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(Dix heures neuf minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Que tous et chacun regagnent leur siège.
Un moment de recueillement, s'il vous plaît. Veuillez tous vous
asseoir.
Affaires courantes. Â l'ordre, s'il vous plaît! Affaires
courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents.
Nouveau diagramme
J'aimerais déposer le nouveau diagramme de l'Assemblée
nationale en date d'aujourd'hui, tel qu'amendé par les deux formations
politiques. Document déposé.
Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?
Dépôt de rapports de commissions, M. le président de
la commission de l'éducation et député de
Sauvé.
Vérification des engagements financiers
M. Parent (Sauvé): M. le Président, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a
siégé le 24 novembre 1987, afin de procéder à la
vérification des engagements financiers du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science pour les mois de juillet
à septembre 1987, ainsi que de certains engagements pour les mois
d'août, septembre et décembre 1986.
Examen des orientations, des
activités et de la gestion
du Conseil des collèges
J'ai également l'honneur de déposer le rapport de la
commission de l'éducation qui a siégé les 25 et 26
novembre 1987, afin de procéder à l'examen des orientations, des
activités et de la gestion du Conseil des collèges.
Le Président: M. le député de Sauvé,
vos deux documents sont maintenant déposés.
Dépôt de pétitions.
Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de
droits ou de privilèges ou sur une question de fait personnel. Nous
allons immédiatement procéder à la période de
questions orales. Je vais reconnaître une première question
principale à M. le député de Roberval.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Hausse du taux de la taxe sur l'essence depuis
1985
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Cette semaine, le
ministre de l'Énergie a rendu public le premier bulletin du bureau de
l'inspection sur le prix de l'essence qui présentait une
décomposition du litre d'essence dans toutes les régions du
Québec. Étant donné les engagements de ce gouvernement au
moment de la campagne électorale de 1985, comment le ministre des
Finances peut-il nous expliquer que le taux de la taxe sur l'essence soit
maintenant jusqu'à 6,6 % plus élevé dans les grandes
régions de Montréal et de Québec qu'il ne l'était
au moment de la campagne électorale de 1985?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je suis heureux que le
député de Roberval me donne l'occasion de rappeler le premier
geste posé par notre gouvernement lors de notre arrivée au
pouvoir, c'est-à-dire d'avoir corrigé d'une façon
substantielle l'injustice créée par l'ancien gouvernement, en
1981, lorsqu'on a fait passer de 20 % à 40 % la taxe sur l'essence. On
se rappellera que cela a été une ponction fiscale
extrêmement douloureuse à un moment où on aurait
pensé que le gouvernement serait venu en aide à la population. On
avait laissé passer un déficit dans les bonnes années de
1977-1978 de moins de 1 000 000 000 $ à plus de 3 000 000 000 $ et on a
agi en mauvais gestionnaires. C'est pour cela qu'après l'élection
de 1981, on a dû revenir avec des mesures aussi impopulaires et aussi
inappropriées. Cela dit...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Levesque: ...il n'y a aucun geste que nous ayons posé
dans la région de Montréal, celle mentionnée par le
député, qui aurait eu pour effet d'augmenter la taxe de vente. Au
contraire, M. le Président, ce que nous avons fait, c'est que nous avons
mis fin à ce qui a été appelé justement la taxe
ascenseur.
Le Président: M. le député de Roberval, en
additionnelle.
M. Gauthier: M. le Président, le
ministre des Finances peut-il nier en cette Chambre que le premier geste
de son gouvernement a été précisément de geler la
taxe ascenseur à 36,6 % dans les grandes régions de
Montréal et de Québec au lieu de la ramener à 30 % comme
c'était son devoir de le faire et comme c'était prévu que
cela devait être fait?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, nous avons
dénoncé la taxe ascenseur et dès que nous avons eu
l'occasion de mettre fin à cette ascension, à cette incertitude
créée justement par cette taxe ascenseur, nous l'avons fait. Nous
avons décidé qu'à l'avenir, quelle que soit l'augmentation
des prix, il y aurait un plafond et cela a été justement la taxe
ascenseur qui a été gelée. Je répète au
député de Roberval qu'il n'y a rien dans les gestes que nous
avons posés en établissant quelque taux que ce soit, qui ait
augmenté la taxe de vente dans la région de Montréal
depuis ce moment-là.
Le Président: M. le député de Roberval, en
additionnelle.
M. Gauthier: M. le Président, le ministre des Finances
voudrait-il nous indiquer combien de millions de plus il a empochés au
détriment des citoyens de la grande région de Montréal et
de la grande région de Québec à la suite du geste qu'il a
posé, c'est-à-dire en refusant, comme cela devait se faire, de
baisser l'ascenseur, le prix de l'essence que les citoyens devaient payer au
Québec? Combien de millions de plus a-t-il empochés en faisant en
sorte que les citoyens paient l'essence jusqu'à 0,10 $ de plus le
gallon?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je suis heureux que le
député insiste parce que c'est justement là que la
fonction fiscale a été importante. C'est au moment où son
gouvernement était au pouvoir, alors qu'il était adjoint
parlementaire du ministre des Finances, que la taxe est passée de 20 %
à 40 %. C'est là qu'on est allé chercher dans la poche des
contribuables des centaines de millions de dollars.
Cependant, en regardant le bulletin du ministre de l'Énergie et
des Ressources auquel on faisait allusion tout à l'heure, la population
des régions périphériques verra que, pour la
première fois de mémoire d'homme, on paie l'essence ordinaire le
même prix en Gaspésie et à Montréal. Cela, c'est
quelque chose, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Levesque: Pour la première fois de mémoire
d'homme, on traite les citoyens des régions périphériques
comme des citoyens à part entière.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: M. le député de Roberval, en
additionnelle.
M. Gauthier: Le ministre des Finances osera-t-il nier ici, ce
matin, que pour 70 % de la consommation d'essence au Québec son
gouvernement a, depuis deux ans, augmenté la taxe dans une proportion
allant jusqu'à 6,6 % pour 70 % des citoyens du Québec? Osera-t-il
le nier?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je suis prêt à
nier ce genre d'accusation basée sur absolument rien. Je vais le
répéter encore une fois. Justement, c'est là-dessus qu'on
s'aperçoit qu'il y a eu de l'équité ramenée ici au
Québec. C'est justement dans ce bulletin-là que la population du
Québec va voir que la justice a été ramenée ici au
Québec. Pensez-vous que cela avait du bon sens quand, dans une
région comme la mienne, on voyait le prix de l'essence à 0,60 $
et quelque, que, si on faisait quelques milles de plus, plus loin,
c'était rendu à tant et quand on arrivait à
Montréal, on disait: Qu'est-ce qui arrive? Nous autres, on n'est pas
dans la province? Qu'est-ce qui se passe ici? Pourquoi nous autres, qui sommes
moins favorisés au point de vue des revenus, lorsque l'on regarde, par
exemple, dans les revenus... Vous avez vu récemment ce qui est
arrivé...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Levesque: ...avec les revenus dans les régions.
Justement, dans les régions où il y avait le moins de revenus, il
fallait qu'on paie l'essence plus cher. C'est cette injustice-là qui a
été corrigée.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en principale.
La participation des femmes au foyer au RRQ
Mme Harel: Oui, M. le Président. À la suite de la
publication, jeudi dernier, du rapport du Conseil consultatif du Régime
de pension du Canada qui recommandait la non-participation des femmes au foyer
au Régime de pension du Canada et à la Régie des
rentes du Québec, le ministre conservateur invitait le
député libéral de Sainte-Marie, qui lui posait la
question, et je le cite, "à inciter ses amis libéraux du
Québec à collaborer davantage avec le gouvernement d'Ottawa". Le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu peut-il,
ce matin, rassurer, de façon catégorique, les
Québécoises quant au respect de l'engagement de son gouvernement
de faire participer les femmes au Régime de rentes du Québec?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Mme la
députée de sa question. Je lut indiquerai qu'à la suite de
la parution de ce rapport, il y a eu des commentaires d'émis par un
ministre fédéral qui s'est engagé à respecter
l'engagement qui avait été pris au niveau fédéral
et qui a fait allusion à cette saine collaboration qui règne
entre les juridictions provinciales et le gouvernement fédéral
quant à cet important dossier. (10 h 20)
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en additionnelle.
Mme Harel: Le ministre peut-il nous confirmer l'existence du
comité de fonctionnaires fédéraux et provinciaux dont a
parlé son homologue fédéral et peut-il nous faire
connaître les conclusions qui lui ont été soumises par ce
comité fédéral-provincial?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, Mme la
députée de Maisonneuve sait certainement que si le comité
en était déjà arrivé à des conclusions, ces
conclusions nous inciteraient à passer à l'action
immédiatement. J'indique à Mme la députée que le
comité est encore au travail, mais que les conclusions dont elle parle
sont, pour celui qui vous parle, une vision prématurée des
événements. Je souhaite comme vous que les conclusions arrivent
au plus tût de façon que nous puissions, dans cet engagement
électoral, donner suite comme nous nous apprêtons à le
faire dans un autre engagement électoral.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu peut-il nous faire
connaître l'échéancier qu'il entend donner à
l'avancement de ce dossier? Il maintient toujours cet engagement ferme. Quel
est l'échéancier, quel est l'état d'avancement des travaux
présentement? Au 3 décembre 1987, deux ans après
l'engagement, je pense qu'il est normal pour l'ensemble des
Québécois de connaître l'état d'avancement des
travaux.
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je vais
être obligé de répéter à Mme la
députée que, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement
il y a deux ans, elle a raison de le mentionner, nous nous sommes
retrouvés avec un dossier qui, non seulement n'était pas
avancé, mais qui avait été politiquement bloqué par
celle qui m'a précédé et par l'actuel chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: ... le 19 décembre 1985, le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu disait que
c'était sa première priorité, son premier dossier. Est-ce
que, depuis deux ans, le ministre a au moins un semblant, un ombrage de
début de politique dans ce domaine?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends, M. le
Président, le chef de l'Opposition de venir à la rescousse de Mme
la députée de Maisonneuve, ça fait partie de l'ouvrage
qu'il accomplit ces jours-ci, ça peut faciliter la réconciliation
de l'autre côté, mais je lui indiquerai qu'il a lui-même
signé un livre orange qui disait non pour la rente des conjoints au
foyer.
Le Président: M. le chef de l'Opposition en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, pour la gouverne du
ministre qui ne saurait pas qu'il est ministre depuis deux ans et qu'il a pris
l'engagement clair et net devant les femmes québécoises de leur
assurer l'accessibilité au Régime de rentes du Québec,
qu'est-ce qu'il entend faire? Il n'a rien fait ce ministre depuis deux ans.
C'est le ministre le plus neutre sur le plan législatif et sur le plan
des réformes qu'il avait annoncées et pour lesquelles il a pris
des engagements électoraux fermes. Qu'est-ce qu'il fait, ce ministre?
Est-il toujours barré par le premier
ministre ou par le Conseil du Trésor? N'a-t-il aucune vision de
ce qu'il doit faire?
Le Président: Votre question, M. le chef de
l'Opposition.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Vous pourriez me donner dix minutes, je lui ferais
son bilan. Ce serait trop long, dix minutes, parce qu'il n'a rien fait.
Le Président: Non. On est à la période de
questions. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu et ministre du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas l'intention,
même si on est le 3 décembre, un an et un jour après deux
ans de l'arrivée au gouvernement du Parti libéral, de faire le
bilan du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu ou de faire le bilan du ministère du Travail.
Je vais peut-être rappeler à quelqu'un qui a
déjà siégé à la commission Cliche et qui
était en faveur d'interdire le droit au travail des jeunes sur les
chantiers de construction que celui qui vous parle, malgré l'opposition
de celui qui est chef de l'Opposition, grâce à l'appui de
l'ensemble des députés libéraux, a réussi à
adopter une loi dans ce domaine.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au cas où on ne s'en
souviendrait pas non plus, M. le Président, je rappellerai que ce n'est
pas mon intention de faire un bilan exhaustif, mais qu'en faveur des plus bas
salariés de la société, ceux qui vous parlent de ce
côté-ci de la Chambre peuvent vous dire qu'à deux reprises
depuis cette élection le salaire minimum a été
augmenté et la discrimination basée sur l'âge a
été abolie.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
question additionnelle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous platt! Mme la députée de Maisonneuve,
question additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu se rappelle-t-il que le
15 novembre 1985 son parti publiait un engagement formel en matière de
participation des femmes au foyer à la rente du Québec? On
pouvait y lire: Pour bien démontrer qu'il ne prenait pas cet engagement
à l'aveuglette, le Parti libéral du Québec a
suggéré une approche possible de financement. À quand
l'échéancier et l'état d'avancement des travaux dans ce
dossier?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, si
j'étais la députée de Maisonneuve, je m'excuserais de
tenir de tels propos. Quand on est membre d'un parti qui a quitté le
pouvoir il y a à peine deux ans en signant un document qui s'opposait
à la rente des conjoints au foyer, on devrait s'excuser de poser de
telles questions en Chambre.
M. le Président, j'ajouterai que des travaux sont en cours, que
ma collègue, Mme la ministre déléguée à la
Condition féminine, que mon collègue, le ministre des Finances,
que mon collègue, le ministre du Revenu, et que mon collègue, le
ministre délégué à la famille, que ma
collègue, la ministre de la Santé et des Services sociaux, nous
nous rencontrons régulièrement sur ce dossier, que le dossier
chemine et que, comme dans le cas des autres engagements que nous avons
pris...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ces engagements seront tenus.
En attendant, Mme la députée de Maisonneuve, tentez donc de
convaincre votre actuel chef d'être en faveur de la rente pour les
conjoints au foyer.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en additionnelle. Mme la députée de Maisonneuve, en
additionnelle.
Mme Harel: Oui. M. le Président...
Le Président: Non, non. Mme la députée de
Maisonneuve, en additionnelle.
Mme Harel: ...mes excuses seront directement proportionnelles
à celles du ministre pour ses promesses non tenues. À quand le
scénario de réalisation de cet engagement pris il y a deux
ans?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail. M. le ministre. À
l'ordre, s'il vous platt! À l'ordre, s'il vous platt!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prends acte que Mme la
députée de Maisonneuve refuse de s'excuser. Je lui dirai
qu'il s'agit... Je lui indiquerai...
Le Président: M. le ministre, la question. À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre de la Main-d'Oeuvre, la question, s'il vous plaît.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je
constate qu'elle n'a pas l'excuse facile. Je ne vous demanderai pas de
l'expulser de la Chambre. Je lui dirai que le gouvernement actuel a l'intention
de tenir ses engagements.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Ça ne prend pas grand chose pour les
amuser.
Une voix: M. Ryan ne la trouve pas drûle.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
principale.
Les négociations avec les avocats de l'aide
juridique
M. Gendron: Oui. Les avocats de l'aide juridique sont pas mal
tannés de ce gouvernement. C'est le cas de la plupart des officiers de
justice. Les employés de l'aide juridique sont sans contrat de travail
depuis deux ans. Leur demande est pourtant raisonnable. Ils demandent la
parité avec leurs confrères substituts du Procureur
général. Cela doit avoir du bon sens parce que le ministre de la
Justice leur a dit à plusieurs reprises qu'ils avaient raison.
Cependant, le président du Conseil du trésor exige, pour accorder
la parité, que les avocats acceptent à l'avance que le
gouvernement mette unilatéralement en place, à partir de 1989,
une classification d'emploi qui aurait comme conséquence de diviser ces
gens et de créer des catégories de telle sorte que des
mêmes avocats de l'aide juridique seraient payés
différemment.
Ma question au président du Conseil du trésor est:
Trouve-t-il raisonnable de demander à un syndicat de consentir à
l'application d'un nouveau mode de rémunération qui n'existe
nulle part actuellement et qui en plus serait mis en place d'une façon
unilatérale, mais uniquement par la partie patronale?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor. (10 h 30)
M. Gobeil: M. le Président, ii y a effectivement des
discussions et des négociations avec les avocats de l'aide juridique
depuis quelques semaines, principalement à la suite du règlement
avec les avocats et les notaires du gouvernement. On a proposé à
cesdits avocats et notaires du gouvernement une façon de régler
le litige, qui a été acceptée par au-delà de 95 %
des avocats et notaires du gouvernement, selon laquelle, comme l'a
expliqué le député d'Abitibi-Ouest, à partir de
1989, nous tiendrons compte de la valeur des emplois pour fins de
rémunération.
La même proposition a été faite aux avocats de
l'aide juridique et les discussions se continuent sur cette forme de
proposition qui nous semble logique, compte tenu de l'acceptation qu'en ont
faite les avocats et les notaires du gouvernement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Comment le président du Conseil du
trésor peut-il prétendre négocier de bonne foi quand, dans
ses offres, il demande aux syndiqués de renoncer au principe même
de la négociation d'une partie importante du cadre de
rémunération? Dans le fond, ce que vous demandez, c'est de signer
un chèque en blanc, mais postdaté pour 1989.
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, les offres qui sont sur la
table, actuellement, pour les avocats de l'aide juridique en ce qui concerne
les échelles sont les mêmes que celles qui ont été
faites aux avocats et notaires du gouvernement. Quant aux clauses normatives,
concernant l'évaluation des emplois, nous faisons aussi les mêmes
offres.
Il nous semble logique que, si cette offre a été
acceptée par 550 avocats et notaires du gouvernement, elle est aussi
logique pour les avocats et notaires de l'aide juridique.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Ma question, M. le Président, portait
davantage sur ceci. Est-ce que le président du Conseil du trésor,
qui a une responsabilité dans le cadre général de la
négociation, considère comme normal que, dans une
négociation, à l'avance, on demande à une partie de se
soustraire à une partie importante de la négociation qui est la
rémunération?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, je ne saisis pas la
portée de la question du député d'Abitibi-Ouest quand il
demande à une partie de se soustraire à la négociation
sur
les salaires. Je répète que nous avons fait aux avocats de
l'aide juridique la même offre salariale, pour ce qui est des
échelles, que celle qui a été faite et acceptée par
les avocats et notaires du gouvernement. Cela s'est fait en négociation
dans le cas des avocats et notaires du gouvernement et cela se fait aussi en
négociation dans le cas des avocats de l'aide juridique.
Le Président: Je vais reconnaître, maintenant, en
additionnelle, M. le député de Taillon.
M. Filion: Une question additionnelle au ministre de la Justice.
Je voudrais savoir, compte tenu de la grève générale
prévue pour lundi, si le ministre est conscient des conséquences
d'une telle grève générale, notamment en ce qui concerne
la clientèle de l'aide juridique qui est une clientèle absolument
défavorisée, vu le seuil d'admissibilité à l'aide
juridique qui est très bas.
Le Préaident: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: M. le Président, c'est évident qu'on ne
peut pas négocier en Chambre les contrats avec les avocats de l'aide
juridique. J'aimerais juste rappeler au député de Taillon qu'il
m'a déjè posé ces questions il y a quelques mois. En ce
qui concerne la couronne, les avocats et notaires et le salaire des juges, cela
a été réglé. De la même façon, on va
régler la question des salaires avec les avocats qui sont à
l'aide juridique.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Est-ce que le ministre de la Justice est conscient des
conséquences des conflits qui ont eu lieu dans le passé dans le
secteur de la justice et qui auront lieu si la grève
générale prévue est déclenchée lundi
prochain, notamment en ce qui concerne les droits des individus qui sont
incarcérés en attendant leur procès?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: M. le Président, nous avons l'intention de faire
le plus possible, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de grève.
Le Président: Je vais reconnaître en principale M.
le député d'Ungava.
Aide gouvernementale
aux ex-travailleurs de
Mines Gaspé à Murdochville
M. Claveau: Merci, M. le Président. Vous savez que depuis
la fermeture de Mines
Gaspé, les citoyens de Murdochville vivent des moments
très difficiles et malgré tout le courage dont ils font preuve,
il est bien évident qu'ils auront besoin de l'aide du gouvernement pour
s'en sortir.
Selon les renseignements mêmes que nous avons obtenus, il y en a
plusieurs, pour ne pas dire toute la population, qui ont eu des surprises
très désagréables sur le nouveau rôle
d'évaluation de 1988 considérant que l'évaluation des
maisons entre 1987 et 1988 passe de 50 %, 40 %, même jusqu'à 30 %
de la valeur de ce qu'elles étaient l'année
précédente.
Le 21 octobre dernier, en cette Chambre, alors que je demandais au
ministre responsable du dossier, le ministre délégué aux
Mines, quand il avait l'intention de rassurer les gens de Mines Gaspé ou
de Murdochville par rapport à ses intentions, il disait: II m'est
impossible à ce moment-ci de donner une date. Au même moment, le
député de Gaspé, président du comité
supposément interministériel pour régler le
problème de Murdochville, disait à qui voulait l'entendre en
Gaspésie: Vous allez avoir une réponse avant le 15 novembre. On
l'a vérifié.
Le Président: Question.
M. Claveau: M. le Président, ma question est: Quand est-ce
que le ministre délégué aux Mines va donner une
réponse aux gens de Murdochville?
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et responsable des Affaires autochtones. M. le ministre.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Effectivement, le
député d'Ungava vient juste de décrire comment on a
été actifs dans ce dossier. On s'est impliqué dans le
dossier dès les annonces. On a formé un comité. On a fait
nos analyses. Il y a eu des rencontres avec tout le monde. On a
préparé un document et je peux dire au député de
Gaspé que, dès bientôt, on sera en mesure d'aviser la
population d'une prise de décision de la part du gouvernement.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle.
M. Claveau: M. le Président. J'ai une question qui
pourrait avoir plusieurs volets. Est-ce que "dès bientôt" veut
dire ce que l'autre jour, le député de Gaspé disait: Avant
le 15 novembre? Ou est-ce que cela veut dire encore dans six mois? On est en
droit de douter. Je voudrais également poser, par la même
occasion, une autre question. Je veux savoir ce que veut dire "dès
bientôt".
Deuxièmement, ce document qui nous est promis avec tant
d'insistance depuis si longtemps, est-ce qu'il ne concerne que les
ex-travailleurs de Mines Gaspé ou est-ce qu'il concerne l'ensemble de la
population de Murdochville pour qui, sans aucun égard à leurs
sources de revenus ou à leur milieu de travail, la dévaluation
compte pour tout le monde?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et responsable des Affaires autochtones. M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Cela concerne d'abord
les ex-travailleurs de Mines Gaspé à Murdochville. Pour ce qui
est de quand, évidemment, ce ne sera pas avant le 15 novembre, on est
rendu au mois de décembre. Je peux vous dire qu'on a agi avec
célérité dans ce dossier, qu'on a toujours eu l'intention
de bien servir les mineurs qui travaillent à Mines Gaspé,
moi-même et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. On a préparé une approche, une
solution, qu'on croit acceptable, et l'annonce devrait se faire sous peu.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle.
M. Claveau: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que
le document qui est censé être prêt a été
déposé au Conseil des ministres tel qu'il aurait dû
l'être cette semaine?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et responsable des Affaires autochtones.
M. Savoie: Le document est en cours, il est signé.
Le Président: M. le député de Gouin, en
principale.
Privatisation des établissements de
santé
M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président. Ma
question s'adresse au premier ministre. Il est bien connu que le gouvernement
actuel est on ne peut plus favorable aux privatisations; c'est d'ailleurs au
coeur de ses orientations et même de ses priorités d'action
gouvernementale. Or, depuis plusieurs mois, on sait qu'il y a un
intérêt de plus en plus grand dans le monde de la santé et
des services sociaux pour privatiser un certain nombre d'établissements.
On sent cet intérêt dans un certain nombre de milieux. Â
tout moment, on entend parler de projets, de déclarations, de
manifestations d'intention et même, dans certains cas, il y a eu des
offres formelles d'achat qui ont été faites. On se rappelle que
cela a été le cas pour des centres d'accueil. On a parlé
récemment de l'hôpital Saint-Michel. Maintenant, la rumeur veut
qu'il y ait des offres d'achat ou des manifestations d'intention pour
l'hôpital du Sacré-Coeur. La rumeur veut même que le premier
ministre ait eu une rencontre sur cette question.
Ma question est la suivante, M. le Président: Est-ce que le
premier ministre pourrait nous informer aujourd'hui de la position officielle
et formelle de son gouvernement quant à l'idée de privatiser des
établissements dans le secteur de la santé et des services
sociaux? (10 h 40)
M. Bourassa: M. le Président, je remercie le
député indépendant, sinon indépendantiste du
comté de Gouin, de me poser cette question principale, l'une des
très rares questions principales qui me sont adressées. Je
croyais en avoir une du côté de l'Opposition. Cela m'aurait permis
de souhaiter bonne chance au chef de l'Opposition pour le conseil national de
la fin de semaine et pour essayer de convaincre la nouvelle Antigone du Parti
québécois, la députée de Maisonneuve.
Des voix: Ha! ha!
M. Bourassa: Ce que je voudrais... Il n'y a pas...
Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le premier ministre, vous avez la parole.
M. Bourassa: M. le Président, il n'y a pas de changement
à la politique du gouvernement. Il peut y avoir des gens qui pensent
à de nouvelles formules, ce n'est pas particulier au Québec. Aux
États-Unis, en Europe, dans d'autres provinces du Canada, il y a
actuellement un effort de réflexion considérable étant
donné les coûts croissants de la santé et le vieillissement
de la population. ! y a donc des efforts de réflexion qui sont faits de
part et d'autre pour faire face à cette situation qui s'annonce
très sérieuse non seulement pour les finances publiques, mais
aussi pour la qualité des soins de santé. Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux, comme je l'ai dit à plusieurs
reprises, a investi... nous avons investi de notre côté 1 000 000
000 $ de plus et non pas 200 000 000 $, comme l'a dit, hier, le chef de
l'Opposition. J'ai les chiffres ici qui contredisent formellement le chef de
l'Opposition qui, lors de la conférence de presse sur le deuxième
anniversaire du gouvernement, disait que, au lieu de 1 000 000 000 $,
c'était
200 000 000 $; c'est complètement faux, j'ai tous les
détails ici pour contredire le chef de l'Opposition. Ce que je dis au
député de Gouin, c'est que nous sommes conscients de cette
situation, mais le député est au courant - d'ailleurs, cela avait
été établi par l'actuel chef de l'Opposition - des travaux
de la commission Rochon qui va nous faire des recommandations d'ici à
quelques semaines au sujet de plusieurs de ces options. Pour l'instant, aucune
personne, aucun groupe ne peut faire des suggestions au gouvernement. Il n'y a
d'aucune façon de changement d'orientation dans la politique du
gouvernement. Nous allons examiner le rapport Rochon et nous prendrons les
décisions en conséquence.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: Oui, M. le Président. Comment le premier
ministre peut-il concilier les propos qu'il tient ce matin avec ceux que tenait
sa ministre de la Santé et des Services sociaux dans le dossier de
l'hôpital Saint-Michel, où elle déclarait qu'elle ne
s'opposait pas, en principe, à la privatisation de l'hôpital
Saint-Michel et qu'elle était même favorable à une
expérience pilote dans le domaine d'une privatisation d'hôpital?
Je vois le président du Conseil du trésor qui acquiesce. D'autant
plus, M. le Président, qu'on sait déjà qu'il y a une
expérience: l'hôpital Bellechasse.
Est-ce que c'est la position du premier ministre, qui dit qu'il n'y aura
pas de privatisation, ou celle de la ministre, qui dit qu'il y aura
privatisation, qui représente la position gouvernementale?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, il ne faut quand même
pas confondre deux situations différentes. L'hôpital Bellechasse
était déjà une institution privée.
Une voix: Bon!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: II ne faut pas confondre deux hôpitaux qui
n'ont pas nécessairement les mêmes fonctions. Un de ces
hôpitaux, si je ne me trompe pas, se trouve dans le comté de
Gouin. Non? Je m'excuse, M. le Président, il me semble que
l'hôpital n'est pas tellement loin. Je ne sais pas ce que la nouvelle
carte électorale fera au député indépendant.
Le Président: À l'ordre, s'il vous platt!
M. Bourassa: Je veux lui dire qu'il peut y avoir des propositions
qui sont faites, il peut y avoir des suggestions par différents groupes,
mais il n'y a pas de changement dans la politique du gouvernement, et ce
jusqu'à ce que nous recevions le rapport Rochon. Nous verrons, à
la suite des recommandations du rapport Rochon, quelles seront les nouvelles
priorités du gouvernement.
Le Président: Une dernière additionnelle, M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Est-ce que je dois retenir, des propos du premier
ministre, ce matin, qu'on n'apercevra pas, dans les prochaines semaines ou dans
les prochains mois, une pancarte à la porte d'un hôpital disant
qu'il est à vendre avec la permission du premier ministre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le député de
Gouin retrouve son ancien style qu'il avait abandonné. On fait toujours
preuve de continuité et on voit les résultats: 75 % des
Québécois trouvent que les choses vont bien au Québec.
Des voix: Bravo!
M. Rochefort: ...dans le domaine de la santé.
Le Président: M. le député de Gouin.
M. Bourassa: Je ne blâme pas le député de
Gouin de poser des questions sur ce sujet, c'est un des défis de toute
société moderne de faire face... Le député de Gouin
doit avoir l'occasion de suivre un peu ce qui se fait ailleurs, puisque c'est
son secteur privilégié. On voit les efforts qui sont faits dans
tous les autres pays pour faire face à la fois à l'augmentation
spectaculaire des coûts et à la qualité des soins. Toutes
sortes d'expériences sont tentées, dans plusieurs pays, pour
concilier l'objectif de la stabilisation des finances publiques avec la
qualité des soins, à cause principalement du vieillissement de la
population.
Nous sommes prêts à examiner différentes formules.
Il reste qu'au Canada et au Québec, en particulier, la proportion qui
est affectée aux soins de la santé est très comparable
avec la plupart des pays occidentaux, nettement inférieure à
celle qui existe aux États-Unis, même si l'on voit, à
l'occasion de cas particuliers, ce que cela peut coûter pour se faire
soigner aux États-Unis. On a quand même l'un des systèmes
de santé les mieux cotés au monde.
Le Président; En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Cela étant dit, nous
sommes prêts à examiner des formules pour voir s'il n'y
aurait pas lieu de concilier d'une façon plus efficace les objectifs
dont je parlais tantôt.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître, en
principale, Mme la députée de Chicoutimi.
Demande d'annulation
des derniers examens
imposés aux acupuncteurs
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Les personnes qui
désirent continuer de pratiquer l'acupuncture au Québec doivent
passer un examen administré par la Corporation des médecins. En
octobre dernier, plus de 300 acupuncteurs se présentaient à un
examen, mais seulement 16 % d'entre eux le réussissaient. Lors des deux
séances précédentes, le taux de réussite avait
été respectivement de 35 % et 65 %. Cela suscite de nombreuses
questions, évidemment, quant à la sévérité
des examens, et les candidats se plaignent d'irrégularités
nombreuses. On n'a pas communiqué ni le résultat des examens ni
les notes de passage, et les acupuncteurs demandent que l'examen soit
annulé. Qu'entend faire le ministre de l'Enseignement supérieur
et de la Science pour régler cette situation qui est tout à fait
inacceptable?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Ainsi que le souligne la députée de
Chicoutimi, les derniers examens auxquels ont été soumis des
acupuncteurs ont produit des résultats décevants pour plusieurs
d'entre eux. C'est vrai que le taux de réussite sur, je pense, 300
candidats ou quelque 300 candidats, était de 49. J'ai fait
vérifier évidemment parce que de nombreux acupuncteurs ont fait
des représentations auprès de mon bureau. On m'informe que les
questions ont été modifiées cette fois-ci. Les deux
premières fois, on avait utilisé les mêmes questions. C'est
évident que la force portante des questions allait en diminuant parce
que ces questions se communiquaient, et ce serait devenu un exercice de
routine. Il y en a qui commençaient à vendre des questions.
Alors, il fallait que la Corporation des médecins procède
à une modification des questions. Les premières questions avaient
été faites avec le concours d'un organisme américain pour
être sûr qu'elles seraient objectives. Et, cette fois, elles ont
été faites avec le concours de la Faculté de
médecine de l'Université Laval, un organisme spécialement
constitué à cette fin et qui offre toutes les garanties de
crédibilité et de sérieux souhaitables.
Dans ces conditions, je n'ai pas l'intention de demander qu'on revienne
sur l'exercice. La Corporation des médecins m'assure cependant que les
candidats qui ont échoué auront deux chances de se reprendre au
lieu d'une seule, deux chances de se reprendre. Je pense qu'il faut laisser le
mécanisme suivre son cours. Et j'entends suivre de près le
déroulement des prochains examens et, au besoin, je demanderai à
la Corporation des médecins de pouvoir désigner moi-même
une personne qui participera de près aux travaux du comité
responsable des examens...
Le Président: En conclusion.
M. Ryan: ...afin de s'assurer que les griefs qu'on pourrait
soulever auront connu leur réponse avant même de l'être.
Mais je signale que, dans les milieux...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Ryan: ...d'acupuncture, il y a, depuis le début, une
réaction d'opposition très ferme au principe même des
examens, et, là-dessus, il n'est point question de revenir.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Comment
le ministre explique-t-il que les candidats à l'examen aient
reçu, avant même de savoir s'ils avaient échoué ou
réussi leur examen, un dépliant publicitaire pour les inciter
à s'inscrire à des cours préparatoires pour une reprise,
alors que là, il nous dit qu'il y a deux reprises, deux fois deux
cours?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je suis au courant qu'une personne aurait
procédé comme vous le dites, aurait écrit à des
acupuncteurs afin de les inviter à s'inscrire à des cours. Nous
sommes en train d'enquêter là-dessus et s'il devait être
établi que cette personne faisait partie du comité d'examen,
c'est évident qu'il y aura action immédiate pour l'exclure du
cénacle.
Une voix: ...
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: Ou conclave. Il va l'exclure du conclave.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: Excommunication. (10 h 50)
Une voix: L'exclure du cénacle.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: M. le Président, selon un dépliant
qui a été adressé aux acupuncteurs qui ont
échoué à l'examen, il appert qu'un des membres du jury est
précisément personne-ressource pour donner ces cours qui
coûtent 2500 $. Je voudrais savoir ce que le ministre entend faire de
concret là-dessus, à part donner sa
bénédiction.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Toutes les personnes qui sont mises en accusation ont
droit à une enquête complète et impartiale. Nous
poursuivons l'enquête sur ces allégations. Dès que celle-ci
sera terminée, les conclusions seront annoncées.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Est-ce
qu'il ne serait pas plus souhaitable, pour éviter des conflits
d'intérêts potentiels, que les examens soient encadrés par
un autre organisme neutre tel l'Office des professions? Est-ce que le ministre
peut déposer le rapport du comité présidé par Me
Dussault qui était chargé de régler cette situation?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: En général, comme les
députés le savent très bien, les examens des corporations
professionnelles sont administrés sous la responsabilité des
corporations professionnelles et nous n'entendons pas changer cette
règle de base.
Le rapport de M. Dussault m'a été remis
périodiquement. Je ne lui avais pas demandé un rapport
général à la fin de son travail. Il a accompli tout son
travail et cela nous a conduits à la modification législative de
l'an dernier. Depuis ce temps, je lui ai demandé d'exercer une
surveillance sur le processus, mais je ne lui ai pas demandé de rapport
systématique et il n'avait pas à m'en produire.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître en
principale M. le leader adjoint de l'Opposition.
Irrégularités décelées par
le Vérificateur général à REXFOR
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Le 19 juin dernier, je
demandais au ministre délégué aux Forêts s'il
déposerait le rapport de REXFOR et il m'a répondu que ce
n'était pas possible puisque le Vérificateur
général poursuivait une vérification
intégrée.
Selon les informations dont je dispose, cette vérification a
été terminée le 4 juin. Le ministre aurait
été mis au courant à ce moment-là de certaines
irrégularités. M. Robert D. Murray, président du conseil
d'administration, qui a été nommé par le ministre actuel,
aurait été remboursé, toujours d'après les
renseignements que je possède, pour un voyage fait sans mandat du
conseil d'administration en présentant des photocopies de reçus
et aurait été remboursé par sa firme avec les vrais
reçus.
Le ministre délégué aux Forêts peut-il me
dire aujourd'hui pourquoi il a cherché à camoufler ces
irrégularités en ne déposant pas le rapport avant la fin
de l'ajournement, en juin dernier?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, le rapport de vérification intégrée du
Vérificateur général a été
déposé en cette Chambre la semaine dernière - je crois que
c'est celui-ci. Il y a eu des discussions avec la société REXFOR
entre le Vérificateur général et les autorités de
REXFOR. C'est probablement à la suite de ces discussions que le
député de Laviolette a reçu des informations; parlons
plutôt de rumeurs.
Quant au rapport annuel de REXFOR, le Vérificateur
général a remis aux autorités de REXFOR une
première ébauche du rapport le 19 juin. C'est à cette date
que j'ai dit au député de Laviolette que je le déposerais
après qu'il aurait été approuvé par les
autorités de REXFOR et imprimé, ce que j'ai fait
dernièrement.
Une voix: Très bien.
M. Jolivet: M. le Président...
Le Président: M. le leader adjoint, en additionnelle.
M. Jolivet: ...est-ce que le ministre
délégué aux Forêts, était au courant, au
moment où il m'a répondu, le 4 juin dernier et le 19 juin
dernier, de ce que le Vérificateur général dit à la
page 248 de son rapport: "Les frais de représentation et de
déplacement des membres du conseil
d'administration n'ont pas toujours été appuyés par
des pièces justificatives appropriées"? Le ministre peut-il me
dire aujourd'hui si la démission, dimanche dernier, de M. Murray a pour
but de camoufler justement ces faits?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, M. le
Président, je n'étais pas au courant, le 4 juin dernier, de la
remarque du Vérificateur général en ce qui a trait aux
dépenses de voyage remboursées avec des pièces
justificatives non appropriées.
Quand j'ai pris connaissance de cette remarque-là, j'en ai
parlé aux autorités de REXFOR et je leur ai demandé de
vérifier le tout et de corriger s'il y avait lieu. C'est ce qui a
été fait avec diligence.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Jolivet: M. le Président, est-ce que le ministre peut
actuellement nous dire si c'est de la saine gestion que de tenir un conseil
d'administration de REXFOR à Rimouski plutôt qu'à
Québec, comme cela se fait normalement, une fin de semaine, le conjoint
étant présent et la partie de golf en surplus?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts. À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le ministre délégué aux Forêts,
vous avez la parole.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je veux bien croire qu'à Rivière-du-Loup nous
faisons partie de la région de Rimouski, mais je dirai au
député de Laviolette qu'il n'y a pas eu de réunion du
conseil de REXFOR à Rimouski. Il est de coutume, par exemple, que le
conseil de REXFOR se réunisse en région de temps à autre.
La réunion à laquelle fait allusion le député de
Laviolette s'est tenue à Rivière-du-Loup.
Le Président: Si vous me permettez, je vais maintenant
reconnaître M. le député d'Ungava sur une question
additionnelle.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre
délégué aux Forêts peut déposer en cette
Chambre la facture du coût total réclamé à REXFOR
pour cette rencontre du conseil d'administration à
Rivière-du-Loup?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je dirai au
député d'Ungava...
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts, vous avez la parole.
M. COté (Rivière-du-Loup): M. le Président,
il y a aussi des réunions du conseil de REXFOR dans d'autres
régions, soit en Abitibi et à d'autres endroits, je dirais aussi
à Port-Cartier. C'est la coutume. Il me fera plaisir, M. le
député d'Ungava, de déposer la facture de cette
réunion à Rivière-du-Loup, celle dont on parle.
Le Président: Cette dernière réponse met fin
à la période régulière de questions orales de cet
avant-midi. Nous allons maintenant continuer l'ordre du jour,
c'est-à-dire que je vais appeler les votes reportés.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: Oui, M. le Président, il y a plusieurs avis
à donner. Je souhaiterais que, par exception, les membres de
l'Assemblée les écoutent.
Premièrement, après les affaires courantes jusqu'à
13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des
institutions procédera à l'étude détaillée
des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre indiqué: projet de loi
77, Loi modifiant le Code civil et la Loi sur les bureaux d'enregistrement,
projet de loi 78, Loi modifiant la Loi sur les renvois à la Cour d'appel
et le projet de loi 71, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les tribunaux
judiciaires.
Deuxièmement, après les affaires courantes jusqu'à
13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures,
à la salle du Conseil législatif, la commission de la culture
procédera à des consultations particulières sur le projet
de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des
artistes de la scène, du disque et du cinéma.
Troisièmement, de 15 heures à 18 heures, de 20 heures
à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission
des affaires sociales procédera à des consultations
particulières sur le projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les
services de santé et les services sociaux.
Quatrièmement, de consentement avec l'Opposition, la commission
de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude
détaillée du projet de loi 73, Loi modifiant le Code de la
sécurité routière et la Loi sur l'assurance automobile et
ce, de 13 h 30 à 15 heures à la salle Louis-Joseph-Papineau.
Cinquièmement, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures
à 24 heures, à la
salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et
des équipements procédera à l'étude
détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre
indiqué: projet de loi 82, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité
municipale et la Loi concernant les droits sur les divertissements en
matière de taxes municipales, le projet de loi 87, Loi modifiant la Loi
sur la Régie du logement et le Code civil, le projet de loi 79, Loi
modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans
les municipalités.
M. le Président, j'ai un autre avis qui fait suite à des
consultations avec l'Opposition et à une entente voulant que la
commission des affaires sociales entreprenne sa consultation
générale et tienne des auditions publiques sur la politique de la
santé mentale à compter du 5 janvier 1988 et ce, selon l'horaire
ci-annexé que je déposerai tantôt. En conséquence,
les personnes et organismes intéressés devront faire parvenir
leur mémoire au secrétariat des commissions au plus tard le 9
décembre 1987.
La Vice-Présidente: Si vous me permettez, M. le leader du
gouvernement, je voudrais effectivement vérifier s'il y a consentement
pour la commission de l'aménagement et des équipements qui
poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 73. Est-ce
qu'il y a consentement à cet effet, M. le leader de l'Opposition?
M. Gendron: Oui.
La Vice-Présidente: Merci. Ce qui met fin aux avis
touchant les travaux des commissions. (11 heures)
Nous allons maintenant passer aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée. Il n'y a rien? Donc, ceci met fin aux affaires
courantes.
Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais d'appeler
l'article 24 du feuilleton, s'il vous platt!
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à
l'ordre!
À l'article 24 de notre feuilleton, le ministre du Revenu propose
l'adoption du principe du projet de loi 95.
M. Rochefort: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: Oui, M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Je m'excuse infiniment auprès de vous, Mme
la Présidente, mais j'aimerais peut-être attirer l'attention du
leader du gouvernement. Le leader du gou- vernement vient de déposer un
ordre de comparution des groupes intéressés à participer
à la consultation générale sur la politique de la
santé mentale. Il nous a indiqué qu'il y avait eu une entente
avec l'Opposition officielle pour que cette consultation générale
commence le 5 janvier prochain. Personnellement, je n'ai pas d'objection, mais
je m'aperçois, en consultant la liste déposée
auprès du Secrétaire général de l'Assemblée,
qu'il y a des auditions prévues jusqu'à 24 heures tous les soirs
ou presque.
Je voudrais attirer l'attention du leader du gouvernement sur le fait
que ça implique un consentement unanime des membres de la commission. Je
souhaiterais avoir l'occasion de me pencher là-dessus avant que
ça devienne un ordre de la Chambre.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Les heures prévues a l'horaire que j'ai
déposé contreviennent aux dispositions du règlement et ce,
pour accommoder, entre autres, le chef de l'Opposition qui doit respecter
certains engagements. J'en conviens, on pourra discuter avec le
député de Gouin pour voir si on peut obtenir le consentement
unanime de l'Assemblée quant à la liste qu'on vient de
déposer.
M. Rochefort: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: Oui, M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: ...si je comprends, en conséquence,
jusqu'à ce que cette entente soit intervenue, l'horaire n'est pas un
ordre de la Chambre.
La Vice-Présidentes L'horaire n'est pas un ordre de la
Chambre. Cependant, il est déposé à la Chambre simplement.
Est-ce que ça répond à votre question, M. le
député de Gouin?
M. Rochefort: Parfaitement, madame.
Projet de loi 95 Adoption du principe
La Vice-Présidente: Je vous remercie. Nous allons donc
revenir à l'article 24 de notre feuilleton où il s'agit de
l'adoption du principe du projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur le
ministère du Revenu, présenté par le ministre du Revenu.
M. le ministre.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Merci, Mme la Présidente. À
l'occasion de la présentation du projet de loi
95 qui porte sur une modification qu'on fait à la Loi sur le
ministère du Revenu en matière d'appel sommaire, j'aimerais
à ce stade-ci expliquer un peu l'historique après vous avoir
donné quelques explications sur la portée de l'amendement qu'on
fait. J'aimerais, pour le bénéfice des membres de
l'Assemblée nationale et pour tous ceux qui nous suivent au petit
écran, expliquer en quoi consiste l'amendement qu'on apporte à la
Loi sur le ministère du Revenu, surtout pour permettre aux contribuables
d'avoir un recours plus facile en matière d'impôt à la Cour
des petites créances.
Essentiellement, ce que l'on fait aujourd'hui dans ce projet de loi,
c'est d'apporter un élargissement au recours que peuvent exercer depuis
quelques années les contribuables en matière fiscale devant la
Cour des petites créances. On sait que la Cour des petites
créances, en principe, permet une procédure
allégée, simple, rapide. Le contribuable peut s'y
présenter sans représentant, sans avocat, et peut
représenter lui-même le litige ou le point qu'il conteste. En
matière fiscale, c'est intéressant, parce que c'est d'ailleurs
déjà un sujet controversé, difficile, complexe. Donc,
permettre à des contribuables de s'adresser à la Cour des petites
créances pour contester un point d'impût, pour contester une
cotisation, c'est, je pense, un pas extrêmement intéressant qui a
été fait pour favoriser les contribuables dans leurs
représentations.
Je dois, cependant, faire un rappel de ce qui existait il y a quelques
années. On se souviendra que, par exemple, il y a sept ou huit ans, il
n'y avait pas au Québec de recours à la Cour des petites
créances en matière fiscale. Le recours existe depuis 1983. Je me
souviens, à l'époque - c'était vers 1979 - je faisais
partie d'un petit comité qui avait fait des représentations pour
que soit constitué au Québec un tribunal en matière
fiscale. On avait l'exemple de la loi fédérale par ce qu'on
appelle, aujourd'hui, la Cour canadienne de l'impôt et qui, à
l'époque, portait le nom de Commission d'appel en matière
d'impôt. Cela permettait à un contribuable, il y a plusieurs
années, de contester une cotisation, de faire des représentations
en matière fiscale sans procédure particulière devant un
tribunal tout à fait simple, allégé, de sorte que ce
recours s'est exercé pendant des années; il a connu une grande
popularité en vertu de la loi fédérale.
Au Québec, le seul recours de contestation devant un tribunal qui
existait, c'était la Cour provinciale. Le contribuable interjetait appel
devant la Cour provinciale par une requête, ce qui était
relativement simple, mais, après, il était assujetti au Code de
procédure civile du Québec, ce qui faisait qu'en pratique il se
retrouvait devant un tribunal dans le même contexte qu'un procès
où l'assistance d'un avocat, sans être obligatoire, est
certainement très utile. Donc, on voyait une situation malheureuse
où des contribuables du Québec, lorsqu'ils avaient à
contester un même point, une même mesure, une même
déduction refusée ou cotisée en raison de la loi
fédérale et aussi par le ministère du Revenu du
Québec, se retrouvaient devant deux avis de cotisation pour la
même chose. Je prends un exemple pour illustrer. Le contribuable se
voyait refuser, par exemple, les frais de garde d'enfant ou la déduction
de pension alimentaire. À ce moment-là, il devait contester les
deux avis de cotisation, celui du fédéral, d'un
côté, et celui du Québec, de l'autre.
Il y a là, bien sûr, un processus de représentations
que peut faire le contribuable sur un avis d'opposition. Il doit produire
l'avis d'opposition dans les 90 jours de la date à laquelle, si vous
voulez, il reçoit l'avis de cotisation ou de la date que l'avis de
cotisation porte. Il a 90 jours pour exercer son opposition. Une fois que
l'opposition est dûment reçue au ministère du Revenu, cela
fait l'objet d'une étude. Le contribuable peut encore faire des
représentations, bien sûr, et suivra une décision.
Si la décision est négative, que peut faire le
contribuable? À l'époque - je dis bien "à l'époque"
parce qu'on va voir que ces règles ont été
changées, du moins chez nous au Québec - le contribuable avait le
choix de s'adresser directement à un tribunal, qui est la Cour
fédérale, d'un côté, ou à la Cour canadienne
de l'impôt. S'il choisit la Cour fédérale, bien sûr,
c'est une procédure judiciaire beaucoup plus complexe, plus dans le
cadre d'un procès en bonne et due forme, alors que, devant la Cour
canadienne de l'impôt, qui est toujours en fonction selon la loi
fédérale, il se retrouve devant un tribunal beaucoup plus simple
où il pourra lui-même présenter sa situation et plaider son
cas.
Au Québec, le même individu qui voulait faire ses
représentations après un avis d'opposition qui lui était
signifié négatif n'avait pas beaucoup le choix. Il devait
continuer uniquement devant la Cour provinciale, comme je l'expliquais
tantôt, qui est une procédure judiciaire plus
élaborée puisque le contribuable va se retrouver directement
devant la Cour provinciale avec le Code de procédure civile du
Québec, de sorte que l'assistance d'un avocat devient presque
nécessaire. Il y a des frais, évidemment, beaucoup plus
importants. (11 h 10)
Donc, vers 1979-1980, je me souviens très bien qu'on avait
rencontré le ministre de la Justice du gouvernement du Québec de
l'époque, qui était M. Bédard, député de
Chicoutimi, qui nous avait reçus et avait
étudié la possibilité de constituer un tribunal
fiscal au Québec pour permettre aux contribuables de ne pas être
obligés d'aller systématiquement devant la Cour provinciale
suivre un procès pour faire leurs représentations sur un avis de
cotisation.
À l'époque, pendant presque une année, il y a eu
toutes sortes de discussions et de représentations. L'Association
québécoise de planification fiscale et successorale avait
grandement appuyé cette démarche et d'autres associations avaient
fait de même. Malheureusement, pour diverses raisons,
l'élaboration d'un tribunal fiscal au Québec n'a pas tout
à fait cheminé dans le sens de constituer au Québec, un
tribunal fiscal, comme tel, mais a donné lieu, en 1983, à une
spécialité, si on veut, à l'intérieur de la Cour
des petites créances afin de permettre aux juges de la Cour provinciale,
qui siègent en division de la Cour des petites créances,
d'entendre les représentations des contribuables du Québec en
matière fiscale.
Donc, depuis 1983, le recours existe. Depuis 1983, le contribuable qui
veut aller en appel d'une décision du ministère du Revenu lors de
l'étude de l'opposition qu'il a faite, donc, qui veut continuer la
contestation, a maintenant le choix de deux recours. Il peut aller en Cour
provinciale - il peut toujours le faire s'il le veut - ou aller devant la Cour
des petites créances.
Sauf qu'il y avait un petit problème. Le plafond ou, si vous
voulez, les limites d'admissibilité à la Cour des petites
créances faisaient qu'au-delà d'un certain montant le
contribuable ne pouvait pas aller devant la Cour des petites créances ou
devait se limiter aux montants prévus dans la loi quant à
l'admissibilité Jusqu'à maintenant, on pouvait aller à la
Cour des petites créances seulement pour une réduction
jusqu'à 5000 $ du revenu ou une réduction de 1650 $ d'impôt
en litige.
Alors, ce qu'on fait dans le projet de loi, essentiellement - c'est
là le principe essentiel du projet de loi 95 - c'est simplement doubler
le seuil d'admissibilité à la Cour des petites créances.
On fait quoi exactement? Le seuil de 5000 $ qui était la
réduction du revenu - je vais l'expliquer un peu tantôt - est
augmenté à 10 000 $ et le montant d'impOt en litige, qui va
permettre au contribuable de faire ses représentations devant la Cour
des petites créances, est monté à 3000 $.
Mme la Présidente, ces montants sont importants, parce que je
pense qu'à 10 000 $ de revenus en litige on rejoint, quand même,
une grande partie de la population susceptible d'avoir un différend, un
litige, avec le ministère du Revenu. En effet, avec un montant de 10 000
$ en litige comme revenu ou de 3000 $ en litige comme impôt en jeu, cela
permet à la grande moyenne des contribuables, qui ont des
représentations ou des contestations, d'avoir accès à la
Cour des petites créances où, à toutes fins utiles, c'est
gratuit, c'est rapide, c'est simple, sans formalisme. Il n'y a pas de code de
procédure devant la Cour des petites créances. C'est un peu comme
-si vous me permettez une comparaison - la Régie des loyers. Le
contribuable vient. Il a simplement à expliquer sa situation. Et le juge
va convenir assez rapidement de la décision à rendre.
Le ministère du Revenu se donne l'obligation de préparer
les pièces du dossier comme les avis de cotisation, les états de
compte, etc., pour que le contribuable n'ait pas à chercher toutes ces
pièces et à les remettre à la cour. Donc, le
ministère fait ce travail depuis 1983 pour simplifier la tache du
contribuable.
Essentiellement, ce que cela veut dire, c'est qu'à partir du
nouveau projet de loi 95, lorsqu'il sera dûment sanctionné, on
permettra aux contribuables du Québec de simplement s'adresser à
la Cour des petites créances lorsqu'ils auront en jeu, en litige, un
montant de leur revenu de 10 000 $ ou d'impôt de 3000 $.
Si vous me permettez quelques minutes, je vais essayer d'expliquer assez
simplement ce que veulent dire les 10 000 $ et les 3000 $. En pratique, cela
veut dire ceci... On aura l'occasion en commission parlementaire, bien
sûr, de faire l'étude détaillée des neuf articles du
projet de loi et de voir toute la mécanique qui est fort simple et qui,
fondamentalement, n'a pas changé depuis 1983 ou depuis les quelques
années de fonctionnement de la Cour des petites créances en
matière fiscale. Cela veut dire simplement ceci. Dès qu'un
contribuable reçoit un avis de cotisation et qu'il y a une
déduction, une exemption, une mesure fiscale qui lui est refusée,
sauf les pertes, car les pertes sont exclues du recours si on lui refuse, par
exemple, des dépenses, si on lui refuse des frais de garde, de pension
alimentaire, toutes sortes de déductions qu'il a
réclamées, qu'il a fait un avis d'opposition et que l'avis
d'opposition rejette ses représentations, pour toute mesure fiscale qui
affecte le calcul de son revenu jusqu'à un plafond de 10 000 $, il
pourra automatiquement s'adresser purement et simplement à la Cour des
petites créances. Cela, il faut le dire parce que c'est important, je
pense que c'est un recours extrêmement plus large que par le
passé, puisqu'on le double d'un coup.
Je me rappelle que, lorsque j'ai eu l'occasion de présider le
groupe d'étude sur l'application des lois fiscales, on avait une
équipe de cinq personnes, on avait des consultants du ministère
du Revenu et de l'extérieur, c'était une des recommandations du
groupe de permettre un meilleur accès à la Cour des petites
créances et d'élargir le recours pour couvrir des montants
plus
importants. À l'époque, peut-être que le montant de
3000 $ représentait une certaine réalité, mais, en
1987-1988, il fallait, je pense, revoir ces montants, surtout que l'objectif
est de permettre à la grande moyenne des contribuables au Québec
de ne plus avoir l'obligation de faire valoir leur opposition devant la Cour
provinciale avec tout ce que cela entratne de procédures dans le cadre
d'un procès. Je suis donc très heureux de cet
élargissement. Mais il y a d'autres mesures aussi qui sont nouvelles et
qui méritent qu'on s'y arrête quelques minutes. J'ai
mentionné tantôt que, lorsqu'il y a une contestation de la part
d'un contribuable sur toute affectation du calcul de son revenu jusqu'à
10 000 $, il peut aller à la Cour des petites créances. Il peut
choisir aussi, s'il le veut, de prendre comme mesure d'admissibilité la
réduction de l'impôt. Du moment qu'il y aura une réduction
de l'impôt en jeu ou, à l'inverse, dès que la cotisation
implique un impôt additionnel jusqu'à 3000 $, il pourra se
présenter devant la Cour des petites créances pour contester et
demander à celle-ci de réduire ses impôts jusqu'à
concurrence de 3000 $.
Pourquoi 10 000 $, 3000 $? C'est bien simple, c'est que le taux maximum
d'impôt au Québec est de 30 %. Donc, que l'on dise aux
contribuables qu'à 10 000 $ ou 3000 $, il n'y a pas de
différence, il ne faut pas voir ces deux chiffres comme deux limites
parallèles ou l'une excluant l'autre. Que le contribuable ait 10 000 $
de revenu en jeu ou 3000 $ d'impôt à payer, c'est la même
chose puisque, à un taux maximum d'impôt de 30 % - 30 % de 10 000
$ font 3000 $ -c'est la même situation des deux côtés. En
pratique, ce qui va arriver - on l'a vu au cours des années
précédentes - c'est que le contribuable va se fier davantage sur
une décision du ministère de lui désallouer une
déduction ou une dépense et c'est ce montant qu'il va visualiser.
C'est ce montant qui, en pratique, va faire l'objet du litige devant le juge et
non pas la réduction ou l'augmentation d'impôt imputée par
une cotisation. Cela veut dire qu'en pratique, dès que le contribuable
reçoit la cotisation, s'il n'est pas d'accord avec un
élément de la cotisation, il va faire opposition et, pour autant
que ses représentations se limitent à 10 000 $, il va être
admissible.
Qu'arrive-t-il si sa représentation est pour une mesure du
ministère qui dépasse 10 000 $? Par exemple, il demande 15 000 $
de déduction pour dépenses, le ministère refuse, il suit
tout le processus des oppositions, il pourra avoir accès à la
Cour des petites créances, mais il sera limité aux premiers 10
000 $. Il n'y a pas d'exclusion de son recours. Il sera simplement
obligé de limiter sa demande devant la Cour des petites créances
au plafond reconnu par la loi qui est de 10 000 $. En pratique, dans ce volet,
ce qu'il faut retenir, c'est que dès qu'un contribuable est
affecté dans son rapport d'impôt par le jeu des cotisations,
jusqu'à concurrence de 10 000 $, il peut aller devant la Cour des
petites créances. C'est simple, c'est facile à comprendre surtout
que le recours devant la Cour des petites créances est simple, rapide,
expéditif, sans frais, à toutes fins utiles. (11 h 20)
II y a un autre volet qui est nouveau. Je le mentionne parce qu'il est
nouveau et je pense que c'est intéressant. Cela concerne les mandataires
de la taxe. Les mandataires de la taxe, les gens ont peut-être un peu de
difficulté à comprendre ce que cela veut dire. C'est bien simple,
ce sont, par exemple, les commerçants au détail. C'est surtout
à eux qu'on pense, mais la loi vise les taxes à la consommation.
Il y a d'autres lois que je ne veux pas énumérer ici, on aura
l'occasion d'y revenir plus tard. Pour simplifier, cela veut dire que tous ceux
qui ont à percevoir, par exemple, la taxe de vente au Québec pour
la remettre au ministère du Revenu du Québec pourront, s'ils sont
des individus - on exclut les compagnies, c'est, d'ailleurs, l'exclusion du
recours devant la Cour des petites créances - s'ils font l'objet d'une
cotisation pour ne pas avoir perçu dûment les montants de la taxe
de vente, s'adresser à la Cour des petites créances et contester
une cotisation du ministère du Revenu, mais portant sur la taxe de
vente.
C'est intéressant, Mme la Présidente. Il y a tout
près de 200 000, 225 000 personnes au Québec qui sont
considérées comme mandataires du ministère, qui sont
susceptibles d'avoir des litiges avec le ministère du Revenu sur la
perception de la taxe de vente. Ce qui est intéressant, c'est
qu'à partir de la sanction de la loi ils auront le droit de s'adresser
directement à la Cour des petites créances, de faire leurs
représentations et de demander à la cour, lorsqu'il y a
jusqu'à 3000 $ de taxes en jeu, de prendre la décision.
Qu'est-ce que cela veut dire? En résumé, cela veut dire
que ce projet de loi bonifie ce qui existe déjà. Il double les
seuils d'admissibilité à la Cour des petites créances en
permettant de contester devant cette cour jusqu'à 10 000 $ de revenus en
jeu, si je puis dire, ou en litige devant le ministère, et de porter
jusqu'à 3000 $ le montant des taxes qu'un mandataire ou qu'une personne,
un individu, un particulier au Québec qui est en litige avec le
ministère, doit remettre au ministère. Je pense que,
fondamentalement, cela amènera beaucoup plus de contribuables à
penser à ce recours parce qu'il est plus facile et je pense que c'est
une bonne chose pour eux.
