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(Quatorze heures douze minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir.
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents. M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. M. le leader du gouvernement en son
nom.
Rapport annuel de la RAAQ
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je voudrais
déposer au nom du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation le rapport annuel 1986-1987 de la Régie des assurances
agricoles du Québec.
Le Président: Au nom du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, votre document est déposé,
M. le leader du gouvernement. Toujours à l'étape du
dépôt de documents, M. le Solliciteur général. M. le
Solliciteur général.
Rapport de la Sûreté du
Québec
M. Marx: Oui, M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport d'activités 1987 de la Sûreté du
Québec.
Le Président: M. le Solliciteur général,
votre document est maintenant déposé.
Dépôt de rapports de commissions. M. le président de
la commission de l'économie et du travail et député de
Verchères. M. le député de Verchères.
Étude détaillée du projet de loi
11
M. Charbonneau: M. le Président, je dépose d'abord
le rapport de la commission qui a siégé le 17 mai dernier...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: ...afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 11, Loi modifiant
diverses dispositions législatives concernant le cadastre.
Le Président: Votre premier rapport de la commission est
déposé.
M. Charbonneau: Ce projet de loi a été
adopté avec des amendements.
Étude des décrets relatifs au Parc
technologique du Québec métropolitain
Je dépose également le rapport de la commission qui a
siégé le lendemain, 18 mai, afin de procéder à
l'étude des décrets autorisant la délivrance des lettres
patentes concernant le Parc technologique du Québec
métropolitain.
Le Président: M. le député de
Verchères, vos deux rapports de commissions sont maintenant
déposés. M. le président de la commission des institutions
et député de Taillon.
Étude du décret concernant l'exclusion
de dispositions apparaissant dans l'annexe
de la loi sur l'abrogation de lois et
dispositions omises lors des refontes
effectuées depuis 1888
M. Filion: Oui, M. le Président, je dépose le
rapport de la commission des institutions qui a siégé le 19 mai
1988 et qui a procédé à l'étude du décret
concernant l'exclusion de dispositions apparaissant dans l'annexe de la Loi
portant abrogation de lois et dispositions législatives omises lors des
refontes de 1888, 1909, 1925, 1941,1964 et 1977, lequel a été
approuvé.
Le Président: M. le député de Taillon, votre
rapport de commission est maintenant déposé.
M. le président de la commission de l'aménagement et des
équipements et député de Bertrand.
Étude détaillée du projet de loi
15
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président. J'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé les 17 et 18 mai 1988 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 15, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la
faune concernant les habitats fauniques. Le projet de loi a été
adopté avec amendements dont un au titre.
Le Président: Ce premier rapport, M. le
député de Bertrand, est déposé.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 203
M. Parent (Bertrand): J'ai aussi l'honneur, M. le
Président, de déposer le rapport de la commission de
l'aménagement et des équipements qui a siégé le 18
mai 1988 afin d'entendre les intéressés et de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi
d'intérêt privé 203, Loi concernant la ville de Sherbrooke.
Le projet de loi a été adopté avec amendements.
Le Président: Est-ce que ce projet de loi
est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Non pas le projet, mais le
dépôt du rapport est adopté. Adopté? Allez, M. le
député de Bertrand.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 224
M. Parent (Bertrand): Oui, j'ai aussi l'honneur de déposer
le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements
qui a siégé le 18 mai 1988 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
224, Loi concernant la cession de certains immeubles par la ville de
Montréal à l'hôpital Royal Victoria. Le projet de loi a
été adopté avec amendements.
Le Président: Est-ce que le rapport concernant le projet
de loi 224 est adopté?
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
Mise au point au sujet du projet de loi 201
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, je ne sais si c'est à
cette étape-ci de nos travaux que je dois intervenir, mais je voudrais
corriger une information qui a été véhiculée par la
Presse canadienne la semaine dernière, à savoir que le
projet de loi 201, Loi concernant Quebecair-Air Quebec aurait été
étudié et adopté en commission parlementaire. Or, ce n'est
pas le cas, la commission de l'aménagement et des équipements n'a
pas terminé l'étude dudit projet de loi. C'est d'ailleurs ce qui
explique pourquoi le rapport n'a pas été déposé
à ce moment-ci et, au cours de la semaine, la commission sera
appelée à siéger à nouveau pour compléter
cette étude; mais je voulais qu'on sache qu'effectivement, le projet de
loi 201 n'a pas encore été adopté par la commission
parlementaire.
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.
M. le leader de l'Opposition, avez-vous quelques mots à ajouter
là-dessus? Cela va?
Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de rapports de
commissions?
Dépôt de pétitions. M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée
nationale par 4314 pétitionnaires principalement de la circonscription
électorale de Rivière-du-Loup. Les faits invoqués sont les
suivants...
Le Président: Vous avez besoin d'un consentement, M. le
député de Rimouski, étant donné que votre
pétition n'est pas conforme. Y a-t-il consentement, M. le leader de
l'Opposition? Vous pouvez procéder, M. le député de
Rimouski.
Demande d'inclure le secteur de La Pocatière
à Saint-Simon
dans la région 01 relativement au prix de
l'essence
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée
nationale par 4314 pétitionnaires, principalement de la circonscription
électorale de Rivière-du-Loup.
Les faits invoqués sont les suivants: "Un redécoupage du
territoire aurait pour effet de diminuer directement de 0,024 $ le prix du
litre d'essence vendue à la pompe dans la région de
Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témiscouata-Les Basques."
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que le secteur
de La Pocatière à Saint-Simon soit inclus au reste de la
région 01 en ce qui a trait à la fixation de la taxe sur
l'essence." Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et
original de la pétition.
Le Président: M. le député de Rimouski,
votre pétition est déposée.
Cet après-midi il n'y aura pas d'intervention portant sur une
violation de droit ou de privilège. M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président...
Le Président: Alors, toujours à l'étape du
dépôt de pétitions?
M. Claveau: À l'étape des pétitions, M. le
Président.
Le Président: Est-ce que vous avez le consentement de
cette Assemblée?
Des voix: On l'a eu tantôt.
M. Claveau: On doit l'avoir.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: À ma connaissance, on ne nous a pas
indiqué l'intention de déposer une telle pétition.
Plutôt que d'accepter comme ça à l'aveuglette, je
préférerais qu'on se consulte avant de procéder.
Le Président: On m'avise qu'on ne l'avait pas
reçue. Peu importe si elle est conforme ou pas, on ne peut pas le
savoir, on ne l'a même pas reçue. Le secrétaire
général n'en a pas reçu
le dépôt. Demain, ça va?
M. le leader de l'Opposition, aviez-vous autre chose?
M. Gendron: Cela dépend de ce que vous allez dire avant
l'appel de la période de questions.
Le Président: Ah oui, j'avais autre chose. Cet
après-midi il n'y aura pas d'intervention portant sur une question de
privilège, de fait personnel ou de... (14 h 20)
M. Gendron: Normalement, immédiatement avant la
période de questions, c'est le moment où vous indiquez à
cette Chambre qu'il y a certains ministres qui vous ont indiqué qu'ils
donneraient des compléments de réponses. Cela fait au moins
quinze jours que deux questions de mes collègues ont été
posées, entre autres, sur C-72 au ministre de la Justice, de même
que sur les propos du coroner Bouliane, à la suite des propos du
ministre des Transports. Vous n'avez pas eu d'indication que ces
collègues ministériels avaient des compléments de
réponses. Alors, on s'étonne qu'après quinze jours, on
soit toujours devant l'absence de réponses.
Le Président: Avant de vous céder la parole, M. le
leader du gouvernement, tel que le prévoit notre règlement, je
dois, une heure avant la période de questions, recevoir l'avis du
ministre qui apportera un complément de réponse avec le contenu
de cette réponse et la question à laquelle il veut
répondre. Je n'en ai pas reçu.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, pourrais-je vous dire que je
ne m'étonne pas du tout des moyens employés par le leader de
l'Opposition. Il sait fort bien que ce n'est pas à ce moment-ci qu'on
doit poser ce genre de question, mais au moment des demandes d'information sur
les travaux de l'Assemblée. Mais le message est reçu.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: II y a eu deux renseignements concernant les
travaux de l'Assemblée cet après-midi, de part et d'autre. Nous
allons maintenant procéder à la période de questions et de
réponses orales. Je vais reconnaître une première
principale à M. le député de Taillon.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Publication d'un bulletin de présentation
bilingue par la CFPMO de la région de Montréal
M. Filion: Merci, M. le Président. En réaction
à une série d'articles, la semaine dernière, concernant la
détérioration du fait français au coeur même du
Vieux-Québec, donc du berceau de la francophonie en Amérique
du
Nord, le ministre responsable de la loi 101 disait vouloir s'en remettre
à la persuasion. Il mettait l'accent sur la volonté, la bonne
volonté des commerçants afin de sortir du cadre légal de
la loi 101, disait-il, et ce encore une fois en contravention avec les nombreux
avis du Conseil de la langue française qui réaffirment la
nécessité d'une législation appliquée de
façon vigoureuse dans le secteur linguistique.
Du même souffle, le ministre responsable s'empressait d'admettre
qu'il y aurait toujours des délinquants. Eh! bien, sur ce point, il
avait bel et bien raison. En effet, un des grands délinquants depuis
deux ans et demi vient de récidiver. J'entends, par grand
délinquant, l'administration gouvernementale québécoise.
Après avoir dénoncé publiquement le cas de l'Institut de
recherche de l'Hydro-Québec, le cas de la CARRA, le cas de la
Régie de l'assurance-automobile du Québec et bien d'autres,
voilà que la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre
de la région métropolitaine de Montréal publie son propre
bulletin de présentation bilingue, anglais et français, et ce,
donc, contrairement aux dispositions claires de la loi 101, contrairement aux
dispositions de l'article 15 de la loi 101.
Le Président: Votre question.
M. Filion: Voilà donc, M. le Président, un
organisme paragouvernemental qui donne un bien mauvais exemple aux patrons et
aux travailleurs. Ma question au ministre responsable de la loi 101: Devant un
comportement aussi inacceptable de la part du gouvernement qui doit, au premier
chef, donner l'exemple...
Le Président: Votre question.
M. Filion: ...est-ce que le ministre responsable de la loi 101
entend avoir uniquement recours à la persuasion ou quel moyen concret et
immédiat entend-il mettre de l'avant pour corriger la situation que je
viens de décrire.
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française. M. le ministre.
M. Rivard: M. le Président, dans son préambule, le
député de Taillon a fait allusion à des
événements qui se sont passés dans le Vieux-Québec
la semaine dernière et au sujet desquels j'ai effectivement
appelé les commerçants du Vieux-Québec à exercer
leurs responsabilités individuelles. Cela doit fonctionner parce que,
à la suite de la série d'articles qui avait été
préparés et écrits par M. Boulet, du journal Le Soleil,
je vois dans Le Soleil de samedi que, selon des commerçants
du Vieux-Québec, l'affichage unilingue français a son charme. Et
voilà ce que donne la persuasion quand elle s'ajoute à
l'application de la loi. Car, M. le Président, la
loi 101 continue d'être appliquée.
En ce qui concerne l'incident ou l'événement auquel fait
allusion le député de Taillon aujoud'hui, je n'ai aucune
information, je dois l'avouer, concernant cet événement. Je
prendrai connaissance de la façon dont a été
édité ou de la façon dont on a fait circuler ce document
et je prends avis de cette question.
Le Président: M. le député de Taillon, je
vais vous reconnaître en additionnelle, sans préambule.
M. Filion: Je vais déposer le document.
Le Président: Demandez l'autorisation pour déposer
votre document.
M. Filion: Alors je vais déposer le document pour
faciliter le travail du ministre...
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le
dépôt du document M. le leader du gouvernement? Un instant, M. le
député de Taillon! Est-ce qu'il y a consentement?
M. Filion: Trois fois qu'il dit.
Le Président: Alors il y a consentement. Votre document
est maintenant déposé, M. le député de Taillon.
M. Filion: Trois fois que le leader dit... Trois consentements.
Alors je voudrais demander au ministre responsable de la loi 101, vu que
j'avais demandé à l'ancienne ministre, à plusieurs
reprises - quand je dis ancienne ministre, responsable de la loi 101 - de bien
vouloir tenir une enquête sur l'état de la dégradation du
français et de la loi 101 au sein même de l'appareil
gouvernemental, si le ministre responsable de la loi 101 accepte aujourd'hui,
de bonne foi, d'engager une telle enquête qui pourrait être tenue
par l'un des organismes chargés de défendre ou de promouvoir la
langue française pour limiter, encore une fois, l'état de la
détérioration de la langue française au sein même de
l'appareil gouvernemental?
Une voix: Encore, encore, encore.
Le Président: M. le ministre, avant de vous
reconnaître pour votre réponse.
J'aimerais que vous abrégiez vos additionnelles et qu'elles ne
deviennent pas des préambules déguisés tel que je vous
l'ai rappelé lors de votre principale. M. le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française.
M. Rivard: II est certain, M. le Président, que lorsqu'on
regarde le dossier de la langue utilisée par l'administration
québécoise, on se rend compte de deux choses en particulier. La
première est qu'il semble y avoir quelques difficultés
d'interprétation de la loi dans les ministères. Il y a donc du
travail à faire de ce côté-là. Et la deuxième
constatation - et cela me vient d'informations qui émanent de l'Office
de la langue française - serait qu'il y a une présomption
générale à savoir que l'administration ne devrait jamais
être fautive quant à l'application de la loi d'une part et,
d'autre part, il y a une présomption générale favorable
quant à la qualité du français utilisé dans
l'administration. Je m'engage, très certainement, auprès de cette
Chambre, aujourd'hui, à faire le nécessaire avec les organismes
de la langue pour qu'on essaie d'être vraiment impeccables quant à
l'utilisation du français au gouvernement du Québec.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Est-ce que le ministre n'est pas disposé
à nous accorder une telle enquête, à accorder à la
population du Québec une telle enquête, notamment compte tenu du
fait que le nombre d'infractions constatées par la Commission de
protection de la langue française est passé du simple au double
lorsque l'on compare les deux dernières années du Parti
québécois avec les deux premières années du
gouvernement du Parti libéral?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: D'une part, M. le Président, quand le
député de Taillon réclame une enquête
spéciale, eu égard à la langue utilisée par
l'administration, je pense que nous pouvons convenir, lui et moi, du fait
qu'une telle enquête n'est probablement pas nécessaire, que tout
simplement dans l'exercice normal de son mandat, l'Office de la langue
française ou même la Commission de protection de la langue
française peut très bien procéder à l'examen qu'il
faut et transmettre au ministre responsable les renseignements qu'il lui faudra
pour prendre la meilleure décision possible dans ce dossier.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. le député de Bertrand, en principale ou en
additionnelle?
M. Parent (Bertrand): En principale, M. le Président.
Le Président: En principale, M. le député de
Bertrand.
Mesures d'adaptation à la mise en oeuvre du
traité du libre-échange
M. Parent (Bertrand): M. le Président, le Québec
est encore aux prises avec un taux de chômage de 9,5 %. Le ministre des
Finances, de
son côté, ne prévoit pas que ce taux puisse
descendre sous la barre des 9,3 %. C'est donc deux fois plus qu'en Ontario et
ce, malgré un taux d'activité qui est nettement plus faible. Par
ailleurs, on est à la veille de l'entrée en vigueur de l'accord
du libre-échange et rien n'est prévu dans le budget que nous a
livré le ministre des Finances, le 12 mai courant, à
l'égard de la formation de la main-d'oeuvre et rien non plus à
l'égard des programmes d'adaptation pour les entreprises. Comment, M. le
Président, le ministre du Commerce extérieur, à la veille
d'être destitué, lui et son ministère, peut-il...
Des voix: Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Wotre question.
M. Parent (Bertrand): Comment le ministre peut-il nous expliquer,
à la veille de la mise en application de l'accord du
libre-échange, qu'on a rien de concret à offrir aux travailleurs
et aux entreprises en matière de main-d'oeuvre?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique. (14 h 30)
M. MacDonald: M. le Président, à la veille d'une
réorganisation que nous avons fortement suggérée au
premier ministre, il y a plusieurs mois déjà, nous continuons
à nous occuper de ce dossier, des mesures d'adaptation à la mise
en oeuvre du traité de libre-échange. Si le député
de Bertrand pouvait, à l'occasion, circuler dans les milieux industriels
du Québec, il s'apercevrait que des consultations intenses sont en
marche, en particulier, entre les gens du ministère de l'Industrie et du
Commerce du Québec et les représentants, tant des compagnies que
des employés des secteurs industriels, qu'ensemble, ils sont à
faire une évaluation des programmes existants, tant au gouvernement
fédéral qu'au gouvernement provincial, et qu'au cours des
prochains mois et bien avant septembre, nous pourrons identifier exactement les
programmes additionnels ou les modifications aux programmes existants qu'on
devrait apporter pour faciliter cette période d'adaptation.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre du Commerce
extérieur a l'engagement aujourd'hui que le gouvernement
fédéral va participer financièrement pour aider le
Québec en matière de main-d'oeuvre, de recyclage et de
formation?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique.
M. MacDonald: Nous avons, à différentes occasions,
témoigné de communications verbales ou écrites avec, dans
le temps, la ministre du Commerce extérieur du gouvernement
fédéral, Mme Carney, et le ministre actuel, M. Crosbie, pour les
aviser que nous les tenions en grande partie responsables de la mise en place
et surtout du financement de programmes d'adaptation. Nous avons reçu
réponse du gouvernement fédéral qui reconnaît sa
responsabilité dans le domaine. Les fonctionnaires et les hommes
politiques du gouvernement sont en discussions régulières de
façon à en venir à une entente pour s'assurer qu'il y a
une coordination intelligente des interventions des deux paliers de
gouvernement vis-à-vis de ces mesures d'adaptation.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Oui, comment le ministre peut-il expliquer
que cinq mois après la signature de l'accord, soit le 2 janvier dernier,
on est toujours sans engagement formel du gouvernement fédéral de
ce côté-là? Et pourquoi le ministre et son gouvernement
n'ont-ils pas exigé, avant de donner leur accord, la participation du
gouvernement fédéral?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique.
M. MacDonald: II me semble tout à fait
élémentaire, pour quelqu'un qui prend le temps de regarder la
situation, qu'avant de formuler au gouvernement fédéral une
demande pour tant de millions à dépenser d'une telle
façon, il était logique de demander aux industries
affectées et à leurs employés quelles mesures
précises ils désiraient pour faire face à ce défi
que représente cette période d'adaptatation. Garrocher un chiffre
en l'air, demander un peu n'importe quoi, sans être capable de le
supporter avec une certaine substance, il me semble, M. le député
de Bertrand, que c'est tout à fait élémentaire comme
procédure.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Oui. Il aurait été
élémentaire que le ministre puisse obtenir un pourcentage...
Le Président: En additionnelle. À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En additionnelle, M. le
député de Bertrand. En additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Le ministre ne convient-il pas qu'il aurait
été élémentaire d'exiger de la part du gouvernement
fédéral au moins un pourcentage de participation pour ne
pas se trouver dans la situation actuelle, c'est-à-dire
d'être incapable d'exiger du gouvernement fédéral,
actuellement, qu'il participe financièrement? Cela nous met dans une
position de faiblesse par rapport à l'Ontario.
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique.
M. MacDonald: Vous auriez peut-être procédé
en demandant un pourcentage. Nous avons procédé en faisant
admettre par le fédéral la responsabilité qu'ils ont dans
ce dossier, les avenues par lesquelles nous voulons qu'il passe pour intervenir
et nous cherchons à préciser les montants et les façons
avant de parler de pourcentage.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître une
troisième question principale à M. le whip de l'Opposition.
Les conditions de la mise en oeuvre de l'entente sur
le libre-échange
M. Brassard: M. le Président, selon un projet de loi
cautionné par le comité sénatorial des finances
américain, l'accord sur le libre-échange ne s'appliquerait que si
toutes les provinces canadiennes appuient et respectent les termes de l'entente
de libre-échange.
Comme l'Ontario s'oppose farouchement à l'entente et que cette
province entend même contester devant les tribunaux la validité de
l'accord sur le libre-échange, engageant ainsi une bataille pour le
respect de ses compétences, ce qui est un fait... D'ailleurs, on pouvait
lire dans un article du journal Le Soleil aujourd'hui que c'est un fait
incongru dans l'histoire politique canadienne que l'Ontario se retrouve
à l'avant-garde dans la bataille pour le respect des compétences
provinciales...
Le Président: Votre question.
M. Brassard: Donc, le ministre du Commerce extérieur et
responsable du dossier sur le libre-échange reconnaît-il que ce
projet de loi américain, s'il était adopté, pourrait
empêcher la mise en oeuvre de l'entente sur le libre-échange? Et,
compte tenu de cette mesure législative qui vient d'être reconnue,
considère-t-il que l'appui de l'Ontario, la province
récalcitrante, est indispensable à la mise en oeuvre de l'accord
sur le libre-échange?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique.
M. MacDonald: C'est nécessairement le privilège du
congrès américain de s'entendre avec l'administration sur une ou
des conditions pour passer au congrès le traité de
libéralisation des échanges.
Mais c'est également la prérogative des Canadiens de faire
les choses à la manière canadienne et la prérogative des
Québécois de faire les choses à la manière
québécoise.
Aujourd'hui, à Ottawa, est déposé le projet de loi
de mise en oeuvre du gouvernement fédéral. Nous allons
étudier ce projet. Nous pourrons le faire ensemble, si vous le voulez.
Lorsque nous saurons exactement quelles sont les mesures que le gouvernement
fédérai entend prendre, à ce moment H nous fera plaisir de
vous communiquer les mesures que nous entendons prendre.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: Ma question portait évidemment sur la
portée du projet de loi sénatorial. S'il est adopté par le
congrès américain à l'effet que l'accord sur le
libre-échange ne s'appliquerait que si toutes les provinces canadiennes
en respectent les termes, ma question était: Le ministre
considère-t-il que si ce projet de loi américain était
adopté, l'accord de libre-échange, sa mise en oeuvre serait
entravée et que l'accord de libre-échange lui-même ne
pourrait plus s'appliquer. C'est cela ma question.
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique.
M. MacDonald: Encore une fois, vous faites appel à un
jugement pour ce qui est des applications de lois canadiennes en matière
de juridiction fédérale ou provinciale. On est tous au courant
que l'Ontario fait certaines objections pour un sujet qu'on pourrait trouver
plus ou moins sérieux, compte tenu de l'envergure observée ou de
l'angle sous lequel vous le regardez. Je suis obligé de vous
répondre encore: Attendons que le gouvernement fédéral
dépose... Je crois que c'est fait au moment où on se parle, mais
je n'ai pas le détail. Nous verrons la réaction, nous verrons si
l'Ontario maintient encore une position d'objection et on commentera en
connaissance de cause.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle. En additionnelle.
M. Brassard: Ma question est très simple.
Considérant la mesure législative devant le Congrès
américain actuellement, et considérant le fait que l'Ontario
s'oppose à l'accord de libre-échar.ge, donc, il n'y a pas
unanimité de l'adhésion de toutes les provinces.
Le Président: Votre question.
M. Brassard: Considérant cela, ma question est. Le
ministre considère-t-H que cette mesure
législative américaine, si elle était
adoptée, empêcherait la mise en oeuvre de l'accord de
libre-échange? C'est cela ma question.
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique. M. le ministre.
M. MacDonald: Nous avons jusqu'au 1er janvier 1989 pour adopter
dans les lois canadiennes - la Chambre des communes et dans les gouvernements
provinciaux - les lois de mise en oeuvre. Il peut se passer une foule de
choses. Initialement, au départ, il est évident que cette
exigence américaine va à l'encontre de ce qui est une expression
d'opinion actuelle ou d'opposition de l'Ontario. Mais, entre maintenant et le
1er janvier 1989, l'Ontario peut faire encore beaucoup de chemin.
Le Président: En additionnelle, M. le whip de
l'Opposition.
M. Brassard: Je vais lui poser une autre question étant
donné qu'il ne répond pas à la première. Le
gouvernement du Québec pourrait-il remettre en cause son adhésion
à l'accord de libre-échange s'il advenait que le projet de loi
fédéral comportait des empiétements évidents dans
des compétences et des juridictions québécoises? Le
gouvernement remettrait-il en cause son adhésion à l'accord de
libre-échange si tel était le cas? s'il y avait
empiétement du gouvernement fédéral dans des
compétences de juridiction québécoise?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique. (14 h 40)
M. MacDonald: Je crois que je vais demander au
député de Lac-Saint-Jean d'avoir la patience comme moi d'attendre
le projet de loi de mise en oeuvre du gouvernement fédéral et
dès que nous l'aurons reçu et analysé, cela me fera
plaisir d'aborder sa question.
Le Président: Toujours en additionnelle, M. le whip de
l'Opposition. En additionnelle.
M. Brassard: Est-ce que l'adhésion du gouvernement
québécois à l'accord de libre-échange primerait,
l'emporterait, prédominerait sur le fait que le gouvernement
fédéral empiéterait dans des juridictions
québécoises? Cette adhésion à l'accord de
libre-échange primerait-elle?
Le Président: M. le leader du gouvernement. M. le leader
du gouvernement sur une question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, manifestement, le
député de Lac-Saint-Jean, je le regarde et lui-même se rend
compte que sa question n'est pas recevable puisqu'elle repose sur une
hypothèse: "comporterait", "serait". Ce n'est pas acceptable en vertu de
l'article 77 et je pense que le ministre a été très
indulgent en ne le lui disant pas tout de suite.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Voulez-vous reformuler votre question...
77.2, 77.5.
M. Brassard: Est-ce que le gouvernement du Québec va
laisser l'Ontario défendre les compétences et les juridictions
provinciales? Est-ce que le gouvernement du Québec va abandonner
à l'Ontario la responsabilité de défendre les juridictions
des provinces?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique. À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. MacDonald: Comme on a été obligé de vous
le rappeler à différentes occasions dans bien des dossiers, il
faudrait peut-être que vous ne perdiez pas de vue certains des
éléments de base dans ce dossier. Le Québec a posé
sept conditions non pas pour signer l'entente ou y adhérer, mais pour
négocier, au départ. Ces conditions n'ont aucunement
changé. L'une des premières conditions était le respect
des champs de compétence provinciaux et cela n'a pas changé.
Personne n'a annoncé que cela devait changer et, dans mon livre à
moi, il n'est pas question que cela change.
Des voix: Bravo!
Le Président: En additionnelle, M. le whip de
l'Opposition.
M. Brassard: Compte tenu de ce que vient dédire le
ministre...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: ...j'en reviens à ma question:
Est-ce que, si cette condition n'est pas remplie, l'adhésion du
Québec à l'accord de libre-échange sera remise en cause
par le gouvernement?
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Si vous voulez, on va lire ensemble l'article 77.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une
question de règlement, rapidement, s'il
vous plaît!
M. Grattoir "Les questions ne peuvent: 2° être
fondées sur des suppositions;"
Une voix: Des hypothèses.
M. Gratton: Alors, si vous dites "si", "dans le cas où",
ce n'est pas acceptable. Je vois le député qui se cache. La, il a
eu le temps de se trouver une formulation de question. Je suis sûr qu'il
va réussir. Allez-y.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Préskient: Vous avez toujours la parole, M. le whip de
l'Opposition.
M. Brassard: Est-ce que cette condition du Québec,
à savoir que les compétences du Québec soient
respectées, est une condition secondaire, accessoire ou
fondamentale?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et du Développement technologique.
M. MacDonald: Fondamentale.
M. Gratton: Vous voyez quand la question est bien posée,
la réponse vient...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En
principale, M. le chef de l'Opposition.
Le rôle préventif des maisons de jeunes
et l'aide gouvernementale
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Durant les trois
prochains jours, on sait que les représentants des maisons de jeunes du
Québec défileront devant le Parlement afin de rafraîchir la
mémoire du gouvernement actuel et lui rappeler en particulier ses
engagements électoraux vis-à-vis de la jeunesse. On se souviendra
sans doute que, lors de la campagne électorale de 1985, le premier
ministre actuel, responsable du dossier jeunesse, avait déclaré
que c'était la priorité des priorités, que la nouvelle
question nationale, c'était la jeunesse. Pourtant, depuis 1985, on a eu
un gel complet, lors du premier budget, quant aux maisons de jeunes, on a eu 1
000 000 $ en 1987-1988, purement pour de nouvelles maisons et les anciennes ont
donc subi un gel des subventions depuis. Pour cette année, la ministre,
lors de l'étude des crédits, nous annonçait peu de choses.
Ma question est la suivante: Croit-elle, fondamentalement au rôle
préventif que jouent les maisons de jeunes? Si oui, que leur
offre-t-elle?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, l'an dernier, nous avons
augmenté les subventions aux maisons de jeunes de l'ordre de 19 %, et
non uniquement pour la création de nouvelles maisons, comme vous
l'entendez. De fait, nous avons fait une consolidation de 24 maisons qui
avaient des subventions de 30 000 $; nous les avons fait passer à 40 000
$ et nous en avons fait passer 19, qui avaient des subventions de l'ordre de 20
000 $, à 30 000 $, et, finalement, nous avons créé de
nouvelles maisons de jeunes. Cette année, l'augmentation qui sera
accordée aux maisons de jeunes sera de l'ordre de 6,5 %, alors que
l'indexation est de 3,8 %.
