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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 3 décembre 1987 - Vol. 29 N° 149

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Que tous et chacun regagnent leur siège.

Un moment de recueillement, s'il vous plaît. Veuillez tous vous asseoir.

Affaires courantes. Â l'ordre, s'il vous plaît! Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Nouveau diagramme

J'aimerais déposer le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale en date d'aujourd'hui, tel qu'amendé par les deux formations politiques. Document déposé.

Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?

Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de l'éducation et député de Sauvé.

Vérification des engagements financiers

M. Parent (Sauvé): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 24 novembre 1987, afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science pour les mois de juillet à septembre 1987, ainsi que de certains engagements pour les mois d'août, septembre et décembre 1986.

Examen des orientations, des

activités et de la gestion

du Conseil des collèges

J'ai également l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé les 25 et 26 novembre 1987, afin de procéder à l'examen des orientations, des activités et de la gestion du Conseil des collèges.

Le Président: M. le député de Sauvé, vos deux documents sont maintenant déposés.

Dépôt de pétitions.

Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droits ou de privilèges ou sur une question de fait personnel. Nous allons immédiatement procéder à la période de questions orales. Je vais reconnaître une première question principale à M. le député de Roberval.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Hausse du taux de la taxe sur l'essence depuis 1985

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Cette semaine, le ministre de l'Énergie a rendu public le premier bulletin du bureau de l'inspection sur le prix de l'essence qui présentait une décomposition du litre d'essence dans toutes les régions du Québec. Étant donné les engagements de ce gouvernement au moment de la campagne électorale de 1985, comment le ministre des Finances peut-il nous expliquer que le taux de la taxe sur l'essence soit maintenant jusqu'à 6,6 % plus élevé dans les grandes régions de Montréal et de Québec qu'il ne l'était au moment de la campagne électorale de 1985?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, je suis heureux que le député de Roberval me donne l'occasion de rappeler le premier geste posé par notre gouvernement lors de notre arrivée au pouvoir, c'est-à-dire d'avoir corrigé d'une façon substantielle l'injustice créée par l'ancien gouvernement, en 1981, lorsqu'on a fait passer de 20 % à 40 % la taxe sur l'essence. On se rappellera que cela a été une ponction fiscale extrêmement douloureuse à un moment où on aurait pensé que le gouvernement serait venu en aide à la population. On avait laissé passer un déficit dans les bonnes années de 1977-1978 de moins de 1 000 000 000 $ à plus de 3 000 000 000 $ et on a agi en mauvais gestionnaires. C'est pour cela qu'après l'élection de 1981, on a dû revenir avec des mesures aussi impopulaires et aussi inappropriées. Cela dit...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Levesque: ...il n'y a aucun geste que nous ayons posé dans la région de Montréal, celle mentionnée par le député, qui aurait eu pour effet d'augmenter la taxe de vente. Au contraire, M. le Président, ce que nous avons fait, c'est que nous avons mis fin à ce qui a été appelé justement la taxe ascenseur.

Le Président: M. le député de Roberval, en additionnelle.

M. Gauthier: M. le Président, le

ministre des Finances peut-il nier en cette Chambre que le premier geste de son gouvernement a été précisément de geler la taxe ascenseur à 36,6 % dans les grandes régions de Montréal et de Québec au lieu de la ramener à 30 % comme c'était son devoir de le faire et comme c'était prévu que cela devait être fait?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, nous avons dénoncé la taxe ascenseur et dès que nous avons eu l'occasion de mettre fin à cette ascension, à cette incertitude créée justement par cette taxe ascenseur, nous l'avons fait. Nous avons décidé qu'à l'avenir, quelle que soit l'augmentation des prix, il y aurait un plafond et cela a été justement la taxe ascenseur qui a été gelée. Je répète au député de Roberval qu'il n'y a rien dans les gestes que nous avons posés en établissant quelque taux que ce soit, qui ait augmenté la taxe de vente dans la région de Montréal depuis ce moment-là.

Le Président: M. le député de Roberval, en additionnelle.

M. Gauthier: M. le Président, le ministre des Finances voudrait-il nous indiquer combien de millions de plus il a empochés au détriment des citoyens de la grande région de Montréal et de la grande région de Québec à la suite du geste qu'il a posé, c'est-à-dire en refusant, comme cela devait se faire, de baisser l'ascenseur, le prix de l'essence que les citoyens devaient payer au Québec? Combien de millions de plus a-t-il empochés en faisant en sorte que les citoyens paient l'essence jusqu'à 0,10 $ de plus le gallon?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, je suis heureux que le député insiste parce que c'est justement là que la fonction fiscale a été importante. C'est au moment où son gouvernement était au pouvoir, alors qu'il était adjoint parlementaire du ministre des Finances, que la taxe est passée de 20 % à 40 %. C'est là qu'on est allé chercher dans la poche des contribuables des centaines de millions de dollars.

Cependant, en regardant le bulletin du ministre de l'Énergie et des Ressources auquel on faisait allusion tout à l'heure, la population des régions périphériques verra que, pour la première fois de mémoire d'homme, on paie l'essence ordinaire le même prix en Gaspésie et à Montréal. Cela, c'est quelque chose, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Levesque: Pour la première fois de mémoire d'homme, on traite les citoyens des régions périphériques comme des citoyens à part entière.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député de Roberval, en additionnelle.

M. Gauthier: Le ministre des Finances osera-t-il nier ici, ce matin, que pour 70 % de la consommation d'essence au Québec son gouvernement a, depuis deux ans, augmenté la taxe dans une proportion allant jusqu'à 6,6 % pour 70 % des citoyens du Québec? Osera-t-il le nier?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, je suis prêt à nier ce genre d'accusation basée sur absolument rien. Je vais le répéter encore une fois. Justement, c'est là-dessus qu'on s'aperçoit qu'il y a eu de l'équité ramenée ici au Québec. C'est justement dans ce bulletin-là que la population du Québec va voir que la justice a été ramenée ici au Québec. Pensez-vous que cela avait du bon sens quand, dans une région comme la mienne, on voyait le prix de l'essence à 0,60 $ et quelque, que, si on faisait quelques milles de plus, plus loin, c'était rendu à tant et quand on arrivait à Montréal, on disait: Qu'est-ce qui arrive? Nous autres, on n'est pas dans la province? Qu'est-ce qui se passe ici? Pourquoi nous autres, qui sommes moins favorisés au point de vue des revenus, lorsque l'on regarde, par exemple, dans les revenus... Vous avez vu récemment ce qui est arrivé...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Levesque: ...avec les revenus dans les régions. Justement, dans les régions où il y avait le moins de revenus, il fallait qu'on paie l'essence plus cher. C'est cette injustice-là qui a été corrigée.

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, en principale.

La participation des femmes au foyer au RRQ

Mme Harel: Oui, M. le Président. À la suite de la publication, jeudi dernier, du rapport du Conseil consultatif du Régime de pension du Canada qui recommandait la non-participation des femmes au foyer au Régime de pension du Canada et à la Régie des

rentes du Québec, le ministre conservateur invitait le député libéral de Sainte-Marie, qui lui posait la question, et je le cite, "à inciter ses amis libéraux du Québec à collaborer davantage avec le gouvernement d'Ottawa". Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu peut-il, ce matin, rassurer, de façon catégorique, les Québécoises quant au respect de l'engagement de son gouvernement de faire participer les femmes au Régime de rentes du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Mme la députée de sa question. Je lut indiquerai qu'à la suite de la parution de ce rapport, il y a eu des commentaires d'émis par un ministre fédéral qui s'est engagé à respecter l'engagement qui avait été pris au niveau fédéral et qui a fait allusion à cette saine collaboration qui règne entre les juridictions provinciales et le gouvernement fédéral quant à cet important dossier. (10 h 20)

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, en additionnelle.

Mme Harel: Le ministre peut-il nous confirmer l'existence du comité de fonctionnaires fédéraux et provinciaux dont a parlé son homologue fédéral et peut-il nous faire connaître les conclusions qui lui ont été soumises par ce comité fédéral-provincial?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, Mme la députée de Maisonneuve sait certainement que si le comité en était déjà arrivé à des conclusions, ces conclusions nous inciteraient à passer à l'action immédiatement. J'indique à Mme la députée que le comité est encore au travail, mais que les conclusions dont elle parle sont, pour celui qui vous parle, une vision prématurée des événements. Je souhaite comme vous que les conclusions arrivent au plus tût de façon que nous puissions, dans cet engagement électoral, donner suite comme nous nous apprêtons à le faire dans un autre engagement électoral.

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, en additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu peut-il nous faire connaître l'échéancier qu'il entend donner à l'avancement de ce dossier? Il maintient toujours cet engagement ferme. Quel est l'échéancier, quel est l'état d'avancement des travaux présentement? Au 3 décembre 1987, deux ans après l'engagement, je pense qu'il est normal pour l'ensemble des Québécois de connaître l'état d'avancement des travaux.

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je vais être obligé de répéter à Mme la députée que, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement il y a deux ans, elle a raison de le mentionner, nous nous sommes retrouvés avec un dossier qui, non seulement n'était pas avancé, mais qui avait été politiquement bloqué par celle qui m'a précédé et par l'actuel chef de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: ... le 19 décembre 1985, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu disait que c'était sa première priorité, son premier dossier. Est-ce que, depuis deux ans, le ministre a au moins un semblant, un ombrage de début de politique dans ce domaine?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends, M. le Président, le chef de l'Opposition de venir à la rescousse de Mme la députée de Maisonneuve, ça fait partie de l'ouvrage qu'il accomplit ces jours-ci, ça peut faciliter la réconciliation de l'autre côté, mais je lui indiquerai qu'il a lui-même signé un livre orange qui disait non pour la rente des conjoints au foyer.

Le Président: M. le chef de l'Opposition en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, pour la gouverne du ministre qui ne saurait pas qu'il est ministre depuis deux ans et qu'il a pris l'engagement clair et net devant les femmes québécoises de leur assurer l'accessibilité au Régime de rentes du Québec, qu'est-ce qu'il entend faire? Il n'a rien fait ce ministre depuis deux ans. C'est le ministre le plus neutre sur le plan législatif et sur le plan des réformes qu'il avait annoncées et pour lesquelles il a pris des engagements électoraux fermes. Qu'est-ce qu'il fait, ce ministre? Est-il toujours barré par le premier

ministre ou par le Conseil du Trésor? N'a-t-il aucune vision de ce qu'il doit faire?

Le Président: Votre question, M. le chef de l'Opposition.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Vous pourriez me donner dix minutes, je lui ferais son bilan. Ce serait trop long, dix minutes, parce qu'il n'a rien fait.

Le Président: Non. On est à la période de questions. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas l'intention, même si on est le 3 décembre, un an et un jour après deux ans de l'arrivée au gouvernement du Parti libéral, de faire le bilan du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou de faire le bilan du ministère du Travail.

Je vais peut-être rappeler à quelqu'un qui a déjà siégé à la commission Cliche et qui était en faveur d'interdire le droit au travail des jeunes sur les chantiers de construction que celui qui vous parle, malgré l'opposition de celui qui est chef de l'Opposition, grâce à l'appui de l'ensemble des députés libéraux, a réussi à adopter une loi dans ce domaine.

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au cas où on ne s'en souviendrait pas non plus, M. le Président, je rappellerai que ce n'est pas mon intention de faire un bilan exhaustif, mais qu'en faveur des plus bas salariés de la société, ceux qui vous parlent de ce côté-ci de la Chambre peuvent vous dire qu'à deux reprises depuis cette élection le salaire minimum a été augmenté et la discrimination basée sur l'âge a été abolie.

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, question additionnelle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous platt! Mme la députée de Maisonneuve, question additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu se rappelle-t-il que le 15 novembre 1985 son parti publiait un engagement formel en matière de participation des femmes au foyer à la rente du Québec? On pouvait y lire: Pour bien démontrer qu'il ne prenait pas cet engagement à l'aveuglette, le Parti libéral du Québec a suggéré une approche possible de financement. À quand l'échéancier et l'état d'avancement des travaux dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, si j'étais la députée de Maisonneuve, je m'excuserais de tenir de tels propos. Quand on est membre d'un parti qui a quitté le pouvoir il y a à peine deux ans en signant un document qui s'opposait à la rente des conjoints au foyer, on devrait s'excuser de poser de telles questions en Chambre.

M. le Président, j'ajouterai que des travaux sont en cours, que ma collègue, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, que mon collègue, le ministre des Finances, que mon collègue, le ministre du Revenu, et que mon collègue, le ministre délégué à la famille, que ma collègue, la ministre de la Santé et des Services sociaux, nous nous rencontrons régulièrement sur ce dossier, que le dossier chemine et que, comme dans le cas des autres engagements que nous avons pris...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ces engagements seront tenus. En attendant, Mme la députée de Maisonneuve, tentez donc de convaincre votre actuel chef d'être en faveur de la rente pour les conjoints au foyer.

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, en additionnelle. Mme la députée de Maisonneuve, en additionnelle.

Mme Harel: Oui. M. le Président...

Le Président: Non, non. Mme la députée de Maisonneuve, en additionnelle.

Mme Harel: ...mes excuses seront directement proportionnelles à celles du ministre pour ses promesses non tenues. À quand le scénario de réalisation de cet engagement pris il y a deux ans?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et du Travail. M. le ministre. À l'ordre, s'il vous platt! À l'ordre, s'il vous platt!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prends acte que Mme la députée de Maisonneuve refuse de s'excuser. Je lui dirai

qu'il s'agit... Je lui indiquerai...

Le Président: M. le ministre, la question. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, la question, s'il vous plaît.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je constate qu'elle n'a pas l'excuse facile. Je ne vous demanderai pas de l'expulser de la Chambre. Je lui dirai que le gouvernement actuel a l'intention de tenir ses engagements.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Ça ne prend pas grand chose pour les amuser.

Une voix: M. Ryan ne la trouve pas drûle.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en principale.

Les négociations avec les avocats de l'aide juridique

M. Gendron: Oui. Les avocats de l'aide juridique sont pas mal tannés de ce gouvernement. C'est le cas de la plupart des officiers de justice. Les employés de l'aide juridique sont sans contrat de travail depuis deux ans. Leur demande est pourtant raisonnable. Ils demandent la parité avec leurs confrères substituts du Procureur général. Cela doit avoir du bon sens parce que le ministre de la Justice leur a dit à plusieurs reprises qu'ils avaient raison. Cependant, le président du Conseil du trésor exige, pour accorder la parité, que les avocats acceptent à l'avance que le gouvernement mette unilatéralement en place, à partir de 1989, une classification d'emploi qui aurait comme conséquence de diviser ces gens et de créer des catégories de telle sorte que des mêmes avocats de l'aide juridique seraient payés différemment.

Ma question au président du Conseil du trésor est: Trouve-t-il raisonnable de demander à un syndicat de consentir à l'application d'un nouveau mode de rémunération qui n'existe nulle part actuellement et qui en plus serait mis en place d'une façon unilatérale, mais uniquement par la partie patronale?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor. (10 h 30)

M. Gobeil: M. le Président, ii y a effectivement des discussions et des négociations avec les avocats de l'aide juridique depuis quelques semaines, principalement à la suite du règlement avec les avocats et les notaires du gouvernement. On a proposé à cesdits avocats et notaires du gouvernement une façon de régler le litige, qui a été acceptée par au-delà de 95 % des avocats et notaires du gouvernement, selon laquelle, comme l'a expliqué le député d'Abitibi-Ouest, à partir de 1989, nous tiendrons compte de la valeur des emplois pour fins de rémunération.

La même proposition a été faite aux avocats de l'aide juridique et les discussions se continuent sur cette forme de proposition qui nous semble logique, compte tenu de l'acceptation qu'en ont faite les avocats et les notaires du gouvernement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Gendron: Comment le président du Conseil du trésor peut-il prétendre négocier de bonne foi quand, dans ses offres, il demande aux syndiqués de renoncer au principe même de la négociation d'une partie importante du cadre de rémunération? Dans le fond, ce que vous demandez, c'est de signer un chèque en blanc, mais postdaté pour 1989.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, les offres qui sont sur la table, actuellement, pour les avocats de l'aide juridique en ce qui concerne les échelles sont les mêmes que celles qui ont été faites aux avocats et notaires du gouvernement. Quant aux clauses normatives, concernant l'évaluation des emplois, nous faisons aussi les mêmes offres.

Il nous semble logique que, si cette offre a été acceptée par 550 avocats et notaires du gouvernement, elle est aussi logique pour les avocats et notaires de l'aide juridique.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Gendron: Ma question, M. le Président, portait davantage sur ceci. Est-ce que le président du Conseil du trésor, qui a une responsabilité dans le cadre général de la négociation, considère comme normal que, dans une négociation, à l'avance, on demande à une partie de se soustraire à une partie importante de la négociation qui est la rémunération?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, je ne saisis pas la portée de la question du député d'Abitibi-Ouest quand il demande à une partie de se soustraire à la négociation sur

les salaires. Je répète que nous avons fait aux avocats de l'aide juridique la même offre salariale, pour ce qui est des échelles, que celle qui a été faite et acceptée par les avocats et notaires du gouvernement. Cela s'est fait en négociation dans le cas des avocats et notaires du gouvernement et cela se fait aussi en négociation dans le cas des avocats de l'aide juridique.

Le Président: Je vais reconnaître, maintenant, en additionnelle, M. le député de Taillon.

M. Filion: Une question additionnelle au ministre de la Justice. Je voudrais savoir, compte tenu de la grève générale prévue pour lundi, si le ministre est conscient des conséquences d'une telle grève générale, notamment en ce qui concerne la clientèle de l'aide juridique qui est une clientèle absolument défavorisée, vu le seuil d'admissibilité à l'aide juridique qui est très bas.

Le Préaident: M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, c'est évident qu'on ne peut pas négocier en Chambre les contrats avec les avocats de l'aide juridique. J'aimerais juste rappeler au député de Taillon qu'il m'a déjè posé ces questions il y a quelques mois. En ce qui concerne la couronne, les avocats et notaires et le salaire des juges, cela a été réglé. De la même façon, on va régler la question des salaires avec les avocats qui sont à l'aide juridique.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. Filion: Est-ce que le ministre de la Justice est conscient des conséquences des conflits qui ont eu lieu dans le passé dans le secteur de la justice et qui auront lieu si la grève générale prévue est déclenchée lundi prochain, notamment en ce qui concerne les droits des individus qui sont incarcérés en attendant leur procès?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, nous avons l'intention de faire le plus possible, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de grève.

Le Président: Je vais reconnaître en principale M. le député d'Ungava.

Aide gouvernementale

aux ex-travailleurs de

Mines Gaspé à Murdochville

M. Claveau: Merci, M. le Président. Vous savez que depuis la fermeture de Mines

Gaspé, les citoyens de Murdochville vivent des moments très difficiles et malgré tout le courage dont ils font preuve, il est bien évident qu'ils auront besoin de l'aide du gouvernement pour s'en sortir.

Selon les renseignements mêmes que nous avons obtenus, il y en a plusieurs, pour ne pas dire toute la population, qui ont eu des surprises très désagréables sur le nouveau rôle d'évaluation de 1988 considérant que l'évaluation des maisons entre 1987 et 1988 passe de 50 %, 40 %, même jusqu'à 30 % de la valeur de ce qu'elles étaient l'année précédente.

Le 21 octobre dernier, en cette Chambre, alors que je demandais au ministre responsable du dossier, le ministre délégué aux Mines, quand il avait l'intention de rassurer les gens de Mines Gaspé ou de Murdochville par rapport à ses intentions, il disait: II m'est impossible à ce moment-ci de donner une date. Au même moment, le député de Gaspé, président du comité supposément interministériel pour régler le problème de Murdochville, disait à qui voulait l'entendre en Gaspésie: Vous allez avoir une réponse avant le 15 novembre. On l'a vérifié.

Le Président: Question.

M. Claveau: M. le Président, ma question est: Quand est-ce que le ministre délégué aux Mines va donner une réponse aux gens de Murdochville?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et responsable des Affaires autochtones. M. le ministre.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Effectivement, le député d'Ungava vient juste de décrire comment on a été actifs dans ce dossier. On s'est impliqué dans le dossier dès les annonces. On a formé un comité. On a fait nos analyses. Il y a eu des rencontres avec tout le monde. On a préparé un document et je peux dire au député de Gaspé que, dès bientôt, on sera en mesure d'aviser la population d'une prise de décision de la part du gouvernement.

Le Président: M. le député d'Ungava, en additionnelle.

M. Claveau: M. le Président. J'ai une question qui pourrait avoir plusieurs volets. Est-ce que "dès bientôt" veut dire ce que l'autre jour, le député de Gaspé disait: Avant le 15 novembre? Ou est-ce que cela veut dire encore dans six mois? On est en droit de douter. Je voudrais également poser, par la même occasion, une autre question. Je veux savoir ce que veut dire "dès bientôt".

Deuxièmement, ce document qui nous est promis avec tant d'insistance depuis si longtemps, est-ce qu'il ne concerne que les ex-travailleurs de Mines Gaspé ou est-ce qu'il concerne l'ensemble de la population de Murdochville pour qui, sans aucun égard à leurs sources de revenus ou à leur milieu de travail, la dévaluation compte pour tout le monde?

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et responsable des Affaires autochtones. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Cela concerne d'abord les ex-travailleurs de Mines Gaspé à Murdochville. Pour ce qui est de quand, évidemment, ce ne sera pas avant le 15 novembre, on est rendu au mois de décembre. Je peux vous dire qu'on a agi avec célérité dans ce dossier, qu'on a toujours eu l'intention de bien servir les mineurs qui travaillent à Mines Gaspé, moi-même et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. On a préparé une approche, une solution, qu'on croit acceptable, et l'annonce devrait se faire sous peu.

Le Président: M. le député d'Ungava, en additionnelle.

M. Claveau: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que le document qui est censé être prêt a été déposé au Conseil des ministres tel qu'il aurait dû l'être cette semaine?

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et responsable des Affaires autochtones.

M. Savoie: Le document est en cours, il est signé.

Le Président: M. le député de Gouin, en principale.

Privatisation des établissements de santé

M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Il est bien connu que le gouvernement actuel est on ne peut plus favorable aux privatisations; c'est d'ailleurs au coeur de ses orientations et même de ses priorités d'action gouvernementale. Or, depuis plusieurs mois, on sait qu'il y a un intérêt de plus en plus grand dans le monde de la santé et des services sociaux pour privatiser un certain nombre d'établissements. On sent cet intérêt dans un certain nombre de milieux. Â tout moment, on entend parler de projets, de déclarations, de manifestations d'intention et même, dans certains cas, il y a eu des offres formelles d'achat qui ont été faites. On se rappelle que cela a été le cas pour des centres d'accueil. On a parlé récemment de l'hôpital Saint-Michel. Maintenant, la rumeur veut qu'il y ait des offres d'achat ou des manifestations d'intention pour l'hôpital du Sacré-Coeur. La rumeur veut même que le premier ministre ait eu une rencontre sur cette question.

Ma question est la suivante, M. le Président: Est-ce que le premier ministre pourrait nous informer aujourd'hui de la position officielle et formelle de son gouvernement quant à l'idée de privatiser des établissements dans le secteur de la santé et des services sociaux? (10 h 40)

M. Bourassa: M. le Président, je remercie le député indépendant, sinon indépendantiste du comté de Gouin, de me poser cette question principale, l'une des très rares questions principales qui me sont adressées. Je croyais en avoir une du côté de l'Opposition. Cela m'aurait permis de souhaiter bonne chance au chef de l'Opposition pour le conseil national de la fin de semaine et pour essayer de convaincre la nouvelle Antigone du Parti québécois, la députée de Maisonneuve.

Des voix: Ha! ha!

M. Bourassa: Ce que je voudrais... Il n'y a pas...

Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre, vous avez la parole.

M. Bourassa: M. le Président, il n'y a pas de changement à la politique du gouvernement. Il peut y avoir des gens qui pensent à de nouvelles formules, ce n'est pas particulier au Québec. Aux États-Unis, en Europe, dans d'autres provinces du Canada, il y a actuellement un effort de réflexion considérable étant donné les coûts croissants de la santé et le vieillissement de la population. ! y a donc des efforts de réflexion qui sont faits de part et d'autre pour faire face à cette situation qui s'annonce très sérieuse non seulement pour les finances publiques, mais aussi pour la qualité des soins de santé. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, a investi... nous avons investi de notre côté 1 000 000 000 $ de plus et non pas 200 000 000 $, comme l'a dit, hier, le chef de l'Opposition. J'ai les chiffres ici qui contredisent formellement le chef de l'Opposition qui, lors de la conférence de presse sur le deuxième anniversaire du gouvernement, disait que, au lieu de 1 000 000 000 $, c'était

200 000 000 $; c'est complètement faux, j'ai tous les détails ici pour contredire le chef de l'Opposition. Ce que je dis au député de Gouin, c'est que nous sommes conscients de cette situation, mais le député est au courant - d'ailleurs, cela avait été établi par l'actuel chef de l'Opposition - des travaux de la commission Rochon qui va nous faire des recommandations d'ici à quelques semaines au sujet de plusieurs de ces options. Pour l'instant, aucune personne, aucun groupe ne peut faire des suggestions au gouvernement. Il n'y a d'aucune façon de changement d'orientation dans la politique du gouvernement. Nous allons examiner le rapport Rochon et nous prendrons les décisions en conséquence.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: Oui, M. le Président. Comment le premier ministre peut-il concilier les propos qu'il tient ce matin avec ceux que tenait sa ministre de la Santé et des Services sociaux dans le dossier de l'hôpital Saint-Michel, où elle déclarait qu'elle ne s'opposait pas, en principe, à la privatisation de l'hôpital Saint-Michel et qu'elle était même favorable à une expérience pilote dans le domaine d'une privatisation d'hôpital? Je vois le président du Conseil du trésor qui acquiesce. D'autant plus, M. le Président, qu'on sait déjà qu'il y a une expérience: l'hôpital Bellechasse.

Est-ce que c'est la position du premier ministre, qui dit qu'il n'y aura pas de privatisation, ou celle de la ministre, qui dit qu'il y aura privatisation, qui représente la position gouvernementale?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, il ne faut quand même pas confondre deux situations différentes. L'hôpital Bellechasse était déjà une institution privée.

Une voix: Bon!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: II ne faut pas confondre deux hôpitaux qui n'ont pas nécessairement les mêmes fonctions. Un de ces hôpitaux, si je ne me trompe pas, se trouve dans le comté de Gouin. Non? Je m'excuse, M. le Président, il me semble que l'hôpital n'est pas tellement loin. Je ne sais pas ce que la nouvelle carte électorale fera au député indépendant.

Le Président: À l'ordre, s'il vous platt!

M. Bourassa: Je veux lui dire qu'il peut y avoir des propositions qui sont faites, il peut y avoir des suggestions par différents groupes, mais il n'y a pas de changement dans la politique du gouvernement, et ce jusqu'à ce que nous recevions le rapport Rochon. Nous verrons, à la suite des recommandations du rapport Rochon, quelles seront les nouvelles priorités du gouvernement.

Le Président: Une dernière additionnelle, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Est-ce que je dois retenir, des propos du premier ministre, ce matin, qu'on n'apercevra pas, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, une pancarte à la porte d'un hôpital disant qu'il est à vendre avec la permission du premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le député de Gouin retrouve son ancien style qu'il avait abandonné. On fait toujours preuve de continuité et on voit les résultats: 75 % des Québécois trouvent que les choses vont bien au Québec.

Des voix: Bravo!

M. Rochefort: ...dans le domaine de la santé.

Le Président: M. le député de Gouin.

M. Bourassa: Je ne blâme pas le député de Gouin de poser des questions sur ce sujet, c'est un des défis de toute société moderne de faire face... Le député de Gouin doit avoir l'occasion de suivre un peu ce qui se fait ailleurs, puisque c'est son secteur privilégié. On voit les efforts qui sont faits dans tous les autres pays pour faire face à la fois à l'augmentation spectaculaire des coûts et à la qualité des soins. Toutes sortes d'expériences sont tentées, dans plusieurs pays, pour concilier l'objectif de la stabilisation des finances publiques avec la qualité des soins, à cause principalement du vieillissement de la population.

Nous sommes prêts à examiner différentes formules. Il reste qu'au Canada et au Québec, en particulier, la proportion qui est affectée aux soins de la santé est très comparable avec la plupart des pays occidentaux, nettement inférieure à celle qui existe aux États-Unis, même si l'on voit, à l'occasion de cas particuliers, ce que cela peut coûter pour se faire soigner aux États-Unis. On a quand même l'un des systèmes de santé les mieux cotés au monde.

Le Président; En conclusion, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Cela étant dit, nous

sommes prêts à examiner des formules pour voir s'il n'y aurait pas lieu de concilier d'une façon plus efficace les objectifs dont je parlais tantôt.

Le Président: Je vais maintenant reconnaître, en principale, Mme la députée de Chicoutimi.

Demande d'annulation

des derniers examens

imposés aux acupuncteurs

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Les personnes qui désirent continuer de pratiquer l'acupuncture au Québec doivent passer un examen administré par la Corporation des médecins. En octobre dernier, plus de 300 acupuncteurs se présentaient à un examen, mais seulement 16 % d'entre eux le réussissaient. Lors des deux séances précédentes, le taux de réussite avait été respectivement de 35 % et 65 %. Cela suscite de nombreuses questions, évidemment, quant à la sévérité des examens, et les candidats se plaignent d'irrégularités nombreuses. On n'a pas communiqué ni le résultat des examens ni les notes de passage, et les acupuncteurs demandent que l'examen soit annulé. Qu'entend faire le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science pour régler cette situation qui est tout à fait inacceptable?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Ainsi que le souligne la députée de Chicoutimi, les derniers examens auxquels ont été soumis des acupuncteurs ont produit des résultats décevants pour plusieurs d'entre eux. C'est vrai que le taux de réussite sur, je pense, 300 candidats ou quelque 300 candidats, était de 49. J'ai fait vérifier évidemment parce que de nombreux acupuncteurs ont fait des représentations auprès de mon bureau. On m'informe que les questions ont été modifiées cette fois-ci. Les deux premières fois, on avait utilisé les mêmes questions. C'est évident que la force portante des questions allait en diminuant parce que ces questions se communiquaient, et ce serait devenu un exercice de routine. Il y en a qui commençaient à vendre des questions. Alors, il fallait que la Corporation des médecins procède à une modification des questions. Les premières questions avaient été faites avec le concours d'un organisme américain pour être sûr qu'elles seraient objectives. Et, cette fois, elles ont été faites avec le concours de la Faculté de médecine de l'Université Laval, un organisme spécialement constitué à cette fin et qui offre toutes les garanties de crédibilité et de sérieux souhaitables.

Dans ces conditions, je n'ai pas l'intention de demander qu'on revienne sur l'exercice. La Corporation des médecins m'assure cependant que les candidats qui ont échoué auront deux chances de se reprendre au lieu d'une seule, deux chances de se reprendre. Je pense qu'il faut laisser le mécanisme suivre son cours. Et j'entends suivre de près le déroulement des prochains examens et, au besoin, je demanderai à la Corporation des médecins de pouvoir désigner moi-même une personne qui participera de près aux travaux du comité responsable des examens...

Le Président: En conclusion.

M. Ryan: ...afin de s'assurer que les griefs qu'on pourrait soulever auront connu leur réponse avant même de l'être. Mais je signale que, dans les milieux...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Ryan: ...d'acupuncture, il y a, depuis le début, une réaction d'opposition très ferme au principe même des examens, et, là-dessus, il n'est point question de revenir.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Mme Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Comment le ministre explique-t-il que les candidats à l'examen aient reçu, avant même de savoir s'ils avaient échoué ou réussi leur examen, un dépliant publicitaire pour les inciter à s'inscrire à des cours préparatoires pour une reprise, alors que là, il nous dit qu'il y a deux reprises, deux fois deux cours?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je suis au courant qu'une personne aurait procédé comme vous le dites, aurait écrit à des acupuncteurs afin de les inviter à s'inscrire à des cours. Nous sommes en train d'enquêter là-dessus et s'il devait être établi que cette personne faisait partie du comité d'examen, c'est évident qu'il y aura action immédiate pour l'exclure du cénacle.

Une voix: ...

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: Ou conclave. Il va l'exclure du conclave.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: Excommunication. (10 h 50)

Une voix: L'exclure du cénacle.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Mme Blackburn: M. le Président, selon un dépliant qui a été adressé aux acupuncteurs qui ont échoué à l'examen, il appert qu'un des membres du jury est précisément personne-ressource pour donner ces cours qui coûtent 2500 $. Je voudrais savoir ce que le ministre entend faire de concret là-dessus, à part donner sa bénédiction.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Toutes les personnes qui sont mises en accusation ont droit à une enquête complète et impartiale. Nous poursuivons l'enquête sur ces allégations. Dès que celle-ci sera terminée, les conclusions seront annoncées.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Mme Blackburn: En additionnelle, M. le Président. Est-ce qu'il ne serait pas plus souhaitable, pour éviter des conflits d'intérêts potentiels, que les examens soient encadrés par un autre organisme neutre tel l'Office des professions? Est-ce que le ministre peut déposer le rapport du comité présidé par Me Dussault qui était chargé de régler cette situation?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: En général, comme les députés le savent très bien, les examens des corporations professionnelles sont administrés sous la responsabilité des corporations professionnelles et nous n'entendons pas changer cette règle de base.

Le rapport de M. Dussault m'a été remis périodiquement. Je ne lui avais pas demandé un rapport général à la fin de son travail. Il a accompli tout son travail et cela nous a conduits à la modification législative de l'an dernier. Depuis ce temps, je lui ai demandé d'exercer une surveillance sur le processus, mais je ne lui ai pas demandé de rapport systématique et il n'avait pas à m'en produire.

Le Président: Je vais maintenant reconnaître en principale M. le leader adjoint de l'Opposition.

Irrégularités décelées par le Vérificateur général à REXFOR

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Le 19 juin dernier, je demandais au ministre délégué aux Forêts s'il déposerait le rapport de REXFOR et il m'a répondu que ce n'était pas possible puisque le Vérificateur général poursuivait une vérification intégrée.

Selon les informations dont je dispose, cette vérification a été terminée le 4 juin. Le ministre aurait été mis au courant à ce moment-là de certaines irrégularités. M. Robert D. Murray, président du conseil d'administration, qui a été nommé par le ministre actuel, aurait été remboursé, toujours d'après les renseignements que je possède, pour un voyage fait sans mandat du conseil d'administration en présentant des photocopies de reçus et aurait été remboursé par sa firme avec les vrais reçus.

Le ministre délégué aux Forêts peut-il me dire aujourd'hui pourquoi il a cherché à camoufler ces irrégularités en ne déposant pas le rapport avant la fin de l'ajournement, en juin dernier?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, le rapport de vérification intégrée du Vérificateur général a été déposé en cette Chambre la semaine dernière - je crois que c'est celui-ci. Il y a eu des discussions avec la société REXFOR entre le Vérificateur général et les autorités de REXFOR. C'est probablement à la suite de ces discussions que le député de Laviolette a reçu des informations; parlons plutôt de rumeurs.

Quant au rapport annuel de REXFOR, le Vérificateur général a remis aux autorités de REXFOR une première ébauche du rapport le 19 juin. C'est à cette date que j'ai dit au député de Laviolette que je le déposerais après qu'il aurait été approuvé par les autorités de REXFOR et imprimé, ce que j'ai fait dernièrement.

Une voix: Très bien.

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président: M. le leader adjoint, en additionnelle.

M. Jolivet: ...est-ce que le ministre délégué aux Forêts, était au courant, au moment où il m'a répondu, le 4 juin dernier et le 19 juin dernier, de ce que le Vérificateur général dit à la page 248 de son rapport: "Les frais de représentation et de déplacement des membres du conseil

d'administration n'ont pas toujours été appuyés par des pièces justificatives appropriées"? Le ministre peut-il me dire aujourd'hui si la démission, dimanche dernier, de M. Murray a pour but de camoufler justement ces faits?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, M. le Président, je n'étais pas au courant, le 4 juin dernier, de la remarque du Vérificateur général en ce qui a trait aux dépenses de voyage remboursées avec des pièces justificatives non appropriées.

Quand j'ai pris connaissance de cette remarque-là, j'en ai parlé aux autorités de REXFOR et je leur ai demandé de vérifier le tout et de corriger s'il y avait lieu. C'est ce qui a été fait avec diligence.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que le ministre peut actuellement nous dire si c'est de la saine gestion que de tenir un conseil d'administration de REXFOR à Rimouski plutôt qu'à Québec, comme cela se fait normalement, une fin de semaine, le conjoint étant présent et la partie de golf en surplus?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts. À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre délégué aux Forêts, vous avez la parole.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je veux bien croire qu'à Rivière-du-Loup nous faisons partie de la région de Rimouski, mais je dirai au député de Laviolette qu'il n'y a pas eu de réunion du conseil de REXFOR à Rimouski. Il est de coutume, par exemple, que le conseil de REXFOR se réunisse en région de temps à autre. La réunion à laquelle fait allusion le député de Laviolette s'est tenue à Rivière-du-Loup.

Le Président: Si vous me permettez, je vais maintenant reconnaître M. le député d'Ungava sur une question additionnelle.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre délégué aux Forêts peut déposer en cette Chambre la facture du coût total réclamé à REXFOR pour cette rencontre du conseil d'administration à Rivière-du-Loup?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je dirai au député d'Ungava...

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts, vous avez la parole.

M. COté (Rivière-du-Loup): M. le Président, il y a aussi des réunions du conseil de REXFOR dans d'autres régions, soit en Abitibi et à d'autres endroits, je dirais aussi à Port-Cartier. C'est la coutume. Il me fera plaisir, M. le député d'Ungava, de déposer la facture de cette réunion à Rivière-du-Loup, celle dont on parle.

Le Président: Cette dernière réponse met fin à la période régulière de questions orales de cet avant-midi. Nous allons maintenant continuer l'ordre du jour, c'est-à-dire que je vais appeler les votes reportés.

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Gratton: Oui, M. le Président, il y a plusieurs avis à donner. Je souhaiterais que, par exception, les membres de l'Assemblée les écoutent.

Premièrement, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre indiqué: projet de loi 77, Loi modifiant le Code civil et la Loi sur les bureaux d'enregistrement, projet de loi 78, Loi modifiant la Loi sur les renvois à la Cour d'appel et le projet de loi 71, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Deuxièmement, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de la culture procédera à des consultations particulières sur le projet de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma.

Troisièmement, de 15 heures à 18 heures, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des affaires sociales procédera à des consultations particulières sur le projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Quatrièmement, de consentement avec l'Opposition, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 73, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur l'assurance automobile et ce, de 13 h 30 à 15 heures à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Cinquièmement, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la

salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre indiqué: projet de loi 82, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et la Loi concernant les droits sur les divertissements en matière de taxes municipales, le projet de loi 87, Loi modifiant la Loi sur la Régie du logement et le Code civil, le projet de loi 79, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

M. le Président, j'ai un autre avis qui fait suite à des consultations avec l'Opposition et à une entente voulant que la commission des affaires sociales entreprenne sa consultation générale et tienne des auditions publiques sur la politique de la santé mentale à compter du 5 janvier 1988 et ce, selon l'horaire ci-annexé que je déposerai tantôt. En conséquence, les personnes et organismes intéressés devront faire parvenir leur mémoire au secrétariat des commissions au plus tard le 9 décembre 1987.

La Vice-Présidente: Si vous me permettez, M. le leader du gouvernement, je voudrais effectivement vérifier s'il y a consentement pour la commission de l'aménagement et des équipements qui poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 73. Est-ce qu'il y a consentement à cet effet, M. le leader de l'Opposition?

M. Gendron: Oui.

La Vice-Présidente: Merci. Ce qui met fin aux avis touchant les travaux des commissions. (11 heures)

Nous allons maintenant passer aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Il n'y a rien? Donc, ceci met fin aux affaires courantes.

Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais d'appeler l'article 24 du feuilleton, s'il vous platt!

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à l'ordre!

À l'article 24 de notre feuilleton, le ministre du Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi 95.

M. Rochefort: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Oui, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Je m'excuse infiniment auprès de vous, Mme la Présidente, mais j'aimerais peut-être attirer l'attention du leader du gouvernement. Le leader du gou- vernement vient de déposer un ordre de comparution des groupes intéressés à participer à la consultation générale sur la politique de la santé mentale. Il nous a indiqué qu'il y avait eu une entente avec l'Opposition officielle pour que cette consultation générale commence le 5 janvier prochain. Personnellement, je n'ai pas d'objection, mais je m'aperçois, en consultant la liste déposée auprès du Secrétaire général de l'Assemblée, qu'il y a des auditions prévues jusqu'à 24 heures tous les soirs ou presque.

Je voudrais attirer l'attention du leader du gouvernement sur le fait que ça implique un consentement unanime des membres de la commission. Je souhaiterais avoir l'occasion de me pencher là-dessus avant que ça devienne un ordre de la Chambre.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Les heures prévues a l'horaire que j'ai déposé contreviennent aux dispositions du règlement et ce, pour accommoder, entre autres, le chef de l'Opposition qui doit respecter certains engagements. J'en conviens, on pourra discuter avec le député de Gouin pour voir si on peut obtenir le consentement unanime de l'Assemblée quant à la liste qu'on vient de déposer.

M. Rochefort: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Oui, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: ...si je comprends, en conséquence, jusqu'à ce que cette entente soit intervenue, l'horaire n'est pas un ordre de la Chambre.

La Vice-Présidentes L'horaire n'est pas un ordre de la Chambre. Cependant, il est déposé à la Chambre simplement. Est-ce que ça répond à votre question, M. le député de Gouin?

M. Rochefort: Parfaitement, madame.

Projet de loi 95 Adoption du principe

La Vice-Présidente: Je vous remercie. Nous allons donc revenir à l'article 24 de notre feuilleton où il s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu, présenté par le ministre du Revenu. M. le ministre.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, Mme la Présidente. À l'occasion de la présentation du projet de loi

95 qui porte sur une modification qu'on fait à la Loi sur le ministère du Revenu en matière d'appel sommaire, j'aimerais à ce stade-ci expliquer un peu l'historique après vous avoir donné quelques explications sur la portée de l'amendement qu'on fait. J'aimerais, pour le bénéfice des membres de l'Assemblée nationale et pour tous ceux qui nous suivent au petit écran, expliquer en quoi consiste l'amendement qu'on apporte à la Loi sur le ministère du Revenu, surtout pour permettre aux contribuables d'avoir un recours plus facile en matière d'impôt à la Cour des petites créances.

Essentiellement, ce que l'on fait aujourd'hui dans ce projet de loi, c'est d'apporter un élargissement au recours que peuvent exercer depuis quelques années les contribuables en matière fiscale devant la Cour des petites créances. On sait que la Cour des petites créances, en principe, permet une procédure allégée, simple, rapide. Le contribuable peut s'y présenter sans représentant, sans avocat, et peut représenter lui-même le litige ou le point qu'il conteste. En matière fiscale, c'est intéressant, parce que c'est d'ailleurs déjà un sujet controversé, difficile, complexe. Donc, permettre à des contribuables de s'adresser à la Cour des petites créances pour contester un point d'impût, pour contester une cotisation, c'est, je pense, un pas extrêmement intéressant qui a été fait pour favoriser les contribuables dans leurs représentations.

Je dois, cependant, faire un rappel de ce qui existait il y a quelques années. On se souviendra que, par exemple, il y a sept ou huit ans, il n'y avait pas au Québec de recours à la Cour des petites créances en matière fiscale. Le recours existe depuis 1983. Je me souviens, à l'époque - c'était vers 1979 - je faisais partie d'un petit comité qui avait fait des représentations pour que soit constitué au Québec un tribunal en matière fiscale. On avait l'exemple de la loi fédérale par ce qu'on appelle, aujourd'hui, la Cour canadienne de l'impôt et qui, à l'époque, portait le nom de Commission d'appel en matière d'impôt. Cela permettait à un contribuable, il y a plusieurs années, de contester une cotisation, de faire des représentations en matière fiscale sans procédure particulière devant un tribunal tout à fait simple, allégé, de sorte que ce recours s'est exercé pendant des années; il a connu une grande popularité en vertu de la loi fédérale.

Au Québec, le seul recours de contestation devant un tribunal qui existait, c'était la Cour provinciale. Le contribuable interjetait appel devant la Cour provinciale par une requête, ce qui était relativement simple, mais, après, il était assujetti au Code de procédure civile du Québec, ce qui faisait qu'en pratique il se retrouvait devant un tribunal dans le même contexte qu'un procès où l'assistance d'un avocat, sans être obligatoire, est certainement très utile. Donc, on voyait une situation malheureuse où des contribuables du Québec, lorsqu'ils avaient à contester un même point, une même mesure, une même déduction refusée ou cotisée en raison de la loi fédérale et aussi par le ministère du Revenu du Québec, se retrouvaient devant deux avis de cotisation pour la même chose. Je prends un exemple pour illustrer. Le contribuable se voyait refuser, par exemple, les frais de garde d'enfant ou la déduction de pension alimentaire. À ce moment-là, il devait contester les deux avis de cotisation, celui du fédéral, d'un côté, et celui du Québec, de l'autre.

Il y a là, bien sûr, un processus de représentations que peut faire le contribuable sur un avis d'opposition. Il doit produire l'avis d'opposition dans les 90 jours de la date à laquelle, si vous voulez, il reçoit l'avis de cotisation ou de la date que l'avis de cotisation porte. Il a 90 jours pour exercer son opposition. Une fois que l'opposition est dûment reçue au ministère du Revenu, cela fait l'objet d'une étude. Le contribuable peut encore faire des représentations, bien sûr, et suivra une décision.

Si la décision est négative, que peut faire le contribuable? À l'époque - je dis bien "à l'époque" parce qu'on va voir que ces règles ont été changées, du moins chez nous au Québec - le contribuable avait le choix de s'adresser directement à un tribunal, qui est la Cour fédérale, d'un côté, ou à la Cour canadienne de l'impôt. S'il choisit la Cour fédérale, bien sûr, c'est une procédure judiciaire beaucoup plus complexe, plus dans le cadre d'un procès en bonne et due forme, alors que, devant la Cour canadienne de l'impôt, qui est toujours en fonction selon la loi fédérale, il se retrouve devant un tribunal beaucoup plus simple où il pourra lui-même présenter sa situation et plaider son cas.

Au Québec, le même individu qui voulait faire ses représentations après un avis d'opposition qui lui était signifié négatif n'avait pas beaucoup le choix. Il devait continuer uniquement devant la Cour provinciale, comme je l'expliquais tantôt, qui est une procédure judiciaire plus élaborée puisque le contribuable va se retrouver directement devant la Cour provinciale avec le Code de procédure civile du Québec, de sorte que l'assistance d'un avocat devient presque nécessaire. Il y a des frais, évidemment, beaucoup plus importants. (11 h 10)

Donc, vers 1979-1980, je me souviens très bien qu'on avait rencontré le ministre de la Justice du gouvernement du Québec de l'époque, qui était M. Bédard, député de Chicoutimi, qui nous avait reçus et avait

étudié la possibilité de constituer un tribunal fiscal au Québec pour permettre aux contribuables de ne pas être obligés d'aller systématiquement devant la Cour provinciale suivre un procès pour faire leurs représentations sur un avis de cotisation.

À l'époque, pendant presque une année, il y a eu toutes sortes de discussions et de représentations. L'Association québécoise de planification fiscale et successorale avait grandement appuyé cette démarche et d'autres associations avaient fait de même. Malheureusement, pour diverses raisons, l'élaboration d'un tribunal fiscal au Québec n'a pas tout à fait cheminé dans le sens de constituer au Québec, un tribunal fiscal, comme tel, mais a donné lieu, en 1983, à une spécialité, si on veut, à l'intérieur de la Cour des petites créances afin de permettre aux juges de la Cour provinciale, qui siègent en division de la Cour des petites créances, d'entendre les représentations des contribuables du Québec en matière fiscale.

Donc, depuis 1983, le recours existe. Depuis 1983, le contribuable qui veut aller en appel d'une décision du ministère du Revenu lors de l'étude de l'opposition qu'il a faite, donc, qui veut continuer la contestation, a maintenant le choix de deux recours. Il peut aller en Cour provinciale - il peut toujours le faire s'il le veut - ou aller devant la Cour des petites créances.

Sauf qu'il y avait un petit problème. Le plafond ou, si vous voulez, les limites d'admissibilité à la Cour des petites créances faisaient qu'au-delà d'un certain montant le contribuable ne pouvait pas aller devant la Cour des petites créances ou devait se limiter aux montants prévus dans la loi quant à l'admissibilité Jusqu'à maintenant, on pouvait aller à la Cour des petites créances seulement pour une réduction jusqu'à 5000 $ du revenu ou une réduction de 1650 $ d'impôt en litige.

Alors, ce qu'on fait dans le projet de loi, essentiellement - c'est là le principe essentiel du projet de loi 95 - c'est simplement doubler le seuil d'admissibilité à la Cour des petites créances. On fait quoi exactement? Le seuil de 5000 $ qui était la réduction du revenu - je vais l'expliquer un peu tantôt - est augmenté à 10 000 $ et le montant d'impOt en litige, qui va permettre au contribuable de faire ses représentations devant la Cour des petites créances, est monté à 3000 $.

Mme la Présidente, ces montants sont importants, parce que je pense qu'à 10 000 $ de revenus en litige on rejoint, quand même, une grande partie de la population susceptible d'avoir un différend, un litige, avec le ministère du Revenu. En effet, avec un montant de 10 000 $ en litige comme revenu ou de 3000 $ en litige comme impôt en jeu, cela permet à la grande moyenne des contribuables, qui ont des représentations ou des contestations, d'avoir accès à la Cour des petites créances où, à toutes fins utiles, c'est gratuit, c'est rapide, c'est simple, sans formalisme. Il n'y a pas de code de procédure devant la Cour des petites créances. C'est un peu comme -si vous me permettez une comparaison - la Régie des loyers. Le contribuable vient. Il a simplement à expliquer sa situation. Et le juge va convenir assez rapidement de la décision à rendre.

Le ministère du Revenu se donne l'obligation de préparer les pièces du dossier comme les avis de cotisation, les états de compte, etc., pour que le contribuable n'ait pas à chercher toutes ces pièces et à les remettre à la cour. Donc, le ministère fait ce travail depuis 1983 pour simplifier la tache du contribuable.

Essentiellement, ce que cela veut dire, c'est qu'à partir du nouveau projet de loi 95, lorsqu'il sera dûment sanctionné, on permettra aux contribuables du Québec de simplement s'adresser à la Cour des petites créances lorsqu'ils auront en jeu, en litige, un montant de leur revenu de 10 000 $ ou d'impôt de 3000 $.

Si vous me permettez quelques minutes, je vais essayer d'expliquer assez simplement ce que veulent dire les 10 000 $ et les 3000 $. En pratique, cela veut dire ceci... On aura l'occasion en commission parlementaire, bien sûr, de faire l'étude détaillée des neuf articles du projet de loi et de voir toute la mécanique qui est fort simple et qui, fondamentalement, n'a pas changé depuis 1983 ou depuis les quelques années de fonctionnement de la Cour des petites créances en matière fiscale. Cela veut dire simplement ceci. Dès qu'un contribuable reçoit un avis de cotisation et qu'il y a une déduction, une exemption, une mesure fiscale qui lui est refusée, sauf les pertes, car les pertes sont exclues du recours si on lui refuse, par exemple, des dépenses, si on lui refuse des frais de garde, de pension alimentaire, toutes sortes de déductions qu'il a réclamées, qu'il a fait un avis d'opposition et que l'avis d'opposition rejette ses représentations, pour toute mesure fiscale qui affecte le calcul de son revenu jusqu'à un plafond de 10 000 $, il pourra automatiquement s'adresser purement et simplement à la Cour des petites créances. Cela, il faut le dire parce que c'est important, je pense que c'est un recours extrêmement plus large que par le passé, puisqu'on le double d'un coup.

Je me rappelle que, lorsque j'ai eu l'occasion de présider le groupe d'étude sur l'application des lois fiscales, on avait une équipe de cinq personnes, on avait des consultants du ministère du Revenu et de l'extérieur, c'était une des recommandations du groupe de permettre un meilleur accès à la Cour des petites créances et d'élargir le recours pour couvrir des montants plus

importants. À l'époque, peut-être que le montant de 3000 $ représentait une certaine réalité, mais, en 1987-1988, il fallait, je pense, revoir ces montants, surtout que l'objectif est de permettre à la grande moyenne des contribuables au Québec de ne plus avoir l'obligation de faire valoir leur opposition devant la Cour provinciale avec tout ce que cela entratne de procédures dans le cadre d'un procès. Je suis donc très heureux de cet élargissement. Mais il y a d'autres mesures aussi qui sont nouvelles et qui méritent qu'on s'y arrête quelques minutes. J'ai mentionné tantôt que, lorsqu'il y a une contestation de la part d'un contribuable sur toute affectation du calcul de son revenu jusqu'à 10 000 $, il peut aller à la Cour des petites créances. Il peut choisir aussi, s'il le veut, de prendre comme mesure d'admissibilité la réduction de l'impôt. Du moment qu'il y aura une réduction de l'impôt en jeu ou, à l'inverse, dès que la cotisation implique un impôt additionnel jusqu'à 3000 $, il pourra se présenter devant la Cour des petites créances pour contester et demander à celle-ci de réduire ses impôts jusqu'à concurrence de 3000 $.

Pourquoi 10 000 $, 3000 $? C'est bien simple, c'est que le taux maximum d'impôt au Québec est de 30 %. Donc, que l'on dise aux contribuables qu'à 10 000 $ ou 3000 $, il n'y a pas de différence, il ne faut pas voir ces deux chiffres comme deux limites parallèles ou l'une excluant l'autre. Que le contribuable ait 10 000 $ de revenu en jeu ou 3000 $ d'impôt à payer, c'est la même chose puisque, à un taux maximum d'impôt de 30 % - 30 % de 10 000 $ font 3000 $ -c'est la même situation des deux côtés. En pratique, ce qui va arriver - on l'a vu au cours des années précédentes - c'est que le contribuable va se fier davantage sur une décision du ministère de lui désallouer une déduction ou une dépense et c'est ce montant qu'il va visualiser. C'est ce montant qui, en pratique, va faire l'objet du litige devant le juge et non pas la réduction ou l'augmentation d'impôt imputée par une cotisation. Cela veut dire qu'en pratique, dès que le contribuable reçoit la cotisation, s'il n'est pas d'accord avec un élément de la cotisation, il va faire opposition et, pour autant que ses représentations se limitent à 10 000 $, il va être admissible.

Qu'arrive-t-il si sa représentation est pour une mesure du ministère qui dépasse 10 000 $? Par exemple, il demande 15 000 $ de déduction pour dépenses, le ministère refuse, il suit tout le processus des oppositions, il pourra avoir accès à la Cour des petites créances, mais il sera limité aux premiers 10 000 $. Il n'y a pas d'exclusion de son recours. Il sera simplement obligé de limiter sa demande devant la Cour des petites créances au plafond reconnu par la loi qui est de 10 000 $. En pratique, dans ce volet, ce qu'il faut retenir, c'est que dès qu'un contribuable est affecté dans son rapport d'impôt par le jeu des cotisations, jusqu'à concurrence de 10 000 $, il peut aller devant la Cour des petites créances. C'est simple, c'est facile à comprendre surtout que le recours devant la Cour des petites créances est simple, rapide, expéditif, sans frais, à toutes fins utiles. (11 h 20)

II y a un autre volet qui est nouveau. Je le mentionne parce qu'il est nouveau et je pense que c'est intéressant. Cela concerne les mandataires de la taxe. Les mandataires de la taxe, les gens ont peut-être un peu de difficulté à comprendre ce que cela veut dire. C'est bien simple, ce sont, par exemple, les commerçants au détail. C'est surtout à eux qu'on pense, mais la loi vise les taxes à la consommation. Il y a d'autres lois que je ne veux pas énumérer ici, on aura l'occasion d'y revenir plus tard. Pour simplifier, cela veut dire que tous ceux qui ont à percevoir, par exemple, la taxe de vente au Québec pour la remettre au ministère du Revenu du Québec pourront, s'ils sont des individus - on exclut les compagnies, c'est, d'ailleurs, l'exclusion du recours devant la Cour des petites créances - s'ils font l'objet d'une cotisation pour ne pas avoir perçu dûment les montants de la taxe de vente, s'adresser à la Cour des petites créances et contester une cotisation du ministère du Revenu, mais portant sur la taxe de vente.

C'est intéressant, Mme la Présidente. Il y a tout près de 200 000, 225 000 personnes au Québec qui sont considérées comme mandataires du ministère, qui sont susceptibles d'avoir des litiges avec le ministère du Revenu sur la perception de la taxe de vente. Ce qui est intéressant, c'est qu'à partir de la sanction de la loi ils auront le droit de s'adresser directement à la Cour des petites créances, de faire leurs représentations et de demander à la cour, lorsqu'il y a jusqu'à 3000 $ de taxes en jeu, de prendre la décision.

Qu'est-ce que cela veut dire? En résumé, cela veut dire que ce projet de loi bonifie ce qui existe déjà. Il double les seuils d'admissibilité à la Cour des petites créances en permettant de contester devant cette cour jusqu'à 10 000 $ de revenus en jeu, si je puis dire, ou en litige devant le ministère, et de porter jusqu'à 3000 $ le montant des taxes qu'un mandataire ou qu'une personne, un individu, un particulier au Québec qui est en litige avec le ministère, doit remettre au ministère. Je pense que, fondamentalement, cela amènera beaucoup plus de contribuables à penser à ce recours parce qu'il est plus facile et je pense que c'est une bonne chose pour eux.

De notre côté, au ministère, nous ferons le maximum pour faire mieux

connaître ce recours au public. On a des projets de publication pour le faire connaître et inciter les contribuables à ne pas hésiter à le faire s'ils croient que tout le processus des discussions qu'ils ont normalement suivi au ministère ne leur donne pas raison. À ce moment-là, on les enjoindra certainement d'aller devant la Cour des petites créances ou à la Cour provinciale, à leur choix, ils ont le choix. Mais je pense que cela nous permet maintenant, si on fait une comparaison avec la loi fédérale, de dire: Comme, au fédéral, les contribuables du Québec ont le choix de contester soit devant la Cour fédérale ou devant la Cour canadienne de l'impôt, qui est une cour, comme je l'ai dit tantôt, très simplifiée, où il n'y a pas de procédure, où on permet au contribuable de se représenter lui-même, avec le plus de facilité possible. Je pense qu'on peut dire que nous avons au Québec une cour en matière fiscale qui est la Cour des petites créances.