De notre côté, au ministère, nous ferons le maximum
pour faire mieux
connaître ce recours au public. On a des projets de publication
pour le faire connaître et inciter les contribuables à ne pas
hésiter à le faire s'ils croient que tout le processus des
discussions qu'ils ont normalement suivi au ministère ne leur donne pas
raison. À ce moment-là, on les enjoindra certainement d'aller
devant la Cour des petites créances ou à la Cour provinciale,
à leur choix, ils ont le choix. Mais je pense que cela nous permet
maintenant, si on fait une comparaison avec la loi fédérale, de
dire: Comme, au fédéral, les contribuables du Québec ont
le choix de contester soit devant la Cour fédérale ou devant la
Cour canadienne de l'impôt, qui est une cour, comme je l'ai dit
tantôt, très simplifiée, où il n'y a pas de
procédure, où on permet au contribuable de se représenter
lui-même, avec le plus de facilité possible. Je pense qu'on peut
dire que nous avons au Québec une cour en matière fiscale qui est
la Cour des petites créances.
Je suis heureux de ce cheminement. Je vous disais tantôt, Mme la
Présidente, que j'étais un de ceux qui avaient demandé, il
y a plusieurs années, qu'on forme au Québec un tribunal en
matière fiscale. J'ai été associé à ces
démarches. Nous avions eu, alors une très bonne réception
du ministre de la Justice de l'époque. Cela avait peut-être
aidé à ce développement de la Cour des petites
créances dans ce recours en matière fiscale et je suis content de
voir qu'aujourd'hui ce recours à la Cour des petites créances
prend vraiment un sens significatif, devient quand même plus important.
Je ne vous cache pas, Mme la Présidente, que cela pourrait même
permettre, à la suite de l'expérience que nous allons
connaître cette année, de revoir cela l'année prochaine. Je
m'engage, d'ailleurs, à revoir l'année prochaine
l'expérience de cette année et peut-être à augmenter
le recours à la Cour des petites créances. Peut-être,
à un moment donné, que ce recours pour contester ses impôts
à la Cour des petites créances, au Québec, pourrait,
à toutes fins utiles, répondre à tous les cas au
Québec, sans qu'il y ait de plafond fixé à 10 000 $, comme
je l'ai expliqué tantôt, dans le calcul du revenu.
C'est essentiellement, à ce stade-ci, les remarques que je
voulais faire concernant le projet de loi. Le projet de loi est fort simple. Je
ne crois pas qu'on puisse vraiment soulever une contestation sur le principe du
projet de loi. Je pense qu'il est fort louable. Il est tout à fait
attendu dans la population et permettra, dorénavant, aux contribuables
d'avoir un recours simple, direct en matière fiscale pour contester ses
impôts au Québec. On pourra dorénavant s'adresser
directement à la Cour des petites créances, que tout le monde
connaît maintenant et ce, jusqu'à concurrence de 10 000 $ de
revenu contesté ou en litige.
Mme la Présidente, on doit se féliciter, on doit se
réjouir de cette augmentation importante du montant dans le cas des
recours. Pour ma part, j'en suis très heureux. Je pense que plus les
contribuables pourront se représenter eux-mêmes, plus ils pourront
contester, plus ils vont le faire. On s'était rendu compte - je vais
terminer là-dessus, Mme la Présidente - que beaucoup de
contribuables au Québec ne contestaient pas leur cotisation ou ne
s'opposaient pas devant l'obligation de s'adresser à la Cour
provinciale, de payer des frais d'avocat et de suivre toutes les
procédures d'un procès. Cette lourdeur, ce fardeau
n'étaient pas raisonnables ou n'étaient pas proportionnels, si
vous voulez, au montant en litige. Quelqu'un qui voulait contester une
déduction de 3000 $ de frais de garde d'enfant ou de pension alimentaire
devait engager un avocat pour prendre des procédures judiciaires en Cour
provinciale. Selon tout ce qu'on connaît d'un procès, cela faisait
qu'en pratique il y renonçait. Là, il aura le choix, pour un
montant de 3000 $ de pension alimentaire contesté, de s'adresser
directement à la Cour des petites créances, d'y aller
lui-même et de faire ses représentations.
Je peux vous assurer qu'au ministère du Revenu, il n'est pas non
plus question d'être représenté par un avocat. Je veux
rassurer les gens qui pourraient s'imaginer qu'eux, sont seuls, mais qu'ils
pourraient voir arriver la batterie d'experts du ministère, ce qui peut
les désavantager. Dans aucun cas, le ministère du Revenu n'est
représenté par un avocat. Nous n'avons qu'un représentant
qui présente, dans toute la mesure du possible, avec beaucoup
d'objectivité, simplement l'avis de cotisation, les articles de loi
pertinents, et le juge a pleine liberté, évidemment,
d'interpréter et d'interroger les parties comme bon lui semble. Je pense
que ce recours est appelé à connaître, au Québec, un
développement fort intéressant. Comme je vous l'ai dit
tantôt, on songe, au ministère du Revenu, à suivre de
très près l'expérience cette année et probablement
que l'année prochaine on va revoir tout ce recours pour
l'améliorer encore une fois. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Revenu.
M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron; Mme la Présidente, je voudrais profiter de
l'occasion qui nous est offerte ce matin, par l'étude du projet de loi
95 pour faire quelques commentaires. Mon premier commentaire est clair. Je ne
pourrai pas être aussi pédagogue, aussi technicien
que vient de l'être le ministre du Revenu. Je pense qu'il a pris
la peine, objectivement, de l'expliquer on ne peut plus clairement, en
reprenant à moult reprises les mêmes exemples parce que,
fondamentalement, quand il n'y a à peu près rien dans un projet
de loi, il faut en parler longuement, il faut tourner longtemps autour.
Des voix: Oh!
M. Gendron: Non, écoutez ce que je vais dire. Il y a deux
excellentes dispositions dans ce projet de loi et il y a surtout deux bons
principes. Le ministre du Revenu a très bien fait cela, comme un bon
technicien et pédagoque qui veut que les citoyens, si jamais il y en a
qui nous écoutent ce matin... Je souhaite, en tout cas, qu'il y en ait
quelques-uns de plus à l'extérieur qu'à
l'intérieur, car souvent on n'est pas nombreux de ce temps-ci. (11 h
30)
Le projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur le ministère
du Revenu afin de rendre plus accessible la procédure d'appel devant la
Cour des petites créances. Lorsqu'on accepte un tel principe,
l'Opposition ne peut faire autrement que d'y souscrire, parce que dans les
principes il y a deux éléments principaux dans ce projet de loi.
Un premier qui est ce que j'appelle un principe d'élargissement, un
principe de couverture plus large, plus grande en 8'assurant qu'il y ait plus
de contribuables qui puissent bénéficier d'un droit d'appel, pour
s'exprimer simplement, d'une couverture additionnelle qui permet de leur offrir
une sécurité plus grande par rapport à une
procédure qu'ils voudraient utiliser en termes de
bénéfices accrus.
Je pense qu'il faut se réjouir avec raison de cette nouvelle
disposition qui permettra à un plus grand nombre de contribuables de
pouvoir utiliser la procédure d'appel devant la Cour des petites
créances pour des montants qui ne correspondaient plus tellement, je
pense, avec raison, à la réalité d'aujourd'hui et, en
conséquence, que devaient, eux aussi, en termes de seuil, être
haussés. Cela concerne les montants pour lesquels éventuellement
un contribuable serait en litige, en interprétation différente,
si vous me permettez l'expression, avec le ministère du Revenu.
Lorsqu'on veut donner un droit réel à des citoyens,
lorsqu'on veut être certain que ce droit sera effectivement
utilisé par la population la plus large possible, il me semble qu'il
faut le consacrer, le concrétiser dans un projet de loi. C'est ce que
prévoient les dispositions du projet de loi 95.
C'est un projet de loi qui, comme il a été
mentionné, rendra la procédure plus accessible à un plus
grand nombre de particuliers au sens de la loi du revenu et ce sont
également des modifications aux montants maximums qui seront
portés de 1650 $ à 5000 $, de 3000 $ à 10 000 $. Le
ministre l'a expliqué clairement, il s'agit, au fond, tout simplement de
doubler les montants du seuil et des sommes qui peuvent être
éventuellement en cause. Sur cet aspect-là, je ne prendrai pas
une demi-heure, je prendrai uniquement le temps que je viens de prendre. Oui,
c'est une bonne mesure parce qu'elle va dans le sens d'un élargissement
d'accessibilité. Des gouvernants, quels qu'ils soient, qui ont le souci
de couvrir une population plus large ou des bénéficiaires plus
largement, je pense que c'est toujours avantageux... Les citoyens s'attendent
à payer des impôts. Quand des contribuables paient, selon eux,
avec raison, trop d'impôts et que de temps en temps il y a des projets de
loi qui leur confèrent une accessibilité plus grande et qui
agrandissent la possibilité pour eux de faire valoir des droits
où, en règle générale, les coûts sont
toujours importants et majeurs, dans ce sens-là il me semble que c'est
une mesure de protection du consommateur et de la consommatrice. Je suis tout
à fait d'accord avec cette nouvelle disposition d'adaptation que le
ministre du Revenu a bien voulu faire à l'intérieur du premier
article qui, au fond, est le plus important pour ce qui est des
modifications.
Une voix: ...
M. Gendron: Oui, je l'ai dit tantôt.
Il y a également une autre disposition sur laquelle je veux
revenir: la volonté du gouvernement d'étendre l'appel sommaire
qui, dorénavant, pourra couvrir un champ nouveau qu'on a appelé,
dans le projet de loi, le champ en matière de la taxe à la
consommation. Je ne peux pas être contre, Mme la Présidente, parce
que voilà encore une modalité du projet de loi qui recoupe et qui
va exactement dans le même esprit que celui du premier principe, à
savoir élargir la couverture pour les citoyens concernant un
éventuel recours à la Cour des petites créances. Je pense
que le ministre du Revenu a effectivement été sage de permettre
que, dorénavant, la taxe à la consommation soit étendue
à l'appel sommaire. En ce qui nous concerne, il s'agit encore là
d'une disposition heureuse.
Vous avez également un autre aspect que je veux toucher
très succinctement parce que le ministre du Revenu l'a fait en excellent
technicien. Je pense que c'était comme cela qu'il fallait le
présenter pour s'assurer que la population en comprenne les
dispositions. Il y a également une modification concernant l'audition
d'appels qui, dorénavant, pourront être entendus par tous les
juges de la Cour provinciale. C'est encore un aspect intéressant quant
à la notion d'élargissement dont je parlais tantôt.
C'est aussi heureux, en ce qui me concerne, que le projet de loi
prévoie que le procédé de nomination par le juge en chef,
qui était une dimension restrictive, soit aboli.
Dans le fond, Mme la Présidente, on a beau regarder cela dans
tous les sens, les éléments sont peu nombreux mais les deux
éléments les plus significatifs sont majeurs et importants pour
les éventuels usagers de ces dispositions et, comme je l'ai
mentionné tantôt, s'inscrivent toujours dans la perspective d'un
élargissement et d'une meilleure capacité pour les
éventuels usagers, avec des seuils augmentés et avec une
couverture plus importante en termes de champs couverts. Ce sont là des
dispositions qui nous intéressent, qui nous agréent.
Finalement, je vous le répète, il n'y a pas
d'élément chamboulant la Loi sur le ministère du Revenu.
Le projet de loi incorpore les règles du Code de procédure civile
à la Loi sur le ministère du Revenu. Encore là, il s'agit
d'une mesure importante.
J'ai cependant trouvé, non pas curieux mais cela fait drôle
un peu que ce gouvernement pas trop soucieux des régions, pas tellement
préoccupé par des vraies politiques de développement
régional... D'ailleurs, on le voit dans l'attitude qu'ils ont concernant
les actions accréditives, quand on sait que le Québec a toujours
marqué le pas dans ce domaine et, là, ils attendent que le
fédéral trace le sillon pour voir s'ils peuvent marcher
là-dedans alors qu'on sait que c'est à peu près le
meilleur instrument de développement régional dans certaines
régions du Québec. Il n'y en a pas d'autre. Enlevez les actions
accréditives et il ne reste plus d'initiatives dans le
développement régional.
On aura l'occasion d'y revenir lors d'autres forums. Ici, je trouvais
intéressant de voir qu'on dit aux gens des Îles-de-la-Madeleine:
On se rappelle que vous existez, que ce n'est pas facile, vous êtes des
insulaires. Alors, il y a une disposition dans le projet de loi qui dit,
finalement: Les résidents des Îles-de-la-Madeleine pourront
dorénavant inscrire un appel sommaire devant la division des petites
créances de la Cour provinciale mais, cette fois-ci, chez eux, dans leur
milieu, c'est-à-dire au palais de justice de Havre-Aubert. En
conséquence, pour un régionaliste comme je le suis, c'est
sûr que même si c'est de l'épaisseur, comme politique, d'une
feuille de papier, dans le projet de loi qui nous concerne, c'est
intéressant pour les gens des îles de pouvoir dorénavant
amorcer une mesure sommaire devant la division des petites créances mais
dans leur patelin, dans leur milieu, avec des coûts moindres. Je tenais
à le signaler parce que cela atteste que la préoccupation du
ministre du Revenu dans ce dossier a toujours été dans le
même sens et je suis convaincu que c'était dans le bon sens.
Quand on a une préoccupation de couvrir plus large, plus grand,
de hausser les seuils pour rendre accessible à plus de personnes le
pouvoir de s'en prévaloir, j'appelle cela des ouvertures dites
démocratiques, des ouvertures un peu plus populistes, moins
restrictives. Ce sont là des choses qui me plaisent comme membre de
l'Opposition. C'est certain que, sur ce projet de loi, le ministre du Revenu
peut compter sur l'entière collaboration de l'Opposition pour
agréer ces dispositions heureuses. Nous aurons l'occasion d'en discuter,
bien sûr, en commission parlementaire.
Quant aux principes, puisque nous en sommes là, Mme la
Présidente, l'Opposition est complètement en accord avec le ou
les quelques principes que ce projet de loi apporte parce qu'ils s'inscrivent
dans une perspective qui permet au contribuable de bénéficier un
peu plus du retour de ses impôts. Merci, Mme la Présidente. (11 h
40)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Abitibi-Ouest. M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Oui, merci, Mme la Présidente. Cela
me fait plaisir d'intervenir, ce matin, sur le projet de loi 95, projet de loi
présenté par le nouveau ministre du Revenu qui apporte des
mesures qui sont des modifications à la Loi sur le ministère du
Revenu en matière d'appels sommaires. Je dois dire, Mme la
Présidente, qu'intervenir sur ce projet de loi est une tâche
agréable ce matin, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais je pense que,
si on se veut une Opposition responsable et une Opposition crédible, il
faut être capable, à l'occasion, de reconnaître qu'un projet
de loi qui est déposé par un ministre puisse être une
mesure qui va dans le bon sens.
Je pense que c'est tout à fait correct pour l'Opposition, dans un
projet de loi comme celui présenté par le ministre du Revenu
actuellement, de dire que cet ensemble de mesures qui sont prises va dans le
bon sens. Nous sommes capables, en tant qu'Opposition, de le souligner au
gouvernement, lorsqu'il présente un projet de loi qui va dans le bon
sens, de le lui dire et d'essayer de créer un mouvement qui ferait que
peut-être d'autres ministres imiteraient le ministre du Revenu,
c'est-à-dire essayeraient d'apporter des mesures d'allégement et
d'ouverture pour le petit consommateur, pour la population en
général.
Le présent projet de loi a, en effet, pour objet de modifier la
loi afin de rendre la procédure plus accessible. Le ministre du Revenu,
comme il l'a mentionné lorsqu'il a été nommé
récemment au Revenu, avait l'intention d'apporter des allégements
- je pense que sa grande expérience passée dans ce domaine peut
nous rassurer - et il donne
suite à son intention, aujourd'hui, avec le projet de loi 95,
d'être un ministre qui veut alléger, qui veut apporter des mesures
qui sont plus près du plus grand nombre de consommateurs qui peuvent
être touchés.
On sait à quel point, Mme la Présidente, les
procédures d'appel devant la division des petites créances de la
Cour provinciale sont des procédures qui touchent une classe de gens qui
n'ont souvent pas les moyens et qui sont aux prises avec des procédures
pour de petites causes. Ces petites causes touchent les petites gens. Et qu'on
puisse aujourd'hui apporter, dans le projet de loi 95, une facilité pour
permettre à ces gens de s'exécuter, je trouve cela tout à
fait valable. Je pense qu'il faut le dire tout haut. Il ne faut pas avoir peur
en tant qu'Opposition ou se sentir obligé de dénoncer lorsqu'il
n'y a pas vraiment de choses à dénoncer. Je pense que le ministre
connaît aussi ma façon d'intervenir et je tenais à
intervenir sur ce projet de loi parce que je voulais lui dire: M. le ministre,
voilà des gestes qui vont dans le bon sens.
C'est bien sûr que cela a déjà été
abordé par mon collègue d'Abitibi-Ouest et aussi par le ministre,
mais j'aimerais, de façon très succincte, toucher les points qui
sont mentionnés à l'intérieur du projet de loi 95. "Ainsi,
les montants maximums de 1650 $ et de 5000 $ sont portés respectivement
à 3000 $ et 10 000 $, aux fins de déterminer la
possibilité de recourir à l'appel sommaire et la règle qui
prévoit l'ajustement annuel de ces montants sera supprimée. De
plus, il sera dorénavant possible - grâce à ce projet de
loi - de recourir à cette procédure en matière de taxes
à la consommation, lorsque le montant n'excédera pas 3000 $."
Mme la Présidente, la Loi sur le ministère du Revenu en
matière d'appel sommaire est une loi qui est fort complexe comme telle,
mais le fait qu'on puisse l'ouvrir à plus de gens et à la
population, pour que cela puisse assurément être quelque chose de
plus accessible, va plaire à l'ensemble de la population. Je pense que
c'est dans ce sens-là que le ministre du Revenu non seulement agit dans
le projet de loi 95, mais a l'intention - et j'espère qu'il va continuer
- d'apporter plusieurs mesures.
Plusieurs cas ont été portés à l'attention
du ministre, au ministère du Revenu, qui sont des cas techniques, si on
veut, mais qui causent toutes sortes d'embûches à la population,
particulièrement au petit travailleur, au gagne-petit. Ces
gens-là sont aux prises avec une grosse machine, avec le système
informatique du ministère du Revenu, pour revendiquer leurs droits. La
volonté du ministre de vouloir s'approcher de ces gens-là et de
vouloir humaniser le ministère du Revenu, je pense que c'est une
volonté qui doit se traduire par des gestes concrets. J'encourage le
ministre à continuer dans ce sens-là parce qu'on a bien besoin au
Québec, et on aurait bien besoin aussi à Ottawa, de ces mesures
pour être capables d'alléger et de faciliter, que ce soit les
recours ou la façon de procéder ou même de s'y comprendre,
et ce, à partir même du rapport d'impôt des individus.
J'espère aussi... Je pense que l'occasion est belle, aujourd'hui,
de dire au ministre du Revenu qu'il pourra, puisqu'il est le nouveau titulaire
de ce ministère, dans les plus brefs délais, donner suite
à plusieurs recommandations du rapport du Vérificateur
général. Ce sont des mesures que le ministre pourra certainement
apporter, des correctifs à des choses qui sont là, qui sont
notées année après année et qui doivent, à
mon avis, être corrigées. Si le ministre pose des gestes comme il
le fait avec le projet de loi 95 et avec d'autres projets de loi qui sont
déjà inscrits au feuilleton, des gestes dans le bon sens, nous,
de l'Opposition, jamais nous n'hésiterons à lui donner notre
accord, notre appui, notre collaboration.
Je prenais connaissance du rapport du Vérificateur
général un peu en première, quelques heures avant,
à huis clos, en tant que critique vis-à-vis du
Vérificateur général et du ministère du Finances.
J'étais un peu renversé de voir que, dans certains dossiers, il y
a trois, quatre ou cinq ans de recommandations et rien n'a été
fait. Lorsqu'on parle du ministère du Revenu, c'est bien sûr qu'il
a des mains un peu partout, des entrées un peu partout; il a à
corriger, par le fait même. Que ce soit le meilleur contrôle au
plan de l'informatique, que ce soit l'ensemble des contrôles qui touchent
directement ou indirectement le ministère du Revenu, le ministre aura
tout un travail à faire de ce côté-là.
Je conclus en disant que, certes, à l'étude article par
article en commission parlementaire, nous pourrons apporter quelques
corrections qui seront sûrement mineures, mais sur la question de fond,
sur la question de principe, tel que c'est libellé actuellement et par
l'analyse que nous en avons faite, il semble que c'est un ensemble de mesures
qui vont dans le bon sens. J'encourage le ministre du Revenu à continuer
dans le même sens et à ne pas oublier que beaucoup de travail
s'est accumulé, en termes de correctifs, et j'espère que le
ministre du Revenu pourra, au cours de la prochaine année ou des
prochains mois, non seulement avoir cette volonté politique, mais
pousser sur la machine pour corriger plusieurs des situations. Je vous
remercie, Mme la Présidente. (11 h 50)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Bertrand. M. le ministre du Revenu, en
réplique.
M. Yves Séguin (réplique)
M. Séguin: Mme la Présidente, si vous me le
permettez, juste quelques minutes. D'abord, je suis heureux de constater que
nos collègues de l'Opposition nous accordent leur collaboration et leur
appui dans ce projet de loi. Remarquez que j'avais un petit doute qu'il n'y
aurait pas beaucoup d'opposition. Mais je suis quand même rassuré
ce matin.
Je prends bonne note de l'esprit dans lequel les collègues de
l'Opposition se sont exprimés dans un but de voir à des
améliorations. Je les invite, d'ailleurs, à le faire, comme dans
le passé, dans les travaux qu'on a faits à la commission du
budget lorsque nous faisions l'étude des projets de loi en
matière fiscale. Lorsqu'il y a des recommandations ou des suggestions,
je suis le premier à les examiner et, dans la mesure du possible,
à les adopter, étant donné le contexte des lois que nous
avons.
Mon collègue et député d'Abitibi-Ouest a
mentionné tantôt qu'il est heureux de voir une mesure concernant
les résidents des Iles-de-la-Madeleine. Moi aussi, je suis content. On a
pensé à eux et, là, on leur donne la possibilité de
faire leur recours d'une façon plus facile. J'aimerais mentionner que
jusqu'à maintenant les résidents des Îles-de-la-Madeleine
pouvaient faire leurs recours devant la Cour des petites créances en
matière fiscale, mais à Percé, à Québec ou
Montréal. Mais ce qui était le plus près de chez eux,
c'était Percé. Là, on leur permet de le faire chez eux
à Havre-Aubert. Je pense que c'est plus logique, plus rationnel.
Sans être plus fin finaud qu'il le faut, je veux simplement
répliquer à mon collègue d'Abitibi-Ouest que, s'il dit que
maintenant on reconnatt l'existence des gens des Iles-de-la-Madeleine pour leur
donner un recours confirmé dans la loi chez eux, il faudrait penser que,
s'il dit cela, cela veut peut-être dire qu'avant qu'on le leur donne, nos
prédécesseurs ne l'avaient pas reconnu dans la loi depuis 1983.
Mais, enfin! J'espère que ce n'est pas cela qu'il voulait dire. Je
présume que ce n'est pas cela qu'il disait.
Je suis très heureux de ce projet de loi dans l'ensemble. On
pourrait peut-être l'améliorer. Mais ce que j'ai indiqué
tantôt à savoir qu'on pourrait continuer dans le même sens,
actuellement, on est intéressé à regarder cela de
près et à aller un peu plus loin. Comme par d'autres projets de
loi, ma préoccupation majeure est toujours de regarder du cOté du
contribuable et de tout ce qu'on peut faire, tout ce qui est humainement
possible de faire, pour l'aider davantage, soit dans ses recours, dans ses
responsabilités, dans ses obligations. Tout ce qu'on peut faire pour
aider à simplifier le processus, on va le faire avec le plus d'humanisme
possible en pensant tout le temps à lui. J'en fais une profession de
foi; je le dis et je le répète. Je ne pense qu'au contribuable
pour essayer de l'aider dans sa difficile obligation de faire des
déclarations fiscales quand il se retrouve dans un système fiscal
fort complexe. Il y aura d'autres mesures qu'on va annoncer prochainement,
avant Noël et après, qui sont toutes dans le sens de se rapprocher
le plus possible du contribuable. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Revenu. Le
débat étant terminé, est-ce que le principe du projet de
loi 95, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu en
matière d'appel sommaire, est adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Gratton: Mme la Présidente, je vais motion pour que le
projet de loi soit déféré à la commission du budget
et de l'administration pour étude détaillée et pour que
cette commission soit présidée par le président de
séance.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais maintenant
d'appeler l'article 18 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 84 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 18 de notre
feuilleton, le ministre de l'Énergie et des Ressources propose
l'adoption du principe du projet de 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du
domaine public. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. À la fin du
siècle dernier, lorsque l'État se départissait, par vente
ou cession, de terres publiques dont il avait la propriété, il
pouvait être justifié de réserver à des fins
publiques une certaine bande de terrain en bordure des lacs et des
rivières non
navigables du Québec. Aujourd'hui, le projet de loi modifie la
Loi sur les terres du domaine public et a principalement pour effet
d'éliminer la réserve des trois chaînes sauf pour certaines
exceptions que je vais décrire tantôt.
Avant d'aller dans les mesures concrètes du projet de loi, je
voudrais faire un petit historique pour expliquer comment la réserve des
trois chaînes a vu le jour, comment elle a été
instituée, les problèmes qu'elle a causés et la solution
qu'on y apporte. En effet, la vente ou la cession d'une terre en bordure d'une
rivière ou d'un lac non navigable entraînait, à cause du
régime seigneurial des titres en vigueur à cette époque,
la propriété du lit de la rivière et du lac jusqu'à
son centre, et cela, avec la conséquence que le gouvernement risquait de
perdre la propriété des droits de pêche lui appartenant
comme propriétaire des terres riveraines et, de ce fait, de ne plus
pouvoir exercer une gestion efficace des pêches sur les territoires
affectés. Cette volonté de conserver à l'État la
propriété des droits de pêche s'est traduite, en 1882 et
1888, par des directives du commissaire des terres ordonnant aux agents de la
couronne de ne pas vendre de terres riveraines près d'un cours d'eau non
navigable sans que ne soit constituée une réserve de trois
chaînes en profondeur lors de la vente ou de la cession. On dit trois
chaînes, parce que c'était la mesure des arpenteurs, une
chaîne représentant 66 pieds. Ils prenaient comme mesure trois
chaînes, ce qui faisait 198 pieds devant être
réservés pour accès aux lacs et aux cours d'eau non
navigables.
En 1888, afin de conférer un caractère formel et
exécutoire à ces directives, la loi de la pêche a fait
l'objet d'un amendement afin de prévoir expressément l'obligation
de réserver au moins trois chaînes en profondeur lors de la vente
ou de l'octroi de terres publiques bordant les rivières et les lacs non
navigables. Cette réserve s'appliquait de façon automatique et
sans mention en ce sens dans les lettres patentes. Vous voyez que le
problème qui existe aujourd'hui remonte à plusieurs
années. La réserve n'étant pas expressément
instituée par le seul effet de la loi, mais plutôt par
l'obligation qui était faite aux agents des terres de retenir celle-ci
lors de la vente ou de l'octroi des terres publiques, une très grande
confusion s'est rapidement installée dans ce domaine à la suite
des oublis ou erreurs d'interprétation de ceux qui étaient
chargés de l'application tant des directives du commissaire des terres
que de la loi.
Cette obligation de soustraire la réserve n'ayant pas toujours
été respectée par les agents de la couronne, la loi de la
pêche fut de nouveau amendée et, en 1889, la modification
prévoyait que pour l'avenir, c'est-à-dire pour toutes les ventes
faites après 1889, les ventes ou octrois gratuits seraient sujets
à une réserve pour fins de pêche de trois chaînes
lorsque la terre vendue bordait un cours d'eau non navigable. Cette loi
prévoyait également, comme mesure transitoire, que la
réserve pour fins de pêche existe également pour toutes les
ventes, concessions ou octrois gratuits depuis le 1er juin 1884. En 1884, avec
la pratique, ils ont commencé à l'inclure dans les lettres
patentes. Quand ils ont vu qu'il y avait des oublis et de la confusion, en
1889, ils ont adopté une loi rétroactive à 1884 pour
couvrir toutes les transactions depuis 1884.
Une autre modification apportée en 1919 est venue préciser
la nature du droit de propriété visé par la loi de la
pêche. L'expression "réserve pour fins de pêche" a
été remplacée par celle de "réserve de pleine
propriété en faveur de la couronne". On commence à voir un
peu le genre de confusion: il y avait la réserve pour fins de
pêche qui devait être incluse dans les lettres patentes. Parfois,
elle n'était pas incluse et elle était omise. On a inclus dans la
loi "réserve pour fins de pêche"; on a fait la loi
rétroactive. En 1919, on a amendé la loi pour clarifier que
c'était une réserve de pleine propriété en faveur
de la couronne. (12 heures)
II en est résulté une véritable confusion juridique
sur la nature de la réserve et son effet rétroactif. Le jugement
rendu par la Cour suprême le 5 mars 1987 portait principalement sur la
portée exacte de la réserve entre le 1er juin 1884 et le 17 mars
1919. La question en litige consistait à déterminer si la
réserve constituait un droit de propriété ou une simple
servitude. Toute la décision qui a pu mener à faire les
changements que nous proposons aujourd'hui, décision du 5 mars 1987, a
inquiété beaucoup de gens. La Cour suprême a dit: Oui, la
réserve des trois chaînes est légale. Elle avait
été contestée par un contribuable, la Cour suprême
l'a déclarée légale et il y avait une confusion entre
droit de propriété et simple servitude. Si c'était un
droit de propriété, c'est clair que cela appartenait à la
couronne. Une simple servitude, cela voulait dire que cela appartenait au
propriétaire adjacent avec un droit de passage en faveur des autres
contribuables, en faveur du gouvernement. Cela a été
clarifié, c'est un droit de propriété, et celui qui
pensait qu'il avait la propriété dé cette réserve
avec un droit de passage a vu la Cour suprême préciser clairement,
pleinement, qu'il n'avait pas de droit de propriété et que cela
appartenait à la couronne. La Cour suprême du Canada a jugé
que la loi de 1919 visait à déclarer sans équivoque que le
droit de l'État se référait à la pleine
propriété des terres et ce, depuis l'imposition de la
réserve, soit le 1er juin 1884.
Si ce jugement, sur le plan juridique, a mis fin à la confusion
qui découlait de la nature de la réserve et de son effet
rétroactif, il n'a pas pour autant apaisé les inquiétudes
et les incertitudes au sein des populations concernées. Après le
1er janvier 1970 - on ajoute un autre élément à
l'historique, à toute la législation et les gestes posés
par les gouvernements précédents en ce qui concerne la
réserve des trois chatnes - à la suite d'une refonte de la loi de
la pêche et de la chasse, on retrouvait, à l'article 39 de la Loi
sur les terres et forêts, sensiblement les mêmes dispositions que
celles contenues à l'article 45 de la Loi sur les terres du domaine
public sanctionnée le 27 mai 1987.
Alors qu'au départ la réserve des trois chatnes visait
à sauvegarder un patrimoine collectif, elle est devenue une source de
conflits majeurs à cause de l'imprécision des textes
législatifs et d'un manque de rigueur dans son administration. On doit
se rendre à l'évidence que la réserve des trois chatnes
n'a pas toujours été appliquée avec la même
fermeté et que plusieurs amendements à la loi ont
été requis, semant la confusion chez les juristes et dans la
population. Si la situation concernant la réserve était confuse
au début du siècle, elle l'est davantage près de 100 ans
plus tard. En outre, l'intérêt de plus en plus grand de la
population pour la récréation en milieu riverain et la prise de
conscience des propriétaires riverains ont contribué à
développer un sentiment d'injustice à l'égard des
interventions de l'État dans l'application du concept de la
réserve des trois chatnes. Il devenait donc impérieux qu'une
action soit prise afin de clarifier une fois pour toutes la situation juridique
des nombreuses terres touchées par ce problème.
Le 15 avril dernier, j'informais l'Assemblée nationale, par voie
de déclaration ministérielle, que le gouvernement avait
l'intention d'apporter une solution au problème de la réserve des
trois chatnes. À cette occasion, j'avais rappelé les nombreux
problèmes reliés à l'application du principe de la
réserve et l'incertitude générale qui existait dans la
population a ce sujet. Je ne ferai pas la liste de tous les problèmes
qui existent sur ces parcelles de territoire; ceux qui en ont subi les
conséquences, qui ont vécu les problèmes qu'ils ont
portés à notre attention le savent fort bien. Je ne reviendrai
donc pas sur ces points, je m'en tiendrai à expliquer clairement la
solution à laquelle le gouvernement en est venu.
Voici, par exemple, quelques problèmes. Celui qui se croyait
propriétaire, parce que cela va par l'opération de la loi...
Quand on transfère un titre, on ne réfère pas à la
loi de 1884 ou à la loi de 1919. On transfère le titre et, dans
ce titre, il peut y avoir une description des trois chatnes. Alors, de bonne
foi, quelqu'un peut acheter tout le terrain. Se croyant propriétaire de
ces 198 pieds, en effet, il ne l'est pas en vertu d'une loi qui a
été adoptée en 1919. Il se peut que, dans certains cas,
ils aient construit sur ces terrains. Aujourd'hui, on fait face à une
situation que nous devons régler équitablement parce que les gens
qui sont affectés par cette mesure, dans la plupart des cas, ont agi de
bonne foi et n'étaient pas au courant de toutes les conditions de la
loi. On a fait une distinction entre rivière non navigable et
rivière navigable, la loi de 1970. Alors, il y a une série de
situations qui demandent une solution et c'est cela que nous faisons par
l'amendement que nous apportons à la Loi sur les terres du domaine
public.
J'ajouterai cependant, sans aller dans tous les détails des
problèmes concernant les quelque 100 000 parties de terrain qui sont
affectées, que notre gouvernement a la volonté non
équivoque de clarifier, de mettre de l'ordre dans plusieurs secteurs de
l'administration publique dont celui touchant l'administration des terres des
trois chatnes. La solution que nous avons retenue pour régler les
problèmes de la réserve des trois chatnes comporte deux aspects
différents selon qu'il s'agit des concessions à venir ou des
quelque 100 000 concessions faites depuis 1884.
Dans le cas des concessions à venir, nous abandonnons le principe
de la réserve. Lorsque mon ministère désirera garder dans
le domaine public une partie de lots pour assurer, par exemple, l'accès
public à un lac ou à une rivière, cette partie sera
dûment arpentée et soustraite de la cession. L'acheteur saura
clairement ce qu'il achète du domaine public. On ne se fiera pas
à une loi pour retenir 198 pieds. Si, à l'avenir, on vend des
terres du domaine public et qu'on veut retenir un droit de passage ou une
partie du terrain riverain, on va le décrire clairement dans l'acte de
cession et cela ne portera pas à confusion. Pour l'avenir, je crois que
la solution est claire et simple. C'est au gouvernement de retenir dans les
actes de cession les droits qu'il veut maintenir, mais le cas des concessions
existantes est beaucoup plus complexe parce qu'on ne peut pas affirmer a priori
qu'une concession en particulier est touchée par l'application de la
réserve des trois chatnes.
Cette situation s'explique. On se rappelle, d'une part, que les lettres
patentes ne faisaient référence à la réserve que
dans les rares cas où le gouvernement y renonçait et, d'autre
part, que la réserve ne s'appliquait avant 1970 que sur les lacs et les
rivières non navigables et non flottables. Après 1970, cela
s'appliquait à toutes les concessions. Avant 1970, c'était
seulement des rivières non navigables et non flottables.
La plupart d'entre nous ne pourraient pas donner une définition
claire et précise, à savoir si une rivière est flottable,
navigable ou non. Ce sont des aspects techniques pour lesquels le commun des
mortels ne peut pas vraiment avoir une expertise pour déterminer si son
titre est bon ou non. C'est cela qu'on veut clarifier aujourd'hui.
Les critères qui auraient permis de reconnaître de tels
plans d'eau, par exemple, navigables non flottables ou flottables non
navigables n'ont jamais été clairement définis et
l'imprécision quant au caractère de navigabilité des plans
d'eau est un élément d'incertitude et de complexité
supplémentaire. Il faudrait des années pour revoir chaque cas
particulier et déterminer si la réserve existe ou non. Je me
souviens, lorsque j'avais fait la déclaration ministérielle, que
le député de Roberval nous avait mis en garde. Il nous avait dit:
Allez-vous procéder cas par cas? Allez-vous définir chaque cas?
Cela peut prendre beaucoup de temps. Alors, nous avons choisi la solution
présentée aujourd'hui qui va être assez claire, assez
précise, et qui va permettre de clarifier cas par cas, mais ce sera un
principe d'abolition générale qui n'enlèvera pas les
droits acquis ou qui n'enlèvera pas l'accès dans les endroits
où il doit y avoir accès pour l'intérêt public. (12
h 10)
Toutefois, comme je le soulignais déjà le printemps
dernier, le gouvernement n'a plus besoin aujourd'hui de cette réserve
automatique pour préserver l'environnement et les habitats fauniques. Il
dispose pour cela de lois et de règlements appropriés. Dans ce
nouveau contexte, il ne lui reste plus qu'à assurer l'accès du
public aux plans d'eau et il n'a pas besoin pour cela d'être
propriétaire d'une bande de terrain si importante.
C'est pourquoi nous avons choisi de renoncer à la réserve
des trois chaînes sauf en de rares cas où l'intérêt
public l'exige et qui sont précisés dans le projet de loi. D'une
façon générale, cette réserve sera dévolue
sans frais aux titulaires de la concession. Concrètement, cela signifie
que le propriétaire d'un lot qui borde un plan d'eau, un lac ou une
rivière n'a pas à se demander si ce plan d'eau est navigable ou
non. Si la bande des trois chaînes en bordure du plan d'eau est
complètement libre et que, de tout temps, il l'a même
utilisée lui-même, il pourra conclure qu'il sera maintenant
légalement chez lui sur cette bande. C'est ce qui se produira dans plus
de 90 % des cas.
Cependant, en vue d'assurer l'accessibilité du public aux
rivières à saumon et à ouananiche et à quelques
rivières à truite ou encore aux rivières utilisées
pour la descente en canot, ces rivières sont toutes identifiées
dans l'annexe du projet de loi. La renonciation à la réserve est
assortie du maintien d'un droit de passage à pied dans un corridor de
dix mètres de largeur autour du cours d'eau. J'ai bien dit "un droit de
passage à pied" et non le droit de camper, de faire des feux de camp ou
de circuler en véhicule tout terrain. Cette façon de
procéder permet de sauvegarder les droits du public tout en
représentant une faible contrainte pour celui qui récupère
sans frais la totalité de la propriété de la
réserve.
Par ailleurs, nous avons dû temporairement faire quelques
exceptions à la règle générale et conserver la
propriété de la réserve dans ces cas bien précis.
Ainsi, lorsqu'un occupant détient un titre ou une autorisation de mon
ministère, que ce soit un bail, une servitude, un permis d'utilisation,
ou qu'il est susceptible d'en obtenir un, la réserve est retenue dans le
domaine public jusqu'à ce que tous ces titres soient
précisés. Le reste de la réserve, s'il en est, sera
ensuite automatiquement cédé au propriétaire du lot
affecté.
Tout propriétaire constatant la présence physique
d'occupants sur la partie de son lot correspondant à la réserve
saura qu'il ne récupérera pas nécessairement tout le
terrain et que la récupération ne pourra se faire qu'une fois
réglés les droits des occupants. Il pourra obtenir plus de
détails sur sa situation en se présentant au bureau
régional du ministère ou à l'unité de gestion la
plus proche.
Par contre, deux cas peuvent se présenter où aucun signe
physique ne laisse présager des droits de tierces personnes. Il s'agit
d'abord des lacs servant de réservoirs d'eau potable pour une
municipalité qui pourra détenir un bail sur la réserve
pour protéger le réservoir. Ces cas sont connus localement de
tous. Il y a également le cas des lacs dont le niveau est
contrôlé par un barrage, ce qui est aussi connu localement. Les
propriétaires du barrage peuvent détenir une servitude
d'inondation qui touche une partie ou même quelquefois toute la
réserve qui existait au moment de la vente du lot. Il est évident
qu'une telle servitude doit être respectée tant que le barrage
existera. Encore là, une visite à nos bureaux régionaux
permettra au propriétaire de savoir concrètement ce qu'il
récupère en vertu de la loi.
De plus, la réserve sur certains lots clairement
identifiés dans la loi est retenue dans le domaine public pour permettre
d'aménager des sites d'accès du public à certains lacs ou
rivières. Une fois l'espace nécessaire bien
délimité, le reste de la réserve, s'il en est, sera
également cédé au propriétaire du lot. Les
propriétaires peuvent savoir immédiatement si leur lot est
touché en consultant l'annexe I de la loi.
Dans les cas de doute le propriétaire pourra s'adresser aux
bureaux régionaux du ministère et demander une attestation
confirmant la dévolution de la réserve.
Enfin, dans certains cas, l'orientation des lignes de lots par rapport
aux plans d'eau et la dévolution de la réserve ou d'une partie de
celle-ci aux propriétaires, y ayant droit pourraient avoir comme effet
de priver d'un accès direct au plan d'eau le propriétaire qui a
un lot contigu à la réserve. Les lots ne vont pas tous dans le
même sens que le cours d'eau. Ils peuvent être de biais. Si
quelqu'un a un droit de passage sur une autre parcelle assujettie à la
réserve, il peut faire confirmer ce droit de passage afin qu'il ne perde
pas ses droits. Alors, il peut aller aux bureaux régionaux du
ministère pour se faire confirmer son droit et les détails lui
seront fournis. Le projet de loi est assez clair à ce sujet, mais il est
bien entendu que les coûts de l'aménagement et de l'entretien de
ce droit de passage seront à la charge du voisin qui obtient ce
droit.
M. le Président, nous avons soupesé toutes les
hypothèses possibles pour trouver une solution à ces
problèmes vieux d'un siècle. Nous sommes arrivés à
la conclusion que les modalités retenues sont les seules possibles et
les plus équitables. Le problème est tellement complexe qu'il n'y
a pas de solution miracle. Cependant, nous avons manifesté depuis deux
ans notre efficacité administrative. C'est dans cette perspective que
nous nous sommes attaqués au problème des réserves. Les
modalités proposées vont régler dès le
départ plus de 90 % des cas. Mon ministère pourra maintenant
concentrer ses efforts sur les 10 % des cas en suspens. Nous comptons pouvoir
les régler d'ici cinq ans au maximum, une fois pour toutes. Nous sommes
prêts à assumer ce défi. Nous entendons d'ailleurs
procéder, dès l'entrée en vigueur de la loi, à une
campagne intensive d'information dans les médias et à la
préparation d'un document d'interprétation qui sera disponible
dans tous nos bureaux et pour tous ceux qui en feront la demande. Notre
gouvernement veut ainsi manifester sa très grande transparence en
informant le plus efficacement possible tous les citoyens concernés.
Mme la Présidente, en terminant, j'aimerais revenir sur
l'importance de ce projet de loi pour les citoyens et citoyennes du
Québec. J'ai déjà indiqué que les
propriétaires de plus de 100 000 lots sont susceptibles d'être
affectés par la réserve légale. Plus de 90 % d'entre eux
deviendront pleinement propriétaires de la réserve par le seul
effet de la loi.
Je veux ajouter que les pêcheurs sportifs et les personnes qui
s'adonnent à des activités récréotouristiques sont
aussi visés par cette loi. En effet, le projet de loi leur conserve la
possibilité de circuler le long des rives de certaines rivières,
dont les rivières à saumon, et il prévoit que la
réserve légale affectant certains lots est maintenant dans le
domaine public pour préserver des accès publics à certains
plans d'eau.
Enfin, toutes les personnes autres que les propriétaires à
qui l'État a consenti des droits sur les réserves sont aussi
touchées par ce projet de loi, le gouvernement, ayant choisi de
sauvegarder leur droit d'accès et de passage.
En conclusion, le projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les terres
du domaine public, règle les problèmes créés par la
réserve des trois chaînes, des problèmes vieux de cent ans
et affectant de façon pratique, directement ou indirectement, tous les
Québécois qui veulent avoir accès - et tous les
Québécois le peuvent - à certaines rivières.
Ce projet de loi confirme l'engagement de notre gouvernement d'apporter
une solution définitive à l'inquiétude et à
l'imprécision qui entourait la gestion des réserves des trois
chaînes.
Mme la Présidente, le gouvernement considère que c'est la
solution la plus appropriée. Je suis convaincu que le projet de loi va
contribuer à dissiper la confusion dans la population, tout en
répondant aux objectifs du gouvernement ou en ce qui a trait à la
gestion des terres du domaine public. Merci. (12 h 20)
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources. M. le député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Oui, Mme la Présidente. Je remercie le
ministre de porter à l'attention de cette Chambre ce projet de loi 84
qui s'appelle Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public. Je
n'interviendrai pas de façon très longue sur ce projet de loi, du
simple fait qu'il s'agit là d'une mesure législative à
laquelle on concourt d'abord avec plaisir. Je veux assurer le ministre de ma
collaboration sur ce projet de loi, puisque - le ministre, évidemment,
s'attribue bien des mérites; je conviens qu'il en a quelques-uns - il
s'inscrit dans une suite logique d'événements, dans une
séquence qui fait qu'on n'aurait pu, je pense, trouver une autre
solution, par la responsabilité gouvernementale, au problème qui
se pose.
Le ministre a fait état lui-même - vous me permettrez de le
rappeler pour quelques instants - de problèmes vieux de plus de cent
ans. Je crois qu'il y a au Québec, compte tenu du nombre de cours d'eau,
des milliers et des milliers, des dizaines de milliers de terrains
affectés par le problème des trois chaînes. Il y a eu au
cours des années -permettez-moi de le rappeler d'innombrables
démarches de toute nature faites par les individus, par les
propriétaires de ces terrains, par ceux qui voulaient
devenir propriétaires, auprès du gouvernement,
auprès des cours de justice. Il y a eu des causes célèbres
qui ont été plaidées sur ce sujet et qui faisaient
toujours état de la possibilité ou non pour une personne
propriétaire d'un terrain d'être également
propriétaire de ce terrain jusqu'au cours d'eau avoisinant.
Il faut comprendre que cette loi a un caractère historique, en ce
sens qu'elle remonte à l'époque où la navigabilité
ou non des cours d'eau était un élément important puisque
les transports se faisaient davantage que maintenant par ce moyen. Nos
illustres prédécesseurs d'il y a plus de cent ans ont cru bon,
à juste titre, à bon droit, de préserver une
réserve de chaque côté des cours d'eau pour permettre une
utilisation publique et permettre également des aménagements, si
nécessaire.
La plupart, je dis bien la grande majorité des
propriétaires de terrains au Québec, qui bordaient un cours
d'eau, étaient dans cette situation où ils avaient l'usufruit, en
quelque sorte, d'un terrain qui ne leur appartenait pas. Cela a
créé toutes sortes de complications juridiques. Vous me
permettrez, Mme la Présidente, de souligner que, dans mon comté
de Roberval, il y a une municipalité, entre autres, où une rue
complète, une rue historique de la municipalité, une des plus
vieilles rues de la municipalité, est construite en quelque sorte en
bordure d'un cours d'eau. Ce n'est pas un cours d'eau navigable au sens
commercial du terme, mais il y avait une réserve des trois
chaînes. On connaît les problèmes que ces
propriétaires ont dû rencontrer. J'ai même eu l'occasion au
moment où nous formions le gouvernement et, si ma mémoire est
exacte aussi, du temps de ce gouvernement, de faire des représentations
auprès de certains fonctionnaires, auprès des ministères,
de saisir des ministres aussi de ce problème de propriétaires qui
devaient composer avec un état de fait qui, sur le plan juridique, leur
causait énormément d'inconvénients.
Qu'on puisse régulariser ces situations, j'en suis, j'en
conviens. C'est pour cela que nous concourons au projet de loi. Nous avions mis
le ministre en garde sur la façon de régler ces milliers de cas.
Ce sont presque tous des cas d'espèce, Mme la Présidente. Je
pense que tout ce que l'imagination peut nous permettre de penser comme cas
existe dans ce domaine: des gens qui sont propriétaires, des gens qui
ont acheté, des gens qui n'ont pas acheté ou des gens qui ont cru
acheter et qui n'ont pas acheté, des gens qui ne sont
propriétaires que d'une partie de terrain, des lots ou des
réserves utilisés à d'autres fins qu'à celle du
simple propriétaire, des partages de droits, des servitudes, des
terrains baignés, comme le ministre en a parlé, des cours d'eau
contrôlés par barrages - c'est le cas du lac
Saint-Jean, en l'occurrence - des cours d'eau aux rives baignées
où la réserve des trois chaînes doit s'appliquer parce que
celui qui contrôle le cours d'eau n'a pas toujours la possibilité
de le contrôler de façon satisfaisante. Il y a des milliers de
cas. Il y a des milliers de problèmes aussi. Quand on parle d'un cas,
souvent on parle d'un problème quand on arrive sur le plan
juridique.
Nous avions mis le ministre en garde -nous sommes heureux qu'il ait
suivi ce conseil - de ne pas avoir à régler, cas par cas, cette
chose. Écoutez, sur le simple plan de la logistique, je pense que le
ministère ne pouvait pas penser s'embarquer dans un règlement
dossier par dossier; cela aurait été absolument fastidieux comme
travail, impossible à réaliser dans le temps. La loi est
adoptée en décembre 1987. On se serait peut-être revus, le
ministre et moi, à nos vieux jours, autour de l'an 2000, et on se serait
probablement dit: Ils n'ont pas encore fini de faire le tour des cas. Cela
aurait été exact.
Je trouve que la solution est intéressante par le fait qu'elle
règle d'une façon générale et qu'elle permet
plutôt de considérer des exceptions qui pourraient être
portées à l'attention du ministère et pour lesquelles, je
crois - je le dis bien honnêtement - l'homme politique a un jugement
qu'il doit exercer avec son équipe de fonctionnaires. Trop souvent dans
des projets de loi - je le dis et je le pense sincèrement - on a
tendance à souligner le caractère injuste - du moins c'est le
sens des discours - de la décision d'un ministre ou d'un
ministère face à certaines applications de la loi.
Souvent, comme Opposition - le gouvernement l'a fait au moment où
il formait l'Opposition - quand le ministre se garde certains pouvoirs,
disons-le, "discrétionnaires", entre guillemets, puisqu'on peut les
définir de bien des façons, on a tendance à
réclamer des projets de loi blindés dans ce sens-là et on
fait probablement erreur. Il n'y a pas un homme de loi, ni une équipe
d'experts qui peut réussir à écrire un projet de loi qui
pourrait prévoir toutes les éventualités et qui pourrait
encadrer cela de façon légale, par voie législative. En ce
sens, il faut accepter qu'il y ait un peu d'ouverture, qu'il y ait une
espèce d'amnistie générale, pour prendre un terme plus
à la portée peut-être de l'ensemble des citoyens. Il y aura
des études et des décisions de prises, il y aura des choix de
faits par l'appareil du ministère qui a, quand même, sa
responsabilité et par le ministre - peut-être ce ministre, je ne
lui souhaite pas nécessairement un très long règne, mais,
enfin, il aura un successeur un jour, cet homme - et ses successeurs. Donc, il
a la capacité de prendre des décisions, de
porter un jugement d'homme politique et d'homme administratif aussi,
parce que, comme ministre, il a plus une fonction administrative face à
son ministère.
Alors, c'est un ensemble de cas qui sera réglé. Il y a un
aspect que j'indique simplement au ministre. Ce mérite qu'il s'attribue
ce matin, c'est à bon droit, bien sûr, qu'un homme politique peut
le faire, mais je rappellerai le caractère de cette loi qui s'inscrit
dans une démarche, dans un processus. Le mérite du ministre est
peut-être d'y donner suite, davantage ce matin que dans un ou trois ans
ou de laisser traîner le dossier. C'est peut-être son mérite
ce matin, sauf qu'il ne faut pas, non plus, lui accorder un mérite qu'il
n'aurait pas. Le ministre sait très bien, je le vois... Je n'oserais pas
dire qu'il opine du bonnet, mais je le vois sourire. Le ministre ne peut quand
même pas prétendre...
Une voix: ...
La Vice-Présidente: À l'ordre! Vous pouvez
continuer, M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Mes propos, par le
calme que j'y mets et par la grande objectivité sur laquelle ils sont
fondés, ne devraient pas exciter mes honorables collègues d'en
face. J'aimerais, à cet égard, qu'ils me permettent, pour les
quelques minutes que j'utiliserai, de les terminer de façon normale,
comme le règlement le prévoit. (12 h 30)
C'est peut-être le seul blâme que je fais au ministre ce
matin en disant: Je ne voudrais pas qu'il s'accapare un mérite
exagéré. Il sait bien que ce projet de loi s'inscrit dans un
processus normal. Il a le mérite de le faire ce matin, soit, mais sans
plus. Je pense que c'est la responsabilité de tout ministre de
l'Énergie et des Ressources d'avoir à amener des mesures
législatives comme celles-là qui sont la suite d'un long
processus, qui s'inscrivent dans l'histoire et qui sont conséquentes de
jugements qui ont été rendus jusqu'en Cour suprême.
Mme la Présidente, il y a, tout de même, un aspect sur
lequel je voudrais rafraîchir la mémoire du ministre. Je lui ai
déjà souligné - à lui et à d'autres de ses
collègues, ses ministres délégués - sur la question
du terrier dont on fait également mention dans ce projet de loi, mon
inquiétude et l'inquiétude générale de
l'Opposition, puisque, dans le projet de loi 150 sur les forêts, il
était fait mention également d'un inventaire forestier ou d'une
espèce de terrier qui serait tenu à jour.
En ce qui concerne la loi sur les droits miniers et toute la question
des "claims" de mines, il y est également fait mention d'un inventaire
de terrains qui doit être tenu à jour. Le ministre parle - dans le
fond, c'est lui, le vrai "boss" - d'un terrier pour l'ensemble des terres
publiques du Québec. Nous sommes d'accord avec cette idée.
La seule chose que je me demande... Je l'avais souligné à
chacun des autres projets de loi, en commission parlementaire, en l'occurrence,
et probablement devant cette Chambre, quoique ma mémoire ne me permet
pas, à ce stade-ci, de le confirmer avec certitude. Mais j'ai
déjà indiqué au ministre et à ses collègues
que, plutôt de créer deux ou trois catalogues - parce que c'est un
peu comme cela qu'on veut les appeler - des terres publiques du Québec,
des ressources du Québec, des terres forestières, des terrains
miniers, il serait intéressant que tout cela puisse être
regroupé.
La Chambre des notaires nous avait, d'ailleurs, fait une proposition, en
audition publique sur le projet de loi 150, si ma mémoire est exacte.
Peut-être est-ce avec le ministre? Je ne me souviens pas. C'est avec le
ministre. Ils vous avaient fait la proposition de regrouper l'ensemble de ces
catalogues dans un seul inventaire qui pourrait être sous
l'autorité du ministre de l'Énergie et des Ressources ou,
à tout le moins, qui pourrait ramasser dans un seul instrument
l'ensemble des données intéressantes et importantes qu'il
convient d'avoir lorsqu'on traite de ces questions.
En tout cas, que je sache, je ne crois pas que le ministre se soit rendu
à cette suggestion, à moins qu'il n'y ait des choses que je n'ai
pas saisies dans les propos du projet de loi. Je sais que le ministre va avoir
un droit de réplique tout à l'heure. J'aimerais qu'il puisse nous
indiquer si c'est dans ses intentions prochaines ou dans ses intentions
futures, dans un avenir immédiat ou beaucoup plus loin, d'en arriver
à faire ce regroupement qui ne nous paraît peut-être pas
nécessaire à tous crins, mais qui faciliterait
énormément le travail des hommes de loi et des fonctionnaires qui
auront à composer avec ce type de problème.
Je crois que le ministre pourrait accorder davantage
d'intérêt à cette proposition de la Chambre des notaires
qui, il faut bien le dire, sont les experts légaux dans le domaine
immobilier. Ce sont des gens qui, de par leur expérience et le
caractère particulier de leur profession, qui est propre au
Québec, d'ailleurs, sont en mesure de nous donner des conseils à
cet égard qu'aucun ministre ou aucun parlementaire n'est en droit
d'ignorer ou d'écarter du revers de la main. Je crois que ces gens ont
cette nécessaire expérience et ces connaissances qui nous
permettent, quand ils nous font une recommandation, d'y donner suite, à
moins que des raisons majeures n'amènent le gouvernement à ne pas
donner suite à ces recommandations, ce que le
ministre pourra peut-être, également, nous confirmer tout
à l'heure. Je ne le sais pas.
Nous attendons et je souhaite qu'il puisse, au moins, nous donner des
indications quant à cela. J'aimerais, comme membre de l'Opposition et
comme porte-parole, pouvoir indiquer à la Chambre des notaires, indiquer
également aux gens qui s'occupent de terrains miniers, à ceux qui
s'occupent de terrains forestiers, à ceux qui s'occupent de terres
publiques, que l'Opposition, en donnant son concours à l'adoption du
projet de loi 84, a également eu ce souci de rappeler cette chose au
ministre et aura même apporté sa contribution, si on ne corrige
pas les choses dans ce projet de loi, à une éventuelle prise de
décision de la part du gouvernement qui pourrait en venir à
regrouper tout cela ou à faire l'outil unique qui était
réclamé. Enfin, peut-être que le ministre a des projets
qu'il n'était pas prêt à annoncer tout de suite, je ne sais
pas, mais nous attendrons avec plaisir son commentaire de la fin.
Cependant, je me permets de le dire à l'honorable ministre de
l'Énergie et des Ressources, il y aurait encore un pas dans cette longue
séquence qui est engagée, un pas supplémentaire que le
ministre pourrait faire. Le ministre s'est un peu vanté ce matin, je le
répète, à bon droit jusqu'à un certain point, de
nous présenter une mesure législative importante. Soit! Moi, je
l'inscris dans une démarche plus large et je dis que c'est
l'inévitable aboutissement des choses, des événements. Je
pense qu'on peut accepter cela. Mais j'indique au ministre qu'il aurait un pas
de plus à faire parce que le boulot n'est pas fini dans le domaine des
terres publiques. Il aurait peut-être un pas de plus à faire en
regardant une hypothèse comme celle qui nous avait été
proposée. Là, on comprendrait. Je vous avoue que je me
lèverais avec plaisir en cette Chambre pour souligner avec encore plus
d'ardeur le dynamisme du ministre qui aurait fait non pas un pas forcé
par l'histoire, mais plutôt un pas de bon gré, un pas d'homme
politique qui a décidé d'aller plus loin que de donner suite aux
événements, le pas d'un homme politique qui aurait
décidé d'innover et d'amener quelque chose de plus. En ce sens,
le travail de l'Opposition aurait été fait de façon
complète, de façon constructive et de façon fort
utile.
J'en profiterai, puisque j'ai un certain temps et que, manifestement, le
ministre n'a pas utilisé tout son temps - je n'ai pas l'intention de le
faire, non plus - pour rappeler au ministre - ce que je fais depuis sept ans en
cette Assemblée, je dois le dire, en proposant différentes
suggestions au ministère de l'Énergie et des Ressources -une
suggestion pour laquelle tous les ministres m'ont écouté avec
beaucoup d'attention, une suggestion pour laquelle beaucoup de ministres ont
fait des pas.
L'ensemble des ministres à qui j'en ai parlé a fait des
pas.
Je le rappelle encore au ministre, c'est une revendication qui me tient
à coeur et qui touche aux terres publiques même si cela
déborde légèrement le sujet. Il s'agit de la question des
chemins forestiers utilisés à des fins de villégiature et
d'exploitation forestière par son ministère. Je reviens
constamment sur ce propos puisqu'il y a des situations au Québec qui
sont difficiles. Je sais que le ministre a déjà accusé
réception d'un envoi à cet égard. Le ministre m'avait
aussi promis de regarder la chose de plus près. Je connais, cependant,
les difficultés relatives à cette question. Je sais que les
fonctionnaires du ministère de l'Énergie et des Ressources, pour
en avoir fait l'expérience, sont un peu allergiques à cette
question d'une certaine manière puisqu'elle est délicate à
régler.