M. le Président, depuis quelques années, le nombre de
maisons de jeunes a augmenté considérablement. De 110 qu'elles
étaient à la fin de 1985, elles sont maintenant 142 ou 143.
Évidemment, au moment où nous nous parlons, j'ai reçu d'un
groupe de députés, qui se sont penchés sur la situation
des maisons de jeunes pour voir quel type de développement nous devrions
leur accorder, un rapport dans lequel ils ont considéré
différentes variables. Parce que les maisons de jeunes, au point de
départ, étaient vues strictement dans le but de prévenir,
par exemple, l'admission en centre d'accueil, la délinquance, mais pour
un grand nombre d'entre elles, leur vocation s'est modifiée
considérablement. Alors, avant de décider d'une façon plus
finale de l'ordre des subventions ou d'une politique de financement que nous
accorderons aux maisons de jeunes, ce groupe de députés m'a fait
des recommandations qui ont d'ailleurs été remises au
Regroupement pour les maisons de jeunes, et je dois vous dire qu'à
partir de ceci, M. le Président, nous pourrons asseoir sur une base plus
solide, plus rationnelle, qui tiendra davantage compte des besoins de
l'ensemble des jeunes du Québec, une politique de financement pour ces
jeunes.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce que la ministre reconnaît, M. le
Président, qu'on ne donne même pas, à son ministère,
des accusés de réception aux groupes de jeunes? Est-ce qu'elle
reconnaît qu'elle a refusé de les rencontrer? Est-ce qu'elle
reconnaît l'action préventive, incitative, de ces maisons de
jeunes vis-à-vis de la jeunesse quand on sait qu'on a le plus haut taux
de suicide en Amérique du Nord et môme au monde?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, d'abord, H est inexact
de dire que je n'ai pas rencontré le regroupement des jeunes, puisque
pas plus tard que jeudi dernier, je rencontrais dans la ville de Rimouski le
président du regroupement des jeunes. Ils m'ont fait parvenir, à
la fin de
l'année 1987, novembre ou décembre, un plan qu'ils
qualifiaient de sauvetage des maisons de jeunes. À la suite du
dépôt de ce plan et des décisions que nous devions prendre
devant la croissance des maisons de jeunes, comme je l'ai dit tout à
l'heure, j'ai mandaté un groupe de députés pour examiner
la nature des maisons de jeunes, le type d'activités qu'elles ont et
quelles devraient être les sources différenciées de
financement qu'elles devraient recevoir.
M. le Président, je suis d'accord avec le chef de l'Opposition
qu'elles peuvent jouer un rôle précieux dans la prévention
de la délinquance, et ainsi de suite, mais il ne faudrait quand
même pas que les maisons de jeunes, qui ont été
créées avec cet objectif, deviennent, pour un certain nombre
d'entre elles, et c'est ce qui se passe présentement, des maisons de
loisirs qui sont des responsabilités qui doivent échoir aux
municipalités ou aux ministères des loisirs et des sports.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, la ministre vient
précisément de parler de nouvelle orientation. Est-il exact qu'il
est de son intention de considérer dorénavant les maisons de
jeunes parmi les groupes subventionnés dans le volet communautaire et
non plus à partir d'une politique de soutien aux maisons de
jeunesse?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le chef de l'Opposition
sait fort bien que les budgets accordés présentement aux maisons
de jeunes, et qui l'étaient à son époque, proviennent du
budget des SOC, le programme de subventions aux organismes communautaires.
À l'intérieur de cela, vous pouvez avoir une politique de
financement, mais qui demeure à l'intérieur des subventions aux
organismes communautaires. Je n'ai pas réfléchi au
problème que nous pose le chef de l'Opposition. D'après ce que
nous établirons comme décision finale, nous pourrons ou les
laisser là ou les mettre à l'extérieur. Ce qui est
important, c'est qu'elles reçoivent, en temps et lieu, un financement
adéquat. (14 h 50)
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, il existait une politique
ministérielle qui reconnaissait d'abord, après deux ans,
l'accréditation d'une nouvelle maison et on pouvait graduer
jusqu'à 60 000 $ et 80 000 $, selon le nombre d'années et
l'expertise de chacune des maisons de jeunes. Pourquoi la ministre a-t-elle mis
fin à cette politique ministérielle qui tenait compte de
l'expertise, de l'expérience et du travail concret? Reconnaît-elle
qu'il y a une véritable urgence d'agir si on ne veut pas que des maisons
ferment leurs portes, des maisons qui rendent des services innombrables
à la jeunesse québécoise, qui acheminent les jeunes
québécois vers les ressources du milieu et qui empêchent
précisément ces suicides et ce taux de délinquance? Est-ce
qu'on va attendre et qu'on préfère payer 70 000 $ par
année par jeune incarcéré pour délinquance ou si on
préfère subventionner pour un montant équivalent à
celui d'un seul délinquant retenu en centre d'accueil? Mme la ministre,
cela permettrait à une maison de jeunes de vivre très
allègrement.
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il est exact qu'à
la fin de son mandat, à l'automne 1985, le chef de l'Opposition avait
fait connaître ses intentions quant au financement des maisons de jeunes.
Ce financement pouvait s'échelonner de 20 000 $, 40 000 $, 60 000 $
à 80 000 $. Mais, je vous ferai remarquer, M. le Président, que
ce financement proposé par le ministre d'alors n'avait jamais
été accepté par son gouvernement et n'avait jamais
été accepté par le Conseil du trésor. Mais, ce
n'est pas là que se situe le véritable problème. M. le
Président, si on veut atteindre les objectifs que vient de citer le chef
de l'Opposition, c'est-à-dire prévoir la délinquance,
empêcher les placements qui peuvent être inutiles pour la jeunesse,
je pense qu'il faut, à ce moment-ci, vraiment examiner quelle est la
vocation et quelles sont les activités des maisons de jeunes au moment
où nous parlons. Je sais fort bien que, de l'autre côté de
la Chambre, on sait également qu'un bon nombre de maisons de jeunes
fonctionnent dans cette avenue, avec ces objectifs, mais qu'un bon nombre s'en
sont éloignées. Comme le nombre va croissant, il est important de
déterminer les maisons de jeunes qui se situent dans la foulée
des actions du ministère de la Santé et des Services sociaux,
quitte à remettre à d'autres la responsabilité de financer
les maisons de jeunes qui se situent dans une autre perspective.
Le Président: Je vais reconnaître une
cinquième principale à M. le leader adjoint et
député de Laviolette.
Revirement de situation à l'hippodrome Blue
Bonnets de Montréal
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Alors que le ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, dans le dossier de
Blue Bonnets, indiquait que tout était sous contrôle, voilà
maintenant que nous voyons devant nous un autre faux départ, des
rebondissements par dessus rebondissements qui se multiplient dans le
dossier de Blue Bonnets. Une nouvelle impasse a été
provoquée récemment avec le rejet d'une proposition du ministre
par le Club Standardbred de Montréal. Ce matin, on apprenait que
Cam-peau Corporation ne serait plus intéressée à vendre
ses installations de Blue Bonnets. Ma question au ministre pourrait lui
permettre d'abord de faire le point et, en même temps, de
reconnaître - et je suis sûr qu'il est prêt à le faire
- que le rejet de sa proposition par les intervenants du milieu des courses de
chevaux est un message très clair. Ils refusent de s'embarquer au prix
trop élevé de 44 000 000 $ que vous avez négocié
avec Campeau Corporation, ce qui empêche, de cette façon, toute
perspective de rentabilisation des installations de Blue Bonnets.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je remercie le
député de Laviolette de sa question. Elle vient à point,
je crois. C'est le cas de dire, M. le Président, que le gouvernement et
le ministre responsable de cette industrie ont investi beaucoup de temps et
beaucoup d'espoir dans l'acquisition par un organisme sans but lucratif
appartenant au milieu, aux gens de l'industrie, dis-je, par cet organisme sans
but lucratif, qu'on appelle le Club Standardbred de Montréal, du
principal hippodrome du Québec, soit celui de Blue Bonnets.
Effectivement, les échanges qui ont eu cours avec cet organisme depuis
le mois de janvier et plus particulièrement de février auront
permis au gouvernement de formuler une offre de partenariat avec cette
association sans but lucratif, vendredi dernier, le 6 mai, une offre qui
démontrait la volonté très claire du gouvernement du
Québec de s'impliquer pour maintenir l'hippodrome et aussi,
évidemment, cela va de soi, pour maintenir les milliers d'emplois qui y
sont rattachés. Cette offre, le 6 mai, dans l'après-midi, a
été acceptée par le président de l'organisme, M.
Robert Girard. Cette offre, cependant, même si elle a traversé le
cap de l'assemblée générale en fin d'après-midi, a
été reconsidérée le lundi, tant et si bien
qu'aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où H apparaît
définitivement impossible, à la lumière de la position de
cet organisme, de conduire une transaction en vertu de laquelle ce serait un
organisme sans but lucratif qui serait propriétaire.
Partant de là, comme cet hippodrome n'appartient pas au
gouvernement - et je termine là-dessus, M. le Président - comme H
n'est pas dans les intentions du gouvernement de l'acquérir, parce que
ce n'est pas la fonction première d'un gouvernement d'administrer un
hippodrome, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer aux journalistes hier, il va
de soi que l'avenir de l'hippodrome Blue Bonnets reposera ou s'appuiera
assurément sur une propriété privée et, à
cet égard, j'ai indiqué que toute entreprise privée
devrait, évidemment, faire affaire avec le propriétaire qui est
la Corporation Campeau. Et les programmes du gouvernement du Québec sont
disponibles mais une chose est certaine, c'est que les conditions offertes
à une entreprise privée - parce qu'elle sera à but
lucratif - seront définitivement moins avantageuses qu'elles ne
l'auraient été à l'organisme sans but lucratif.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition et
député de Laviolette, en additionnelle.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre est prêt à
reconnaître, comme plusieurs en ont fait mention, qu'il s'est fait avoir
un peu comme un enfant d'école par M. Campeau, au prix de 44 000 000 $,
et qu'il sait très bien que la Corporation Campeau possède et
détient les permis nécessaires dans un rayon de 80
klomè-tres et qu'en conséquence, il devient difficile pour
d'autres organisations privées ou publiques, dans le contexte actuel, de
s'en porter acquéreurs?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: Vous savez, M. le Président, les
commentaires du député de Laviolette ne me surprennent pas. Il
est dans l'Opposition. Il est là pour critiquer. Cependant, ceux et
celles qui ont suivi le dossier de près savent pertinemment que le prix
initialement demandé pour l'hippodrome Blue Bonnets était de 60
000 000 $. L'entente intervenue entre la Corporation Campeau et les trois
associations représentant l'industrie soit l'Association du trot et
amble, le Groupe CHIC et l'Association des éleveurs, prévoit un
prix à payer, non pas de 60 000 000 $ mais de 44 000 000 $ et, en
contrepartie, l'engagement par la Corporation Campeau d'effacer une dette de 16
000 000 $ et l'obligation de construire un stationnement de 2700 places
impliquant des déboursés de 15 000 000 $. Déduisez 16 000
000 $ et 15 000 000 $ de 44 000 000 $, I ne reste pas beaucoup de millions,
monsieur.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition et
député de Laviolette en additionnelle.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre a prévu d'autres
possibilités quant à la poursuite des activités à
Blue Bonnets, étant donné aussi qu'i semble - au moment où
on se parie - avoir coupé les ponts avec le Club Standardbred?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.
M. Pagé: M. le Président, je peux vous indiquer que
nous sommes non seulement préoccupés par ce dossier mais que nous
y demeurons aussi très actifs. Je peux vous indiquer qu'à partir
de cette position claire du gouvernement du Québec à
l'égard de l'organisme sans but lucratif, déjà, des
entreprises privées, sérieuses, capables de s'impliquer dans ce
dossier-là, sont en communication avec mon ministère pour voir
les possibilités de prendre le relais, de prendre fait et cause et de
prendre la place, finalement, du Club Standardbred. Tout cela dans la
perspective de maintenir l'activité, de maintenir les emplois. Et je
rappellerai au député que, s'il est déjà
allé aux courses, s'il a déjà assisté à une
épreuve de courses de chevaux, il a probablement déjà vu
des faux départs, mais ce qui est important pour nous c'est le fil
d'arrivée, monsieur.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition et
député de Laviolette.
M. Jolivet: II faut aussi éviter de s'emballer. Il faut
éviter de s'emballer et je ne miserais pas fort sur le ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Je n'ai pas saisi votre question. M. le
leader adjoint de l'Opposition, en additionnelle.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre peut nous indiquer
jusqu'où il est prêt à aller avec des organismes à
but lucratif, comme il l'a dit, dans la mesure où il sera
peut-être prêt à les nommer parmi les gens de la rive sud de
Montréal, ou les gens de Laval, ou sur le site même de Corporation
Campeau à Blue Bonnets? A quelle place? Parce que les gens se posent les
questions quant au 30 juin qui vient.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.
M. Pagé: Seulement un éclaircissement qu'il est
important de faire de la part de l'Opposition. Dois-je comprendre que
l'Opposition officielle, c'est-à-dire le Parti québécois,
souhaiterait le déménagement de la piste? Auquel cas, cela veut
dire deux ans sans courses à Montréal. Dois-je comprendre que
vous souhaitez l'implantation d'une nouvelle piste à l'extérieur
de l'hippodrome actuel?
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition. Alors
M. le leader de l'Opposition et député d'Abitibi-Ouest en
principale.
Une voix: Pourquoi est-ce qu'il ne répon- drait pas?
Une voix: Je n'ai pas le droit. (15 heures)
Une voix: Parce que nous autres, on est dans l'Opposition et on
pose des questions.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Lévis, je suis totalement d'accord avec vous. M.
le leader de l'Opposition, en principale.
La relativité salariale des types d'emploi
à prépondérance féminine
M. Gendron: Merci. Au milieu de mai dernier, on se rappelle que
la CSN a fait une proposition au gouvernement concernant l'équité
salariale. Cette proposition visait à corriger les discriminations
salariales et faisait suite à une lettre d'entente obtenue par la CSN du
gouvernement de négocier, six mois avant l'échéance des
conventions collectives de travail, la relativité des salaires des types
d'emploi à prépondérance féminine. On sait que
cette proposition touche 165 000 personnes dont plus de 80 % sont des femmes.
Ma question au président du Conseil du trésor est la suivante.
Est-ce que le président du Conseil du trésor peut nous informer
du traitement ministériel qu'il a donné à cette
proposition concernant, comme je l'ai mentionné, les employés des
secteurs public et parapublic?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, effectivement, comme l'a
rappelé le leader de l'Opposition, la vice-présidente de la CSN a
fait, au cours des six derniers mois, deux grandes déclarations
publiques dans lesquelles elle prétendait que nous devions comme
gouvernement et comme employeur ajuster les salaires des corps d'emploi
principalement féminins en ajoutant des sommes d'argent qui sont
parties, si ma mémoire est bonne, de 350 000 000 $ et quelque à
427 000 000 $. On se rappellera que, dans le cadre des dernières
négociations, nous avions accepté une table de négociation
qui devait débuter, en pratique, le 1er janvier 1988, pour
négocier, six mois avant l'étape formelle de négociation
de la prochaine ronde, cette question des relativités salariales. En
dépit du fait que nous, comme employeur, étions prêts
à nous asseoir à cette table, la CSN n'a pas daigné,
jusqu'à maintenant, s'asseoir avec nous, prétendant qu'elle avait
des études à faire et qu'elle devait déposer sous peu - et
on a évoqué le mois de juin - les demandes concernant les
relativités salariales, et nous attendons, M. le Président, ce
dépôt.
Le Président: En principale ou en additionnelle, M. le
leader de l'Opposition?
M. Gendron: En additionnelle, M. le Président.
Le Président: En additionnelle.
M. Gendron: Est-ce que le président du Conseil du
trésor pourrait nous indiquer, lui qui prétend que c'est la CSN
qui a refusé de s'asseoir, quel mandat il a obtenu du Conseil des
ministres et quand il a discuté de cette question au Conseil des
ministres?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, l'entente a été
signée dans le cadre des négociations formelles de la
dernière ronde de négociation. Nous avons accepté,
à ce moment-là, de former une table de négociation
à partir, comme je viens de l'expliquer, du 1er janvier 1988 et cela
fait partie du mandat global du Conseil du trésor comme responsable des
négociations dans le secteur public de voir à régler les
problèmes lorsqu'ils surviennent.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Mais ma question ne porte pas sur la
négociation passée, sur l'entente que la CSN a obtenue, à
savoir, six mois avant l'expiration, d'avoir une séance de
négociation sur tous les chiffres qui ont été
évoqués par la CSN concernant la relativité salariale. La
question que je pose au président du Conseil du trésor est la
suivante: Est-ce qu'il a obtenu du Conseil des ministres un mandat concernant
cette somme d'argent requise pour tenir compte de la relativité
salariale et, si oui, est-ce qu'il partage le chiffre de 425 000 000 $ de la
CSN?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, j'ai toujours dit et je le
répète aujourd'hui que, selon nous, il n'y a pas de
discrimination salariale sur le plan de la relativité pour les corps
d'emploi à majorité féminine. Par contre, nous avons
accepté comme gouvernement responsable de voir, par des
négociations, si, effectivement, au fil des dernières
négociations et au cours des dernières années, il n'y
aurait pas eu des erreurs qui se seraient produites pour lesquelles,
peut-être, il y aurait certaines relativités salariales à
corriger. Mais jamais, M. le Président, dans le cadre des ententes que
nous avons prises, il n'a été question d'aucun montant que ce
soit, et jamais nous n'avons accepté qu'il y avait de la discrimination
salariale. Donc, je vois très malvenue la question du
député d'Abitibi-Ouest qui prétend aujourd'hui qu'on a
besoin d'un mandat du Conseil des ministres pour régler une facture qui,
en fait, n'existe pas. Lorsque la CSN sera prête à s'asseoir
à une table de négociation et dans le cadre formel qui a
été prévu, nous verrons si, effectivement, il n'y aurait
pas certains ajustements à faire. Nous croyons, au moment où on
se parle, qu'il n'y en a pas et s'il y en a, nous verrons à ce
moment-là.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Oui, est-ce que le président du Conseil du
trésor est en train de nous dire qu'il n'existerait pas de
problème d'équité salariale en particulier concernant les
50 000 employés de bureau et les employés de bureau des
organismes de la santé et des services sociaux, de même que les
employés de bureau à la fonction publique? Parce que, selon nos
chiffres et ceux de la proposition de la CSN, il y avait manifestement,
à tout le moins, des éléments de preuve indiquant que des
problèmes d'équité salariale étaient très
présents. À moins que j'aie mal compris, le président du
Conseil du trésor a laissé voir que, selon lui, il n'y a pas de
discrimination. Ma question: est-ce qu'il prétend véritablement
qu'il n'y a pas de discrimination sur les emplois spécifiques que j'ai
nommés?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: Effectivement, M. le Président, au moment
où on se parle, nous prétendons encore qu'il n'y a pas de
discrimination sur les salaires et j'ose croire que, s'il y en avait, l'ancien
gouvernement, avant 1985, n'aurait jamais enduré cette situation. Le pur
gouvernement péquiste aurait sûrement corrigé cette
situation-là. Par contre, nous verrons si, effectivement, ils n'ont pas
commis certaines erreurs et, s'il y a des erreurs à corriger, nous
verrons à les corriger en prenant nos responsabilités.
Le Président: Cette dernière réponse met fin
à la période régulière de questions.
Nous allons continuer les affaires courantes. Cet après-midi, il
n'y a pas de vote reporté.
Motions sans préavis. M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
Le Président: J'ai une motion sans préavis
importante d'annoncée et je voudrais reconnaître
M. le chef de l'Opposition. J'aimerais l'attention de tous et
chacun.
Souligner le 40e anniversaire de l'adoption du
fleurdelisé comme drapeau du Québec
M. Chevrette: Je sollicite le consentement de la Chambre pour
faire la motion suivante, M. le Président: "Que l'Assemblée
nationale du
Québec souligne le quarantième anniversaire du
fleurdelisé, le drapeau officiel du Québec."
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce que j'ai le consentement de cette Assemblée, M. le leader du
gouvernement, pour débattre cette motion?
M. Gratton: Oui, il n'y a sûrement pas d'objection, M. le
Président, à condition qu'on s'entende, étant donné
qu'on n'en avait pas convenu au préalable, pour que chaque
côté se limite à une intervention.
Le Président: Cela va? M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Un instant! Effectivement, le leader du gouvernement
a raison. On n'a pas discuté du nombre d'intervenants. Alors, on
m'indique qu'on serait d'accord pour que le consentement soit assorti du
"un-un".
Une voix: Parfait.
Le Président: Une intervention de chaque
côté.
Je vais reconnaître M. le chef de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous n'ignorez
sûrement pas, M. le Président, que c'est en 1948, plus
précisément le 21 janvier 1948, par un arrêté en
conseil de l'époque, que le Conseil des ministres adoptait le
fleurdelisé comme drapeau officiel du Québec.
Je pense qu'il faut cependant dissocier cet anniversaire de celui
d'aujourd'hui qui marque les quatre ans de la proclamation du 24 mai comme la
journée nationale du drapeau québécois, mouvement
amorcé par la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal, mouvement national des Québécois, après
que l'idée eut été lancée en 1973 par la
Société nationale de Québec. D'ailleurs, d'autres
événements jalonnent l'histoire du drapeau
québécois. Bien que le Québec se soit doté de son
drapeau en 1948, on se rend compte à la lecture des
procès-verbaux que ce n'est que deux ans plus tard que
l'Assemblée législative d'alors adoptait la Loi sur le drapeau
officiel de la province...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Boulerice: C'est écoeurant! Cela n'intéresse pas
les libéraux.
Une voix: Chut!
M. Chevrette: ...loi d'ailleurs, M. le Pré- sident,
sanctionnée le 9 mars 1950. Afin que le fleurdelisé ne puisse
être utilisé comme emblème par n'importe quel organisme, le
gouvernement du Québec enregistre le drapeau du Québec, en vertu
de l'article 9 de la Loi sur les marques de commerce, le 10 novembre 1965.
En juin 1967, le gouvernement d'alors adopte un arrêté en
conseil et il prévoit que le drapeau soit arboré sur tous les
édifices du gouvernement, sur toutes les écoles, sur toutes les
maisons d'enseignement relevant du ministère de l'Éducation.
L'arrêté en conseil du 20 août 1969 autorise le
ministère des Travaux publics à prendre les mesures
nécessaires en vue de faire arborer le drapeau sur ces édifices.
Malheureusement, et je dois le dire comme...
M. Gendron: ...M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Gendron: Oui, une question de règlement très
simple. Si nous avons pensé de faire la motion...
Le Président: À l'ordre, à l'ordre, à
l'ordre! Je voudrais entendre la question de règlement, et je rendrai ma
décision après. M. le leader de l'Opposition. (15 h 10)
M. Gendron: La question de règlement est très
simple. Elle portait sur ce qui se passait et qui ne vous permettait pas
d'entendre ce qui se débattait.
M. le Président, il me semble que si un parti politique
décide de présenter une motion c'est parce qu'on pense, à
l'évaluation, qu'elle mérite d'être soulignée
à l'Assemblée nationale. Pour ce faire, encore faut-il qu'elle
soit d'abord entendue des parlementaires. En conséquence, il
était évident que peu de parlementaires de l'autre
côté de cette Chambre semblaient intéressés aux
propos de mon collègue. Je trouve inacceptable que vous ne permettiez
pas que quelque motion que ce soit, à partir du moment où vous
l'autorisez, que ce soit de ce côté-ci de cette Chambre ou de
l'autre côté, soit débattue convenablement, suivant les
conditions prescrites par notre règlement.
Le Président: Je dois vous donner totalement raison, M. le
leader de l'Opposition. Ce n'est pas la première fois, et non seulement
cet après-midi, que je rappelle à l'ordre et ce, à
plusieurs reprises, pour différentes motions. M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je rappelais donc un
peu l'historique qui a amené notre drapeau à flotter sur les
édifices gouvernementaux. Je vous rappellerai qu'entre 1969 et 1976,
1977 même, il y a eu très peu d'efforts, si bien que le
gouvernement du Parti québécois
d'alors a dû, en décembre 1977, adopter un programme
concret d'action visant à réaliser le mandat qui avait
été confié aux Travaux publics par les décrets de
1967 et 1969.
Donc, pavoisement extérieur des édifices gouvernementaux,
efforts à consentir pour assurer le pavoisement des édifices
loués à plus de 50 %, pavoisement intérieur
approprié et conçu comme faisant partie de l'ameublement,
fourniture de drapeau à chacun des députés - c'est nous
qui l'avons instaurée - et maintien d'un inventaire de drapeaux qui
pouvaient être prêtés à divers groupes sociaux.
Voilà autant de mesures que l'on adoptait dès 1977 pour permettre
précisément à l'ensemble de la population
québécoise de voir se réaliser les décrets
votés en 1967 et 1969, donc dix ans plus tôt.
Par ailleurs, aujourd'hui, M. le Président, on pouvait lire dans
le journal Le Soleil une lettre publiée par un membre de la
Société nationale des Québécois de la capitale qui
déplorait que certains édifices gouvernementaux ne soient pas
identifiés par l'étendard québécois, que rares sont
les maisons d'enseignement pavoisées du fleurdelisé et que la
brochure gouvernementale qui avait été publiée en 1980 et
intitulée "Drapeaux et armoiries du Québec" soit
épuisée depuis 1986 et qu'on n'ait pas procédé
encore à son renouvellement.
M. le Président, voilà un peu l'histoire de notre drapeau
pour lequel des dizaines, des centaines, des milliers de
Québécois ont travaillé fort pour en être fiers.
C'est un hénomène d'identification nationale. Les
Québécois se sont carrément ralliés derrière
leur emblème national, derrière leur drapeau et ont
travaillé fort, que ce soit au sein du Mouvement national des
Québécois, de la Société Saint-Jean-Baptiste ou de
plusieurs groupes nationalistes. On a affiché hautement et
fièrement le drapeau québécois.
Il faut rendre hommage a ceux et celles qui dans le passé,
d'abord, ont pensé précisément à reconnaître
cet emblème national qu'est le fleurdelisé, à rendre
hommage à ceux qui sont disparus et qui y ont contribué,
remercier tous ceux et celles qui, actuellement, continuent à afficher
fièrement cet emblème national et espérer que ceux et
celles qui n'ont pas encore cette fierté la retrouvent le plus
rapidement possible.
Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition. Sur la
même motion, je vais maintenant reconnaître M. le premier
ministre.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, je voudrais m'associer avec
grand plaisir aux membres de l'Assemblée nationale et à mon
honorable ami, le chef de l'Opposition officielle, et ceci sans la moindre
partisanerie, pour réitérer l'importance que revêt aux yeux
de tous les Québécois le drapeau fleurdelisé.
Comme le signalait le chef de l'Opposition, 38 ans après
l'adoption par l'Assemblée nationale du Québec de la Loi sur le
drapeau officiel et 40 ans après l'adoption de l'arrêté en
conseil qui nous a donné un drapeau national, il me semble important, et
ce dans la tradition inspirée par notre devise, de nous souvenir. De
nous souvenir d'abord et avant tout de la signification des
éléments de ce drapeau: La croix blanche, symbole d'une nation
catholique, le bleu azur, marque de l'autorité française et les
fleurs de lis blanches, rappel de la fondation d'une France nouvelle en
Amérique. De nous souvenir ensuite que de la plantation de la croix de
Jacques-Cartier à nos jours, en passant par Champlain, les miliciens,
Carillon et bien d'autres, ce drapeau fut au coeur de notre histoire, des
grands et petits événements qui la font, bref, de notre
évolution.
Bien plus qu'un simple symbole, notre drapeau constitue un
témoignage de ce que nous avons été, de ce que nous sommes
et de ce que nous entendons devenir. Au coeur de notre identité, il
consacre plus que jamais le caractère distincttf d'une
société qui demeure la pierre d'assise de la francophonie
nord-américaine.
De ce fait, il constitue un appel au dépassement et à la
grandeur d'un peuple dont le dynamisme, la confiance, la force et l'ouverture
lui ouvrent déjà des voies larges vers un avenir des plus
prometteurs. J'invite donc tous nos concitoyens à prendre conscience de
l'importance de ce symbole d'appartenance et de solidarité et à
le pavoiser.
Le Président: Je remercie M. le premier ministre. La
motion présentée par M. le chef de l'Opposition est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Toujours à
l'étape des motions sans préavis, je vais maintenant
reconnaître M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
Souligner le 50e anniversaire de Canards illimités Canada
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je fais la motion
suivante: Que les membres de cette Assemblée soulignent le 50e
anniversaire de Canards illimités Canada.