Je suis heureux de ce cheminement. Je vous disais tantôt, Mme la Présidente, que j'étais un de ceux qui avaient demandé, il y a plusieurs années, qu'on forme au Québec un tribunal en matière fiscale. J'ai été associé à ces démarches. Nous avions eu, alors une très bonne réception du ministre de la Justice de l'époque. Cela avait peut-être aidé à ce développement de la Cour des petites créances dans ce recours en matière fiscale et je suis content de voir qu'aujourd'hui ce recours à la Cour des petites créances prend vraiment un sens significatif, devient quand même plus important. Je ne vous cache pas, Mme la Présidente, que cela pourrait même permettre, à la suite de l'expérience que nous allons connaître cette année, de revoir cela l'année prochaine. Je m'engage, d'ailleurs, à revoir l'année prochaine l'expérience de cette année et peut-être à augmenter le recours à la Cour des petites créances. Peut-être, à un moment donné, que ce recours pour contester ses impôts à la Cour des petites créances, au Québec, pourrait, à toutes fins utiles, répondre à tous les cas au Québec, sans qu'il y ait de plafond fixé à 10 000 $, comme je l'ai expliqué tantôt, dans le calcul du revenu.

C'est essentiellement, à ce stade-ci, les remarques que je voulais faire concernant le projet de loi. Le projet de loi est fort simple. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment soulever une contestation sur le principe du projet de loi. Je pense qu'il est fort louable. Il est tout à fait attendu dans la population et permettra, dorénavant, aux contribuables d'avoir un recours simple, direct en matière fiscale pour contester ses impôts au Québec. On pourra dorénavant s'adresser directement à la Cour des petites créances, que tout le monde connaît maintenant et ce, jusqu'à concurrence de 10 000 $ de revenu contesté ou en litige.

Mme la Présidente, on doit se féliciter, on doit se réjouir de cette augmentation importante du montant dans le cas des recours. Pour ma part, j'en suis très heureux. Je pense que plus les contribuables pourront se représenter eux-mêmes, plus ils pourront contester, plus ils vont le faire. On s'était rendu compte - je vais terminer là-dessus, Mme la Présidente - que beaucoup de contribuables au Québec ne contestaient pas leur cotisation ou ne s'opposaient pas devant l'obligation de s'adresser à la Cour provinciale, de payer des frais d'avocat et de suivre toutes les procédures d'un procès. Cette lourdeur, ce fardeau n'étaient pas raisonnables ou n'étaient pas proportionnels, si vous voulez, au montant en litige. Quelqu'un qui voulait contester une déduction de 3000 $ de frais de garde d'enfant ou de pension alimentaire devait engager un avocat pour prendre des procédures judiciaires en Cour provinciale. Selon tout ce qu'on connaît d'un procès, cela faisait qu'en pratique il y renonçait. Là, il aura le choix, pour un montant de 3000 $ de pension alimentaire contesté, de s'adresser directement à la Cour des petites créances, d'y aller lui-même et de faire ses représentations.

Je peux vous assurer qu'au ministère du Revenu, il n'est pas non plus question d'être représenté par un avocat. Je veux rassurer les gens qui pourraient s'imaginer qu'eux, sont seuls, mais qu'ils pourraient voir arriver la batterie d'experts du ministère, ce qui peut les désavantager. Dans aucun cas, le ministère du Revenu n'est représenté par un avocat. Nous n'avons qu'un représentant qui présente, dans toute la mesure du possible, avec beaucoup d'objectivité, simplement l'avis de cotisation, les articles de loi pertinents, et le juge a pleine liberté, évidemment, d'interpréter et d'interroger les parties comme bon lui semble. Je pense que ce recours est appelé à connaître, au Québec, un développement fort intéressant. Comme je vous l'ai dit tantôt, on songe, au ministère du Revenu, à suivre de très près l'expérience cette année et probablement que l'année prochaine on va revoir tout ce recours pour l'améliorer encore une fois. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Revenu.

M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron; Mme la Présidente, je voudrais profiter de l'occasion qui nous est offerte ce matin, par l'étude du projet de loi 95 pour faire quelques commentaires. Mon premier commentaire est clair. Je ne pourrai pas être aussi pédagogue, aussi technicien

que vient de l'être le ministre du Revenu. Je pense qu'il a pris la peine, objectivement, de l'expliquer on ne peut plus clairement, en reprenant à moult reprises les mêmes exemples parce que, fondamentalement, quand il n'y a à peu près rien dans un projet de loi, il faut en parler longuement, il faut tourner longtemps autour.

Des voix: Oh!

M. Gendron: Non, écoutez ce que je vais dire. Il y a deux excellentes dispositions dans ce projet de loi et il y a surtout deux bons principes. Le ministre du Revenu a très bien fait cela, comme un bon technicien et pédagoque qui veut que les citoyens, si jamais il y en a qui nous écoutent ce matin... Je souhaite, en tout cas, qu'il y en ait quelques-uns de plus à l'extérieur qu'à l'intérieur, car souvent on n'est pas nombreux de ce temps-ci. (11 h 30)

Le projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur le ministère du Revenu afin de rendre plus accessible la procédure d'appel devant la Cour des petites créances. Lorsqu'on accepte un tel principe, l'Opposition ne peut faire autrement que d'y souscrire, parce que dans les principes il y a deux éléments principaux dans ce projet de loi. Un premier qui est ce que j'appelle un principe d'élargissement, un principe de couverture plus large, plus grande en 8'assurant qu'il y ait plus de contribuables qui puissent bénéficier d'un droit d'appel, pour s'exprimer simplement, d'une couverture additionnelle qui permet de leur offrir une sécurité plus grande par rapport à une procédure qu'ils voudraient utiliser en termes de bénéfices accrus.

Je pense qu'il faut se réjouir avec raison de cette nouvelle disposition qui permettra à un plus grand nombre de contribuables de pouvoir utiliser la procédure d'appel devant la Cour des petites créances pour des montants qui ne correspondaient plus tellement, je pense, avec raison, à la réalité d'aujourd'hui et, en conséquence, que devaient, eux aussi, en termes de seuil, être haussés. Cela concerne les montants pour lesquels éventuellement un contribuable serait en litige, en interprétation différente, si vous me permettez l'expression, avec le ministère du Revenu.

Lorsqu'on veut donner un droit réel à des citoyens, lorsqu'on veut être certain que ce droit sera effectivement utilisé par la population la plus large possible, il me semble qu'il faut le consacrer, le concrétiser dans un projet de loi. C'est ce que prévoient les dispositions du projet de loi 95.

C'est un projet de loi qui, comme il a été mentionné, rendra la procédure plus accessible à un plus grand nombre de particuliers au sens de la loi du revenu et ce sont également des modifications aux montants maximums qui seront portés de 1650 $ à 5000 $, de 3000 $ à 10 000 $. Le ministre l'a expliqué clairement, il s'agit, au fond, tout simplement de doubler les montants du seuil et des sommes qui peuvent être éventuellement en cause. Sur cet aspect-là, je ne prendrai pas une demi-heure, je prendrai uniquement le temps que je viens de prendre. Oui, c'est une bonne mesure parce qu'elle va dans le sens d'un élargissement d'accessibilité. Des gouvernants, quels qu'ils soient, qui ont le souci de couvrir une population plus large ou des bénéficiaires plus largement, je pense que c'est toujours avantageux... Les citoyens s'attendent à payer des impôts. Quand des contribuables paient, selon eux, avec raison, trop d'impôts et que de temps en temps il y a des projets de loi qui leur confèrent une accessibilité plus grande et qui agrandissent la possibilité pour eux de faire valoir des droits où, en règle générale, les coûts sont toujours importants et majeurs, dans ce sens-là il me semble que c'est une mesure de protection du consommateur et de la consommatrice. Je suis tout à fait d'accord avec cette nouvelle disposition d'adaptation que le ministre du Revenu a bien voulu faire à l'intérieur du premier article qui, au fond, est le plus important pour ce qui est des modifications.

Une voix: ...

M. Gendron: Oui, je l'ai dit tantôt.

Il y a également une autre disposition sur laquelle je veux revenir: la volonté du gouvernement d'étendre l'appel sommaire qui, dorénavant, pourra couvrir un champ nouveau qu'on a appelé, dans le projet de loi, le champ en matière de la taxe à la consommation. Je ne peux pas être contre, Mme la Présidente, parce que voilà encore une modalité du projet de loi qui recoupe et qui va exactement dans le même esprit que celui du premier principe, à savoir élargir la couverture pour les citoyens concernant un éventuel recours à la Cour des petites créances. Je pense que le ministre du Revenu a effectivement été sage de permettre que, dorénavant, la taxe à la consommation soit étendue à l'appel sommaire. En ce qui nous concerne, il s'agit encore là d'une disposition heureuse.

Vous avez également un autre aspect que je veux toucher très succinctement parce que le ministre du Revenu l'a fait en excellent technicien. Je pense que c'était comme cela qu'il fallait le présenter pour s'assurer que la population en comprenne les dispositions. Il y a également une modification concernant l'audition d'appels qui, dorénavant, pourront être entendus par tous les juges de la Cour provinciale. C'est encore un aspect intéressant quant à la notion d'élargissement dont je parlais tantôt.

C'est aussi heureux, en ce qui me concerne, que le projet de loi prévoie que le procédé de nomination par le juge en chef, qui était une dimension restrictive, soit aboli.

Dans le fond, Mme la Présidente, on a beau regarder cela dans tous les sens, les éléments sont peu nombreux mais les deux éléments les plus significatifs sont majeurs et importants pour les éventuels usagers de ces dispositions et, comme je l'ai mentionné tantôt, s'inscrivent toujours dans la perspective d'un élargissement et d'une meilleure capacité pour les éventuels usagers, avec des seuils augmentés et avec une couverture plus importante en termes de champs couverts. Ce sont là des dispositions qui nous intéressent, qui nous agréent.

Finalement, je vous le répète, il n'y a pas d'élément chamboulant la Loi sur le ministère du Revenu. Le projet de loi incorpore les règles du Code de procédure civile à la Loi sur le ministère du Revenu. Encore là, il s'agit d'une mesure importante.

J'ai cependant trouvé, non pas curieux mais cela fait drôle un peu que ce gouvernement pas trop soucieux des régions, pas tellement préoccupé par des vraies politiques de développement régional... D'ailleurs, on le voit dans l'attitude qu'ils ont concernant les actions accréditives, quand on sait que le Québec a toujours marqué le pas dans ce domaine et, là, ils attendent que le fédéral trace le sillon pour voir s'ils peuvent marcher là-dedans alors qu'on sait que c'est à peu près le meilleur instrument de développement régional dans certaines régions du Québec. Il n'y en a pas d'autre. Enlevez les actions accréditives et il ne reste plus d'initiatives dans le développement régional.

On aura l'occasion d'y revenir lors d'autres forums. Ici, je trouvais intéressant de voir qu'on dit aux gens des Îles-de-la-Madeleine: On se rappelle que vous existez, que ce n'est pas facile, vous êtes des insulaires. Alors, il y a une disposition dans le projet de loi qui dit, finalement: Les résidents des Îles-de-la-Madeleine pourront dorénavant inscrire un appel sommaire devant la division des petites créances de la Cour provinciale mais, cette fois-ci, chez eux, dans leur milieu, c'est-à-dire au palais de justice de Havre-Aubert. En conséquence, pour un régionaliste comme je le suis, c'est sûr que même si c'est de l'épaisseur, comme politique, d'une feuille de papier, dans le projet de loi qui nous concerne, c'est intéressant pour les gens des îles de pouvoir dorénavant amorcer une mesure sommaire devant la division des petites créances mais dans leur patelin, dans leur milieu, avec des coûts moindres. Je tenais à le signaler parce que cela atteste que la préoccupation du ministre du Revenu dans ce dossier a toujours été dans le même sens et je suis convaincu que c'était dans le bon sens.

Quand on a une préoccupation de couvrir plus large, plus grand, de hausser les seuils pour rendre accessible à plus de personnes le pouvoir de s'en prévaloir, j'appelle cela des ouvertures dites démocratiques, des ouvertures un peu plus populistes, moins restrictives. Ce sont là des choses qui me plaisent comme membre de l'Opposition. C'est certain que, sur ce projet de loi, le ministre du Revenu peut compter sur l'entière collaboration de l'Opposition pour agréer ces dispositions heureuses. Nous aurons l'occasion d'en discuter, bien sûr, en commission parlementaire.

Quant aux principes, puisque nous en sommes là, Mme la Présidente, l'Opposition est complètement en accord avec le ou les quelques principes que ce projet de loi apporte parce qu'ils s'inscrivent dans une perspective qui permet au contribuable de bénéficier un peu plus du retour de ses impôts. Merci, Mme la Présidente. (11 h 40)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Oui, merci, Mme la Présidente. Cela me fait plaisir d'intervenir, ce matin, sur le projet de loi 95, projet de loi présenté par le nouveau ministre du Revenu qui apporte des mesures qui sont des modifications à la Loi sur le ministère du Revenu en matière d'appels sommaires. Je dois dire, Mme la Présidente, qu'intervenir sur ce projet de loi est une tâche agréable ce matin, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais je pense que, si on se veut une Opposition responsable et une Opposition crédible, il faut être capable, à l'occasion, de reconnaître qu'un projet de loi qui est déposé par un ministre puisse être une mesure qui va dans le bon sens.

Je pense que c'est tout à fait correct pour l'Opposition, dans un projet de loi comme celui présenté par le ministre du Revenu actuellement, de dire que cet ensemble de mesures qui sont prises va dans le bon sens. Nous sommes capables, en tant qu'Opposition, de le souligner au gouvernement, lorsqu'il présente un projet de loi qui va dans le bon sens, de le lui dire et d'essayer de créer un mouvement qui ferait que peut-être d'autres ministres imiteraient le ministre du Revenu, c'est-à-dire essayeraient d'apporter des mesures d'allégement et d'ouverture pour le petit consommateur, pour la population en général.

Le présent projet de loi a, en effet, pour objet de modifier la loi afin de rendre la procédure plus accessible. Le ministre du Revenu, comme il l'a mentionné lorsqu'il a été nommé récemment au Revenu, avait l'intention d'apporter des allégements - je pense que sa grande expérience passée dans ce domaine peut nous rassurer - et il donne

suite à son intention, aujourd'hui, avec le projet de loi 95, d'être un ministre qui veut alléger, qui veut apporter des mesures qui sont plus près du plus grand nombre de consommateurs qui peuvent être touchés.

On sait à quel point, Mme la Présidente, les procédures d'appel devant la division des petites créances de la Cour provinciale sont des procédures qui touchent une classe de gens qui n'ont souvent pas les moyens et qui sont aux prises avec des procédures pour de petites causes. Ces petites causes touchent les petites gens. Et qu'on puisse aujourd'hui apporter, dans le projet de loi 95, une facilité pour permettre à ces gens de s'exécuter, je trouve cela tout à fait valable. Je pense qu'il faut le dire tout haut. Il ne faut pas avoir peur en tant qu'Opposition ou se sentir obligé de dénoncer lorsqu'il n'y a pas vraiment de choses à dénoncer. Je pense que le ministre connaît aussi ma façon d'intervenir et je tenais à intervenir sur ce projet de loi parce que je voulais lui dire: M. le ministre, voilà des gestes qui vont dans le bon sens.

C'est bien sûr que cela a déjà été abordé par mon collègue d'Abitibi-Ouest et aussi par le ministre, mais j'aimerais, de façon très succincte, toucher les points qui sont mentionnés à l'intérieur du projet de loi 95. "Ainsi, les montants maximums de 1650 $ et de 5000 $ sont portés respectivement à 3000 $ et 10 000 $, aux fins de déterminer la possibilité de recourir à l'appel sommaire et la règle qui prévoit l'ajustement annuel de ces montants sera supprimée. De plus, il sera dorénavant possible - grâce à ce projet de loi - de recourir à cette procédure en matière de taxes à la consommation, lorsque le montant n'excédera pas 3000 $."

Mme la Présidente, la Loi sur le ministère du Revenu en matière d'appel sommaire est une loi qui est fort complexe comme telle, mais le fait qu'on puisse l'ouvrir à plus de gens et à la population, pour que cela puisse assurément être quelque chose de plus accessible, va plaire à l'ensemble de la population. Je pense que c'est dans ce sens-là que le ministre du Revenu non seulement agit dans le projet de loi 95, mais a l'intention - et j'espère qu'il va continuer - d'apporter plusieurs mesures.

Plusieurs cas ont été portés à l'attention du ministre, au ministère du Revenu, qui sont des cas techniques, si on veut, mais qui causent toutes sortes d'embûches à la population, particulièrement au petit travailleur, au gagne-petit. Ces gens-là sont aux prises avec une grosse machine, avec le système informatique du ministère du Revenu, pour revendiquer leurs droits. La volonté du ministre de vouloir s'approcher de ces gens-là et de vouloir humaniser le ministère du Revenu, je pense que c'est une volonté qui doit se traduire par des gestes concrets. J'encourage le ministre à continuer dans ce sens-là parce qu'on a bien besoin au Québec, et on aurait bien besoin aussi à Ottawa, de ces mesures pour être capables d'alléger et de faciliter, que ce soit les recours ou la façon de procéder ou même de s'y comprendre, et ce, à partir même du rapport d'impôt des individus.

J'espère aussi... Je pense que l'occasion est belle, aujourd'hui, de dire au ministre du Revenu qu'il pourra, puisqu'il est le nouveau titulaire de ce ministère, dans les plus brefs délais, donner suite à plusieurs recommandations du rapport du Vérificateur général. Ce sont des mesures que le ministre pourra certainement apporter, des correctifs à des choses qui sont là, qui sont notées année après année et qui doivent, à mon avis, être corrigées. Si le ministre pose des gestes comme il le fait avec le projet de loi 95 et avec d'autres projets de loi qui sont déjà inscrits au feuilleton, des gestes dans le bon sens, nous, de l'Opposition, jamais nous n'hésiterons à lui donner notre accord, notre appui, notre collaboration.

Je prenais connaissance du rapport du Vérificateur général un peu en première, quelques heures avant, à huis clos, en tant que critique vis-à-vis du Vérificateur général et du ministère du Finances. J'étais un peu renversé de voir que, dans certains dossiers, il y a trois, quatre ou cinq ans de recommandations et rien n'a été fait. Lorsqu'on parle du ministère du Revenu, c'est bien sûr qu'il a des mains un peu partout, des entrées un peu partout; il a à corriger, par le fait même. Que ce soit le meilleur contrôle au plan de l'informatique, que ce soit l'ensemble des contrôles qui touchent directement ou indirectement le ministère du Revenu, le ministre aura tout un travail à faire de ce côté-là.

Je conclus en disant que, certes, à l'étude article par article en commission parlementaire, nous pourrons apporter quelques corrections qui seront sûrement mineures, mais sur la question de fond, sur la question de principe, tel que c'est libellé actuellement et par l'analyse que nous en avons faite, il semble que c'est un ensemble de mesures qui vont dans le bon sens. J'encourage le ministre du Revenu à continuer dans le même sens et à ne pas oublier que beaucoup de travail s'est accumulé, en termes de correctifs, et j'espère que le ministre du Revenu pourra, au cours de la prochaine année ou des prochains mois, non seulement avoir cette volonté politique, mais pousser sur la machine pour corriger plusieurs des situations. Je vous remercie, Mme la Présidente. (11 h 50)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Bertrand. M. le ministre du Revenu, en

réplique.

M. Yves Séguin (réplique)

M. Séguin: Mme la Présidente, si vous me le permettez, juste quelques minutes. D'abord, je suis heureux de constater que nos collègues de l'Opposition nous accordent leur collaboration et leur appui dans ce projet de loi. Remarquez que j'avais un petit doute qu'il n'y aurait pas beaucoup d'opposition. Mais je suis quand même rassuré ce matin.

Je prends bonne note de l'esprit dans lequel les collègues de l'Opposition se sont exprimés dans un but de voir à des améliorations. Je les invite, d'ailleurs, à le faire, comme dans le passé, dans les travaux qu'on a faits à la commission du budget lorsque nous faisions l'étude des projets de loi en matière fiscale. Lorsqu'il y a des recommandations ou des suggestions, je suis le premier à les examiner et, dans la mesure du possible, à les adopter, étant donné le contexte des lois que nous avons.

Mon collègue et député d'Abitibi-Ouest a mentionné tantôt qu'il est heureux de voir une mesure concernant les résidents des Iles-de-la-Madeleine. Moi aussi, je suis content. On a pensé à eux et, là, on leur donne la possibilité de faire leur recours d'une façon plus facile. J'aimerais mentionner que jusqu'à maintenant les résidents des Îles-de-la-Madeleine pouvaient faire leurs recours devant la Cour des petites créances en matière fiscale, mais à Percé, à Québec ou Montréal. Mais ce qui était le plus près de chez eux, c'était Percé. Là, on leur permet de le faire chez eux à Havre-Aubert. Je pense que c'est plus logique, plus rationnel.

Sans être plus fin finaud qu'il le faut, je veux simplement répliquer à mon collègue d'Abitibi-Ouest que, s'il dit que maintenant on reconnatt l'existence des gens des Iles-de-la-Madeleine pour leur donner un recours confirmé dans la loi chez eux, il faudrait penser que, s'il dit cela, cela veut peut-être dire qu'avant qu'on le leur donne, nos prédécesseurs ne l'avaient pas reconnu dans la loi depuis 1983. Mais, enfin! J'espère que ce n'est pas cela qu'il voulait dire. Je présume que ce n'est pas cela qu'il disait.

Je suis très heureux de ce projet de loi dans l'ensemble. On pourrait peut-être l'améliorer. Mais ce que j'ai indiqué tantôt à savoir qu'on pourrait continuer dans le même sens, actuellement, on est intéressé à regarder cela de près et à aller un peu plus loin. Comme par d'autres projets de loi, ma préoccupation majeure est toujours de regarder du cOté du contribuable et de tout ce qu'on peut faire, tout ce qui est humainement possible de faire, pour l'aider davantage, soit dans ses recours, dans ses responsabilités, dans ses obligations. Tout ce qu'on peut faire pour aider à simplifier le processus, on va le faire avec le plus d'humanisme possible en pensant tout le temps à lui. J'en fais une profession de foi; je le dis et je le répète. Je ne pense qu'au contribuable pour essayer de l'aider dans sa difficile obligation de faire des déclarations fiscales quand il se retrouve dans un système fiscal fort complexe. Il y aura d'autres mesures qu'on va annoncer prochainement, avant Noël et après, qui sont toutes dans le sens de se rapprocher le plus possible du contribuable. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Revenu. Le débat étant terminé, est-ce que le principe du projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu en matière d'appel sommaire, est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Gratton: Mme la Présidente, je vais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée et pour que cette commission soit présidée par le président de séance.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais maintenant d'appeler l'article 18 du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 84 Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 18 de notre feuilleton, le ministre de l'Énergie et des Ressources propose l'adoption du principe du projet de 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. À la fin du siècle dernier, lorsque l'État se départissait, par vente ou cession, de terres publiques dont il avait la propriété, il pouvait être justifié de réserver à des fins publiques une certaine bande de terrain en bordure des lacs et des rivières non

navigables du Québec. Aujourd'hui, le projet de loi modifie la Loi sur les terres du domaine public et a principalement pour effet d'éliminer la réserve des trois chaînes sauf pour certaines exceptions que je vais décrire tantôt.

Avant d'aller dans les mesures concrètes du projet de loi, je voudrais faire un petit historique pour expliquer comment la réserve des trois chaînes a vu le jour, comment elle a été instituée, les problèmes qu'elle a causés et la solution qu'on y apporte. En effet, la vente ou la cession d'une terre en bordure d'une rivière ou d'un lac non navigable entraînait, à cause du régime seigneurial des titres en vigueur à cette époque, la propriété du lit de la rivière et du lac jusqu'à son centre, et cela, avec la conséquence que le gouvernement risquait de perdre la propriété des droits de pêche lui appartenant comme propriétaire des terres riveraines et, de ce fait, de ne plus pouvoir exercer une gestion efficace des pêches sur les territoires affectés. Cette volonté de conserver à l'État la propriété des droits de pêche s'est traduite, en 1882 et 1888, par des directives du commissaire des terres ordonnant aux agents de la couronne de ne pas vendre de terres riveraines près d'un cours d'eau non navigable sans que ne soit constituée une réserve de trois chaînes en profondeur lors de la vente ou de la cession. On dit trois chaînes, parce que c'était la mesure des arpenteurs, une chaîne représentant 66 pieds. Ils prenaient comme mesure trois chaînes, ce qui faisait 198 pieds devant être réservés pour accès aux lacs et aux cours d'eau non navigables.

En 1888, afin de conférer un caractère formel et exécutoire à ces directives, la loi de la pêche a fait l'objet d'un amendement afin de prévoir expressément l'obligation de réserver au moins trois chaînes en profondeur lors de la vente ou de l'octroi de terres publiques bordant les rivières et les lacs non navigables. Cette réserve s'appliquait de façon automatique et sans mention en ce sens dans les lettres patentes. Vous voyez que le problème qui existe aujourd'hui remonte à plusieurs années. La réserve n'étant pas expressément instituée par le seul effet de la loi, mais plutôt par l'obligation qui était faite aux agents des terres de retenir celle-ci lors de la vente ou de l'octroi des terres publiques, une très grande confusion s'est rapidement installée dans ce domaine à la suite des oublis ou erreurs d'interprétation de ceux qui étaient chargés de l'application tant des directives du commissaire des terres que de la loi.

Cette obligation de soustraire la réserve n'ayant pas toujours été respectée par les agents de la couronne, la loi de la pêche fut de nouveau amendée et, en 1889, la modification prévoyait que pour l'avenir, c'est-à-dire pour toutes les ventes faites après 1889, les ventes ou octrois gratuits seraient sujets à une réserve pour fins de pêche de trois chaînes lorsque la terre vendue bordait un cours d'eau non navigable. Cette loi prévoyait également, comme mesure transitoire, que la réserve pour fins de pêche existe également pour toutes les ventes, concessions ou octrois gratuits depuis le 1er juin 1884. En 1884, avec la pratique, ils ont commencé à l'inclure dans les lettres patentes. Quand ils ont vu qu'il y avait des oublis et de la confusion, en 1889, ils ont adopté une loi rétroactive à 1884 pour couvrir toutes les transactions depuis 1884.

Une autre modification apportée en 1919 est venue préciser la nature du droit de propriété visé par la loi de la pêche. L'expression "réserve pour fins de pêche" a été remplacée par celle de "réserve de pleine propriété en faveur de la couronne". On commence à voir un peu le genre de confusion: il y avait la réserve pour fins de pêche qui devait être incluse dans les lettres patentes. Parfois, elle n'était pas incluse et elle était omise. On a inclus dans la loi "réserve pour fins de pêche"; on a fait la loi rétroactive. En 1919, on a amendé la loi pour clarifier que c'était une réserve de pleine propriété en faveur de la couronne. (12 heures)

II en est résulté une véritable confusion juridique sur la nature de la réserve et son effet rétroactif. Le jugement rendu par la Cour suprême le 5 mars 1987 portait principalement sur la portée exacte de la réserve entre le 1er juin 1884 et le 17 mars 1919. La question en litige consistait à déterminer si la réserve constituait un droit de propriété ou une simple servitude. Toute la décision qui a pu mener à faire les changements que nous proposons aujourd'hui, décision du 5 mars 1987, a inquiété beaucoup de gens. La Cour suprême a dit: Oui, la réserve des trois chaînes est légale. Elle avait été contestée par un contribuable, la Cour suprême l'a déclarée légale et il y avait une confusion entre droit de propriété et simple servitude. Si c'était un droit de propriété, c'est clair que cela appartenait à la couronne. Une simple servitude, cela voulait dire que cela appartenait au propriétaire adjacent avec un droit de passage en faveur des autres contribuables, en faveur du gouvernement. Cela a été clarifié, c'est un droit de propriété, et celui qui pensait qu'il avait la propriété dé cette réserve avec un droit de passage a vu la Cour suprême préciser clairement, pleinement, qu'il n'avait pas de droit de propriété et que cela appartenait à la couronne. La Cour suprême du Canada a jugé que la loi de 1919 visait à déclarer sans équivoque que le droit de l'État se référait à la pleine propriété des terres et ce, depuis l'imposition de la réserve, soit le 1er juin 1884.

Si ce jugement, sur le plan juridique, a mis fin à la confusion qui découlait de la nature de la réserve et de son effet rétroactif, il n'a pas pour autant apaisé les inquiétudes et les incertitudes au sein des populations concernées. Après le 1er janvier 1970 - on ajoute un autre élément à l'historique, à toute la législation et les gestes posés par les gouvernements précédents en ce qui concerne la réserve des trois chatnes - à la suite d'une refonte de la loi de la pêche et de la chasse, on retrouvait, à l'article 39 de la Loi sur les terres et forêts, sensiblement les mêmes dispositions que celles contenues à l'article 45 de la Loi sur les terres du domaine public sanctionnée le 27 mai 1987.

Alors qu'au départ la réserve des trois chatnes visait à sauvegarder un patrimoine collectif, elle est devenue une source de conflits majeurs à cause de l'imprécision des textes législatifs et d'un manque de rigueur dans son administration. On doit se rendre à l'évidence que la réserve des trois chatnes n'a pas toujours été appliquée avec la même fermeté et que plusieurs amendements à la loi ont été requis, semant la confusion chez les juristes et dans la population. Si la situation concernant la réserve était confuse au début du siècle, elle l'est davantage près de 100 ans plus tard. En outre, l'intérêt de plus en plus grand de la population pour la récréation en milieu riverain et la prise de conscience des propriétaires riverains ont contribué à développer un sentiment d'injustice à l'égard des interventions de l'État dans l'application du concept de la réserve des trois chatnes. Il devenait donc impérieux qu'une action soit prise afin de clarifier une fois pour toutes la situation juridique des nombreuses terres touchées par ce problème.

Le 15 avril dernier, j'informais l'Assemblée nationale, par voie de déclaration ministérielle, que le gouvernement avait l'intention d'apporter une solution au problème de la réserve des trois chatnes. À cette occasion, j'avais rappelé les nombreux problèmes reliés à l'application du principe de la réserve et l'incertitude générale qui existait dans la population a ce sujet. Je ne ferai pas la liste de tous les problèmes qui existent sur ces parcelles de territoire; ceux qui en ont subi les conséquences, qui ont vécu les problèmes qu'ils ont portés à notre attention le savent fort bien. Je ne reviendrai donc pas sur ces points, je m'en tiendrai à expliquer clairement la solution à laquelle le gouvernement en est venu.

Voici, par exemple, quelques problèmes. Celui qui se croyait propriétaire, parce que cela va par l'opération de la loi... Quand on transfère un titre, on ne réfère pas à la loi de 1884 ou à la loi de 1919. On transfère le titre et, dans ce titre, il peut y avoir une description des trois chatnes. Alors, de bonne foi, quelqu'un peut acheter tout le terrain. Se croyant propriétaire de ces 198 pieds, en effet, il ne l'est pas en vertu d'une loi qui a été adoptée en 1919. Il se peut que, dans certains cas, ils aient construit sur ces terrains. Aujourd'hui, on fait face à une situation que nous devons régler équitablement parce que les gens qui sont affectés par cette mesure, dans la plupart des cas, ont agi de bonne foi et n'étaient pas au courant de toutes les conditions de la loi. On a fait une distinction entre rivière non navigable et rivière navigable, la loi de 1970. Alors, il y a une série de situations qui demandent une solution et c'est cela que nous faisons par l'amendement que nous apportons à la Loi sur les terres du domaine public.

J'ajouterai cependant, sans aller dans tous les détails des problèmes concernant les quelque 100 000 parties de terrain qui sont affectées, que notre gouvernement a la volonté non équivoque de clarifier, de mettre de l'ordre dans plusieurs secteurs de l'administration publique dont celui touchant l'administration des terres des trois chatnes. La solution que nous avons retenue pour régler les problèmes de la réserve des trois chatnes comporte deux aspects différents selon qu'il s'agit des concessions à venir ou des quelque 100 000 concessions faites depuis 1884.

Dans le cas des concessions à venir, nous abandonnons le principe de la réserve. Lorsque mon ministère désirera garder dans le domaine public une partie de lots pour assurer, par exemple, l'accès public à un lac ou à une rivière, cette partie sera dûment arpentée et soustraite de la cession. L'acheteur saura clairement ce qu'il achète du domaine public. On ne se fiera pas à une loi pour retenir 198 pieds. Si, à l'avenir, on vend des terres du domaine public et qu'on veut retenir un droit de passage ou une partie du terrain riverain, on va le décrire clairement dans l'acte de cession et cela ne portera pas à confusion. Pour l'avenir, je crois que la solution est claire et simple. C'est au gouvernement de retenir dans les actes de cession les droits qu'il veut maintenir, mais le cas des concessions existantes est beaucoup plus complexe parce qu'on ne peut pas affirmer a priori qu'une concession en particulier est touchée par l'application de la réserve des trois chatnes.

Cette situation s'explique. On se rappelle, d'une part, que les lettres patentes ne faisaient référence à la réserve que dans les rares cas où le gouvernement y renonçait et, d'autre part, que la réserve ne s'appliquait avant 1970 que sur les lacs et les rivières non navigables et non flottables. Après 1970, cela s'appliquait à toutes les concessions. Avant 1970, c'était seulement des rivières non navigables et non flottables.

La plupart d'entre nous ne pourraient pas donner une définition claire et précise, à savoir si une rivière est flottable, navigable ou non. Ce sont des aspects techniques pour lesquels le commun des mortels ne peut pas vraiment avoir une expertise pour déterminer si son titre est bon ou non. C'est cela qu'on veut clarifier aujourd'hui.

Les critères qui auraient permis de reconnaître de tels plans d'eau, par exemple, navigables non flottables ou flottables non navigables n'ont jamais été clairement définis et l'imprécision quant au caractère de navigabilité des plans d'eau est un élément d'incertitude et de complexité supplémentaire. Il faudrait des années pour revoir chaque cas particulier et déterminer si la réserve existe ou non. Je me souviens, lorsque j'avais fait la déclaration ministérielle, que le député de Roberval nous avait mis en garde. Il nous avait dit: Allez-vous procéder cas par cas? Allez-vous définir chaque cas? Cela peut prendre beaucoup de temps. Alors, nous avons choisi la solution présentée aujourd'hui qui va être assez claire, assez précise, et qui va permettre de clarifier cas par cas, mais ce sera un principe d'abolition générale qui n'enlèvera pas les droits acquis ou qui n'enlèvera pas l'accès dans les endroits où il doit y avoir accès pour l'intérêt public. (12 h 10)

Toutefois, comme je le soulignais déjà le printemps dernier, le gouvernement n'a plus besoin aujourd'hui de cette réserve automatique pour préserver l'environnement et les habitats fauniques. Il dispose pour cela de lois et de règlements appropriés. Dans ce nouveau contexte, il ne lui reste plus qu'à assurer l'accès du public aux plans d'eau et il n'a pas besoin pour cela d'être propriétaire d'une bande de terrain si importante.

C'est pourquoi nous avons choisi de renoncer à la réserve des trois chaînes sauf en de rares cas où l'intérêt public l'exige et qui sont précisés dans le projet de loi. D'une façon générale, cette réserve sera dévolue sans frais aux titulaires de la concession. Concrètement, cela signifie que le propriétaire d'un lot qui borde un plan d'eau, un lac ou une rivière n'a pas à se demander si ce plan d'eau est navigable ou non. Si la bande des trois chaînes en bordure du plan d'eau est complètement libre et que, de tout temps, il l'a même utilisée lui-même, il pourra conclure qu'il sera maintenant légalement chez lui sur cette bande. C'est ce qui se produira dans plus de 90 % des cas.

Cependant, en vue d'assurer l'accessibilité du public aux rivières à saumon et à ouananiche et à quelques rivières à truite ou encore aux rivières utilisées pour la descente en canot, ces rivières sont toutes identifiées dans l'annexe du projet de loi. La renonciation à la réserve est assortie du maintien d'un droit de passage à pied dans un corridor de dix mètres de largeur autour du cours d'eau. J'ai bien dit "un droit de passage à pied" et non le droit de camper, de faire des feux de camp ou de circuler en véhicule tout terrain. Cette façon de procéder permet de sauvegarder les droits du public tout en représentant une faible contrainte pour celui qui récupère sans frais la totalité de la propriété de la réserve.

Par ailleurs, nous avons dû temporairement faire quelques exceptions à la règle générale et conserver la propriété de la réserve dans ces cas bien précis. Ainsi, lorsqu'un occupant détient un titre ou une autorisation de mon ministère, que ce soit un bail, une servitude, un permis d'utilisation, ou qu'il est susceptible d'en obtenir un, la réserve est retenue dans le domaine public jusqu'à ce que tous ces titres soient précisés. Le reste de la réserve, s'il en est, sera ensuite automatiquement cédé au propriétaire du lot affecté.

Tout propriétaire constatant la présence physique d'occupants sur la partie de son lot correspondant à la réserve saura qu'il ne récupérera pas nécessairement tout le terrain et que la récupération ne pourra se faire qu'une fois réglés les droits des occupants. Il pourra obtenir plus de détails sur sa situation en se présentant au bureau régional du ministère ou à l'unité de gestion la plus proche.

Par contre, deux cas peuvent se présenter où aucun signe physique ne laisse présager des droits de tierces personnes. Il s'agit d'abord des lacs servant de réservoirs d'eau potable pour une municipalité qui pourra détenir un bail sur la réserve pour protéger le réservoir. Ces cas sont connus localement de tous. Il y a également le cas des lacs dont le niveau est contrôlé par un barrage, ce qui est aussi connu localement. Les propriétaires du barrage peuvent détenir une servitude d'inondation qui touche une partie ou même quelquefois toute la réserve qui existait au moment de la vente du lot. Il est évident qu'une telle servitude doit être respectée tant que le barrage existera. Encore là, une visite à nos bureaux régionaux permettra au propriétaire de savoir concrètement ce qu'il récupère en vertu de la loi.

De plus, la réserve sur certains lots clairement identifiés dans la loi est retenue dans le domaine public pour permettre d'aménager des sites d'accès du public à certains lacs ou rivières. Une fois l'espace nécessaire bien délimité, le reste de la réserve, s'il en est, sera également cédé au propriétaire du lot. Les propriétaires peuvent savoir immédiatement si leur lot est touché en consultant l'annexe I de la loi.

Dans les cas de doute le propriétaire pourra s'adresser aux bureaux régionaux du ministère et demander une attestation confirmant la dévolution de la réserve.

Enfin, dans certains cas, l'orientation des lignes de lots par rapport aux plans d'eau et la dévolution de la réserve ou d'une partie de celle-ci aux propriétaires, y ayant droit pourraient avoir comme effet de priver d'un accès direct au plan d'eau le propriétaire qui a un lot contigu à la réserve. Les lots ne vont pas tous dans le même sens que le cours d'eau. Ils peuvent être de biais. Si quelqu'un a un droit de passage sur une autre parcelle assujettie à la réserve, il peut faire confirmer ce droit de passage afin qu'il ne perde pas ses droits. Alors, il peut aller aux bureaux régionaux du ministère pour se faire confirmer son droit et les détails lui seront fournis. Le projet de loi est assez clair à ce sujet, mais il est bien entendu que les coûts de l'aménagement et de l'entretien de ce droit de passage seront à la charge du voisin qui obtient ce droit.

M. le Président, nous avons soupesé toutes les hypothèses possibles pour trouver une solution à ces problèmes vieux d'un siècle. Nous sommes arrivés à la conclusion que les modalités retenues sont les seules possibles et les plus équitables. Le problème est tellement complexe qu'il n'y a pas de solution miracle. Cependant, nous avons manifesté depuis deux ans notre efficacité administrative. C'est dans cette perspective que nous nous sommes attaqués au problème des réserves. Les modalités proposées vont régler dès le départ plus de 90 % des cas. Mon ministère pourra maintenant concentrer ses efforts sur les 10 % des cas en suspens. Nous comptons pouvoir les régler d'ici cinq ans au maximum, une fois pour toutes. Nous sommes prêts à assumer ce défi. Nous entendons d'ailleurs procéder, dès l'entrée en vigueur de la loi, à une campagne intensive d'information dans les médias et à la préparation d'un document d'interprétation qui sera disponible dans tous nos bureaux et pour tous ceux qui en feront la demande. Notre gouvernement veut ainsi manifester sa très grande transparence en informant le plus efficacement possible tous les citoyens concernés.

Mme la Présidente, en terminant, j'aimerais revenir sur l'importance de ce projet de loi pour les citoyens et citoyennes du Québec. J'ai déjà indiqué que les propriétaires de plus de 100 000 lots sont susceptibles d'être affectés par la réserve légale. Plus de 90 % d'entre eux deviendront pleinement propriétaires de la réserve par le seul effet de la loi.

Je veux ajouter que les pêcheurs sportifs et les personnes qui s'adonnent à des activités récréotouristiques sont aussi visés par cette loi. En effet, le projet de loi leur conserve la possibilité de circuler le long des rives de certaines rivières, dont les rivières à saumon, et il prévoit que la réserve légale affectant certains lots est maintenant dans le domaine public pour préserver des accès publics à certains plans d'eau.

Enfin, toutes les personnes autres que les propriétaires à qui l'État a consenti des droits sur les réserves sont aussi touchées par ce projet de loi, le gouvernement, ayant choisi de sauvegarder leur droit d'accès et de passage.

En conclusion, le projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public, règle les problèmes créés par la réserve des trois chaînes, des problèmes vieux de cent ans et affectant de façon pratique, directement ou indirectement, tous les Québécois qui veulent avoir accès - et tous les Québécois le peuvent - à certaines rivières.

Ce projet de loi confirme l'engagement de notre gouvernement d'apporter une solution définitive à l'inquiétude et à l'imprécision qui entourait la gestion des réserves des trois chaînes.

Mme la Présidente, le gouvernement considère que c'est la solution la plus appropriée. Je suis convaincu que le projet de loi va contribuer à dissiper la confusion dans la population, tout en répondant aux objectifs du gouvernement ou en ce qui a trait à la gestion des terres du domaine public. Merci. (12 h 20)

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Oui, Mme la Présidente. Je remercie le ministre de porter à l'attention de cette Chambre ce projet de loi 84 qui s'appelle Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public. Je n'interviendrai pas de façon très longue sur ce projet de loi, du simple fait qu'il s'agit là d'une mesure législative à laquelle on concourt d'abord avec plaisir. Je veux assurer le ministre de ma collaboration sur ce projet de loi, puisque - le ministre, évidemment, s'attribue bien des mérites; je conviens qu'il en a quelques-uns - il s'inscrit dans une suite logique d'événements, dans une séquence qui fait qu'on n'aurait pu, je pense, trouver une autre solution, par la responsabilité gouvernementale, au problème qui se pose.

Le ministre a fait état lui-même - vous me permettrez de le rappeler pour quelques instants - de problèmes vieux de plus de cent ans. Je crois qu'il y a au Québec, compte tenu du nombre de cours d'eau, des milliers et des milliers, des dizaines de milliers de terrains affectés par le problème des trois chaînes. Il y a eu au cours des années -permettez-moi de le rappeler d'innombrables démarches de toute nature faites par les individus, par les propriétaires de ces terrains, par ceux qui voulaient

devenir propriétaires, auprès du gouvernement, auprès des cours de justice. Il y a eu des causes célèbres qui ont été plaidées sur ce sujet et qui faisaient toujours état de la possibilité ou non pour une personne propriétaire d'un terrain d'être également propriétaire de ce terrain jusqu'au cours d'eau avoisinant.

Il faut comprendre que cette loi a un caractère historique, en ce sens qu'elle remonte à l'époque où la navigabilité ou non des cours d'eau était un élément important puisque les transports se faisaient davantage que maintenant par ce moyen. Nos illustres prédécesseurs d'il y a plus de cent ans ont cru bon, à juste titre, à bon droit, de préserver une réserve de chaque côté des cours d'eau pour permettre une utilisation publique et permettre également des aménagements, si nécessaire.

La plupart, je dis bien la grande majorité des propriétaires de terrains au Québec, qui bordaient un cours d'eau, étaient dans cette situation où ils avaient l'usufruit, en quelque sorte, d'un terrain qui ne leur appartenait pas. Cela a créé toutes sortes de complications juridiques. Vous me permettrez, Mme la Présidente, de souligner que, dans mon comté de Roberval, il y a une municipalité, entre autres, où une rue complète, une rue historique de la municipalité, une des plus vieilles rues de la municipalité, est construite en quelque sorte en bordure d'un cours d'eau. Ce n'est pas un cours d'eau navigable au sens commercial du terme, mais il y avait une réserve des trois chaînes. On connaît les problèmes que ces propriétaires ont dû rencontrer. J'ai même eu l'occasion au moment où nous formions le gouvernement et, si ma mémoire est exacte aussi, du temps de ce gouvernement, de faire des représentations auprès de certains fonctionnaires, auprès des ministères, de saisir des ministres aussi de ce problème de propriétaires qui devaient composer avec un état de fait qui, sur le plan juridique, leur causait énormément d'inconvénients.

Qu'on puisse régulariser ces situations, j'en suis, j'en conviens. C'est pour cela que nous concourons au projet de loi. Nous avions mis le ministre en garde sur la façon de régler ces milliers de cas. Ce sont presque tous des cas d'espèce, Mme la Présidente. Je pense que tout ce que l'imagination peut nous permettre de penser comme cas existe dans ce domaine: des gens qui sont propriétaires, des gens qui ont acheté, des gens qui n'ont pas acheté ou des gens qui ont cru acheter et qui n'ont pas acheté, des gens qui ne sont propriétaires que d'une partie de terrain, des lots ou des réserves utilisés à d'autres fins qu'à celle du simple propriétaire, des partages de droits, des servitudes, des terrains baignés, comme le ministre en a parlé, des cours d'eau contrôlés par barrages - c'est le cas du lac

Saint-Jean, en l'occurrence - des cours d'eau aux rives baignées où la réserve des trois chaînes doit s'appliquer parce que celui qui contrôle le cours d'eau n'a pas toujours la possibilité de le contrôler de façon satisfaisante. Il y a des milliers de cas. Il y a des milliers de problèmes aussi. Quand on parle d'un cas, souvent on parle d'un problème quand on arrive sur le plan juridique.

Nous avions mis le ministre en garde -nous sommes heureux qu'il ait suivi ce conseil - de ne pas avoir à régler, cas par cas, cette chose. Écoutez, sur le simple plan de la logistique, je pense que le ministère ne pouvait pas penser s'embarquer dans un règlement dossier par dossier; cela aurait été absolument fastidieux comme travail, impossible à réaliser dans le temps. La loi est adoptée en décembre 1987. On se serait peut-être revus, le ministre et moi, à nos vieux jours, autour de l'an 2000, et on se serait probablement dit: Ils n'ont pas encore fini de faire le tour des cas. Cela aurait été exact.

Je trouve que la solution est intéressante par le fait qu'elle règle d'une façon générale et qu'elle permet plutôt de considérer des exceptions qui pourraient être portées à l'attention du ministère et pour lesquelles, je crois - je le dis bien honnêtement - l'homme politique a un jugement qu'il doit exercer avec son équipe de fonctionnaires. Trop souvent dans des projets de loi - je le dis et je le pense sincèrement - on a tendance à souligner le caractère injuste - du moins c'est le sens des discours - de la décision d'un ministre ou d'un ministère face à certaines applications de la loi.

Souvent, comme Opposition - le gouvernement l'a fait au moment où il formait l'Opposition - quand le ministre se garde certains pouvoirs, disons-le, "discrétionnaires", entre guillemets, puisqu'on peut les définir de bien des façons, on a tendance à réclamer des projets de loi blindés dans ce sens-là et on fait probablement erreur. Il n'y a pas un homme de loi, ni une équipe d'experts qui peut réussir à écrire un projet de loi qui pourrait prévoir toutes les éventualités et qui pourrait encadrer cela de façon légale, par voie législative. En ce sens, il faut accepter qu'il y ait un peu d'ouverture, qu'il y ait une espèce d'amnistie générale, pour prendre un terme plus à la portée peut-être de l'ensemble des citoyens. Il y aura des études et des décisions de prises, il y aura des choix de faits par l'appareil du ministère qui a, quand même, sa responsabilité et par le ministre - peut-être ce ministre, je ne lui souhaite pas nécessairement un très long règne, mais, enfin, il aura un successeur un jour, cet homme - et ses successeurs. Donc, il a la capacité de prendre des décisions, de

porter un jugement d'homme politique et d'homme administratif aussi, parce que, comme ministre, il a plus une fonction administrative face à son ministère.

Alors, c'est un ensemble de cas qui sera réglé. Il y a un aspect que j'indique simplement au ministre. Ce mérite qu'il s'attribue ce matin, c'est à bon droit, bien sûr, qu'un homme politique peut le faire, mais je rappellerai le caractère de cette loi qui s'inscrit dans une démarche, dans un processus. Le mérite du ministre est peut-être d'y donner suite, davantage ce matin que dans un ou trois ans ou de laisser traîner le dossier. C'est peut-être son mérite ce matin, sauf qu'il ne faut pas, non plus, lui accorder un mérite qu'il n'aurait pas. Le ministre sait très bien, je le vois... Je n'oserais pas dire qu'il opine du bonnet, mais je le vois sourire. Le ministre ne peut quand même pas prétendre...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: À l'ordre! Vous pouvez continuer, M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Mes propos, par le calme que j'y mets et par la grande objectivité sur laquelle ils sont fondés, ne devraient pas exciter mes honorables collègues d'en face. J'aimerais, à cet égard, qu'ils me permettent, pour les quelques minutes que j'utiliserai, de les terminer de façon normale, comme le règlement le prévoit. (12 h 30)

C'est peut-être le seul blâme que je fais au ministre ce matin en disant: Je ne voudrais pas qu'il s'accapare un mérite exagéré. Il sait bien que ce projet de loi s'inscrit dans un processus normal. Il a le mérite de le faire ce matin, soit, mais sans plus. Je pense que c'est la responsabilité de tout ministre de l'Énergie et des Ressources d'avoir à amener des mesures législatives comme celles-là qui sont la suite d'un long processus, qui s'inscrivent dans l'histoire et qui sont conséquentes de jugements qui ont été rendus jusqu'en Cour suprême.

Mme la Présidente, il y a, tout de même, un aspect sur lequel je voudrais rafraîchir la mémoire du ministre. Je lui ai déjà souligné - à lui et à d'autres de ses collègues, ses ministres délégués - sur la question du terrier dont on fait également mention dans ce projet de loi, mon inquiétude et l'inquiétude générale de l'Opposition, puisque, dans le projet de loi 150 sur les forêts, il était fait mention également d'un inventaire forestier ou d'une espèce de terrier qui serait tenu à jour.

En ce qui concerne la loi sur les droits miniers et toute la question des "claims" de mines, il y est également fait mention d'un inventaire de terrains qui doit être tenu à jour. Le ministre parle - dans le fond, c'est lui, le vrai "boss" - d'un terrier pour l'ensemble des terres publiques du Québec. Nous sommes d'accord avec cette idée.

La seule chose que je me demande... Je l'avais souligné à chacun des autres projets de loi, en commission parlementaire, en l'occurrence, et probablement devant cette Chambre, quoique ma mémoire ne me permet pas, à ce stade-ci, de le confirmer avec certitude. Mais j'ai déjà indiqué au ministre et à ses collègues que, plutôt de créer deux ou trois catalogues - parce que c'est un peu comme cela qu'on veut les appeler - des terres publiques du Québec, des ressources du Québec, des terres forestières, des terrains miniers, il serait intéressant que tout cela puisse être regroupé.

La Chambre des notaires nous avait, d'ailleurs, fait une proposition, en audition publique sur le projet de loi 150, si ma mémoire est exacte. Peut-être est-ce avec le ministre? Je ne me souviens pas. C'est avec le ministre. Ils vous avaient fait la proposition de regrouper l'ensemble de ces catalogues dans un seul inventaire qui pourrait être sous l'autorité du ministre de l'Énergie et des Ressources ou, à tout le moins, qui pourrait ramasser dans un seul instrument l'ensemble des données intéressantes et importantes qu'il convient d'avoir lorsqu'on traite de ces questions.

En tout cas, que je sache, je ne crois pas que le ministre se soit rendu à cette suggestion, à moins qu'il n'y ait des choses que je n'ai pas saisies dans les propos du projet de loi. Je sais que le ministre va avoir un droit de réplique tout à l'heure. J'aimerais qu'il puisse nous indiquer si c'est dans ses intentions prochaines ou dans ses intentions futures, dans un avenir immédiat ou beaucoup plus loin, d'en arriver à faire ce regroupement qui ne nous paraît peut-être pas nécessaire à tous crins, mais qui faciliterait énormément le travail des hommes de loi et des fonctionnaires qui auront à composer avec ce type de problème.

Je crois que le ministre pourrait accorder davantage d'intérêt à cette proposition de la Chambre des notaires qui, il faut bien le dire, sont les experts légaux dans le domaine immobilier. Ce sont des gens qui, de par leur expérience et le caractère particulier de leur profession, qui est propre au Québec, d'ailleurs, sont en mesure de nous donner des conseils à cet égard qu'aucun ministre ou aucun parlementaire n'est en droit d'ignorer ou d'écarter du revers de la main. Je crois que ces gens ont cette nécessaire expérience et ces connaissances qui nous permettent, quand ils nous font une recommandation, d'y donner suite, à moins que des raisons majeures n'amènent le gouvernement à ne pas donner suite à ces recommandations, ce que le

ministre pourra peut-être, également, nous confirmer tout à l'heure. Je ne le sais pas.

Nous attendons et je souhaite qu'il puisse, au moins, nous donner des indications quant à cela. J'aimerais, comme membre de l'Opposition et comme porte-parole, pouvoir indiquer à la Chambre des notaires, indiquer également aux gens qui s'occupent de terrains miniers, à ceux qui s'occupent de terrains forestiers, à ceux qui s'occupent de terres publiques, que l'Opposition, en donnant son concours à l'adoption du projet de loi 84, a également eu ce souci de rappeler cette chose au ministre et aura même apporté sa contribution, si on ne corrige pas les choses dans ce projet de loi, à une éventuelle prise de décision de la part du gouvernement qui pourrait en venir à regrouper tout cela ou à faire l'outil unique qui était réclamé. Enfin, peut-être que le ministre a des projets qu'il n'était pas prêt à annoncer tout de suite, je ne sais pas, mais nous attendrons avec plaisir son commentaire de la fin.

Cependant, je me permets de le dire à l'honorable ministre de l'Énergie et des Ressources, il y aurait encore un pas dans cette longue séquence qui est engagée, un pas supplémentaire que le ministre pourrait faire. Le ministre s'est un peu vanté ce matin, je le répète, à bon droit jusqu'à un certain point, de nous présenter une mesure législative importante. Soit! Moi, je l'inscris dans une démarche plus large et je dis que c'est l'inévitable aboutissement des choses, des événements. Je pense qu'on peut accepter cela. Mais j'indique au ministre qu'il aurait un pas de plus à faire parce que le boulot n'est pas fini dans le domaine des terres publiques. Il aurait peut-être un pas de plus à faire en regardant une hypothèse comme celle qui nous avait été proposée. Là, on comprendrait. Je vous avoue que je me lèverais avec plaisir en cette Chambre pour souligner avec encore plus d'ardeur le dynamisme du ministre qui aurait fait non pas un pas forcé par l'histoire, mais plutôt un pas de bon gré, un pas d'homme politique qui a décidé d'aller plus loin que de donner suite aux événements, le pas d'un homme politique qui aurait décidé d'innover et d'amener quelque chose de plus. En ce sens, le travail de l'Opposition aurait été fait de façon complète, de façon constructive et de façon fort utile.

J'en profiterai, puisque j'ai un certain temps et que, manifestement, le ministre n'a pas utilisé tout son temps - je n'ai pas l'intention de le faire, non plus - pour rappeler au ministre - ce que je fais depuis sept ans en cette Assemblée, je dois le dire, en proposant différentes suggestions au ministère de l'Énergie et des Ressources -une suggestion pour laquelle tous les ministres m'ont écouté avec beaucoup d'attention, une suggestion pour laquelle beaucoup de ministres ont fait des pas.

L'ensemble des ministres à qui j'en ai parlé a fait des pas.

Je le rappelle encore au ministre, c'est une revendication qui me tient à coeur et qui touche aux terres publiques même si cela déborde légèrement le sujet. Il s'agit de la question des chemins forestiers utilisés à des fins de villégiature et d'exploitation forestière par son ministère. Je reviens constamment sur ce propos puisqu'il y a des situations au Québec qui sont difficiles. Je sais que le ministre a déjà accusé réception d'un envoi à cet égard. Le ministre m'avait aussi promis de regarder la chose de plus près. Je connais, cependant, les difficultés relatives à cette question. Je sais que les fonctionnaires du ministère de l'Énergie et des Ressources, pour en avoir fait l'expérience, sont un peu allergiques à cette question d'une certaine manière puisqu'elle est délicate à régler.

J'aimerais intervenir, encore une fois, tandis que l'occasion m'en est offerte, au nom des milliers de propriétaires villégiateurs du Québec qui utilisent des terres publiques, qui sont locataires de terres publiques, qui utilisent des chemins qu'ils construisent, qu'ils entretiennent à leurs frais et qui doivent les partager sans aucune possibilité de compensation financière avec des gens qui exploitent la forêt, qui exploitent les ressources publiques avec l'autorisation du ministère, bien sûr, soit des permis de droit de coupe qui existaient sous la forme qu'on connaît, mais qui continueront inévitablement d'exister en ce qui concerne le bois de chauffage ou certaines autres catégories comme du bois affecté par la tordeuse ou d'autres... Ce problème demeure entier. Je sais qu'il est difficile à régler, mais on devrait, avec un peu d'imagination ou par le biais d'un nouveau programme au ministère, s'il y a lieu, y consentir quelques deniers. Mais il faudra peut-être en arriver à traiter de façon juste et raisonnable les gens qui doivent à leurs frais, dans bien des cas, entretenir des routes forestières - cela coûte cher - pour des personnes qui bénéficient de permis de coupe très ponctuels, soit de bois de tordeuse, soit de bois de chauffage pour 30 cordes, trois ou quatre propriétaires qui font 120 cordes de bois et qui les voyagent dans ces chemins. (12 h 40)

Tandis qu'on parle des terres publiques, je sais que je m'écarte légèrement du sujet du projet de loi comme tel mais, comme il est fait mention de certaines servitudes qui doivent toujours être reconnues légalement pour certains terrains, je pense qu'il s'agit là d'un problème de terres publiques, d'un problème d'équité à l'endroit de nos concitoyens. J'aimerais tellement que les multiples recommandations que j'aurai faites au fil des années et qui, d'une fois à l'autre, auront fait avancer le dossier un peu plus au

ministère puissent aboutir à une politique ou à la mise sur pied d'un programme juste pour tout le monde. Le problème demeure là, et peut-être le ministre pourra-t-il en arriver à proposer un règlement intéressant.

