anglophones.
Même, des parents nous ont écrit pour nous dire qu'effectivement
ils ne recevaient même pas l'information en français; ils la
recevaient en anglais alors que normalement la loi 101 oblige à leur
donner la documentation convenable.
Compte tenu de la baisse de leurs effectifs au secteur anglais, ces
commissions scolaires connaissent, de plus, des problèmes de
relocalisation des clientèles, que ce soit dans la commission scolaire
de Brossard, de la rive-sud, que ce soit à Lakeshore. On les
connaît. On commence à s'apercevoir qu'il y a des
problèmes et elles ont déjà commencé à
recourir aux formules de cohabitation linguistique. Elles seront probablement
tentées d'y recourir de plus en plus souvent. Dans certains cas, cela
peut être préjudiciable à l'intégration des
immigrants à la majorité francophone. (15 h 40)
Et on peut s'imaginer toutes sortes de choses qui existent. Le cas d'une
école moitié anglaise, moitié française,
située dans un quartier fortement anglophone et dont les classes
françaises sont composées d'un grand nombre d'allophones. Selon
vous, Mme la Présidente, dans quelle langue discute-t-on dans les cours
de récréation, dans quelle langue discute-t-on quand on va
prendre l'autobus scolaire ensemble? Ajoutons que les commissions scolaires
protestantes ne se gênent pas pour enseigner l'anglais dès la
première année au primaire, en contravention au régime
pédagogique, à des enfants dont c'est la langue seconde et non la
langue maternelle.
On se retrouve donc dans une situation qui est loufoque où des
institutions anglophones, telles les commissions scolaires protestantes de
Montréal, sont responsables de l'accueil et de l'intégration
d'une part importante des immigrants et des réfugiés.
L'établissement de commissions scolaires sur la base de la langue
plutôt que de la religion mettrait un terme à de telles
situations. Les gens qui sont en face le reconnaissent. Ils l'ont reconnu parce
que, dans leur programme électoral, c'est ce qu'ils ont écrit.
Malheureusement, ce n'est pas une priorité qu'ils ont retenue. Il aurait
peut-être fallu demander si c'était une priorité
prioritaire. Mais on sait ce qu'ils font avec les priorités
prioritaires.
Le maintien de la confessionnalité scolaire nuit, dans les faits,
à l'intégration des allophones à la majorité
francophone, un facteur clé pour préserver le caractère
distinct de la société québécoise. En particulier,
je pourrais faire référence à un article de Mme
Hélène Pelletier-Baillargeon dans La Presse du 25 mars
1987, sous le titre "Pénélope chez les libéraux". "Les
enjeux sont, en effet, de taille: les divisions scolaires confessionnelles
empêchent actuellement la loi 101 de parachever l'intégration des
immigrants à la culture de la majorité. À cause d'une
division religieuse de plus en plus factice, les immigrants de foi "autre" que
catholique romaine se retrouvent, en vertu de la loi 101, inscrits dans les
classes françaises des écoles protestantes. Or, dans les faits,
ces écoles sont "neutres" et de langue anglaise." Elle continue. "Cette
situation fausse conduit à des distorsions alarmantes. Scolarisés
en français à l'intérieur d'un système scolaire
anglais, tous ces "non-catholiques" le sont dans une langue de traduction,
puisque la culture et la langue d'usage des communications, des services
parascolaires, des corridors et de la cour d'école demeurent
anglaises."
Je termine la citation que je veux faire de son texte: "Cette
dérive, on s'en doute, convient admirablement au BEPGM (Bureau des
écoles protestantes du grand Montréal) parce qu'elle lui permet
de contourner les effets intégrateurs de la loi 101 en
récupérant, à long terme, la majorité des
immigrants issus de ses classes françaises et qui constituent plus du
tiers de sa clientèle."
Dans ces circonstances, il aurait été normal, il aurait
été correct de prévoir, dans les discussions, toute la
question de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le
lac Meech n'apporte aucune solution à cette problématique, pas
plus, d'ailleurs, que l'accord du 3 juin, à Ottawa. Je pense que nous
devons, encore une fois, insister pour que cette discussion se fasse et qu'elle
ne se fasse pas comme elle se fait actuellement, en poussant dans le dos, pour
en arriver à une décision rapide à la toute fin d'une
session.
Dans ces circonstances, M. le Président, vous comprendrez
très bien que je n'ai, en aucune façon, l'intention de voter pour
la résolution du premier ministre. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci. Je ne voudrais pas répondre à tout
le discours du député de Laviolette, mais, comme il a
mentionné le Bureau des écoles protestantes du grand
Montréal, il faut que je fasse une correction. Il faut que le
député de Laviolette comprenne, une fois pour toutes, que,
même si ce sont des anglophones qui sont dans ces écoles, ils
apprennent le français. Quand ils sortent de ces écoles, ils
parlent le français et l'anglais, sans aucun problème. Le
député de Laviolette devrait comprendre, une fois pour toutes,
que c'est dans ces écoles qu'on a commencé le système
d'immersion totale. Je me rappelle que mon petit gars, qui a maintenant 28 ans,
quand il avait 8 ans allait à ces classes. C'était la
première année de cette expérience. Il est sorti de ces
écoles, il pratique maintenant comme avocat, et il parle le
français aussi bien que le député de Laviolette et il
parle l'anglais très bien aussi.
Mme la Présidente, pardon! M. le Président, excusez-moi,
je vois qu'on a un changement d'équipe. Je suis ici depuis hier matin et
j'écoute les débats, j'écoute mes amis péquistes
et, de plus en plus, je commence à voir que j'avais toujours raison
quand je disais: Vous, vous êtes négatifs et,
nous, nous sommes positifs. Des voix: Bravo!
M. Polak: Vous, vous êtes pessimistes et, nous, nous sommes
optimistes. Le député de Rosemont m'aide de temps en temps dans
mes discours. Il m'a dit: Maximilien, n'oublie pas de dire qu'eux, ils ont une
vision où ils se replient sur eux-mêmes, tandis que nous, nous
avons une vision d'ouverture.
Il est intéressant de relire les journaux de temps en temps. Il y
a un dictionnaire du parfait péquiste. Il faut que je mentionne cela
rapidement. Ils sont encore en train de se chercher. Depuis une dizaine
d'années, vous êtes passés de séparatistes à
indépendantistes, à souverainistes, à promotionnistes,
à révisionnistes, à orthodoxes et, maintenant, vous
êtes affirmationnistes. J'ajouterais une autre catégorie, les
"garonistes", c'est-à-dire ceux qui ne croient ni en rien ni en
personne.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Polak: M. le Président, vous savez que M. Trudeau,
l'ancien premier ministre du Canada, est intervenu dans ce débat,
heureusement pas ici, mais en dehors. Je n'ai jamais été d'accord
avec sa vision du Canada. J'étais très heureux et vraiment
impressionné par l'article que le ministre de l'Éducation a
écrit dans La Presse du 30 mai où il répondait
point par point à l'intervention de M. Trudeau. Je cite un extrait de
l'article de M. Ryan qui est d'une importance capitale. On parle de la vision
du Canada et du rôle du Québec dans le Canada. C'est M. Ryan qui
parle et je le cite avec fierté: "Le Canada est plutôt, pour
reprendre une belle expression de Joe Clark que M. Trudeau s'est souvent plu
à déformer, une communauté de communautés, une
réunion librement consentie de sociétés diverses qui
acceptèrent, pour la poursuite d'un plus grand bien, de se réunir
en un pays fédéral sans renoncer pour autant à leur
identité." C'est exactement cela qu'on retrouve dans cet accord du lac
Meech. Je continue de citer M. Ryan: "II est possible d'être à la
fois un Québécois profondément engagé, un
Québécois d'abord et avant tout, et un Canadien
sincèrement et loyalement voué à l'édification d'un
Canada fort." C'était notre vision, et cela a été dit
d'une manière que tout le monde comprend et sur laquelle tout le monde
est d'accord. Il parle encore de cette population du Québec qui
représente une partie très importante, voire majoritaire, de la
population québécoise. N'oublions pas, messieurs et mesdames les
péquistes, on a eu une élection en décembre 1985, on avait
un programme, et ce qu'on trouve maintenant dans l'accord du lac Meech, on
trouve cela dans notre programme sur lequel nous avons été
élus en 1985.
J'ai lu un article qui m'a impressionné. Je pense que cela vient
de La Voix de l'Est, sous la signature de Claude Bruneau. Je cite:
"C'est le temps, en effet, pour le Canada et le Québec de passer
à autre chose. Il y a un temps pour déchirer, messieurs et
mesdames les péquistes et un temps pour coudre, messieurs et mesdames
les libéraux. Un temps pour aimer, messieurs et mesdames les
libéraux, et un temps pour haïr, messieurs et mesdames les
péquistes, un temps pour la guerre, messieurs et mesdames les
péquistes, et un temps pour la paix, messieurs et mesdames les
libéraux, comme s'exprime le sage de l'Ecclésiaste. Après
25 ans de luttes constitutionnelles, il est temps que les politiciens donnent
place à d'autres priorités. La population, elle, l'a
déjà fait."
On n'a pas beaucoup de temps pour intervenir; je vais dire quelque chose
en anglais. Because in my riding there is an subtantial part of
English-speaking Canadians and sometimes, you hear it is said that in the
National Assembly, although we have the right to speak English, we do not do so
often enough. I am not replacing Reed Scowen who is gone, but I just want to
make a few remarks and cite from clippings in newspapers: The Globe and
Mail: "Accord welcomes back Québec, Historic constitutional
agreement signed" and cite from The Globe and Mail, Toronto: "Today, we
welcome Québec back to the Canadian constitutional family". (15 h
50)
This is an article that I found in The Gazette in a speech given
by Eric Kierans who, himself, was a former minister here in the National
Assembly. It is called: Meech Lake Accord is a good curb to centralization. And
I quote Mr. Kierans: There has always been an elitist cast to federal
liberalism, supported by a swollen bureaucracy: the view that only. Ottawa knew
what was best for Canada. Whether the slogans were cooperative federalism or
just society made little difference. Meech Lake is not new. Meech Lake is
simply the closest that we have come to following the original intent and
meaning of the British North America Act. It reflects more accurately what the
original Fathers of Confederation thought that they were agreeing to. They
lived with each other, quarreled and wrangled, in debates, assemblies and
conferences for years. They knew what was possible and what the different
colonies could accept. They never intended the provinces to be as dependent as
they, in fact, became. Above all, they knew a centralized Canada would not
work.
M. le Président, I want to terminate by saying that this Lac
Meech agreement is something that is acceptable, of course to the
French-speaking population of Québec,
also to the English-speaking population of Québec and also to the
rest of Canadians across Canada. I am proud to be a part of the government, M.
le Président, formed by Mr. Bourassa, assisted by "le ministre des
affaires étrangères" who is sitting here right now. I listened to
his speech and I want to thank him for the work that he has done, for having
made all those visits, including to Premier Vander Zalm, of British Columbia
-he is of Dutch descent too. He has managed to convince the Premiers of all the
other provinces that what Quebec wants, what Quebec has asked is to enter into
the Canadian Confederation once and for all on terms acceptable to
everybody.
I am proud to belong to this party. I am proud to belong to the Liberal
Party of Quebec which forms the government. I am an optimist and I think that
we will only see better things from here on. Thank you very much.
Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Comme certainement un
bon nombre de mes concitoyens d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai toujours
manifesté beaucoup de curiosité et d'intérêt pour un
député qui a siégé comme représentant
d'Hochelaga à l'Assemblée législative, qui est bien connu
dans notre histoire et qui s'appelle Antoine-Aimé Dorion. J'ai eu
l'occasion de faire un certain nombre de recherches pour mieux connaître
celui qui a représenté une partie du quartier que je
représente maintenant. L'idée m'est venue, il y a quelques
semaines, de solliciter des services de la bibliothèque de
l'Assemblée nationale un compte rendu des débats parlementaires
qui ont entouré, en 1867, l'adhésion à la
confédération. J'invite, d'ailleurs, les collègues de
cette Assemblée à faire cet exercice qui est très
instructif pour y constater, d'abord, M. le Président, que rien n'a
vraiment changé sauf, il faut bien le dire, la position du Parti
libéral.
Antoine-Aimé Dorion, député libéral
d'Hochelaga à l'époque, chef de l'Opposition, réclamait au
nom de son parti avec insistance, en le répétant inlassablement,
en déposant des motions devant cette Chambre, que le peuple soit
consulté et sonnait l'alarme face à une constitution qui fut
imposée et qui allait nous donner un gouvernement de plus en plus
centralisé. Antoine-Aimé Dorion disait ceci: "Vu le changement
complet. - nous sommes en 1867 - de la constitution de cette province, qu'un
appel constitutionnel soit fait au peuple avant que ces résolutions ne
soient soumises à la considération du Parlement impérial
et qu'il en soit définitivement disposé." Comme vous le savez, M.
le Président, le gouvernement impérial disposera de ce projet de
confédération et le gouvernement ne devait jamais permettre au
peuple, lui, de se prononcer. Il faut constater que l'histoire se
répète encore, à l'exception que les libéraux ont,
eux, renié leur passé.
M. le Président, je pense bien qu'une des questions que toute
personne de bon sens, à la veille de l'ouverture de l'été
qui aura lieu demain, se pose, c'est: Pourquoi cette précipitation ou
cette préméditation à agir? Dans un cas comme dans
l'autre, que ce soit de la précipitation ou de la
préméditation, il faut constater que le résultat est le
même et le résultat, M. le Président, c'est un effet de
surprise malsain. Cet effet de surprise malsain, ce n'est pas seulement pour
l'Opposition, mais aussi pour la population. Je me suis demandé
sincèrement, M. le Président: Pourquoi le gouvernement
risque-t-il de discréditer, en la bousculant, une entente à
laquelle il croit et pourquoi a-t-il décidé de renoncer à
faire partager l'honneur et l'enthousiasme qu'il dit ressentir par toute la
population, y compris par la jeunesse et par le secteur étudiant du
Québec, en faisant ce débat l'automne prochain? Pourquoi renoncer
maintenant à faire partager cet enthousiasme en adoptant cette
résolution en queue de poisson à la fin d'une session?
M. le Président, cette hâte est suspecte et elle ne l'est
pas qu'à mes yeux. Elle l'est aux yeux de beaucoup de nos concitoyennes
et de nos concitoyens qui se sont demandé, hier matin, ce qui avait bien
pu se passer pour justifier cette précipitation. Il faut, quand
même, qu'il y ait une explication. Je dois dire que c'est d'autant plus
suspect que le gouvernement prétend avoir enregistré une
victoire. Alors, pourquoi renoncer à la célébrer dans
l'honneur et de meilleures conditions au moment opportun? Comme si,
après avoir commencé les négociations en lion, le
gouvernement acceptait de les finir en mouton.
Les journaux ont rapporté, à la suite de la nuit d'Ottawa,
que le chef du gouvernement avait déclaré, à sa sortie,
être satisfait de cette entente et considérer que le Québec
allait la signer dans l'honneur et l'émotion. Maintenant que la brume de
cette nuit blanche est dissipée, on se rend, d'abord, compte que
l'honneur, ce sera à voir dans trois ans, dépendamment des
résultats que l'on ne connaît pas. Quant à
l'émotion, le moins qu'on puisse dire, c'est que pour tout de suite elle
fait assez cruellement défaut. Je dois vous dire que l'impression qu'on
en a, c'est que l'émotion s'est transformée en crainte et en
peur.
Dans ce procédé, pour moi, deux peurs dominent: la
première peur, celle d'une mobilisation du Canada anglais pour obtenir
des modifications à l'entente. Première peur
du gouvernement, peur qui tenaille le chef du gouvernement atteint du
syndrome du non. La peur de dire non pour une troisième fois.
Après Victoria en 1976, après le référendum en
1980, la peur de dire non encore une fois après des modifications qui
lui seront réclamées par ses partenaires à la suite de
leurs consultations. M. le Président, les députés
ministériels qui sont intervenus depuis le début de ce
débat ne se sont pas rendu compte qu'ils paient un tribut à leur
chef atteint du syndrome du non.
La peur aussi, de l'autre côté, des modifications toujours,
mais celles-là réclamées de plus en plus fortement par ses
propres compatriotes du Québec. La peur d'une paix sociale
troublée et la nécessité de faire vite pour essayer de
mettre le Québec devant le fait accompli et obtenir une sorte de
résignation tranquille. (16 heures)
M. le Président, la peur est mauvaise conseillère. Le chef
du gouvernement me donne l'impression d'avoir peur de rester sur le carreau
comme une vieille fiancée qui regrette d'avoir trop souvent dit non et
qui est prête à dire oui à n'importe qui, même pour
un moins bon parti. Ce qu'il faut constater, c'est que le prétendant se
fait tirer l'oreille et que la fiancée commence à avoir la
crainte d'être abandonnée et elle voudrait, d'une certaine
façon, devancer la cérémonie. C'est l'explication de cette
motion et de ce débat, à ce moment-ci: un chef de gouvernement
atteint du syndrome du non, qui craint d'être en situation de le
répéter une autre fois au nom du Québec.
Je dois vous dire que la corbeille de mariage est pas mal vide pour
devancer la cérémonie. Et, à part ce que je
considère comme une dot assez maigre de société distincte,
qui réussit, de peine et de misère, à nous protéger
contre la volonté de toutes les autres d'être traitées de
la même façon, je dois constater qu'on tente de travestir le statu
quo actuel en victoire. Au mieux, ce dont il s'agit au lac Meech, c'est de
statu quo juridique et, au pire, c'est d'une sorte de glissement lent, mais
continu et inexorable vers un gouvernement central de plus en plus
centralisé et, vers un gouvernement de Québec de plus en plus
local, avec l'interprétation lente, mais inexorable des tribunaux.
C'est, quand même, surprenant qu'on puisse considérer que
c'est une victoire de ne pas perdre, qu'on gagne à ne pas reculer,
surtout qu'il s'agit d'un statu quo juridique. Vous savez qu'en politique le
statu quo n'existe pas. C'est essentiellement un rapport de forces, tout le
monde le sait, on avance ou on recule. Il faut reconnaître que,
présentement, on nous demande d'applaudir un statu quo juridique en
matière d'immigration; mais déjà le Québec avait
par entente un pouvoir de sélection et d'accueil qui, maintenant, vient
de lui être constitutionnalisé. Il faudrait adopter l'attitude,
selon le gouvernement, de remercier pour tout ce qu'ils ont réussi
à ne pas nous faire perdre, en d'autres mots, pour tout ce que les
autres ont été assez bons de nous laisser et qu'ils auraient pu,
malgré tout, essayer de nous enlever. En définitive -c'est ce que
répète inlassablement le chef du gouvernement - le principe
directeur dans ces négociations, c'est qu'il ne faut surtout pas
demander ce qu'ils ne veulent pas nous donner, de peur d'avoir l'air
d'être d'éternels perdants. Il faut s'en tenir à ce qu'ils
sont prêts à nous consentir pour nous donner les apparences
d'être gagnants. C'est cela, la victoire du lac Meech.
Il faut, quand même, se rendre compte qu'on avait un premier
ministre du Québec, sincèrement, je pense,
fédéraliste convaincu, neuf premiers ministres provinciaux qui se
considéraient comme repentants ou qui devaient, tout au moins, donner
l'apparence de l'être, plus un premier ministre canadien ouvertement
affiché comme réconciliant et qui, de toute façon, avait
intérêt à l'être; alors, ces conditions
exceptionnelles réunies, précédées, comme l'a
signalé le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, par des pèlerinages discrets, mais
non moins nombreux, sérieux et efficaces dans les capitales des autres
provinces, l'ensemble de ces facteurs réunis donne le statu quo, comme
si le Québec était allé au bout de ce qu'il pouvait
obtenir quand, dans les circonstances actuelles, il a tant à
revendiquer.
Le lac Meech restera, je pense, la démonstration de l'impossible
renouvellement du fédéralisme. Les conditions que je viens de
décrire ne se répéteront sans doute pas et je ne pense pas
qu'il faille, pour autant, conclure que les négociateurs
n'étaient pas bons. Moi, M. le Président, je dois vous dire que
je commence à considérer, qu'au Québec, le fait de
continuellement discréditer ceux qui vont négocier, comme si
c'était leur faute de perdre plutôt que la faute de ceux qui
refusent, personnellement, ce n'est pas une attitude que j'ai l'intention
d'adopter. Je pense que discréditer, que déprécier les
négociations, quelles qu'elles soient, que le Québec mène,
cela n'a pas nécessairement comme effet de nous permettre d'en obtenir
plus. Je dois constater, avec sincérité, que les conditions vont
faire en sorte que quels que soient les négociateurs, aussi excellents
puissent-ils être, ils seront toujours perdants. Comment imaginer gagner
quand, dans la réalité de ce système de
négociations, vous partez avec un numéro perdant?
M. le Président, je crois que le Québec va obtenir des
pouvoirs additionnels. Dans ce sens, je vous prie de croire que, bien
qu'indépendantiste, je suis toujours prête à applaudir
à toute action, quelle qu'elle soit,
qui a comme effet d'ajouter aux pouvoirs du Québec, de lui
permettre d'obtenir des instruments qui conviennent à ses
responsabilités et qui conviennent aussi au défi qu'il a à
remporter. Je dois vous dire que je pense sincèrement que le
Québec ne va obtenir que s'il est prêt à prendre,
même si cela lui est refusé. En dehors de ce contexte, le
Québec joue perdant. La présentation de cette motion me laisse
croire que même le gouvernement est en train de se faire servir cette
médecine qui va certainement jouer en sa défaveur.
Alors, M. le Président, je pense que des problèmes
réels, en termes de vision, existent. Je ne sais si j'ai encore
l'occasion d'en donner quelques exemples. Ce sont là des façons
tellement différentes. Je vais en citer deux en particulier. La
première concerne la façon, pour les groupes de femmes au Canada
anglais et au Québec, d'examiner toute cette question de partage des
pouvoirs et d'attribution de responsabilités à l'égard de
l'avancement du dossier des femmes. Cela a été assez
intéressant et éloquent, d'une certaine façon, que les
positions du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme soient
rendues publiques le jour même où la Fédération des
femmes du Québec rendait, elle aussi, ses positions publiques. Une
lecture très rapide nous permet de constater une démonstration
très simple. Ce sont là deux visions diamétralement
opposées qui, inexorablement, entrent en collision.
Je vais simplement vous citer la position du Conseil consultatif
canadien sur la situation de la femme qui, légitimement, dans sa vision
du progrès de l'égalité des femmes au Canada,
réclame du premier ministre canadien et je cite: "Nous nous
réjouissons que vous ayez assurés à la Chambre des
communes que l'accord ne limitera en rien le pouvoir de dépenser du
fédéral, en droit et dans la pratique, et que le gouvernement
verra à établir des normes applicables à tout programme
provincial subventionné par l'État canadien. Le leadership
fédéral, en ce domaine, ne pourra se manifester efficacement que
si le gouvernement fédéral conserve, et cela sans
équivoque, le pouvoir de mettre sur pied des programmes sociaux
répondant à de solides objectifs nationaux et à des normes
rigoureusement uniformes et si les compensations pour les provinces qui se
dissocient sont accordées, à la condition qu'un programme
provincial analogue et réellement équivalent soit en vigueur. (16
h 10)
C'est assez clair, M. le Président. C'est une position qui
consiste à dire aux provinces: Harmonisez vos programmes avec les
politiques définies par un gouvernement central. Les gouvernements des
provinces deviennent des gouvernements locaux chargés d'administrer,
avec quelques modifications, mais à peine, puisqu'il s'agit de
programmes analogues et réellement équivalents, des grandes
politiques nationales.
C'est la vision légitime du Conseil consultatif canadien, mais je
n'ai pas besoin de vous le dire, diamétralement opposée, M. le
Président, à celle de la Fédération des femmes du
Québec qui, le même jour, faisant connaître sa position
disait: II nous est plus facile de plaider à Québec pour des
programmes sociaux adaptés aux besoins des femmes que ce ne l'est
à Ottawa. S'il est vrai, ajoute la Fédération des femmes
du Québec, que le mouvement féministe canadien met d'abord sa
confiance dans le gouvernement fédéral pour améliorer le
sort des femmes, le mouvement féministe québécois compte,
pour sa part, bien davantage sur Québec pour assurer une plus grande
égalité entre hommes et femmes.
Comment cela se traduit-il dans la réalité? Il est
évident, M. le Président, que tout cela n'est pas qu'un
débat d'historiens, de constitutionnalistes ou de savants juristes. Dans
la réalité, cela se traduit par le fait que le Québec est
actuellement, au moment où on se parle, malgré l'entente du lac
Meech, malgré cette signature quasi inévitable, cette motion,
plutôt, qui sera ratifiée inévitablement avec la
majorité que détient le gouvernement dans cette Chambre... Mais
cela se traduit comment aujourd'hui même? Par le fait que le
Québec n'obtient pas sa juste part pour le financement des services de
garde, parce que, contrairement au gouvernement fédéral, le
Québec a opté pour financer également un service de garde
en milieu scolaire que le gouvernement fédéral ne
considère pas comme prioritaire.
Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président? Parlons-nous
franchement. Cela veut dire qu'une société comme la nôtre,
qui a quelques défis - n'est-ce pas? - à relever en
Amérique du Nord: celui d'être dynamique, d'être une
société française et une société gagnante...
Ce défi suppose évidemment que l'on se relève aussi sur le
plan démographique et, en conséquence, que l'on se donne des
politiques sociales et des politiques familiales conséquentes avec les
responsabilités particulières que l'on a.
M. le Président, qu'est-ce que cette motion, cette ratification
va apporter de plus au Québec en cette matière? Rien. Je pense
que ce qui est le plus grave dans cette entente du statu quo, c'est ce qui
n'est pas dedans. L'insuffisance qui est quasiment considérée
comme un plafond au Canada anglais, déjà mobilisé pour le
modifier, cette insuffisance va peser lourdement, plus le temps va passer, sur
la capacité du Québec de faire face, comme peuple, au défi
de son propre avenir. C'est un , exemple, mais j'aimerais bien avoir l'occasion
d'en apporter
plusieurs autres. Je pense, entre autres, à mes concitoyens de
Hochelaga-Maisonneuve qui, souvent nombreux, sont venus me voir pour se
plaindre en me disant: Comment se fait-il qu'à mon fils ou ma fille,
à qui on offre des programmes d'employabilité, à qui on
offre à 18, 19 ou 20 ans, d'être actifs dans notre
société, la première condition qu'on leur fixe, c'est de
s'inscrire au bien-être social? C'est d'obtenir leur bien-être,
condition essentielle pour pouvoir, par la suite, faire quelque chose dans la
vie: un retour aux études, des travaux communautaires, un stage dans une
entreprise. Comment se fait-il que le premier geste qu'on propose à un
jeune qui est sans emploi et qui a 18, 19 ou 20 ans, c'est d'obtenir son
numéro de B5, avant de lui proposer de faire quelque chose?
M. le Président, je dois constater que cela fait partie des
conditions édictées au Québec en regard du régime
d'assistance publique du Canada qui ne finance sa quote-part de ses programmes
que dans la mesure où il respecte ses propres critères et que les
critères exigés ont été que ces programmes soient
financés à l'intérieur du régime d'assistance
publique et, donc, à l'intérieur des sommes versées en
péréquation, notamment pour l'aide sociale.
M. le Président, les exemples pourraient se multiplier. Je pense
terminer en invoquant un problème d'identité. Je pense qu'avant
même d'examiner la question de notre société il faut
d'abord aussi examiner cette question de notre propre identité. Nous
devenons, nous, les Québécoises et les Québécois,
dans cette entente, des Canadiens d'expression française.
Je me rappelle le débat de 1981 qui a eu lieu ici dans cette
Chambre sur le rapatriement de la constitution. Je me rappelle que les
représentants acadiens venus assister aux débats dans les
galeries m'avaient dit, après trois jours de débats, que ce
qu'ils comprenaient difficilement des Québécois, c'est que,
contrairement à eux, les Acadiens, qui n'avaient jamais eu de
problème d'identité, ayant toujours su qu'ils étaient
Acadiens, même quand c'étaient les "Canayens" qui habitaient
à 99 % le territoire du Canada, ils m'avaient dit: Nous constatons,
nous, les Acadiens, ne pas avoir de problème d'identité, mais
avoir un problème de territoire. Vous, les Québécois, vous
n'avez pas de problème de territoire, mais, quelque part, il y a un
problème d'identité que vous n'avez pas réglé en
constatant que, dans cette Chambre, les uns après les autres, nous
pouvons nous lever aussi légitimement en nous présentant comme
Canadiens, comme Canadiens français ou comme
Québécois.