J'aimerais intervenir, encore une fois, tandis que l'occasion m'en est
offerte, au nom des milliers de propriétaires villégiateurs du
Québec qui utilisent des terres publiques, qui sont locataires de terres
publiques, qui utilisent des chemins qu'ils construisent, qu'ils entretiennent
à leurs frais et qui doivent les partager sans aucune possibilité
de compensation financière avec des gens qui exploitent la forêt,
qui exploitent les ressources publiques avec l'autorisation du
ministère, bien sûr, soit des permis de droit de coupe qui
existaient sous la forme qu'on connaît, mais qui continueront
inévitablement d'exister en ce qui concerne le bois de chauffage ou
certaines autres catégories comme du bois affecté par la tordeuse
ou d'autres... Ce problème demeure entier. Je sais qu'il est difficile
à régler, mais on devrait, avec un peu d'imagination ou par le
biais d'un nouveau programme au ministère, s'il y a lieu, y consentir
quelques deniers. Mais il faudra peut-être en arriver à traiter de
façon juste et raisonnable les gens qui doivent à leurs frais,
dans bien des cas, entretenir des routes forestières - cela coûte
cher - pour des personnes qui bénéficient de permis de coupe
très ponctuels, soit de bois de tordeuse, soit de bois de chauffage pour
30 cordes, trois ou quatre propriétaires qui font 120 cordes de bois et
qui les voyagent dans ces chemins. (12 h 40)
Tandis qu'on parle des terres publiques, je sais que je m'écarte
légèrement du sujet du projet de loi comme tel mais, comme il est
fait mention de certaines servitudes qui doivent toujours être reconnues
légalement pour certains terrains, je pense qu'il s'agit là d'un
problème de terres publiques, d'un problème
d'équité à l'endroit de nos concitoyens. J'aimerais
tellement que les multiples recommandations que j'aurai faites au fil des
années et qui, d'une fois à l'autre, auront fait avancer le
dossier un peu plus au
ministère puissent aboutir à une politique ou à la
mise sur pied d'un programme juste pour tout le monde. Le problème
demeure là, et peut-être le ministre pourra-t-il en arriver
à proposer un règlement intéressant.
Avant de terminer, il y a une chose sur laquelle je voudrais
également insister. Cela déborde un peu le cadre du projet de
loi, mais cela touche à ce pouvoir discrétionnaire du ministre,
à cette capacité du ministère d'apporter des solutions
à la pièce, dans certains cas, comme c'est le cas dans le projet
de loi. Il s'agit des fameux aménagements de villégiature autour
de cours d'eau déjà aménagés pour une partie de la
population. Il se dessine des problèmes, dans mon comté et
quelques cas ont été portés à ma connaissance. Le
râle du ministre n'est pas seulement de répondre au jour le jour
aux demandes qui se font et aux problèmes qui se créent, mais
c'est aussi de prévoir, pour éviter des problèmes. Il se
dessine des problèmes quant aux normes d'aménagement des terrains
de villégiature autour des cours d'eau. Je vis au Lac-Saint-Jean, comme
150 000 concitoyens autour du Lac-Saint-Jean et quelque 200 000 le long du
Saguenay. Nous vivons dans une magnifique région extrêmement vaste
de 350 000 personnes. Des habitudes ont été créées,
des habitudes d'espace, des habitudes d'utilisation, d'endroits de
villégiature moyennant certaines normes qui peuvent être
différentes des normes de celui qui reste au coeur de la ville de
Montréal et qui ferait de la villégiature à certaines
occasions, mais avec des voisins en arrière, en avant, à
côté, un peu partout.
Quand on regarde l'aménagement que le ministère veut faire
dans certains cas, de plans d'eau et de terrains autour de plans d'eau, il y a
des normes, des habitudes que certains spécialistes ont prises en ville,
et quand ils sont transférés en régions, on ramasse ces
habitudes de prévoir des aménagements, dans un secteur comme le
nôtre, où bien des lacs sont disponibles et pourraient être
ouverts à l'exploitation de la villégiature. Il y a une tendance
du ministère à proposer des plans d'aménagement de deux,
trois ou quatre rangées de chalets, par exemple, autour de cours d'eau
situés en plein bois et pour lesquels les propriétaires ont
investi des sommes importantes pensant trouver là le calme,
évidemment, et non pas un empilement plus grand que dans le village
d'où ils proviennent ou dans la ville de banlieue d'où ils
proviennent, un empilement de chalets en plein coeur d'une forêt, brimant
par le fait même les droits des personnes qui les ont acquis au cours des
années.
J'ai eu l'occasion de communiquer avec des gens de son ministère,
avec des gens de l'unité de gestion de Roberval, pour leur indiquer que
je ferais auprès du ministre, s'il donnait suite au projet
d'aménagement proposé, entre autres, dans un certain secteur que
j'ai plus fidèlement en mémoire, toutes les revendications
nécessaires et que je m'opposerais avec la dernière
énergie à l'application d'un plan d'aménagement
normalisé qui peut s'appliquer à un lac situé autour d'une
ville importante, qu'on doit partager et qu'on accepte de partager, par rapport
à un lac qui est situé à quinze milles dans le bois, au
Lac-Saint-Jean, et pour lequel les propriétaires ne comprennent pas
qu'il puisse y avoir une deuxième ou une troisième rangée
de chalets alors qu'ils n'ont pas, dans leur village, une rue, deux rues ou
trois rues en arrière.
J'ai indiqué aux gestionnaires du ministère, à
Roberval, que si la loi ne le lui permet pas, le ministre devrait le
prévoir. Il devrait pouvoir exercer son jugement et les fonctionnaires
du ministère devraient pouvoir exercer leur jugement dans ces normes
d'aménagement. On rejoint, en ce sens, les éléments du
projet de loi. Il faut laisser aux gestionnaires, à l'homme politique et
également à l'appareil administratif une certaine capacité
de nuancer des décisions qui peuvent être prises en fonction
d'éléments ou de contextes sociaux, économiques ou autres
qui sont tout à fait différents.
En ce sens, je rappelle au ministre que, même si, aujourd'hui, il
fait un pas intéressant, il y a encore beaucoup de boulot à faire
à son ministère. J'imagine qu'il en est conscient. Je lui indique
aujourd'hui deux pistes de travail qui sont celle du terrier commun, du terrier
central en quelque sorte, et celle du partage des coûts pour les chemins
forestiers qui servent plus à la villégiature et dont l'entretien
revient aux citoyens. J'invite également son ministère à
se pencher sur ce délicat problème de l'aménagement pour
permettre à nos concitoyens de profiter des lacs et des rivières
du Québec, mais de cette nécessaire décision
nuancée qui, parfois, permet de satisfaire tout le monde et
d'éviter bien des problèmes.
On devrait comprendre chez le ministre, on devrait percevoir chez le
ministre cette volonté de voir en avant, de voir plus loin et de se
préparer pour l'avenir afin d'éviter des problèmes. On
devrait comprendre que le ministre a une vision claire des problèmes qui
risquent de se présenter dans les prochaines années. On devrait
saisir chez le ministre cette perspicacité nécessaire, ce
goût, pour qu'on puisse dire que c'est un bon ministre. Pour qu'on puisse
dire que c'est un bon ministre, il faudrait qu'on puisse sentir cette
volonté de se pencher sur l'ensemble des dossiers, en quelque sorte,
d'identifier les problèmes, de les anticiper et d'éviter qu'ils
ne dégénèrent en des conflits qui devraient, par la suite,
exiger des mesures législatives correctrices,
ce qui n'est pas l'idéal. Je pense que l'Assemblée
nationale devrait pouvoir se tenir au fait, agir dès que les
problèmes se pointent à l'horizon et ne pas attendre qu'il y ait
une tragédie nationale pour légiférer et poser des
gestes.
Mme la Présidente, je terminerai mon intervention
là-dessus. Je voudrais que le ministre sache que nous allons concourir
à l'adoption du projet de loi 84. Je voudrais également qu'il
tienne compte des remarques. J'indique que le règlement de ce dossier
s'inscrit dans une perspective historique; donc, il n'a pas
nécessairement tous les mérites qu'il semble vouloir s'attribuer.
Même s'il a posé un bon geste, il ne faudrait pas qu'il pense,
voyant notre accord de principe sur ce geste, que nous sommes suffisamment
objectifs pour reconnaître que nos propos de ce matin le consacrent
définitivement comme un ministre sans pareil. Il ne faudrait pas qu'il
pense que nos propos de ce matin et notre accord sur le projet de loi font de
lui dorénavant un ministre cautionné des deux côtés
de la Chambre.
Je ne voudrais pas blesser la modestie du ministre mais je ne voudrais
pas qu'il fasse une lecture de nos propos qui aille au-delà de la
réalité. Je voudrais simplement qu'il comprenne dans nos propos
que nous sommes capables d'objectivité, nous sommes capables de situer
son projet de loi dans la perspective dans laquelle il se situe mais nous
sommes aussi capables de lui indiquer que bien des choses restent à
faire dans son ministère et qu'on aimerait que plus de gestes
législatifs puissent permettre de régler les problèmes qui
sont là. Nous aurions peut-être tendance à dire à ce
moment-là que nous trouvons sa performance acceptable.
Je vous remercie de cette attention religieuse que vous m'avez
accordée, Mme la Présidente. Le ministre a semblé en faire
autant et j'espère qu'il pourra nous indiquer dans sa réplique
sur quelle voie on se dirigera au cours des prochains jours ou des prochaines
semaines quant à l'administration de son ministère.
Là-dessus, je vous remercie beaucoup.
Une voixs Bravo! (12 h 50)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Roberval. M. le député de Rimouski.
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): Mme la Présidente, il me fait
plaisir d'intervenir sur le projet de loi 84, Loi modifiant la Loi des terres
du domaine public.
Avant de commencer mon intervention, je voudrais vous dire toute ma
satisfaction de voir comment l'Opposition joue bien son râle en
reconnaissant les mérites de ce projet de loi. Je ne sais pas ce qui se
passe ce matin, mais on a présenté deux projets de loi en cette
Chambre et les membres de l'Opposition ont agréé ces projets de
loi. Je les félicite parce que ce n'est pas tous les jours qu'on
reconnaît les mérites du gouvernement. Surtout quand ça
vient de l'Opposition, c'est d'autant plus agréable de l'entendre.
Le projet de loi 84 fait suite à un jugement de la Cour
suprême du Canada qui a été rendu le 5 mars 1987
reconnaissant la fameuse bande de terre de 198 pieds le long des cours d'eau
non navigables. Ce jugement de la Cour suprême a été rendu
à la suite d'une plainte d'un citoyen du comté de
Matapédia, comté voisin de Rimouski, mais plaidée par une
avocate de Rimouski, Me Dominique Langis. Cela a mis un point final à
cette ambiguïté à savoir si la loi des trois chaînes
s'appliquait, si elle ne s'appliquait pas, si le gouvernement était
véritablement propriétaire ou pas. Je pense que ça met fin
à cent ans d'incertitude, d'incohérence et, souventefois à
des ambiguïtés épouvantables avec lesquelles les citoyens
devaient vivre avec l'application ou non de la loi des trois chaînes.
Le jugement confirmait le droit de propriété du
gouvernement mais je dois vous dire que dans le passé, depuis 1884,
toutes sortes de faits cocasses se sont passés. Je vous donne un
exemple. Dans mon comté, le long d'une petite rivière, la
rivière du Bois Brûlé, sur une partie le long de ce cours
d'eau, tous les terrains qui ont été vendus avant 1984 avaient
droit d'accès au cours d'eau. Par contre, il y avait beaucoup de
terrains qui avaient été vendus après 1884 et eux
n'avaient pas accès au cours d'eau avec les conséquences qu'il y
en a qui se sont bâtis sur la réserve des trois chaînes,
soit à dos d'âne, c'est-à-dire une partie sur la
réserve des trois chaînes, l'autre partie sur leur propre terrain
et cela causait toutes sortes d'ambiguïtés.
En 1979, le gouvernement a statué que la loi des trois
chaînes s'appliquait et a même voulu percevoir les taxes,
c'est-à-dire des droits de perception d'un droit de concession qu'ils
avaient. Cela a aussi posé des problèmes vis-à-vis de ces
citoyens parce que, d'une part, ils payaient des droits de concession pour une
partie de terrain à laquelle ils n'avaient pas droit.
Le gouvernement, en voulant percevoir des taxes sur un terrain qui lui
appartenait et le citoyen ne voulant pas payer parce que n'étant pas
propriétaire, cela causait toutes sortes d'ambiguïtés.
Alors, le gouvernement, par l'intermédiaire de l'actuel ministre de
l'Énergie et des Ressources, a décidé de mettre fin
à cette ambiguïté. Il a fait une espèce d'amnistie
totale pour l'ensemble des citoyens touchés par cette loi des trois
chaînes.
Ainsi, plus de 200 000 citoyens du Québec pourront recouvrer leur
droit de propriété simplement en faisant valoir auprès du
ministre leur intention ou leur droit légitime d'avoir ce droit de
propriété.
Le projet de loi 84 que nous avons devant nous est relativement simple.
C'est un projet de loi qui a beaucoup de concordance avec la Loi modifiant la
Loi sur les terres du domaine public. Il a seulement dix articles, mais ces
articles sont très importants parce qu'ils donnent au ministre toute la
latitude voulue pour corriger les injustices du passé.
Parmi les points importants, ce projet de loi, entre autres, met fin au
régime de la réserve légale pour toute vente et cession
future des terres du domaine public. Cela veut dire qu'à l'avenir nous
n'aurons plus à nous occuper la loi des trois chaînes. Tous ceux
et celles qui veulent rester ou encore avoir un terrain le long d'un cours
d'eau non navigable pourront se prévaloir de cette disposition et
nécessairement profiter de plein droit de l'accès à ce
cours d'eau.
D'autre part, le projet de loi cède la réserve
légale existante en pleine propriété et sans frais aux
propriétaires actuels des lots affectés par cette réserve.
Ceux et celles qui, à l'heure actuelle, sont tributaires de cette
disposition de la réserve des trois chaînes, pourront, sur demande
au ministre, profiter de plein droit de cet espace de terrain et avoir
accès au plan d'eau. D'autre part, la loi aussi conserve le long de
certaines rivières, et en particulier les rivières à
saumon, un droit de passage à pied en faveur du public sur une bande de
dix mètres. Je pense qu'encore là, c'est une disposition de la
loi qui permet, le long des rivières à saumon, de garder une
bande de terre pour pouvoir avoir accès à ces rivières
à saumon et en même temps de donner le droit de passage à
pied à ceux qui pourront exercer cette activité sportive le long
des rivières à saumon.
D'autre part, il prévoit la possibilité pour un
propriétaire d'un lot adjacent à une réserve légale
privatisée par la loi d'obtenir une servitude de passage. Il est
évident que bien des cas peuvent se présenter. Je vais vous en
signaler un qui se présente dans mon comté. Un citoyen est
installé à peu près à 300 pieds du lac, la loi des
trois chaînes s'applique tout autour de ce lac et nécessairement,
comme il est en dehors de la limite des trois chaînes et qu'il y a un
accès au lac suivant un droit de passage, ce citoyen devrait garder son
droit d'accès au lac. Je pense que la disposition dans le projet de loi
prévoit des cas d'exception de façon à garantir à
ce citoyen qui est bâti en dehors de la limite des trois chaînes
l'accès à ce plan d'eau. C'est un élément
très important dans le projet de loi, faute de quoi nous allons causer
des injustices.
Il introduit aussi la possibilité pour le ministre de
délivrer une attestation confirmant que la réserve affectant un
lot a été dévolue au propriétaire de ce lot. Les
dispositions de la loi sont telles qu'elles englobent tous ceux et celles qui,
au Québec, sont touchés par ce problème et en même
temps vont régler à peu près 90 % des cas qu'on peut
trouver, affectés par la loi des trois chaînes. C'est un bon
projet de loi. Finalement, c'est un projet de loi qui régularise une
situation que les Québécois endurent depuis au moins cent ans.
C'est un projet de loi qui, en même temps, ne pénalise pas ceux et
celles qui pourront en profiter, dans le sens qu'il cède
automatiquement, aux ayants droit ou encore à ceux qui sont
légitimement propriétaires de ces bandes de terre, le droit de
propriété, et, en même temps, cela vient régulariser
des situations qui étaient tout à fait injustes pour ces
citoyens.
Alors, Mme la Présidente, je crois que le projet de loi est
très bon pour les citoyens du Québec. Il met fin à une
ambiguïté et à une incohérence que nous avions
à vivre. Je suis tout à fait d'accord avec le principe du projet
de loi et il me fera plaisir d'y souscrire pleinement lorsqu'on en sera
à l'étape de l'adoption. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Rimouski. Mme la députée de Matane.
Mme Hovington: Merci, Mme la Présidente. Étant
donné l'heure, il est 12 h 57, je vais vous demander de suspendre...
Une voix: II est 12 h 58.
Mme Hovington: ...12 h 58, je vous demanderai de suspendre le
débat jusqu'à cet après-midi.
La Vice-Présidente: Nous allons donc ajourner le
débat concernant l'adoption du principe du projet de loi 84 et nous
allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 5)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous allons donc
poursuivre les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, j'ai un court avis à
donner concernant les travaux des commissions.
M. le Président, je désire informer
cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra ses
travaux de 15 heures à 16 heures, à la salle 101 de
l'édifice Pamphile-Le May.
Le Vice-Président: Cet avis est donc donné. M. le
leader adjoint du gouvernement, veuillez nous indiquer l'article du
feuilleton.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 18 du feuilleton, s'il vous plattl
Le Vice-Président: L'article 18 du feuilleton. Nous allons
maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du
projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public
présentée par le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Lors de l'ajournement précédent du débat ce matin,
la parole était à Mme la députée de Matane.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: Merci, M. le Président. M. le
Président, il me fait extrêmement plaisir d'intervenir sur ce
projet de loi, le projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du
domaine public. C'est un plaisir parce que c'est un problème qui dure
depuis au moins cent ans et qui touche à peu près tous les
Québécois, comme les sportifs qui ont des chalets au bord de lacs
et au bord de rivières. Je voudrais d'abord rappeler à cette
Assemblée l'origine de la réserve des trois chaînes, M. le
Président.
D'abord, avant 1883, toute concession d'un lot bordant une
rivière ou un lac non navigable entraînait la
propriété du lit de la rivière ou du lac jusqu'à
son centre. Cela veut dire qu'un personne qui achetait un terrain ou qui avait
une concession d'un lot du gouvernement était propriétaire de ce
lot jusqu'au milieu de la rivière et jusqu'au milieu du lac. Alors, cela
entraînait la propriété du lit de la rivière. Donc,
le gouvernement a dû légiférer à ce moment-là
pour s'assurer de la propriété des eaux pour pouvoir exercer son
droit de propriété et de gestion des pêches. Le
gouvernement, à ce moment-là, adoptait sa première loi sur
les pêches en 1883.
Lors de la concession d'un lot bordant une rivière ou un lac non
navigable, en 1883, le gouvernement a dû prévoir, encore une fois
pour gérer les pêches, une bande de trois chaînes de
profondeur qui signifie à peu près 198 pieds qui était
réservée en pleine propriété au gouvernement. Cette
réserve s'appliquait, M. le Président, d'une façon
automatique et sans mention en ce sens dans les lettres patentes. Ainsi, depuis
1883, une réserve de trois chaînes affecte tous les lots
concédés en bordure des rivières et des lacs non
navigables sauf si le ministre y renonçait dans ses lettres
patentes.
En 1970, il y a eu une modification de la loi. La réserve
s'appliquait alors à tous les plans d'eau, qu'ils soient navigables ou
non.
Alors, vous voyez qu'avec les années, une certaine confusion
s'est installée sur le plan juridique. C'est ainsi qu'il y a un cas dans
le comté de Matapédia, qui est le comté voisin de celui de
Matane, qui a été porté à la Cour suprême du
Canada. Et la Cour suprême du Canada a statué, à ce
moment-là, le 5 mars 1987, a confirmé la légalité
et l'existence de cette réserve. Vous pouvez vous imaginer
l'inquiétude soulevée par ce jugement de la Cour suprême.
Dans tous les journaux du Québec, on pouvait lire: "Des milliers de
propriétaires de chalets ne sont plus chez eux." "La loi des trois
chaînes est valide." Dans un autre journal de Rimouski, c'était:
"La loi des trois chaînes affectera des milliers de propriétaires
de chalets." Dans un autre, c'est écrit: "Un débat judiciaire
vieux de plus de 65 ans vient de prendre fin entre le gouvernement du
Québec et des milliers d'individus se croyant propriétaires
riverains." En effet, la Cour suprême du Canada a statué qu'une
personne en possession d'un terrain à moins de 61 mètres d'un lac
ou d'une rivière non navigable, dont la concession par le gouvernement
du Québec a été effectuée entre le 1er juin 1884 et
le 17 mars 1919, ne peut plus être propriétaire de cedit
terrain.
Dès ce moment-là, il fallait prendre des mesures pour
apaisser cette inquiétude dans la population. L'application du principe
de la réserve des trois chaînes a créé et continue,
après le jugement de la Cour suprême, de créer de
nombreuses difficultés. Tout d'abord, il y avait l'application
automatique de la réserve, comme je l'ai dit tout à l'heure,
à moins que le ministre n'y renonce dans ses lettres patentes. Bien des
acheteurs n'étaient même pas conscients de cette restriction de
leur plein droit de propriété. C'est ainsi que la grande
majorité des terrains sont loués par billets de location ou
vendus à des fins agricoles. Les taxes perçues des
détenteurs de billets de location sont établies ou étaient
établies en fonction de toute la superficie des lots loués, sans
égard à l'existence de la réserve. (15 h 10)
Plusieurs propriétaires cultivaient la terre située sur la
réserve. Un décret a même autorisé le ministre
délégué aux Forêts à permettre gratuitement
l'exploitation de la forêt sur cette réserve. Alors, il n'y a donc
pas à s'étonner si de nombreux propriétaires ignoraient et
ignorent encore la présence de la réserve. Et ils ont même
vendu en toute bonne foi des parcelles de leurs terrains situés sur la
réserve à des fins de villégiature.
C'est pourquoi le gouvernement a
décidé de revoir toute la question et d'y trouver une
solution. Cette solution retenue comporte deux éléments, selon
qu'il s'agisse des concessions actuelles ou des concessions futures. Mais,
à l'avenir, le principe de la réserve sera complètement
abandonné.
En ce qui concerne la réserve actuelle qui affecte les lots
concédés depuis 1884, le gouvernement entend renoncer de
façon totale à son droit de propriété en faveur du
propriétaire du lot affecté, sauf dans quelques cas précis
où l'intérêt public exige le maintien d'un bloc en bordure
du plan d'eau. Ainsi, concrètement, une bande publique sera maintenue
autour d'un lac servant de réservoir d'eau potable, par exemple.
Également, une bande publique sera maintenue de part et d'autre d'une
rïvière à saumon, à la fois pour protéger
l'habitat du saumon, mais aussi pour permettre la circulation des
pêcheurs et des agents de la conservation de la faune. Cette bande
pourrait aller chercher dix mètres autour d'un lac ou d'une
rivière à saumon.
Parlant de rivières à saumon, je voudrais nommer ici les
rivières qui sont dans mon comté pour sécuriser les gens
en leur disant qu'ils continueront d'avoir accès à leurs
rivières à saumon. Par exemple, dans la MRC Denis-Riverin, qui
est dans mon comté et dans le comté de Gaspé aussi, nous
retrouvons les rivières Bonaventure, Cap-Chat, Madeleine,
Petite-Cascapédia, Sainte-Anne, Sainte-Anne-Nord-Est. Toutes ces
rivières auront une bande de dix mètres de chaque
côté afin que le pêcheur ait un accès au plan d'eau.
Dans la MRC de Matane, il y a la rivière Cap-Chat, la Cascapédia,
la rivière Pineault et la rivière Petite-Matane. Je vais nommer
les rivières de Matapédia aussi, étant donné que
c'est un cas spécial du comté de Matapédia qui avait
été porté jusqu'à la Cour suprême; c'est la
Cascapédia qui gardera dix mètres le long de la rivière
Causapscal, la Matapédia, la Pineault et la Ristigouche. Alors, la bande
de dix mètres continuera d'appartenir aux terres publiques afin de
permettre la circulation des pêcheurs et des agents de la
conservation.
Ce que je voudrais souligner, M. le Président, c'est que ce
transfert de réserve au propriétaire actuel se fera par le biais
de la loi et ce, sans coût d'achat pour le propriétaire actuel. De
plus, les blocs conservés dans le domaine public seront bien
identifiés est ils seront portés à la connaissance du
public afin que tous les citoyens du Québec puissent vraiment
connaître de façon précise les parties de réserve
qui seront maintenues dans le domaine public.
Pour bien informer la population, je parlerai des principales
étapes pour mettre fin à la réserve. Dans un premier
temps, la loi met fin à la réserve légale pour toutes les
ventes futures. La deuxième étape, la réserve
légale créée avant la loi est cédée aux
propriétaires actuels des lots. Ceux qui le désirent peuvent
même obtenir une confirmation du ministère de l'Énergie et
des Ressources pour vraiment être plus sûrs qu'ils sont
propriétaires de la réserve. La troisième étape,
une certaine portion de la réserve légale de 198 pieds est
retenue temporairement dans le domaine public. Par exemple, j'ai
mentionné les rivières à saumon tout à l'heure, il
y a des bouts de réserve ou des parties de réserve, qui servent
à des fins publiques et des chemins municipaux, qui pourront être
gardés sur les terres publiques. Ce sera le ministère qui
déterminera, en collaboration avec les ministères
concernés ou avec les municipalités, la partie de la
réserve qui doit être conservée, et il cédera cette
partie aux municipalités. Le résidu sur la réserve sera
cédé au proriétaire actuel du lot.
Il y a aussi les droits de passage. Lorsque le ministère a
consenti à un particulier un droit de passage sur la réserve
affectant un lot, le ministère cédera toute la réserve au
propriétaire du lot, mais l'acte de cession prévoira que la
cession sera sujette à ce droit, c'est-à-dire que celui qui avait
déjà un droit de passage sur la réserve pour se rendre
à un lac ou à une rivière conservera ce droit de passage.
C'est un acquis dans la loi, c'est très important.
La quatrième étape, M. le Président. Lorsque la
réserve légale est retenue dans le domaine public, le
ministère régularisera d'abord les occupations. Par exemple, il
offrira au locataire d'acheter la partie de la réserve qu'il occupe et
donnera le reste de la réserve au propriétaire actuel du lot.
La cinquième étape. Une fois que l'occupation aura
été régularisée par le ministère, ce dernier
cédera sans frais d'achat - je le répète, sans frais
d'achat - le résidu de la réserve au propriétaire du
lot.
M. le Président, cette loi affecte plus de 100 000 lots sujets
à la réserve légale. Ils ne le seront plus parce que ce
projet de loi y mettra fin. Ce projet de loi touche plus de 90 % de personnes
pleinement propriétaires de la réserve. Ce projet de loi met fin
à énormément d'ambiguïté et de mélange
que certains propriétaires de lot pouvaient avoir quant à la
propriété exacte du chalet qu'ils avaient au bord, de tel cours
d'eau, de telle rivière ou de tel lac.
M. le Président, le gouvernement considère que c'est la
solution la plus appropriée, et je suis convaincue que cette solution
contribuera, comme je le disais, à dissiper la confusion, les
ambiguïtés et surtout l'inquiétude dans la population, tout
en répondant aux objectifs du gouvernement en ce qui a trait à la
gestion des terres du domaine public. Je pense que l'Opposition, comme je
l'entendais ce matin, est parfaitement d'accord avec le gouvernement pour
dire qu'il était temps qu'une clarification soit apportée
dans la loi sur la réserve des trois chaînes qui touche à
peu près tous les Québécois. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
cède la parole à M. le député de Saint-Maurice.
M. Yvon Lemire
M. Lemire: Merci, M. le Président. Le projet de loi 84
mettra fin au principe de la réserve légale de 60 mètres
bordant les rivières et les lacs du Québec et je voudrais en
faire un résumé pour mieux le comprendre. Le projet de loi mettra
fin au régime de la réserve légale pour toute vente ou
cession future des terres du domaine public. Le projet de loi 84 va permettre
de céder la réserve légale existante en pleine
propriété et sans frais aux propriétaires actuels des lots
affectés par cette réserve. Ce projet de loi va aussi nous
permettre, comme l'ont dit mes collègues, de conserver en faveur du
public, le long de certaines rivières, en particulier les
rivières à saumon; un droit de passage sur une bande de dix
mètres. Il prévoit aussi le cas où la réserve doit
demeurer temporaire dans le domaine public afin de protéger les droits
consentis par l'État à des tiers sur la réserve
légale.
Le projet de loi 84 prévoit aussi la possibilité, pour le
propriétaire d'un lot adjacent à une réserve légale
privatisée par la loi, d'obtenir une servitude de passage. Il introduit
aussi la possibilité pour le ministre de délivrer une attestation
confirmant que la réserve affectant un lot a été
dévolue au propriétaire de ce lot.
Jusqu'à maintenant, la ligne suivie par le ministère de
l'Énergie et des Ressources consistait à faire preuve de
tolérance d'ici à ce que le gouvernement mette au point une
solution qui permette de concilier les intérêts des citoyens
confrontés au problème et ceux de la collectivité.
Pour bien situer le problème, rappelons que, pour toute
concession d'un lot bordant une rivière ou un lac non navigable, une
bande de trois chaînes de profondeur, soit 198 pieds, était
réservée en pleine propriété au gouvernement. Cette
réserve s'appliquait de façon automatique et sans mention en ce
sens dans les lettres patentes. Avec le projet de loi 84, le gouvernement a
donc l'intention, en ce qui a trait à la réserve actuelle qui
affecte les lots concédés depuis 1884 de renoncer de façon
totale à son droit de propriété en faveur des
propriétaires du lot affecté. Cela veut donc dire que plus de 90
% d'entre eux deviendront pleinement propriétaires de la réserve
par le seul effet de la loi. (15 h 20)
De plus, les pêcheurs sportifs et les personnes qui s'adonnent
à des activités récréotouristiques sont aussi
visées par ce projet de loi qui leur conserve la possibilité de
circuler le long des rivières et de certaines rivières dont, par
exemple, les rivières à saumon. Il prévoit
également que la réserve légale affectant certains lots
est maintenant dans le domaine public pour préserver des accès
publics à certains plans d'eau.
Enfin, toutes les personnes autres que les propriétaires à
qui l'État a consenti des droits sur la réserve sont aussi
touchées par ce projet de loi, le gouvernement ayant choisi de
sauvegarder leurs droits. Le gouvernement du Québec considère que
la concrétisation d'une telle volonté constitue la solution la
plus appropriée et contribuera à dissiper la confusion et
l'inquiétude qu'il y a dans la population. En effet, M. le
Président, ce projet de loi mettra enfin un terme aux inquiétudes
de nombreux propriétaires de chalet sur des lots riverains dans le
comté de Saint-Maurice, face à cette réserve des trois
chaînes. Afin de régulariser les occupations et accès aux
plans d'eau, le ministère offrira d'abord au locataire d'acheter la
partie de la réserve qu'il occupe et cédera le résidu au
propriétaire du lot.
Aussi, aux fins publiques et pour les chemins municipaux, le
ministère déterminera, en collaboration avec le ministère
concerné ou les municipalités, la partie de la réserve qui
doit être conservée, leur transférera ou cédera
cette partie, et le résidu sera cédé au
propriétaire du lot.
Pour ce qui a trait au droit de passage, lorsque le ministère a
consenti à un particulier un droit de passage sur la réserve
affectant un lot, le ministère cédera au propriétaire du
lot toute la réserve, mais l'acte de cession prévoira que la
cession est sujette à ce droit.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi 84 vient
concrétiser la volonté du ministre de l'Énergie et des
Ressources exprimée le 15 avril dernier dans le cadre d'une
déclaration ministérielle selon laquelle toute concession de lots
riverains de principe de la réserve des trois chaînes sera aboli.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Laviolette et leader adjoint de l'Opposition.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de
joie que je vais prendre la parole pendant le temps qui m'est imparti sur ce
projet de loi d'une très grande importance pour plusieurs personnes dans
mon propre comté. Comme vous le savez, le comté de Laviolette est
parsemé de plusieurs lacs et rivières.
Je dois dire que je suis un peu surpris aujourd'hui - je devrais dire
que c'est heureux pour le ministre - de voir autant de ses collègues
intervenir sur ce projet de loi qui est en fait un petit projet de loi. On en a
six qui vont parler aujourd'hui pour différentes raisons afin d'appuyer
leur ministre. Cela fait contraste avec ce que j'ai vécu la nuit
dernière où le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche ne trouvait que peu de preneurs de son côté pour
l'appuyer dans un projet de loi. Je me suis posé la question en
écoutant les gens tout à l'heure: si c'est un bon projet de loi,
on appuie le ministre et, quand c'est un mauvais projet de loi, on laisse
l'Opposition faire la "job". C'est ce que je crois comprendre un peu
aujourd'hui.
Il est facile dans un dossier comme celui-là de venir dire au
ministre: Bravo! Vous avez réglé des problèmes.
J'entendais un collègue, le député de Rimouski, ce matin,
dire que cela dure depuis une centaine d'années. Il y a plusieurs
personnes qui sont mortes depuis ce temps-là, M. le Président.
C'est un dossier qui date d'une soixantaine d'années et qui a
été l'objet de décisions tout dernièrement de la
part de la Cour suprême. Le ministre s'était engagé, lors
de la rencontre que nous avions eue, mon collègue, le
député de Roberval et porte-parole de l'Opposition en
matière d'énergie et ressources, et moi-même... Lorsque
nous avons étudié le projet de loi 102, on avait dit au ministre:
II y a quelques problèmes qui vont surgir, on a des
télégrammes, on a des lettres, on a des gens qui nous appellent
et qui nous demandent ce que le ministre va finalement décider sur la
loi des trois chaînes.
Le ministre a pris une décision à ce moment-là et,
dans une déclaration ministérielle, il faisait part de son
intention de présenter un projet de loi ayant pour effet de
régulariser les terrains bordant les lacs, les rivières et, comme
on le sait, depuis 1970, par les amendements à la loi, que ces lacs et
rivières soient navigables ou non. Ceci m'a donc amené à
regarder dans mon propre comté ce qui se passait et à faire part
au ministre de quelques inquiétudes et voir quelles réponses il
me donnera, soit en réplique à ces discours que nous faisons, ou
à l'étude détaillée, article par article, qui se
fera en commission parlementaire.
M. le Président, je vous donne un exemple bien typique, la
rivière Saint-Maurice. Cette rivière a fait l'objet, à
l'époque, compte tenu de l'utilisation hydroélectrique qu'on en
faisait, d'une prise de possession par la compagnie Shawinigan Water &
Power. Tout le monde se le rappelle, le premier ministre qui nous a
quittés, le premier ministre qui était membre du Parti
libéral à l'époque et qui est devenu premier ministre du
Québec sous notre gouvernement, avait demandé, par une
élection, la nationalisation des services hydroélectriques au
Québec. Ceci va donc apporter en cours de route des changements pour les
propriétaires, ou du moins, pour ceux qui avaient l'usufruit du terrain
bordant la rivière Saint-Maurice.
Je vous rappelle que les transferts ayant été faits,
Hydro-Québec, la compagnie québécoise
d'hydroélectricité, devient par le fait même
propriétaire, pour et au nom -parce qu'elle demeure toujours
légalement constituée - de la Shawinigan Water & Power, d'un
terrain bordant la rivière Saint-Maurice.
Qu'est-ce qui s'est produit dans le temps? On n'a demandé aucun
prix pour accéder à la rivière, même s'il y avait un
chalet le long de la rivière Saint-Maurice. Â un moment
donné, en cours de route, il y a eu un changement et en 1969 et en 1970,
justement l'arrivée de la Loi sur les trois chatnes. Est arrivée
une décision gouvernementale à la fois par le gouvernement de
l'Union Nationale qui était là et du gouvernement libéral
qui l'a remplacé, gouvernement du premier ministre actuel, M. Bourassa,
de l'époque. Il y a eu une décision prise par le gouvernement
autorisant la compagnie Hydro-Québec, pour et au nom de la compagnie
Shawinigan Water & Power, à vendre à une autre compagnie les
bandes de terre qu'elle possédait le long de la rivière
Saint-Maurice. Aujourd'hui, le propriétaire légal de ces bandes
de terre est la compagnie maintenant appelée la Compagnie de flottage du
Saint-Maurice. Cette compagnie s'est formée de deux compagnies
papetières. La compagnie CIP à La Tuque et la compagnie Consol
à Grand-Mère. Ces deux compagnies font voyager du bois sur la
rivière s'en servent même quelquefois comme magasin, comme
stockage et font en sorte qu'on limite l'accès à la
rivière. Cette compagnie donne comme réponse qu'elle est
propriétaire des rives et, en conséquence, étant
propriétaire des rives, elle peut en faire ce qu'elle en veut. D'un
autre côté, des propriétaires riverains, se croyant
à bon droit propriétaires de la bordure du chemin jusqu'à
la rivière, se sont réveillés un jour alors que la
compagnie leur a envoyé une lettre, il y a quatre ou cinq ans, les gens
de la pointe à Comeau, les gens de la pointe à Madeleine, les
gens du coin de Saint-Pierre sur la rive est de la rivière Saint-Maurice
à Saint-Jacques-des-Piles, ou de la pointe à Madeleine, de la
pointe à Comeau du côté de la rive ouest, à
Saint-Jean-des-Piles, se sont retrouvés comme à Shawinigan
d'ailleurs - mon collègue, le député de Saint-Maurice
corroborera mes dires - dans le coin de ce qu'on appelle les Hêtres
à Shawinigan, où il y a plusieurs chalets riverains. Il en a
d'ailleurs fait mention tout à l'heure.
(15 h 30)
Ces gens se sont vu envoyer un contrat, un contrat minime, soit dit en
passant, où la compagnie leur donnait - ce n'est pas le fait qu'ils sont
chargés à des taux très forts - la possibilité de
pouvoir utiliser le terrain à leurs fins à eux. Mais si jamais,
par suite d'une inondation, il y a du bois qui échoue sur la rive et
qu'ils ne sont pas, sur une distance donnée, propriétaire de ce
lot la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice ne pourrait en aucun temps
aller sur le terrain qu'ils ont aménagé des fois à grands
frais, croyant être propriétaires.
Or, avec la loi, comment le ministre va-t-il régler ce
problème? Est-ce que la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice,
qui, dans le temps, est devenue propriétaire de ces bandes riveraines,
va être assujettie à la loi? De quelle façon les
propriétaires de chalets vont-ils avoir accès à la
rivière sans entrave? Actuellement, ils ont cet accès en vertu
d'un contrat. Mais supposons - on ne peut jamais jurer de rien parce qu'on ne
connaît pas l'avenir - que la compagnie décide de leur charger des
prix exorbitants en leur disant: Vous n'aurez plus accès à la
rivière parce que vous nuisez... Il y a des pressions qui se font et le
ministre en est conscient. D'ailleurs, le ministre délégué
aux Forets est venu à Grand-Mère annoncer l'investissement de 280
000 000 $ à la compagnie Consolidated Bathurst et le maire de
Grand-Mère aurait dit: Écoutez, nous sommes conscients qu'il faut
que le bois voyage par la rivière. Il a pris une position que des gens
contestent.
Comme député, dans tout cela, j'ai à
présenter à l'Assemblée nationale la contestation des gens
et je dis qu'il y a des décisions qui doivent être prises, tout en
assurant la compagnie de pâtes et papiers que ce que les gens recherchent
et ce que j'ai toujours recherché jusqu'à maintenant... C'est
évident, qu'à long terme, nous assisterons peut-être
à la disparition complète du flottage, mais, entre temps, compte
tenu des coûts, il faut maintenir, pour la compagnie, le droit d'utiliser
la rivière à des fins multifonctionnelles.
Or, vous voyez ce que cela amène comme tension et comme
difficulté. D'une part, le maire de Grand-Mère se prononce
carrément pour le flottage et, d'autre part, des citoyens de la ville de
Grand-Mère se prononcent pour la diminution du flottage et une meilleure
utilisation de la rivière. Pour faire des pressions, la compagnie
pourrait peut-être - là, je fais des hypothèses - se servir
de son droit de propriété des bandes riveraines pour dire aux
gens: Écoutez, si cela ne marche pas, je vais interdire l'accès
à la rivière. Ce n'est pas ce que le ministre recherche, j'en
suis sûr, mais je veux juste savoir ce qui se passe dans ce cas
précis.
Un autre cas, dans mon propre comté, concerne la rivière
Croche - on l'appelle la Croche - canton de Langelier. Cette rivière
porte très bien son nom puisqu'elle est sinueuse. Le lit de la
rivière est composé d'un fond de glaise, mais le dessus est
sablonneux. En hiver, il peut arriver - chose que le ministre connatt
très bien - que les méandres changent de place et cela fait en
sorte que la rivière amène, comme on dit là-bas, un champ
de patates de l'autre côté à l'autre voisin. On connatt les
principes qui nous gèrent à ce moment-là. Malheureusement,
la rivière servant de balise ou de frontage, il reste que le champ est
rendu l'autre bord et c'est le propriétaire de l'autre côté
qui voit son terrain agrandi, on le sait le très bien. Mais les gens ont
commencé à protéger les rives pour éviter
l'érosion. Il y a quatre ans, ils ont, avec l'aide du ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et avec l'aide du
gouvernement fédéral, dans le cadre d'autres programmes,
commencé à revigorer les rives de la rivière Croche, de
telle sorte qu'il y aura, dans l'avenir, moins de changements de ces
méandres et une protection quant à l'érosion possible.
Mais la question que je pose dans un contexte comme celui-là,
compte tenu de ce que le ministre vient de nous dire avec la loi qu'il nous
propose, c'est: Qui va être responsable de s'assurer qu'il y aura
protection de toutes les rives au Québec, aussi bien dans le milieu
agricole que dans un milieu urbain ou dans un milieu rural, mais qui n'est pas
agricole dans certains cas? Avec ce projet de loi, qui va s'assurer que les
gens respectent les normes de l'environnement, qu'ils utilisent la
rivière et ses rives en respectant les modalités intervenues
entre le ministre de l'Environnement, le ministre délégué
aux Forêts, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation,
coiffés au niveau du ministre délégué aux
Forêts par le ministre de l'Énergie et des Ressources qui a la
responsabilité suprême des terres du domaine public.
La question est simple, comment va-ton régler ces cas? En disant:
Désormais, vous devenez propriétaire du terrain et, si vous
devenez propriétaire du terrain, vous avez l'obligation de maintenir les
rives dans des conditions normales, dans les conditions prévues par les
règlements et les lois gouvernementales adoptées pour la
protection de l'environnement.
Il est évident que je souhaiterais au départ que le
ministre de l'Environnement soit le grand responsable de tout cela, mais on
sait qu'il est actuellement éparpillé, et c'est pour cela qu'il
faut que ce comité ministériel permanent de développement
des régions, qu'on appelle communément dans
notre langage le COMPADR, en arrive à une concertation des
différents ministres.
Mon collègue, le député de Roberval, faisait
mention ce matin d'un autre problème et, dans l'étude du projet
de loi 102 sur les terres du domaine public, le ministre nous a répondu
qu'effectivement il y aura une seule place, même sous forme
électronique, pour connaître qui est le propriétaire des
terres du domaine public. J'ai eu l'occasion, la semaine dernière,
puisqu'on n'a pas terminé, avec le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation lors de l'étude du projet de loi
15, de bien voir la jonction qu'il y a entre la loi 102 adoptée et celle
qui s'en vient, la loi 15, où on a les terres du domaine public d'une
part et les terres du domaine agricole, mais quand même du domaine des
terres publiques, mais agricoles. Là, on sait très bien que le
gestionnaire de ces terres, c'est le ministre de l'Agriculture.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources me disait, lorsque
j'ai participé à la commission parlementaire, qu'il y aurait
effectivement jonction entre les deux systèmes pour qu'il n'y ait qu'une
seule place où quelqu'un puisse s'adresser pour savoir qui est le
propriétaire de telle terre à tel endroit, quelle sorte de terre
c'est? Vous savez ce que cela va donner comme problème. Le ministre
délégué aux Forêts, lui, a ses utilisations quant
à la réserve forestière. D'un autre côté, le
ministre de l'Agriculture a la responsabilité des terres agricoles. Le
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de son bord, a les
problèmes quant à l'utilisation de la réserve faunique.
Vous avez le ministre délégué aux Mines qui, lui, a aussi
le souterrain. Tout cela superposé un par-dessus l'autre amène
des complications s'il n'y a pas une place, et j'avais compris que
c'était le ministre de l'Énergie et des Ressources qui avait la
pleine responsabilité des terres du domaine public excluant, bien
entendu, les terres du domaine public agricole sous la responsabilité du
ministre de l'Agriculture.
Le travail que nous sommes en train de faire avec le ministre de
l'Agriculture, c'est de transférer justement, par la même occasion
qu'on a là, des terres à du monde qui pense en être
propriétaire. Je vous donne juste un exemple. Dans la ville de
Grand-Mère, chez moi, une partie du terrain de golf à
Sainte-Flore est la propriété du gouvernement, mais le gars a
l'impression d'en être le propriétaire, et, effectivement, il
l'est. Tout cela va se superposer tout à l'heure.
Ce qu'on veut savoir dans ce phénomène, c'est qui aura la
pleine responsabilité. J'espère que ce sera le ministre de
l'Énergie et des Ressources pour tout l'ensemble des terres du domaine
public, et, dans le terrier qu'il a mentionné, pour s'assurer que le
contrôle se fasse au niveau des différents ministres et
ministères, selon les différentes activités qu'ils
ont.
Ces questions sont reliées au projet de loi que nous avons devant
nous parce qu'il y aura de plus en plus à ce moment-là de terres
du domaine public qui seront transférées à du domaine
privé. Le ministre ici devant nous amène des cas où des
gens, se croyant propriétaires, ont même fait des reventes de
certaines parties de terres et des gens les ont achetées de bonne foi.
Il va donc falloir s'assurer que, de façon rétroactive, ces
droits soient protégés (15 h 40)
C'est la même chose pour les terres du domaine public agricole. Le
ministre est en train de transférer les lots de colonisation qu'on
connaissait à l'époque à des gens qui en ont vendu des
parcelles en pensant qu'ils en étaient propriétaires, alors que
c'est le gouvernement qui en est propriétaire. Cela va donc permettre de
clarifier l'ensemble de la situation et de bien déterminer ce qui est au
Québec du domaine public, du domaine public agricole et du domaine
privé. Une fois qu'on aura bien fait cela, avec la bande riveraine de
dix mètres que le ministre se réserve sur certaines
rivières...
On a parlé de rivières à saumon - je reviens avec
la rivière Saint-Maurice parce que j'y tiens mordicus - de la
possibilité pour les gens d'avoir plein et entier accès à
la rivière et s'assurer que ce soit joint à une utilisation que
la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice veut faire, que la compagnie de
flottage a le droit de faire en vertu des lois du Québec et même
de la loi fédérale, puisqu'il faut savoir que le flottage est du
ressort aussi bien du fédéral que du provincial, en vertu de la
loi des pêches fédérale, mais que c'est le Québec
qui l'administre en vertu de la loi qui transfère au ministre
responsable de l'Énergie et des Ressources ce qu'on appelait à
l'époque tout l'ensemble des ressources hydrauliques.
M. le Président, si j'ai fait cette intervention au nom de
plusieurs centaines de personnes de mon comté, c'est pour que le
ministre soit bien conscient du geste qu'il pose, que nous appuyons d'ailleurs.
Nous croyons qu'il pose un geste qui va permettre de clarifier des cas qui
datent d'une soixantaine d'années et va permettre à des gens
d'avoir une jouissance pleine et entière du terrain dont ils seront
désormais propriétaires en sachant, cependant, qu'ils ne peuvent
pas soit enclaver d'autres personnes, soit empêcher l'accès aux
plans d'eau du Québec pour diverses utilisations, que ce soit nautique,
aquatique, de pêche, quelque forme que ce soit, et même, devrais-je
dire, l'hiver étant arrivé, des motoneiges, parce que la
rivière Saint-Maurice sert de transfert d'un secteur à l'autre
sur bon nombre de kilomètres.
En ce sens, j'attendrai avec beaucoup
d'impatience les réponses que le ministre voudra bien me donner
à la fois dans son droit de réplique et lors de l'étude du
projet de loi article par article. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Matapédia.
M. Henri Paradis
M. Paradis (Matapédia): M. le Président, je pense
que, s'il est une chose qui mérite d'être soulignée
concernant le projet de loi 84 discuté aujourd'hui à
l'étape de l'adoption du principe, c'est bien de la rapidité avec
laquelle le gouvernement a réagi pour mettre un terme aux craintes et
aux incertitudes engendrées par le jugement de la Cour suprême du
5 mars dernier qui statuait que les terres situées à moins de 60
mètres d'un lac ou d'une rivière non navigable appartenaient
à la couronne.
À cet égard, j'aimerais ajouter que je suis d'autant plus
sensible aux objectifs de ce projet de loi qui a pour but de régulariser
la situation de quelques dizaines de milliers de propriétaires riverains
du Québec qu'il découle d'une cause portée devant les
tribunaux par le propriétaire d'un terrain situé dans mon propre
comté, c'est-à-dire M. Édouard Healy. Nous nous
souviendrons en effet que c'est en 1979 que M. Healy s'adressait pour la
première fois aux tribunaux pour trancher un litige l'opposant au
gouvernement du Québec et que sa démarche qui a abouti au
jugement que nous connaissons, a permis de mettre en lumière la
confusion qui régnait au sujet de la propriété des
terrains situés au bord des lacs et des rivières non navigables
du Québec.
Ainsi, au plan pratique, l'application de la réserve des trois
chaînes posait de nombreuses difficultés et demeurait incomprise
par de nombreux citoyens qui, de bonne foi, s'étaient engagés
dans des transactions touchant des lots appartenant légalement au
gouvernement.
À cet égard, l'application automatique de la
réserve, à moins de renonciation dans les lettres patentes,
faisait en sorte que bien des acheteurs n'étaient pas conscients de
cette restriction de leur droit de propriété, sans parler des
autres inconvénients engendrés par l'application de la
réserve des trois chaînes. Ainsi, imprécision quant au
caractère de navigabilité d'un plan d'eau qui accroissait
l'inquiétude et l'incertitude des propriétaires de lots,
complexité des pratiques administratives, présence de cultures
agricoles sur les terres situées sur la réserve et ignorance par
les propriétaires de ces terres cultivées de la présence
de cette réserve.
Cet énoncé partiel des difficultés et
ambiguïtés liées à la réserve des trois
chaînes devrait, à lui seul, nous convaincre du bien-fondé
du projet de loi 84 qui vise à donner un cadre moderne à une
législation archaïque qui ne parvient plus à tenir compte de
façon équitable de la diversité des cas particuliers
rencontrés dans le Québec d'aujourd'hui. Le projet de loi 84
exprime bien l'engagement pris par l'actuel gouvernement de simplification et
de clarification de la réglementation et de la législation. Il
exprime également sa volonté de tenir compte de façon
prioritaire de la dimension humaine du problème qu'il veut
résoudre par voie de législation en évitant le
piège de la bureaucratisation et de l'ajout de structures lourdes et
inutiles. En somme, le projet de loi 84 résout simplement et
efficacement un problème bien réel que des amendements successifs
à la loi d'origine avaient été incapables de
résoudre.
J'aimerais aussi souligner qu'au moment de la préparation de ce
projet de loi le gouvernement avait un défi énorme à
relever qui se traduisait par la présence de trois contraintes bien
identifiées. Premièrement, parvenir à englober la
multiplicité et la diversité de chacun des cas particuliers
visés par cette loi; deuxièmement, tenir compte des
impératifs de protection et de préservation de la faune et de
l'environnement et, troisièmement, préserver l'accès et la
vocation sportive, récréative, touristique de nombreux sites
touchés par la règle des trois chaînes.
Dans sa recherche d'une solution, le gouvernement a opté pour la
voie de la clarté en proposant purement et simplement l'abolition du
principe de la réserve légale de 60 mètres bordant les
rivières et les lacs du Québec. Déjà, l'adoption
par le ministre de l'Environnement des politiques concernant les zones
inondables, les zones de glissement de terrain et la protection du milieu
riverain, de même que l'adoption, par le ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche, de mesures concernant la protection des habitats
fauniques enlevaient à la réserve des trois chaînes une
partie de sa raison d'être, notamment en ce qui concerne la
préservation des droits du gouvernement sur les lacs et les
rivières.
Aussi était-il essentiel que, dans son libellé, le projet
de loi 84 puisse assurer l'accès du public aux plans d'eau dont l'impact
est majeur sur le plan économique pour une région comme la
mienne. C'est dans cette perspective que les pêcheurs sportifs et les
personnes qui s'adonnent à des activités
récréotouristiques sont aussi visés par cette loi
puisqu'elle leur conserve la possibilité de circuler le long des rives
de certaines rivières, dont les rivières à saumon.
Ëgalement, elle prévoit que la réserve légale
affectant certains lots est maintenue dans le domaine public pour
préserver l'accès public à certains plans d'eau. Enfin,
toutes les
personnes autres que les propriétaires à qui l'État
a consenti des droits sur la réserve sont aussi touchées par ce
projet de loi, le gouvernement ayant choisi de sauvegarder leurs droits.
En substance, M. le Président, le projet de loi 84 est un projet
de loi fondamentalement bon qui n'entraîne aucun coût pour les
citoyens du Québec et qui régularise une situation qui a trop
longtemps généré de l'inéquité. Aussi est-ce
avec plaisir que j'appuie son adoption. Merci, M. le Président. (15 h
50)
Le Vice-Président: S'il n'y a pas d'autres interventions,
nous allons maintenant procéder...
M. Ciaccia: Excusez...
Le Vice-Président: Votre réplique?
M. Ciaccia: Ma réplique.
Le Vice-Président: II n'y a plus d'autres interventions et
je vais donc vous céder la parole pour l'exercice de votre droit de
réplique.
M. John Ciaccia (réplique)
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
pouvoir répondre aux remarques et à certaines questions
soulevées par mes collègues, particulièrement le
député de Roberval et le député de Laviolette.
Premièrement, je suis heureux de voir que l'Opposition est
d'accord avec l'approche que nous avons utilisée pour abolir la
réserve des trois chaînes. Autrement dit, au lieu de
procéder cas par cas, ce qui aurait pu prendre des années, on a
choisi d'abolir la réserve en général dans tous les cas et
de prévoir des exceptions pour certains cas particuliers. Il est clair
qu'on ne pouvait pas prévoir de règles spécifiques pour
chacun des 100 000 propriétaires qui pourraient être
affectés.
La raison pour laquelle nous avons choisi cette voie, c'est que cela
nous permet d'abolir immédiatement la réserve des trois
chaînes pour au moins 90 % des propriétaires et de trouver le
moyen de traiter les autres 10 %. La raison pour laquelle nous avons choisi
cette approche, c'était, d'abord, pour éviter des
procédures juridiques qui pouvaient être coûteuses. Je crois
que le recours aux tribunaux devrait être un des derniers recours
possibles. Entretemps, nous avons pris les moyens pour accorder au ministre la
discrétion de solutionner les cas auxquels il pouvait être
nécessaire d'apporter une solution particulière. Par exemple, si
un propriétaire, dans son esprit, a un certain doute parce qu'il se peut
que quelqu'un ait eu des droits acquis sur sa réserve des trois
chaînes ou s'il y a des droits de passage, le projet de loi
prévoit que le ministre peut donner une attestation après avoir
examiné les faits. Cela va s'avérer beaucoup plus efficace que de
remettre cela entre les mains des tribunaux. Si, par hasard, ou si, ultimement,
il y a quelques problèmes, cela n'exclut pas le recours devant les
tribunaux, mais nous croyons être en mesure de pouvoir éviter
cette situation en nous assurant que les droits de chacun soient
respectés et en donnant les attestations nécessaires qui pourront
être enregistrées au bureau d'enregistrement et qui pourront
conférer un droit de propriété à ceux qui veulent
clarifier le statut de leur terrain.
Le député de Roberval a soulevé quelques
problèmes. Ce sont des problèmes qui ne se réfèrent
pas directement au projet de loi, mais auxquels on peut, quand même,
répondre. On pourrait donner quelques éclaircissements en ce qui
concerne les inquiétudes soulevées par le député de
Roberval. En ce qui concerne l'aménagement des bords de l'eau pour fins
de villégiature, le député de Roberval nous suggère
qu'il ne faut pas avoir les mêmes normes que dans des endroits comme le
lac Saint-Louis, à Montréal. C'est évident que nous allons
nous assurer que les normes d'aménagement répondent aux besoins
de ces régions et qu'il n'y ait pas une densité de
développement qui enlèverait le caractère de
villégiature de ces endroits.
En ce qui concerne le terrier, le député de Roberval et
même le député de Laviolette se sont
inquiétés quant au nombre de ministères qui ont des droits
de gestion sur les terres publiques, le ministère de l'Agriculture, le
MLCP, le ministre délégué aux Mines, le ministre
délégué aux Forêts. Il est clair que, s'il y a un
terrier pour chacun, la confusion continuera et on pourra faire des erreurs
comme on en a fait dans le passé. On avait alloué un certain
droit sur une terre à quelqu'un, ce n'était pas porté
à l'attention d'un autre ministère et, finalement, plusieurs
intervenants avaient des droits sur le même territoire.
Nous espérons éliminer ces possibilités par le
projet de loi 102, parce que, même si le ministre
délégué aux Mines aura un inventaire des droits miniers et
que le ministre délégué aux Forêts aura un
inventaire des concessions forestières ou des droits de coupe,
l'intention est d'avoir un terrier où nous pourrons avoir un inventaire
de tous les droits concédés sur une terre particulière. Il
n'est donc pas question de dédoublement et d'avoir quatre
différents terriers et quatre différents endroits où une
personne doit se référer pour s'assurer que ses droits sur ce
territoire ou sur cette parcelle de terrain qu'elle veut acquérir ne
sont pas grevés d'un autre droit. L'intention, c'est que tout soit
contenu dans un terrier
où on pourra voir et examiner tous les droits
concédés pour la parcelle de terrain en question. Nous mettons
cela en application maintenant et, éventuellement, quand le tout sera
complété, il y aura un endroit où on pourra s'assurer que
tous les droits concédés sur une parcelle de terrain en
particulier seront enregistrés.
Le député de Laviolette a aussi porté à mon
attention la situation de la rivière Saint-Maurice. Premièrement,
la loi des trois chaînes s'appliquait seulement à une
rivière non navigable et non flottable. Je crois que la réserve
des trois chatnes ne s'appliquait pas à la rivière Saint-Maurice
parce qu'elle est flottable. Une raison de plus pour laquelle la réserve
des trois chatnes ne s'appliquait pas, c'est parce que c'était une
seigneurie.
Je ne voudrais pas être malin, M. le Président, mais je
voudrais porter à l'attention du député de Laviolette que,
lorsque Shawinigan Water & Power a été
transférée à Hydro-Québec et que, d'après le
député de Laviolette, Hydro-Québec a
transféré ses terrains à une autre compagnie, cela s'est
fait durant l'administration du Parti québécois. À ma
connaissance, je ne crois pas qu'Hydro-Québec puisse transférer
des propriétés ou des terrains sans un décret du Conseil
des ministres. Je crois que le moment d'intervenir pour éviter le
problème qui existe aujourd'hui, cela aurait été quand
Hydro-Québec a demandé au Conseil des ministres du Parti
québécois un décret pour transférer les terrains
à la compagnie qui les détient maintenant ou à ses
successeurs. À ce moment-là, c'était le temps d'imposer
des restrictions pour protéger les propriétaires ou la population
qui voulaient avoir accès à l'eau. Néanmoins, je vais
examiner plus particulièrement la situation qui a été
portée à mon attention par le député de Laviolette.
(16 heures)
Une autre inquiétude du député de Laviolette,
c'était qu'il ne voulait pas que les lacs soient enclavés. Je
crois qu'on répond à cela par les exceptions que nous avons
incluses dans le projet de loi.
En ce qui concerne les chemins forestiers, c'est un problème qui
continue encore. C'est un problème auquel aucun gouvernement n'a pu
apporter de solution en ce qui concerne les utilisateurs de ces chemins, les
gens qui ont accès à des lots de villégiature et les
chemins abandonnés par les compagnies qui les utilisaient à des
fins forestières. On va continuer à examiner ce problème.
Si on peut arriver à une solution, je serai des plus heureux d'essayer
d'apporter quelque solution que ce soit à ce problème
particulier.
Finalement, M. le Président, je crois que nous avons
rédigé le projet de loi pour nous assurer que ce soit la solution
la plus efficace et la moins coûteuse pour la population. Nous
transférons la propriété de plein droit par le projet de
loi, par l'amendement à la loi 102. Il n'y a pas d'autres frais qui sont
nécessaires. Si, parfois, un propriétaire veut avoir un
certificat d'attestation pour s'assurer qu'il puisse enregistrer sa
propriété au bureau d'enregistrement, il n'aura qu'à
communiquer avec le ministère et à payer les frais administratifs
pour obtenir ce certificat.
Les exceptions sont assez claires aussi. Il y a une certaine
discrétion de la part du ministre pour régler les cas
particuliers. Je crois, M. le Président, que c'était la
façon la plus efficace de répondre à la solution d'un
problème qui a commencé en 1884 et qu'au long des années
beaucoup d'intervenants demandaient de résoudre.
En conclusion, M. le Président, je voudrais revenir à une
des remarques du député de Roberval qui ne voulait pas que je
prenne trop de mérite quant au projet de loi. Loin de moi l'intention
d'en prendre le mérite. Ce n'est pas dans mes habitudes de prendre un
mérite exagéré pour les gestes que nous posons. Le
mérite appartient vraiment à ceux qui ont contesté la
réserve des trois chaînes, qui se sont même rendus à
la Cour suprême pour clarifier cela. Ils ont perdu la cause, mais au
moins cela a clarifié. Cela a porté à l'attention du
gouvernement et de la population le sérieux de la situation. Le
mérite appartient aux fonctionnaires qui ont travaillé pour
arriver aux solutions que nous trouvons aujourd'hui dans le projet de loi. Le
mérite appartient à la population qui a porté à
notre attention non seulement le droit des propriétaires, mais aussi le
droit de ceux qui veulent avoir accès aux rivières à
saumon et à différents cours d'eau à des fins touristiques
et de villégiature.