Le Président: Y a-t-il consentement, M. le ministre, pour
débattre de cette motion? M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: II y a consentement.
Le Président: II y a consentement. M. le ministre,
voulez-vous déposer copie de votre motion?
M. Picotte: C'est fait.
Le Président: C'est fait? Vous avez maintenant la
parole.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci. Depuis mars 1938, Canards illimités
Canada a commencé ses activités au Canada et, par
conséquent, célèbre cette année un
demi-siècle de conservation de la ressource sauvagine et de production
des milieux humides. Nous le savons, les milieux humides sont des habitats
essentiels pour la survie de la sauvagine, des poissons, des animaux à
fourrure ainsi que d'une grande variété d'oiseaux aquatiques et
sont d'une valeur inestimable pour le maintien de l'agriculture, du trappage,
de la chasse et de la pêche. Il est important de mentionner, Mme la
Présidente, que Canards illimités Canada est l'un des principaux
organismes actifs au Québec dont le seul but est d'investir des sommes
d'argent, de l'expertise et des ressources humaines pour la protection des
milieux humides et de l'habitat de la sauvagine.
De plus, cet organisme sans but lucratif est un partenaire majeur du
gouvernement du Québec puisqu'il a convenu d'investir 10 000 000 $ pour
la sauvagine d'ici à cinq ans. En effet, une entente totale de plus de
16 000 000 $ a été signée en novembre 1987 entre mon
ministère, la Fondation de la faune du Québec, l'OPDQ et Habitat
faunique Canada. Au nom des membres de cette Assemblée, je tiens donc
à remercier Canards illimités Canada pour son travail et sa
contribution exceptionnelle à la protection des milieux humides et de la
sauvagine et je l'encourage à continuer dans cette voie dans la province
de Québec et ailleurs au Canada.
Mme la Présidente, vous allez sans doute me permettre de
remercier l'Opposition qui a concouru à cette motion et aussi de saluer
bien amicalement les gens de Canards illimités qui nous honorent de leur
présence cet après-midi à l'Assemblée nationale.
Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Mme la Présidente, l'Opposition officielle
est heureuse de se joindre au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche pour adopter unanimement cette motion soulignant le 50e
anniversaire de Canards illimités. On sait que depuis quelques
années, on a vu surgir et se former une prise de conscience au
Québec sur l'importance de conserver, de protéger et même
de restaurer les habitats fauniques. Or, on se rend compte, par cette motion,
que Canards illimités oeuvre depuis 50 ans à la conservation,
à la protection et à la restauration des habitats fauniques.
Donc, cet organisme a commencé son oeuvre de protection des habitats
fauniques à une époque où, il faut en convenir, ce
n'était pas une préoccupation dominante de la population. (15 h
20)
C'est un organisme qui, comme on le sait, est financé par des
fonds privés, des souscriptions des citoyens et citoyennes du Canada et
du Québec et qui consacre cet argent recueilli à acquérir,
à protéger et à restaurer des habitats fauniques,
particulièrement concernant la sauvagine. C'est devenu aussi, depuis
quelques années, un partenaire important du gouvernement
québécois et je pense que cela pourra devenir un partenaire
important de la toute nouvelle fondation québécoise pour la
protection des habitats fauniques. Je pense qu'on peut aussi concevoir une
alliance et une conjugaison des efforts de Canards illimités de
même que de la fondation québécoise pour atteindre
l'objectif partagé de plus en plus par les Québécois de
conserver, de protéger et, dans bien des cas, malheureusement, de
restaurer les habitats fauniques.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
À l'ordre, s'il vous plaît!
Cela met fin au débat. Est-ce que la motion du ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui se lit comme suit: "Que les
membres de cette Assemblée soulignent le cinquantième
anniversaire de Canards illimités Canada", est adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Cela met fin aux motions sans
préavis. Nous allons passer aux avis touchant les travaux des
commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. J'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes
jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle
du Conseil législatif, la commission de l'éducation poursuivra sa
consultation générale sur les projets de loi 106, Loi sur les
élections scolaires, et 107, Loi sur l'instruction publique.
À la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de
l'administration poursuivra le débat sur le discours sur le budget
conformément à l'article 275 du règlement. Ladite
commission poursuivra ses travaux au même endroit, le mercredi 25 mai, de
10 heures à 13 heures.
J'avise également cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 15 h
30 à 18 h 30 et de 20 heures à 22 heures ainsi que demain, de 10
heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la
commission de l'économie et du travail poursuivra ses consultations
particulières sur le projet de
loi 31, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de
la main-d'oeuvre. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du
gouvernement. M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce que vous avez le
consentement de cette Chambre pour qu'on procède après les heures
normales de séance?
M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Il s'agirait
peut-être de le demander au député de Saint-Jacques.
Consentement, merci.
La Vice-Présidente: II y a consentement. Merci.
Si vous me le permettez, je vous avise que la commission du budget et de
l'administration se réunira en séance de travail le mercredi 25
mai 1988, à compter de 13 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau. Cela met fin aux avis touchant les travaux des
commissions.
Nous allons passer aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: II n'y a pas de renseignements, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: II n'y a pas de renseignements.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Si vous me le permettez, je désire informer cette Chambre que
demain après-midi, aux affaires inscrites par les députés
de l'Opposition, il y aura une motion présentée par la
députée de Marie-Victorin en vertu de l'article 97 du
règlement. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée
nationale du Québec exige du gouvernement fédéral le
respect intégral des compétences du Québec dans le secteur
des garderies, et du gouvernement du Québec, qu'il modifie son attitude
en exerçant ses compétences afin de doter les familles
québécoises des services de garde auxquels elles ont droit. "
Cela met fin aux affaires courantes. Nous allons passer aux affaires du
jour. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 19 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 15 de notre
feuilleton, le ministre du Tourisme propose l'adoption du principe du projet de
loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.
M. le ministre du Tourisme.
Des voix: Bravo!
M. Michel Gratton
M. Gratton: Mme la Présidente, l'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en
recommande l'étude à l'Assemblée. On se rappellera que le
projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du
Québec, avait déjà été déposé
à l'Assemblée nationale en juin 1986. Il portait alors le no 56.
Ce premier projet de loi qui proposait de modifier le statut juridique de
l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec a fait l'objet
depuis de plusieurs consultations tant au niveau gouvernemental
qu'auprès des diverses centrales syndicales accréditées
à l'ITHQ. À la suite de discussions avec les syndicats, certaines
modifications ont d'ailleurs été retenues dans le nouveau projet
de loi. De plus, j'entends déposer et proposer une autre modification,
lors de l'étude détaillée en commission parlementaire,
afin de répondre à une demande des étudiants. Toutes ces
modifications visent essentiellement à bonifier le projet de loi et
à mieux respecter les préoccupations du milieu.
Créé en 1968 pour assurer la formation, le
perfectionnement et le recyclage du personnel et de la main-d'oeuvre des
industries du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration, l'Institut
de tourisme et d'hôtellerie du Québec réalise depuis lors
son mandat au sein de l'industrie québécoise. Grâce
à l'envergure de son action et à la qualité de ses
diplômés, qui rejoignent chaque année les rangs de ces
industries où ils occupent toute la gamme des postes, le paysage
professionnel de l'hôtellerie, du tourisme et de la restauration a
profondément changé. Considérée il n'y a pas si
longtemps encore comme une activité d'ordre artisanal, l'industrie
touristique québécoise se retrouve maintenant au rang des
industries les plus importantes. À titre d'exemple, une comparaison
entre l'importance des recettes touristiques et la valeur de la production des
principales industries manufacturières place le tourisme en
première position, suivie de l'industrie du papier et de celle des
aliments. Soulignons également que la part des recettes touristiques du
Québec, au chapitre du tourisme international, était de 794 000
000 $ en 1986, occupant ainsi la quatrième position parmi les industries
rapportant le plus de devises, après le papier, l'automobile et
l'aluminium, mais avant le bois d'oeuvre, les minerais de fer et de cuivre, et
les moteurs et pièces d'avion.
À l'instar des autres corps d'emploi, les professions qui se
rattachent à l'industrie touristique commencent à être
reconnues et de plus en plus de jeunes sont attirés par ces professions.
Il est donc primordial de reconnaître
l'importance de la formation des futurs agents touristiques,
responsables en partie de l'image que les touristes étrangers
retiendront du Québec. Cette image de marque, l'ITHQ a largement
contribué à l'établir, tant par la qualité de ses
programmes et de ses enseignements, que par l'action de promotion qu'il
mène par le biais de ses activités de recherche et de
consultation en gestion, et ses actions en information et en animation, et ce,
sur le plan national et international.
Peu d'organismes de formation peuvent se targuer de résultats
aussi visibles en moins de 20 ans et rares sont ceux qui
bénéficient à ce point de l'adhésion et de la
coopération du milieu, lequel se reconnaît dans son école
hôtelière et fait corps avec elle. Mais pour pouvoir continuer
à épauler efficacement une industrie dynamique lancée en
cette fin du XXe siècle à l'assaut d'un marché national et
international, où la concurrence est de plus en plus vive, et pour
continuer à participer pleinement à l'essor du tourisme
québécois, l'institut a besoin d'un nouveau tremplin: un statut
administratif rajeuni.
L'objectif que vise le projet de loi 19 en instituant l'Institut de
tourisme et d'hôtellerie du Québec en société
d'État est justement de lui donner ce statut administratif rajeuni.
Depuis sa création, l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du
Québec se veut une direction du ministère du Tourisme et,
à ce titre, est soumis à des règles administratives
propres à la fonction publique, lesquelles, on le sait, n'ont pas
toujours favorisé son développement. (15 h 30)
Ces règles, qui n'ont pas été prévues pour
l'administration d'un organisme de formation spécialisée tel que
l'institut, constituent même, dans un certain nombre de cas, une entrave
à son fonctionnement qui, lui, se doit d'obéir à des
impératifs pédagogiques particuliers. L'obligation de retourner
les revenus au fonds consolidé de la province, le recours aux organismes
centraux tels le Conseil du trésor et le Service général
des achats et la nécessité de procéder constamment par
dérogation sont autant de procédures qui alourdissent le
fonctionnement de l'institut. Cet état de fait a maintes fois
amené le Conseil du trésor à recommander de doter
l'institut d'un statut qui lui conférerait l'autorité maximale
dont il a besoin pour remplir efficacement son mandat et lui permettre
d'améliorer son rendement et son efficacité.
Voilà donc, Mme la Présidente, l'objectif que vise le
projet de loi 19. Il dote l'institut d'un statut de société
d'État mandataire du gouvernement et recevant ses directives du ministre
du Tourisme, notamment en ce qui concerne son orientation et ses politiques.
Ainsi, l'institut sera administré par un conseil d'administration dont
les membres seront nommés par le gouvernement et, plus
particulièrement, pour deux d'entre eux, sur recommandation du ministre
de l'Éducation et du ministre de l'Enseigne- ment supérieur et de
la Science.
On reconnaît ici le souci du gouvernement d'accorder la
préséance au rôle de formation de l'institut. Il faut que
la vocation pédagogique demeure la priorité de l'institut
puisqu'elle en est sa raison d'être. De plus, tel que mentionné
précédemment, les représentations des étudiants et
les négociations qui ont suivi m'amèneront à proposer,
lors de l'étude détaillée en commission parlementaire, une
modification au projet de loi afin d'assurer la représentation
étudiante au sein dudtt conseil d'administration.
Par ailleurs, dans l'esprit de l'orientation choisie par notre
gouvernement en début de mandat, les membres du conseil d'administration
ne seront pas rémunérés, bien qu'ils seront
remboursés des dépenses faites dans l'exercice de leurs
fonctions. Évidemment, le directeur général qui, lui,
exercera ses fonctions à temps plein échappera à cette
règle.
Mme la Présidente, des amendements ont été
apportés à la première version du projet de loi, visant
entre autres choses à maintenir le personnel de l'institut assujetti
à la Loi sur la fonction publique plutôt que régi par des
règlements de l'institut. Cette modification résulte des
négociations intervenues avec les trois centrales syndicales
présentes à l'ITHQ et a le mérite d'être à la
satisfaction de chacune des parties.
La loi prévoit également des dispositions en cas de
situation de conflit d'intérêts, tant en ce qui concerne les
membres du conseil d'administration que le président du conseil
d'administration, le directeur général et le personnel de
l'institut. Dans ces trois derniers cas, tout intérêt direct ou
indirect dans une entreprise mettant en conflit leur intérêt
personnel et celui de l'institut se traduira par une déchéance de
leur charge.
La section II du projet de loi traite des objets et pouvoirs de
l'institut. Le mandat fondamental est la formation, le perfectionnement et le
recyclage du personnel et de la main-d'oeuvre de l'industrie touristique. Ce
mandat est réitéré à l'article 16 du projet de loi.
On y mentionne également que l'institut a pour objet de faire de la
recherche, d'apporter de l'aide technique, de produire de l'information et de
fournir des services dans les domaines de l'hôtellerie, de la
restauration et du tourisme.
Comme on le voit, Mme la Présidente, même si l'objectif du
projet de loi est d'assurer une plus grande autonomie de fonctionnement
à l'institut sur le plan administratif et financier, son mandat premier
demeure la formation. Le changement de statut permettra cependant à
l'institut d'élargir l'éventail actuel ' de ses activités
de formation tout en développant la qualité et le rayonnement de
celle-ci. Concrètement, cet élargissement des activités de
formation est prévu à l'article 17 du projet de loi 19. Ainsi,
les domaines et les secteurs par l'entremise desquels l'institut
déploiera ses activités de formation sont explicités, de
même que les
instances pouvant être concernées par les
développements. Il s'agit ici essentiellement de garantir à
l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec un fonctionnement
dans le cadre duquel il pourra occuper efficacement tous les créneaux
qui s'offrent à sa compétence et à son expertise. Par
exemple, l'institut pourra établir des programmes
accélérés de formation professionnelle sanctionnés
par des diplômes spécifiques. Il pourra également
créer des programmes professionnels autofinancés et
développer des cours de formation populaire.
L'éventail de ces cours de formation populaire est sans limite et
permettra de répondre à divers besoins spécifiques, tel
l'établissement de cours de cuisine pour les cardiaques et pour les
diabétiques, de cours sur l'art de recevoir et de séminaires
gastronomiques. Il va de soi que ces cours sont autofinancés et pourront
facilement se greffer à l'infrastructure pédagoqique et
matérielle déjà existante de l'ITHQ.
Avec l'autorisation du ministre de l'Enseignement supérieur et de
la Science, la possibilité est également donnée à
l'institut de développer et d'implanter des programmes professionnels de
niveau universitaire. Ces programmes sont indispensables à l'ouverture
de carrières touristiques de qualité et permettront
l'émergence de gestionnaires québécois hautement
qualifiés et spécifiquement orientés vers le
développement de l'industrie touristique. Comme on le sait, pour obtenir
une formation universitaire dans ce domaine, on est actuellement obligé
d'aller à l'étranger, à l'Université Cornell aux
États-Unis, à Lausanne en Suisse ou à Lyon en France.
Le projet de loi 19 permet à l'ITHQ de continuer d'offrir, avec
l'autorisation du ministre de l'Éducation ou du ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, des programmes de formation
professionnelle sanctionnés par des reconnaissances de fin
d'études tant au niveau secondaire que collégial.
Cependant, Mme la Présidente, même si le projet de loi 19
donne à l'ITHQ une plus grande autonomie, celui-ci ne pourra, sans
l'autorisation du gouvernement, transiger sur un immeuble, prendre un
engagement financier au-delà des limites et modalités
préalablement déterminées par le gouvernement ou encore
contracter un emprunt qui porte le montant total de ses emprunts non
remboursés au-delà d'un montant à être
déterminé par le gouvernement.
De même, le ministre du Tourisme pourra établir des
directives approuvées par le gouvernement concernant l'orientation et
les politiques de l'institut. Ces directives seront en outre
préalablement déposées devant l'Assemblée
nationale. L'institut est, par ailleurs, libre d'adopter tout règlement
relatif à l'exercice de ses pouvoirs et de sa régie interne sous
réserve que ces règlements soient approuvés par le
gouvernement.
Il est intéressant de noter, en passant, que la fin de l'exercice
financier de l'institut a été fixé au 30 juin de chaque
année pour tenir compte de la fin de l'année scolaire. Dans les
quatre mois de la fin de son exercice financier, l'institut devra remettre au
ministre ses états financiers de même qu'un rapport de ses
activités pour l'exercice financier précédent. Ces
états financiers et ce rapport seront déposés par la suite
à l'Assemblée nationale.
L'institut devra en outre fournir au ministre tout renseignement qu'il
exigera sur ses activités. D'autre part, le ministre approuvera, chaque
année, les prévisions budgétaires de l'institut. Les
livres et comptes de l'institut seront vérifiés par le
Vérificateur général chaque année et chaque fois
que le gouvernement le décrétera.
Parlons maintenant, Mme la Présidente, des dispositions
financières, point important s'il en est un, puisque les modifications
apportées à ce titre par le projet de loi influenceront
l'ensemble des activités de l'ITHQ.
Si, d'une part, le gouvernement pourra à certaines conditions et
selon les modalités qu'il déterminera, garantir le paiement des
emprunts contractés et l'exécution de toute autre obligation de
l'institut de même qu'autoriser le ministre des Finances à avancer
à l'institut les montants jugés nécessaires à la
poursuite de ces objets, d'autre part, le solde de revenus de l'institut ne
sera plus versé au fonds consolidé du revenu que sur demande du
gouvernement. Le mécanisme de retour au fonds consolidé de tous
les revenus générés par l'école, salle à
manger, cafétéria, revente, et par l'hôtel tel qu'il existe
à l'heure actuelle, constitue en quelque sorte une disfonction
administrative qui empêche l'institut de réaliser pleinement ses
objectifs d'apprentissage.
En effet, et malgré le fait qu'il soit tenu compte au moment de
l'attribution du budget des sommes qui doivent être retournées au
fonds consolidé, le budget de l'ITHQ n'est pas à l'écart
des compressions qui peuvent être commandées par une situation
économique précaire comme celle vécue au début des
années 1980. En pratique, il est donc très difficile de
réaliser des activités pédagogiques qui
génèrent des revenus étant donné la marge de
fonctionnement réduite qu'un budget serré peut laisser à
l'ensemble des activités, car plus il y a d'activités
pédagogiques à caractère commercial, plus
l'établissement s'appauvrit. Par contre, limiter ces activités
pédagogiques, c'est limiter également les situations
d'apprentissage. (15 h 40)
Le projet de loi 19 permettra donc à l'institut d'assurer
l'autofinancement des cours et des programmes sanctionnés par
l'école au moyen de contributions versées par les participants
qui n'auront plus à être retournées automatiquement au
fonds consolidé de la province. On pourra alors développer
l'éventail des cours offerts et répondre adéquatement aux
besoins d'une clientèle potentielle qui ne peut être desservie
dans
les conditions actuelles. De même, il sera possible de
créer de nouvelles situations d'apprentissage appliqué.
Mme la Présidente, l'institut pourra également mettre sur
pied les presses de l'institut favorisant ainsi la publication de manuels et de
documents professionnels spécialisés. Une telle activité
est un des éléments du rayonnement d'un organisme de formation et
constituerait, dans le cadre du statut actuel, une ponction de budget que
l'institut ne peut pas se permettre puisqu'il ne pourrait disposer des revenus
générés par la vente des publications. Par ailleurs, la
mise sur pied d'un tel service sera un encouragement au corps enseignant
à la rédaction et à la publication professionnelles et
constituera une part de la contribution de IÏTHQ à l'information et
à l'animation professionnelles en tant que centre
spécialisé. Les presses de l'institut permettront, en outre, de
consolider le positionnement de l'ITHQ en tant que centre de
références de la profession.
Mentionnons également qu'étant donné son expertise
dans les domaines de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme et
la réputation qu'il a acquise en tant qu'école
hôtelière de qualité internationale, l'institut est
régulièrement sollicitée par des organismes à
l'étranger pour des prestations commerciales et de formation. Ces
prestations telles la promotion de la gastronomie québécoise
deviennent, par le fait même, des exercices de ressourcement
privilégiés du fait de la nécessité de construire
celles-ci sur mesure, les situations et le contexte tant culturel que social
étant à chaque fois nouveaux et très
différents.
De telles actions sont également des occasions
privilégiées de générer des retombées
économiques futures importantes pour le Québec. Le nouveau statut
offert à l'ITHQ lui permettra donc une plus grande autonomie dans le
cadre de ses activités commerciales internationales.
Mme la Présidente, tel que mentionné
précédemment, les consultations et les négociations qui
ont été menées auprès des syndicats m'ont
amené à inscrire au projet de loi diverses modifications au
projet initial particulièrement à la section des dispositions
transitoires. En effet, les employés demeureront soumis à la Loi
sur la fonction publique, ce qui permettra de protéger leurs droits.
Ainsi, le maintien intégral des régimes de retraite et des
accréditations syndicales est prévu par le projet de loi.
Comme on le voit, tel qu'il a été formulé, le
projet de loi 19 constituant l'institut en société d'État
ne change en rien sa vocation fondamentale qui est la formation
spécialisée en hôtellerie, tourisme et restauration. Bien
au contraire, le nouveau cadre administratif qu'il propose donnera à la
mission de formation de l'ITHQ et à ses activités de consultation
et de recherche, d'information et d'animation professionnelles, l'autonomie
nécessaire pour maximiser te potentiel de l'école
hôtelière du Québec. Dans le cadre de son nouveau statut,
toutes les activités de formation de l'institut sont, en effet, non
seulement reconfirmées, mais pourront, grâce à une marge de
manoeuvre administrative plus souple, se développer davantage et occuper
tous les champs d'activité qui s'offrent à son expertise. Tel
qu'il se présente aujourd'hui, le projet de loi 19 constitue pour
l'institut le tremplin qu'il lui faut maintenant pour pouvoir continuer
à remplir toujours plus efficacement sa mission au sein de l'industrie
touristique québécoise.
Après 20 ans de fonctionnement au cours desquels l'institut a
fait brillamment la preuve qu'il justifiait les espoirs mis en lui au moment de
sa création, l'école hôtelière, maintenant rendue
autonome, aura de nouveaux moyens pour lui permettre de continuer sa
lancée.
L'industrie québécoise pourra compter sur une école
hôtelière mieux adaptée pour l'épauler efficacement
dans sa conquête des marchés touristiques nouveaux qui s'ouvrent
au Québec au seuil du XXIe siècle.
Mme la Présidente, j'invite donc les membres de
l'Assemblée nationale à adopter le principe du projet de loi 19,
Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Tourisme.
M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous sommes
d'accord avec l'esprit du projet de loi 19 qui permet d'éliminer la
bureaucratie et qui permet à l'institut de mieux jouer son rôle
dans la formation pédagogique, et c'est à voir, des
professionnels et des étudiants. Le but visé est censé
être cela. Cependant, je trouve un peu curieux que le gouvernement
actuel, après avoir accusé le PQ de créer des organismes
et des corporations, vienne lui-même en instituer un, tout en disant que
cela répond exactement à sa politique.
Mme la Présidente, le Parti québécois dont je suis
le porte-parole en matière touristique est d'accord sur le principe du
projet de loi. Nous allons, en commission parlementaire, en discuter en long et
en large, en espérant apporter d'extraordinaires modifications à
ce projet de loi. Il y a deux volets principaux dans ce projet de loi qui, je
crois, ne sont pas touchés suffisamment. Premièrement, il faut
absolument que les étudiants de cette institution reçoivent une
formation adéquate, correspondant à notre mentalité. Et,
deuxièmement, il faut absolument que nous voyions en ce projet de loi la
décolonisation de la dépendance européenne de
l'école. C'est d'une importance capitale. Au Québec, ils le font
bien, 80 % de nos restaurants sont la propriété de Grecs, et ils
font bien leur travail.
Sachant qu'il y a deux grandes cuisines au monde, la cuisine
française et la cuisine chinoise,
toutes les autres sont composées autour ou en sont des
dépendantes. Eh bien, la cuisine française, bien sûr, est
en soi européenne. Mais, depuis vingt ans, le Québec s'est
acharné à former des étudiants pour que la touche
québécoise soit présente partout dans toutes nos
institutions de tourisme, d'hôtellerie et de restauration. Cependant, je
ne crois pas que le but recherché à l'époque soit atteint
aujourd'hui et je ne vois pas, dans ce projet de loi, une façon
d'obliger l'école d'hôtellerie à "québéciser"
les services dans ce domaine. Nous sommes encore sous la dépendance de
dire: Un bon maître d'hôtel doit être un Européen -
non pas parce qu'ils font mal leurs choses, ils les font très bien - et
un bon cuisinier doit être un Européen. Cela se reflète
dans la mentalité de l'institut actuel et, par ce projet de loi, cela
semble vouloir se perpétuer. Je suis complètement contre cette
façon de voir les choses. Nous devons, par ce projet de loi, essayer de
donner ce côté québécois à la chose.
Mme la Présidente, je vais prendre ceci. En
général, M. le responsable du Tourisme au gouvernement, vous le
savez très bien, nous avons encore cette mentalité, je le
répète, de se dire entre nous, dans le domaine de
l'hôtellerie, dans le domaine de la restauration, qu'il faut que ce
soient des Européens pour que la chose soit bien faite. C'est renier les
vingt ans de formation qu'on a eue à cette école que de continuer
dans cette lignée. Je suis d'accord avec le principe que l'institut doit
être une corporation indépendante; cependant, j'entretiens
certains doutes sur la capacité de la direction de donner cette
"québécitude" qu'on se doit d'avoir dans la restauration et dans
l'hôtellerie.
Ce n'est pas en se promenant de façon continue dans le monde pour
aller voir des expositions et assister à des banquets à Tokyo,
à Paris - il faut y aller de temps en temps - ou au Mexique ou pour
aller faire nos "bines" à Cuba qu'on forme des étudiants qui
seront capables de prendre la relève dans la dignité et dans la
noblesse que ce métier amène, la restauration et
l'hôtellerie, et la réception et l'accueil des touristes au
Québec. On ne le sent pas, ce virage, et ce serait le temps, Mme la
Présidente, d'étudier à fond, avec les gens du milieu,
l'état dans lequel se trouve cet attrait touristique de premier ordre.
Je ne suis pas d'accord que c'est un artisanat. Ce sont des choses
professionnelles qui doivent se faire à l'intérieur de ça.
Il faudrait, et j'espère qu'à la commission parlementaire, le
ministre l'élargira, que nous recevions des étudiants, des
pédagogues, des gens du milieu de la restauration, des gens de
l'hôtellerie, des gens du tourisme en général pour venir
nous dire ce qu'on devrait faire avec ce projet de loi. (15 h 50)
M. le ministre nous dit qu'il a écouté certaines personnes
et qu'il a pris certaines choses. Il serait peut-être bon qu'une
commission parlementaire reçoive les différentes personnes du
domaine qui viendraient nous dire les correctifs à apporter pour
québéciser cette institution qui semble de plus en plus
dépendante d'une mentalité européenne. Je reviendrai
là-dessus.
M. le ministre nous dit qu'il a rencontré des étudiants et
qu'il accepte de faire une modification en prévoyant au conseil
d'administration un représentant étudiant. Mais où sont,
dans ce conseil d'administration, les représentants des professeurs?
Où sont dans ce milieu les représentants du milieu touristique,
du milieu de l'hôtellerie, du milieu de la restauration? Ils sont
complètement absents. On ne peut pas laisser dans les mains d'un seul
homme, si compétent soit-il - et je ne veux pas juger de cela ici, il y
a d'autres endroits pour ce faire - le monopole des connaissances dans tout ce
milieu. Il est beaucoup trop complexe et beaucoup trop professionnel
aujourd'hui pour que nous le laissions dans les mains d'un seul homme.
En plus, Mme la Présidente, la mentalité qui se
dégage de ce projet de loi de garder cette européanisation de
notre institution, les institutions québécoises l'ont
refusée. L'Institut d'hôtellerie veut donner une maîtrise
aux étudiants. L'UQAM, l'Université de Sherbrooke,
l'Université Laval refusent de délivrer des maîtrises aux
étudiants qui sont là parce qu'ils ne sont pas assez bien
formés et pas assez bien préparés pour la recevoir. Alors,
le directeur général n'écoutant que son courage et son
goût des voyages s'en va en Europe voir l'Université de Toulouse
et lui demande de leur donner des certificats qui ne seront jamais reconnus
ici. L'Université de Toulouse va donner des certificats de
maîtrise aux étudiants de l'École d'hôtellerie. Mme
la Présidente, si ce n'est pas là accepter une
dépendance... Et de plus, c'est leurrer des étudiants. C'est un
leurre parce que ce diplôme, même donné par
l'Université de Toulouse, ne sera pas reconnu au Québec. C'est
malheureux. Tout cela, parce qu'une mentalité existe dans cette
institution voulant que ce qui n'est pas européen ne peut pas être
à la tête d'institutions. On parlera beaucoup de cette
mentalité en commission parlementaire, Mme la Présidente.