M. le Président, pour nos concitoyens, que signifie
l'identité québécoise profondément? Cela ne peut
pas recouvrir que ceux d'entre nous qui sont d'origine
canadienne-française. Les Québécois forment un peuple
d'origines diverses, puisqu'il y a 100 façons d'être
Québécois, qu'on peut l'être à la façon
haïtienne, ou chilienne, ou vietnamienne, ou portugaise, ou indienne, ou
anglaise, et c'est là une identité qui permet à beaucoup
de gens de s'y référer. Il n'y a qu'une seule façon
d'être Canadien français. On l'est de par ses origines, parce que
ce n'est pas là une identité, c'est là l'appartenance
à une minorité.
M. le Président, l'avenir du Québec passe par un choix
d'identité. Je conclus en vous disant que, profondément, je pense
que les peuples sans État, ce qui est le cas du peuple
québécois, sont comme des brebis entourées de loups et que
les États entre eux ont certainement les pouvoirs de les mettre au
défi de survivre. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de La Peltrie.
M. Lawrence Cannon
M. Cannon: Merci, M. le Président. C'est avec une grande
émotion que je prends la parole en cette Chambre et que je viens
apporter mon témoignage d'appui à cette entente intervenue entre
les premiers ministres du pays lors de la rencontre historique du 3 juin
dernier.
Vous me permettrez de parler beaucoup plus d'abondance du coeur que
d'analyser rigoureusement l'accord qui fait les délices des experts
constitutionnalistes et, il faut l'avouer, de l'Opposition, qui refuse de voir
dans cette entente la vision d'un pays généreux, accueillant et
qui offre à tous ses citoyens un climat d'opportunités et de
sérénité. Bien modestement, je m'associe à cette
génération de Québécois et de
Québécoises qui ont façonné,
particulièrement depuis les 25 dernières années, cette
nation francophone où l'entrepreneurship et la confiance en nos moyens
cohabitent avec un réel souci de sauvegarder nos valeurs culturelles
inédites et notre héritage multiethnique. (16 h 20)
J'ai en effet vécu, je l'avoue, avec un certain ravissement
l'époque galvanisante où le premier ministre d'alors M. Jean
Lesage a donné à nos jeunes Québécois et
Québécoises d'alors les leviers nous autorisant au plus grand
espoir quant à notre formation et nos ambitions professionnelles. J'ai
vécu aussi malheureusement cette époque de déchirement de
l'époque référendaire au cours de laquelle l'actuel parti
d'Opposition a littéralement manipulé les âmes et les
coeurs des citoyens pour tenter de les conduire dans un projet de
société égoïste, myope et illusoire.
Mon engagement dans le défi politique, il y a trois ans,
provenait de ce goût de venir au coeur de l'action terminer la mission
que s'est traditionnellement fixée le Parti libéral du
Québec, soit celle d'assurer à nos concitoyens la
prospérité, l'équité dans une société
ouverte et consciente de son immense potentiel. Ma fierté d'aujourd'hui,
M. le Président, d'être membre du gouvernement de M. Robert
Bourassa est telle que c'est avec enthousiasme, sérénité
et espoir que je célébrerai dans quelques jours notre fête
nationale, qui cette année aura une grande connotation de liberté
et de fraternité. L'histoire, j'en suis persuadé, jugera l'actuel
gouvernement, l'actuel premier ministre et par extension notre formation
politique comme celui et celle qui auront pu donner au Québec sa
véritable dimension de société distincte et d'un pays
régi par une constitution moderne et adaptée.
La persévérance du premier ministre du Québec, la
compétence du ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes auront permis, j'en suis profondément
convaincu, d'éliminer ce sentiment d'oppression et de devoir public mal
accompli qui était nôtre depuis une certaine nuit de 1982.
L'impression qui est mienne aujourd'hui, en prenant la parole devant cette
Assemblée, est d'émerger d'une longue nuit où se sont
agités les fantômes constitutionnels. On se souviendra que
l'expremier ministre du Canada, M. Pierre-Elliott Trudeau parlait jadis du
dossier constitutionnel comme d'un panier de crabes. Plus près de nous,
un auteur bien connu de l'Opposition, M. Pierre Vallières, en parlant de
M. Trudeau et de René Lévesque, les traitait de scorpions
associés à ce sujet.
C'est sans doute cette nostalgie du temps passé, cette
étouffante association que cherche aujourd'hui
désespérément à perpétuer l'actuelle
Opposition dans sa dialectique archaïque. Encore ici, M. le
Président, l'histoire jugera sévèrement ces
supposés leaders qui ont littéralement étouffé la
conclusion du dossier constitutionnel et ce, pendant de trop nombreuses
années. Je constate d'ailleurs avec regret qu'un des axes
privilégiés du chef de l'Opposition est de tenter de semer le
doute quant au mandat de l'actuel gouvernement, reçu en décembre
1985, quant au règlement du dossier constitutionnel. Puis-je lui
rappeler qu'un remarquable texte émanant du Parti libéral en
février 1985, et intitulé Maîtriser l'avenir
déterminait avec précision les conditions d'un arrangement
constitutionnel qui autorisaient l'adhésion du Québec dans
l'honneur et la dignité.
Je suis persuadé qu'une lecture sérieuse de ce document
constituerait une source d'inspiration permettant au chef de l'Opposition
d'éliminer l'impressionnante ambiguïté du paradoxe
d'affirmation nationale et d'État souverain que son leadership
chancelant n'aura pas pu éliminer encore tout récemment. Il est
bien évident, M. le Président, que la constitution ne constituera
jamais un "best seller", pas plus que nous verrons des files de citoyens se
précipiter au comptoir pour se procurer le texte de l'accord du 3 juin
dernier. J'irai même jusqu'à dire que je partage l'opinion de ceux
et de celles qui n'ont pas constaté de changement majeur dans le mode de
vie après le 3 juin dernier.
Comme l'affirme la réclame télévisée,
"Ça change pas le monde, sauf que...". Ce "sauf que", je le puiserai
dans mon expérience d'adjoint parlementaire au ministre du
Développement technologique et du Commerce extérieur pour
témoigner que cette clarification du rôle du Québec au sein
de la fédération canadienne est de nature à lui procurer
des avantages stratégiques à court et à moyen terme,
puisque nos efforts au plan économique pourront dorénavant
s'appuyer sur des textes précis.
Ces textes précis viennent authentifier et confirmer l'existence
d'un pays uni avec ses particularismes distinctifs, riches et attrayants. Il
suffit d'avoir accompli quelques missions auprès de nos partenaires
commerciaux actuels ou potentiels pour constater que l'ambiguïté de
notre situation constitutionnelle soulevait certaines interrogations chez nos
interlocuteurs. Ces interrogations, je le concède, n'ont jamais
été vitales, mais elles manifestaient, néanmoins, un
certain agacement qui a pu, en quelque circonstance, être
interprété comme un manque de maturité de la part de nos
dirigeants politiques.
Le monde des affaires québécois doit également
inspirer le ton de nos délibérations. Il est probablement utile
de nous poser sincèrement la question suivante: Dans quel état
lamentable serait aujourd'hui l'économie québécoise si nos
gens d'affaires avaient autant tergiversé, tout au long des
années, que, nous, élus de la population, l'avons malheureusement
fait? Nos collègues d'en face peuvent en témoigner avec une
éloquence exemplaire, puisque pendant de trop nombreux mois, ils ont
donné le triste spectacle d'une souveraineté-association avec ou
sans trait d'union, d'un lamentable "Renérendum" et, plus
récemment, d'un Québec souverain dans l'affirmation nationale ou,
serait-ce, plutôt, l'affirmation nationale pour un Québec
souverain? Devant un comportement qui frôlait le ridicule, en de
multiples circonstances, la saine réaction de la communauté
d'affaires québécoise a été d'isoler
carrément dans leur verbiage ces gens politiques coupés de la
vraie réalité, de la productivité, de la
compétition dans l'arène internationale.
L'occasion nous est donnée, pendant ces
heures qui permettront enfin la conclusion de l'épopée
constitutionnelle, de procéder, chacun de nous, à une
réflexion sincère, à savoir si cette Assemblée du
peuple a toujours su avec discernement et générosité
placer les intérêts supérieurs de la nation
québécoise au-dessus des égoïsmes partisans et de la
myopie collective.
Dans quelques heures, nous tous, membres de cette Assemblée
nationale, aurons l'occasion de nous tenir fièrement debout et
d'affirmer par notre vote le respect que nous nourrissons à
l'égard de nos concitoyens et concitoyennes. Un vote pour la
résolution formulée le 3 juin dernier voudra dire:
Québécois et Québécoises, oui, vos élus ont
travaillé avec sérieux, célérité et
compétence. Aujourd'hui, ils vous offrent avec satisfaction un pays
juridiquement complet et une constitution qui protégera pendant des
générations votre identité distinctive, votre langue,
votre culture et qui, plus est, facilitera la gestion de la chose publique
grâce à des mécanismes d'accommodement s'appliquant selon
les voeux des communautés régionales. Le véritable enjeu
du vote que nous aurons à prendre dans quelques heures sera de
sécuriser l'ensemble de notre jeunesse, la garde montante, en lui
disant: Voilà, nous avons bien travaillé, nous vous cédons
un pays qui est né dans la sollicitude, que nous avons réussi
à bonifier et qui vous offrira, dans l'avenir, toutes les
possibilités de vous épanouir, de vous réaliser pleinement
dans l'harmonie, la compréhension, l'acceptation des différences.
Voilà la véritable signification de notre vote. (16 h 30)
II est des moments privilégiés dans l'évolution
d'un peuple et le débat que nous vivons pendant ces heures me semble
procéder de ces rendez-vous assez uniques, non seulement pour notre
société mais particulièrement pour nous, parlementaires.
En jetant ces quelques idées sur papier, j'ai tenté, à
l'instar de nombre de nos concitoyens, de situer dans une perspective
élargie ce petit rôle que, personnellement, j'aurais pu jouer dans
l'évolution de ce pays qui est le nôtre. Comment un Canadien de
vieille souche irlandaise aurait-il pu transmettre à ses descendants ce
qu'il a reçu en héritage culturel et qu'il aura réussi
à bonifier? La réponse m'est vite apparue évidente, et
c'est un pays en ordre constitutionnellement qui peut, sans aucun doute,
constituer l'héritage le plus précieux et probablement, M. le
Président, le plus palpable à l'usage.
Toute oeuvre conçue et réalisée par le génie
humain présente inévitablement certains points plus faibles ou
certaines zones imprécises. Le projet d'accord constitutionnel
signé le 3 juin n'échappe probablement pas à cette
règle immuable, et l'Opposition s'est chargée, avec un
acharnement qui frisait parfois la rage, de les gonfler d'une manière
exagérée. On a même entendu des enflures verbales telles
que "le monstre du lac Meech", "vendre à rabais la maison" et autres
exagérations de ce genre. C'était, à mon sens - et cela le
demeure -une injustice à l'intelligence de nos concitoyens et nos
concitoyennes et de la politicaillerie de bas étage qui sont loin de
générer une attitude de respect pour l'institution dans laquelle
nous oeuvrons. Qu'il me soit permis, M. le Président, d'espérer
que la décantation de l'histoire effacera ces propos malheureux et
inopportuns. Nous nous retrouverons véritablement dans un temps nouveau
où l'acrimonie et la morosité n'auront plus leur raison
d'être.
Cette intervention, M. le Président, en terminant, vous l'aurez
constaté, ne vient pas placer les points sur les "i" ni les barres sur
les "t". Elle se voulait d'abord et avant tout un témoignage authentique
d'un Québécois tout aussi authentique qui a la nette impression
de vivre un moment exceptionnel et qui est en train de travailler à
façonner l'histoire. La majorité de nos ancêtres
étaient des marins à la découverte d'un nouveau monde, M.
le Président. Ils sont arrivés à bon port et les
générations qui nous succéderont partiront à
nouveau à la conquête de l'univers. Leur mère patrie
demeurera toutefois le Canada et le Québec et elles se rappelleront
qu'en 1987, dans l'honneur et dans la dignité, un pays réel a vu
le jour.
Dans cinq jours, lorsque nous célébrerons la fête
nationale, il m'apparaît clairement que nous aurons une motivation
renouvelée pour afficher notre fierté et notre appartenance.
J'irai même jusqu'à prédire que "Gens du pays"
reflétera une réalité nouvelle, une
réalité de conciliation et non plus d'affrontement comme nous
l'avions malheureusement vécu ad nauseam pendant plusieurs
années. À la fierté d'appartenir à un gouvernement
qui aura su, avec maturité, sortir le Québec d'un cul-de-sac
constitutionnel, permettez-moi, M. le Président, de rendre hommage aux
Québécois et aux Québécoises qui ont su, tout au
long de ces négociations, faire confiance à notre premier
ministre ainsi qu'à toute son équipe. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, mes premiers mots seront
d'abord pour vous dire que ce n'est pas avec beaucoup d'émotion que je
vais intervenir en cette Chambre sur le débat qu'on a à faire
concernant
l'éventuel accord du lac Meech. C'est plutôt avec
déception, dépit, une certaine rage au coeur et même
beaucoup d'amertume. Je veux cependant prendre quelques minutes pour expliquer
mes sentiments à ce moment-ci.
C'est beaucoup plus d'abord parce que le moment pour discuter d'une
question fondamentale - il est exact, je le reconnais, que la question est
fondamentale, elle est importante - est mal choisi, inopportun,
inapproprié. Il faut vraiment avoir affaire à un gouvernement qui
n'a aucun sens de la démocratie, qui est complètement
irresponsable devant l'électorat québécois, pour avoir le
culot d'amener à ce moment-ci une motion de cette importance, selon les
perroquets qui se répètent de l'autre côté en disant
que c'est majeur, c'est important et que ce serait donc important pour le
Québec de se canadianiser. Évidemment, ça, ce n'est pas
notre point de vue, mais au moins ce sont des points de vue qui se respectent.
Si, à tout le moins, on avait affaire à un premier ministre qui a
un peu le respect du Parlement et de la démocratie, il y a une chose qui
est sûre, M. le Président, on aurait respecté le
parlementarisme, on aurait respecté les parlementaires et on aurait
attendu à l'automne pour prendre le temps de regarder ça, prendre
le temps de discuter ça. Cela aurait été beaucoup plus
respectueux du parlementarisme et des fins de session. Nous sommes dans une fin
de session vide de contenu, vide de projets de loi où, depuis des
semaines, les parlementaires s'ennuient, bayent aux corneilles.
L'entente est ratifiée depuis le 3 juin. Le premier ministre ne
veut rien savoir d'amener ça en Chambre pour s'acquitter de sa
responsabilité avant les deux derniers jours de la session où,
manifestement, tout le monde parlait d'un seul sujet il y a quelques jours:
Oui, on va être en mesure de fermer la session jeudi soir ou vendredi. Je
peux même vous dire, M. le Président, que probablement que je ne
parlerais même pas et que personne d'entre nous ne parlerait à ce
moment-ci si on avait respecté le rythme de la session, si on avait
respecté ce qui était prévu. Pourquoi a-t-il attendu les
derniers jours de la session si c'est si majeur, si important, si essentiel de
se couler et si ces gens-là pensent qu'ils n'ont pas peur des
réactions du bassin québécois?
Donc, il est évident que c'est inopportun, inapproprié et
ce n'est pas seulement celui qui vous parle qui pense ça. Qu'est-ce que
la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit à son article 39? "La
proclamation visée au paragraphe 38 (1) ne peut être prise que
dans les trois ans suivant l'adoption de la résolution à
l'origine de la procédure de modification..." Le paragraphe 38 est celui
qui prévoit la mécanique parallèle d'adoption d'un
amendement constitutionnel par des résolutions du Sénat, de la
Chambre des communes et des Assemblées législatives des
provinces. On a donc prévu un délai de trois ans. Le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'il n'y a pas le feu dans la baraque, il n'y a pas le feu
dans la cabane. Et, si on avait un peu le sens des responsabilités, du
parlementarisme, de la démocratie, ce n'est pas vrai que nous serions en
train de débattre d'une telle résolution.
Pourquoi le Québec irait-il s'étirer le cou alors que
seulement deux provinces sur les neuf autres qui restent ont daigné
déposer leur résolution et qu'aucune de celles qui ont
été déposées n'est présentement à
l'étude? Pourquoi même, à la limite, aller partir le
chronomètre des trois ans en adoptant une résolution sans bien
mesurer les avantages ou les inconvénients pour le Québec? Cette
précipitation soudaine est complètement contradictoire - mais ce
n'est pas la première fois - avec les propos du premier ministre au
lendemain du 3 juin qui, alors, était très prudent et n'avait pas
du tout l'air d'être pressé. Mais ce n'est pas la première
fois qu'on se fait... - je n'ai pas le droit d'employer l'expression - mais
qu'à tout le moins on trompe cette Chambre, on trompe les
parlementaires.
La vice-première ministre, dans son discours d'ouverture - on est
toujours sur ce même discours d'ouverture - mentionnait: Nous, on va
être un gouvernement d'ouverture, on va être un gouvernement
attentif, respectueux de la démocratie. Ils l'ont bafouée
littéralement et on en a encore une preuve aujourd'hui. Alors que le
premier ministre disait, le 4 juin: Pas question de bousculer les
parlementaires avec cette résolution. Pas question de bousculer les
Québécois et les Québécoises avec cette
résolution, il arrive tout le contraire de ce qui a été
mentionné. Il y a à peine deux ou trois jours, il n'était
même pas question de débattre ce que nous débattons. Est-ce
parce qu'on a reçu un avertissement, un avis préalable?
Pensez-vous que si c'est si majeur, si important... Le minimum de convenance
parlementaire aurait au moins exigé que nous puissions apporter cette
résolution, non pas dans une fin de session, mais à une reprise
de session, calmement, et prendre le temps d'en parler. On a trois ans pour
s'en rendre compte, M. le Président.
Pourquoi un tel empressement à procéder alors que
plusieurs gouvernements, dont le fédéral et celui de l'Ontario,
ont annoncé leur intention de procéder à des
consultations, uniquement au cours des prochains mois, qui pourraient
déboucher sur des amendements majeurs? C'est tellement ridicule que je
m'arrête là sur l'opportun. C'est tellement ridicule que ça
signifie que, possiblement, dans ma circonscription, ainsi que dans celle de
bien de mes collègues, on
verra des autorités du gouvernement fédéral venir
consulter les Québécois sur l'accord du lac Meech, alors qu'il me
semble que cela aurait été bien plus respectueux, comme
parlementaires, que ce soit nous, comme élus. Moi, en Abitibi-Ouest...
Celui qu'on a élu, c'est celui qui vous parle, pour représenter
les intérêts de cette population. (16 h 40)
J'aurais aimé prendre le mois de septembre et le mois d'octobre
pour aller vérifier mes prétentions, à savoir que c'est un
accord qui ne satisfait pas les intérêts des
Québécois et des Québécoises. Je suis assez
honnête pour le dire. J'aurais aimé aller vérifier mes
prétentions, parce que chacun et chacune d'entre nous doivent vivre avec
nos prétentions. J'ai la prétention que cet accord ne sert pas du
tout les intérêts des Québécois et des
Québécoises. Mais cela aurait été beaucoup plus
respectueux de la démocratie de me permettre d'aller vérifier
avec les gens, plutôt que de se faire bousculer dans une fin de session,
pendant deux ou trois jours, sous prétexte qu'on nous donne 35 heures
pour pérorer, alors qu'on assiste à des discours
complètement vides, insignifiants où des gens, avant même
de parler, nous disent "nous sommes optimistes -comme le député
de Sainte-Anne - positifs".
J'ai l'impression qu'ils sont bien plus minimalistes, mais probablement
qu'il ne sait pas ce que cela veut dire. Ils sont bien plus minimalistes. Nous,
ce que nous voulons, c'est le seuil, le moins possible au Québec, un
petit Québec rapetissé, provincial, sans pouvoirs réels,
à vendre - on s'en est rendu compte depuis un an et demi avec ce
gouvernement, un Québec à vendre par la privatisation, tout ce
qui allait bien, on le vend - pour qu'il soit le plus petit possible, qu'il
ressemble le plus possible à une petite province. Une petite province,
cela ne nous intéresse pas, parce que, ce qui s'est passé, le 20
mai 1980, ce n'est pas un mal de ventre. Le 20 mai 1980, quand il y a eu la
question référendaire et qu'on a consulté les
Québécois, si on ne s'était pas fait tromper encore une
fois par des spécialistes de la peur et de la tromperie, genre celui qui
a essayé encore de nous monter un "show", comme l'ancien premier
ministre canadien -mais là, cela n'a pas poigné parce qu'on
commence à le connaître - il y a une grosse chance que les
Québécois auraient compris que la demande qu'on leur faisait
était beaucoup plus respectueuse de ce que nous sommes, sur une base
historique: un peuple distinct, une communauté distincte avec des
particularités linguistiques, culturelles, économiques et
éducatives. On ne ressemble en rien à ce beau Canada "coast to
coast", de Vancouver à aller dans l'Est, dans l'Ontario, dans les
provinces maritimes et au Québec.
Tout ce qu'on discute est artificiel, parce qu'on discute l'entente d'un
pays artificiel, qu'on essaie de maintenir artificiellement, qui boite, qui
fonctionne cahin-caha depuis des années. Je voulais juste, au moins,
vous signaler dans mes premières minutes, avant d'en venir au fond,
qu'il faut vraiment être rendu passablement irrespectueux de la
démocratie et d'un Parlement pour faire accroire que c'est opportun,
à ce moment-ci, de discuter de quelque chose que ces gens-là vont
essayer de nous faire accroire que c'est majeur! Imaginez, M. le
Président, "je parle avec profonde émotion", comme on a entendu,
il y a quelques minutes, le député de La Peltrie nous le dire et
qui nous lisait un texte préparé d'avance; alors c'était
censé être son coeur qui parlait. Ces gens-là vont nous
faire accroire qu'ils parlent avec émotion. Ce n'est pas de cela qu'ils
parlent dans les corridors car ils nous disent "cela n'a pas de bon sens
d'apporter cela à ce moment-ci". Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse?
On se l'est fait imposer tout comme vous. Pas assez...
Une voix: ...
M. Gendron: Écoutez, je l'ai entendu, je l'entends partout
et j'ai le droit de le répéter parce que je pense que... C'est
moi qui ai droit de parole, M. le Président. J'ai entendu cela partout:
"Bien non, cela n'a pas de bon sens", parce que dès que quelqu'un a une
once de jugement, il est obligé d'admettre que cela n'a pas de bon sens
de discuter de cette question à ce moment-ci. Même, je pourrais
citer une multitude d'exemples. Un journaliste, hier ou avant-hier, faisait un
bulletin de nouvelles et il disait la même chose. Il disait ceci: "Le
gouvernement québécois devient le quatrième du pays
à partir le débat sur le lac Meech. Dès demain,
l'Assemblée nationale sera appelée à débattre et
à adopter une motion pour entériner cet accord. Le gouvernement
veut ainsi passer un message clair aux autres gouvernements. Québec est
satisfait de l'entente signée à Ottawa - ce n'est pas vrai, c'est
le Parti libéral - et n'a aucunement l'intention d'accepter -
écoutez bien cela - que leurs partenaires - parce qu'on parlait du
partenariat, Canada d'ouverture, l'hypocrisie en grande quantité
industrielle -les négociations sur la base d'amendements qu'ils
pourraient soumettre." Je répète: "...le Québec n'a
aucunement l'intention d'accepter que leurs partenaires veuillent prendre les
négociations sur la base d'amendements qu'ils pourraient soumettre." Ils
ont peur, effectivement, que le reste du Canada anglais - puisqu'eux,
règle qénérale, parlent avec fair-play, franchise et ils
l'ont fait récemment... C'est drôle tous les anglophones nous
disent que cela ne vaut pas cinq cents. Tous les anglophones disent qu'ils
n'ont
jamais vu cela. Jamais, de mémoire récente, le
Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature
de l'accord constitutionnel. Je comprends que cela presse. Je comprends que le
feu est pris dans la cabane, d'après ces gens-là. Mais est-ce que
c'est respecter la démocratie? Est-ce que c'est respecter
l'évolution des pensées sur une question importante comme
cela?
Au lieu d'entendre pendant 16 heures, 17 heures ou 30 heures mon opinion
et celle de mes collègues et, inversement pour les gens d'en face,
pensez-vous que ce ne serait pas plus intelligent d'aller vérifier,
à nouveau, pourquoi il y a eu autant d'intervenants qui sont venus en
commission parlementaire, des spécialistes sur ces questions, comme on
dit. Ils sont venus nous dire qu'il y avait d'immenses trous qui ne sont
toujours pas comblés et, en particulier, vos experts nous l'ont dit.
Je ne referai pas la commission parlementaire. Quand Léon Dion
vient vous dire -vous l'écoutez quand cela fait votre affaire -ce n'est
pas parce qu'il y aura la référence à la
société distincte... Si vous laissez cette notion entre les mains
d'un juge au plan de l'interprétation, ce n'est pas sécurisant
pour les Québécois et les Québécoises par rapport
à ce que nous sommes. Moi, cela m'intéresserait d'interroger
à nouveau Léon Dion à la suite du supposé accord.
M. Bourassa, premier ministre du Québec dit: Oui, je vais m'occuper de
cela. Faites-moi confiance. Je vais aller renégocier l'accord et quand
je vais revenir cela va être beau et parfait. Il n'y aura plus de
trous.
Il y en a plus qu'avant! Ce n'est pas parce qu'il y a une clause que je
commenterai pendant quelques secondes tantôt... Tous les
spécialistes nous disent qu'elle n'offre pas la sécurité
que nous étions en droit d'attendre. Donc, M. le Président, le
premier point c'est: Est-ce que c'était opportun de commencer le
débat? Non. Le deuxième point: Que cache ce gouvernement? C'est
simple. Sa stratégie est très claire. J'espère que tout le
monde l'a vu, sa stratégie est très claire. Il ne veut pas
laisser le temps passer. Quand on est fier d'une chose et qu'on est convaincu
que ce que l'on a à offrir est valable, est discutable, on ne fonctionne
pas comme vous êtes en train de faire, en imposant un tel fonctionnement:
À la vapeur, rapidement, 35 heures d'affilées en suspendant les
règles.
Imaginez, on suspend les règles de procédure et on
procède comme si la terre arrêtait de tourner et que, demain
matin, il fallait donner notre accord alors qu'on a trois ans pour
régler l'affaire, parce que justement c'est une question importante et
majeure. Ce qui se cache sous cela c'est ceci: Le gouvernement ne veut pas
laisser le temps à la population de s'intéresser à la
question, de bien saisir les enjeux. Il veut faire vite, rapidement, de
façon précipitée, pour faire en sorte que, dans quelques
jours, tout soit réglé, qu'on soit comme on l'a entendu. On va
aller fêter bien plus la confédération, cependant, pour ces
gens que la Saint-Jean-Baptise ou la fête de la Saint-Jean, la fête
nationale du Québec. C'est plus cela qu'on va aller fêter.
Là, dans l'atmosphère de l'été, des vacances
estivales, des fêtes, cela ne risque pas de se soulever. Cela risque de
se calmer parce que, en règle générale au Québec,
juillet, c'est tranquille. Il ne se passe pas grand'chose en ce qui en trait
aux grands débats de société. Au mois d'août, cela
commence à bouger, un peu. Mais la bêtise sera consommée et
ces gens auront l'impression d'avoir fait un grand débat
démocratique. La résolution sera probablement rendue, ailleurs au
Canada, dans les autres provinces. Ces gens commenceront à
pérorer en octobre, en novembre mais après avoir reçu
l'indication du corridor québécois fixé après avoir
baliser le sens dans lequel devait se faire tout ce débat.