M. le Président, c'est avec modestie, très humblement et
respectueusement que j'ai présenté le projet de loi à
cette Assemblée. Je suis très heureux de voir que les membres de
l'Assemblée nationale sont d'accord pour régler un
problème qui perdure depuis plus de 100 ans. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Laviolette, sur une question de règlement.
M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je voudrais utiliser
l'article 212 qui dit: "Tout député estimant que ses propos ont
été mal compris ou déformés peut donner de
brèves explications sur le discours qu'il a prononcé." Je
voudrais - et je suis venu en vitesse, j'étais au bout là-bas -
expliquer que le ministre m'a mal compris. Il ne déforme pas ma
pensée, mais il m'a mal compris. J'ai dit dans mon discours que le
transfert de la Shawinigan Water & Power à la compagnie
Hydro-Québec s'est fait en 1969 sous le règne de l'Union
Nationale et a été complété
en 1970 par le Parti libéral. Je n'ai pas eu le temps de sortir
mes documents puisque j'ai eu à travailler longuement à ce
dossier. C'est ce que j'ai dit, M. le Président. Je le maintiens.
Le Vice-Président: Très bien. Ce point
soulevé par M. le député, conformément à
l'article 212 du règlement met fin au débat sur l'adoption du
principe du projet de loi. En conséquence, le principe du projet de loi
84, Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public, est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi 84 à la commission de
l'économie et du travail.
Le Vice-Président: Cette motion de renvoi est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 23 du feuilleton, s'il vous platt.
Projet de loi 93 Adoption du principe
Le Vice-Président: A l'article 23 du feuilleton, M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources propose maintenant l'adoption du
principe du projet de loi 93, Loi sur l'utilisation des produits
pétroliers.
Je cède la parole à M. le ministre de l'Énergie et
des Ressources.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de vous
présenter, pour l'adoption du principe, le projet de loi 93
intitulé Loi sur l'utilisation des produits pétroliers. Ce projet
de loi constitue une refonte de l'actuelle Loi sur le commerce des produits
pétroliers qui fut sanctionnée le 25 décembre 1971. Les
règlements d'application dans le cadre de cette loi furent mis en
vigueur le 1er janvier 1973. Une loi amendant cette Loi sur le commerce des
produits pétroliers fut sanctionnée le 30 juin 1976 de
façon à autoriser le gouvernement à décréter
le prix maximum des produits pétroliers lorsqu'une telle mesure s'impose
dans l'intérêt public. Sur ma recommandation, cette
dernière loi entra en vigueur le 10 juin dernier. En effet, l'article 9
de cette loi spécifie que son entrée en vigueur s'effectue
à la date fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en
conseil.
Au moment de la sanction de la Loi sur le commerce des produits
pétroliers en 1971, le Québec devenait la deuxième
province canadienne après l'Ontario à légiférer de
façon à permettre à son gouvernement d'assurer la
sécurité du public et des exploitants en réglementant les
installations de ces produits pétroliers. La loi permet aussi de
protéger les consommateurs en assurant la qualité des produits
pétroliers. Au chapitre de la sécurité des installations,
la Loi sur le commerce des produits pétroliers n'a pas été
amendée depuis 1971. Or, depuis ce temps, le public a été
de plus en plus sensibilisé à l'importance de réduire la
pollution, notamment au niveau de l'utilisation de produits, tels les produits
pétroliers qui, par leur nature, sont dangereux et polluants.
Depuis ce temps, également, les statistiques ont
démontré une croissance d'accidents provoqués, d'une part,
par la vétusté des équipements pétroliers et,
d'autre part, par les utilisations non conformes de produits pétroliers.
Cette situation est due, notamment, à une absence de pouvoirs de
réglementation et de normes précises impliquant des
catégories d'utilisateurs de produits pétroliers autres que les
exploitants au sens commercial du terme. Notre gouvernement est sensible
à cette problématique et entend prendre, par le biais de ce
projet de loi et des règlements qui suivront sa sanction, les mesures
qui s'imposent afin d'assurer aux citoyens du Québec la protection
à laquelle ils ont droit et à laquelle ils aspirent.
D'ailleurs, sur ce même sujet, d'autres provinces canadiennes ont
adopté une approche similaire à celle du Québec en ayant
recours à de nouvelles règles ou en révisant leurs
règles actuelles. Le gouvernement fédéral a aussi
établi un mécanisme de concertation avec les provinces
canadiennes afin de voir à la définition de nouvelles normes
d'installation mieux adaptées à l'évolution du domaine
pétrolier et respectant davantage les contraintes de
sécurité et d'environnement. (16 h 10)
Le projet de loi 93 a été conçu et
développé dans l'optique d'améliorer la protection du
public en général et celle des utilisateurs des produits
pétroliers. Ce projet de loi veut, notamment, élargir
l'encadrement des diverses utilisations des produits pétroliers et leur
réglementation par des normes strictes. Il veut également, dans
une autre optique, consacrer le rôle que ce
gouvernement s'est donné dans la surveillance des prix de
l'essence. Il veut, de plus, améliorer les mécanismes de gestion
et de contrôle du commerce et de l'utilisation des produits
pétroliers par le recours à des procédures administratives
simplifiées.
Je voudrais, en premier lieu, donner les objectifs qu'on poursuit dans
le projet de loi. Il y a différentes catégories, il y a
différents objectifs; chacun en soi est important, mais vise des
préoccupations particulières que nous avons dans le domaine de
l'industrie pétrolière.
Premièrement, il y a quatre niveaux où nous voulons
intervenir. En premier lieu, il nous faut assurer la sécurité des
personnes qui ont accès aux établissements et aux
équipements pétroliers ou qui utilisent des produits
pétroliers. Deuxièmement, le projet de loi veut assurer la
qualité des équipements et des produits pétroliers. En
troisième lieu, le projet de loi veut assurer l'inspection et la
surveillance des prix de l'essence. Finalement, le projet de loi veut assurer
le contrôle des prix de vente des produits pétroliers lorsque
l'intérêt public l'exige.
M. le Président, je voudrais parler brièvement de chacun
des objectifs pour les expliquer à cette Assemblée et un peu sur
les moyens que nous voulons prendre pour atteindre ces objectifs.
Premièrement, la sécurité. Je voudrais, d'abord, situer
les différentes mesures proposées pour améliorer la
sécurité des personnes qui ont accès à un
établissement commercial ou à un équipement
pétrolier ou encore qui utilisent des produits pétroliers.
À cet effet, diverses mesures sont proposées et introduites dans
ce projet de loi afin de régir, par des normes précises, les
diverses utilisations.
Mentionnons, d'abord, que la loi actuelle ne vise que les
établissements où s'exerce une activité commerciale visant
un produit pétrolier. Le projet de loi 93 propose d'élargir le
champ d'application à tout équipement ou établissement
utilisé pour la consommation, la manutention, la distribution,
l'entreposage et le transport routier d'un produit pétrolier. Alors, la
question de la sécurité ne s'applique pas seulement à
l'endroit où une personne va acheter le produit, mais elle peut
s'appliquer aux équipements, au transport et à la manutention. Il
y a une série d'applications qu'on n'avait pas prévues ou qu'on
avait omis d'inclure en 1971. Au cours des années, on s'est
aperçu qu'il était nécessaire de réglementer et de
s'assurer que la population ait une certaine mesure de sécurité.
On s'est aussi aperçu qu'il fallait adopter des normes et des
règlements pour assurer cette sécurité et le projet de loi
vise donc à la fois l'exploitant et l'utilisateur d'équipement
pétrolier.
Certaines exceptions sont, toutefois, apportées en ce qui
concerne les équipements pétroliers utilisés à des
fins autres que le commerce de produits pétroliers. Par exemple, tout
réservoir servant à l'alimentation d'un véhicule
automobile et tout réservoir mobile contenant un produit
pétrolier d'une capacité d'au plus 225 litres sont exclus du
champ d'application du projet de loi. De la même façon, tout
réservoir d'une capacité inférieure à 4000 litres
servant à l'entreposage du mazout utilisé pour le chauffage sera
également exclu du champ d'application du projet de loi.
Aussi, toute personne ou société qui utilise un
équipement pétrolier à des fins autres que le commerce de
produits pétroliers devra être titulaire d'un certificat
d'enregistrement délivré par le ministre pour les
équipements pétroliers localisés dans chacun de ses
établissements. Cette disposition vise à augmenter la
sécurité en permettant au ministère de l'Énergie et
des Ressources de répertorier tous les utilisateurs d'équipements
pétroliers importants et des établissements. Évidemment,
cette disposition prévoit l'exclusion des équipements
utilisés par le simple consommateur. Un délai raisonnable est
prévu pour permettre l'instauration de certains nouveaux champs
d'application. En effet, le propriétaire des équipements
pétroliers visés par le projet de loi aura trois ans, à
compter de l'entrée en vigueur de la loi, pour devenir titulaire du
certificat d'enregistrement.
Au-delà de cette période, toutefois, il sera interdit
à tout fournisseur de produits pétroliers de livrer à
l'établissement d'une personne ou société ne
détenant pas de certificat d'enregistrement. Cet ensemble de
dispositions est, d'ailleurs, cohérent avec les mesures prises
récemment par d'autres provinces canadiennes au chapitre de
l'enregistrement des réservoirs. Mentionnons, par exemple, que l'Ontario
a introduit certains mécanismes d'enregistrement des réservoirs
des utilisateurs depuis le 30 septembre dernier. Le Nouveau-Brunswick a
également adopté une loi prévoyant une telle disposition
depuis le 30 juillet dernier. Il en est de même du Manitoba, de
l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et de la
Saskatchewan qui ont déjà implanté de telles dispositions
ou qui sont en voie de le faire.
Les nouvelles mesures sur le plan de la sécurité des
installations ne se situent pas uniquement au niveau des certificats
d'enregistrement des réservoirs. Elles touchent aussi les pouvoirs
dévolus aux inspecteurs du ministère de l'Énergie et des
Ressources. Ainsi, un inspecteur qui a un motif raisonnable et probable de
croire qu'un établissement ou un équipement pétrolier
présente un danger pour l'environnement ou la sécurité du
public peut en ordonner la fermeture en tout ou en partie et, s'il y a
lieu, y apposer des scellés et en interdire l'utilisation. Il
s'agit, évidemment, d'un pouvoir d'urgence dont l'encadrement sera
régi par des normes réglementaires. Ces mesures et normes
permettront au gouvernement de jouer efficacement son rôle de protecteur
de la sécurité des citoyens.
Nous avons parlé de la sécurité pour le citoyen.
Maintenant, parlons de la qualité, car notre deuxième
préoccupation se situe au niveau de la qualité des
équipements et des produits pétroliers. En effet, un des
principaux éléments du projet de loi 93 vise à
étendre son champ d'application aux entrepreneurs installateurs
exécutant des travaux relatifs aux équipements pétroliers
et à leurs employés qualifiés en pareille matière.
Le projet de loi propose que tous les travaux d'installation, de modification,
d'entretien ou de démolition d'équipements pétroliers
devront être exécutés sous la surveillance continue d'un
titulaire de licence de maître installateur en équipements
pétroliers. Il est proposé que ces licences soient
délivrées par le ministre de l'Énergie et des Ressources
à toute personne qui a exercé le métier d'installateur en
équipements pétroliers pendant au moins deux ans et qui aura
réussi les examens prévus par règlement. Il faut
également la permission du ministère pour démolir ces
équipements.
Je crois que c'est devenu important ou nécessaire pour nous
d'inclure une telle mesure pour éviter le genre de situation que nous
avons vécue l'année dernière à l'une des
installations importantes dans l'est de Montréal, quand la
société qui en était propriétaire a commencé
la démolition de ses installations. Nous avons pu éviter la
démolition totale, mais, néanmoins, un certain dommage a
été fait. Alors, nous voulons à l'avenir éviter ce
genre de situation. Quand des équipements ou des installations
pétrolières doivent être démolis, cela prendra un
permis du ministère de l'Énergie et d'autres permis pour
s'assurer que ceux qui font ces travaux soient qualifiés. Il faudra
qu'ils aient les autorisations et les permis nécessaires. (16 h 20)
Cette mesure s'inscrit aussi dans le cadre de notre première
préoccupation d'assurer a priori la sécurité du public et
la protection de l'environnement par le biais d'une surveillance des travaux
par une personne qualifiée. Trop souvent dans le passé a-t-on
observé des défaillances dans la réalisation de travaux
visant à l'aménagement d'équipements pétroliers.
D'autres provinces canadiennes ont aussi légiféré ou
encore prévoient le faire prochainement au chapitre du contrôle de
la profession d'entrepreneur installateur.
Toujours sur le plan de la qualité, le projet de loi
prévoit renforcer les pouvoirs des inspecteurs afin de protéger
les consommateurs contre la vente de produits pétroliers non conformes
aux normes prévues par règlement. Ainsi, dans certaines
situations, un inspecteur pourra dorénavant ordonner la fermeture
d'établissements ou d'équipements pétroliers et, s'il y a
lieu, y apposer des scellés et en interdire l'utilisation. Le projet de
loi véhicule les mêmes principes que la loi actuelle quant
à l'interdiction de faire une activité de commerce impliquant des
produits pétroliers non conformes. Toutefois, le projet de loi
élargit cette interdiction aux activités d'entreposage et
d'utilisation. Voilà un résumé des mesures que nous avons
prises quant à la sécurité et à la qualité
des produits pétroliers et des installations pour assurer la protection
du public.
Maintenant, je voudrais parler de l'autre objectif du projet de loi qui
vise à la surveillance et à l'inspection des prix de l'essence.
Un autre élément très important du projet de loi 93 porte
sur la surveillance des prix de l'essence. Comme on se le rappellera, M. le
Président, les 9 et 10 septembre dernier, la commission parlementaire de
l'économie et du travail se réunissait en vue d'examiner la
situation des prix de l'essence en régions dites
périphériques. Plus précisément, elle était
chargée d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des
objectifs quant aux mesures d'aide aux régions
périphériques instaurées par le biais d'une
réduction de la taxe sur l'essence en décembre 1985.
 la suite de l'érosion continue de l'avantage fiscal ainsi
accordé aux populations des régions périphériques,
je m'étais impliqué personnellement dans ce dossier en demandant
aux pétrolières de procéder à des
réajustements à la baisse des prix de l'essence dans ces
régions périphériques de façon que les
consommateurs puissent bénéficier pleinement de la baisse de la
taxe. On se rappellera aussi que je m'étais engagé en cette
Assemblée à agir avec fermeté. Les représentations
que j'avais reçues des différentes régions me portaient
à réagir fermement dans la situation où le
bénéfice n'était pas dévolu aux consommateurs, mais
était plutôt retenu soit par les pétrolières, soit
par les détaillants. Dans un premier temps, à ma recommandation,
le gouvernement promulguait, en juin 1987, la Loi modifiant la Loi sur le
commerce des produits pétroliers, sanctionnée le 30 juin 1976.
Comme je le mentionnais plus tôt, cette loi autorise le gouvernement
à décréter un prix maximum pour les produits
pétroliers lorsqu'une telle mesure s'impose dans l'intérêt
public. J'avais essayé par tous les moyens possibles de convaincre les
compagnies et les détaillants de réduire les prix pour donner
effet à la baisse de la taxe et c'est seulement lorsqu'il a
été impossible
de convaincre l'industrie qu'elle devait agir de cette façon que
nous avons pris les mesures nécessaires pour nous assurer que les
objectifs du gouvernement, la réduction de la taxe, le
bénéfice aux consommateurs, soient respectés.
Après cette mesure et devant le peu de suite donné
à mes interventions par les dirigeants des compagnies
pétrolières, je recommandais au gouvernement de fixer par
décret des nouveaux prix maximums à la pompe pour les
différents types d'essence dans les régions
périphériques. Ces décrets furent établis le 17
juin dernier pour une période de 90 jours. Au terme de cette
période et considérant le consensus qui s'était
dégagé à l'issue de la commission parlementaire pour
exercer une surveillance très étroite du prix de l'essence dans
ces régions par rapport à ceux en vigueur dans les régions
centrales, nous avons prolongé les décrets jusqu'au 30 septembre
et institué le Bureau d'inspection et d'information sur le prix de
l'essence. Vous vous souviendrez qu'on a tenu une commission parlementaire
avant l'expiration des décrets et nous avons invité tous les
intervenants, soit les compagnies pétrolières, les groupes de
consommateurs, les associations de détaillants à nous faire des
représentations et à nous expliquer les raisons pour lesquelles
la baisse de la taxe n'avait pas profité au consommateur, pourquoi il y
avait eu augmentation et qui était responsable de cette
augmentation.
Il est devenu évident au cours de cette commission parlementaire
que les augmentations étaient la responsabilité non seulement des
compagnies pétrolières, mais aussi des détaillants. Les
deux avaient accaparés la baisse de la taxe et avaient augmenté
les prix. Au cours de la commission parlementaire, il est devenu évident
aussi que nous avions trois options. Réglementer les prix par une
régie qui contrôlerait et établirait le prix de l'essence
partout au Québec, comme en Nouvelle-Écosse, c'était une
option. L'autre option, c'était de ne rien faire, de ne pas agir avant
la fin des décrets afin de voir si les sociétés
pétrolières et les détaillants agiraient de bonne foi en
maintenant les prix à la baisse pour donner effet à la baisse de
la taxe.
Nous avons plutôt opté pour la création d'un Bureau
d'inspection sur le prix de l'essence. Cela faisait suite aux
représentations qui avaient été faites en commission
parlementaire. Certains groupes voulaient une régie de contrôle,
mais ils ne faisaient pas partie de la majorité. Il est devenu apparent
qu'il y avait beaucoup d'inconvénients à la création d'une
régie. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, il y a une régie,
les prix de l'essence sont les plus hauts au Canada. La création d'une
régie, en soi, ne garantissait aucunement que le prix de l'essence
pouvait baisser. D'ailleurs, durant toute l'existence de la régie, ils
n'ont jamais décrété une baisse, sauf cette année,
et elle est même contestée. Ce n'était pas la
réponse.
Plusieurs intervenants souhaitaient la création, pour emprunter
les mots de certains intervenants et de certains membres de la commission, d'un
organisme ange gardien qui pourrait faire une inspection, qui aurait un pouvoir
moral, qui pourrait informer la population. Les groupes de consommateurs ont
tous admis que l'information manquait, que, si le consommateur avait
l'information nécessaire, il pourrait être en meilleure position
pour réagir aux forces du marché. À la suite de cette
commission, nous avons créé le Bureau d'inspection sur les prix
de l'essence et nous lui avons donné, par ce projet de loi, les pouvoirs
nécessaires pour enquêter, pour aller chercher l'information, pour
obtenir toutes les composantes nécessaires du prix de l'essence afin de
les distribuer, d'en informer le public. Nous avons demandé au bureau de
donner l'information pour que le consommateur puisse être
éclairé en ce qui concerne le prix du litre d'essence. (16 h
30)
II y a plusieurs endroits, par exemple, à New York et même
dans d'autres provinces canadiennes, où on publie - même le
gouvernement fédéral ne le distribue pas au public - le prix de
l'essence. Périodiquement, on informe la population des
différents prix de l'essence, mais on n'en donne pas les composantes.
Autrement dit, si un consommateur voit que c'est 0,537 $ le litre, il n'est pas
en mesure de déterminer quel est le contenu de ces 0,537 $. On sait tous
qu'une partie va au gouvernement sous forme de taxes, mais quelle partie va au
détaillant? Quelle partie va à la pétrolière?
Quelle partie représente les taxes? Quelle partie représente le
coût du transport?
Dans le bulletin que nous avons rendu public pour la première
fois - le premier bulletin a paru le 1er décembre et il sera
publié mensuellement - nous avons la composante du prix du litre dans
chaque région et pour chaque catégorie d'essence. Le consommateur
pourra regarder ce tableau auquel il aura accès. Par exemple, dans la
région de la GaspésieBas-Saint-Laurent, il pourra voir que
le prix à la pompe était, pour la période se terminant le
30 novembre, de 0,537 $ le litre. Il pourra comparer la moyenne
Québec-Montréal. Il pourra voir que c'est le même prix
à Montréal même si, è Montréal, la taxe n'a
pas été réduite. La taxe provinciale à
Montréal est de 0,144 $ le litre et la taxe provinciale en
Gaspésie est de 0,096 $. Alors, le prix est le même. Il verra que
le coût du transport est plus élevé en Gaspésie. Il
verra que la part du détaillant est un peu plus élevée, et
on
explique pourquoi, c'est parce que les volumes ne sont pas aussi
élevés. Quand les volumes sont moins élevés,
évidemment le détaillant doit prendre plus pour un litre que le
détaillant à Montréal, dans un centre urbain. Tout cela
est expliqué. Le consommateur pourra faire un choix
éclairé.
Pour le moment, nous avons la moyenne par région, mais c'est
notre intention de publier ces prix pour chaque ville dans chaque
région. Quand le détaillant verra cela, il pourra faire un choix.
Ce sera un instrument, une pression pour maintenir les prix de l'essence
à la baisse parce que, maintenant, tout le monde sait la composante. Ils
savent combien le détaillant fait, ils savent à quel prix la
pétrolière vend. Tous ces différents intervenants vont
être assujettis à l'opinion publique. Ils vont être
assujettis aux forces du marché et il faudra qu'ils réagissent en
conséquence. Jusqu'à présent, ils ont bien réagi.
Les trois premières semaines après la fin des décrets, les
prix se sont maintenus en bas du prix des décrets. Cela veut dire que le
consommateur a épargné 1 500 000 $ comparativement au prix avant
les décrets. Il y a eu de légères augmentations, mais cela
s'explique par l'augmentation du coût du transport et par l'augmentation
du brut durant la période des décrets. Quand le reste du
Québec a été assujetti à une augmentation de 0,02 $
ou 0,015 $ le litre, les régions périphériques ne l'ont
pas obtenue.
Je crois, M. le Président, que c'est une mesure très
importante pour le consommateur. On ne va pas jusqu'à contrôler
les prix comme on le fait en Nouvelle-Écosse et on n'a pas le
désavantage d'une régie de contrôle. Il y en a des
désavantages; j'en ai mentionné un. Une des conséquences,
c'est qu'ils paient plus cher en Nouvelle-Écosse que dans le reste du
Canada, mais nous maintenons dans le projet de loi le pouvoir de
réglementer les prix. Les sociétés
pétrolières et les détaillants savent que, si la
même situation se répète, telle qu'elle existait au mois de
juin, de la même façon que nous sommes intervenus au mois de juin,
nous aurons les moyens et le pouvoir d'intervenir encore. Le projet de loi
consacre ce pouvoir du gouvernement de décréter en tout en ou en
partie, en régions, dans différents lieux pour différents
produits, le prix des produits pétroliers. C'est comme en
réserve. Entre-temps, pour informer le consommateur, nous avons
publié le bulletin Essence-Express. Le consommateur pourra le
consulter, être informé. Les sociétés
pétrolières savent que le consommateur est informé. On
peut même donner des exemples. Dans certaines régions, certaines
sociétés ont voulu augmenter le prix et elles l'ont fait, mais
d'autres ne l'ont pas fait. Cela a obligé les sociétés qui
avaient augmenté le prix à le baisser. Pourquoi? Parce que le
consommateur va s'apercevoir que la pétrolière augmente les prix
dans une certaine région, il va être avisé, il aura
tendance à aller chercher un détaillant ou une autre compagnie
qui vend moins cher. Il faudra que la pétrolière justifie, pas
légalement, mais moralement, dans l'opinion publique, les gestes qu'elle
pose. Nous croyons que c'est la meilleure solution possible dans notre
système de libre entreprise, de concurrence et du libre
marché.
Nous avons le pouvoir de décréter si
l'intérêt public l'exige et, entre-temps, nous avons le bureau
d'inspection qui va informer le public en ce qui concerne la composante du prix
du litre d'essence. C'est une solution, c'est une première en
Amérique du Nord. Cette solution est tellement innovatrice qu'on a
déjà reçu des demandes de New York. L'État de New
York veut avoir plus d'informations. Et d'aussi loin que la Colombie
britannique on a communiqué avec mon ministère pour avoir
exactement les détails, pour savoir les pouvoirs du bureau d'inspection,
le BIIPE, les pouvoirs d'enquête, les pouvoirs d'aller chercher
l'information. Je suis persuadé que, par ce moyen, nous pourrons donner
le meilleur prix possible aux consommateurs, le prix raisonnable, et nous
pourrons atteindre les objectifs de notre gouvernement qui étaient que,
lorsque nous avons baissé la taxe, ce soit au profit des consommateurs
et que ce soit eux qui obtiennent le bénéfice de cette baisse de
taxe. Depuis le 1er octobre, depuis la fin des décrets, on est
assuré que cela s'est produit.
 la suite de certaines questions qui m'ont été
posées par les gens de certaines régions, il faut être
raisonnable dans ce qu'on attend de ce bulletin. J'ai vu certaines manchettes
dans les journaux, qui ne reflétaient pas nécessairement les
articles, disant qu'il y avait encore des divergences de prix. Écoutez!
en aucun endroit, vous n'aurez, dans toutes les régions, le même
prix de la pétrolière au détaillant, le prix du
détaillant, la marge de profit du détaillant, les coûts du
transport. Il y a des variations. Même en Nouvelle-Écosse, qui n'a
pas la grandeur du Québec, c'est beaucoup plus petit que le
Québec, il y a sept zones différentes et sept prix
différents qui prennent en considération les volumes, le
coût du transport, la distribution, tous les éléments qui
composent le prix de l'essence. Si quelqu'un regarde ça d'une
région et se dit: Ah! moi, je paie plus cher que dans la région
voisine, il faut que ça baisse... Il faut être raisonnable, il
faut comprendre pourquoi, il faut regarder ça. Il y aura des
fluctuations. Le prix ne restera pas le même dans les 20 prochaines
années. Il y aura peut-être des fluctuations dans le brut, mais
même s'il n'y en a pas, par exemple, depuis le printemps, il y a eu des
augmentations
dans le coût du transport. Il peut y avoir un système de
distribution différent d'un endroit à un autre. Alors, il faut
être raisonnable dans l'interprétation et dans les
résultats que nous pouvons obtenir de ce bulletin.
Prenons Rimouski, où les gens se sont plaints - j'ai reçu
des appels téléphoniques -que le prix est plus
élevé qu'à tout autre endroit au Québec. Il ne faut
pas trop exagérer toutefois parce que, quand je regarde à
Rimouski, l'essence ordinaire sans plomb, 0,58 $, et que je regarde pour
Québec ou Montréal où la moyenne est de 0,578 $, la
différence est de 0,002 $ le litre. Il faut être un peu
raisonnable. Il ne faut pas partir en peur et dire qu'on vend plus cher.
Deuxièmement, ce qui est important, c'est que, même avec ce 0,002
$ de plus, à 0,58 $, ça respecte encore les objectifs du
gouvernement, ça donne pleinement effet à la baisse de taxe
décrétée par le gouvernement. (16 h 40)
Le bureau d'inspection ne va pas révolutionner la composante et
les pratiques qui existaient avant les décrets. Cela ne
révolutionnera pas l'industie pétrolière. Cela ne changera
pas notre système de marché libre et de concurrence libre. Ce que
cela va faire, c'est d'apporter à l'attention du public ce que les
pétrolières, ce que les détaillants font, le coût de
transport et même les taxes en toute transparence. On inclut les taxes
fédérales et provinciales. C'est vrai que dans certains endroits
nos taxes sont plus élevées que dans d'autres endroits. C'est un
fait et c'est reflété dans le bulletin. On ne cache rien.
Ce que ce bureau va faire et ce qu'il a fait jusqu'à maintenant,
c'est de créer une pression à la baisse pour le prix de
l'essence. C'est de cela que va bénéficier le consommateur. Si on
compare les prix maintenant avec ceux d'avant les décrets, il y a eu une
épargne, au moins pendant les trois premières semaines, pour
être plus exact, plus précis, de 500 000 $ par semaine. C'est le
consommateur qui en bénéficiait et cela aide au
développement économique des régions. Pourquoi a-t-on
baissé la taxe? C'est pour aider au développement
économique des régions pour que les consommateurs aient plus
d'argent dans leurs poches pour dépenser dans les régions, pour
que le coût du transport soit moins élevé, pour que le
va-et-vient coûte moins cher. Tout cela, c'était le but de la
baisse de la taxe. C'est pour cela que le bureau d'inspection oeuvre dans les
régions périphériques, pour nous assurer que cet objectif
est atteint, que ces pratiques continuent et pour que le consommateur puisse
être en mesure de juger.
Je suis convaincu, jusqu'à maintenant, que les intervenants vont
réagir positivement parce que ce sont les forces du marché qui
vont les obliger à le faire. C'est clair que, si une
pétrolière pouvait faire un profit de X cent le litre et que
personne ne le savait, elle va continuer. Mais le consommateur saura que c'est
X cent le litre et le bureau d'inspection ira voir et dira: Pouvez-vous nous
expliquer pourquoi c'est X cent le litre ici et moins cher là-bas? Ce
sont là des pressions, ce sont des informations importantes à
avoir. C'est cela qui va agir en faveur du consommateur.
M. le Président, je vous ai brièvement donné un
aperçu de notre projet de loi mais j'ai voulu plus
particulièrement porter à l'attention de l'Assemblée
nationale le bulletin Essence-Express, l'importance du bureau
d'inspection. Le fait que le bureau n'a pas de moyens de contrôle ne veut
pas dire que le bureau n'est pas efficace, parce que parfois c'est la
première question qu'on vous pose, on nous dit: Oui, mais le bureau
peut-il contrôler les prix? Non, il ne peut pas contrôler les prix
et on ne veut pas qu'il le fasse parce que, s'il les contrôle, on va
avoir le même problème qu'on a eu en Nouvelle-Écosse. Je
veux qu'il n'ait rien à faire avec le contrôle, mais je veux qu'il
ait le pouvoir d'enquêter. Si on voit qu'à un endroit le prix
qu'une pétrolière charge au détaillant est 0,172 $ et
à un autre endroit, 0,14 $, il ne faut pas réagir
immédiatement et dire que c'est injuste, que c'est inéquitable.
On va s'enquérir, on va obtenir l'information et, dans un prochain
bulletin, on va expliquer. Peut-être que l'explication sera très
raisonnable et justifiable. Je suis persuadé que si elle ne l'est pas
l'opinion publique va forcer des changements. De la même façon que
c'est l'opinion publique qui force des changements à certaines lois,
parce qu'il faut réagir à l'opinion publique, les forces du
marché vont faire que ce système fonctionne
adéquatement.
M. le Président, c'est là le but de notre projet de loi.
Nous avons maintenu la loi en 1976, qui avait été
sanctionnée mais jamais promulguée. Nous l'avons
promulguée et elle fait partie du présent projet de loi, nous l'y
avons incluse. C'est une mesure que nous avons en cas d'urgence, si
l'intérêt public l'exige. J'espère que ce jour n'arrivera
jamais. Je ne veux plus jamais être obligé d'aller au Conseil des
ministres décréter des prix à la baisse dans cette
industrie. Je ne veux pas repasser par cette expérience. Je suis
convaincu que je ne serai pas obligé de le faire, parce que nous avons
mis en place les structures nécessaires pour que le marché libre
continue, mais que cela se fasse dans l'intérêt et à
l'avantage des consommateurs. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
cède la parole à M. le député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Il y a deux choses
dans le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, le projet de loi
93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers. Il y a, bien
sûr, comment dire, la pièce de résistance, la partie la
plus importante, celle qui traite du contrôle du prix de l'essence, et
nous allons dans quelques minutes consacrer l'essentiel de notre intervention
sur cette partie du projet de loi. Il y a, cependant, une partie moins
enthousiasmante, une partie qui suscite moins d'intérêt
peut-être, dans l'immédiat, pour nos concitoyens, nos
concitoyennes. C'est toute la question de la sécurité des
personnes et de la qualité des équipements pétroliers au
sujet desquelles le ministre, de façon tout à fait nouvelle,
inscrit dans le projet de loi différentes mesures de protection.
À la lecture de ces éléments du projet de loi, j'ai
demandé au ministre, hier, s'il y a eu ou s'il y a à
prévoir des accidents, des problèmes majeurs, des
problèmes particuliers pour faire en sorte qu'on légifère
encore pour encadrer un secteur où, semble-t-il, d'après le
ministre, l'encadrement n'est pas suffisant.
Il y a des objectifs, évidemment, qu'on doit partager. Peut-on
être contre la vertu? Peut-on être contre la sécurité
des personnes qui travaillent près des installations ou qui ont à
fréquenter des lieux voisins des installations
pétrolières? Non. Je pense qu'on ne peut pas être contre la
sécurité. Il n'y a personne qui pourra se déclarer contre
la sécurité, pas plus d'ailleurs que contre la qualité des
équipements. Je pense que tout le monde souhaite que les
équipements pour le service du public soient d'une excellente
qualité. On ne peut pas être contre cela. Comme idée de
base, ça se défend. Ces objectifs, cependant, sont nouveaux. Dans
le texte de loi qui avait cours, ils n'existaient pas. Le ministre introduit
donc cette notion...
M. le Président, on instaure dans le projet de loi une dimension
nouvelle qui est la dimension des personnes qualifiées dans
l'installation des équipements pétroliers. On inscrit même
dans le projet de loi qu'il y aura une procédure à suivre pour
reconnaître quelqu'un comme un expert installateur de produits
pétroliers. Une réticence, à première vue. Vous
savez que, dans les métiers, dans les activités professionnelles,
on assiste à une surréglementation. C'est évident que,
dans la construction, dans l'installation de divers types d'appareils ou
d'outillages ou autres, les métiers sont réglementés. On a
établi cela en corps de métiers. On a donné des
qualifications professionnelles. On rend de plus en plus difficile, au fur et
à mesure des interventions législatives réglementaires,
l'accès à ces métiers ou à ces professions. En ce
sens, le projet de loi vient ajouter dans un secteur où il ne nous
apparaît pas tellement utile de le faire, à ce moment-ci, en tout
cas, è moins qu'on nous démontre que la situation actuelle
l'exige. Il me semble que le ministre de l'Énergie et des Ressources,
dans ce cadre, devrait bien simplement nous indiquer à partir de quoi,
à partir de quelle analyse, à partir de quel fait ou à
partir de quelle crainte il inclut ces choses dans le projet de loi. (16 h
50)
Non vraiment, M. le Président, nous ne pouvons être contre
l'objectif, je le rappelle, d'assurer la sécurité des personnes
et d'assurer la qualité des équipements. C'est une intervention
législative qui ne manquera pas, d'ailleurs - j'imagine - d'être
assortie de règlements qui préciseront l'intention de la loi, qui
l'articuleront, qui la mettront davantage applicable. Mais on se demande
réellement si c'était nécessaire et sur quoi cela est
motivé. Véritablement, est-ce qu'on fait le bon choix? On peut en
effet difficilement, pour l'Opposition, évaluer la qualité et la
pertinence des choix. On ne peut porter de jugements de valeur en soi sur la
décision que prend le ministre, sur la mesure législative qu'il
nous apporte pour la simple raison qu'on la situe mal dans le temps et dans le
vie de tous les jours.
M. le Président, là où le projet de loi est
beaucoup plus intéressant et là où on comprend mieux le
texte, c'est sur la deuxième partie, celle qui traite du contrôle
du prix de l'essence. M. le Président, sur le contrôle du prix de
l'essence, curieusement, ce matin, j'ai eu l'occasion d'interroger notre
honorable collègue ministre des Finances et j'ai eu l'occasion de porter
à l'attention des citoyens du Québec que le taux de taxe
actuellement en vigueur au Québec, principalement dans les
régions de Québec et de Montréal, qui sont les
régions témoins et dont on avait les chiffres, était
très élevé, était même plus
élevé qu'avant que ce gouvernement ne prenne le pouvoir.
M. le Président, il conviendrait, je pense, de refaire - j'ai
déjà fait le tour avec le ministre de l'Énergie et des
Ressources -le tour de toute cette question pour permettre aux citoyens qui
nous écoutent et qui, très probablement, cherchent la
vérité dans ce dossier de comprendre où se situe le
gouvernement, où se situe l'Opposition dans ce dossier et qui des deux a
raison. D'abord, les gens se demandent... Le ministre a semé la
confusion au Québec à de multiples occasions, de même que
le ministre des Finances, ce matin, quant à la réalité en
faisant en sorte que personne ne s'y retrouve. Le ministre de l'Énergie
et des Ressources, M. le Président, en commission parlementaire, comme
son collègue des Finances l'a fait ce matin, a affirmé que le
précédent gouvernement... Ma question portait et mes objections
portent encore sur
la position qu'ils ont prise en 1985 et sur la situation qu'on vit
maintenant. Ils ont toujours laissé voir que le précédent
gouvernement avait laissé comme héritage à ce gouvernement
dont ils font partie un taux de taxation sur l'essence qui se situait à
40 %. Or, ce n'est pas exact, M. le Président.
J'aimerais vous lire, quelques extraits de l'intervention du ministre de
l'Énergie et des Ressources en commission parlementaire au cours de
laquelle on a étudié la question du prix de l'essence
c'était lors de ses remarques de clôture. Donc, il avait le
dernier droit de parole et, dans son dernier droit de parole, entendu par les
citoyens présents et par ceux qui nous écoutaient par le
truchement des médias électroniques et par les journaux, voici ce
que le ministre disait. Il y a un bout, au tout début, dont je vous fais
grâce de la lecture, M. le Président, mais il a dit: "Ce n'est pas
moi -c'est le ministre qui parle - ce n'est pas notre gouvernement qui a
créé le problème -on parle toujours du problème du
prix de l'essence - le problème a été créé,
et cela a été souligné par les intervenants, par la taxe
ascenseur de 40 %. C'est vrai qu'on aurait pu ne rien faire." Remarquez bien le
procédé sur le plan du discours. Le problème a
été créé par la mise en place d'une taxe de 40 %.
On aurait pu ne rien faire, donc tout le monde est légitimé de
penser que, lorsque cet honorable ministre a pris son siège, la taxe
ascenseur était à 40 %. C'est ce que le texte laisse voir. Ce
texte, ce sont les paroles du ministre. Je le relis pour qu'on comprenne bien,
M. le Président, parce que c'est important et c'est ce qui nous servira
à démontrer que la première raison pour laquelle au
Québec les gens ne se démêlent plus dans le secteur de
l'essence, c'est que la confusion est semée volontairement par le
ministre, appuyé ce matin - parce que ses paroles ont été
reprises presque textuellement - par le ministre des Finances qui informe les
gens d'une bien curieuse façon.
Je relis les paroles du ministre de l'Énergie et des Ressources:
"Ce n'est pas moi, ce n'est pas notre gouvernement qui a créé le
problème. Le problème a été créé, et
cela a été souligné par les intervenants, par la taxe
ascenseur de 40 %. C'est vrai qu'on aurait pu ne rien faire. On aurait pu, au
mois de décembre, dire au consommateur: Écoutez, c'est l'ancien
gouvernement qui a imposé la taxe; on ne peut rien faire, etc. Ce n'est
pas cela qu'on attend. On considère qu'une taxe ascenseur du montant qui
existait, de 40 %, n'avait pas de bon sens." Et il continue! "On est un
gouvernement, on s'est engagé à réduire les taxes. C'est
ce qu'on a fait. C'est la première étape."
Y a-t-il un citoyen au Québec qui comprenne la langue
française comme je la comprends, et comme la majorité des gens
doivent normalement la comprendre, et qui ne saisit pas, de ces paroles du
ministre, que celui-ci a hérité d'un ministère de
l'Énergie avec un taux de taxe ascenseur de 40 %? Y a-t-il quelqu'un qui
ne comprenne pas cela, M. le Président, dans ces paroles? Or, ce n'est
pas exact. Je le regrette, mais ce n'est pas exact. Quand le ministre de
l'Énergie et des Ressources a pris la charge du ministère de
l'Énergie et des Ressources et que son collègue, le ministre des
Finances, a pris la charge du ministère des Finances, la taxe ascenseur,
comme on l'appelait, était fixée, non pas à 40 %, M. le
Président, mais à 30 %. Qu'on vienne me dire, dans des
interventions comme celle que le ministre a faite en commission parlementaire
ou comme celle qu'a faite ce matin le ministre des Finances du Québec,
que le taux de taxe était à 40 % et que le gouvernement, en
parlant du gouvernement libéral, a agi, c'est strictement tronquer la
réalité.
Quand on parle d'une taxe à 40 %, on fait référence
à une époque relativement courte en crise économique,
mesure qui avait été corrigée par le
précédent gouvernement dès que la situation
financière le lui avait permis et qui avait ramené, deux ans
avant l'élection, deux ans - non pas un mois, non pas trois semaines -
avant la dernière élection, la taxe à 30 %. Et le Parti
libéral du Québec et les politiciens qui sont dans cette Chambre,
M. le Président, ont fait les beaux jours d'une campagne
électorale avec une taxe ascenseur, sur laquelle on a fait toute la
démagogie possible qui se situait à 30 % et non pas à 40
%. Voilà pour le rétablissement d'un premier fait. Quand ce
gouvernement, voilà deux ans et quelques heures, a pris le pouvoir
à Québec, le taux de la taxe, et je l'affirme, et le ministre me
contredira si jamais il a le goût de le faire, mais il va falloir qu'il
le démontre, le taux de la taxe ascenseur était à 30 %.
Voilà pour un premier fait. (17 heures)
Nous allons parler maintenant du caractère ascenseur de la taxe.
Combien de personnes au Québec, aujourd'hui, à la suite de la
démagogie libérale qui a précédé les
dernières élections, c'est-à-dire qui s'est
accentuée au moment des dernières élections, mais qui a eu
cours tout au long du dernier mandat du gouvernement précédent,
combien de citoyens du Québec auront compris que le terme "taxe
ascenseur" est une chose horrifiante? Le message a tellement été
bien perçu par la population que tout le monde a l'impression qu'une
taxe ascenseur, c'est quelque chose d'effrayant, d'abominable, d'atroce, qui
fait payer à chacun des consommateurs du Québec un prix terrible
pour son essence.
J'indiquerai à mes honorables collègues que les taxes
qu'on paie au Québec, dans la plupart des cas, sont des taxes
ascenseurs.
Saviez-vous, Mme la Présidente, que la taxe de vente est une taxe
ascenseur? Saviez-vous que lorsque vous achetez un morceau quelconque sujet
à taxation, que vous le payez 10 $, vous avez une taxe à payer
qui peut être de 0,90 $ ou de 1 $ selon le montant de vos achats? Lorsque
le prix de ces achats change au fil des mois et au fil des années,
évidemment, le taux de la taxe de 9 % varie: il monte quand la
marchandise est plus chère et il descend quand la marchandise est moins
chère. Je vois le député de Frontenac qui dit non. Mme la
Présidente, la taxe de vente au Québec, je l'affirme et on me
démontrera le contraire, est une taxe ascenseur. Une taxe ascenseur, par
définition, est une taxe dont le montant varie avec le prix de la
marchandise. C'est cela, une taxe ascenseur. S'il y en a qui ne comprennent pas
cela, ils demanderont à leurs collègues qui sont un peu plus
versés dans le domaine économique, ils vont leur expliquer.
Donc, le caractère ascenseur de la taxe, pour lequel on a
tellement déchiré de chemises au Québec, est tout à
fait normal. Ce qui est important, c'est que le taux de cette taxe puisse
être ramené, parce que, lorsqu'on achète de l'essence,
c'est bien sûr que ce n'est pas comme lorsqu'on achète un
chandail. Si le chandail est à 100 $, on paie la taxe sur 100 $; si le
chandail est à 50 $, on paie la taxe sur 50 $. Dans le cas de l'essence,
on ne peut pas faire varier le prix chaque fois qu'il y a une variation de
0,0025 $, 0,005 $ ou de 0,02 $ le litre. La compagnie pétrolière
fait des ajustements périodiques et le montant de la taxe est
ajusté après coup. Or, autre chose que les citoyens doivent
savoir, quand une taxe a un caractère ascenseur et qu'elle est
fixée dans le prix d'un litre d'essence, il y a une mécanique qui
est prévue, une mécanique d'ajustement qui permet de compenser
avec certains retards, mais dans les deux sens, le mouvement que fait la taxe
de vente ordinaire. Quand on achète un habit qui est en spécial
plutôt qu'au prix régulier, cela s'ajuste sur une facture. Dans le
cas de l'essence, la taxe s'ajuste à des périodes données.
Mme la Présidente, ces périodes arrivaient fréquemment et
permettaient au ministère du Revenu, à la suite d'un
échantillonnage généralement reconnu comme satisfaisant,
d'indiquer qu'il y avait eu des variations de prix. Le ministère du
Revenu faisait en sorte que les prix à la pompe soient ajustés
à la baisse ou à la hausse selon les fluctuations de prix et le
consommateur en bénéficiait ou encore devait payer la taxe selon
le prix de la marchandise. Quand on a semé la panique au Québec
autour du terme "taxe ascenseur", on l'a fait pour une taxe qui ressemble en
tout point à d'autres taxes et, en particulier, à la taxe de
vente puisque c'est aussi une taxe ascenseur.
Lorsque le gouvernement libéral a pris le pouvoir au mois de
décembre 1985, le prix des produits pétroliers avait
baissé. La période normale pour l'ajustement de la taxe
était arrivée. Comme les montants n'avaient pas été
changés et que le prix de la matière de base sur lequel est
appliquée la taxe avait baissé, le taux de taxe était
rendu autour de 38 %; c'est le caractère ascenseur. Il est fixé
à 30 % sur un certain prix. Le prix du matériel de base baisse,
la taxe est donc à un niveau de 37 %, 38 % et le mécanisme de
réajustement devait normalement la ramener à 30 %, selon la loi.
Si le prix avait augmenté, pendant un certain temps, la taxe serait
descendue en bas de 30 %, 28 %, 26 %, et le mécanisme d'ajustement
l'aurait ramenée à 30 %, c'est-à-dire qu'il l'aurait
haussée. Une taxe ascenseur, c'est une taxe qui monte quand le prix
monte et qui descend quand le prix descend, tout à fait comme la taxe de
vente. Je vois qu'on a compris.
Mme la Présidente, quand le Parti libéral a pris le
pouvoir au Québec, la taxe ascenseur n'était pas à 40 %,
on l'a démontré tantôt, elle était à 30 % en
fin de période d'ajustement. Elle se situait, compte tenu de la baisse
des produits pétroliers, peut-être, à ce moment-là,
aux environs de 35 % ou 36 %, je n'ai pas le chiffre exact, mais toujours
est-il qu'elle était supérieure à ce qu'elle aurait
dû être. Le gouvernement n'a pas fait son devoir, le gouvernement
n'a pas ajusté, comme il devait le faire, la taxe à 30 %. La
période était venue, c'était la responsabilité
gouvernementale de le faire, mais il ne l'a pas fait. Si quelqu'un en face
constate que ce que je dis n'est pas strictement et rigoureusement vrai, qu'on
se lève et qu'on me le dise, mais c'est ce qui s'est produit.
Le ministre des Finances du Québec décide de nous faire un
cadeau. En grande pompe, il se lève, dans un énoncé
budgétaire, un peu enflammé, comme on a l'habitude de le voir
à l'Assemblée nationale, et il annonce, comme une bonne nouvelle
aux citoyens du Québec, que dorénavant ce gouvernement
responsable aura limité, aura fait disparaître le caractère
ascenseur de la taxe. Se raccrochant aux discours démagogiques d'une
campagne électorale pas très lointaine, il indiquait à la
population du Québec, comme étant une grande faveur, cette
décision gouvernementale d'abolir le caractère ascenseur de la
taxe.
Mme la Présidente, on a beaucoup applaudi de l'autre
côté. Je me souviens que les députés ont applaudi
fort leur ministre des Finances, et peut-même certains de ses
collègues ministres, étant convaincus que le ministre des
Finances venait de faire un cadeau aux Québécois. Je suis
persuadé que des collègues d'en face, je dirais de bonne
foi, auront dit à des électeurs dans leur bureau de
comté: Voyez comme notre gouvernement est bon, il vient d'enlever la
taxe ascenseur. Ce n'est pas cela qui est arrivé, il venait d'enlever le
caractère ascenseur de la taxe.
Quel est l'effet de cela? C'est bien simple. Comme le moment du
réajustement était venu, période de trois mois, je pense,
si ma mémoire est exacte, au lieu de faire le réajustement de la
taxe ascenseur, on l'a gelée au plafond. En abolissant le
caractère ascenseur, on a gelé la taxe, qui se situait
très précisément, à ce moment-là, à
38,5 %, c'est-à-dire plus haut qu'elle n'avait jamais été
dans les deux années précédentes, et au niveau presque
record de la courte période de la crise économique où elle
s'était située à 40 %. Le gouvernement libéral,
sous prétexte de rendre service à la population et de
répondre à une promesse électorale, enlevait, selon la
façon populaire et selon la manière dont on le disait de l'autre
côté, la taxe ascenseur. Ils n'ont pas enlevé la taxe
ascenseur, Mme la Présidente, ils ont mis une taxe fixée à
environ 38,5 % et qui ne bougera plus. (17 h 10
Mme la Présidente, quand on a le privilège de la taxe de
vente, dans le fond, qu'on a l'utilité de la taxe de vente... Du moins,
son côté agréable, c'est quand vous allez acheter en
spécial un complet à 200 $ et qui en aurait valu 400 $ en temps
normal... Pas sur un complet, parce que c'est un vêtement, mon exemple ne
compte pas, mais un article quelconque. Par exemple, si j'achète un
article de sport qui coûterait 400 $ et que je paie 200 $ en
spécial, évidemment, je paie 9 % sur 200 $ et non pas sur 400 $.
Le geste qu'a posé le gouvernement, c'est comme s'il avait dit:
J'enlève le caractère ascenseur de la taxe de vente;
dorénavant, tous ceux qui achètent des articles de sport de tel
type à 400 $ paieront une taxe de 36 $. Le prix de l'article baisse
à 200 $, je paie quand même une taxe de 36 $. C'est ce qu'on
appelle, en langage de chez nous, se faire organiser.
Mme la Présidente, je ferai donc un tour d'horizon de ce qu'on
vient de dire. D'abord, le gouvernement libéral a pris la direction du
gouvernement avec une taxe fixée à 30 %. Deuxièmement, le
gouvernement libérai était rendu à la fin de la
période normale, selon la loi, pour rajuster le taux de la taxe à
30 %, c'est-à-dire à la baisse; il ne l'a pas fait.
Troisièmement, on a enlevé le caractère ascenseur de la
taxe qui lui aurait permis à ce moment-là, selon le
mécanisme prévu dans la loi, de faire descendre le taux et il l'a
gelé à 38,5 %, selon certains chiffres qu'on a. Mme la
Présidente, on essaie de faire accroire aux gens qu'on leur a fait un
beau cadeau.
Vous savez, Mme la Présidente, une fois que cette
opération a été menée, le ministre, qui
était pris avec la promesse électorale de fixer la taxe sur
l'essence à 20 %... Éliminer la taxe ascenseur, cela voulait dire
garder la taxe à 20 %. On en a parlé de 20 % car c'est un chiffre
qui a sorti régulièrement. Au moment où la taxe
était à 40 %, on disait, de ce côté-ci: C'est
à 20 % qu'il faut qu'elle soit; au moment où la taxe était
à 30 %, on disait: II faudrait qu'elle soit à 20 %. Premier geste
du gouvernement: il gèle la taxe à 38,5 % au lieu de la laisser
à 30 %. Autrement dit, il n'a pas eu à la remonter
lui-même, car, au lieu de la redescendre, comme la loi l'y obligeait, il
a enlevé la loi et il l'a laissée à 38,5 %. On est
à 18,5 % au-dessus des promesses électorales avec lesquelles le
ministre était pris. Son geste a été celui-ci: Nous
allons, dans les régions périphériques, régler le
problème.
Une voix: C'est réglé.
M. Gauthier: Ah! c'était intéressant. Nous allons
le voir, Mme la députée de Matane. On va vous expliquer tout
cela; ce ne sera pas long; soyez patiente! Alors, le ministre a
décidé, dans les régions périphériques,
d'enlever 10 %. Ah! voilà un ministre bien généreux! Pour
les régions périphériques du Québec, 10 % de moins.
La moitié du Québec se pensait, disons,
bénéficiaire d'un cadeau du ministre. C'était 30 %. Soyons
réalistes, mais, enfin, le geste est là: 30 %. Les citoyens du
Québec allaient bénéficier d'une baisse de la taxe sur
l'essence de 10 %. C'est intéressant comme mesure. C'est loin des 20 %
promis à tout le Québec. On est à 16,5 % au-dessus de la
promesse. Déjà, on se rattrape. Déjà, dans les
régions périphériques, pour 30 % des gens, on va faire
quelque chose; c'est louable. On concourt à la mesure; on la trouve
intéressante et on dit au ministre: Attention, M. le ministre! Il y a eu
une circonstance où on avait baissé, de façon soudaine, la
taxe sur l'essence et on s'était aperçu qu'une
récupération à peu près immédiate avait
été faite par l'ensemble des compagnies
pétrolières, par les détaillants, par tous ceux qui
interviennent dans le monde du pétrole, les grossistes, les
distributeurs, etc. Il y avait eu une absorption quasiment directe de l'argent
qui devait aller aux contribuables, à ceux qui paient les taxes, par les
compagnies pétrolières et par les intervenants du monde du
pétrole. Nous avions mis sur pied un comité d'étude,
à l'époque, qui, après avoir analysé la situation,
en était arrivé à la conclusion que, cette augmentation,
plusieurs facteurs se conjuguaient pour la justifier de la part des compagnies
pétrolières. Bref, il y avait eu, disons, un concours de
circonstances qui avait permis à des
pétrolières, en tricotant un peu avec les chiffres, de
justifier cette hausse nécessaire. Voilà la situation, Mme la
Présidente. Mais nous avions au moins le mérite d'avoir
été ceux à qui le vilain tour avait été
joué et, donc, par expérience, nous étions en mesure de
prévenir le ministre que le jeu pourrait se faire de la même
façon.
Comme député de Roberval et porte-parole de ma formation
politique dans le domaine de l'énergie, j'ai dit à mon honorable
collègue: M. le ministre, si vous ne prenez pas des mesures pour faire
en sorte que les consommateurs en bénéficient, ils vont se la
faire enlever. J'ai dit ça au ministre. Personne ne peut dire non de
l'autre côté parce que ce n'est pas juste une fois que j'ai dit
ça au ministre en cette Chambre, Mme la Présidente, c'est
à cinq reprises. À cinq reprises, le député de
Roberval s'est levé en cette Chambre et a indiqué au ministre
qu'à la suite du relevé que nos services de recherche faisaient
avec les modestes moyens qu'on nous connaît il nous apparaissait que les
citoyens des régions étaient en train de se faire voler
littéralement cette baisse de taxe qui leur était
destinée, qu'on leur avait promise.
M'appuyant sur l'expérience du précédent
gouvernement qui était arrivée plusieurs années
auparavant, j'ai dit au ministre: M. le ministre, vous devrez vous mettre des
mécanismes de contrôle. À chaque fois, le ministre se
levait - souvenez-vous - en Chambre et disait: Le député de
Roberval fait de la démagogie. Le député de Roberval
devrait savoir que je suis connecté avec des compagnies
pétrolières. J'appelle régulièrement les compagnies
pétrolières. Je m'entends avec elles. Je discute avec les
pétrolières. Et il n'y a pas de problèmes pour les
consommateurs des régions. Si c'est de la démagogie de dire
ça, relevez les cinq périodes de questions où le
député de Roberval a demandé au ministre de s'assurer que
la taxe aille aux citoyens, aux contribuables alors qu'elle était en
train de se faire absorber petit à petit par les compagnies
pétrolières. Â cinq occasions en cette Chambre, je l'ai
fait, et je mets quiconque au défi de l'autre côté de me
démontrer le contraire.
Je vous invite également à regarder les réponses du
ministre à ce moment-là qui me disait avec force arguments: Le
député de Roberval n'a pas raison de s'inquiéter. Mme la
Présidente, le député de Roberval avait tellement raison
de s'inquiéter que le ministre a fini par avouer, au bout de la
cinquième reprise, que les citoyens des régions avaient perdu, et
de façon irrémédiable, 20 000 000 $ au profit tantôt
des compagnies pétrolières, tantôt des distributeurs,
tantôt perdus dans la nature quelque part, mais qu'ils avaient perdu 20
000 000 $. C'est 50 000 000 $ qu'on leur destinait.
On avait annoncé aux citoyens du Québec, des
régions périphériques, qu'on leur donnerait 50 000 000 $.
L'Opposition avait prévenu le gouvernement que ces 50 000 000 $
étaient en danger et que les compagnies pétrolières et
d'autres intervenants se l'approprieraient. Le ministre nous trouvait
complètement démagogues, déconnectés de la
réalité, jusqu'au jour où, quelques mois après cinq
interventions de notre part, il a fini par se lever et admettre dans cette
Assemblée nationale que les citoyens des régions
périphériques venaient de se faire enlever 20 000 000 $.
Voilà les faits, Mme la Présidente.
On continue la séquence. Le ministre de l'Énergie et des
Ressources, après avoir admis que nous avions raison de le
prévenir, qu'il n'avait pas été assez prévoyant, a
décidé de trouver une mesure, une méthode lui permettant
d'accorder justice aux régions. Or, le ministre de l'Énergie et
des Ressources nous annonce qu'il met sur pied un décret qui a pour
effet de geler le prix de l'essence pour une certaine période et qui
redonne en quelque sorte aux citoyens les droits auxquels ils avaient droit,
c'est le cas de le dire. Et le ministre nous présente ça en
Chambre. (17 h 20)
Réaction du député de Roberval à ce
moment-là. Je me lève et je lui dis: M. le ministre, attention!
attention! avec un décret comme celui-là dont les
imprécisions sont dangereuses, ce ne sera pas nécessairement les
compagnies pétrolières qui vont payer le prix du décret.
Cela risque d'être les petits détaillants d'essence. Mme la
Présidente, j'ai prévenu le ministre du danger de faire assumer
aux petits détaillants le prix de son décret qui, lui,
était la conséquence de son inaction, malgré nos
avertissements. Le ministre disait: Le député de Roberval fait de
la démagogie. Le député de Roberval ne comprend pas. Le
gouvernement bouge et son gouvernement n'a jamais bougé. Voilà
les réponses auxquelles le ministre nous a habitués.
Après le décret, commission parlementaire. L'Opposition
réclamait une commission parlementaire, au Québec, sur la
question des prix de l'essence, avant même que le ministre mette son
décret en place, en lui suggérant que ce serait une bien bonne
idée, alors qu'il vient de baisser la taxe et qu'on est en train de se
la faire voler dans les régions périphériques, cela serait
peut-être une bien bonne idée que l'Opposition et le gouvernement
convoquent les compagnies pétrolières au salon rouge de
l'Assemblée nationale, qu'on les rencontre, qu'on discute avec leurs
représentants, qu'on leur mette sur la table les problèmes que
nos concitoyens, dans les régions, nous indiquaient à chaque jour
à nos bureaux de
comté.
Le ministre trouvait ma demande irréaliste. Le ministre m'a
répondu, et vous vérifierez les galées: "M. le
député de Roberval, les compagnies pétrolières
pourraient refuser de venir à la commission parlementaire. Rien ne les
oblige." Comme si c'était usuel que des entreprises faisant affaire au
Québec aient l'habitude de dire au gouvernement: Vous nous convoquez en
commission parlementaire, mais cela ne nous tente pas d'aller vous voir.
Bien, le ministre de l'Énergie et des Ressources, après
son décret, a enfin convoqué une commission parlementaire.
Qu'est-ce qui faisait que les représentants des compagnies
pétrolières, tout à coup, pouvaient venir à
l'Assemblée nationale rendre compte de leurs faits et gestes et qu'ils
ne pouvaient pas quelques mois avant? C'est que la réponse du ministre
était la réponse qui faisait son affaire à ce
moment-là, parce que ce n'était pas clair dans sa tête et
qu'il n'avait pas le goût d'affronter les représentants des
compagnies pétrolières pour donner justice aux régions du
Québec. Voilà les faits.
Mme la Présidente, on est allé en commission
parlementaire. On a entendu tout le monde. Le député de Roberval
était là, en face du ministre. On a fait chacun notre laïus
et, après cela, on a interrogé les représentants des
compagnies pétrolières. Ils nous ont indiqué, Texaco,
Ultramar, Shell, Gulf, tous ceux qui se sont présentés - ils
étaient à peu près tous là - en commission
parlementaire, qu'ils ne s'étaient pas sentis obligés d'assumer
la baisse imposée par le décret, que, dans certains cas, les plus
généreux ont partagé 50 %-50 % avec le détaillant.