Avant de terminer, il y a une chose sur laquelle je voudrais également insister. Cela déborde un peu le cadre du projet de loi, mais cela touche à ce pouvoir discrétionnaire du ministre, à cette capacité du ministère d'apporter des solutions à la pièce, dans certains cas, comme c'est le cas dans le projet de loi. Il s'agit des fameux aménagements de villégiature autour de cours d'eau déjà aménagés pour une partie de la population. Il se dessine des problèmes, dans mon comté et quelques cas ont été portés à ma connaissance. Le râle du ministre n'est pas seulement de répondre au jour le jour aux demandes qui se font et aux problèmes qui se créent, mais c'est aussi de prévoir, pour éviter des problèmes. Il se dessine des problèmes quant aux normes d'aménagement des terrains de villégiature autour des cours d'eau. Je vis au Lac-Saint-Jean, comme 150 000 concitoyens autour du Lac-Saint-Jean et quelque 200 000 le long du Saguenay. Nous vivons dans une magnifique région extrêmement vaste de 350 000 personnes. Des habitudes ont été créées, des habitudes d'espace, des habitudes d'utilisation, d'endroits de villégiature moyennant certaines normes qui peuvent être différentes des normes de celui qui reste au coeur de la ville de Montréal et qui ferait de la villégiature à certaines occasions, mais avec des voisins en arrière, en avant, à côté, un peu partout.

Quand on regarde l'aménagement que le ministère veut faire dans certains cas, de plans d'eau et de terrains autour de plans d'eau, il y a des normes, des habitudes que certains spécialistes ont prises en ville, et quand ils sont transférés en régions, on ramasse ces habitudes de prévoir des aménagements, dans un secteur comme le nôtre, où bien des lacs sont disponibles et pourraient être ouverts à l'exploitation de la villégiature. Il y a une tendance du ministère à proposer des plans d'aménagement de deux, trois ou quatre rangées de chalets, par exemple, autour de cours d'eau situés en plein bois et pour lesquels les propriétaires ont investi des sommes importantes pensant trouver là le calme, évidemment, et non pas un empilement plus grand que dans le village d'où ils proviennent ou dans la ville de banlieue d'où ils proviennent, un empilement de chalets en plein coeur d'une forêt, brimant par le fait même les droits des personnes qui les ont acquis au cours des années.

J'ai eu l'occasion de communiquer avec des gens de son ministère, avec des gens de l'unité de gestion de Roberval, pour leur indiquer que je ferais auprès du ministre, s'il donnait suite au projet d'aménagement proposé, entre autres, dans un certain secteur que j'ai plus fidèlement en mémoire, toutes les revendications nécessaires et que je m'opposerais avec la dernière énergie à l'application d'un plan d'aménagement normalisé qui peut s'appliquer à un lac situé autour d'une ville importante, qu'on doit partager et qu'on accepte de partager, par rapport à un lac qui est situé à quinze milles dans le bois, au Lac-Saint-Jean, et pour lequel les propriétaires ne comprennent pas qu'il puisse y avoir une deuxième ou une troisième rangée de chalets alors qu'ils n'ont pas, dans leur village, une rue, deux rues ou trois rues en arrière.

J'ai indiqué aux gestionnaires du ministère, à Roberval, que si la loi ne le lui permet pas, le ministre devrait le prévoir. Il devrait pouvoir exercer son jugement et les fonctionnaires du ministère devraient pouvoir exercer leur jugement dans ces normes d'aménagement. On rejoint, en ce sens, les éléments du projet de loi. Il faut laisser aux gestionnaires, à l'homme politique et également à l'appareil administratif une certaine capacité de nuancer des décisions qui peuvent être prises en fonction d'éléments ou de contextes sociaux, économiques ou autres qui sont tout à fait différents.

En ce sens, je rappelle au ministre que, même si, aujourd'hui, il fait un pas intéressant, il y a encore beaucoup de boulot à faire à son ministère. J'imagine qu'il en est conscient. Je lui indique aujourd'hui deux pistes de travail qui sont celle du terrier commun, du terrier central en quelque sorte, et celle du partage des coûts pour les chemins forestiers qui servent plus à la villégiature et dont l'entretien revient aux citoyens. J'invite également son ministère à se pencher sur ce délicat problème de l'aménagement pour permettre à nos concitoyens de profiter des lacs et des rivières du Québec, mais de cette nécessaire décision nuancée qui, parfois, permet de satisfaire tout le monde et d'éviter bien des problèmes.

On devrait comprendre chez le ministre, on devrait percevoir chez le ministre cette volonté de voir en avant, de voir plus loin et de se préparer pour l'avenir afin d'éviter des problèmes. On devrait comprendre que le ministre a une vision claire des problèmes qui risquent de se présenter dans les prochaines années. On devrait saisir chez le ministre cette perspicacité nécessaire, ce goût, pour qu'on puisse dire que c'est un bon ministre. Pour qu'on puisse dire que c'est un bon ministre, il faudrait qu'on puisse sentir cette volonté de se pencher sur l'ensemble des dossiers, en quelque sorte, d'identifier les problèmes, de les anticiper et d'éviter qu'ils ne dégénèrent en des conflits qui devraient, par la suite, exiger des mesures législatives correctrices,

ce qui n'est pas l'idéal. Je pense que l'Assemblée nationale devrait pouvoir se tenir au fait, agir dès que les problèmes se pointent à l'horizon et ne pas attendre qu'il y ait une tragédie nationale pour légiférer et poser des gestes.

Mme la Présidente, je terminerai mon intervention là-dessus. Je voudrais que le ministre sache que nous allons concourir à l'adoption du projet de loi 84. Je voudrais également qu'il tienne compte des remarques. J'indique que le règlement de ce dossier s'inscrit dans une perspective historique; donc, il n'a pas nécessairement tous les mérites qu'il semble vouloir s'attribuer. Même s'il a posé un bon geste, il ne faudrait pas qu'il pense, voyant notre accord de principe sur ce geste, que nous sommes suffisamment objectifs pour reconnaître que nos propos de ce matin le consacrent définitivement comme un ministre sans pareil. Il ne faudrait pas qu'il pense que nos propos de ce matin et notre accord sur le projet de loi font de lui dorénavant un ministre cautionné des deux côtés de la Chambre.

Je ne voudrais pas blesser la modestie du ministre mais je ne voudrais pas qu'il fasse une lecture de nos propos qui aille au-delà de la réalité. Je voudrais simplement qu'il comprenne dans nos propos que nous sommes capables d'objectivité, nous sommes capables de situer son projet de loi dans la perspective dans laquelle il se situe mais nous sommes aussi capables de lui indiquer que bien des choses restent à faire dans son ministère et qu'on aimerait que plus de gestes législatifs puissent permettre de régler les problèmes qui sont là. Nous aurions peut-être tendance à dire à ce moment-là que nous trouvons sa performance acceptable.

Je vous remercie de cette attention religieuse que vous m'avez accordée, Mme la Présidente. Le ministre a semblé en faire autant et j'espère qu'il pourra nous indiquer dans sa réplique sur quelle voie on se dirigera au cours des prochains jours ou des prochaines semaines quant à l'administration de son ministère. Là-dessus, je vous remercie beaucoup.

Une voixs Bravo! (12 h 50)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Roberval. M. le député de Rimouski.

M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski): Mme la Présidente, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi 84, Loi modifiant la Loi des terres du domaine public.

Avant de commencer mon intervention, je voudrais vous dire toute ma satisfaction de voir comment l'Opposition joue bien son râle en reconnaissant les mérites de ce projet de loi. Je ne sais pas ce qui se passe ce matin, mais on a présenté deux projets de loi en cette Chambre et les membres de l'Opposition ont agréé ces projets de loi. Je les félicite parce que ce n'est pas tous les jours qu'on reconnaît les mérites du gouvernement. Surtout quand ça vient de l'Opposition, c'est d'autant plus agréable de l'entendre.

Le projet de loi 84 fait suite à un jugement de la Cour suprême du Canada qui a été rendu le 5 mars 1987 reconnaissant la fameuse bande de terre de 198 pieds le long des cours d'eau non navigables. Ce jugement de la Cour suprême a été rendu à la suite d'une plainte d'un citoyen du comté de Matapédia, comté voisin de Rimouski, mais plaidée par une avocate de Rimouski, Me Dominique Langis. Cela a mis un point final à cette ambiguïté à savoir si la loi des trois chaînes s'appliquait, si elle ne s'appliquait pas, si le gouvernement était véritablement propriétaire ou pas. Je pense que ça met fin à cent ans d'incertitude, d'incohérence et, souventefois à des ambiguïtés épouvantables avec lesquelles les citoyens devaient vivre avec l'application ou non de la loi des trois chaînes.

Le jugement confirmait le droit de propriété du gouvernement mais je dois vous dire que dans le passé, depuis 1884, toutes sortes de faits cocasses se sont passés. Je vous donne un exemple. Dans mon comté, le long d'une petite rivière, la rivière du Bois Brûlé, sur une partie le long de ce cours d'eau, tous les terrains qui ont été vendus avant 1984 avaient droit d'accès au cours d'eau. Par contre, il y avait beaucoup de terrains qui avaient été vendus après 1884 et eux n'avaient pas accès au cours d'eau avec les conséquences qu'il y en a qui se sont bâtis sur la réserve des trois chaînes, soit à dos d'âne, c'est-à-dire une partie sur la réserve des trois chaînes, l'autre partie sur leur propre terrain et cela causait toutes sortes d'ambiguïtés.

En 1979, le gouvernement a statué que la loi des trois chaînes s'appliquait et a même voulu percevoir les taxes, c'est-à-dire des droits de perception d'un droit de concession qu'ils avaient. Cela a aussi posé des problèmes vis-à-vis de ces citoyens parce que, d'une part, ils payaient des droits de concession pour une partie de terrain à laquelle ils n'avaient pas droit.

Le gouvernement, en voulant percevoir des taxes sur un terrain qui lui appartenait et le citoyen ne voulant pas payer parce que n'étant pas propriétaire, cela causait toutes sortes d'ambiguïtés. Alors, le gouvernement, par l'intermédiaire de l'actuel ministre de l'Énergie et des Ressources, a décidé de mettre fin à cette ambiguïté. Il a fait une espèce d'amnistie totale pour l'ensemble des citoyens touchés par cette loi des trois chaînes.

Ainsi, plus de 200 000 citoyens du Québec pourront recouvrer leur droit de propriété simplement en faisant valoir auprès du ministre leur intention ou leur droit légitime d'avoir ce droit de propriété.

Le projet de loi 84 que nous avons devant nous est relativement simple. C'est un projet de loi qui a beaucoup de concordance avec la Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public. Il a seulement dix articles, mais ces articles sont très importants parce qu'ils donnent au ministre toute la latitude voulue pour corriger les injustices du passé.

Parmi les points importants, ce projet de loi, entre autres, met fin au régime de la réserve légale pour toute vente et cession future des terres du domaine public. Cela veut dire qu'à l'avenir nous n'aurons plus à nous occuper la loi des trois chaînes. Tous ceux et celles qui veulent rester ou encore avoir un terrain le long d'un cours d'eau non navigable pourront se prévaloir de cette disposition et nécessairement profiter de plein droit de l'accès à ce cours d'eau.

D'autre part, le projet de loi cède la réserve légale existante en pleine propriété et sans frais aux propriétaires actuels des lots affectés par cette réserve. Ceux et celles qui, à l'heure actuelle, sont tributaires de cette disposition de la réserve des trois chaînes, pourront, sur demande au ministre, profiter de plein droit de cet espace de terrain et avoir accès au plan d'eau. D'autre part, la loi aussi conserve le long de certaines rivières, et en particulier les rivières à saumon, un droit de passage à pied en faveur du public sur une bande de dix mètres. Je pense qu'encore là, c'est une disposition de la loi qui permet, le long des rivières à saumon, de garder une bande de terre pour pouvoir avoir accès à ces rivières à saumon et en même temps de donner le droit de passage à pied à ceux qui pourront exercer cette activité sportive le long des rivières à saumon.

D'autre part, il prévoit la possibilité pour un propriétaire d'un lot adjacent à une réserve légale privatisée par la loi d'obtenir une servitude de passage. Il est évident que bien des cas peuvent se présenter. Je vais vous en signaler un qui se présente dans mon comté. Un citoyen est installé à peu près à 300 pieds du lac, la loi des trois chaînes s'applique tout autour de ce lac et nécessairement, comme il est en dehors de la limite des trois chaînes et qu'il y a un accès au lac suivant un droit de passage, ce citoyen devrait garder son droit d'accès au lac. Je pense que la disposition dans le projet de loi prévoit des cas d'exception de façon à garantir à ce citoyen qui est bâti en dehors de la limite des trois chaînes l'accès à ce plan d'eau. C'est un élément très important dans le projet de loi, faute de quoi nous allons causer des injustices.

Il introduit aussi la possibilité pour le ministre de délivrer une attestation confirmant que la réserve affectant un lot a été dévolue au propriétaire de ce lot. Les dispositions de la loi sont telles qu'elles englobent tous ceux et celles qui, au Québec, sont touchés par ce problème et en même temps vont régler à peu près 90 % des cas qu'on peut trouver, affectés par la loi des trois chaînes. C'est un bon projet de loi. Finalement, c'est un projet de loi qui régularise une situation que les Québécois endurent depuis au moins cent ans. C'est un projet de loi qui, en même temps, ne pénalise pas ceux et celles qui pourront en profiter, dans le sens qu'il cède automatiquement, aux ayants droit ou encore à ceux qui sont légitimement propriétaires de ces bandes de terre, le droit de propriété, et, en même temps, cela vient régulariser des situations qui étaient tout à fait injustes pour ces citoyens.

Alors, Mme la Présidente, je crois que le projet de loi est très bon pour les citoyens du Québec. Il met fin à une ambiguïté et à une incohérence que nous avions à vivre. Je suis tout à fait d'accord avec le principe du projet de loi et il me fera plaisir d'y souscrire pleinement lorsqu'on en sera à l'étape de l'adoption. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Rimouski. Mme la députée de Matane.

Mme Hovington: Merci, Mme la Présidente. Étant donné l'heure, il est 12 h 57, je vais vous demander de suspendre...

Une voix: II est 12 h 58.

Mme Hovington: ...12 h 58, je vous demanderai de suspendre le débat jusqu'à cet après-midi.

La Vice-Présidente: Nous allons donc ajourner le débat concernant l'adoption du principe du projet de loi 84 et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous allons donc poursuivre les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, j'ai un court avis à donner concernant les travaux des commissions.

M. le Président, je désire informer

cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra ses travaux de 15 heures à 16 heures, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May.

Le Vice-Président: Cet avis est donc donné. M. le leader adjoint du gouvernement, veuillez nous indiquer l'article du feuilleton.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 18 du feuilleton, s'il vous plattl

Le Vice-Président: L'article 18 du feuilleton. Nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public présentée par le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Lors de l'ajournement précédent du débat ce matin, la parole était à Mme la députée de Matane.

Mme Claire-Hélène Hovington

Mme Hovington: Merci, M. le Président. M. le Président, il me fait extrêmement plaisir d'intervenir sur ce projet de loi, le projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public. C'est un plaisir parce que c'est un problème qui dure depuis au moins cent ans et qui touche à peu près tous les Québécois, comme les sportifs qui ont des chalets au bord de lacs et au bord de rivières. Je voudrais d'abord rappeler à cette Assemblée l'origine de la réserve des trois chaînes, M. le Président.

D'abord, avant 1883, toute concession d'un lot bordant une rivière ou un lac non navigable entraînait la propriété du lit de la rivière ou du lac jusqu'à son centre. Cela veut dire qu'un personne qui achetait un terrain ou qui avait une concession d'un lot du gouvernement était propriétaire de ce lot jusqu'au milieu de la rivière et jusqu'au milieu du lac. Alors, cela entraînait la propriété du lit de la rivière. Donc, le gouvernement a dû légiférer à ce moment-là pour s'assurer de la propriété des eaux pour pouvoir exercer son droit de propriété et de gestion des pêches. Le gouvernement, à ce moment-là, adoptait sa première loi sur les pêches en 1883.

Lors de la concession d'un lot bordant une rivière ou un lac non navigable, en 1883, le gouvernement a dû prévoir, encore une fois pour gérer les pêches, une bande de trois chaînes de profondeur qui signifie à peu près 198 pieds qui était réservée en pleine propriété au gouvernement. Cette réserve s'appliquait, M. le Président, d'une façon automatique et sans mention en ce sens dans les lettres patentes. Ainsi, depuis 1883, une réserve de trois chaînes affecte tous les lots concédés en bordure des rivières et des lacs non navigables sauf si le ministre y renonçait dans ses lettres patentes.

En 1970, il y a eu une modification de la loi. La réserve s'appliquait alors à tous les plans d'eau, qu'ils soient navigables ou non.

Alors, vous voyez qu'avec les années, une certaine confusion s'est installée sur le plan juridique. C'est ainsi qu'il y a un cas dans le comté de Matapédia, qui est le comté voisin de celui de Matane, qui a été porté à la Cour suprême du Canada. Et la Cour suprême du Canada a statué, à ce moment-là, le 5 mars 1987, a confirmé la légalité et l'existence de cette réserve. Vous pouvez vous imaginer l'inquiétude soulevée par ce jugement de la Cour suprême. Dans tous les journaux du Québec, on pouvait lire: "Des milliers de propriétaires de chalets ne sont plus chez eux." "La loi des trois chaînes est valide." Dans un autre journal de Rimouski, c'était: "La loi des trois chaînes affectera des milliers de propriétaires de chalets." Dans un autre, c'est écrit: "Un débat judiciaire vieux de plus de 65 ans vient de prendre fin entre le gouvernement du Québec et des milliers d'individus se croyant propriétaires riverains." En effet, la Cour suprême du Canada a statué qu'une personne en possession d'un terrain à moins de 61 mètres d'un lac ou d'une rivière non navigable, dont la concession par le gouvernement du Québec a été effectuée entre le 1er juin 1884 et le 17 mars 1919, ne peut plus être propriétaire de cedit terrain.

Dès ce moment-là, il fallait prendre des mesures pour apaisser cette inquiétude dans la population. L'application du principe de la réserve des trois chaînes a créé et continue, après le jugement de la Cour suprême, de créer de nombreuses difficultés. Tout d'abord, il y avait l'application automatique de la réserve, comme je l'ai dit tout à l'heure, à moins que le ministre n'y renonce dans ses lettres patentes. Bien des acheteurs n'étaient même pas conscients de cette restriction de leur plein droit de propriété. C'est ainsi que la grande majorité des terrains sont loués par billets de location ou vendus à des fins agricoles. Les taxes perçues des détenteurs de billets de location sont établies ou étaient établies en fonction de toute la superficie des lots loués, sans égard à l'existence de la réserve. (15 h 10)

Plusieurs propriétaires cultivaient la terre située sur la réserve. Un décret a même autorisé le ministre délégué aux Forêts à permettre gratuitement l'exploitation de la forêt sur cette réserve. Alors, il n'y a donc pas à s'étonner si de nombreux propriétaires ignoraient et ignorent encore la présence de la réserve. Et ils ont même vendu en toute bonne foi des parcelles de leurs terrains situés sur la réserve à des fins de villégiature.

C'est pourquoi le gouvernement a

décidé de revoir toute la question et d'y trouver une solution. Cette solution retenue comporte deux éléments, selon qu'il s'agisse des concessions actuelles ou des concessions futures. Mais, à l'avenir, le principe de la réserve sera complètement abandonné.

En ce qui concerne la réserve actuelle qui affecte les lots concédés depuis 1884, le gouvernement entend renoncer de façon totale à son droit de propriété en faveur du propriétaire du lot affecté, sauf dans quelques cas précis où l'intérêt public exige le maintien d'un bloc en bordure du plan d'eau. Ainsi, concrètement, une bande publique sera maintenue autour d'un lac servant de réservoir d'eau potable, par exemple. Également, une bande publique sera maintenue de part et d'autre d'une rïvière à saumon, à la fois pour protéger l'habitat du saumon, mais aussi pour permettre la circulation des pêcheurs et des agents de la conservation de la faune. Cette bande pourrait aller chercher dix mètres autour d'un lac ou d'une rivière à saumon.

Parlant de rivières à saumon, je voudrais nommer ici les rivières qui sont dans mon comté pour sécuriser les gens en leur disant qu'ils continueront d'avoir accès à leurs rivières à saumon. Par exemple, dans la MRC Denis-Riverin, qui est dans mon comté et dans le comté de Gaspé aussi, nous retrouvons les rivières Bonaventure, Cap-Chat, Madeleine, Petite-Cascapédia, Sainte-Anne, Sainte-Anne-Nord-Est. Toutes ces rivières auront une bande de dix mètres de chaque côté afin que le pêcheur ait un accès au plan d'eau. Dans la MRC de Matane, il y a la rivière Cap-Chat, la Cascapédia, la rivière Pineault et la rivière Petite-Matane. Je vais nommer les rivières de Matapédia aussi, étant donné que c'est un cas spécial du comté de Matapédia qui avait été porté jusqu'à la Cour suprême; c'est la Cascapédia qui gardera dix mètres le long de la rivière Causapscal, la Matapédia, la Pineault et la Ristigouche. Alors, la bande de dix mètres continuera d'appartenir aux terres publiques afin de permettre la circulation des pêcheurs et des agents de la conservation.

Ce que je voudrais souligner, M. le Président, c'est que ce transfert de réserve au propriétaire actuel se fera par le biais de la loi et ce, sans coût d'achat pour le propriétaire actuel. De plus, les blocs conservés dans le domaine public seront bien identifiés est ils seront portés à la connaissance du public afin que tous les citoyens du Québec puissent vraiment connaître de façon précise les parties de réserve qui seront maintenues dans le domaine public.

Pour bien informer la population, je parlerai des principales étapes pour mettre fin à la réserve. Dans un premier temps, la loi met fin à la réserve légale pour toutes les ventes futures. La deuxième étape, la réserve légale créée avant la loi est cédée aux propriétaires actuels des lots. Ceux qui le désirent peuvent même obtenir une confirmation du ministère de l'Énergie et des Ressources pour vraiment être plus sûrs qu'ils sont propriétaires de la réserve. La troisième étape, une certaine portion de la réserve légale de 198 pieds est retenue temporairement dans le domaine public. Par exemple, j'ai mentionné les rivières à saumon tout à l'heure, il y a des bouts de réserve ou des parties de réserve, qui servent à des fins publiques et des chemins municipaux, qui pourront être gardés sur les terres publiques. Ce sera le ministère qui déterminera, en collaboration avec les ministères concernés ou avec les municipalités, la partie de la réserve qui doit être conservée, et il cédera cette partie aux municipalités. Le résidu sur la réserve sera cédé au proriétaire actuel du lot.

Il y a aussi les droits de passage. Lorsque le ministère a consenti à un particulier un droit de passage sur la réserve affectant un lot, le ministère cédera toute la réserve au propriétaire du lot, mais l'acte de cession prévoira que la cession sera sujette à ce droit, c'est-à-dire que celui qui avait déjà un droit de passage sur la réserve pour se rendre à un lac ou à une rivière conservera ce droit de passage. C'est un acquis dans la loi, c'est très important.

La quatrième étape, M. le Président. Lorsque la réserve légale est retenue dans le domaine public, le ministère régularisera d'abord les occupations. Par exemple, il offrira au locataire d'acheter la partie de la réserve qu'il occupe et donnera le reste de la réserve au propriétaire actuel du lot.

La cinquième étape. Une fois que l'occupation aura été régularisée par le ministère, ce dernier cédera sans frais d'achat - je le répète, sans frais d'achat - le résidu de la réserve au propriétaire du lot.

M. le Président, cette loi affecte plus de 100 000 lots sujets à la réserve légale. Ils ne le seront plus parce que ce projet de loi y mettra fin. Ce projet de loi touche plus de 90 % de personnes pleinement propriétaires de la réserve. Ce projet de loi met fin à énormément d'ambiguïté et de mélange que certains propriétaires de lot pouvaient avoir quant à la propriété exacte du chalet qu'ils avaient au bord, de tel cours d'eau, de telle rivière ou de tel lac.

M. le Président, le gouvernement considère que c'est la solution la plus appropriée, et je suis convaincue que cette solution contribuera, comme je le disais, à dissiper la confusion, les ambiguïtés et surtout l'inquiétude dans la population, tout en répondant aux objectifs du gouvernement en ce qui a trait à la gestion des terres du domaine public. Je pense que l'Opposition, comme je l'entendais ce matin, est parfaitement d'accord avec le gouvernement pour

dire qu'il était temps qu'une clarification soit apportée dans la loi sur la réserve des trois chaînes qui touche à peu près tous les Québécois. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je cède la parole à M. le député de Saint-Maurice.

M. Yvon Lemire

M. Lemire: Merci, M. le Président. Le projet de loi 84 mettra fin au principe de la réserve légale de 60 mètres bordant les rivières et les lacs du Québec et je voudrais en faire un résumé pour mieux le comprendre. Le projet de loi mettra fin au régime de la réserve légale pour toute vente ou cession future des terres du domaine public. Le projet de loi 84 va permettre de céder la réserve légale existante en pleine propriété et sans frais aux propriétaires actuels des lots affectés par cette réserve. Ce projet de loi va aussi nous permettre, comme l'ont dit mes collègues, de conserver en faveur du public, le long de certaines rivières, en particulier les rivières à saumon; un droit de passage sur une bande de dix mètres. Il prévoit aussi le cas où la réserve doit demeurer temporaire dans le domaine public afin de protéger les droits consentis par l'État à des tiers sur la réserve légale.

Le projet de loi 84 prévoit aussi la possibilité, pour le propriétaire d'un lot adjacent à une réserve légale privatisée par la loi, d'obtenir une servitude de passage. Il introduit aussi la possibilité pour le ministre de délivrer une attestation confirmant que la réserve affectant un lot a été dévolue au propriétaire de ce lot.

Jusqu'à maintenant, la ligne suivie par le ministère de l'Énergie et des Ressources consistait à faire preuve de tolérance d'ici à ce que le gouvernement mette au point une solution qui permette de concilier les intérêts des citoyens confrontés au problème et ceux de la collectivité.

Pour bien situer le problème, rappelons que, pour toute concession d'un lot bordant une rivière ou un lac non navigable, une bande de trois chaînes de profondeur, soit 198 pieds, était réservée en pleine propriété au gouvernement. Cette réserve s'appliquait de façon automatique et sans mention en ce sens dans les lettres patentes. Avec le projet de loi 84, le gouvernement a donc l'intention, en ce qui a trait à la réserve actuelle qui affecte les lots concédés depuis 1884 de renoncer de façon totale à son droit de propriété en faveur des propriétaires du lot affecté. Cela veut donc dire que plus de 90 % d'entre eux deviendront pleinement propriétaires de la réserve par le seul effet de la loi. (15 h 20)

De plus, les pêcheurs sportifs et les personnes qui s'adonnent à des activités récréotouristiques sont aussi visées par ce projet de loi qui leur conserve la possibilité de circuler le long des rivières et de certaines rivières dont, par exemple, les rivières à saumon. Il prévoit également que la réserve légale affectant certains lots est maintenant dans le domaine public pour préserver des accès publics à certains plans d'eau.

Enfin, toutes les personnes autres que les propriétaires à qui l'État a consenti des droits sur la réserve sont aussi touchées par ce projet de loi, le gouvernement ayant choisi de sauvegarder leurs droits. Le gouvernement du Québec considère que la concrétisation d'une telle volonté constitue la solution la plus appropriée et contribuera à dissiper la confusion et l'inquiétude qu'il y a dans la population. En effet, M. le Président, ce projet de loi mettra enfin un terme aux inquiétudes de nombreux propriétaires de chalet sur des lots riverains dans le comté de Saint-Maurice, face à cette réserve des trois chaînes. Afin de régulariser les occupations et accès aux plans d'eau, le ministère offrira d'abord au locataire d'acheter la partie de la réserve qu'il occupe et cédera le résidu au propriétaire du lot.

Aussi, aux fins publiques et pour les chemins municipaux, le ministère déterminera, en collaboration avec le ministère concerné ou les municipalités, la partie de la réserve qui doit être conservée, leur transférera ou cédera cette partie, et le résidu sera cédé au propriétaire du lot.

Pour ce qui a trait au droit de passage, lorsque le ministère a consenti à un particulier un droit de passage sur la réserve affectant un lot, le ministère cédera au propriétaire du lot toute la réserve, mais l'acte de cession prévoira que la cession est sujette à ce droit.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi 84 vient concrétiser la volonté du ministre de l'Énergie et des Ressources exprimée le 15 avril dernier dans le cadre d'une déclaration ministérielle selon laquelle toute concession de lots riverains de principe de la réserve des trois chaînes sera aboli. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Laviolette et leader adjoint de l'Opposition.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de joie que je vais prendre la parole pendant le temps qui m'est imparti sur ce projet de loi d'une très grande importance pour plusieurs personnes dans mon propre comté. Comme vous le savez, le comté de Laviolette est parsemé de plusieurs lacs et rivières.

Je dois dire que je suis un peu surpris aujourd'hui - je devrais dire que c'est heureux pour le ministre - de voir autant de ses collègues intervenir sur ce projet de loi qui est en fait un petit projet de loi. On en a six qui vont parler aujourd'hui pour différentes raisons afin d'appuyer leur ministre. Cela fait contraste avec ce que j'ai vécu la nuit dernière où le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ne trouvait que peu de preneurs de son côté pour l'appuyer dans un projet de loi. Je me suis posé la question en écoutant les gens tout à l'heure: si c'est un bon projet de loi, on appuie le ministre et, quand c'est un mauvais projet de loi, on laisse l'Opposition faire la "job". C'est ce que je crois comprendre un peu aujourd'hui.

Il est facile dans un dossier comme celui-là de venir dire au ministre: Bravo! Vous avez réglé des problèmes. J'entendais un collègue, le député de Rimouski, ce matin, dire que cela dure depuis une centaine d'années. Il y a plusieurs personnes qui sont mortes depuis ce temps-là, M. le Président. C'est un dossier qui date d'une soixantaine d'années et qui a été l'objet de décisions tout dernièrement de la part de la Cour suprême. Le ministre s'était engagé, lors de la rencontre que nous avions eue, mon collègue, le député de Roberval et porte-parole de l'Opposition en matière d'énergie et ressources, et moi-même... Lorsque nous avons étudié le projet de loi 102, on avait dit au ministre: II y a quelques problèmes qui vont surgir, on a des télégrammes, on a des lettres, on a des gens qui nous appellent et qui nous demandent ce que le ministre va finalement décider sur la loi des trois chaînes.

Le ministre a pris une décision à ce moment-là et, dans une déclaration ministérielle, il faisait part de son intention de présenter un projet de loi ayant pour effet de régulariser les terrains bordant les lacs, les rivières et, comme on le sait, depuis 1970, par les amendements à la loi, que ces lacs et rivières soient navigables ou non. Ceci m'a donc amené à regarder dans mon propre comté ce qui se passait et à faire part au ministre de quelques inquiétudes et voir quelles réponses il me donnera, soit en réplique à ces discours que nous faisons, ou à l'étude détaillée, article par article, qui se fera en commission parlementaire.

M. le Président, je vous donne un exemple bien typique, la rivière Saint-Maurice. Cette rivière a fait l'objet, à l'époque, compte tenu de l'utilisation hydroélectrique qu'on en faisait, d'une prise de possession par la compagnie Shawinigan Water & Power. Tout le monde se le rappelle, le premier ministre qui nous a quittés, le premier ministre qui était membre du Parti libéral à l'époque et qui est devenu premier ministre du Québec sous notre gouvernement, avait demandé, par une élection, la nationalisation des services hydroélectriques au Québec. Ceci va donc apporter en cours de route des changements pour les propriétaires, ou du moins, pour ceux qui avaient l'usufruit du terrain bordant la rivière Saint-Maurice.

Je vous rappelle que les transferts ayant été faits, Hydro-Québec, la compagnie québécoise d'hydroélectricité, devient par le fait même propriétaire, pour et au nom -parce qu'elle demeure toujours légalement constituée - de la Shawinigan Water & Power, d'un terrain bordant la rivière Saint-Maurice.

Qu'est-ce qui s'est produit dans le temps? On n'a demandé aucun prix pour accéder à la rivière, même s'il y avait un chalet le long de la rivière Saint-Maurice. Â un moment donné, en cours de route, il y a eu un changement et en 1969 et en 1970, justement l'arrivée de la Loi sur les trois chatnes. Est arrivée une décision gouvernementale à la fois par le gouvernement de l'Union Nationale qui était là et du gouvernement libéral qui l'a remplacé, gouvernement du premier ministre actuel, M. Bourassa, de l'époque. Il y a eu une décision prise par le gouvernement autorisant la compagnie Hydro-Québec, pour et au nom de la compagnie Shawinigan Water & Power, à vendre à une autre compagnie les bandes de terre qu'elle possédait le long de la rivière Saint-Maurice. Aujourd'hui, le propriétaire légal de ces bandes de terre est la compagnie maintenant appelée la Compagnie de flottage du Saint-Maurice. Cette compagnie s'est formée de deux compagnies papetières. La compagnie CIP à La Tuque et la compagnie Consol à Grand-Mère. Ces deux compagnies font voyager du bois sur la rivière s'en servent même quelquefois comme magasin, comme stockage et font en sorte qu'on limite l'accès à la rivière. Cette compagnie donne comme réponse qu'elle est propriétaire des rives et, en conséquence, étant propriétaire des rives, elle peut en faire ce qu'elle en veut. D'un autre côté, des propriétaires riverains, se croyant à bon droit propriétaires de la bordure du chemin jusqu'à la rivière, se sont réveillés un jour alors que la compagnie leur a envoyé une lettre, il y a quatre ou cinq ans, les gens de la pointe à Comeau, les gens de la pointe à Madeleine, les gens du coin de Saint-Pierre sur la rive est de la rivière Saint-Maurice à Saint-Jacques-des-Piles, ou de la pointe à Madeleine, de la pointe à Comeau du côté de la rive ouest, à Saint-Jean-des-Piles, se sont retrouvés comme à Shawinigan d'ailleurs - mon collègue, le député de Saint-Maurice corroborera mes dires - dans le coin de ce qu'on appelle les Hêtres à Shawinigan, où il y a plusieurs chalets riverains. Il en a d'ailleurs fait mention tout à l'heure.

(15 h 30)

Ces gens se sont vu envoyer un contrat, un contrat minime, soit dit en passant, où la compagnie leur donnait - ce n'est pas le fait qu'ils sont chargés à des taux très forts - la possibilité de pouvoir utiliser le terrain à leurs fins à eux. Mais si jamais, par suite d'une inondation, il y a du bois qui échoue sur la rive et qu'ils ne sont pas, sur une distance donnée, propriétaire de ce lot la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice ne pourrait en aucun temps aller sur le terrain qu'ils ont aménagé des fois à grands frais, croyant être propriétaires.

Or, avec la loi, comment le ministre va-t-il régler ce problème? Est-ce que la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice, qui, dans le temps, est devenue propriétaire de ces bandes riveraines, va être assujettie à la loi? De quelle façon les propriétaires de chalets vont-ils avoir accès à la rivière sans entrave? Actuellement, ils ont cet accès en vertu d'un contrat. Mais supposons - on ne peut jamais jurer de rien parce qu'on ne connaît pas l'avenir - que la compagnie décide de leur charger des prix exorbitants en leur disant: Vous n'aurez plus accès à la rivière parce que vous nuisez... Il y a des pressions qui se font et le ministre en est conscient. D'ailleurs, le ministre délégué aux Forets est venu à Grand-Mère annoncer l'investissement de 280 000 000 $ à la compagnie Consolidated Bathurst et le maire de Grand-Mère aurait dit: Écoutez, nous sommes conscients qu'il faut que le bois voyage par la rivière. Il a pris une position que des gens contestent.

Comme député, dans tout cela, j'ai à présenter à l'Assemblée nationale la contestation des gens et je dis qu'il y a des décisions qui doivent être prises, tout en assurant la compagnie de pâtes et papiers que ce que les gens recherchent et ce que j'ai toujours recherché jusqu'à maintenant... C'est évident, qu'à long terme, nous assisterons peut-être à la disparition complète du flottage, mais, entre temps, compte tenu des coûts, il faut maintenir, pour la compagnie, le droit d'utiliser la rivière à des fins multifonctionnelles.

Or, vous voyez ce que cela amène comme tension et comme difficulté. D'une part, le maire de Grand-Mère se prononce carrément pour le flottage et, d'autre part, des citoyens de la ville de Grand-Mère se prononcent pour la diminution du flottage et une meilleure utilisation de la rivière. Pour faire des pressions, la compagnie pourrait peut-être - là, je fais des hypothèses - se servir de son droit de propriété des bandes riveraines pour dire aux gens: Écoutez, si cela ne marche pas, je vais interdire l'accès à la rivière. Ce n'est pas ce que le ministre recherche, j'en suis sûr, mais je veux juste savoir ce qui se passe dans ce cas précis.

Un autre cas, dans mon propre comté, concerne la rivière Croche - on l'appelle la Croche - canton de Langelier. Cette rivière porte très bien son nom puisqu'elle est sinueuse. Le lit de la rivière est composé d'un fond de glaise, mais le dessus est sablonneux. En hiver, il peut arriver - chose que le ministre connatt très bien - que les méandres changent de place et cela fait en sorte que la rivière amène, comme on dit là-bas, un champ de patates de l'autre côté à l'autre voisin. On connatt les principes qui nous gèrent à ce moment-là. Malheureusement, la rivière servant de balise ou de frontage, il reste que le champ est rendu l'autre bord et c'est le propriétaire de l'autre côté qui voit son terrain agrandi, on le sait le très bien. Mais les gens ont commencé à protéger les rives pour éviter l'érosion. Il y a quatre ans, ils ont, avec l'aide du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et avec l'aide du gouvernement fédéral, dans le cadre d'autres programmes, commencé à revigorer les rives de la rivière Croche, de telle sorte qu'il y aura, dans l'avenir, moins de changements de ces méandres et une protection quant à l'érosion possible.

Mais la question que je pose dans un contexte comme celui-là, compte tenu de ce que le ministre vient de nous dire avec la loi qu'il nous propose, c'est: Qui va être responsable de s'assurer qu'il y aura protection de toutes les rives au Québec, aussi bien dans le milieu agricole que dans un milieu urbain ou dans un milieu rural, mais qui n'est pas agricole dans certains cas? Avec ce projet de loi, qui va s'assurer que les gens respectent les normes de l'environnement, qu'ils utilisent la rivière et ses rives en respectant les modalités intervenues entre le ministre de l'Environnement, le ministre délégué aux Forêts, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, coiffés au niveau du ministre délégué aux Forêts par le ministre de l'Énergie et des Ressources qui a la responsabilité suprême des terres du domaine public.

La question est simple, comment va-ton régler ces cas? En disant: Désormais, vous devenez propriétaire du terrain et, si vous devenez propriétaire du terrain, vous avez l'obligation de maintenir les rives dans des conditions normales, dans les conditions prévues par les règlements et les lois gouvernementales adoptées pour la protection de l'environnement.

Il est évident que je souhaiterais au départ que le ministre de l'Environnement soit le grand responsable de tout cela, mais on sait qu'il est actuellement éparpillé, et c'est pour cela qu'il faut que ce comité ministériel permanent de développement des régions, qu'on appelle communément dans

notre langage le COMPADR, en arrive à une concertation des différents ministres.

Mon collègue, le député de Roberval, faisait mention ce matin d'un autre problème et, dans l'étude du projet de loi 102 sur les terres du domaine public, le ministre nous a répondu qu'effectivement il y aura une seule place, même sous forme électronique, pour connaître qui est le propriétaire des terres du domaine public. J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, puisqu'on n'a pas terminé, avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation lors de l'étude du projet de loi 15, de bien voir la jonction qu'il y a entre la loi 102 adoptée et celle qui s'en vient, la loi 15, où on a les terres du domaine public d'une part et les terres du domaine agricole, mais quand même du domaine des terres publiques, mais agricoles. Là, on sait très bien que le gestionnaire de ces terres, c'est le ministre de l'Agriculture.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources me disait, lorsque j'ai participé à la commission parlementaire, qu'il y aurait effectivement jonction entre les deux systèmes pour qu'il n'y ait qu'une seule place où quelqu'un puisse s'adresser pour savoir qui est le propriétaire de telle terre à tel endroit, quelle sorte de terre c'est? Vous savez ce que cela va donner comme problème. Le ministre délégué aux Forêts, lui, a ses utilisations quant à la réserve forestière. D'un autre côté, le ministre de l'Agriculture a la responsabilité des terres agricoles. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de son bord, a les problèmes quant à l'utilisation de la réserve faunique. Vous avez le ministre délégué aux Mines qui, lui, a aussi le souterrain. Tout cela superposé un par-dessus l'autre amène des complications s'il n'y a pas une place, et j'avais compris que c'était le ministre de l'Énergie et des Ressources qui avait la pleine responsabilité des terres du domaine public excluant, bien entendu, les terres du domaine public agricole sous la responsabilité du ministre de l'Agriculture.

Le travail que nous sommes en train de faire avec le ministre de l'Agriculture, c'est de transférer justement, par la même occasion qu'on a là, des terres à du monde qui pense en être propriétaire. Je vous donne juste un exemple. Dans la ville de Grand-Mère, chez moi, une partie du terrain de golf à Sainte-Flore est la propriété du gouvernement, mais le gars a l'impression d'en être le propriétaire, et, effectivement, il l'est. Tout cela va se superposer tout à l'heure.

Ce qu'on veut savoir dans ce phénomène, c'est qui aura la pleine responsabilité. J'espère que ce sera le ministre de l'Énergie et des Ressources pour tout l'ensemble des terres du domaine public, et, dans le terrier qu'il a mentionné, pour s'assurer que le contrôle se fasse au niveau des différents ministres et ministères, selon les différentes activités qu'ils ont.

Ces questions sont reliées au projet de loi que nous avons devant nous parce qu'il y aura de plus en plus à ce moment-là de terres du domaine public qui seront transférées à du domaine privé. Le ministre ici devant nous amène des cas où des gens, se croyant propriétaires, ont même fait des reventes de certaines parties de terres et des gens les ont achetées de bonne foi. Il va donc falloir s'assurer que, de façon rétroactive, ces droits soient protégés (15 h 40)

C'est la même chose pour les terres du domaine public agricole. Le ministre est en train de transférer les lots de colonisation qu'on connaissait à l'époque à des gens qui en ont vendu des parcelles en pensant qu'ils en étaient propriétaires, alors que c'est le gouvernement qui en est propriétaire. Cela va donc permettre de clarifier l'ensemble de la situation et de bien déterminer ce qui est au Québec du domaine public, du domaine public agricole et du domaine privé. Une fois qu'on aura bien fait cela, avec la bande riveraine de dix mètres que le ministre se réserve sur certaines rivières...

On a parlé de rivières à saumon - je reviens avec la rivière Saint-Maurice parce que j'y tiens mordicus - de la possibilité pour les gens d'avoir plein et entier accès à la rivière et s'assurer que ce soit joint à une utilisation que la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice veut faire, que la compagnie de flottage a le droit de faire en vertu des lois du Québec et même de la loi fédérale, puisqu'il faut savoir que le flottage est du ressort aussi bien du fédéral que du provincial, en vertu de la loi des pêches fédérale, mais que c'est le Québec qui l'administre en vertu de la loi qui transfère au ministre responsable de l'Énergie et des Ressources ce qu'on appelait à l'époque tout l'ensemble des ressources hydrauliques.

M. le Président, si j'ai fait cette intervention au nom de plusieurs centaines de personnes de mon comté, c'est pour que le ministre soit bien conscient du geste qu'il pose, que nous appuyons d'ailleurs. Nous croyons qu'il pose un geste qui va permettre de clarifier des cas qui datent d'une soixantaine d'années et va permettre à des gens d'avoir une jouissance pleine et entière du terrain dont ils seront désormais propriétaires en sachant, cependant, qu'ils ne peuvent pas soit enclaver d'autres personnes, soit empêcher l'accès aux plans d'eau du Québec pour diverses utilisations, que ce soit nautique, aquatique, de pêche, quelque forme que ce soit, et même, devrais-je dire, l'hiver étant arrivé, des motoneiges, parce que la rivière Saint-Maurice sert de transfert d'un secteur à l'autre sur bon nombre de kilomètres.

En ce sens, j'attendrai avec beaucoup

d'impatience les réponses que le ministre voudra bien me donner à la fois dans son droit de réplique et lors de l'étude du projet de loi article par article. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Matapédia.

M. Henri Paradis

M. Paradis (Matapédia): M. le Président, je pense que, s'il est une chose qui mérite d'être soulignée concernant le projet de loi 84 discuté aujourd'hui à l'étape de l'adoption du principe, c'est bien de la rapidité avec laquelle le gouvernement a réagi pour mettre un terme aux craintes et aux incertitudes engendrées par le jugement de la Cour suprême du 5 mars dernier qui statuait que les terres situées à moins de 60 mètres d'un lac ou d'une rivière non navigable appartenaient à la couronne.

À cet égard, j'aimerais ajouter que je suis d'autant plus sensible aux objectifs de ce projet de loi qui a pour but de régulariser la situation de quelques dizaines de milliers de propriétaires riverains du Québec qu'il découle d'une cause portée devant les tribunaux par le propriétaire d'un terrain situé dans mon propre comté, c'est-à-dire M. Édouard Healy. Nous nous souviendrons en effet que c'est en 1979 que M. Healy s'adressait pour la première fois aux tribunaux pour trancher un litige l'opposant au gouvernement du Québec et que sa démarche qui a abouti au jugement que nous connaissons, a permis de mettre en lumière la confusion qui régnait au sujet de la propriété des terrains situés au bord des lacs et des rivières non navigables du Québec.

Ainsi, au plan pratique, l'application de la réserve des trois chaînes posait de nombreuses difficultés et demeurait incomprise par de nombreux citoyens qui, de bonne foi, s'étaient engagés dans des transactions touchant des lots appartenant légalement au gouvernement.

À cet égard, l'application automatique de la réserve, à moins de renonciation dans les lettres patentes, faisait en sorte que bien des acheteurs n'étaient pas conscients de cette restriction de leur droit de propriété, sans parler des autres inconvénients engendrés par l'application de la réserve des trois chaînes. Ainsi, imprécision quant au caractère de navigabilité d'un plan d'eau qui accroissait l'inquiétude et l'incertitude des propriétaires de lots, complexité des pratiques administratives, présence de cultures agricoles sur les terres situées sur la réserve et ignorance par les propriétaires de ces terres cultivées de la présence de cette réserve.

Cet énoncé partiel des difficultés et ambiguïtés liées à la réserve des trois chaînes devrait, à lui seul, nous convaincre du bien-fondé du projet de loi 84 qui vise à donner un cadre moderne à une législation archaïque qui ne parvient plus à tenir compte de façon équitable de la diversité des cas particuliers rencontrés dans le Québec d'aujourd'hui. Le projet de loi 84 exprime bien l'engagement pris par l'actuel gouvernement de simplification et de clarification de la réglementation et de la législation. Il exprime également sa volonté de tenir compte de façon prioritaire de la dimension humaine du problème qu'il veut résoudre par voie de législation en évitant le piège de la bureaucratisation et de l'ajout de structures lourdes et inutiles. En somme, le projet de loi 84 résout simplement et efficacement un problème bien réel que des amendements successifs à la loi d'origine avaient été incapables de résoudre.

J'aimerais aussi souligner qu'au moment de la préparation de ce projet de loi le gouvernement avait un défi énorme à relever qui se traduisait par la présence de trois contraintes bien identifiées. Premièrement, parvenir à englober la multiplicité et la diversité de chacun des cas particuliers visés par cette loi; deuxièmement, tenir compte des impératifs de protection et de préservation de la faune et de l'environnement et, troisièmement, préserver l'accès et la vocation sportive, récréative, touristique de nombreux sites touchés par la règle des trois chaînes.

Dans sa recherche d'une solution, le gouvernement a opté pour la voie de la clarté en proposant purement et simplement l'abolition du principe de la réserve légale de 60 mètres bordant les rivières et les lacs du Québec. Déjà, l'adoption par le ministre de l'Environnement des politiques concernant les zones inondables, les zones de glissement de terrain et la protection du milieu riverain, de même que l'adoption, par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de mesures concernant la protection des habitats fauniques enlevaient à la réserve des trois chaînes une partie de sa raison d'être, notamment en ce qui concerne la préservation des droits du gouvernement sur les lacs et les rivières.

Aussi était-il essentiel que, dans son libellé, le projet de loi 84 puisse assurer l'accès du public aux plans d'eau dont l'impact est majeur sur le plan économique pour une région comme la mienne. C'est dans cette perspective que les pêcheurs sportifs et les personnes qui s'adonnent à des activités récréotouristiques sont aussi visés par cette loi puisqu'elle leur conserve la possibilité de circuler le long des rives de certaines rivières, dont les rivières à saumon. Ëgalement, elle prévoit que la réserve légale affectant certains lots est maintenue dans le domaine public pour préserver l'accès public à certains plans d'eau. Enfin, toutes les

personnes autres que les propriétaires à qui l'État a consenti des droits sur la réserve sont aussi touchées par ce projet de loi, le gouvernement ayant choisi de sauvegarder leurs droits.

En substance, M. le Président, le projet de loi 84 est un projet de loi fondamentalement bon qui n'entraîne aucun coût pour les citoyens du Québec et qui régularise une situation qui a trop longtemps généré de l'inéquité. Aussi est-ce avec plaisir que j'appuie son adoption. Merci, M. le Président. (15 h 50)

Le Vice-Président: S'il n'y a pas d'autres interventions, nous allons maintenant procéder...

M. Ciaccia: Excusez...

Le Vice-Président: Votre réplique?

M. Ciaccia: Ma réplique.

Le Vice-Président: II n'y a plus d'autres interventions et je vais donc vous céder la parole pour l'exercice de votre droit de réplique.

M. John Ciaccia (réplique)

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de pouvoir répondre aux remarques et à certaines questions soulevées par mes collègues, particulièrement le député de Roberval et le député de Laviolette.

Premièrement, je suis heureux de voir que l'Opposition est d'accord avec l'approche que nous avons utilisée pour abolir la réserve des trois chaînes. Autrement dit, au lieu de procéder cas par cas, ce qui aurait pu prendre des années, on a choisi d'abolir la réserve en général dans tous les cas et de prévoir des exceptions pour certains cas particuliers. Il est clair qu'on ne pouvait pas prévoir de règles spécifiques pour chacun des 100 000 propriétaires qui pourraient être affectés.

La raison pour laquelle nous avons choisi cette voie, c'est que cela nous permet d'abolir immédiatement la réserve des trois chaînes pour au moins 90 % des propriétaires et de trouver le moyen de traiter les autres 10 %. La raison pour laquelle nous avons choisi cette approche, c'était, d'abord, pour éviter des procédures juridiques qui pouvaient être coûteuses. Je crois que le recours aux tribunaux devrait être un des derniers recours possibles. Entretemps, nous avons pris les moyens pour accorder au ministre la discrétion de solutionner les cas auxquels il pouvait être nécessaire d'apporter une solution particulière. Par exemple, si un propriétaire, dans son esprit, a un certain doute parce qu'il se peut que quelqu'un ait eu des droits acquis sur sa réserve des trois chaînes ou s'il y a des droits de passage, le projet de loi prévoit que le ministre peut donner une attestation après avoir examiné les faits. Cela va s'avérer beaucoup plus efficace que de remettre cela entre les mains des tribunaux. Si, par hasard, ou si, ultimement, il y a quelques problèmes, cela n'exclut pas le recours devant les tribunaux, mais nous croyons être en mesure de pouvoir éviter cette situation en nous assurant que les droits de chacun soient respectés et en donnant les attestations nécessaires qui pourront être enregistrées au bureau d'enregistrement et qui pourront conférer un droit de propriété à ceux qui veulent clarifier le statut de leur terrain.

Le député de Roberval a soulevé quelques problèmes. Ce sont des problèmes qui ne se réfèrent pas directement au projet de loi, mais auxquels on peut, quand même, répondre. On pourrait donner quelques éclaircissements en ce qui concerne les inquiétudes soulevées par le député de Roberval. En ce qui concerne l'aménagement des bords de l'eau pour fins de villégiature, le député de Roberval nous suggère qu'il ne faut pas avoir les mêmes normes que dans des endroits comme le lac Saint-Louis, à Montréal. C'est évident que nous allons nous assurer que les normes d'aménagement répondent aux besoins de ces régions et qu'il n'y ait pas une densité de développement qui enlèverait le caractère de villégiature de ces endroits.

En ce qui concerne le terrier, le député de Roberval et même le député de Laviolette se sont inquiétés quant au nombre de ministères qui ont des droits de gestion sur les terres publiques, le ministère de l'Agriculture, le MLCP, le ministre délégué aux Mines, le ministre délégué aux Forêts. Il est clair que, s'il y a un terrier pour chacun, la confusion continuera et on pourra faire des erreurs comme on en a fait dans le passé. On avait alloué un certain droit sur une terre à quelqu'un, ce n'était pas porté à l'attention d'un autre ministère et, finalement, plusieurs intervenants avaient des droits sur le même territoire.

Nous espérons éliminer ces possibilités par le projet de loi 102, parce que, même si le ministre délégué aux Mines aura un inventaire des droits miniers et que le ministre délégué aux Forêts aura un inventaire des concessions forestières ou des droits de coupe, l'intention est d'avoir un terrier où nous pourrons avoir un inventaire de tous les droits concédés sur une terre particulière. Il n'est donc pas question de dédoublement et d'avoir quatre différents terriers et quatre différents endroits où une personne doit se référer pour s'assurer que ses droits sur ce territoire ou sur cette parcelle de terrain qu'elle veut acquérir ne sont pas grevés d'un autre droit. L'intention, c'est que tout soit contenu dans un terrier

où on pourra voir et examiner tous les droits concédés pour la parcelle de terrain en question. Nous mettons cela en application maintenant et, éventuellement, quand le tout sera complété, il y aura un endroit où on pourra s'assurer que tous les droits concédés sur une parcelle de terrain en particulier seront enregistrés.

Le député de Laviolette a aussi porté à mon attention la situation de la rivière Saint-Maurice. Premièrement, la loi des trois chaînes s'appliquait seulement à une rivière non navigable et non flottable. Je crois que la réserve des trois chatnes ne s'appliquait pas à la rivière Saint-Maurice parce qu'elle est flottable. Une raison de plus pour laquelle la réserve des trois chatnes ne s'appliquait pas, c'est parce que c'était une seigneurie.

Je ne voudrais pas être malin, M. le Président, mais je voudrais porter à l'attention du député de Laviolette que, lorsque Shawinigan Water & Power a été transférée à Hydro-Québec et que, d'après le député de Laviolette, Hydro-Québec a transféré ses terrains à une autre compagnie, cela s'est fait durant l'administration du Parti québécois. À ma connaissance, je ne crois pas qu'Hydro-Québec puisse transférer des propriétés ou des terrains sans un décret du Conseil des ministres. Je crois que le moment d'intervenir pour éviter le problème qui existe aujourd'hui, cela aurait été quand Hydro-Québec a demandé au Conseil des ministres du Parti québécois un décret pour transférer les terrains à la compagnie qui les détient maintenant ou à ses successeurs. À ce moment-là, c'était le temps d'imposer des restrictions pour protéger les propriétaires ou la population qui voulaient avoir accès à l'eau. Néanmoins, je vais examiner plus particulièrement la situation qui a été portée à mon attention par le député de Laviolette. (16 heures)

Une autre inquiétude du député de Laviolette, c'était qu'il ne voulait pas que les lacs soient enclavés. Je crois qu'on répond à cela par les exceptions que nous avons incluses dans le projet de loi.

En ce qui concerne les chemins forestiers, c'est un problème qui continue encore. C'est un problème auquel aucun gouvernement n'a pu apporter de solution en ce qui concerne les utilisateurs de ces chemins, les gens qui ont accès à des lots de villégiature et les chemins abandonnés par les compagnies qui les utilisaient à des fins forestières. On va continuer à examiner ce problème. Si on peut arriver à une solution, je serai des plus heureux d'essayer d'apporter quelque solution que ce soit à ce problème particulier.

Finalement, M. le Président, je crois que nous avons rédigé le projet de loi pour nous assurer que ce soit la solution la plus efficace et la moins coûteuse pour la population. Nous transférons la propriété de plein droit par le projet de loi, par l'amendement à la loi 102. Il n'y a pas d'autres frais qui sont nécessaires. Si, parfois, un propriétaire veut avoir un certificat d'attestation pour s'assurer qu'il puisse enregistrer sa propriété au bureau d'enregistrement, il n'aura qu'à communiquer avec le ministère et à payer les frais administratifs pour obtenir ce certificat.

Les exceptions sont assez claires aussi. Il y a une certaine discrétion de la part du ministre pour régler les cas particuliers. Je crois, M. le Président, que c'était la façon la plus efficace de répondre à la solution d'un problème qui a commencé en 1884 et qu'au long des années beaucoup d'intervenants demandaient de résoudre.

En conclusion, M. le Président, je voudrais revenir à une des remarques du député de Roberval qui ne voulait pas que je prenne trop de mérite quant au projet de loi. Loin de moi l'intention d'en prendre le mérite. Ce n'est pas dans mes habitudes de prendre un mérite exagéré pour les gestes que nous posons. Le mérite appartient vraiment à ceux qui ont contesté la réserve des trois chaînes, qui se sont même rendus à la Cour suprême pour clarifier cela. Ils ont perdu la cause, mais au moins cela a clarifié. Cela a porté à l'attention du gouvernement et de la population le sérieux de la situation. Le mérite appartient aux fonctionnaires qui ont travaillé pour arriver aux solutions que nous trouvons aujourd'hui dans le projet de loi. Le mérite appartient à la population qui a porté à notre attention non seulement le droit des propriétaires, mais aussi le droit de ceux qui veulent avoir accès aux rivières à saumon et à différents cours d'eau à des fins touristiques et de villégiature.