Le premier ministre du Québec disait, en 1977 - cela doit faire
50 fois qu'il change d'idée, mais en tout cas! - en répondant
à la question sur la constitution à l'occasion d'une entrevue:
Malheureusement - disait-il, c'est toujours Bourassa 1 qui parlait, mais
Bourassa II devrait avoir au moins, de temps en temps, les mêmes
références - l'intérêt pour les questions
constitutionnelles au sein de la population du Québec n'a jamais
été grand. C'est dû, je crois au caractère technique
des débats, mais il reste que ces choses ont des conséquences
sérieuses et ont des conséquences majeures. J'ai fait mon
élection du 15 novembre sur cela. Voici ce qu'il ajoutait: Cela n'a pas
suscité beaucoup d'intérêt auprès de la
population.
Il n'a pas répété l'erreur en décembre,
même si, encore là, on a entendu plusieurs perroquets dire: Nous,
on sait où est-ce qu'on s'en va! On a le mandat de faire cela. C'est
faux, c'est mensonger auprès de la population et c'est de continuer
à la tromper, parce que ce n'est pas vrai que, lors de la
dernière élection, la question constitutionnelle était au
coeur de l'élection. C'est tellement vrai qu'elle n'était pas au
coeur de l'élection que, M. Bourassa lui-même disait, à la
suite de l'élection du 15 novembre sur cela: Cela ne crée pas
d'intérêt dans la population. Donc, on ne peut pas faire de
débat avec cela dans la population puisque cela ne l'intéresse
pas comme je le souhaite. II ajoutait en parlant de la constitution: Pourtant
c'est le problème qui mène à tous les autres. "La
constitution représente notre façon de vivre - c'est M. Bourassa
qui parle, je suis en train de le citer - je sais qu'il n'a jamais
été facile pour les hommes politiques de faire des
débats sur les questions constitutionnelles parce qu'il faut
expliquer ce lien fondamental entre la constitution et le vécu des
citoyens." (16 h 50)
II me semble, M. le Président, que c'est on ne peut plus clair:
toute la stratégie de ce gouvernement est basée sur une fausse
urgence, est basée sur l'incapacité de faire face calmement
à la population et de prendre le temps de regarder cela. Quand on est
obligé de se faire dire par des gens qui ne sont pas des
constitutionnalistes, mais qui ont quand même un sens pratique commun, et
j'espère que le public... Je suis sûr que le public va comprendre,
ce sont mes amis d'en face qui m'inquiètent. Quand M. Louis Laberge est
venu dire en commission parlementaire ceci - c'est un exemple, c'est la
même chose pour M. Gérald Larose - je reviendrai sur M. Louis
Laberge. M. Gérald Larose disait ceci: Au Québec, celui qui veut
acheter une "minoune" est mieux protégé par notre
législation en matière de protection du consommateur qu'un peuple
qui veut signer un accord constitutionnel, en termes de délai. La mise
sur pied de la politique forestière a pris deux ans; l'avenir d'un
peuple, on veut le jouer dans deux semaines et là, on veut le rejouer
dans deux jours. L'avenir du peuple québécois, on veut rejouer
cela dans deux jours, mais ce n'est pas important, c'est secondaire, ces
gens-là ont la vérité, on se l'est fait dire tantôt:
Mon collègue, le député d'Abitibi-Est commençait
son discours en disant: Nous, du Parti libéral, on sait ce qu'on veut.
On a la vérité, c'est clair, on sait ce qu'on veut. Je le
sais.
Des voix: Bravo!
M. Gendron: Je vous l'ai dit et on le sait, ce que vous voulez:
un Québec provincial, faible, sans moyen, petit, rapetissé,
à vendre où il y aura de moins en moins d'outils, de
capacité de répondre aux besoins fondamentaux. Je reviens sur la
politique du développement régional. Le député
d'Abitibi-Est, ministre délégué aux Mines et aux Affaires
autochtones, disait: Là, je suis content, parce que, enfin, pour ce qui
est du développement régional, tout cela va être
balisé à l'intérieur de la constitution. Quel grand mot
qui ne veut rien dire! Alors que vous savez bien, M. le Président, qu'il
n'y a strictement rien de changé, la seule différence, c'est que
c'est pire, parce que là on aura constitutionnalisé le pouvoir de
dépenser dans toutes les juridictions, dans toutes les régions du
Québec, dans tous les domaines.
Dorénavant, si le gouvernement fédéral veut
indiquer à la population d'Abitibi-Ouest ou d'Abitibi-Est, de
SaguenayLac-Saint-Jean, de la Gaspésie, qu'il serait
peut-être plus important de privilégier tel créneau de
dépenses dans des choses qui ne les regardent pas du tout, il pourra le
faire, mais cette fois-ci, avec la permission, l'autorisation de ces
supposés positifs, de ces supposés optimistes qui ont tellement
peu demandé que, justement, ils sont revenus ici et ils ont dit:
Sacré monde! Cela a marché, on n'a rien demandé! Un peu
comme disait ma collègue de Maisonneuve: Peut-on fêter quelque
chose quand on n'a pas perdu tout court?
Tout ce qui vous est arrivé, c'est que vous n'avez rien perdu,
mais vous n'avez rien gagné et vous voulez régler l'affaire dans
deux jours, dans deux jours, vous empresser de fermer le couvercle sous
prétexte que le débat est terminé. Ces brillants
délégués, ces brillants représentants du
Québec sont allés négocier un accord et, en une nuit
à peine, reviennent au Québec et là, ils auraient
gagné les pouvoirs historiques des derniers premiers ministres. Au
contraire, toute la base historique des pouvoirs fondamentaux sur lesquels les
premiers ministres des provinces se sont battus, vous n'avez absolument rien
obtenu là-dessus, absolument rien! Rien de changé.
Je voudrais parler justement pendant quelques minutes de deux
éléments. Parce que, moi, me faire parler du droit de veto et me
faire dire qu'on va pouvoir nommer les juges à la Cour suprême...
D'abord, c'était comme cela, les amis, alors, cela n'a rien
changé, la différence, c'est qu'il va y avoir une liste et avant
cela, il n'y en avait pas. Mais faire nommer des juges pour que, constamment,
on se fasse défaire nos affaires, je ne trouve pas que j'ai gagné
grand-chose. J'entendais mon collègue, le député de
Laviolette, qui parlait effectivement d'un aspect qu'il me paraît
connaître, tout le volet éducatif, concernant l'incapacité
de faire les adaptations requises au niveau de la législation scolaire.
J'ai été ministre de l'Éducation pendant un an, M. le
Président, et je peux vous dire que, pendant un an, j'ai
été presque constamment empêché de fonctionner comme
ministre de l'Éducation, un an incapable d'être un vrai ministre
de l'Éducation pour un Québec fort parce que chaque fois qu'on a
voulu adapter les lois éducatives à la réalité du
Québec, on s'est fait débouter par des cours, on s'est fait
débouter à cause d'un article qui s'appelle l'article 93 de la
vieille constitution canadienne qui n'a aucune espèce de signification
pour ce que nous sommes, qui ne correspond pas du tout au peuple
québécois. Déboutés dans la loi 3,
déboutés dans la loi 19, déboutés dans la loi 24,
et je m'arrête là. Toutes nos lois éducatives, pendant un
an, ont été suspendues parce que la Cour suprême a
décidé, contrairement à ce que vous pensez et
contrairement à vos affirmations gratuites, que dans un domaine
où la constitution prétend que le Québec a
pleine et entière juridiction, c'est vrai, à la condition
qu'on soit subordonné à la constitution canadienne.
Si vous étiez effectivement aussi positifs, aussi optimistes et
que vous sachiez vraiment ce que vous voulez, il me semble que ce serait au
moins important de convenir que, pour ce qui est des matières
éducatives, que, pour ce qui est des questions linguistiques, il devrait
y avoir un Parlement pour un peuple, pour une communauté distincte, et
ce serait vrai, ce ne serait pas un discours. Quand il y a un peuple, un
Parlement qui fait des lois en éducation et qu'elles ne sont pas
défaites par la Cour suprême et par la constitution, même
chose dans le domaine linguistique, là, vous auriez un peu de
crédibilité, vous auriez une once de crédibilité
pour faire accroire qu'enfin le Canada nous a reconnus comme
société distincte. Ce n'est pas cela qu'il a fait. Il a
écrit une phrase là-dessus parce que la phrase antérieure
avait réglé notre cas en disant que, dorénavant, on fera
partie d'un Canada bilingue, d'un Canada artificiel, d'un Canada qui ne
répond pas du tout à nos aspirations, mais la phrase est
là.
Oui, c'est vrai qu'il y a une phrase qui parle du caractère
distinct du Québec, mais on ne l'a jamais défini. C'est une
clause qui sera constamment interprétée par des juristes, qui
sera constamment interprétée à la lumière du cadre
dans lequel on aura voulu fonctionner, c'est-à-dire à
l'intérieur du giron canadien, sous le titre "caractère distinct
du Québec". Par une clause qui est censée servir
ultérieurement à l'interprétation de la constitution, on
reconnaît de façon spécifique l'existence de la
dualité linguistique du Canada. Reconnaître fondamentalement
l'existence de la dualité linguistique du Canada, d'abord, c'est une
erreur de fait, mais, en plus d'être une erreur de fait, c'est
complètement l'inverse de ce qui a été revendiqué
dans les 50 dernières années pour le Québec.
Lorsque vient le moment d'être plus précis dans la
définition du caractère distinct de la société
québécoise, on ne dit rien, pas un traître mot. Le silence
total, à peu près comme ces représentants forts
numériquement, 99, mais combien faibles! Ils ont exactement les
mêmes droits de parole que nous. Après cinq minutes, pour des gens
qui sont fiers, ils sont essoufflés, ils n'ont rien à dire.
Après dix minutes au maximum, ils "s'effoirent". Ils n'ont plus un mot
à dire. Ils n'ont plus un mot à dire et ils sont censés
parler de quelque chose d'extraordinaire. Enfin, le Québec rejoint le
giron canadien! C'est beau! On devrait faire sonner les cloches parce que c'est
tellement sain, beau et bon pour le Québec. Nous rejoignons nos
compagnons canadiens et on est effectivement fondus dans l'entité
canadienne. Ils prennent six minutes, sept minutes, quelques- uns ont fait dix
minutés, et ils n'ont plus rien à dire pour vanter ses beaux
mérites, alors qu'ils ont exactement le même droit de parole que
nous. C'est du temps partagé pour le débat de 35 heures.
Je reviens sur le titre du caractère distinct. Il devient clair,
M. le Président, que ce seront toujours les tribunaux, et, ultimement,
la Cour suprême du Canada, qui définiront sur cet
arrière-plan ce qui est spécifiquement québécois et
en particulier les politiques linguistiques du Québec. De plus, le
projet du lac Meech oublie tous les pouvoirs spécifiques autres,
notamment la culture, les relations internationales, le développement
régional et tous les éléments d'une communauté,
d'un peuple qui aurait marqué notre spécificité, qui
aurait marqué notre distinction, qui aurait marqué en quoi
effectivement le Québec se distingue.
Dans le projet, on est tellement distincts, M. le Président,
qu'on va ressembler exactement à tous les autres. C'est un des
problèmes majeurs du lac Meech. Il n'y a absolument rien
là-dedans qu'on n'a pas donné à l'ensemble des autres
provinces, sauf une affaire: on a écrit le bout de phrase
"caractère distinct", interprété par des juges qui seront
de bonne foi. Je suis convaincu que ces gens vont être de bonne foi, mais
ils vont être obligés de faire l'interprétation à
l'intérieur du cadre dans lequel on les aura placés. Or, c'est un
cadre fédératif, c'est un cadre canadien, c'est un cadre qui ne
correspond pas du tout à ce que nous sommes. C'est cela que des
spécialistes sont venus nous dire en commission parlementaire: M. Dion,
M. Daniel Turp, M. Roger Lemelin, Daniel Latouche, Pierre-André
Côté. Additionnez-les, ils sont tous venus nous dire qu'en ce qui
concerne la société distincte et le pouvoir de dépenser,
il y a des faiblesses inimaginables. (17 heures)
Comble du comble, il me semble, encore là, que si on avait un peu
de capacité à regarder froidement, calmement, comment il se fait
que pour la première fois... Quant à moi, en tout cas, ça
fait une vingtaine d'années que je m'intéresse aux questions
politiques. Ça fera bientôt onze ans que je suis porte-parole,
avec fierté, des électeurs d'Abitibi-Ouest et représentant
de l'Abitibi-Témiscamingue et en onze ans, c'est la première fois
que, dans un document que tout le monde peut consulter, je vois que c'est le
Canada anglais qui est obligé de parler pour le Québec dans ce
dossier.
Le Canada anglais ne se gêne pas, lui. Il dit partout: L'entente
du lac Meech, pour la première fois, donne au gouvernement
fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les
domaines de juridiction provinciale. Ce sont des gens de Toronto, de Vancouver
et d'ailleurs qui disent: Comment se fait-il que vous dormez debout les
Québécois?
Qu'est-ce qui se passe? Cela n'a pas de bon sens qu'on soit
obligé de parler pour vous et dire: Vous êtes en train de vous
faire avoir comme jamais. Je disais tantôt, que le député
d'Abitibi-Est, ministre délégué aux Mines était
heureux de ça. Là, enfin, par une clause sur le pouvoir de
dépenser, on a réglé les intrusions du
fédéral. C'est le contraire. On vient de constitutionnaliser ses
interventions. Qui le dit par exemple? Le fair-play anglophone.
J'aime mieux me fier à leur fair-play qu'à la partisanerie
aveugle de l'autre côté de cette Chambre qui parle avec un bandeau
sur les yeux parce qu'on leur a demandé, pendant deux jours, de flatter
cette entente, sans probablement l'avoir regardée, l'avoir
analysée. Si c'était ça et qu'ils étaient
convaincus qu'ils ont raison, pourquoi n'ont-ils pas donné la chance
à l'électorat de prendre le temps, lui aussi, de la regarder et
de l'analyser? Qu'est-ce qui pressait? Vous savez bien qu'il n'y avait rien qui
pressait. Le sénateur Lowell Murray rappelle: ce que j'ai dit à
l'occasion de cette entrevue, etc., c'est que rien ne sera modifié dans
la répartition des pouvoirs et que personne n'a obtenu quelque chose de
plus qu'il n'avait déjà.
De l'accord du lac Meech, Ian Scott, Procureur général de
l'Ontario dit qu'il renforcera les pouvoirs du fédéral de mettre
sur pied de nouveaux programmes sociaux. Qu'est-ce qu'on dit partout, M. le
Président? On dit partout une chose: On s'est fait avoir. On s'est fait
rouler dans ce dossier. Si j'ai tort, pourquoi avez-vous peur qu'on prenne le
temps d'aller voir la population pendant cinq, six mois, puisqu'on en a pour
trois ans avant de régler l'affaire?
Prendre le temps d'aller voir la population. Effectivement, cela ne me
fait rien, M. le Président, de revenir ici au début de janvier
1988 et de dire: J'ai tort. Tous les gens que j'ai consultés m'ont dit
que j'étais dans les patates. C'est faux mes craintes. Ça va bien
les affaires. Si j'avais encore du temps... Je reviendrai lundi ou mardi, mais
je conclus là-dessus. J'aurais ici une opinion juridique. Vous pourriez
m'en citer des opinions juridiques. Mais à tout le moins, ça
mériterait de faire un débat. Il y en a une ici qui dit: Toute la
question de la clause sur la société distincte, puisqu'elle sera
soumise aux règles d'interprétation, n'apporte à peu
près aucune garantie qu'on sera respecté pour ce que nous
sommes.
Il me semble, M. le Président, que si on avait affaire à
un gouvernement respectueux de la démocratie, convaincu qu'il a entre
les mains quelque chose de bon pour le Québec, quelque chose de bon pour
les Québécois et les Québécoises, on aurait au
moins la décence d'aller les voir et de ne pas faire accroire
hypocritement, comme le premier ministre l'a fait croire dans une
émission: Écoutez, on vous donne 35 heures, c'est tout autant que
le référendum. Au référendum, on a donné du
temps parce qu'on initiait un processus de consultation. On a mis des heures
à débattre cette question. On a pris deux mois avec la population
parce qu'on n'avait pas peur d'aller voir la population. La population s'est
exprimée. Faites-le donc l'exercice. Vérifiez-le avec la
population plutôt que de prétendre artificiellement que vous avez
quelque chose dans votre mandat alors que le premier ministre lui-même a
au moins admis que, contrairement à ce qu'il a déjà fait
en 1981 et 1976, ce n'est pas vrai que la question constitutionnelle faisait
véritablement partie des enjeux électoraux en 1985, si on a une
once d'honnêteté.
Si vous avez quelque chose d'aussi merveilleux entre les mains,
soumettez-le à la population plutôt que de faire une espèce
de farce du Parlement. On s'est ennuyé comme ce n'est pas possible
pendant un mois, un mois et demi. On est obligé de suspendre à
tout bout de champ parce qu'ils n'ont pas la capacité d'amener un
programme législatif. Et, dans les deux derniers jours, ils nous
arrivent avec, supposément, ce qui est l'avenir du Québec, ce qui
est fondamental et qui permet de faire dire à tous les perroquets: Je
parlerai, M. le Président, avec beaucoup d'émotion et de
fierté sans trop savoir ce que je veux dire. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: ...adjoint de l'Opposition, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député
d'Abitibi-Ouest, j'ai une demande du leader adjoint du gouvernement, en vertu
de l'article 213, à savoir si vous permettez une question.
M. Gendron: II faut que j'y pense, vu que je m'en vais via
Nordair-Métro. Il est toujours en retard... Je vais prendre la chance
qu'il ait quelques minutes de retard...
Le Vice-Président: D'accord. De toute façon, la
question doit être brève et la réponse doit
également être très brève. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, j'aimerais savoir du leader
adjoint de l'Opposition quelle est sa vision constitutionnelle de l'avenir du
Québec? Est-ce que c'est la séparation? Est-ce que c'est la
souveraineté-association...
Le Vice-Président: Un instant, M. le leader adjoint.
M. Lefebvre: Est-ce que c'est...
Le Vice-Président: Non, un instant, M. le leader adjoint
du gouvernement. M. le leader adjoint, vous n'avez plus la parole. Je ne pense
pas que ce soit une question permise. Un instant! M. le leader adjoint du
gouvernement. C'est une question qui, à mon sens, en vertu de l'article
213 n'est pas permise. Elle va engendrer un débat. La question doit
être brève - elle n'était pas brève en soi,
d'après ce que j'ai pu entendre jusqu'à maintenant - et il est
évident que la réponse ne pourrait être brève non
plus.
Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant, M. le
député de Louis-Hébert.
M. Lefebvre: On ne peut pas poser de question, M. le
Président, si je comprends bien. Hein?
M. Gendron: ...
Le Vice-Président: Un instant!
M. Gendron: C'est quoi, votre question?
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît:
Un instant: A l'ordre, s'il vous plaît!
Vous avez demandé pour poser une question. Je vous ai
donné la parole, mais la question que vous posiez n'était pas
recevable au sens du règlement qui demande une question brève.
J'ai rendu ma décision là-dessus. Je ne permettrai pas d'autres
questions.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: M. le Président, le navire
québécois arrive en vue de la terre et on arrive à la fin
d'un long voyage où les écueils et les récifs ont
été nombreux. Nous avons vécu sur une mer agitée
qui a été une mer péquiste pendant de nombreuses
années. Depuis quelques mois, maintenant, le gouvernail est entre les
mains d'un capitaine d'expérience avec un équipage
d'expérience, avec des gens qui savent où ils vont. On a mis les
voiles et on a rectifié la direction du navire québécois.
Finalement, les membres de l'équipage, la vigie en premier, crient
terre! On voit la terre, on voit la fin de ce long voyage. On arrive, M. le
Président, au but que nous recherchions depuis longtemps,
c'est-à-dire la sécurité juridique du Québec.
Nous avons décidé de régler le problème
maintenant parce qu'il traîne depuis assez longtemps et tout ce qui
traîne, c'est bien connu, se salit. Cela ne traînera pas plus
longtemps parce que c'est dans le décor depuis des dizaines et des
dizaines d'années. L'heure est maintenant venue de conclure un
marché entre des gens responsables qui ont évalué les
risques et qui ont regardé ce qu'on voulait, ce que l'autre partie
voulait, quels étaient les objectifs communs qui étaient
recherchés. A la fin de cette évaluation, en gens responsables,
ils ont décidé de mettre leur signature au bas du papier, de
clore le contrat. Il y a des limites à s'associer souverainement. Cela a
été cela un bout de temps, on s'associait souverainement. Allez
m'expliquer cela!
Maintenant, on s'affirme nationalement ou on se nationalise
affirmativement, M. le Président. Il faudrait comprendre... On
invoque... On fait des peurs à tout le monde, on parle de monstre.
Pendant des années, on a crié au loup du côté du PQ
à toutes les occasions. Maintenant on crie au monstre et on ne s'entend
même pas sur ce que le monstre doit dévorer. Il y a un ancien
premier ministre du Canada qui nous fait accroire que le monstre dévore
les petits Canadiens avant le déjeuner et les péquistes nous font
accroire que le fameux monstre du lac Meech dévore les petits
Québécois. On ne s'entend pas sur les habitudes alimentaires du
monstre! (17 h 10)
On a vécu dans une situation qui est devenue intenable.
Grâce à Dieu, maintenant, c'est terminé. Le Québec a
décidé de mettre clairement sur papier la réponse à
la question qu'on a entendue partout, mais qu'on n'entendra plus: What does
Québec want? Québec veut signer une entente constitutionnelle
selon des termes, selon des conditions qui ont été
définies et qui sont les nôtres depuis longtemps. Elles sont
connues, elles sont remplies. What does Québec want? Québec wants
to sign now what we have decided to sign and what is agreeable to everybody.
C'est cela qu'on veut, M. le Président.
Évidemment, dans une perspective péquiste, on ne signerait
jamais. C'est bien sûr qu'on ne pourrait pas signer, parce que si les
péquistes allaient pour discuter quelque chose à Ottawa, ils
n'apporteraient même pas leur plume pour signer tellement ils sont
décidés de ne pas signer, parce que tous les prétextes
sont bons. Tous les prétextes sont bons pour faire échouer ce qui
ne doit pas réussir dans une perspective péquiste. Cela ne peut
pas réussir, M. le Président, parce que ce serait la destruction
inéluctable, fondamentale, essentielle de la raison d'être, de ce
qu'on pense la raison d'être - on ne le sait plus - de l'existence du
Parti québécois.
M. le Président, le Québec a décidé
d'obtenir, au moyen de négociations sincères, au moyen de
négociations honnêtes, par des gens sincères et par des
gens honnêtes qui ont fait leur devoir, qui sont allés de province
en province rencontrer les premiers ministres, qui ont passé des heures
et des
heures à discuter sérieusement... À la suite de
cela, le Québec a obtenu ce qu'il avait annoncé qu'il
obtiendrait. On nous a fait valoir tout à l'heure, et c'est le
député d'Abitibi-Ouest qui le disait, qu'on ouvrait le
débat sur la question nationale avec le référendum. Le
débat, nous l'avons ouvert le 2 décembre et avant le 2
décembre, avec notre programme électoral. Et la population a
décidé à ce moment-là. Cela vaut n'importe quel
référendum, M. le Président. Cela vaut n'importe quel
référendum.
Nous l'avons fait lors d'une campagne électorale parce que c'est
la façon de procéder. C'est parce que nous croyons que notre
système fonctionne comme cela, au moyen d'élections, au moyen
d'équipes d'hommes et de femmes qui se présentent sous une
étiquette avec un programme défini qu'ils font valoir, qu'ils
défendent, qu'ils justifient. La population vote, M. le
Président. Ce n'est pas après coup, une fois qu'on est
élus, qu'on revient avec des référendums, avec des
questions alambiquées, des questions qui contiennent 100 mots, où
une chatte perdrait ses petits. On ne savait plus à quoi s'en tenir, M.
le Président. La preuve, c'est qu'il y a des fédéralistes
qui votaient pour. La preuve que cela ne voulait pas dire grand-chose, M. le
Président. C'est la meilleure preuve.
On ne savait plus - on était déchirés -ce que cela
voulait dire. Cela pouvait vouloir dire ce qu'on voulait. Alors, M. le
Président, on a procédé autrement. On a
procédé logiquement. On a eu un programme, on l'a
présenté, on a été élus sur ce
programme-là. On a dit: Si vous nous élisez, on va tenter
d'obtenir de nos partenaires canadiens l'acceptation d'un certain nombre de
conditions et si on les obtient, on va réintégrer la
fédération canadienne. C'est bien sûr qu'on ne
défait pas le Canada en signant l'entente constitutionnelle. C'est
certain que ce n'est pas cela qu'on fait. C'est certain, mais on obtient pour
le Québec le maximum et tout ce qu'on a demandé, M. le
Président. Quand j'entends les amis d'en face nous dire qu'on n'obtient
pas beaucoup, que la Cour suprême, ce n'est pas beaucoup, que
l'immigration, ce n'est pas beaucoup, que la limitation du pouvoir de
dépenser, ce n'est pas beaucoup, eh bien! c'est déjà
quelque chose!
Je ne comprends pas leurs discours, alors que ce sont eux qui ont mis au
monde le terme "étapisme". Eux autres procédaient par
étapisme. Ils venaient à bout du salami en le tranchant petites
tranches par petites tranches, disaient-ils. Ils appelaient cela la technique
du salami dans le temps, M. le Président. À force de lui enlever
des tranches, il n'en reste plus.
Nous autres, M. le Président, on obtient pour le Québec la
sécurité juridique. On obtient la confirmation de la
fierté d'être Québécois à l'intérieur
d'une fédération qui nous reçoit les bras ouverts, qui
nous dit: Venez-vous-en avec nous autres; on a besoin de vous autres parce que,
sans vous autres, ce n'est pas pareil et ce n'est pas plaisant. Le party n'est
pas complet sans vous autres. Venez, on va vous garantir des affaires, on va
vous garantir une chaise à la table, on va vous garantir la
société distincte, on va vous garantir des juges à la Cour
suprême, on va vous garantir une limitation du pouvoir de dépenser
du fédéral, on va vous garantir que l'immigration ne jouera pas
contre vous autres. C'est cela qu'on voulait, M. le Président. On nous
dit non seulement cela, mais que les règles qu'on définit
maintenant, on ne les changera pas sans votre accord; on n'y touchera pas si
vous ne nous dites pas que vous êtes d'accord pour les changer. Cela
s'appelle, envers le Québec, dans le bon sens du terme, une offre qu'on
ne pouvait pas refuser, qu'on aurait été fous de refuser et qu'il
n'était pas question qu'on refuse non plus.
Dans les circonstances, M. le Président, je veux tout simplement
me réjouir et déplorer profondément l'attitude de
l'Opposition. Il est bien sûr que c'est la solution de facilité,
qu'il est facile de dénoncer ce genre d'accord. On devrait avoir une
admiration sans borne pour les artisans et les architectes de ce sur quoi on
discute aujourd'hui. L'impossible, le miracle s'est presque
réalisé. Au moins, comme je le disais au début de mon
intervention, on voit la terre sur le navire québécois. On arrive
à la terre. Cela a été dur, mais il y a un port quelque
part. On y arrive, et c'est grâce, comme je le disais, à
l'équipage, au capitaine qui s'appelle le premier ministre du
Québec, et grâce au Parti libéral.
Je vous assure, M. le Président, que, quand on laissait entendre,
tout à l'heure, que des députés ministériels se
plaindraient qu'on adopte cette résolution maintenant, je vous dirai que
c'est faux. Ce n'est pas vrai. Il y a un enthousiasme indéniable parmi
toute notre équipe pour défendre cette
résolution-là, en parler dix minutes chacun notre tour. On ne
peut pas faire plus, parce qu'on est 99 et, si on parlait chacun trois quarts
d'heure, comme vous tentez de le faire, M. le Président, il n'y en
aurait que 15 ou 20 qui parleraient chez nous. Mais chacun a son mot à
dire là-dessus; c'est pour ça qu'on ne parle pas plus longtemps.
Ce n'est pas parce qu'on n'a pas des choses à dire, c'est parce qu'on
croit au partage et on croit que l'opinion de notre voisin est aussi importante
que la nôtre et qu'elle vaut la peine d'être écoutée,
et c'est ce que je vais faire en me rassoyant tout de suite.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Louis-Hébert.