D'autres compagnies pétrolières n'en ont pas fait de cas et les
détaillants ont assumé la baisse. Quand cela a crié trop
fort, les pétrolières ont rajusté d'un cent ou deux la
marge bénéficiaire pour permettre aux gens de ne pas fermer leurs
portes. Pourquoi? Parce que le décret du ministre avait
été fait dans la hâte. On n'avait pas mis, dans ce
décret, les outils nécessaires, les lignes directrices qui
auraient eu pour effet de protéger les petits détaillants des
régions périphériques du Québec.
Le ministre ne voulait pas entendre raison, comme si cela ne se faisait
pas. Or, ma surprise, Mme la Présidente, au moment de la commission
parlementaire, c'est que le ministre se montre tout réjoui, à un
moment donné, que la répartition du manque à gagner soit
de 50 %-50 %. Le ministre s'est réjoui de cela. Je pense que c'est avec
Petro-Canada. Il était tout content, 50 %-50 % lui apparaissait quelque
chose de correct. Quand je l'avais interrogé au moment du
dépôt de son décret, le ministre de l'Énergie et des
Ressources m'avait indiqué qu'il n'était pas question de faire
payer aux petits détaillants le prix de son décret. 50 %-50 %, il
était satisfait de celaï
Mme la Présidente, je me souviens, puisque la
députée de Matane est là, que les gens de la région
de Matane étaient représentés en commission parlementaire.
Leur propos à l'endroit du ministre de l'Énergie et des
Ressources ont été sans équivoque, à telle enseigne
que la députée de Matane en était mal à l'aise. Ils
sont venus dire à ce ministre comment ce décret improvisé
les avait pénalisés, comment les volumes de ventes dans la
région de la Gaspésie et du Bas-du-Fleuve ne permettaient pas de
rentabiliser les stations de service avec une marge bénéficiaire
de 0,035 $ le litre. On a aussi appris en commission parlementaire que le
ministre, dans sa hâte, avait oublié la région de
Chibougamau-Chapais où des hausses absolument faramineuses des produits
pétroliers ont pénalisé toute une population qui a
chargé son député, le député d'Ungava, un
collègue de l'Opposition, de venir "faire la job au ministre" en
commission parlementaire et d'exiger pour les gens de ce coin que le ministre
refasse ses devoirs et qu'il n'oublie pas toute une circonscription
électorale du Québec, le comté d'Ungava.
Mme la Présidente, je vais simplement dire ceci. Le ministre, du
début à la fin, a mal fait ses devoirs dans le domaine de
l'essence. Le ministre de l'Énergie et des Ressources nous arrive
aujourd'hui et nous présente un projet de loi qui met en place le bureau
de contrôle. En commission parlementaire, nous avions indiqué au
ministre la nécessaire mise sur pied d'un bureau, d'un organisme de
surveillance, non pas d'un contrôle des prix de l'essence. Il se
dirigeait vers une formule comme celle-là. Il parlait de la
possibilité d'établir un contrOle sévère. Nous
savions, et il l'a admis, que l'expérience de la Nouvelle-Écosse
n'était pas concluante et que, quand une compagnie
pétrolière qui est en droit d'exiger un rendement sur le capital
investi est en mesure de nous démontrer que son rendement est aux
alentours de 3 %, 3,5 % ou de 4 %, on n'a pas besoin d'être des experts
pour comprendre qu'une régie de contrôle lui permettrait de
revendiquer une plus grande rentabilité sur ses investissements. De
plus, les parlementaires ne disposent pas des moyens techniques et des
équipes nécessaires pour faire une évaluation en
profondeur des chiffres qu'elles nous ont soumis, de telle sorte qu'une
régie de contrôle sévère aurait pour effet, comme
ça se passe en Nouvelle-Écosse, d'exercer une pression à
la hausse des prix des produits pétroliers.
Nous étions favorables à un organisme de pression, de
surveillance, qui aurait un pouvoir moral sur le marché pétrolier
des entreprises pétrolières. Nous avions parlé d'une
commission parlementaire régulière.
Nous avions parlé de différentes avenues, par exemple,
d'utiliser l'Office de la protection des consommateurs. Nous avions
exploré avec le ministre, avec beaucoup de détermination et de
désir de régler le problème, toutes les
possibilités. Le ministre s'est rangé en quelque sorte à
une recommandation que nous pouvions accepter bien volontiers.
Mme la Présidente, la seule chose, une grande déception:
Le ministre de l'Énergie et des Ressources annonce que le Bureau
d'inspection et d'information sur le prix de l'essence est mis sur pied. Tout
le monde applaudit. Il annonce que c'est dans les régions
périphériques seulement. La question qu'on pose: Pourquoi? Si les
régions périphériques sont bien servies par l'organisme,
c'est bien. On concourt à l'objectif. Si les marchés urbains
à forte densité de population comme Québec et
Montréal sont bien servis par la concurrence naturelle des intervenants
dans le marché pétrolier, c'est bien aussi. Mais, dans les
régions semi-périphériques, le ministre attend-il que les
prix des produits pétroliers subissent une hausse tellement importante
qu'il interviendra après coup avec une petite mesure de soutien ou
d'ajustement? Pourquoi le ministre de l'Énergie et des Ressources -nous
posons la question - n'a-t-il pas fait en sorte que son organisme de
surveillance, qui est un bon organisme, qui est un bon mécanisme, couvre
l'ensemble du territoire québécois au-delà des
régions fortement urbanisées où la concurrence est celle
qui discipline le marché? Expliquez-moi pourquoi, Mme la
Présidente. Aujourd'hui, le ministre nous publie le bulletin du BIIPE,
le rapport du BIIPE. Très intéressant. Nous y avons, avec nos
maigres moyens, observé à l'intérieur les chiffres de cet
organisme qui observe. Ce n'est pas un organisme péquiste. C'est un
organisme qui observe, au nom du ministre, avec tout le
désintéressement et la compétence qu'on peut prêter
à ces gens. (17 h 30)
II nous indique que, pour les produits pétroliers, à
première vue, la ligne est belle. Composante du prix à la pompe,
essence ordinaire avec plomb, 0,537 $, 0,547 $, 0,509 $, 0,527 $. Il nous
indique que les prix sont à peu près constants dans l'ensemble
des régions du Québec. Le ministre se sert de ce bulletin pour se
péter les bretelles. Mme la Présidente, il bien content.
L'ensemble des régions du Québec paie à peu près le
même prix pour l'essence. Ce qu'on voulait corriger, dit-il, a
été corrigé.
Peut-être par déformation professionnelle, Mme la
Présidente, ou peut-être parce que celui qui vous parle a appris
à se méfier des réponses du ministre, nous avons
analysé quelques chiffres. On donne Québec et Montréal.
Évidemment, c'est toujours difficile d'établir cela de
façon très précise. On parle d'une moyenne. On dit que le
pourcentage de la taxe provinciale qui n'est plus une taxe ascenseur, qui ne
peut plus descendre, qui est fixée de façon constante, à
Québec et à Montréal, en moyenne, est de 33,2 % dans le
sans plomb ordinaire, 36,6 % dans l'ordinaire avec plomb et 31,8 % dans le
super sans plomb.
Il y a deux constatations. Premièrement, 70 % de la population du
Québec, Mme la Présidente, paient un taux de taxe, deux ans
après l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, qui se situe entre
32 % et 36,6 %. 70 % de la population du Québec ont a été
trompés, non seulement par la promesse des 20 % de ce gouvernement, mais
on est à 12 %, 13 %, 14 %, 15 % et 16 % au-dessus de la promesse des
rouges en campagne électorale. Mme la Présidente, non seulement
on est au-dessus de la promesse des libéraux, mais on est en plus
à 6 %, à 2%età3%ou4% au-dessus du niveau de taxe au moment
où ce gouvernement a pris le pouvoir ici, à Québec. Qu'on
vienne nous indiquer aujourd'hui, Mme la Présidente, et on essaie de le
faire sérieusement, que ce gouvernement a fait un cadeau dans le domaine
pétrolier aux consommateurs du Québec, alors qu'au lieu des 20 %
promis on se situe, dans la région de Montréal et de
Québec, à 34 %, à 36 % et à 32 %. Qu'on vienne nous
dire que c'est un cadeau! La taxe ascenseur, Mme la Présidente,
servirait mieux, à ce stade-ci, 70 % de la population du Québec.
La taxe ascenseur rendrait, au moment où l'on se parle, un meilleur
service à la population du Québec que le système de taxes
du ministre des Finances. Voilà la réalité des choses!
Mme la Présidente, dans la plupart des régions du
Québec, cet organisme de surveillance a eu un effet positif,
admettons-le. On remarque au SaguenayLac-Saint-Jean, c'est 23 % ou 21,5
%, en Abitibi, 22 % ou 20 % de taux de taxe, Rimouski, 28 % et 26 %. Cela a un
certain bon sens. Pour ces régions, soit 30 % du marché
québécois, on est en deça des 30 %.
La promesse libérale de descendre la taxe ascenseur de 30 %
à 20 % s'est soldée, pour 70 % des gens au Québec, par une
augmentation de la taxe, et très substantielle. La promesse
libérale, l'action du ministre des Finances du Québec et du
ministre de l'Énergie du Québec se traduisent, dans les faits,
deux ans après, à l'anniversaire du mandat de ce gouvernement,
par une augmentation importante de 5 % et 6 %, 4 %, ce qui peut totaliser pour
ceux que cela intéresse 0,10 $ ou 0,12 $ le gallon. Il y en a qui sont
habitués à parler de gallons, c'est 0,10 $ ou 0,12 $ le gallon.
C'est un cadeau qu'il nous a fait.
Mme la Présidente, quand on fait la combinaison des deux
chiffres, moyennant une équation mathématique relativement
simple, quand on regarde le volume des
ventes et qu'on fait la combinaison, voici le résultat que nos
chiffres nous montrent à ce stade-ci. L'essence ordinaire avec plomb,
pour l'ensemble du Québec, en tenant compte des proportions de
consommation, se vend, à l'anniversaire de ce gouvernement, deux ans
après, non pas à un taux de taxe de 30 %, comme lorsqu'il a
hérité du pouvoir, mais avec un taux de taxe de 34,8 %. Ce sont
des moyennes qu'on veut le plus près possible de la
réalité, mais on comprendra que nos calculs n'ont pas
été faits avec des appareils très sophistiqués.
Alors, nous acceptons, au départ, une marge d'erreur, si infime
soit-elle. Pour l'essentiel, l'essence avec plomb se vend dans l'ensemble du
Québec, toutes proportions gardées, 4,8 % plus cher que lorsque
le gouvernement a pris le pouvoir. L'essence ordinaire sans plomb se vend 1,7 %
plus cher, au niveau de la taxe, que lorsque ce gouvernement a pris le pouvoir.
L'essence super sans plomb se vend, pour sa part, 0,3 % plus cher.
Mme la Présidente, une dernière constatation. Les gens
dont les voitures roulent à l'essence ordinaire avec plomb sont les plus
pénalisés et ce sont en général des gens qui
roulent avec des voitures plus âgées et moins
sophistiquées. Les gens qui roulent avec de l'essence ordinaire sans
plomb sont pénalisés moyennement par les mesures du gouvernement;
ce sont des gens qui ont la voiture intermédiaire moyenne au
Québec, qui roule à l'ordinaire sans plomb. Les gens qui roulent
avec de la super sans plomb ont des voitures de luxe, des voitures sport, des
voitures de grand luxe, de façon générale: ce sont les
moins pénalisés au Québec.
Une autre constatation intéressante. Évidemment, je ne
veux pas prêter au gouvernement de mauvaises intentions, mais toujours
est-il que le fait est là; les plus pauvres le sont, à cause,
d'ailleurs, d'une taxe sur l'essence ordinaire avec plomb; on se demande
pourquoi la proportion est aussi forte. N'oublions pas que le ministre des
Finances du Québec, à un moment donné, dans un budget, a
décidé de laisser la taxe sur l'essence ordinaire avec plomb un
peu plus élevée pour, disait-il, faire une espèce de taxe
à la pollution de l'environnement. On pourrait bien demander à ce
gouvernement ou peut-être au ministre des Finances, qui me fait l'honneur
d'être ici, en avant, combien de milliers, de dizaines de milliers, de
centaines de milliers ou de millions de dollars sont allés à
l'Environnement, M. le ministre des Finances, considérant le fait que,
dans une mesure budgétaire, à un moment donné, vous en
avez passé une petite vite à l'ensemble des citoyens du
Québec en disant: Vous savez, pour l'essence ordinaire avec plomb, comme
c'est plus polluant, la taxe sera un petit peu plus haute. Ce ne sera pas
grand-chose, on n'y a pas touché. Et cela va servir à
dépolluer l'environnement. J'aimerais, M. le ministre des Finances, vous
qui êtes un parlementaire d'expérience et un ministre aguerri, que
vous nous expliquiez combien de cet argent est allé de façon
spécifique à l'Environnement. On ne demandera pas au ministre des
Finances de nous dire que le budget du ministère de l'Environnement a
été indexé de tant pour cent cette année, ce n'est
pas ce qu'on veut savoir. De façon spécifique, combien le
ministère des Finances a-t-il perçu de cette mini-hausse de taxe
qui est passée presque inaperçue et combien de ce montant est
allé de façon spécifique au ministère de
l'Environnement? Je suis certain que notre honorable collègue se fera un
plaisir de nous donner ces chiffres. S'il ne les a pas d'aventure, on devra
comprendre que les citoyens du Québec, encore une fois, se sont fait
organiser par la politique pétrolière de ce gouvernement.
Mme la Présidente, je vois que mon temps achève; sauf
erreur, vous semblez regarder l'horloge avec passablement d'attention. Je ferai
vite pour vous dire tout simplement que les vrais chiffres - je les passe en
revue pour qu'on se comprenne bien - quand le ministre des Finances et le
ministre de l'Énergie et des Ressources nous disent qu'ils ont
hérité d'un gouvernement qui avait laissé la taxe
ascenseur à 40 %, ce n'est pas exact. Deux ans avant la prise de pouvoir
de ce gouvernement-là, le taux de la taxe était à 30 %.
Quand ce gouvernement nous a indiqué que le précédent
gouvernement avait mis une abominable taxe ascenceur et qu'il enlevait la taxe
ascenseur au Québec, c'est une erreur, Mme la Présidente. 11 a
enlevé le caractère ascenseur de la taxe et il l'a gelée
dans le plafond, le ministre des Finances en sait quelque chose. (17 h 40)
Je mets au défi le ministre des Finances de me dire, aujourd'hui,
dans son intervention, que ce que je vais dire n'est pas exact? Les citoyens du
Québec, au moment où l'on se parle, seraient mieux servis,
à Québec et à Montréal, si le gouvernement n'avait
pas touché au caractère ascenseur de la taxe et s'il avait
respecté le mécanisme d'ajustement à la baisse. Si ce que
je dis n'est pas exact, que le ministre des Finances nous le démontre
tout à l'heure. Si ce que je dis est exact, par exemple, et je le crois
profondément, nous nous serons fait faire, au Québec, une passe
magistrale par ce gouvernement.
Qu'on me dise, de l'autre côté, que la promesse de la taxe
sur l'essence à 20 % n'est pas reléguée aux oubliettes et
qu'aujourd'hui les citoyens de la région de Montréal et de
Québec, M. le ministre des Finances, paient la taxe 12 %, 13 %, 14 %, 15
% et 16 % plus élevée que si vous aviez mis en place la promesse,
avec laquelle vous
avez fait vos beaux jours d'Opposition, de fixer la taxe ascenseur
à 20 %. Je vous mets au défi de me dire, aujourd'hui, de me
démontrer que les citoyens de Montréal, de Québec et des
régions avoisinantes, 70 % de la population du Québec au sens
très large du terme quand on parle des régions - ce sont les
chiffres dont on bénéficiait - que les citoyens de ces
régions ne paient pas aujourd'hui en moyenne, entendons-nous sur un
minimum, 12 % ou 13 % de plus que la promesse libérale à laquelle
ils seraient en droit de s'attendre maintenant. Qu'on vienne me le dire.
Le ministre des Finances va parler tantdt, je l'attends. Il est
important, dans un dossier comme celui-là, que les citoyens comprennent
les choses telles qu'elles sont. J'ai essayé, au cours de mon
exposé, de vous les faire comprendre avec les moyens du bord, bien
sûr, avec des calculs plus sommaires. Je n'ai pas un
échantillonnage aussi large que celui dont le ministre des Finances et
le ministre de l'Énergie et des Ressources diposent. Je n'ai pas tous
les relevés statistiques dont ils disposent et avec lesquels je pourrais
travailler. Moi, j'ai les chiffres qu'ils me donnent et j'ai la méthode
de calcul qui est généralement reconnue comme acceptable par les
gens qui calculent ce genre de choses. On y a mis tout notre coeur, toute notre
énergie et nous espérons que les quelques mots que nous aurons pu
dire là-dessus feront réfléchir le ministre des Finances,
feront réfléchir le ministre de l'Énergie, feront
réfléchir aussi les députés de l'autre
côté, parce qu'avant de se vanter d'avoir remué mer et
monde dans le domaine de l'essence il faut tout de même regarder les
faits. La vérité a ses droits et j'ose croire que ces quelques
minutes nous auront permis d'éclaircir un peu une situation qui
était, malheureusement, trop ambiguë.
Mme la Présidente, là-dessus, je vous dirai simplement
que, mon temps n'étant pas tout à fait écoulé, j'ai
tout de même terminé, pour l'essentiel, mon intervention. Je me
contenterai donc de laisser la parole possiblement à l'honorable
ministre des Finances du Québec qui, je l'espère, pourra apporter
un éclairage différent, supplémentaire. S'il n'apporte pas
d'éclairage, on va être obligé de constater que ce que nous
avons dit, tout au long de cette intervention, est rigoureusement exact. Je
voudrais le mettre en garde; que le ministre des Finances ne m'arrive pas avec
des exemples vieux de quatre ans, de cinq ans ou du précédent
gouvernement, en 1982. Ils ont été élus en 1985,
voilà deux ans, pour poser des gestes. Ils ont été
élus sur la foi de promesses, ils ont été élus sur
la foi d'engagements, ils ont été élus pour livrer la
marchandise aux citoyens du Québec et les preuves démontrent
aujourd'hui qu'ils ne l'ont pas livrée. Je vous remercie beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Roberval. M. le député de Saint-Maurice.
M. Yvon Lemire
M. Lemire: Merci, Mme la Présidente. C'est avec plaisir
que j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi présenté par le
ministre de l'Énergie et des Ressources, qui vise à assurer la
sécurité des personnes qui accèdent à un
établissement et aussi à protéger le droit des
consommateurs québécois dans l'achat de l'essence au
Québec.
Mme la Présidente, je suis un peu surpris que le
député de Roberval ait fait un discours aussi enflammé. Je
suis un peu surpris de voir qu'il ne semble pas très heureux que le
gouvernement actuel, de même que le ministre des Finances et le ministre
de l'Énergie aient décidé d'intégrer dans la zone
périphérique la région du Lac-Saint-Jean pour la
protéger contre la hausse du prix de l'essence. Je suis un peu surpris
de voir que, pendant les neuf ans de pouvoir des gens de l'Opposition, le parti
d'en face, le député de Roberval n'ait jamais expliqué
aussi précisément la façon dont était
calculée la taxe ascenseur.
Je suis très heureux aussi de dire qu'avec la baisse, avec
l'ajustement du prix de l'essence dans les zones périphériques,
le ministre de l'Énergie et des Ressources s'est occupé de ces
gens, s'est occupé du droit de ces consommateurs en appliquant, pour une
période de 90 jours, un décret qui laissera le temps à
notre gouvernement, au ministre d'étudier des solutions à plus
long terme. Quelque temps après, le ministre faisait savoir à
toute la population qu'on aurait au Québec un Bureau d'inspection et
d'information sur le prix de l'essence, qu'on a surnommé le BIIPE.
Le BIIPE et la loi? Le BIIPE fonctionne déjà en vertu des
pouvoirs confiés au ministre de l'Énergie et des Ressources par
la Loi sur le commerce des produits pétroliers. Le projet de loi
maintenant en cours donnera au BIIPE, à cet organisme tous les pouvoirs
nécessaires pour son action. Le BIIPE - je voudrais que M. le
député de Roberval m'écoute - dans les trois
premières semaines de son installation, a fait épargner aux gens
des zones périphériques tout près de 500 000 $ par
semaine.
Mme la Présidente, le projet de loi présenté par le
ministre de l'Énergie et des Ressources vise aussi à assurer la
sécurité des personnes qui accèdent à un
établissement ou à des équipements pétroliers ou
qui utilisent des produits pétroliers. D'autre part, il vise à
assurer la qualité des équipements pétroliers. En
troisième lieu, le projet de loi 93 assurera l'inspection,
l'enquête et la surveillance relative au prix de l'essence. Enfin, ce
projet de loi assurera le contrôle
des prix de vente des produits pétroliers.
Il faut se rappeler que la Loi sur le commerce des produits
pétroliers a été adoptée en 1971. Depuis ce temps,
des statistiques démontrent clairement une croissance inquiétante
des accidents impliquant des équipements pétroliers et
l'utilisation non conforme des produits pétroliers. Désormais, on
étend l'application de la loi aux utilisateurs d'équipements
pétroliers pour des fins autres que le commerce de produits
pétroliers. Ils devront être enregistrés et enregistrer
leurs équipements pétroliers. (17 h 50)
De plus, on étend l'application de la loi aux entrepreneurs
installateurs d'équipements pétroliers. En effet, tous les
travaux relatifs à ces équipements seront exécutés
par un titulaire d'un permis d'installateur. Pour obtenir ces permis, il faudra
avoir à son emploi un ouvrier qualifié titulaire d'une licence de
maître installateur.
Un autre volet du projet de loi 93 qui a trait à l'inspection,
c'est l'enquête et la surveillance des prix de l'essence. Nous nous
souviendrons, Mme la Présidente, qu'une commission parlementaire s'est
tenue sur le contrôle et la surveillance des produits pétroliers
dans les régions périphériques. Le gouvernement avait
alors émis l'opinion qu'il était nécessaire que les
consommateurs québécois aient accès à une
information juste. Quant à l'évolution des prix de l'essence,
dans le présent projet de loi, le gouvernement a mieux défini les
pouvoirs d'enquête, d'inspection et de surveillance relatifs au prix de
l'essence et a l'intention de se doter d'une possibilité d'ordonnance
auprès de quiconque refuserait de diffuser l'information pertinente.
On se souviendra que, le 16 juin dernier, le ministre de
l'Énergie et des Ressources déclarait que c'était
l'intention du gouvernement de faire en sorte que les consommateurs des
régions périphériques profitent entièrement de la
réduction de la taxe sur les carburants qui leur avait été
accordée par le gouvernement libéral, en décembre
1986.
Le projet de loi 93 fait suite à des études
réalisées par le ministère de l'Énergie et des
Ressources, à des propos tenus et à des intentions
formulées par le gouvernement lors de la commission parlementaire
chargée d'étudier cette question en septembre dernier et à
une volonté ferme émise par le gouvernement du Québec de
protéger les droits des consommateurs québécois.
Mme la Présidente, tels sont les propos du projet de loi 93
présenté par le ministre de l'Énergie et des Ressources et
il tient compte des préoccupations pour enfin protéger les droits
des consommateurs au Québec. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Maurice.
M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Mme la Présidente, préférez-vous
que je commence tout de suite mon intervention ou est-ce qu'on demande la
suspension tout de suite jusqu'à 20 heures?
M. Lefebvre: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: ...je suggère au député
d'Ungava de faire dix minutes maintenant.
La Vice-Présidente: II reste sept minutes environ.
M. Lefebvre: Sept minutes? On saurait un petit peu quelle serait
son introduction, on pourrait comprendre un peu où il veut en venir.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Je vous comprends, M. le leader adjoint du
gouvernement. Je vais le faire, d'ailleurs, parce que je suis convaincu que le
début de mon intervention fera en sorte que, lorsque je reprendrai
à 20 heures ce soir, il risque d'y avoir plus de personnes qui seront
intéressées par le débat actuellement en cours. C'est avec
plaisir que j'entreprends mon intervention, les quelques réflexions que
j'ai à faire au ministre sur le projet de loi dont il est question, le
projet de loi 93 sur l'utilisation des produits pétroliers.
Mme la Présidente, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai
écouté attentivement la présentation de mon
collègue, le député de Roberval et porte-parole de
l'Opposition à l'Assemblée nationale du Québec, face
à ce projet de loi, parce que mon collègue, le
député de Roberval, a 100 fois raison. Que de choses se sont
passées depuis deux ans. On a entendu à peu près tout
concernant l'ancien gouvernement, concernant supposément les politiques
antisociales, les politiques d'extorsion. Il n'y a pas de mots qui n'ont pas
été utilisés concernant les façons dont l'ancien
gouvernement a pu agir dans le domaine de l'essence. Sauf que ce que l'on
considère, que l'on voit maintenant de nos yeux et que la population du
Québec voit aussi, c'est que ce gouvernement, le nouveau gouvernement,
les sauveurs des consommateurs, comme on aurait pu le croire en campagne
électorale, ont berné pas seulement 70 % de la population, comme
le disait mon collègue, le député de Roberval, qui avait
tout à fait raison de dire 70 % de la population quand il parlait des
bassins de Québec et Montréal, mais 87 % de la
population du Québec, au total, n'est pas affectée par les
décrets. C'est un pourcentage de 87 %. Le Bas-Saint-Laurent
Gaspésie, la Côte-Nord, le SaguenayLac-Saint-Jean et
l'Abitibi ne représentent que de 13 % à 14 % de la population du
Québec. Donc, grosso modo, il y a 87 % de la population qui
échappe complètement au décret, qui échappe
complètement à la régie de surveillance des prix que le
ministre est en train de mettre en place, enfin, qui va rester dans la
situation que l'on avait avant, en termes de contrôle ou en termes de
suivi des prix du pétrole. Prix qui, eux, sont plafonnés au
maximum pour ce qui est de la taxe qui n'est plus ascenseur, parce que
l'ascenseur a été enlevé mais le palier est resté
au plafond.
C'est cela, la véritable situation. Dans ce sens, je dis que mon
collègue de Roberval n'a pas encore été assez virulent
envers le ministre directement responsable du dossier, le ministre de
l'Énergie et des Ressources, et le ministre des Finances qui, comme mon
collègue l'a dit aussi à plusieurs reprises, s'est
pété les bretelles, s'est essuyé les lunettes, a souri
devant les caméras en disant: Nous sommes bons, regardez ce qu'on fait.
Certes, c'est bon pour les régions périphériques et je
m'en réjouis. Je suis le premier à m'en réjouir.
N'applaudissez pas trop vite. Je n'ai pas fini. Laissez-moi le temps de
finir. Vous aurez peut-être moins envie d'applaudir.
Il y a eu des baisses de prix constatées, en régions
périphériques, qui ont été bien accueillies par les
populations. Mais ce n'est qu'une minime partie de ce qu'on avait dit, parce
qu'on avait parlé, en campagne électorale, et je m'en souviens
très bien, d'un plafond de 20 % comme étant un taux de taxation
idéal. On l'a démontré, tout à l'heure, on est
à 34 %, 35 %, 36 % et peut-être plus encore. Qui sait?
Des voix: ...
M. Claveau: Mme la Présidente, chacun son tour de prendre
la parole. S'il y a des impatients, on reprend à 20 heures.
Donc, actuellement, 87 % de la population du Québec paie 34 %, 35
%, 36 % de taxe. Pour les autres, les prix ont été
réduits. Oui. Mais cela a été
récupéré en partie au moment où le ministre a fini
par écouter les interventions répétées de mon
collègue, le député de Roberval, par écouter ce qui
venait des régions. Enfin, si cela n'arrivait pas à son bureau,
cela arrivait aux nôtres. On nous disait: Regardez, la taxe baisse mais
les prix montent quand même. Comment cela se fait-il? On n'est plus
capables de comprendre.
Il a fallu presque un an, sinon plus, pour que le ministre de
l'Énergie et des
Ressources du Québec dise: Ah! bien, il a peut-être raison.
Peut-être que mes appels téléphoniques à mes amis
présidents des compagnies pétrolières ne m'ont pas
amené toute l'information dont j'aurais eu besoin. J'aurais
peut-être dû consulter quelques autres intervenants par la
même occasion quant à prendre le téléphone, vous
savez, un ou deux appels téléphoniques de plus pour essayer de se
faire une image plus complète. Cela aurait peut-être
été souhaitable dès le départ. Dans ces conditions,
le ministre a décidé de dire: Écoutez, c'est vrai, on
s'est peut-être fait avoir, on s'est fait berner, on n'a pas eu toute
l'information et on va aller en consultation publique pour voir si c'est vrai
qu'il y a eu des récupérations sur les prix.
Cela a été prouvé. J'ai personnellement
assisté à l'ensemble des délibérations de la
commission parlementaire, de la consultation sur le prix de l'essence et cela a
été prouvé noir sur blanc. Le ministre s'est même
permis de servir des avertissements sévères aux compagnies
pétrolières en leur disant: Écoutez, je vous ai à
l'oeil. Vous m'avez eu une fois, mais vous ne m'aurez plus. C'est ça
qu'il leur a dit. Là, je vous ai pris dans le coin. Faites attention
à vous autres parce que la prochaine fois je vais être là.
C'est exactement comme ça que le ministre a répondu aux
compagnies pétrolières. C'est comme ça aussi que le
ministre a répondu aux autres intervenants. Quand on a parlé des
distributeurs, quand on a parlé des détaillants, il disait: C'est
beau ce que vous me dites là, mais faites attention. C'est moi le
ministre et je vais vous le montrer à l'avenir. Donc, il a
lui-même accepté de dire qu'il s'était fait berner par
certains intervenants et qu'il aurait dû dès le départ
être plus méfiant et comprendre ce qu'on voulait lui dire.
Mme la Présidente, on me fait des gros yeux. Il semble qu'il est
18 heures et qu'on doit ajourner. Alors, je demande la suspension des travaux
jusqu'à 20 heures, s'il vous plaît!
La Vice-Présidente: Compte tenu de l'heure, nous allons
ajourner le débat sur le projet de loi 93 et nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 6)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez prendre place, s'il vous platt! Nous allons maintenant
reprendre nos travaux. Nous sommes encore aux affaires du jour. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, l'article 23 du feuilleton,
s'il vous plaît!
Le Vice-Président: L'article 23 du feuilleton. Nous allons
reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi
93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers,
présentée par le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Lors de l'ajournement de ce débat, à l'heure du souper, la
parole était à M. le député d'Ungava. M. le
député, vous avez épuisé six minutes durant votre
première partie d'intervention, il vous reste donc quatorze minutes. Je
vous cède donc la parole.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Comme je l'ai dit
juste avant la suspension de 18 heures, le ministre de l'Énergie et des
Ressources aurait mieux fait, dès le départ, de nous
écouter; de cette façon, il se serait épargné
beaucoup d'ennuis et surtout des pas de valse qui l'ont amené à
reculer sur certaines positions qu'il avait prises antérieurement.
En ce qui concerne le projet de loi d'une façon plus
précise, je remarque que l'on y retrouve quatre objectifs fondamentaux,
quatre orientations qui visent, d'une part, à assurer la
sécurité des personnes et la qualité des
équipements et, d'autre part, à introduire des mesures de
contrôle, de surveillance des prix de l'essence et du contrôle, au
besoin, sur ces prix. D'une part, on veut contrôler les prix, mais on
veut avant tout les surveiller. C'est quelque chose sur lequel on a eu
l'occasion de discuter en commission parlementaire et qui semble, à
notre avis, assez difficile ou assez peu prometteur comme impact futur, assez
peu porteur d'avenir en termes d'impact sur la façon dont les prix de
l'essence vont être fixés.
Surveiller les prix de l'essence, c'est un terme qui est peut-être
très beau en soi, mais, à notre avis, ne veut pas dire
grand-chose. On peut surveiller éternellement; on peut s'asseoir et
regarder passer les oiseaux, surveiller leurs allées et venues, mais
cela ne veut pas dire qu'on va intervenir directement. Alors, quand on met
l'objectif de surveillance prioritaire à l'objectif de contrôle,
il nous semble qu'il y a là, pour le moins, matière à
s'interroger. Jusqu'à maintenant, le ministre n'a jamais voulu utiliser
le mot "contrôle" et d'autant plus, même à la toute fin, il
ajoute dans son texte... Il se permet de mettre encore une parenthèse en
disant "au besoin". À toutes fins utiles, il dit: S'il faut vraiment, un
jour ou l'autre, intervenir, on se sera au moins donné un petit outil
qui nous permettra de le faire.
La vision première du ministre dans ce projet de loi, il ne faut
pas se laisser berner par les mots, c'est d'exercer une surveillance minimale,
de s'assurer et d'aller voir de temps en temps les prix à la pompe, de
regarder et de dire: Bon, c'est peut-être un peu haut, c'est
peut-être un peu bas. Mais, on ne voit pas là-dedans une
véritable volonté politique, un véritable effort pour
vraiment s'assurer que les prix ne seront pas exorbitants, ne seront pas
exagérés, et qu'il sera possible en tout temps pour le ministre
de revenir et d'imposer ou de négocier des prix qui soient convenables
pour l'ensemble des utilisateurs de l'essence. Et on sait qu'ils sont nombreux.
Cela nous rend encore plus nerveux quand on sait que son projet de loi ne
s'adresse ou que ce contrôle ou cette surveillance ne s'adresse
qu'à 13 % des utilisateurs ou des acheteurs d'essence au Québec,
parce qu'il a bien dit que c'était pour les régions et que cela
ne s'appliquait pas sur l'ensemble du territoire québécois.
Alors, on se dit: Un beau projet de loi, certes, des hypothèses
de travail intéressantes, mais on les dilue tellement qu'on n'en
retrouve plus la saveur. C'est vraiment un problème fondamental qui nous
rend pour le moins hésitant quant aux intentions réelles du
ministre de vouloir faire quelque chose de positif, de définitif,
d'ordonné, dans le contrôle des prix de l'essence au
Québec.
On parle aussi de sécurité des personnes et de
qualité des équipements. Ce n'est pas la première fois, M.
le Président, que ce gouvernement introduit des mesures coercitives dans
ses lois. Un gouvernement qui disait au début: Réglementer moins
et mieux. On se rappellera des premières déclarations
fracassantes du président du Conseil du trésor qui disait: Nous
allons légiférer moins et mieux. Et il y avait un rapport qu'on
appelait, et j'ose le dire parce que c'était le nom du rapport, le
rapport Gobeil, où on disait: La réglementation, il y en aura
presque plus. On va s'organiser pour que cela soit facile à comprendre
pour tout le monde. On réglementera moins, mais on va mieux se
comprendre dans nos lois parce qu'il va y avoir moins de lois et elles vont
être mieux faites. Encore là, le rapport Scowen...
Une voix: ...
M. Claveau: C'est possible. Il y a eu tellement de rapports dans
ce gouvernement qu'on finit par s'y perdre. Mais il reste que le
président du Conseil du trésor avait sûrement dit son mot
là-dessus. Toujours est-il qu'on se retrouve encore avec un projet de
loi qui nous apporte réglementation pardessus réglementation,
complexité par-dessus complexité, à tel point qu'encore
là, on dilue l'essence du projet de loi et qu'on le rend pratiquement
inapplicable.
Assurer la sécurité des personnes. Je
veux bien qu'on assure la sécurité des personnes. Je suis
d'accord qu'on assure la sécurité des personnes; tout le monde
est d'accord. Mais, dans la conjoncture actuelle, dans la situation que l'on
vit quotidiennement dans la gestion du bassin ou des équipements qu'on
utilise dans la distribution des produits pétroliers au Québec,
il y a matière à faire un drame et à amener une nouvelle
loi pour compliquer les choses. Il aurait peut-être été
plus simple de regarder ce qu'on a actuellement et de dire: Bon, il y a telle
et telle chose. On devrait faire quelques correctifs ici et quelques correctifs
là. Certes, on doit éliminer les dangers au maximum, mais on peut
le faire sans pour autant nous amener . toute une montagne de
réglementation ou d'éléments nouveaux qui feront en sorte
que cela prendra peut-être encore dix ans avant qu'on s'y comprenne. Je
crois personnellement que la sécurité des personnes et la
qualité des équipements, depuis le temps qu'on utilise l'essence
au Québec, n'a pas été un élément primordial
de danger, bien qu'il y ait des améliorations à faire, c'est
sûr.
Le ministre, en plus, au moment d'émettre ces
énoncés intéressants sur le plan philosophique, c'est bien
évident, a-t-il calculé ou son ministère a-t-il pris en
considération ce que cela pouvait avoir comme impact économique
dans les milieux, ce que cela pouvait avoir comme répercussion sur les
détaillants, les distributeurs d'essence qui, on le sait
déjà, M. le Président, sont plutôt tordus, ont
plutôt la corde au cou en ce qui concerne les marges de profit? On l'a
dit en commission parlementaire: 0,032 $, 0,034 $ le litre, on s'est fait dire:
Ah! c'est suffisant pour opérer, d'une part, mais, quand les
distributeurs venaient parler, ils nous disaient: Écoutez, M. le
ministre, avec 0,032 $ et 0,034 $ le litre, on n'arrive pas, tout augmente, il
faut endosser les pourcentages des cartes de crédit, il faut assumer les
augmentations de salaires et les augmentations du coût de
l'électricité, il faut assumer l'augmentation des coûts
d'opération générale, des taxes, etc., et, si on ne nous
augmente pas notre marge de profit, on crève. C'est ce qui a
été dit et c'est ce qu'a relevé aussi mon collègue
de Roberval dans son allocution tout à l'heure.
Maintenant, on se prépare à mettre en place de nouvelles
mesures de contrôle, de nouvelles façon de gérer le stock,
si on peut dire, des équipements de distribution d'essence qui vont
amener encore des coûts supplémentaires pour les distributeurs
parce qu'ils vont être obligés de se payer des permis
spéciaux, de faire affaire avec une nouvelle catégorie de
travailleurs de la construction, les travailleurs spécialisés
dans les installations - il y a un nom précis, si vous me donnez
quelques secondes, je peux le retrouver. Il y a tout un nouveau contexte qui va
faire en sorte que cela va coûter encore plus cher pour supporter les
équipements.
Est-ce que le ministre prévoit mettre en place des mesures d'aide
financière qui vont permettre à nos distributeurs qui ont
déjà le collet passablement serré de pouvoir passer au
travers, parce qu'il y a des mesures compensatoires, ou s'il ne veut pas
utiliser cela sans le vouloir nécessairement d'une façon
consciente. Par ricochet, ce qui va arriver, si on commence à vouloir
imposer, par le biais d'une loi stricte, ferme, dans des délais
précis, des améliorations qui, certes, sont nécessaires
mais qui devraient s'étaler d'une façon différente, on va
avoir un véritable clivage des propriétaires des postes
d'essence. Il y en a qui vont disparaître, en régions
probablement. La concurrence en régions va être diminuée
par le fait même parce que c'est encore en régions où nos
distributeurs d'essence ont le plus de difficulté à survivre,
surtout avec la marge bénéficiaire qu'on leur laisse et qu'on
tend à pondérer sur l'ensemble du territoire
québécois, comme si cela ne coûtait pas plus cher
d'exploiter une station-service à Sept-îles, à Gaspé
ou à Chibougamau qu'à Montréal ou à
Québec.
En commission parlementaire, on s'est fait dire; Non, non, on tend
à pondérer, c'est 0,032 $, 0,034 $, peut-être 0,036 $, mais
on n'a pas voulu dégager des marges de bénéfice
précises pour les gens en régions. À moins que le ministre
nous dise qu'il a changé d'idée encore une fois et qu'il nous
assure que le distributeur en régions va pouvoir jouir, sans que cela
coûte plus cher au consommateur, par le biais du prix d'achat au
fabricant ou au grossiste, d'une marge bénéficiaire
supérieure qui va lui permettre de pouvoir aussi rentrer dans les
nouvelles normes qu'on ne connaît même pas mais qu'on sait qu'elles
s'en viennent. On parle d'assurer la sécurité et la
qualité des équipements et on sait que c'est vrai.
Là-dessus, on s'entend, il y a des équipements qui sont
désuets et qui devraient être modifiés,
réparés. Mais comment va-t-on le faire pour faire en sorte qu'il
n'y ait personne qui soit pris à la gorge? Je pense que la
réflexion mérite d'être approfondie dans ce domaine.
En ce qui concerne toute la question des nouvelles installations avec
cette nouvelle catégorie de travailleurs que l'on appelle - je voudrais
retrouver le nom exact, j'ai un petit trou de mémoire - travailleurs
spécialisés dans les équipements, dans l'installation des
équipements reliés à la distribution de l'essence ou des
produits pétroliers. Il s'agit là d'une nouvelle catégorie
de travailleurs de la construction. À moins que je ne comprenne pas, il
s'agit d'une nouvelle catégorie de travailleurs qui devront avoir des
cartes de l'OCQ en
conséquence. Il s'agit là, entre autres, d'une nouvelle
qualification qui, je suppose, a déjà été
discutée avec le ministre responsable du dossier des travailleurs de la
construction, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
J'espère que c'est déjà fait parce qu'on embarque
encore là dans un drôle de bateau. Vous savez, dans une
région, par exemple, à Chibougamau ou à Chapais, quand on
voudra installer un poste d'essence ou une installation de ce genre tous les
dix ou quinze ans, ou quand on veut faire des modifications - on n'en fait pas
tous les jours, dans les milieux où il n'y a pas beaucoup
d'installations - cela veut dire qu'il faudra encore augmenter les frais
d'installation parce qu'il faudra faire venir des gens d'ailleurs. On n'aura
probablement pas, sur place, en permanence, des gens qui auront cette
compétence; alors, on les fera venir d'ailleurs, avec tout ce que cela
suppose, peut-être pour une modification mineure ou une modification plus
ou moins importante.
Il y a là, encore, quelque chose qui risque de créer des
problèmes à long terme. Le ministre ne les a peut-être pas
vus au moment de présenter son projet de loi. Dans l'hypothèse
d'une amélioration, le ministre a peut-être pensé que ces
problèmes ne pouvaient pas exister, mais nous, qui vivons en
régions continuellement et qui savons de quelle façon nous avons
déjà des problèmes dans tout le secteur de la construction
en ce qui concerne les cartes de compétence, l'utilisation des
travailleurs de la construction qui sont dans le milieu, mais à qui il
manque toujours la petite carte, le nombre d'heures ou autre chose pour pouvoir
travailler, alors qu'on fait venir des gens de l'extérieur... (20 h
20)
Dès qu'il y aura un petit contrat pour l'installation d'un poste
d'essence, il faudra faire venir une équipe spécialisée
à 500 milles de chez nous. J'ai l'impression que, là encore, il
risque d'y avoir des problèmes. Cela vaut au moins la peine d'ouvrir la
parenthèse pour savoir dans quoi on s'embarque.
Quand on parle du contrôle des installations, je ne sais pas si le
ministre, quand il a pensé à tout cela, est sorti des
autoroutes... Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Vice-Président: En conclusion, M. le
député d'Ungava, il vous reste quinze secondes.
M. Claveau: C'est dommage, car je croyais avoir encore un peu de
temps. Le temps passe tellement vite quand on parle de choses sérieuses.
Je conclurai en disant que j'aurais encore beaucoup à dire sur ce projet
de loi. Merci.
Le Vice-Président: Merci, M. le député
d'Ungava. Pour la poursuite du débat, je vais maintenant céder la
parole à Mme la députée de Matane.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: Merci, M. le Président. J'ai grand plaisir
à prendre la parole sur le projet de loi 93, Loi sur l'utilisation des
produits pétroliers. Je veux vous rappeler les objets de ce projet de
loi. D'abord, nous en avons quatre, quatre buts du projet de loi.
Premièrement, assurer la sécurité des personnes qui ont
accès aux établissements, aux équipements
pétroliers ou qui utilisent des produits pétroliers. Le
deuxième objectif de la loi est d'assurer la qualité des
équipements pétroliers. Le troisième, assurer la
surveillance des prix de l'essence. Le quatrième, assurer le
contrôle des prix de vente des produits pétroliers.
Je vais surtout m'attarder ici sur les troisième et
quatrième points du projet de loi 93, soit assurer la surveillance des
prix de l'essence et aussi assurer le contrôle des prix de vente des
produits. On se souviendra qu'en décembre 1985, le gouvernement
libéral avait tenu sa promesse électorale, soit de baisser la
taxe sur l'essence en régions éloignées. On avait rempli
notre promesse envers les régions périphériques. Nous
avons réduit la taxe sur l'essence en Gaspésie, au
SaguenayLac-Saint-Jean, en Abitibi-Témis-camingue et sur la
Côte-Nord.
La réduction de 0,045 $ le litre accordée a
été transmise à la pompe dans les jours immédiats
qui ont suivi, mais, à partir de la fin de mai 1986, les consommateurs
de ces régions ont perdu peu à peu cet avantage, cette baisse de
0,045 $ le litre au profit des pétrolières et aussi des
détaillants, il faut le dire. Et devant ces faits, le ministre est
intervenu auprès des pétrolières le 15 mai les enjoignant
de procéder immédiatement au réajustement à la
baisse des prix dans les zones périphériques, de façon que
les consommateurs de ces régions puissent bénéficier de
cette baisse de taxe.
Or, malgré l'ensemble de ces diverses interventions dont celle du
premier ministre lui-même, je vous dirai, aucune pétrolière
n'avait corrigé la situation en juin 1987, et il était vraiment
nécessaire, M. le Président, que les consommateurs des
régions périphériques profitent entièrement de la
réduction de cette taxe.
C'est pourquoi le ministre de l'Énergie et des Ressources a
décidé d'agir par décret le 16 juin 1987, décret
qui établissait le prix maximum à la pompe. Cette mesure s'est
appliquée jusqu'au 30 septembre 1987, le temps de tenir une commission
parlementaire
afin d'étudier des solutions à plus long terme, des
solutions qui nous permettaient en région éloignée de
bénéficier pleinement de la baisse de la taxe sans
pénaliser ni les détaillants ni l'industrie. C'était un
défi de taille, mais voilà justement un des avantages de la
transparence témoignée par le gouvernement du Québec
à ce moment qui n'a pas craint de recevoir des personnes, des organismes
dans le cadre d'une commission parlementaire portant sur des sujets aussi
litigieux que l'essence et les produits pétroliers.
Lors de cette commission parlementaire, nous avons reçu plusieurs
mémoires. Il fut dévoilé que les sociétés
pétrolières et les détaillants avaient
récupéré quelque 20 500 000 $ sur les 52 000 000 $ de
subventions qui étaient destinés aux consommateurs. Il nous
fallait donc faire quelque chose, agir. Et nous avons agi. La preuve, le projet
de loi 93 qui nous est présenté aujourd'hui constitue cette
solution recherchée, solution qui permettra aux citoyens des
régions de bénéficier des baisses de taxes sur les prix de
l'essence en régions tel que promis. D'abord, le Bureau d'inspection et
d'information du prix de l'essence a été mis sur pied, qu'on
appelle le BIIPE. Il est entré en fonction le 28 septembre 1987. Ce
bureau a été chargé spécifiquement d'inspecter et
d'enquêter sur l'évolution et la composition des prix de
l'essence, mais surtout d'informer le public consommateur des résultats
obtenus.
Pour informer le public consommateur des résultats obtenus, le
BIIPE, le Bureau d'inspection et d'information du prix de l'essence, produit un
journal que je vais vous montrer ici. Cela s'appelle Essence-Express. À
l'intérieur de ce journal, vous avez toutes les informations
nécessaires, la ventilation de toutes les composantes des prix à
la pompe. Dans ce journal, vous pouvez voir la part du détaillant, le
coût de transport, les taxes fédérales, les taxes
provinciales, la part de la pétrolière, le coût du
pétrole brut et, finalement, toutes ses composantes pour en arriver au
prix à la pompe.
Ces détails et ces informations qu'on donne aux consommateurs
jouent un râle à la baisse sur les prix. La preuve? Je me suis
arrêtée dans mon comté encore la semaine passée, ou
peut-être il y a quinze jours, prendre de l'essence dans un village. Je
m'informais des prix, comment cela allait. La personne me dit: Est-ce que le
décret est enlevé sur les prix à la pompe? J'ai dit: Oui,
le décret est enlevé depuis le 30 septembre. Alors, la personne
me dit: Ah! Mais pourquoi les prix n'ont-ils pas changé? Nous, ici, la
compagnie pétrolière n'a pas changé les prix. Même
si le brut a augmenté, les prix à la pompe demeurent les
mêmes. Déjà là, il y avait un résultat
satisfaisant pour le comté de Matane, et j'en suis sûre, pouf
toute la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent,
grâce à ces informations qui sont publiées et grâce
aussi à ce bureau d'inspection qui a été mis sur pied.
Pendant les trois premières semaines d'octobre, tout de suite
après la mise sur pied de ce bureau, les consommateurs ont
épargné 500 000 $ par semaine, ce qui fait à peu
près 1 500 000 $ dans les poches des consommateurs dans les
premières semaines du mois d'octobre. Ce BIIPE, ce bureau est
doté d'un pouvoir d'enquête, d'inspection et d'information. Et si
cette surveillance ne suffit pas, nous pouvons toujours revenir au
décret pour fixer les prix à la pompe. Si l'intérêt
public l'exige, nous n'hésiterons pas, M. le Président, à
fixer un contrôle des prix à la pompe, fixer un prix maximum.
Quand j'entendais le député de Lac-Saint-Jean cet
après-midi faire les gorges chaudes et dire: C'est grâce à
moi si le ministre a agi dans ce dossier. C'est grâce à moi, je
suis intervenu cinq fois en Chambre pour sauver le prix de l'essence en
régions.
Je dirai au député de Lac-Saint-Jean: Mais qu'a-t-il fait
pendant les dix ans qu'il était là? Qu'a-t-il fait pour son
comté, pour la région de SaguenayLac-Saint-Jean? Cela a
pris un gouvernement libéral pour assurer la baisse de la taxe sur
l'essence dans les régions périphériques et plus
spécifiquement dans la propre région du député de
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cela a pris un gouvernement libéral pour le
faire. Il n'a pas à faire les gorges chaudes en disant: C'est
grâce à moi. Il n'a pas fait grand chose pendant les dix ans qu'il
était là.
M. le Président, ce projet de loi - il y a même deux autres
points - va sécuriser aussi la population sur l'utilisation des produits
pétroliers. Vous savez, M. le Président, que l'opinion publique
est de plus en plus sensibilisée au volet de la sécurité
du travail dans l'ensemble de notre économie. Cette population attend du
gouvernement qu'il prenne des mesures visant à l'amélioration de
la qualité de vie. Une partie de ce projet de loi concerne donc cette
qualité de vie en ce que la révision de la Loi sur le commerce
des produits pétroliers vise à étendre le champ
d'application de la loi aux utilisateurs d'équipements pétroliers
à des fins autres que des produits pétroliers ainsi qu'aux
entrepreneurs installateurs exécutant des travaux relatifs aux
équipements et à leurs employés qualifiés en
pareille matière. Il faudra que les employés soient
qualifiés maintenant dans les produits pétroliers. (20 h 30)
Vous voyez que ce projet de loi vise à assurer une plus grande
sécurité à la population vis-à-vis des produits
pétroliers. Ce projet de loi vise à assurer aussi un
contrôle sur le prix de l'essence en régions
éloignées. Ce contrôle est donné par le
Bureau d'inspection et d'information du prix de l'essence, et son
journal Essence-Express que les consommateurs pourront se procurer soit
dans les bureaux de protection du consommateur ou aux chambres de commerce des
quartiers afin de voir toute la ventilation des composantes du prix du
pétrole à la pompe.
M. le Président, en tant que gouvernement, nous nous
étions engagés à aider les régions
périphériques. Nous l'avons fait. C'est ainsi qu'après la
commission parlementaire, après la formation du bureau d'inspection,
après ce journal, nous avons vu les prix se maintenir à la pompe
et ainsi les gens des régions périphériques ont pu
profiter de la baisse de 0,045 $ le litre à la pompe.
Ce projet de loi, je l'appuierai parce qu'il aide les régions
périphériques, les régions les plus
défavorisées. Ce n'est qu'une question d'équité.
Merci.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): M. le Président, il me fait plaisir,
ce soir, d'intervenir sur le projet de loi 93, qui est présenté
par le ministre dé l'Énergie et des Ressources. Pourquoi est-ce
que je voulais intervenir? C'est peut-être pour rétablir certains
faits parce qu'il me semble important que la population, qui suit les
débats de l'Assemblée nationale, ainsi que la population en
général, qui veut savoir exactement ce qu'il en est du
contrôle des fameux prix de l'essence, sache que le projet de loi 93 va
amener certaines corrections.
Bien sûr, les principes énoncés dans le projet de
loi et les buts visés sont louables, je le dis en passant et cela doit
être souligné, sauf qu'on doit se demander comment il se fait
qu'on est rendu dans cette situation, au début du mois de
décembre, en fin de session et que le ministre de l'Énergie et
des Ressources nous présente un projet de loi pour contrôler les
prix de l'essence.
Pour bien nous faire comprendre sur ce qui s'est passé, je pense
qu'il faut rapporter les faits de façon que tout le monde comprenne.
D'abord, voilà maintenant deux ans, le gouvernement actuel, le Parti
libéral lorsqu'il était en campagne électorale, avait
promis d'abaisser la fameuse taxe ascenceur, qui était à 30 %. Il
avait promis de la ramener à 20 %. Tout le monde, à ce
moment-là, a applaudi, les mesures annoncées par le Parti
libéral. C'était certes dans leur intention d'être capables
de livrer la marchandise, sauf que ce n'est pas exactement ce qui s'est
passé le 2 décembre ou dans les mois qui ont suivi.
Aujourd'hui, à quelques heures près, nous fêtons le
deuxième anniversaire du gouvernement en place. Si on regarde la
situation actuelle en ce 3 décembre 1987, elle est tout ascenseur autre
que la situation qui avait été annoncée. Dans la taxe de
30 %, déjà très élevée, qui avait
été instaurée - qu'on soit d'accord ou pas - par l'ancien
gouvernement, il y avait au moins l'avantage que le principe faisait en sorte
que, lorsque les prix de l'essence montaient, la taxe montait, de façon
à garder une certaine proportion. Par contre, quand les prix de
l'essence descendaient - cela a été le cas depuis décembre
1985 - le principe de la taxe ascenceur permettait aussi d'abaisser le niveau
de la taxe Bien sûr, les entrées d'argent dans les coffres du
gouvernement baissaient, mais au moins les consommateurs pouvaient en
bénéficier.
Ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement a
décidé de bloquer, pour prendre l'expression, l'ascenceur au 30e
étage, c'est-à-dire à 30 %. Alors, tout gouvernement qui
perçoit une taxe, le ministre des Finances le premier, ne veut pas voir
ses revenus diminuer dans cette enveloppe budgétaire au cours des mois
et des années qui viennent parce qu'il devra de compenser par une taxe
ailleurs. Or, le gouvernement libéral s'est donné bonne bouche en
disant: Nous, on arrête le principe de la taxe ascenseur, et voici, c'est
fini, la taxe ne montera plus. Mais attention! Ce qui s'est passé, c'est
que le prix de l'essence a descendu, la taxe est restée en haut, ce qui
fait qu'aujourd'hui, au 3 décembre 1987, à quelques
dixièmes de pourcentage près, la taxe moyenne se situe à
38 % ou 38,5 %.
M. le Président, il faut être conscient que cette situation
pénalise de façon importante l'ensemble des consommateurs du
Québec. Bien sûr qu'une partie de la promesse qui avait
été faite, celle d'accorder une baisse aux régions
périphériques, de permettre aux régions
périphériques et à travers le Québec, de permettre
à ces gens d'avoir une certaine baisse, cette partie a été
remplie, du moins en partie, ce qui a fait que le pourcentage de la taxe
à la pompe dans les régions périphériques peut se
situer, suivant les régions, quelque part entre 22 %, 24 %, 25 %. Par
contre, là où se passe le gros de la consommation de l'essence,
là où se retrouve 70 % de la population du Québec et de la
consommation de la population du Québec, soit dans les grandes
régions, celle de Montréal et celle de Québec, on sait que
- la démonstration a été faite par mon collègue, le
député de Roberval ce matin lors de la période de
questions et aussi dans son allocution cet après-midi - dans la
région de Montréal, dans la région de Québec, c'est
70 % de consommation. Et on sait que la taxe, selon les endroits, varie entre
32 %, 34 %, 36 % et 38 %. Je trouve cela tout à fait
inadmissible. Je ne pense pas que les députés, membres de
l'équipe ministérielle, puissent applaudir à une telle
mesure parce que effectivement, l'ensemble des citoyens du Québec, plus
de 50 %, soit 70 %, se retrouvent pénalisés par une telle
situation. Je trouve cela dommage et je trouve que cette situation... On
devrait avoir l'honnêteté de le reconnaître en face et dire:
Oui, on a augmenté, non, on a n'a pas été capable de
remplir notre promesse. Mais c'est effectivement la situation, et, aujourd'hui,
je comprends que maintenant que l'ascenseur est bloqué en haut, on ne
veuille pas bien sûr diminuer parce que ce seraient des entrées de
fonds importantes au gouvernement du Québec qui seraient
diminuées. Par le fait même, on devrait être obligé,
à ce moment-là, de quelque autre façon que ce soit, le
ministre des Finances devrait aller chercher cet argent dans les poches des
consommateurs. Dieu sait qu'il ne veut pas être obligé d'aller
chercher de l'argent, et je le comprends, sous une autre forme de taxe pour se
faire "taxer", c'est le cas de le dire, d'imposer une nouvelle taxe. Donc, on
profite d'une situation, mais, en moyenne, par rapport au 2 décembre
1985, c'est 6 % et 6,5 % de plus en pourcentage de la taxe sur l'essence, le 2
décembre 1987.
Je pense que, dans tout ce qui s'est passé au cours de la
dernière année, il y l'élément naïveté
de la part du gouvernement et, particulièrement, de la part du ministre
responsable. Vous savez, la naïveté, M. le Président, cela
peut être une qualité, mais quand on est ministre de
l'Énergie et des Ressources, c'est plus dangereux. Je me souviens que le
ministre de l'Energie et des Ressources a été interpellé
à plusieurs reprises par mon collègue, le député de
Roberval, ici en Chambre, il y a un an, particulièrement sur le fameux
contrôle des prix de l'essence, sur ce qui se passait dans les
régions. Le député de Roberval a interpellé le
ministre à plusieurs reprises pour le mettre en garde en lui disant: M.
le ministre, avez-vous vérifié? Êtes-vous assuré
qu'il y a des contrôles? Êtes-vous conscient de ce qui est en train
de se passer actuellement? (20 h 40)
Finalement, le ministre, après se l'être fait demander
à plusieurs reprises, a commencé à faire des
vérifications et, je me souviens de l'expression qu'il utilisait. Il
téléphonait et on appelait cela le système de
contrôle par téléphone. Je pense que c'était le
manque d'expérience, mais une naïveté qui a
coûté quelque chose comme 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ à
l'ensemble des consommateurs québécois. Le ministre pensait que,
juste en parlant avec les grandes pétrolières, on s'assurerait
que, pendant que les prix de l'essence baissaient, le consommateur pourrait en
bénéficier, mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Et Dieu
sait si on sait dans ce milieu de quelle façon cela se passel M. le
Président, on sait que les pétrolières n'ont rien
épargné à qui que ce soit, pas plus leurs
détaillants que les consommateurs. Il y a eu plusieurs avertissements.
Bien sûr qu'on peut dire aujourd'hui: C'est facile à dire, mais je
pense que c'étaient des avertissements sérieux que servait
l'Opposition, des avertissements qui disaient au ministre de l'Énergie
et des Ressources: Vous négligez de mettre de vrais contrôles en
place et, par ce fait, vous pénalisez l'ensemble des
Québécois et des Québécoises, l'ensemble des
consommateurs, les utilisateurs de l'essence.
Alors, finalement, en juin 1987, le ministre a décidé de
poser un geste. Il a posé un décret. Il a
décrété une période de 90 jours, le temps qu'il y
ait consultation. Et là, à la suite de pressions faites depuis
tout près d'un an, je le répète, le ministre a finalement
décidé de tenir une commission parlementaire pour entendre tous
les intervenants. Cette commission s'est tenue ici au mois d'août. Que
s'est-il passé à cette commission parlementaire? Il y a eu un
état de choc, une prise de conscience de la part du ministre, de la part
de ceux qui ont suivi ces débats, et, M. le Président, par la
suite, le ministre a réalisé qu'il fallait vraiment mettre en
place des mesures pour s'assurer que les consommateurs québécois
soient protégés. C'est à la suite de cette commission
parlementaire... Et je félicite le ministre qui a finalement
réussi à tenir cette commission, un peu tard, parce que, si elle
s'était tenue six ou huit mois avant, ce sont des millions et des
millions de dollars qui auraient pu être épargnés.