M. le Président, c'est avec modestie, très humblement et respectueusement que j'ai présenté le projet de loi à cette Assemblée. Je suis très heureux de voir que les membres de l'Assemblée nationale sont d'accord pour régler un problème qui perdure depuis plus de 100 ans. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Laviolette, sur une question de règlement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je voudrais utiliser l'article 212 qui dit: "Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de brèves explications sur le discours qu'il a prononcé." Je voudrais - et je suis venu en vitesse, j'étais au bout là-bas - expliquer que le ministre m'a mal compris. Il ne déforme pas ma pensée, mais il m'a mal compris. J'ai dit dans mon discours que le transfert de la Shawinigan Water & Power à la compagnie Hydro-Québec s'est fait en 1969 sous le règne de l'Union Nationale et a été complété

en 1970 par le Parti libéral. Je n'ai pas eu le temps de sortir mes documents puisque j'ai eu à travailler longuement à ce dossier. C'est ce que j'ai dit, M. le Président. Je le maintiens.

Le Vice-Président: Très bien. Ce point soulevé par M. le député, conformément à l'article 212 du règlement met fin au débat sur l'adoption du principe du projet de loi. En conséquence, le principe du projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi 84 à la commission de l'économie et du travail.

Le Vice-Président: Cette motion de renvoi est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 23 du feuilleton, s'il vous platt.

Projet de loi 93 Adoption du principe

Le Vice-Président: A l'article 23 du feuilleton, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers.

Je cède la parole à M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de vous présenter, pour l'adoption du principe, le projet de loi 93 intitulé Loi sur l'utilisation des produits pétroliers. Ce projet de loi constitue une refonte de l'actuelle Loi sur le commerce des produits pétroliers qui fut sanctionnée le 25 décembre 1971. Les règlements d'application dans le cadre de cette loi furent mis en vigueur le 1er janvier 1973. Une loi amendant cette Loi sur le commerce des produits pétroliers fut sanctionnée le 30 juin 1976 de façon à autoriser le gouvernement à décréter le prix maximum des produits pétroliers lorsqu'une telle mesure s'impose dans l'intérêt public. Sur ma recommandation, cette dernière loi entra en vigueur le 10 juin dernier. En effet, l'article 9 de cette loi spécifie que son entrée en vigueur s'effectue à la date fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil.

Au moment de la sanction de la Loi sur le commerce des produits pétroliers en 1971, le Québec devenait la deuxième province canadienne après l'Ontario à légiférer de façon à permettre à son gouvernement d'assurer la sécurité du public et des exploitants en réglementant les installations de ces produits pétroliers. La loi permet aussi de protéger les consommateurs en assurant la qualité des produits pétroliers. Au chapitre de la sécurité des installations, la Loi sur le commerce des produits pétroliers n'a pas été amendée depuis 1971. Or, depuis ce temps, le public a été de plus en plus sensibilisé à l'importance de réduire la pollution, notamment au niveau de l'utilisation de produits, tels les produits pétroliers qui, par leur nature, sont dangereux et polluants.

Depuis ce temps, également, les statistiques ont démontré une croissance d'accidents provoqués, d'une part, par la vétusté des équipements pétroliers et, d'autre part, par les utilisations non conformes de produits pétroliers. Cette situation est due, notamment, à une absence de pouvoirs de réglementation et de normes précises impliquant des catégories d'utilisateurs de produits pétroliers autres que les exploitants au sens commercial du terme. Notre gouvernement est sensible à cette problématique et entend prendre, par le biais de ce projet de loi et des règlements qui suivront sa sanction, les mesures qui s'imposent afin d'assurer aux citoyens du Québec la protection à laquelle ils ont droit et à laquelle ils aspirent.

D'ailleurs, sur ce même sujet, d'autres provinces canadiennes ont adopté une approche similaire à celle du Québec en ayant recours à de nouvelles règles ou en révisant leurs règles actuelles. Le gouvernement fédéral a aussi établi un mécanisme de concertation avec les provinces canadiennes afin de voir à la définition de nouvelles normes d'installation mieux adaptées à l'évolution du domaine pétrolier et respectant davantage les contraintes de sécurité et d'environnement. (16 h 10)

Le projet de loi 93 a été conçu et développé dans l'optique d'améliorer la protection du public en général et celle des utilisateurs des produits pétroliers. Ce projet de loi veut, notamment, élargir l'encadrement des diverses utilisations des produits pétroliers et leur réglementation par des normes strictes. Il veut également, dans une autre optique, consacrer le rôle que ce

gouvernement s'est donné dans la surveillance des prix de l'essence. Il veut, de plus, améliorer les mécanismes de gestion et de contrôle du commerce et de l'utilisation des produits pétroliers par le recours à des procédures administratives simplifiées.

Je voudrais, en premier lieu, donner les objectifs qu'on poursuit dans le projet de loi. Il y a différentes catégories, il y a différents objectifs; chacun en soi est important, mais vise des préoccupations particulières que nous avons dans le domaine de l'industrie pétrolière.

Premièrement, il y a quatre niveaux où nous voulons intervenir. En premier lieu, il nous faut assurer la sécurité des personnes qui ont accès aux établissements et aux équipements pétroliers ou qui utilisent des produits pétroliers. Deuxièmement, le projet de loi veut assurer la qualité des équipements et des produits pétroliers. En troisième lieu, le projet de loi veut assurer l'inspection et la surveillance des prix de l'essence. Finalement, le projet de loi veut assurer le contrôle des prix de vente des produits pétroliers lorsque l'intérêt public l'exige.

M. le Président, je voudrais parler brièvement de chacun des objectifs pour les expliquer à cette Assemblée et un peu sur les moyens que nous voulons prendre pour atteindre ces objectifs. Premièrement, la sécurité. Je voudrais, d'abord, situer les différentes mesures proposées pour améliorer la sécurité des personnes qui ont accès à un établissement commercial ou à un équipement pétrolier ou encore qui utilisent des produits pétroliers. À cet effet, diverses mesures sont proposées et introduites dans ce projet de loi afin de régir, par des normes précises, les diverses utilisations.

Mentionnons, d'abord, que la loi actuelle ne vise que les établissements où s'exerce une activité commerciale visant un produit pétrolier. Le projet de loi 93 propose d'élargir le champ d'application à tout équipement ou établissement utilisé pour la consommation, la manutention, la distribution, l'entreposage et le transport routier d'un produit pétrolier. Alors, la question de la sécurité ne s'applique pas seulement à l'endroit où une personne va acheter le produit, mais elle peut s'appliquer aux équipements, au transport et à la manutention. Il y a une série d'applications qu'on n'avait pas prévues ou qu'on avait omis d'inclure en 1971. Au cours des années, on s'est aperçu qu'il était nécessaire de réglementer et de s'assurer que la population ait une certaine mesure de sécurité. On s'est aussi aperçu qu'il fallait adopter des normes et des règlements pour assurer cette sécurité et le projet de loi vise donc à la fois l'exploitant et l'utilisateur d'équipement pétrolier.

Certaines exceptions sont, toutefois, apportées en ce qui concerne les équipements pétroliers utilisés à des fins autres que le commerce de produits pétroliers. Par exemple, tout réservoir servant à l'alimentation d'un véhicule automobile et tout réservoir mobile contenant un produit pétrolier d'une capacité d'au plus 225 litres sont exclus du champ d'application du projet de loi. De la même façon, tout réservoir d'une capacité inférieure à 4000 litres servant à l'entreposage du mazout utilisé pour le chauffage sera également exclu du champ d'application du projet de loi.

Aussi, toute personne ou société qui utilise un équipement pétrolier à des fins autres que le commerce de produits pétroliers devra être titulaire d'un certificat d'enregistrement délivré par le ministre pour les équipements pétroliers localisés dans chacun de ses établissements. Cette disposition vise à augmenter la sécurité en permettant au ministère de l'Énergie et des Ressources de répertorier tous les utilisateurs d'équipements pétroliers importants et des établissements. Évidemment, cette disposition prévoit l'exclusion des équipements utilisés par le simple consommateur. Un délai raisonnable est prévu pour permettre l'instauration de certains nouveaux champs d'application. En effet, le propriétaire des équipements pétroliers visés par le projet de loi aura trois ans, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, pour devenir titulaire du certificat d'enregistrement.

Au-delà de cette période, toutefois, il sera interdit à tout fournisseur de produits pétroliers de livrer à l'établissement d'une personne ou société ne détenant pas de certificat d'enregistrement. Cet ensemble de dispositions est, d'ailleurs, cohérent avec les mesures prises récemment par d'autres provinces canadiennes au chapitre de l'enregistrement des réservoirs. Mentionnons, par exemple, que l'Ontario a introduit certains mécanismes d'enregistrement des réservoirs des utilisateurs depuis le 30 septembre dernier. Le Nouveau-Brunswick a également adopté une loi prévoyant une telle disposition depuis le 30 juillet dernier. Il en est de même du Manitoba, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et de la Saskatchewan qui ont déjà implanté de telles dispositions ou qui sont en voie de le faire.

Les nouvelles mesures sur le plan de la sécurité des installations ne se situent pas uniquement au niveau des certificats d'enregistrement des réservoirs. Elles touchent aussi les pouvoirs dévolus aux inspecteurs du ministère de l'Énergie et des Ressources. Ainsi, un inspecteur qui a un motif raisonnable et probable de croire qu'un établissement ou un équipement pétrolier présente un danger pour l'environnement ou la sécurité du public peut en ordonner la fermeture en tout ou en partie et, s'il y a

lieu, y apposer des scellés et en interdire l'utilisation. Il s'agit, évidemment, d'un pouvoir d'urgence dont l'encadrement sera régi par des normes réglementaires. Ces mesures et normes permettront au gouvernement de jouer efficacement son rôle de protecteur de la sécurité des citoyens.

Nous avons parlé de la sécurité pour le citoyen. Maintenant, parlons de la qualité, car notre deuxième préoccupation se situe au niveau de la qualité des équipements et des produits pétroliers. En effet, un des principaux éléments du projet de loi 93 vise à étendre son champ d'application aux entrepreneurs installateurs exécutant des travaux relatifs aux équipements pétroliers et à leurs employés qualifiés en pareille matière. Le projet de loi propose que tous les travaux d'installation, de modification, d'entretien ou de démolition d'équipements pétroliers devront être exécutés sous la surveillance continue d'un titulaire de licence de maître installateur en équipements pétroliers. Il est proposé que ces licences soient délivrées par le ministre de l'Énergie et des Ressources à toute personne qui a exercé le métier d'installateur en équipements pétroliers pendant au moins deux ans et qui aura réussi les examens prévus par règlement. Il faut également la permission du ministère pour démolir ces équipements.

Je crois que c'est devenu important ou nécessaire pour nous d'inclure une telle mesure pour éviter le genre de situation que nous avons vécue l'année dernière à l'une des installations importantes dans l'est de Montréal, quand la société qui en était propriétaire a commencé la démolition de ses installations. Nous avons pu éviter la démolition totale, mais, néanmoins, un certain dommage a été fait. Alors, nous voulons à l'avenir éviter ce genre de situation. Quand des équipements ou des installations pétrolières doivent être démolis, cela prendra un permis du ministère de l'Énergie et d'autres permis pour s'assurer que ceux qui font ces travaux soient qualifiés. Il faudra qu'ils aient les autorisations et les permis nécessaires. (16 h 20)

Cette mesure s'inscrit aussi dans le cadre de notre première préoccupation d'assurer a priori la sécurité du public et la protection de l'environnement par le biais d'une surveillance des travaux par une personne qualifiée. Trop souvent dans le passé a-t-on observé des défaillances dans la réalisation de travaux visant à l'aménagement d'équipements pétroliers. D'autres provinces canadiennes ont aussi légiféré ou encore prévoient le faire prochainement au chapitre du contrôle de la profession d'entrepreneur installateur.

Toujours sur le plan de la qualité, le projet de loi prévoit renforcer les pouvoirs des inspecteurs afin de protéger les consommateurs contre la vente de produits pétroliers non conformes aux normes prévues par règlement. Ainsi, dans certaines situations, un inspecteur pourra dorénavant ordonner la fermeture d'établissements ou d'équipements pétroliers et, s'il y a lieu, y apposer des scellés et en interdire l'utilisation. Le projet de loi véhicule les mêmes principes que la loi actuelle quant à l'interdiction de faire une activité de commerce impliquant des produits pétroliers non conformes. Toutefois, le projet de loi élargit cette interdiction aux activités d'entreposage et d'utilisation. Voilà un résumé des mesures que nous avons prises quant à la sécurité et à la qualité des produits pétroliers et des installations pour assurer la protection du public.

Maintenant, je voudrais parler de l'autre objectif du projet de loi qui vise à la surveillance et à l'inspection des prix de l'essence. Un autre élément très important du projet de loi 93 porte sur la surveillance des prix de l'essence. Comme on se le rappellera, M. le Président, les 9 et 10 septembre dernier, la commission parlementaire de l'économie et du travail se réunissait en vue d'examiner la situation des prix de l'essence en régions dites périphériques. Plus précisément, elle était chargée d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs quant aux mesures d'aide aux régions périphériques instaurées par le biais d'une réduction de la taxe sur l'essence en décembre 1985.

 la suite de l'érosion continue de l'avantage fiscal ainsi accordé aux populations des régions périphériques, je m'étais impliqué personnellement dans ce dossier en demandant aux pétrolières de procéder à des réajustements à la baisse des prix de l'essence dans ces régions périphériques de façon que les consommateurs puissent bénéficier pleinement de la baisse de la taxe. On se rappellera aussi que je m'étais engagé en cette Assemblée à agir avec fermeté. Les représentations que j'avais reçues des différentes régions me portaient à réagir fermement dans la situation où le bénéfice n'était pas dévolu aux consommateurs, mais était plutôt retenu soit par les pétrolières, soit par les détaillants. Dans un premier temps, à ma recommandation, le gouvernement promulguait, en juin 1987, la Loi modifiant la Loi sur le commerce des produits pétroliers, sanctionnée le 30 juin 1976. Comme je le mentionnais plus tôt, cette loi autorise le gouvernement à décréter un prix maximum pour les produits pétroliers lorsqu'une telle mesure s'impose dans l'intérêt public. J'avais essayé par tous les moyens possibles de convaincre les compagnies et les détaillants de réduire les prix pour donner effet à la baisse de la taxe et c'est seulement lorsqu'il a été impossible

de convaincre l'industrie qu'elle devait agir de cette façon que nous avons pris les mesures nécessaires pour nous assurer que les objectifs du gouvernement, la réduction de la taxe, le bénéfice aux consommateurs, soient respectés.

Après cette mesure et devant le peu de suite donné à mes interventions par les dirigeants des compagnies pétrolières, je recommandais au gouvernement de fixer par décret des nouveaux prix maximums à la pompe pour les différents types d'essence dans les régions périphériques. Ces décrets furent établis le 17 juin dernier pour une période de 90 jours. Au terme de cette période et considérant le consensus qui s'était dégagé à l'issue de la commission parlementaire pour exercer une surveillance très étroite du prix de l'essence dans ces régions par rapport à ceux en vigueur dans les régions centrales, nous avons prolongé les décrets jusqu'au 30 septembre et institué le Bureau d'inspection et d'information sur le prix de l'essence. Vous vous souviendrez qu'on a tenu une commission parlementaire avant l'expiration des décrets et nous avons invité tous les intervenants, soit les compagnies pétrolières, les groupes de consommateurs, les associations de détaillants à nous faire des représentations et à nous expliquer les raisons pour lesquelles la baisse de la taxe n'avait pas profité au consommateur, pourquoi il y avait eu augmentation et qui était responsable de cette augmentation.

Il est devenu évident au cours de cette commission parlementaire que les augmentations étaient la responsabilité non seulement des compagnies pétrolières, mais aussi des détaillants. Les deux avaient accaparés la baisse de la taxe et avaient augmenté les prix. Au cours de la commission parlementaire, il est devenu évident aussi que nous avions trois options. Réglementer les prix par une régie qui contrôlerait et établirait le prix de l'essence partout au Québec, comme en Nouvelle-Écosse, c'était une option. L'autre option, c'était de ne rien faire, de ne pas agir avant la fin des décrets afin de voir si les sociétés pétrolières et les détaillants agiraient de bonne foi en maintenant les prix à la baisse pour donner effet à la baisse de la taxe.

Nous avons plutôt opté pour la création d'un Bureau d'inspection sur le prix de l'essence. Cela faisait suite aux représentations qui avaient été faites en commission parlementaire. Certains groupes voulaient une régie de contrôle, mais ils ne faisaient pas partie de la majorité. Il est devenu apparent qu'il y avait beaucoup d'inconvénients à la création d'une régie. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, il y a une régie, les prix de l'essence sont les plus hauts au Canada. La création d'une régie, en soi, ne garantissait aucunement que le prix de l'essence pouvait baisser. D'ailleurs, durant toute l'existence de la régie, ils n'ont jamais décrété une baisse, sauf cette année, et elle est même contestée. Ce n'était pas la réponse.

Plusieurs intervenants souhaitaient la création, pour emprunter les mots de certains intervenants et de certains membres de la commission, d'un organisme ange gardien qui pourrait faire une inspection, qui aurait un pouvoir moral, qui pourrait informer la population. Les groupes de consommateurs ont tous admis que l'information manquait, que, si le consommateur avait l'information nécessaire, il pourrait être en meilleure position pour réagir aux forces du marché. À la suite de cette commission, nous avons créé le Bureau d'inspection sur les prix de l'essence et nous lui avons donné, par ce projet de loi, les pouvoirs nécessaires pour enquêter, pour aller chercher l'information, pour obtenir toutes les composantes nécessaires du prix de l'essence afin de les distribuer, d'en informer le public. Nous avons demandé au bureau de donner l'information pour que le consommateur puisse être éclairé en ce qui concerne le prix du litre d'essence. (16 h 30)

II y a plusieurs endroits, par exemple, à New York et même dans d'autres provinces canadiennes, où on publie - même le gouvernement fédéral ne le distribue pas au public - le prix de l'essence. Périodiquement, on informe la population des différents prix de l'essence, mais on n'en donne pas les composantes. Autrement dit, si un consommateur voit que c'est 0,537 $ le litre, il n'est pas en mesure de déterminer quel est le contenu de ces 0,537 $. On sait tous qu'une partie va au gouvernement sous forme de taxes, mais quelle partie va au détaillant? Quelle partie va à la pétrolière? Quelle partie représente les taxes? Quelle partie représente le coût du transport?

Dans le bulletin que nous avons rendu public pour la première fois - le premier bulletin a paru le 1er décembre et il sera publié mensuellement - nous avons la composante du prix du litre dans chaque région et pour chaque catégorie d'essence. Le consommateur pourra regarder ce tableau auquel il aura accès. Par exemple, dans la région de la Gaspésie—Bas-Saint-Laurent, il pourra voir que le prix à la pompe était, pour la période se terminant le 30 novembre, de 0,537 $ le litre. Il pourra comparer la moyenne Québec-Montréal. Il pourra voir que c'est le même prix à Montréal même si, è Montréal, la taxe n'a pas été réduite. La taxe provinciale à Montréal est de 0,144 $ le litre et la taxe provinciale en Gaspésie est de 0,096 $. Alors, le prix est le même. Il verra que le coût du transport est plus élevé en Gaspésie. Il verra que la part du détaillant est un peu plus élevée, et on

explique pourquoi, c'est parce que les volumes ne sont pas aussi élevés. Quand les volumes sont moins élevés, évidemment le détaillant doit prendre plus pour un litre que le détaillant à Montréal, dans un centre urbain. Tout cela est expliqué. Le consommateur pourra faire un choix éclairé.

Pour le moment, nous avons la moyenne par région, mais c'est notre intention de publier ces prix pour chaque ville dans chaque région. Quand le détaillant verra cela, il pourra faire un choix. Ce sera un instrument, une pression pour maintenir les prix de l'essence à la baisse parce que, maintenant, tout le monde sait la composante. Ils savent combien le détaillant fait, ils savent à quel prix la pétrolière vend. Tous ces différents intervenants vont être assujettis à l'opinion publique. Ils vont être assujettis aux forces du marché et il faudra qu'ils réagissent en conséquence. Jusqu'à présent, ils ont bien réagi. Les trois premières semaines après la fin des décrets, les prix se sont maintenus en bas du prix des décrets. Cela veut dire que le consommateur a épargné 1 500 000 $ comparativement au prix avant les décrets. Il y a eu de légères augmentations, mais cela s'explique par l'augmentation du coût du transport et par l'augmentation du brut durant la période des décrets. Quand le reste du Québec a été assujetti à une augmentation de 0,02 $ ou 0,015 $ le litre, les régions périphériques ne l'ont pas obtenue.

Je crois, M. le Président, que c'est une mesure très importante pour le consommateur. On ne va pas jusqu'à contrôler les prix comme on le fait en Nouvelle-Écosse et on n'a pas le désavantage d'une régie de contrôle. Il y en a des désavantages; j'en ai mentionné un. Une des conséquences, c'est qu'ils paient plus cher en Nouvelle-Écosse que dans le reste du Canada, mais nous maintenons dans le projet de loi le pouvoir de réglementer les prix. Les sociétés pétrolières et les détaillants savent que, si la même situation se répète, telle qu'elle existait au mois de juin, de la même façon que nous sommes intervenus au mois de juin, nous aurons les moyens et le pouvoir d'intervenir encore. Le projet de loi consacre ce pouvoir du gouvernement de décréter en tout en ou en partie, en régions, dans différents lieux pour différents produits, le prix des produits pétroliers. C'est comme en réserve. Entre-temps, pour informer le consommateur, nous avons publié le bulletin Essence-Express. Le consommateur pourra le consulter, être informé. Les sociétés pétrolières savent que le consommateur est informé. On peut même donner des exemples. Dans certaines régions, certaines sociétés ont voulu augmenter le prix et elles l'ont fait, mais d'autres ne l'ont pas fait. Cela a obligé les sociétés qui avaient augmenté le prix à le baisser. Pourquoi? Parce que le consommateur va s'apercevoir que la pétrolière augmente les prix dans une certaine région, il va être avisé, il aura tendance à aller chercher un détaillant ou une autre compagnie qui vend moins cher. Il faudra que la pétrolière justifie, pas légalement, mais moralement, dans l'opinion publique, les gestes qu'elle pose. Nous croyons que c'est la meilleure solution possible dans notre système de libre entreprise, de concurrence et du libre marché.

Nous avons le pouvoir de décréter si l'intérêt public l'exige et, entre-temps, nous avons le bureau d'inspection qui va informer le public en ce qui concerne la composante du prix du litre d'essence. C'est une solution, c'est une première en Amérique du Nord. Cette solution est tellement innovatrice qu'on a déjà reçu des demandes de New York. L'État de New York veut avoir plus d'informations. Et d'aussi loin que la Colombie britannique on a communiqué avec mon ministère pour avoir exactement les détails, pour savoir les pouvoirs du bureau d'inspection, le BIIPE, les pouvoirs d'enquête, les pouvoirs d'aller chercher l'information. Je suis persuadé que, par ce moyen, nous pourrons donner le meilleur prix possible aux consommateurs, le prix raisonnable, et nous pourrons atteindre les objectifs de notre gouvernement qui étaient que, lorsque nous avons baissé la taxe, ce soit au profit des consommateurs et que ce soit eux qui obtiennent le bénéfice de cette baisse de taxe. Depuis le 1er octobre, depuis la fin des décrets, on est assuré que cela s'est produit.

 la suite de certaines questions qui m'ont été posées par les gens de certaines régions, il faut être raisonnable dans ce qu'on attend de ce bulletin. J'ai vu certaines manchettes dans les journaux, qui ne reflétaient pas nécessairement les articles, disant qu'il y avait encore des divergences de prix. Écoutez! en aucun endroit, vous n'aurez, dans toutes les régions, le même prix de la pétrolière au détaillant, le prix du détaillant, la marge de profit du détaillant, les coûts du transport. Il y a des variations. Même en Nouvelle-Écosse, qui n'a pas la grandeur du Québec, c'est beaucoup plus petit que le Québec, il y a sept zones différentes et sept prix différents qui prennent en considération les volumes, le coût du transport, la distribution, tous les éléments qui composent le prix de l'essence. Si quelqu'un regarde ça d'une région et se dit: Ah! moi, je paie plus cher que dans la région voisine, il faut que ça baisse... Il faut être raisonnable, il faut comprendre pourquoi, il faut regarder ça. Il y aura des fluctuations. Le prix ne restera pas le même dans les 20 prochaines années. Il y aura peut-être des fluctuations dans le brut, mais même s'il n'y en a pas, par exemple, depuis le printemps, il y a eu des augmentations

dans le coût du transport. Il peut y avoir un système de distribution différent d'un endroit à un autre. Alors, il faut être raisonnable dans l'interprétation et dans les résultats que nous pouvons obtenir de ce bulletin.

Prenons Rimouski, où les gens se sont plaints - j'ai reçu des appels téléphoniques -que le prix est plus élevé qu'à tout autre endroit au Québec. Il ne faut pas trop exagérer toutefois parce que, quand je regarde à Rimouski, l'essence ordinaire sans plomb, 0,58 $, et que je regarde pour Québec ou Montréal où la moyenne est de 0,578 $, la différence est de 0,002 $ le litre. Il faut être un peu raisonnable. Il ne faut pas partir en peur et dire qu'on vend plus cher. Deuxièmement, ce qui est important, c'est que, même avec ce 0,002 $ de plus, à 0,58 $, ça respecte encore les objectifs du gouvernement, ça donne pleinement effet à la baisse de taxe décrétée par le gouvernement. (16 h 40)

Le bureau d'inspection ne va pas révolutionner la composante et les pratiques qui existaient avant les décrets. Cela ne révolutionnera pas l'industie pétrolière. Cela ne changera pas notre système de marché libre et de concurrence libre. Ce que cela va faire, c'est d'apporter à l'attention du public ce que les pétrolières, ce que les détaillants font, le coût de transport et même les taxes en toute transparence. On inclut les taxes fédérales et provinciales. C'est vrai que dans certains endroits nos taxes sont plus élevées que dans d'autres endroits. C'est un fait et c'est reflété dans le bulletin. On ne cache rien.

Ce que ce bureau va faire et ce qu'il a fait jusqu'à maintenant, c'est de créer une pression à la baisse pour le prix de l'essence. C'est de cela que va bénéficier le consommateur. Si on compare les prix maintenant avec ceux d'avant les décrets, il y a eu une épargne, au moins pendant les trois premières semaines, pour être plus exact, plus précis, de 500 000 $ par semaine. C'est le consommateur qui en bénéficiait et cela aide au développement économique des régions. Pourquoi a-t-on baissé la taxe? C'est pour aider au développement économique des régions pour que les consommateurs aient plus d'argent dans leurs poches pour dépenser dans les régions, pour que le coût du transport soit moins élevé, pour que le va-et-vient coûte moins cher. Tout cela, c'était le but de la baisse de la taxe. C'est pour cela que le bureau d'inspection oeuvre dans les régions périphériques, pour nous assurer que cet objectif est atteint, que ces pratiques continuent et pour que le consommateur puisse être en mesure de juger.

Je suis convaincu, jusqu'à maintenant, que les intervenants vont réagir positivement parce que ce sont les forces du marché qui vont les obliger à le faire. C'est clair que, si une pétrolière pouvait faire un profit de X cent le litre et que personne ne le savait, elle va continuer. Mais le consommateur saura que c'est X cent le litre et le bureau d'inspection ira voir et dira: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi c'est X cent le litre ici et moins cher là-bas? Ce sont là des pressions, ce sont des informations importantes à avoir. C'est cela qui va agir en faveur du consommateur.

M. le Président, je vous ai brièvement donné un aperçu de notre projet de loi mais j'ai voulu plus particulièrement porter à l'attention de l'Assemblée nationale le bulletin Essence-Express, l'importance du bureau d'inspection. Le fait que le bureau n'a pas de moyens de contrôle ne veut pas dire que le bureau n'est pas efficace, parce que parfois c'est la première question qu'on vous pose, on nous dit: Oui, mais le bureau peut-il contrôler les prix? Non, il ne peut pas contrôler les prix et on ne veut pas qu'il le fasse parce que, s'il les contrôle, on va avoir le même problème qu'on a eu en Nouvelle-Écosse. Je veux qu'il n'ait rien à faire avec le contrôle, mais je veux qu'il ait le pouvoir d'enquêter. Si on voit qu'à un endroit le prix qu'une pétrolière charge au détaillant est 0,172 $ et à un autre endroit, 0,14 $, il ne faut pas réagir immédiatement et dire que c'est injuste, que c'est inéquitable. On va s'enquérir, on va obtenir l'information et, dans un prochain bulletin, on va expliquer. Peut-être que l'explication sera très raisonnable et justifiable. Je suis persuadé que si elle ne l'est pas l'opinion publique va forcer des changements. De la même façon que c'est l'opinion publique qui force des changements à certaines lois, parce qu'il faut réagir à l'opinion publique, les forces du marché vont faire que ce système fonctionne adéquatement.

M. le Président, c'est là le but de notre projet de loi. Nous avons maintenu la loi en 1976, qui avait été sanctionnée mais jamais promulguée. Nous l'avons promulguée et elle fait partie du présent projet de loi, nous l'y avons incluse. C'est une mesure que nous avons en cas d'urgence, si l'intérêt public l'exige. J'espère que ce jour n'arrivera jamais. Je ne veux plus jamais être obligé d'aller au Conseil des ministres décréter des prix à la baisse dans cette industrie. Je ne veux pas repasser par cette expérience. Je suis convaincu que je ne serai pas obligé de le faire, parce que nous avons mis en place les structures nécessaires pour que le marché libre continue, mais que cela se fasse dans l'intérêt et à l'avantage des consommateurs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je cède la parole à M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Il y a deux choses dans le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, le projet de loi 93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers. Il y a, bien sûr, comment dire, la pièce de résistance, la partie la plus importante, celle qui traite du contrôle du prix de l'essence, et nous allons dans quelques minutes consacrer l'essentiel de notre intervention sur cette partie du projet de loi. Il y a, cependant, une partie moins enthousiasmante, une partie qui suscite moins d'intérêt peut-être, dans l'immédiat, pour nos concitoyens, nos concitoyennes. C'est toute la question de la sécurité des personnes et de la qualité des équipements pétroliers au sujet desquelles le ministre, de façon tout à fait nouvelle, inscrit dans le projet de loi différentes mesures de protection. À la lecture de ces éléments du projet de loi, j'ai demandé au ministre, hier, s'il y a eu ou s'il y a à prévoir des accidents, des problèmes majeurs, des problèmes particuliers pour faire en sorte qu'on légifère encore pour encadrer un secteur où, semble-t-il, d'après le ministre, l'encadrement n'est pas suffisant.

Il y a des objectifs, évidemment, qu'on doit partager. Peut-on être contre la vertu? Peut-on être contre la sécurité des personnes qui travaillent près des installations ou qui ont à fréquenter des lieux voisins des installations pétrolières? Non. Je pense qu'on ne peut pas être contre la sécurité. Il n'y a personne qui pourra se déclarer contre la sécurité, pas plus d'ailleurs que contre la qualité des équipements. Je pense que tout le monde souhaite que les équipements pour le service du public soient d'une excellente qualité. On ne peut pas être contre cela. Comme idée de base, ça se défend. Ces objectifs, cependant, sont nouveaux. Dans le texte de loi qui avait cours, ils n'existaient pas. Le ministre introduit donc cette notion...

M. le Président, on instaure dans le projet de loi une dimension nouvelle qui est la dimension des personnes qualifiées dans l'installation des équipements pétroliers. On inscrit même dans le projet de loi qu'il y aura une procédure à suivre pour reconnaître quelqu'un comme un expert installateur de produits pétroliers. Une réticence, à première vue. Vous savez que, dans les métiers, dans les activités professionnelles, on assiste à une surréglementation. C'est évident que, dans la construction, dans l'installation de divers types d'appareils ou d'outillages ou autres, les métiers sont réglementés. On a établi cela en corps de métiers. On a donné des qualifications professionnelles. On rend de plus en plus difficile, au fur et à mesure des interventions législatives réglementaires, l'accès à ces métiers ou à ces professions. En ce sens, le projet de loi vient ajouter dans un secteur où il ne nous apparaît pas tellement utile de le faire, à ce moment-ci, en tout cas, è moins qu'on nous démontre que la situation actuelle l'exige. Il me semble que le ministre de l'Énergie et des Ressources, dans ce cadre, devrait bien simplement nous indiquer à partir de quoi, à partir de quelle analyse, à partir de quel fait ou à partir de quelle crainte il inclut ces choses dans le projet de loi. (16 h 50)

Non vraiment, M. le Président, nous ne pouvons être contre l'objectif, je le rappelle, d'assurer la sécurité des personnes et d'assurer la qualité des équipements. C'est une intervention législative qui ne manquera pas, d'ailleurs - j'imagine - d'être assortie de règlements qui préciseront l'intention de la loi, qui l'articuleront, qui la mettront davantage applicable. Mais on se demande réellement si c'était nécessaire et sur quoi cela est motivé. Véritablement, est-ce qu'on fait le bon choix? On peut en effet difficilement, pour l'Opposition, évaluer la qualité et la pertinence des choix. On ne peut porter de jugements de valeur en soi sur la décision que prend le ministre, sur la mesure législative qu'il nous apporte pour la simple raison qu'on la situe mal dans le temps et dans le vie de tous les jours.

M. le Président, là où le projet de loi est beaucoup plus intéressant et là où on comprend mieux le texte, c'est sur la deuxième partie, celle qui traite du contrôle du prix de l'essence. M. le Président, sur le contrôle du prix de l'essence, curieusement, ce matin, j'ai eu l'occasion d'interroger notre honorable collègue ministre des Finances et j'ai eu l'occasion de porter à l'attention des citoyens du Québec que le taux de taxe actuellement en vigueur au Québec, principalement dans les régions de Québec et de Montréal, qui sont les régions témoins et dont on avait les chiffres, était très élevé, était même plus élevé qu'avant que ce gouvernement ne prenne le pouvoir.

M. le Président, il conviendrait, je pense, de refaire - j'ai déjà fait le tour avec le ministre de l'Énergie et des Ressources -le tour de toute cette question pour permettre aux citoyens qui nous écoutent et qui, très probablement, cherchent la vérité dans ce dossier de comprendre où se situe le gouvernement, où se situe l'Opposition dans ce dossier et qui des deux a raison. D'abord, les gens se demandent... Le ministre a semé la confusion au Québec à de multiples occasions, de même que le ministre des Finances, ce matin, quant à la réalité en faisant en sorte que personne ne s'y retrouve. Le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. le Président, en commission parlementaire, comme son collègue des Finances l'a fait ce matin, a affirmé que le précédent gouvernement... Ma question portait et mes objections portent encore sur

la position qu'ils ont prise en 1985 et sur la situation qu'on vit maintenant. Ils ont toujours laissé voir que le précédent gouvernement avait laissé comme héritage à ce gouvernement dont ils font partie un taux de taxation sur l'essence qui se situait à 40 %. Or, ce n'est pas exact, M. le Président.

J'aimerais vous lire, quelques extraits de l'intervention du ministre de l'Énergie et des Ressources en commission parlementaire au cours de laquelle on a étudié la question du prix de l'essence c'était lors de ses remarques de clôture. Donc, il avait le dernier droit de parole et, dans son dernier droit de parole, entendu par les citoyens présents et par ceux qui nous écoutaient par le truchement des médias électroniques et par les journaux, voici ce que le ministre disait. Il y a un bout, au tout début, dont je vous fais grâce de la lecture, M. le Président, mais il a dit: "Ce n'est pas moi -c'est le ministre qui parle - ce n'est pas notre gouvernement qui a créé le problème -on parle toujours du problème du prix de l'essence - le problème a été créé, et cela a été souligné par les intervenants, par la taxe ascenseur de 40 %. C'est vrai qu'on aurait pu ne rien faire." Remarquez bien le procédé sur le plan du discours. Le problème a été créé par la mise en place d'une taxe de 40 %. On aurait pu ne rien faire, donc tout le monde est légitimé de penser que, lorsque cet honorable ministre a pris son siège, la taxe ascenseur était à 40 %. C'est ce que le texte laisse voir. Ce texte, ce sont les paroles du ministre. Je le relis pour qu'on comprenne bien, M. le Président, parce que c'est important et c'est ce qui nous servira à démontrer que la première raison pour laquelle au Québec les gens ne se démêlent plus dans le secteur de l'essence, c'est que la confusion est semée volontairement par le ministre, appuyé ce matin - parce que ses paroles ont été reprises presque textuellement - par le ministre des Finances qui informe les gens d'une bien curieuse façon.

Je relis les paroles du ministre de l'Énergie et des Ressources: "Ce n'est pas moi, ce n'est pas notre gouvernement qui a créé le problème. Le problème a été créé, et cela a été souligné par les intervenants, par la taxe ascenseur de 40 %. C'est vrai qu'on aurait pu ne rien faire. On aurait pu, au mois de décembre, dire au consommateur: Écoutez, c'est l'ancien gouvernement qui a imposé la taxe; on ne peut rien faire, etc. Ce n'est pas cela qu'on attend. On considère qu'une taxe ascenseur du montant qui existait, de 40 %, n'avait pas de bon sens." Et il continue! "On est un gouvernement, on s'est engagé à réduire les taxes. C'est ce qu'on a fait. C'est la première étape."

Y a-t-il un citoyen au Québec qui comprenne la langue française comme je la comprends, et comme la majorité des gens doivent normalement la comprendre, et qui ne saisit pas, de ces paroles du ministre, que celui-ci a hérité d'un ministère de l'Énergie avec un taux de taxe ascenseur de 40 %? Y a-t-il quelqu'un qui ne comprenne pas cela, M. le Président, dans ces paroles? Or, ce n'est pas exact. Je le regrette, mais ce n'est pas exact. Quand le ministre de l'Énergie et des Ressources a pris la charge du ministère de l'Énergie et des Ressources et que son collègue, le ministre des Finances, a pris la charge du ministère des Finances, la taxe ascenseur, comme on l'appelait, était fixée, non pas à 40 %, M. le Président, mais à 30 %. Qu'on vienne me dire, dans des interventions comme celle que le ministre a faite en commission parlementaire ou comme celle qu'a faite ce matin le ministre des Finances du Québec, que le taux de taxe était à 40 % et que le gouvernement, en parlant du gouvernement libéral, a agi, c'est strictement tronquer la réalité.

Quand on parle d'une taxe à 40 %, on fait référence à une époque relativement courte en crise économique, mesure qui avait été corrigée par le précédent gouvernement dès que la situation financière le lui avait permis et qui avait ramené, deux ans avant l'élection, deux ans - non pas un mois, non pas trois semaines - avant la dernière élection, la taxe à 30 %. Et le Parti libéral du Québec et les politiciens qui sont dans cette Chambre, M. le Président, ont fait les beaux jours d'une campagne électorale avec une taxe ascenseur, sur laquelle on a fait toute la démagogie possible qui se situait à 30 % et non pas à 40 %. Voilà pour le rétablissement d'un premier fait. Quand ce gouvernement, voilà deux ans et quelques heures, a pris le pouvoir à Québec, le taux de la taxe, et je l'affirme, et le ministre me contredira si jamais il a le goût de le faire, mais il va falloir qu'il le démontre, le taux de la taxe ascenseur était à 30 %. Voilà pour un premier fait. (17 heures)

Nous allons parler maintenant du caractère ascenseur de la taxe. Combien de personnes au Québec, aujourd'hui, à la suite de la démagogie libérale qui a précédé les dernières élections, c'est-à-dire qui s'est accentuée au moment des dernières élections, mais qui a eu cours tout au long du dernier mandat du gouvernement précédent, combien de citoyens du Québec auront compris que le terme "taxe ascenseur" est une chose horrifiante? Le message a tellement été bien perçu par la population que tout le monde a l'impression qu'une taxe ascenseur, c'est quelque chose d'effrayant, d'abominable, d'atroce, qui fait payer à chacun des consommateurs du Québec un prix terrible pour son essence.

J'indiquerai à mes honorables collègues que les taxes qu'on paie au Québec, dans la plupart des cas, sont des taxes ascenseurs.

Saviez-vous, Mme la Présidente, que la taxe de vente est une taxe ascenseur? Saviez-vous que lorsque vous achetez un morceau quelconque sujet à taxation, que vous le payez 10 $, vous avez une taxe à payer qui peut être de 0,90 $ ou de 1 $ selon le montant de vos achats? Lorsque le prix de ces achats change au fil des mois et au fil des années, évidemment, le taux de la taxe de 9 % varie: il monte quand la marchandise est plus chère et il descend quand la marchandise est moins chère. Je vois le député de Frontenac qui dit non. Mme la Présidente, la taxe de vente au Québec, je l'affirme et on me démontrera le contraire, est une taxe ascenseur. Une taxe ascenseur, par définition, est une taxe dont le montant varie avec le prix de la marchandise. C'est cela, une taxe ascenseur. S'il y en a qui ne comprennent pas cela, ils demanderont à leurs collègues qui sont un peu plus versés dans le domaine économique, ils vont leur expliquer.

Donc, le caractère ascenseur de la taxe, pour lequel on a tellement déchiré de chemises au Québec, est tout à fait normal. Ce qui est important, c'est que le taux de cette taxe puisse être ramené, parce que, lorsqu'on achète de l'essence, c'est bien sûr que ce n'est pas comme lorsqu'on achète un chandail. Si le chandail est à 100 $, on paie la taxe sur 100 $; si le chandail est à 50 $, on paie la taxe sur 50 $. Dans le cas de l'essence, on ne peut pas faire varier le prix chaque fois qu'il y a une variation de 0,0025 $, 0,005 $ ou de 0,02 $ le litre. La compagnie pétrolière fait des ajustements périodiques et le montant de la taxe est ajusté après coup. Or, autre chose que les citoyens doivent savoir, quand une taxe a un caractère ascenseur et qu'elle est fixée dans le prix d'un litre d'essence, il y a une mécanique qui est prévue, une mécanique d'ajustement qui permet de compenser avec certains retards, mais dans les deux sens, le mouvement que fait la taxe de vente ordinaire. Quand on achète un habit qui est en spécial plutôt qu'au prix régulier, cela s'ajuste sur une facture. Dans le cas de l'essence, la taxe s'ajuste à des périodes données. Mme la Présidente, ces périodes arrivaient fréquemment et permettaient au ministère du Revenu, à la suite d'un échantillonnage généralement reconnu comme satisfaisant, d'indiquer qu'il y avait eu des variations de prix. Le ministère du Revenu faisait en sorte que les prix à la pompe soient ajustés à la baisse ou à la hausse selon les fluctuations de prix et le consommateur en bénéficiait ou encore devait payer la taxe selon le prix de la marchandise. Quand on a semé la panique au Québec autour du terme "taxe ascenseur", on l'a fait pour une taxe qui ressemble en tout point à d'autres taxes et, en particulier, à la taxe de vente puisque c'est aussi une taxe ascenseur.

Lorsque le gouvernement libéral a pris le pouvoir au mois de décembre 1985, le prix des produits pétroliers avait baissé. La période normale pour l'ajustement de la taxe était arrivée. Comme les montants n'avaient pas été changés et que le prix de la matière de base sur lequel est appliquée la taxe avait baissé, le taux de taxe était rendu autour de 38 %; c'est le caractère ascenseur. Il est fixé à 30 % sur un certain prix. Le prix du matériel de base baisse, la taxe est donc à un niveau de 37 %, 38 % et le mécanisme de réajustement devait normalement la ramener à 30 %, selon la loi. Si le prix avait augmenté, pendant un certain temps, la taxe serait descendue en bas de 30 %, 28 %, 26 %, et le mécanisme d'ajustement l'aurait ramenée à 30 %, c'est-à-dire qu'il l'aurait haussée. Une taxe ascenseur, c'est une taxe qui monte quand le prix monte et qui descend quand le prix descend, tout à fait comme la taxe de vente. Je vois qu'on a compris.

Mme la Présidente, quand le Parti libéral a pris le pouvoir au Québec, la taxe ascenseur n'était pas à 40 %, on l'a démontré tantôt, elle était à 30 % en fin de période d'ajustement. Elle se situait, compte tenu de la baisse des produits pétroliers, peut-être, à ce moment-là, aux environs de 35 % ou 36 %, je n'ai pas le chiffre exact, mais toujours est-il qu'elle était supérieure à ce qu'elle aurait dû être. Le gouvernement n'a pas fait son devoir, le gouvernement n'a pas ajusté, comme il devait le faire, la taxe à 30 %. La période était venue, c'était la responsabilité gouvernementale de le faire, mais il ne l'a pas fait. Si quelqu'un en face constate que ce que je dis n'est pas strictement et rigoureusement vrai, qu'on se lève et qu'on me le dise, mais c'est ce qui s'est produit.

Le ministre des Finances du Québec décide de nous faire un cadeau. En grande pompe, il se lève, dans un énoncé budgétaire, un peu enflammé, comme on a l'habitude de le voir à l'Assemblée nationale, et il annonce, comme une bonne nouvelle aux citoyens du Québec, que dorénavant ce gouvernement responsable aura limité, aura fait disparaître le caractère ascenseur de la taxe. Se raccrochant aux discours démagogiques d'une campagne électorale pas très lointaine, il indiquait à la population du Québec, comme étant une grande faveur, cette décision gouvernementale d'abolir le caractère ascenseur de la taxe.

Mme la Présidente, on a beaucoup applaudi de l'autre côté. Je me souviens que les députés ont applaudi fort leur ministre des Finances, et peut-même certains de ses collègues ministres, étant convaincus que le ministre des Finances venait de faire un cadeau aux Québécois. Je suis persuadé que des collègues d'en face, je dirais de bonne

foi, auront dit à des électeurs dans leur bureau de comté: Voyez comme notre gouvernement est bon, il vient d'enlever la taxe ascenseur. Ce n'est pas cela qui est arrivé, il venait d'enlever le caractère ascenseur de la taxe.

Quel est l'effet de cela? C'est bien simple. Comme le moment du réajustement était venu, période de trois mois, je pense, si ma mémoire est exacte, au lieu de faire le réajustement de la taxe ascenseur, on l'a gelée au plafond. En abolissant le caractère ascenseur, on a gelé la taxe, qui se situait très précisément, à ce moment-là, à 38,5 %, c'est-à-dire plus haut qu'elle n'avait jamais été dans les deux années précédentes, et au niveau presque record de la courte période de la crise économique où elle s'était située à 40 %. Le gouvernement libéral, sous prétexte de rendre service à la population et de répondre à une promesse électorale, enlevait, selon la façon populaire et selon la manière dont on le disait de l'autre côté, la taxe ascenseur. Ils n'ont pas enlevé la taxe ascenseur, Mme la Présidente, ils ont mis une taxe fixée à environ 38,5 % et qui ne bougera plus. (17 h 10

Mme la Présidente, quand on a le privilège de la taxe de vente, dans le fond, qu'on a l'utilité de la taxe de vente... Du moins, son côté agréable, c'est quand vous allez acheter en spécial un complet à 200 $ et qui en aurait valu 400 $ en temps normal... Pas sur un complet, parce que c'est un vêtement, mon exemple ne compte pas, mais un article quelconque. Par exemple, si j'achète un article de sport qui coûterait 400 $ et que je paie 200 $ en spécial, évidemment, je paie 9 % sur 200 $ et non pas sur 400 $. Le geste qu'a posé le gouvernement, c'est comme s'il avait dit: J'enlève le caractère ascenseur de la taxe de vente; dorénavant, tous ceux qui achètent des articles de sport de tel type à 400 $ paieront une taxe de 36 $. Le prix de l'article baisse à 200 $, je paie quand même une taxe de 36 $. C'est ce qu'on appelle, en langage de chez nous, se faire organiser.

Mme la Présidente, je ferai donc un tour d'horizon de ce qu'on vient de dire. D'abord, le gouvernement libéral a pris la direction du gouvernement avec une taxe fixée à 30 %. Deuxièmement, le gouvernement libérai était rendu à la fin de la période normale, selon la loi, pour rajuster le taux de la taxe à 30 %, c'est-à-dire à la baisse; il ne l'a pas fait. Troisièmement, on a enlevé le caractère ascenseur de la taxe qui lui aurait permis à ce moment-là, selon le mécanisme prévu dans la loi, de faire descendre le taux et il l'a gelé à 38,5 %, selon certains chiffres qu'on a. Mme la Présidente, on essaie de faire accroire aux gens qu'on leur a fait un beau cadeau.

Vous savez, Mme la Présidente, une fois que cette opération a été menée, le ministre, qui était pris avec la promesse électorale de fixer la taxe sur l'essence à 20 %... Éliminer la taxe ascenseur, cela voulait dire garder la taxe à 20 %. On en a parlé de 20 % car c'est un chiffre qui a sorti régulièrement. Au moment où la taxe était à 40 %, on disait, de ce côté-ci: C'est à 20 % qu'il faut qu'elle soit; au moment où la taxe était à 30 %, on disait: II faudrait qu'elle soit à 20 %. Premier geste du gouvernement: il gèle la taxe à 38,5 % au lieu de la laisser à 30 %. Autrement dit, il n'a pas eu à la remonter lui-même, car, au lieu de la redescendre, comme la loi l'y obligeait, il a enlevé la loi et il l'a laissée à 38,5 %. On est à 18,5 % au-dessus des promesses électorales avec lesquelles le ministre était pris. Son geste a été celui-ci: Nous allons, dans les régions périphériques, régler le problème.

Une voix: C'est réglé.

M. Gauthier: Ah! c'était intéressant. Nous allons le voir, Mme la députée de Matane. On va vous expliquer tout cela; ce ne sera pas long; soyez patiente! Alors, le ministre a décidé, dans les régions périphériques, d'enlever 10 %. Ah! voilà un ministre bien généreux! Pour les régions périphériques du Québec, 10 % de moins. La moitié du Québec se pensait, disons, bénéficiaire d'un cadeau du ministre. C'était 30 %. Soyons réalistes, mais, enfin, le geste est là: 30 %. Les citoyens du Québec allaient bénéficier d'une baisse de la taxe sur l'essence de 10 %. C'est intéressant comme mesure. C'est loin des 20 % promis à tout le Québec. On est à 16,5 % au-dessus de la promesse. Déjà, on se rattrape. Déjà, dans les régions périphériques, pour 30 % des gens, on va faire quelque chose; c'est louable. On concourt à la mesure; on la trouve intéressante et on dit au ministre: Attention, M. le ministre! Il y a eu une circonstance où on avait baissé, de façon soudaine, la taxe sur l'essence et on s'était aperçu qu'une récupération à peu près immédiate avait été faite par l'ensemble des compagnies pétrolières, par les détaillants, par tous ceux qui interviennent dans le monde du pétrole, les grossistes, les distributeurs, etc. Il y avait eu une absorption quasiment directe de l'argent qui devait aller aux contribuables, à ceux qui paient les taxes, par les compagnies pétrolières et par les intervenants du monde du pétrole. Nous avions mis sur pied un comité d'étude, à l'époque, qui, après avoir analysé la situation, en était arrivé à la conclusion que, cette augmentation, plusieurs facteurs se conjuguaient pour la justifier de la part des compagnies pétrolières. Bref, il y avait eu, disons, un concours de circonstances qui avait permis à des

pétrolières, en tricotant un peu avec les chiffres, de justifier cette hausse nécessaire. Voilà la situation, Mme la Présidente. Mais nous avions au moins le mérite d'avoir été ceux à qui le vilain tour avait été joué et, donc, par expérience, nous étions en mesure de prévenir le ministre que le jeu pourrait se faire de la même façon.

Comme député de Roberval et porte-parole de ma formation politique dans le domaine de l'énergie, j'ai dit à mon honorable collègue: M. le ministre, si vous ne prenez pas des mesures pour faire en sorte que les consommateurs en bénéficient, ils vont se la faire enlever. J'ai dit ça au ministre. Personne ne peut dire non de l'autre côté parce que ce n'est pas juste une fois que j'ai dit ça au ministre en cette Chambre, Mme la Présidente, c'est à cinq reprises. À cinq reprises, le député de Roberval s'est levé en cette Chambre et a indiqué au ministre qu'à la suite du relevé que nos services de recherche faisaient avec les modestes moyens qu'on nous connaît il nous apparaissait que les citoyens des régions étaient en train de se faire voler littéralement cette baisse de taxe qui leur était destinée, qu'on leur avait promise.

M'appuyant sur l'expérience du précédent gouvernement qui était arrivée plusieurs années auparavant, j'ai dit au ministre: M. le ministre, vous devrez vous mettre des mécanismes de contrôle. À chaque fois, le ministre se levait - souvenez-vous - en Chambre et disait: Le député de Roberval fait de la démagogie. Le député de Roberval devrait savoir que je suis connecté avec des compagnies pétrolières. J'appelle régulièrement les compagnies pétrolières. Je m'entends avec elles. Je discute avec les pétrolières. Et il n'y a pas de problèmes pour les consommateurs des régions. Si c'est de la démagogie de dire ça, relevez les cinq périodes de questions où le député de Roberval a demandé au ministre de s'assurer que la taxe aille aux citoyens, aux contribuables alors qu'elle était en train de se faire absorber petit à petit par les compagnies pétrolières. Â cinq occasions en cette Chambre, je l'ai fait, et je mets quiconque au défi de l'autre côté de me démontrer le contraire.

Je vous invite également à regarder les réponses du ministre à ce moment-là qui me disait avec force arguments: Le député de Roberval n'a pas raison de s'inquiéter. Mme la Présidente, le député de Roberval avait tellement raison de s'inquiéter que le ministre a fini par avouer, au bout de la cinquième reprise, que les citoyens des régions avaient perdu, et de façon irrémédiable, 20 000 000 $ au profit tantôt des compagnies pétrolières, tantôt des distributeurs, tantôt perdus dans la nature quelque part, mais qu'ils avaient perdu 20 000 000 $. C'est 50 000 000 $ qu'on leur destinait.

On avait annoncé aux citoyens du Québec, des régions périphériques, qu'on leur donnerait 50 000 000 $. L'Opposition avait prévenu le gouvernement que ces 50 000 000 $ étaient en danger et que les compagnies pétrolières et d'autres intervenants se l'approprieraient. Le ministre nous trouvait complètement démagogues, déconnectés de la réalité, jusqu'au jour où, quelques mois après cinq interventions de notre part, il a fini par se lever et admettre dans cette Assemblée nationale que les citoyens des régions périphériques venaient de se faire enlever 20 000 000 $. Voilà les faits, Mme la Présidente.

On continue la séquence. Le ministre de l'Énergie et des Ressources, après avoir admis que nous avions raison de le prévenir, qu'il n'avait pas été assez prévoyant, a décidé de trouver une mesure, une méthode lui permettant d'accorder justice aux régions. Or, le ministre de l'Énergie et des Ressources nous annonce qu'il met sur pied un décret qui a pour effet de geler le prix de l'essence pour une certaine période et qui redonne en quelque sorte aux citoyens les droits auxquels ils avaient droit, c'est le cas de le dire. Et le ministre nous présente ça en Chambre. (17 h 20)

Réaction du député de Roberval à ce moment-là. Je me lève et je lui dis: M. le ministre, attention! attention! avec un décret comme celui-là dont les imprécisions sont dangereuses, ce ne sera pas nécessairement les compagnies pétrolières qui vont payer le prix du décret. Cela risque d'être les petits détaillants d'essence. Mme la Présidente, j'ai prévenu le ministre du danger de faire assumer aux petits détaillants le prix de son décret qui, lui, était la conséquence de son inaction, malgré nos avertissements. Le ministre disait: Le député de Roberval fait de la démagogie. Le député de Roberval ne comprend pas. Le gouvernement bouge et son gouvernement n'a jamais bougé. Voilà les réponses auxquelles le ministre nous a habitués.

Après le décret, commission parlementaire. L'Opposition réclamait une commission parlementaire, au Québec, sur la question des prix de l'essence, avant même que le ministre mette son décret en place, en lui suggérant que ce serait une bien bonne idée, alors qu'il vient de baisser la taxe et qu'on est en train de se la faire voler dans les régions périphériques, cela serait peut-être une bien bonne idée que l'Opposition et le gouvernement convoquent les compagnies pétrolières au salon rouge de l'Assemblée nationale, qu'on les rencontre, qu'on discute avec leurs représentants, qu'on leur mette sur la table les problèmes que nos concitoyens, dans les régions, nous indiquaient à chaque jour à nos bureaux de

comté.

Le ministre trouvait ma demande irréaliste. Le ministre m'a répondu, et vous vérifierez les galées: "M. le député de Roberval, les compagnies pétrolières pourraient refuser de venir à la commission parlementaire. Rien ne les oblige." Comme si c'était usuel que des entreprises faisant affaire au Québec aient l'habitude de dire au gouvernement: Vous nous convoquez en commission parlementaire, mais cela ne nous tente pas d'aller vous voir.

Bien, le ministre de l'Énergie et des Ressources, après son décret, a enfin convoqué une commission parlementaire. Qu'est-ce qui faisait que les représentants des compagnies pétrolières, tout à coup, pouvaient venir à l'Assemblée nationale rendre compte de leurs faits et gestes et qu'ils ne pouvaient pas quelques mois avant? C'est que la réponse du ministre était la réponse qui faisait son affaire à ce moment-là, parce que ce n'était pas clair dans sa tête et qu'il n'avait pas le goût d'affronter les représentants des compagnies pétrolières pour donner justice aux régions du Québec. Voilà les faits.

Mme la Présidente, on est allé en commission parlementaire. On a entendu tout le monde. Le député de Roberval était là, en face du ministre. On a fait chacun notre laïus et, après cela, on a interrogé les représentants des compagnies pétrolières. Ils nous ont indiqué, Texaco, Ultramar, Shell, Gulf, tous ceux qui se sont présentés - ils étaient à peu près tous là - en commission parlementaire, qu'ils ne s'étaient pas sentis obligés d'assumer la baisse imposée par le décret, que, dans certains cas, les plus généreux ont partagé 50 %-50 % avec le détaillant. D'autres compagnies pétrolières n'en ont pas fait de cas et les détaillants ont assumé la baisse. Quand cela a crié trop fort, les pétrolières ont rajusté d'un cent ou deux la marge bénéficiaire pour permettre aux gens de ne pas fermer leurs portes. Pourquoi? Parce que le décret du ministre avait été fait dans la hâte. On n'avait pas mis, dans ce décret, les outils nécessaires, les lignes directrices qui auraient eu pour effet de protéger les petits détaillants des régions périphériques du Québec.