M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Quand j'ai
été élu, le 15 novembre 1976, et que j'ai fait mon
entrée en cette Chambre... Mme la Présidente, pouvez-vous
demander, s'il vous platt, qu'on ait le même respect qu'on a eu?
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je suis d'accord qu'on devrait accorder toute
l'attention aux propos du leader de l'Opposition, mais il ne peut quand
même pas nous reprocher de féliciter un collègue qui vient
de faire un excellent discours, et c'est tout ce qu'on faisait, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Je vous redonne la parole, M. le
député.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je disais donc
que, quand je suis entré en cette Chambre, j'avais la conviction et j'ai
toujours la conviction que le premier rôle d'un élu dans ce
Parlement était de défendre les intérêts d'abord
premiers, prioritaires du peuple québécois, des citoyens
québécois, et je n'ai pas perdu cette conviction qu'il nous faut
travailler. Qui que nous soyons, de quelque côté de la Chambre que
nous soyons, nous devons travailler d'abord et avant tout dans
l'intérêt des Québécois qui nous ont envoyés
siéger dans ce Parlement. Je n'ai pas perdu non plus le cap vers
l'accroissement des pouvoirs pour ceux qui m'ont élu. Je ne pense pas
qu'aucun citoyen, à quelque formation politique qu'il adhère, ne
veuille voir augmenter les pouvoirs des Québécois. En particulier
à cause de notre spécificité, justement, à cause de
notre identité culturelle dans ce territoire nord-américain, je
ne pense pas qu'il y ait un seul citoyen québécois qui ne veuille
pas que les élus travaillent pour autre chose que pour accroître'
les pouvoirs de ce Québec. Je ne crois pas ça et je n'ai pas
perdu ce désir depuis 1976. Je ne pense pas qu'il y ait aucun élu
québécois qui soit entré dans ce Parlement et qui ait le
mandat de rapetisser le Québec, de le diminuer, de faire en sorte que
s'arrête à certains niveaux la marche ascendante du Québec.
Je ne crois pas qu'il y ait aucun élu québécois, que les
citoyens du Québec nous aient envoyés ici, quelle que soit la
circonscription électorale, pour autre chose que ça. Pour
travailler dans son intérêt, pour accroître ses pouvoirs et
qu'on puisse s'épanouir encore davantage. C'est ça le rôle
premier, fondamental d'un député de cette Chambre et, Mme la
Présidente, quand on est élu, on nous fait prononcer un
serment d'office. On nous dit qu'on prête serment pour travailler dans
les intérêts supérieurs des Québécois, pour
le développement des Québécois. C'est le serment premier
que tout député prête en cette Chambre, Mme la
Présidente. Je n'ai pas perdu de vue ce serment d'office et je crois que
c'est mon rôle fondamental de le faire. (17 h 20)
Je croyais également, je crois toujours, que le Québec
dans lequel on vit doit garder son visage français. Je pense que j'ai
été élu pour cela et l'ensemble des députés,
qu'ils soient 99 contre 23, ont été élus pour que le
Québec garde son identité francophone. J'ai la conviction
profonde et intime que c'est cela. Et de quelque côté de la
Chambre que ce soit, j'aimerais entendre un député libéral
se lever pour dire que ce n'est pas le rôle premier au Québec,
pour un membre de l'Assemblée nationale, de ne travailler qu'en fonction
d'accroître les pouvoirs et de s'assurer que cette
spécificité culturelle, notre francophonie, on doit la
défendre, la garder, accroître ses pouvoirs pour la garder et la
conserver. J'ai toujours cru à cela et je pense que j'y crois encore
plus que j'y croyais.
J'ai été des plus heureux dans cette Chambre le jour
où l'Assemblée nationale du Québec, le jour où on a
adopté la loi 101 qui nous donnait les pouvoirs de sauvegarder cette
spécificité, d'être certain que le Québec
demeurerait un Québec français. J'ai été
très heureux. Moi aussi, je suis allé féliciter le
ministre parrain et les autres qui avaient travaillé fort pour
l'adoption de cette loi. C'est au-delà de 200 heures qu'on avait
passées en commission parlementaire à bonifier cette loi. Nous en
étions tous fiers. Nous avions le sentiment du devoir accompli, le soir
où il y a eu sanction de la loi 101. C'était un grand jour pour
le Québec, après avoir vécu les luttes stériles du
projet de loi 63 et de la loi 22. La loi 101 venait couronner des efforts de
plusieurs années, pour accoucher d'une loi qui faisait un très
vaste consensus au Québec.
Cette joie que j'ai eue par l'adoption de cette loi s'est
transformée en tristesse le jour où je me suis rendu compte que
des tribunaux se sont mis, à toutes fins utiles, à enlever des
pans complets à cette loi. Le législateur avait pourtant voulu
être clair, mais les juges, les tribunaux, parce qu'on n'a pas les
pouvoirs exclusifs en cette Chambre sur le plan linguistique, se sont mis
à trancher des pans complets de la loi. Nos lois étaient
inconstitutionnelles; on n'avait plus le droit, collectivement, nous, les
élus du peuple, ceux qui nous avaient envoyés ici, de
légiférer pour sauvegarder notre langue. C'était triste.
J'étais triste, extrêmement triste à part cela. Ce que je
ne comprenais
pas et que je ne comprends toujours pas, c'est qu'un parlementaire...
J'écoutais le député de Mille-Îles dire: On s'en
remet aux tribunaux pour l'interprétation. C'est impensable qu'un
député en cette Chambre puisse réfléchir de cette
façon. C'est nous qui sommes élus pour légiférer en
fonction de la protection de nos droits. Ce n'est pas à Ottawa et aux
tribunaux de décider comment on va protéger notre langue, comment
on va s'en sortir pour garder ce visage français du Québec.
J'ai été malheureux de voir qu'on a amputé dans
cette loi des pans complets, si bien qu'on a affaibli la situation du
français au Québec. Mais, je croyais, par exemple -j'étais
peut-être naïf - que les 122 députés de cette Chambre
avaient cette volonté fondamentale de se dire: On n'est pas des 2 de
pîque, on a été élus, chacun dans sa circonscription
électorale, pour représenter du monde; on croit fondamentalement
à nos droits, à notre spécificité, à notre
identité, donc, est-ce qu'on peut accepter de diluer des droits aussi
fondamentaux que celui sur le plan linguistique? C'est décevant de
constater ces faits.
Arrive l'entente du lac Meech. Encore là, je vais dire
pourquoi... Et je peux être aussi sincère que vous autres qui
passez votre temps à dire qu'on ne veut rien faire. Je peux être
aussi sincère que vous dans mes propos, parce que je crois
fondamentalement à ce que je vais dire. J'ai été
déçu, épouvantablement déçu de l'entente du
lac Meech et je vais dire pourquoi. Je me dirai déçu pour ne pas
dire plus. Nous avions l'occasion rêvée au lac Meech
d'accroître nos pouvoirs, ou, au moins, de clarifier des situations,
parce que le Canada anglais a dit: Bon, voilà un gouvernement
fédéraliste. Enfin, on va pouvoir négocier. Qui avait le
rapport de forces, à ce moment-là, si le Canada anglais voulait
vous avoir à tout prix comme gouvernement? Qui avait le gros bout du
bâton? C'était vous.
Quand on veut nous faire rentrer dans quelque chose on dit: Oui, mais
qu'est-ce tu m'offres concrètement. Est-ce que tu m'offres suffisamment.
Quand quelqu'un veut te vendre sa maison et que tu lui dis: Je veux te vendre
ma maison. Tu lui dis: Oui, mais combien me demandes-tu. Si cela fait mon
affaire, je l'achète mais si cela ne fait pas mon affaire je dis: Baisse
ton prix. N'oubliez pas cela. Baisse ton prix puisque c'est toi qui me
l'offres. Vous étiez en rapport de forces, le gouvernement Bourassa, le
gouvernement libéral était en rapport de forces. Il avait une
occasion rêvée d'améliorer la situation sur le plan du
français entre autres.
Qu'est-ce qui est arrivé? À deux reprises dans cette
Chambre, nous avons présenté une motion pour faire introduire
dans les demandes du Québec le pouvoir exclusif de
légiférer en français. À deux reprises, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
s'est appliqué à torturer la motion pour qu'elle ne veuille
absolument plus rien dire. C'est cela le ministre, l'agent négociateur
c'était lui. C'était lui qui s'en allait défendre les
intérêts du Québec et il se refusait d'aller chercher des
pouvoirs accrus pour défendre le français au Québec. Ils
avaient une occasion rêvée et ils l'ont ratée.
On était en droit de s'attendre également que le premier
ministre lui, qui à Victoria avait dit: Je veux la souveraineté
culturelle du Québec, on était en droit de s'attendre que cet
homme redise cette phrase à Ottawa et au lac Meech. Qu'il dise ce qu'est
la souveraineté culturelle. La souveraineté culturelle, c'est les
pleins pouvoirs sur la langue, sur la culture, sur les communications, parce
que c'est directement relié à notre culture. Qu'a-t-il fait?
Qu'est-ce que le premier ministre actuel, lui qui avait refusé de signer
à Victoria parce qu'il désirait la souveraineté
culturelle, a fait? Est-ce qu'il a exigé les pleins pouvoirs sur le plan
linguistique? Est-ce qu'il a exigé les pleins pouvoirs sur le plan
culturel? Est-ce qu'il a exigé les pleins pouvoirs sur le plan des
communications? Même pas, Mme la Présidente.
Il avait le gros bout du bâton. Le Canada anglais voulait
absolument nous faire rentrer. Cela, c'est toute une déception, une des
causes fondamentales de déception. Il a obtenu une phrase. C'est
écrit qu'on est une société distincte. C'est beau, c'est
une belle phrase mais qu'est-ce qui nous distingue? Quelle est notre
distinction par rapport aux Canadiens des autres provinces? Notre distinction
n'est-ce pas la langue, à cause de notre langue, n'est-ce pas à
cause de notre culture? Une société distincte, pour se
distinguer, doit avoir des pouvoirs. Donc, si c'est la langue et la culture
voyons donc quels pouvoirs nous avons obtenus sur le plan linguistique. Le
statu quo, la soumission à deux articles de la charte
fédérale. C'est exactement comme avant et plus encore on est
obligés de promouvoir la dualité canadienne. La
souveraineté culturelle est rendue où?
Les pouvoirs exclusifs pour une société distincte. Quels
sont les pouvoirs que nous avons pour nous distinguer et pour continuer
à nous distinguer ou, pour au moins, garder notre distinction? Quels
sont les pouvoirs que nous avons? Aucun, Mme la Présidente. Aucun
pouvoir additionnel. Le statu quo juridique le plus parfait. Pour bien me faire
comprendre, le statu quo, c'est la même chose qu'avant. On n'a rien
changé. La Cour suprême va continuer à avoir des
procès et à rendre des décisions et à affaiblir le
fait français au Québec. C'est pour cela qu'on est
déçu, c'est pour cela qu'on est contre.
On a le droit fondamentalement d'être pour cela quand on a la
conviction qu'on a été élus dans cette Chambre pour
représenter les intérêts de la majorité du peuple
québécois. Je n'ai pas honte de le faire.
L'empressement du gouvernement que nous avons en face, quel a
été cet empressement dès l'arrivée au pouvoir? Tout
de suite légaliser l'amnistie pour les illégaux, les soins de
santé en anglais et s'il avait été capable de nous en
passer une petite vite qu'on a bloquée à cause du
règlement, il nous en passait encore plus. Quel a été le
souci fondamental de protection de la majorité francophone? Aucun. On
s'est présenté avec un passé riche de demandes devant le
gouvernement d'Ottawa. (17 h 30)
Jamais un gouvernement n'a voulu plier sur les pouvoirs, sur la culture
et sur la langue. C'est la première fois qu'on va accepter un statu quo
qui nous subordonne, à toutes fins utiles, à la charte
canadienne, ce qui fera que le Québec, dans dix, quinze ou vingt ans,
sera un Nouveau-Brunswick, pas plus! Et on oublie... On est peut-être
sincère quand on fait nos discours, de l'autre côté aussi;
je ne veux pas douter de cela, je n'en ai pas le droit de toute façon.
En vertu du règlement, je dois prendre la parole, mais on doit
réfléchir sur ces faits-là, par exemple. Notre
naïveté passagère peut vite être ramenée
à la réalité quand on regarde ce qui se produit dans les
faits. Cela n'a pas d'allure à Montréal depuis quelque temps,
vous irez voir l'affichage. Sortez un peu! Vous allez vous rendre compte que,
déjà, les citoyens qui n'ont pas ce souci du visage
français, eux, ont compris la mollesse du gouvernement actuel et ils en
profitent, Mme la Présidente, ils s'en donnent à coeur joie!
Mme la Présidente, cela a été ma plus grande
déception de voir jusqu'à quel point on avait une occasion
rêvée de faire en sorte que la société distincte...
Une phrase qui, en soi, est belle dans une constitution, mais qui ne veut rien
dire parce qu'on n'a pas les pouvoirs de se distinguer. Il me semble que si un
père de famille dit à son garçon: Tu as 18 ans ce soir, tu
es adulte, tu peux voler de tes propres ailes et qu'il dit au petit
garçon: Selon la loi, tu as le droit de signer ton bail, tu as le
droit... Si tu fais un acte croche, tu seras réprimé devant les
cours de justice. Il est adulte, il le laisse voler de ses propres ailes. Mais
si le même soir qu'il a ses 18 ans, le père lui dit: Tu vas au lit
à 19 h 30 et tu te lèveras à 5 heures demain matin et je
ne veux pas que tu ailles là, il va dire: Comment cela se fait-il? Je
suis citoyen à part entière, j'ai le droit de vote, je peux
être réprimé devant les cours de justice et qu'est-ce que
cela me donne d'être adulte?
Là, vous dites: Vous avez une société distincte,
sauf que tu n'as pas les pouvoirs exclusifs sur le plan linguistique, tu n'as
pas les pouvoirs exclusifs de te distinguer sur ta culture, tu n'as pas les
pouvoirs exclusifs en matière de communications qui est un moyen
rattaché à notre culture. Et vous tentez de faire accroire aux
Québécois qu'avec cette phrase non accompagnée de pouvoirs
vous venez de doter le Québec de pouvoirs extraordinaires? Nonï Et
on n'a pas le droit de faire croire à la population du Québec
qu'elle a obtenu plus parce qu'il y a une phrase qui renferme:
société distincte.
Je vous aurais cru et j'aurais parlé pour la motion si le titre,
si la société distincte avait été
accompagnée de pouvoirs exclusifs sur le plan linguistique, si la
société distincte avait été accompagnée de
pouvoirs exclusifs sur le plan de la culture. Oui, j'aurais embarqué
parce que j'aurais dit: C'est un pas en avant, c'est un progrès pour le
Québec, mais là c'est une phrase vide de sens qui vous permet de
faire de beaux discours prétendant que vous avez obtenu la lune. Vous
n'avez même pas obtenu une échelle pour commencer à monter
un seul barreau pour obtenir quelque chose de positif et de plus, sur le plan
linguistique, sur le plan culturel et sur le plan des communications.
Et que dire maintenant de l'attitude des députés qui,
peut-être de bonne foi... Mais je les ai regardés, je n'ai presque
pas manqué un discours depuis le début de cette motion, Mme la
Présidente. Si je n'étais pas ici, j'étais devant la
caméra dans mon bureau et j'ai suivi presque tous les discours. J'ai
écouté le député de La Peltrie tantôt, j'ai
écouté le député de Saguenay, j'ai
écouté également le député qui a
précédé le député de La Peltrie, j'ai
oublié son nom, mais peu importe. J'ai vu des gens applaudir. Applaudir
à quoi? On va regarder ensemble ce à quoi ils applaudissaient.
Ils se sont levés quand le pompeux ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales a dit: Nous avons obtenu le droit
d'être consultés sur les juges de la Cour suprême.
Mme la Présidente, les premiers ministres font des lobbies depuis
des années quand arrive la nomination d'un juge à la Cour
suprême. Le gouvernement d'Ottawa a toujours appelé au
Québec pour dire: On va nommer untel, avez-vous quelque chose contre
lui? Là, ils ont obtenu cela écrit sur papier. Cela s'est
toujours fait et ils applaudissaient à tout rompre. Tu voyais applaudir
cela en Chambre. Aie! Victoirel On est consulté, on l'est
officiellement. Cela apporte quoi de tangible aux Québécois
demain matin? Qu'est-ce que cela donne sur la sauvegarde des droits des
Québécois? Qu'est-ce que cela ajoute à la
société distincte? L'Île-du-Prince-Édouard va
être consultée comme nous. Qu'est-ce que cela ajoute à la
société distincte d'avoir une consultation officielle sur le nom
des juges?
Mais on applaudissait, Mme la Présidente, à tout rompre.
C'était beau de voir cela. Ils avaient l'air sincères. On a
applaudi également le ministre - ah oui! il faut que je le dise. Nous
avons obtenu - et je le vois, vous savez, avec sa pompe habituelle - Mme la
Présidente, pour la première fois, une session annuelle des
premiers ministres sur le plan constitutionnel. Là, les 99
applaudissaient, Mme la Présidente. Ils vont aller se parler chaque
année sur la constitution. Cela se faisait dans à peu près
toutes sortes de conférences fédérales provinciales. Il y
en a à la tonne. Il y en a toujours eu au moins une, il y a des
années où il y en a eu deux. Là, ils en ont obtenu une par
écrit. Ils applaudissent à cela.
A la prochaine séance, ils vont parler du Sénat. Cela va
améliorer bien gros le Québec. Cela va faire accroire que les
droits des Québécois, en matière culturelle, en
matière linguistique, en matière de communications, en
matière d'emplois, en matière d'économie, cela va faire
évoluer le Québec. Mais on a applaudi, Mme la Présidente.
Cela applaudissait. Ils ont obtenu une séance par année
statutaire. Bravo! Quel gain pour le Québec!
On a applaudi également au pouvoir de dépenser. C'est pire
que c'était. Imaginez-vous que ce sera dans les mesures
d'interprétation. Ce n'est même pas sûr, à part cela,
que cela veut dire ce que le premier ministre a compris. Il n'est même
pas sûr, lui non plus. Il a dit: Les jugements de cour, on verra. Si cela
prend des programmes qui se situent à peu près dans les
mêmes cadres, peut-être qu'ils paieront, peut-être qu'ils ne
paieront pas. La compensation n'est pas plus sûre que cela. Alors
qu'avant il y avait au moins une chose qui était claire, on pouvait
réclamer à grands cris que, quand il donnait quelque chose et
qu'on n'en voulait pas, on disait: Donnez-nous notre dû. Mais là,
on se met dans un carcan où l'argent, en vertu de la constitution, ne
pourrait pas venir. Et on a applaudi à cela. C'est plus ambigu qu'avant.
Cela risque d'être pire qu'avant, mais on applaudit. C'est beau! On a
signé, Mme la Présidente. Mais on applaudit.
Immigration. Ils ont raison d'applaudir. Mais ce que plusieurs ne savent
pas de l'autre côté de la Chambre, c'est qu'ils applaudissent
à une mesure négociée et entendue par le
précédent gouvernement. C'est l'entente Cullen-Couture. Ce n'est
pas le Parti libéral actuel qui a négocié l'entente
Cullen-Couture. C'est le ministre Jacques Couture, qui était ministre du
Travail et de de la Main-d'Oeuvre et ministre de l'Immigration à
l'époque, Mme la Présidente, qui a conclu cette entente qu'on
retrouve dans la constitution. Là, vous avez raison d'applaudir, mais
dites-vous bien que vous ne vous applaudissez pas dans ce temps-là, vous
applaudissez le geste du gouvernement précédent. Cela est clair,
c'est précis et c'est enregistré. Je pense que n'importe quel
citoyen peut vérifier ce que j'avance, Mme la Présidente.
Encore là, on s'est lié cependant à une entente
à venir. On signe a priori sans savoir ce qui arrivera a posteriori, et
on verra. S'ils s'imaginent encore une fois qu'ils ne se feront pas avoir, en
tout cas, moi, j'en doute énormément, parce que je ne peux pas
concevoir qu'un gouvernement qui avait le gros bout du bâton, qui disait:
Nous, nous serons d'excellents négociateurs parce que nous sommes des
fédéralistes, parce que nous croyons au régime
fédéral et l'intérêt des Québécois
sera vivement, fortement vigoureusement défendu... Mme la
Présidente, je vous dis que c'est vigoureux, cela! Ils s'en vont
négocier une société distincte et ils ne donnent rien.
Cela va être distinct de quoi? Qu'est-ce qui va nous distinguer de
l'Île-du-Prince-Édouard par rapport à la charte canadienne
sur la langue? Absolument rien. Qu'est-ce qui va nous distinguer du
Nouveau-Brunswick? Actuellement, on a la majorité francophone, mais,
dans dix ans, dans vingt ans, qu'est-ce qu'on aura? Quel sera le pourcentage?
Quel sera le climat au Québec? Parce qu'on aura, à cause de
mollesse et de faiblesse ou de manque de convictions, purement et simplement,
ou, encore, par assujettissement naturel parce qu'on se sent petit, on aura
laissé empiéter sur nos droits.
Je n'accepte pas cela comme position. On a été élus
dans cette Chambre, je le répète, on a prêté un
serment pour défendre d'abord et avant tout les intérêts du
peuple québécois, et les intérêts du peuple
québécois, ce n'est pas dans le statu quo qu'on les retrouve, ce
n'est pas dans l'affaiblissement qu'on les retrouve, c'est dans l'accroissement
des pouvoirs. C'est comme cela qu'on défend des intérêts.
Je ne vois pas quelqu'un qui se contente de peu quand il est en position
d'aller chercher beaucoup ou plus. Je ne comprends pas cela, Mme la
Présidente. (17 h 40)
Qu'est-ce qui arrivera demain matin avec Meech? L'entente du lac Meech
est signée, Mme la Présidente. On ne sait même pas si les
autres provinces vont signer. Mais on veut être les premiers alors qu'on
aurait dû les regarder aller et leur dire: Si vous nous voulez, ce n'est
pas moins que ça et au moins cela eut été intelligent.
J'ai dit: Non, on se lie tout de suite. Si vous voulez en mettre plus, vous
êtes pris, c'est nous autres qui va vous empêcher d'en mettre plus.
Cela équivaut à cela. C'est brillant, imaginez-vous, comme force
de négociation. Je ne comprends rien. C'est la première fois de
ma vie que je vois ce style de négociation. Ordinairement un
négociateur chevronné qu'est-ce qu'il fait? Il s'en va à
la table, il
examine ce qu'on lui offre. Il dit: Je ne suis pas sûr que c'est
assez. Il s'en va voir son monde. Il fait même prendre un vote par son
monde pour montrer que ce n'est pas assez. Il retourne. IL dit au "boss":
Voyez-vous, cela n'est pas assez. Ce que vous m'offrez, c'est rejeté par
mon monde. Soit que vous augmentiez vos mises, sinon je ne peux pas signer. Ce
n'est pas cela qui est arrivé. Le ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes disait: Je vais aller voir ce qu'ils vont
m'offrir. Quand il est revenu, il a dit: II faut signer vite, vite.
Imaginez-vous! Cela a l'air de quoi ça? Un petit gars en culottes
courtes qui ne sait même pas comment ça fonctionne des
négociations. Cela a l'air d'un matelot en goguette, qui n'a pas
d'expérience. Cela a l'air de je ne sais pas quoi. Le pire, c'est que
ça affiche un air pompeux pour essayer de se donner des capacités
extravagantes. Quelqu'un qui ne le connaît pas et qui ne l'a jamais vu,
s'imagine que c'est un surhomme. Quelqu'un qui constate les résultats
s'imagine que c'est un "flo", comme on dit par chez nous, sans
expérience. Cela n'a pas de bon sens.
Quand on négocie, Mme la Présidente, avant de signer un
contrat collectif, que fait-on? On s'en va voir notre monde. On dit: Voici ce
qu'on nous offre. Êtes-vous prêts à accepter,
êtes-vous prêts à refuser, êtes-vous prêts
à amender? Est-ce que ça vous en prend plus ou bien si vous
acceptez? Et là c'est au monde à accepter ou à refuser. Ce
n'est pas ça qu'ils font eux autres. Une nouvelle méthode de
négociation pour le Parti libéral. Nous autres on consulte les
experts, un communiqué de presse avant, on va négocier et on
signe tout de suite. On ne donne pas la chance au monde d'examiner les textes
juridiques, on signe tout de suite. On se dépêche en plein mois de
juin de faire adopter cela pour ne pas que les cégépiens, les
universitaires, pour ne pas que les spécialistes en plein coeur
d'été ne puissent forger l'opinion publique. Les gens sont en
vacances. Tout de suite. Ça presse, ça urge.
C'est ça, Mme la Présidente. C'est de la supercherie, ce
qui se passe. C'est de la mascarade qui se passe. Cela n'a pas de bon sens
d'agir de la sorte. Je pense que les citoyens de
l'Île-du-Prince-Édouard qui sont 160 000 vont être
consultés par leur gouvernement. Quand je pense que le Sénat
canadien va consulter. Quand je pense que le gouvernement canadien va
consulter. Quand je pense qu'au Québec, celui, le groupe que le Canada
anglais veut voir intégré, lui on ne le consulte pas. Lui on ne
diffuse pas massivement cette entente de principe pour le moment. On ne veut
pas les réactions. De peur qu'il y en ait, on profite d'une fin de
session et on invoque l'urgence. Il faut le faire! C'est imbécile en
plus. Invoquer l'urgence à la veille de la fête nationale pour
adopter quelque chose qui peut prendre trois ans, sans s'exciter le poil des
jambes. On peut ne pas s'énerver. On pourrait prendre tout le temps
qu'on veut, l'étudier correctement, démontrer les bons
côtés, regarder les points faibles, se faire une idée de ce
que le Québec veut.
Ce n'est pas ça que vous leur faites. Vous les placez devant une
situation juridique d'où on aura énormément de
difficultés à sortir, Mme la Présidente. J'ose
espérer, cependant, que les citoyens du Québec comprendront que
depuis 18 mois, systématiquement, on a nié les engagements
politiques qu'on avait pris. Je me souviens encore de Mme la
vice-première ministre qui a prononcé, le 15 ou le 16
décembre 1985, le discours inaugural. Vous n'aviez pas le choix, parce
que votre premier ministre se cherchait un comté. Elle s'est
levée en cette Chambre et elle a dit: Dorénavant, il y aura des
débats de fond dans la société québécoise.
Nous rechercherons non pas l'affrontement, mais la concertation.
Vous avez de beaux mots, vous avez de beaux discours, mais vos gestes
sont diamétralement opposés à ce que vous dites. Vous
promettez blanc et vous offrez noir. Cela, les jeunes assistés sociaux
du Québec l'ont compris. Cela, les femmes l'ont compris, les
agriculteurs commencent à le comprendre. Il y en a bien d'autres. Il ne
s'agit pas de bonder le Centre Paul-Sauvé de 5000 jeunes et de les faire
applaudir à tout rompre: Oui, mon Robert, on est pour toi. Les
mêmes jeunes, qui ont assisté à la fête au Centre
Paul-Sauvé, ont cru à l'honnêteté des hommes
politiques. C'est toute l'institution qui en prend pour son rhume. Quand on
voit les volte-faces, quand on voit la faiblesse incarnée de ce
gouvernement à se tenir debout au moment où ce serait si facile
de le faire, au moment où les Québécois ne demandent pas
mieux qu'une paix, une sérénité.
J'écoutais le député de Louis-Hébert
tantôt. J'ai failli dire: Barrez donc les portes qu'on le poigne vivant!
Cela n'avait pas de bon sens, déchaîné à propos de
tout et de rien. Un bateau s'en va, il est sur la terre, il est prêt
à s'échouer; il ne savait plus où il s'en allait du tout.