Bien sûr que tous les députés qui
représentent toutes les régions du Québec, quel que soit
le cOté de la Chambre ici, savent très bien que les gens de leur
région ont été pénalisés par ce manque de
rigueur du fait que le ministre n'est pas intervenu au moment où il
aurait dû intervenir devant cette situation. Mais le ministre
n'était pas prêt ou, comme je l'ai mentionné tantôt,
s'est probablement fait prendre au jeu et a été quelque peu
naïf. Ce sont finalement les gros, les pétrolières, qui, on
peut le dire, sont insensibles au problème des petits détaillants
concernant leur marge de profit, leur façon d'opérer, les prix
nets qui peuvent demeurer, mais encore plus insouciants parce que ce sont
forcément de grandes entreprises qui n'ont pas à se
préoccuper des prix è la pompe ou de quelle façon les
consommateurs peuvent en bénéficier.
Cette situation doit aujourd'hui être corrigée par le
projet de loi 93. Entre temps, la commission parlementaire s'étant
terminée au mois d'août, dès le mois de septembre, le
ministre a mis sur pied ce qu'on appelle le BIIPE, le bureau d'inspection
qui va pouvoir contrôler les prix de l'essence. C'est certes une
mesure qui vient à temps et qui permettra d'éviter à
l'avenir des situations. Mais on doit être pleinement conscients que,
depuis un an, et même un peu plus, l'ensemble des Québécois
et des Québécoises a été
pénalisé.
Je voulais rétablir ces faits parce que j'ai entendu plusieurs
discours depuis cet après-midi et la plupart des députés
ministériels ont, bien sûr, la mission de louanger le ministre
pour ce qu'il a fait. Je veux bien, moi, rendre à César ce qui
est César - j'essaie de rétablir les faits - mais il faut aussi
donner les deux côtés de la médaille. Il faut aussi
rétablir les faits pleinement et simplement et reconnaître que
cela s'est passé et qu'aujourd'hui, oui, il y a des gestes posés
et ces gestes viennent un peu tard, mais au moins ils viennent.
Il y a d'autres buts qui sont poursuivis, M. le Président, dans
ce projet de loi et je pense que ces buts sont louables. Il s'agit
effectivement, entre autres, d'assurer la sécurité des personnes
qui travaillent avec les produits de l'esssence, de contrôler aussi la
qualité des équipements parce que, le ministre l'a exposé
aussi, il y a des problèmes du côté du contrôle de la
qualité des différents équipements. Il y a la question de
la surveillance des prix de l'essence, comme je l'ai très bien
expliqué tantôt, et la question du contrôle des prix.
M. le Président, la démarche faite par le projet de loi 93
va certes apporter certains correctifs à la situation actuelle, mais
pourquoi le ministre a-t-il été obligé de suivre ce
cheminement et pourquoi n'a-t-il pas agi avant? M. le Président, la
surveillance des prix de l'essence est, à mon avis, une chose qui aurait
dû être implantée dès que le ministre est
entré en fonction pour faire en sorte que l'ensemble des
Québécois ne soient pas pénalisés.
Je terminerai en disant bravo aux nouvelles mesures qui vont être
mises sur pied, mais attention... On le verra lors de l'étude article
par article en commission parlementaire où on essaiera de bonifier et
d'apporter certains éléments, puisque ce n'est pas à ce
stade-ci qu'on peut le faire, mais il y a plusieurs articles à mon avis
qui demandent des explications et qui, les explications données,
pourront être modifiés. Le ministre devra écouter
attentivement les questions et les commentaires de l'Opposition si on veut
bonifier ce projet de loi et faire en sorte, quant à poser des gestes,
quant à adopter une loi, que nous puissions éviter des failles
encore une fois.
Je conclurai en disant que l'ensemble du projet de loi répond aux
demandes que nous avions faites en commission parlementaire par la voix du
député de Roberval qui est critique en cette matière.
Plusieurs des demandes qui ont été faites en commission
parlementaire, plusieurs des demandes qui ont été faites au cours
de la dernière année, ici à l'Assemblée nationale,
par les différents moyens utilisés par mon collègue, le
député de Roberval, se retrouvent sous une forme ou une autre
à l'intérieur du projet de loi. Je suis bien content qu'elles
aient été retenues, parce que le ministre n'a pas, non plus que
les gens de son ministère, toutes les solutions, pas plus que nous de
notre côté. Mais lorsque l'Opposition essaie de travailler
positivement, lorsque l'Opposition essaie d'apporter de nouveaux
éléments pour faire en sorte qu'on puisse avoir quelque chose de
meilleur et que le gouvernement retient ces idées, je pense que cela ne
fait qu'enrichir, contribuer au mieux-être de l'ensemble des citoyens.
Plusieurs des mesures effectivement recommandées se retrouvent dans le
projet de loi et je pense qu'il sera bien accueilli finalement, surtout
lorsqu'on y aura apporté quelques modifications.
La seule réticence qu'on peut avoir concerne la
nécessité d'établir une réglementation sur
l'installation des équipements. C'est à se demander si on doit
aller aussi loin que de réglementer la question des installations des
équipements. Là-dessus, j'aimerais certes entendre le
ministre.
De mon côté, je tiens à vous assurer que je
participerai à l'étude article par article du projet de loi en
commission parlementaire pour apporter de nouveaux éléments
à la suite des explications qui nous seront fournies et pour faire en
sorte que le projet de loi 93 tel qu'il nous est présenté puisse
encore être bonifié et que nous puissions nous retrouver dans une
situation où on améliore le sort des Québécois et
des Québécoises. Je vous remercie, M. le Président. (20 h
50)
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Lafontaine.
M. Jean-Claude Gobé
M. Gobé: Merci, M. le Président. Il me fait
très plaisir de discuter, ce soir, du projet de loi 93. J'ai
été quand même assez surpris d'entendre le
député de Bertrand faire ce compliment, cette remarque au
ministre selon laquelle c'était un projet qui était certes
très bon, quoiqu'il pouvait être bonifié mais, toute chose
étant perfectible, on comprend très bien que c'est
déjà là la reconnaissance que le projet de loi 93
présenté par le ministre est certainement un très bon
projet de loi, même si les collègues du député de
Bertrand, qu'ils soient de Roberval ou d'Ungava, ont semblé dire le
contraire. Je crois que la connaissance du député de Bertrand en
ces matières est peut-être plus actuelle que celle de ses
collègues.
Je vois surtout dans ce projet de loi
des choses assez intéressantes. On parle de protection des
consommateurs en ce qui concerne les prix de l'essence. Cela me rappelle, si on
retourne quelques années en arrière, les difficultés qu'on
a connues dans le secteur de la pétrochimie, en particulier dans la
région de Montréal. On se souvient que, dans les années
1982 et 1983, nous avons assisté à la fermeture de quatre
raffineries: Esso, British Petroleum, Texaco et, plus récemment,
à la fin du mandat de l'ancien gouvernement, de Gulf. Lorsqu'on parle de
prix et de protection des consommateurs, on se rend compte que, lorsque les
raffineries ferment, bien entendu, la capacité de raffinage baisse, la
production est moins forte. Donc, le produit étant plus rare, moins
abondant, les prix augmentent. Il y avait là certainement un grand
manquement de l'ancien gouvernement, qui a laissé quatre raffineries
fermer sans bouger. Il a fallu que nous arrivions au pouvoir le 2
décembre pour que les choses changent.
J'ai entendu, précédemment, les députés
d'Ungava et de Roberval qui ont dit: La taxe ascenseur n'a pas baissé,
vous l'avez plafonnée, vous l'avez gelée au plafond.
Peut-être, mais je rappellerai aux gens que la taxe ascenseur, c'est
quand même le gourou actuel du Parti québécois, M.
Parizeau, qui l'a amenée. Ce n'est quand même pas le ministre de
l'Énergie et des Ressources, M. Ciaccia, qui a inventé cette
taxe. Ce dernier, avec M. Levesque, le ministre des Finances, fait tout ce qui
est possible pour pouvoir non seulement la limiter, mais l'abolir, du moins
l'abaisser, en tenant compte, bien entendu, de l'héritage très
lourd de dettes que l'ancienne administration a pu nous laisser. Il faut tenir
compte de ces réalités. On ne peut pas, du jour au lendemain,
d'un coup de baguette, abolir, prendre quelques milliards de dettes
accumulées en une dizaine d'années.
Voilà peut-être une des raisons qui font que, malgré
que nous croyions qu'il serait normal et légitime d'abolir cette taxe ou
de la baisser, forcément, nous ne pouvons pas le faire actuellement, et
c'est très dommage que tout le monde dans notre société
québécoise ait à payer dix années de mauvaise
administration; nous en supportons actuellement les conséquences.
Pour en revenir à ce projet de loi, j'ai regardé
particulièrement l'article 36. Avant de terminer, le
député de Bertrand a dit avoir quelques réserves - je
crois que c'est ce qu'il voulait dire - sur l'article 36 qui dit: "Toute
personne désirant exécuter des travaux d'installation, de
modification, d'entretien ou de démolition d'équipements
pétroliers doit, avant de procéder à ces travaux, obtenir
l'autorisation du ministre." Je crois que c'est là un des articles
fondamentaux de cette loi. Je vais d'abord parler de la limitation de la
concurrence.
Qu'on se souvienne de la situation que nous avons connue avec la
raffinerie Gulf. Aux mois de juin et juillet, Ultramar, après avoir
acquis la raffinerie, après l'avoir fermée, a
décidé de la démanteler pour éviter qu'un acheteur
éventuel puisse la rouvrir. Je me souviens très bien, à
l'époque, d'avoir eu des réunions avec le président du
Syndicat des travailleurs unis du pétrole, avec leur
vice-président, M. Chouinard, M. Baril et M. Ciaccia. Nous cherchions
alors une façon d'empêcher l'entreprise de démanteler et de
saboter les installations. Il y avait, semble-t-il, des acheteurs potentiels
qui pourraient rouvrir et remettre cette raffinerie en exploitation,
sauvegardant là non seulement quelques centaines d'emplois à
Montréal, mais le patrimoine énergétique et la
capacité de raffinage de tout le Québec, ce qui avait une
incidence sur les prix. On a cherché, on a demandé au ministre de
la Justice, que je voyais en Chambre il y a quelques minutes, de nous trouver
une clause légale, quelque chose qui nous permettrait de dire à
Ultramar: Arrêtez de démolir ces installations modernes qui
appartiennent à l'ensemble de la collectivité
québécoise. Et nous n'avons pas trouvé. Et Ultramar a
continué. Il a fallu les pressions publiques des citoyens, des syndicats
et du ministre aussi pour que cesse ce travail de démolition qui
était vraiment déplorable. Le plus difficile était fait
cependant.
Quand je vois dans ce projet de loi que le ministre a pris la peine,
grâce à son expérience vécue dans la situation du
démantèlement de la raffinerie Gulf, d'inscrire ces
choses-là à l'article 36, je me dis que c'est vraiment
l'expression de l'intérêt et de la responsabilité que le
ministre porte envers toute la pétrochimie et plus
particulièrement envers l'industrie pétrolière
québécoise et montréalaise, car l'industrie
pétrolière est à l'origine des prix de l'essence, de la
santé économique de tout-un secteur. Je crois qu'il est de sa
responsabilité et qu'il nous appartient à tous de voir à
ce qu'elle continue de fonctionner, d'être en bonne santé et de
prendre de l'expansion. On voit qu'il annonce peut-être pour
bientôt de grands projets parce que le sauvetage de la raffinerie Gulf a
permis de redonner une nouvelle vie, un nouveau départ à cette
industrie très importante pour nous dont certaines usines d'ailleurs
sont dans le comté de Bertrand, celui du député qui
parlait précédemment.
Aussi, je crois que ce projet de loi, somme toute perfectible comme le
disait le député de Bertrand, est assez complet, un projet qui
rencontre les grandes orientations de notre gouvernement, qui rencontre aussi
les politiques et les aspirations du ministre en ce qui concerne notre
industrie.
Je ne dirai pas que ça pourrait plaire à tout le monde
forcément, mais on retrouve
même pour les consommateurs, on voit qu'il sera possible au
ministre d'interdire des installations qui ne seraient pas sécuritaires.
On voit que le ministre aura, grâce à des inspecteurs, des
pouvoirs d'intervention, d'inspection. On voit qu'il met même des mesures
pénales pour le non-respect des réglementations. Je ne vois pas
comment nous pourrions, dans le contexte actuel de notre société
qui est une société libérale, de liberté de
commerce, réglementer plus profondément et resserrer le carcan,
car il faut quand même comprendre que l'industrie doit pouvoir vivre
elle-même et respirer à l'intérieur de certaines
règles pour pouvoir continuer à prendre de l'expansion et
à atteindre les objectifs qui lui sont propres, qui sont de profits,
bien entendu, car on ne peut pas nier à une compagnie, à une
entreprise, de faire des profits.
Par contre, il faut aussi qu'elle conserve ses objectifs qui sont de
donner à la population un certain service, à des prix
compétitifs et concurrents. Je crois qu'on retrouve un peu tout
ça dans ce projet de loi.
Je m'expliquais mal tout au cours de l'après-midi d'entendre
quelques députés de l'Opposition s'esclaffer, s'estomaquer,
être un peu à l'envers de l'esprit du projet de loi. Â les
entendre on abandonnait des choses, on laissait encore aller les consommateurs,
on pénalisait les régions, alors que ce n'est pas vrai.
D'après ce que le projet de loi nous explique, d'après les
politiques qui ont été mises de l'avant par le ministre depuis
bientôt deux ans, les régions ont été satisfaites.
Les régions paient maintenant l'essence - certains de mes
collègues députés me l'ont fait savoir et j'ai
été moi-même cet été dans plusieurs
régions visiter des comtés - de 0,10 $ à 0,15 $ de moins,
alors qu'avant, c'était plus cher qu'à Montréal. Je trouve
que c'est là certainement un geste très important, car ça
va aider le développement de ces régions, ça va aider la
création de l'emploi et ça va contribuer au redémarrage de
certaines zones qui sont peut-être moins favorisées que les grands
centres en ce qui concerne l'activité économique.
Je crois que ce projet de loi 93 que présente le ministre de
l'Énergie et des Ressources est vraiment un projet de loi auquel on peut
souscrire. Peut-être qu'en commission parlementaire, comme le disait le
député de Bertrand, il y aura possibilité de le
perfectionner, mais toute chose est perfectible, et je l'appuie sans
réserve jusqu'à maintenant. Et je tiens à dire à la
population que c'est vraiment un des très bons projets de loi de notre
ministre de l'Énergie et des Ressources. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo! (21 heures)
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le ministre de l'Énergie et des Ressources pour
l'exercice de son droit de réplique.
M. John Ciaccia (réplique)
M. Ciaccia: M. le Président, à entendre
l'Opposition, on se fait critiquer pour avoir baissé les taxes sur
l'essence dans les régions périphériques,
premièrement, et on se fait critiquer parce qu'on a fait respecter cette
baisse de taxe par les pétrolières et les détaillants.
C'est cela l'argumentation, la base de la critique de l'Opposition.
Pour la première fois en Amérique du Nord, un gouvernement
a agi. Il a réduit le prix de l'essence dans certaines régions.
Le bureau d'inspection des prix de l'essence a été bien
accueilli. Les décrets ont été bien accueillis. On a
montré que nous pouvions agir. On a réduit les taxes pour les
régions. Le BIIPE semble bien fonctionner. On a
récupéré pour la population 42 000 000 $. Naturellement,
l'Opposition est mal prise et spécialement le député de
Roberval parce que lui était ici comme député en 1983
quand le gouvernement du Parti québécois a baissé la taxe
sur l'essence et non seulement ils n'ont pas récupéré
cette baisse de taxe au consommateur, mais les pétrolières ont
augmenté le prix. La population a perdu 477 000 000 $ et le
député de Roberval et le gouvernement du Parti
québécois n'ont rien fait. C'est cela la vérité.
C'est pour cela qu'ils sont mal pris. Ce soir, j'aurais aimé que le
député de Roberval soit présent. Après toute la
démagogie qu'il a faite cet après-midi, j'aurais aimé
qu'il écoute un peu ce qui s'est vraiment produit et qu'il sache la
vérité dans le dossier de l'essence, dans les régions
périphériques.
Le député de Bertrand a dit: Vous auriez dû
instaurer un comité de surveillance dès le début. Je
regrette d'informer le député de Bertrand que ce n'est pas de
cela qu'il parle et qu'il ne connaît pas le dossier. Le comité de
surveillance a commencé le jour qui a suivi la baisse de la taxe
décrétée par le ministre des Finances.
Immédiatement, j'ai instauré un comité de surveillance. Ce
n'est pas le même comité qu'aujourd'hui parce qu'il n'avait pas la
loi que nous avons maintenant, il n'avait pas les pouvoirs que nous allons lui
accorder aujourd'hui.
Qu'est-il arrivé au comité de surveillance? Quand on
entend le député de Roberval dire que c'est lui qui a
porté à notre attention l'augmentation du prix de l'essence, que
c'est lui qui nous a fait les suggestions, je regrette, M. le Président,
on lui a démontré en commission parlementaire exactement ce qui
est arrivé. Le député de Roberval semble tenir deux
discours. Il en a un en commission parlementaire et un autre à
l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si
c'est parce qu'en commission parlementaire ce n'est pas
télédiffusé et que cela l'est à l'Assemblée
nationale et qu'il veut donner une image différente. Je ne le sais
pas.
Ce qui est arrivé, c'est que, pendant les six premiers mois de la
baisse de la taxe, le prix de l'essence n'a pas augmenté. Alors, il
n'était pas question d'agir, il n'était pas question de
décréter, il n'était pas question de promulguer une loi
déjà sanctionnée en 1976. Alors, nous avons suivi. Si le
député de Roberval a pu intervenir en période de
questions, c'est parce que le comité de surveillance qui existait
à ce moment-là publicisait, rendait publiques les augmentations.
Nous-mêmes, le gouvernement, informions le public, incluant le
député de Roberval. Alors, il demandait: Qu'allez-vous faire?
Qu'est-ce qui se fait? Qu'est-ce qui se passe? Le prix de l'essence augmente.
On lui a démontré que dans sa région le prix augmentait
moins qu'ailleurs et on lui a donné les chiffres. M. le
Président, il fallait attendre qu'on ait les informations, il fallait
attendre que le prix de l'essence augmente avant d'agir par les moyens que nous
avons pris.
Qu'est-il arrivé, finalement, après toutes les
démarches possibles? On a décidé de promulguer la loi de
1976 et d'agir par décret M. le Président, quand le
député de Roberval était au gouvernement - je crois qu'il
était à cette époque adjoint parlementaire au ministre des
Finances, la loi que j'ai fait sanctionner, que le gouvernement libéral
a fait sanctionner au mois de juin, a promulguée au mois de juin, le
gouvernement du Parti québécois aurait pu faire la même
chose en 1983. La loi était là depuis 1976. Le
député de Roberval aurait dû le savoir s'il ne le savait
pas et il aurait pu donner ce même avis et demander à son ministre
des Finances de l'époque et à son ministre de l'Énergie et
des Ressources de l'époque -qui n'ont absolument rien fait - d'agir, de
promulguer la loi et de décréter la baisse. Ce n'est pas cela
qu'ils ont fait.
Aujourd'hui, ils ont le front, ils ont le culot de venir nous dire qu'on
n'a pas agi assez vite et que c'est eux qui ont fait tout le nécessaire,
qui ont porté cela à notre attention. Nous avons semé la
confusion, disent-ils. M. le Président, si la confusion a
été semée, elle l'a été par le
député de Roberval qui ne sait pas la différence entre une
taxe ascenseur et une taxe fixe parce qu'il dit: Toutes les taxes sont des
taxes ascenseurs. C'est faux. C'est vrai que la taxe de vente, c'est une taxe
ascenseur. La taxe sur l'essence qui avait été imposée par
le ministre des Finances du Parti québécois, avant qu'il l'impose
comme taxe ascenseur, c'était une taxe fixe. C'était un montant
fixe pour chaque litre d'essence. Qu'est-ce que le gouvernement du Parti
québécois a fait? Ils l'ont transférée, ils l'ont
transformée en taxe ascenseur. Pourquoi? Parce que le prix de l'essence
augmentait et chaque fois que ça augmentait, il allait en chercher plus
dans la poche du consommateur incluant la poche des consommateurs dans les
régions .périphériques avec des conséquences
sérieuses pour les régions périphériques.
J'ai des chiffres ici, M. le Président. En 1983, la taxe
ascenseur de 40 % qui avait été décrétée a
monté à 46,6 %. Pourquoi? Parce que le ministre des Finances
avait fixé la taxe sur un certain prix et s'il y avait une fluctuation
dans le prix de l'essence, il allait la chercher avant la baisse. Les chiffres
du ministère des Finances, du ministère que lui-même
dirigeait, démontrent qu'en 1983, la taxe était de 44,9 %, de 41
%, de 44,9 %, de 46 %. Cela incluait des régions
périphériques. Tout le monde au Québec payait ces 46 %. Au
mois de décembre 1985, nous avons baissé la taxe. Nous l'avons
baissée spécialement dans les régions
périphériques. Aujourd'hui, on essaie de nous dire: La taxe
ascenseur a été fixée et on ne bénéficie pas
de la baisse de la taxe.
M. le Président, pour un député qui vient des
régions, le député de Roberval, qui prône que nous
n'aurions pas dû toucher la taxe de 30 % et qu'on aurait dû la
laisser à 30 %, je crois que c'est honteux. Je peux comprendre pourquoi
il n'est pas ici ce soir. Ce sont les régions
périphériques qui en ont bénéficié. C'est
vrai que dans les régions urbaines, ce n'est pas 38 % parce que le prix
de l'essence a baissé, c'est à peu près 32 %, 33 %. Mais
dans les régions périphériques, c'est quoi? Dans les
régions périphériques, M. le Président, c'est de 21
% à 23 %, pas 30 %.
Sur la Côte-Nord, c'est 22 %, la
GaspésieBas-Saint-Laurent, c'est 21 %. Ce n'est pas les 40 % qui
existaient déjà avec le Parti québécois. C'est vrai
qu'il a baissé à 30 %. Quand nous avons été
élus, nous l'avons baissée dans les régions
périphériques. La population en a bénéficié.
Quand on s'est aperçu que le consommateur n'obtenait pas le
bénéfice, nous avons agi. Nous n'avons pas retardé parce
que les premiers six mois, huit mois, il n'y avait pas d'augmentation.
Là, il y avait une question. Est-ce que ce sont les
pétrolières ou est-ce que ce sont les détaillants? On a
été obligé de faire le nécessaire pour
établir lequel des intervenants augmentait le prix du pétrole.
Quand nous l'avons établi, à ce moment-là on a
décrété. (21 h 10)
On s'est fait dire que les décrets ont affecté les petits
détaillants. J'ai visité la région de Roberval, le
comté de Roberval, le comté du député de Roberval.
Un détaillant est venu me voir pour me dire: Vous savez, M. le ministre,
vous avez décrété une baisse des prix de l'essence. J'ai
dit: "Oui, et
j'espère, comme détaillant, que vous ne m'en voulez pas
trop." Il a répondu: "Je ne vous en veux pas du tout. Avant votre
décret, je faisais plus de 1000 $ par semaine parce que je prenais 0,12
$ le litre. Vous n'aviez d'autres choix que d'intervenir et d'adopter ce
décret."
Ce n'est pas seulement les pétrolières et le
député de Roberval le sait. Tout cela a été dit en
commission parlementaire. Les chiffres ont été rendus publics en
commission parlementaire. Il faut être juste envers tout le monde. Ce
serait bien facile de blâmer seulement les sociétés
pétrolières, c'est populaire de le faire.
En commission parlementaire, on est arrivés à la
vérité. On a fait sortir les chiffres. On s'est aperçu que
ce n'étaient pas seulement les sociétés
pétrolières, que c'étaient certains détaillants,
pas tous les détaillants, qui avaient augmenté leurs prix. C'est
pour cela que cela les a affectés. Naturellement, quand un
détaillant est affecté... Il y a un groupe - il n'y en a pas
beaucoup - qui est venu en commission parlementaire pour le plaindre, mais
est-ce que sa plainte était justifiée? Quand on entend la
réaction des autres détaillants, quand je visite les
régions et que je reçois des représentations, je suis
convaincu plus que jamais - et la population l'est aussi -qu'on a bien agi,
qu'on a agi avec prudence, qu'on a bien établi les chiffres, les
montants région par région. C'est vrai qu'au début,
l'Ungava n'était pas couvert, mais c'est parce que la majorité de
l'Ungava n'était pas couvert par les coutumes commerciales
régulières. C'est seulement un petit secteur, du comté
d'Ungava qui est affecté. Quand on s'est aperçu que des abus se
produisaient et que les décrets n'étaient pas respectés,
on est arrivé avec un autre décret. Le maire de Chibougamau a
porté cela à notre attention et nous avons réagi
immédiatement.
Le projet de loi répond à un besoin spécialement
dans les régions. On nous fait aussi un autre reproche. On nous dit: Le
bureau d'inspection exerce ses responsabilités uniquement dans les
régions périphériques; pourquoi est-ce qu'il n'exerce pas
dans tout le Québec? Franchement, la baisse de la taxe n'était
pas pour toute la province du Québec, c'était pour les
régions périphériques. On a agi dans les régions
périphériques. Les décrets s'appliquaient dans les
régions périphériques et le bureau d'inspection, pour
s'assurer qu'à la fin des décrets les prix sont maintenus, c'est
dans ces régions qu'il devait fonctionner. Alors, qu'on ne vienne pas
nous faire un reproche, aujourd'hui, et nous dire: Le bureau exerce ses
responsabilités seulement aux régions. C'est là
qu'était le problème, c'est là qu'on a baissé les
taxes, c'est là qu'on voulait que le consommateur en
bénéficie. C'est là que le bureau a fait son travail et a
pris les mesures pour que les consommateurs bénéficient des
objectifs fixés par le gouvernement; le bureau fonctionne.
C'est cela qui fait vraiment mal à l'Opposition. Ce qui fait mal,
c'est qu'on a agi et non pas deux ans plus tard, on a agi immédiatement.
La journée même de la baisse de la taxe, le comité de
surveillance était là. Pendant six ou sept mois, il n'y a pas eu
d'augmentation. Quand les augmentations ont commencé - elles n'ont pas
commencé tout d'un coup, elle ont commencé à raison de
0,01 $ ou 0,02 $ le litre - on a porté cela à l'attention de la
population. On a agi. On a fait des interventions auprès des
pétrolières avant de décréter la baisse de prix.
Finalement, quand on a vu qu'on n'avait pas l'appui et la collaboration de tous
les intervenants, on n'a pas hésité à prendre nos
responsabilités et on a agi. C'était difficile, mais, je vais
vous dire, c'était moins difficile que d'écouter le
député de Roberval, par exemple; c'était moins difficile
que cela.
Si, dans l'avenir, la même situation se reproduit, avec le
présent projet de loi, on va pouvoir agir. Et je n'hésiterai pas,
M. le Président, si des abus se reproduisent, à invoquer la
loi.
On voit à quel point l'Opposition est mal prise. Ils se
contredisent l'un et l'autre. Un dit: Vous auriez dû mettre le
comité de surveillance au début. L'autre sait qu'on l'avait
dès le début. Le député d'Ungava dit: Vous faites
seulement la surveillance, mais quel contrôle cela va-t-il faire? Le
député de Roberbal dit: Non, on ne veut pas un contrôle. On
l'a dit en commission parlementaire. On voulait seulement un organisme,
peut-être une commission parlementaire, pour faire une surveillance et
une inspection des prix. Mais entendez-vous! Et le député de
Bertrand nous fait un reproche: Vous auriez dû faire la commission
parlementaire huit mois avant. Mais, huit mois avant, il n'y avait pas de
décret.
Si j'avais écouté le député de Roberval,
faire des commissions parlementaires, qu'est-ce que cela donne une commission
parlementaire si on n'a pas des dents, si on n'a pas une loi et si on n'a pas
un décret? On aurait entendu tout le monde faire des
représentations sur la concurrence libre, sur le libre marché,
sur le fait que ce n'était pas leur faute. C'est cela qu'il voulait que
je fasse, c'est cela que le député de Roberval voulait faire.
Convoquez une commission parlementaire. C'est ce qu'il me disait toutes les
semaines, toutes les semaines avant que je fasse les décrets. Convoquez
une commission parlementaire. Je lui ai dit non. Je ne l'ai pas
écouté. Et heureusement que je ne l'ai pas écouté,
parce que, si je l'avais écouté, les prix seraient montés
à 0,80 $ le litre au lieu d'être à 0,58 $. Ils auraient
continué d'augmenter. On aurait eu des commissions parlementaires
où tout le monde
aurait jasé, parlé, et personne n'aurait agi.
Heureusement, ce n'est pas notre style, ce n'est pas mon style. On a
fait des décrets. On a promulgué des décrets. On a pris
une loi qui existait pendant qu'eux, ils étaient au pouvoir, pendant
qu'eux, ils ont perdu 477 000 000 $ et qu'ils n'ont rien fait. Le
député de Roberval était là assis à
côté du ministre des Finances. Il aurait pu invoquer cette loi. Il
aurait pu protéger le consommateur à l'échelle du
Québec. Il aurait pu le faire. Il a choisi de ne pas agir. Qu'il ne
vienne pas aujourd'hui nous faire des reproches parce qu'il n'a pas la
conscience libre, parce qu'il n'a pas su agir, parce qu'il ne savait pas quoi
faire, parce qu'il ne savait pas ce qu'il devait nous recommander, parce qu'il
se fiait sur les chiffres que je lui donnais, parce qu'il a essayé de
tout changer les représentations que les détaillants sont venus
nous faire en commission parlementaire. Qu'il ne vienne pas aujourd'hui nous
faire des reproches!
M. le Président, on n'a pas de reproches à recevoir de ce
côté. De plus en plus, je m'aperçois que ce n'est pas une
Opposition sérieuse, que c'est une Opposition de démagogie, c'est
une Opposition qui ne sait plus quoi faire. Et ils disent n'importe quoi pour
essayer de semer la confusion. Heureusement, la population ne les écoute
pas, et moi non plus, M. le Président!
Le Vice-Président: Ceci clôt le débat. En
conséquence, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de
loi 93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers, est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour que le
projet de loi soit déféré à la commission de
l'économie et du travail pour l'étude
détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
Des voix: Oui.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous invite à
appeler l'article 28 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 101
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président: À l'article 28 du feuilleton,
nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du
principe du projet de loi 101, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la
conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les parcs,
présenté par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
Conformément à l'ordre de la Chambre intervenu hier soir,
pour terminer ce débat sur l'adoption du principe, nous aurons une
intervention du côté de l'Opposition suivie de la réplique
du ministre. Pour l'intervention prévue pour l'Opposition, je vais
reconnaître M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, je voudrais quand même
avant de commencer mon intervention signaler qu'effectivement, à la
suite de l'entente d'hier, mon collègue, Jean-Pierre Jolivet, avait
convenu un de l'Opposition et la réplique. Je vais faire le dernier
commentaire au nom de l'Opposition. (21 h 20)
Sur le projet de loi présenté pas le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, projet de loi 101, je voudrais juste faire
un rappel rapide des notes explicatives parce que, hier, on a eu l'occasion
d'en parler assez longuement, mais, compte tenu de la coupure entre les
discussions sur ce projet de loi hier et aujourd'hui, je voudrais quand
même vous signaler que, dans les notes explicatives, on indique que ce
projet de loi a pour principal objet de modifier les dispositions de la Loi sur
la conservation et la mise en valeur de la faune touchant les zones
d'exploitation contrôlée et la Fondation pour la conservation et
la mise en valeur de la faune et de son habitat.
Un peu plus loin, si on avait l'occasion de lire les notes explicatives,
on se rendrait compte que ce projet de loi introduit finalement une
série de modifications touchant l'administration de la loi: modifier,
entre autres, le pouvoir de perquisition des agents de conservation de la faune
tout en précisant leurs obligations sur la remise des biens saisis,
réserve au détenteur, et ainsi de suite. Je ne veux pas vous lire
les notes explicatives, mais je veux seulement vous signaler, M. le
Président, que c'est peut-être l'exemple parfait du projet de loi
qui laisse voir qu'il s'agit tout simplement de modifications à la Loi
sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les parcs,
alors que, quand on se donne la peine de prendre connaissance du projet de
loi, M. le Président, il s'agit beaucoup plus de modifications
majeures et importantes qui transforment de fond en comble l'esprit, la lettre
et plusieurs dispositions concernant le respect des pourvoiries, le respect
d'un territoire accessible et ouvert au public. Il s'agit carrément
d'une notion de privatisation du territoire, d'une notion chère à
ce gouvernement, de rapetisser, de privatiser et de s'arranger pour que tout
devienne plus sélectif plutôt que ce principe largement
démocratique et reconnu d'une très grande
accessibilité.
C'est ce dont il s'agit, M. le Président, dans ce projet de loi.
En particulier, quand le ministre a présenté son projet de loi en
novembre, il ne l'a pas présenté comme un projet de loi omnibus
ou comme une loi générale sur la faune, il l'a
présenté comme une loi avec quelques modifications. En ce qui
nous concerne, M. le Président, je suis content d'avoir l'occasion de
faire ce soir une intervention sur ce projet de loi, parce que le temps va nous
donner raison et, déjà, le temps nous a donné raison. Les
premières réactions de notre critique officiel, le
député de Dubuc, sur ces questions ont été: Cela
n'a pas de bon sens, c'est un retour en arrière, et probablement de 20
ans en arrière. J'aurai l'occasion de l'illustrer durant mon propos de
20 minutes, les chroniqueurs spécialisés nous ont rapidement
donné raison en disant: II s'agit de mesures qui vont à
l'encontre de l'esprit qui avait été établi. Je vois ici
un article de journal de Louis-Gilles Francoeur, qui est un chroniqueur
spécialisé de ces questions, qui en a bien saisi la
portée, et je cite: Picotte veut transformer 50 réserves en
pourvoiries privées. Chacun et chacune pourront donc y puiser diverses
inspirations ou motivations.
On veut vous souligner, M. le Président, que, dans ce projet de
loi, même si on regarde certaines modifications à deux ou trois
articles, entre autres, à l'article 6, à l'article 22, aux
articles 10, 11 et 13 qui sont moins majeurs, il n'en demeure pas moins que
c'est fondamentalement à l'article 6 qu'on se rend compte que tout
l'esprit de la conservation de la faune et de l'accessibilité est
complètement modifié avec ce gouvernement, avec le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, pour avoir l'occasion probablement
d'en donner encore un peu plus aux amis du régime: tous les vendredis,
on assiste - je pensais que c'était terminé - à une
nomination politique du premier ministre qui grossit de semaine en semaine, M.
le Président. De semaine en semaine, on assiste à une
série de nominations depuis que ce gouvernement a pris le pouvoir. Cela
fait deux ans qu'il est censé être au pouvoir. Je croyais qu'il
avait eu l'occasion de passer tous les amis du régime, mais on se rend
compte qu'il en reste encore beaucoup dans ce projet de loi.
On le voit en particulier à l'article 6.
L'article 6 est vraiment ce que j'appellerais le coeur. C'est
l'épine dorsale des modifications - pas du ministre, il n'en a pas -
mais l'épine dorsale du projet de loi concernant les modifications
à toute la question de la faune. Dorénavant, qu'est-ce qu'on veut
faire? Qu'est-ce qu'on veut faire, M. le Président? Je vais le lire. Ce
qu'on veut faire dorénavant, c'est simple, c'est soustraire de la
procédure d'appel d'offres public, selon l'article 86.1 de la loi
générale, un bail visant une extension de droits, ce qui signifie
en termes très clairs qu'à peu près 370 pourvoyeurs en se
soustrayant à la mention "extension de droits" et en obtenant une
mention non plus de droit non exclusif pour une mention de droit exclusif sans
passer - écoutez bien cela, M. le Président -par appel d'offres
public... La conséquence, ce n'est pas uniquement celui qui vous parle
qui l'a vue. Tous les chroniqueurs spécialisés de la faune ont vu
exactement la même conséquence. Il s'agirait comme
conséquence importante, d'une part, de réduire l'espace
prévu pour les réserves fauniques au Québec, donc de
réduire l'espace de la conservation et, d'autre part, la privatisation
du territoire au seul avantage des détenteurs de droit non exclusif de
pourvoiries. Comme d'habitude, dans plusieurs projets de loi, il y a toujours
un fion qui dit "à la discrétion du ministre". Ici, très
clairement, on veut que ce soit le ministre qui ait pleine et entière
discrétion dans l'attribution de pourvoiries sans appel d'offres afin de
rendre moins accessible...
Mes collègues ont eu l'occasion de vous le dire, M. le
Président, hier soir et on va vous le dire d'ici la fin de session, pour
nous, cela demeure inacceptable, cela contrevient aux dispositions
traditionnelles d'un accès général, d'un accès plus
permissif... Si nous avions tort, M. le Président, parce qu'on n'a pas
toujours la vérité... On voulait au moins se donner l'occasion de
vérifier nos prétentions, on a demandé de faire une
consultation par le biais d'une commission parlementaire, une formule
traditionnelle mais qui entre dans les us et coutumes de l'Assemblée
nationale. Le ministre a dit non, j'aime mieux faire une consultation bidon,
j'aime mieux faire une consultation par l'entremise de mes fonctionnaires. Je
vais arranger cela comme je le veux, je vais faire cela comme je le veux. On se
rend compte que tous ceux qui ont eu à parler de sa consultation
arrivent à la même conclusion que nous. Il s'agit bel et bien
d'une consultation inopportune, inappropriée dans les circonstances et
qui ne donnera à peu près aucun résultat.
Si je reviens sur ce que j'appelle le coeur de son projet de loi, en
termes de modifications, à l'article 6, il faut comprendre exactement
pourquoi le ministre récidive. Pour lui, il s'agit d'une
deuxième
occasion de revenir avec ce qu'on lui avait refusé en
décembre 1986. Cet article soustrait à la procédure
d'appel d'offres public un bail visant une extension de droits, ce qui signifie
en clair que les pourvoyeurs de droits non exclusifs pourront demander
l'obtention d'un bail de droits exclusifs, donc, par définition, une
extension de droits, mais sur simple requête au ministre. On écrit
au ministre et on lui explique pourquoi on veut cela. Si on est "chum" avec lui
et s'il y a un lien avec le financement des partis politiques, probablement que
la réponse va venir vite et sans problème. C'est ce genre de
pouvoir abusif qu'on ne veut pas octroyer au ministre.
Donc, comme je l'ai mentionné tantôt, le ministre revient
à la charge après avoir subi une importante défaite en
décembre 1986 alors que l'Opposition lui avait imposé,
après une lutte sévère, l'article 86.1 de la Loi sur la
conservation et la mise en valeur de la faune. La vigilance de l'Opposition et
son souci démocratique de refuser l'arbitraire et la discrétion
ministérielle de décider de la privatisation du territoire et des
ressources fauniques ont forcé l'adoption en décembre 1986 de ce
fameux article 86.1. Voilà que le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche revient, récidive, et en ajoutant "une extension de
droits", on arrive à la conséquence que j'ai illustrée
tantôt et tous ceux qui ont eu l'occasion de parler du projet de loi font
exactement les mêmes commentaires que nous. (21 h 30)
Dans le projet de loi de la conservation de la faune au Québec,
il y a deux principes fondamentaux auxquels on a toujours tenu et ces deux
principes sont simples: assurer un accès démocratique et assurer
un centrale des prix et des modalités d'accès dans ces
territoires, comme on doit également avoir la préoccupation de la
conservation de la ressource. Je pense que c'est fondamental. Il faut
s'assurer, surtout dans une société où, de plus en plus,
les valeurs écologiques, les valeurs environnementales prennent de
l'importance, que les notions de conservation de la faune sont de plus en plus
respectées et assumées avec le plus de vigilance possible.
Un autre élément important du projet de loi, comme je l'ai
mentionné, c'est carrémement la dilapidation - il n'y a pas
d'autre mot - du bien public parce que le patrimoine québécois...
Encore là, cela a été mentionné par quelques
chroniqueurs qui ont dit que la réforme était peut-être
subtile, mais qu'elle devait être dénoncée parce qu'il
s'agissait véritablement d'éviter, par des consultations
régionales, un débat dit national. Je lis ici André
Bellemarre, un chroniqueur spécialisé dans ces questions, qui
disait: "Ainsi, on évite la tenue d'un débat de fond national sur
un projet ayant des conséquences nationales, c'est-à-dire pour
l'ensemble des citoyens de la province." Écoutez bien ce qu'il a
ajouté, M. le Président: "Le patrimoine faunique et les habitats
de la faune d'une région n'appartiennent pas au ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, n'appartiennent pas au gouvernement
libéral du Québec, mais appartiennent aux citoyens de cette
région seulement."
Tout le monde sait que les ressources fauniques du Québec sont
une ressource nationale; elles appartiennent à l'ensemble des citoyens
et des citoyennes du Québec. En conséquence, si on avait affaire
à un ministre respecté qui veut effectivement avoir le souci de
la sauvegarde de l'intérêt national en termes de conservation de
la ressource, il aurait, à tout le moins, autorisé une commission
parlementaire, il aurait à tout le moins organisé des
consultations dites nationales et il se serait assuré de faire partager
ces objectifs par les personnes concernées.
Ce n'est pas ce qui est arrivé, M. le Président. Pendant
des semaines et des mois, on s'est ennuyé ici, en Chambre, devant
l'absence de menu législatif, en perdant littéralement notre
temps, dans le brouhaha de la fin de session, et, maintenant, on essaie de nous
faire croire que c'est un projet de loi qui ne fait que modifier la Loi sur la
conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les parcs, alors
que, comme je l'ai mentionné tantôt, on revient avec les principes
constamment répétés de ces gens visant à rapetisser
l'accessibilité du Québec, à rapetisser le Québec,
à favoriser des petits groupes d'amis et a s'assurer que ce qui
était accessible, généreux et général
à l'ensemble des citoyens du Québec, devient accessible
dorénavant à quelques privilégiés de la
société qui pourront, effectivement, se payer des accès
à 2500 $, 3000 $, 4000 $ par fin de semaine ou pour quelques jours dans
des ZEC ultra-spécialisées.
Quand on regarde le projet de loi comme il faut, M. le Président,
même les ZEC ont dit: Le projet de loi du ministre n'a pas d'allure,
c'est la folie furieuse. Ils ont de la misère à s'administrer
actuellement, non pas parce que ce ne sont pas de bons administrateurs, mais
parce qu'on ne leur a pas donné les outils et les moyens requis. Dans le
fond, le ministre veut détruire systématiquement les
réserves fauniques du Québec, les allouer, avec une extension de
droits, à ceux qui voudront bien écrire une lettre à M. le
ministre en disant: Je vous trouve pas pire et, en conséquence, vous
devriez donner suite à ma demande et m'accorder un permis de droit
exclusif. C'est cela, les dispositions.
Ce riche patrimoine était auparavant au moins assuré, et
on avait la garantie que la conservation des habitats, le maintien des
réserves de gibier, le développement des nouvelles
modalités de gestion des ressources, de même qu'une
éducation à la faune ainsi qu'une éducation à son
utilisation comme potentiel récréatif étaient entre les
mains démocratiques de tous les usagers éventuels qui auraient
voulu en bénéficier. Mais le 28 octobre dernier, le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche a présenté un plan de
révision des territoires fauniques qui hypothèque lourdement
l'avenir et a comme conséquence de dilapider, de soustraire une
très grande partie du territoire québécois à des
objectifs qu'on veut voir demeurer. Des milliers de kilomètres
carrés seront ainsi libérés et seront destinés,
selon les intentions du ministre, au développement de la pourvoirie qui
accaparerait ainsi 80 % de ce lot contre 9 % seulement aux ZEC et 11 %
laissés en territoires libres. J'espère que tout le monde m'a
bien compris. Une réduction sans précédent de 89 % qui est
attribuée à des usagers restrictifs, alors qu'il y a 11 % des
anciens territoires accessibles à l'ensemble des citoyens du
Québec qui demeureraient.
Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche essaie de nous
faire accroire, dans les notes explicatives, qu'il s'agit là uniquement
de modifications mineures et que les mêmes objectifs de conservation de
la faune continueront de s'appliquer. Nous disons non, M. le Président,
et on continuera à dire non pendant longtemps parce qu'on est convaincu
qu'on est largement appuyés par plusieurs intervenants. À cet
égard, je voudrais juste vous en citer quelques-uns dans le temps qui me
reste pour vous indiquer combien notre point de vue est partagé. Je
donne juste un exemple ici. André Bellemare, Le Soleil: "Des ZEC
refuseront de jouer le jeu du ministre. Le ministre Yvon Picotte du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche - je lis un texte, M. le Président -
risque de frapper un noeud assez solide du côté des ZEC dans la
discussion de son projet de..." Regardez entre parenthèses, eux,
l'appellent par son nom, M. le ministre, votre bébelle. Ils disent: "son
projet de privatisation."
Vous avez peur des termes exacts quand c'est le temps de faire accroire
à la population qu'il n'y a là que des désavantages pour
eux, mais, le vrai terme, c'est bien de ça qu'il s'agit.
Je continue à donner leur point de vue: "La privatisation des
réserves fauniques gouvernementales. En effet, du moins dans les
régions de Portneuf et de la Mauricie, des ZEC procèdent
actuellement à la formation d'un front commun pour refuser de prendre
charge des territoires fauniques dont le gouvernement provincial veut leur
confier la responsabilité. Tout laisse actuellement croire que des ZEC
d'autres régions de la province emboîteront prochainement le pas
à ce front commun." Et je pourrais continuer. C'est la même chose
pour les clubs privés. Laurentides, coupé de moitié;
Portneuf, coupé du tiers. Ça ne dérange pas le ministre,
la conservation de la faune. Ça ne le dérange pas les
réserves fauniques. Quand on veut rapetisser le Québec, qu'on
veut l'affaiblir le plus possible, on procède comme le ministre est en
train de faire.
Les réserves fauniques, c'est secondaire, ce n'est pas important.
Ce n'est pas important que nous, au Québec, on ait l'occasion de
conserver une ressource entre les mains libres et démocratiques des
usagers du patrimoine québécois, du patrimoine écologique
du Québec.
Tous les intervenants ont continué dans le même sens. Ils
ont tous traité de son projet de loi exactement dans le même sens
en indiquant par là qu'il s'agissait d'une réforme majeure, d'une
réforme substantielle qui, à tout le moins, aurait
mérité, M. le ministre, une consultation ouverte, large,
après que vous ayez déposé le projet de loi et qu'on se
soit rendu compte qu'entre les beaux objectifs annoncés et le contenu du
projet de loi, il y avait un fossé incommensurable, un fossé
très large qui grandissait d'une façon irrespectueuse.
Pour conclure, parce qu'il me reste une minute, citons quelques passages
très succincts qui, outre le caractère percutant,
témoignent de la légitimité de notre point de vue,
témoignent de la légitimité du point de vue de
l'Opposition en disant, entre autres au sujet des pouvoirs abusifs que vous
voulez vous donner à l'article 6 et là j'y vais juste de phrases
rapidement: "Voilà une façon machiavélique de diviser pour
régner." Ce n'est pas celui qui vous parle qui a dit ça, c'est
André Bellemare, chroniqueur de faune, chroniqueur de réserves
fauniques, chroniqueur du MLCP depuis plusieurs années. (21 h 40) "On
évite la tenue d'un débat de fond national sur un projet ayant
des conséquences nationales." Ce n'est pas encore moi qui dis ça,
je cite des gens qui se spécialisent dans ces questions-là depuis
des années. "Le patrimoine faunique d'une région n'appartient pas
aux citoyens de cette région seulement. C'est une
propriété nationale, la société du Québec.
Encore là, je cite: "Picotte a trouvé un truc,
c'est-à-dire la consultation régionale par fonctionnaires
interposés, pour que les groupements et les citoyens
intéressés à se prononcer en soient pratiquement
empêchés et deviennent comme des gens qui savent que, de toute
façon, leur point de vue n'a aucune espèce d'importance dans la
façon dont le ministre a organisé sa consultation."
En conclusion, je pense, M. le ministre, que cette consultation risque
de tourner en véritable tour de Babel. Le projet de loi est en soi une
tour de Babel. En ce qui nous concerne, M. le Président, vous le
savez,
nous ne marcherons pas là-dedans parce qu'on a un peu plus de
respect et de souci des intérêts collectifs des
Québécois, surtout pour une notion aussi importante et aussi
d'avenir que celle des réserves fauniques et de la protection de la
faune québécoise. Merci.
Le Vice-Président: Pour clore le débat, je vais
céder la parole au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
pour l'exercice de son droit de réplique.
M. Yvon Picotte (réplique)
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je comprends que le
député d'Abitibi-Ouest avait ce soir le souci de parler pour la
galerie puisqu'il y a des gens dans les galeries qui sont venus l'entendre. Je
pense que ces gens ont le droit de savoir que le député
d'Abitibi-Ouest mêle énormément de choses en même
temps. Il saute de l'article 6 aux territoires des réserves fauniques
qui n'ont aucun lien, qui n'ont rien à voir avec le projet de loi.
Comme il était tellement brillant cette semaine lors d'une
question où il me disait avoir confirmé il y a quelques jours
à Macamic un terrain de tennis alors qu'il y a un mois Macamic m'avait
remercié de lui avoir envoyé le projet. Il est
complètement déconnecté de la réalité,
même pas présent dans son comté, il ne sait même pas
ce qui se passe dans son comté et, ce soir, il prend des articles de
journaux et il ajoute cela à un projet de loi auquel il ne comprend
absolument rien. J'en ferai la démonstration dans quelques minutes. Je
pense que cela peut épater la galerie si la galerie ne connaît pas
exactement ce qui se passe dans le projet de loi. Mais cela n'épatera
personne au Québec, surtout pas les gens qui connaissent la faune.
Je comprends que nos amis, les députés de l'Opposition,
soient partis sur une mauvaise tangente en ce qui concerne ce projet de loi.
N'en déplaise à mon ami, le député de Dubuc, un
gentil garçon, il faut dire que ses connaissances de la faune sont quand
même très limitées. Il faut dire aussi que ceux qui tentent
de l'informer n'ont pas le souci d'aller vérifier exactement ce qui se
passe. Ce soir même, j'ai eu l'occasion de discuter avec quelqu'un de
l'Opposition pour lui expliquer exactement ce qu'était l'article 6. On
m'a dit: Oui, mais avoir su, M. le Président, qu'il fallait faire
référence à tel article dans la première loi, ce
que les gens ne savent pas et ce qu'ils n'ont pas pris la précaution de
vérifier. Vous savez, concernant la faune, M. le Président, il
n'y a qu'une seule loi et vous remarquerez que à toutes les fois
où on doit apporter un amendement en ce qui concerne la faune au
Québec, le plein air et les parcs, on est obligé d'amender
toujours la même loi, ce qui fait dire à la députée
de Johnson que c'est un "bill" omnibus. Je comprends! C'est un "bill" omnibus
parce qu'elle n'a pas encore saisi qu'on n'avait qu'une seule loi et, ayant une
seule loi, il faut amender tout ce qu'on a à amender à
l'intérieur de la même loi. Ce n'est pas sorcier que d'apprendre
cela, sauf qu'il faut avoir un minimum de responsabilité, il faut savoir
ce qui se passe en Chambre et parler pour autre chose et autrement que pour la
galerie ou pour être devant un écran de télévision
pour montrer qu'on est capable de participer aux débats de la Chambre.
C'est plus fort et plus sérieux que cela, des débats.
Si le député de Dubuc allait vérifier dans la loi
initiale sur la faune, il comprendrait exactement le pourquoi de l'article 6.
M. le Président, je vais me rendre à la suggestion de quelqu'un
de l'Opposition qui m'a dit: Voulez-vous, M. le ministre, donner toutes les
explications sur l'article 6? Je pense qu'il va y avoir lieu de faire
comprendre à nos amis qu'on a effectivement mal interprété
cet article? Je vais vous le lire tel quel pour être bien sûr de
donner tout le temps à l'Opposition en fin de semaine d'analyser le
pourquoi de cet article. Ils vont se rendre compte finalement que, s'ils
étaient allés voir au début, tout serait rentré
dans l'ordre. Ils ont dit des choses complètement erronées en
parlant de la façon qu'ils l'ont fait sur l'article 6, non pas parce
qu'ils ont voulu tromper, j'en suis convaincu, ils sont plus de bonne foi que
cela, mais parce qu'ils n'ont pas compris et n'ont pas eu la sagesse d'aller
voir dans la loi initiale ce que voulait dire "extension" et c'est là
qu'on retrouve la définition.
L'addition de "une extension de droit", au cas où l'octroi d'un
bail n'est pas assujetti à l'obligation d'aller en appel d'offres est
interprétée comme une volonté de transformer à
demande les pour-voiries permissionnaires et pourvoiries concessionnaires,
c'est-à-dire à droits exclusifs. Voici l'explication telle
quelle. L'interprétation que fait l'Opposition d'apporter des
amendements touchant l'obligation d'aller en appel d'offres public
résulte d'une lecture inadéquate du texte. En effet, l'article
86.1 oblige à aller en appel d'offres public dans tous les cas d'octroi
de baux de droits exclusifs de chasse et de pêche. L'article 86.1 oblige.
Sont déjà exclus de cette obligation des cas qui parlent par
eux-mêmes, soit les cas de renouvellement, de transfert et
d'agrandissement. Tout le monde convient de cela.
Or, la notion d'agrandissement peut en réalité viser deux
situations distinctes. La première situation est la suivante. Le cas
où on agrandit le territoire existant, ce qui va de soi qu'on ne peut
aller alors en appel d'offres public puisqu'il y a déjà
quelqu'un
qui possède un bail sur le territoire que l'on propose
d'agrandir. Dès qu'on agrandit quelque peu, on ne peut pas aller en
appel d'offres public, il y a quelqu'un qui a un bail. C'est impossible d'aller
en appel d'offres public. Dès la deuxième année primaire,
les gens comprennent cela. Ce n'est pas dur à comprendre pour cette
partie. Le deuxième cas, M. le Président, c'est celui où
un pourvoyeur aurait, par exemple, des droits exclusifs de pêche sur un
territoire donné et auxquels on accorderait des droits exclusifs de
chasse sur le même territoire.
Il est évident, ici encore, qu'on ne peut aller en appel d'offres
public sur un territoire où se trouve déjà un pourvoyeur.
Si on veut lui donner des droits pour la chasse alors qu'il n'en a pas, mais
qu'il possède des droits pour la pêche, on ne peut pas aller en
appel d'offres public, il a déjà des droits existants. C'est
impossible d'aller en appel d'offres public. Ça non plus, ce n'est pas
compliqué à comprendre. En d'autres mots, l'amendement
proposé traite d'une extension de droits qu'on retrouve dans la loi
initiale, adoptée il y a quelques années, et c'est là
qu'on retrouve la définition. Bien sûr, on ne la retrouve pas dans
la loi amendée, mais ça fonctionne par concordance. Si on n'a pas
la sagesse quand on fait des recherches de regarder ce que veulent dire les
concordances et de reculer jusqu'au premier paragraphe qu'on a adopté il
y a quelques années, c'est bien sûr qu'on tient le discours que
nos amis d'en face ont tenu.
Je pense que je n'aurai pas à leur montrer à aller
fouiller dans les lois antérieures et à comprendre ce qu'est la
concordance. Le terme "extension" signifie l'action de donner une portée
plus grande et non de donner une nouvelle portée. C'est ça la
définition. C'est tel quel la définition. Il ne sera donc pas
possible, en vertu de cet article, de donner des droits exclusifs à un
pourvoyeur permissionnaire sans aller en appel d'offres public. C'est
ça. On ne pourra pas le faire sans aller en appel d'offres public.
J'écoutais le député d'Abitibi-Ouest tantôt qui ne
comprend absolument rien là-dedans, mais qui, pour épater la
galerie, a dit: On va donner cela à des petits amis. Il avait l'air de
connaître ça pas mal lui le régime des petits amis. Il y a
tellement fait allusion, M. le Président. Il a été neuf
ans au pouvoir. J'ai l'impression qu'il l'a utilisé souvent et qu'il
connaissait un réseau de petits amis pour parler ainsi.
C'est justement, je vais devoir aller en appel d'offres, le contraire de
tous les discours qu'on a entendus dans l'Opposition. C'est tellement
évident que quand j'ai fait cette référence tantôt
à des membres de l'Opposition même, on m'a dit: Si on avait su que
c'était comme ça. Je ne suis pas pour vous mettre la main dans la
loi pour vérifier la définition la première fois qu'on a
voté cette loi. Ce n'est pas à moi de faire cela. Vous devez
avoir des recherchistes qui doivent être compétents pour le faire.
D'ailleurs, l'article 7 du projet de loi qui introduit un nouvel article 86.2
confirme indirectement qu'un pourvoyeur permissionnaire ne peut automatiquement
devenir un pourvoyeur concessionnaire. L'article 86.2 le confirme. Ce n'est pas
compliqué. On n'a qu'à faire référence à la
loi. On n'a pas besoin de brasser des épouvantails à corneilles,
M. le Président, et d'essayer de dire aux gens que c'est le contraire;
autrement, on perd notre crédibilité. (21 h 50)
En effet, cet article prévoit ce qu'il advient des
bâtiments d'un permissionnaire dont le territoire qu'il exploite est
désigné par décret pour être converti en concession
à droit exclusif. Si l'offre du permissionnaire n'est pas retenue parce
qu'elle n'est pas la plus avantageuse, le tiers qui aura obtenu la concession
devra acquérir les bâtiments de l'ancien pourvoyeur
permissionnaire, conformément au mécanisme déjà
prévu dans la loi. Cela existe dans la loi. Ce n'est pas encore
difficile à comprendre.
On ne peut donc pas prétendre que l'amendement introduit au
paragraphe 2 de l'article 6 du projet de loi vise à permettre au
ministre de passer outre à l'appel d'offres public. Si on prétend
cela, c'est qu'on ne comprend pas ce qu'est une loi. Il y a des avocats qui
seront chargés de l'expliquer à mon ami le député
de Dubuc.
Bien au contraire, l'amendement proposé au premier paragraphe de
l'article 6 indique clairement l'intention du gouvernement de resserrer
davantage cette obligation. Ce n'est pas de ne pas avoir d'obligation, c'est de
la resserrer davantage, exactement le contraire de ce qu'on a entendu. En
effet, la loi prévoit actuellement qu'un bail de chassé et de
pêche doit être octroyé par appel d'offres public; cela est
prévu. Tel que rédigé, cet article pourrait permettre,
indirectement, d'éviter le processus d'appel d'offres public en
n'octroyant, au départ, qu'un bail de chasse ou qu'un bail de
pêche, uniquement cela. Comme ce n'est pas l'intention du gouvernement de
mettre de cOté l'application de cet article et que, au contraire, il
veut éviter une interprétation littérale qui permettrait
d'éviter son application, l'article 86.1 sera aussi modifié, dans
le projet de loi, pour prévoir que l'obligation d'aller en appel
d'offres public s'applique à l'action d'un bail de chasse ou de
pêche, ce qui visera l'octroi d'un bail de chasse, d'un bail de
pêche ou d'un bail de chasse et de pêche.
Ce n'est pas compliqué. Je sais que le député de
Dubuc est occupé à faire autre chose, mais, quand même.
Même si je
comprends qu'il veut signer du courrier pour sea électeurs, je
suis persuadé qu'il pourra reprendre le Journal des débats
et lire ce qu'on a dit sans prendre le temps d'approfondir. Sans doute
qu'il va comprendre exactement ce que cela veut dire puisque,
déjà, des gens sur son étage, à qui j'ai
parlé tantôt, l'ont très bien compris; ils doivent essayer
de l'en informer.
On a aussi entendu toutes sortes de choses durant cette deuxième
lecture. Je ne veux pas y revenir, mais, entre autres, il y a une
députée en cette Chambre qui m'a vraiment épaté par
son style habituel où, toute mielleuse dans ses premières
phrases, elle devient agressive à la troisième. C'est toujours le
même pattern, toujours la même façon. Dans une question,
elle commence par être mielleuse et, dans la question additionnelle, elle
devient agressive; cela lui fait un style, à ce qu'elle m'a dit.
Une voix: Caméléon.
M. Picotte: Alors, Mme la députée de Johnson, les
seuls reproches qu'elle a à faire au député de
Maskinongé pour ce projet de loi, c'est qu'il porte le numéro
"101". Elle pensait que cela ne reviendrait plus jamais. Elle vous a
appelé et elle 'vous a dit: "digidou", M. le Président. Elle
pensait que cela ne reviendrait plus jamais.
M. Gobé: C'est quand même pas Jean
Béliveau?
M. Picotte: Oui. Imaginez-vous donc, il ne faut pas être
bien longtemps assis en cette Chambre pour s'apercevoir qu'à tous les
ans les mêmes numéros de projets de loi peuvent revenir. C'est le
101 de telle année; là, cela va être le 101 de 1987,
adoptée à telle session. Cela s'est toujours passé comme
cela. On vient d'apprendre cela à Mme la députée de
Johnson et elle reproche cela au député de Maskinongé
comme si c'était lui qui choisissait le numéro du projet de loi.
Imaginez-vous donc! Quelle réflexion sur ce projet de loi aussi
important qu'a faite Mme la députée de Johnson! "Digidou",
donnons cela à des amis, comme elle l'a si bien dit. C'est ce qu'elle a
dit, hier, dans son discours.
Une voix: Une critique de fond.