Le ministre ne voulait pas entendre raison, comme si cela ne se faisait pas. Or, ma surprise, Mme la Présidente, au moment de la commission parlementaire, c'est que le ministre se montre tout réjoui, à un moment donné, que la répartition du manque à gagner soit de 50 %-50 %. Le ministre s'est réjoui de cela. Je pense que c'est avec Petro-Canada. Il était tout content, 50 %-50 % lui apparaissait quelque chose de correct. Quand je l'avais interrogé au moment du dépôt de son décret, le ministre de l'Énergie et des Ressources m'avait indiqué qu'il n'était pas question de faire payer aux petits détaillants le prix de son décret. 50 %-50 %, il était satisfait de celaï

Mme la Présidente, je me souviens, puisque la députée de Matane est là, que les gens de la région de Matane étaient représentés en commission parlementaire. Leur propos à l'endroit du ministre de l'Énergie et des Ressources ont été sans équivoque, à telle enseigne que la députée de Matane en était mal à l'aise. Ils sont venus dire à ce ministre comment ce décret improvisé les avait pénalisés, comment les volumes de ventes dans la région de la Gaspésie et du Bas-du-Fleuve ne permettaient pas de rentabiliser les stations de service avec une marge bénéficiaire de 0,035 $ le litre. On a aussi appris en commission parlementaire que le ministre, dans sa hâte, avait oublié la région de Chibougamau-Chapais où des hausses absolument faramineuses des produits pétroliers ont pénalisé toute une population qui a chargé son député, le député d'Ungava, un collègue de l'Opposition, de venir "faire la job au ministre" en commission parlementaire et d'exiger pour les gens de ce coin que le ministre refasse ses devoirs et qu'il n'oublie pas toute une circonscription électorale du Québec, le comté d'Ungava.

Mme la Présidente, je vais simplement dire ceci. Le ministre, du début à la fin, a mal fait ses devoirs dans le domaine de l'essence. Le ministre de l'Énergie et des Ressources nous arrive aujourd'hui et nous présente un projet de loi qui met en place le bureau de contrôle. En commission parlementaire, nous avions indiqué au ministre la nécessaire mise sur pied d'un bureau, d'un organisme de surveillance, non pas d'un contrôle des prix de l'essence. Il se dirigeait vers une formule comme celle-là. Il parlait de la possibilité d'établir un contrOle sévère. Nous savions, et il l'a admis, que l'expérience de la Nouvelle-Écosse n'était pas concluante et que, quand une compagnie pétrolière qui est en droit d'exiger un rendement sur le capital investi est en mesure de nous démontrer que son rendement est aux alentours de 3 %, 3,5 % ou de 4 %, on n'a pas besoin d'être des experts pour comprendre qu'une régie de contrôle lui permettrait de revendiquer une plus grande rentabilité sur ses investissements. De plus, les parlementaires ne disposent pas des moyens techniques et des équipes nécessaires pour faire une évaluation en profondeur des chiffres qu'elles nous ont soumis, de telle sorte qu'une régie de contrôle sévère aurait pour effet, comme ça se passe en Nouvelle-Écosse, d'exercer une pression à la hausse des prix des produits pétroliers.

Nous étions favorables à un organisme de pression, de surveillance, qui aurait un pouvoir moral sur le marché pétrolier des entreprises pétrolières. Nous avions parlé d'une commission parlementaire régulière.

Nous avions parlé de différentes avenues, par exemple, d'utiliser l'Office de la protection des consommateurs. Nous avions exploré avec le ministre, avec beaucoup de détermination et de désir de régler le problème, toutes les possibilités. Le ministre s'est rangé en quelque sorte à une recommandation que nous pouvions accepter bien volontiers.

Mme la Présidente, la seule chose, une grande déception: Le ministre de l'Énergie et des Ressources annonce que le Bureau d'inspection et d'information sur le prix de l'essence est mis sur pied. Tout le monde applaudit. Il annonce que c'est dans les régions périphériques seulement. La question qu'on pose: Pourquoi? Si les régions périphériques sont bien servies par l'organisme, c'est bien. On concourt à l'objectif. Si les marchés urbains à forte densité de population comme Québec et Montréal sont bien servis par la concurrence naturelle des intervenants dans le marché pétrolier, c'est bien aussi. Mais, dans les régions semi-périphériques, le ministre attend-il que les prix des produits pétroliers subissent une hausse tellement importante qu'il interviendra après coup avec une petite mesure de soutien ou d'ajustement? Pourquoi le ministre de l'Énergie et des Ressources -nous posons la question - n'a-t-il pas fait en sorte que son organisme de surveillance, qui est un bon organisme, qui est un bon mécanisme, couvre l'ensemble du territoire québécois au-delà des régions fortement urbanisées où la concurrence est celle qui discipline le marché? Expliquez-moi pourquoi, Mme la Présidente. Aujourd'hui, le ministre nous publie le bulletin du BIIPE, le rapport du BIIPE. Très intéressant. Nous y avons, avec nos maigres moyens, observé à l'intérieur les chiffres de cet organisme qui observe. Ce n'est pas un organisme péquiste. C'est un organisme qui observe, au nom du ministre, avec tout le désintéressement et la compétence qu'on peut prêter à ces gens. (17 h 30)

II nous indique que, pour les produits pétroliers, à première vue, la ligne est belle. Composante du prix à la pompe, essence ordinaire avec plomb, 0,537 $, 0,547 $, 0,509 $, 0,527 $. Il nous indique que les prix sont à peu près constants dans l'ensemble des régions du Québec. Le ministre se sert de ce bulletin pour se péter les bretelles. Mme la Présidente, il bien content. L'ensemble des régions du Québec paie à peu près le même prix pour l'essence. Ce qu'on voulait corriger, dit-il, a été corrigé.

Peut-être par déformation professionnelle, Mme la Présidente, ou peut-être parce que celui qui vous parle a appris à se méfier des réponses du ministre, nous avons analysé quelques chiffres. On donne Québec et Montréal. Évidemment, c'est toujours difficile d'établir cela de façon très précise. On parle d'une moyenne. On dit que le pourcentage de la taxe provinciale qui n'est plus une taxe ascenseur, qui ne peut plus descendre, qui est fixée de façon constante, à Québec et à Montréal, en moyenne, est de 33,2 % dans le sans plomb ordinaire, 36,6 % dans l'ordinaire avec plomb et 31,8 % dans le super sans plomb.

Il y a deux constatations. Premièrement, 70 % de la population du Québec, Mme la Présidente, paient un taux de taxe, deux ans après l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, qui se situe entre 32 % et 36,6 %. 70 % de la population du Québec ont a été trompés, non seulement par la promesse des 20 % de ce gouvernement, mais on est à 12 %, 13 %, 14 %, 15 % et 16 % au-dessus de la promesse des rouges en campagne électorale. Mme la Présidente, non seulement on est au-dessus de la promesse des libéraux, mais on est en plus à 6 %, à 2%età3%ou4% au-dessus du niveau de taxe au moment où ce gouvernement a pris le pouvoir ici, à Québec. Qu'on vienne nous indiquer aujourd'hui, Mme la Présidente, et on essaie de le faire sérieusement, que ce gouvernement a fait un cadeau dans le domaine pétrolier aux consommateurs du Québec, alors qu'au lieu des 20 % promis on se situe, dans la région de Montréal et de Québec, à 34 %, à 36 % et à 32 %. Qu'on vienne nous dire que c'est un cadeau! La taxe ascenseur, Mme la Présidente, servirait mieux, à ce stade-ci, 70 % de la population du Québec. La taxe ascenseur rendrait, au moment où l'on se parle, un meilleur service à la population du Québec que le système de taxes du ministre des Finances. Voilà la réalité des choses!

Mme la Présidente, dans la plupart des régions du Québec, cet organisme de surveillance a eu un effet positif, admettons-le. On remarque au Saguenay—Lac-Saint-Jean, c'est 23 % ou 21,5 %, en Abitibi, 22 % ou 20 % de taux de taxe, Rimouski, 28 % et 26 %. Cela a un certain bon sens. Pour ces régions, soit 30 % du marché québécois, on est en deça des 30 %.

La promesse libérale de descendre la taxe ascenseur de 30 % à 20 % s'est soldée, pour 70 % des gens au Québec, par une augmentation de la taxe, et très substantielle. La promesse libérale, l'action du ministre des Finances du Québec et du ministre de l'Énergie du Québec se traduisent, dans les faits, deux ans après, à l'anniversaire du mandat de ce gouvernement, par une augmentation importante de 5 % et 6 %, 4 %, ce qui peut totaliser pour ceux que cela intéresse 0,10 $ ou 0,12 $ le gallon. Il y en a qui sont habitués à parler de gallons, c'est 0,10 $ ou 0,12 $ le gallon. C'est un cadeau qu'il nous a fait.

Mme la Présidente, quand on fait la combinaison des deux chiffres, moyennant une équation mathématique relativement simple, quand on regarde le volume des

ventes et qu'on fait la combinaison, voici le résultat que nos chiffres nous montrent à ce stade-ci. L'essence ordinaire avec plomb, pour l'ensemble du Québec, en tenant compte des proportions de consommation, se vend, à l'anniversaire de ce gouvernement, deux ans après, non pas à un taux de taxe de 30 %, comme lorsqu'il a hérité du pouvoir, mais avec un taux de taxe de 34,8 %. Ce sont des moyennes qu'on veut le plus près possible de la réalité, mais on comprendra que nos calculs n'ont pas été faits avec des appareils très sophistiqués. Alors, nous acceptons, au départ, une marge d'erreur, si infime soit-elle. Pour l'essentiel, l'essence avec plomb se vend dans l'ensemble du Québec, toutes proportions gardées, 4,8 % plus cher que lorsque le gouvernement a pris le pouvoir. L'essence ordinaire sans plomb se vend 1,7 % plus cher, au niveau de la taxe, que lorsque ce gouvernement a pris le pouvoir. L'essence super sans plomb se vend, pour sa part, 0,3 % plus cher.

Mme la Présidente, une dernière constatation. Les gens dont les voitures roulent à l'essence ordinaire avec plomb sont les plus pénalisés et ce sont en général des gens qui roulent avec des voitures plus âgées et moins sophistiquées. Les gens qui roulent avec de l'essence ordinaire sans plomb sont pénalisés moyennement par les mesures du gouvernement; ce sont des gens qui ont la voiture intermédiaire moyenne au Québec, qui roule à l'ordinaire sans plomb. Les gens qui roulent avec de la super sans plomb ont des voitures de luxe, des voitures sport, des voitures de grand luxe, de façon générale: ce sont les moins pénalisés au Québec.

Une autre constatation intéressante. Évidemment, je ne veux pas prêter au gouvernement de mauvaises intentions, mais toujours est-il que le fait est là; les plus pauvres le sont, à cause, d'ailleurs, d'une taxe sur l'essence ordinaire avec plomb; on se demande pourquoi la proportion est aussi forte. N'oublions pas que le ministre des Finances du Québec, à un moment donné, dans un budget, a décidé de laisser la taxe sur l'essence ordinaire avec plomb un peu plus élevée pour, disait-il, faire une espèce de taxe à la pollution de l'environnement. On pourrait bien demander à ce gouvernement ou peut-être au ministre des Finances, qui me fait l'honneur d'être ici, en avant, combien de milliers, de dizaines de milliers, de centaines de milliers ou de millions de dollars sont allés à l'Environnement, M. le ministre des Finances, considérant le fait que, dans une mesure budgétaire, à un moment donné, vous en avez passé une petite vite à l'ensemble des citoyens du Québec en disant: Vous savez, pour l'essence ordinaire avec plomb, comme c'est plus polluant, la taxe sera un petit peu plus haute. Ce ne sera pas grand-chose, on n'y a pas touché. Et cela va servir à dépolluer l'environnement. J'aimerais, M. le ministre des Finances, vous qui êtes un parlementaire d'expérience et un ministre aguerri, que vous nous expliquiez combien de cet argent est allé de façon spécifique à l'Environnement. On ne demandera pas au ministre des Finances de nous dire que le budget du ministère de l'Environnement a été indexé de tant pour cent cette année, ce n'est pas ce qu'on veut savoir. De façon spécifique, combien le ministère des Finances a-t-il perçu de cette mini-hausse de taxe qui est passée presque inaperçue et combien de ce montant est allé de façon spécifique au ministère de l'Environnement? Je suis certain que notre honorable collègue se fera un plaisir de nous donner ces chiffres. S'il ne les a pas d'aventure, on devra comprendre que les citoyens du Québec, encore une fois, se sont fait organiser par la politique pétrolière de ce gouvernement.

Mme la Présidente, je vois que mon temps achève; sauf erreur, vous semblez regarder l'horloge avec passablement d'attention. Je ferai vite pour vous dire tout simplement que les vrais chiffres - je les passe en revue pour qu'on se comprenne bien - quand le ministre des Finances et le ministre de l'Énergie et des Ressources nous disent qu'ils ont hérité d'un gouvernement qui avait laissé la taxe ascenseur à 40 %, ce n'est pas exact. Deux ans avant la prise de pouvoir de ce gouvernement-là, le taux de la taxe était à 30 %. Quand ce gouvernement nous a indiqué que le précédent gouvernement avait mis une abominable taxe ascenceur et qu'il enlevait la taxe ascenseur au Québec, c'est une erreur, Mme la Présidente. 11 a enlevé le caractère ascenseur de la taxe et il l'a gelée dans le plafond, le ministre des Finances en sait quelque chose. (17 h 40)

Je mets au défi le ministre des Finances de me dire, aujourd'hui, dans son intervention, que ce que je vais dire n'est pas exact? Les citoyens du Québec, au moment où l'on se parle, seraient mieux servis, à Québec et à Montréal, si le gouvernement n'avait pas touché au caractère ascenseur de la taxe et s'il avait respecté le mécanisme d'ajustement à la baisse. Si ce que je dis n'est pas exact, que le ministre des Finances nous le démontre tout à l'heure. Si ce que je dis est exact, par exemple, et je le crois profondément, nous nous serons fait faire, au Québec, une passe magistrale par ce gouvernement.

Qu'on me dise, de l'autre côté, que la promesse de la taxe sur l'essence à 20 % n'est pas reléguée aux oubliettes et qu'aujourd'hui les citoyens de la région de Montréal et de Québec, M. le ministre des Finances, paient la taxe 12 %, 13 %, 14 %, 15 % et 16 % plus élevée que si vous aviez mis en place la promesse, avec laquelle vous

avez fait vos beaux jours d'Opposition, de fixer la taxe ascenseur à 20 %. Je vous mets au défi de me dire, aujourd'hui, de me démontrer que les citoyens de Montréal, de Québec et des régions avoisinantes, 70 % de la population du Québec au sens très large du terme quand on parle des régions - ce sont les chiffres dont on bénéficiait - que les citoyens de ces régions ne paient pas aujourd'hui en moyenne, entendons-nous sur un minimum, 12 % ou 13 % de plus que la promesse libérale à laquelle ils seraient en droit de s'attendre maintenant. Qu'on vienne me le dire.

Le ministre des Finances va parler tantdt, je l'attends. Il est important, dans un dossier comme celui-là, que les citoyens comprennent les choses telles qu'elles sont. J'ai essayé, au cours de mon exposé, de vous les faire comprendre avec les moyens du bord, bien sûr, avec des calculs plus sommaires. Je n'ai pas un échantillonnage aussi large que celui dont le ministre des Finances et le ministre de l'Énergie et des Ressources diposent. Je n'ai pas tous les relevés statistiques dont ils disposent et avec lesquels je pourrais travailler. Moi, j'ai les chiffres qu'ils me donnent et j'ai la méthode de calcul qui est généralement reconnue comme acceptable par les gens qui calculent ce genre de choses. On y a mis tout notre coeur, toute notre énergie et nous espérons que les quelques mots que nous aurons pu dire là-dessus feront réfléchir le ministre des Finances, feront réfléchir le ministre de l'Énergie, feront réfléchir aussi les députés de l'autre côté, parce qu'avant de se vanter d'avoir remué mer et monde dans le domaine de l'essence il faut tout de même regarder les faits. La vérité a ses droits et j'ose croire que ces quelques minutes nous auront permis d'éclaircir un peu une situation qui était, malheureusement, trop ambiguë.

Mme la Présidente, là-dessus, je vous dirai simplement que, mon temps n'étant pas tout à fait écoulé, j'ai tout de même terminé, pour l'essentiel, mon intervention. Je me contenterai donc de laisser la parole possiblement à l'honorable ministre des Finances du Québec qui, je l'espère, pourra apporter un éclairage différent, supplémentaire. S'il n'apporte pas d'éclairage, on va être obligé de constater que ce que nous avons dit, tout au long de cette intervention, est rigoureusement exact. Je voudrais le mettre en garde; que le ministre des Finances ne m'arrive pas avec des exemples vieux de quatre ans, de cinq ans ou du précédent gouvernement, en 1982. Ils ont été élus en 1985, voilà deux ans, pour poser des gestes. Ils ont été élus sur la foi de promesses, ils ont été élus sur la foi d'engagements, ils ont été élus pour livrer la marchandise aux citoyens du Québec et les preuves démontrent aujourd'hui qu'ils ne l'ont pas livrée. Je vous remercie beaucoup.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Roberval. M. le député de Saint-Maurice.

M. Yvon Lemire

M. Lemire: Merci, Mme la Présidente. C'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi présenté par le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui vise à assurer la sécurité des personnes qui accèdent à un établissement et aussi à protéger le droit des consommateurs québécois dans l'achat de l'essence au Québec.

Mme la Présidente, je suis un peu surpris que le député de Roberval ait fait un discours aussi enflammé. Je suis un peu surpris de voir qu'il ne semble pas très heureux que le gouvernement actuel, de même que le ministre des Finances et le ministre de l'Énergie aient décidé d'intégrer dans la zone périphérique la région du Lac-Saint-Jean pour la protéger contre la hausse du prix de l'essence. Je suis un peu surpris de voir que, pendant les neuf ans de pouvoir des gens de l'Opposition, le parti d'en face, le député de Roberval n'ait jamais expliqué aussi précisément la façon dont était calculée la taxe ascenseur.

Je suis très heureux aussi de dire qu'avec la baisse, avec l'ajustement du prix de l'essence dans les zones périphériques, le ministre de l'Énergie et des Ressources s'est occupé de ces gens, s'est occupé du droit de ces consommateurs en appliquant, pour une période de 90 jours, un décret qui laissera le temps à notre gouvernement, au ministre d'étudier des solutions à plus long terme. Quelque temps après, le ministre faisait savoir à toute la population qu'on aurait au Québec un Bureau d'inspection et d'information sur le prix de l'essence, qu'on a surnommé le BIIPE.

Le BIIPE et la loi? Le BIIPE fonctionne déjà en vertu des pouvoirs confiés au ministre de l'Énergie et des Ressources par la Loi sur le commerce des produits pétroliers. Le projet de loi maintenant en cours donnera au BIIPE, à cet organisme tous les pouvoirs nécessaires pour son action. Le BIIPE - je voudrais que M. le député de Roberval m'écoute - dans les trois premières semaines de son installation, a fait épargner aux gens des zones périphériques tout près de 500 000 $ par semaine.

Mme la Présidente, le projet de loi présenté par le ministre de l'Énergie et des Ressources vise aussi à assurer la sécurité des personnes qui accèdent à un établissement ou à des équipements pétroliers ou qui utilisent des produits pétroliers. D'autre part, il vise à assurer la qualité des équipements pétroliers. En troisième lieu, le projet de loi 93 assurera l'inspection, l'enquête et la surveillance relative au prix de l'essence. Enfin, ce projet de loi assurera le contrôle

des prix de vente des produits pétroliers.

Il faut se rappeler que la Loi sur le commerce des produits pétroliers a été adoptée en 1971. Depuis ce temps, des statistiques démontrent clairement une croissance inquiétante des accidents impliquant des équipements pétroliers et l'utilisation non conforme des produits pétroliers. Désormais, on étend l'application de la loi aux utilisateurs d'équipements pétroliers pour des fins autres que le commerce de produits pétroliers. Ils devront être enregistrés et enregistrer leurs équipements pétroliers. (17 h 50)

De plus, on étend l'application de la loi aux entrepreneurs installateurs d'équipements pétroliers. En effet, tous les travaux relatifs à ces équipements seront exécutés par un titulaire d'un permis d'installateur. Pour obtenir ces permis, il faudra avoir à son emploi un ouvrier qualifié titulaire d'une licence de maître installateur.

Un autre volet du projet de loi 93 qui a trait à l'inspection, c'est l'enquête et la surveillance des prix de l'essence. Nous nous souviendrons, Mme la Présidente, qu'une commission parlementaire s'est tenue sur le contrôle et la surveillance des produits pétroliers dans les régions périphériques. Le gouvernement avait alors émis l'opinion qu'il était nécessaire que les consommateurs québécois aient accès à une information juste. Quant à l'évolution des prix de l'essence, dans le présent projet de loi, le gouvernement a mieux défini les pouvoirs d'enquête, d'inspection et de surveillance relatifs au prix de l'essence et a l'intention de se doter d'une possibilité d'ordonnance auprès de quiconque refuserait de diffuser l'information pertinente.

On se souviendra que, le 16 juin dernier, le ministre de l'Énergie et des Ressources déclarait que c'était l'intention du gouvernement de faire en sorte que les consommateurs des régions périphériques profitent entièrement de la réduction de la taxe sur les carburants qui leur avait été accordée par le gouvernement libéral, en décembre 1986.

Le projet de loi 93 fait suite à des études réalisées par le ministère de l'Énergie et des Ressources, à des propos tenus et à des intentions formulées par le gouvernement lors de la commission parlementaire chargée d'étudier cette question en septembre dernier et à une volonté ferme émise par le gouvernement du Québec de protéger les droits des consommateurs québécois.

Mme la Présidente, tels sont les propos du projet de loi 93 présenté par le ministre de l'Énergie et des Ressources et il tient compte des préoccupations pour enfin protéger les droits des consommateurs au Québec. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Maurice.

M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Mme la Présidente, préférez-vous que je commence tout de suite mon intervention ou est-ce qu'on demande la suspension tout de suite jusqu'à 20 heures?

M. Lefebvre: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: ...je suggère au député d'Ungava de faire dix minutes maintenant.

La Vice-Présidente: II reste sept minutes environ.

M. Lefebvre: Sept minutes? On saurait un petit peu quelle serait son introduction, on pourrait comprendre un peu où il veut en venir.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Je vous comprends, M. le leader adjoint du gouvernement. Je vais le faire, d'ailleurs, parce que je suis convaincu que le début de mon intervention fera en sorte que, lorsque je reprendrai à 20 heures ce soir, il risque d'y avoir plus de personnes qui seront intéressées par le débat actuellement en cours. C'est avec plaisir que j'entreprends mon intervention, les quelques réflexions que j'ai à faire au ministre sur le projet de loi dont il est question, le projet de loi 93 sur l'utilisation des produits pétroliers.

Mme la Présidente, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai écouté attentivement la présentation de mon collègue, le député de Roberval et porte-parole de l'Opposition à l'Assemblée nationale du Québec, face à ce projet de loi, parce que mon collègue, le député de Roberval, a 100 fois raison. Que de choses se sont passées depuis deux ans. On a entendu à peu près tout concernant l'ancien gouvernement, concernant supposément les politiques antisociales, les politiques d'extorsion. Il n'y a pas de mots qui n'ont pas été utilisés concernant les façons dont l'ancien gouvernement a pu agir dans le domaine de l'essence. Sauf que ce que l'on considère, que l'on voit maintenant de nos yeux et que la population du Québec voit aussi, c'est que ce gouvernement, le nouveau gouvernement, les sauveurs des consommateurs, comme on aurait pu le croire en campagne électorale, ont berné pas seulement 70 % de la population, comme le disait mon collègue, le député de Roberval, qui avait tout à fait raison de dire 70 % de la population quand il parlait des bassins de Québec et Montréal, mais 87 % de la

population du Québec, au total, n'est pas affectée par les décrets. C'est un pourcentage de 87 %. Le Bas-Saint-Laurent— Gaspésie, la Côte-Nord, le Saguenay—Lac-Saint-Jean et l'Abitibi ne représentent que de 13 % à 14 % de la population du Québec. Donc, grosso modo, il y a 87 % de la population qui échappe complètement au décret, qui échappe complètement à la régie de surveillance des prix que le ministre est en train de mettre en place, enfin, qui va rester dans la situation que l'on avait avant, en termes de contrôle ou en termes de suivi des prix du pétrole. Prix qui, eux, sont plafonnés au maximum pour ce qui est de la taxe qui n'est plus ascenseur, parce que l'ascenseur a été enlevé mais le palier est resté au plafond.

C'est cela, la véritable situation. Dans ce sens, je dis que mon collègue de Roberval n'a pas encore été assez virulent envers le ministre directement responsable du dossier, le ministre de l'Énergie et des Ressources, et le ministre des Finances qui, comme mon collègue l'a dit aussi à plusieurs reprises, s'est pété les bretelles, s'est essuyé les lunettes, a souri devant les caméras en disant: Nous sommes bons, regardez ce qu'on fait. Certes, c'est bon pour les régions périphériques et je m'en réjouis. Je suis le premier à m'en réjouir.

N'applaudissez pas trop vite. Je n'ai pas fini. Laissez-moi le temps de finir. Vous aurez peut-être moins envie d'applaudir.

Il y a eu des baisses de prix constatées, en régions périphériques, qui ont été bien accueillies par les populations. Mais ce n'est qu'une minime partie de ce qu'on avait dit, parce qu'on avait parlé, en campagne électorale, et je m'en souviens très bien, d'un plafond de 20 % comme étant un taux de taxation idéal. On l'a démontré, tout à l'heure, on est à 34 %, 35 %, 36 % et peut-être plus encore. Qui sait?

Des voix: ...

M. Claveau: Mme la Présidente, chacun son tour de prendre la parole. S'il y a des impatients, on reprend à 20 heures.

Donc, actuellement, 87 % de la population du Québec paie 34 %, 35 %, 36 % de taxe. Pour les autres, les prix ont été réduits. Oui. Mais cela a été récupéré en partie au moment où le ministre a fini par écouter les interventions répétées de mon collègue, le député de Roberval, par écouter ce qui venait des régions. Enfin, si cela n'arrivait pas à son bureau, cela arrivait aux nôtres. On nous disait: Regardez, la taxe baisse mais les prix montent quand même. Comment cela se fait-il? On n'est plus capables de comprendre.

Il a fallu presque un an, sinon plus, pour que le ministre de l'Énergie et des

Ressources du Québec dise: Ah! bien, il a peut-être raison. Peut-être que mes appels téléphoniques à mes amis présidents des compagnies pétrolières ne m'ont pas amené toute l'information dont j'aurais eu besoin. J'aurais peut-être dû consulter quelques autres intervenants par la même occasion quant à prendre le téléphone, vous savez, un ou deux appels téléphoniques de plus pour essayer de se faire une image plus complète. Cela aurait peut-être été souhaitable dès le départ. Dans ces conditions, le ministre a décidé de dire: Écoutez, c'est vrai, on s'est peut-être fait avoir, on s'est fait berner, on n'a pas eu toute l'information et on va aller en consultation publique pour voir si c'est vrai qu'il y a eu des récupérations sur les prix.

Cela a été prouvé. J'ai personnellement assisté à l'ensemble des délibérations de la commission parlementaire, de la consultation sur le prix de l'essence et cela a été prouvé noir sur blanc. Le ministre s'est même permis de servir des avertissements sévères aux compagnies pétrolières en leur disant: Écoutez, je vous ai à l'oeil. Vous m'avez eu une fois, mais vous ne m'aurez plus. C'est ça qu'il leur a dit. Là, je vous ai pris dans le coin. Faites attention à vous autres parce que la prochaine fois je vais être là. C'est exactement comme ça que le ministre a répondu aux compagnies pétrolières. C'est comme ça aussi que le ministre a répondu aux autres intervenants. Quand on a parlé des distributeurs, quand on a parlé des détaillants, il disait: C'est beau ce que vous me dites là, mais faites attention. C'est moi le ministre et je vais vous le montrer à l'avenir. Donc, il a lui-même accepté de dire qu'il s'était fait berner par certains intervenants et qu'il aurait dû dès le départ être plus méfiant et comprendre ce qu'on voulait lui dire.

Mme la Présidente, on me fait des gros yeux. Il semble qu'il est 18 heures et qu'on doit ajourner. Alors, je demande la suspension des travaux jusqu'à 20 heures, s'il vous plaît!

La Vice-Présidente: Compte tenu de l'heure, nous allons ajourner le débat sur le projet de loi 93 et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place, s'il vous platt! Nous allons maintenant reprendre nos travaux. Nous sommes encore aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, l'article 23 du feuilleton, s'il vous plaît!

Le Vice-Président: L'article 23 du feuilleton. Nous allons reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers, présentée par le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Lors de l'ajournement de ce débat, à l'heure du souper, la parole était à M. le député d'Ungava. M. le député, vous avez épuisé six minutes durant votre première partie d'intervention, il vous reste donc quatorze minutes. Je vous cède donc la parole.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Comme je l'ai dit juste avant la suspension de 18 heures, le ministre de l'Énergie et des Ressources aurait mieux fait, dès le départ, de nous écouter; de cette façon, il se serait épargné beaucoup d'ennuis et surtout des pas de valse qui l'ont amené à reculer sur certaines positions qu'il avait prises antérieurement.

En ce qui concerne le projet de loi d'une façon plus précise, je remarque que l'on y retrouve quatre objectifs fondamentaux, quatre orientations qui visent, d'une part, à assurer la sécurité des personnes et la qualité des équipements et, d'autre part, à introduire des mesures de contrôle, de surveillance des prix de l'essence et du contrôle, au besoin, sur ces prix. D'une part, on veut contrôler les prix, mais on veut avant tout les surveiller. C'est quelque chose sur lequel on a eu l'occasion de discuter en commission parlementaire et qui semble, à notre avis, assez difficile ou assez peu prometteur comme impact futur, assez peu porteur d'avenir en termes d'impact sur la façon dont les prix de l'essence vont être fixés.

Surveiller les prix de l'essence, c'est un terme qui est peut-être très beau en soi, mais, à notre avis, ne veut pas dire grand-chose. On peut surveiller éternellement; on peut s'asseoir et regarder passer les oiseaux, surveiller leurs allées et venues, mais cela ne veut pas dire qu'on va intervenir directement. Alors, quand on met l'objectif de surveillance prioritaire à l'objectif de contrôle, il nous semble qu'il y a là, pour le moins, matière à s'interroger. Jusqu'à maintenant, le ministre n'a jamais voulu utiliser le mot "contrôle" et d'autant plus, même à la toute fin, il ajoute dans son texte... Il se permet de mettre encore une parenthèse en disant "au besoin". À toutes fins utiles, il dit: S'il faut vraiment, un jour ou l'autre, intervenir, on se sera au moins donné un petit outil qui nous permettra de le faire.

La vision première du ministre dans ce projet de loi, il ne faut pas se laisser berner par les mots, c'est d'exercer une surveillance minimale, de s'assurer et d'aller voir de temps en temps les prix à la pompe, de regarder et de dire: Bon, c'est peut-être un peu haut, c'est peut-être un peu bas. Mais, on ne voit pas là-dedans une véritable volonté politique, un véritable effort pour vraiment s'assurer que les prix ne seront pas exorbitants, ne seront pas exagérés, et qu'il sera possible en tout temps pour le ministre de revenir et d'imposer ou de négocier des prix qui soient convenables pour l'ensemble des utilisateurs de l'essence. Et on sait qu'ils sont nombreux. Cela nous rend encore plus nerveux quand on sait que son projet de loi ne s'adresse ou que ce contrôle ou cette surveillance ne s'adresse qu'à 13 % des utilisateurs ou des acheteurs d'essence au Québec, parce qu'il a bien dit que c'était pour les régions et que cela ne s'appliquait pas sur l'ensemble du territoire québécois.

Alors, on se dit: Un beau projet de loi, certes, des hypothèses de travail intéressantes, mais on les dilue tellement qu'on n'en retrouve plus la saveur. C'est vraiment un problème fondamental qui nous rend pour le moins hésitant quant aux intentions réelles du ministre de vouloir faire quelque chose de positif, de définitif, d'ordonné, dans le contrôle des prix de l'essence au Québec.

On parle aussi de sécurité des personnes et de qualité des équipements. Ce n'est pas la première fois, M. le Président, que ce gouvernement introduit des mesures coercitives dans ses lois. Un gouvernement qui disait au début: Réglementer moins et mieux. On se rappellera des premières déclarations fracassantes du président du Conseil du trésor qui disait: Nous allons légiférer moins et mieux. Et il y avait un rapport qu'on appelait, et j'ose le dire parce que c'était le nom du rapport, le rapport Gobeil, où on disait: La réglementation, il y en aura presque plus. On va s'organiser pour que cela soit facile à comprendre pour tout le monde. On réglementera moins, mais on va mieux se comprendre dans nos lois parce qu'il va y avoir moins de lois et elles vont être mieux faites. Encore là, le rapport Scowen...

Une voix: ...

M. Claveau: C'est possible. Il y a eu tellement de rapports dans ce gouvernement qu'on finit par s'y perdre. Mais il reste que le président du Conseil du trésor avait sûrement dit son mot là-dessus. Toujours est-il qu'on se retrouve encore avec un projet de loi qui nous apporte réglementation pardessus réglementation, complexité par-dessus complexité, à tel point qu'encore là, on dilue l'essence du projet de loi et qu'on le rend pratiquement inapplicable.

Assurer la sécurité des personnes. Je

veux bien qu'on assure la sécurité des personnes. Je suis d'accord qu'on assure la sécurité des personnes; tout le monde est d'accord. Mais, dans la conjoncture actuelle, dans la situation que l'on vit quotidiennement dans la gestion du bassin ou des équipements qu'on utilise dans la distribution des produits pétroliers au Québec, il y a matière à faire un drame et à amener une nouvelle loi pour compliquer les choses. Il aurait peut-être été plus simple de regarder ce qu'on a actuellement et de dire: Bon, il y a telle et telle chose. On devrait faire quelques correctifs ici et quelques correctifs là. Certes, on doit éliminer les dangers au maximum, mais on peut le faire sans pour autant nous amener . toute une montagne de réglementation ou d'éléments nouveaux qui feront en sorte que cela prendra peut-être encore dix ans avant qu'on s'y comprenne. Je crois personnellement que la sécurité des personnes et la qualité des équipements, depuis le temps qu'on utilise l'essence au Québec, n'a pas été un élément primordial de danger, bien qu'il y ait des améliorations à faire, c'est sûr.

Le ministre, en plus, au moment d'émettre ces énoncés intéressants sur le plan philosophique, c'est bien évident, a-t-il calculé ou son ministère a-t-il pris en considération ce que cela pouvait avoir comme impact économique dans les milieux, ce que cela pouvait avoir comme répercussion sur les détaillants, les distributeurs d'essence qui, on le sait déjà, M. le Président, sont plutôt tordus, ont plutôt la corde au cou en ce qui concerne les marges de profit? On l'a dit en commission parlementaire: 0,032 $, 0,034 $ le litre, on s'est fait dire: Ah! c'est suffisant pour opérer, d'une part, mais, quand les distributeurs venaient parler, ils nous disaient: Écoutez, M. le ministre, avec 0,032 $ et 0,034 $ le litre, on n'arrive pas, tout augmente, il faut endosser les pourcentages des cartes de crédit, il faut assumer les augmentations de salaires et les augmentations du coût de l'électricité, il faut assumer l'augmentation des coûts d'opération générale, des taxes, etc., et, si on ne nous augmente pas notre marge de profit, on crève. C'est ce qui a été dit et c'est ce qu'a relevé aussi mon collègue de Roberval dans son allocution tout à l'heure.

Maintenant, on se prépare à mettre en place de nouvelles mesures de contrôle, de nouvelles façon de gérer le stock, si on peut dire, des équipements de distribution d'essence qui vont amener encore des coûts supplémentaires pour les distributeurs parce qu'ils vont être obligés de se payer des permis spéciaux, de faire affaire avec une nouvelle catégorie de travailleurs de la construction, les travailleurs spécialisés dans les installations - il y a un nom précis, si vous me donnez quelques secondes, je peux le retrouver. Il y a tout un nouveau contexte qui va faire en sorte que cela va coûter encore plus cher pour supporter les équipements.

Est-ce que le ministre prévoit mettre en place des mesures d'aide financière qui vont permettre à nos distributeurs qui ont déjà le collet passablement serré de pouvoir passer au travers, parce qu'il y a des mesures compensatoires, ou s'il ne veut pas utiliser cela sans le vouloir nécessairement d'une façon consciente. Par ricochet, ce qui va arriver, si on commence à vouloir imposer, par le biais d'une loi stricte, ferme, dans des délais précis, des améliorations qui, certes, sont nécessaires mais qui devraient s'étaler d'une façon différente, on va avoir un véritable clivage des propriétaires des postes d'essence. Il y en a qui vont disparaître, en régions probablement. La concurrence en régions va être diminuée par le fait même parce que c'est encore en régions où nos distributeurs d'essence ont le plus de difficulté à survivre, surtout avec la marge bénéficiaire qu'on leur laisse et qu'on tend à pondérer sur l'ensemble du territoire québécois, comme si cela ne coûtait pas plus cher d'exploiter une station-service à Sept-îles, à Gaspé ou à Chibougamau qu'à Montréal ou à Québec.

En commission parlementaire, on s'est fait dire; Non, non, on tend à pondérer, c'est 0,032 $, 0,034 $, peut-être 0,036 $, mais on n'a pas voulu dégager des marges de bénéfice précises pour les gens en régions. À moins que le ministre nous dise qu'il a changé d'idée encore une fois et qu'il nous assure que le distributeur en régions va pouvoir jouir, sans que cela coûte plus cher au consommateur, par le biais du prix d'achat au fabricant ou au grossiste, d'une marge bénéficiaire supérieure qui va lui permettre de pouvoir aussi rentrer dans les nouvelles normes qu'on ne connaît même pas mais qu'on sait qu'elles s'en viennent. On parle d'assurer la sécurité et la qualité des équipements et on sait que c'est vrai. Là-dessus, on s'entend, il y a des équipements qui sont désuets et qui devraient être modifiés, réparés. Mais comment va-t-on le faire pour faire en sorte qu'il n'y ait personne qui soit pris à la gorge? Je pense que la réflexion mérite d'être approfondie dans ce domaine.

En ce qui concerne toute la question des nouvelles installations avec cette nouvelle catégorie de travailleurs que l'on appelle - je voudrais retrouver le nom exact, j'ai un petit trou de mémoire - travailleurs spécialisés dans les équipements, dans l'installation des équipements reliés à la distribution de l'essence ou des produits pétroliers. Il s'agit là d'une nouvelle catégorie de travailleurs de la construction. À moins que je ne comprenne pas, il s'agit d'une nouvelle catégorie de travailleurs qui devront avoir des cartes de l'OCQ en

conséquence. Il s'agit là, entre autres, d'une nouvelle qualification qui, je suppose, a déjà été discutée avec le ministre responsable du dossier des travailleurs de la construction, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

J'espère que c'est déjà fait parce qu'on embarque encore là dans un drôle de bateau. Vous savez, dans une région, par exemple, à Chibougamau ou à Chapais, quand on voudra installer un poste d'essence ou une installation de ce genre tous les dix ou quinze ans, ou quand on veut faire des modifications - on n'en fait pas tous les jours, dans les milieux où il n'y a pas beaucoup d'installations - cela veut dire qu'il faudra encore augmenter les frais d'installation parce qu'il faudra faire venir des gens d'ailleurs. On n'aura probablement pas, sur place, en permanence, des gens qui auront cette compétence; alors, on les fera venir d'ailleurs, avec tout ce que cela suppose, peut-être pour une modification mineure ou une modification plus ou moins importante.

Il y a là, encore, quelque chose qui risque de créer des problèmes à long terme. Le ministre ne les a peut-être pas vus au moment de présenter son projet de loi. Dans l'hypothèse d'une amélioration, le ministre a peut-être pensé que ces problèmes ne pouvaient pas exister, mais nous, qui vivons en régions continuellement et qui savons de quelle façon nous avons déjà des problèmes dans tout le secteur de la construction en ce qui concerne les cartes de compétence, l'utilisation des travailleurs de la construction qui sont dans le milieu, mais à qui il manque toujours la petite carte, le nombre d'heures ou autre chose pour pouvoir travailler, alors qu'on fait venir des gens de l'extérieur... (20 h 20)

Dès qu'il y aura un petit contrat pour l'installation d'un poste d'essence, il faudra faire venir une équipe spécialisée à 500 milles de chez nous. J'ai l'impression que, là encore, il risque d'y avoir des problèmes. Cela vaut au moins la peine d'ouvrir la parenthèse pour savoir dans quoi on s'embarque.

Quand on parle du contrôle des installations, je ne sais pas si le ministre, quand il a pensé à tout cela, est sorti des autoroutes... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Vice-Président: En conclusion, M. le député d'Ungava, il vous reste quinze secondes.

M. Claveau: C'est dommage, car je croyais avoir encore un peu de temps. Le temps passe tellement vite quand on parle de choses sérieuses. Je conclurai en disant que j'aurais encore beaucoup à dire sur ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président: Merci, M. le député d'Ungava. Pour la poursuite du débat, je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Matane.

Mme Claire-Hélène Hovington

Mme Hovington: Merci, M. le Président. J'ai grand plaisir à prendre la parole sur le projet de loi 93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers. Je veux vous rappeler les objets de ce projet de loi. D'abord, nous en avons quatre, quatre buts du projet de loi. Premièrement, assurer la sécurité des personnes qui ont accès aux établissements, aux équipements pétroliers ou qui utilisent des produits pétroliers. Le deuxième objectif de la loi est d'assurer la qualité des équipements pétroliers. Le troisième, assurer la surveillance des prix de l'essence. Le quatrième, assurer le contrôle des prix de vente des produits pétroliers.

Je vais surtout m'attarder ici sur les troisième et quatrième points du projet de loi 93, soit assurer la surveillance des prix de l'essence et aussi assurer le contrôle des prix de vente des produits. On se souviendra qu'en décembre 1985, le gouvernement libéral avait tenu sa promesse électorale, soit de baisser la taxe sur l'essence en régions éloignées. On avait rempli notre promesse envers les régions périphériques. Nous avons réduit la taxe sur l'essence en Gaspésie, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, en Abitibi-Témis-camingue et sur la Côte-Nord.

La réduction de 0,045 $ le litre accordée a été transmise à la pompe dans les jours immédiats qui ont suivi, mais, à partir de la fin de mai 1986, les consommateurs de ces régions ont perdu peu à peu cet avantage, cette baisse de 0,045 $ le litre au profit des pétrolières et aussi des détaillants, il faut le dire. Et devant ces faits, le ministre est intervenu auprès des pétrolières le 15 mai les enjoignant de procéder immédiatement au réajustement à la baisse des prix dans les zones périphériques, de façon que les consommateurs de ces régions puissent bénéficier de cette baisse de taxe.

Or, malgré l'ensemble de ces diverses interventions dont celle du premier ministre lui-même, je vous dirai, aucune pétrolière n'avait corrigé la situation en juin 1987, et il était vraiment nécessaire, M. le Président, que les consommateurs des régions périphériques profitent entièrement de la réduction de cette taxe.

C'est pourquoi le ministre de l'Énergie et des Ressources a décidé d'agir par décret le 16 juin 1987, décret qui établissait le prix maximum à la pompe. Cette mesure s'est appliquée jusqu'au 30 septembre 1987, le temps de tenir une commission parlementaire

afin d'étudier des solutions à plus long terme, des solutions qui nous permettaient en région éloignée de bénéficier pleinement de la baisse de la taxe sans pénaliser ni les détaillants ni l'industrie. C'était un défi de taille, mais voilà justement un des avantages de la transparence témoignée par le gouvernement du Québec à ce moment qui n'a pas craint de recevoir des personnes, des organismes dans le cadre d'une commission parlementaire portant sur des sujets aussi litigieux que l'essence et les produits pétroliers.

Lors de cette commission parlementaire, nous avons reçu plusieurs mémoires. Il fut dévoilé que les sociétés pétrolières et les détaillants avaient récupéré quelque 20 500 000 $ sur les 52 000 000 $ de subventions qui étaient destinés aux consommateurs. Il nous fallait donc faire quelque chose, agir. Et nous avons agi. La preuve, le projet de loi 93 qui nous est présenté aujourd'hui constitue cette solution recherchée, solution qui permettra aux citoyens des régions de bénéficier des baisses de taxes sur les prix de l'essence en régions tel que promis. D'abord, le Bureau d'inspection et d'information du prix de l'essence a été mis sur pied, qu'on appelle le BIIPE. Il est entré en fonction le 28 septembre 1987. Ce bureau a été chargé spécifiquement d'inspecter et d'enquêter sur l'évolution et la composition des prix de l'essence, mais surtout d'informer le public consommateur des résultats obtenus.

Pour informer le public consommateur des résultats obtenus, le BIIPE, le Bureau d'inspection et d'information du prix de l'essence, produit un journal que je vais vous montrer ici. Cela s'appelle Essence-Express. À l'intérieur de ce journal, vous avez toutes les informations nécessaires, la ventilation de toutes les composantes des prix à la pompe. Dans ce journal, vous pouvez voir la part du détaillant, le coût de transport, les taxes fédérales, les taxes provinciales, la part de la pétrolière, le coût du pétrole brut et, finalement, toutes ses composantes pour en arriver au prix à la pompe.

Ces détails et ces informations qu'on donne aux consommateurs jouent un râle à la baisse sur les prix. La preuve? Je me suis arrêtée dans mon comté encore la semaine passée, ou peut-être il y a quinze jours, prendre de l'essence dans un village. Je m'informais des prix, comment cela allait. La personne me dit: Est-ce que le décret est enlevé sur les prix à la pompe? J'ai dit: Oui, le décret est enlevé depuis le 30 septembre. Alors, la personne me dit: Ah! Mais pourquoi les prix n'ont-ils pas changé? Nous, ici, la compagnie pétrolière n'a pas changé les prix. Même si le brut a augmenté, les prix à la pompe demeurent les mêmes. Déjà là, il y avait un résultat satisfaisant pour le comté de Matane, et j'en suis sûre, pouf toute la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, grâce à ces informations qui sont publiées et grâce aussi à ce bureau d'inspection qui a été mis sur pied.

Pendant les trois premières semaines d'octobre, tout de suite après la mise sur pied de ce bureau, les consommateurs ont épargné 500 000 $ par semaine, ce qui fait à peu près 1 500 000 $ dans les poches des consommateurs dans les premières semaines du mois d'octobre. Ce BIIPE, ce bureau est doté d'un pouvoir d'enquête, d'inspection et d'information. Et si cette surveillance ne suffit pas, nous pouvons toujours revenir au décret pour fixer les prix à la pompe. Si l'intérêt public l'exige, nous n'hésiterons pas, M. le Président, à fixer un contrôle des prix à la pompe, fixer un prix maximum. Quand j'entendais le député de Lac-Saint-Jean cet après-midi faire les gorges chaudes et dire: C'est grâce à moi si le ministre a agi dans ce dossier. C'est grâce à moi, je suis intervenu cinq fois en Chambre pour sauver le prix de l'essence en régions.

Je dirai au député de Lac-Saint-Jean: Mais qu'a-t-il fait pendant les dix ans qu'il était là? Qu'a-t-il fait pour son comté, pour la région de Saguenay—Lac-Saint-Jean? Cela a pris un gouvernement libéral pour assurer la baisse de la taxe sur l'essence dans les régions périphériques et plus spécifiquement dans la propre région du député de Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cela a pris un gouvernement libéral pour le faire. Il n'a pas à faire les gorges chaudes en disant: C'est grâce à moi. Il n'a pas fait grand chose pendant les dix ans qu'il était là.

M. le Président, ce projet de loi - il y a même deux autres points - va sécuriser aussi la population sur l'utilisation des produits pétroliers. Vous savez, M. le Président, que l'opinion publique est de plus en plus sensibilisée au volet de la sécurité du travail dans l'ensemble de notre économie. Cette population attend du gouvernement qu'il prenne des mesures visant à l'amélioration de la qualité de vie. Une partie de ce projet de loi concerne donc cette qualité de vie en ce que la révision de la Loi sur le commerce des produits pétroliers vise à étendre le champ d'application de la loi aux utilisateurs d'équipements pétroliers à des fins autres que des produits pétroliers ainsi qu'aux entrepreneurs installateurs exécutant des travaux relatifs aux équipements et à leurs employés qualifiés en pareille matière. Il faudra que les employés soient qualifiés maintenant dans les produits pétroliers. (20 h 30)

Vous voyez que ce projet de loi vise à assurer une plus grande sécurité à la population vis-à-vis des produits pétroliers. Ce projet de loi vise à assurer aussi un contrôle sur le prix de l'essence en régions éloignées. Ce contrôle est donné par le

Bureau d'inspection et d'information du prix de l'essence, et son journal Essence-Express que les consommateurs pourront se procurer soit dans les bureaux de protection du consommateur ou aux chambres de commerce des quartiers afin de voir toute la ventilation des composantes du prix du pétrole à la pompe.

M. le Président, en tant que gouvernement, nous nous étions engagés à aider les régions périphériques. Nous l'avons fait. C'est ainsi qu'après la commission parlementaire, après la formation du bureau d'inspection, après ce journal, nous avons vu les prix se maintenir à la pompe et ainsi les gens des régions périphériques ont pu profiter de la baisse de 0,045 $ le litre à la pompe.

Ce projet de loi, je l'appuierai parce qu'il aide les régions périphériques, les régions les plus défavorisées. Ce n'est qu'une question d'équité. Merci.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): M. le Président, il me fait plaisir, ce soir, d'intervenir sur le projet de loi 93, qui est présenté par le ministre dé l'Énergie et des Ressources. Pourquoi est-ce que je voulais intervenir? C'est peut-être pour rétablir certains faits parce qu'il me semble important que la population, qui suit les débats de l'Assemblée nationale, ainsi que la population en général, qui veut savoir exactement ce qu'il en est du contrôle des fameux prix de l'essence, sache que le projet de loi 93 va amener certaines corrections.

Bien sûr, les principes énoncés dans le projet de loi et les buts visés sont louables, je le dis en passant et cela doit être souligné, sauf qu'on doit se demander comment il se fait qu'on est rendu dans cette situation, au début du mois de décembre, en fin de session et que le ministre de l'Énergie et des Ressources nous présente un projet de loi pour contrôler les prix de l'essence.

Pour bien nous faire comprendre sur ce qui s'est passé, je pense qu'il faut rapporter les faits de façon que tout le monde comprenne. D'abord, voilà maintenant deux ans, le gouvernement actuel, le Parti libéral lorsqu'il était en campagne électorale, avait promis d'abaisser la fameuse taxe ascenceur, qui était à 30 %. Il avait promis de la ramener à 20 %. Tout le monde, à ce moment-là, a applaudi, les mesures annoncées par le Parti libéral. C'était certes dans leur intention d'être capables de livrer la marchandise, sauf que ce n'est pas exactement ce qui s'est passé le 2 décembre ou dans les mois qui ont suivi.

Aujourd'hui, à quelques heures près, nous fêtons le deuxième anniversaire du gouvernement en place. Si on regarde la situation actuelle en ce 3 décembre 1987, elle est tout ascenseur autre que la situation qui avait été annoncée. Dans la taxe de 30 %, déjà très élevée, qui avait été instaurée - qu'on soit d'accord ou pas - par l'ancien gouvernement, il y avait au moins l'avantage que le principe faisait en sorte que, lorsque les prix de l'essence montaient, la taxe montait, de façon à garder une certaine proportion. Par contre, quand les prix de l'essence descendaient - cela a été le cas depuis décembre 1985 - le principe de la taxe ascenceur permettait aussi d'abaisser le niveau de la taxe Bien sûr, les entrées d'argent dans les coffres du gouvernement baissaient, mais au moins les consommateurs pouvaient en bénéficier.

Ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement a décidé de bloquer, pour prendre l'expression, l'ascenceur au 30e étage, c'est-à-dire à 30 %. Alors, tout gouvernement qui perçoit une taxe, le ministre des Finances le premier, ne veut pas voir ses revenus diminuer dans cette enveloppe budgétaire au cours des mois et des années qui viennent parce qu'il devra de compenser par une taxe ailleurs. Or, le gouvernement libéral s'est donné bonne bouche en disant: Nous, on arrête le principe de la taxe ascenseur, et voici, c'est fini, la taxe ne montera plus. Mais attention! Ce qui s'est passé, c'est que le prix de l'essence a descendu, la taxe est restée en haut, ce qui fait qu'aujourd'hui, au 3 décembre 1987, à quelques dixièmes de pourcentage près, la taxe moyenne se situe à 38 % ou 38,5 %.

M. le Président, il faut être conscient que cette situation pénalise de façon importante l'ensemble des consommateurs du Québec. Bien sûr qu'une partie de la promesse qui avait été faite, celle d'accorder une baisse aux régions périphériques, de permettre aux régions périphériques et à travers le Québec, de permettre à ces gens d'avoir une certaine baisse, cette partie a été remplie, du moins en partie, ce qui a fait que le pourcentage de la taxe à la pompe dans les régions périphériques peut se situer, suivant les régions, quelque part entre 22 %, 24 %, 25 %. Par contre, là où se passe le gros de la consommation de l'essence, là où se retrouve 70 % de la population du Québec et de la consommation de la population du Québec, soit dans les grandes régions, celle de Montréal et celle de Québec, on sait que - la démonstration a été faite par mon collègue, le député de Roberval ce matin lors de la période de questions et aussi dans son allocution cet après-midi - dans la région de Montréal, dans la région de Québec, c'est 70 % de consommation. Et on sait que la taxe, selon les endroits, varie entre 32 %, 34 %, 36 % et 38 %. Je trouve cela tout à fait

inadmissible. Je ne pense pas que les députés, membres de l'équipe ministérielle, puissent applaudir à une telle mesure parce que effectivement, l'ensemble des citoyens du Québec, plus de 50 %, soit 70 %, se retrouvent pénalisés par une telle situation. Je trouve cela dommage et je trouve que cette situation... On devrait avoir l'honnêteté de le reconnaître en face et dire: Oui, on a augmenté, non, on a n'a pas été capable de remplir notre promesse. Mais c'est effectivement la situation, et, aujourd'hui, je comprends que maintenant que l'ascenseur est bloqué en haut, on ne veuille pas bien sûr diminuer parce que ce seraient des entrées de fonds importantes au gouvernement du Québec qui seraient diminuées. Par le fait même, on devrait être obligé, à ce moment-là, de quelque autre façon que ce soit, le ministre des Finances devrait aller chercher cet argent dans les poches des consommateurs. Dieu sait qu'il ne veut pas être obligé d'aller chercher de l'argent, et je le comprends, sous une autre forme de taxe pour se faire "taxer", c'est le cas de le dire, d'imposer une nouvelle taxe. Donc, on profite d'une situation, mais, en moyenne, par rapport au 2 décembre 1985, c'est 6 % et 6,5 % de plus en pourcentage de la taxe sur l'essence, le 2 décembre 1987.

Je pense que, dans tout ce qui s'est passé au cours de la dernière année, il y l'élément naïveté de la part du gouvernement et, particulièrement, de la part du ministre responsable. Vous savez, la naïveté, M. le Président, cela peut être une qualité, mais quand on est ministre de l'Énergie et des Ressources, c'est plus dangereux. Je me souviens que le ministre de l'Energie et des Ressources a été interpellé à plusieurs reprises par mon collègue, le député de Roberval, ici en Chambre, il y a un an, particulièrement sur le fameux contrôle des prix de l'essence, sur ce qui se passait dans les régions. Le député de Roberval a interpellé le ministre à plusieurs reprises pour le mettre en garde en lui disant: M. le ministre, avez-vous vérifié? Êtes-vous assuré qu'il y a des contrôles? Êtes-vous conscient de ce qui est en train de se passer actuellement? (20 h 40)

Finalement, le ministre, après se l'être fait demander à plusieurs reprises, a commencé à faire des vérifications et, je me souviens de l'expression qu'il utilisait. Il téléphonait et on appelait cela le système de contrôle par téléphone. Je pense que c'était le manque d'expérience, mais une naïveté qui a coûté quelque chose comme 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ à l'ensemble des consommateurs québécois. Le ministre pensait que, juste en parlant avec les grandes pétrolières, on s'assurerait que, pendant que les prix de l'essence baissaient, le consommateur pourrait en bénéficier, mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Et Dieu sait si on sait dans ce milieu de quelle façon cela se passel M. le Président, on sait que les pétrolières n'ont rien épargné à qui que ce soit, pas plus leurs détaillants que les consommateurs. Il y a eu plusieurs avertissements. Bien sûr qu'on peut dire aujourd'hui: C'est facile à dire, mais je pense que c'étaient des avertissements sérieux que servait l'Opposition, des avertissements qui disaient au ministre de l'Énergie et des Ressources: Vous négligez de mettre de vrais contrôles en place et, par ce fait, vous pénalisez l'ensemble des Québécois et des Québécoises, l'ensemble des consommateurs, les utilisateurs de l'essence.

Alors, finalement, en juin 1987, le ministre a décidé de poser un geste. Il a posé un décret. Il a décrété une période de 90 jours, le temps qu'il y ait consultation. Et là, à la suite de pressions faites depuis tout près d'un an, je le répète, le ministre a finalement décidé de tenir une commission parlementaire pour entendre tous les intervenants. Cette commission s'est tenue ici au mois d'août. Que s'est-il passé à cette commission parlementaire? Il y a eu un état de choc, une prise de conscience de la part du ministre, de la part de ceux qui ont suivi ces débats, et, M. le Président, par la suite, le ministre a réalisé qu'il fallait vraiment mettre en place des mesures pour s'assurer que les consommateurs québécois soient protégés. C'est à la suite de cette commission parlementaire... Et je félicite le ministre qui a finalement réussi à tenir cette commission, un peu tard, parce que, si elle s'était tenue six ou huit mois avant, ce sont des millions et des millions de dollars qui auraient pu être épargnés.