Je l'ai cru, pour un moment, debout à côté de Bolivar! Ce
n'est pas croyable de dire n'importe quoi sur une motion aussi fondamentale,
une motion qui lie l'avenir du peuple québécois, une motion qui
risque de nous faire perdre du temps et des pouvoirs énormes sur le plan
linguistique. Là, ils diront: On a obtenu la société
distincte. Oui, les Anglais vont nous trouver distants, ils vont nous trouver
concombres à mort de voir qu'on n'a pas été capables, au
moment où on en avait la possibilité, de se greffer au pouvoir
exclusif de cette spécificité. Oui, les anglophones du Canada
doivent rire dans leur barbe en disant: Ils se sont contentés d'une
phrase sans exiger les
instruments qui vont avec. Oui, ils vont nous trouver stupides de voir
qu'on ne se tient pas debout. Ils doivent y être heureux! Les gens
d'Alliance Québec doivent-ils ricaner de voir qu'ils ont ce qu'ils
voulaient, sur un plateau d'argent, sans même qu'ils aient à faire
des batailles. On le leur offre sur un plateau d'argent, comme on l'a fait pour
l'amnistie des illégaux, comme on l'a fait dans les soins de
santé pour les anglophones. On est en train de leur mettre sur un
plateau d'argent une série d'avantages.
On oublie qu'il y a une majorité qui veut survivre et qui est en
danger sur le continent nord-américain. Cela, moi, je ne le prends pas.
C'est avec conviction que je dis que le gouvernement Bourassa est faible, que
le gouvernement Bourassa a manqué le bateau, que le gouvernement
Bourassa a tout simplement abdiqué devant ses responsabilités de
défenseur des droits collectifs des Québécois. Merci, Mme
la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Joliette et leader de l'Opposition.
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Mme la Présidente, c'est avec beaucoup de
fierté, à titre de Québécoise et à titre de
Canadienne, que je prends la parole aujourd'hui sur cette motion afin d'obtenir
l'assentiment de l'Assemblée nationale sur l'entente constitutionnelle
du 3 juin dernier.
Il y a plus de 20 ans déjà, s'amorçait un processus
de réforme constitutionnelle au Canada. On se rappellera le rapport
Laurendeau-Dunton paru au cours des années 1967 à 1970. Depuis ce
temps, beaucoup de discussions ont eu lieu, que ce soit au Québec ou un
peu partout au Canada, mais sans consensus, un consensus tel que celui que nous
avons eu au lac Meech en avril et 6 Ottawa les 2 et 3 juin courant. Et c'est
tout à l'honneur du gouvernement libéral qui a entrepris,
dès les premiers mois de son mandat, les démarches
nécessaires afin de convaincre le reste du Canada de l'importance de
réintégrer le Québec à la fédération
canadienne.
Permettez-moi de souligner des démarches qui ont
été très positives, où les principaux intervenants
du Québec, des autres provinces et du gouvernement fédéral
ont franchi une à une les étapes d'une entente dans un climat de
confiance et, surtout et avant tout, de respect mutuel.
Permettez-moi, Mme la Présidente, de rappeler à cette
Chambre un ancien premier ministre du Canada, M. Lester B. Pearson qui
remportait le prix Nobel de la paix pour son travail avant-gardiste au plan
international. Aujourd'hui nous pourrions apprécier de la même
façon le travail effectué par les différents partenaires
à cette entente et tout particulièrement celui du premier
ministre du Québec, M. Robert Bourassa, en lui décernant, s'il
existait, le prix Nobel du Québec pour sa ténacité, sa
diplomatie et son ardente conviction dans les intérêts du
Québec et des Québécois et Québécoises.
Le Canada entre dans une nouvelle ère de collaboration pour une
fédération où les droits et les devoirs du gouvernement
canadien, de chacune des provinces et des territoires se modifient, se
simplifient, s'ajustent à la lumière des expériences
vécues depuis 1867. (17 h 50)
Une nouvelle maturité s'est installée dans la population
demandant de préciser dans une entente constitutionnelle les
responsabilités que chaque citoyen de chaque province veut bien assumer
et, par ailleurs, que chaque citoyen tient à faire assumer par les
différents ordres de gouvernement. Cette optique et cette
maturité, les Québécois et les Québécoises
les ont clairement démontrées le 2 décembre 1985 en
accordant démocratiquement au gouvernement libéral le mandat de
mettre en oeuvre le programme de son parti largement diffusé et
d'entreprendre les négociations constitutionnelles sur la base de cinq
conditions proposées dans ce document et non sur la base d'une vingtaine
d'éléments d'une liste d'épicerie.
Avant de préciser certains éléments qui sont, sans
contredit, des gains sans précédent pour le Québec,
permettez-moi d'affirmer que seul le gouvernement libéral pouvait aller
négocier une telle entente.
Oui, Mme la Présidente, je le dis et ce, sans prétention.
La population du Québec a compris que le Parti québécois
et le gouvernement qu'il formait ne pouvaient négocier de bonne foi les
conditions de l'adhésion du Québec à la
fédération canadienne. D'ailleurs, la population avait vu juste
puisque même cet après-midi le député de Shefford,
à une question du député de Frontenac, avait
d'énormes difficultés à définir sa vision de la
souveraineté, de l'affirmation nationale, sa vision sur un accord
constitutionnel. Cet après-midi, bien sûr, il nous en a
donné le meilleur exemple. Je pense que la seule chose que le Parti
québécois et particulièrement le député de
Shefford aurait dû apprendre depuis longtemps et qu'il n'a jamais
apprise, c'est la clarté du message; tel que Boileau le disait: "Ce qui
se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire
arrivent aisément." Le message du Parti québécois n'a
jamais été clair et ça n'a pas changé.
Il fallait que ces négociations constitutionnelles soient
menées par un gouvernement qui avait foi dans le Canada
et pour qui l'appartenance au Canada constituait et constituera une
force additionnelle pour le Québec afin de maîtriser son
avenir.
Voyons donc maintenant certains éléments qui sont, comme
je le mentionnais plus tôt, des gains sans précédent pour
les Québécois et les Québécoises. Pour la
première fois depuis 1867, on a consacré le caractère
distinct de la société québécoise en l'inscrivant
dans la loi suprême du pays. L'Assemblée nationale et le
gouvernement québécois se voient confier non seulement le
rôle de protéger ce caractère distinct, mais
également de le promouvoir, donc, une confirmation de ce droit avec les
devoirs qui incombent à l'Assemblée nationale. Dans le même
sens, afin d'assumer la pérennité du caractère
français de la société québécoise, cette
entente donnera au Québec les pouvoirs additionnels afin de mettre en
oeuvre des politiques migratoires, démographiques et familiales
indispensables à cette pérennité.
Que dire maintenant de l'obtention de la garantie qu'au moins neuf des
juges de la Cour suprême proviendront du Barreau du Québec, sinon
que ce gain contribuera à protéger le système de droit
civil contre des interprétations pouvant porter atteinte à la
spécificité du Québec.
Quant au droit de retrait avec juste compensation à l'occasion
d'un amendement constitutionnel pouvant transférer au
fédéral une compétence provinciale, quel que soit le
secteur d'activité en cause, il est à mon avis fondamental, dans
un esprit fédératif renouvelé, puisqu'il offre une
protection plus grande dans les secteurs d'activité relatifs au
caractère distinct du Québec. Cette décentralisation
répond par ailleurs au voeu largement exprimé d'une
majorité de Canadiens et de Canadiennes, et plus particulièrement
des Québécois et des Québécoises. Venant
moi-même d'un comté en région, j'apprécie cette
entente qui aura pour effet une nouvelle collaboration
fédérale-provinciale indispensable au développement
concerté des régions tout en respectant les particularités
bien distinctes de celles-ci. Que l'on prenne d'autres exemples de
décentralisation au Québec: les caisses populaires et leur
confédération, les coopératives agricoles et la
fédérée, deux exemples de fédérations fortes
par et pour leurs membres parce que leurs membres sont forts
eux-mêmes.
La population du Québec le sait fort bien et était
mûre pour réintégrer la fédération canadienne
dans un nouveau climat de confiance et de sérénité, et
surtout de respect mutuel. J'insisterai sur ce point, Mme la Présidente.
On ne pouvait, on ne peut et on ne pourra se faire respecter de nos partenaires
provinciaux et fédéraux qu'à la condition expresse que
l'on se respecte soi-même, respect basé sur la confiance des
Québécois et des Québécoises dans leur
potentiel collectif, en leurs institutions démocratiques et en l'avenir
de la société qu'ils forment. Depuis un an et demi
déjà, ce climat de confiance et de respect s'installe et
l'entente constitutionnelle en est la juste preuve.
Dans le cheminement vers cette entente, je puis dire, aujourd'hui, que
la démocratie a été respectée. Que l'on se
souvienne du résultat du référendum de 1980 où la
majorité des Québécois et des Québécoises a
clairement indiqué son accord pour une nouvelle entente avec le reste du
Canada. Cette même volonté populaire s'est manifestée le 2
décembre 1985. La commission parlementaire
télévisée de mai dernier, où plus de 55 heures de
travail ont permis à 18 individus et experts et à 20 groupes et
organismes d'émettre leurs opinions, en plus des 35 heures où
l'on débat, depuis hier, à l'Assemblée nationale du
Québec, où l'on informe la population des différents
aspects de cette entente, démontrent bien l'esprit qui règne.
L'accord constitutionnel du 3 juin dernier constitue une excellente
entente qui s'inscrit parfaitement dans la foulée des revendications
traditionnelles des différents gouvernements qui se sont
succédé à la tête du Québec. Il est
l'aboutissement d'un débat qui dure depuis des décennies et dont
le pour et le contre des différents aspects a été
largement exposé à la population du Québec et à
celle du Canada.
Je termine en affirmant que nous avons en main tous les
éléments nécessaires pour faire, collectivement, un choix
lucide et éclairé et nous avons l'intention de faire ce choix
afin de permettre enfin au Québec de passer à d'autres
défis, tous aussi importants pour son avenir et pour le mieux-être
des citoyens du Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata. Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Mme la Présidente, je commencerai par une
poésie de Victor Hugo, où on disait: "L'honneur n'abdique point,
nul n'a le droit de me prendre ma liberté, me prendre mon bien, mon ciel
bleu, mon amour, tout l'univers aveugle est sans droit sur le jour, fut-on 100
000 000 d'esclaves, je suis libre." Je suis libre et c'est cette liberté
de conscience et d'opinion qu'aujourd'hui je veux exprimer sur cette motion,
parce qu'il y va de l'avenir du Québec. Je pense qu'il aurait
été important et nécessaire de prendre le temps pour faire
entendre l'ensemble des gens du Québec en ce qui concerne leur avenir et
pouvoir se prononcer, d'une façon
lucide, claire et précise sur leur devenir collectif. Nous nous
sommes vus en face d'un débat d'urgence. À mon avis, je ne crois
pas qu'il y avait feu en la demeure puisque, effectivement, et d'autres de mes
collègues l'ont déjà répété avant
moi, nous avons une marge de manoeuvre d'au moins trois ans pour nous prononcer
sur l'entente constitutionnelle. Nous ne sommes pas en demande mais nous sommes
ceux qui doivent attendre les prises de position de l'ensemble des autres
provinces, parce que ce sont eux qui sont conscients de la valeur du
Québec et de la nécessité, pour eux, d'avoir la
participation du Québec à l'intérieur de la
constitution.
Mme la Présidente, je pense que ce qui a toujours fait la
différence au Canada, c'est le fait québécois, parce que
le Québec a toujours eu et a toujours défendu sa
spécificité culturelle et linguistique. C'est ce qui a toujours
rehaussé la cote du Canada, parce que justement nous avons cette
originalité et cette créativité propres aux gens de chez
nous. Ce qui fait que, dans un entourage américain, nous pouvons nous
démarquer du reste de l'Amérique. Alors pourquoi, actuellement,
nous qui sommes appelés à choisir, en fin de compte, l'avenir
même du Québec, soit par un gouvernement fédéral ou
soit par un gouvernement provincial, ne pas travailler avec chaleur à
défendre nos arguments pour faire en sorte que ceux qui sont pour ou
contre puissent se faire entendre. (18 heures)
La vérité a ses droits, je crois. La vérité
n'est pas toujours du même côté. Depuis quelques mois, 18
mois à peine, nous sommes sous l'impression que la vérité
n'a de droit que d'un seul côté et que, finalement, pour pouvoir
s'exprimer très haut et clamer ses opinions, il faut appartenir à
un certain parti politique et porter le sigle d'un parti politique, le Parti
libéral.
Mme la Présidente, je crois qu'au Québec, toutes les
opinions sont importantes et toutes les variables à l'intérieur
des opinions, aussi. Il faut en tenir compte, quand il y va du devenir du
peuple québécois.
Pourquoi, actuellement, ouvrir le débat alors que nous sommes
à la fin de la session, à la fin de l'année scolaire pour
plusieurs étudiants, plusieurs universitaires, alors que la
majorité des gens ont bien mérité leurs vacances et,
honnêtement, espèrent pouvoir se reposer pour le peu de temps qui
leur est alloué en ce qui concerne leurs vacances? Un débat de la
nature de celui que nous sommes en train de mener en ce qui concerne les
ententes constitutionnelles va, pour longtemps, souder la participation du
Québec dans l'entente constitutionnelle du Canada. Je pense qu'il aurait
été davantage dans l'intérêt de ce gouvernement
à faire en sorte que la majorité, le plus grand nombre possible
des citoyens et des citoyennes québécois, puisse se faire
entendre.
Nous, Mme la Présidente, n'avons pas eu peur de nos convictions
et nous avons fait appel au peuple. Nous avons demandé au peuple de se
pencher sur la question et de nous dire ce qu'il croyait être le mieux
pour eux. Nous avons la conviction de nos idées quand nous croyons que
ce que nous avançons s'impose d'autorité, sans même faire
appel à un État qui est directif. Je pense que les
Québécois n'ont pas besoin d'un État directif. On a
plutôt besoin d'un État qui est soucieux des préoccupations
de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Effectivement, Mme la Présidente, ce gouvernement a
été élu le 2 décembre, tout comme moi, j'ai
été élue le 2 décembre comme nouvelle
députée. Je crois que l'ensemble des gens de ma circonscription
croyaient que j'étais pour les représenter, ils croyaient aussi,
tout comme moi, à mes idées souverainistes pour lesquelles je me
suis défendue et débattue, pour lesquelles j'ai toujours dit que
je me défendrais de même que je défendrais leurs droits
à l'intérieur de l'Assemblée nationale, parce que j'y
croyais. Il était essentiel et il était même de mon devoir
de faire en sorte que les droits des Québécois soient
préservés au maximum dans cette enceinte.
Mme la Présidente, nous sommes fiers d'être des
Québécois. Nous sommes fiers d'être distincts de l'ensemble
du reste du Canada parce que notre langue, notre culture, nos racines, ont fait
de nous un peuple et non pas une société, parce que nous voyons
grand et que nous avons toujours voulu nous développer dans un esprit
d'ouverture qui fait que nous n'avons pas peur d'avoir une reconnaissance
nationale. Quant à nous, une reconnaissance provinciale n'est pas tout
à fait à la hauteur des aspirations de l'ensemble des
Québécois et des Québécoises.
Je pense qu'il est important de se rappeler cette notion de
reconnaissance nationale pour laquelle nous avons toujours voulu combattre et
nous avons toujours voulu demander davantage de plus grands pouvoirs.
Aujourd'hui, avons-nous de plus grands pouvoirs avec l'entente que nous devrons
signer à la suite de l'accord du lac Meech? Je ne crois pas, Mme la
Présidente. Où sont-ils ces nouveaux pouvoirs sur lesquels on
s'entend, à corps défendant, de l'autre cOté? Ce sont des
pouvoirs qui ont toujours été reconnus antérieurement,
notamment la nomination des juges. Effectivement, nous avons toujours eu droit
à la nomination des trois juges qui représentaient le
Québec. Avons-nous plus de garanties en ce qui concerne
l'interprétation, par exemple de la spécificité du
Québec? Je ne crois pas, Mme la Présidente, que le fait d'avoir
le droit de
choisir les juges nous donne davantage de garanties en ce qui concerne
la reconnaissance de la spécificité du Québec. Pourquoi,
Mme la Présidente, alors que le temps ne nous presse pas, alors qu'il
est possible pour nous de consulter ces juges ne pas leur demander: qu'en
est-il de l'interprétation qu'ils font justement de cette
société distincte? Il serait peut-être important de voir
quelle direction ces mêmes juges prendront pour rendre verdict en ce qui
concerne les interprétations, parce qu'ils auront de plus en plus
à se pencher, parce que ce sera encore plus ambigu et moins clair que
cela ne l'a jamais été pour l'ensemble des
Québébois et des Québécoises, pour la
spécificité, la société distincte du
Québec.
Mme la Présidente, c'est un manque de respect envers les
citoyennes et les citoyens du Québec et cela n'est pas reconnaître
la capacité de faire des choix aux Québécois et aux
Québécoises que de ne pas les consulter sur un sujet aussi
important et d'envergure aussi importante pour leur avenir. Nous nous sommes
fait dire que M. le premier ministre était un bon navigateur. Je peux
vous dire que le premier ministre a habitué les Québécois
à des promesses et, par ces promesses, il leur a monté des
bateaux où il n'y a qu'un noeud et le noeud du problème, c'est le
manque de courage politique du premier ministre qui pense beaucoup plus
à faire plaisir à son électorat anglophone et à
justifier son retour à la vie politique plutôt que de prendre en
considération l'avenir et l'importance de la place que doit occuper le
Québec dans cette constitution et dans cette
confédération.
Mme la Présidente, nous n'avons pas besoin de naviguer en eau
trouble. Je ne le pense pas. Nous avons besoin d'une ligne claire et
précise et vraiment nous attarder davantage à définir un
projet de société à la mesure du peuple
québécois. Nous n'avons pas encore reconnu la volonté de
ce gouvernement de se tracer les lignes importantes qui seraient la
reconnaissance véritable du Québec français en terre
d'Amérique, là où nous sommes menacés de plus en
plus de disparaître si nous n'avons pas les garanties nécessaires
pour faire en sorte que le fait français demeure ici au Canada, sur
l'ensemble du continent nord-américain. Ce serait important. Nous avons
besoin de refaire l'équilibre de nos forces et de redonner vie à
nos racines, à notre culture; en un mot, nous avons besoin de nous
donner vie à nous-mêmes. C'est important pour nous de travailler
à édifier un projet de société cohérent avec
l'âme québécoise.
Mme la Présidente, il aurait été
préférable de se pencher sur les véritables
problèmes pour une reconnaissance de l'ensemble des
Québécois dans tout ce qui a toujours fait leur
spécificité et de favoriser le dépassement pour le peuple
québécois et qu'il puisse vivre pleinement son fonctionnement et
son autonomie québécoise, non pas aller négocier à
rabais et non pas tout simplement une reconnaissance du statu quo à
l'intérieur du Québec et à l'intérieur de la
confédération. Nous méritons une place de choix. Nous ne
méritons pas de nous faire comparer à l'ensemble des provinces,
si petites soient-elles en nombre. Nous faisons partie de ce peuple fondateur
et, si ce n'avait été des francophones et du fait
français, je ne crois pas que le Canada aurait pu avoir le rayonnement
qu'il connaît à l'heure actuelle.
Nous sommes, pour une qrande part, responsables de ce
développement et nous avons droit à cette reconnaissance et
à ce statut particulier que nous réclamons, et nous trouvons plus
que raisonnable dans les circonstances, non pas d'aller négocier avec un
plancher minimum, mais vraiment une reconnaissance des pleins droits, une
reconnaissance linguistique complète en matière de
législation. Nous ne pouvons pas nous réjouir en ce qui concerne
les ententes du lac Meech, parce que les cinq points que nous avons devant nous
n'apportent rien de nouveau et ne donnent aucune garantie en ce qui concerne le
développement des Québécois et de l'autonomie du
Québec. (18 h 10)
Nous formons un des rares groupes homogènes, le peuple
québécois francophone au Québec, en Amérique du
Nord. C'est cela qui est à préserver, Mme la Présidente.
Je pense que nous avons tous les moyens nécessaires pour faire en sorte
que nous ayons une économie qui nous ressemble, une économie qu'a
toujours caractérisée ce côté particulier,
francophone, ce côté qui a fait que nous avons toujours
été, par rapport à l'ensemble du reste du Canada, une
province pas comme les autres, une province au sujet de laquelle on s'est
souvent fait demander ce qu'elle voulait. Nous voulions justement conserver
cette différence, nous voulions démontrer à l'ensemble du
reste du Canada que nous étions capables de nous prendre en main, de
nous orienter et de nous donner des outils de développement culturel,
économique et social.
Nous avons eu et nous avons toujours créé notre propre
originalité, ce qui fait que dans l'ensemble du Canada nous nous sommes
démarqués. C'est cela que nous voulons privilégier et
c'est cela aussi que nous voulons préserver. C'est cette
caractéristique si propre à nous Québécois qui a
fait que nous avons toujours su être des avant-gardistes et que nous
avons su développer des moyens propres à nos aspirations, qui
répondent à l'âme québécoise et qui
répondent aussi de notre devenir.
Sur les plans économique et social, nous
avons eu ce goût de l'innovation. C'est ce même goût
de l'innovation que nous voulons continuer à développer et que
nous voulons continuer à préserver. Pourrons-nous, Mme la
Présidente, avec l'accord, avec cette reconnaissance, conserver cette
même initiative et ce même goût d'innovation? J'en doute, car
il faudra, pour avoir la pleine compensation, s'imbriquer dans des programmes
dits nationaux, c'est-à-dire des programmes qui correspondent à
l'ensemble des provinces, parce que, en dehors de cela, nous ne pourrons pas
avoir en retour finalement cette compensation financière.
Serons-nous toujours à la merci des choix des autres provinces?
Je crois qu'il y a là encore une grande interrogation, parce qu'on n'a
aucune garantie de pouvoir faire nos propres choix à l'intérieur
de cette entente constitutionnelle. Je pense que c'est très dommage et
c'est faire un accroc à tout ce qui a toujours été la
spécificité des Québécois, parce que nous ne sommes
pas comme les autres et nous ne serons jamais comme les autres. Nous avons ce
qui est en nous pour faire notre différence et nous avons en nous les
éléments essentiels qui ont toujours été si
importants pour notre développement.
Mme la Présidente, le pouvoir de dépenser n'est pas la
trouvaille du siècle. Il n'est pas ce que le Québec attendait
pour lui permettre de se développer davantage et de se développer
dans la modernité que nous trouvons si importante et si essentielle
à l'heure actuelle et aussi, dans les programmes d'aide sociale que nous
croyons propres à nos besoins, propres aux besoins de la population des
Québécois et des Québécoises. Qu'en adviendra-t-il
alors que nous serons dans ces ententes? Nous devrons nous soumettre à
la règle du nombre. Je ne crois pas que nous allons représenter
la règle du nombre. À ce moment, quelles sont les garanties que
nos programmes spécifiques à nous du Québec pourront avoir
l'avantage par rapport à l'ensemble des autres programmes? Aucune
garantie, Mme la Présidente. Encore là, on nous demande de signer
sans poser de questions, sans s'interroger et de faire confiance à ce
capitaine de bateau qui est habitué à nous donner des
réponses claires-obscures et qui est prêt à renoncer
à une signature et qui a de la difficulté dans bien des cas
à honorer sa signature.
Je vois sourciller le ministre des Finances. Mais, Mme la
Présidente, je pourrai vous donner un exemple où le premier
ministre a de la difficulté à honorer sa signature. Je n'ai
qu'à relever le cas de l'Institut Doréa où les gens ont
manifesté devant l'Assemblée nationale pendant je ne sais combien
de jours pour dire à M. Bourassa: Ne vous rendez-vous pas compte de ce
que vous signez, parce que vous avez signé une pétition pour
maintenir intégrale- ment l'Institut Doréa? Finalement, non,
répond M. le premier ministre. J'ai l'impression qu'à
l'époque il était tout simplement candidat à la chefferie
et candidat comme la plupart d'entre nous ici au moment de la période
électorale. Et M. Bourassa avait signé la pétition
à ce moment, je pense, sans se rendre compte des conséquences de
son geste. Depuis qu'il est premier ministre, il est revenu sur sa signature.
Il a de la difficulté parce que à partir d'aujourd'hui,
l'Institut Doréa a fermé une unité, a fermé un
département et l'Institut Doréa devra faire des mises à
pied. C'est ça, finalement la parole et l'engagement du premier
ministre. C'est pour cela qu'on dit: c'est important, finalement, de
s'attarder. Il arrive, quelquefois, que le premier ministre... Je ne sais pas
si c'est par enthousiasme ou parce que tout ce qui se trouve sur son passage
l'emballe ou parce qu'il trouve que tout mérite une signature. Mais,
à mon avis, je pense que pour apposer sa signature, il faut
considérer les conséquences de cette signature et s'apercevoir,
en bout de la ligne, que les gens ont des attentes à la suite de cette
même signature.
Encore là, aucune garantie. Tout sent quelque chose de
précipité. Nous n'avons pas raison de nous précipiter. Je
pense que nous devons prendre le temps pour faire l'analyse nécessaire
et vraiment d'attendre aussi que les autres provinces se prononcent
là-dessus parce que ce n'est pas à nous de leur dire:
Écoutez, c'est ça qu'on veut et là on va se contenter de
cela. Finalement, on n'a pas besoin de plus. Je pense qu'il est important que
nous prenions, nous, en fait, les occasions qui se présentent pour
favoriser les discussions, favoriser les prises de position, que ce soit pour
ou contre, mais, enfin, qu'on puisse dire: le débat a été
fait clairement, les gens ont eu l'occasion de se prononcer à quelque
niveau que ce soit. Ce que les experts ont pu dire en 35 heures de commission
parlementaire, qu'on permette aussi à ceux qu'on appelle les gens du
peuple de s'exprimer là-dessus, qu'on fasse confiance à leur
maturité, à leur bon sens.
Je crois, moi, au bon sens de la population. Je crois aussi à la
maturité du peuple québécois. Je pense que, lorsqu'on
s'adresse à eux, ils peuvent comprendre largement parce qu'ils sont
soucieux de leur avenir. Ils sont soucieux aussi des droits qu'on leur a
toujours reconnus. Mais, ils sont surtout soucieux du maintien et du respect de
leur langue et de leurs racines qui sont les éléments les plus
chers pour eux, pour leurs enfants et pour leurs descendants. Ces
éléments demeureront toujours, pour eux, un souci et une
préoccupation constante. Ils demanderont à qui que ce soit
à l'intérieur de ce parlement de les défendre le plus
énergiquement possible pour leur permettre,
encore une fois, de porter la tête très haute, qu'ils
puissent, avec fierté, parler la langue que leurs ancêtres leur
ont transmise, qu'à leur tour, ils la transmettent à leurs
enfants et, que de génération en génération, nous
puissions avoir la fierté d'avoir une langue riche et une langue
internationale, une langue qui pourra faire l'objet d'une fierté qui
n'aura pas de fin.
Mme la Présidente, je vous remercie et j'espère que cette
motion, en tout cas, sera plus qu'une motion d'urgence, qu'au-delà des
mots et des sens vides, quelquefois, on puisse faire un véritable
débat et que l'ensemble de la population québécoise puisse
se pencher, non pas dans une période de vacances où les gens ont
mérité largement leurs vacances après une année de
travail ou une année scolaire, mais au retour, lorsque les gens ont les
idées plus claires, plus arrêtées, moins ombrageuses par
des journées de labeur. Il faut que les gens puissent
véritablement se pencher avec sérénité sur la
question, qu'ils puissent se pencher sur les enjeux et sur leur avenir. Mme la
Présidente, je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. Mme la députée de Matane.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: Merci, Mme la Présidente. J'ai grand
plaisir aujourd'hui à participer un tant soit peu à ce
débat historique. Débat historique car depuis 120 ans, c'est la
première fois que le caractère distinct du Québec est
reconnu officiellement. Dans la constitution de 1867, certains articles
consacrent la spécificité du droit civil du Québec comme
les articles 94 et 98. Pour le reste, on parle d'une stipulation de la
spécificité dans le préambule. Remarquez que c'est
déjà quelque chose d'en parler dans le préambule. Mais
là où nous sommes gagnants, c'est que le caractère
distinct du Québec est officialisé dans l'article 2 de la loi de
1867, donc inclus dans la constitution. Cela est une place de choix et c'est un
gain pour le Québec. (18 h 20)
Je voudrais vous dire que le thème proposé cette
année pour notre fête nationale du 24 juin, dans quelques jours,
d'ailleurs, c'est "Le Québec, une culture à développer".