M. Picotte: Une critique de fond, inspirée par le
député de Dubuc, sans doute appuyée par mon
prédécesseur au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche et député de Lac-Saint-Jean, qui a lui-même
fait un discours tout aussi aberrant parce qu'il n'a pas compris la
portée de l'article 6. Cela ne me surprend pas qu'il ne l'ait pas
comprise, il n'a pas été assez longtemps au ministère pour
approndir bien des choses.
Mais, pour le chef de l'Opposition, par exemple, cela m'a surpris qu'il
n'ait pas vu cela. C'est vrai que, de ce temps-là, il est plutôt
porté à faire de la réconciliation et moins de faune, mais
il aurait pu s'abstenir de parler à ce moment-là plutôt que
d'être inspiré par des gens qui, au point de vue de la faune, sont
loin d'être les maîtres en la matière.
Il y a eu aussi mon bon ami, le député d'Ungava, qui s'est
mis à me parler des agents de conservation. Il a dit: Si on savait ce
que peut faire un agent de conservation. Écoutez, cela m'a fait rigoler
d'entendre cela. Vous savez ce que j'ai fait au mois de décembre dernier
lorsqu'on a amendé la même loi parce qu'on a qu'une seule loi, M.
le Président. Vous savez ce que j'ai fait, j'ai demandé à
mes agents de conservation de venir écouter en commission parlementaire
ce que le député d'Ungava, le député de Dubuc et
les députés de l'Opposition faisaient comme remarques sur le
travail des agents de conservation. Ils sont venus. Et c'est
épouvantable tout ce qu'on a essayé de faire en ce qui concerne
le député d'Ungava pour ridiculiser le travail des agents de
conservation.
Un an à peu près, jour pour jour, M. le Président,
il dit: Non, mais vous êtes-vous imaginé? Téléphonez
aux agents de conservation, vous allez voir qu'ils n'ont pas une "job" facile,
qu'ils sont en plein bois et qu'ils ont peur, et qu'ils se font passer des
balles chaque bord de la tête. C'est le discours qu'a tenu le
député d'Ungava, M. le Président. Il ne montrera pas ce
qu'est le travail d'un agent de conservation à celui qui vous parle,
parce que j'ai été le seul qui a eu le courage de partir avec des
agents de conservation, d'aller passer une nuit dans le bois pour surveiller
les braconniers. Je n'en ai pas vu d'autres qui ont fait cela. Cela fait rire
le député de Dubuc. Je comprends, il ne sait pas ce qu'est la
faune. Il a tellement ri des agents de conservation, le député de
Dubuc, l'an passé, que c'est bien sûr qu'il n'ira pas passer une
nuit dans le bois avec eux parce qu'il va être gêné tout
simplement. Avec tout le langage que vous avez tenu là-dessus, je
comprends que vous soyez gêné aujourd'hui. Et vous allez
être plus gêné que cela. Ce n'est pas terminé. Ce
n'est pas fini.
M. le Président, je veux vous parler un peu des réserves
fauniques, puisque les gens en ont parlé même s'ils n'avaient pas
besoin d'en parler dans ce projet, cela n'a rien à voir avec cela. Mais
comme ce sont des gens qui mêlent à peu près tout, M. le
Président, ne vous en faites pas en ce qui concerne les réserves
fauniques. J'ai commencé la semaine dernière avec mon bâton
de pèlerin à visiter tous les organismes, et vous pouvez
être assuré, M. le Président... Et je dis au
député de Dubuc que je l'invite s'il veut patrouiller
le Québec avec moi. Je vais même lui fournir le transport,
et on va aller tenir le même débat entre les deux. On va aller
faire évaluer nos compétences devant les groupes...
Une voix: ...
M. Picotte: Non, ici à l'Assemblée nationale, on
verra en temps et lieu. Vous avez le propre de tout fin député
qui a honte de se montrer en public, alors que vous pourriez venir participer
dans chacune des régions, vous allez vous cacher encore une fois.
Le Vice-Président: Un instant!
M. Picotte: C'est ce que vous faites, l'Opposition. Continuez de
vous cacher, vous n'êtes pas...
Une voix: Oui, oui...
Le Vice-Président: Un instant, M. le ministre! Un
instant!
Pour éviter des échanges de propos de bord en bord de
l'Assemblée, je vous demanderais de ne pas vous adresser directement
à un député, mais à la présidence, s'il vous
plat t.
M. Picotte: M. le Président, je vous ferai remarquer que
je réponds à ce qu'on a dit et que je n'ai pas interrrompu
personne durant les discours, personne. Alors, j'aimerais avoir au moins la
même tolérance de la part du député de Dubuc parce
que son intolérance est à peu près tout ce qu'il peut
connaître dans la faune, M. le Président.
Le Vice-Président: Un instant, M. le ministre!
M. Picotte: Maintenant, M. le Président...
Le Vice-Président: Un instant, M. le ministrel Sur une
question de règlement de M. le député de Duplessis.
M. Perron: Est-ce que vous pourriez vérifier le quorum,
s'il vous plaît, M. le Président?
Le Vice-Président: Oui, M. le député de
Duplessis.
Une voix: N'oubliez pas, je suis ici.
Le Vice-Président: Nous avons quorum. M. le ministre, vous
pouvez poursuivre.
M. Picotte: M. le Président, cela ne me surprend pas qu'on
ait quorum parce que je sais que, souventefois, c'est une tactique très
impressionnante de l'Opposition durant nos débats d'essayer de
vérifier le quorum. Quand on sent que le gars qui parle a raison, on
dit: Si on peut l'arrêter pour quelques minutes pour faire changer
l'idée des téléspectateurs, on ne se trompe pas trop, M.
le Président.
Une voix: C'est vrai.
M. Picotte: C'est tellement vrai que cette nuit, à 1 h 45,
j'ai vu sortir le député de Lévis en courant.
C'était la première fois que je le voyais courir - je vous prie
de me croire que ce n'est pas élégant trop trop -pour aller se
cacher en arrière du trône pour qu'un de ses "chums" demande le
quorum. Le député de Laviolette, le député de
Lévis et le député de Saint-Jacques. C'est sûr parce
que ce n'était peut-être pas trop trop intéressant
d'entendre le député du pouvoir qui parlait à ce
moment-là. Mais c'est une manoeuvre de toute façon. Je pense que,
dans le quorum, on ne pourra pas compter sur le député de Dubuc
parce qu'il ne se montrera nulle part pour aller écouter ce que les
chasseurs et les pêcheurs ont à dire. (22 heures)
M. le Président, je vous dis ceci en terminant. Nous allons faire
le tour des régions, nous allons faire un sommet de la faune, et, plus
que cela, s'il y a nécessité de faire une commission
parlementaire par la suite, on jugera si on doit en tenir une. Je n'ai jamais
fermé la porte à une commission parlementaire, je ne la fermerai
pas plus ce soir. Après avoir fait le tour des régions et avoir
vu les gens, on recevra les grands organismes s'il faut le faire en commission
parlementaire; je n'ai jamais mis d'opposition à cela et je vais le dire
partout où je vais aller. Quand des gens parlent à travers leur
chapeau ici en cette Chambre, il faut au moins que les gens soient conscients
que ceux qui parlent à travers leur chapeau le font parce qu'ils ne
connaissent pas la faune. Ils sont justement mal informés, mais on n'a
pas le droit d'être mal informés et, en plus, de vouloir mal
informer le public. Je dis au député de Dubuc qu'il est toujours
le bienvenu s'il veut venir rencontrer les chasseurs et les pêcheurs.
Sinon, qu'il fasse comme de coutume, qu'il prenne des vacances dans son
comté, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé, est-ce que le principe du projet de loi 101, Loi modifiant de
nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi
sur les parcs, est adopté?
Une voix: Sur division.
Le Vice-Président: Adopté sur division. M. le
leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour que le
projet de loi soit déféré à la commission de
l'aménagement et des équipements pour l'étude
détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée? Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Article 27, M. le Président.
Projet de loi 99 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 27 du feuilleton, M.
le ministre délégué aux Pêcheries propose maintenant
l'adoption du principe du projet de loi 99, Loi modifiant la Loi sur le
crédit aux pêcheries maritimes. Je cède la parole à
M. le ministre délégué aux Pêcheries.
M. Picotte: M. le Président, l'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en
recommande l'étude à l'Assemblée.
Une voix: Le représentant de la reine. M. Yvon
Picotte
M. Picotte: M. le Président, je suis vraiment heureux
d'aborder le projet de loi 99 avec mon ami, le député de
Duplessis. Je dois vous dire que j'ai eu quelques rencontres avec le
député de Duplessis pour discuter des pêcheries
jusqu'à maintenant et vous me voyez tout heureux de pouvoir, au moins
pour une des lois qui est devant l'Assemblée nationale, en discuter avec
un critique de l'Opposition en face de moi qui s'y connatt au moins dans le
domaine. Même si ce n'est pas toujours la réalité dans
l'histoire de la faune, au moins le député de Duplessis sait de
quoi il parle; il parle sérieusement et il fait des recherches. C'est la
raison pour laquelle je pense que ce projet de loi recevra sans aucun doute
l'appui du député de Duplessis et que nos communications, puisque
nous parlons ensemble de choses qu'on connatt tous les deux, seront beaucoup
plus faciles qu'avec mon collègue et son collègue de
l'Opposition, le député de Dubuc, qui, lui, parle de faune sans
nécessairement connaître la faune, M. le Président.
Le présent amendement à la Loi sur le crédit aux
pêcheries maritimes vient compléter la réforme
générale de l'aide à la construction de bateaux de
pêche entreprise à l'automne 1986. Les étapes de cette
réforme ont été les suivantes: premièrement, la
modification de l'aide financière en remplaçant la subvention par
des rabais d'intérêts afin de répondre à la
nécessité de rationaliser les dépenses de l'État.
Ensuite, les rabais d'intérêts ont été
ajustés en fonction des types de pêche afin de traiter
équitablement l'ensemble des pêcheurs. Aussi, au mois de
septembre, le Conseil des ministres approuvait-il le transfert du rôle de
prêteur que jouait le gouvernement aux institutions financières
par l'introduction de garanties de prêts, un peu à l'image de ce
que faisait notre collègue, le député de Lévis, au
moment où il était ministre de l'Agriculture, concernant les
prêts du crédit agricole en transférant aux
sociétés prêteuses. Donc, ce n'est pas quelque chose de
nouveau, c'est quelque chose qui a commencé et qui a existé sous
l'ancien gouvernement. Cette mesure permettra au secteur privé de jouer
pleinement son rôle dans ce domaine et également d'aider à
la réduction du déficit gouvernemental puisque les fonds
prêtés ne proviendront plus des coffres du gouvernement.
L'amendement à la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes
que propose notre gouvernement complète cette réforme en ajustant
l'enveloppe financière légale de garanties de prêts de 10
000 000 $ à 30 000 000 $.
M. le Président, ce projet de loi ne fait que répondre
à la nouvelle situation administrative qui prévaut dans le
secteur des pêches. En effet, l'enveloppe des prêts que le
gouvernement était autorisé à octroyer aux pêcheries
était limité, depuis 1979-1980, à 10 000 000 $
annuellement. Il est facile de comprendre, qu'après huit ans le montant
de 10 000 000 $ soit devenu insuffisant, principalement à cause de
l'évolution du coût de construction des bateaux. Plusieurs
facteurs ont contribué à l'augmentation des coûts de
construction dont le taux d'inflation que nous avons connu au début des
années quatre-vingt. Également, depuis le début de la
décennie, le secteur des pêches a été le
témoin d'une évolution technologique marquée. Ainsi, on
retrouve maintenant, à bord de nos bateaux de pêche, des
équipements tels que des éviscéreuses, des bouetteuses
automatiques pour l'appâtage rapide, des cales
réfrigérées, l'entreposage en bacs, des appareils
sophistiqués de détection du poisson et de navigation. De plus,
certains équipements traditionnels ont connu des améliorations
marquées. Par exemple, l'agrandissement des chaluts, des moteurs plus
puissants, des hélices à pas variables et l'ajout de
tuyères pour augmenter la puissance des bateaux. Ces
améliorations technologiques que je viens d'énumérer
permettent aux pêcheurs d'être plus efficaces et contribuent aussi
à améliorer la qualité du produit qui se retrouvera sur
nos tables.
Enfin, un autre facteur qui a contribué à l'augmentation
des coûts, c'est le confort que l'on retrouve à bord. Quand je
dis
confort, cela ne veut pas dire luxe; je parle d'un minimum de confort
afin d'effectuer une profession des plus exigeantes physiquement et
mentalement.
Mme la Présidente, j'ai également pu constater qu'il
existe, chez les pêcheurs, une volonté de profiter de l'excellente
conjoncture prévalant dans le domaine des pêches pour renouveler
leurs bateaux. La demande pour les produits de la mer est très forte et
se reflète sur les prix payés aux pêcheurs. Le prix
payé pour la morue est passé de 0,50 $ le kilogramme, en 1986,
à 0,88 $, en 1987, soit une augmentation de 76 %; le prix de la crevette
a augmenté de 48 % et celui du crabe de 89 %. Cette augmentation
générale des prix, qu'on observe aussi chez les autres
espèces pèchées dans le golfe, place les pêcheurs
dans une position financière favorisant l'amélioration de leurs
bateaux et de leurs équipements de pêche.
Aussi, Mme la Présidente, il ne faut pas oublier que le
crédit d'impôt fédéral de 20 % à
l'investissement, pour les régions de l'Atlantique, se terminera en 1989
et que les pêcheurs désirent s'en prévaloir en toute
légitimité. Pour ces raisons, les demandes d'aide
financière adressées en vertu du programme d'aide
financière pour la construction de bateaux et en vertu de la Loi sur le
crédit aux pêcheries maritimes ont augmenté de façon
considérable. Au cours des années précédentes, le
ministère recevait, en moyenne, 25 demandes d'aide financière.
Cette année, nos services traitent plus de 70 dossiers, donc tout
près du triple. Voilà, Mme la Présidente, un
élément important qui milite en faveur de ce projet de loi et qui
témoigne aussi de l'essor que connaît le secteur des
pêcheries maritimes, essor qui se manifeste par la confiance du milieu et
la volonté des pêcheurs d'investir pour améliorer davantage
leur situation.
Je crois que je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance
économique de l'industrie des pêches pour certaines régions
du Québec. Mes collègues de Matane, des
Îles-de-la-Madeleine, de Gaspé et de Duplessis m'en ont souvent
fait part et ont souvent discuté avec moi d'une bonification à
apporter, dans notre travail, face à ce projet de loi en particulier et
aussi face à l'aide que nous pouvons apporter aux pêcheurs. Ces
députés et leurs électeurs savent que cette industrie
procure des milliers d'emplois dans les usines de transformation situées
à terre et que ces usines existent parce qu'elles sont
approvisionnées par une flotte de pêche. Ces usines fonctionnent
grâce aux efforts de ceux et celles qui ont investi entre 100 000 $ et 1
500 000 $ pour un bateau et son équipement de pêche et qui, seuls
ou avec des aides pêcheurs ramènent la matière à
transformer au quai.
L'approvisionnement de l'usine est aussi tributaire de
l'efficacité de la flotte et ceci est particulièrement vrai dans
les conditions actuelles de l'exploitation des ressources halieutiques dans le
golfe. L'ouverture d'un contingent de pêche dans le golfe prend la forme
d'une véritable course au trésor entre les pêcheurs des
provinces de l'Atlantique qui ont tous accès à cette zone. En
attendant que le mode de gestion de la pêche soit changé, que la
province de Québec ait accès à la zone de 200 milles, il
nous faut donc viser sur l'efficacité de notre flotte de pêche et
de nos pêcheurs pour assurer à nos usines de transformation
l'approvisionnement nécessaire à la bonne marche de leur
exploitation. (22 h 10)
En plus de procurer de l'emploi dans le domaine de la transformation des
produits marins, il ne faut pas négliger les retombées
économiques que procure la construction, chez nous, de ces bateaux. Je
suis convaincu que nos chantiers maritimes attendent avec impatience
l'acceptation de ce projet de loi qui permettra d'augmenter
considérablement la capacité de construction de bateaux de
pêche au Québec. Ce projet de loi est l'aboutissement d'une
réforme qui correspond aux orientations de notre politique
gouvernementale.
Nous participons aux efforts de rationalisation des dépenses de
l'État en invitant les institutions privées à jouer le
rôle de prêteur à la place du gouvernement. Aussi, nous
assurons le maintien du niveau de l'emploi dans le secteur des pêches et
des chantiers maritimes en élargissant les possibilités de
renouvellement de la flotte de pêche. Par la même occasion, les
pêcheurs se retrouvent avec un système d'aide financière
constitué de prêts par les institutions financières,
garantis par le gouvernement avec des rabais d'intérêt sur le
modèle dont dispose l'agriculteur.
Ce projet de loi devra être adopté dans les meilleurs
délais parce que plusieurs constructeurs de bateaux attendent,
justement, que nous ayons les fonds nécessaires, par l'approbation de ce
projet de loi, pour donner des réponses positives à cette
création d'emplois dans la construction de bateaux et je suis
persuadé que les commentaires que nous fera tantôt le
député de Duplessis seront pertinents et favorables.
Je voudrais associer aux commentaires que je viens de faire, et sans
doute aux commentaires que nous fera le député de Duplessis, mes
collègues des Îles-de-la-Madeleine, de Matane et de Gaspé
qui sont retenus par d'autres travaux, Mme la Présidente, parce que je
ne vous apprendrai pas qu'il y a différentes commissions qui
siègent et des rencontres qui se font avec des groupes dans notre
travail parlementaire. Les députés des
Îles-de-la-Madeleine, de Gaspé et de Matane se joignent à
moi et
sans doute à la voix qu'exprimera tantôt, de façon
positive, le député de Duplessis sur ce projet de loi. Ils
veulent joindre leur voix à la nôtre et ils sont favorables
à l'adoption de ce projet de loi. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué aux Pêcheries. M. le député de
Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez
sûrement, avant de commencer mon exposé sur le projet de loi 99,
de faire le commentaire suivant. Puisque le ministre
délégué aux Pêcheries a jugé bon de vanter
les mérites du député de Duplessis, il me permettra
sûrement de vanter les mérites de l'ancien gouvernement et, en
particulier, de deux ministres qui se sont succédé dans le
domaine des pêcheries: M. Rodrigue Tremblay, qui était, à
ce moment-là, ministre de l'Industrie et du Commerce, responsable des
Pêcheries, ainsi que l'ancien ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, l'actuel député de
Lévis. Nul doute que, n'eût été la présence
de ces personnes et n'eût été la volonté politique
de l'ancien gouvernement, en particulier à compter de 1979
jusqu'à la fin de 1985, l'actuel ministre délégué
aux Pêcheries aurait beaucoup plus de problèmes dans le domaine
des pêcheries; je pense que tout le monde peut en convenir.
Le court projet de loi 99, Loi modifiant la Loi sur le crédit aux
pêcheries maritimes, on l'admettra, a tout de même,
énormément d'importance. On peut remarquer qu'il n'a que deux
articles, mais l'article 1 modifie l'article 7 de la loi actuelle et se lit
comme ceci: "A compter de l'année financière 1987-1988, ces
avances ou prêts sont pris à même le fonds consolidé
du revenu, jusqu'à concurrence d'une somme de 10 000 000 $ par
année financière, et ces garanties de prêts sont prises
à même le fonds consolidé du revenu, jusqu'à
concurrence d'une somme qui, incluant le montant de ces prêts et avances
consentis pour une année financière, n'excède pas 30 000
000 $ par année financière."
Vous admettrez, Mme la Présidente, que, lorsqu'on parle de faire
passer un montant de 10 000 000 $ à 30 000 000 $, c'est tout un
éventail, dans le domaine des pêcheries, dont on peut parler.
C'est la raison fondamentale pour laquelle je me suis attaché, au cours
des derniers jours, d'abord, à regarder ce qui avait été
fait antérieurement à 1976, à regarder ce qui a
été fait de 1976 à 1985, c'est-à-dire jusqu'au 2
décembre et à regarder ce qui a été fait par la
suite par le nouveau gouvernement libéral avec, en passant, deux
ministres délégués aux Pêcheries qui se sont
succédé en l'espace de deux ans.
L'industrie des pêches maritimes constitue pour le Québec,
nous devons tous en convenir, l'un de ses secteurs économiques les plus
importants dont l'apport substantiel, sinon essentiel, est marqué du
sceau indélébile de la volonté politique du
précédent gouvernement. Les preuves à l'appui de ces
assertions sont fort nombreuses et je soulignerai plus loin la pertinence de
certaines, ne serait-ce qu'en ce qui concerne l'objet du projet de loi 99 dont
nous devons aujourd'hui adopter le principe, soit l'aide financière pour
la construction, la réparation, l'achat et l'exploitation de bateaux et
d'équipements de pêche.
Mme la Présidente, si vous me le permettez, je voudrais me
reporter ici au Journal des débats du 20 juin 1979 lorsqu'il
était question, à ce moment-là, de discuter du projet de
loi 29 et où on mentionnait que l'ancien gouvernement,
c'est-à-dire le gouvernement du Parti québécois,
reconnaissait combien il était indispensable que l'on s'occupe du
domaine des pêcheries. Nous avons reconnu l'indispensable contribution
des pêcheries au développement économique de l'Est du
Québec et de la Cûte-Nord au point d'y consacrer, dans un
programme quinquennal, un montant de 225 000 000 $ pour le développement
des pêches maritimes. Nous avons aussi entrepris résolument de
relancer l'industrie de la pêche et nous sommes intervenus
prioritairement là où il fallait commencer, c'est-à-dire
au niveau de la flotte de pêche elle-même.
En 1976, du temps de l'ancien gouvernement, on avait participé au
financement de trois bateaux de pêche alors qu'on en retirait autant de
la flotte active et que la moitié de nos chalutiers entraient dans leur
préretraite, si on peut s'exprimer ainsi. Quant à nous, au cours
de l'année 1977, nous avons autorisé la construction de 24
bateaux puisque nous avions décidé à ce moment-là
de modifier substantiellement le programme d'aide aux pêches maritimes,
d'une part, et, d'autre part, d'ajouter les fonds nécessaires pour
permettre que nos pêcheurs cûtiers puissent partir de chaloupes
conventionnelles que ces gens-là avaient dans la grande majorité
des cas depuis de nombreuses années pour les faire passer à des
bateaux qui étaient beaucoup plus rentables au niveau des prises,
beaucoup plus sécuritaires et qui ramenaient à terre la
qualité de poisson qui était désirée sur les
marchés, autant le marché québécois que les
marchés internationaux.
Quand on nous dit que ce n'était pas par manque d'argent qu'on
avait procédé en 1976 à la construction de bateaux en
disant qu'il n'y avait plus de construction, comment se fait-il que, lorsque
nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait une liste
impressionnante? Vous savez que l'ancien gouvernement,
c'est-à-dire celui qui a précédé le 15 novembre
1976, disait qu'il y avait de l'argent, mais plus de demandes. Cependant, on a
découvert qu'il y avait 90 demandes de pêcheurs qui attendaient
l'aide gouvernementale pour la construction de leurs bateaux. D'autre part, on
a aussi découvert qu'il y avait des chantiers qui avaient
été homologués au Québec et que ces chantiers
pouvaient faire la construction de bateaux en fibre de verre, de bateaux en
bois, de bateaux en métal et que tous les pêcheurs étaient
prêts - c'est-à-dire les 90 que je viens de mentionner - à
aller de l'avant pour que la construction des bateaux en question puisse
être entreprise dans les chantiers maritimes du Québec. (22 h
20)
Je me rappelle très bien que cet ancien gouvernement avait aussi
annoncé à la sauvette à l'été 1976, juste
avant les élections, un programme de revenu d'appoint pour les ouvriers
d'usine. Je dois admettre qu'à ce moment-là c'était un bon
programme. Je dois admettre aussi qu'à ce moment-là on
était d'accord, même lorsqu'on était dans l'Opposition,
avec le programme en question puisqu'il y avait différentes usines, en
particulier dans le comté de Duplessis et aux
Îles-de-la-Madeleine, qui avaient des problèmes concernant le
revenu d'appoint pour les travailleurs, les ouvriers et les ouvrières
d'usine.
Cependant, ce qu'on avait oublié de faire dans le temps,
c'était d'allouer les crédits nécessaires directement
à ce programme. Le gouvernement libéral, de 1970 à 1976,
avait pris les fonds qui étaient alloués pour la construction de
bateaux, plus de 400 000 $, pour financer le programme qu'il avait
décidé de mettre en place.
Tout cela pour vous dire, Mme la Présidente, que, malgré
qu'on ait été d'accord avec le programme en question,
c'est-à-dire le programme de revenu d'appoint pour les travailleurs et
les travailleuses d'usine, on s'est ramassé au gouvernement,
après le 15 novembre 1976, avec un problème que nous avait
laissé l'ancien gouvernement.
Dans le domaine des pêches, il est assuré qu'en particulier
pour l'Est du Québec, comme c'est extrêmement important pour
chacune des familles de ces régions maritimes, c'est-à-dire les
Îles-de-la-Madeleine, la Gaspésie et la Cûte-Nord, l'ancien
gouvernement a fait tous les efforts nécessaires pour en arriver
à régler le maximum de problèmes. Par contre, j'admets
d'emblée qu'au moment où on se parle et même lorsque nous
étions au gouvernement il y avait encore des problèmes à
régler. Mais le changement de gouvernement a fait en sorte de changer
certaines politiques qui n'aident pas les pêcheurs aujourd'hui, qui
n'aident pas, non plus, les propriétaires d'usines de
transformation.
Au cours de mon discours, j'aurai l'occasion d'apporter certaines
informations au ministre délégué aux Pêcheries.
J'entends bien recevoir des réponses adéquates quant aux
questions que je me pose face à certains problèmes existant dans
le domaine des pêches.
Je crois qu'il ne sera jamais inopportun de souligner combien, pour la
Cûte-Nord, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, les
pêches maritimes font office de soutien et de moteur économique,
là où nul resserrement ou restriction budgétaire du
gouvernement ne doit être en droit d'hypothéquer la
croissance.
L'Opposition émet déjà, toutefois, ici, de
sérieux doutes dont nul ne pourra contester la véracité.
Les chiffres, pour éloquents qu'ils soient, rappelleront à la
mémoire de l'actuel ministre délégué aux
Pêcheries et à celle de son immédiat
prédécesseur que, depuis l'arrivée aux affaires du
gouvernement libéral en 1985, les crédits dévolus au
développement des pêches maritimes n'ont cessé de subir des
ponctions majeures.
Là-dessus, Mme la Présidente, je voudrais informer les
membres de cette Chambre et la population qui nous écoutent des faits
suivants. Les crédits au développement des pêches
maritimes, lorsque le Parti libéral était au pouvoir de 1970
à 1976, étaient de 11 392 000$ en 1974-1975, de 11 087 000 $ en
1975-1976 et de 14 672 000 $ en 1976-1977. Sous l'étiquette du Parti
québécois au pouvoir, les crédits étaient, en
1977-1978, de 15 444 000 $; en 1978-1979, de 14 936 000 $; en 1979-1980, de 19
420 000 $; en 1980-1981, de 20 443 000 $; en 1981-1982, de 26 090 000 $; en
1982-1983, 27 324 000 $; en 1983-1984, 30 112 000 $; en 1984-1985, 41 688 000
$; en 1985-1986, soit la dernière année du gouvernement du Parti
québécois au pouvoir, avant la prise du pouvoir par les
libéraux, 39 151 000 $.
Pour le Parti libéral du Québec, c'est-à-dire le
nouveau gouvernement, celui qui a été élu le 2
décembre 1985, écoutez bien, on est passé de 39 151 000 $
de crédits, pour 1985-1986, à 30 371 000 $, pour 1986-1987 et,
actuellement, les crédits alloués pour 1987-1988 sont de 20 058
000 $.
Bien sûr, cela ne fait pas l'affaire de tout le monde. Cela ne
fait pas, non plus, l'affaire du domaine des pêches. Si ce rythme devait
se maintenir, glaçant alors d'effroi tant l'Opposition que tous les
intervenants du milieu, le budget du ministre délégué aux
Pêcheries serait, en 1988-1989 et en 1989-1990 respectivement, de l'ordre
de 10 000 000 $ et de zéro. En effet, en établissant en 1979 un
plan quinquennal des pêches maritimes et en renforçant la
volonté
du gouvernement de soutenir ce secteur économique en 1981 par un
vaste, ambitieux, mais combien nécessaire et productif plan d'action, le
gouvernement du Parti québécois avait su imprimer au budget des
pêcheries une constante et prodigieuse progression.
Ainsi, comme je le mentionnais tout à l'heure, de 1978 à
1979-1980, les crédits aux pêches maritimes font un bond de 14 000
000 $ à 19 000 000 $ pour ensuite imprimer une marche dont la
nomenclature indique ainsi successivement jusqu'en 1985-1986, 20 000 000 $, 26
000 000 $, 27 000 000 $, 30 000 000 $, 41 000 000 $ et 39 000 000 $. Or,
voilà où le bât blesse. Le gouvernement libéral
décide de faire chuter violemment ses crédits de 39 000 000 $
à 30 000 000 $ en 1986-1987 et à 20 000 000 $ en 1987-1988.
Voilà pourquoi j'indiquais plus tôt, Mme la Présidente,
qu'à ce taux infernal de décroissance les crédits aux
pêcheries marqueront 10 000 000 $ de moins pour l'an prochain; puis, si
ça continue comme ça, en 1989-1990, le budget sera à
zéro. Je me demande, en effet, quel ministère devra s'occuper du
domaine des pêcheries. Quant à nous, nous nous refusons à
une telle dilapidation d'efforts consentis. Le milieu des pêcheries
mérite, à tout le moins, un décent soutien, ce que semble
lui interdire le gouvernement actuel.
Je voudrais maintenant parler du crédit aux pêcheries et du
projet de loi 99. Mme la Présidente, tant le projet de loi 99 que le
programme d'aide financière à la construction de bateaux
appellent toute la pertinence de ces comparaisons. J'ai mentionné tout
à l'heure l'article 1 du projet de loi 99. L'article 5 de la Loi sur le
crédit aux pêcheries maritimes prévoit ceci: "Le ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation peut, selon les
conditions et modalités déterminées par règlement
du gouvernement, consentir à des pêcheurs ou à des
personnes, sociétés ou organismes exerçant une
activité ou exploitant une industrie reliée aux pêches
maritimes des avances, des prêts ou des garanties de prêts pour la
construction, la réparation, l'achat ou l'exploitation de bateaux et
d'équipement de pêche ou pour l'acquittement de dettes
contractées pour ces fins."
L'article 7 de la même loi prévoit, quant à lui, les
fonds destinés à cette fin, somme que le projet de loi 99 porte
de 10 000 000 $ à 30 000 000 $ en prenant bien soin de distinguer et
à raison, d'une part, une somme maximale de 10 000 000 $ pour les
prêts et avances et une autre qui, cette fois, pour les garanties de
prêts jusqu'à concurrence d'une somme qui, incluant le montant
desdits prêts et avances, ne pourra excéder 30 000 000 $ pour une
année financière. Voilà, en fait, en termes juridiques se
revêtant d'un caractère tarabiscoté - si le ministre
comprend bien -ce qui traduit des modifications majeures au programme d'aide
financière pour la construction de bateaux de pêche de plus de
10,6 mètres et qui, au règlement afférent, a
nécessité, en septembre dernier, par le décret 1458-87,
une modification visant à y ajouter une section concernant les garanties
de prêts.
Quant aux modifications au programme, Mme la Présidente, le
ministre délégué aux Pêcheries a apporté au
cours des deux dernières années des modifications majeures au
type d'aide financière accordée en vertu du programme d'aide pour
la construction de bateaux de pêche de plus de 10,6 mètres. Ainsi,
pour l'année financière 1985-1986, le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation offrait aux
pêcheurs professionnels une subvention égale à 35 % du
coût de construction d'un bateau de pêche d'une longueur hors tout
supérieure à 10,6 mètres, soit 3,9 pieds construit au
Québec dans un chantier accrédité à cet effet. (22
h 30)
Le prédécesseur immédiat de l'actuel ministre
devait, en 1986-1987, apporter une modification importante audit programme en y
précisant que le montant de la subvention ne pouvait représenter
plus de 4610 $ par tonne de jauge brute pour les bateaux utilisant des engins
mobiles et 4040 $ par tonne de jauge brute pour les bateaux utilisant des
engins fixes.
Enfin, pour le programme 1987-1988, entré en vigueur le 1er avril
dernier, avec effet rétroactif au 20 janvier de la même
année et devant se terminer le 31 mars prochain, l'aide
financière se traduit désormais - la nuance est de taille, vous
en conviendrez - par une subvention d'intérêts sur les prêts
consentis par une banque à charte canadienne, une caisse
d'épargne et de crédit ou une institution prêteuse et ce,
qui plus est, sous réserve d'une contribution minimale exigée des
emprunteurs admissibles. En termes clairs, Mme la Présidente, il n'y a
plus de subventions directes égales à 35 % des coûts de
construction, mais plutôt une prise en charge et d'une partie seulement
des intérêts sur les prêts.
L'Opposition marque son inquiétude que ce nouveau mode de
financement puisse hypothéquer les possibilités de construction
de bateaux et, conséquemment, l'industrie des pêcheries maritimes;
nous mettons le ministre en garde contre une telle solution. Il ne s'agit
d'ailleurs pas, à ce titre, du seul bémol apporté aux
divers programmes qu'avait entrepris, élaborés et
développés le précédent gouvernement. Ainsi, le
programme d'aide financière pour le développement de la
pêche au Québec nordique, essentiellement conçu pour aider
au développement économique des communautés inuit du
Québec et pour leur permettre d'exploiter,
selon leurs besoins propres, les ressources halieutiques de leur
territoire, ne porte plus, en 1987-1988, qu'à 35 % la subvention pour la
construction d'un bateau de 10,6 à 15,0 mètres, alors que, en
1985-1986, cette contribution gouvernementale était de l'ordre de 50
%.
De la même façon, l'aide financière pour l'assurance
des bateaux de pêche ne couvre plus que 35 % du coût de la prime en
1987-1988 contre 50 % en 1985-1986. Si le ministre délégué
aux Pêcheries entend maintenir ce rythme de ponction, il devra compter
à la fois sur la vigilance de l'Opposition et, en particulier, du
député de Duplessis et sur les récriminations
légitimes de l'industrie des pêches, incluant les
propriétaires d'usines et les pêcheurs eux-mêmes, ainsi que
les travailleurs et les travailleuses d'usines.
Lors de l'étude des engagements financiers du 13 octobre dernier,
j'ai eu l'occasion de discuter avec le ministre délégué
aux Pêcheries quant à la discrimination qu'il y avait actuellement
en rapport avec le crédit d'impôt. Le gouvernement adoptait, le 16
septembre dernier, un décret modifiant le règlement sur les
prêts pour la construction, l'achat ou la réparation de bateaux et
d'équipements de pêche commerciale dans le but d'ajouter à
l'article 20 sur le montant de prêt que le ministre peut consentir pour
la construction de bateaux et qui s'établit à 90 % du coût
après déduction de tout subside fédéral et/ou
québécois, s'il y a lieu, un alinéa particulier aux
pêcheurs de la Côte-Nord.
L'article 2 du règlement modifiant le règlement
cité ci-dessus stipule à cet effet et je cite: "Dans le cas d'un
prêt fait à un pêcheur qui réside sur la rive nord du
fleuve Saint-Laurent, à l'est de la rivière Saguenay, ou sur la
rive nord du golfe Saint-Laurent et y exerce ses activités de
pêche commerciale, le montant maximum du prêt peut s'élever
à 95 % du coût prévu au premier alinéa."
Le préambule du décret justifiait cette décision
par le désir du gouvernement d'aider les pêcheurs de la
Côte-Nord à renouveler leurs bateaux dans un contexte où -
je cite de nouveau - "ayant une activité moins rentable, ils ont une
possibilité moindre d'utiliser un crédit d'impôt
déjà inférieur et décroissant d'année en
année". S'agirait-il d'un pas dans la bonne direction que le ministre
délégué aux Pêcheries répondrait
d'emblée par l'affirmative. Toutefois, la solution ne s'en trouve encore
que partielle et je rappelle à la mémoire du ministre
délégué aux Pêcheries que, lors de l'étude
des engagements financiers de son ministère, le 13 octobre dernier, il
qualifiait lui-même par l'expression "questionnable" - entre guillemets -
la distinction maintenue par le gouvernement fédéral entre, d'une
part, la Côte-Nord, et, d'autre part, l'ensemble du
Québec relativement au taux de crédit d'impôt
à l'investissement pour la construction de bateaux établi dans le
premier cas et de façon discriminatoire à 10 % contre 20 % pour
le restant du Québec. Le ministre prenait un engagement formel à
la même occasion, soit celui de rétablir l'équité et
disait alors être dans ses intentions - et je cite de nouveau - "de
demander au gouvernement fédéral de ne pas faire cette
distinction avec des gens de la Basse-Côte-Nord et de permettre 20 %
comme ils font pour l'ensemble des autres pêcheurs du Québec". La
responsabilité morale et politique du ministre l'oblige donc à se
refuser de susciter tout vain espoir. L'Opposition réclame du ministre
qu'il sache répondre de ses actes et de ses intentions lors de la
commission parlementaire.
Quant au plan quinquennal de 1979 qui avait été mis en
place par l'ancien gouvernement, je voudrais rappeler aux membres de cette
Chambre que dans le domaine de la construction de bateaux de pêche, en
1976, le gouvernement libéral de M. Bourassa, c'est-à-dire du
premier ministre actuel mais à l'époque de 1976, avait
réussi à en construire trois pendant que nous, en 1978, on en
construisait 24, ce qui fait toute la différence entre un gouvernement
qui respecte les pêcheurs et un autre qui ne les a jamais
respectés, qui a parlé plutôt que d'agir. Le gouvernement
du Parti québécois a définitivement rompu avec ce
passé pour une période de neuf ans.
Au cours des dernières années, on a fait des efforts
spéciaux pour rattraper le retard considérable qu'avaient pris
les pêcheurs de la Basse-Côte-Nord, les pêcheurs de la
Côte-Nord ainsi que certains pêcheurs des
Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie, retard qui s'était
accumulé quant à leurs autres collègues du Québec
et encore davantage sur leurs vis-à-vis de Terre-Neuve.
Mme la Présidente, en 1979, l'ancien gouvernement a adopté
un plan quinquennal par lequel il a décidé d'investir 225 000 000
$ pour relancer et raffermir l'industrie de la pêche. On n'a qu'à
comparer ces investissements avec ce qui s'était passé au cours
des années antérieures. Rappelez-vous qu'à ce
moment-là on épluchait de peine et de misère un budget de
12 000 000 $ ou 13 000 000 $, parfois 14 000 000 $ par année, sans
savoir où on s'en allait d'une année à l'autre. Ramenez
cela à une période quinquennale comme on l'avait fait en 1979,
pour faire des chiffres ronds et impressionnants, cela fait environ 60 000 000
$ à 70 000 000 $ à l'époque. C'était l'effort et la
performance des anciens gouvernements du Québec, 60 000 000 $ à
70 000 000 $ en cinq ans. De plus, on donnait l'impression de se saigner
à blanc. Quant à nous, nous avons consacré plus de 225 000
000 $ en cinq ans
et c'est au moins trois fois plus que ce qui avait été
fait antérieurement par l'ancien gouvernement, c'est-à-dire le
gouvernement de 1970 à 1976.
L'administration du Parti québécois n'avait, quant
à elle, ménagé aucun effort ni ressource au
développement et à la promotion des pêches maritimes, y
consacrant même son imagination, tel qu'en témoigne
éloquemment le plan quinquennal élaboré en 1979 par le
ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque alors responsable de
ce dossier.
Visant une véritable et efficace relance du secteur trop
longtemps négligé par le gouvernement libéral
précédent, cette stratégie d'allocation de ressources
additionnelles de l'ordre de 110 000 000 $ en 1979 permettait ainsi
d'accroître les revenus et l'emploi dans cette industrie vitale pour
l'économie de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine et de
la Côte-Nord et de stabiliser, sinon d'augmenter les prix des produits
marins aux pêcheurs ainsi que les salaires dans les usines et les revenus
des pêcheurs eux-mêmes.
Le gouvernement du Parti québécois entendait alors
clairement et fermement, à la réalisation de ces fins,
procéder au remplacement et à la modernisation de la flotte de
pêche et ce, dans une perspective de conformité avec les
particularités de pêches dans les différentes zones
exploitées, avec la croissance des ressources halieutiques et avec le
désir de maintenir et d'améliorer la position concurrentielle du
Québec sur la côte atlantique. Plus de 85 000 000 $ étaient
alors voués seulement à ce volet. Deuxièmement, amorcer la
modernisation et la diversification des usines de transformation tout en
recherchant la maximisation de l'emploi et des revenus, en encourageant leur
concentration dans les parcs industriels de pêche équipés
des services requis. Bien sûr, c'était pour favoriser aussi la
commercialisation par une amélioration marquée de la
qualité des produits marins et par le développement des
marchés et de la consommation. (22 h 40)
Cette stratégie quinquennale touchait donc tous les aspects de
l'exploitation des pêches maritimes au Québec, qu'il s'agisse de
la capture du poisson, de sa transformation, de sa commercialisation ou encore
de la formation professionnelle des artisans et artisanes, de la recherche
scientifique ou des responsabilités politiques ou administratives du
gouvernement dans le secteur. Les retombées économiques d'une
telle impulsion. ont été d'une importance capitale. Qu'il ne
s'agisse, à titre d'exemple, de souligner qu'en 1979 on estimait que la
construction d'un chalutier de 60 ou 65 pieds exigeait de 15 000 à 20
000 heures-hommes en chantier, celle d'un polyvalent de 60 pieds, de 10 000
à 15 000 heures-hommes, ou, encore, celle de petits bateaux de 40
à 45 pieds, de 3000 à 4000 heures-hommes.
Pour soutenir cette stratégie, l'article 7 était
déjà modifié en 1979. Au volet de la réalisation du
programme de renouvellement de la flotte de pêche, le ministre de
l'Industrie et du Commerce présentait en juin 1979 le projet de loi 29
qui permettait de porter les autorisations de prêts consentis en vertu de
l'article 7 de la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes de 3
000 000 $ à 10 000 000 $ pour l'année financière 1979-
1980. Le ministre soulignait d'ailleurs à l'époque, au moment de
l'adoption du principe de ce projet de loi, et je cite: "II faut souligner que
ces prêts ou ces garanties de prêts comportent un
élément important de subvention car il s'agira de prêts
sans intérêt ou de prise en charge complète des
intérêts par le gouvernement lorsqu'il s'agira de garanties de
prêts." L'actuel ministre délégué aux
Pêcheries peut-il en dire autant, lui qui vient de modifier le programme
d'aide à la construction de bateaux de plus de 10,6 mètres?
Quelle fut alors, Mme la Présidente, la réplique du porte-parole
de l'Opposition en matière de pêcheries, l'actuel ministre des
Finances? Je parle toujours de 1979.
Toujours à l'adoption du principe du projet de loi destiné
à soutenir le plan quinquennal, soit le 20 mai 1979, l'actuel
député de Bonaventure s'exprimait de la sorte: "Dans sa
stratégie quinquennale, cependant, il y a des ambitions. Nous le
félicitons de faire cet effort, un effort essentiel dans le domaine des
pêcheries et que j'ai eu l'occasion, dans le passé, de souhaiter."
Remarquez que, dans le passé, ce même personnage qui est toujours
député de Bonaventure et l'actuel ministre des Finances
était un ministre du gouvernement libéral de 1970 à
1976.
Voilà qui était assez explicite, Mme la Présidente,
et vous en conviendrez. L'effort était en effet essentiel. Ainsi, en
1979, après l'arrivée aux affaires du Parti
québécois, le gouvernement a pu financer la construction de
plusieurs bateaux de pêche. Quel était le "score" du gouvernement
Bourassa, dans le temps, à ce chapitre, pour l'année
précédente? Trois. Imaginez le retard qu'enregistrait alors le
Québec à l'endroit des provinces maritimes et, plus encore,
l'état lamentable dans lequel le gouvernement, de 1970 à 1976,
avait laissé végéter les pêches maritimes du
Québec.
Quant au plan d'action de 1981, jamais nos efforts n'ont manqué
de souffle. En 1981, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, c'est-à-dire l'actuel député de
Lévis, élaborait et mettait en oeuvre un plan gouvernemental en
matière de pêches maritimes. Les programmes d'aide
financière qui s'adressaient au secteur des pêches s'inscrivaient
désormais de façon plus
formelle dans une perspective de développement économique
du territoire maritime québécois. Cette approche reposait alors
sur la reconnaissance du statut professionnel des pêcheurs et du
caractère industriel des entreprises de transformation. Ce plan aura
permis de redresser les paramètres des pêches maritimes. Il s'agit
là d'un héritage que le gouvernement libéral ne peut ni ne
doit hypothéquer. À ce titre, il mérite d'être
rappelé en détail, ne serait-ce que pour le
bénéfice de l'actuel ministre délégué aux
Pêcheries.
Concurremment à la réévaluation des programmes
d'aide destinés aux pêches maritimes, réévaluation
faite en fonction des nouvelles orientations que le gouvernement entendait
privilégier, le budget dévolu au développement des
pêches maritimes marquait quant à lui, dès 1981-1982, une
hausse majoritaire de 25 %, passant ainsi à 26 000 000 $ comparativement
aux 20 000 000 $ de l'année précédente. Vaut-il mieux
rappeler ici à la mémoire du ministre que cette nette progression
n'a jamais subi de décélération jusqu'en 1986-1987? Il n'y
eut pas, pour revenu en 1981-1982, de majoration automatique de chaque poste
budgétaire, mais plutôt des choix stratégiques du
gouvernement qui entendait favoriser certains types de mesures plus conformes
aux objectifs de développement économique recherchés. Le
ministère décidait alors, et avec raison, de se retirer
progressivement des mesures d'aide au fonctionnement des entreprises au profit
d'un soutien à l'investissement davantage générateur de
retombées économiques.
Quelles ont été les coordonnées de cette politique
maritime? Elles se résument en six grands axes. Premièrement, la
mise en place des équipements de base que sont la flotte de pêche
et les usines de transformation. Le principal effort du gouvernement, en termes
financiers, portait sur la mise en place d'équipements modernes et
efficaces tant pour la capture des produits marins que pour leur
transformation. C'est à ces niveaux que la capitalisation est la plus
lourde et que l'aide du gouvernement sous forme de subventions directes ou de
prises en charge d'intérêts se révélait la plus
nécessaire. À ce moment, ce qui n'est malheureusement plus le
cas, une subvention de 35 % du coût de construction des bateaux de
pêche pouvait être octroyée et ce, sans compter les
prêts sans intérêt qui pouvaient être consentis. En ce
qui concerne les entreprises de transformation, le programme d'aide
financière qui leur était destiné a permis les
nécessaires et combien profitables modernisations, normalisations et
diversifications de leurs installations.
Le second axe visait l'acquisition d'équipements et le recours
à des procédés favorisant l'amélioration de la
qualité des produits marins, cette préoccupation devant
être satisfaite tant à bord des bateaux et à l'usine
qu'à la poissonnerie elle-même. Que l'on pense ici, entre autres
mesures, à l'aide financière pour l'acquisition de bacs servant
à protéger le poisson ou encore à celle pour l'achat de
palangres facilitant la capture sans détérioration avant la
sortie de l'eau. On doit aussi compter, à ce chapitre, sur une
réglementation complète régissant la qualité du
poisson depuis sa capture jusqu'à la livraison au consommateur.
Troisième préoccupation du plan, l'organisation
professionnelle du milieu par l'aide aux associations de pêcheurs et
industriels.
Quatrièmement, la prise de conscience de l'existence au
Québec d'un important marché potentiel alors que, par le
passé, notre industrie de transformation avait surtout été
orientée vers les marchés extérieurs. On peut ici penser,
à titre d'exemple, aux productives campagnes de promotion du crabe des
neiges sur le marché domestique québécois, là
où la consommation devait faire un saut prodigieux. L'actuel ministre
délégué aux Pêcheries ne peut en douter.
Cinquièmement, le plan d'action était aussi orienté
vers la mise en valeur des ressources sous-exploitées et ce, tant par la
capture de nouvelles espèces, tels, à l'époque, le crabe
et le maquereau, que par la récupération en usine de parties
comestibles alors rejetées.
J'espère que je ne dérange pas les libéraux, Mme la
Présidente, parce qu'il y a des caucus à deux endroits ici,
à l'Assemblée nationale.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais
la collaboration de cette Chambre! Si certaines personnes désirent
parler, je vous rappellerais qu'il y a des salons adjacents à
l'Assemblée nationale et je vous demanderais de vous y rendre afin de
permettre au député de Duplessis de faire son intervention. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Le plan d'action
était aussi orienté vers la mise en valeur des ressources
sous-exploitées - je répète, Mme la Présidente - et
ce, tant par la capture de nouvelles espèces, tels, à
l'époque, le crabe et le maquereau, que par la
récupération en usine de parties comestibles alors
rejetées.
Sixièmement, enfin, la prise en charge par les entreprises de
transformation de toutes les étapes de la production, y compris la
congélation et l'entreposage des produits marins, et ce, dans le but
d'acquérir une véritable autonomie. (22 h 50)
Mme la Présidente, les efforts, plans et stratégies du
gouvernement du Parti
québécois de 1976 à 1985 ont su redresser et
favoriser l'épanouissement d'un secteur névralgique de
l'économie québécoise dans l'Est du Québec.
L'industrie des pêches maritimes ne doit souffrir d'aucune manière
d'une quelconque inertie du gouvernement. Or, depuis 1985 - nous l'avons
souligné avec pertinence - un malheureux et dangereux ralentissement
susceptible de provoquer, à brève échéance, une
dégradation de la situation semble marquer le ministère des
Pêcheries. Les preuves sont nombreuses et incriminantes. Qu'il suffise de
rappeler des chutes accentuées et successives de crédits,
doublées d'une édulcoration des programmes d'aide
financière.
L'Opposition rappelle ainsi le ministre à sa
responsabilité première, au moment où se dessinent de
nouveaux défis et projets qui, tel celui du consortium Nova Nord, pour
l'accès à la zone de pêche de 200 milles, doivent compter
sur l'appui du gouvernement actuel. L'industrie québécoise des
pêches maritimes en dépend.
Si vous permettez, Mme la Présidente, puisqu'on parle de la zone
de 200 milles, j'aimerais donner certaines informations aux membres de cette
Chambre. Dans le rapport de l'Association québécoise de
l'industrie de la pêche d'octobre 1987, les responsables de l'AQUIP
parlaient de la loi sur la transformation des produits marins. Cependant, on
allait beaucoup plus loin à l'intérieur du rapport et on
mentionnait, dans le domaine des pêches maritimes, les captures et les
valeurs au débarquement par espèces. Voilà qu'on remarque
ce qui s'est passé dans l'Est du Canada au cours des dernières
années, c'est-à-dire de 1977 à 1986. Comme c'est le
gouvernement fédéral qui a actuellement la responsabilité
première du partage des quotas, ce dernier a nettement favorisé
certaines provinces de l'Atlantique au détriment du Québec. C'est
éloquent de voir les chiffres du rapport de l'Association
québécoise de l'industrie de la pêche. Je cite les exemples
suivants: Nouveau-Brunswick, quantité de prises en tonnes
métriques, 1977, 130 203 tonnes métriques, 1986, 137 424 tonnes
métriques; Nouvelle-Écosse, 1977, 426 979 tonnes métriques
par rapport à 460 008 en 1986; l'Île-du-Prince-Édouard, 36
461 tonnes métriques par rapport à 40 377 tonnes métriques
en 1986; le Québec 54 296 tonnes métriques en 1977 et 89 970
tonnes métriques en 1986; Terre-Neuve, 393 262 tonnes métriques
en 1977 et, en 1986, 493 116 tonnes métriques. Tout ça pour vous
dire, Mme la Présidente, combien de changements sont arrivés pour
certaines provinces maritimes par rapport au Québec et au
Nouveau-Brunswick en particulier, au regard des captures qui ont
été autorisées par le fédéral en
Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et
Terre-Neuve.
Quant au partage de la ressource elle-même, à ce
moment-là, dans une des recommandations de l'AQUIP il était
écrit ceci dans le rapport: "Afin de régulariser une telle
situation, le ministère des Pêches et des Océans devrait
attribuer aux usines québécoises une allocation minimale de 50
000 tonnes de poissons de fond hors du golfe Saint-Laurent pour 1988,
particulièrement de la morue, et les années futures devraient
suivre la fluctuation des contingents." C'était une demande expresse de
l'Association québécoise de l'industrie de la pêche
directement au gouvernement fédéral.
Ce que je voudrais savoir de la part du ministre
délégué aux Pêcheries, c'est quelles sont les
actions qui ont été prises par son gouvernement en rapport avec
cette demande de l'AQUIP? Quelles sont les interventions qui ont
été faites jusqu'à maintenant par le gouvernement
libéral du Québec pour endosser, pour faire les pressions qui
s'imposent auprès du gouvernement fédéral pour corriger
une situation aussi aberrante?
Vous remarquerez, Mme la Présidente, que ce n'est pas seulement
l'Association québécoise de l'industrie de la pêche qui
fait des pressions auprès du gouvernement fédéral dans ce
domaine. Il y a aussi un consortium qui s'est formé au cours de
l'année 1987. Je veux bien comprendre que l'actuel ministre
délégué aux Pêcheries avait en quelque sorte quelque
chose à faire dans la création de ce consortium. Ce consortium de
douze entreprises de pêche du Québec et du Nouveau-Brunswick
réclame effectivement justice.
Depuis l'entrée en vigueur en 1977 de l'élargissement de
la zone de pêche exclusive à 200 milles sur la côte
atlantique, la baisse de la proportion des captures de poisson de fond se
traduit par une perte cumulative de 115 300 tonnes métriques de morue et
de 214 000 tonnes métriques des autres espèces de poisson de fond
pour le Québec et le Nouveau-Brunswick. J'ai bien dit pour le
Québec et le Nouveau-Brunswick. Les industries du Québec et du
Nouveau-Brunswick utilisent seulement 15 % de leur capacité
théorique de transformation en plus d'avoir à s'approvisionner
sur une base très concurrentielle alors que les grandes entreprises de
Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse se voient attribuer par le
gouvernement fédéral des allocations hau-turières
extrêmement importantes. Compte tenu que le niveau d'exploitation des
poissons de fond dans le golfe Saint-Laurent ne peut plus être
augmenté, les industries de pêche du Québec et du
Nouveau-Brunswick n'ont pas d'autre choix que de se tourner vers la côte
atlantique pour assurer la viabilité de leurs entreprises, leur
stabilité et le maintien des emplois actuels.
Un fait est à remarquer. Les
entreprises du Québec et du Nouveau-Brunswick ont fort ft faire
pour rentabiliser leurs activités sur six ou dix mois par année
avec un demi-quart de travail par jour. Pendant ce temps, les entreprises qui
les concurrencent sur le marché se plaignent de ne pouvoir maintenir
leurs deux quarts de travail durant toute l'année. Comme les entreprises
membres du consortium désirent participer ft part entière ft
l'exploitation de la ressource hauturière commune de la zone de 200
milles au même titre que les autres partenaires canadiens et avant
d'autres partenaires étrangers, ft moyen terme, l'adjudication
d'allocations hauturières pour les poissons de fond permettrait aux
membres de la Société de pêche Nova Nord ltée de
faire construire des chalutiers congélateurs modernes de 60
mètres, de créer 125 nouveaux emplois-années ft terre et
une quarantaine en mer par chalutier congélateur. Mais, pour ce faire,
il faut des autorisations fédérales. La Société de
pêche Nova Nord ltée a fait parvenir ft M. Tom Siddon, ministre
fédéral des Pêches et Océans, les demandes
suivantes: lui accorder des poissons de fond selon la répartition, 75 %
de morue, 25 % de flétan du Groenland, sébaste et plie, lui
attribuer 68 400 tonnes métriques de poisson de fond par année
selon la formule suivante: 34 500 tonnes par année durant les trois
prochaines années et y ajouter 11 300 tonnes métriques par
année pour les trois années subséquentes, pour obtenir un
total de 68 400 métriques en phase 2.
La Société de pêche Nova Nord ltée est d'avis
qu'il est grandement temps de changer les règles du jeu et
d'établir la quantité et la nature de la ressource qui devrait
lui être attribuée pour rectifier le déséquilibre
qui existe depuis 1977.
Mme la Présidente, je voudrais ici vous mentionner qu'en rapport
avec la zone de 200 milles il est bien connu que le gouvernement canadien a la
responsabilité des pêches entières et intérieures et
ce, par l'article 91, paragraphe 12, de la constitution. Il assume donc la
gestion de toutes les ressources halieutiques,. voire la répartition et
l'affectation des ressources entre les divers segments de l'industrie
canadienne de la pèche. C'est là un immense pouvoir puisqu'il
permet le contrôle de l'ensemble des activités reliées ft
la pêche. (23 heures) '
Rappelez-vous, Mme la Présidente - et je m'adresse ici aux
membres de l'Assemblée nationale - que, le 11 juillet 1983, par un coup
de tête, l'ancien ministre de Pêches' et Océans Canada, M.
de Bané, a enlevé des pouvoirs que le Québec avait depuis
1922 quant ft la délivrance des permis de pêche et quant au
contrôle des quotas ft l'intérieur du golfe. C'est à ce
moment-là que le gouvernement du Québec du temps a dû
intervenir pour mettre un accent encore plus fort sur son plan d'action quant
aux investissements des usines que nous avions sur le territoire maritime
québécois en plus de continuer à affecter les fonds
nécessaires pour la construction de bateaux tout en sachant très
bien que, quant ft la construction de bateaux, quant aux personnes qui
devenaient détentrices de permis de pêche, même si
c'étaient des pêcheurs québécois, les
décisions quant ft ces personnes, quant au nombre de permis face aux
quotas appartiennent maintenant au gouvernement fédéral. Que je
sache, les interventions de l'actuel gouvernement libéral n'ont pas
été tellement fortes face au gouvernement fédéral
et ce, dans plusieurs domaines.
Si je continue, les politiques et les programmes provinciaux de
formation à la pêche et de développement industriel sont
fortement conditionnés par des décisions fédérales
de limiter l'expansion des flottes de grande pêche ou d'affecter des
ressources halieutiques ft tel engin de pêche plutôt qu'à
tel autre ou à telle flotte plutôt qu'à une autre. Il faut
se demander si le gouvernement du Canada n'outrepasse pas ses
responsabilités constitutionnelles. Les plaidoyers provinciaux en faveur
d'un changement constitutionnel portent essentiellement sur deux points: leur
responsabilité première en matière de développement
industriel sur leur territoire et leur plus grande sensibilité, voire
une meilleure connaissance des marchés locaux et provinciaux de
l'emploi. Bref, les pêches sont perçues comme un outil provincial
de développement et de l'emploi.
Il devra y avoir un consensus constitutionnel sur deux grands principes
fondamentaux, la liberté d'accès à toutes les ressources
et ft toutes les zones de pêche de la côte atlantique canadienne
par les provinces de Terre-Neuve, de Nouvelle-Écosse, du
Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Québec
et une répartition équitable de toutes les ressources
halieutiques de toutes les zones de pêche entre les cinq provinces
concernées, puisque nous sommes toujours dans la constitution
canadienne. Cela demande une coordination des politiques structurelles et des
interventions fédérales et québécoises dans le
domaine des pêches.
Si on remarque ce qui s'est passé au cours des dernières
années, l'équité dans la répartition des ressources
entre les divers utilisateurs des provinces atlantiques n'a pas
été respectée. Un tel principe devrait être
facilement accepté par tous les intervenants des provinces maritimes.
Actuellement - cela m'a frappé lorsque j'ai eu l'occasion de lire ces
informations et de les obtenir, d'ailleurs - il y a deux grandes
sociétés qui sont choyées par le gouvernement
fédéral: Fishery Products International et National Sea Products.
En 1987, la première se voyait
octroyer 43,71 % des quotas hauturiers, ou 196 938 tonnes
métriques de poisson de fond alors que la deuxième
bénéficiait de 38,25 % des quotas, ou 172 324 tonnes
métriques. Ces allocations quadruplent les captures cumulatives de
poisson de fond de toutes les flottes combinées du Québec, du
Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, soit quelque 95
000 tonnes en 1986.
Ces allocations contribuent-elles à duopoliser l'industrie de la
pêche et à concentrer la rente des ressources halieutiques
canadiennes à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse? Bien sûr,
les autres provinces sont à même de réaliser
l'étendue des distorsions et demandent de ce fait d'accéder
équitablement au club des deux provinces les mieux pourvues. J'y crois
fermement et, là-dessus, je suis prêt à faire tout le
nécessaire pour aider le ministre délégué aux
Pêcheries à faire les pressions nécessaires. Il est
nécessaire de faire toutes ces pressions pour permettre qu'il y ait des
changements dans la politique fédérale quant à la
distribution des quotas dans la zone de 200 milles, parce que tout le monde
sait très bien qu'au moment où l'on se parle, il est impossible
d'augmenter les quotas à l'intérieur du golfe et à
l'intérieur des zones en place dans le fleuve Saint-Laurent.