Bien sûr que tous les députés qui représentent toutes les régions du Québec, quel que soit le cOté de la Chambre ici, savent très bien que les gens de leur région ont été pénalisés par ce manque de rigueur du fait que le ministre n'est pas intervenu au moment où il aurait dû intervenir devant cette situation. Mais le ministre n'était pas prêt ou, comme je l'ai mentionné tantôt, s'est probablement fait prendre au jeu et a été quelque peu naïf. Ce sont finalement les gros, les pétrolières, qui, on peut le dire, sont insensibles au problème des petits détaillants concernant leur marge de profit, leur façon d'opérer, les prix nets qui peuvent demeurer, mais encore plus insouciants parce que ce sont forcément de grandes entreprises qui n'ont pas à se préoccuper des prix è la pompe ou de quelle façon les consommateurs peuvent en bénéficier.

Cette situation doit aujourd'hui être corrigée par le projet de loi 93. Entre temps, la commission parlementaire s'étant terminée au mois d'août, dès le mois de septembre, le ministre a mis sur pied ce qu'on appelle le BIIPE, le bureau d'inspection

qui va pouvoir contrôler les prix de l'essence. C'est certes une mesure qui vient à temps et qui permettra d'éviter à l'avenir des situations. Mais on doit être pleinement conscients que, depuis un an, et même un peu plus, l'ensemble des Québécois et des Québécoises a été pénalisé.

Je voulais rétablir ces faits parce que j'ai entendu plusieurs discours depuis cet après-midi et la plupart des députés ministériels ont, bien sûr, la mission de louanger le ministre pour ce qu'il a fait. Je veux bien, moi, rendre à César ce qui est César - j'essaie de rétablir les faits - mais il faut aussi donner les deux côtés de la médaille. Il faut aussi rétablir les faits pleinement et simplement et reconnaître que cela s'est passé et qu'aujourd'hui, oui, il y a des gestes posés et ces gestes viennent un peu tard, mais au moins ils viennent.

Il y a d'autres buts qui sont poursuivis, M. le Président, dans ce projet de loi et je pense que ces buts sont louables. Il s'agit effectivement, entre autres, d'assurer la sécurité des personnes qui travaillent avec les produits de l'esssence, de contrôler aussi la qualité des équipements parce que, le ministre l'a exposé aussi, il y a des problèmes du côté du contrôle de la qualité des différents équipements. Il y a la question de la surveillance des prix de l'essence, comme je l'ai très bien expliqué tantôt, et la question du contrôle des prix.

M. le Président, la démarche faite par le projet de loi 93 va certes apporter certains correctifs à la situation actuelle, mais pourquoi le ministre a-t-il été obligé de suivre ce cheminement et pourquoi n'a-t-il pas agi avant? M. le Président, la surveillance des prix de l'essence est, à mon avis, une chose qui aurait dû être implantée dès que le ministre est entré en fonction pour faire en sorte que l'ensemble des Québécois ne soient pas pénalisés.

Je terminerai en disant bravo aux nouvelles mesures qui vont être mises sur pied, mais attention... On le verra lors de l'étude article par article en commission parlementaire où on essaiera de bonifier et d'apporter certains éléments, puisque ce n'est pas à ce stade-ci qu'on peut le faire, mais il y a plusieurs articles à mon avis qui demandent des explications et qui, les explications données, pourront être modifiés. Le ministre devra écouter attentivement les questions et les commentaires de l'Opposition si on veut bonifier ce projet de loi et faire en sorte, quant à poser des gestes, quant à adopter une loi, que nous puissions éviter des failles encore une fois.

Je conclurai en disant que l'ensemble du projet de loi répond aux demandes que nous avions faites en commission parlementaire par la voix du député de Roberval qui est critique en cette matière. Plusieurs des demandes qui ont été faites en commission parlementaire, plusieurs des demandes qui ont été faites au cours de la dernière année, ici à l'Assemblée nationale, par les différents moyens utilisés par mon collègue, le député de Roberval, se retrouvent sous une forme ou une autre à l'intérieur du projet de loi. Je suis bien content qu'elles aient été retenues, parce que le ministre n'a pas, non plus que les gens de son ministère, toutes les solutions, pas plus que nous de notre côté. Mais lorsque l'Opposition essaie de travailler positivement, lorsque l'Opposition essaie d'apporter de nouveaux éléments pour faire en sorte qu'on puisse avoir quelque chose de meilleur et que le gouvernement retient ces idées, je pense que cela ne fait qu'enrichir, contribuer au mieux-être de l'ensemble des citoyens. Plusieurs des mesures effectivement recommandées se retrouvent dans le projet de loi et je pense qu'il sera bien accueilli finalement, surtout lorsqu'on y aura apporté quelques modifications.

La seule réticence qu'on peut avoir concerne la nécessité d'établir une réglementation sur l'installation des équipements. C'est à se demander si on doit aller aussi loin que de réglementer la question des installations des équipements. Là-dessus, j'aimerais certes entendre le ministre.

De mon côté, je tiens à vous assurer que je participerai à l'étude article par article du projet de loi en commission parlementaire pour apporter de nouveaux éléments à la suite des explications qui nous seront fournies et pour faire en sorte que le projet de loi 93 tel qu'il nous est présenté puisse encore être bonifié et que nous puissions nous retrouver dans une situation où on améliore le sort des Québécois et des Québécoises. Je vous remercie, M. le Président. (20 h 50)

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Lafontaine.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Il me fait très plaisir de discuter, ce soir, du projet de loi 93. J'ai été quand même assez surpris d'entendre le député de Bertrand faire ce compliment, cette remarque au ministre selon laquelle c'était un projet qui était certes très bon, quoiqu'il pouvait être bonifié mais, toute chose étant perfectible, on comprend très bien que c'est déjà là la reconnaissance que le projet de loi 93 présenté par le ministre est certainement un très bon projet de loi, même si les collègues du député de Bertrand, qu'ils soient de Roberval ou d'Ungava, ont semblé dire le contraire. Je crois que la connaissance du député de Bertrand en ces matières est peut-être plus actuelle que celle de ses collègues.

Je vois surtout dans ce projet de loi

des choses assez intéressantes. On parle de protection des consommateurs en ce qui concerne les prix de l'essence. Cela me rappelle, si on retourne quelques années en arrière, les difficultés qu'on a connues dans le secteur de la pétrochimie, en particulier dans la région de Montréal. On se souvient que, dans les années 1982 et 1983, nous avons assisté à la fermeture de quatre raffineries: Esso, British Petroleum, Texaco et, plus récemment, à la fin du mandat de l'ancien gouvernement, de Gulf. Lorsqu'on parle de prix et de protection des consommateurs, on se rend compte que, lorsque les raffineries ferment, bien entendu, la capacité de raffinage baisse, la production est moins forte. Donc, le produit étant plus rare, moins abondant, les prix augmentent. Il y avait là certainement un grand manquement de l'ancien gouvernement, qui a laissé quatre raffineries fermer sans bouger. Il a fallu que nous arrivions au pouvoir le 2 décembre pour que les choses changent.

J'ai entendu, précédemment, les députés d'Ungava et de Roberval qui ont dit: La taxe ascenseur n'a pas baissé, vous l'avez plafonnée, vous l'avez gelée au plafond. Peut-être, mais je rappellerai aux gens que la taxe ascenseur, c'est quand même le gourou actuel du Parti québécois, M. Parizeau, qui l'a amenée. Ce n'est quand même pas le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Ciaccia, qui a inventé cette taxe. Ce dernier, avec M. Levesque, le ministre des Finances, fait tout ce qui est possible pour pouvoir non seulement la limiter, mais l'abolir, du moins l'abaisser, en tenant compte, bien entendu, de l'héritage très lourd de dettes que l'ancienne administration a pu nous laisser. Il faut tenir compte de ces réalités. On ne peut pas, du jour au lendemain, d'un coup de baguette, abolir, prendre quelques milliards de dettes accumulées en une dizaine d'années.

Voilà peut-être une des raisons qui font que, malgré que nous croyions qu'il serait normal et légitime d'abolir cette taxe ou de la baisser, forcément, nous ne pouvons pas le faire actuellement, et c'est très dommage que tout le monde dans notre société québécoise ait à payer dix années de mauvaise administration; nous en supportons actuellement les conséquences.

Pour en revenir à ce projet de loi, j'ai regardé particulièrement l'article 36. Avant de terminer, le député de Bertrand a dit avoir quelques réserves - je crois que c'est ce qu'il voulait dire - sur l'article 36 qui dit: "Toute personne désirant exécuter des travaux d'installation, de modification, d'entretien ou de démolition d'équipements pétroliers doit, avant de procéder à ces travaux, obtenir l'autorisation du ministre." Je crois que c'est là un des articles fondamentaux de cette loi. Je vais d'abord parler de la limitation de la concurrence.

Qu'on se souvienne de la situation que nous avons connue avec la raffinerie Gulf. Aux mois de juin et juillet, Ultramar, après avoir acquis la raffinerie, après l'avoir fermée, a décidé de la démanteler pour éviter qu'un acheteur éventuel puisse la rouvrir. Je me souviens très bien, à l'époque, d'avoir eu des réunions avec le président du Syndicat des travailleurs unis du pétrole, avec leur vice-président, M. Chouinard, M. Baril et M. Ciaccia. Nous cherchions alors une façon d'empêcher l'entreprise de démanteler et de saboter les installations. Il y avait, semble-t-il, des acheteurs potentiels qui pourraient rouvrir et remettre cette raffinerie en exploitation, sauvegardant là non seulement quelques centaines d'emplois à Montréal, mais le patrimoine énergétique et la capacité de raffinage de tout le Québec, ce qui avait une incidence sur les prix. On a cherché, on a demandé au ministre de la Justice, que je voyais en Chambre il y a quelques minutes, de nous trouver une clause légale, quelque chose qui nous permettrait de dire à Ultramar: Arrêtez de démolir ces installations modernes qui appartiennent à l'ensemble de la collectivité québécoise. Et nous n'avons pas trouvé. Et Ultramar a continué. Il a fallu les pressions publiques des citoyens, des syndicats et du ministre aussi pour que cesse ce travail de démolition qui était vraiment déplorable. Le plus difficile était fait cependant.

Quand je vois dans ce projet de loi que le ministre a pris la peine, grâce à son expérience vécue dans la situation du démantèlement de la raffinerie Gulf, d'inscrire ces choses-là à l'article 36, je me dis que c'est vraiment l'expression de l'intérêt et de la responsabilité que le ministre porte envers toute la pétrochimie et plus particulièrement envers l'industrie pétrolière québécoise et montréalaise, car l'industrie pétrolière est à l'origine des prix de l'essence, de la santé économique de tout-un secteur. Je crois qu'il est de sa responsabilité et qu'il nous appartient à tous de voir à ce qu'elle continue de fonctionner, d'être en bonne santé et de prendre de l'expansion. On voit qu'il annonce peut-être pour bientôt de grands projets parce que le sauvetage de la raffinerie Gulf a permis de redonner une nouvelle vie, un nouveau départ à cette industrie très importante pour nous dont certaines usines d'ailleurs sont dans le comté de Bertrand, celui du député qui parlait précédemment.

Aussi, je crois que ce projet de loi, somme toute perfectible comme le disait le député de Bertrand, est assez complet, un projet qui rencontre les grandes orientations de notre gouvernement, qui rencontre aussi les politiques et les aspirations du ministre en ce qui concerne notre industrie.

Je ne dirai pas que ça pourrait plaire à tout le monde forcément, mais on retrouve

même pour les consommateurs, on voit qu'il sera possible au ministre d'interdire des installations qui ne seraient pas sécuritaires. On voit que le ministre aura, grâce à des inspecteurs, des pouvoirs d'intervention, d'inspection. On voit qu'il met même des mesures pénales pour le non-respect des réglementations. Je ne vois pas comment nous pourrions, dans le contexte actuel de notre société qui est une société libérale, de liberté de commerce, réglementer plus profondément et resserrer le carcan, car il faut quand même comprendre que l'industrie doit pouvoir vivre elle-même et respirer à l'intérieur de certaines règles pour pouvoir continuer à prendre de l'expansion et à atteindre les objectifs qui lui sont propres, qui sont de profits, bien entendu, car on ne peut pas nier à une compagnie, à une entreprise, de faire des profits.

Par contre, il faut aussi qu'elle conserve ses objectifs qui sont de donner à la population un certain service, à des prix compétitifs et concurrents. Je crois qu'on retrouve un peu tout ça dans ce projet de loi.

Je m'expliquais mal tout au cours de l'après-midi d'entendre quelques députés de l'Opposition s'esclaffer, s'estomaquer, être un peu à l'envers de l'esprit du projet de loi. Â les entendre on abandonnait des choses, on laissait encore aller les consommateurs, on pénalisait les régions, alors que ce n'est pas vrai. D'après ce que le projet de loi nous explique, d'après les politiques qui ont été mises de l'avant par le ministre depuis bientôt deux ans, les régions ont été satisfaites. Les régions paient maintenant l'essence - certains de mes collègues députés me l'ont fait savoir et j'ai été moi-même cet été dans plusieurs régions visiter des comtés - de 0,10 $ à 0,15 $ de moins, alors qu'avant, c'était plus cher qu'à Montréal. Je trouve que c'est là certainement un geste très important, car ça va aider le développement de ces régions, ça va aider la création de l'emploi et ça va contribuer au redémarrage de certaines zones qui sont peut-être moins favorisées que les grands centres en ce qui concerne l'activité économique.

Je crois que ce projet de loi 93 que présente le ministre de l'Énergie et des Ressources est vraiment un projet de loi auquel on peut souscrire. Peut-être qu'en commission parlementaire, comme le disait le député de Bertrand, il y aura possibilité de le perfectionner, mais toute chose est perfectible, et je l'appuie sans réserve jusqu'à maintenant. Et je tiens à dire à la population que c'est vraiment un des très bons projets de loi de notre ministre de l'Énergie et des Ressources. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo! (21 heures)

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de l'Énergie et des Ressources pour l'exercice de son droit de réplique.

M. John Ciaccia (réplique)

M. Ciaccia: M. le Président, à entendre l'Opposition, on se fait critiquer pour avoir baissé les taxes sur l'essence dans les régions périphériques, premièrement, et on se fait critiquer parce qu'on a fait respecter cette baisse de taxe par les pétrolières et les détaillants. C'est cela l'argumentation, la base de la critique de l'Opposition.

Pour la première fois en Amérique du Nord, un gouvernement a agi. Il a réduit le prix de l'essence dans certaines régions. Le bureau d'inspection des prix de l'essence a été bien accueilli. Les décrets ont été bien accueillis. On a montré que nous pouvions agir. On a réduit les taxes pour les régions. Le BIIPE semble bien fonctionner. On a récupéré pour la population 42 000 000 $. Naturellement, l'Opposition est mal prise et spécialement le député de Roberval parce que lui était ici comme député en 1983 quand le gouvernement du Parti québécois a baissé la taxe sur l'essence et non seulement ils n'ont pas récupéré cette baisse de taxe au consommateur, mais les pétrolières ont augmenté le prix. La population a perdu 477 000 000 $ et le député de Roberval et le gouvernement du Parti québécois n'ont rien fait. C'est cela la vérité. C'est pour cela qu'ils sont mal pris. Ce soir, j'aurais aimé que le député de Roberval soit présent. Après toute la démagogie qu'il a faite cet après-midi, j'aurais aimé qu'il écoute un peu ce qui s'est vraiment produit et qu'il sache la vérité dans le dossier de l'essence, dans les régions périphériques.

Le député de Bertrand a dit: Vous auriez dû instaurer un comité de surveillance dès le début. Je regrette d'informer le député de Bertrand que ce n'est pas de cela qu'il parle et qu'il ne connaît pas le dossier. Le comité de surveillance a commencé le jour qui a suivi la baisse de la taxe décrétée par le ministre des Finances. Immédiatement, j'ai instauré un comité de surveillance. Ce n'est pas le même comité qu'aujourd'hui parce qu'il n'avait pas la loi que nous avons maintenant, il n'avait pas les pouvoirs que nous allons lui accorder aujourd'hui.

Qu'est-il arrivé au comité de surveillance? Quand on entend le député de Roberval dire que c'est lui qui a porté à notre attention l'augmentation du prix de l'essence, que c'est lui qui nous a fait les suggestions, je regrette, M. le Président, on lui a démontré en commission parlementaire exactement ce qui est arrivé. Le député de Roberval semble tenir deux discours. Il en a un en commission parlementaire et un autre à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si

c'est parce qu'en commission parlementaire ce n'est pas télédiffusé et que cela l'est à l'Assemblée nationale et qu'il veut donner une image différente. Je ne le sais pas.

Ce qui est arrivé, c'est que, pendant les six premiers mois de la baisse de la taxe, le prix de l'essence n'a pas augmenté. Alors, il n'était pas question d'agir, il n'était pas question de décréter, il n'était pas question de promulguer une loi déjà sanctionnée en 1976. Alors, nous avons suivi. Si le député de Roberval a pu intervenir en période de questions, c'est parce que le comité de surveillance qui existait à ce moment-là publicisait, rendait publiques les augmentations. Nous-mêmes, le gouvernement, informions le public, incluant le député de Roberval. Alors, il demandait: Qu'allez-vous faire? Qu'est-ce qui se fait? Qu'est-ce qui se passe? Le prix de l'essence augmente. On lui a démontré que dans sa région le prix augmentait moins qu'ailleurs et on lui a donné les chiffres. M. le Président, il fallait attendre qu'on ait les informations, il fallait attendre que le prix de l'essence augmente avant d'agir par les moyens que nous avons pris.

Qu'est-il arrivé, finalement, après toutes les démarches possibles? On a décidé de promulguer la loi de 1976 et d'agir par décret M. le Président, quand le député de Roberval était au gouvernement - je crois qu'il était à cette époque adjoint parlementaire au ministre des Finances, la loi que j'ai fait sanctionner, que le gouvernement libéral a fait sanctionner au mois de juin, a promulguée au mois de juin, le gouvernement du Parti québécois aurait pu faire la même chose en 1983. La loi était là depuis 1976. Le député de Roberval aurait dû le savoir s'il ne le savait pas et il aurait pu donner ce même avis et demander à son ministre des Finances de l'époque et à son ministre de l'Énergie et des Ressources de l'époque -qui n'ont absolument rien fait - d'agir, de promulguer la loi et de décréter la baisse. Ce n'est pas cela qu'ils ont fait.

Aujourd'hui, ils ont le front, ils ont le culot de venir nous dire qu'on n'a pas agi assez vite et que c'est eux qui ont fait tout le nécessaire, qui ont porté cela à notre attention. Nous avons semé la confusion, disent-ils. M. le Président, si la confusion a été semée, elle l'a été par le député de Roberval qui ne sait pas la différence entre une taxe ascenseur et une taxe fixe parce qu'il dit: Toutes les taxes sont des taxes ascenseurs. C'est faux. C'est vrai que la taxe de vente, c'est une taxe ascenseur. La taxe sur l'essence qui avait été imposée par le ministre des Finances du Parti québécois, avant qu'il l'impose comme taxe ascenseur, c'était une taxe fixe. C'était un montant fixe pour chaque litre d'essence. Qu'est-ce que le gouvernement du Parti québécois a fait? Ils l'ont transférée, ils l'ont transformée en taxe ascenseur. Pourquoi? Parce que le prix de l'essence augmentait et chaque fois que ça augmentait, il allait en chercher plus dans la poche du consommateur incluant la poche des consommateurs dans les régions .périphériques avec des conséquences sérieuses pour les régions périphériques.

J'ai des chiffres ici, M. le Président. En 1983, la taxe ascenseur de 40 % qui avait été décrétée a monté à 46,6 %. Pourquoi? Parce que le ministre des Finances avait fixé la taxe sur un certain prix et s'il y avait une fluctuation dans le prix de l'essence, il allait la chercher avant la baisse. Les chiffres du ministère des Finances, du ministère que lui-même dirigeait, démontrent qu'en 1983, la taxe était de 44,9 %, de 41 %, de 44,9 %, de 46 %. Cela incluait des régions périphériques. Tout le monde au Québec payait ces 46 %. Au mois de décembre 1985, nous avons baissé la taxe. Nous l'avons baissée spécialement dans les régions périphériques. Aujourd'hui, on essaie de nous dire: La taxe ascenseur a été fixée et on ne bénéficie pas de la baisse de la taxe.

M. le Président, pour un député qui vient des régions, le député de Roberval, qui prône que nous n'aurions pas dû toucher la taxe de 30 % et qu'on aurait dû la laisser à 30 %, je crois que c'est honteux. Je peux comprendre pourquoi il n'est pas ici ce soir. Ce sont les régions périphériques qui en ont bénéficié. C'est vrai que dans les régions urbaines, ce n'est pas 38 % parce que le prix de l'essence a baissé, c'est à peu près 32 %, 33 %. Mais dans les régions périphériques, c'est quoi? Dans les régions périphériques, M. le Président, c'est de 21 % à 23 %, pas 30 %.

Sur la Côte-Nord, c'est 22 %, la Gaspésie—Bas-Saint-Laurent, c'est 21 %. Ce n'est pas les 40 % qui existaient déjà avec le Parti québécois. C'est vrai qu'il a baissé à 30 %. Quand nous avons été élus, nous l'avons baissée dans les régions périphériques. La population en a bénéficié. Quand on s'est aperçu que le consommateur n'obtenait pas le bénéfice, nous avons agi. Nous n'avons pas retardé parce que les premiers six mois, huit mois, il n'y avait pas d'augmentation. Là, il y avait une question. Est-ce que ce sont les pétrolières ou est-ce que ce sont les détaillants? On a été obligé de faire le nécessaire pour établir lequel des intervenants augmentait le prix du pétrole. Quand nous l'avons établi, à ce moment-là on a décrété. (21 h 10)

On s'est fait dire que les décrets ont affecté les petits détaillants. J'ai visité la région de Roberval, le comté de Roberval, le comté du député de Roberval. Un détaillant est venu me voir pour me dire: Vous savez, M. le ministre, vous avez décrété une baisse des prix de l'essence. J'ai dit: "Oui, et

j'espère, comme détaillant, que vous ne m'en voulez pas trop." Il a répondu: "Je ne vous en veux pas du tout. Avant votre décret, je faisais plus de 1000 $ par semaine parce que je prenais 0,12 $ le litre. Vous n'aviez d'autres choix que d'intervenir et d'adopter ce décret."

Ce n'est pas seulement les pétrolières et le député de Roberval le sait. Tout cela a été dit en commission parlementaire. Les chiffres ont été rendus publics en commission parlementaire. Il faut être juste envers tout le monde. Ce serait bien facile de blâmer seulement les sociétés pétrolières, c'est populaire de le faire.

En commission parlementaire, on est arrivés à la vérité. On a fait sortir les chiffres. On s'est aperçu que ce n'étaient pas seulement les sociétés pétrolières, que c'étaient certains détaillants, pas tous les détaillants, qui avaient augmenté leurs prix. C'est pour cela que cela les a affectés. Naturellement, quand un détaillant est affecté... Il y a un groupe - il n'y en a pas beaucoup - qui est venu en commission parlementaire pour le plaindre, mais est-ce que sa plainte était justifiée? Quand on entend la réaction des autres détaillants, quand je visite les régions et que je reçois des représentations, je suis convaincu plus que jamais - et la population l'est aussi -qu'on a bien agi, qu'on a agi avec prudence, qu'on a bien établi les chiffres, les montants région par région. C'est vrai qu'au début, l'Ungava n'était pas couvert, mais c'est parce que la majorité de l'Ungava n'était pas couvert par les coutumes commerciales régulières. C'est seulement un petit secteur, du comté d'Ungava qui est affecté. Quand on s'est aperçu que des abus se produisaient et que les décrets n'étaient pas respectés, on est arrivé avec un autre décret. Le maire de Chibougamau a porté cela à notre attention et nous avons réagi immédiatement.

Le projet de loi répond à un besoin spécialement dans les régions. On nous fait aussi un autre reproche. On nous dit: Le bureau d'inspection exerce ses responsabilités uniquement dans les régions périphériques; pourquoi est-ce qu'il n'exerce pas dans tout le Québec? Franchement, la baisse de la taxe n'était pas pour toute la province du Québec, c'était pour les régions périphériques. On a agi dans les régions périphériques. Les décrets s'appliquaient dans les régions périphériques et le bureau d'inspection, pour s'assurer qu'à la fin des décrets les prix sont maintenus, c'est dans ces régions qu'il devait fonctionner. Alors, qu'on ne vienne pas nous faire un reproche, aujourd'hui, et nous dire: Le bureau exerce ses responsabilités seulement aux régions. C'est là qu'était le problème, c'est là qu'on a baissé les taxes, c'est là qu'on voulait que le consommateur en bénéficie. C'est là que le bureau a fait son travail et a pris les mesures pour que les consommateurs bénéficient des objectifs fixés par le gouvernement; le bureau fonctionne.

C'est cela qui fait vraiment mal à l'Opposition. Ce qui fait mal, c'est qu'on a agi et non pas deux ans plus tard, on a agi immédiatement. La journée même de la baisse de la taxe, le comité de surveillance était là. Pendant six ou sept mois, il n'y a pas eu d'augmentation. Quand les augmentations ont commencé - elles n'ont pas commencé tout d'un coup, elle ont commencé à raison de 0,01 $ ou 0,02 $ le litre - on a porté cela à l'attention de la population. On a agi. On a fait des interventions auprès des pétrolières avant de décréter la baisse de prix. Finalement, quand on a vu qu'on n'avait pas l'appui et la collaboration de tous les intervenants, on n'a pas hésité à prendre nos responsabilités et on a agi. C'était difficile, mais, je vais vous dire, c'était moins difficile que d'écouter le député de Roberval, par exemple; c'était moins difficile que cela.

Si, dans l'avenir, la même situation se reproduit, avec le présent projet de loi, on va pouvoir agir. Et je n'hésiterai pas, M. le Président, si des abus se reproduisent, à invoquer la loi.

On voit à quel point l'Opposition est mal prise. Ils se contredisent l'un et l'autre. Un dit: Vous auriez dû mettre le comité de surveillance au début. L'autre sait qu'on l'avait dès le début. Le député d'Ungava dit: Vous faites seulement la surveillance, mais quel contrôle cela va-t-il faire? Le député de Roberbal dit: Non, on ne veut pas un contrôle. On l'a dit en commission parlementaire. On voulait seulement un organisme, peut-être une commission parlementaire, pour faire une surveillance et une inspection des prix. Mais entendez-vous! Et le député de Bertrand nous fait un reproche: Vous auriez dû faire la commission parlementaire huit mois avant. Mais, huit mois avant, il n'y avait pas de décret.

Si j'avais écouté le député de Roberval, faire des commissions parlementaires, qu'est-ce que cela donne une commission parlementaire si on n'a pas des dents, si on n'a pas une loi et si on n'a pas un décret? On aurait entendu tout le monde faire des représentations sur la concurrence libre, sur le libre marché, sur le fait que ce n'était pas leur faute. C'est cela qu'il voulait que je fasse, c'est cela que le député de Roberval voulait faire. Convoquez une commission parlementaire. C'est ce qu'il me disait toutes les semaines, toutes les semaines avant que je fasse les décrets. Convoquez une commission parlementaire. Je lui ai dit non. Je ne l'ai pas écouté. Et heureusement que je ne l'ai pas écouté, parce que, si je l'avais écouté, les prix seraient montés à 0,80 $ le litre au lieu d'être à 0,58 $. Ils auraient continué d'augmenter. On aurait eu des commissions parlementaires où tout le monde

aurait jasé, parlé, et personne n'aurait agi.

Heureusement, ce n'est pas notre style, ce n'est pas mon style. On a fait des décrets. On a promulgué des décrets. On a pris une loi qui existait pendant qu'eux, ils étaient au pouvoir, pendant qu'eux, ils ont perdu 477 000 000 $ et qu'ils n'ont rien fait. Le député de Roberval était là assis à côté du ministre des Finances. Il aurait pu invoquer cette loi. Il aurait pu protéger le consommateur à l'échelle du Québec. Il aurait pu le faire. Il a choisi de ne pas agir. Qu'il ne vienne pas aujourd'hui nous faire des reproches parce qu'il n'a pas la conscience libre, parce qu'il n'a pas su agir, parce qu'il ne savait pas quoi faire, parce qu'il ne savait pas ce qu'il devait nous recommander, parce qu'il se fiait sur les chiffres que je lui donnais, parce qu'il a essayé de tout changer les représentations que les détaillants sont venus nous faire en commission parlementaire. Qu'il ne vienne pas aujourd'hui nous faire des reproches!

M. le Président, on n'a pas de reproches à recevoir de ce côté. De plus en plus, je m'aperçois que ce n'est pas une Opposition sérieuse, que c'est une Opposition de démagogie, c'est une Opposition qui ne sait plus quoi faire. Et ils disent n'importe quoi pour essayer de semer la confusion. Heureusement, la population ne les écoute pas, et moi non plus, M. le Président!

Le Vice-Président: Ceci clôt le débat. En conséquence, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 93, Loi sur l'utilisation des produits pétroliers, est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour l'étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Oui.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je vous invite à appeler l'article 28 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 101

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 28 du feuilleton, nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 101, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les parcs, présenté par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Conformément à l'ordre de la Chambre intervenu hier soir, pour terminer ce débat sur l'adoption du principe, nous aurons une intervention du côté de l'Opposition suivie de la réplique du ministre. Pour l'intervention prévue pour l'Opposition, je vais reconnaître M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, je voudrais quand même avant de commencer mon intervention signaler qu'effectivement, à la suite de l'entente d'hier, mon collègue, Jean-Pierre Jolivet, avait convenu un de l'Opposition et la réplique. Je vais faire le dernier commentaire au nom de l'Opposition. (21 h 20)

Sur le projet de loi présenté pas le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, projet de loi 101, je voudrais juste faire un rappel rapide des notes explicatives parce que, hier, on a eu l'occasion d'en parler assez longuement, mais, compte tenu de la coupure entre les discussions sur ce projet de loi hier et aujourd'hui, je voudrais quand même vous signaler que, dans les notes explicatives, on indique que ce projet de loi a pour principal objet de modifier les dispositions de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune touchant les zones d'exploitation contrôlée et la Fondation pour la conservation et la mise en valeur de la faune et de son habitat.

Un peu plus loin, si on avait l'occasion de lire les notes explicatives, on se rendrait compte que ce projet de loi introduit finalement une série de modifications touchant l'administration de la loi: modifier, entre autres, le pouvoir de perquisition des agents de conservation de la faune tout en précisant leurs obligations sur la remise des biens saisis, réserve au détenteur, et ainsi de suite. Je ne veux pas vous lire les notes explicatives, mais je veux seulement vous signaler, M. le Président, que c'est peut-être l'exemple parfait du projet de loi qui laisse voir qu'il s'agit tout simplement de modifications à la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les parcs, alors que, quand on se donne la peine de prendre connaissance du projet de

loi, M. le Président, il s'agit beaucoup plus de modifications majeures et importantes qui transforment de fond en comble l'esprit, la lettre et plusieurs dispositions concernant le respect des pourvoiries, le respect d'un territoire accessible et ouvert au public. Il s'agit carrément d'une notion de privatisation du territoire, d'une notion chère à ce gouvernement, de rapetisser, de privatiser et de s'arranger pour que tout devienne plus sélectif plutôt que ce principe largement démocratique et reconnu d'une très grande accessibilité.

C'est ce dont il s'agit, M. le Président, dans ce projet de loi. En particulier, quand le ministre a présenté son projet de loi en novembre, il ne l'a pas présenté comme un projet de loi omnibus ou comme une loi générale sur la faune, il l'a présenté comme une loi avec quelques modifications. En ce qui nous concerne, M. le Président, je suis content d'avoir l'occasion de faire ce soir une intervention sur ce projet de loi, parce que le temps va nous donner raison et, déjà, le temps nous a donné raison. Les premières réactions de notre critique officiel, le député de Dubuc, sur ces questions ont été: Cela n'a pas de bon sens, c'est un retour en arrière, et probablement de 20 ans en arrière. J'aurai l'occasion de l'illustrer durant mon propos de 20 minutes, les chroniqueurs spécialisés nous ont rapidement donné raison en disant: II s'agit de mesures qui vont à l'encontre de l'esprit qui avait été établi. Je vois ici un article de journal de Louis-Gilles Francoeur, qui est un chroniqueur spécialisé de ces questions, qui en a bien saisi la portée, et je cite: Picotte veut transformer 50 réserves en pourvoiries privées. Chacun et chacune pourront donc y puiser diverses inspirations ou motivations.

On veut vous souligner, M. le Président, que, dans ce projet de loi, même si on regarde certaines modifications à deux ou trois articles, entre autres, à l'article 6, à l'article 22, aux articles 10, 11 et 13 qui sont moins majeurs, il n'en demeure pas moins que c'est fondamentalement à l'article 6 qu'on se rend compte que tout l'esprit de la conservation de la faune et de l'accessibilité est complètement modifié avec ce gouvernement, avec le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, pour avoir l'occasion probablement d'en donner encore un peu plus aux amis du régime: tous les vendredis, on assiste - je pensais que c'était terminé - à une nomination politique du premier ministre qui grossit de semaine en semaine, M. le Président. De semaine en semaine, on assiste à une série de nominations depuis que ce gouvernement a pris le pouvoir. Cela fait deux ans qu'il est censé être au pouvoir. Je croyais qu'il avait eu l'occasion de passer tous les amis du régime, mais on se rend compte qu'il en reste encore beaucoup dans ce projet de loi.

On le voit en particulier à l'article 6.

L'article 6 est vraiment ce que j'appellerais le coeur. C'est l'épine dorsale des modifications - pas du ministre, il n'en a pas - mais l'épine dorsale du projet de loi concernant les modifications à toute la question de la faune. Dorénavant, qu'est-ce qu'on veut faire? Qu'est-ce qu'on veut faire, M. le Président? Je vais le lire. Ce qu'on veut faire dorénavant, c'est simple, c'est soustraire de la procédure d'appel d'offres public, selon l'article 86.1 de la loi générale, un bail visant une extension de droits, ce qui signifie en termes très clairs qu'à peu près 370 pourvoyeurs en se soustrayant à la mention "extension de droits" et en obtenant une mention non plus de droit non exclusif pour une mention de droit exclusif sans passer - écoutez bien cela, M. le Président -par appel d'offres public... La conséquence, ce n'est pas uniquement celui qui vous parle qui l'a vue. Tous les chroniqueurs spécialisés de la faune ont vu exactement la même conséquence. Il s'agirait comme conséquence importante, d'une part, de réduire l'espace prévu pour les réserves fauniques au Québec, donc de réduire l'espace de la conservation et, d'autre part, la privatisation du territoire au seul avantage des détenteurs de droit non exclusif de pourvoiries. Comme d'habitude, dans plusieurs projets de loi, il y a toujours un fion qui dit "à la discrétion du ministre". Ici, très clairement, on veut que ce soit le ministre qui ait pleine et entière discrétion dans l'attribution de pourvoiries sans appel d'offres afin de rendre moins accessible...

Mes collègues ont eu l'occasion de vous le dire, M. le Président, hier soir et on va vous le dire d'ici la fin de session, pour nous, cela demeure inacceptable, cela contrevient aux dispositions traditionnelles d'un accès général, d'un accès plus permissif... Si nous avions tort, M. le Président, parce qu'on n'a pas toujours la vérité... On voulait au moins se donner l'occasion de vérifier nos prétentions, on a demandé de faire une consultation par le biais d'une commission parlementaire, une formule traditionnelle mais qui entre dans les us et coutumes de l'Assemblée nationale. Le ministre a dit non, j'aime mieux faire une consultation bidon, j'aime mieux faire une consultation par l'entremise de mes fonctionnaires. Je vais arranger cela comme je le veux, je vais faire cela comme je le veux. On se rend compte que tous ceux qui ont eu à parler de sa consultation arrivent à la même conclusion que nous. Il s'agit bel et bien d'une consultation inopportune, inappropriée dans les circonstances et qui ne donnera à peu près aucun résultat.

Si je reviens sur ce que j'appelle le coeur de son projet de loi, en termes de modifications, à l'article 6, il faut comprendre exactement pourquoi le ministre récidive. Pour lui, il s'agit d'une deuxième

occasion de revenir avec ce qu'on lui avait refusé en décembre 1986. Cet article soustrait à la procédure d'appel d'offres public un bail visant une extension de droits, ce qui signifie en clair que les pourvoyeurs de droits non exclusifs pourront demander l'obtention d'un bail de droits exclusifs, donc, par définition, une extension de droits, mais sur simple requête au ministre. On écrit au ministre et on lui explique pourquoi on veut cela. Si on est "chum" avec lui et s'il y a un lien avec le financement des partis politiques, probablement que la réponse va venir vite et sans problème. C'est ce genre de pouvoir abusif qu'on ne veut pas octroyer au ministre.

Donc, comme je l'ai mentionné tantôt, le ministre revient à la charge après avoir subi une importante défaite en décembre 1986 alors que l'Opposition lui avait imposé, après une lutte sévère, l'article 86.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. La vigilance de l'Opposition et son souci démocratique de refuser l'arbitraire et la discrétion ministérielle de décider de la privatisation du territoire et des ressources fauniques ont forcé l'adoption en décembre 1986 de ce fameux article 86.1. Voilà que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche revient, récidive, et en ajoutant "une extension de droits", on arrive à la conséquence que j'ai illustrée tantôt et tous ceux qui ont eu l'occasion de parler du projet de loi font exactement les mêmes commentaires que nous. (21 h 30)

Dans le projet de loi de la conservation de la faune au Québec, il y a deux principes fondamentaux auxquels on a toujours tenu et ces deux principes sont simples: assurer un accès démocratique et assurer un centrale des prix et des modalités d'accès dans ces territoires, comme on doit également avoir la préoccupation de la conservation de la ressource. Je pense que c'est fondamental. Il faut s'assurer, surtout dans une société où, de plus en plus, les valeurs écologiques, les valeurs environnementales prennent de l'importance, que les notions de conservation de la faune sont de plus en plus respectées et assumées avec le plus de vigilance possible.

Un autre élément important du projet de loi, comme je l'ai mentionné, c'est carrémement la dilapidation - il n'y a pas d'autre mot - du bien public parce que le patrimoine québécois... Encore là, cela a été mentionné par quelques chroniqueurs qui ont dit que la réforme était peut-être subtile, mais qu'elle devait être dénoncée parce qu'il s'agissait véritablement d'éviter, par des consultations régionales, un débat dit national. Je lis ici André Bellemarre, un chroniqueur spécialisé dans ces questions, qui disait: "Ainsi, on évite la tenue d'un débat de fond national sur un projet ayant des conséquences nationales, c'est-à-dire pour l'ensemble des citoyens de la province." Écoutez bien ce qu'il a ajouté, M. le Président: "Le patrimoine faunique et les habitats de la faune d'une région n'appartiennent pas au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, n'appartiennent pas au gouvernement libéral du Québec, mais appartiennent aux citoyens de cette région seulement."

Tout le monde sait que les ressources fauniques du Québec sont une ressource nationale; elles appartiennent à l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. En conséquence, si on avait affaire à un ministre respecté qui veut effectivement avoir le souci de la sauvegarde de l'intérêt national en termes de conservation de la ressource, il aurait, à tout le moins, autorisé une commission parlementaire, il aurait à tout le moins organisé des consultations dites nationales et il se serait assuré de faire partager ces objectifs par les personnes concernées.

Ce n'est pas ce qui est arrivé, M. le Président. Pendant des semaines et des mois, on s'est ennuyé ici, en Chambre, devant l'absence de menu législatif, en perdant littéralement notre temps, dans le brouhaha de la fin de session, et, maintenant, on essaie de nous faire croire que c'est un projet de loi qui ne fait que modifier la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les parcs, alors que, comme je l'ai mentionné tantôt, on revient avec les principes constamment répétés de ces gens visant à rapetisser l'accessibilité du Québec, à rapetisser le Québec, à favoriser des petits groupes d'amis et a s'assurer que ce qui était accessible, généreux et général à l'ensemble des citoyens du Québec, devient accessible dorénavant à quelques privilégiés de la société qui pourront, effectivement, se payer des accès à 2500 $, 3000 $, 4000 $ par fin de semaine ou pour quelques jours dans des ZEC ultra-spécialisées.

Quand on regarde le projet de loi comme il faut, M. le Président, même les ZEC ont dit: Le projet de loi du ministre n'a pas d'allure, c'est la folie furieuse. Ils ont de la misère à s'administrer actuellement, non pas parce que ce ne sont pas de bons administrateurs, mais parce qu'on ne leur a pas donné les outils et les moyens requis. Dans le fond, le ministre veut détruire systématiquement les réserves fauniques du Québec, les allouer, avec une extension de droits, à ceux qui voudront bien écrire une lettre à M. le ministre en disant: Je vous trouve pas pire et, en conséquence, vous devriez donner suite à ma demande et m'accorder un permis de droit exclusif. C'est cela, les dispositions.

Ce riche patrimoine était auparavant au moins assuré, et on avait la garantie que la conservation des habitats, le maintien des

réserves de gibier, le développement des nouvelles modalités de gestion des ressources, de même qu'une éducation à la faune ainsi qu'une éducation à son utilisation comme potentiel récréatif étaient entre les mains démocratiques de tous les usagers éventuels qui auraient voulu en bénéficier. Mais le 28 octobre dernier, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a présenté un plan de révision des territoires fauniques qui hypothèque lourdement l'avenir et a comme conséquence de dilapider, de soustraire une très grande partie du territoire québécois à des objectifs qu'on veut voir demeurer. Des milliers de kilomètres carrés seront ainsi libérés et seront destinés, selon les intentions du ministre, au développement de la pourvoirie qui accaparerait ainsi 80 % de ce lot contre 9 % seulement aux ZEC et 11 % laissés en territoires libres. J'espère que tout le monde m'a bien compris. Une réduction sans précédent de 89 % qui est attribuée à des usagers restrictifs, alors qu'il y a 11 % des anciens territoires accessibles à l'ensemble des citoyens du Québec qui demeureraient.

Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche essaie de nous faire accroire, dans les notes explicatives, qu'il s'agit là uniquement de modifications mineures et que les mêmes objectifs de conservation de la faune continueront de s'appliquer. Nous disons non, M. le Président, et on continuera à dire non pendant longtemps parce qu'on est convaincu qu'on est largement appuyés par plusieurs intervenants. À cet égard, je voudrais juste vous en citer quelques-uns dans le temps qui me reste pour vous indiquer combien notre point de vue est partagé. Je donne juste un exemple ici. André Bellemare, Le Soleil: "Des ZEC refuseront de jouer le jeu du ministre. Le ministre Yvon Picotte du Loisir, de la Chasse et de la Pêche - je lis un texte, M. le Président - risque de frapper un noeud assez solide du côté des ZEC dans la discussion de son projet de..." Regardez entre parenthèses, eux, l'appellent par son nom, M. le ministre, votre bébelle. Ils disent: "son projet de privatisation."

Vous avez peur des termes exacts quand c'est le temps de faire accroire à la population qu'il n'y a là que des désavantages pour eux, mais, le vrai terme, c'est bien de ça qu'il s'agit.

Je continue à donner leur point de vue: "La privatisation des réserves fauniques gouvernementales. En effet, du moins dans les régions de Portneuf et de la Mauricie, des ZEC procèdent actuellement à la formation d'un front commun pour refuser de prendre charge des territoires fauniques dont le gouvernement provincial veut leur confier la responsabilité. Tout laisse actuellement croire que des ZEC d'autres régions de la province emboîteront prochainement le pas à ce front commun." Et je pourrais continuer. C'est la même chose pour les clubs privés. Laurentides, coupé de moitié; Portneuf, coupé du tiers. Ça ne dérange pas le ministre, la conservation de la faune. Ça ne le dérange pas les réserves fauniques. Quand on veut rapetisser le Québec, qu'on veut l'affaiblir le plus possible, on procède comme le ministre est en train de faire.

Les réserves fauniques, c'est secondaire, ce n'est pas important. Ce n'est pas important que nous, au Québec, on ait l'occasion de conserver une ressource entre les mains libres et démocratiques des usagers du patrimoine québécois, du patrimoine écologique du Québec.

Tous les intervenants ont continué dans le même sens. Ils ont tous traité de son projet de loi exactement dans le même sens en indiquant par là qu'il s'agissait d'une réforme majeure, d'une réforme substantielle qui, à tout le moins, aurait mérité, M. le ministre, une consultation ouverte, large, après que vous ayez déposé le projet de loi et qu'on se soit rendu compte qu'entre les beaux objectifs annoncés et le contenu du projet de loi, il y avait un fossé incommensurable, un fossé très large qui grandissait d'une façon irrespectueuse.

Pour conclure, parce qu'il me reste une minute, citons quelques passages très succincts qui, outre le caractère percutant, témoignent de la légitimité de notre point de vue, témoignent de la légitimité du point de vue de l'Opposition en disant, entre autres au sujet des pouvoirs abusifs que vous voulez vous donner à l'article 6 et là j'y vais juste de phrases rapidement: "Voilà une façon machiavélique de diviser pour régner." Ce n'est pas celui qui vous parle qui a dit ça, c'est André Bellemare, chroniqueur de faune, chroniqueur de réserves fauniques, chroniqueur du MLCP depuis plusieurs années. (21 h 40) "On évite la tenue d'un débat de fond national sur un projet ayant des conséquences nationales." Ce n'est pas encore moi qui dis ça, je cite des gens qui se spécialisent dans ces questions-là depuis des années. "Le patrimoine faunique d'une région n'appartient pas aux citoyens de cette région seulement. C'est une propriété nationale, la société du Québec. Encore là, je cite: "Picotte a trouvé un truc, c'est-à-dire la consultation régionale par fonctionnaires interposés, pour que les groupements et les citoyens intéressés à se prononcer en soient pratiquement empêchés et deviennent comme des gens qui savent que, de toute façon, leur point de vue n'a aucune espèce d'importance dans la façon dont le ministre a organisé sa consultation."

En conclusion, je pense, M. le ministre, que cette consultation risque de tourner en véritable tour de Babel. Le projet de loi est en soi une tour de Babel. En ce qui nous concerne, M. le Président, vous le savez,

nous ne marcherons pas là-dedans parce qu'on a un peu plus de respect et de souci des intérêts collectifs des Québécois, surtout pour une notion aussi importante et aussi d'avenir que celle des réserves fauniques et de la protection de la faune québécoise. Merci.

Le Vice-Président: Pour clore le débat, je vais céder la parole au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Yvon Picotte (réplique)

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je comprends que le député d'Abitibi-Ouest avait ce soir le souci de parler pour la galerie puisqu'il y a des gens dans les galeries qui sont venus l'entendre. Je pense que ces gens ont le droit de savoir que le député d'Abitibi-Ouest mêle énormément de choses en même temps. Il saute de l'article 6 aux territoires des réserves fauniques qui n'ont aucun lien, qui n'ont rien à voir avec le projet de loi.

Comme il était tellement brillant cette semaine lors d'une question où il me disait avoir confirmé il y a quelques jours à Macamic un terrain de tennis alors qu'il y a un mois Macamic m'avait remercié de lui avoir envoyé le projet. Il est complètement déconnecté de la réalité, même pas présent dans son comté, il ne sait même pas ce qui se passe dans son comté et, ce soir, il prend des articles de journaux et il ajoute cela à un projet de loi auquel il ne comprend absolument rien. J'en ferai la démonstration dans quelques minutes. Je pense que cela peut épater la galerie si la galerie ne connaît pas exactement ce qui se passe dans le projet de loi. Mais cela n'épatera personne au Québec, surtout pas les gens qui connaissent la faune.

Je comprends que nos amis, les députés de l'Opposition, soient partis sur une mauvaise tangente en ce qui concerne ce projet de loi. N'en déplaise à mon ami, le député de Dubuc, un gentil garçon, il faut dire que ses connaissances de la faune sont quand même très limitées. Il faut dire aussi que ceux qui tentent de l'informer n'ont pas le souci d'aller vérifier exactement ce qui se passe. Ce soir même, j'ai eu l'occasion de discuter avec quelqu'un de l'Opposition pour lui expliquer exactement ce qu'était l'article 6. On m'a dit: Oui, mais avoir su, M. le Président, qu'il fallait faire référence à tel article dans la première loi, ce que les gens ne savent pas et ce qu'ils n'ont pas pris la précaution de vérifier. Vous savez, concernant la faune, M. le Président, il n'y a qu'une seule loi et vous remarquerez que à toutes les fois où on doit apporter un amendement en ce qui concerne la faune au Québec, le plein air et les parcs, on est obligé d'amender toujours la même loi, ce qui fait dire à la députée de Johnson que c'est un "bill" omnibus. Je comprends! C'est un "bill" omnibus parce qu'elle n'a pas encore saisi qu'on n'avait qu'une seule loi et, ayant une seule loi, il faut amender tout ce qu'on a à amender à l'intérieur de la même loi. Ce n'est pas sorcier que d'apprendre cela, sauf qu'il faut avoir un minimum de responsabilité, il faut savoir ce qui se passe en Chambre et parler pour autre chose et autrement que pour la galerie ou pour être devant un écran de télévision pour montrer qu'on est capable de participer aux débats de la Chambre. C'est plus fort et plus sérieux que cela, des débats.

Si le député de Dubuc allait vérifier dans la loi initiale sur la faune, il comprendrait exactement le pourquoi de l'article 6. M. le Président, je vais me rendre à la suggestion de quelqu'un de l'Opposition qui m'a dit: Voulez-vous, M. le ministre, donner toutes les explications sur l'article 6? Je pense qu'il va y avoir lieu de faire comprendre à nos amis qu'on a effectivement mal interprété cet article? Je vais vous le lire tel quel pour être bien sûr de donner tout le temps à l'Opposition en fin de semaine d'analyser le pourquoi de cet article. Ils vont se rendre compte finalement que, s'ils étaient allés voir au début, tout serait rentré dans l'ordre. Ils ont dit des choses complètement erronées en parlant de la façon qu'ils l'ont fait sur l'article 6, non pas parce qu'ils ont voulu tromper, j'en suis convaincu, ils sont plus de bonne foi que cela, mais parce qu'ils n'ont pas compris et n'ont pas eu la sagesse d'aller voir dans la loi initiale ce que voulait dire "extension" et c'est là qu'on retrouve la définition.

L'addition de "une extension de droit", au cas où l'octroi d'un bail n'est pas assujetti à l'obligation d'aller en appel d'offres est interprétée comme une volonté de transformer à demande les pour-voiries permissionnaires et pourvoiries concessionnaires, c'est-à-dire à droits exclusifs. Voici l'explication telle quelle. L'interprétation que fait l'Opposition d'apporter des amendements touchant l'obligation d'aller en appel d'offres public résulte d'une lecture inadéquate du texte. En effet, l'article 86.1 oblige à aller en appel d'offres public dans tous les cas d'octroi de baux de droits exclusifs de chasse et de pêche. L'article 86.1 oblige. Sont déjà exclus de cette obligation des cas qui parlent par eux-mêmes, soit les cas de renouvellement, de transfert et d'agrandissement. Tout le monde convient de cela.

Or, la notion d'agrandissement peut en réalité viser deux situations distinctes. La première situation est la suivante. Le cas où on agrandit le territoire existant, ce qui va de soi qu'on ne peut aller alors en appel d'offres public puisqu'il y a déjà quelqu'un

qui possède un bail sur le territoire que l'on propose d'agrandir. Dès qu'on agrandit quelque peu, on ne peut pas aller en appel d'offres public, il y a quelqu'un qui a un bail. C'est impossible d'aller en appel d'offres public. Dès la deuxième année primaire, les gens comprennent cela. Ce n'est pas dur à comprendre pour cette partie. Le deuxième cas, M. le Président, c'est celui où un pourvoyeur aurait, par exemple, des droits exclusifs de pêche sur un territoire donné et auxquels on accorderait des droits exclusifs de chasse sur le même territoire.

Il est évident, ici encore, qu'on ne peut aller en appel d'offres public sur un territoire où se trouve déjà un pourvoyeur. Si on veut lui donner des droits pour la chasse alors qu'il n'en a pas, mais qu'il possède des droits pour la pêche, on ne peut pas aller en appel d'offres public, il a déjà des droits existants. C'est impossible d'aller en appel d'offres public. Ça non plus, ce n'est pas compliqué à comprendre. En d'autres mots, l'amendement proposé traite d'une extension de droits qu'on retrouve dans la loi initiale, adoptée il y a quelques années, et c'est là qu'on retrouve la définition. Bien sûr, on ne la retrouve pas dans la loi amendée, mais ça fonctionne par concordance. Si on n'a pas la sagesse quand on fait des recherches de regarder ce que veulent dire les concordances et de reculer jusqu'au premier paragraphe qu'on a adopté il y a quelques années, c'est bien sûr qu'on tient le discours que nos amis d'en face ont tenu.

Je pense que je n'aurai pas à leur montrer à aller fouiller dans les lois antérieures et à comprendre ce qu'est la concordance. Le terme "extension" signifie l'action de donner une portée plus grande et non de donner une nouvelle portée. C'est ça la définition. C'est tel quel la définition. Il ne sera donc pas possible, en vertu de cet article, de donner des droits exclusifs à un pourvoyeur permissionnaire sans aller en appel d'offres public. C'est ça. On ne pourra pas le faire sans aller en appel d'offres public. J'écoutais le député d'Abitibi-Ouest tantôt qui ne comprend absolument rien là-dedans, mais qui, pour épater la galerie, a dit: On va donner cela à des petits amis. Il avait l'air de connaître ça pas mal lui le régime des petits amis. Il y a tellement fait allusion, M. le Président. Il a été neuf ans au pouvoir. J'ai l'impression qu'il l'a utilisé souvent et qu'il connaissait un réseau de petits amis pour parler ainsi.

C'est justement, je vais devoir aller en appel d'offres, le contraire de tous les discours qu'on a entendus dans l'Opposition. C'est tellement évident que quand j'ai fait cette référence tantôt à des membres de l'Opposition même, on m'a dit: Si on avait su que c'était comme ça. Je ne suis pas pour vous mettre la main dans la loi pour vérifier la définition la première fois qu'on a voté cette loi. Ce n'est pas à moi de faire cela. Vous devez avoir des recherchistes qui doivent être compétents pour le faire. D'ailleurs, l'article 7 du projet de loi qui introduit un nouvel article 86.2 confirme indirectement qu'un pourvoyeur permissionnaire ne peut automatiquement devenir un pourvoyeur concessionnaire. L'article 86.2 le confirme. Ce n'est pas compliqué. On n'a qu'à faire référence à la loi. On n'a pas besoin de brasser des épouvantails à corneilles, M. le Président, et d'essayer de dire aux gens que c'est le contraire; autrement, on perd notre crédibilité. (21 h 50)

En effet, cet article prévoit ce qu'il advient des bâtiments d'un permissionnaire dont le territoire qu'il exploite est désigné par décret pour être converti en concession à droit exclusif. Si l'offre du permissionnaire n'est pas retenue parce qu'elle n'est pas la plus avantageuse, le tiers qui aura obtenu la concession devra acquérir les bâtiments de l'ancien pourvoyeur permissionnaire, conformément au mécanisme déjà prévu dans la loi. Cela existe dans la loi. Ce n'est pas encore difficile à comprendre.

On ne peut donc pas prétendre que l'amendement introduit au paragraphe 2 de l'article 6 du projet de loi vise à permettre au ministre de passer outre à l'appel d'offres public. Si on prétend cela, c'est qu'on ne comprend pas ce qu'est une loi. Il y a des avocats qui seront chargés de l'expliquer à mon ami le député de Dubuc.

Bien au contraire, l'amendement proposé au premier paragraphe de l'article 6 indique clairement l'intention du gouvernement de resserrer davantage cette obligation. Ce n'est pas de ne pas avoir d'obligation, c'est de la resserrer davantage, exactement le contraire de ce qu'on a entendu. En effet, la loi prévoit actuellement qu'un bail de chassé et de pêche doit être octroyé par appel d'offres public; cela est prévu. Tel que rédigé, cet article pourrait permettre, indirectement, d'éviter le processus d'appel d'offres public en n'octroyant, au départ, qu'un bail de chasse ou qu'un bail de pêche, uniquement cela. Comme ce n'est pas l'intention du gouvernement de mettre de cOté l'application de cet article et que, au contraire, il veut éviter une interprétation littérale qui permettrait d'éviter son application, l'article 86.1 sera aussi modifié, dans le projet de loi, pour prévoir que l'obligation d'aller en appel d'offres public s'applique à l'action d'un bail de chasse ou de pêche, ce qui visera l'octroi d'un bail de chasse, d'un bail de pêche ou d'un bail de chasse et de pêche.

Ce n'est pas compliqué. Je sais que le député de Dubuc est occupé à faire autre chose, mais, quand même. Même si je

comprends qu'il veut signer du courrier pour sea électeurs, je suis persuadé qu'il pourra reprendre le Journal des débats et lire ce qu'on a dit sans prendre le temps d'approfondir. Sans doute qu'il va comprendre exactement ce que cela veut dire puisque, déjà, des gens sur son étage, à qui j'ai parlé tantôt, l'ont très bien compris; ils doivent essayer de l'en informer.

On a aussi entendu toutes sortes de choses durant cette deuxième lecture. Je ne veux pas y revenir, mais, entre autres, il y a une députée en cette Chambre qui m'a vraiment épaté par son style habituel où, toute mielleuse dans ses premières phrases, elle devient agressive à la troisième. C'est toujours le même pattern, toujours la même façon. Dans une question, elle commence par être mielleuse et, dans la question additionnelle, elle devient agressive; cela lui fait un style, à ce qu'elle m'a dit.

Une voix: Caméléon.

M. Picotte: Alors, Mme la députée de Johnson, les seuls reproches qu'elle a à faire au député de Maskinongé pour ce projet de loi, c'est qu'il porte le numéro "101". Elle pensait que cela ne reviendrait plus jamais. Elle vous a appelé et elle 'vous a dit: "digidou", M. le Président. Elle pensait que cela ne reviendrait plus jamais.

M. Gobé: C'est quand même pas Jean Béliveau?

M. Picotte: Oui. Imaginez-vous donc, il ne faut pas être bien longtemps assis en cette Chambre pour s'apercevoir qu'à tous les ans les mêmes numéros de projets de loi peuvent revenir. C'est le 101 de telle année; là, cela va être le 101 de 1987, adoptée à telle session. Cela s'est toujours passé comme cela. On vient d'apprendre cela à Mme la députée de Johnson et elle reproche cela au député de Maskinongé comme si c'était lui qui choisissait le numéro du projet de loi. Imaginez-vous donc! Quelle réflexion sur ce projet de loi aussi important qu'a faite Mme la députée de Johnson! "Digidou", donnons cela à des amis, comme elle l'a si bien dit. C'est ce qu'elle a dit, hier, dans son discours.