Une culture à développer, c'est se reconnaître comme
peuple, comme société, c'est assumer son héritage, mais
c'est aussi projeter son avenir. Et, en tant que peuple, nous devons être
fiers qu'ici, à l'Assemblée nationale, se déroule, en ce
moment, ce débat historique sur, justement, l'avenir du Québec,
un avenir projeté à l'intérieur de la
fédération du Canada.
Une culture à développer, c'est aussi une
sécurité culturelle à garantir; cette
sécurité culturelle se trouve garantie par le gain touchant
l'immigration. En effet, le Québec contrôlera la sélection,
l'intégration et la quantité d'immigrants requise pour les
raisons démographiques de son choix. On obtient la garantie que le
nombre d'immigrants chez nous sera proportionnel à notre population,
plus 5 % La protection, elle est adéquate. C'est une revendication
traditionnelle au Québec qui est enfin satisfaite.
Le député de Shefford nous accuse d'aller contre la
volonté de la population. La population s'est prononcée le 20 mai
1980 au Québec; elle s'est prononcée contre l'indépendance
du Québec. C'est cela, la démocratie. Quand le Québec nous
a élus le 2 décembre 1985, il était au courant des cinq
points que le Parti libéral avait dans son programme, cinq conditions
minimales dont l'acceptation permettrait de normaliser la situation du
Québec. Ces cinq conditions sont les suivantes: premièrement, la
reconnaissance du Québec comme société distincte. Nous
l'avons dans l'article 2 de la constitution. Deuxièmement, des pouvoirs
accrus en immigration et nous les avons, je les ai
énumérés tout à l'heure. Troisièmement, la
limitation du pouvoir de dépenser du fédéral, nous l'avons
aussi, nous avons même la possibilité de refuser des programmes
fédéraux sans encourir de pénalité
financière; le Québec retrouve ainsi sa marge de manoeuvre dans
ses champs de compétence et il a le droit au retrait avec compensation;
le Québec retrouve sa capacité de faire les choix qu'il estime
les plus aptes à satisfaire les besoins et les exigences de la
société distincte que nous sommes; c'est un gain!
Quatrièmement, une formule d'amendement de la constitution avec droit de
veto. Le Québec, oui, retrouve des droits historiques qui avaient
été perdus. L'on retrouve un droit de veto abandonné par
le gouvernement péquiste le 16 avril 1981; c'est un gain!
Cinquièmement, la nomination des juges de la Cour suprême;
l'entente du 3 juin 1987, l'entente du lac Meech, constitue une étape
essentielle pour pouvoir continuer de progresser à l'intérieur du
Canada.
L'Opposition est contre et c'est normal, ce sont des
indépendantistes, enfin ils l'étaient, je ne sais pas s'ils le
sont encore. J'oserais presque dire que l'Opposition péquiste est
jalouse, oui, elle l'est de nos réalisations en tant que gouvernement
pour le Québec; elle est jalouse même de notre chef, je dirais, le
premier ministre, M. Bourassa, car ce n'est pas leur chef qui a
concrétisé l'affirmation nationale pour le Québec, c'est
nous, notre chef, le premier ministre du Québec qui a
concrétisé l'affirmation nationale pour le Québec. C'est
dur à avaler pour l'Opposition et c'est cela, leur jalousie. C'est nous
qui avons concrétisé l'affirmation nationale du Québec
à
l'intérieur du Canada.
La députée de Maisonneuve, tout à l'heure comparait
la province de Québec à une vieille fiancée qui,
après avoir essuyé plusieurs refus, a peur de rester sur le
carreau et je la cite: "Le chef du gouvernement me donne l'impression d'avoir
peur de rester sur le carreau comme une vieille fiancée qui regrette
d'avoir trop souvent dit non et qui est prête à dire oui, à
dire oui à n'importe qui, même pour un moins bon parti." Elle
continue en disant: "Ce qu'il faut constater c'est que le prétendant se
fait tirer l'oreille et que la fiancée commence à avoir la
crainte d'être abandonnée. Elle voudrait devancer la
cérémonie."
Mme la Présidente, je suis gênée pour la
députée de Maisonneuve qui a une très piètre estime
de la femme. J'ai une tante qui a dit non plusieurs fois. Et elle a dit non
parce que le parti n'était pas bon, le prétendant n'était
pas bon. Le jour où elle a dit oui ce n'est pas parce qu'elle avait peur
d'être abandonnée comme dit la députée de
Maisonneuve, c'est parce que le parti avait de l'allure, le prétendant
avait de l'allure. C'est parce qu'elle a été une femme digne
qu'elle a dit oui, alors. C'est ce nous avons fait. Nous avons dit oui, la
province de Québec a dit oui non pas par peur d'être
abandonnée, non pas par peur de rester sur le carreau, mais parce que
c'était une entente réalisable et efficace pour tous les
Québécois d'entrer dans la constitution du Canada. Voilà,
Mme la Présidente.
Le député de Lac-Saint-Jean dit et je cite: "Le
gouvernement profite de l'indifférence de la population à
l'égard des complexes questions constitutionnelles." Mme la
Présidente, je vais vous lire une lettre que j'ai reçue d'un de
mes concitoyens de Saint-Joachim-de-Tourelle, c'est vraiment dans la
péninsule de la Gaspésie. Cela m'est adressé à moi,
Claire-Hélène Hovington, députée de Matane,
Assemblée nationale. C'est marqué: Objet: L'entente survenue au
lac Meech et je vais vous lire la lettre pour démontrer que ce n'est pas
par indifférence de la population. "Chère députée,
sincères remerciements pour votre beau travail que vous avez accompli au
lac Meech le 30 avril dernier et félicitations. "Je considère que
le premier ministre de notre province fait du bon travail et vous de même
pour notre comté. "Avec l'expression de mes meilleurs sentiments, ceux
de ma famille et ceux de nos amis. Encore une fois, merci et au revoir et vous
pouvez compter sur ma collaboration." C'est signé: Germain Therrien, de
Saint-Joachim-de-Tourelle. C'est un témoignage, c'est un
Gaspésien pure laine faisant partie de cette population soit disant
silencieuse et indifférente, selon l'Opposition toujours. En fait,
l'Opposition a peur. Je vais vous lire dans Le Quotidien, le journal de
Chicoutimi, le 6 mai 1987 où on peut lire sous la plume de Bertrand
Tremblay: "Dans l'immédiat, l'entente du lac Meech s'avère la
plus grande menace du Parti québécois car elle annonce
l'avènement de la souveraineté des provinces". Vous voyez! Alors
c'est de cela que le Parti québécois a peur. C'est une excellente
entente. Les cinq conditions du gouvernement libéral sont
respectées. Le moment est opportun car le PQ a perdu la confiance des
Québécois. Le Québec est mûr pour
réintégrer la fédération canadienne avec un nouveau
climat de confiance favorisé par le gouvernement libéral. La
sécurité culturelle est garantie. La prospérité
économique est assurée. Le processus démocratique est
respecté aussi. Plus de 55 heures de débat en commission
parlementaire comparativement à 46 heures en 1981. 35 heures maintenant
de débat constitutionnel, comme en 1980, lors du
référendum.
Je suis très fière de participer comme
Québécoise à ce débat historique. En fait, comme
disait le premier ministre, à l'une des plus fortes
démonstrations de patriotisme éclairé que nous avons eue
à l'Assemblée nationale dans toute son histoire. Je suis
convaincue que ma fierté est partagée par vous tous ici. Je
souhaite donc que notre fête nationale, qui s'en vient dans quelques
jours, soit marquée de cette fierté, fierté d'être
Québécois, fierté d'être maintenant reconnus
officiellement comme société distincte. Merci, Mme la
Présidente. (18 h 30)
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Matane.
M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, j'ai écouté de
mon bureau les discours qui ont eu lieu cet après-midi et j'ai compris
pourquoi le chef du Parti libéral a décidé que les
députés ministériels ne prendraient pas plus de dix
minutes. Il s'est dit: Dans dix minutes, si on ne leur prépare pas leurs
discours, ils vont être capables de déborder et de dire des choses
épouvantables. De la sorte, alors qu'il s'est négocié 17
heures et 30 minutes de chaque côté de la Chambre et que chaque
député pourrait avoir beaucoup de temps, aujourd'hui on voit que
les députés du Parti libéral ne parlent pas plus que dix
minutes et, finalement, qu'ils ne prendront pas leurs 17 heures et 30 minutes
parce que le premier ministre n'a pas confiance.
J'ai écouté la députée de Matane. Je lui
conseillerais d'ouvrir une agence matrimoniale où elle serait plus
à l'aise que dans une constitution. Une constitution, c'est
essentiellement un contrat et, même quand
les conjoints sont très amoureux, le code prévoit qu'il ne
faut pas faire confiance et, s'ils sont tellement amoureux qu'ils oublient de
faire un contrat, le Parlement a fait un contrat à leur place, justement
parce qu'il ne faut pas faire confiance.
J'entends les députés libéraux dire: II y aura dix
provinces et le fédéral, il faut faire confiance. Il y a 25 000
000 de Canadiens, il faut faire confiance. Parce que, dans ce qui est
indiqué, rien n'est précis, il faut faire confiance. Pourtant,
c'est le Parlement, c'est l'Assemblée nationale qui, dans le cas du
mariage, si les amoureux ont oublié de faire un contrat, a pris la peine
de préciser, imaginez-vous entre deux conjoints seulement qui se marient
parce qu'ils s'aiment. Imaginez-vous, quand on a dix provinces et le
gouvernement fédéral qui ne se sont jamais entendus depuis des
générations, des députés naïfs du Parti
libéral nous disent: II faut faire confiance. Imaginez-vous donc, Mme la
Présidente!
Et plus que cela, après s'être fait organiser depuis plus
de 200 ans, on est les premiers à faire un débat
prétendument d'urgence, à la veille de la Saint-Jean-Baptiste,
alors que la plupart des députés sont partis. Grosse urgence,
grande importance pour le premier ministre, ce matamore nouveau,
accompagné de Tarzan Rémillard...
Des voix: Ha! ha! ha!
M. Garon: ...courant d'une liane à l'autre dans cette
forêt canadienne, dans un nouvel oecuménisme. Avez-vous
déjà vu ça? Cette urgence nationale! Il n'y a pas un
Parlement actuellement qui discute la question constitutionnelle et nous, on
est en urgence nationale. Il fallait que ce soit immédiatement, alors
que l'Ontario et le gouvernement fédéral eux-mêmes ont
promis qu'ils consulteraient. Le fédéral va consulter de bord en
bord du Canada. L'Ontario va consulter parce que le gouvernement ontarien,
comme d'habitude, souhaite se faire dire non par sa population.
Nous, M. le Président, on est vide. Pas de consultation sur le
texte juridique. Ailleurs dans le monde, la plupart des constitutions sont
précédées d'un référendum où le
peuple doit se prononcer. Ici, on ne veut même pas lui demander son
opinion, d'aucune façon, même pas par consultation. Aucune
consultation, alors que dans la plupart des pays du monde une constitution est
établie par un référendum national après un mois,
deux mois, trois mois de discussions de bord en bord du pays où
ça devient le principal sujet de discussion. Ici, on traite la
constitution comme si c'était une maladie honteuse. On en discute
habituellement la nuit, loin de tout, pour que le monde ne sache pas ce qui se
passe. On en traite comme d'une maladie honteuse.
La constitution canadienne a été depuis 30 ans
discutée de nuit tout le temps. Qu'il s'agisse de 1981, de 1982, et,
récemment, dans les semaines qui viennent de passer, la nuit, comme si
on n'était pas capable de parler d'un contrat national ou d'un contrat
constitutionnel autrement que la nuit, autrement qu'en escamotant les
débats, comme si on avait honte. Oui, la vraie raison, c'est que les
députés ministériels, le Parti libéral ont honte et
ne veulent pas de débat; c'est pourquoi ils l'escamotent. Alors que
trois ans de débats peuvent s'écouler, ici il n'y aura pas eu de
débat. On aura empêché le débat.
C'est ce même premier ministre qu'on a connu de 1974 à 1976
qui a fini dans la honte, justement, parce qu'il n'était jamais capable
de faire face aux situations. C'est cela, la honte d'un premier ministre qui
n'a pas le courage d'aller voir la population, qui n'aime pas voir la
population, qui se cache le plus possible parce qu'il sait que personne dans le
Québec ne pense qu'il est un matamore. Personne dans le Québec ne
croit que M. Robert Bourassa est un matamore. Personne ne pense que M. Robert
Bourassa est capable de négocier avec neuf provinces au Canada et le
gouvernement fédéral et de les avoir. Tout le monde sait que, au
contraire, c'est un homme mou qui, habituellement, se fait rentrer dedans.
Des voix: Ha! Ha!
M. Garon: Personne ne pense que M. Robert Bourassa est capable de
donner un grand coup de poing sur la table autrement qu'en se faisant mal aux
mains. Non, Mme la Présidente, actuellement, il y a un rapport de forces
et on a décidé de le faire disparaître. Parce que le
Québec n'avait pas signé, parce que le Québec
n'était pas partie, le Québec pouvait négocier et discuter
pour essayer d'établir un rapport de forces pour obtenir des pouvoirs
accrus.
Quand le premier ministre du Canada, M. Trudeau, avait dit, au moment du
référendum, qu'un non voulait dire un oui, tout le monde avait
compris, sans exception, qu'il s'agissait de pouvoirs additionnels. Or, dans le
document qui vient d'être signé par le premier ministre du
Québec, il n'y a aucun pouvoir additionnel. En plus, on fait
disparaître le rapport de forces que le Québec avait par le fait
de ne pas avoir signé. Il pouvait dire: Je ne signerai pas tant que ce
ne sera pas satisfaisant.
Au contraire, ici au Canada, on est trop lâche pour faire une
constitution décidée par les élus, essentiellement parce
qu'on n'est pas capable de discuter des grands problèmes, on n'est pas
capable de discuter des vraies questions, on n'est pas capable de faire autre
chose qu'envoyer la poussière en dessous du tapis. On n'est
jamais capable de discuter des vraies questions pour arriver à
des vraies réponses, à des vraies solutions, et on se retrouve
toujours dans la même situation où on réussit à
écrire des textes qui ne veulent rien dire ou bien qui ne règlent
rien ou bien qui mènent à des chicanes. C'est parce qu'on est
trop lâches, comme élus, pour régler ces questions. On dit:
On ira devant les tribunaux et ils régleront cela. Cela, c'est la
solution lâche.
Dans la plupart des peuples du monde, on établit des textes
clairs, une constitution claire qu'on débat devant la population et,
ensuite, après des consultations, on fait des changements, on va en
référendum pour faire ratifier le tout par le peuple. Mais ici,
loin de là! On ne veut pas que le peuple ait à se prononcer et le
peuple n'a jamais eu à se prononcer sur la constitution canadienne.
Jamais, dans toute son histoire, le peuple canadien n'a pu se prononcer sur sa
constitution! Pourquoi? Parce que les élus -je le dis - sont trop
lâches pour faire face aux situations, trop lâches pour trancher
les questions, de sorte que, actuellement, tout le monde interprète les
textes à sa façon.
M. le Président, on va voir quelques interprétations. Ici,
le premier ministre matamore nous conte des histoires accompagné de son
Tarzan, mais voici ce que dit le Canada anglais: "Le sénateur Lowell
Murray, ministre d'État aux Relations
fédérales-provinciales...
La Vice-Présidente: M. le député, je
m'excuse. Je demanderais la collaboration de cette Chambre.
Présentement, c'est le député de Lévis qui a la
parole et, si vous ne partagez pas son opinion, vous pouvez toujours revenir
par la suite. M. le député de Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, cela ne me dérange pas
beaucoup d'entendre les cris de députés que personne ne
connaît et qui crient dans cette Chambre, et dont ce sera le seul
rôle au cours de ce mandat, et qui repartiront de cette Chambre sans que
personne ne les connaisse davantage.
La Vice-Présidente: M. le député de
Lévis, je vous demanderais de continuer.
M. Garon: Mme la Présidente, je vous dirai que le
sénateur Lowell Murray, ministre d'État aux Relations
fédérales-provinciales, déclarait, le 17 juin 1987, au
Sénat, concernant cette entente: "La minorité anglophone du
Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant
l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les
onze gouvernements se sont engagé à protéger ce que
j'appellerais la dualité linguistique de ce pays."
(18 h 40)
Aucune protection pour le français; au contraire, on a
protégé la minorité anglophone. Ce sera cela, la
société distincte. On verra qu'avec le temps la
société distincte ce sera établi par les tribunaux que
c'est la seule minorité anglophone dans toute l'Amérique du Nord.
Cela fait que la minorité anglophone du Québec devra être
protégée et ce sera là le résultat de l'accord
constitutionnel. On le verra dans l'avenir, à tel point - j'en parlerai
tout à l'heure - que le premier ministre a jugé important de
mettre une clause de sauvegarde et on verra le résultat que cela
donne.
Ian Scott, le Procureur général de l'Ontario, disait dans
le Toronto Star du 20 mai 1987: "L'entente du lac Meech donne pour la
première fois au gouvernement fédéral le droit
constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction
provinciale." Un autre pas bon, j'imagine, pour Tarzan, alors que le Procureur
général, celui qui interprète les lois en Ontario, dit: On
vient de donner un droit constitutionnel au gouvernement fédéral
d'intervenir dans des domaines de juridiction provinciale. C'est bon. En voici
un autre, le Globe and Mail, le 25 avril 1987, un journal de Toronto. Cela doit
être bon, puisque l'on trouve bon qu'ils viennent acheter nos journaux
d'ici. Que disent-ils à Toronto? "Jamais, de mémoire
récente, le Québec n'a-t-il demandé si peu en
échange de sa signature de l'accord constitutionnel de 1982 et de son
retour dans la confédération." Jamais le Québec n'a si peu
demandé. Le Globe and Mail écrit pour les gens de l'Ontario. Il
leur dit: Jamais, le Québec n'a été si peu exigeant.
Jamais, il n'a si peu demandé.
Le sénateur Lowell Murray, le 5 mai 1987, disait au Sénat:
"Ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue à
l'émission "Question Period" à l'antenne de CTV, c'est que cette
disposition (la clause de la société distincte) ne va en rien
modifier la répartition des pouvoirs; qu'elle ne vise pas à le
faire et que personne n'a prétendu qu'elle le ferait." Personnel Cela
inclut le premier ministre du Québec. Elle ne change en aucune
façon les pouvoirs, dit-il. Ian Scott, Procureur général
de l'Ontario, dans le Toronto Star du 6 mai 1987, dit: "L'accord du lac Meech
renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur
pied de nouveaux programmes sociaux... Le pouvoir de dépenser n'est pas
sanctionné dans la constitution; maintenant, il le sera: dans ce sens,
cette description formelle, une première, est à l'avantage
d'Ottawa."
Un autre qui dit que ce sera à l'avantage d'Ottawa, parce que,
pour les Canadiens anglais, il n'y a pas de différence entre le
gouvernement d'une province et le gouvernement d'Ottawa. Pour eux, c'est
leur
gouvernement anglais. Point. David Peterson, premier ministre de
l'Ontario, dit dans le Globe and Mail du 16 mai 1987: "...Ce sont les
tribunaux qui définiront le concept de "société distincte"
du Québec... L'impact de cette reconnaissance dépendra largement
des interprétations judiciaires et de l'évolution des
circonstances..." Voyez-vous, rien de clair ni rien de précis, sauf que
tout ce qui est clair et précis va dans le sens de pouvoirs accrus pour
le gouvernement fédéral.
Après, on va venir se gargariser, on va venir nous dire qu'il
faut faire confiance, alors que la constitution, c'est le contrat le plus
important qu'il peut y avoir ici. On dit: II n'y a pas de problème. Il
n'y a rien de précis. Les tribunaux s'occuperont de cela. Est-ce cela,
le rôle des élus qui ont été élus, justement,
pour représenter le peuple et faire en sorte que les choses soient
établies d'une façon claire, comme dans un contrat très
important qu'est une constitution?
Mme la Présidente, j'ai dit tout à l'heure que, dans le
mariage, les choses sont établies clairement par les conjoints. Ceux-ci
passent devant un notaire et discutent clairement de ce qu'ils veulent faire
et, s'ils ne le font pas, la loi prévoit quel régime juridique
s'appliquera à eux. J'aimerais savoir quels sont les
députés dans cette Chambre qui ont assez fait confiance à
leur femme pour ne pas faire de contrat. La plupart d'entre eux ont dû
faire un contrat, parce qu'autrefois c'était comme cela. Combien de
femmes dans cette Chambre ont assez fait confiance à leur mari pour
faire en sorte qu'il n'y ait pas de contrat de mariage? Combien? Personne.
Quand ils ne l'ont pas fait volontairement, c'est parce qu'ils souhaitaient que
ce soit le code qui s'applique et, quand ils ne l'ont pas fait par erreur, par
inadvertance ou par ignorance, la loi prévoit qu'ils en ont un contrat,
c'est celui du Code civil. Quel est celui dans cette Chambre qui vend sa maison
sans faire de contrat? Est-ce que le député de
Louis-Hébert, quand il fait quelque chose, prend un contrat pour ne
laisser rien dans le contrat et dit: On va faire confiance, on verra cela plus
tard?
Au contraire, une constitution, c'est là pour établir les
règles du jeu, pas pour dire: Ce n'est pas clair, on ne sait pas au
juste, les tribunaux décideront. Rien ne va mener plus à la
chicane qu'une constitution qui n'est pas claire, où tout le monde donne
son interprétation. C'est cela qu'on voit à l'heure actuelle, des
interprétations divergentes, différentes parce que rien n'est
précisé, rien n'est clair. C'est pour cela qu'on entend des
discussions naïves où on dit: II faut faire confiance. Qu'est-ce
que c'est que cette affaire?
La meilleure entente qu'on puisse faire, c'est une constitution
précise, déterminée, déterminante, où
chacune des parties est satisfaite. Actuellement, les parties se pensent
satisfaites, se disent satisfaites parce qu'elles interprètent le texte,
chacune de façon différente. Chacune dit que cela veut dire une
chose contraire à ce que dit l'autre. Les gens des autres provinces, des
provinces anglaises, sont satisfaits parce qu'ils pensent que tout est en leur
faveur, parce qu'ils disent clairement: C'est le fédéral qui va
avoir le plus de pouvoirs, c'est le Canada anglais qui va avoir le plus de
pouvoirs tandis qu'ici matamore et Tarzan nous disent qu'ils ont réussi
à organiser tous ces gens.
La Vice-Présidente: M. le député de
Lévis, j'aimerais peut-être vos rappeler l'article 35.1 qui dit
bien que le député qui a la parole ne peut désiqner le
président ou un député autrement que par son titre.
J'aimerais qu'à l'avenir vous les désigniez par leur titre.
M. Garon: Mme la Présidente, je peux dire le matamore du
comté de Saint-Laurent ou le Tarzan du comté de Jean-Talon.
La Vice-Présidente: M. le député, je
comprends que vous êtes un homme de loi. Vous devez savoir qu'on ne peut
pas faire indirectement ce qu'on ne peut faire directement. M. le
député, vous pouvez continuer.
M. Garon: Mme la Présidente, vous voyez. Vous-même,
vous n'y croyez pas parce que dire qu'un député est un matamore,
ce n'est pas péjoratif, sauf si vous n'y croyez pas. Il n'y a rien de
péjoratif à dire qu'un député est un Tarzan, sauf
que vous considérez cela comme une farce parce que vous savez que ce
n'est pas possible. Autrement, si c'étaient vraiment des matamores et
des Tarzans, ce serait glorieux. Les gens diraient: On est défendu par
des surhommes. Au contraire, à sa face même, vous n'y croyez pas.
Vous n'y croyez pas et la population du Québec ne croira pas à
cela.
Mme la Présidente, on a parlé de société
distincte. On voit qu'on n'a rien défini jusqu'à ce qu'il y ait
une commission parlementaire en cette Chambre, ici, à l'Assemblée
nationale. Il y a eu une commission parlementaire et le premier ministre a
senti que cette société distincte pourrait déraper vers
une société qui serait distincte du fait qu'il y a une
minorité anglophone en Amérique du Nord.
Il a fait ajouter un bout, le nouveau paragraphe 4 qui dit que la notion
de société distincte "n'a pas pour effet de déroger aux
pouvoirs, droits ou privilèges" - parce que c'est lui qui a
insisté - maintenant c'est tout au plus le statu quo parce qu'il s'est
aperçu que la notion de société distincte, telle qu'elle
pourrait être interprétée, pourrait jouer contre le
Québec, non seulement ne rien lui donner, mais jouer contre le
Québec.
II a dit: Je vais mettre quelque chose de plus. Imaginez-vous!
Là, il nous garantit le statu quo. Il essaie de nous garantir le statu
quo comme quelqu'un qui dirait: Victoire! Je n'ai rien perdu!
Mme la Présidente, ce n'est pas cela que les
Québécois recherchaient. J'ai entendu la députée de
Matane nous dire: On a eu à la Cour suprême ce qu'on voulait. On
va pouvoir proposer trois juges sur neuf. Qu'est-ce que cela va nous donner de
les proposer, même de les nommer si nous voulons, quand ceux des autres
provinces, seront six? Parce qu'essentiellement une constitution où nous
en avons trois sur neuf est une constitution où les tribunaux
supérieurs vont devoir interpréter. Dans ce tribunal
suprême qui va interpréter cette constitution, nous serons
minoritaires. Ce n'est pas une constitution égalitaire. C'est une
constitution où, à la Cour suprême, il y aura trois juges
du Québec et six du reste du Canada. À ce moment, on pense que
les droits vont être interprétés en fonction du
français. Naïveté! Tous les premiers ministres
antérieurs ont dit que la Cour suprême était une tour qui
penchait toujours du même côté, comme la tour de Pise, et ce
n'était jamais de notre côté. (18 h 50)
Aujourd'hui, la députée de Matane nous dit, parce qu'elle
a reçu une lettre - Beau témoignage, j'allais dire beau risque:
une lettre! - Je m'assois sur ma lettre et je lui fais confiance. Voyons donc!
Une lettre! Qu'est-ce que c'est que cela, M. le Président? Pour une
constitution. Trois juges sur neuf, un sur trois. Et on dit qu'on est heureux
et qu'on va remettre cela aux tribunaux qui vont trancher. Un sur trois. On ne
pourra jamais gagner dans l'interprétation comme on n'a jamais
gagné dans le passé. La loi 101 a été
démantibulée en grande partie, justement, par cette Cour
suprême. La loi 101 n'est plus celle du début avec toute
l'interprétation qu'a donnée la Cour suprême dans
différents cas parce qu'elle a tranché d'une façon
constante et permanente contre le Québec, contre le français au
Québec. Nos libéraux, ces gens perspicaces, ces prophètes
de l'avenir ont décidé de faire une constitution pas claire
où ils s'en remettraient à la Cour suprême du Canada. Et la
députée de Matane dit: Grande victoire!
M. le Président, tout repose là-dedans. Quand le
député de Jean-Talon a dit: Les tribunaux interpréteront,
il a décidé de donner le Québec en otage à neuf
juges de la Cour suprême où nous sommes minoritaires, où
nous sommes trois sur neuf. Le reste, c'est du placotage parce
qu'essentiellement ce sont les tribunaux qui vont décider, un tribunal
de la Cour suprême du Canada où il y a deux fois plus
d'anglophones que de francophones, deux fois plus de
non-Québécois que de Québécois. À six contre
trois, on gagne rarement, on ne gagne jamais. C'est ce qui s'est passé.
Ce qu'on a négocié, c'est la pérennité de notre
statut de minoritaires dans la Cour suprême du Canada. C'est ce que les
libéraux ont négocié.
Quand j'entends qu'on a gagné quelque chose dans l'immigration,
imaginez-vous, dans le "BNA Act", dans l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, l'immigration était déjà une juridiction
concurrente du fédéral et du Québec. Il y a dix ans, il y
a eu une entente entre le ministre fédéral M. Cullen et le
ministre québécois, M. Couture, au début du premier mandat
du Parti québécois. Les négociateurs n'ont rien obtenu de
plus que la ratification de cette entente faite il y a dix ans. Ils n'ont rien
obtenu de plus. Qu'on arrête de se conter des histoires pour essayer de
bourrer la population! J'appelle cela la mentalité du tramway.