Mme la Présidente, si vous me le permettez, je voudrais souligner
ici un autre point qui a beaucoup d'importance pour moi. C'est, bien sûr,
le rapport qu'en font les journaux quand on parle de la zone de 200 milles. On
n'a qu'à regarder, par exemple, un article du Droit d'Ottawa-Hull
du mercredi 22 juillet 1987: Vers une présence accrue du Québec
dans la zone de pêche, c'est-à-dire la zone de 200 milles
où on donne certaines explications et où on donne aussi certains
voeux qui sont souhaités, certaines demandes qui sont faites par
différentes institutions de pêche au Québec et même
à l'extérieur du Québec dans les Maritimes.
On peut lire aussi dans Le Devoir du lundi 27 juillet 1987, en
gros titres: "Les pêcheries québécoises ne survivront que
par la haute mer." Donc, à ce moment, il est nécessaire que le
gouvernement du Québec, et bien sûr il peut, à ce
moment-là, se rallier le Nouveau-Brunswick en particulier et
peut-être une autre province comme l'Île-du-Prince-Édouard,
fasse toutes les pressions qui s'imposent pour qu'on modifie substantiellement
la politique de distribution des quotas vers les provinces atlantiques, parce
qu'au moment où on se parle et à la suite des chiffres que je
viens de donner en cette Chambre, il est vrai qu'il existe une discrimination
en rapport avec Québec-Nouveau-Brunswick versus Terre-Neuve, la
Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard qui sont
nettement favorisées dans le domaine des quotas et en particulier dans
la zone de 200 milles.
Mises à part les annonces qui ont été faites par le
ministre quant à la création du consortium, quant à l'aide
financière qu'il apporte aux pêcheurs, quant aux modifications
qu'il a apportées aux programmes accessibles aux pêcheurs, il faut
absolument, pour permettre à nos usines québécoises de
fonctionner adéquatement et au maximum de leur capacité, des
actions précises du ministre délégué aux
Pêcheries, de son gouvernement, et ce, face au gouvernement
fédéral. À ce moment-là, je peux vous assurer que
l'ensemble des membres de cette Chambre, l'ensemble des fonctionnaires qui
interviendront auprès du gouvernement fédéral, l'ensemble
des institutions de pêche du Québec, l'ensemble des
pêcheurs, l'ensemble des travailleurs et des travailleuses d'usine auront
mon appui pour permettre que des actions concrètes soient faites
auprès du gouvernement fédéral pour corriger cette
situation aberrante.
Mme la Présidente, j'aurais eu le goût de parler longuement
sur la façon dont l'actuel gouvernement traite les pêches
maritimes, les modifications à des programmes, les modifications
législatives, les modifications apportées quant aux subventions
qui s'adressent aux pêcheurs, les modes de subventions qui sont
substantiellement amendées par rapport à ce qui était
permis antérieurement. Je voudrais bien qu'à ce
niveau-là... N'ayez aucune crainte, Mme la Présidente, je dis aux
membres de cette Chambre de n'avoir aucune crainte parce que l'Opposition
votera pour le projet de loi, mais je vais vous dire pourquoi. On n'est pas
nécessairement d'accord avec la façon dont l'actuel gouvernement
traite les pêches maritimes, les institutions de pêche, les
pêcheurs, les travailleurs et les travailleuses d'usine, les programmes
existant antérieurement, on n'est pas d'accord avec la façon dont
on modifie substantiellement ces programmes et ces aides financières.
(23 h 10)
Là où on est d'accord, malgré qu'on puisse se poser
de sérieuses questions quant aux attributions, c'est sur le fait que le
montant de 10 000 000 $ prévu dans la loi actuelle soit haussé
à 30 000 000 $. Pourquoi? Parce qu'il est vrai que beaucoup de demandes
sont faites par des pêcheurs pour obtenir des subventions, des garanties
de prêt, en particulier des garanties de prêt de la part du
gouvernement. On doit traiter ces demandes dans les plus brefs délais.
On doit faire en sorte d'accélérer la machine gouvernementale
pour que plusieurs de ces demandes soient traitées dans les prochains
jours et qu'on mette en chantier le maximum de bateaux dans les usines
accréditées pour ce faire, et ce, dans des usines du
Québec et non de l'extérieur du Québec afin que nos
pêcheurs continuent à pouvoir profiter d'une flotte qui va
sûrement permettre d'accélérer le commerce, le nombre de
prises et surtout, et je dis bien surtout, la qualité que nous devons
avoir pour les consommateurs et consommatrices du Québec et aussi pour
les consommateurs et consommatrices de l'extérieur du Québec.
Mme la Présidente, je voudrais terminer en disant que les efforts
faits par l'ancien gouvernement ont vraiment contribué à
restructurer les pêches au Québec. J'ai bien dit au cours de mon
discours qu'on n'avait pas tout fait, parce que justement il y en avait trop
à faire lorsqu'on a été élu en 1976. Par contre, il
faut que le gouvernement libéral continue à mettre l'accent sur
des investissements dans le domaine des pêches pour permettre que cela
continue d'avancer d'une façon équitable.
Je demande au ministre délégué aux Pêcheries
de bien apprendre ses leçons parce qu'il y a des choses à
regarder par rapport à ce qui s'est passé. Je demande au ministre
délégué aux Pêcheries de faire ses devoirs pour
aider et ce, substantiellement, les travailleurs et travailleuses d'usines,
pour aider les propriétaires des usines de transformation, pour aider
les pêcheurs qui sont eux-mêmes régulièrement en mer,
sept, huit, dix, douze mois par année. Il ne faut pas qu'il se
gêne non plus de faire face au gouvernement fédéral quand
ce sera le temps d'obtenir des ressources nécessaires dans la zone de
200 milles,' pour obtenir des permis de chalutage nécessaires pour les
pêcheurs québécois, enfin que notre industrie des
pêches continue de faire des grands pas en avant. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Duplessis. M. le député de Richmond.
M. Vallières: Mme la Présidente, après ce
long et convaincant témoignage de l'Opposition en faveur du projet de
loi 99, je voudrais que l'on puisse, à la suite du consentement des
leaders de l'Opposition et du gouvernement, ajourner ce débat.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: Oui. J'appelle l'article 16, Mme la
Présidente.
Projet de loi 75 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 16 de notre feuilleton, le
ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 75, Code
de procédure pénale. M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux de
présenter devant l'Assemblée nationale un projet de loi qui
intéresse et touche l'ensemble des justiciables du Québec, soit
le Code de procédure pénale. Il s'agit d'un projet de
réforme qui devrait donner un souffle nouveau à l'administration
de la justice pénale du Québec.
Depuis de nombreuses années déjà, ceux qui ont
été en contact avec le système de justice pénale
ont eu l'occasion de constater que la procédure de poursuite des
infractions aux lois du Québec était trop lourde, trop
coûteuse, tant pour le justiciable que pour l'administration de la
justice, et que l'efficacité de la procédure pouvait et devait
être améliorée.
Cette situation s'explique en partie du fait que la loi qui régit
la procédure pénale depuis 1922, soit la Loi sur les poursuites
sommaires, n'a pas été revue en profondeur depuis son adoption.
En effet, sauf en ce qui a trait aux alternatives à l'emprisonnement
pour défaut de paiement de l'amende instaurées en 1982, cette loi
n'a pas été modifiée de manière à s'adapter
à l'évolution rapide des besoins de notre société.
Ainsi, cet ancien régime de poursuite prévoit, tout d'abord,
l'étape de la dénonciation qui survient trois ou quatre mois
après l'infraction. La dénonciation est suivie par la
délivrance d'une sommation par un juge, laquelle est signifiée au
contrevenant afin qu'il comparaisse quelques mois plus tard. Au moment de sa
comparution, le défendeur perd, au moins, une matinée pour
déclarer son plaidoyer et doit encore attendre plusieurs mois pour que
sa cause soit entendue.
Avec un tel système procédural, il n'est pas surprenant de
constater que, dans 85 % des poursuites, c'est-à-dire dans les cas
où le défendeur plaide coupable à l'infraction dont il est
accusé, il s'écoule en moyenne un minimum de six mois avant que
l'infraction soit sanctionnée. Cette lourdeur de la procédure
actuelle ne peut avoir que des conséquences négatives sur
l'incitation au respect de la loi par les citoyens.
Devant cette situation, le législateur a tenté, au cours
des -dernières décennies, de résoudre un à un les
problèmes causés par l'application de cette procédure.
C'est ainsi que, pour éviter de faire subir aux citoyens les
inconvénients des multiples étapes du système de justice
pénale, le législateur a donné dans certaines lois la
possibilité de payer immédiatement l'amende et les frais
indiqués sur un avis préalable d'infraction,
par exemple, pour les infractions au Code de la sécurité
routière, aux règlements municipaux relatifs à la
circulation et au stationnement, et à la Loi sur la conservation et la
mise en valeur de la faune.
Toutefois, la procédure par voie d'avis préalable
d'infraction perd son intérêt lorsque le citoyen ne paie pas
l'amende réclamée, car elle n'est alors qu'une étape de
plus dans un processus de poursuite déjà trop long. Dans ce cas,
il faut, en effet, pour obtenir jugement, reprendre toute la procédure
prévue dans la Loi sur les poursuites sommaires, c'est-à-dire
qu'à défaut de paiement sur avis préalable il faut
reprendre toute la procédure traditionnelle par voie de
dénonciation.
De plus, l'application de solutions partielles dans chacune des lois a
conduit à une prolifération d'exceptions au régime
principal de poursuite. Des règles de procédure
particulières difficilement intégrables à la
procédure générale se sont développées dans
chacune des lois et sont susceptibles de mettre en cause l'ensemble du
système pénal. Elles peuvent, de plus, donner lieu à des
interrogations sur le respect des droits fondamentaux des citoyens, notamment
quant à l'égalité de tous devant la loi.
Il était donc impérieux de créer un système
uniforme pour la sanction pénale de toutes les lois du Québec
plutôt que de procéder à la pièce à la mise
à jour de la procédure pénale par voie d'amendement
à la Loi sur les poursuites sommaires ou aux lois sectorielles. C'est
pourquoi notre ministère a entrepris une révision globale de
l'ensemble de la procédure pénale applicable au Québec. Le
projet de Code de procédure pénale maintenant soumis à
l'attention de cette Assemblée répond aux attentes depuis
longtemps formulées par tous ceux qui sont préoccupés de
justice pénale au Québec. Fruit d'un long travail de recherche et
de nombreuses consultations, il a été examiné par des
spécialistes oeuvrant tant dans les domaines judiciaire ou
académique que par des praticiens en défense ou en poursuite.
De plus, la rédaction du présent projet a
été précédée par celle d'un avant-projet de
Code de procédure pénale qui a été soumis à
un examen public lors de la commission des institutions tenue en mars dernier.
L'avant-projet y fut accueilli favorablement par l'ensemble des intervenants
qui, de plus, nous ont fait bénéficier de leurs critiques
constructives, ce qui a permis d'apporter certains ajustements au projet de
loi. (23 h 20)
Pour illustrer cette évolution de l'avant-projet de loi,
soulignons plus particulièrement que nous avons révisé ou
même supprimé certaines règles de preuve qui avaient
été interprétées comme pouvant porter atteinte
à la tradition d'interprétation restrictive du droit
pénal, interprétation perçue comme garante des droits des
justiciables.
De plus, nous avons implanté le système de
télémandats, déjà utilisé en matière
criminelle pour permettre aux autorités judiciaires de contrôler
les perquisitions de manière à prévenir, dans un maximum
de cas, les atteintes aux droits, au respect de la vie privée. Nous
avons aussi assoupli les règles relatives à la prescription et
restreint les cas où un cautionnement pouvait être exigé
d'un défendeur. En somme, nous avons tenté d'établir le
meilleur équilibre possible entre les droits des individus et les
impératifs de l'administration de la justice pénale.
Le constat d'infraction demeure, sans nul doute, l'axe principal de la
réforme. C'est autour de cette nouvelle procédure introductive
d'instance que se greffent les règles relatives à la perquisition
et à l'arrestation, les demandes préliminaires, l'instruction de
la poursuite ainsi que les différents moyens de se pourvoir contre un
jugement, comme la rétractation ou la rectification de jugements, les
recours extraordinaires ainsi que les appels à la Cour supérieure
ou à la Cour d'appel du Québec.
Pour bien comprendre la raison pour laquelle le constat d'infraction
constitue l'élément essentiel de la réforme, il faut
savoir que ce constat, qui est un document remis à une personne pour lui
signifier qu'elle est accusée d'avoir commis une infraction et qu'elle
devra subir une peine en cas de déclaration de culpabilité, sert
à introduire toutes les poursuites pénales pour sanctionner
chacune des infractions aux lois du Québec. Le constat d'infraction
supprime les actuelles étapes d'introduction de la poursuite qui sont:
l'avis préalable, la dénonciation, la sommation et la
comparution. Le constat permet plutôt une communication directe entre le
poursuivant et le défendeur. Il indique, en effet, au défendeur
ce dont il est accusé, la peine réclamée ainsi que la
procédure à suivre pour prendre ses responsabilités et
faire valoir ses droits. Il serait, par exemple, inscrit sur le constat que le
défendeur a 30 jours à compter de la signification pour faire
connaître au poursuivant sa position face à l'accusation. Il devra
alors faire parvenir dans ce délai et à l'endroit qui lui est
indiqué sur le constat soit un plaidoyer de non-culpabilité, soit
un plaidoyer de culpabilité avec le paiement du montant d'amende
exigé, soit un plaidoyer de culpabilité avec une indication de
son intention de faire des représentations quant à la peine.
En somme, le constat permet de circonscrire les litiges et de redonner
au débat pénal son véritable caractère
adversaire. Avec ce constat, le défendeur saurait exactement
quelle accusation pèse contre lui et quelle est la peine qui peut lui
être imposée en cas de déclaration de culpabilité.
En somme, les renseignements contenus dans le constat d'infraction permettront
au défendeur d'être mieux informé avant de transmettre un
plaidoyer. De plus, la formule de constat est suffisamment souple pour
s'adapter aux cas les plus simples, comme les infractions aux règlements
sur le stationnement, ou aux cas les plus complexes, comme en matière
fiscale ou en matière de valeurs mobilières.
Voici concrètement comment peut se dérouler cette
procédure. Dans les cas les plus simples, le constat d'infraction pourra
être remis de main à main au contrevenant par l'agent de la paix
dès que celui-ci aura constaté que le défendeur a commis
une infraction. Dans les cas plus complexes, soit ceux qui nécessitent
une enquête plus approfondie, la signification de constat d'infraction
pourrait généralement être faite dans l'année qui
suit l'infraction par un agent de la paix, un huissier, ou par courrier
recommandé ou certifié.
Cette procédure est en outre certainement moins coûteuse
tant pour le citoyen que pour l'administration de la justice car elle permet de
faire des économies de temps et d'argent par l'élimination des
coûts attachés aux étapes actuelles introductives de
poursuite. Elle va également contribuer à diminuer le nombre des
remises avant l'instruction ainsi que l'assignation inutile de témoins.
De plus, on peut escompter une diminution- du taux d'occupation des salles
d'audience et du nombre de dossiers ouverts dans les greffes des tribunaux.
Finalement, l'accélération du processus d'introduction de la
poursuite aura certainement un effet d'entraînement sur la perception des
amendes et l'exécution des jugements sans compter les économies
réalisées au niveau carcéral par l'implantation à
l'échelle provinciale des mesures alternatives à
l'emprisonnement.
La réforme de la procédure ne se limite pas dans le
présent projet à simplifier les règles d'introduction de
la poursuite. Elle commence déjà au moment de l'enquête sur
l'infraction. C'est pourquoi les règles générales de droit
relatif aux perquisitions ont été exposées de
manière à faire ressortir clairement les limites qui ont
été tracées par le "common law" et les tribunaux. Les
obligations de ceux qui effectuent des perquisitions comme celles de
s'identifier, de rédiger un procès-verbal de saisie et d'assurer
la garde des choses saisies ont été mises en évidence. Il
en est de même des droits des citoyens d'examiner ces choses, d'en
obtenir la remise et d'être protégés contre la saisie de
renseignements confidentiels.
De plus, le principe de l'accès aux documents relatifs aux
perquisitions a été affirmé. Il est maintenant possible de
prendre connaissance d'un mandat de perquisition et de la déclaration
qui a donné lieu à sa délivrance. Cet accès
pourrait cependant être limité dans les cas où la
protection d'une source d'information ou de la vie d'une personne, le respect
de droit à la vie privée ou le déroulement d'une
enquête en cours l'exigent.
Par ailleurs, les possibilités de perquisition sans mandat ont
été limitées au maximum. Désormais, si une
situation d'urgence empêche la délivrance d'un mandat de
perquisition, celui qui doit perquisitionner devra obtenir un
télémandat. Ainsi, tous les moyens ont été pris
pour protéger le droit des personnes à leur vie privée
tout en donnant de meilleurs outils à ceux qui appliquent la loi.
Un même souci de respecter les droits des justiciables
allié à une volonté d'efficacité administrative se
manifestent en matière d'arrestation. Ce pouvoir de contrainte est
strictement limité aux cas où il est clairement établi
qu'un individu cherche à faire échec au système de justice
pénale et à contrevenir impunément aux lois et
règlements du Québec. Dans cette perspective, le pouvoir
d'arrestation se limite à trois cas précis, soit lorsque le
contrevenant refuse de déclarer ses nom et adresse pour empêcher
la signification d'un constat d'infraction, lorsque c'est le seul moyen
d'empêcher la perpétration d'une infraction ou sa continuation, ou
lorsqu'une personne refuse de fournir un cautionnement alors qu'il y a des
motifs raisonnables de croire qu'elle veut se soustraire à la justice en
quittant le territoire du Québec. (23 h 30)
Par ailleurs, l'arrestation devra être pratiquée dans le
respect du droit à la vie privée des citoyens. De plus, celui qui
procède à l'arrestation devra informer le contrevenant avant
d'agir puis le remettre en liberté dès que la détention
n'est plus justifiée.
La volonté d'appliquer les lois tout en respectant la
liberté des justiciables trouve son aboutissement dans l'affirmation du
fait que l'emprisonnement devient une mesure exceptionnelle de sanction des
infractions pénales au Québec. Ainsi, il n'y a plus de peine
d'emprisonnement sauf si le législateur le prévoit
expressément ou s'il s'agit d'un cas d'emprisonnement pour outrage au
tribunal ou pour défaut de paiement d'une amende.
Il convient cependant, Mme la Présidente, de souligner que toutes
les précautions possibles ont été prises pour
éviter l'emprisonnement pour défaut de paiement d'une somme due
par un contrevenant. Les mesures alternatives à l'emprisonnement,
par exemple, les travaux compensatoires, s'appliqueront désormais
pour l'exécution de tous les jugements rendus au Québec en
matière pénale, y compris ceux rendus par les juges des cours
municipales. Ces mesures pourront, de plus, être offertes aux mêmes
contrevenants qui ont été déclarés coupables par
défaut et que l'on n'a pu retracer après jugement.
Dans le cas de ces introuvables, au lieu de déclarer
immédiatement un mandat d'emprisonnement contre eux, il sera
désormais possible de décerner un mandat pour les amener devant
le percepteur afin que celui-ci puisse, le cas échéant, leur
offrir d'exécuter des travaux compensatoires ou prendre les mesures
appropriées pour qu'ils satisfassent au jugement rendu contre eux. En
outre, il est à remarquer que les agents qui exécutent le mandat
pourront remettre le contrevenant en liberté si celui-ci déclare
sa nouvelle adresse et s'engage à rencontrer le percepteur.
À toutes les précautions prises au niveau de
l'enquête et l'exécution des jugements s'ajoute celle prise pour
assurer au citoyen une défense pleine et entière et un jugement
fondé sur le respect des règles de droit. Le code introduit en
outre le recours à la rétractation de jugement, soit à la
demande du défendeur qui n'a pas eu l'occasion de faire valoir sa
défense, soit à la demande d'un poursuivant qui se rend compte
qu'un défendeur a été déclaré coupable
injustement par suite d'une erreur administrative.
En terminant, Mme la Présidente, je peux donc encore une fois
vous assurer que la réforme proposée aujourd'hui a
été marquée par un souci d'objectivité et
d'équité et que ce code, tout en permettant une
amélioration de l'administration de la justice pénale au
Québec, protégera mieux tant les justiciables que la
société. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice M.
le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir
d'intervenir sur le projet de loi 75 qui, malgré sa présentation
un peu technique, n'en revêt pas moins une importance capitale pour
l'ensemble des justiciables du Québec, et je vais vous expliquer
pourquoi.
D'abord, le projet de loi 75 contient essentiellement la
procédure applicable lorsqu'une poursuite sera intentée à
la suite d'une perpétration d'une infraction à une loi
adoptée par ce Parlement. Ce qu'on appelle dans le jargon tout le droit
statutaire pénal sera donc maintenant régi non pas par la Loi sur
les poursuites sommaires, mais bien plutôt par ce nouveau Code de
procédure pénale. Important donc, parce que l'ensemble des
citoyens sont appelés à comparaître à un moment ou
l'autre de leur vie ou à recevoir, pour donner un exemple plus concret,
un billet de contravention au Code de la sécurité
routière. D'autres lois, par exemple, qui sont fréquemment
l'objet de poursuites devant les tribunaux, la Loi sur les impôts, la Loi
sur les valeurs mobilières du Québec ou n'importe quelle autre
loi statutaire.
Comme vous le savez, ce Parlement a adopté un nombre
considérable, volumineux, de lois. Plusieurs ne donnent pas lieu
à des poursuites, mais plusieurs autres sont quand même
appliquées quotidiennement. En deux mots, il n'y a pas beaucoup de
citoyens ou de citoyennes qui n'ont jamais eu affaire avec les tribunaux pour
des infractions au droit statutaires québécois.
Le présent projet de loi contient donc la procédure qui
devra être suivie par les tribunaux pour que justice soit rendue. C'est
un projet de loi important. Il est quand même paradoxal, Mme la
Présidente, qu'un projet de loi d'une importance semblable soit
appelé à 23 h 45, jeudi soir, alors qu'il n'y a aucune cour de
justice qui siège, qu'il n'y a même aucun jury qui est contraint
de délibérer à cette heure. Mais, quand même, comme
législateurs, on nous demande de faire notre travail à cette
heure avancée, presque de la nuit. On en est - vous l'aurez compris
aisément - donc à cette période de fin de session
où des éléments importants de notre législation
seront discutés, alors il n'y a à peu près que les
insomniaques qui nous écoutent, alors que l'esprit même des
parlementaires est moins efficace, en vertu de la loi des rendements
décroissants, qu'il pouvait l'être ce matin.
Alors, c'est donc à cette heure tardive que l'on nous demande
d'étudier une pièce de législation d'apparence
rébarbative, j'en conviens, pour le député de Bourget ou
pour d'autres. Ces pièces de législation sont l'affaire
d'avocats, d'avocasseries, de juridisme, de légalisme, bien non!
Justement, le Code de procédure pénale, le projet de loi 75,
c'est un peu l'affaire de tout le monde, parce que tout le monde va avoir
à se présenter devant les tribunaux pour avoir garé son
automobile un peu plus longtemps que prévu ou à cause de la Loi
sur les impôts, ou à cause de la Loi sur les valeurs
mobilières, ou à cause de n'importe quelle autre infraction en
vertu de la Loi sur les poursuites sommaires du Québec.
Quel député... Il en reste peu à cette heure
tardive - nous n'invoquerons pas le quorum me signale le leader de l'Opposition
- qui peuvent écouter les propos du ministre de la Justice, les miens ou
ceux des députés qui voudront bien s'ajouter, par la suite, aux
nôtres, mais quel député n'aura pas à son
bureau de comté, dans quelques mois, le cas d'un individu qui
aura eu une perquisition sans mandat, le cas d'un individu qui n'aura que
trente jours pour prendre connaissance d'un constat d'infraction, qui pourrait
être mal libellé, qui ne contiendrait pas tous les
éléments essentiels ou un électeur qui se sera
présenté devant les tribunaux et pour lequel le juge aura
modifié l'acte d'accusation parce que le projet de loi lui permettra de
le faire.
Donc, Mme la Présidente, c'est un projet de loi dont l'importance
est inversement proportionnelle à l'attention que le parti
ministériel accorde à cette Chambre. Comme je le disais, c'est
quand même paradoxal, M. le ministre de la Justice - je m'adresse
à lui directement, vous me le permettrez - si aucune cour de justice ne
siège à 23 h 45 le soir, qu'on demande aux parlementaires de
faire leur travail de législateurs à cette heure-là. (23 h
40)
Mme la Présidente, le projet de loi 75 qu'on a devant nous a fait
l'objet - je tiens à le souligner immédiatement - d'un
avant-projet de loi, heureuse initiative prise par le ministre de la Justice...
Applaudissez maintenant parce que dans le reste, il y aura peu de sujets
où vous pourrez le faire. Donc, heureuse initiative du ministre de la
Justice et à la suite des consultations avec l'Opposition, que j'avais
l'honneur de représenter, on a pu entendre en commission parlementaire
plusieurs groupes: la Commission des services juridiques, le Barreau du
Québec, la Chambre des huissiers, la ville de Montréal, la
Commission des valeurs mobilières, la Corporation des maîtres
électriciens, les usagers de la langue française - j'en oublie un
- huit groupes, si ma mémoire est bonne, qui ont été
entendus en commission parlementaire sur l'avant-projet de loi.
Cette consultation sur l'avant-projet de loi a permis de modifier
considérablement l'avant-projet de loi qui avait été
déposé par le ministre de la Justice. Heureusement! Mais il
demeure encore à l'intérieur de ce projet de loi des
pièces de droit extrêmement capitales qui affectent, dans certains
cas, les droits fondamentaux des individus tels que reconnus notamment par la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne et
par la Charte canadienne des droits et libertés.
Il existe encore dans le projet de loi 75 plusieurs matières qui
affectent les droits fondamentaux des justiciables québécois. Il
faut se le dire maintenant, ce n'est pas vrai que le Code de procédure
pénale sera modifié tous les six mois ou tous les trois mois.
C'est une innovation avec laquelle nous sommes, mais il est primordial pour la
stabilité de la procédure pénale, de s'assurer que le Code
de procédure pénale que l'on voudrait voir adopter avant
l'ajournement des fêtes puisse être l'objet minutieux de la part
des parlementaires et également des groupes concernés comme ceux
par exemple qui nous ont fait part de leur opinion au moment de l'étude
de l'avant-projet de loi.
Je le dis immédiatement au ministre: le projet de loi a
été considérablement bonifié et corrigé dans
plusieurs de ses aspects. Mais il demeure que pour les praticiens du Code de
procédure pénale, il y aura peu d'avocats au Québec qui
n'auront pas à maîtriser ce Code de procédure
pénale, surtout quand on pense à ces jeunes avocats qui sortent
des facultés de droit en grand nombre, qui ouvrent des bureaux et qui se
retrouvent dans des situations où ils ne peuvent à peu
près pas refuser de causes parce qu'ils cherchent à faire
démarrer une pratique décente du métier qu'ils ont appris
à l'université. Donc, cela va affecter également les
praticiens, sans parler des magistrats eux-mêmes qui vont devoir
appliquer ce texte de loi et, on le sait, le râle des juges n'est pas de
refaire le droit, mais bien plutôt d'appliquer les lois qui sont
votées par les législateurs; donc, juges, magistrats, juges de
paix, les policiers, Mme la Présidente, qui devront pratiquer
quotidiennement ce Code de procédure pénale - je donnerai un
exemple tantôt qui est absolument un renversement de toute la tradition
établie au Québec et que les policiers devront appliquer. Je veux
parler du cautionnement qui devra être versé, j'en parlerai un peu
plus tard - et les justiciables eux-mêmes.
Tous ces intervenants directs ou potentiels, eu égard au Code de
procédure pénale, et l'intérêt de tous ces
intervenants comme l'intérêt de la justice la plus fondamentale
exigent que le ministre de la Justice agisse avec modération, sagesse et
prudence dans l'adoption de son projet de loi 75. C'est pourquoi, Mme la
Présidente, nous demandons que des consultations réduites... Nous
avons demandé à peine trois heures de consultations pour trois
groupes: la ville de Montréal, qui a à administrer un contentieux
de masse absolument faramineux, la Commission des services juridiques, qui a
produit un mémoire d'une qualité exceptionnelle à la
commission parlementaire sur l'avant-projet de loi et le Barreau du
Québec, trois organismes seulement que nous voudrions voir et entendre
par le ministre de la Justice et par les parlementaires au cours d'une
commission parlementaire réduite. Il ne s'agirait pas ici de retarder
l'ensemble du processus, il s'agirait simplement de permettre aux principaux
intervenants de donner leur point de vue sur ce projet de loi.
Le Barreau du Québec n'a pas eu l'occasion d'étudier le
projet de loi. La Commission des services juridiques ne nous a pas encore
fourni son mémoire. Alors
pourquoi cette précipitation à vouloir adopter le projet
de loi 75? Nous réitérons donc auprès du ministre de la
Justice notre demande de procéder avec modération dans l'adoption
du projet de loi 75 pour éviter que, le 21 décembre ou le 23
décembre, cette Chambre n'adopte à toute vapeur une pièce
de législation qui, je vous le dis, sera presque révolutionnaire,
compte tenu du conservatisme juridique, dans la vie quotidienne des
tribunaux.
J'ai traité de la question de la charte des droits. Même
ceux qui ne pratiquent pas le droit savent que la charte
québécoise des droits et la charte canadienne des droits sont des
outils tout à fait courants devant les tribunaux. On assiste
actuellement à un nombre tout à fait grandissant de
contestations, de poursuites, basé sur les chartes
québécoises et canadiennes devant les tribunaux. Le Code de
procédure pénale affecte, le ministre l'a reconnu dans son
discours tantôt, les droits les plus fondamentaux des individus. Si le
Code de procédure pénale n'est pas adopté de la meilleure
façon possible, on peut d'ores et déjà prévoir un
nombre considérable de contestations du Code de procédure
pénale par les praticiens, ce qui va créer dans le domaine
juridique une insécurité qui n'existe pas présentement
parce que, je vous le signale immédiatement, le Code de procédure
pénale contient des éléments de droit nouveau, bien
sûr, quant à la Loi sur les poursuites sommaires, mais
également des éléments de droit nouveau concernant
l'avant-projet de loi déposé par le ministre. Est-ce qu'on
voudrait chercher à ce que la constitutionnalité et la
légalité du Code de procédure pénale soit l'objet
de poursuites incessantes devant les tribunaux, qu'on ne pourrait pas agir
autrement?
Ce que je dis, Mme la Présidente, c'est qu'il n'y a absolument
aucune urgence pour le ministre de la Justice d'adopter ce projet de loi avant
le 23 décembre, aucune urgence. Il n'y a pas de vide juridique. La Loi
sur les poursuites sommaires est là. C'est une réforme entreprise
avant l'arrivée du présent ministre de la Justice, c'est un
travail qui a été amorcé sous les gouvernements
précédents. Pourquoi se précipiter? Pourquoi ne pas
profiter du délai d'intersession, par exemple, si le ministre ne veut
pas le faire actuellement, pour entendre certains groupes de sorte qu'au mois
d'avril, on puisse adopter un Code de procédure pénale qui se
tienne debout, qui marche autant en hiver qu'en été, qui ne sera
pas contesté quotidiennement devant les tribunaux et qui sera un petit
peu compris par les citoyens, par les policiers, par les avocats et par les
juges? Est-ce normal que le Barreau du Québec écrive en date
d'avant-hier qu'il est en train d'étudier le projet de loi, alors que le
ministre de la Justice voudrait l'adopter?
Pourquoi cette espèce d'empressement de la part du ministre de la
Justice à vouloir adopter le projet de loi 75? Je vais vous le dire
franchement, Mme la Présidente, je n'en vois pas. (23 h 50)
Si le gouvernement veut meubler le menu législatif qu'il aura
fait adopter avant l'ajournement des fêtes, je vais vous dire que ce
n'est pas le Code de procédure pénale qui va faire une
différence aux yeux des chroniqueurs politiques, aux yeux des
observateurs. On ne pourra pas dire: Écoutez, le Code de
procédure pénale, vous savez, on l'a adopté. Non. Je vais
vous dire que c'est une réforme, oui, mais on en attend bien d'autres en
matière de parité de l'aide sociale. On en attend bien d'autres
en ce qui concerne la participation au Régime de rentes de la femme au
foyer. Il y a bien d'autres préoccupations qui existent dans la
tête des citoyens que celle du Code de procédure
pénale.
Lorsque M. le leader du gouvernement fera sa conférence de presse
avec M. le premier ministre pour dire: Voici ce qu'on a fait durant la session,
ce n'est pas le Code de procédure pénale qui va faire la
différence. Pourquoi cet empressement, au-delà de la
réflexion du Barreau du Québec et de la Commission des services
juridiques, à vouloir adopter le projet de loi 75?
Je vais donner immédiatement un exemple au ministre. Je disais
qu'il y avait des éléments de droit nouveau là-dedans. Je
vais en formuler seulement un. Le projet de loi 75 va permettre à
l'agent de la paix qui procède à une arrestation de fixer un
cautionnement qui sera remis en argent comptant par le citoyen qui est victime
d'arrestation à l'agent de la paix. Cela veut dire que, pour la
première fois de l'histoire judiciaire du Québec, on introduit la
notion de transaction - passez-moi l'expression -mais, en tout cas, d'un
échange d'argent entre un policier qui est chargé d'appliquer la
loi et un citoyen qui, présumément, est ou pourrait être
trouvé coupable d'une infraction, le cautionnement étant
égal ou supérieur au montant correspondant à l'amende plus
les frais si l'individu était trouvé coupable de cette
infraction.
Dans certaines circonstances, c'est exactement ce que prévoit le
projet de loi. Si le ministre veut avoir les articles précis pour s'y
référer, il s'agit, sauf erreur, des articles 76 et 77 de son
projet de loi. On parle d'un échange d'argent possible entre l'agent de
la paix et le citoyen. Quand je dis échange d'argent, c'est le versement
d'un cautionnement qui se fera non pas au greffe du palais de justice, mais
entre les policiers et les justiciables. Cela veut dire ceci. Cela n'existe pas
dans notre droit. Le ministre veut introduire cela et il voudrait qu'on adopte
ces dispositions à toute vapeur pour
que tout le monde vive avec cela alors qu'il n'y a aucune
préparation et aucune information et qu'on n'a pas testé, bien
sûr, la constitutionnalité de ces articles. Je pense que c'est
vraiment un exemple qui est tout à fait frappant.
Le projet de loi 75 est destiné, le ministre l'a dit, à
réformer globalement la procédure applicable à la suite de
la commission d'une infraction à une loi ou à un règlement
du Québec. De façon générale, vous aurez compris,
je l'ai déjà dit, que c'est une initiative intéressante
que celle de revoir d'abord la Loi sur les poursuites sommaires et,
deuxièmement, de codifier la procédure pénale pour assurer
la plus grande uniformité possible au chapitre de la procédure
applicable dans la totalité des matières pénales
provinciales. Que la procédure actuelle soit trop lourde, soit! Je pense
qu'il n'y a pas de doute là-dessus. Quand on songe à la
procédure actuelle qui est suivie notamment par certaines
municipalités: avis préalables, dénonciations, sommations,
comparutions, etc., cela fait plusieurs étapes pour un billet de
stationnement. Cela fait aussi plusieurs étapes pour celui qui a
brûlé un feu jaune et qui désire tout simplement
s'expliquer devant un juge.
Donc, de vouloir réduire une procédure devenue trop
colossale, l'intention est certes louable. Cette procédure a
évidemment pour effet de rendre nécessaire la rédaction de
plusieurs documents. J'en ai cité quelques-uns tantôt: l'avis
préalable, la dénonciation, la sommation, la comparution. Ceci
entraîne des frais considérables pour les citoyens. À titre
d'exemple, je donne les chiffres de mémoire, Mme la Présidente:
un billet de stationnement de 10 $ coûte, en frais, au moins le double.
Et dans certains cas, si l'individu retarde à payer, cela peut
même presque décupler. C'est-à-dire qu'un billet de 10 $
pourra coûter 110 $ en fin de compte à cause de l'accumulation des
frais si le justiciable néglige de suivre les différentes
étapes qu'on lui soumet.
Donc, en plus de rédiger un tas de documents, la procédure
actuelle fait en sorte que les frais sont de plus en plus considérables.
Il y a les significations et les frais de huissier qui sont énormes, il
faut se le dire. Les huissiers servent d'auxiliaires précieux à
la justice mais il faut payer leurs déplacements. Les gens ne songent
pas beaucoup au coût de signification des procédures. Je ne
prétends pas que lorsqu'un billet coûte 110 $ à celui qui
le paie, le gouvernement fait 100 $ de bénéfice. Ce n'est pas
vrai. Le gouvernement ou l'instance municipale doit assurer un tas de frais,
dont notamment les frais de huissier qui ne sont pas appelés à
diminuer. On peut le dire, ce n'est pas vrai que les huissiers vont nous
coûter moins cher en 1987 qu'en 1977. Ceci nécessite
évidemment le déplacement de plusieurs personnes. Le ministre a
souligné tantôt en ce qui concerne le contenu du projet de loi le
fait que plusieurs témoins doivent se déplacer, etc. Tout cela
parfois, encore une fois, pour un simple billet de stationnement parce que
notre voiture a été garée cinq minutes de trop et que le
parcomètre indiquait expiré. Cela commence à faire pas
mal! On n'est tout de même pas accusé de meurtre là. Donc,
il s'agissait d'alléger la procédure, ce que le présent
projet de loi fait.
Les deux côtés de la balance dans le projet de loi, c'est
l'effort de rationalisation d'une part, l'effort de diminuer la bureaucratie et
d'accélérer la procédure, et l'autre côté de
la balance, c'est les droits fondamentaux. On ne peut pas ignorer les droits
fondamentaux, notamment quand on pense à certaines poursuites en vertu
de la Loi sur les valeurs mobilières, la Loi sur les impôts ou la
Loi sur la protection du consommateur où des vendeurs peuvent perdre
leur permis, donc perdre leur emploi. La Loi sur les valeurs mobilières
prévoit l'emprisonnement et il y a des fraudes qui peuvent être
assez considérables. La Loi sur la qualité de l'environnement
implique des déboursés considérables pour les compagnies
qui ont à oeuvrer dans des secteurs susceptibles de pollution. Il y a
aussi la Loi sur la protection de la santé publique et la Loi sur l'aide
sociale pour n'en citer que quelques-unes.
Donc, il y a des infractions qui peuvent entraîner la perte de
liberté, d'où la nécessité d'assurer un certain
formalisme dans la procédure pénale. Les droits fondamentaux et
le formalisme d'un côté et de l'autre côté
nécessité d'accélérer et d'alléger la
procédure. C'est une opération délicate que le ministre
voudrait nous voir réaliser en criant ciseau. Je regrette! Le type de
réflexion qui doit mener aux prises de décision dans le cas du
projet de loi 75 mérite un peu de considération.
L'efficacité administrative se fait occasionnellement dans le projet de
loi au détriment des droits individuels. Je suis d'accord que
l'efficacité administrative est nécessaire et que l'objectif,
comme je l'ai dit tantôt, d'un projet de loi comme le Code de
procédure pénale est justement de trouver le compromis
acceptable. Mais pourquoi se refuser à des consultations qui pourraient
éclairer les membres de la commission et le ministre sur la nature du
compromis que constitue son projet de loi 75? (minuit)
À cet égard, Mme la Présidente, des changements
à l'avant-projet de loi ont dû être apportés et
heureusement que l'avant-projet de loi n'a pas été adopté
tel quel! Je vais garder pour la commission le soin d'énumérer au
ministre les aberrations juridiques que contenait l'avant-projet de loi.
J'ai été heureux de constater que plusieurs ont
été corrigées, mais il en reste d'autres. Parce que,
encore une fois, l'atteinte aux droits fondamentaux - le ministre a
quitté l'université il y a longtemps - c'est quand même
important. On ne peut pas, pour arriver à créer une belle
procédure, une belle bureaucratie qui baigne dans l'huile, passer
par-dessus les droits fondamentaux surtout si le justiciable, lui, peut se
retrouver en prison. Je le dis immédiatement: Notre travail en
commission sera guidé par l'importance de certains droits fondamentaux
qui ont été longuement reconnus à la fois par la
jurisprudence, par la charte et que le projet de loi met de
côté.
Le prix à payer, Mme la Présidente, est trop
élevé, dans certains cas, pour que le ministre nous dise:
Écoutez, c'est un choix qu'on a fait, vous savez, c'est comme cela. Non.
De toute façon, le Code de procédure pénale va se
retrouver charcuté par les tribunaux et, dans deux ans, on se retrouvera
ici et il y aura eu 40 jugements qui l'auront invalidé. Cela n'a aucun
sens, comme ministre de la Justice, d'assumer cette responsabilité. Le
ministre ne peut ignorer les jugements qui ont été rendus en Cour
suprême en matière de droits fondamentaux, le ministre ne peut
ignorer le jugement qui a été rendu dans l'affaire Oakes sur le
renversement du fardeau de la preuve, le ministre ne peut ignorer le jugement
rendu par la Cour supreme dans l'affaire du Motor Vehicule Act de Colombie
britannique en ce qui concerne la responsabilité stricte et la
responsabilité absolue. Ce sont là des jugements de la plus haute
cour du pays, qui établissent des principes clairs que le projet de loi
écarte dans certains cas. Donc, le formalisme en matière
pénale, ce n'est pas seulement un caprice des cours de justice. Comme
l'a si bien dit le juge Wilson de la Cour suprême, dans l'affaire Singh
contre la reine, en matière d'immigration, les considérations
administratives ne doivent pas l'emporter sur les principes de justice
fondamentale. La Cour suprême a, d'ailleurs, eu l'occasion de
répéter ces considérations, cette affirmation dans le cas
du Code de la sécurité routière de la Colombie
britannique.
Je suis très sensible aux considérations bureaucratiques,
mais il y a un prix à payer et lorsque de prix est l'atteinte aux droits
fondamentaux, bien là, je dois vous dire que je ne... Le formalisme
existe depuis plusieurs siècles et a pour but d'éviter des abus.
On ne peut pas rester insensible à un cas d'injustice lorsque, encore
une fois, cela peut signifier pour un justiciable des montants d'argent
considérables ou la perte de sa liberté. Donc, il ne faut jamais
oublier que les raisons d'efficacité pouvant être avancées
par le législateur ne peuvent tenir face à des principes et
à des droits que les chartes reconnaissent au prévenu. Les
chartes sont des lois qui ont préséance. Si l'on veut vraiment
être cohérent avec nous-mêmes, je pense que ce serait
difficile pour le législateur d'arriver à adopter des
dispositions qui vont à l'encontre des chartes des droits et
libertés en espérant que cela dure trois ou quatre ans avant
qu'on ait un jugement sur la tête et qu'on soit obligé de revenir
ici pour modifier cela.
Par exemple, la présomption d'innocence; même ceux qui ne
sont pas avocats savent, je pense, grosso modo qu'on vit dans une
société où chaque individu accusé est
présumé innocent tant qu'un jugement final d'une cour
supérieure ne l'a pas reconnu coupable. C'est assez bien connu,
même en dehors de l'Université de Montréal et des
facultés de droit, les gens le savent, en général.
Pourtant, même si c'est un principe reconnu universellement, la
présomption d'innocence, qui fait partie intégrante de notre
droit pénal et du droit criminel, bien sûr, à titre de
règle jurisprudentielle et à titre de règle
législative et constitutionnelle, est écartée d'une partie
du projet de loi qui concerne les règles de la preuve. J'admets que le
chapitre qui concerne les règles de la preuve a été
remodelé de façon importante entre la version de l'avant-projet
de loi et le projet de loi 75. Mais, quand même, il demeure certains
accrocs à la présomption d'innocence. Par exemple, on peut citer,
uniquement à titre d'illustration, les articles 64 ou 71 du projet de
loi, qui sont, encore une fois, des accrocs possibles à la
présomption d'innocence.
J'aborderai maintenant une autre illustration de mon propos, soit le
droit à une décision impartiale. On sait que la procédure
du Code de procédure civile concernant l'outrage au tribunal est de plus
en plus critiquée. Plusieurs intervenants ont déjà
émis des commentaires selon lesquels il était contraire aux
droits fondamentaux qu'un juge soit à la fois juge et partie dans une
cause d'outrage. Encore une fois, même en dehors des cercles des
facultés de droit, il est clair, il est accepté qu'on ne peut pas
être juge et partie. On n'accepterait pas, même dans des forums
moins prestigieux que les cours de justice, que celui qui juge soit l'une des
parties. Pourtant, le projet de loi 75, déposé par le ministre,
bafoue ce droit à une décision impartiale en ce qui concerne
l'outrage au tribunal qui a été repris. Il y aurait donc lieu de
mettre au point un mécanisme afin que les causes d'outrage au tribunal
soient entendues devant un juge différent; pas le même juge devant
lequel l'outrage aurait possiblement été commis.
Autre illustration du droit à une défense pleine et
entière. Ce principe fondamental de la justice est également mis
en cause, mis en brèche, notamment, par
l'article 179 - je donne des exemples au ministre pour qu'il puisse se
préparer pour la commission parlementaire - du Code de procédure
pénale qu'il dépose. Cette disposition édicte que le juge
doit permettre au poursuivant de modifier un chef d'accusation pour y
préciser un détail ou pour corriger une
irrégularité, notamment, un élément essentiel de
l'infraction. Or, l'inculpé a le droit de connaître tous les
éléments essentiels du chef d'accusation qui le concerne.
Voilà quelques exemples, Mme la Présidente, car je ne
voudrais pas allonger nos débats à cette heure indue et je vais
réduire là ma liste d'illustrations. Voilà quelques
exemples, dis-je, du type de problématique que pose le projet de loi. Si
le ministre veut bien écouter notre suggestion, il va accepter de faire
une consultation particulière de trois heures. Il va accepter que les
organismes spécialisés dans ces problèmes soient entendus
en commission parlementaire. Il va donc accepter de reporter l'étude
article par article de son projet de loi après l'ajournement de
Noël, pour permettre, encore une fois, une réflexion plus
décantée, une réflexion mieux articulée afin
d'éviter que ne soient prises en fin de session des décisions qui
pourraient mettre en cause les droits des justiciables et qui pourraient
affecter des milliers de procès au Québec, tout cela pour faire
en sorte que justice soit mieux rendue. Ce qui est important, c'est que la
justice soit mieux rendue au Québec. Il ne s'agit pas d'ajouter à
un bilan de fin de session un Code de procédure pénale. (0 h
10)
Donc, avec ces illustrations, je suis convaincu que le ministre se
rendra à mes arguments. Je voudrais, en terminant, et, encore une fois,
sans allonger le débat, ajouter que, bien sûr, le projet de loi
contient également un point fort en ce qui concerne la réduction
minimale des peines d'emprisonnement. Je ne sais pas si le ministre l'a
signalé tantôt, mais c'est là une réforme entreprise
sous le gouvernement précédent, au début des années
quatre-vingt, visant à éviter la situation que dénonce le
rapport Landreville, soit que 50 % des gens, dans nos prisons, sont là
parce qu'ils n'ont pas payé leur amende. Quand on sait qu'un
détenu coûte environ 80 $ par jour à la
société, c'est bien sûr qu'il faut absolument
développer des alternatives à l'incarcération d'une
façon tout à fait accélérée. C'est là
une réforme entreprise - on me corrigera -je pense, en 1981 ou en
1982.
Par contre, je signale immédiatement au ministre que c'est beau
de favoriser les saisies mobilières ou immobilières, de favoriser
les travaux compensatoires, mais encore faut-il qu'il existe des ressources
humaines nécessaires pour appliquer et surveiller ces travaux
compensatoires. En deux mots, il faut des mécanismes adéquats qui
vont permettre l'exécution de ces travaux compensatoires, si on veut
qu'il existe de véritables alternatives à l'incarcération.
Autrement, les juges ne seront pas dupes de ce qui se passe et ne condamneront
pas à des travaux compensatoires. Les juges vont continuer à
condamner à la prison en se disant que les travaux compensatoires, il
n'y a, de toute façon, personne pour les appliquer. Il n'y a pas
suffisamment d'agents de probation, il n'y a pas suffisamment de personnel pour
le faire. Ces types-là ont des charges de travail absolument
phénoménales. Donc, avant de se péter les bretelles au
sujet des alternatives à l'incarcération, il faudrait s'assurer
que, de façon adéquate, on puisse traiter ces cas de travaux
compensatoires.
Mme la Présidente, j'aurais pu poursuivre mes propos beaucoup
plus longtemps. D'ailleurs, je m'étais préparé pour
entretenir cette Chambre beaucoup plus longtemps, mais il est minuit et douze
minutes et je ne voudrais pas abuser de la patience de mes collègues qui
m'écoutent encore, ceux ou celles qui m'écoutent encore. Nous
aurons l'occasion, en commission parlementaire, de revenir sur ces sujets,
mais, dans son droit de réplique, j'aimerais bien que le ministre tente
de nous expliquer pourquoi il tient absolument à voir adopter ce projet
de loi avant l'ajournement des fêtes. Pourquoi ne profite-t-il pas de
l'intersession pour qu'avec calme, modération, sagesse et prudence, les
qualités que l'on reconnaît généralement au ministre
de la Justice, on puisse étudier le projet de loi et faire en sorte que
ce qu'on adopte soit ce qu'il y a de mieux dans les circonstances?
Comme le disait le ministre de la Justice français, M.
Peyrefitte, un projet de loi est toujours perfectible, je le sais. Mais, dans
ce cas-ci, je dois dire que la perfection est loin d'être atteinte et
qu'il existe plusieurs secteurs du projet de loi qui mériteraient de
recevoir l'éclairage des intervenants. Or, là-dessus, je vous
remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taillon. M. le ministre de la Justice, en réplique.
M. Herbert Marx (réplique)
M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Cela m'a surpris quand
le député de Taillon a regardé l'horloge et a dit: II est
minuit et douze minutes, j'espère que quelqu'un m'écoute et ainsi
de suite. Quand on a quelque chose de sérieux à dire, il y a
toujours des gens pour nous écouter. J'aimerais dire au
député de Taillon que minuit et douze minutes, c'est tût,
ce n'est
pas tard, parce que je me souviens d'avoir été ici, en
cette Chambre, dans le salon bleu, à 4 heures, avec Pierre Marc Johnson,
qui était ministre de la Justice à l'époque où on a
fait l'étude article par article d'un de ces projets de loi omnibus de
300 ou 400 articles. Il n'y avait...
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Marx: ...même pas eu un président de
séance et, à la fin, vers 4 h 30, c'était
nécessaire pour moi de quitter mon siège, de venir ici et d'agir
comme président pour qu'il soit possible de clore le débat. Je
trouve qu'à minuit et quinze minutes, c'est tout à fait normal,
dans la période intensive de nos travaux.
Le député de Taillon avait raison de dire, lorsque j'ai
déposé un avant-projet de loi, qu'il était heureux qu'on
n'ait pas adopté l'avant-projet de loi, car un avant-projet de loi ne
peut être adopté, Mme la Présidente. Un avant-projet de loi
est déposé pour consultation. Nous avons déposé un
avant-projet de loi en décembre 1986, il y a maintenant un an. On a
donné à la population un an pour examiner notre projet de loi.
Nous sommes allés en commission parlementaire et nous y avons entendu,
comme le député l'a bien dit, des organismes.
Maintenant, le député de Taillon demande une consultation.
Premièrement, j'aimerais lui dire que nous n'avons pas reçu de
lettres d'organismes pour demander plus de consultation. Mme la
Présidente, j'aimerais souligner au député de Taillon que
les légistes du ministère de la Justice ont contacté
aujourd'hui le président de la Commission des services juridiques qui a
dit qu'il n'y a pas d'autre intervention à faire, que les interventions
que la commission a voulu faire étaient faites. Les légistes ont
contacté le directeur général du Barreau du Québec
et il semble que le Barreau n'ait pas d'autre intervention à faire dans
ce projet. Nous n'avons par reçu de lettre du Barreau du Québec,
à ma connaissance; je l'ai vérifié il y a quelques minutes
avec nos légistes.
En ce qui concerne la ville de Montréal, nous l'avons tenue au
courant jusqu'à la dernière minute de toutes les modifications
que nous avions apportées à l'avant-projet de loi et il semble
que la ville soit satisfaite des modifications que nous avons apportées.
Donc, Mme la Présidente, il n'y a aucune raison de tenir d'autres
consultations. À un moment donné, c'est aux députés
de prendre leurs responsabilités et de trancher s'ils ont deux opinions
différentes. Nous sommes prêts à prendre nos
responsabilités.
Le député de Taillon a donné un certain nombre
d'illustrations. Il a dit: II faut examiner telle et telle chose. Je ne peux
rétablir tous les faits, mais j'aimerais rétablir les faits dans
deux de ses illustrations. Il a parlé de cautionnement. Ah, bon! Rien
n'a changé, Mme la Présidente, le montant minimal est
déjà fixé par la loi; cela a été introduit
par mon ami, Marc-André Bédard, qui était ministre de la
Justice en 1982. J'étais d'accord avec le ministre à
l'époque et je suis d'accord avec cette disposition aujourd'hui. Ce que
nous faisons dans le projet de loi devant la Chambre, Mme la Présidente,
c'est modérer cette disposition, c'est-à-dire qu'elle s'applique
seulement si quelqu'un est sur le point de quitter le Québec et, si le
montant exigé comme cautionnement est supérieur à
l'amende, c'est un juge qui doit le déterminer. Je réfère
le député à l'article 74.1 de la loi actuelle sur les
poursuites sommaires.
Le député de Taillon, pour rétablir les faits quant
à sa deuxième illustration, il a dit: II y a des problèmes
avec la présomption d'innocence. Il a cité deux articles,
l'article 64 et l'article 71. Cette même disposition de l'article 64
existe dans la loi actuelle et l'article 71 est à peu près le
même que la disposition dans la Loi sur la preuve du Canada. Donc, je
pense qu'il n'y a pas vraiment de problème avec ces deux articles que le
député a soulevés. (0 h 20)
Mme la Présidente, en terminant, j'aimerais souligner que nous
avons déposé un avant-projet en décembre 1986. Nous avons
tenu une commission parlementaire où tout le monde a eu l'occasion de
s'exprimer. Nous avons modifié l'avant-projet et le projet qui est
devant la Chambre est prêt à être étudié
article par article en commission parlementaire et c'est notre intention.
Le député de Taillon, je l'admets, est un excellent avocat
qui fait des critiques qui se tiennent; on l'écoute en commission
parlementaire et on est prêt à l'écouter encore lors de
l'étude article par article. Chaque fois qu'on trouvera qu'il y a des
modifications à apporter à la loi, nous serons prêts
à accepter les modifications que proposera le député de
Taillon. On a toujours travaillé de cette façon à nos
commissions parlementaires et nous avons hâte de l'entendre à
l'étude article par article en commission parlementaire. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice.
Le débat sur l'adoption du principe étant clos, est-ce que le
principe du projet de loi 98, Loi modifiant le Code civil en matière
d'indexation... Je m'excuse, je me trompe de projet de loi...
M. Marx: Adopté.
La Vice-Présidente: Je m'excuse.
M. Marx: C'est le 75.
La Vice-Présidente: Ah! Je l'ai. Est-ce que le principe du
projet de loi 75, intitulé Code de procédure pénale, est
adopté?
M. Marx: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le ministre de la
Justice.
Renvoi à la commission des institutions
M. Marx: Mme la Présidente, je fais motion pour
déférer ledit projet de loi à la commission des
institutions.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: J'appelle l'article 26.
Projet de loi 98 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 26 de notre
feuilleton, le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet
de loi 98, Loi modifiant le Code civil en matière d'indexation de
pensions alimentaires. M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi que
nous étudions modifie le Code civil pour permettre l'indexation
automatique des pensions alimentaires octroyées par un jugement, tant en
matière de divorce qu'en matière de séparation de corps,
d'annulation de mariage ou de filiation. Actuellement, comme vous le savez, le
Code civil prévoit l'obligation pour le tribunal d'ordonner, à la
demande d'une partie ou d'office, l'indexation des aliments payables sous forme
de pension, selon l'indice annuel des rentes établi conformément
à la Loi sur le Régime de rentes du Québec, à moins
que la situation des parties ne justifie la fixation d'un autre indice. Ces
dispositions devront s'appliquer dans tous les cas où une ordonnance de
pension alimentaire est rendue.
Cependant, l'expérience passée nous a
révélé que ces dispositions n'atteignaient pas pleinement
les résultats escomptés. En effet, malgré son
libellé, il appert que les créanciers alimentaires oublient de
demander l'indexation et que les tribunaux oublient de se prononcer sur cette
question. Les tribunaux omettent trop souvent de prononcer l'indexation de la
pension alimentaire et ce, tant en matière de divorce qu'en
matière de séparation de corps. Une enquête récente
indique que, pour le district de Québec, sur 170 jugements de divorce
rendus en janvier 1987, 67, soit 39,4 %, prévoyaient une pension
indexée et 103, c'est-à-dire 50,6 %, accordaient une pension sans
prononcer son indexation. Pour ce qui est du district de Montréal, sur
1005 jugements de divorce rendus en janvier et février 1987, 491,
c'est-à-dire 48,9 %, attribuaient une pension avec indexation et 514,
c'est-à-dire 51,1 %, accordaient une pension sans prononcer son
indexation.
Il ressort donc de cet échantillonnage que les jugements de
divorce comportent en moyenne l'indexation du montant de la pension alimentaire
dans 44,1 % des cas. On ne peut donc, Mme la Présidente, que
déplorer le nombre important de créanciers alimentaires qui
perçoivent une pension non indexée à l'augmentation du
coût de la vie et qui, par le fait même, s'appauvrissent
annuellement.
Certes, dans l'état actuel du droit, il est possible pour les
créanciers alimentaires, dont le jugement omet de se prononcer sur
l'indexation, de se pourvoir en appel ou de présenter une requête
en révision de la pension alimentaire.
Toutefois, compte tenu des conditions auxquelles peuvent être
assujettis ces recours, des frais occasionnés, que la majorité
des créanciers ne sont pas en mesure de défrayer, et de
l'incertitude inévitable quant à la réussite de ces
recours, un grand nombre de créanciers alimentaires
préféreront supporter l'appauvrissement qui résulte de
l'inflation plutôt que d'entreprendre de telles procédures
judiciaires.
La solution à ces difficultés résidait, donc, dans
l'établissement d'une disposition générale qui permettra
l'indexation annuelle et de plein droit des pensions alimentaires
ordonnées dans le cadre d'un jugement de divorce ou autrement. Et c'est
la solution retenue dans le projet de loi présenté devant vous
aujourd'hui. En effet, ce dernier vise à remplacer les dispositions
actuelles du Code civil par une disposition générale qui a pour
but de maintenir la valeur monétaire réelle de la créance
qui résulte d'un jugement accordant des aliments payables sous forme de
pension en prévoyant leur indexation de plein droit le 1er janvier de
chaque année, suivant l'indice annuel des rentes établi
conformément à la Loi sur le Régime de rentes du
Québec.
Il est aussi précisé que cette règle d'indexation
de plein droit est sujette à une certaine discrétion judiciaire.
En effet, dans le cas où elle entraînerait une disproportion
sérieuses entre les besoins du créancier et les facultés
du débiteur, le tribunal pourrait soit fixer un autre indice
d'indexation, soit
ordonner que la créance ne soit pas indexée.
Il était, vous le conviendrez aisément, nécessaire
de prévoir une certaine discrétion judiciaire pour permettre au
tribunal d'éviter des situations injustes ou inéquitables pour
les parties. Ainsi, tout en érigeant la règle de l'indexation de
plein droit, la mesure proposée s'intègre harmonieusement au sein
des principes qui régissent, tant en vertu du Code civil que de la Loi
sur le divorce, la détermination des ordonnances alimentaires. En outre,
cette mesure s'applique pour tous de façon égale, que la pension
soit accordée en matière de divorce, de séparation de
corps, d'annulation de mariage ou de filiation.
Enfin, en évitant que l'écoulement du temps depuis un
jugement rendu ne soit un facteur qui préjudicie injustement aux
créanciers alimentaires, la mesure proposée s'inscrit dans la
lignée des articles 1056c et 1078.1 du Code civil qui apportent un
bénéfice similaire à d'autres catégories de
créanciers. À l'instar de ces dispositions, la mesure
proposée démontre notre volonté, dans le cadre des
compétences qui nous sont dévolues, d'améliorer la
situation de personnes qui, autrement, pourraient être indûment
défavorisées.
Telle est, donc, Mme la Présidente, la mesure proposée par
ce projet de loi. Son objectif clairement identifié est de maintenir la
valeur monétaire de la créance. J'estime qu'elle apporte une
solution concrète à un problème spécifique qu'il
importait de régler le plus tôt possible. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Je vais demander
l'ajournement des débats.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée? Adopté. Nous allons donc ajourner nos travaux
jusqu'à ce matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 30)