La reconnaissance des diplômes à l'Université de
Toulouse. Il faut que l'institut s'entende avec le ministre de l'Enseignement
supérieur sur les exigences d'un programme de deuxième cycle pour
qu'on cesse d'accepter des étudiants sans savoir si le litige sera
réglé avant au moins 1991. Pourquoi les trois universités
contactées au Québec n'ont-elles pas voulu reconnaître la
validité de la délivrance d'une maîtrise? Pourquoi le
responsable est-il allé en Europe la chercher? Pourquoi le ministre
accepte-t-il cela? Pourquoi accepte-t-il le principe de cette dépendance
dans ce domaine, cette dépendance voulant qu'on soit des subalternes
dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration? Que je sache, les
grands restaurants, ce n'est pas cela qui manque
et surtout à Québec. Il faut être fine gueule pour
ne pas aimer, dans la ville de Québec, l'ensemble des gens qui tiennent
des restaurants et leur nourriture.
Montréal devient une capitale de la gastronomie, aussi. Il y a
une multitude de grands restaurants comparables très facilement avec les
restaurants européens. Je ne parle pas de Las-serre ou de Chez Maxim
où on paie 50 $ pour avoir un pétale de rose sur le bord de sa
tasse de café. Ce n'est pas ce que je veux dire. C'est là payer
pour un luxe extraordinaire. Dans certains grands pays du monde, Mme la
Présidente, hé bien! il y a des restaurants dont les prix, c'est
le temps de le dire, sont élevés. Mais, pour la restauration
d'extrême qualité, de grande qualité, dans la ville de
Québec, dans la ville de Montréal et dans tout le nord vers
Mont-Laurier, les Laurentides, il y a toute une série de restaurants et
ce ne sont pas nécessairement des Européens qui en sont les
propriétaires ou les maîtres d'hôtel.
Dans cette institution, il semble - et cela respire cela - que si ce
n'est pas européen, ce n'est pas valable. Les trois universités
du Québec l'ont dit. N'y croyant pas, et pour essayer de garder ce
monopole des poste clés dans ce domaine important du Québec, on
se retourne vers l'Europe - un autre voyage - on va à
l'Université de Toulouse et on fait accepter par l'Université de
Toulouse une maîtrise qui est en fait une chose qui ne sera pas reconnue,
mais un leurre pour les étudiants.
Je suis, en principe, pour ce projet de loi. J'ai fait quelques
recommandations et j'annonce immédiatement mes couleurs pour la
commission parlementaire. Je voudrais qu'on en tienne compte
immédiatement, mais je voudrais surtout que la commission parlementaire
s'élargisse et convienne - quand bien même on passerait trois,
quatre jours sur cela, Mme la Présidente, on a le temps - de rencontrer
les spécialistes de ce domaine pour nous éclairer. Après
20 ans d'institution, si nous faisons l'inventaire des professionnels du
domaine touristique, de la restauration qui en sont sortis et si ces gens ne
sont pas sur notre territoire, autant au parlement qu'à
l'extérieur de ce parlement, dans la restauration, des gens qui sont
capables d'être les premiers de file, les chefs de file, et non pas qu'on
soit continuellement sur un colonialisme "restauratoi-re" et d'hôtellerie
dépendant d'une mentalité européenne. Et je tiens à
dire qu'en Europe ils font cela de façon extraordinaire. Cela ne veut
pas dire que les Européens ne sont pas capables, mais si on fonde une
institution pour former les nôtres, il faut qu'un jour ils prennent leur
place. Prendre notre place, ce n'est pas enlever celle des autres.
Je trouve cela malheureux, Mme la Présidente. Regardez
l'hôtellerie, pas la restauration, les hôtels mêmes au
Québec sont d'un plus grand confort, de façon
générale, que tous les hôtels européens, et à
prix modique. C'est donc qu'on a une certaine mentalité ici qui nous
fait bien faire les choses. Cela ne nous enlève pas notre
côté professionnel de bien réussir. Mais tout cela, pour
former des étudiants, c'est la pédagogie. On voit dans le projet
de loi que l'Institut d'hôtellerie pourra avoir toute une série
d'hôtels et une série de restaurants. Le ministre nous disait dans
son laïus au début: II faudra que ce soit sur recommandation du
gouvernement. Je sais que pour une bonne pédagogie dans ce domaine, il
faut que les étudiants soient dans un restaurant d'apprentissage, et
soient aussi dans un hôtel d'apprentissage avec des prix plus bas que
dans les restaurants normaux, même si souvent la nourriture est beaucoup
plus élaborée pour que le client serve, entre guillemets, un peu
de cobaye. Ils acceptent les petits inconvénients de ceux qui apprennent
à leurs dépens.
Mais il ne faudrait pas, par exemple, que l'hôtel ou le restaurant
qui est en fait un restaurant d'apprentissage absolument nécessaire...
que le projet de loi ouvre la porte à une concurrence à
l'entreprise privée en en développant dans différentes
villes, dans tout le Québec, sous le joug de l'école
d'hôtellerie. Si jamais on s'en va là-dedans, je m'opposerai
à cela parce que si notre réseau n'était pas bon, je
serais d'accord. Mais je ne veux pas que le gouvernement vienne se mettre le
nez dans des endroits où on a déjà un service excellent,
un prix très convenable et concurrentiel de façon
internationale.
Mme la Présidente, je ne veux pas faire de personnalité
non plus sur l'école d'hôtellerie, mais je tiens à dire que
les gens actuellement en place ne sont peut-être pas ce qu'il y a de plus
extraordinaire pour donner cette mentalité québécoise
à l'institution. Dans ce projet de loi, on laisse encore les deux cadres
à peu près seuls. On y accepte, on me dit, de mettre des
étudiants. Il faudrait qu'il y ait d'autres personnes compétentes
autour et que ces gens aient le droit de vote et non pas le P.-D.G., le
directeur général qui soit le votant dans les conseils
d'administration. Parce que j'ai rarement voté contre moi; quand je suis
seul quelque part et que je suis Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, en
même temps, c'est très rare que je vote contre moi même s'il
y a des langues de feu tout autour de moi qui veulent me brûler. (16
heures)
Mme la Présidente, j'aimerais bien que par votre
intermédiaire parlementaire vous ricochiez à l'oreille du
ministre qu'il faudrait qu'il voie en commission parlementaire peut-être
à apporter certaines modifications et surtout accepter que des gens
viennent nous éclairer. Après 20 ans, si les résultats ne
sont pas aussi forts que ceux auxquels on doit s'attendre, cela veut dire que
depuis 20 ans, il y a eu peut-être des manques. Il faut absolument que
dans l'hôtellerie en général, si c'est vraiment une maison
de formation, ceux qui y sont formés prennent des places dirigeantes
partout sur notre territoire et non
pas qu'on continue à garder la restauration et l'hôtellerie
sous le joug européen. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne. M. le député de Chauveau.
M. Rémy Poulin
M. Poulin: Merci, Mme la Présidente. Cela me fait d'autant
plus plaisir de parler du projet de loi 19 que j'ai oeuvré dans la
restauration et l'hôtellerie pendant cinq ans. Je vais prouver au
député de Terrebonne qu'il n'y a pas seulement les
Européens qui ont réussi dans la restauration au Québec et
qu'ils ont pris une place autre que celle qu'il nous a expliquée.
Le projet de loi 19 a pour objet de constituer en corporation l'Institut
de tourisme et d'hôtellerie du Québec qu'on a toujours
appelé l'ITHQ. Faisons l'historique de l'ITHQ. Créé en
1968, il y a déjà 20 ans, son but était de favoriser le
développement du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration.
Souvenons-nous qu'à l'époque, il y avait un besoin urgent de
main-d'oeuvre spécialisée et qualifiée dans les secteurs
du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration afin de
répondre à la demande de plus en plus grandissante de tous ces
secteurs.
Vingt ans après sa création, l'ITHQ s'est fait une
renommée internationale et la qualité de ses finissants est
appréciée dans tous les secteurs de l'industrie touristique.
Comme je le disais tout à l'heure, pour avoir travaillé durant
cinq ans dans le domaine des relations publiques pour une distillerie, il
était étonnant de voir tous ces finissants de l'ITHQ tant dans
les grands hôtels que dans les auberges, à la direction, à
titre de chefs cuisiniers, directeurs de banquets, serveurs,
préposés aux chambres, mais aussi comme propriétaires de
plusieurs restaurants ou auberges.
Rappelons-nous qu'à ses débuts et jusqu'en 1972, il n'y
avait qu'une centaine de finissants par année et qu'en 1975, on comptait
jusqu'à 400 finissants annuellement. Aujourd'hui, 3000 personnes forment
la relève à moyen et à long terme. En plus de ces 3000
diplômés, il existe des programmes de formation des adultes, des
programmes de courte durée de recyclage, de perfectionnement, ce qui
fait qu'environ 3500 personnes par année se retrouvent dans
différents secteurs du tourisme.
On peut dire aujourd'hui que tout près d'une trentaine de mille
personnes y sont passées. Comme je le disais tout à l'heure, il
n'y a pas seulement des chefs, mais aussi des propriétaires
québécois, des directeurs québécois. On pourrait
donner l'exemple de certains membres de la famille Germain de la région
de Québec issus de l'ITHQ et qui ont mis en oeuvre l'un des plus beaux
projets dans la région de Québec, le Germain des Prés. Il
y a aussi le restaurant Le Faubourg sur la Grande-Allée dont le chef,
Mario, a eu le prix d'excellence l'an passé. Les Québécois
sont donc installés dans la restauration depuis longtemps et ils sont
là pour y demeurer.
Il n'est pas nécessaire de souligner que l'ITHQ prépare la
main-d'oeuvre pour tous les niveaux d'emplois dans ce secteur. Citons quelques
exemples: la formation spécialisée polyvalente,
c'est-à-dire tous les programmes sanctionnés par un diplôme
reconnu par le ministre de l'Éducation du Québec permettant
d'aller sur le marché du travail, mais n'empêchant pas de
poursuivre des études plus avancées... A titre d'exemple, des
gens qui vont chercher un DEC en gestion hôtelière peuvent
poursuivre leurs études à la Faculté d'administration de
l'Université Laval, cela, grâce à une solide formation
générale-La reconnaissance de l'industrie face à l'ITHQ
n'est pas à faire, les hôteliers reconnaissent que l'ITHQ procure
depuis quelques années des cadres professionnels de qualité et
que les nouveaux diplômés constituent la relève des cadres
hôteliers actuels.
Le dernier congrès des écoles hôtelières qui
s'est tenu à Montréal en 1987 a placé l'ITHQ comme l'une
des meilleures écoles hôtelières mondiales tant par son
contenu que par ses participants. Les étudiants en sortent capables de
servir notre industrie touristique avec un niveau de professionnalisme
supérieur.
Mme la Présidente, l'ITHQ collabore de façon
étroite avec les divers secteurs de l'industrie touristique, et la
réciproque est vraie. Voici quelques exemples: service aux entreprises,
service de consultation en gestion, centre de recherches technologiques.
À la recherche, les exemples: développement de la cuisine
régionale avec l'aide des ATR, les centres de personnes
âgées et aussi la commercialisation du caribou. À
l'animation, d'autres exemples: l'émisssion de soeur Angèle
à la télé, concours de recettes "La Fourchette d'or",
dépliants qui annoncent les restaurants avec menus de
spécialités régionales, tables d'hôte touristiques,
sections alimentaires dans les journaux dont Le Soleil, La Presse et
Le Droit à Ottawa. Aux actions préventives, un exemple:
les Îles-de-la-Madeleine, le développement d'un menu aidant
à revaloriser du même coup les emplois qui en dépendent. Au
centre de consultation ses PME pour tous les problèmes inhérents
à la gestion: consultant qui répond à la PME, service
gratuit, aide à sauver les emplois aussi et améliore le marketing
et la productivité. D'autres outils de gestion pour les administrateurs
où l'on récupère plusieurs données de
référence: service de placement pour le personnel
qualifié, formation dans l'entreprise.
Mme la Présidente, à titre de conclusion, malgré la
renommée qu'il a atteinte, l'institut doit fonctionner avec un cadre
administratif inadapté. Le retour au fonds consolidé de toutes
les recettes de la partie commerciale de l'activité pédagogique,
l'absence d'incitation au développe-
ment des revenus, le recours généralisé aux
dérogations, l'aspect commercial de certaines activités de l'ITHQ
ne cadrent pas avec les règles de la fonction publique.
Mme la Présidente, avec l'incorporation, on prévoit un
fonctionnement administratif autonome, avec un conseil d'administration et une
enveloppe budgétaire globale. On a ainsi un cadre administratif et
légal mieux adapté aux finalités de l'ITHQ. Ce projet de
loi ne change en rien la vocation fondamentale de l'ITHQ qui est la formation
spécialisée dans les domaines de l'hôtellerie, du tourisme
et de la restauration, de même que l'enseignement dans ces domaines. Bien
au contraire, dans le cadre de son nouveau statut, toutes les activités
de formation de l'institut sont en effet, non seulement reconfirmées,
mais elles pourront, grâce à une marge de manoeuvre administrative
plus souple, se développer davantage et continuer à former une
main-d'oeuvre qualifiée et compétente. Toutes les garanties
énumérées par le ministre sont entre autres réunies
pour que le changement de statut se fasse pour le plus grand bien de
l'école hôtelière du Québec et de la formation
touristique. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Chauveau.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, je ne pourrais quand
même pas vous cacher le plaisir que j'ai de voir les
députés et même les ministres, de part et d'autre de la
Chambre, faire l'éloge de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie
du Québec qui est sans contredit une des institutions les plus
prestigieuses dans la circonscription de Saint-Jacques que j'ai l'honneur de
représenter à l'Assemblée nationale. En effet, il est
situé sur la rue Saint-Denis au coin de la rue de Rigaud, donc en plein
centre de cette circonscription. Remarquez que le Directeur
général des élections voudrait bien m'enlever ce beau
fleuron de ma couronne, mais je continue toujours à m'y opposer et j'ose
espérer que, si par malheur il devait commettre ce geste ignoble, je
pourrai quand même entendre le député de Saint-Louis,
puisque ce sera dans sa circonscription, parler de l'Institut de tourisme et
d'hôtellerie du Québec. Je sais qu'il n'est pas en Chambre
aujourd'hui, mais j'espère qu'on va l'entendre parler de l'Institut de
tourisme et d'hôtellerie du Québec. Comme c'est également
aussi un dossier important pour l'est de Montréal, j'ose espérer
qu'on va entendre le député de Sainte-Marie qui est absent
aujourd'hui, donc manquant à ses devoirs parlementaires et
s'inté- resser à un sujet aussi préoccupant... La
Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Boulerice: ...pour le développement de l'est de
Montréal, parce que l'est n'est pas uniquement pour les fermetures
d'usines, ce qui est la marque de commerce de ce gouvernement, mais bien un
certain développement. (16 h 10)
Oui, on a accusé le Parti québécois de créer
des organismes et des corporations, etc., et là, je m'aperçois
que ce gouvernement de déréglementation et d'abolition des
organismes gouvernementaux propose aujourd'hui, de créer une corporation
pour l'Institut de tourisme et d'hôtellerie. Nous serons d'accord, nous
de l'Opposition officielle, avec l'esprit du projet de loi 19 s'il permet
d'éliminer la bureaucratie et s'il permet à l'institut de mieux
jouer son rôle dans la formation pédagogique et professionnelle
des étudiants. L'Institut de tourisme et d'hôtellerie qui a
été créé en 1968 et qui célèbre donc
son vingtième anniversaire, doit être un symbole de fierté
pour les Québécois et ses dirigeants doivent être au dessus
de tout soupçon.
Les problèmes évoqués ces jours derniers dans les
journaux, n'ont malheureusement rien pour dorer le blason de l'institut qui,
pourtant, est prestigieux. Le gouvernement doit donc voir à l'atteinte
de ces objectifs, Mme la Prsidente, car il en va de notre
crédibilité dans les domaines du tourisme et de la restauration,
tout comme dans celui de l'hôtellerie. L'institut, effectivement, a
formé jusqu'à ce jour 3000 gradués. On voit cette
fierté, d'ailleurs. Quand on va dans les restaurants, je demande souvent
au garçon ou à la jeune fille: Est-ce que vous avez fait
l'institut? Ils répondent tous avec beaucoup de fierté: Oui, j'ai
fait l'institut. Donc, 3000 gradués et 40 000 personnes qui sont venues
y prendre des cours de perfectionnement, ce qui donne une idée de
l'ampleur de la tâche accomplie, des réalisations importantes
qu'il faut d'ailleurs continuer à valoriser. Je pense qu'on doit
insister sur l'importance de la qualité de la formation, sur la
qualité de l'enseignement comme tel et sur le rôle du corps
professoral de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du
Québec.
Il faut aussi dénoncer les visées un peu mercantilistes du
ministre qui, par un projet de loi, veut permettre à l'institut de
gérer des établissements. Je pense que c'est l'article 7.1 ou
quelque chose comme cela. Il faut s'exercer là-dessus à une
certaine prudence. L'institut est d'abord un institut pédagogique. C'est
un institut où l'on acquiert une formation professionnelle de toute
première importance. Je pense qu'on ne doit pas être distrait de
la préoccupation de base qui doit être celle de l'institut. Il
faut que le marché de la restauration et de l'hôtellerie et ses
dirigeants puissent en bénéficier, justement, par la formation de
dirigeants très compétents, de dirigeants
québécois. Il faut, et cela il ne
faut pas se le cacher, briser le monopole des chefs, des cuisiniers, des
maîtres d'hôtel qui, supposément parce qu'il viennent de
l'étranger, parce qu'il y a une longue tradition hôtelière,
sont les meilleurs, les seuls et les uniques. Mon collègue de Chauveau a
cité quelques exemples et je suis heureux qu'il l'ait fait.
Effectivement, il y a une excellence québécoise dans le domaine
de l'hôtellerie qu'il nous faut amplifier.
Quand je regarde certains aspects particuliers du projet de loi que nous
présente M. le ministre du Tourisme, je me pose des questions quant au
conseil d'administration. Comment se fait-il - et le porte-parole de
l'Opposition en cette matière s'est interrogé également -
que le directeur général ait droit de vote? Je vous avoue trouver
cela un peu particulier, moi qui ai quand même une certaine pratique de
certains conseils d'administration. Dans le domaine hospitalier comme dans le
domaine muséologique et dans le domaine scolaire également, je
n'ai jamais vu, Mme la Présidente, un directeur général,
qui est un exécutant, qui est un cadre, un cadre supérieur,
exercer un droit de vote. Je ne m'explique pas cela.
Comment se fait-il, de plus, que les responsables de la
pédagogie, c'est-à-dire les professeurs, les enseignants et les
enseignantes, ne soient pas représentés au conseil
d'administration? Je vous ai parlé tantôt d'une expérience
dans le domaine hospitalier. Bien, il y a des représentants du
Collège des médecins, il y a des représentants de ce qu'on
appelle le "nursing". Comment se fait-il que les principaux responsables de la
pédagogie ne soient pas représentés au conseil
d'administration? Cela m'inquiète énormémement. Il y a les
usagers et les étudiants. Bon, alors le ministre nous a annoncé
tantôt, Mme la Présidente, qu'il était pour apporter un
amendement. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait immédiatement en
présentant son projet de loi? Cela me fait un peu penser à sa
collègue, ministre de la Santé et des Services sociaux, qui avait
déposé un projet de loi de 17 articles annonçant tout de
suite en commission 17 amendements. Elle aurait été aussi bien de
les inclure immédiatement dans le projet de loi de façon à
satisfaire tout le monde.
Donc, qu'on y inclue les étudiants, je trouve cela très
intéressant parce qu'il faut bien connaître les étudiants.
Bon, j'admets que cet institut-là n'est pas dans votre circonscription.
Vous n'avez peut-être pas autant que moi la chance d'aller y manger
fréquemment. D'ailleurs, le dimanche ils ont un excellent brunch. Je
vais me permettre de faire la publicité, Mme la Présidente.
L'institut a un excellent brunch le dimanche matin, beau, bon et pas cher, pour
employer cette expression familière. Comment se fait-il que les
étudiants n'y soient pas? Bien, qu'ils y soient, tant mieux! Mais, je
pense, M. le ministre, que vous devez inclure les représentants du corps
professoral puisque c'est en fin de compte l'ossature de l'institut et cela est
bien plus important que de donner un droit de vote - j'aimerais bien d'ailleurs
que vous m'expliquiez le pourquoi de cela - au directeur
général.
Donc, le conseil d'administration sans cette
représentation-là m'apparaît handicapé dans ses
meilleurs éléments. Mais on voit qu'il n'y a aucune
uniformité dans les conseils d'administration sous un gouvernement
libéral. Un jour le président et le directeur
général ont le droit de vote. Un autre jour - exemple la loi 101
sur la conservation de la faune - c'est le p. -d. g. qui a le droit de vote. Je
ne sais pas où est la cohérence du parti ministériel
là-dedans. Mais cette incohérence illustre une fois de
plus...
J'aimerais revenir à la formation et à la
pédagogie, Mme la Présidente. L'institut ne doit pas être
un complexe de gestion et d'administration d'établissement
hôtelier et de restauration. L'institut doit être, prioritairement
et exclusivement, un centrage des énergies et des ressources à la
formation des étudiants qui y séjournent. Je pense qu'il faut
davantage équilibrer les volets pédagogiques dans les domaines du
tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration comme telle.
Je partage la même inquiétude que mon collègue,
député de Terrebonne, quant aux articles 19 et 40, quant à
cette fameuse reconnaissance. Ce n'est pas parce que les dirigeants de
l'institut n'ont pas pu s'entendre avec les universités du Québec
sur l'accréditation des cours de deuxième cycle, qu'il faut faire
un pied de nez et offrir une maîtrise d'État reconnue par Toulouse
qui est sans doute une très belle ville, qu'on appelle la "Ville rose"
en France mais qui va n'être, en définitive, qu'un leurre pour les
étudiants québécois. Ce sont justement ces
étudiants qui risquent de perdre le plus dans cette affaire car leur
diplôme, malheureusement, ne sera pas reconnu au Québec et vous
connaissez comme moi, Mme la Présidente, l'importance de la
reconnaissance du diplôme.
Alors, je pense qu'il faut que l'institut s'entende avec le ministre de
l'Enseignement supérieur comme le disait, de façon fort à
propos, et comme en conviendra inévitablement ma collègue,
députée de Chicoutimi et porte-parole de l'Opposition en
matière d'enseignement supérieur, il faut que l'institut
s'entende avec le ministre de l'Enseignement supérieur sur les exigences
d'un programme de deuxième cycle et qu'on cesse d'accepter des
étudiants, sans savoir d'ailleurs si le litige sera réglé
avant 1991.
Je vois, Mme la Présidente, que vous semblez me faire signe que
mon... Non, je vous remercie parce que, pour parler de l'institut, voyez-vous,
je répète que c'est un des plus beaux fleurons de la couronne de
Saint-Jacques et je voudrais bien avoir le plus de temps possible. Je sais que
le ministre écoute, d'ailleurs, avec beaucoup d'attention. C'est quand
même à son honneur, contrairement à d'autres de ses
collègues qui, eux, font la sourde oreille. Il écoute. Sans doute
fréquente-t-il assidûment la
circonscription de Saint-Jacques donc, il connaît bien l'institut,
non pas uniquement du fait qu'il en soit le titulaire mais bien parce qu'il a
à coeur le développement de l'institut.
Donc, quant à la formation pédagogique, je pense que je
vais reprendre de nouveau ce que disaient l'Association des professeurs de
l'ITHQ et le syndicat qui, lui, disait bien que le projet de loi 19 ne
reconnaît pas la priorité pédagogique et professionnelle
qui doit incomber à l'institut. Et, d'ailleurs, le syndicat des
enseignants, M. le ministre, aimerait que cette priorité apparaisse
clairement à l'article 16 du projet de loi parce qu'il craint justement
le danger que je vous exprimais tantôt, le danger mercantiliste de
l'institut. C'est une préoccupation tout à fait normale et
légitime qu'une institution déjà vieille de 20 ans ait et
que vous vous devez d'entendre. (16 h 20)
Quant au conseil d'administration comme tel, je pense, M. le ministre,
que, là aussi, si vous annoncez immédiatement que vous avez
l'intention d'y ajouter les étudiants, il faudrait immédiatement
songer à un deuxième amendement qui serait celui d'une
représentation du corps professoral. Voyez-vous, par la voix du
directeur général, les cadres supérieurs, les cadres de la
maison, secrétaire général, directeur des services
administratifs, auront, en quelque sorte, un droit de vote. On s'entend bien,
un droit de vote. Je vous le répète, cela m'apparaît un peu
particulier d'aller aussi loin que cela. On va se retrouver avec le corps
professoral qui n'aura ni droit de vote, mais ni droit de parole, M. le
ministre, puisqu'il ne se retrouvera pas à l'intérieur du conseil
d'administration. C'est pour cela que je vous demanderais de vous inspirer du
fonctionnement des conseils d'administration des centres hospitaliers.
Vous pourriez demander à votre collègue. Je ne sais pas,
vous semblez dandiner de la tête. Mais il me dit que ce n'est pas la
même chose. C'est la même chose. Bien entendu, l'hôpital n'a
pas la même vocation qu'un institut de tourisme et d'hôtellerie,
mais il y a des représentants des usagers. Les usagers sont les
étudiants. Vous venez de le reconnaître. Alors, au conseil
d'administration de l'hôpital, allez-vous nier, M. le ministre, que les
artisans de l'hôpital, si je peux employer cette expression-là,
qui sont les médecins et les infirmières, sont
représentés au conseil d'administration des hôpitaux? Ils
sont représentés. Vous avez le président du Conseil des
médecins et dentistes qui siège au conseil d'administration.
Écoutez! Vous ne me ferez pas dire que c'est faux. Je l'ai vécu
durant trois ans, à l'hôpital Saint-Luc d'ailleurs, une autre
institution prestigieuse dans la circonscription de Saint-Jacques qu'on veut
toujours m'enlever d'ailleurs, Mme la Présidente, que le
président des élections veut m'enlever, et je m'y oppose encore
une fois farouchement.
Donc, M. le ministre, on peut facilement faire un conseil
d'administration où ces gens-là pourraient être
représentés. Là, il y a forcément un
déséquilibre avec un directeur général avec un
droit de vote quand, en définitive, deux des acteurs principaux - je
vois le député de Chambly m'appuyer là-dessus - en sont
complètement exclus, à savoir le corps professoral et les
étudiants. N'est-ce pas, M. le député de Chambly?
Voilà.
Cela dit, nous irons en commission parlementaire sur ce projet de loi
19. Somme toute, nous ne sommes pas farouchement opposés. Que l'on donne
un certain degré d'autonomie à l'Institut de tourisme et
d'hôtellerie, j'y vois un peu un parallèle avec ce que le
gouvernement du Parti québécois a fait avec les musées. On
a décidé que ces musées cessaient d'être des
appendices du ministère de la culture et on leur a conféré
une autonomie en en faisant des sociétés d'État, ce qui
leur permet une autonomie de gestion à l'intérieur de normes
budgétaires édictées par le gouvernement - cela est
accepté - ce qui leur permet d'évoluer dans leur cadre, ce qui
leur permet une réglementation interne, ce qui leur permet un
fonctionnement beaucoup plus souple que la tutelle directe d'un
ministère. Donc, c'est un peu le parallèle que le ministre veut
faire s'inspirant d'une très bonne loi qu'a faite le gouvernement du
Parti québécois dans le domaine muséologique.
Le ministre choisit d'en faire une corporation, corporation,
société d'État, enfin peu importe le vocable. D'abord, que
l'on donne à l'institut des moyens plus étendus de mieux
s'administrer, de mieux se développer, de mieux planifier l'avenir, de
mieux penser ses programmes de formation, de mieux ouvrir ses portes à
des clientèles, de mieux faire, en définitive, pour toute
l'industrie du tourisme et de l'hôtellerie au Québec, ça on
n'en disconvient pas.
Je pense que là-dessus le ministre peut compter sur l'appui de
l'Opposition. Il est bon qu'à certains moments donnés, la
politique, souvent conflictuelle, puisse être consensuelle. Mme la
Présidente, je vois que vous me faites inexorablement signe que je
devrai conclure. Je pense, M. le ministre, que vous pourrez effectivement
compter sur l'Opposition dans votre projet de loi 19 à l'exception des
volets où notre porte-parole, le député de Terrebonne,
vous a déjà fait certaines indications. Je tiens à vous le
répéter, c'est la reconnaissance du diplôme, et je pense
qu'une concertation avec votre collègue et voisin de fauteuil s'impose
le plus rapidement possible. La formation pédagogique et la composition
du conseil d'administration doivent être revues au cours de l'exercice
que nous allons faire en commission parlementaire.