Avançons par en arrière. C'est cela, la philosophie du Parti
libéral. C'est pour cela qu'ils ne veulent pas aller devant la
population.
C'est pour cela que, dans les trois ans qui viennent, au lieu de prendre
les trois ans pour discuter avec la population et faire en sorte que les gens
soient d'accord ou ne soient pas d'accord, ils ont refusé cette partie
du débat, ils ont refusé d'aller devant la population.
Mme la Présidente, M. le Président, excusez, cela change
souvent, la présidence trouve les députés
ministériels fatigants, alors les présidents doivent se relayer.
M. le Président, les libéraux ne veulent pas plus de pouvoirs
pour le Québec. Les libéraux ont décidé qu'ils
aimaient mieux que ce soit Toronto, Winnipeg, Vancouver, Halifax qui
décident. Ils ont décidé que ça ne pourrait pas
être Québec qui décide en matière de
français. Ils ont décidé qu'en matière
d'immigration on ne pouvait pas avoir les pleines juridictions, qu'en
matière de langue, on n'aurait pas les pleines juridictions, qu'il n'y
aurait pas plus de pouvoirs pour le Québec, qu'il n'y aurait pas un
tribunal égalitaire. Ils ont choisi qu'on soit minoritaires
définitivement d'une façon permanente dans un texte qu'ils ont
endossé, appuyé.
M. le Président, je sais pourquoi le premier ministre a voulu
faire le débat immédiatement. Il se dit qu'en le faisant
immédiatement il ne court pas le risque que la population le fasse
changer d'idée comme à Victoria, parce qu'à Victoria il
s'était engagé, mais il a reculé, parce que la population
s'est prononcée. Aujourd'hui, ce qu'il demande va encore moins loin que
Victoria. Aujourd'hui, il sait que, si la population s'en mêle, cela ne
passera pas. Sauf que, même en faisant ce débat
prétendument d'urgence avant le temps alors qu'il a trois ans pour le
faire, le débat va
continuer ailleurs. Les gens ailleurs vont commencer à dire ce
que cela veut dire le texte. Je vais vous dire que la population du
Québec va avoir, elle aussi, trois ans pour répondre à ce
Parlement qui n'a pas voulu la mettre dans le coup.
La population du Québec ne permettra pas qu'on lui fasse une
constitution sur laquelle elle n'a pas un mot à dire, sur laquelle elle
n'est pas consultée et sur laquelle on fait un faux débat
d'urgence, un peu avant l'ajournement qui devait se faire ce soir. On a appris
avant-hier que ça continuerait parce que le premier ministre voulait
faire un débat d'urgence par surprise pour une constitution.
C'est un viol, un viol du peuple québécois qui avait le
droit de dire quelque chose; il n'avait pas d'affaire à se faire
"garrocher" une constitution pour laquelle il n'a donné aucun
consentement. S'il y a quelque chose, je dis qu'on viole le peuple
québécois. Le peuple québécois a le droit de dire
s'il est d'accord ou s'il n'est pas d'accord, de donner son opinion et
d'être consulté. Il n'y a pas un pays au monde où on
établit ces constitutions autrement que de cette façon.
Peut-être au Chili avec M. Pinochet, peut-être dans certains
endroits comme cela où la démocratie ne veut rien dire, mais il
n'y a pas d'endroit au monde où on ne va pas devant le peuple pour
expliquer à la population ce que l'on veut faire comme acte de base,
comme acte constitutionnel.
Parce que l'acte constitutionnel influence tout ce qui va se passer
après cela, tant sur le plan privé que public, ici au
Québec et au Canada: les relations entre le Québec et le reste du
Canada, les relations entre les francophones et les anglophones, les rapports
de la langue française avec la langue anglaise, l'existence de notre
société en Amérique du Nord. Tout cela doit être
établi par une constitution. Aujourd'hui, alors que les textes ne sont
pas clairs et qu'il y a des interprétations venant du Canada anglais,
qui disent exactement le contraire de ce que nous disent le premier ministre du
Québec et son lieutenant, le député de Jean-Talon, on ne
voudrait pas aller devant la population du Québec, on ne voudrait pas
expliquer ce qui se passe!
Je vais vous dire une chose: vous procédez peut-être bien
de la meilleure façon pour que le peuple réagisse, parce que le
peuple du Québec n'est pas plus fou et pas plus bête que les
peuples d'ailleurs et il n'acceptera pas que son gouvernement, qu'il a
élu, puisse établir de cette façon une constitution ou
l'adhésion à une constitution qu'il n'a pas demandée,
qu'il n'a pas choisie, pour laquelle il n'est pas partie, pour laquelle il n'a
donné aucun mandat et pour laquelle le gouvernement ne veut pas le
renseigner, ni lui dire ce qui se passe.
Si le gouvernement fédéral a prévu,
imaginez-vous... Vous l'aimez, le gouvernement fédéral, vous le
trouvez extraordinaire. Respectez-le donc pour une fois! Il donne trois ans
pour en discuter. Il permet trois ans de discussions. Pourquoi
prévoit-il trois ans de discussions, pour que les Canadiens anglais
aient trois ans et que nous, nous ayons quinze jours? Pourquoi? Parce que le
reste du Canada aura trois ans pour discuter de cette constitution. Nous, nous
n'aurons pas eu grand-temps.
Si l'accord constitutionnel auquel vous avez adhéré - vous
ne l'avez pas voté, mais vous l'avez signé - était si bon
que cela, vous en seriez fiers; vous seriez fiers de faire participer tous les
citoyens, de leur expliquer ce que c'est. Actuellement, vous voulez escamoter
le débat parce que vous en avez honte. Vous savez que, si le peuple du
Québec comprend et sait ce qu'il y a dans cet accord, il va se
révolter; il va dire non à cet accord constitutionnel parce qu'il
n'y a rien pour lui qui va dans la tendance historique du Québec qui
veut avoir davantage depuis l'Acte de Québec de 1774. Nos
ancêtres, occupés par l'armée anglaise, obtenaient plus en
1774 avec rien, avec des fourches et des bâtons; ils obtenaient plus en
1774 que le gouvernement québécois qui n'a rien obtenu, rien! Et
le statut, c'est un statut de la honte et le peuple québécois ne
comprendra pas que son gouvernement lui ait enfoncé un acte
constitutionnel dans la gorge trois ans avant le temps, alors que, dans les
autres provinces du Canada, le débat se fera, les gens pourront
discuter, les gens seront consultés et ils pourront donner leur opinion,
tandis qu'ici on va penser que c'est terminé. Le peuple du Québec
n'acceptera pas d'être traité différemment; il n'acceptera
pas que les autres provinces aient trois ans pour en discuter quand lui n'aura
pas eu une seconde pour en parler, parce qu'il n'y a eu aucune consultation sur
les textes juridiques.
Cela ne se fait dans aucune démocratie civilisée au monde!
Dans les républiques de bananes, oui, dans les dictatures, oui; les
tyrans adoptent leur constitution et ils ne s'occupent pas du peuple. Jamais
dans les démocraties un acte constitutionnel ne s'est fait sans
consultation avec la population, sans l'adhésion de la population
exprimée, la plupart du temps, dans un référendum. Je vous
dis que le peuple du Québec a droit à trois ans de discussions
sur l'accord constitutionnel s'il le veut, de la même façon que
chacune des autres provinces du Canada aura trois ans pour en discuter. Ce viol
constitutionnel n'est pas pardonnable. Je vous garantis que le peuple du
Québec ne l'acceptera pas. Je vous remercie. (19 heures)
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
reconnais maintenant M. le ministre délégué aux
Pêcheries.
M. Robert Dutil
M. Dutil: M. le Président, lorsque j'ai
décidé de m'engager en politique provinciale pour la
première fois en 1979, il y a de cela huit ans, j'ai à ce moment
décidé de parier sur le Canada. J'ai parié que, nous, les
Québécois, finirions par trouver chez nos autres partenaires
provinciaux et chez le gouvernement fédéral des interlocuteurs
réceptifs à la réalité québécoise,
des interlocuteurs qui comprendraient que ce pays est un pays différent
dans lequel il y a une société distincte, un pays où les
deux groupes linguistiques principaux peuvent travailler en étroite
collaboration pour le mieux-être des citoyens de l'ensemble de ce pays,
mais dans l'acceptation et le respect de nos différences fondamentales.
Ce pari, je l'ai soutenu lors du référendum de 1980 en rejetant
la voie de l'indépendance. Ce pari, je l'ai soutenu lors de
l'élection provinciale de 1981 en appuyant le Parti libéral. Ce
pari, je l'ai maintenu après le désastre constitutionnel de la
négociation de 1981 où le Parti québécois a entre
autres perdu le droit de veto pour le Québec.
À l'élection de 1985, le Parti libéral s'est
engagé à travailler d'arrache-pied en vue de permettre au
Québec d'adhérer dans l'honneur et l'enthousiasme à la
constitution du Canada. Pour ce faire, il a établi dans son programme
politique cinq conditions claires et essentielles d'adhésion. Ces cinq
conditions sont fort bien connues puisque nous en avons longuement
débattu durant la campagne électorale de décembre 1985 et
puisque nous en avons débattu dernièrement également en
commission parlementaire, lors de l'étude de l'accord du lac Meech. Cet
accord a été obtenu grâce à la très grande
habileté et à la très grande expérience du premier
ministre du Québec, M. Robert Bourassa, appuyé par l'expertise
constitutionnelle extraordinaire du ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Gil Rémillard. C'est M.
Robert Bourassa qui a obtenu de ses collègues des dix autres provinces
et du premier ministre du Canada que l'adhésion du Québec soit
considérée comme prioritaire dans les discussions
constitutionnelles initiales à la suite du rapatriement de la
constitution. C'était déjà là un pas fort
important. C'est le premier ministre également, Robert Bourassa, qui est
parvenu à l'accord historique du lac Meech, le 27 avril dernier, et
c'est encore Robert Bourassa qui, le 3 juin dernier, a combattu pendant 20
heures pour obtenir cet accord final sur lequel nous allons voter incessamment,
accord accepté à l'unanimité des premiers ministres
provinciaux à Ottawa.
Je pense qu'il nous faut rendre cet hommage particulier à la
ténacité et à la rigueur du premier ministre actuel. Il a
su d'abord bien s'entourer. Il a entre autres convaincu l'actuel ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, M.
Gil Rémillard, expert constitutionnaliste enseignant dans ce domaine
à l'Université Laval, de venir défendre ses idées
en politique active. Tous les deux, depuis que le gouvernement libéral a
été élu, le 2 décembre 1985, ont travaillé
d'arrache-pied afin d'en arriver à ce que nous soyons reconnus dans la
constitution comme société distincte. Ils ont travaillé
afin que la Cour suprême soit inscrite comme institution dans la
constitution avec trois juges venant du Québec et recommandés par
le Québec. Ils ont travaillé afin que le pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral soit encadré. Ils
ont travaillé afin que nous ayons une protection constitutionnelle
adéquate relativement à l'immigration et ils ont travaillé
afin que le Québec retrouve son droit de veto, perdu le 16 avril 1981
par la négligence de l'ancien gouvernement, sur les modifications aux
institutions et sur les amendements éventuels à la constitution.
Ces cinq dossiers ont été travaillés de main de
maître. Le ministre des Affaires intergouvernementales, depuis un an et
demi, a travaillé sans relâche pour convaincre ses homologues des
autres provinces du bien-fondé de nos demandes en vue de notre
adhésion à cet accord constitutionnel, adhésion absolument
nécessaire à notre développement culturel futur et
absolument nécessaire pour le maintien d'un climat social adéquat
permettant le développement économique du Québec. Ce
travail a été fait par le ministre des Affaires
intergouvernementales et ce travail a été complété
de façon magistrale par le premier ministre le 3 juin dernier. Les dix
premiers ministres, après des discussions qui ont duré tout
près de 20 heures, en sont arrivés à un accord unanime qui
permet enfin au Québec d'adhérer à l'accord
constitutionnel de 1981 dans l'honneur et dans l'enthousiasme.
Nous procédons aujourd'hui à un débat en vue de
l'adoption de la résolution nous faisant adhérer de façon
officielle à cet accord du 3 juin 1987. Pourquoi sommes-nous les
premiers à adopter cette résolution, alors que la loi
prévoit que l'on dispose de trois ans pour ce faire? Je pense, M. le
Président, que les raisons en sont évidentes, car cette
première étape des négociations constitutionnelles a
été l'étape du Québec. À la demande du
premier ministre du Québec, avec l'accord des autres premiers ministres,
il a été convenu l'année dernière, à
Edmonton, que la priorité dans les discussions constitutionnelles serait
de travailler justement à l'adhésion du Québec à
l'accord de 1981.
Nous avons obtenu que chacune de nos cinq conditions soit
acceptée au lac Meech et confirmée le 3 juin à Ottawa. Je
pense
maintenant qu'il nous" appartient ici, au Québec, en tant que
principal concerné dans cette entente, de donner aux autres provinces,
premièrement, le signal de notre acceptation d'emblée de cet
accord et, deuxièmement, le signal que nous souhaitons leur
adhésion sans réserve, leur adhésion rapide pour montrer
à tous les Québécois que l'esprit du lac Meech, que
l'esprit d'un fédéralisme renouvelé, l'esprit d'un
fédéralisme de collaboration, l'esprit d'un
fédéralisme d'avenir est une réalité solide et
profonde à travers tout le Canada. Les autres provinces canadiennes et
le gouvernement fédéral ont compris que sans l'adhésion du
Québec il ne pouvait y avoir de Canada, que, sans l'adhésion du
Québec, notre pays vivrait sur un malaise qui ne ferait que
s'envenimer.
Grâce à cet accord, M. le Président, le premier
ministre actuel sera enfin reconnu non seulement pour sa grande
habileté, non seulement pour sa grande expérience, non seulement
pour sa ténacité proverbiale mais il sera également
reconnu pour la valeur des résultats qu'il a obtenus pour les
Québécois dans le domaine constitutionnel. Robert Bourassa est le
père de la nouvelle fédération canadienne. Grâce
à lui, nous pourrons dorénavant consacrer, en tant que
gouvernement, toutes nos énergies à l'autre aspect tout aussi
important de notre travail, c'est-à-dire à celui du
développement économique, condition essentielle, on l'oublie trop
souvent, au progrès social et au développement culturel du
Québec.
Si nous voulons pour les Québécois ce développement
culturel, ce progrès social, il est important, et c'est ce que nous
avons obtenu, que le Québec soit reconnu dans la constitution pour ce
qu'il est. Il est important que le Québec obtienne des garanties des
autres provinces sur le maintien à long terme de ses pouvoirs, et nous
l'avons également obtenu. Il est important maintenant que tous ensemble
nous passions à la prochaine étape et que nous travaillions
dorénavant au développement économique de notre province.
(19 h 10)
Ceux qui, contrairement à nous, il y a plusieurs années,
ont pris l'autre voie, celle de ne pas accepter, de ne pas croire que nous
puissions obtenir ce que nous obtenons aujourd'hui par cet accord, ceux et
celles qui ont pris la voie de travailler en vue de l'indépendance du
Québec et qui se rendent compte aujourd'hui que nous avons bel et bien
obtenu les garanties suffisantes, les garanties nécessaires à
notre développement culturel, ceux-là, M. le Président, je
les invite à faire ce que plusieurs autres Québécois ont
fait, je les invite à rallier notre parti, le Parti libéral, un
parti pragmatique, un parti ouvert aux discussions, un parti qui, par cet
accord, nous permet de réintégrer la constitution de 1981 dans
l'honneur et l'enthousiasme. Tous ensemble, nous travaillerions sans
déchirement, comme par le passé, pour le meilleur
intérêt de l'ensemble de nos concitoyens au progrès
économique, social et culturel de tous les Québécois.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à Mme la députée de Vachon.
Mme Christiane Pelchat
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. La motion qui est
soumise à cette Assemblée aujourd'hui est tout à fait
exceptionnelle et de la plus grande importance pour le Québec, mais
aussi pour tout le Canada.
Cette résolution qui demande à l'Assemblée
nationale d'autoriser la modification de la constitution du Canada doit
être adoptée sans délai. Le caractère historique de
cette résolution que nous débattons aujourd'hui, à lui
seul, justifie la suspension des règles normales de cette
Assemblée.
Bien sûr, M. le Président, l'Opposition ne peut souscrire
à cette profonde conviction partagée par mes collègues
ministériels. Il est évident que la thèse du Parti
québécois ne s'harmonise pas du tout avec ce que nous tentons de
faire par l'entente du lac Meech, l'accord d'Ottawa, c'est-à-dire
devenir membre à part entière de la fédération
canadienne.
Il y a ici, M. le Président, l'affrontement de deux
thèses: l'une, la nôtre, voulant que le Québec soit mieux
équipé en restant membre de la fédération
canadienne et en confirmant son appartenance par la ratification de cet
excellent accord; l'autre, celle de l'Opposition officielle, voulant que le
Québec devrait se séparer du reste du Canada.
M. le Président, j'aimerais vous citer un passage du discours
d'un premier ministre québécois qui exprime à merveille la
thèse que défend et qu'a toujours défendue le Parti
libéral du Québec: Nous voulons un fédéralisme qui
vivifie, qui décentralise et qui fait confiance aux gouvernements qu'il
réunit. Nous croyons qu'entre les vérités simplificatrices
de la sécession et l'abandon pur et simple de nos responsabilités
à un autre gouvernement la formule fédérative est la
meilleure, pour autant, bien sûr, que seront scrupuleusement
respectés les traits particuliers de notre culture et les aspirations de
la communauté québécoise. Un fédéralisme qui
exprimera notre liberté authentique de Québécois dans des
structures de participation dynamiques au grand projet de l'ensemble canadien.
 une souveraineté illusoire, il propose plutôt une pleine
liberté de manoeuvre dans des structures fédérales
respectueuses du caractère distinct de la
société québécoise et de sa
spécificité culturelle.
M. le Président, il s'agit d'un extrait tiré de la
déclaration du premier ministre, M. Robert Bourassa, lors de la
conférence constitutionnelle des 14 et 15 septembre 1970. Vous
constaterez avec moi, M. le Président, que cette citation est toujours
actuelle et empreinte d'un réalisme qui a été reconnu le 3
juin dernier par tous les premiers ministres des provinces ainsi que par le
gouvernement fédéral.
Nous l'avons bien démontré, au cours des 25
dernières années, la position du Parti libéral a toujours
été la même et a toujours été connue de la
population. Je pense que notre position a aussi été bien
exprimée lors du référendum. Le livre beige en est
sûrement l'expression la plus nette et la plus limpide. Le programme
électoral de 1985 qui nous a conduit à l'élection du 2
décembre est tout aussi explicite: cinq conditions pour rentrer dans les
rangs de la fédération y ont été
énoncées. Ainsi, nous avons obtenu: 1° la reconnaissance
explicite du Québec comme société distincte; 2° la
garantie de pouvoirs accrus en matière d'immigration; 3 la limitation du
pouvoir fédéral de dépenser; 4° la reconnaissance d'un
droit de veto, le pouvoir de dire non, et 5° la participation du
Québec à la nomination des juges à la Cour suprême.
Nous avons obtenu cinq conditions sur cinq.
M. le Président, j'ai participé à la commission
parlementaire sur l'entente du lac Meech. J'ai participé aux 55 heures
de débats sur cette entente historique. Pas une fois, les experts ou les
groupes présents n'ont apporté d'arguments suffisamment
perturbants pour ébranler ma profonde conviction que nous agissions pour
les meilleurs intérêts du Québec.
M. le Président, je suis sûrement la plus jeune
parlementaire en cette Chambre, mais ce n'est pas pour autant que le
débat constitutionnel me soit étranger. Au contraire, je suis
née en plein débat constitutionnel. Je suis de la
génération d'après la Révolution tranquille.
Cependant, le débat sur cette question n'a cessé d'être
présent pour ma génération, autant qu'il l'a
été pour la génération qui m'a
précédée. J'ai vécu la période
référendaire avec beaucoup de scepticisme. Étudiante en
sciences politiques, ces débats faisaient partie de la vie de tous les
jours, de la bouche de tous les étudiants, mais jamais le Parti
québécois, l'Opposition, n'a pu me convaincre de la pertinence de
sa thèse, lors de mes vingt ans et pas plus aujourd'hui.
M. le Président, toutes ces annés à essayer de nous
convaincre que le Québec ne peut s'épanouir autrement qu'en
étant souverain, toutes ces années s'effacent dans la
reconnaissance du Québec comme société distincte à
l'intérieur du Canada et aussi, dans la reconnaissance que le
Québec aura comme rôle de protéger et de promouvoir ce
caractère distinct dans la fédération canadienne. De plus,
le premier ministre, Robert Bourassa, a réussi à faire inclure
une clause de sauvegarde qui garantit qu'aucune restriction ne pourra diminuer
à l'avenir la compétence du Québec relativement à
sa langue. Cette clause de sauvegarde vient résorber les
inquiétudes des intervenants en commission parlementaire quant à
nos compétences en matière linguistique.
Lors de cette même commission parlementaire, M. le
Président, la très grande majorité des intervenants et des
experts constitutionnels sont convenus que cet accord constitue les meilleurs
gains possible pour le Québec. Bien sûr, M. le Président,
que pour les séparatistes, les indépendantistes, les
souverainistes, ce n'est pas assez, mais pour les tenants d'un
fédéralisme asymétrique il s'agit là de gains
importants et, gains importants aussi, pour toutes les autres provinces. Ainsi,
cet accord reconnaît le principe de l'égalité de toutes les
provinces, préalablement reconnu par le gouvernement péquiste en
1981. Pour nous, du Parti ministériel, il s'agit d'un principe normal
sans pour autant diminuer les pouvoirs et surtout le caractère distinct
du Québec.
M. le Président, par la formule d'amendement reconnue dans
l'accord d'Ottawa, le Québec est plus protégé qu'il ne
l'était en 1981, car, vous savez, jamais un gouvernement n'a perdu
autant, lors d'une négociation constitutionnelle, que ce qu'a perdu le
gouvernement précédent. Jamais un gouvernement n'aura pris autant
à la légère la force du gouvernement central et le besoin
constant pour le Québec de toujours rester sur ses gardes et de ne
jamais s'endormir. Je dois vous dire que je n'étais pas très
fière du gouvernement en 1981, gouvernement fraîchement
réélu, lors d'une certaine nuit de 1981 au cours de laquelle il a
perdu le droit de veto. Je sais que les représentants de l'Opposition
n'en sont pas plus fiers, puisque depuis le début du débat sur
cette motion ils n'ont pas parlé du gain extraordinaire qu'est la
formule d'amendement, de la récupération du droit de veto. Pour
eux il n'en est pas question, mais pour moi c'est une des principales raisons
pour lesquelles le Québec peut estimer qu'il rentre la tête haute
dans la fédération canadienne.
La formule d'amendement c'est la règle qui permet à toutes
les provinces et au gouvernement fédéral de modifier à
nouveau, au gré de l'évolution, la constitution du pays. C'est ce
qui permettra au Québec d'aller chercher de nouveaux pouvoirs lors d'une
deuxième ronde de négociations. C'est ce qui permet au
Québec de dire non si l'État fédéral, tantôt
gourmand, veut s'approprier des droits, des pouvoirs qui ne sont pas les
siens.
(19 h 20)
En somme, c'est cette formule qui fera en sorte que jamais plus le
Québec ne se retrouvera Gros-Jean comme devant, comme en 1981, alors
qu'à son insu on rapatriait la constitution en y apportant des
modifications sans que le Québec ait pu dire un traître mot.
Ainsi, la constitution pourra être modifiée seulement si toutes
les provinces s'accordent sur un changement aux institutions
fédérales, comme la représentation du Québec au
Parlement d'Ottawa, les changements au Sénat, les changements à
la Cour suprême. C'est cela, la récupération du droit de
veto. De plus, si jamais une province voulait transférer au gouvernement
fédéral certaines de ses compétences exclusives, le
Québec, pour tous les domaines, pourra se dissocier d'une telle mesure
en recevant une juste compensation.
M. le Président, nous sommes aujourd'hui face à une
entente qui reçoit l'accord des onze premiers ministres provinciaux et
fédéral. Nous sommes en présence d'une volonté
politique de toutes les provinces et de l'État fédéral,
d'une ouverture d'esprit sans précédent face aux demandes du
Québec. Il s'agit de circonstances uniques et bien particulières
à la situation politique actuelle du pays. Les changements de
mentalité chez les gouvernements des provinces et du
fédéral contribuent à la conclusion de cette entente.
Nous retrouvons à l'intérieur des Législatures
membres de la fédération des hommes et des femmes qui font preuve
d'une ouverture d'esprit qui est digne d'attitudes réfléchies
mais aussi rafraîchies par une nouvelle génération de gens
élus qui sont exempts des ressentiments nourris par de vieux conflits
persistants et entretenus par des préjugés des années
soixante et soixante-dix.
En terminant, M. le Président, j'aimerais remercier
sincèrement le premier ministre, Robert Bourassa, qui a fait preuve d'un
talent de négociateur exceptionnel mais surtout d'un profond attachement
au peuple québécois, à la société
québécoise ainsi qu'à ses institutions. J'aimerais aussi
remercier et souligner le travail de notre ministre des Relations
internationales et ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, notre expert constitutionnel, Gil
Rémillard.
M. le Président, je crois que les gens de ma
génération peuvent partager le sentiment que j'éprouve
aujourd'hui, celui de fierté et surtout un sentiment de confiance quant
à l'avenir de nos institutions et quant à leur place dans la
fédération canadienne. Je suis d'autant plus fière
d'être québécoise canadienne. L'accord d'Ottawa est, quant
à moi, l'expression véritable de l'affirmation du Québec
dans le Canada, soit l'affirmation nationale. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
cède maintenant la parole à M. le député de
Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. M. le
Président, c'est très rare que dans cette Chambre et il est rare
que dans des Parlements les députés élus, à un
moment précis de l'histoire, aient à parler sur l'avenir du
peuple qui, dans chacun des comtés, leur fait confiance. C'est
très rare. C'est vrai que c'est une chance historique de parler de
l'avenir du peuple québécois parce qu'une constitution, cela
vient régir la vie de tout peuple à travers le monde.
C'est pour cela que je tiens à dire au tout début, M. le
Président, que, sans partager les idées de ceux qui sont au
gouvernement, je me dois, et je le fais de bon coeur, de respecter leurs
idées. Je demande qu'on respecte les miennes. Bien sûr, je ne suis
pas d'accord, et pas seulement parce que je suis un souverainiste. Je vais plus
loin. Je le fais parce que je me sens intégré à une notion
que j'ai personnellement de ce qu'est le peuple québécois et
c'est ce qui nous différencie. Vous avez une notion du peuple
québécois qui n'est pas ma notion. Aussi, au tout début,
j'aimerais dire que j'ai peine à vous croire quand vous me dites que
vous avez un mandat parce que les cinq conditions, ou à peu près,
sont dans votre livre Maîtriser l'avenir, ou d'essayer de faire
quelque chose dans ce qui viendra; le titre exact, je ne le connais pas.
J'ai peine à croire que vous dites cela en y croyant. Vous savez,
quand une élection se fait sur un thème précis, comme la
nationalisation de l'électricité, une élection
spéciale qui a été faite par le grand Jean Lesage, un des
meilleurs premiers ministres que le Québec ait connus, là,
c'était précis. Il est allé chercher un mandat et il a
demandé au peuple de lui donner un mandat pour une chose précise,
au coeur même de la campagne électorale. Lorsque M. Lesage est
arrivé en Chambre et qu'il a dit: Voici une façon de
procéder pour remplir le mandat qu'on m'a donné, je le croyais.
Mais, lorsque c'est un paragraphe dans un programme assez volumineux qu'on va
chercher pour dire qu'on a le mandat, j'ai peine à croire que vous y
croyez vous-mêmes.
C'est très dangereux. Supposons que ce soit vrai et que vous ayez
raison, supposons que ce soit vrai que vous ayez le mandat, et que vous ayez
raison, c'est incroyable ce que c'est dangereux. Souvenez-vous de votre slogan
de la campagne électorale de 1976. C'est ce qui était sur toutes
vos affiches: Non, au séparatisme. Vous vous souvenez de cela?