Une voix: Une critique de fond.

M. Picotte: Une critique de fond, inspirée par le député de Dubuc, sans doute appuyée par mon prédécesseur au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et député de Lac-Saint-Jean, qui a lui-même fait un discours tout aussi aberrant parce qu'il n'a pas compris la portée de l'article 6. Cela ne me surprend pas qu'il ne l'ait pas comprise, il n'a pas été assez longtemps au ministère pour approndir bien des choses.

Mais, pour le chef de l'Opposition, par exemple, cela m'a surpris qu'il n'ait pas vu cela. C'est vrai que, de ce temps-là, il est plutôt porté à faire de la réconciliation et moins de faune, mais il aurait pu s'abstenir de parler à ce moment-là plutôt que d'être inspiré par des gens qui, au point de vue de la faune, sont loin d'être les maîtres en la matière.

Il y a eu aussi mon bon ami, le député d'Ungava, qui s'est mis à me parler des agents de conservation. Il a dit: Si on savait ce que peut faire un agent de conservation. Écoutez, cela m'a fait rigoler d'entendre cela. Vous savez ce que j'ai fait au mois de décembre dernier lorsqu'on a amendé la même loi parce qu'on a qu'une seule loi, M. le Président. Vous savez ce que j'ai fait, j'ai demandé à mes agents de conservation de venir écouter en commission parlementaire ce que le député d'Ungava, le député de Dubuc et les députés de l'Opposition faisaient comme remarques sur le travail des agents de conservation. Ils sont venus. Et c'est épouvantable tout ce qu'on a essayé de faire en ce qui concerne le député d'Ungava pour ridiculiser le travail des agents de conservation.

Un an à peu près, jour pour jour, M. le Président, il dit: Non, mais vous êtes-vous imaginé? Téléphonez aux agents de conservation, vous allez voir qu'ils n'ont pas une "job" facile, qu'ils sont en plein bois et qu'ils ont peur, et qu'ils se font passer des balles chaque bord de la tête. C'est le discours qu'a tenu le député d'Ungava, M. le Président. Il ne montrera pas ce qu'est le travail d'un agent de conservation à celui qui vous parle, parce que j'ai été le seul qui a eu le courage de partir avec des agents de conservation, d'aller passer une nuit dans le bois pour surveiller les braconniers. Je n'en ai pas vu d'autres qui ont fait cela. Cela fait rire le député de Dubuc. Je comprends, il ne sait pas ce qu'est la faune. Il a tellement ri des agents de conservation, le député de Dubuc, l'an passé, que c'est bien sûr qu'il n'ira pas passer une nuit dans le bois avec eux parce qu'il va être gêné tout simplement. Avec tout le langage que vous avez tenu là-dessus, je comprends que vous soyez gêné aujourd'hui. Et vous allez être plus gêné que cela. Ce n'est pas terminé. Ce n'est pas fini.

M. le Président, je veux vous parler un peu des réserves fauniques, puisque les gens en ont parlé même s'ils n'avaient pas besoin d'en parler dans ce projet, cela n'a rien à voir avec cela. Mais comme ce sont des gens qui mêlent à peu près tout, M. le Président, ne vous en faites pas en ce qui concerne les réserves fauniques. J'ai commencé la semaine dernière avec mon bâton de pèlerin à visiter tous les organismes, et vous pouvez être assuré, M. le Président... Et je dis au député de Dubuc que je l'invite s'il veut patrouiller

le Québec avec moi. Je vais même lui fournir le transport, et on va aller tenir le même débat entre les deux. On va aller faire évaluer nos compétences devant les groupes...

Une voix: ...

M. Picotte: Non, ici à l'Assemblée nationale, on verra en temps et lieu. Vous avez le propre de tout fin député qui a honte de se montrer en public, alors que vous pourriez venir participer dans chacune des régions, vous allez vous cacher encore une fois.

Le Vice-Président: Un instant!

M. Picotte: C'est ce que vous faites, l'Opposition. Continuez de vous cacher, vous n'êtes pas...

Une voix: Oui, oui...

Le Vice-Président: Un instant, M. le ministre! Un instant!

Pour éviter des échanges de propos de bord en bord de l'Assemblée, je vous demanderais de ne pas vous adresser directement à un député, mais à la présidence, s'il vous plat t.

M. Picotte: M. le Président, je vous ferai remarquer que je réponds à ce qu'on a dit et que je n'ai pas interrrompu personne durant les discours, personne. Alors, j'aimerais avoir au moins la même tolérance de la part du député de Dubuc parce que son intolérance est à peu près tout ce qu'il peut connaître dans la faune, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant, M. le ministre!

M. Picotte: Maintenant, M. le Président...

Le Vice-Président: Un instant, M. le ministrel Sur une question de règlement de M. le député de Duplessis.

M. Perron: Est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît, M. le Président?

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Duplessis.

Une voix: N'oubliez pas, je suis ici.

Le Vice-Président: Nous avons quorum. M. le ministre, vous pouvez poursuivre.

M. Picotte: M. le Président, cela ne me surprend pas qu'on ait quorum parce que je sais que, souventefois, c'est une tactique très impressionnante de l'Opposition durant nos débats d'essayer de vérifier le quorum. Quand on sent que le gars qui parle a raison, on dit: Si on peut l'arrêter pour quelques minutes pour faire changer l'idée des téléspectateurs, on ne se trompe pas trop, M. le Président.

Une voix: C'est vrai.

M. Picotte: C'est tellement vrai que cette nuit, à 1 h 45, j'ai vu sortir le député de Lévis en courant. C'était la première fois que je le voyais courir - je vous prie de me croire que ce n'est pas élégant trop trop -pour aller se cacher en arrière du trône pour qu'un de ses "chums" demande le quorum. Le député de Laviolette, le député de Lévis et le député de Saint-Jacques. C'est sûr parce que ce n'était peut-être pas trop trop intéressant d'entendre le député du pouvoir qui parlait à ce moment-là. Mais c'est une manoeuvre de toute façon. Je pense que, dans le quorum, on ne pourra pas compter sur le député de Dubuc parce qu'il ne se montrera nulle part pour aller écouter ce que les chasseurs et les pêcheurs ont à dire. (22 heures)

M. le Président, je vous dis ceci en terminant. Nous allons faire le tour des régions, nous allons faire un sommet de la faune, et, plus que cela, s'il y a nécessité de faire une commission parlementaire par la suite, on jugera si on doit en tenir une. Je n'ai jamais fermé la porte à une commission parlementaire, je ne la fermerai pas plus ce soir. Après avoir fait le tour des régions et avoir vu les gens, on recevra les grands organismes s'il faut le faire en commission parlementaire; je n'ai jamais mis d'opposition à cela et je vais le dire partout où je vais aller. Quand des gens parlent à travers leur chapeau ici en cette Chambre, il faut au moins que les gens soient conscients que ceux qui parlent à travers leur chapeau le font parce qu'ils ne connaissent pas la faune. Ils sont justement mal informés, mais on n'a pas le droit d'être mal informés et, en plus, de vouloir mal informer le public. Je dis au député de Dubuc qu'il est toujours le bienvenu s'il veut venir rencontrer les chasseurs et les pêcheurs. Sinon, qu'il fasse comme de coutume, qu'il prenne des vacances dans son comté, M. le Président.

Le Vice-Président: Le débat étant terminé, est-ce que le principe du projet de loi 101, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les parcs, est adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président: Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour l'étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de déférence est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Article 27, M. le Président.

Projet de loi 99 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 27 du feuilleton, M. le ministre délégué aux Pêcheries propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 99, Loi modifiant la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes. Je cède la parole à M. le ministre délégué aux Pêcheries.

M. Picotte: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Une voix: Le représentant de la reine. M. Yvon Picotte

M. Picotte: M. le Président, je suis vraiment heureux d'aborder le projet de loi 99 avec mon ami, le député de Duplessis. Je dois vous dire que j'ai eu quelques rencontres avec le député de Duplessis pour discuter des pêcheries jusqu'à maintenant et vous me voyez tout heureux de pouvoir, au moins pour une des lois qui est devant l'Assemblée nationale, en discuter avec un critique de l'Opposition en face de moi qui s'y connatt au moins dans le domaine. Même si ce n'est pas toujours la réalité dans l'histoire de la faune, au moins le député de Duplessis sait de quoi il parle; il parle sérieusement et il fait des recherches. C'est la raison pour laquelle je pense que ce projet de loi recevra sans aucun doute l'appui du député de Duplessis et que nos communications, puisque nous parlons ensemble de choses qu'on connatt tous les deux, seront beaucoup plus faciles qu'avec mon collègue et son collègue de l'Opposition, le député de Dubuc, qui, lui, parle de faune sans nécessairement connaître la faune, M. le Président.

Le présent amendement à la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes vient compléter la réforme générale de l'aide à la construction de bateaux de pêche entreprise à l'automne 1986. Les étapes de cette réforme ont été les suivantes: premièrement, la modification de l'aide financière en remplaçant la subvention par des rabais d'intérêts afin de répondre à la nécessité de rationaliser les dépenses de l'État. Ensuite, les rabais d'intérêts ont été ajustés en fonction des types de pêche afin de traiter équitablement l'ensemble des pêcheurs. Aussi, au mois de septembre, le Conseil des ministres approuvait-il le transfert du rôle de prêteur que jouait le gouvernement aux institutions financières par l'introduction de garanties de prêts, un peu à l'image de ce que faisait notre collègue, le député de Lévis, au moment où il était ministre de l'Agriculture, concernant les prêts du crédit agricole en transférant aux sociétés prêteuses. Donc, ce n'est pas quelque chose de nouveau, c'est quelque chose qui a commencé et qui a existé sous l'ancien gouvernement. Cette mesure permettra au secteur privé de jouer pleinement son rôle dans ce domaine et également d'aider à la réduction du déficit gouvernemental puisque les fonds prêtés ne proviendront plus des coffres du gouvernement. L'amendement à la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes que propose notre gouvernement complète cette réforme en ajustant l'enveloppe financière légale de garanties de prêts de 10 000 000 $ à 30 000 000 $.

M. le Président, ce projet de loi ne fait que répondre à la nouvelle situation administrative qui prévaut dans le secteur des pêches. En effet, l'enveloppe des prêts que le gouvernement était autorisé à octroyer aux pêcheries était limité, depuis 1979-1980, à 10 000 000 $ annuellement. Il est facile de comprendre, qu'après huit ans le montant de 10 000 000 $ soit devenu insuffisant, principalement à cause de l'évolution du coût de construction des bateaux. Plusieurs facteurs ont contribué à l'augmentation des coûts de construction dont le taux d'inflation que nous avons connu au début des années quatre-vingt. Également, depuis le début de la décennie, le secteur des pêches a été le témoin d'une évolution technologique marquée. Ainsi, on retrouve maintenant, à bord de nos bateaux de pêche, des équipements tels que des éviscéreuses, des bouetteuses automatiques pour l'appâtage rapide, des cales réfrigérées, l'entreposage en bacs, des appareils sophistiqués de détection du poisson et de navigation. De plus, certains équipements traditionnels ont connu des améliorations marquées. Par exemple, l'agrandissement des chaluts, des moteurs plus puissants, des hélices à pas variables et l'ajout de tuyères pour augmenter la puissance des bateaux. Ces améliorations technologiques que je viens d'énumérer permettent aux pêcheurs d'être plus efficaces et contribuent aussi à améliorer la qualité du produit qui se retrouvera sur nos tables.

Enfin, un autre facteur qui a contribué à l'augmentation des coûts, c'est le confort que l'on retrouve à bord. Quand je dis

confort, cela ne veut pas dire luxe; je parle d'un minimum de confort afin d'effectuer une profession des plus exigeantes physiquement et mentalement.

Mme la Présidente, j'ai également pu constater qu'il existe, chez les pêcheurs, une volonté de profiter de l'excellente conjoncture prévalant dans le domaine des pêches pour renouveler leurs bateaux. La demande pour les produits de la mer est très forte et se reflète sur les prix payés aux pêcheurs. Le prix payé pour la morue est passé de 0,50 $ le kilogramme, en 1986, à 0,88 $, en 1987, soit une augmentation de 76 %; le prix de la crevette a augmenté de 48 % et celui du crabe de 89 %. Cette augmentation générale des prix, qu'on observe aussi chez les autres espèces pèchées dans le golfe, place les pêcheurs dans une position financière favorisant l'amélioration de leurs bateaux et de leurs équipements de pêche.

Aussi, Mme la Présidente, il ne faut pas oublier que le crédit d'impôt fédéral de 20 % à l'investissement, pour les régions de l'Atlantique, se terminera en 1989 et que les pêcheurs désirent s'en prévaloir en toute légitimité. Pour ces raisons, les demandes d'aide financière adressées en vertu du programme d'aide financière pour la construction de bateaux et en vertu de la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes ont augmenté de façon considérable. Au cours des années précédentes, le ministère recevait, en moyenne, 25 demandes d'aide financière. Cette année, nos services traitent plus de 70 dossiers, donc tout près du triple. Voilà, Mme la Présidente, un élément important qui milite en faveur de ce projet de loi et qui témoigne aussi de l'essor que connaît le secteur des pêcheries maritimes, essor qui se manifeste par la confiance du milieu et la volonté des pêcheurs d'investir pour améliorer davantage leur situation.

Je crois que je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance économique de l'industrie des pêches pour certaines régions du Québec. Mes collègues de Matane, des Îles-de-la-Madeleine, de Gaspé et de Duplessis m'en ont souvent fait part et ont souvent discuté avec moi d'une bonification à apporter, dans notre travail, face à ce projet de loi en particulier et aussi face à l'aide que nous pouvons apporter aux pêcheurs. Ces députés et leurs électeurs savent que cette industrie procure des milliers d'emplois dans les usines de transformation situées à terre et que ces usines existent parce qu'elles sont approvisionnées par une flotte de pêche. Ces usines fonctionnent grâce aux efforts de ceux et celles qui ont investi entre 100 000 $ et 1 500 000 $ pour un bateau et son équipement de pêche et qui, seuls ou avec des aides pêcheurs ramènent la matière à transformer au quai.

L'approvisionnement de l'usine est aussi tributaire de l'efficacité de la flotte et ceci est particulièrement vrai dans les conditions actuelles de l'exploitation des ressources halieutiques dans le golfe. L'ouverture d'un contingent de pêche dans le golfe prend la forme d'une véritable course au trésor entre les pêcheurs des provinces de l'Atlantique qui ont tous accès à cette zone. En attendant que le mode de gestion de la pêche soit changé, que la province de Québec ait accès à la zone de 200 milles, il nous faut donc viser sur l'efficacité de notre flotte de pêche et de nos pêcheurs pour assurer à nos usines de transformation l'approvisionnement nécessaire à la bonne marche de leur exploitation. (22 h 10)

En plus de procurer de l'emploi dans le domaine de la transformation des produits marins, il ne faut pas négliger les retombées économiques que procure la construction, chez nous, de ces bateaux. Je suis convaincu que nos chantiers maritimes attendent avec impatience l'acceptation de ce projet de loi qui permettra d'augmenter considérablement la capacité de construction de bateaux de pêche au Québec. Ce projet de loi est l'aboutissement d'une réforme qui correspond aux orientations de notre politique gouvernementale.

Nous participons aux efforts de rationalisation des dépenses de l'État en invitant les institutions privées à jouer le rôle de prêteur à la place du gouvernement. Aussi, nous assurons le maintien du niveau de l'emploi dans le secteur des pêches et des chantiers maritimes en élargissant les possibilités de renouvellement de la flotte de pêche. Par la même occasion, les pêcheurs se retrouvent avec un système d'aide financière constitué de prêts par les institutions financières, garantis par le gouvernement avec des rabais d'intérêt sur le modèle dont dispose l'agriculteur.

Ce projet de loi devra être adopté dans les meilleurs délais parce que plusieurs constructeurs de bateaux attendent, justement, que nous ayons les fonds nécessaires, par l'approbation de ce projet de loi, pour donner des réponses positives à cette création d'emplois dans la construction de bateaux et je suis persuadé que les commentaires que nous fera tantôt le député de Duplessis seront pertinents et favorables.

Je voudrais associer aux commentaires que je viens de faire, et sans doute aux commentaires que nous fera le député de Duplessis, mes collègues des Îles-de-la-Madeleine, de Matane et de Gaspé qui sont retenus par d'autres travaux, Mme la Présidente, parce que je ne vous apprendrai pas qu'il y a différentes commissions qui siègent et des rencontres qui se font avec des groupes dans notre travail parlementaire. Les députés des Îles-de-la-Madeleine, de Gaspé et de Matane se joignent à moi et

sans doute à la voix qu'exprimera tantôt, de façon positive, le député de Duplessis sur ce projet de loi. Ils veulent joindre leur voix à la nôtre et ils sont favorables à l'adoption de ce projet de loi. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué aux Pêcheries. M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez sûrement, avant de commencer mon exposé sur le projet de loi 99, de faire le commentaire suivant. Puisque le ministre délégué aux Pêcheries a jugé bon de vanter les mérites du député de Duplessis, il me permettra sûrement de vanter les mérites de l'ancien gouvernement et, en particulier, de deux ministres qui se sont succédé dans le domaine des pêcheries: M. Rodrigue Tremblay, qui était, à ce moment-là, ministre de l'Industrie et du Commerce, responsable des Pêcheries, ainsi que l'ancien ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, l'actuel député de Lévis. Nul doute que, n'eût été la présence de ces personnes et n'eût été la volonté politique de l'ancien gouvernement, en particulier à compter de 1979 jusqu'à la fin de 1985, l'actuel ministre délégué aux Pêcheries aurait beaucoup plus de problèmes dans le domaine des pêcheries; je pense que tout le monde peut en convenir.

Le court projet de loi 99, Loi modifiant la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes, on l'admettra, a tout de même, énormément d'importance. On peut remarquer qu'il n'a que deux articles, mais l'article 1 modifie l'article 7 de la loi actuelle et se lit comme ceci: "A compter de l'année financière 1987-1988, ces avances ou prêts sont pris à même le fonds consolidé du revenu, jusqu'à concurrence d'une somme de 10 000 000 $ par année financière, et ces garanties de prêts sont prises à même le fonds consolidé du revenu, jusqu'à concurrence d'une somme qui, incluant le montant de ces prêts et avances consentis pour une année financière, n'excède pas 30 000 000 $ par année financière."

Vous admettrez, Mme la Présidente, que, lorsqu'on parle de faire passer un montant de 10 000 000 $ à 30 000 000 $, c'est tout un éventail, dans le domaine des pêcheries, dont on peut parler. C'est la raison fondamentale pour laquelle je me suis attaché, au cours des derniers jours, d'abord, à regarder ce qui avait été fait antérieurement à 1976, à regarder ce qui a été fait de 1976 à 1985, c'est-à-dire jusqu'au 2 décembre et à regarder ce qui a été fait par la suite par le nouveau gouvernement libéral avec, en passant, deux ministres délégués aux Pêcheries qui se sont succédé en l'espace de deux ans.

L'industrie des pêches maritimes constitue pour le Québec, nous devons tous en convenir, l'un de ses secteurs économiques les plus importants dont l'apport substantiel, sinon essentiel, est marqué du sceau indélébile de la volonté politique du précédent gouvernement. Les preuves à l'appui de ces assertions sont fort nombreuses et je soulignerai plus loin la pertinence de certaines, ne serait-ce qu'en ce qui concerne l'objet du projet de loi 99 dont nous devons aujourd'hui adopter le principe, soit l'aide financière pour la construction, la réparation, l'achat et l'exploitation de bateaux et d'équipements de pêche.

Mme la Présidente, si vous me le permettez, je voudrais me reporter ici au Journal des débats du 20 juin 1979 lorsqu'il était question, à ce moment-là, de discuter du projet de loi 29 et où on mentionnait que l'ancien gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement du Parti québécois, reconnaissait combien il était indispensable que l'on s'occupe du domaine des pêcheries. Nous avons reconnu l'indispensable contribution des pêcheries au développement économique de l'Est du Québec et de la Cûte-Nord au point d'y consacrer, dans un programme quinquennal, un montant de 225 000 000 $ pour le développement des pêches maritimes. Nous avons aussi entrepris résolument de relancer l'industrie de la pêche et nous sommes intervenus prioritairement là où il fallait commencer, c'est-à-dire au niveau de la flotte de pêche elle-même.

En 1976, du temps de l'ancien gouvernement, on avait participé au financement de trois bateaux de pêche alors qu'on en retirait autant de la flotte active et que la moitié de nos chalutiers entraient dans leur préretraite, si on peut s'exprimer ainsi. Quant à nous, au cours de l'année 1977, nous avons autorisé la construction de 24 bateaux puisque nous avions décidé à ce moment-là de modifier substantiellement le programme d'aide aux pêches maritimes, d'une part, et, d'autre part, d'ajouter les fonds nécessaires pour permettre que nos pêcheurs cûtiers puissent partir de chaloupes conventionnelles que ces gens-là avaient dans la grande majorité des cas depuis de nombreuses années pour les faire passer à des bateaux qui étaient beaucoup plus rentables au niveau des prises, beaucoup plus sécuritaires et qui ramenaient à terre la qualité de poisson qui était désirée sur les marchés, autant le marché québécois que les marchés internationaux.

Quand on nous dit que ce n'était pas par manque d'argent qu'on avait procédé en 1976 à la construction de bateaux en disant qu'il n'y avait plus de construction, comment se fait-il que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait une liste

impressionnante? Vous savez que l'ancien gouvernement, c'est-à-dire celui qui a précédé le 15 novembre 1976, disait qu'il y avait de l'argent, mais plus de demandes. Cependant, on a découvert qu'il y avait 90 demandes de pêcheurs qui attendaient l'aide gouvernementale pour la construction de leurs bateaux. D'autre part, on a aussi découvert qu'il y avait des chantiers qui avaient été homologués au Québec et que ces chantiers pouvaient faire la construction de bateaux en fibre de verre, de bateaux en bois, de bateaux en métal et que tous les pêcheurs étaient prêts - c'est-à-dire les 90 que je viens de mentionner - à aller de l'avant pour que la construction des bateaux en question puisse être entreprise dans les chantiers maritimes du Québec. (22 h 20)

Je me rappelle très bien que cet ancien gouvernement avait aussi annoncé à la sauvette à l'été 1976, juste avant les élections, un programme de revenu d'appoint pour les ouvriers d'usine. Je dois admettre qu'à ce moment-là c'était un bon programme. Je dois admettre aussi qu'à ce moment-là on était d'accord, même lorsqu'on était dans l'Opposition, avec le programme en question puisqu'il y avait différentes usines, en particulier dans le comté de Duplessis et aux Îles-de-la-Madeleine, qui avaient des problèmes concernant le revenu d'appoint pour les travailleurs, les ouvriers et les ouvrières d'usine.

Cependant, ce qu'on avait oublié de faire dans le temps, c'était d'allouer les crédits nécessaires directement à ce programme. Le gouvernement libéral, de 1970 à 1976, avait pris les fonds qui étaient alloués pour la construction de bateaux, plus de 400 000 $, pour financer le programme qu'il avait décidé de mettre en place.

Tout cela pour vous dire, Mme la Présidente, que, malgré qu'on ait été d'accord avec le programme en question, c'est-à-dire le programme de revenu d'appoint pour les travailleurs et les travailleuses d'usine, on s'est ramassé au gouvernement, après le 15 novembre 1976, avec un problème que nous avait laissé l'ancien gouvernement.

Dans le domaine des pêches, il est assuré qu'en particulier pour l'Est du Québec, comme c'est extrêmement important pour chacune des familles de ces régions maritimes, c'est-à-dire les Îles-de-la-Madeleine, la Gaspésie et la Cûte-Nord, l'ancien gouvernement a fait tous les efforts nécessaires pour en arriver à régler le maximum de problèmes. Par contre, j'admets d'emblée qu'au moment où on se parle et même lorsque nous étions au gouvernement il y avait encore des problèmes à régler. Mais le changement de gouvernement a fait en sorte de changer certaines politiques qui n'aident pas les pêcheurs aujourd'hui, qui n'aident pas, non plus, les propriétaires d'usines de transformation.

Au cours de mon discours, j'aurai l'occasion d'apporter certaines informations au ministre délégué aux Pêcheries. J'entends bien recevoir des réponses adéquates quant aux questions que je me pose face à certains problèmes existant dans le domaine des pêches.

Je crois qu'il ne sera jamais inopportun de souligner combien, pour la Cûte-Nord, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, les pêches maritimes font office de soutien et de moteur économique, là où nul resserrement ou restriction budgétaire du gouvernement ne doit être en droit d'hypothéquer la croissance.

L'Opposition émet déjà, toutefois, ici, de sérieux doutes dont nul ne pourra contester la véracité. Les chiffres, pour éloquents qu'ils soient, rappelleront à la mémoire de l'actuel ministre délégué aux Pêcheries et à celle de son immédiat prédécesseur que, depuis l'arrivée aux affaires du gouvernement libéral en 1985, les crédits dévolus au développement des pêches maritimes n'ont cessé de subir des ponctions majeures.

Là-dessus, Mme la Présidente, je voudrais informer les membres de cette Chambre et la population qui nous écoutent des faits suivants. Les crédits au développement des pêches maritimes, lorsque le Parti libéral était au pouvoir de 1970 à 1976, étaient de 11 392 000$ en 1974-1975, de 11 087 000 $ en 1975-1976 et de 14 672 000 $ en 1976-1977. Sous l'étiquette du Parti québécois au pouvoir, les crédits étaient, en 1977-1978, de 15 444 000 $; en 1978-1979, de 14 936 000 $; en 1979-1980, de 19 420 000 $; en 1980-1981, de 20 443 000 $; en 1981-1982, de 26 090 000 $; en 1982-1983, 27 324 000 $; en 1983-1984, 30 112 000 $; en 1984-1985, 41 688 000 $; en 1985-1986, soit la dernière année du gouvernement du Parti québécois au pouvoir, avant la prise du pouvoir par les libéraux, 39 151 000 $.

Pour le Parti libéral du Québec, c'est-à-dire le nouveau gouvernement, celui qui a été élu le 2 décembre 1985, écoutez bien, on est passé de 39 151 000 $ de crédits, pour 1985-1986, à 30 371 000 $, pour 1986-1987 et, actuellement, les crédits alloués pour 1987-1988 sont de 20 058 000 $.

Bien sûr, cela ne fait pas l'affaire de tout le monde. Cela ne fait pas, non plus, l'affaire du domaine des pêches. Si ce rythme devait se maintenir, glaçant alors d'effroi tant l'Opposition que tous les intervenants du milieu, le budget du ministre délégué aux Pêcheries serait, en 1988-1989 et en 1989-1990 respectivement, de l'ordre de 10 000 000 $ et de zéro. En effet, en établissant en 1979 un plan quinquennal des pêches maritimes et en renforçant la volonté

du gouvernement de soutenir ce secteur économique en 1981 par un vaste, ambitieux, mais combien nécessaire et productif plan d'action, le gouvernement du Parti québécois avait su imprimer au budget des pêcheries une constante et prodigieuse progression.

Ainsi, comme je le mentionnais tout à l'heure, de 1978 à 1979-1980, les crédits aux pêches maritimes font un bond de 14 000 000 $ à 19 000 000 $ pour ensuite imprimer une marche dont la nomenclature indique ainsi successivement jusqu'en 1985-1986, 20 000 000 $, 26 000 000 $, 27 000 000 $, 30 000 000 $, 41 000 000 $ et 39 000 000 $. Or, voilà où le bât blesse. Le gouvernement libéral décide de faire chuter violemment ses crédits de 39 000 000 $ à 30 000 000 $ en 1986-1987 et à 20 000 000 $ en 1987-1988. Voilà pourquoi j'indiquais plus tôt, Mme la Présidente, qu'à ce taux infernal de décroissance les crédits aux pêcheries marqueront 10 000 000 $ de moins pour l'an prochain; puis, si ça continue comme ça, en 1989-1990, le budget sera à zéro. Je me demande, en effet, quel ministère devra s'occuper du domaine des pêcheries. Quant à nous, nous nous refusons à une telle dilapidation d'efforts consentis. Le milieu des pêcheries mérite, à tout le moins, un décent soutien, ce que semble lui interdire le gouvernement actuel.

Je voudrais maintenant parler du crédit aux pêcheries et du projet de loi 99. Mme la Présidente, tant le projet de loi 99 que le programme d'aide financière à la construction de bateaux appellent toute la pertinence de ces comparaisons. J'ai mentionné tout à l'heure l'article 1 du projet de loi 99. L'article 5 de la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes prévoit ceci: "Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation peut, selon les conditions et modalités déterminées par règlement du gouvernement, consentir à des pêcheurs ou à des personnes, sociétés ou organismes exerçant une activité ou exploitant une industrie reliée aux pêches maritimes des avances, des prêts ou des garanties de prêts pour la construction, la réparation, l'achat ou l'exploitation de bateaux et d'équipement de pêche ou pour l'acquittement de dettes contractées pour ces fins."

L'article 7 de la même loi prévoit, quant à lui, les fonds destinés à cette fin, somme que le projet de loi 99 porte de 10 000 000 $ à 30 000 000 $ en prenant bien soin de distinguer et à raison, d'une part, une somme maximale de 10 000 000 $ pour les prêts et avances et une autre qui, cette fois, pour les garanties de prêts jusqu'à concurrence d'une somme qui, incluant le montant desdits prêts et avances, ne pourra excéder 30 000 000 $ pour une année financière. Voilà, en fait, en termes juridiques se revêtant d'un caractère tarabiscoté - si le ministre comprend bien -ce qui traduit des modifications majeures au programme d'aide financière pour la construction de bateaux de pêche de plus de 10,6 mètres et qui, au règlement afférent, a nécessité, en septembre dernier, par le décret 1458-87, une modification visant à y ajouter une section concernant les garanties de prêts.

Quant aux modifications au programme, Mme la Présidente, le ministre délégué aux Pêcheries a apporté au cours des deux dernières années des modifications majeures au type d'aide financière accordée en vertu du programme d'aide pour la construction de bateaux de pêche de plus de 10,6 mètres. Ainsi, pour l'année financière 1985-1986, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation offrait aux pêcheurs professionnels une subvention égale à 35 % du coût de construction d'un bateau de pêche d'une longueur hors tout supérieure à 10,6 mètres, soit 3,9 pieds construit au Québec dans un chantier accrédité à cet effet. (22 h 30)

Le prédécesseur immédiat de l'actuel ministre devait, en 1986-1987, apporter une modification importante audit programme en y précisant que le montant de la subvention ne pouvait représenter plus de 4610 $ par tonne de jauge brute pour les bateaux utilisant des engins mobiles et 4040 $ par tonne de jauge brute pour les bateaux utilisant des engins fixes.

Enfin, pour le programme 1987-1988, entré en vigueur le 1er avril dernier, avec effet rétroactif au 20 janvier de la même année et devant se terminer le 31 mars prochain, l'aide financière se traduit désormais - la nuance est de taille, vous en conviendrez - par une subvention d'intérêts sur les prêts consentis par une banque à charte canadienne, une caisse d'épargne et de crédit ou une institution prêteuse et ce, qui plus est, sous réserve d'une contribution minimale exigée des emprunteurs admissibles. En termes clairs, Mme la Présidente, il n'y a plus de subventions directes égales à 35 % des coûts de construction, mais plutôt une prise en charge et d'une partie seulement des intérêts sur les prêts.

L'Opposition marque son inquiétude que ce nouveau mode de financement puisse hypothéquer les possibilités de construction de bateaux et, conséquemment, l'industrie des pêcheries maritimes; nous mettons le ministre en garde contre une telle solution. Il ne s'agit d'ailleurs pas, à ce titre, du seul bémol apporté aux divers programmes qu'avait entrepris, élaborés et développés le précédent gouvernement. Ainsi, le programme d'aide financière pour le développement de la pêche au Québec nordique, essentiellement conçu pour aider au développement économique des communautés inuit du Québec et pour leur permettre d'exploiter,

selon leurs besoins propres, les ressources halieutiques de leur territoire, ne porte plus, en 1987-1988, qu'à 35 % la subvention pour la construction d'un bateau de 10,6 à 15,0 mètres, alors que, en 1985-1986, cette contribution gouvernementale était de l'ordre de 50 %.

De la même façon, l'aide financière pour l'assurance des bateaux de pêche ne couvre plus que 35 % du coût de la prime en 1987-1988 contre 50 % en 1985-1986. Si le ministre délégué aux Pêcheries entend maintenir ce rythme de ponction, il devra compter à la fois sur la vigilance de l'Opposition et, en particulier, du député de Duplessis et sur les récriminations légitimes de l'industrie des pêches, incluant les propriétaires d'usines et les pêcheurs eux-mêmes, ainsi que les travailleurs et les travailleuses d'usines.

Lors de l'étude des engagements financiers du 13 octobre dernier, j'ai eu l'occasion de discuter avec le ministre délégué aux Pêcheries quant à la discrimination qu'il y avait actuellement en rapport avec le crédit d'impôt. Le gouvernement adoptait, le 16 septembre dernier, un décret modifiant le règlement sur les prêts pour la construction, l'achat ou la réparation de bateaux et d'équipements de pêche commerciale dans le but d'ajouter à l'article 20 sur le montant de prêt que le ministre peut consentir pour la construction de bateaux et qui s'établit à 90 % du coût après déduction de tout subside fédéral et/ou québécois, s'il y a lieu, un alinéa particulier aux pêcheurs de la Côte-Nord.

L'article 2 du règlement modifiant le règlement cité ci-dessus stipule à cet effet et je cite: "Dans le cas d'un prêt fait à un pêcheur qui réside sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, à l'est de la rivière Saguenay, ou sur la rive nord du golfe Saint-Laurent et y exerce ses activités de pêche commerciale, le montant maximum du prêt peut s'élever à 95 % du coût prévu au premier alinéa."

Le préambule du décret justifiait cette décision par le désir du gouvernement d'aider les pêcheurs de la Côte-Nord à renouveler leurs bateaux dans un contexte où - je cite de nouveau - "ayant une activité moins rentable, ils ont une possibilité moindre d'utiliser un crédit d'impôt déjà inférieur et décroissant d'année en année". S'agirait-il d'un pas dans la bonne direction que le ministre délégué aux Pêcheries répondrait d'emblée par l'affirmative. Toutefois, la solution ne s'en trouve encore que partielle et je rappelle à la mémoire du ministre délégué aux Pêcheries que, lors de l'étude des engagements financiers de son ministère, le 13 octobre dernier, il qualifiait lui-même par l'expression "questionnable" - entre guillemets - la distinction maintenue par le gouvernement fédéral entre, d'une part, la Côte-Nord, et, d'autre part, l'ensemble du

Québec relativement au taux de crédit d'impôt à l'investissement pour la construction de bateaux établi dans le premier cas et de façon discriminatoire à 10 % contre 20 % pour le restant du Québec. Le ministre prenait un engagement formel à la même occasion, soit celui de rétablir l'équité et disait alors être dans ses intentions - et je cite de nouveau - "de demander au gouvernement fédéral de ne pas faire cette distinction avec des gens de la Basse-Côte-Nord et de permettre 20 % comme ils font pour l'ensemble des autres pêcheurs du Québec". La responsabilité morale et politique du ministre l'oblige donc à se refuser de susciter tout vain espoir. L'Opposition réclame du ministre qu'il sache répondre de ses actes et de ses intentions lors de la commission parlementaire.

Quant au plan quinquennal de 1979 qui avait été mis en place par l'ancien gouvernement, je voudrais rappeler aux membres de cette Chambre que dans le domaine de la construction de bateaux de pêche, en 1976, le gouvernement libéral de M. Bourassa, c'est-à-dire du premier ministre actuel mais à l'époque de 1976, avait réussi à en construire trois pendant que nous, en 1978, on en construisait 24, ce qui fait toute la différence entre un gouvernement qui respecte les pêcheurs et un autre qui ne les a jamais respectés, qui a parlé plutôt que d'agir. Le gouvernement du Parti québécois a définitivement rompu avec ce passé pour une période de neuf ans.

Au cours des dernières années, on a fait des efforts spéciaux pour rattraper le retard considérable qu'avaient pris les pêcheurs de la Basse-Côte-Nord, les pêcheurs de la Côte-Nord ainsi que certains pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie, retard qui s'était accumulé quant à leurs autres collègues du Québec et encore davantage sur leurs vis-à-vis de Terre-Neuve.

Mme la Présidente, en 1979, l'ancien gouvernement a adopté un plan quinquennal par lequel il a décidé d'investir 225 000 000 $ pour relancer et raffermir l'industrie de la pêche. On n'a qu'à comparer ces investissements avec ce qui s'était passé au cours des années antérieures. Rappelez-vous qu'à ce moment-là on épluchait de peine et de misère un budget de 12 000 000 $ ou 13 000 000 $, parfois 14 000 000 $ par année, sans savoir où on s'en allait d'une année à l'autre. Ramenez cela à une période quinquennale comme on l'avait fait en 1979, pour faire des chiffres ronds et impressionnants, cela fait environ 60 000 000 $ à 70 000 000 $ à l'époque. C'était l'effort et la performance des anciens gouvernements du Québec, 60 000 000 $ à 70 000 000 $ en cinq ans. De plus, on donnait l'impression de se saigner à blanc. Quant à nous, nous avons consacré plus de 225 000 000 $ en cinq ans

et c'est au moins trois fois plus que ce qui avait été fait antérieurement par l'ancien gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement de 1970 à 1976.

L'administration du Parti québécois n'avait, quant à elle, ménagé aucun effort ni ressource au développement et à la promotion des pêches maritimes, y consacrant même son imagination, tel qu'en témoigne éloquemment le plan quinquennal élaboré en 1979 par le ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque alors responsable de ce dossier.

Visant une véritable et efficace relance du secteur trop longtemps négligé par le gouvernement libéral précédent, cette stratégie d'allocation de ressources additionnelles de l'ordre de 110 000 000 $ en 1979 permettait ainsi d'accroître les revenus et l'emploi dans cette industrie vitale pour l'économie de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine et de la Côte-Nord et de stabiliser, sinon d'augmenter les prix des produits marins aux pêcheurs ainsi que les salaires dans les usines et les revenus des pêcheurs eux-mêmes.

Le gouvernement du Parti québécois entendait alors clairement et fermement, à la réalisation de ces fins, procéder au remplacement et à la modernisation de la flotte de pêche et ce, dans une perspective de conformité avec les particularités de pêches dans les différentes zones exploitées, avec la croissance des ressources halieutiques et avec le désir de maintenir et d'améliorer la position concurrentielle du Québec sur la côte atlantique. Plus de 85 000 000 $ étaient alors voués seulement à ce volet. Deuxièmement, amorcer la modernisation et la diversification des usines de transformation tout en recherchant la maximisation de l'emploi et des revenus, en encourageant leur concentration dans les parcs industriels de pêche équipés des services requis. Bien sûr, c'était pour favoriser aussi la commercialisation par une amélioration marquée de la qualité des produits marins et par le développement des marchés et de la consommation. (22 h 40)

Cette stratégie quinquennale touchait donc tous les aspects de l'exploitation des pêches maritimes au Québec, qu'il s'agisse de la capture du poisson, de sa transformation, de sa commercialisation ou encore de la formation professionnelle des artisans et artisanes, de la recherche scientifique ou des responsabilités politiques ou administratives du gouvernement dans le secteur. Les retombées économiques d'une telle impulsion. ont été d'une importance capitale. Qu'il ne s'agisse, à titre d'exemple, de souligner qu'en 1979 on estimait que la construction d'un chalutier de 60 ou 65 pieds exigeait de 15 000 à 20 000 heures-hommes en chantier, celle d'un polyvalent de 60 pieds, de 10 000 à 15 000 heures-hommes, ou, encore, celle de petits bateaux de 40 à 45 pieds, de 3000 à 4000 heures-hommes.

Pour soutenir cette stratégie, l'article 7 était déjà modifié en 1979. Au volet de la réalisation du programme de renouvellement de la flotte de pêche, le ministre de l'Industrie et du Commerce présentait en juin 1979 le projet de loi 29 qui permettait de porter les autorisations de prêts consentis en vertu de l'article 7 de la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes de 3 000 000 $ à 10 000 000 $ pour l'année financière 1979- 1980. Le ministre soulignait d'ailleurs à l'époque, au moment de l'adoption du principe de ce projet de loi, et je cite: "II faut souligner que ces prêts ou ces garanties de prêts comportent un élément important de subvention car il s'agira de prêts sans intérêt ou de prise en charge complète des intérêts par le gouvernement lorsqu'il s'agira de garanties de prêts." L'actuel ministre délégué aux Pêcheries peut-il en dire autant, lui qui vient de modifier le programme d'aide à la construction de bateaux de plus de 10,6 mètres? Quelle fut alors, Mme la Présidente, la réplique du porte-parole de l'Opposition en matière de pêcheries, l'actuel ministre des Finances? Je parle toujours de 1979.

Toujours à l'adoption du principe du projet de loi destiné à soutenir le plan quinquennal, soit le 20 mai 1979, l'actuel député de Bonaventure s'exprimait de la sorte: "Dans sa stratégie quinquennale, cependant, il y a des ambitions. Nous le félicitons de faire cet effort, un effort essentiel dans le domaine des pêcheries et que j'ai eu l'occasion, dans le passé, de souhaiter." Remarquez que, dans le passé, ce même personnage qui est toujours député de Bonaventure et l'actuel ministre des Finances était un ministre du gouvernement libéral de 1970 à 1976.

Voilà qui était assez explicite, Mme la Présidente, et vous en conviendrez. L'effort était en effet essentiel. Ainsi, en 1979, après l'arrivée aux affaires du Parti québécois, le gouvernement a pu financer la construction de plusieurs bateaux de pêche. Quel était le "score" du gouvernement Bourassa, dans le temps, à ce chapitre, pour l'année précédente? Trois. Imaginez le retard qu'enregistrait alors le Québec à l'endroit des provinces maritimes et, plus encore, l'état lamentable dans lequel le gouvernement, de 1970 à 1976, avait laissé végéter les pêches maritimes du Québec.

Quant au plan d'action de 1981, jamais nos efforts n'ont manqué de souffle. En 1981, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, c'est-à-dire l'actuel député de Lévis, élaborait et mettait en oeuvre un plan gouvernemental en matière de pêches maritimes. Les programmes d'aide financière qui s'adressaient au secteur des pêches s'inscrivaient désormais de façon plus

formelle dans une perspective de développement économique du territoire maritime québécois. Cette approche reposait alors sur la reconnaissance du statut professionnel des pêcheurs et du caractère industriel des entreprises de transformation. Ce plan aura permis de redresser les paramètres des pêches maritimes. Il s'agit là d'un héritage que le gouvernement libéral ne peut ni ne doit hypothéquer. À ce titre, il mérite d'être rappelé en détail, ne serait-ce que pour le bénéfice de l'actuel ministre délégué aux Pêcheries.

Concurremment à la réévaluation des programmes d'aide destinés aux pêches maritimes, réévaluation faite en fonction des nouvelles orientations que le gouvernement entendait privilégier, le budget dévolu au développement des pêches maritimes marquait quant à lui, dès 1981-1982, une hausse majoritaire de 25 %, passant ainsi à 26 000 000 $ comparativement aux 20 000 000 $ de l'année précédente. Vaut-il mieux rappeler ici à la mémoire du ministre que cette nette progression n'a jamais subi de décélération jusqu'en 1986-1987? Il n'y eut pas, pour revenu en 1981-1982, de majoration automatique de chaque poste budgétaire, mais plutôt des choix stratégiques du gouvernement qui entendait favoriser certains types de mesures plus conformes aux objectifs de développement économique recherchés. Le ministère décidait alors, et avec raison, de se retirer progressivement des mesures d'aide au fonctionnement des entreprises au profit d'un soutien à l'investissement davantage générateur de retombées économiques.

Quelles ont été les coordonnées de cette politique maritime? Elles se résument en six grands axes. Premièrement, la mise en place des équipements de base que sont la flotte de pêche et les usines de transformation. Le principal effort du gouvernement, en termes financiers, portait sur la mise en place d'équipements modernes et efficaces tant pour la capture des produits marins que pour leur transformation. C'est à ces niveaux que la capitalisation est la plus lourde et que l'aide du gouvernement sous forme de subventions directes ou de prises en charge d'intérêts se révélait la plus nécessaire. À ce moment, ce qui n'est malheureusement plus le cas, une subvention de 35 % du coût de construction des bateaux de pêche pouvait être octroyée et ce, sans compter les prêts sans intérêt qui pouvaient être consentis. En ce qui concerne les entreprises de transformation, le programme d'aide financière qui leur était destiné a permis les nécessaires et combien profitables modernisations, normalisations et diversifications de leurs installations.

Le second axe visait l'acquisition d'équipements et le recours à des procédés favorisant l'amélioration de la qualité des produits marins, cette préoccupation devant être satisfaite tant à bord des bateaux et à l'usine qu'à la poissonnerie elle-même. Que l'on pense ici, entre autres mesures, à l'aide financière pour l'acquisition de bacs servant à protéger le poisson ou encore à celle pour l'achat de palangres facilitant la capture sans détérioration avant la sortie de l'eau. On doit aussi compter, à ce chapitre, sur une réglementation complète régissant la qualité du poisson depuis sa capture jusqu'à la livraison au consommateur.

Troisième préoccupation du plan, l'organisation professionnelle du milieu par l'aide aux associations de pêcheurs et industriels.

Quatrièmement, la prise de conscience de l'existence au Québec d'un important marché potentiel alors que, par le passé, notre industrie de transformation avait surtout été orientée vers les marchés extérieurs. On peut ici penser, à titre d'exemple, aux productives campagnes de promotion du crabe des neiges sur le marché domestique québécois, là où la consommation devait faire un saut prodigieux. L'actuel ministre délégué aux Pêcheries ne peut en douter.

Cinquièmement, le plan d'action était aussi orienté vers la mise en valeur des ressources sous-exploitées et ce, tant par la capture de nouvelles espèces, tels, à l'époque, le crabe et le maquereau, que par la récupération en usine de parties comestibles alors rejetées.

J'espère que je ne dérange pas les libéraux, Mme la Présidente, parce qu'il y a des caucus à deux endroits ici, à l'Assemblée nationale.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais la collaboration de cette Chambre! Si certaines personnes désirent parler, je vous rappellerais qu'il y a des salons adjacents à l'Assemblée nationale et je vous demanderais de vous y rendre afin de permettre au député de Duplessis de faire son intervention. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Le plan d'action était aussi orienté vers la mise en valeur des ressources sous-exploitées - je répète, Mme la Présidente - et ce, tant par la capture de nouvelles espèces, tels, à l'époque, le crabe et le maquereau, que par la récupération en usine de parties comestibles alors rejetées.

Sixièmement, enfin, la prise en charge par les entreprises de transformation de toutes les étapes de la production, y compris la congélation et l'entreposage des produits marins, et ce, dans le but d'acquérir une véritable autonomie. (22 h 50)

Mme la Présidente, les efforts, plans et stratégies du gouvernement du Parti

québécois de 1976 à 1985 ont su redresser et favoriser l'épanouissement d'un secteur névralgique de l'économie québécoise dans l'Est du Québec. L'industrie des pêches maritimes ne doit souffrir d'aucune manière d'une quelconque inertie du gouvernement. Or, depuis 1985 - nous l'avons souligné avec pertinence - un malheureux et dangereux ralentissement susceptible de provoquer, à brève échéance, une dégradation de la situation semble marquer le ministère des Pêcheries. Les preuves sont nombreuses et incriminantes. Qu'il suffise de rappeler des chutes accentuées et successives de crédits, doublées d'une édulcoration des programmes d'aide financière.

L'Opposition rappelle ainsi le ministre à sa responsabilité première, au moment où se dessinent de nouveaux défis et projets qui, tel celui du consortium Nova Nord, pour l'accès à la zone de pêche de 200 milles, doivent compter sur l'appui du gouvernement actuel. L'industrie québécoise des pêches maritimes en dépend.

Si vous permettez, Mme la Présidente, puisqu'on parle de la zone de 200 milles, j'aimerais donner certaines informations aux membres de cette Chambre. Dans le rapport de l'Association québécoise de l'industrie de la pêche d'octobre 1987, les responsables de l'AQUIP parlaient de la loi sur la transformation des produits marins. Cependant, on allait beaucoup plus loin à l'intérieur du rapport et on mentionnait, dans le domaine des pêches maritimes, les captures et les valeurs au débarquement par espèces. Voilà qu'on remarque ce qui s'est passé dans l'Est du Canada au cours des dernières années, c'est-à-dire de 1977 à 1986. Comme c'est le gouvernement fédéral qui a actuellement la responsabilité première du partage des quotas, ce dernier a nettement favorisé certaines provinces de l'Atlantique au détriment du Québec. C'est éloquent de voir les chiffres du rapport de l'Association québécoise de l'industrie de la pêche. Je cite les exemples suivants: Nouveau-Brunswick, quantité de prises en tonnes métriques, 1977, 130 203 tonnes métriques, 1986, 137 424 tonnes métriques; Nouvelle-Écosse, 1977, 426 979 tonnes métriques par rapport à 460 008 en 1986; l'Île-du-Prince-Édouard, 36 461 tonnes métriques par rapport à 40 377 tonnes métriques en 1986; le Québec 54 296 tonnes métriques en 1977 et 89 970 tonnes métriques en 1986; Terre-Neuve, 393 262 tonnes métriques en 1977 et, en 1986, 493 116 tonnes métriques. Tout ça pour vous dire, Mme la Présidente, combien de changements sont arrivés pour certaines provinces maritimes par rapport au Québec et au Nouveau-Brunswick en particulier, au regard des captures qui ont été autorisées par le fédéral en Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve.

Quant au partage de la ressource elle-même, à ce moment-là, dans une des recommandations de l'AQUIP il était écrit ceci dans le rapport: "Afin de régulariser une telle situation, le ministère des Pêches et des Océans devrait attribuer aux usines québécoises une allocation minimale de 50 000 tonnes de poissons de fond hors du golfe Saint-Laurent pour 1988, particulièrement de la morue, et les années futures devraient suivre la fluctuation des contingents." C'était une demande expresse de l'Association québécoise de l'industrie de la pêche directement au gouvernement fédéral.

Ce que je voudrais savoir de la part du ministre délégué aux Pêcheries, c'est quelles sont les actions qui ont été prises par son gouvernement en rapport avec cette demande de l'AQUIP? Quelles sont les interventions qui ont été faites jusqu'à maintenant par le gouvernement libéral du Québec pour endosser, pour faire les pressions qui s'imposent auprès du gouvernement fédéral pour corriger une situation aussi aberrante?

Vous remarquerez, Mme la Présidente, que ce n'est pas seulement l'Association québécoise de l'industrie de la pêche qui fait des pressions auprès du gouvernement fédéral dans ce domaine. Il y a aussi un consortium qui s'est formé au cours de l'année 1987. Je veux bien comprendre que l'actuel ministre délégué aux Pêcheries avait en quelque sorte quelque chose à faire dans la création de ce consortium. Ce consortium de douze entreprises de pêche du Québec et du Nouveau-Brunswick réclame effectivement justice.

Depuis l'entrée en vigueur en 1977 de l'élargissement de la zone de pêche exclusive à 200 milles sur la côte atlantique, la baisse de la proportion des captures de poisson de fond se traduit par une perte cumulative de 115 300 tonnes métriques de morue et de 214 000 tonnes métriques des autres espèces de poisson de fond pour le Québec et le Nouveau-Brunswick. J'ai bien dit pour le Québec et le Nouveau-Brunswick. Les industries du Québec et du Nouveau-Brunswick utilisent seulement 15 % de leur capacité théorique de transformation en plus d'avoir à s'approvisionner sur une base très concurrentielle alors que les grandes entreprises de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse se voient attribuer par le gouvernement fédéral des allocations hau-turières extrêmement importantes. Compte tenu que le niveau d'exploitation des poissons de fond dans le golfe Saint-Laurent ne peut plus être augmenté, les industries de pêche du Québec et du Nouveau-Brunswick n'ont pas d'autre choix que de se tourner vers la côte atlantique pour assurer la viabilité de leurs entreprises, leur stabilité et le maintien des emplois actuels.

Un fait est à remarquer. Les

entreprises du Québec et du Nouveau-Brunswick ont fort ft faire pour rentabiliser leurs activités sur six ou dix mois par année avec un demi-quart de travail par jour. Pendant ce temps, les entreprises qui les concurrencent sur le marché se plaignent de ne pouvoir maintenir leurs deux quarts de travail durant toute l'année. Comme les entreprises membres du consortium désirent participer ft part entière ft l'exploitation de la ressource hauturière commune de la zone de 200 milles au même titre que les autres partenaires canadiens et avant d'autres partenaires étrangers, ft moyen terme, l'adjudication d'allocations hauturières pour les poissons de fond permettrait aux membres de la Société de pêche Nova Nord ltée de faire construire des chalutiers congélateurs modernes de 60 mètres, de créer 125 nouveaux emplois-années ft terre et une quarantaine en mer par chalutier congélateur. Mais, pour ce faire, il faut des autorisations fédérales. La Société de pêche Nova Nord ltée a fait parvenir ft M. Tom Siddon, ministre fédéral des Pêches et Océans, les demandes suivantes: lui accorder des poissons de fond selon la répartition, 75 % de morue, 25 % de flétan du Groenland, sébaste et plie, lui attribuer 68 400 tonnes métriques de poisson de fond par année selon la formule suivante: 34 500 tonnes par année durant les trois prochaines années et y ajouter 11 300 tonnes métriques par année pour les trois années subséquentes, pour obtenir un total de 68 400 métriques en phase 2.

La Société de pêche Nova Nord ltée est d'avis qu'il est grandement temps de changer les règles du jeu et d'établir la quantité et la nature de la ressource qui devrait lui être attribuée pour rectifier le déséquilibre qui existe depuis 1977.

Mme la Présidente, je voudrais ici vous mentionner qu'en rapport avec la zone de 200 milles il est bien connu que le gouvernement canadien a la responsabilité des pêches entières et intérieures et ce, par l'article 91, paragraphe 12, de la constitution. Il assume donc la gestion de toutes les ressources halieutiques,. voire la répartition et l'affectation des ressources entre les divers segments de l'industrie canadienne de la pèche. C'est là un immense pouvoir puisqu'il permet le contrôle de l'ensemble des activités reliées ft la pêche. (23 heures) '

Rappelez-vous, Mme la Présidente - et je m'adresse ici aux membres de l'Assemblée nationale - que, le 11 juillet 1983, par un coup de tête, l'ancien ministre de Pêches' et Océans Canada, M. de Bané, a enlevé des pouvoirs que le Québec avait depuis 1922 quant ft la délivrance des permis de pêche et quant au contrôle des quotas ft l'intérieur du golfe. C'est à ce moment-là que le gouvernement du Québec du temps a dû intervenir pour mettre un accent encore plus fort sur son plan d'action quant aux investissements des usines que nous avions sur le territoire maritime québécois en plus de continuer à affecter les fonds nécessaires pour la construction de bateaux tout en sachant très bien que, quant ft la construction de bateaux, quant aux personnes qui devenaient détentrices de permis de pêche, même si c'étaient des pêcheurs québécois, les décisions quant ft ces personnes, quant au nombre de permis face aux quotas appartiennent maintenant au gouvernement fédéral. Que je sache, les interventions de l'actuel gouvernement libéral n'ont pas été tellement fortes face au gouvernement fédéral et ce, dans plusieurs domaines.

Si je continue, les politiques et les programmes provinciaux de formation à la pêche et de développement industriel sont fortement conditionnés par des décisions fédérales de limiter l'expansion des flottes de grande pêche ou d'affecter des ressources halieutiques ft tel engin de pêche plutôt qu'à tel autre ou à telle flotte plutôt qu'à une autre. Il faut se demander si le gouvernement du Canada n'outrepasse pas ses responsabilités constitutionnelles. Les plaidoyers provinciaux en faveur d'un changement constitutionnel portent essentiellement sur deux points: leur responsabilité première en matière de développement industriel sur leur territoire et leur plus grande sensibilité, voire une meilleure connaissance des marchés locaux et provinciaux de l'emploi. Bref, les pêches sont perçues comme un outil provincial de développement et de l'emploi.

Il devra y avoir un consensus constitutionnel sur deux grands principes fondamentaux, la liberté d'accès à toutes les ressources et ft toutes les zones de pêche de la côte atlantique canadienne par les provinces de Terre-Neuve, de Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Québec et une répartition équitable de toutes les ressources halieutiques de toutes les zones de pêche entre les cinq provinces concernées, puisque nous sommes toujours dans la constitution canadienne. Cela demande une coordination des politiques structurelles et des interventions fédérales et québécoises dans le domaine des pêches.

Si on remarque ce qui s'est passé au cours des dernières années, l'équité dans la répartition des ressources entre les divers utilisateurs des provinces atlantiques n'a pas été respectée. Un tel principe devrait être facilement accepté par tous les intervenants des provinces maritimes. Actuellement - cela m'a frappé lorsque j'ai eu l'occasion de lire ces informations et de les obtenir, d'ailleurs - il y a deux grandes sociétés qui sont choyées par le gouvernement fédéral: Fishery Products International et National Sea Products. En 1987, la première se voyait

octroyer 43,71 % des quotas hauturiers, ou 196 938 tonnes métriques de poisson de fond alors que la deuxième bénéficiait de 38,25 % des quotas, ou 172 324 tonnes métriques. Ces allocations quadruplent les captures cumulatives de poisson de fond de toutes les flottes combinées du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, soit quelque 95 000 tonnes en 1986.

Ces allocations contribuent-elles à duopoliser l'industrie de la pêche et à concentrer la rente des ressources halieutiques canadiennes à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse? Bien sûr, les autres provinces sont à même de réaliser l'étendue des distorsions et demandent de ce fait d'accéder équitablement au club des deux provinces les mieux pourvues. J'y crois fermement et, là-dessus, je suis prêt à faire tout le nécessaire pour aider le ministre délégué aux Pêcheries à faire les pressions nécessaires. Il est nécessaire de faire toutes ces pressions pour permettre qu'il y ait des changements dans la politique fédérale quant à la distribution des quotas dans la zone de 200 milles, parce que tout le monde sait très bien qu'au moment où l'on se parle, il est impossible d'augmenter les quotas à l'intérieur du golfe et à l'intérieur des zones en place dans le fleuve Saint-Laurent.