J'aurai bien l'occasion d'intervenir de nouveau en commission, mais je
voudrais conclure en saluant de nouveau les étudiants, puisque j'avais
le plaisir, l'an dernier, d'assister à leur fête et d'y aller de
mon modeste pécule comme député de Saint-Jacques pour les
aider à
organiser le bal des finissants, car ils étaient tenements fiers
d'être finissants de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie. Je
saluerai le corps professoral, l'administration que je connais bien d'ailleurs
puisque, issu du milieu scolaire, j'ai eu, durant de nombreuses années,
à signer des ententes de scolarisation entre la commission scolaire
à laquelle j'appartenais et l'Institut de tourisme. Combien de nos
élèves de cette commission scolaire régionale
désiraient aller suivre les cours que donne l'Institut de tourisme et
d'hôtellerie et que je retrouve au hasard lorsque j'entre dans un
restaurant, qu'il soit à Montréal, à Québec ou dans
une autre ville? Alors, je vais leur souhaiter un très joyeux et
très bon vingtième anniversaire - quand on a 20 ans, tous les
espoirs sont permis et je pense que cela s'applique bien à l'Institut de
tourisme et d'hôtellerie - leur offrir mes meilleurs voeux, les assurer
de ma plus entière collaboration et les assurer que, dans l'étude
du projet de loi, je veillerai aux intérêts des usagers,
c'est-à-dire des étudiants, du corps professoral, et surtout
à l'intégrité de ce que doit être l'Institut de
tourisme et d'hôtellerie, c'est-à-dire une grande école de
formation, une grande école de pédagogie appliquée
à la restauration, au tourisme et à l'hôtellerie au
Québec. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques.
M. le ministre du Tourisme, en réplique.
M. Michel Gratton (réplique)
M. Gratton: Merci, Mme la Présidente. On me permettra
d'abord de remercier les membres de l'Assemblée nationale qui ont
participé à ce débat et de me réjouir de l'appui
que nous annonce l'Opposition officielle à l'adoption du principe de ce
projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du
Québec.
Évidemment, un certain nombre d'affirmations faites, notamment,
du côté de l'Opposition mériteront d'être
relevées, mais, comme nous aurons l'occasion, en commission
parlementaire, de faire l'étude détaillée et de
procéder article par article, vous ne m'en voudrez sûrement pas,
Mme la Présidente, de ne pas relever chacune des affirmations faites
durant ce court débat et qui m'apparaissent devoir être
relevées.
D'abord, il est faux de prétendre que le projet de loi 19
crée un nouvel organisme. On sait, et on l'a répété
du côté de l'Opposition d'ailleurs, que l'institut existe depuis
maintenant vingt ans et que, tout ce que fait le projet de loi 19, c'est de
constituer l'institut, qui est présentement une section du
ministère du Tourisme, en société d'État qui
pourra, par son autonomie administrative et financière, exercer une plus
grande influence sur son rôle premier qui demeure la formation de la
main-d'oeuvre dans le domaine de l'hôtellerie, de la restaura- tion et du
tourisme. (16 h 30)
Effectivement, Mme la Présidente, N me semble que l'article 16
répond aux soucis de l'Opposition et de ceux qui prétendent que
le projet de loi 19 ne traduit pas assez fidèlement l'emphase que l'on
doit mettre sur l'aspect formation. Cet article 16 l'édicté
très clairement. Il s'agit de le lire: "L'institut a pour objets de
fournir des activités de formation professionnelle dans les domaines de
l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme, ainsi que de faire de la
recherche, d'apporter de l'aide technique, de produire de l'information et de
fournir des services dans ces domaines. "Les activités de formation
professionnelle comprennent des activités de perfectionnement et de
recyclage."
On voit bien par le libellé même de l'article 16 que la
formation est au centre des préoccupations que doit avoir l'institut.
Sûrement qu'on y reviendra en commission parlementaire, mais au moment
où l'on se parle il ne m'apparaît pas indiqué de devoir
proposer un libellé différent.
Du côté du député de Terrebonne, critique de
son parti en matière de tourisme, on a souhaité une commission
parlementaire où l'on pourrait procéder à des auditions
auprès de personnes intéressées. Je souscrirais volontiers
à ce souhait si on voulait faire porter le sujet, le mandat de la
commission sur l'ensemble de l'industrie touristique.
Depuis un an maintenant que j'assume la responsabilité du
ministère, j'ai eu moi-même à déplorer le manque
d'intérêt de l'Assemblée nationale pour l'industrie
touristique comme telle. Si une commission parlementaire pouvait amener une
plus grande sensibilisation des membres de l'Assemblée et de la
population quant à l'importance économique de l'industrie
touristique, j'en serais fort aise. Sauf que, ce que propose le
député de Terrebonne c'est plutôt une commission
parlementaire qui porterait sur le projet de loi 19.
Or, Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion de le signaler, le
projet de loi 19, sous une forme à peine différente, est devant
l'Assemblée nationale depuis juin 1986, c'est-à-dire depuis
maintenant presque un an. Effectivement, non seulement le projet de loi 19
était-il disponible, connu et pouvait donc être scruté
à la loupe par tous ceux que la chose intéresse mais, en plus, le
ministère du Tourisme et l'institut lui-même ont
procédé à des consultations organisées de telle
sorte qu'on en est venu à la conclusion qu'on devait réimprimer
et présenter un nouveau projet de loi - le projet de loi 19 - au moment
où nous avons commencé une nouvelle session, en mars dernier.
Je ne vois vraiment pas l'éclairage additionnel qu'une commission
parlementaire pourrait apporter sur le projet de loi 19. Bien sûr, on ne
se cachera pas qu'H existe un différend entre les professeurs, leur
syndicat et la Direction gêné-
rale de l'institut mais, Mme la Présidente, ce n'est pas par le
biais du projet de loi 19 qu'on doit tenter de répondre aux
appréhensions de part et d'autre.
Quand on parle, du côté de l'Opposition, du conseil
d'administration et qu'on s'interroge sur l'opportunité d'avoir des
représentants de tel ou tel secteur, il faudrait au moins convenir d'un
certain nombre de choses qui sont à la base même des conseils
d'administrations d'organismes semblables. D'abord, j'ai déjà
énoncé ce qui a trait à la clientèle. La
clientèle comprend tout le secteur de l'industrie touristique, les
hôteliers, la restauration, les opérateurs d'attractions
touristiques, bref, tous ceux qui oeuvrent de façon directe ou indirecte
dans l'industrie touristique, mais aussi, évidemment, tous ceux qui y
travaillent, les employés et, dans le cas qui nous préoccupe,
celui de l'Institut de tourisme, les étudiants de l'institut. J'ai
déjà indiqué qu'à la suite de
représentations et de discussions avec l'Association des
étudiants de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du
Québec, j'apporterais un amendement qui permettra de prévoir dans
la loi une représentation des étudiants au conseil
d'administration.
Il faut dire et souligner que le projet de loi prévoit que ce
conseil d'administration sera composé d'au moins sept et d'un maximum de
onze personnes et qu'il y aura lieu pour le gouvernement de nommer d'autres
représentants, d'autres clientèles au sein du conseil
d'administration. D'ailleurs, c'est dans les domaines du tourisme qu'on ira
recruter les personnes qui pourront le mieux servir comme membres du conseil
d'administration de l'institut.
C'est bien sûr que c'est dans le domaine de l'hôtellerie, de
la restauration, du tourisme et même, pour consacrer justement le
caractère fondamental de l'aspect formation de l'institut, on
prévoit nommément, dans le projet de loi, que deux des membres du
conseil d'administration devront être nommés, un par le ministre
de l'Éducation, sur recommandation du ministre de l'Éducation et
un autre sur recommandation du ministre de l'Enseignement supérieur.
C'est donc dire que parmi toutes ces personnes, il y en aura deux qui seront
spécifiquement des gens représentatifs du milieu scolaire, un
autre qui proviendra de l'Association des étudiants eux-mêmes,
selon un mécanisme qu'on pourra préparer ensemble en commission
parlementaire. Évidemment, il y a le président du conseil
d'administration qui, lui, sera nommé par le gouvernement à
même les sept ou onze membres et il y a le directeur
général.
On s'est posé la question du côté de l'Opposition
pourquoi un vote au directeur général et pourquoi pas à
des représentants des professeurs? Pourquoi le vote au directeur
général, c'est tout simplement parce que le directeur
général est membre du conseil d'administration et n'est pas
fonctionnaire comme tel. Le directeur général de l'institut n'est
pas un membre de la fonction publique, mais bien un cadre et donc, à ce
titre, fait partie de la direction et peut faire partie de l'administration et
voter dans ce sens. Pourquoi ne pas avoir retenu la demande qui nous a
été renouvelée d'ailleurs par le syndicat des professeurs
de l'institut d'avoir un représentant ou des représentants au
conseil d'administration? C'est tout simplement par cohérence
législative. Dans un premier temps, le syndicat des professeurs, de
même que les deux autres syndicats affiliés à l'institut
nous avaient fait une demande. Le premier projet de loi, le 56 qui avait
été déposé en juin 1986, prévoyait que les
employés de l'institut n'étaient plus assujettis à la Loi
sur la fonction publique.
À la suite de demandes de ces trois centrales syndicales, nous
avons accédé à leur souhait d'amender le projet de loi
pour que dorénavant, finalement la situation, le statu quo demeure et
que l'ensemble des employés, incluant les professeurs, demeurent
assujettis à la Loi sur la fonction publique plutôt que
régis simplement par les règlements de l'institut. Ce qui veut
dire que nous devons, à ce moment, employer le cadre de
référence des lois des sociétés analogues. On ne
peut pas comparer, par exemple, comme le faisait le député de
Saint-Jacques tantôt, l'institut au conseil d'administration d'un
hôpital ou d'un cégep ou d'une université parce que, dans
l'hôpital ou dans le cégep en question, les professeurs, dans le
cas du cégep, par exemple, ne sont pas membres de la fonction publique
alors qu'ici à l'institut et ce à la demande du syndicat des
professeurs, ils demeureront membres de la fonction publique.
Sauf erreur, Mme la Présidente, il n'y a aucune
société d'État, c'est peut-être d'ailleurs la
première société d'État où les
employés seront tous assujettis à la Loi sur la fonction
publique. Chose certaine, il n'y a aucun conseil d'administration nulle part
qui donne une représentation à des membres de la fonction
publique au sein de ce conseil d'administration. C'est ce qui nous a fait
offrir au syndicat des professeurs cette alternative de conserver la Loi sur la
fonction publique et ainsi perdre la possibilité d'une
représentation au conseil d'administration ou, à l'inverse,
d'être régi par des règlements de l'institut comme le
prévoyait le projet de loi original no 56 et alors avoir droit à
des représentants au conseil d'administration. (16 h 40)
La réponse est venue très clairement de la part du
syndicat à savoir qu'on préférait maintenir la Loi sur la
fonction publique applicable à l'ensemble des employés de
l'institut, incluant les professeurs. C'est ce qui explique que, pour les
étudiants, une clientèle, on amendera le projet de loi pour leur
donner une représentation au conseil d'administration alors que, pour
les professeurs, employés de la fonction publique au sein de l'institut,
il nous sera impossible de donner suite à cette demande.
Voilà, en bref, Mme la Présidente, quelques-unes des
explications que je désirais apporter à ce moment-ci de nos
travaux. Le député de Terrebonne a parlé, notamment de la
dépendance à l'égard de l'Europe de l'industrie
hôtelière québécoise. Je pense que le
député de Chauveau a apporté une partie de la
réponse à cet argument. Effectivement, les ententes que
l'institut a pu conclure avec ces institutions à l'extérieur du
Québec n'ont rien à voir avec une dépendance quelconque,
mais ont tout à voir avec le rayonnement de l'institut à
l'extérieur.
Par exemple, lorsqu'on reproche à mots à peine
voilés les missions et voyages à l'étranger, il faut bien
savoir que le personnel de la direction de l'institut qui effectue ces voyages
et ces visites à l'étranger le fait, la plupart du temps,
à la demande d'un ministère sectoriel, par exemple, à la
demande du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation pour la promotion de l'agro-alimentaire ou à la demande
du ministère du Commerce extérieur pour de l'équipement,
de la formation, de l'expertise. D'ailleurs, ces missions à
l'étranger ont des retombées économiques extrêmement
importantes pour le Québec. Par exemple, l'achat de quatre tonnes de
charcuterie québécoise lors d'une réception donnée
par l'institut à la Maison du Québec en république
Dominicaine, ou l'embauche en république Dominicaine par un groupe
d'hôteliers d'un certain nombre de diplômés de l'Institut de
tourisme et d'hôtellerie du Québec. Bref, il ne faut pas voir dans
les activités de l'institut à l'extérieur du Québec
un simple désir de relations publiques, mais bien l'entretien de
relations d'affaires, de relations commerciales qui sont tout à fait
utiles et bénéfiques pour le Québec.
Quant à la reconnaissance par les universités
québécoises des diplômes de l'institut, je pense qu'il y a
là beaucoup de renseignements erronés qui ont pu être
véhiculés et qui, sûrement, ont été repris
par les membres de l'Opposition. Nous fournirons l'ensemble des données
et des informations en commission parlementaire sur la situation telle qu'elle
existe, sur la collaboration qui doit exister entre l'institut et le
ministère de l'Éducation, d'une part, et le ministère de
l'Enseignement supérieur, d'autre part, et, finalement, sur les
relations qui doivent continuer d'être harmonieuses et heureuses entre
l'institut et l'industrie touristique québécoise comme telle.
La réputation de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du
Québec n'est plus à faire. D'abord, au Québec,
auprès de la clientèle qui reconnaît d'emblée les
services rendus par l'institut en matière de formation, de consultation,
d'information et, à l'extérieur, auprès d'un grand nombre
d'intervenants touristiques qui reconnaissent la qualité de la formation
offerte par l'Institut de tourisme du Québec. Si l'institut jouit d'une
situation exemplaire au Canada, en Amérique du Nord, c'est surtout
grâce aux efforts et au travail acharné des gens qui y ont
oeuvré depuis sa fondation, il y a 20 ans, incluant les gens de la
direction actuelle qui se dévouent corps et âme au profit de
l'institut et ce, dans certains cas, depuis au-delà de dix ans.
Je n'hésite donc pas à souhaiter que l'Assemblée
nationale adopte le principe du projet de loi 19 et à souhaiter que nous
puissions en commission parlementaire répondre à toutes les
questions, à toutes les appréhensions de l'ensemble des membres
de l'Assemblée nationale, de façon que, tel que prévu dans
le projet de loi, dès le 30 juin prochain, l'Institut de tourisme et
d'hôtellerie du Québec atteigne enfin son autonomie et devienne
une société d'État autonome qui pourra mieux
répondre de ses efforts, notamment et surtout dans le domaine de la
formation de la main-d'oeuvre dans la restauration, l'hôtellerie et le
tourisme québécois.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que le principe du projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et
d'hôtellerie du Québec, est adopté?
M. Brassard: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais maintenant
d'appeler l'article 6 du feuilleton, s'il vous plaît! Je m'excuse, au
préalable, je voudrais faire motion pour que le projet de loi 19 soit
déféré à la commission de l'économie et du
travail pour étude détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
M. Brassard: Adopté.
Projet de loi 3 Adoption du principe
Le Vice-Président: Adopté. Nous arrivons donc
à l'article 6 du feuilleton. M. le ministre de la Justice propose
maintenant l'adoption du principe du projet de loi 3, Loi modifiant le Code
civil en matière de copropriété et d'em-phytéose.
Je cède donc la parole à M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Le projet de loi
présenté aujourd'hui a comme objectif la coexistence juridique de
la copropriété, d'une part, avec l'emphytéose et, d'autre
part, avec le
droit de superficie. Avant de souligner les points majeurs des
modifications proposées à ce projet, il m'apparaît
important de vous dresser un court tableau de la situation actuelle.
D'un côté, vous avez le bail emphytéotique qui
constitue une formule souvent utilisée pour la cession d'immeubles,
compte tenu des avantages qu'il présente. Vous savez que ce bail est un
contrat par lequel le propriétaire cède son immeuble à un
emphytéote, à la charge pour ce dernier d'y faire des
améliorations. Le bail doit être d'une durée de 9 à
99 ans. À l'expiration de ce bail, le propriétaire reprend
l'immeuble et les améliorations qui y ont été faites.
Le droit de l'emphytéote est donc temporaire. C'est ainsi que le
bail emphytéotique favorise l'exploitation de nombreux terrains
détenus par les grandes villes ou par le gouvernement, lesquels
désirent souvent en conserver la propriété. De plus, le
prix de ces terrains étant généralement fort
élevé, le bail emphytéotique permet de les exploiter
à un coût relativement bas. Ceci compense d'ailleurs le fait que
l'emphytéote n'a qu'un droit temporaire, car le prix est fixé en
conséquence.
D'un autre côté, nous avons la formule de la
copropriété divise qui est devenue fort populaire auprès
des individus, comme mode d'accès à la propriété.
Les promoteurs acquièrent souvent des immeubles à titre de
preneurs emphytéotiques et développent sur ces immeubles un
projet de copropriété. Plusieurs déclarations de
copropriétés ont donc été enregistrées,
jusqu'à ce jour, sur des immeubles faisant l'objet de baux
emphytéotiques. À titre d'exemple, qu'il nous suffise de
mentionner le projet en cours du village du parc du Mont-Saint-Anne.
Même si l'expiration du bail emphytéotique met fin à
la copropriété, il arrive que l'achat d'une
propriété ne constitue pas pour tous un bien à conserver
dans leur patrimoine au bénéfice de leur descendance ou encore
une capitalisation. Pour certains, les préoccupations sont davantage
à court et à moyen terme. De toute façon, la durée
d'un bail emphytéotique sur un immeuble détenu en
copropriété équivaut généralement à
l'expectative de vie de l'immeuble.
Malheureusement, il existe toujours une controverse quant à la
possibilité que coexistent, juridiquement, l'emphytéose et la
copropriété, controverse qui est d'ailleurs encore plus
présente depuis le récent jugement de la Cour supérieure
dans l'affaire Roy contre la Société immobilière du cours
Le Royer. Dans cette affaire, la cour déclare que l'enregistrement d'une
déclaration de copropriété sur un immeuble faisant l'objet
d'un bail emphytéotique est impossible et nul. (16 h 50)
Ce récent jugement remet donc en cause, non seulement la
possibilité de donner suite au projet de développement
prévu au parc du Mont-Sainte-Anne, mais il met aussi en question tous
les autres projets de même nature élaborés au
Québec, ces dernières années, sur la base de baux
emphytéotiques.
Vous n'êtes pas sans savoir que la loi portant réforme au
Code civil du Québec des droits des personnes, des successions et des
biens (1987, chapitre XVIII), clarifie cette situation et reconnaît la
coexistence de l'emphytéose et de la copropriété. Cette
loi reconnaît aussi la coexistence de la copropriété et du
droit de superficie, même si cette question est moins
controversée. Toutefois, elle ne pourrra être en vigueur avant
1990. Il paraît donc important de ne pas attendre cette réforme et
de moderniser immédiatement le Code civil du Bas-Canada, afin
d'éviter que ne soient remis en cause tous les projets de
copropriété, présents et à venir, établis
sur un immeuble faisant l'objet d'une emphytéose ou d'une
propriété superficial.
Le projet de loi qui est présenté aujourd'hui s'inspire
des principes déjà adoptés au nouveau Code civil, sous
réserve de quelques précisions. Sans aller trop dans les
détails, je me contenterai, M. le Président, de souligner quatre
points majeurs qui méritent d'être retenus.
Tout d'abord, le projet distingue le cas où fa déclaration
de copropriété est enregistrée sur un immeuble construit
par l'emphytéote, du cas où elle est enregistrée sur un
immeuble déjà construit et cédé par
emphytéose. Dans le premier cas, il s'agit d'une déclaration de
copropriété, alors que dans le deuxième cas il s'agira
plutôt d'une déclaration de coemphytéose, soumise toutefois
aux règles de la déclaration de copropriété. Dans
ce dernier cas, il ne s'agit pas de la division du droit de
propriété mais plutôt de celle du droit
d'emphytéose. Afin de protéger l'acheteur, il est prévu
que la déclaration de copropriété ou de
coemphytéose, selon le cas, ne pourra être enregistrée que
si la durée non écoulée du droit d'emphytéose ou de
droit de superficie est supérieure à 50 ans au moment de
l'enregistrement de cette déclaration.
En deuxième lieu, le projet reprend le principe du nouveau Code
civil qui accorde un droit de rachat aux administrateurs de la
copropriété, en cas de vente de l'immeuble faisant l'objet d'une
emphytéose ou sur lequel a été créée une
propriété superficial. Ainsi, les administrateurs pourront
acquérir, au nom des copropriétaires, les droits de l'acheteur de
l'immeuble, en lui remboursant le prix de la cession et les frais qu'il a
acquittés. À ce moment, le droit des copropriétaires dans
l'immeuble perdra son caractère temporaire, pour devenir permanent.
En troisième lieu, le projet de loi reconnaît le principe
de renouvellement possible du droit d'emphytéose, lorsque ce droit porte
sur un immeuble détenu en copropriété, sans que
l'emphytéote ne soit obligé d'apporter à nouveau des
améliorations à l'immeuble.
Enfin, le projet ratifie les déclarations de
copropriété qui ont été, jusqu'à ce jour,
enregistrées sur un immeuble déjà construit
faisant l'objet d'un bail emphytéotique, sur un immeuble
construit par un emphytéote ainsi que sur un immeuble faisant l'objet
d'une propriété superficiaire. Toutefois, le projet n'a pas pour
but de valider une déclaration de copropriété qui serait
invalide pour toute autre raison que celle d'avoir été
enregistrée sur de tels immeubles.
Ce projet de loi reprend donc les principes déjà
adoptés dans le cadre de la réforme du Code civil et vise
à mettre immédiatement fin aux incertitudes actuelles. Attendre
l'entrée en vigueur du nouveau Code civil risquerait de mettre en
péril les projets de développement où coexistent
actuellement la copropriété et l'em-phytéose ou le droit
superficiaire. Cela pourrait aussi avoir comme conséquence de freiner le
développement de tels projets.
Je soumets donc ce projet à l'Assemblée nationale et je
demande que le principe soit adopté. Merci.
Le Président: Nous allons poursuivre ce débat avec
M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir
d'intervenir sur le projet de loi 3, projet de loi modifiant le Code civil en
matière de copropriété et d'emphytéose. Il s'agit
là d'un projet de loi éminemment technique comme d'ailleurs son
nom le signale. Mais même s'il est technique, il n'en comporte pas moins
pour autant des conséquences importantes pour les personnes qui
pourraient être impliquées par le type de transaction où
l'on retrouve à la fois un bail emphytéotique et,
également, une déclaration de copropriété.
Ce projet de loi, donc, a pour objet de permettre l'enregistrement d'une
déclaration de copropriété sur un immeuble construit par
un détenteur de bail emphytéotique ainsi que sur un immeuble qui
fait l'objet d'une propriété superficiaire.
Ce projet de loi innove, également, en créant ce qu'il y
aurait lieu d'appeler désormais la déclaration de
coemphytéose. Pour les étudiants en droit qui avaient de la
difficulté avec le bail emphytéotique, on vient maintenant de
leur créer la déclaration de coemphytéose. Celle-ci est,
en fait, l'enregistrement d'une déclaration dont les règles
seront les mêmes que celles qui régissent la déclaration de
copropriété sur un immeuble déjà construit et
faisant l'objet d'un bail emphytéotique. Finalement, le projet de loi a
un effet rétroactif puisqu'il ratifie, pour le passé, tout
enregistrement d'une déclaration de copropriété faite sur
de tels immeubles.
Donc, à première vue, le projet de loi semble à
l'avantage de tous. Néanmoins, certains éléments nous
apparaissent susciter une analyse approfondie.
D'abord, ma première remarque a pour objet de noter le fait que
plusieurs des dispositions contenues dans le projet de loi 3 se retrouvent dans
le projet de loi 20 qui, on le sait, apportait réforme au Code civil.
Or, ce projet de loi 20, bien sûr, n'est pas encore en vigueur. Comme on
retrouve des dispositions tout à fait semblables, j'aurais aimé
que le ministre me dise, peut-être en réplique ou en commission
parlementaire, quelle est l'urgence de procéder à l'adoption de
ce projet de loi maintenant? Pourquoi ne pas faire en sorte que le projet de
loi 20 soit tout simplement entré en vigueur?
Il y a également l'aspect de la rétroactivité pour
lequel le ministre devra nous assurer qu'aucun bailleur ne subira de
préjudice par un changement des règles du jeu. On sait - je le
répète - que ce projet de loi comporte un effet rétroactif
puisqu'il ratifie, pour le passé, tout enregistrement d'une
déclaration de copropriété faite sur de tels immeubles.
Alors je me demande à quel cas précis cela s'applique. Je vais
avouer, M. le Président, qu'on m'a chuchoté - et sans qu'aucune
vérification ne soit faite - que le cas du Mont Sainte-Anne pouvait
être visé par ce projet de loi. On sait qu'il a existé, en
ce qui concerne le Mont Sainte-Anne, toute une série de
procédures judiciaires afin de démêler une situation
juridique passablement complexe. Donc, il y a l'aspect de la
rétroactivité pour lequel le ministre devra nous assurer qu'aucun
bailleur ne subira de préjudice par ce changement des règles du
jeu.
Et ce, d'autant plus que ce projet de loi introduit - je pense que c'est
l'article 8 - une modification aux règles de déchéance du
bail emphytéotique. En effet, selon les dispositions actuelles du Code
civil et particulièrement à l'article 574, l'emphytéote
est tenu de payer une rente annuelle. S'il laisse passer trois années
sans le faire, il peut être déclaré en justice déchu
de l'immeuble. C'est une disposition qui est tout à fait raisonnable que
celle de la disposition du Code civil, la déchéance en justice
étant une des quatre causes de l'extinction de l'emphytéose. La
déchéance en justice peut également être
prononcée lorsqu'il y a détérioration de l'immeuble
mais... Or, l'article 8, je crois, du projet de loi 3 que nous étudions,
vient modifier l'article 574 du Code civil de façon que la
déchéance ne puisse plus être prononcée lorsqu'une
copropriété est établie sur un immeuble construit par
l'emphytéote ou lorsque l'immeuble fait l'objet d'une déclaration
de coemphytéose. (17 heures)
Cette disposition apparaît, à première vue -
à première vue je dis bien - comme un retrait abusif des droits
du bailleur qui ne sont pas exorbitants. Le paiement de la rente étant
une condition, une obligation tout à fait naturelle, fondamentale, du
bail emphytéotique - sinon quel est l'avantage de consentir à un
bail emphytéotique? - on comprend mal l'abolition de la
déchéance en justice pour non-paiement de la rente. Il nous
semble qu'une solution mitoyen-
ne aurait été possible comme, par exemple, un avis
obligatoire au copropriétaire avant le prononcé de la
déchéance. On pourrait également obliger un des
copropriétaires à payer la rente quitte à lui fournir par
la suite un recours ultérieur afin d'obliger son copropriétaire
à rembourser, en quelque sorte, sa quote-part. Cette modification est
d'autant plus dangereuse pour le bailleur que le projet de loi prévoit
un élément de rétroactivité, je l'ai
souligné tantôt.
C'est ainsi que, par l'effet combiné des articles 3, 5 et 8 du
projet de loi, on peut très bien imaginer l'hypothèse d'un
bailleur sur le point de voir prononcer une déchéance pour
non-paiement successif de la rente qui recevrait un avis lui annonçant
que, désormais, son immeuble est l'objet d'une déclaration de
copropriété et qu'aucune déchéance ne peut
désormais être prononcée. C'est le problème du
conflit entre le Code civil et le projet de loi 3. Je soulève donc cette
question dans l'espoir d'éviter qu'une injustice ou qu'une situation
injuste ne puisse se produire.
Le dernier point précis que j'aimerais porter à
l'attention du ministre, c'est l'article 7 du projet de loi qui prévoit
que le bail emphytéotique sur lequel est construit un immeuble en
copropriété ainsi que celui qui porte sur un terrain ou sur un
immeuble construit peuvent être renouvelés sans que le preneur
soit obligé d'y faire des améliorations. On sait que la charge de
faire des améliorations est une condition essentielle à la
formation d'un bail emphytéotique et, encore une fois, c'est le bon sens
qui nous guide. Un bail emphytéotique est généralement
consenti pour une très longue période de temps. On connaît
des baux emphytéotiques de 99 ans. Il y en a pour une durée un
peu moindre, mais on conçoit l'obligation pour celui qui détient
ce bail emphytéotique d'effectuer des réparations, des
améliorations. En laissant tomber cette obligation
d'amélioration, ne risque-t-on pas de renverser l'équilibre
économique au profit du preneur? Un tel renversement ne peut-il pas
être néfaste? C'est une hypothèse que je soumets au
ministre tout simplement.
En commission parlementaire, et peut-être que le ministre peut me
répondre maintenant, est-ce que le Barreau a été
consulté sur ce projet de loi, notamment en ce qui concerne les articles
4 et 5? Quelle est l'urgence, quel est le but, quel est l'objectif du projet de
loi? Pourquoi agir maintenant en ce qui concerne le projet de loi 3? Si on
avait voulu régler une situation précise, on aurait pu adopter un
projet de loi privé. Là, quand même, on modifie des
dispositions importantes de notre Code civil. Pourquoi? Qu'est-ce qui se passe?