C'était votre slogan. Le peuple a voté contre vous. A-t-il dit
oui à la séparation? Alors, si nous avions dit à cette
époque:
Nous avons le mandat de le faire, nous avons le mandat de faire la
souveraineté du Québec, nous auriez-vous crus? Non! Pourquoi me
demandez-vous à moi aujourd'hui, parce que vous avez un vague
paragraphe... C'est loin de votre slogan électoral: Rapatrier le
Québec dans la constitution. Un vague paragraphe dans un livre vague,
mis vaguement pour que les gens divaguent quand ils le lisent. Croyez-vous que
vous êtes mandatés?
Des voix: Oui.
M. Blais: À répondre oui, vous me dites que
j'aurais dû voter la souveraineté en 1977. Vous voyez là!
Le peuple, vous lui disiez: Dites non au séparatisme et il nous a dit
oui! C'était bien plus fort, c'était au coeur de votre bataille,
la phase Bourassa I. Bourassa phase I, excusez. Son slogan, rappelez-le-vous:
Non au séparatisme, et le peuple a voté pour nous. Et moi, je ne
me suis pas présenté en 1976, je n'étais pas là. Je
me suis présenté en 1981 et j'ai été élu en
1981. Mais je suivais les activités politiques et j'étais
persuadé moralement, rationnellement et intellectuellement que le Parti
québécois, quoiqu'au pouvoir avec 71 députés,
n'avait pas le mandat de faire la souveraineté. Comment pouvez-vous
venir aujourd'hui me dire comme ça... Et je ne comprends pas le ministre
pancanadien. Je ne comprends pas le ministre pancanadien de dire qu'il a le
mandat, lui qui normalement se doit d'être le plus rigoureux
intellectuellement dans ce dossier parce que le porte-parole officiel de ce
dossier.
M. le Président, ça fait penser un peu que le respect
qu'on se doit l'un envers l'autre, on se doit aussi d'avoir le respect de la
population qui nous élit. On ne doit pas usurper, au nom d'une
partisanerie tactique qui arrive à un moment spécifique, pour se
sentir mandaté parce que c'est trop difficile après de
défaire les choses que l'on fait sans y être autorisé par
le peuple, et ça fait très mal quand le peuple s'en rend compte.
(19 h 30)
D'abord, je tiens à vous dire que je crois à la
démocratie. C'est pour cela que je respecte la majorité qui
gouverne. Je crois aussi en la démocratie qui m'a donné le mandat
de vous surveiller et de surveiller vos dires et surtout vos actes. C'est
malheureux que les libéraux disent, d'après nous, toujours non
à tout progrès réel du peuple québécois. Je
ne m'obstinerai pas ici sur "société distincte" ou "peuple", du
côté juridique ou constitutionnel, c'est à peu près
l'équivalent; on m'a bien expliqué cela, c'est à peu
près semblable. Dans les poursuites, dans les grandes batailles qui se
font dans le monde, "société distincte", c'est à peu
près synonyme de "peuple" et j'ai entendu de grands spécialistes
nous dire que c'était à peu près équivalent. J'aime
mieux le mot "peuple" parce que le peuple le comprend, tandis que, si je suis
le représentant ici de la société, il trouve cela curieux.
Quand même, je vous fais grâce des termes.
Vous demandez aux neuf autres provinces et au gouvernement
fédéral de nous reconnaître, disons, comme peuple, cela va
être plus facile. C'est ce que vous leur demandez comme gouvernement,
c'est votre droit. C'est ce que vous leur demandez. Qu'est-ce qu'un peuple? Un
peuple, si on est conscient de ce que c'est, de son vouloir et de ses
désirs, de son droit et de ses devoirs, c'est d'abord de s'organiser
structurellement pour avoir ce qu'il faut pour vivre selon ce qu'il est.
Imaginez, un instant, si les libéraux et les grands de l'époque
de la Révolution tranquille, plutôt que d'être divergents -
je pense à nos quatre grands de l'époque, Lesage,
Lévesque, Drapeau, Trudeau, quatre grands Québécois de
l'époque. Ce sont eux nos quatre grands Québécois de
l'époque. Ce sont des gens qui m'ont inspiré; je n'étais
pas toujours d'accord avec eux, mais ce sont des gens qui m'ont inspiré
comme être humain.
Plutôt que de se diviser pour différents goûts, si
ces quatre grands avaient été ensemble pour défendre ce
peuple que vous voulez faire reconnaître par les autres provinces
aujourd'hui, est-ce qu'on en serait là? Est-ce qu'on en serait où
on est? Non. Il y a longtemps que l'épanouissement du peuple
québécois serait accompli. Et vous le savez! Mais toujours les
libéraux ont tiré vers le non. Pourquoi? Vous demandez aux autres
provinces de nous reconnaître comme peuple, vous n'avez jamais
été capables de le faire vous-mêmes...
Une voix: Plus fort!
M. Blais: ...parce que vous auriez pu le faire vous-mêmes,
vous auriez dit oui au référendum.
Une voix: ...
M. Blais: M. le Président, vous allez arrêter cet
homme de grogner. C'est le député qui est là et je vais le
nommer. A toutes les fois que je parle en Chambre, il grogne.
Le Vice-Président: Bon!
M. Blais: Ecoutez si vous ne comprenez pas. Je vous écoute
avec attention et je respecte votre droit de parole.
Si nos quatre grands s'étaient unis pour que le peuple du
Québec s'épanouisse, vous n'auriez pas à demander aux
autres, aujourd'hui, de nous reconnaître comme peuple ou comme
société distincte. Vous êtes obligés de faire cette
quête dans les autres
provinces parce que vous n'avez pas été capables de le
faire vous-mêmes sur notre territoire. Je trouve cela honteux. Et j'ai
droit à cette opinion comme être humain. J'aurais tellement
aimé que vous reconnaissiez d'abord vous-mêmes que nous
étions un peuple avant d'aller quémander, quêter ailleurs
cette reconnaissance que vous avez toujours combattue. Ne vous sentez-vous pas
un peu vibrer à l'intérieur quand on vous dit des choses comme
cela? Pourquoi ne nous avez-vous jamais reconnus comme peuple, nous, les
francophones du Québec, et allez-vous commander aux autres de nous
reconnaître? Vous avez tellement peur! Disons-nous nous-mêmes que
nous sommes un peuple, et après on nous respectera. Après! C'est
malheureux. Que c'est malheureux!
On nous dit de l'autre côté - j'ai entendu et je respecte
cela, écoutez-moi bien, je le respecte et je le crois: Nous sommes des
Québécois. Vous nous le dites, je le crois. C'est que nous
n'avons pas la même définition du mot et nous avons droit, en
cette Chambre, de ne pas avoir la même définition du mot. Je
serais porté à dire, en parodiant Horace: Si vous n'êtes
pas d'abord des Québécois, montrez que nous sommes tous ensemble
dignes de l'être. Et, si ensemble nous le sommes, pourquoi ne le
ferions-nous pas mieux paraître? Vous vous souvenez de cette phrase,
parodiée selon ce qu'on dit aujourd'hui. Je m'adresse beaucoup au
ministre pancanadien parce qu'il comprend la nuance. Je ne suis pas
constitutionnaliste, je ne suis pas avocat. Non, je suis un type qui, dans son
coeur, vibre quand on pense au Québec libre, cela me fait vibrer et j'en
ai le droit. Plus que cela, j'en ai le devoir.
Dans le monde, vous avez vu tous les peuples du monde, l'Afrique en
entier y est passée. Ils se sont libérés et ils se sont
donné des constitutions qui répondent à leurs aspirations.
Ils ne sont pas allés quémander ou quêter ailleurs une
revendication comme peuple. Ils se sont d'abord reconnus eux-mêmes comme
tels. C'est l'enfance de l'art. Il faut se respecter soi-même dans la
distinction et se dire ce que nous sommes avant d'aller demander aux autres ce
que nous devrions être. Une constitution est une manière
d'être qui répond aux aspirations d'un peuple. Dans ce Canada
artificiel, on fait une constitution et on demande aux peuples de se modeler
sur cela. Vous voulez faire coller ensemble des parties réfractaires. On
ne peut pas faire un seul pays avec l'Allemagne et la France. Ce sont deux
peuples que je vénère et que j'adore. Entre eux ils ne se
détestent pas. Mais faire un seul pays avec cela, c'est une
impossibilité rationnelle. Il me semble que c'est facile à
comprendre.
Si on veut voler de ses propres ailes, cela ne veut pas
nécessairement dire que nous sommes de mauvais moineaux ou qu'on hait
toutes les autres espèces qui volent sur cette terre. Le goéland
peut respecter le rossignol tout en étant lui-même distinct et
chez lui dans son nid - c'est facile à comprendre - et pondre ses
propres oeufs au nombre qu'il veut, les couver si bon lui semble! J'ai beaucoup
de peine à suivre le raisonnement de mes amis d'en face. Au
Québec, moi, ce que je défends, c'est que je fais partie d'une
majorité québécoise; ce que cette entente veut
défendre, c'est que nous sommes une minorité canadienne.
Personnellement je ne l'accepte pas. J'ai le devoir comme être humain de
vivre sur ce territoire québécois comme majoritaire et non comme
minoritaire d'un océan à l'autre. Non, non et encore non.
Dans mon comté, j'ai fait une élection en 1981, j'en ai
fait une autre en 1985, j'ai été élu deux fois. Vous allez
dire: II y en a qui ont été élus quinze fois, d'accord. La
dernière élection, elle, n'était pas facile pour les
péquistes. J'ai eu la plus grosse majorité de mon parti: 50 % de
plus que le deuxième. Ce n'est pas par vanité que je le dis, mais
je vais vous expliquer pourquoi. J'ai fait ma campagne électorale dans
mon comté en disant partout devant la chambre de commerce, devant les
hommes d'affaires, devant toutes les associations: Je suis souverainiste. Si
vous m'élisez, vous élisez sur le territoire de Terrebonne un
souverainiste et un souverainiste - vous les cataloguez -qui croit
inéluctablement que la souveraineté du Québec se
réalisera. Il y en a de toutes sortes, selon vous; moi, je pense qu'il y
a seulement ceux-là, mais je le dis sans ambages. Aux prochaines
élections, c'est encore ce que je dirai à mon monde. Si on ne
m'élit pas, tout en faisant mon possible sur le territoire, je
considérerai qu'on ne m'aime pas à cause de cela. Mais j'ai eu la
plus grosse majorité et c'est 50 % de plus que le deuxième qui me
suit. (19 h 40)
Je n'ai pas honte de mes idées, j'en suis vraiment très
fier. Pourquoi dites-vous toujours non à cet épanouissement
normal qui est le fleuron de la fierté naturelle de tout peuple qui se
reconnaît lui-même comme tel? Vous êtes tout heureux, tout
pimpant de voir dans la constitution éventuelle que les mots
"société distincte" y seront. Si l'Ontario vous disait:
Écoutez, M. le ministre pancanadien, vous avez voté contre cette
société distincte au référendum de 1980, comment
voulez-vous que moi je vote pour, aujourd'hui? Seriez-vous surpris? Moi, pas.
Moi, pas. On sème et on récolte ce qu'on met en terre. C'est
aussi simple que ça.
On a ce droit à une patrie, à un pays qui est le
territoire du Québec pour moi, mais ce sentiment d'appartenance est sous
cendres au Québec, il ne faut pas se leurrer. Il ne faut pas se leurrer.
Il ne faut pas se leurrer. Il y a de grands pays qui ont perdu
la dernière guerre, la plus récente, la terrible guerre
qui a fini en 1945: l'Allemagne, l'Italie et le Japon. Ils ont
été complètement détruits. L'Allemagne
réduite en cendres. Est-ce qu'il y a des statues de Washington sur le
territoire italien? Est-ce que l'Italie est redevenue souveraine? Est-ce que le
Japon est redevenu souverain? L'Allemagne, on en a même fait deux avec.
Deux fois souveraine! Deux fois!
Comment se fait-il qu'au Québec des gouvernants, des penseurs et
des gens qui semblent sincères - c'est ce qui me fatigue le plus - ne
veulent pas reconnaître pour nous ces mêmes droits à se
reprendre en main? C'est par innocence, j'espère, et non pas par
volonté, sinon c'est à votre insu que ces choses-là
arrivent. Je ne peux pas croire que c'est l'appât fictif d'une
éventuelle auréole autour d'un livre historique qui dirait: C'est
moi qui ai participé à conserver le Québec dans cette
confédération. Ils sont déjà reconnus comme
société distincte tellement secondaire que ce serait secondaire
d'en écrire plus long dans ce livre. Je ne peux pas croire que ce soit
ce qui vous guide. Je ne peux pas croire. Je trouve ça humiliant,
personnellement humiliant.
On nous revient toujours, à savoir que nous sommes un peuple
déchu. Nous avons perdu trois référendums. Mon Dieu! qu'on
nous le rappelle donc souvent! Le référendum Montcalm et Wolfe,
c'était un référendum armé, on l'a perdu. On l'a
perdu! Le référendum de 1837, un autre référendum
armé que, pour des causes un peu différentes, nous avons aussi
perdu. Nous avons perdu! Est arrivée la démocratie après.
Heureusement la démocratie a fait place à ça. Je suis un
grand démocrate et là on en a eu un le 20 mai 1980 et on l'a
perdu aussi. Je suis de ce peuple éternellement perdant. Je suis de ce
peuple éternellement perdant pour le moment. Je voudrais qu'ensemble on
essaie de s'en sortir pour devenir une fois, et de façon
définitive, le peuple gagnant et ce n'est pas cette entente qui vient
effleurer le début du commencement d'une victoire. Il y a un "v" dedans
et il est pour "vaincu". Le seul "v" que vous nous apportez n'est pas le "v" de
la victoire, c'est le "v" du vaincu. Je voudrais le "v" du vainqueur. Je le
voudrais. Vous ne nous reconnaissez pas comme peuple distinct, comme
société distincte et vous demandez aux autres de le faire. Quel
phénomène politique dirige ce gouvernement!
Pourtant, pourtant, à l'époque du
référendum, c'était M. Trudeau lui-même qui
s'était fait le grand chef de la réaction négative
à l'admission qu'un peuple en devenir voulait commencer par se
libérer. Et vous l'avez cru, à l'époque. Vous étiez
derrière. Vous étiez derrière, de façon totale.
Aujourd'hui, il vous ... Et il ne s'est pas démenti depuis. Dans
Cité libre il a toujours dit que le peuple
québécois n'existait pas. Nous sommes au Québec, dit-il,
une tribu, qui s'assoit dans un wigwam, qui fume le calumet de paix pour se
consoler et qui élit des sorciers pour les représenter. Ce n'est
pas très noble; il a toujours été ainsi. Quand il a
été élu à la tête du Canada, il avait encore
cela dans la tête et, quand il a dit non au référendum,
c'était le même raisonnement, vous l'avez toujours suivi. Et
là un de ses derniers élèves, à son insu, est dans
la même lignée, sur le bout de la descente de cette
idéologie qui considère le Québec comme une tribu,
là, c'est "société distincte". C'est un petit pas de
moins. Mais "peuple", cela aurait été trop dur à demander;
"société distincte" est considérée comme une
victoire effarante. Mon Dieu! Qu'on se sent donc petit quand on est
défendu ainsi. Ce n'est pas de cela dont on a besoin au Québec.
Société distincte, la vraie société distincte, le
vrai peuple et il s'ensuit beaucoup de choses.
Les conséquences, si on regarde cela, c'est que, sur le
territoire québécois, nous tous... On est tous des
Québécois, là-dessus, je ne vous "obstine" jamais, et par
respect pour vous je dis qu'on a une définition différente,
jamais je n'attaquerai - vous le pensez peut-être - ce que vous
êtes sincèrement, à condition qu'on se respecte, je vous le
dis encore.
C'est le seul territoire du monde, le Québec - n'oubliez pas ce
que je veux vous dire - où ses élus et son Parlement sont en
dépérissement constant, du côté politique. Le North
America Act fut rédigé à l'époque par les
pères - comment les appelez-vous? - les pères de la
confédération, n'est-ce pas? C'est comme cela qu'ils s'appelent
ces grandes et nobles personnes. Les pères de la
confédération... On s'est fait passer le plus beau sapin ce
jour-là. Quand et où? On est passé d'une
confédération, au début, à une
fédération. Nous ne sommes plus une confédération,
nous sommes maintenant une fédération. C'est le mot qui est
utilisé, à bon escient, par votre ministre pancanadien. C'est une
fédération. Une confédération, c'est une
association de pays souverains. C'est cela une confédération
d'États, de pays, c'est synonyme. Une fédération, c'est
beaucoup plus floue, beaucoup plus "lax" et c'est devenu cela par votre propre
volonté, pas nécessairement, mais par un manque de cran de
l'ensemble de la population et des législateurs qui ont passé
dans ce Parlement depuis ce temps. Croyez-vous que cette entente qui va venir
confirmer certains droits, surtout dans le pouvoir de dépenser du
gouvernement fédéral, de venir... De façon
constitutionnelle, cela n'a jamais été permis. Dans cette
fédération, il y a certains points, dans certains dossiers,
où nous sommes à 100 % souverains, c'est-à-dire que nous
avons pleine juridiction: l'éducation, les
services sociaux, l'environnement; moitié-moitié, il y a
l'agriculture, la main-d'oeuvre parce que M. Godbout, un bon libéral
encore, a envoyé l'assurance-chômage à Ottawa en 1944.
Quand les libéraux arrivent, certaines choses s'en vont à Ottawa.
J'espère qu'ils s'en iront tous un jour pour qu'on puisse se gouverner
nous-mêmes. Et il y a des points où le gouvernement
fédéral est entièrement souverain. Tout ce qui est
timbré, c'est fédéral, et l'armée, entre autres.
C'est très ennoblissant pour un peuple d'avoir une armée, alors
cela, c'est eux qui l'ont. Quant à nous, nous avons 100 % de juridiction
sur l'éducation, les services sociaux et l'environnement. Et un bel
exemple, et là ce sera constitutionnel, le gouvernement
fédéral s'est toujours immiscé dans les affaires des
provinces sans droits réels constitutionnels. Selon le gré du
gouvernement en place à Ottawa, il administre selon son bon vouloir les
parts du gâteau qu'il veut bien donner. On va le constitutionnaliser,
mais il n'y aura aucune différence, aucune différence et je
m'explique. (19 h 50)
Nous avons le programme d'assainissement des eaux - cela s'appelait les
installations municipales, mais ce n'est pas important, pour qu'on se comprenne
- qui a été mis en place par M. Diefenbaker, un homme que j'ai
bien admiré sans voter pour lui; je l'ai bien admiré, il
était franc, il disait: Je n'ai pas besoin du Québec pour
gouverner. C'était franc et cela me faisait plaisir. J'aime les hommes
francs en politique. Il a été élu quand même. Il a
institué ce qu'on appelle l'aide aux provinces pour leur plan
d'assainissement des eaux. M. Bourassa était au pouvoir en 1970, M.
Bourassa phase I, mais il n'était pas prêt à embarquer dans
ce programme d'objectif national. On a à peine profité de ce
programme. Le Québec a fait son assainissement jusqu'en 1978; il s'est
arrêté à 10 %. L'Ontario qui a toujours l'oreille tendue et
un bureau énorme à Ottawa pour suivre les dossiers et influencer,
94 % et le reste, les provinces de l'Ouest, à 90 %, les Maritimes
à 66 %.
Nous arrivons au pouvoir le 15 novembre 1976 - c'est très proche
de 1977. Disons 1977 pour le bien de la cause. Nous relançons ce
programme en grande vitesse. Nous dépensons en 1978 150 000 000 $ dans
ce programme. M. Trudeau voit aller cela. Il se dit: J'ai un bon moyen de les
affamer, c'est une juridiction provinciale, je vais arrêter le programme.
Les autres provinces sont à 94 %, 90 %, Québec est à 10 %,
on va couper cela. C'est une société distincte non reconnue. Ils
ont voté non. Ils vont voter non à tout. Ils ont toujours dit
non. Les libéraux sont avec moi, ils sont complices. C'est le PQ qui est
au pouvoir: Coupons! Il a coupé. Et en même temps, pour montrer
que c'était vraiment vrai, il signe avec l'Ontario et les
États-Unis un programme à trois pour la dépollution des
Grands Lacs et du fleuve. Il arrête comme par hasard à
l'entrée du Québec à Cornwall. Et 80 000 000 $ ont
été donnés l'année passé. Nous, on n'est pas
capable d'avoir d'argent encore. Pourquoi? Le programme a été
arrêté en 1978. Est-ce que les objectifs nationaux, quand une
province n'est pas prête, ne seraient pas pénalisés avec la
nouvelle entente de la même -j'allais dire de la même maudite
façon, mais ce n'est pas parlementaire, je crois, alors je retire cela -
de la même façon? Il faut au moins qu'il y ait un temps, un
consensus.
Reprenons un exemple. On signe cette entente et l'année
prochaine... On la signe à l'automne, disons. L'Ontario n'a pas de CLSC.
Il en reste quelques-uns à faire au Québec. On n'a pas
été assez longtemps au pouvoir, il nous manquait trois ou quatre
mois pqur compléter le réseau, mais vous, vous ne le
compléterez pas. Mais ce n'est pas ce dont je veux parler. Il nous en
reste dix, douze à faire. Il n'y en a pas en Ontario. L'Ontario a
l'oreille du gouvernement fédéral. Elle dit: Vous devriez faire
des CLSC un objectif national. Un objectif national, les CLSC1 C'est une bonne
idée. Québec les a quasiment tous faits. Donc, cela nous
coûtera moins cher. Envoyez donc! C'est comme cela que cela se passe,
n'est-ce pas?
La province qui a l'oreille, c'est la province majeure, parce que, eux,
société distincte, ils savent qu'ils le sont. Là, un
programme de CLSC comme objectif national et on va dire aux autres provinces:
Embarquez dans ce plan. Nous, il va nous rester dix ou douze CLSC et eux vont
se faire aider et le réseau complet sera payé en Ontario. Et,
dans votre dernier budget, votre ministre des Finances dit que beaucoup de
plans comme cela ont été amenés dans nos juridictions.
À son annexe F, M. le ministre des Finances dit qu'en 1991-1992 ce sera
une perte de 6 000 000 000 $ pour le Québec. Ce n'est pas moi. C'est
dans votre dernier budget. Parce que le fédéral, après
avoir implanté des programmes dans les juridictions du Québec ou
des autres provinces, se retire. Pour nous, cela coûterait 6 000 000 000
$.
Je trouve cela très dur pour l'ego, le mythe que vous entretenez
toujours dans la population, de peuple bilinque, comme si cela existait
à travers le monde. Il n'y a aucun peuple au monde... Est-ce que vous
allez venir à y penser de façon sérieuse? Il n'y a de
peuple bilingue nulle part au monde. Il y a des élites qui parlent
quelques langues, que des élites. Alors, arrêtons de dire qu'au
Québec on fera avec les Québécois un peuple bilingue. Cela
n'existe pas à travers le monde. On est super-brillants, les
Québécois, mais on n'est pas plus brillants que
l'ensemble des gens qui habitent cette planète et un peuple
bilingue, cela n'a jamais existé. Jamais.
Ce qui est malheureux ici et ce qui fait la source des
mécontentements et des divergences qu'on a d'un côté et de
l'autre, c'est que, même si nous sommes une majorité au
Québec, la minorité, se considérant comme une
majorité à travers le Canada, manque de respect envers la
majorité dont je suis et de différentes façons, souvent
à son insu, sans connaissance de cause ou poussée par des
politiques comme celles que vous avancez. Prenez le manque de respect qu'on a
eu dans le domaine scolaire. On a été obligé de faire une
loi ici pour gracier tous les enfants, parce que les parents n'avaient pas
respecté la loi de la majorité. Il faut tout de même le
dire, c'est ça la base. On les a graciés. II n'y avait
peut-être pas d'autre solution. Je ne veux pas parler de cela. C'est un
manque de respect. La mère qui amenait son enfant à
l'école n'avait pas le droit de l'y amener. C'est un manque de respect
à la majorité. Cela, personne ne peut le contredire.
Deuxièmement, l'affichage bilingue ou unilingue, c'est contre la loi du
Québec. Est-ce que la minorité me respecte comme majorité,
moi, en faisant des choses unilingues anglaises ou bilingues actuellement? La
minorité se considère une majorité canadienne sur mon
territoire québécois et manque de respect envers moi. Je trouve
cela grave, et ce n'est pas cette entente qui va corriger ces choses.
En terminant, il reste quatre minutes.' Je ne vous dirai pas une chose
extraordinaire en disant qu'il peut arriver deux choses avec cette entente.
Elle va être signée par l'ensemble des provinces ou elle ne le
sera pas. C'est une vérité de La Palice. Dans les deux cas, on va
avoir l'air épais. Dans les deux cas. Moi comme partisan
péquiste, je vais vous dire une phrase comme partisan péquiste:
Signez donc. Notre débat ici, on ne l'a pas fait de façon
partisane. Mais, comme partisan péquiste: Signez! Comme
Québécois, je vous demande de ne pas le faire.
Vous voyez, j'espère, la différence entre les deux. On a
défendu la position qu'on croit la meilleure pour les
Québécois. Je vais vous dire pourquoi. Signez, en tant que
partisan péquiste pour mon parti... Vous faites tellement croire, vous
êtes des semeurs d'espoirs faux, vous faites miroiter devant le peuple
québécois des pouvoirs énormes en matière
culturelle et linguistique. Et c'est faux! Vous allez être
blâmés lorsque votre chandelle va s'éteindre. On ne vous
verra plus beaucoup. Vous êtes dans l'ombre de ce que le peuple pense
actuellement.
Deuxièmement, si ça ne se signe pas, pensez à
l'humiliation. Vous êtes les fers de lance, le premier Parlement qui veut
lancer... Vous vous placez comme fers de lance, ça va se retourner en
lances de fer contre vous, parce que si les autres provinces ne signaient
pas... Cela en prend dix sur dix pour les changements constitutionnels, 7 et 50
% de population sur certains autres, mais, sur les changements, ça en
prend jusqu'à dix sur dix. Vous savez cela. Vous êtes un
spécialiste de ces choses. Quelle humiliation pour nous! Alors, comme
Québécois, je vous demande de ne pas signer. Comme partisan du
Parti québécois, j'aimerais que vous signiez parce que ce sera
votre mort après, parce que vous avez fait miroiter mer et monde, et
vous le savez. Là-dessus, je dois vous blâmer.
Qu'on n'ait pas la même définition du mot
"Québécois", à la rigueur, ça passe. Mais ne venez
pas me faire croire à moi, un spécialiste comme le ministre
pancanadien et tous ceux qui sont autour et les grandes personnes qui sont
payées très cher autour de vous pour vous dire ce que vous
faites... Ce geste-là, vous le faites de façon
éhontée, d'après moi. Vous savez ce que vous faites et
vous dites qu'il y a certaines petites choses à l'intérieur de
cela. Mais vous faites tellement croire aux Québécois que c'est
le Pérou qui déménage au Québec, que, quand ce sera
mis en application et que les gens se riveront le nez sur la Cour suprême
pour abolir certains volets de la loi 101 encore une fois... Le peuple va
exiger de vous des choses effrayantes. Et, si ça se signe, je vous jure
que le Parti québécois prendra vite le pouvoir. J'en serais
heureux parce que, je vais vous le dire en terminant, je l'ai
déjà dit à certains endroits et j'aime beaucoup cette
façon de le dire, je suis Québécois à fleur de lys,
à fleur de peau, à fleur d'espoir, et à fleur de bataille
constante de ce pays en devenir qu'est le territoire québécois.
Je suis de ceux qui obtiendront avant de mourir que, sur cette terre
québécoise, je m'appelle un type qui fait partie d'un peuple
distinct, souverain et fier de l'être. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour ajourner
le débat.
Le Vice-Président: Cette motion d'ajournement du
débat est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner les travaux de
l'Assemblée à lundi, 10 heures.
Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté. Donc, l'Assemblée nationale ajourne ses travaux à
lundi prochain, 10 heures.
(Fin de la séance à 20 heures)