Mme la Présidente, si vous me le permettez, je voudrais souligner ici un autre point qui a beaucoup d'importance pour moi. C'est, bien sûr, le rapport qu'en font les journaux quand on parle de la zone de 200 milles. On n'a qu'à regarder, par exemple, un article du Droit d'Ottawa-Hull du mercredi 22 juillet 1987: Vers une présence accrue du Québec dans la zone de pêche, c'est-à-dire la zone de 200 milles où on donne certaines explications et où on donne aussi certains voeux qui sont souhaités, certaines demandes qui sont faites par différentes institutions de pêche au Québec et même à l'extérieur du Québec dans les Maritimes.

On peut lire aussi dans Le Devoir du lundi 27 juillet 1987, en gros titres: "Les pêcheries québécoises ne survivront que par la haute mer." Donc, à ce moment, il est nécessaire que le gouvernement du Québec, et bien sûr il peut, à ce moment-là, se rallier le Nouveau-Brunswick en particulier et peut-être une autre province comme l'Île-du-Prince-Édouard, fasse toutes les pressions qui s'imposent pour qu'on modifie substantiellement la politique de distribution des quotas vers les provinces atlantiques, parce qu'au moment où on se parle et à la suite des chiffres que je viens de donner en cette Chambre, il est vrai qu'il existe une discrimination en rapport avec Québec-Nouveau-Brunswick versus Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard qui sont nettement favorisées dans le domaine des quotas et en particulier dans la zone de 200 milles.

Mises à part les annonces qui ont été faites par le ministre quant à la création du consortium, quant à l'aide financière qu'il apporte aux pêcheurs, quant aux modifications qu'il a apportées aux programmes accessibles aux pêcheurs, il faut absolument, pour permettre à nos usines québécoises de fonctionner adéquatement et au maximum de leur capacité, des actions précises du ministre délégué aux Pêcheries, de son gouvernement, et ce, face au gouvernement fédéral. À ce moment-là, je peux vous assurer que l'ensemble des membres de cette Chambre, l'ensemble des fonctionnaires qui interviendront auprès du gouvernement fédéral, l'ensemble des institutions de pêche du Québec, l'ensemble des pêcheurs, l'ensemble des travailleurs et des travailleuses d'usine auront mon appui pour permettre que des actions concrètes soient faites auprès du gouvernement fédéral pour corriger cette situation aberrante.

Mme la Présidente, j'aurais eu le goût de parler longuement sur la façon dont l'actuel gouvernement traite les pêches maritimes, les modifications à des programmes, les modifications législatives, les modifications apportées quant aux subventions qui s'adressent aux pêcheurs, les modes de subventions qui sont substantiellement amendées par rapport à ce qui était permis antérieurement. Je voudrais bien qu'à ce niveau-là... N'ayez aucune crainte, Mme la Présidente, je dis aux membres de cette Chambre de n'avoir aucune crainte parce que l'Opposition votera pour le projet de loi, mais je vais vous dire pourquoi. On n'est pas nécessairement d'accord avec la façon dont l'actuel gouvernement traite les pêches maritimes, les institutions de pêche, les pêcheurs, les travailleurs et les travailleuses d'usine, les programmes existant antérieurement, on n'est pas d'accord avec la façon dont on modifie substantiellement ces programmes et ces aides financières. (23 h 10)

Là où on est d'accord, malgré qu'on puisse se poser de sérieuses questions quant aux attributions, c'est sur le fait que le montant de 10 000 000 $ prévu dans la loi actuelle soit haussé à 30 000 000 $. Pourquoi? Parce qu'il est vrai que beaucoup de demandes sont faites par des pêcheurs pour obtenir des subventions, des garanties de prêt, en particulier des garanties de prêt de la part du gouvernement. On doit traiter ces demandes dans les plus brefs délais. On doit faire en sorte d'accélérer la machine gouvernementale pour que plusieurs de ces demandes soient traitées dans les prochains jours et qu'on mette en chantier le maximum de bateaux dans les usines accréditées pour ce faire, et ce, dans des usines du Québec et non de l'extérieur du Québec afin que nos

pêcheurs continuent à pouvoir profiter d'une flotte qui va sûrement permettre d'accélérer le commerce, le nombre de prises et surtout, et je dis bien surtout, la qualité que nous devons avoir pour les consommateurs et consommatrices du Québec et aussi pour les consommateurs et consommatrices de l'extérieur du Québec.

Mme la Présidente, je voudrais terminer en disant que les efforts faits par l'ancien gouvernement ont vraiment contribué à restructurer les pêches au Québec. J'ai bien dit au cours de mon discours qu'on n'avait pas tout fait, parce que justement il y en avait trop à faire lorsqu'on a été élu en 1976. Par contre, il faut que le gouvernement libéral continue à mettre l'accent sur des investissements dans le domaine des pêches pour permettre que cela continue d'avancer d'une façon équitable.

Je demande au ministre délégué aux Pêcheries de bien apprendre ses leçons parce qu'il y a des choses à regarder par rapport à ce qui s'est passé. Je demande au ministre délégué aux Pêcheries de faire ses devoirs pour aider et ce, substantiellement, les travailleurs et travailleuses d'usines, pour aider les propriétaires des usines de transformation, pour aider les pêcheurs qui sont eux-mêmes régulièrement en mer, sept, huit, dix, douze mois par année. Il ne faut pas qu'il se gêne non plus de faire face au gouvernement fédéral quand ce sera le temps d'obtenir des ressources nécessaires dans la zone de 200 milles,' pour obtenir des permis de chalutage nécessaires pour les pêcheurs québécois, enfin que notre industrie des pêches continue de faire des grands pas en avant. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Duplessis. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Mme la Présidente, après ce long et convaincant témoignage de l'Opposition en faveur du projet de loi 99, je voudrais que l'on puisse, à la suite du consentement des leaders de l'Opposition et du gouvernement, ajourner ce débat.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Oui. J'appelle l'article 16, Mme la Présidente.

Projet de loi 75 Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 16 de notre feuilleton, le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 75, Code de procédure pénale. M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux de présenter devant l'Assemblée nationale un projet de loi qui intéresse et touche l'ensemble des justiciables du Québec, soit le Code de procédure pénale. Il s'agit d'un projet de réforme qui devrait donner un souffle nouveau à l'administration de la justice pénale du Québec.

Depuis de nombreuses années déjà, ceux qui ont été en contact avec le système de justice pénale ont eu l'occasion de constater que la procédure de poursuite des infractions aux lois du Québec était trop lourde, trop coûteuse, tant pour le justiciable que pour l'administration de la justice, et que l'efficacité de la procédure pouvait et devait être améliorée.

Cette situation s'explique en partie du fait que la loi qui régit la procédure pénale depuis 1922, soit la Loi sur les poursuites sommaires, n'a pas été revue en profondeur depuis son adoption. En effet, sauf en ce qui a trait aux alternatives à l'emprisonnement pour défaut de paiement de l'amende instaurées en 1982, cette loi n'a pas été modifiée de manière à s'adapter à l'évolution rapide des besoins de notre société. Ainsi, cet ancien régime de poursuite prévoit, tout d'abord, l'étape de la dénonciation qui survient trois ou quatre mois après l'infraction. La dénonciation est suivie par la délivrance d'une sommation par un juge, laquelle est signifiée au contrevenant afin qu'il comparaisse quelques mois plus tard. Au moment de sa comparution, le défendeur perd, au moins, une matinée pour déclarer son plaidoyer et doit encore attendre plusieurs mois pour que sa cause soit entendue.

Avec un tel système procédural, il n'est pas surprenant de constater que, dans 85 % des poursuites, c'est-à-dire dans les cas où le défendeur plaide coupable à l'infraction dont il est accusé, il s'écoule en moyenne un minimum de six mois avant que l'infraction soit sanctionnée. Cette lourdeur de la procédure actuelle ne peut avoir que des conséquences négatives sur l'incitation au respect de la loi par les citoyens.

Devant cette situation, le législateur a tenté, au cours des -dernières décennies, de résoudre un à un les problèmes causés par l'application de cette procédure. C'est ainsi que, pour éviter de faire subir aux citoyens les inconvénients des multiples étapes du système de justice pénale, le législateur a donné dans certaines lois la possibilité de payer immédiatement l'amende et les frais indiqués sur un avis préalable d'infraction,

par exemple, pour les infractions au Code de la sécurité routière, aux règlements municipaux relatifs à la circulation et au stationnement, et à la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.

Toutefois, la procédure par voie d'avis préalable d'infraction perd son intérêt lorsque le citoyen ne paie pas l'amende réclamée, car elle n'est alors qu'une étape de plus dans un processus de poursuite déjà trop long. Dans ce cas, il faut, en effet, pour obtenir jugement, reprendre toute la procédure prévue dans la Loi sur les poursuites sommaires, c'est-à-dire qu'à défaut de paiement sur avis préalable il faut reprendre toute la procédure traditionnelle par voie de dénonciation.

De plus, l'application de solutions partielles dans chacune des lois a conduit à une prolifération d'exceptions au régime principal de poursuite. Des règles de procédure particulières difficilement intégrables à la procédure générale se sont développées dans chacune des lois et sont susceptibles de mettre en cause l'ensemble du système pénal. Elles peuvent, de plus, donner lieu à des interrogations sur le respect des droits fondamentaux des citoyens, notamment quant à l'égalité de tous devant la loi.

Il était donc impérieux de créer un système uniforme pour la sanction pénale de toutes les lois du Québec plutôt que de procéder à la pièce à la mise à jour de la procédure pénale par voie d'amendement à la Loi sur les poursuites sommaires ou aux lois sectorielles. C'est pourquoi notre ministère a entrepris une révision globale de l'ensemble de la procédure pénale applicable au Québec. Le projet de Code de procédure pénale maintenant soumis à l'attention de cette Assemblée répond aux attentes depuis longtemps formulées par tous ceux qui sont préoccupés de justice pénale au Québec. Fruit d'un long travail de recherche et de nombreuses consultations, il a été examiné par des spécialistes oeuvrant tant dans les domaines judiciaire ou académique que par des praticiens en défense ou en poursuite.

De plus, la rédaction du présent projet a été précédée par celle d'un avant-projet de Code de procédure pénale qui a été soumis à un examen public lors de la commission des institutions tenue en mars dernier. L'avant-projet y fut accueilli favorablement par l'ensemble des intervenants qui, de plus, nous ont fait bénéficier de leurs critiques constructives, ce qui a permis d'apporter certains ajustements au projet de loi. (23 h 20)

Pour illustrer cette évolution de l'avant-projet de loi, soulignons plus particulièrement que nous avons révisé ou même supprimé certaines règles de preuve qui avaient été interprétées comme pouvant porter atteinte à la tradition d'interprétation restrictive du droit pénal, interprétation perçue comme garante des droits des justiciables.

De plus, nous avons implanté le système de télémandats, déjà utilisé en matière criminelle pour permettre aux autorités judiciaires de contrôler les perquisitions de manière à prévenir, dans un maximum de cas, les atteintes aux droits, au respect de la vie privée. Nous avons aussi assoupli les règles relatives à la prescription et restreint les cas où un cautionnement pouvait être exigé d'un défendeur. En somme, nous avons tenté d'établir le meilleur équilibre possible entre les droits des individus et les impératifs de l'administration de la justice pénale.

Le constat d'infraction demeure, sans nul doute, l'axe principal de la réforme. C'est autour de cette nouvelle procédure introductive d'instance que se greffent les règles relatives à la perquisition et à l'arrestation, les demandes préliminaires, l'instruction de la poursuite ainsi que les différents moyens de se pourvoir contre un jugement, comme la rétractation ou la rectification de jugements, les recours extraordinaires ainsi que les appels à la Cour supérieure ou à la Cour d'appel du Québec.

Pour bien comprendre la raison pour laquelle le constat d'infraction constitue l'élément essentiel de la réforme, il faut savoir que ce constat, qui est un document remis à une personne pour lui signifier qu'elle est accusée d'avoir commis une infraction et qu'elle devra subir une peine en cas de déclaration de culpabilité, sert à introduire toutes les poursuites pénales pour sanctionner chacune des infractions aux lois du Québec. Le constat d'infraction supprime les actuelles étapes d'introduction de la poursuite qui sont: l'avis préalable, la dénonciation, la sommation et la comparution. Le constat permet plutôt une communication directe entre le poursuivant et le défendeur. Il indique, en effet, au défendeur ce dont il est accusé, la peine réclamée ainsi que la procédure à suivre pour prendre ses responsabilités et faire valoir ses droits. Il serait, par exemple, inscrit sur le constat que le défendeur a 30 jours à compter de la signification pour faire connaître au poursuivant sa position face à l'accusation. Il devra alors faire parvenir dans ce délai et à l'endroit qui lui est indiqué sur le constat soit un plaidoyer de non-culpabilité, soit un plaidoyer de culpabilité avec le paiement du montant d'amende exigé, soit un plaidoyer de culpabilité avec une indication de son intention de faire des représentations quant à la peine.

En somme, le constat permet de circonscrire les litiges et de redonner au débat pénal son véritable caractère

adversaire. Avec ce constat, le défendeur saurait exactement quelle accusation pèse contre lui et quelle est la peine qui peut lui être imposée en cas de déclaration de culpabilité. En somme, les renseignements contenus dans le constat d'infraction permettront au défendeur d'être mieux informé avant de transmettre un plaidoyer. De plus, la formule de constat est suffisamment souple pour s'adapter aux cas les plus simples, comme les infractions aux règlements sur le stationnement, ou aux cas les plus complexes, comme en matière fiscale ou en matière de valeurs mobilières.

Voici concrètement comment peut se dérouler cette procédure. Dans les cas les plus simples, le constat d'infraction pourra être remis de main à main au contrevenant par l'agent de la paix dès que celui-ci aura constaté que le défendeur a commis une infraction. Dans les cas plus complexes, soit ceux qui nécessitent une enquête plus approfondie, la signification de constat d'infraction pourrait généralement être faite dans l'année qui suit l'infraction par un agent de la paix, un huissier, ou par courrier recommandé ou certifié.

Cette procédure est en outre certainement moins coûteuse tant pour le citoyen que pour l'administration de la justice car elle permet de faire des économies de temps et d'argent par l'élimination des coûts attachés aux étapes actuelles introductives de poursuite. Elle va également contribuer à diminuer le nombre des remises avant l'instruction ainsi que l'assignation inutile de témoins. De plus, on peut escompter une diminution- du taux d'occupation des salles d'audience et du nombre de dossiers ouverts dans les greffes des tribunaux. Finalement, l'accélération du processus d'introduction de la poursuite aura certainement un effet d'entraînement sur la perception des amendes et l'exécution des jugements sans compter les économies réalisées au niveau carcéral par l'implantation à l'échelle provinciale des mesures alternatives à l'emprisonnement.

La réforme de la procédure ne se limite pas dans le présent projet à simplifier les règles d'introduction de la poursuite. Elle commence déjà au moment de l'enquête sur l'infraction. C'est pourquoi les règles générales de droit relatif aux perquisitions ont été exposées de manière à faire ressortir clairement les limites qui ont été tracées par le "common law" et les tribunaux. Les obligations de ceux qui effectuent des perquisitions comme celles de s'identifier, de rédiger un procès-verbal de saisie et d'assurer la garde des choses saisies ont été mises en évidence. Il en est de même des droits des citoyens d'examiner ces choses, d'en obtenir la remise et d'être protégés contre la saisie de renseignements confidentiels.

De plus, le principe de l'accès aux documents relatifs aux perquisitions a été affirmé. Il est maintenant possible de prendre connaissance d'un mandat de perquisition et de la déclaration qui a donné lieu à sa délivrance. Cet accès pourrait cependant être limité dans les cas où la protection d'une source d'information ou de la vie d'une personne, le respect de droit à la vie privée ou le déroulement d'une enquête en cours l'exigent.

Par ailleurs, les possibilités de perquisition sans mandat ont été limitées au maximum. Désormais, si une situation d'urgence empêche la délivrance d'un mandat de perquisition, celui qui doit perquisitionner devra obtenir un télémandat. Ainsi, tous les moyens ont été pris pour protéger le droit des personnes à leur vie privée tout en donnant de meilleurs outils à ceux qui appliquent la loi.

Un même souci de respecter les droits des justiciables allié à une volonté d'efficacité administrative se manifestent en matière d'arrestation. Ce pouvoir de contrainte est strictement limité aux cas où il est clairement établi qu'un individu cherche à faire échec au système de justice pénale et à contrevenir impunément aux lois et règlements du Québec. Dans cette perspective, le pouvoir d'arrestation se limite à trois cas précis, soit lorsque le contrevenant refuse de déclarer ses nom et adresse pour empêcher la signification d'un constat d'infraction, lorsque c'est le seul moyen d'empêcher la perpétration d'une infraction ou sa continuation, ou lorsqu'une personne refuse de fournir un cautionnement alors qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle veut se soustraire à la justice en quittant le territoire du Québec. (23 h 30)

Par ailleurs, l'arrestation devra être pratiquée dans le respect du droit à la vie privée des citoyens. De plus, celui qui procède à l'arrestation devra informer le contrevenant avant d'agir puis le remettre en liberté dès que la détention n'est plus justifiée.

La volonté d'appliquer les lois tout en respectant la liberté des justiciables trouve son aboutissement dans l'affirmation du fait que l'emprisonnement devient une mesure exceptionnelle de sanction des infractions pénales au Québec. Ainsi, il n'y a plus de peine d'emprisonnement sauf si le législateur le prévoit expressément ou s'il s'agit d'un cas d'emprisonnement pour outrage au tribunal ou pour défaut de paiement d'une amende.

Il convient cependant, Mme la Présidente, de souligner que toutes les précautions possibles ont été prises pour éviter l'emprisonnement pour défaut de paiement d'une somme due par un contrevenant. Les mesures alternatives à l'emprisonnement,

par exemple, les travaux compensatoires, s'appliqueront désormais pour l'exécution de tous les jugements rendus au Québec en matière pénale, y compris ceux rendus par les juges des cours municipales. Ces mesures pourront, de plus, être offertes aux mêmes contrevenants qui ont été déclarés coupables par défaut et que l'on n'a pu retracer après jugement.

Dans le cas de ces introuvables, au lieu de déclarer immédiatement un mandat d'emprisonnement contre eux, il sera désormais possible de décerner un mandat pour les amener devant le percepteur afin que celui-ci puisse, le cas échéant, leur offrir d'exécuter des travaux compensatoires ou prendre les mesures appropriées pour qu'ils satisfassent au jugement rendu contre eux. En outre, il est à remarquer que les agents qui exécutent le mandat pourront remettre le contrevenant en liberté si celui-ci déclare sa nouvelle adresse et s'engage à rencontrer le percepteur.

À toutes les précautions prises au niveau de l'enquête et l'exécution des jugements s'ajoute celle prise pour assurer au citoyen une défense pleine et entière et un jugement fondé sur le respect des règles de droit. Le code introduit en outre le recours à la rétractation de jugement, soit à la demande du défendeur qui n'a pas eu l'occasion de faire valoir sa défense, soit à la demande d'un poursuivant qui se rend compte qu'un défendeur a été déclaré coupable injustement par suite d'une erreur administrative.

En terminant, Mme la Présidente, je peux donc encore une fois vous assurer que la réforme proposée aujourd'hui a été marquée par un souci d'objectivité et d'équité et que ce code, tout en permettant une amélioration de l'administration de la justice pénale au Québec, protégera mieux tant les justiciables que la société. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi 75 qui, malgré sa présentation un peu technique, n'en revêt pas moins une importance capitale pour l'ensemble des justiciables du Québec, et je vais vous expliquer pourquoi.

D'abord, le projet de loi 75 contient essentiellement la procédure applicable lorsqu'une poursuite sera intentée à la suite d'une perpétration d'une infraction à une loi adoptée par ce Parlement. Ce qu'on appelle dans le jargon tout le droit statutaire pénal sera donc maintenant régi non pas par la Loi sur les poursuites sommaires, mais bien plutôt par ce nouveau Code de procédure pénale. Important donc, parce que l'ensemble des citoyens sont appelés à comparaître à un moment ou l'autre de leur vie ou à recevoir, pour donner un exemple plus concret, un billet de contravention au Code de la sécurité routière. D'autres lois, par exemple, qui sont fréquemment l'objet de poursuites devant les tribunaux, la Loi sur les impôts, la Loi sur les valeurs mobilières du Québec ou n'importe quelle autre loi statutaire.

Comme vous le savez, ce Parlement a adopté un nombre considérable, volumineux, de lois. Plusieurs ne donnent pas lieu à des poursuites, mais plusieurs autres sont quand même appliquées quotidiennement. En deux mots, il n'y a pas beaucoup de citoyens ou de citoyennes qui n'ont jamais eu affaire avec les tribunaux pour des infractions au droit statutaires québécois.

Le présent projet de loi contient donc la procédure qui devra être suivie par les tribunaux pour que justice soit rendue. C'est un projet de loi important. Il est quand même paradoxal, Mme la Présidente, qu'un projet de loi d'une importance semblable soit appelé à 23 h 45, jeudi soir, alors qu'il n'y a aucune cour de justice qui siège, qu'il n'y a même aucun jury qui est contraint de délibérer à cette heure. Mais, quand même, comme législateurs, on nous demande de faire notre travail à cette heure avancée, presque de la nuit. On en est - vous l'aurez compris aisément - donc à cette période de fin de session où des éléments importants de notre législation seront discutés, alors il n'y a à peu près que les insomniaques qui nous écoutent, alors que l'esprit même des parlementaires est moins efficace, en vertu de la loi des rendements décroissants, qu'il pouvait l'être ce matin.

Alors, c'est donc à cette heure tardive que l'on nous demande d'étudier une pièce de législation d'apparence rébarbative, j'en conviens, pour le député de Bourget ou pour d'autres. Ces pièces de législation sont l'affaire d'avocats, d'avocasseries, de juridisme, de légalisme, bien non! Justement, le Code de procédure pénale, le projet de loi 75, c'est un peu l'affaire de tout le monde, parce que tout le monde va avoir à se présenter devant les tribunaux pour avoir garé son automobile un peu plus longtemps que prévu ou à cause de la Loi sur les impôts, ou à cause de la Loi sur les valeurs mobilières, ou à cause de n'importe quelle autre infraction en vertu de la Loi sur les poursuites sommaires du Québec.

Quel député... Il en reste peu à cette heure tardive - nous n'invoquerons pas le quorum me signale le leader de l'Opposition - qui peuvent écouter les propos du ministre de la Justice, les miens ou ceux des députés qui voudront bien s'ajouter, par la suite, aux nôtres, mais quel député n'aura pas à son

bureau de comté, dans quelques mois, le cas d'un individu qui aura eu une perquisition sans mandat, le cas d'un individu qui n'aura que trente jours pour prendre connaissance d'un constat d'infraction, qui pourrait être mal libellé, qui ne contiendrait pas tous les éléments essentiels ou un électeur qui se sera présenté devant les tribunaux et pour lequel le juge aura modifié l'acte d'accusation parce que le projet de loi lui permettra de le faire.

Donc, Mme la Présidente, c'est un projet de loi dont l'importance est inversement proportionnelle à l'attention que le parti ministériel accorde à cette Chambre. Comme je le disais, c'est quand même paradoxal, M. le ministre de la Justice - je m'adresse à lui directement, vous me le permettrez - si aucune cour de justice ne siège à 23 h 45 le soir, qu'on demande aux parlementaires de faire leur travail de législateurs à cette heure-là. (23 h 40)

Mme la Présidente, le projet de loi 75 qu'on a devant nous a fait l'objet - je tiens à le souligner immédiatement - d'un avant-projet de loi, heureuse initiative prise par le ministre de la Justice... Applaudissez maintenant parce que dans le reste, il y aura peu de sujets où vous pourrez le faire. Donc, heureuse initiative du ministre de la Justice et à la suite des consultations avec l'Opposition, que j'avais l'honneur de représenter, on a pu entendre en commission parlementaire plusieurs groupes: la Commission des services juridiques, le Barreau du Québec, la Chambre des huissiers, la ville de Montréal, la Commission des valeurs mobilières, la Corporation des maîtres électriciens, les usagers de la langue française - j'en oublie un - huit groupes, si ma mémoire est bonne, qui ont été entendus en commission parlementaire sur l'avant-projet de loi.

Cette consultation sur l'avant-projet de loi a permis de modifier considérablement l'avant-projet de loi qui avait été déposé par le ministre de la Justice. Heureusement! Mais il demeure encore à l'intérieur de ce projet de loi des pièces de droit extrêmement capitales qui affectent, dans certains cas, les droits fondamentaux des individus tels que reconnus notamment par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et par la Charte canadienne des droits et libertés.

Il existe encore dans le projet de loi 75 plusieurs matières qui affectent les droits fondamentaux des justiciables québécois. Il faut se le dire maintenant, ce n'est pas vrai que le Code de procédure pénale sera modifié tous les six mois ou tous les trois mois. C'est une innovation avec laquelle nous sommes, mais il est primordial pour la stabilité de la procédure pénale, de s'assurer que le Code de procédure pénale que l'on voudrait voir adopter avant l'ajournement des fêtes puisse être l'objet minutieux de la part des parlementaires et également des groupes concernés comme ceux par exemple qui nous ont fait part de leur opinion au moment de l'étude de l'avant-projet de loi.

Je le dis immédiatement au ministre: le projet de loi a été considérablement bonifié et corrigé dans plusieurs de ses aspects. Mais il demeure que pour les praticiens du Code de procédure pénale, il y aura peu d'avocats au Québec qui n'auront pas à maîtriser ce Code de procédure pénale, surtout quand on pense à ces jeunes avocats qui sortent des facultés de droit en grand nombre, qui ouvrent des bureaux et qui se retrouvent dans des situations où ils ne peuvent à peu près pas refuser de causes parce qu'ils cherchent à faire démarrer une pratique décente du métier qu'ils ont appris à l'université. Donc, cela va affecter également les praticiens, sans parler des magistrats eux-mêmes qui vont devoir appliquer ce texte de loi et, on le sait, le râle des juges n'est pas de refaire le droit, mais bien plutôt d'appliquer les lois qui sont votées par les législateurs; donc, juges, magistrats, juges de paix, les policiers, Mme la Présidente, qui devront pratiquer quotidiennement ce Code de procédure pénale - je donnerai un exemple tantôt qui est absolument un renversement de toute la tradition établie au Québec et que les policiers devront appliquer. Je veux parler du cautionnement qui devra être versé, j'en parlerai un peu plus tard - et les justiciables eux-mêmes.

Tous ces intervenants directs ou potentiels, eu égard au Code de procédure pénale, et l'intérêt de tous ces intervenants comme l'intérêt de la justice la plus fondamentale exigent que le ministre de la Justice agisse avec modération, sagesse et prudence dans l'adoption de son projet de loi 75. C'est pourquoi, Mme la Présidente, nous demandons que des consultations réduites... Nous avons demandé à peine trois heures de consultations pour trois groupes: la ville de Montréal, qui a à administrer un contentieux de masse absolument faramineux, la Commission des services juridiques, qui a produit un mémoire d'une qualité exceptionnelle à la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi et le Barreau du Québec, trois organismes seulement que nous voudrions voir et entendre par le ministre de la Justice et par les parlementaires au cours d'une commission parlementaire réduite. Il ne s'agirait pas ici de retarder l'ensemble du processus, il s'agirait simplement de permettre aux principaux intervenants de donner leur point de vue sur ce projet de loi.

Le Barreau du Québec n'a pas eu l'occasion d'étudier le projet de loi. La Commission des services juridiques ne nous a pas encore fourni son mémoire. Alors

pourquoi cette précipitation à vouloir adopter le projet de loi 75? Nous réitérons donc auprès du ministre de la Justice notre demande de procéder avec modération dans l'adoption du projet de loi 75 pour éviter que, le 21 décembre ou le 23 décembre, cette Chambre n'adopte à toute vapeur une pièce de législation qui, je vous le dis, sera presque révolutionnaire, compte tenu du conservatisme juridique, dans la vie quotidienne des tribunaux.

J'ai traité de la question de la charte des droits. Même ceux qui ne pratiquent pas le droit savent que la charte québécoise des droits et la charte canadienne des droits sont des outils tout à fait courants devant les tribunaux. On assiste actuellement à un nombre tout à fait grandissant de contestations, de poursuites, basé sur les chartes québécoises et canadiennes devant les tribunaux. Le Code de procédure pénale affecte, le ministre l'a reconnu dans son discours tantôt, les droits les plus fondamentaux des individus. Si le Code de procédure pénale n'est pas adopté de la meilleure façon possible, on peut d'ores et déjà prévoir un nombre considérable de contestations du Code de procédure pénale par les praticiens, ce qui va créer dans le domaine juridique une insécurité qui n'existe pas présentement parce que, je vous le signale immédiatement, le Code de procédure pénale contient des éléments de droit nouveau, bien sûr, quant à la Loi sur les poursuites sommaires, mais également des éléments de droit nouveau concernant l'avant-projet de loi déposé par le ministre. Est-ce qu'on voudrait chercher à ce que la constitutionnalité et la légalité du Code de procédure pénale soit l'objet de poursuites incessantes devant les tribunaux, qu'on ne pourrait pas agir autrement?

Ce que je dis, Mme la Présidente, c'est qu'il n'y a absolument aucune urgence pour le ministre de la Justice d'adopter ce projet de loi avant le 23 décembre, aucune urgence. Il n'y a pas de vide juridique. La Loi sur les poursuites sommaires est là. C'est une réforme entreprise avant l'arrivée du présent ministre de la Justice, c'est un travail qui a été amorcé sous les gouvernements précédents. Pourquoi se précipiter? Pourquoi ne pas profiter du délai d'intersession, par exemple, si le ministre ne veut pas le faire actuellement, pour entendre certains groupes de sorte qu'au mois d'avril, on puisse adopter un Code de procédure pénale qui se tienne debout, qui marche autant en hiver qu'en été, qui ne sera pas contesté quotidiennement devant les tribunaux et qui sera un petit peu compris par les citoyens, par les policiers, par les avocats et par les juges? Est-ce normal que le Barreau du Québec écrive en date d'avant-hier qu'il est en train d'étudier le projet de loi, alors que le ministre de la Justice voudrait l'adopter?

Pourquoi cette espèce d'empressement de la part du ministre de la Justice à vouloir adopter le projet de loi 75? Je vais vous le dire franchement, Mme la Présidente, je n'en vois pas. (23 h 50)

Si le gouvernement veut meubler le menu législatif qu'il aura fait adopter avant l'ajournement des fêtes, je vais vous dire que ce n'est pas le Code de procédure pénale qui va faire une différence aux yeux des chroniqueurs politiques, aux yeux des observateurs. On ne pourra pas dire: Écoutez, le Code de procédure pénale, vous savez, on l'a adopté. Non. Je vais vous dire que c'est une réforme, oui, mais on en attend bien d'autres en matière de parité de l'aide sociale. On en attend bien d'autres en ce qui concerne la participation au Régime de rentes de la femme au foyer. Il y a bien d'autres préoccupations qui existent dans la tête des citoyens que celle du Code de procédure pénale.

Lorsque M. le leader du gouvernement fera sa conférence de presse avec M. le premier ministre pour dire: Voici ce qu'on a fait durant la session, ce n'est pas le Code de procédure pénale qui va faire la différence. Pourquoi cet empressement, au-delà de la réflexion du Barreau du Québec et de la Commission des services juridiques, à vouloir adopter le projet de loi 75?

Je vais donner immédiatement un exemple au ministre. Je disais qu'il y avait des éléments de droit nouveau là-dedans. Je vais en formuler seulement un. Le projet de loi 75 va permettre à l'agent de la paix qui procède à une arrestation de fixer un cautionnement qui sera remis en argent comptant par le citoyen qui est victime d'arrestation à l'agent de la paix. Cela veut dire que, pour la première fois de l'histoire judiciaire du Québec, on introduit la notion de transaction - passez-moi l'expression -mais, en tout cas, d'un échange d'argent entre un policier qui est chargé d'appliquer la loi et un citoyen qui, présumément, est ou pourrait être trouvé coupable d'une infraction, le cautionnement étant égal ou supérieur au montant correspondant à l'amende plus les frais si l'individu était trouvé coupable de cette infraction.

Dans certaines circonstances, c'est exactement ce que prévoit le projet de loi. Si le ministre veut avoir les articles précis pour s'y référer, il s'agit, sauf erreur, des articles 76 et 77 de son projet de loi. On parle d'un échange d'argent possible entre l'agent de la paix et le citoyen. Quand je dis échange d'argent, c'est le versement d'un cautionnement qui se fera non pas au greffe du palais de justice, mais entre les policiers et les justiciables. Cela veut dire ceci. Cela n'existe pas dans notre droit. Le ministre veut introduire cela et il voudrait qu'on adopte ces dispositions à toute vapeur pour

que tout le monde vive avec cela alors qu'il n'y a aucune préparation et aucune information et qu'on n'a pas testé, bien sûr, la constitutionnalité de ces articles. Je pense que c'est vraiment un exemple qui est tout à fait frappant.

Le projet de loi 75 est destiné, le ministre l'a dit, à réformer globalement la procédure applicable à la suite de la commission d'une infraction à une loi ou à un règlement du Québec. De façon générale, vous aurez compris, je l'ai déjà dit, que c'est une initiative intéressante que celle de revoir d'abord la Loi sur les poursuites sommaires et, deuxièmement, de codifier la procédure pénale pour assurer la plus grande uniformité possible au chapitre de la procédure applicable dans la totalité des matières pénales provinciales. Que la procédure actuelle soit trop lourde, soit! Je pense qu'il n'y a pas de doute là-dessus. Quand on songe à la procédure actuelle qui est suivie notamment par certaines municipalités: avis préalables, dénonciations, sommations, comparutions, etc., cela fait plusieurs étapes pour un billet de stationnement. Cela fait aussi plusieurs étapes pour celui qui a brûlé un feu jaune et qui désire tout simplement s'expliquer devant un juge.

Donc, de vouloir réduire une procédure devenue trop colossale, l'intention est certes louable. Cette procédure a évidemment pour effet de rendre nécessaire la rédaction de plusieurs documents. J'en ai cité quelques-uns tantôt: l'avis préalable, la dénonciation, la sommation, la comparution. Ceci entraîne des frais considérables pour les citoyens. À titre d'exemple, je donne les chiffres de mémoire, Mme la Présidente: un billet de stationnement de 10 $ coûte, en frais, au moins le double. Et dans certains cas, si l'individu retarde à payer, cela peut même presque décupler. C'est-à-dire qu'un billet de 10 $ pourra coûter 110 $ en fin de compte à cause de l'accumulation des frais si le justiciable néglige de suivre les différentes étapes qu'on lui soumet.

Donc, en plus de rédiger un tas de documents, la procédure actuelle fait en sorte que les frais sont de plus en plus considérables. Il y a les significations et les frais de huissier qui sont énormes, il faut se le dire. Les huissiers servent d'auxiliaires précieux à la justice mais il faut payer leurs déplacements. Les gens ne songent pas beaucoup au coût de signification des procédures. Je ne prétends pas que lorsqu'un billet coûte 110 $ à celui qui le paie, le gouvernement fait 100 $ de bénéfice. Ce n'est pas vrai. Le gouvernement ou l'instance municipale doit assurer un tas de frais, dont notamment les frais de huissier qui ne sont pas appelés à diminuer. On peut le dire, ce n'est pas vrai que les huissiers vont nous coûter moins cher en 1987 qu'en 1977. Ceci nécessite évidemment le déplacement de plusieurs personnes. Le ministre a souligné tantôt en ce qui concerne le contenu du projet de loi le fait que plusieurs témoins doivent se déplacer, etc. Tout cela parfois, encore une fois, pour un simple billet de stationnement parce que notre voiture a été garée cinq minutes de trop et que le parcomètre indiquait expiré. Cela commence à faire pas mal! On n'est tout de même pas accusé de meurtre là. Donc, il s'agissait d'alléger la procédure, ce que le présent projet de loi fait.

Les deux côtés de la balance dans le projet de loi, c'est l'effort de rationalisation d'une part, l'effort de diminuer la bureaucratie et d'accélérer la procédure, et l'autre côté de la balance, c'est les droits fondamentaux. On ne peut pas ignorer les droits fondamentaux, notamment quand on pense à certaines poursuites en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, la Loi sur les impôts ou la Loi sur la protection du consommateur où des vendeurs peuvent perdre leur permis, donc perdre leur emploi. La Loi sur les valeurs mobilières prévoit l'emprisonnement et il y a des fraudes qui peuvent être assez considérables. La Loi sur la qualité de l'environnement implique des déboursés considérables pour les compagnies qui ont à oeuvrer dans des secteurs susceptibles de pollution. Il y a aussi la Loi sur la protection de la santé publique et la Loi sur l'aide sociale pour n'en citer que quelques-unes.

Donc, il y a des infractions qui peuvent entraîner la perte de liberté, d'où la nécessité d'assurer un certain formalisme dans la procédure pénale. Les droits fondamentaux et le formalisme d'un côté et de l'autre côté nécessité d'accélérer et d'alléger la procédure. C'est une opération délicate que le ministre voudrait nous voir réaliser en criant ciseau. Je regrette! Le type de réflexion qui doit mener aux prises de décision dans le cas du projet de loi 75 mérite un peu de considération. L'efficacité administrative se fait occasionnellement dans le projet de loi au détriment des droits individuels. Je suis d'accord que l'efficacité administrative est nécessaire et que l'objectif, comme je l'ai dit tantôt, d'un projet de loi comme le Code de procédure pénale est justement de trouver le compromis acceptable. Mais pourquoi se refuser à des consultations qui pourraient éclairer les membres de la commission et le ministre sur la nature du compromis que constitue son projet de loi 75? (minuit)

À cet égard, Mme la Présidente, des changements à l'avant-projet de loi ont dû être apportés et heureusement que l'avant-projet de loi n'a pas été adopté tel quel! Je vais garder pour la commission le soin d'énumérer au ministre les aberrations juridiques que contenait l'avant-projet de loi.

J'ai été heureux de constater que plusieurs ont été corrigées, mais il en reste d'autres. Parce que, encore une fois, l'atteinte aux droits fondamentaux - le ministre a quitté l'université il y a longtemps - c'est quand même important. On ne peut pas, pour arriver à créer une belle procédure, une belle bureaucratie qui baigne dans l'huile, passer par-dessus les droits fondamentaux surtout si le justiciable, lui, peut se retrouver en prison. Je le dis immédiatement: Notre travail en commission sera guidé par l'importance de certains droits fondamentaux qui ont été longuement reconnus à la fois par la jurisprudence, par la charte et que le projet de loi met de côté.

Le prix à payer, Mme la Présidente, est trop élevé, dans certains cas, pour que le ministre nous dise: Écoutez, c'est un choix qu'on a fait, vous savez, c'est comme cela. Non. De toute façon, le Code de procédure pénale va se retrouver charcuté par les tribunaux et, dans deux ans, on se retrouvera ici et il y aura eu 40 jugements qui l'auront invalidé. Cela n'a aucun sens, comme ministre de la Justice, d'assumer cette responsabilité. Le ministre ne peut ignorer les jugements qui ont été rendus en Cour suprême en matière de droits fondamentaux, le ministre ne peut ignorer le jugement qui a été rendu dans l'affaire Oakes sur le renversement du fardeau de la preuve, le ministre ne peut ignorer le jugement rendu par la Cour supreme dans l'affaire du Motor Vehicule Act de Colombie britannique en ce qui concerne la responsabilité stricte et la responsabilité absolue. Ce sont là des jugements de la plus haute cour du pays, qui établissent des principes clairs que le projet de loi écarte dans certains cas. Donc, le formalisme en matière pénale, ce n'est pas seulement un caprice des cours de justice. Comme l'a si bien dit le juge Wilson de la Cour suprême, dans l'affaire Singh contre la reine, en matière d'immigration, les considérations administratives ne doivent pas l'emporter sur les principes de justice fondamentale. La Cour suprême a, d'ailleurs, eu l'occasion de répéter ces considérations, cette affirmation dans le cas du Code de la sécurité routière de la Colombie britannique.

Je suis très sensible aux considérations bureaucratiques, mais il y a un prix à payer et lorsque de prix est l'atteinte aux droits fondamentaux, bien là, je dois vous dire que je ne... Le formalisme existe depuis plusieurs siècles et a pour but d'éviter des abus. On ne peut pas rester insensible à un cas d'injustice lorsque, encore une fois, cela peut signifier pour un justiciable des montants d'argent considérables ou la perte de sa liberté. Donc, il ne faut jamais oublier que les raisons d'efficacité pouvant être avancées par le législateur ne peuvent tenir face à des principes et à des droits que les chartes reconnaissent au prévenu. Les chartes sont des lois qui ont préséance. Si l'on veut vraiment être cohérent avec nous-mêmes, je pense que ce serait difficile pour le législateur d'arriver à adopter des dispositions qui vont à l'encontre des chartes des droits et libertés en espérant que cela dure trois ou quatre ans avant qu'on ait un jugement sur la tête et qu'on soit obligé de revenir ici pour modifier cela.

Par exemple, la présomption d'innocence; même ceux qui ne sont pas avocats savent, je pense, grosso modo qu'on vit dans une société où chaque individu accusé est présumé innocent tant qu'un jugement final d'une cour supérieure ne l'a pas reconnu coupable. C'est assez bien connu, même en dehors de l'Université de Montréal et des facultés de droit, les gens le savent, en général. Pourtant, même si c'est un principe reconnu universellement, la présomption d'innocence, qui fait partie intégrante de notre droit pénal et du droit criminel, bien sûr, à titre de règle jurisprudentielle et à titre de règle législative et constitutionnelle, est écartée d'une partie du projet de loi qui concerne les règles de la preuve. J'admets que le chapitre qui concerne les règles de la preuve a été remodelé de façon importante entre la version de l'avant-projet de loi et le projet de loi 75. Mais, quand même, il demeure certains accrocs à la présomption d'innocence. Par exemple, on peut citer, uniquement à titre d'illustration, les articles 64 ou 71 du projet de loi, qui sont, encore une fois, des accrocs possibles à la présomption d'innocence.

J'aborderai maintenant une autre illustration de mon propos, soit le droit à une décision impartiale. On sait que la procédure du Code de procédure civile concernant l'outrage au tribunal est de plus en plus critiquée. Plusieurs intervenants ont déjà émis des commentaires selon lesquels il était contraire aux droits fondamentaux qu'un juge soit à la fois juge et partie dans une cause d'outrage. Encore une fois, même en dehors des cercles des facultés de droit, il est clair, il est accepté qu'on ne peut pas être juge et partie. On n'accepterait pas, même dans des forums moins prestigieux que les cours de justice, que celui qui juge soit l'une des parties. Pourtant, le projet de loi 75, déposé par le ministre, bafoue ce droit à une décision impartiale en ce qui concerne l'outrage au tribunal qui a été repris. Il y aurait donc lieu de mettre au point un mécanisme afin que les causes d'outrage au tribunal soient entendues devant un juge différent; pas le même juge devant lequel l'outrage aurait possiblement été commis.

Autre illustration du droit à une défense pleine et entière. Ce principe fondamental de la justice est également mis en cause, mis en brèche, notamment, par

l'article 179 - je donne des exemples au ministre pour qu'il puisse se préparer pour la commission parlementaire - du Code de procédure pénale qu'il dépose. Cette disposition édicte que le juge doit permettre au poursuivant de modifier un chef d'accusation pour y préciser un détail ou pour corriger une irrégularité, notamment, un élément essentiel de l'infraction. Or, l'inculpé a le droit de connaître tous les éléments essentiels du chef d'accusation qui le concerne.

Voilà quelques exemples, Mme la Présidente, car je ne voudrais pas allonger nos débats à cette heure indue et je vais réduire là ma liste d'illustrations. Voilà quelques exemples, dis-je, du type de problématique que pose le projet de loi. Si le ministre veut bien écouter notre suggestion, il va accepter de faire une consultation particulière de trois heures. Il va accepter que les organismes spécialisés dans ces problèmes soient entendus en commission parlementaire. Il va donc accepter de reporter l'étude article par article de son projet de loi après l'ajournement de Noël, pour permettre, encore une fois, une réflexion plus décantée, une réflexion mieux articulée afin d'éviter que ne soient prises en fin de session des décisions qui pourraient mettre en cause les droits des justiciables et qui pourraient affecter des milliers de procès au Québec, tout cela pour faire en sorte que justice soit mieux rendue. Ce qui est important, c'est que la justice soit mieux rendue au Québec. Il ne s'agit pas d'ajouter à un bilan de fin de session un Code de procédure pénale. (0 h 10)

Donc, avec ces illustrations, je suis convaincu que le ministre se rendra à mes arguments. Je voudrais, en terminant, et, encore une fois, sans allonger le débat, ajouter que, bien sûr, le projet de loi contient également un point fort en ce qui concerne la réduction minimale des peines d'emprisonnement. Je ne sais pas si le ministre l'a signalé tantôt, mais c'est là une réforme entreprise sous le gouvernement précédent, au début des années quatre-vingt, visant à éviter la situation que dénonce le rapport Landreville, soit que 50 % des gens, dans nos prisons, sont là parce qu'ils n'ont pas payé leur amende. Quand on sait qu'un détenu coûte environ 80 $ par jour à la société, c'est bien sûr qu'il faut absolument développer des alternatives à l'incarcération d'une façon tout à fait accélérée. C'est là une réforme entreprise - on me corrigera -je pense, en 1981 ou en 1982.

Par contre, je signale immédiatement au ministre que c'est beau de favoriser les saisies mobilières ou immobilières, de favoriser les travaux compensatoires, mais encore faut-il qu'il existe des ressources humaines nécessaires pour appliquer et surveiller ces travaux compensatoires. En deux mots, il faut des mécanismes adéquats qui vont permettre l'exécution de ces travaux compensatoires, si on veut qu'il existe de véritables alternatives à l'incarcération. Autrement, les juges ne seront pas dupes de ce qui se passe et ne condamneront pas à des travaux compensatoires. Les juges vont continuer à condamner à la prison en se disant que les travaux compensatoires, il n'y a, de toute façon, personne pour les appliquer. Il n'y a pas suffisamment d'agents de probation, il n'y a pas suffisamment de personnel pour le faire. Ces types-là ont des charges de travail absolument phénoménales. Donc, avant de se péter les bretelles au sujet des alternatives à l'incarcération, il faudrait s'assurer que, de façon adéquate, on puisse traiter ces cas de travaux compensatoires.

Mme la Présidente, j'aurais pu poursuivre mes propos beaucoup plus longtemps. D'ailleurs, je m'étais préparé pour entretenir cette Chambre beaucoup plus longtemps, mais il est minuit et douze minutes et je ne voudrais pas abuser de la patience de mes collègues qui m'écoutent encore, ceux ou celles qui m'écoutent encore. Nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, de revenir sur ces sujets, mais, dans son droit de réplique, j'aimerais bien que le ministre tente de nous expliquer pourquoi il tient absolument à voir adopter ce projet de loi avant l'ajournement des fêtes. Pourquoi ne profite-t-il pas de l'intersession pour qu'avec calme, modération, sagesse et prudence, les qualités que l'on reconnaît généralement au ministre de la Justice, on puisse étudier le projet de loi et faire en sorte que ce qu'on adopte soit ce qu'il y a de mieux dans les circonstances?

Comme le disait le ministre de la Justice français, M. Peyrefitte, un projet de loi est toujours perfectible, je le sais. Mais, dans ce cas-ci, je dois dire que la perfection est loin d'être atteinte et qu'il existe plusieurs secteurs du projet de loi qui mériteraient de recevoir l'éclairage des intervenants. Or, là-dessus, je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre de la Justice, en réplique.

M. Herbert Marx (réplique)

M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Cela m'a surpris quand le député de Taillon a regardé l'horloge et a dit: II est minuit et douze minutes, j'espère que quelqu'un m'écoute et ainsi de suite. Quand on a quelque chose de sérieux à dire, il y a toujours des gens pour nous écouter. J'aimerais dire au député de Taillon que minuit et douze minutes, c'est tût, ce n'est

pas tard, parce que je me souviens d'avoir été ici, en cette Chambre, dans le salon bleu, à 4 heures, avec Pierre Marc Johnson, qui était ministre de la Justice à l'époque où on a fait l'étude article par article d'un de ces projets de loi omnibus de 300 ou 400 articles. Il n'y avait...

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Marx: ...même pas eu un président de séance et, à la fin, vers 4 h 30, c'était nécessaire pour moi de quitter mon siège, de venir ici et d'agir comme président pour qu'il soit possible de clore le débat. Je trouve qu'à minuit et quinze minutes, c'est tout à fait normal, dans la période intensive de nos travaux.

Le député de Taillon avait raison de dire, lorsque j'ai déposé un avant-projet de loi, qu'il était heureux qu'on n'ait pas adopté l'avant-projet de loi, car un avant-projet de loi ne peut être adopté, Mme la Présidente. Un avant-projet de loi est déposé pour consultation. Nous avons déposé un avant-projet de loi en décembre 1986, il y a maintenant un an. On a donné à la population un an pour examiner notre projet de loi. Nous sommes allés en commission parlementaire et nous y avons entendu, comme le député l'a bien dit, des organismes.

Maintenant, le député de Taillon demande une consultation. Premièrement, j'aimerais lui dire que nous n'avons pas reçu de lettres d'organismes pour demander plus de consultation. Mme la Présidente, j'aimerais souligner au député de Taillon que les légistes du ministère de la Justice ont contacté aujourd'hui le président de la Commission des services juridiques qui a dit qu'il n'y a pas d'autre intervention à faire, que les interventions que la commission a voulu faire étaient faites. Les légistes ont contacté le directeur général du Barreau du Québec et il semble que le Barreau n'ait pas d'autre intervention à faire dans ce projet. Nous n'avons par reçu de lettre du Barreau du Québec, à ma connaissance; je l'ai vérifié il y a quelques minutes avec nos légistes.

En ce qui concerne la ville de Montréal, nous l'avons tenue au courant jusqu'à la dernière minute de toutes les modifications que nous avions apportées à l'avant-projet de loi et il semble que la ville soit satisfaite des modifications que nous avons apportées. Donc, Mme la Présidente, il n'y a aucune raison de tenir d'autres consultations. À un moment donné, c'est aux députés de prendre leurs responsabilités et de trancher s'ils ont deux opinions différentes. Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités.

Le député de Taillon a donné un certain nombre d'illustrations. Il a dit: II faut examiner telle et telle chose. Je ne peux rétablir tous les faits, mais j'aimerais rétablir les faits dans deux de ses illustrations. Il a parlé de cautionnement. Ah, bon! Rien n'a changé, Mme la Présidente, le montant minimal est déjà fixé par la loi; cela a été introduit par mon ami, Marc-André Bédard, qui était ministre de la Justice en 1982. J'étais d'accord avec le ministre à l'époque et je suis d'accord avec cette disposition aujourd'hui. Ce que nous faisons dans le projet de loi devant la Chambre, Mme la Présidente, c'est modérer cette disposition, c'est-à-dire qu'elle s'applique seulement si quelqu'un est sur le point de quitter le Québec et, si le montant exigé comme cautionnement est supérieur à l'amende, c'est un juge qui doit le déterminer. Je réfère le député à l'article 74.1 de la loi actuelle sur les poursuites sommaires.

Le député de Taillon, pour rétablir les faits quant à sa deuxième illustration, il a dit: II y a des problèmes avec la présomption d'innocence. Il a cité deux articles, l'article 64 et l'article 71. Cette même disposition de l'article 64 existe dans la loi actuelle et l'article 71 est à peu près le même que la disposition dans la Loi sur la preuve du Canada. Donc, je pense qu'il n'y a pas vraiment de problème avec ces deux articles que le député a soulevés. (0 h 20)

Mme la Présidente, en terminant, j'aimerais souligner que nous avons déposé un avant-projet en décembre 1986. Nous avons tenu une commission parlementaire où tout le monde a eu l'occasion de s'exprimer. Nous avons modifié l'avant-projet et le projet qui est devant la Chambre est prêt à être étudié article par article en commission parlementaire et c'est notre intention.

Le député de Taillon, je l'admets, est un excellent avocat qui fait des critiques qui se tiennent; on l'écoute en commission parlementaire et on est prêt à l'écouter encore lors de l'étude article par article. Chaque fois qu'on trouvera qu'il y a des modifications à apporter à la loi, nous serons prêts à accepter les modifications que proposera le député de Taillon. On a toujours travaillé de cette façon à nos commissions parlementaires et nous avons hâte de l'entendre à l'étude article par article en commission parlementaire. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice. Le débat sur l'adoption du principe étant clos, est-ce que le principe du projet de loi 98, Loi modifiant le Code civil en matière d'indexation... Je m'excuse, je me trompe de projet de loi...

M. Marx: Adopté.

La Vice-Présidente: Je m'excuse.

M. Marx: C'est le 75.

La Vice-Présidente: Ah! Je l'ai. Est-ce que le principe du projet de loi 75, intitulé Code de procédure pénale, est adopté?

M. Marx: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le ministre de la Justice.

Renvoi à la commission des institutions

M. Marx: Mme la Présidente, je fais motion pour déférer ledit projet de loi à la commission des institutions.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le ministre de la Justice.

M. Marx: J'appelle l'article 26.

Projet de loi 98 Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 26 de notre feuilleton, le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 98, Loi modifiant le Code civil en matière d'indexation de pensions alimentaires. M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi que nous étudions modifie le Code civil pour permettre l'indexation automatique des pensions alimentaires octroyées par un jugement, tant en matière de divorce qu'en matière de séparation de corps, d'annulation de mariage ou de filiation. Actuellement, comme vous le savez, le Code civil prévoit l'obligation pour le tribunal d'ordonner, à la demande d'une partie ou d'office, l'indexation des aliments payables sous forme de pension, selon l'indice annuel des rentes établi conformément à la Loi sur le Régime de rentes du Québec, à moins que la situation des parties ne justifie la fixation d'un autre indice. Ces dispositions devront s'appliquer dans tous les cas où une ordonnance de pension alimentaire est rendue.

Cependant, l'expérience passée nous a révélé que ces dispositions n'atteignaient pas pleinement les résultats escomptés. En effet, malgré son libellé, il appert que les créanciers alimentaires oublient de demander l'indexation et que les tribunaux oublient de se prononcer sur cette question. Les tribunaux omettent trop souvent de prononcer l'indexation de la pension alimentaire et ce, tant en matière de divorce qu'en matière de séparation de corps. Une enquête récente indique que, pour le district de Québec, sur 170 jugements de divorce rendus en janvier 1987, 67, soit 39,4 %, prévoyaient une pension indexée et 103, c'est-à-dire 50,6 %, accordaient une pension sans prononcer son indexation. Pour ce qui est du district de Montréal, sur 1005 jugements de divorce rendus en janvier et février 1987, 491, c'est-à-dire 48,9 %, attribuaient une pension avec indexation et 514, c'est-à-dire 51,1 %, accordaient une pension sans prononcer son indexation.

Il ressort donc de cet échantillonnage que les jugements de divorce comportent en moyenne l'indexation du montant de la pension alimentaire dans 44,1 % des cas. On ne peut donc, Mme la Présidente, que déplorer le nombre important de créanciers alimentaires qui perçoivent une pension non indexée à l'augmentation du coût de la vie et qui, par le fait même, s'appauvrissent annuellement.

Certes, dans l'état actuel du droit, il est possible pour les créanciers alimentaires, dont le jugement omet de se prononcer sur l'indexation, de se pourvoir en appel ou de présenter une requête en révision de la pension alimentaire.

Toutefois, compte tenu des conditions auxquelles peuvent être assujettis ces recours, des frais occasionnés, que la majorité des créanciers ne sont pas en mesure de défrayer, et de l'incertitude inévitable quant à la réussite de ces recours, un grand nombre de créanciers alimentaires préféreront supporter l'appauvrissement qui résulte de l'inflation plutôt que d'entreprendre de telles procédures judiciaires.

La solution à ces difficultés résidait, donc, dans l'établissement d'une disposition générale qui permettra l'indexation annuelle et de plein droit des pensions alimentaires ordonnées dans le cadre d'un jugement de divorce ou autrement. Et c'est la solution retenue dans le projet de loi présenté devant vous aujourd'hui. En effet, ce dernier vise à remplacer les dispositions actuelles du Code civil par une disposition générale qui a pour but de maintenir la valeur monétaire réelle de la créance qui résulte d'un jugement accordant des aliments payables sous forme de pension en prévoyant leur indexation de plein droit le 1er janvier de chaque année, suivant l'indice annuel des rentes établi conformément à la Loi sur le Régime de rentes du Québec.

Il est aussi précisé que cette règle d'indexation de plein droit est sujette à une certaine discrétion judiciaire. En effet, dans le cas où elle entraînerait une disproportion sérieuses entre les besoins du créancier et les facultés du débiteur, le tribunal pourrait soit fixer un autre indice d'indexation, soit

ordonner que la créance ne soit pas indexée.

Il était, vous le conviendrez aisément, nécessaire de prévoir une certaine discrétion judiciaire pour permettre au tribunal d'éviter des situations injustes ou inéquitables pour les parties. Ainsi, tout en érigeant la règle de l'indexation de plein droit, la mesure proposée s'intègre harmonieusement au sein des principes qui régissent, tant en vertu du Code civil que de la Loi sur le divorce, la détermination des ordonnances alimentaires. En outre, cette mesure s'applique pour tous de façon égale, que la pension soit accordée en matière de divorce, de séparation de corps, d'annulation de mariage ou de filiation.

Enfin, en évitant que l'écoulement du temps depuis un jugement rendu ne soit un facteur qui préjudicie injustement aux créanciers alimentaires, la mesure proposée s'inscrit dans la lignée des articles 1056c et 1078.1 du Code civil qui apportent un bénéfice similaire à d'autres catégories de créanciers. À l'instar de ces dispositions, la mesure proposée démontre notre volonté, dans le cadre des compétences qui nous sont dévolues, d'améliorer la situation de personnes qui, autrement, pourraient être indûment défavorisées.

Telle est, donc, Mme la Présidente, la mesure proposée par ce projet de loi. Son objectif clairement identifié est de maintenir la valeur monétaire de la créance. J'estime qu'elle apporte une solution concrète à un problème spécifique qu'il importait de régler le plus tôt possible. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice. M. le député de Taillon.

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Je vais demander l'ajournement des débats.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Nous allons donc ajourner nos travaux jusqu'à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 30)

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