Quelle est la raison pour laquelle on veut légiférer
maintenant? Donc, sous réserve des réponses que nous fournira le
ministre, maintenant ou en commission parlementaire, nous en sommes à
l'étape de l'adoption du principe et nous avons plutôt l'intention
de concourir à l'adoption de ce projet de loi, mais sous réserve,
encore une fois, des questions que j'ai posées au ministre.
Peut-être voudra-t-il profiter du temps maintenant, ou en commission
parlementaire, pour répondre aux questions que je lui ai
posées.
Le Vice-Président: Très bien, M. le
député de Taillon.
Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la
Justice pour l'exercice de son droit de réplique.
M. Herbert Marx (réplique)
M. Marx: M. le Président, nous avons pris note des
questions soulevées par le député de Taillon et,
étant donné que ce sont des questions très techniques, il
serait mieux de les discuter en commission parlementaire. Je vais faire le
mieux possible pour fournir des réponses au député de
Taillon lors de la commission parlementaire avant qu'on adopte le projet de loi
article par article. Merci.
Le Vice-Président: Le débat étant maintenant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que le principe du projet de loi 3, Loi modifiant le Code civil en
matière de copropriété et d'emphytéose, est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi à la commission des institutions
pour son étude détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de renvoi est
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Cela dit, M. le Président, je vous prie
d'appeler l'article 10 du feuilleton.
Projet de Loi 8 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 10 du feuilleton, M.
le ministre de la Justice propose maintenant l'adoption du principe du projet
de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Je cède donc la
parole à M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx
M. Marx: M. le Président, on m'informe que l'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en
recommande l'étude à l'Assemblée.
Le projet de loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels que nous
étudions aujourd'hui revêt, pour moi, une très grande
importance, car il traduit notre volonté de répondre
adéquatement aux besoins et préoccupations des victimes d'actes
criminels et de leur assurer les services d'aide les plus
appropriés.
Avant de présenter les mesures proposées par le projet de
loi, je voudrais, M. le Président, brosser le tableau de la situation
dans laquelle se retrouvent actuellement les victimes d'actes criminels.
Nous connaissons tous la situation pénible dans laquelle se
retrouvent les victimes d'infractions contre la personne ou contre les biens,
et les préjudices qu'elles encourent. Celles-ci doivent parfois
supporter des pertes matérielles imposantes, qu'il s'agisse des
coûts reliés aux biens volés ou endommagés ou des
coûts indirects reliés à la perte de revenus. Les pertes
matérielles ne constituent toutefois qu'un aspect des préjudices
subis par les victimes. Il ne faut surtout pas oublier les souffrances
physiques et psychologiques qu'elles éprouvent et qui modifient
considérablement tant leur mode de vie que leur quai il té de
vie.
Déjà profondément affectées par le crime
dont elles ont été victimes, celles-ci se voient
confrontées au système de justice pénale. Ce
système, comme celui de la plupart des pays, s'est
développé en termes de rapports entre l'État et le
délinquant, en ne laissant bien souvent à la victime qu'un
rôle secondaire, soit celui de simple instrument de la preuve. On peut
alors comprendre que la victime, peu informée de ses droits et du
déroulement des procédures, se sente comme le parent pauvre de
notre système de droit pénal. Loin de répondre à
ses besoins et à ses préoccupations, une telle situation peut
avoir pour effet d'accroître son anxiété et d'aggraver ses
difficultés. Sa confiance dans l'appareil judiciaire peut alors s'en
trouver ébranlée et elle peut même devenir réticente
à collaborer avec les autorités chargées de l'application
de la loi.
Heureusement, M. le Président, nous assistons depuis peu à
une prise de conscience des besoins des victimes. Au Québec, le
ministère de la Justice n'est pas resté insensible face à
la situation des victimes. Déjà, la Loi sur l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, adoptée en 1972, leur permet d'obtenir de
l'État une compensation pécuniaire très équitable.
Je tiens d'ailleurs à souligner que le régime
québécois d'indemnisation des victimes d'actes criminels est le
plus généreux au pays. Par ailleurs, nous avons pris d'autres
mesures pour minimiser les inconvénients découlant de la
participation des victimes au processus de justice pénale et pour
répondre adéquatement à leurs besoins de soutien, de
réconfort et d'information. Ainsi, des mesures administratives ont
été prises afin d'accélérer la remise aux victimes
des biens saisis déposés en preuve dans les procédures
pénales. De plus, je voudrais souligner l'importance de la politique
d'intervention en matière de violence conjugale qui a été
adoptée il y a deux ans par le ministère de la Justice et celui
du Solliciteur général et qui vise à favoriser une
intervention concertée et énergique pour contrer la violence
conjugale et à accorder à la victime une attention et un soutien
plus soutenus.
Il s'agit là, M. le Président, de mesures non
négligeables et qui témoignent des efforts entrepris à
tous les niveaux.
La tournée de consultation que j'ai menée dans toutes les
régions du Québec l'an dernier m'a toutefois permis de constater
que ces mesures, même si elles sont bien reçues, se
révèlent encore insuffisantes pour répondre pleinement aux
besoins et préoccupations des victimes. (17 h 10)
Le projet de loi propose une politique globale d'aide aux victimes
d'actes criminels, d'abord en reconnaissant clairement leurs droits, ensuite en
établissant des mécanismes administratifs de nature à
soutenir l'action des organismes communautaires qui dispensent des services
d'aide et, enfin, en pourvoyant au financement de ces services.
À ce titre, il m'apparaft qu'une législation
québécoise consacrant les droits des victimes contribuerait
à affirmer la volonté du Québec de garantir, dans le cadre
de l'administration quotidienne de la justice, le respect de ces droits.
Notre système de droit pénal, fondé sur la
présomption d'innocence, accorde depuis longtemps aux personnes
accusées d'un acte criminel des garanties juridiques leur assurant un
traitement équitable.
Toutefois, il me semble tout à fait légitime de
reconnaître que les victimes ont, elles aussi, des droits et que la
société devrait en tenir compte. J'estime donc que le fait de
consacrer législatrvement les droits des victimes d'actes criminels
contribuerait, sans pour autant priver l'accusé de ses droits, à
établir un meilleur équilibre entre les droits respectifs du
contrevenants et de la victime. De plus, cette reconnaissance contribuerait
à rassurer la victime en lui garantissant un traitement équitable
et favoriserait ainsi sa collaboration avec les autorités
chargées de l'application de la loi.
Le projet de loi vient reconnaître le droit de la victime de
recevoir une indemnité raisonnable pour les frais encourus en vue de
rendre témoignage, le droit de recevoir, de façon prompte et
équitable, un dédommagement ou une indemnisation pour les
dommages subis de même que le droit de se voir restituer les biens
saisis
dans les meilleurs délais lorsqu'ils ne sont plus
nécessaires pour les fins de la justice.
Une autre attente qui mérite d'être comblée est
celle du droit à l'information. En effet, on constate qu'actuellement,
faute d'information adéquate, la victime peut se sentir démunie
et impuissante face à la situation dans laquelle elle se trouve.
Souvent, elle ne connaît pas ses droits. Elle ne sait pas où
s'adresser pour les exercer et obtenir de l'aide. Ne sachant pas exactement ce
qu'on attend d'elle et ce qu'elle peut espérer du système de
justice pénale, elle entretient parfois des craintes face a l'appareil
judiciaire.
Le projet de loi vient donc reconnaître ie droit de la victime
à une information aussi complète que possible sur ses droits et
recours, sur son rôle dans le cadre du processus judiciaire, sur
l'état et l'issue des procédures et sur l'existence des services
propres à lui assurer l'assistance médicale, psychologique et
sociale requise. La reconnaissance de tels droits, appuyée des mesures
administratives propres à en assurer l'efficacité,
répondra certainement aux demandes maintes fois formulées par les
victimes.
De la même façon, le projet de loi vient consacrer le droit
de la victime, compte tenu des ressources disponibles, de recevoir l'assistance
médicale, psychologique et sociale que requiert son état ainsi
que des services d'aide appropriés à ses besoins en
matière d'accueil, d'assistance et de référence aux autres
services les plus aptes à lui venir en aide. La victime se voit
reconnaître également le droit de bénéficier de
mesures de protection contre les menaces et les représailles de la part
de son agresseur.
Toutes ces garanties devraient contribuer à atténuer les
inconvénients de la participation de la victime au processus
pénal et à accorder à la victime la place qui lui
revient.
Enfin, comme corrollaire de ces droits, le projet de loi énonce
la responsabilité de la victime de collaborer, dans la mesure du
possible, avec les autorités chargées de l'application de la
loi.
Le second volet du projet de loi prévoit pour les victimes des
services d'aide appropriés. Pour assurer une application pratique des
droits des victimes, le projet de loi prévoit en effet l'implantation de
structures administratives qui feront en sorte que les victimes
reçoivent les services répondant à leurs besoins. Le
projet de loi favorise l'implantation et le maintien de centres d'aide aux
victimes d'actes criminels par les groupes et les organismes communautaires
désireux de s'impliquer dans les programmes d'aide aux victimes d'actes
criminels.
Ces groupes de bénévoles auront pour fonction de dispenser
des services de première ligne aux victimes de façon
complémentaire aux services publics et parapubiics existants. Ces
centres d'aide, qui pourront être situés dans des palais de
justice ou être intégrés à des organismes
communautaires existants, assureront un service d'accueil aux victimes, les
informeront sur leurs droits et. leurs recours, de même que sur leur
rôle dans le processus judiciaire. Ils auront également un
rôle de support et d'accompagnement auprès de la victime dans ses
démarches.
Par ailleurs, afin de s'assurer du sérieux des organismes
impliqués, les centres d'aide devront prendre certains engagements
envers le ministre de la Justice. Il importe en effet que certaines normes
minimales soient respectées afin d'assurer une certaine
uniformité des services offerts de même que leur
accessibilité de façon continue. Les organismes qui auront pris
ces engagements se verront alors reconnus officiellement.
Également, le projet de loi propose fa création au
ministère de la Justice du Québec d'un bureau d'aide aux victimes
d'actes criminels. Ce bureau aura entre autres pour fonction de faire la
promotion des droits des victimes et de veiller au développement des
programmes d'aide aux victimes ainsi qu'à la concertation et à la
coordination des groupes et organismes communautaires qui dispensent des
services d'aide aux victimes. Considérant le nombre d'intervenants, ce
rôle de concertation et de coordination m'ap-paratt essentiel pour
canaliser les efforts pour assurer l'efficacité des actions des divers
intervenants et pour éviter la dispersion des énergies. Enfin, et
surtout, le bureau d'aide aux victimes d'actes criminels aura pour fonction de
favoriser l'implantation et le maintien des centres d'aide et d'encourager les
groupes de bénévoles et les organismes communautaires à
participer à la mise sur pied et à la prise en charge de ces
centres. Pour ce faire, le bureau fournira à ces groupes et organismes
l'assistance technique et professionnelle requise pour l'établissement
et le fonctionnement des centres d'aide. (17 h 20)
Le dernier volet du projet de loi se rapporte au financement des
services d'aide aux victimes d'actes criminels. À cet effet, l'un des
apports importants du projet de loi est d'assurer un financement efficace et
stable de ces services au moyen de diverses sources de financement. La
première de ces sources est constituée par les suramendes
compensatoires imposées en vertu du Code criminel. Ces suramendes
compensatoires sont prévues par un projet de loi fédéral
modifiant le Code criminel dont l'adoption par le Parlement canadien est
imminente. Selon ce projet de loi fédéral, une suramende
compensatoire sera dorénavant ajoutée à l'amende
imposée aux personnes reconnues coupables d'une infraction au Code
criminel, à la Loi sur les stupéfiants, et à la Loi sur
les aliments et drogues. Les recettes de ces suramendes, qui sont
perçues par les provinces en même temps que les amendes, doivent
être affectées exclusivement - j'insiste - à l'aide aux
victimes d'actes criminels. C'est-à-dire, M. le Président, que si
quelqu'un a une amende de 500 $ en
vertu du Code criminel pour avoir commis une infraction, il pourrait
avoir une suramende de 50 $ ou 60 $ et cet argent, 50 $ ou 60 $ serait
affecté aux services d'aide aux victimes d'actes criminels.
Une autre source de financement proviendra des sommes versées par
le gouvernement du Canada dans le cadre d'un accord avec le Québec qui
est actuellement en voie de négociation. Au terme de cet accord, le
Québec recevra du gouvernement canadien une contribution
financière annuelle qui devra encore être affectée
exclusivement aux programmes d'aide aux victimes d'actes criminels.
Le projet de loi vient confirmer l'affectation de ces deux sources de
financement à l'aide aux victimes d'actes criminels en octroyant
à l'aide aux victimes des crédits permanents équivalent
aux suramendes compensatoires et à la contribution
fédérale qui seront perçues par le Québec. À
ces crédits permanents pourront s'ajouter les crédits que le
gouvernement pourrait accorder annuellement à l'aide aux victimes.
Afin de rassurer les divers intervenants sur la stabilité du
financement des services d'aide et sur l'affectation au développement
des sources de financement dont je viens de faire état, le projet de loi
prévoit qu'elles seront versées dans un fonds spécial.
À cette fin, le projet de loi prévoit la constitution de ce fonds
d'aide aux victimes d'actes criminels au sein même du ministère de
la Justice. À court terme et jusqu'à ce que les sources de
financement dont j'ai parlé génèrent des revenus, le
projet de loi prévoit que le ministre des Finances pourra avancer au
fonds d'aide des sommes prises sur le fonds consolidé du revenu.
Voilà, M. le Président, qui devrait rassurer les divers
intervenants sur la disponibilité et la stabilité des sources de
financement des programmes d'aide aux victimes d'actes criminels et
répondre à leurs voeux. Je peux vous dire tout de suite que cette
année, nous avons eu des crédits de 1 800 000 $ pour engager plus
de procureurs de la couronne et de personnel de soutien. Lorsque j'ai
été nommé ministre de la Justice, en décembre 1985,
il y avait 223 postes de procureurs de la couronne. Aujourd'hui, il y en a 267
et avec les 1 800 000 $, il serait possible d'engager encore des dizaines de
procureurs de la couronne. Donc, on va vers une couronne d'à peu
près 300 procureurs et il y en avait seulement 223 lorsque j'ai
été nommé, le 12 décembre 1985. Je pense que cela
démontre que nous avons fait du progrès et la
nécessité d'avoir plus de procureurs de la couronne, c'est de
traiter des dossiers, par exemple, de violence conjugale au sujet de laquelle
nous avons fait des interventions énergiques depuis deux ans.
De plus, nous avons obtenu au ministère du Solliciteur
général 1 000 000 $ de plus pour engager des agents de probation.
Cela aussi va aider les victimes d'actes criminels. Pour l'application du
projet de loi 8, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, nous aurons
pour la première année d'application de cette loi environ 2 000
000 $. Il s'agit donc, M. le Président, d'un budget, si je peux
m'exprimer de cette façon, d'environ 5 000 000 $ de nouvel argent qu'on
va mettre dans les programmes pour aider les victimes d'actes criminels. Enfin,
j'espère que les mesures que je viens de proposer contribueront à
améliorer le sort des victimes d'actes criminels. C'est là, M. le
Président, que l'humanisation de la justice prendra son véritable
sens. Merci.
Le Vice-Président: Toujours sur le projet de loi 8, je
vais céder la parole à M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Ce projet de loi 8 est
un projet de loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Je pense que le nom
indique bien l'objet du projet de loi. On écoute le ministre et on a
l'impression qu'on sort du "big bang", c'est-à-dire que rien n'a
été fait avant aujourd'hui. Pourtant, il existe
déjà plusieurs choses, j'y reviendrai dans mon discours
principal.
Le projet de loi contient également des éléments
qui nous permettent d'avancer dans certains secteurs. Cependant, de
façon générale, je tiens quand même à
signaler au ministre ma déception vis-à-vis du fait que le projet
de loi contienne peu d'éléments musclés et concrets,
susceptibles de faire avancer la cause des victimes d'actes criminels.
Vous comprendrez qu'il est difficile pour moi de me réjouir du
fart que l'on crée au ministère de la Justice un Bureau d'aide
aux victimes d'actes criminels et que l'on va y nommer des fonctionnaires.
C'est une simple réforme administrative qui permet de créer,
à l'intérieur de son ministère, un groupe de personnes qui
sont préoccupées par tel ou tel aspect de l'activité
ministérielle, et on n'a pas besoin de mettre cela dans une loi. Vous
comprendrez avec moi qu'il est difficile pour moi de me réjouir
lorsqu'on dit, par exemple, et c'est vraiment de la mauvaise
législation, je prends cela uniquement pour illustrer mon propos - je
cherche l'article précis, ah voilà! - à l'article 2: "La
victime d'un acte criminel a le droit d'être traitée avec
courtoisie, équité, compréhension et dans le respect de sa
dignité et de sa vie privée." C'est le genre de chose qu'on n'a
pas besoin d'écrire dans les lois parce qu'on cherche à traiter
tout le monde au Québec - la Charte des droits et libertés est
là également - dans le respect de sa vie privée, avec
dignité, puis avec courtoisie. On n'écrit pas dans une loi,
à mon sens en tout cas, qu'on doit traiter une victime d'acte criminel
avec courtoisie. On doit traiter tout le monde avec courtoisie au
Québec, y compris les victimes d'actes criminels. En ce sens-là,
je vous donnerai des exemples un peu
plus tard, mais il me semble qu'au point de vue de la
législation, ce projet de loi 8 m'apparaît rempli de voeux pieux,
mais qui n'ont pas de retombées directes et concrètes pour les
victimes d'actes criminels, qui en ont mais de façon insuffisante,
à notre point de vue.
On sait que la situation de la victime, M. le Président, n'est
pas toujours facile. Notre système judiciaire a longtemps méconnu
les droits des victimes d'actes criminels. L'état déplorable dans
lequel se retrouvaient, il y a à peine une dizaine d'années, la
victime d'un acte criminel est consécutif cependant à la
dynamique de notre système judiciaire criminel. On peut dire qu'il y a
à peu près quinze ans au Québec, la personne qui savait le
moins ce qui se passait à l'intérieur d'un palais de justice,
c'était la victime d'un acte criminel. La situation s'est beaucoup
améliorée, on le verra tantôt, grâce à l'IVAC,
l'indemnisation des victimes d'actes criminels, grâce à l'INFOVAC,
grâce également à certains services d'accueil qui sont en
place dans les palais de justice depuis 1984, mais, il y a une quinzaine
d'années, on était un peu dans la grande noirceur. C'est
attribuable en partie encore une fois à la dynamique de notre
système judiciaire, parce que, dans le droit criminel, on cherche
à éloigner la victime d'un acte criminel du présumé
coupable.
Cela vient un peu de la mentalité très
compréhensible où on a voulu sortir la justice d'un contexte "Far
West": oeil pour oeil et dent pour dent. Si, par exemple, vous mettez en
contact la victime d'un acte criminel... Soyons plus précis, si je mets
en contact le père d'une jeune fille qui a été tuée
à l'occasion d'un viol, avec le présumé coupable, il y a
des bonnes chances pour que la justice se fasse assez rapidement, parce que la
personne qui a été victime d'un acte criminel, ou sa famille, ou
ses amis, ou ses proches sont généralement dans un état
d'émotion qui appelle beaucoup plus un type de justice oeil pour oeil,
dent pour dent. C'est pour cela que, dans la dynamique de notre système
judiciaire criminel, on a cherché à éloigner la victime du
criminel, le criminel étant pris en charge, comme l'a mentionné
le ministre tantôt, par l'État et c'est pour cela que l'on voit
que les titres des procédures judiciaires, ce n'est pas X contre Y,
c'est la reine contre M. X. (17 h 30)
Alors, si par exemple, vous êtes victime de voies de fait ou votre
fille, encore une fois pour reprendre l'exemple de tantôt, est victime
d'un viol et d'un meurtre, ce n'est pas vous qui poursuivez l'auteur du crime,
c'est la reine, c'est l'État qui prend charge du criminel, mais en ce
faisant, historiquement, on a éloigné la victime du processus
judiciaire. Non seulement on l'a éloignée du coupable, mais on
l'a éloignée du processus judiciaire aussi. La victime est un
témoin qui reçoit un subpoena et elle est traitée comme
n'importe quel autre témoin. Cela a été comme cela
longtemps au Québec, à venir jusqu'à il y a une dizaine ou
une quinzaine d'années. Encore une fois, cela s'explique pour des
raisons historiques.
Les crimes ou les infractions qui sont reconnus dans le Code criminel
sont donc principalement des gestes répréhensibles qui sont
dirigés contre l'ordre social et le droit criminel vient protéger
l'ordre social de façon tout à fait générale. Tout
cela est dû au fait qu'on a bâti une société
où on a tenté d'éliminer un esprit de vengeance, que je
décrivais tantôt et qui est bien traduit par la maxime "oeil pour
oeil, dent pour dent". Cet objectif était tout à fait louable et
il était nécessaire. Au risque d'engendrer une forme d'anarchie,
il fallait que l'État prenne en charge le criminel et il fallait tenter
d'éloigner, de façon raisonnable, la victime du
présumé coupable et du processus judiciaire. Mais, jusqu'à
un certain point - d'ailleurs je pense qu'on peut s'interroger à savoir
si on n'est pas allé un peu trop loin - je pense que les progrès
qui ont été marqués dans la société
québécoise depuis une dizaine d'années, constituent
plutôt un retour, c'est-à-dire qu'on cherche à mieux
intégrer la victime à l'intérieur du processus. C'est le
premier facteur historique qui explique l'éloignement de la victime du
système judiciaire.
Le deuxième facteur découle un peu du premier et tient au
fait que le criminel étant à la charge de l'État, le
traitement punitif à accorder au criminel a toujours fait l'objet de
débats houleux dans notre société. Je relevais, dans les
notes qui ont été préparées par le ministère
de la Justice à l'occasion de la tournée effectuée par le
ministre et ses fonctionnaires, dans l'élaboration du présent
projet de loi, que cet argument, ce facteur, avait été fort bien
expliqué. En deux mots, au lieu de s'attacher au sort fait aux victimes,
l'attention s'est portée plutôt sur le châtiment.
On a seulement à regarder le type de débat qui entoure,
par exemple, la peine capitale. Les gens discutent énormément de
la peine capitale, mais est-ce qu'on discute autant du traitement qui est fait
aux victimes d'actes criminels? Dans le cas de la peine capitale, la victime
n'est pas là pour en parler, mais il y a sa famille, ses enfants, ses
proches, ses amis, etc. Il y a donc eu des réformateurs qui ont
développé une philosophie plus humaniste, à l'effet qu'il
fallait réhabiliter le criminel et il y a en a d'autres qui ont
adopté une philosophie un peu plus radicale en ce qui concerne la
personne qui avait commis un crime. Chose certaine, c'est que ce type de
débat entourant le traitement qui doit être accordé aux
criminels a fait en sorte que le sort des victimes est souvent passé
complètement inaperçu ou, disons, est passé au
deuxième plan. On a parlé de la nécessité pour les
criminels d'être aidés, d'être traités, d'être
soignés. Mais, on parle peu, évidemment, ou on en a parlé
peu dans le passé, historiquement, - je ne voudrais pas qu'on ait
l'impression qu'on vient de rein-
venter le bouton à quatre trous aujourd'hui, pas du tout - mais,
depuis dix ou quinze ans, on parle aussi de la nécessité d'aider,
de traiter et de soigner les victimes. Il y a eu un débat
enflammé autour du sort qui devait être fait aux personnes
coupables, mais, pendant ce temps-là, on a oublié ou l'attention
s'est détournée de la victime.
Troisième facteur, rapidement, qui explique cette disproportion
entre les droits des criminels, si on veut, et ceux des victimes, qui sont
à peu près inexistants, c'est que la répression du crime a
toujours été un terrain de prédilection pour l'exercice de
l'arbitraire par l'État. Dès ses origines, M. le
Président, le "common law" et, plus tard, les chartes
constitutionnelles, sont venus tenter d'encadrer cette notion de pouvoir
arbitraire. Mais, à lire la jurisprudence canadienne, on se rend
rapidement compte qu'un large segment des causes touchant les libertés
civiles origine des pénitenciers ou de la Commission des
libérations conditionnelles. Donc, disproportion. Songez, par exemple,
aux droits des détenus qui ont été plaides par plusieurs
avocats, les habeas corpus, les fouilles abusives, la notion d'un procès
juste et équitable, (a notion d'un tribunal impartial, etc., des notions
qui se sont développées au fil des années mais,
parallèlement à cela, le développement du droit de la
victime est demeuré à un état tout à fait
embryonnaire.
Or, il s'agit là des trois principaux facteurs qui ont
contribué au traitement, encore déséquilibré,
qu'offre notre société aux victimes d'actes criminels. En fait,
il semble que beaucoup reste à faire dans le dossier car les
conséquences sont lourdes pour la victime d'un acte criminel. Je n'ai
pas besoin, je pense, d'insister plus longuement là-dessus, le ministre
en a parlé tantôt. Les victimes ont des conséquences
financières, des répercussions financières qui sont
directes ou indirectes de l'acte criminel dont ils ont été
l'objet, argent ou objets volés, heures de travail perdus, vente
à perte d'un fonds de commerce, achat d'un équipement de
sécurité, embauche de personnel supplémentaire, etc. Bref,
il y a un tas d'inconvénients financiers que subit une victime d'acte
criminel et aussi, d'une façon générale, la diminution de
la qualité de la vie. Pour ceux, dans cette Chambre, qui ont
déjà été victimes d'actes criminels - je ne le
souhaite à personne - cela amène un traumatisme certain, une
diminution de la qualité, une diminution de jouissance de la vie qui
peut varier mais qui est toujours inévitable aussi bénin que soit
le crime dont on a été l'objet. Dans bien des cas des victimes
d'actes criminels ont développé des hantises de sortir le soir,
des hantises, des méfiances presque, dans bien des cas,
paranoïaques à l'égard des étrangers, un repli sur
soi ou des tas d'autres manifestations secondaires mais de type psychologique,
donc plus difficilement appréciables.
Alors s'ajoute à ces répercussions le choc, pour la
victime, de la confrontation avec le système judiciaire. Une fois le
crime accompli, la victime doit transiger avec de nombreux intervenants: les
policiers, les assureurs, les travailleurs sociaux, les avocats, avocat de la
couronne, avocat de la défense, les hôpitaux, parfois le choc du
témoignage devant la cour, du contre-interrogatoire. La victime passe
son temps, finalement, à expliquer, justifier, réexpliquer,
remplir des formulaires, quémander, réclamer, se faire
interroger, des fois de très, très près par des avocats,
etc. Or, dans bien des cas, la victime se fâche également. Et le
tout est accompagné d'une attente qui va de quelques semaines parfois
à quelques années avant de connaître le sort final d'une
procédure intentée contre une personne qui est coupable.
Qu'est-ce qui se fait actuellement, M. le Président? D'abord le
principal instrument du programme gouvernemental à l'intention des
victimes d'actes criminels est la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Je tiens à signaler cela en cette Chambre parce que, encore
une fois, on a l'impression, à lire les beaux communiqués de
presse du ministère de la Justice, qu'on sort du "big bang". La Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels a été
sanctionnée le 1er décembre 1971 par l'Assemblée
nationale. Cela fait déjà plus de 16 ans et demi, M. le
Président, que cette loi existe. Elle est entrée en vigueur le
1er mars 1972 et elle assure des avantages d'ordre financier à toute
personne blessée au Québec par suite d'un acte criminel.
Le ministre de la Justice tient absolument à ce que je mentionne
que cette loi a été adoptée sous un gouvernement du Parti
libéral. M. le Président. À tout seigneur tout honneur,
d'accord! Mais elle a été drôlement bonifiée, par
exemple, par le gouvernement précédent. Je remercie le ministre
de signaler l'apport du gouvernement précédent. Donc,
entrée en vigueur le 1er mars 1972, elle assure des avantages d'ordre
pécuniaire à toute personne blessée au Québec par
suite d'un acte criminel. Si cette personne décède, les personnes
à charge peuvent alors devenir bénéficiaires.
L'administration de cette loi est confiée à la Commission
de la santé et de la sécurité du travail depuis
décembre 1984 et cela a été une modification importante
qui avait pour but, d'abord, d'offrir des services régionaux aux
victimes d'actes criminels. Au lieu devoir tout s'en remettre à
Québec, à ce moment-là on profitait du réseau
établi de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et les victimes d'actes criminels avaient un
point de chute - si on me passe l'expression - un guichet de service qui
était tout près d'eux dans leur région, puisque la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
possède pas moins de 15 bureaux régionaux. (17 h 40)
L'objectif ultime de cette opération de régionalisation
était d'offrir aux victimes d'actes
criminels des services intégrés de toute première
qualité en rapprochant les intervenants internes et externes. Ainsi, les
bénéficiaires ont droit aux services suivants: l'assistance
médicale, l'indemnisation en cas d'incapacité de
réadaptation physique, sociale ou professionnelle. En ce sens-là,
je voudrais immédiatement profiter de la mention que je fais de l'IVAC
et de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail pour souligner au ministre que son projet de loi a le défaut de
multiplier les intervenants dans le secteur des victimes d'actes criminels. On
avait déjà ce fonds d'indemnisation des victimes d'actes
criminels. On a déjà la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Là, on crée, outre les postes
d'accueil et les centres locaux, ce bureau d'aide aux victimes d'actes
criminels qui est situé à l'intérieur du ministère
du ministre. Je dois vous dire que ce type de loi me rebute un peu. Si un
ministre veut diviser son ministère en créant une petite
boîte, qu'il le fasse. On n'a pas besoin de mettre cela dans un projet de
loi. Le ministre des Communications que je vois attentif à nos propos,
M. le Président, ne vient pas à l'Assemblée nationale avec
des projets de loi chaque fois qu'il crée quelque chose dans son
ministère. Pourquoi en serait-il différemment au ministère
de la Justice? Je vois le ministre délégué aux
Forêts qui me comprend fort bien. Chaque fois qu'on fait une modification
à un organigramme dans un ministère, on n'a pas besoin de
modifier les lois en conséquence.
Je disais qu'on ne sort pas de la grande noirceur. On a
déjà l'IVAC. On a l'INFOVAC, le programme d'information aux
victimes d'actes criminels, qui visait à fournir aux différents
stades de l'intervention judiciaire une information adéquate aux
victimes d'actes criminels. De plus, la nouvelle attention qui a
été apportée aux victimes et qui a contribué
à l'élaboration du service d'accueil en 1984 dans les palais de
justice de Montréal et de Québec, ce service était
destiné à renseigner, orienter et assister des personnes
appelées à témoigner dans une instance criminelle.
M. le Président, malgré que notre système
d'indemnisation soit le plus généreux - je reprends les mots
mêmes du ministre tantôt; j'aurais aimé qu'il le mentionne
tantôt, par exemple; en particulier, il ne le disait pas souvent quand il
était dans l'Opposition, qu'on avait le système d'indemnisation
le plus généreux... Au contraire, à ce moment-là il
y avait un tas de lacunes, disait-il, importantes à corriger.
Voyons ensemble quelques-unes des lacunes que le ministre de la Justice,
alors qu'il était dans l'Opposition, avait relevées en ce qui
concerne les victimes d'actes criminels et voyons si le projet de loi y apporte
un quelconque début de solution. Je pense que c'est un exercice qui est
sain, qu'on peut faire ensemble. Donc, passons ensemble en revue quelques-unes
des critiques - il y en a qui sont de mon cru; il y en a d'autres qui sont du
ministre de la Justice, à l'époque - à l'égard de
notre système d'indemnisation des victimes et tout cela pour nous
permettre de mieux évaluer le projet de loi 8 qui est devant nous.
Le premier reproche: À l'époque, c'était le manque
d'information aux victimes. En fait, selon une évaluation du programme
faite en 1982, il semblait que seul un très petit nombre de personnes
admissibles a présenté des demandes d'information. En 1982, le
nombre de demandes était de 1619. Le porte-parole de l'Opposition
à l'époque, l'actuel ministre de la Justice, avait
dénoncé vigoureusement le fait que si peu de personnes savaient
qu'elles pouvaient demander de l'information, et, avec raison, je dois le dire.
Je lui donne raison. Quand il était dans l'Opposition, il avait raison
de le souligner dans son document "L'avenir de la justice au Québec".
Mais, depuis l'arrivée au pouvoir du ministre de la Justice, j'ai des
chiffres qui ne le feront pas sourire. Malgré une hausse du taux de
criminalité, il apparaît que le nombre de demande d'information
soit resté stable ou ait diminué. Je donne les chiffres
rapidement: en 1982, 1619; en 1983, 1397; en 1984, 1408; en 1985, 1400.
Là, arrive le ministre de la Justice et, en ce qui concerne les demandes
d'information, on s'attendrait qu'il y en ait plus, mais, non, la
première année du ministre de la Justice, 1228 demandes
d'information, et, pour 1987, on attend encore les chiffres.
Or, le projet de loi 8 qu'on nous soumet n'apporte pas la solution. Non,
il n'apporte pas la solution parce que l'article 4, M. le Président,
prévoit que la victime a le droit d'être informée de ses
droits et recours, de son rôle dans le processus pénal, etc., mais
cela reste uniquement des droits de nature purement déclaratoire. Il
n'existe pas de réciprocité, c'est-à-dire d'obligation
réciproque d'informer pour quelque intervenant que ce soit. Si une
victime ignore l'existence de l'IVAC, comment, a fortiori, pourrait-elle
connaître l'existence de son droit d'être informée? De plus,
imagine-t-on une victime entreprendre une poursuite contre la couronne pour le
motif qu'elle n'a pas été informée? Elle a
déjà suffisamment de problèmes. C'est beau dans le texte,
mais il n'y a pas, encore une fois, d'obligation créée
d'informer. Donc, première lacune qui n'est pas relevée par le
projet de loi. Parce que dans le fond, ce qui est contenu à l'article 4,
il faut se comprendre, c'est ce que cherche déjà à
disséminer comme information INFOVAC, le programme dont je parlais
tantôt. Il n'y a donc rien de révolutionnaire à ce
chapitre.
Deuxièmement, le projet de loi met sur pied le Bureau d'aide aux
victimes d'actes criminels qui aura, entre autres, comme mandat de favoriser la
promotion du droit à l'information de la victime. Cette mesure permettra
de mieux coordonner le processus d'information à l'intérieur du
processus judiciaire, nous a dit le
ministre tantôt. Mais, néanmoins, afin d'atteindre
l'ensemble de la population, le bureau ne pourra rien faire à moins de
disposer d'un budget substantiel pour la publicité. Et,
là-dessus, je pose une question au ministre, il pourra me
répondre en commission parlementaire, qu'il en prenne note. On traverse
une période de vaches grasses; le ministre a fait du millage comme cela
ne pouvait pas dans l'Opposition avec les victimes d'actes criminels. J'ai
hâte de voir les sous. Combien sera investi en termes de
publicité, concrètement, pour les victimes d'actes criminels? Il
ne faudrait pas se contenter de quelques millions, à mon avis, quand on
tient compte du nombre de victimes d'actes criminels qu'il y a chaque
année au Québec. Il faudrait au moins, si on parle de millions,
commencer à parler dans les deux chiffres. Cela ne donne rien de se
péter les bretelles si on ne met pas l'argent pour soutenir les centres
locaux, faire marcher les programmes, etc.
Troisième lacune soulevée par le ministre à
l'époque, c'était la prescription d'un an. La prescription d'un
an - le ministre l'avait dénoncée - le ministre, dans son
document de consultation même à l'époque, en 1986, disait
et je le cite: "II y a lieu de s'interroger sur le délai de prescription
d'un an pour la victime..." Je parle du délai d'un an pour permettre
à la victime de demander réparation. Donc, comme le souligne le
document de consultation du ministre et du ministère, de 1986, "il y a
lieu de s'interroger sur ce délai de prescription parce qu'une victime
encore sous le choc peut ignorer son droit à une demande
d'indemnité, mal comprendre les informations, ne pas tenir compte des
conseils reçus".
Le projet de loi 8 ne règle absolument rien. Il aurait
été facile d'ajouter un article pour étendre cette
prescription d'un an et la rendre conforme à ce que le ministre a dit
pendant au moins trois ou quatre ans, lorsqu'il était dans l'Opposition,
et avec lequel nous sommes totalement d'accord, à savoir que ce
délai est beaucoup trop court.
Quatrième point, lacune dénoncée par le ministre de
la Justice à l'époque: le fait que le système
d'indemnisation demeurait partiel. La loi couvre uniquement ie paiement
d'indemnités pour les blessures corporelles et exclut tout dommage
matériel sauf ceux subis à l'occasion de blessures corporelles.
Les préjudices moraux ne sont pas couverts par la loi actuelle.
Cependant, l'article 1 du projet de loi parle d'une atteinte à
l'intégrité psychologique de la victime. Alors, on se retrouve
avec toute une problématique qu'on éclaircira en commission
parlementaire où le texte du projet de loi 8 est différent du
texte de la Loi sur l'IVAC.
Rapidement avant de terminer. Entre autres, dernier point, le crime
paie. On se souviendra d'avoir entendu le ministre de la Justice, en tout cas
je l'ai entendu dire: ce n'est pas normal que les criminels puissent
bénéficier de leur crime. Je ne fais pas allusion à ce qui
nous vient du gouvernement fédéral et à l'imposition des
suramendes qui vont être versées au fonds consolidé. Je
parle du criminel qui vend ses droits d'auteur sur sa vie pour un film ou pour
un roman ou pour ces choses-là. Le projet de loi aurait
été une belle occasion pour permettre d'intégrer cette
notion que le crime ne doit pas rapporter à celui qui l'a commis et de
faire comme je le crois, sauf erreur, cela existe en Colombie britannique
à la suite du dossier dont le nom m'échappe... Mais en tout cas,
cela existe... On me dit que cela existait dans certaines provinces
canadiennes. C'est à vérifier. On en discutera en commission
parlementaire. (17 h 50)
Chose certaine, le ministre nous en a parlé pendant des
années. Son projet de loi ne contient absolument rien pour limiter les
bienfaits, les droits d'auteurs, qui pourraient bénéficier
à l'auteur d'un crime alors que des compagnies de cinéma trouvent
que leur crime mérite d'être porté à l'écran
ou d'être publié. Donc, rien de ce côté.
En ce qui concerne le financement de l'aide aux victimes d'actes
criminels, M. le Président, j'ai dit que j'ai hâte de voir les
montants. À mon avis, il faut au moins songer à un programme qui
coûterait au bas mot dans les deux chiffres - je parle de millions de
dollars - donc on doit parler de dizaine de millions de dollars, au moins, au
singulier. En commission parlementaire également je vais poser plusieurs
questions au ministre relativement à la pauvre qualité de la
législation de ce projet de loi.
Je reviens sur l'exemple que je donnais tantôt à l'article
2. Le leader est avec nous maintenant. À l'article 2, dire que la
victime d'une acte criminel a ie droit d'être traitée avec
courtoisie, équité, compréhension, dans le respect de sa
dignité et de sa vie privée, on n'a pas besoin de faire un projet
de loi pour cela. Cela existe déjà. La même chose se
retrouve dans les autres articles du projet de loi qui sont remplis de voeux
pieux, en particulier les articles 5, 6, 9. "Dans la mesure du possible", etc.
ce sont là des voeux pieux.
Donc, en terminant, le ministre aura compris, et vous l'aurez compris
également, M. le Président, que nous serions mauvais joueurs de
dire que ce projet de loi ne contient rien. Il contient certains
éléments. Même s'il apparaît évident que
l'Opposition va concourir à son adoption, il demeure que nous sommes
quand même déçus quant au fait que ce projet de loi,
malheureusement, a peu d'envergure pour un sujet qui aurait
mérité beaucoup plus. Merci.
Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître
comme prochain intervenant M. le député de Marquette.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Tout
d'abord, j'aimerais répondre à certaines questions que se posait
notre collègue de Taillon, critique de l'Opposition officielle en
matière de justice. Par exemple, il parlait tantôt de
l'information, faisant référence évidemment aux
années antérieures, que les centres locaux qui seront
créés ont justement comme objet et comme mandat de voir à
l'information. Nous aurons l'occasion, ultérieurement, d'en parler et
d'en discuter en commission parlementaire. Ce qu'il est important aussi
d'ajouter, le ministre l'a dit tantôt, c'est qu'il va y avoir 5 000 000 $
qui seront injectés cette année dans l'aide aux victimes d'actes
criminels. Et troisièmement, avant de débuter mon analyse, le
député de Taillon fait référence à d'autres
lois qui pourront être modifiées ou bonifiées dans les
prochains mois, les prochaines sessions. Il ne faudrait quand même pas
mêler un ensemble de lois, comme la loi existante, la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels qui pourra éventuellement
être modifiée et bonifiée, ce qui n'empêche pas notre
projet de loi substantiel d'aujourd'hui d'être adopté avec le
concours de l'Opposition.
On aura l'occasion éventuellement de bonifier et d'amender
d'autres lois qui viendront renforcer les mesures importantes que le ministre
de la Justice apporte aujourd'hui. En 1986, on a dénombré au
Québec quelque 36 000 crimes de violence et environ 323 000 crimes
contre la propriété. Il ne s'agit ici que des crimes qui ont
été signalés à la police. Le nombre réel de
victimes de la criminalité pourrait toutefois se révéler
plus élevé si on considère, selon un sondage
effectué en 1982, que plus de la moitié des incidents criminels
ne sont jamais connus de la police. On sait pertinemment que lors d'agressions
sexuelles, par exemple, bien souvent les victimes, soit par crainte de
représailles de la part de l'auteur du crime ou face à la justice
qui publicise ce genre de crime, bien souvent, les victimes ne dénoncent
pas ces crimes à la police.
En 1985, l'Assemblée générale des Nations unies a
adopté la déclaration des principes fondamentaux de justice
relatifs aux victimes de la criminalité dans laquelle elle recommande
les mesures à prendre aux niveaux international et régional pour
faciliter aux victimes de criminalité l'accès à la justice
et un traitement équitable, l'obtention par celles-ci d'une compensation
adéquate ainsi que la prestation d'une assistance sociale. Aux
États-Unis, depuis 1980, 43 États ont adopté des lois en
ce sens. Des groupes communautaires d'aide aux victimes d'actes criminels ont
également vu le jour et ont pris de l'expansion dans plusieurs pays,
notamment aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne.
Au Québec, une large consultation de tous les milieux
intéressés a permis d'identifier les besoins exprimés par
les victimes elles-mêmes, entre autres leur besoin d'être
rassurées, d'être traitées avec courtoisie et
compréhension, d'être informées de leurs droits et de leurs
recours, d'obtenir réparation et de bénéficier de services
et d'assistance propres à leur assurer une aide médicale,
psychologique et sociale.
L'un des éléments les plus importants et les plus
prometteurs pour l'avenir qu'a fait ressortir la tournée de consultation
consiste en la nécessité de soutenir l'effort
bénévole et communautaire des intervenants du milieu
désireux de prendre en charge les services d'aide aux victimes dans
l'optique d'une action complémentaire à celle des services
publics et parapublics. Cette volonté des diverses communautés de
s'impliquer directement dans les programmes d'aide aux victimes me paraît
devoir être encouragée et soutenue, puisqu'elle favorise la
solidarité de la société québécoise dans son
ensemble face aux torts causés par la criminalité. Je reviendrai
donc sur cet aspect de l'implication de la communauté puisqu'il
constitue l'un des piliers des mesures proposées dans ce projet de loi
important.
Qu'il me soit toutefois permis de souligner ici l'énorme
contribution apportée depuis plusieurs années au Québec
par les groupes communautaires et les bénévoles en matière
d'aide aux victimes d'actes criminels, notamment les organismes qui dispensent
des services aux victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale et
les autres groupes qui se consacrent à la promotion des droits des
victimes. Leur apport a été déterminant dans la prise de
conscience de la société québécoise des besoins
réels des victimes et leur implication dans la mise en oeuvre de
programmes d'aide mérite d'être reconnue.
Enfin, un autre besoin exprimé par les victimes se rapporte
à la nécessité d'établir des moyens de concertation
afin d'assurer une action efficace et à l'importance d'affecter les
ressources financières adéquates à l'aide auxdites
victimes. Le premier de ces droits qui découlent des besoins des
victimes et que vient consacrer le projet de loi est celui d'être
traité avec courtoisie, équité, compréhension et
dans le respect de leur dignité et de leur vie privée. À
un autre besoin souvent exprimé par les victimes lors de la
consultation, le projet de loi vient répondre en accordant à la
victime le droit, lorsque son intérêt personnel est en cause, de
voir ses points de vue et ses préoccupations présentés et
examinés aux phases appropriées des procédures
judiciaires. Ce droit de la victime à s'exprimer devrait contribuer
à affirmer son rôle de collaboratrice de la justice.
M. le Président, j'ai fait état de la volonté
exprimée par les divers intervenants d'accorder aux
bénévoles et aux organismes communautaires une place de premier
plan dans la prise en charge des services d'aide aux victimes. Cette attente se
matérialisera, comme je l'ai mentionné dès le début
de façon extrêmement importante,
par l'implantation des centres d'aide aux victimes dont le ministre de
la Justice a parlé tantôt. L'avantage principal de ces centres,
outre le fait de fournir des services spécifiques aux victimes, sera de
regrouper ces services sous un même toit dans les diverses
régions. La victime ne sera plus renvoyée de service en service,
mais pourra plutôt s'adresser à un interlocuteur unique et
attentif. Le cas échéant, ces centres d'aide se chargeront
d'orienter et d'accompagner les victimes vers des services
spécialisés, par exemple des services qui visent à
répondre aux besoins spécifiques des victimes d'agressions
d'actes sexuels ou de violence conjugale, notamment vers les maisons
d'hébergement. De tels centres d'aide, fondés sur le
bénévolat et pris en charge par les diverses communautés
impliquées, ont connu un développement extraordinaire dans divers
pays au cours des dernières années, notamment en France et en
Grande-Bretagne. Si on se fie au désir exprimé lors de la
tournée de consultations, je suis convaincu, M. le Président,
qu'il en sera de même au Québec, puisqu'ils
bénéficieront du soutien technique et financier requis.
Ce rôle de soutien reviendra au Bureau d'aide aux victimes d'actes
criminels. À cet effet, le projet de loi ne propose pas la
création d'un nouvel organisme, mais plutôt une structure
administrative souple au sein même du ministère de la Justice. Je
voudrais souligner également qu'une des missions du bureau sera de
favoriser la réalisation et la diffusion de programmes d'information, de
sensibilisation et de formation concernant les droits et les besoins des
victimes.
J'ai parlé tout à l'heure de l'importance de soutenir les
groupes et organismes communautaires désireux d'implanter et de prendre
en charge des centres d'aide aux victimes d'actes criminels dans leur milieu.
Ce soutien se manifestera concrètement, puisque, suivant le projet de
loi, le ministre de la Justice pourra accorder une aide financière aux
groupes et organismes qui oeuvrent dans le domaine de l'aide aux victimes.
Cette aide financière pourra, par exemple, avoir pour objet d'implanter
et d'assurer le maintien de centres d'aide ou de financer la recherche et les
programmes d'information, de sensibilisation et de formation. Telles sont donc,
M. le Président, les mesures proposées par ce projet de loi.
En terminant, permettez-moi de revenir à l'essentiel de ce qui
nous occupe ici, soit la victime d'un acte criminel. Celle-ci ne peut et ne
doit pas être considérée comme un simple instrument de la
preuve. Elle est, au contraire, une collaboratrice de premier plan de la
justice et joue un rôle indispensable dans le processus pénal. Il
s'ensuit que l'une des fonctions fondamentales du système de justice
pénale devrait être de répondre à ses besoins et de
sauvegarder ses intérêts, d'accroître sa confiance dans te
système de justice pénale et d'encourager sa coopération.
Mais, d'abord et avant tout, elle est une personne qui a subi un
préjudice et qui, à ce titre, a droit à notre attention et
à notre compréhension.
Je profite de l'occasion, M. le Président, pour féliciter
encore une fois le ministre de la Justice d'avoir présenté
à cette Assemblée un projet de loi aussi important pour notre
société. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: II n'y a pas d'autre intervention?
Donc, est-ce que le principe du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes
d'actes criminels, est adopté?
M. Brassard: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion pour
déférer le projet de loi à la commission des institutions
pour étude détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
M. Brassard: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Puisque nous arrivons
à 18 heures, l'Assemblée va maintenant suspendre ses travaux, qui
reprendront ce soir à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 3) (Reprise à 20 h
3)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Veuillez vous asseoir. Nous allons donc reprendre nos travaux. M.
le leader du gouvernement.
M. Johnson: Oui, Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 25 du feuilleton.
Projet de loi 32 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 25 de notre
feuilleton, le ministre de l'Énergie et des Ressources propose
l'adoption du principe du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur
HydroQuébec. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. J'ai l'honneur de
soumettre à cette Assemblée le projet de loi 32 qui modifie la
Loi sur HydroQuébec. Hydro-Québec est devenue l'un des plus
importants outils de développement économique du Québec.
En effet, de par sa taille, ses actifs, ses investissements, les services
qu'elle fournit et ses effets sur l'emploi, Hydro-Québec est un
carrefour stratégique de l'activité québécoise.
Vous comprendrez que ce gouvernement soit particulièrement soucieux du
bon fonctionnement de cette société. Aussi, de temps à
autre, vaut-il la peine de s'arrêter afin d'effectuer, comme c'est le cas
aujourd'hui, certains ajustements qui amélioreront le fonctionnement de
l'organisation.
Le projet de loi soumis vise à modifier l'organisation
supérieure de l'entreprise. Ces changements permettront de doter
Hydro-Québec d'une structure de direction supérieure souple et
adaptée à un environnement complexe. Comme cela se fait de plus
en plus couramment dans les grandes corporations privées,
Hydro-Québec sera dorénavant gérée par un
président et chef de la direction de qui relèvera un
président et chef de l'exploitation.
De plus, le projet de loi prévoit que le sous-ministre de
l'Énergie et des Ressources soit membre du conseil d'administration
d'Hydro-Québec mais sans droit de vote. Une telle approche confirme la
relation stratégique existant entre Hydro-Québec et le
gouvernement. Toutefois, en retirant le droit de vote du sous-ministre, le
gouvernement confirme toute la latitude qu'elle souhaite laisser au conseil
d'administration de la société.
J'aimerais, Mme la Présidente, prendre le temps de mettre en
perspective le projet de loi. L'examen de ce projet est en effet un moment
propice pour rappeler quelles sont, ou à tout le moins, quelles
devraient être les relations entre le gouvernement et sa
société d'État. Ceci m'amènera à expliciter
le rôle d'Hydro-Québec en tant que société
d'État et le rôle du gouvernement en tant que seul actionnaire. Je
compte aussi vous présenter les principaux défis auxquels
Hydro-Québec devra s'attaquer au cours des prochaines années. Ces
défis reflètent bien le besoin de doter l'entreprise d'un
encadrement supérieur capable d'assurer une tâche d'une ampleur
considérable. Ils appellent aussi la mise en place d'un processus
privilégié de communication. Regardons d'abord la place
d'Hydro-Québec dans l'économie québécoise.
Hydro-Québec est le principal fournisseur d'énergie de la
province. À elle seule, elle répond à 37 % des besoins en
énergie des Québécois. La part de
l'électricité est de 42 % dans le bilan
énergétique, mais il y a des fournisseurs
d'électricité privés qui fournissent l'autre 5 %. En
termes de clientèle, HydroQuébec satisfait 52 % des besoins des
ménages et 34 % des besoins des entreprises. HydroQuébec est
présente dans toutes les phases de notre vie économique.
L'importance de ses actifs démontre bien l'ampleur de cette
présence. En effet, les actifs d'Hydro-Québec sont passés
de 2 400 000 000 $ en 1963, moment de la seconde nationalisation, et j'y
reviendrai, à près de 32 000 000 000 $ en 1987. Ceci en fait la
plus grosse entreprise du Québec en termes d'actifs.
Au niveau de l'emploi, Hydro-Québec est le deuxième plus
gros employeur industriel du Québec avec près de 19 000
employés permanents. Ces emplois se retrouvent dans toutes les
régions du Québec. Ils contribuent à l'activité
économique régionale en y injectant des centaines de millions en
dépenses de consommation. Plus généralement, les emplois
soutenus par Hydro-Québec dans l'économie
québécoise, que ce soit à travers les activités de
production et de distribution de l'électricité ou celles
reliées aux activités de commercialisation, sont
évalués à 58 000 en 1988. Je voudrais souligner, Mme la
Présidente, que ces emplois sont importants. Ils le sont de par leur
nombre, bien sûr, puisqu'ils représentent 2 % de l'emploi total au
Québec, mais ces emplois sont aussi importants parce qu'ils sont bien
rémunérés et possèdent, dans plusieurs cas, un fort
contenu technologique. Ils ont de la sorte un effet d'entraînement plus
que positif sur l'économie.
En 1987, Hydro-Québec a fourni de l'électricité
à quelque 13 000 entreprises réparties sur tout le territoire.
Ces sociétés ont consommé près de 53
térawattheures. Ceci correspond à plus de 40 % des ventes
d'électricité d'Hydro-Québec au Québec. Ces
chiffres illustrent avec éloquence l'importance que prend
Hydro-Québec dans notre économie. Cette importance,
HydroQuébec l'a acquise à cause de la volonté politique
qui est à la base de ce qu'elle est aujourd'hui. À cet
égard, il faut remonter jusqu'au début des années trente
pour saisir et comprendre la démarche entreprise pour faire
d'Hydro-Québec Une société d'État.
En 1934, le gouvernement d'alors forme la commission Lapointe afin de
faire enquête sur la distribution de l'électricité au
Québec. La commission reconnaît le caractère de service
public de l'électricité. Elle doit être accessible à
tous, à un prix abordable, mais avec une juste
rémunération pour les propriétaires des compagnies
à l'époque. Elle recommande la création d'une commission
de contrôle. Celle-ci contrôlera l'établissement de
nouvelles centrales, de lignes de transport et de distribution. Cette
commission établira des échelles de tarifs jugées justes
et raisonnables, en fonction d'une évaluation complète de l'actif
réel des compagnies. Le gouvernement fera suite à cette
recommandation et fera adopter une loi instituant la Commission de
l'électricité. (20 h 10)
C'est quelques années plus tard, lors de la campagne
électorale de 1939, que l'équipe libérale
de M. Godbout promet la nationalisation de la Montreal Light, Heat and
Power et de sa filiale, la Beauharnois Light, Heat and Power. Celle-ci se fera
effectivement le 15 avril 1944 avec la création de la Commission
hydroélectrique du Québec. Bien que la loi permette
l'étatisation de toutes les compagnies d'électricité, le
gouvernement ne procède qu'à l'acquisition des actifs de la
Montreal Light, Heat and Power et de sa filiale, soit la compagnie la plus
récalcitrante à se soumettre à l'organisme de
contrôle gouvernemental.
C'est en 1963 que prendra forme la société d'État
telle que nous la connaissons aujourd'hui. Plusieurs arguments appuyaient alors
la formation d'un monopole de distribution dans le domaine de
l'électricité: unification des réseaux de distribution,
rationalisation de la production planifiée en fonction de la demande
globale au Québec et meilleures garanties à offrir aux
investisseurs. À cela s'ajoutait la préoccupation sociale
d'harmoniser les tarifs et le service entre les régions. Les
régions éloignées devraient pouvoir
bénéficier des tarifs et d'un service comparable à ceux de
la région de Montréal. Ceci n'était cependant pas vraiment
suffisant pour justifier un monopole d'État. En effet, on aurait pu
miser sur un monopole privé contrôlé par une régie.
En fait, cela prenait la volonté politique d'agir dans le but d'orienter
le développement économique et de promouvoir ('electrification
rurale.
L'objectif dominant du gouvernement libéral en ce début
des années soixante était de permettre aux
Québécois de prendre en main leur économie. La commission
hydroélectrique du Québec représente à cet effet un
joyau. En effet, elle exploite une richesse naturelle abondante au
Québec. Elle possède une expertise remarquable non seulement en
ingénierie mais dans d'autres domaines de la gestion. Elle
maîtrise une technologie de pointe. Grâce à son pouvoir
d'achat, elle peut influencer favorablement l'économie
québécoise. Enfin, grâce à sa possibilité
d'appliquer des tarifs différenciés, elle était en
position d'attirer les industries grosses consommatrices
d'électricité.
Pendant les 25 dernières années, toutes ces
caractéristiques ont été mises à profit et ce, au
bénéfice de l'ensemble de la population. Aujourd'hui, ces
mêmes caractéristiques font toujours la force
d'Hydro-Québec.
La puissance du parc de production d'Hydro-Québec
s'établit à 24 500 mégawatts dont 22 800 sont d'origine
hydroélectrique. Le potentiel des grandes rivières non
aménagées représente encore 30 000 mégawatts.
Enfin, plus de 400 petites rivières réparties sur le territoire
du Québec offrent un potentiel de 10 000 autres mégawatts.
L'expertise d'Hydro-Québec en matière d'ingénierie
et de gestion de grands travaux a été mise en évidence
particulièrement avec les travaux de la baie James. D'autre part,
HydroQuébec possède une compétence reconnue sur une base
internationale en matière de distribution, de planification et
d'exploitation des installations.
Quant à la technologie, la majorité des domaines
d'activité d'Hydro-Québec constituent des défis
d'envergure. Pensons aux barrages, à l'installation de nouvelles
interconnexions fiables et stables, aux méthodes sécuritaires de
traval, aux correctifs des impacts environnementaux, aux
électrotechnologies, et j'en passe. La mise au point de nouveaux
produits technologiques stimule l'économie du Québec par des
retombées sur des industries de pointe. Et que dire de la politique
d'achat au Québec de cette société d'État? En 1987,
ses achats de biens et de services au Québec se sont
élevés à 1 400 000 000 $. Comme Hydro-Québec a
décentralisé en régions tous les achats inférieurs
à 100 000 $, cela représente un formidable levier dont les effets
se font sentir un peu partout au Québec. Enfin, depuis quelques
années, HydroQuébec a mis sur pied un programme de partage de
risques et de bénéfices. Tout en étant
négociées sur une base d'affaires, Hydro-Québec offre des
conditions avantageuses pour attirer les entreprises au Québec.
Hydro-Québec est aussi un outil de politique économique.
L'État a régulièrement manifesté sa présence
dans le développement de cette société. D'abord en 1963,
le gouvernement procède à la nationalisation de la plupart des
compagnies électriques. Dès cette époque, le gouvernement
cernait les deux plans sur lesquels Hydro-Québec pouvait jouer pour
participer au développement économique du Québec.
Hydro-Québec influence l'économie par ses activités
propres, soit par exemple ses investissements et son pouvoir d'achat. D'autre
part, elle stimule l'activité d'autres entreprises par la fourniture
d'énergie à des conditions avantageuses. Aussi, la
priorité a-t-eiie été mise sur la disponibilité de
l'électricité et sur son accès à bas prix.
En 1978, le gouvernement procède à la première
grande refonte de la Loi sur HydroQuébec. Il en profite pour introduire
un nouvel article qui assujettit Hydro-Québec aux impératifs de
la politique énergétique. L'article 22.1 se lit aujourd'hui de la
façon suivante: Pour la réalisation de ses objects, la
société prévoit notamment les besoins du Québec en
énergie et les moyens de les satisfaire dans le cadre des politiques
énergétiques que le gouvernement peut, par ailleurs,
établir.
En 1983, le gouvernement, dans son plan d'action pour intensifier la
relance de l'économie, demande à Hydro-Québec de s'assurer
que ses investissements nets au cours des deux prochaines années soient
maintenus au même niveau. Le gouvernement s'associe donc
étroitement à sa principale société d'État
afin de stabiliser l'économie.
Enfin, en 1986, le gouvernement a exprimé sa volonté de
profiter des opportunités offertes par le développement des
marchés externes. Aussi, retrouve-t-on cet objectif dans le plan de
développement de 1987. De plus, nous avons alors insisté
sur d'autres avenues de développement économique: identification
de possibilités technologiques, exploitation de l'expertise technique
d'Hydro-Québec et redéfinition des programmes industriels, de
manière à favoriser davantage la création d'emplois.
Le développement économique est aujourd'hui encore le
principal objectif sur lequel notre gouvernement oriente Hydro-Québec,
mais comme cette société est publique, nous tenons de plus
à ce qu'elle respecte d'autres orientations publiques. Je voudrais entre
autres parler ici d'environnement. Notre gouvernement tient à ce que
l'objectif de développement économique soit poursuivi, tout en
tenant compte des préoccupations de la population pour son
environnement. C'est la raison pour laquelle nous tenons à ce que soit
intégrée dans la planification à long terme la dimension
environnementale des projets.
Hydro-Québec est une société d'État. Le
ministre de l'Énergie et des Ressources répond devant
l'Assemblée nationale de la Loi sur Hydro-Québec. Par
conséquent, le ministre de l'Energie et des Ressources est responsable
devant la population de cette société d'État. Après
de nombreuses années de relations entre le gouvernement et la
société d'État, l'équilibre entre l'autonomie de la
société d'État et l'implication du ministre devient de
plus en plus clair. Premièrement, Hydro-Québec a besoin
d'autonomie. En effet, la souplesse et la flexibilité sont deux
attributs précieux pour fonctionner sur les marchés.
Par contre, le ministre de tutelle a des responsabilités
vis-à-vis de la société d'État. D'une part,
puisqu'il s'agit d'un outil gouvernemental, un consensus doit exister entre le
gouvernement et la société en ce qui concerne ses grandes
orientations. D'autre part, comme cette entreprise est un monopole en
matière de distribution d'électricité, elle exige un
système approprié de contrôle. (20 h 20)
Revenons sur ces deux facettes du travail. Premièrement, les
orientations. La meilleure façon pour le gouvernement d'apporter une
contribution stimulante sur les orientations de la société est
d'établir des objectifs très clairs. Comme je l'ai
mentionné lors de la dernière commission parlementaire sur le
plan de développement, il faut que l'action d'Hydro-Québec soit
balisée par des orientations et des décisions gouvernementales.
Le gouvernement a les moyens qu'il faut pour le faire.
D'abord, cette Assemblée a déterminé, à
l'intérieur d'une loi, les objectifs généraux que doit
poursuivre Hydro-Québec. D'autre part, la loi d'Hydro-Québec
spécifie que celle-ci doit travailler dans le cadre des politiques
énergétiques gouvernementales. Je déposerai sous peu
devant l'Assemblée nationale une politique énergétique qui
précisera les principales orientations du gouvernement qui, non
seulement encadreront notre action au cours des prochaines années, mais
qui ont également inspiré les interventions des deux
années qui viennent de s'écouler.
Enfin, la loi prévoit aussi qu'Hydro-Québec soumette un
plan de développement qui comprend une proposition tarifaire, suivant la
forme, la teneur et la périodicité fixées par le
gouvernement. Ce plan doit être soumis à l'approbation du
gouvernement et être accepté par ce dernier aux conditions qu'il
détermine et auxquelles HydroQuébec doit se conformer.
En 1986, le premier projet de plan de développement qui nous a
été soumis par HydroQuébec ne reflétait pas
totalement les orientations de notre gouvernement. En 1987, à la suite
de discussions entre mon ministère et HydroQuébec, le plan de
développement présenté identifiait davantage l'objectif
gouvernemental du développement économique du Québec: les
marchés externes, les marchés internes, la technologie et les
programmes industriels.
Une autre de mes responsabilités a trait au rôle
d'Hydro-Québec en tant que monopole dans la distribution
d'électricité. Plusieurs raisons justifient l'intervention
gouvernementale pour ce qui est de l'approbation du plan de
développement et de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec. Le
service d'Hydro-Québec, premièrement, rejoint plus de 2 900 000
abonnés. Il incombe donc au gouvernement de s'assurer que chacun,
où qu'il se trouve sur le territoire, ait un accès facile et
économique à cette forme d'énergie. Il s'agit là
d'une responsabilité sociale que le gouvernement, à travers sa
société d'État, assume et va continuer d'assumer.
Quels sont les défis des prochaines années?
Hydro-Québec est l'outil de la politique énergétique du
gouvernement. Au cours des prochaines années, nous continuerons à
chercher à mettre en valeur tout le dynamisme qu'Hydro-Québec
insuffle à l'économie québécoise. Mais, pour
relever le défi du développement économique,
l'organisation de l'entreprise se doit d'avoir des structures favorables aux
défis qu'elle aura à relever.
Hydro-Québec, comme je l'ai mentionné, est un outil de la
politique énergétique gouvernementale. La progression de
l'électricité dans le bilan énergétique
québécois est remarquable. En 1971, l'électricité
ne comptait que pour 19 % du bilan énergétique contre 74 % pour
le pétrole. En 1987, la tendance est nettement renversée.
L'électricité et le pétrole sont nez à nez dans le
bilan énergétique avec une part de 42 % chacun.
Cette progression se manifeste de différentes façons.
Ainsi donc, dans le secteur de l'habitation, la proportion des logements
chauffés à l'électricité est passée de 7 %
en 1971 à 58 % en 1986.
Dans le secteur industriel, la disponibilité d'énergie
fiable et économique a favorisé l'expansion et le
développement d'industries grandes consommatrices d'énergie,
soutenant et
créant de la sorte de nombreux emplois.
Il y a lieu, pour notre société, de tirer avantage au
maximum des opportunités que nous offre la filière
hydroélectrique. Il s'agit, en effet, de la seule ressource
énergétique que nous contrôlons totalement depuis la
production en passant par le transport et la distribution. Cette
disponibilité de la ressource, associée avec le mode de
production intégré que constitue HydroQuébec, devrait nous
permettre d'aborder l'avenir avec confiance.
Cet avenir est toutefois jalonné de défis qu'il nous
faudra relever. Ces défis sont reliés à la gestion de
l'organisation et à l'appui au développement
économique.
Les défis reliés à la gestion de l'organisation
sont nombreux. En effet, pour atteindre nos grands objectifs en termes
d'orientation économique, la haute direction se doit de travailler sur
la base d'une situation financière saine. De plus, elle se doit
d'être entourée d'une équipe de travailleurs et de
travailleuses dynamiques et motivés dans leur travail. Ceci se traduit
par une structure administrative adaptée aux problèmes du moment
et par des relations de travail positives.
Enfin, un des objectifs de fond du gouvernement vis-à-vis
Hydro-Québec, est, a été et sera toujours dans l'avenir de
fournir l'électricité au coût le plus bas possible et dans
les meilleures conditions. Les autres défis majeurs sont la
productivité de l'organisation et la qualité du service.
La situation financière. Mme la Présidente, lorsque nous
travaillons d'arrache-pied à favoriser le développement
économique du Québec, nous passons par les marchés, les
marchés internes et les marchés externes. Nous nous devons de
développer une expertise exceptionnelle qui suscite une demande de
services génératrice d'emplois. Cette expertise nous l'avons
développée et nous devrons la développer encore dans le
domaine de la technologie. Je reviendrai sur ce thème un peu plus tard.
Mais nous nous devons aussi de la développer dans nos méthodes de
gestion. Le contrôle des coûts est une expertise très en
demande. Il faut qu'Hydro-Québec soit reconnue comme une entreprise
d'une grande force et d'une compétence exceptionnelle. Une telle
réputation ne peut qu'influencer favorablement la multiplication des
contrats d'affaires et ainsi stimuler le démarrage de nouveaux projets
avec des retombées économiques importantes pour le
Québec.
Pour une entreprise, un des meilleurs moyens de prendre la mesure de sa
solidité est sa capacité de faire des profits. Les
Québécois sont fiers de leur société d'État.
Ils sont fiers de la maîtrise démontrée dans la gestion des
grands travaux. Ils sont fiers de la technologie maîtrisée par
cette société. Alors, pourquoi ne devraient-ils pas aussi
être fiers de la rentabilité de l'entreprise? Cette
rentabilité est la preuve de la capacité de gestion des grandes
entreprises par des Québécois. Je crois que vous serez d'accord
avec moi pour dire qu'un profit raisonnable fait partie des
bénéfices normaux résultant d'un processus de production.
Les régies de contrôle des monopoles du secteur privé
confirment cette position. Elles ont permis, par exemple, à Bell Canada
un taux de rendement de 12,25 %, à Gaz Métropolitain de 13,8 %,
à TransCanada PipeLines de 13,25 %, à Interprovincial Pipe Line
de 13,25 %, et le taux de rendement présentement d'Hydro-Québec,
qui vise 13 %, est d'un peu plus de 7 %. Alors, il se situe en bas des taux de
rendement des autres monopoles qui sont régis par différentes
régies gouvernementales. (20 h 30)
En conséquence, un des défis d'Hydro-Québec sera de
démontrer sa capacité de faire des profits, mais ce, dans des
limites acceptables. Étant impliqué depuis longtemps dans la vie
politique, Mme la Présidente, je sais que le citoyen
québécois n'est pas seulement un consommateur
d'électricité, mais aussi un travailleur, un
bénéficiaire de services publics et un payeur d'impôts.
Tous les fonds que retire le gouvernement en tant qu'actionnaire ne peuvent
qu'être retournés à la population sous une forme ou sous
une autre. En retournant des dividendes au gouvernement, les choix deviennent
beaucoup plus larges. Les élus du peuple sont en mesure d'établir
des priorités pour l'utilisation de ces fonds. Lorsque le gouvernement
réduit le déficit public, qu'il réduit les impôts,
qu'il augmente les fonds dans les services de santé, qu'il favorise
l'emploi, il retourne autant de bénéfices à la
population.
Ce sont des arbitrages qu'il revient au gouvernement de faire. Tant que
les dividendes ne sont perçus que sur des profits jugés normaux
pour une entreprise, le gouvernement recueille les fruits d'un investissement
collectif et les distribue à la population.
Ceci m'amène à parler des derniers résultats
financiers d'Hydro-Québec. La société a annoncé un
bénéfice de 445 000 000 $ sur les trois premiers mois de 1988.
Ceci représente une hausse de 103 000 000 $ par rapport aux mêmes
mois en 1987. Ce bénéfice résulte de variations de volume
dues à des températures plus froides, il résulte d'une
situation économique favorable aux nouvelles constructions
résidentielles et au succès des ventes biénergie et des
augmentations de tarifs d'électricité. Les résultats
financiers ne prendront cependant toute leur signification que sur une base
d'année complète. De tels résultats sont évidemment
un des facteurs dont nous tiendrons compte lorsque nous examinerons la
prochaine proposition tarifaire d'Hydro-Québec.
Un autre des défis à relever dans l'organisation
d'Hydro-Québec est l'adaptation de la structure administrative aux
priorités du moment. La brève histoire d'Hydro-Québec a
été marquée par des phases de croissance rapide et de
ralentissement sévère qui ont forcé l'organisa-
tion, quelquefois non sans heurts, à réaménager les
tâches et les fonctions. Hydro-Québec sera appelée, au
cours des prochaines années, à s'adapter. Elle devra relever le
défi qui consiste à être une organisation forte et
efficace. Elle doit continuer à être préoccupée par
la qualité du service, tout en se positionnant pour développer
efficacement notre potentiel hydroélectrique dans l'intérêt
des Québécois. Pour réaliser ce double objectif, tout en
maintenant les coûts au plus bas, l'entreprise devra mettre l'accent sur
la productivité.
Lors de la dernière commission parlementaire sur la
sous-traitance, en octobre dernier, Hydro-Québec reconnaissait un
écart de l'ordre de 10 % entre les travailleurs sous-traitants et les
siens sur des travaux de construction sur les réseaux de distribution.
L'amélioration de la productivité constitue effectivement l'un
des objectifs importants du plan de développement qui a
été soumis au gouvernement récemment. Cet objectif
implique qu'Hydro-Québec cherchera à faire la meilleure
utilisation possible du potentiel humain considérable à sa
disposition.
En ce qui concerne la sous-traitance, l'équilibre fragile entre
le faire et le faire faire représente un autre défi pour
l'organisation d'Hydro-Québec. J'ai déjà mentionné
qu'il est normal que l'entreprise conserve et affine son expertise afin de
maintenir un niveau de connaissance essentiel au fonctionnement de
l'organisation et afin de demeurer un leader technologique. En même
temps, l'industrie de la sous-traitance doit pouvoir continuer à compter
sur Hydro-Québec pour se développer et créer à son
tour une activité économique dont tout le Québec
bénéficiera.
D'autre part, je ne déteste pas l'idée de
considérer la sous-traitance comme un chien de garde de
l'efficacité d'Hydro-Québec. En effet, Hydro-Québec
gère dans une position de monopole. Il n'est pas mauvais, en termes
d'efficacité, qu'il existe une certaine émulation au chapitre de
l'accomplissement de certaines tâches. Cependant, la reprise des
investissements exigera une atmosphère de partenariat et de travail
d'équipe. Il faut que les entrepreneurs, les firmes de
génie-conseil, Hydro-Québec et ses syndicats continuent à
développer une interaction positive dans le meilleur
intérêt des Québécois. C'est là un
défi important qui attend cette entreprise.
La qualité du service à la clientèle est un autre
défi que cette entreprise devra relever. Le gouvernement, à cet
égard, a une responsabilité certaine. En effet, nous avons vu
qu'Hydro-Québec constitue un monopole en termes de distribution
d'électricité et que le gouvernement a le devoir de s'assurer
qu'on tient compte des intérêts des consommateurs. Cela tombe sous
le sens, puisque les familles, les institutions et les entreprises comptent sur
un service continu et de qualité.
Quant à la qualité du service, il est important
qu'Hydro-Québec concrétise son virage clientèle et
complète la révision de ses pratiques d'affaires. La population
qui, pour une large part, représente un marché captif, doit
savoir qu'Hydro-Québec est à l'écoute de sa
clientèle.
En tant que ministre responsable d'Hydro-Québec, je tiens
à ce que cette préoccupation demeure l'une des priorités
de l'entreprise. Par ailleurs, la qualité du service se traduit aussi
par un approvisionnement fiable et continu.
Le Québec doit pouvoir faire face à la demande de pointe
du réseau dans des conditions raisonnables de sécurité et
éviter, dans toute la mesure du possible, les pannes partielles ou
générales. Hydro-Québec investira donc des centaines de
millions de dollars au cours des prochaines années pour améliorer
la fiabilité du réseau dans son ensemble. En effet, il importe de
réduire le risque des pannes au minimum, afin de pouvoir affronter avec
confiance une demande de pointe qui a culminé à plus de 27 000
mégawatts le 14 janvier dernier.
Maintenant, revenons pour un instant au développement
économique. Tout comme en 1963, les deux plans sur lesquels
Hydro-Québec peut toujours travailler pour appuyer le
développement économique sont ses activités propres et la
fourniture d'électricité aux entreprises à des conditions
avantageuses. Parmi ses activités propres, deux retiennent
particulièrement l'attention: la reprise des grands travaux et la
technologie. Ces deux aspects sont particulièrement porteurs d'avenir.
Ils constituent un levier formidable de développement économique
et se traduisent notamment par des investissements soutenus.
En effet, Mme la Présidente, les investissements continueront de
croître sous l'impulsion du présent gouvernement. De fait, en
1990, on prévoit des investissements de 2 900 000 000 $, soit une
augmentation de 75 % par rapport à 1985, dernière année
d'exercice du précédent gouvernement.
À plus long terme, c'est environ 39 000 000 000 $ qui seront
investis dans notre économie sur une période de dix ans.
L'ampleur de ces investissements reflète bien la volonté de ce
gouvernement de s'engager résolument dans la voie du
développement économique. En effet, les efforts importants
consentis pour développer les marchés d'exportation vont
permettre aux Québécois de bénéficier de revenus
d'exportation de 40 000 000 000 $ au cours des prochaines années. De
plus, les contrats d'exportation permettent de devancer les travaux
d'aménagement de la Baie James et de faire bénéficier les
Québécois d'une activité économique accrue.
(20 h 40)
Quant à la création d'emplois, ce sont 40 000
personnes-années qui seront créées pendant la
période des travaux. Il faut bien comprendre, Mme la Présidente,
et même le répéter pour le bénéfice de
certains membres de l'Opposition, qu'il s'agit là de nouveaux emplois
résultant d'investissements suscités par les po-
litiques du gouvernement et non pas, comme certains voudraient le faire
croire, de la simple continuité d'emplois existants. Autrement dit, si
on n'avait pas signé les contrats d'exportation, on n'aurait pas pu
devancer les travaux. Si on n'avait pas devancé les travaux, on n'aurait
pas 40 000 personnes-années de plus. C'est simple, si cela n'avait pas
été de l'insistance de certains membres de l'Opposition, je crois
que cela ne serait même pas nécessaire de faire le point,
tellement c'est simple.
Voilà, Mme la Présidente, ce qu'on peut appeler du
leadership et des orientations claires. C'est à cela que la population
est en droit de s'attendre.
Le développement technologique est un autre défi qui
attend Hydro-Québec dans les années qui viennent. En effet,
participer aux innovations technologiques, c'est donner au Québec les
moyens d'accéder à la réussite économique. Cela est
d'autant plus important que le Québec est une province exportatrice qui
doit gagner le pari de la compétitivité dans le cadre d'un accord
sur le libre-échange. Il importe donc, pour le Québec, de tendre
vers une plus grande production technologique.
L'électricité est un avantage comparatif marqué par
lequel on peut favoriser l'accroissement de cette production technologique.
HydroQuébec doit donc considérer la technologie comme un
élément stratégique, tant pour ses propres
activités que pour l'effet d'entraînement qu'elle a sur notre
collectivité.
Un exemple des possibilités offertes par la promotion des
électrotechnologies est le projet hydrogénal à
Bécancour, où l'on vise la production d'hydrogène à
partir de l'électrolyse de l'eau. Il y a aussi le projet
hydrogène liquide avec les membres de la communauté
européenne dont Hydro-Québec va être le maître
d'oeuvre pour une étude qui, si elle se révèle positive,
verra l'implantation d'une usine dans la région de Sept-îles. Ce
sont des exemples concrets des possibilités de développement et
de reconversion de notre base industrielle par l'utilisation judicieuse de
l'énergie électrique.
La stabilité tarifaire est un autre élément qui
doit être à l'ordre du jour quand on pense au développement
économique. En effet, la stabilité tarifaire permet de
créer un climat de confiance favorisant la réalisation
d'investissements majeurs. La stabilité tarifaire est donc un objectif
important qui affecte plusieurs industries, les industries des pâtes et
papiers, des métaux primaires et des produits chimiques. Comme nous le
savons tous, des dizaines de milliers d'emplois sont rattachés à
ces secteurs. En étant un objetif du gouvernement et
d'Hydro-Québec, la stabilité tarifaire aide le fonctionnement de
ces industries et aide à l'établissement d'entreprises au
Québec qui contribueront à raffermir notre base industrielle et
auront un effet structurant sur notre économie.
L'ampleur des défis que la principale société
industrielle du Québec a à relever est considérable. Il
est important de s'assurer qu'elle a les moyens d'y faire face.
L'un de ces moyens est de doter HydroQuébec d'une organisation
supérieure, moderne et fonctionnelle. En fait, il ne faut pas se le
cacher, la tâche est énorme. En ce sens, la structure que nous
proposons dans le projet de loi déposé aujourd'hui, nous
apparaît être la plus apte pour affronter les années qui
viennent.
J'aimerais souligner également que le type d'organisation
supérieure prévue dans le projet de loi s'inscrit de plus en plus
dans la vie corporative des grandes organisations. Pensons, par exemple,
à Alcan, à la Banque Royale, à Bell Canada, à
Petro-Canada, à la Banque nationale. C'est cette structure que nous
voyons dans ces entreprises de taille que nous proposons dans le présent
projet de loi.
Enfin, la nomination du sous-ministre du ministère de
l'Énergie et des Ressources au conseil d'administration
d'Hydro-Québec, sans droit de vote, reflète une pratique
déjà existante au gouvernement. C'est le cas, par exemple, de la
Caisse de dépôt et placement du Québec où le
sous-ministre des Finances fait partie du conseil d'administration. L'approche
retenue montre l'importance des liens stratégiques entre le gouvernement
et Hydro-Québec. Elle favorisera la communication nécessaire,
tout en laissant à Hydro-Québec l'autonomie propre à une
société d'État.
En conclusion, Mme la Présidente, tout ce qui concerne cette
société d'État est d'une importance capitale pour notre
collectivité. Il y a lieu pour le gouvernement de s'assurer
qu'Hydro-Québec possède tous les outils nécessaires pour
aborder le XXIe siècle avec la même conviction, le même
esprit d'initiative et d'entrepreneurship qui a présidé à
presque un demi-siècle d'histoire. Cela est d'autant plus important
qu'Hydro-Québec est le principal exemple de consensus social au
Québec. En effet, la mise sur pied et le développement
d'Hydro-Québec au cours des années représentent le plus
bel exemple de la convergence entre la volonté politique d'une
population à maîtriser ses ressources et les impératifs de
développement économique propres à une
société d'État moderne. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources. M. le député d'Un-gava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. J'avais au
départ prévu une très brève intervention sur ce
projet de loi, étant donné que je me disais: Un projet de loi de
cinq articles, six articles même, si on calcule la date d'entrée
en vigueur du projet de loi, sûrement que si le ministre prend le
moindrement son temps de parole pour nous expliquer le projet de loi, il
n'y
aura plus grand-chose à dire là-dessus et je n'aurai
qu'à faire quelques remarques d'ordre général. Sauf que,
Mme la Présidente, je me vois vraiment dans l'obligation de changer mon
fusil d'épaule, de me réorienter à la suite du discours
que le ministre vient de nous faire.
Si vous l'avez écouté tel que je l'ai écouté
moi-même, le ministre nous a parlé d'efficacité, de niveau
d'emploi, de sous-traitance, de technologie, de profits, de rendement,
d'investissements, de contrôle du gouvernement, de tarifs. Il nous a
même parlé des usines d'hydrogène, mais c'est à la
toute fin qu'il nous a glissé quelques brèves paroles, il nous a
parlé très rapidement du contenu de son projet de loi. Il ne nous
a rien dit là-dessus. Il ne nous a pas dit combien cela allait
coûter, pourquoi il faisait cela, quelles étaient les raisons qui
faisaient qu'on avait un contrat d'une telle durée et que l'autre avait
un contrat d'une autre durée. Il ne nous a rien dit
là-dessus.
D'autant plus, Mme la Présidente, qu'avec toutes les
interventions qu'il a faites, en allant même jusqu'à pointer,
à l'occasion, l'Opposition en lui disant: Vous n'avez rien compris, en
faisant cela, vous conviendrez qu'il m'a ouvert quelques belles portes et si
j'avais à répondre point par point à toutes les
allégations que le ministre a faites dans son discours, étant
donné qu'il a parlé à peu près de tout, je n'aurais
sûrement pas suffisamment d'une heure pour lui répondre. Je vais
quand même tenter de me modérer dans mes transports et de rester
dans le temps du règlement pour dire quand même quelque chose,
d'abord répondre brièvement à quelques-unes des
affirmations que le ministre a faites dans son discours, qui n'avaient rien
à voir, soit dit en passant, avec le projet de loi. On aurait même
cru que le ministre avait tendance à vouloir étirer le temps
lui-même. S'il avait été dans l'Opposition, peut-être
que cela aurait été compréhensible, mais en tant que
ministre au pouvoir, je crois qu'il n'avait vraiment pas intérêt
à nous parler à peu près de tout, excepté du projet
de loi.
Il a pris trois quarts d'heure pour nous vanter les mérites
d'Hydro-Québec, avec raison d'ailleurs, pour nous parler des niveaux
technologiques et de toutes sortes de choses, mais il a très peu
parlé du projet de loi, ce qui nous fait dire, Mme la Présidente,
qu'il y a peut-être anguille sous roche et que le ministre avait tout
avantage à noyer le poisson en nous parlant de tout ce qui peut
concerner l'ensemble de la machine d'Hydro-Québec qui est, comme on l'a
déjà dit d'ailleurs, un des plus beaux fleurons de
l'économie québécoise, qui est un exemple de
l'efficacité des Québécois reconnue autant au
Québec qu'à l'étranger, mais ce n'était
peut-être pas le temps de nous parler de cela dans un projet de loi de
six articles visant essentiellement à mettre deux têtes à
la place d'une. (20 h 50)
C'est tout ce qu'il y a dans ce projet de loi. En parlant de tout ce
dont il a parlé, le ministre laisse prétendre ou donne l'image
à la population du Québec qu'il s'agit là d'un projet de
loi d'une grande importance, qui touche l'ensemble de la Loi sur
Hydro-Québec. D'ailleurs, cela s'intitule d'une façon un peu
pompeuse "Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec".
En nous parlant de tout ce qui concerne Hydro-Québec, on a
l'impression que c'est un projet de loi qui est épais comme un
dictionnaire et qui doit toucher à l'ensemble de la Loi sur
Hydro-Québec, alors qu'en réalité, ce sont deux petites
feuilles avec six articles qui nous disent: C'est bien de valeur, on va avoir
deux chefs au lieu d'un à partir de maintenant.
Et on se demande toujours pourquoi d'ailleurs, deux chefs au lieu d'un?
Est-ce qu'Hydro-Québec n'a pas fait la preuve de ses capacités?
Est-ce que le président d'Hydro-Québec, qui vient à peine
de sortir, n'a pas fait la preuve de ses capacités? Est-ce qu'il ne nous
a pas démontré qu'une seule tête solide, bien ancrée
était capable de mener la boîte d'Hydro-Québec? On se
demande pourquoi.
J'irais même, Mme la Présidente, jusqu'à reprendre
une expression populaire - en tout cas qui est bien connue par chez nous - on a
l'impression que c'est la queue qui mène le chien. On a l'impression
qu'il s'agit là d'un arrangement qui fait l'affaire de tout le monde
pour réussir ou pour entériner, pour rendre légales des
nominations qui sont déjà faites.
De toute façon, ce que le ministre nous annonce dans son projet
de loi, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Les nominations sont
déjà là, les gens sont connus, même leurs salaires
sont connus. D'ailleurs, on en parlera tout à l'heure du niveau
salarial. On se demande jusqu'à quel point le ministre n'est pas en
train de faire un habit sur mesure à deux individus qui devront se
partager les tâches mais sans que cela ne soit encore vraiment
défini. On a l'impression qu'il y a quelque chose de flou en dessous de
tout cela. Le ministre renforce notre impression en parlant de toutes sortes de
points dans son intervention sauf, justement, de ceux qui auraient pu
éventuellement satisfaire à quelques-unes de nos
interrogations.
D'abord, Mme la Présidente, le ministre ne nous dit rien sur les
raisons ou sur la supposée politique d'ensemble qui aurait amené
le gouvernement à prendre deux présidents, dont un va être
chef de l'ensemble des activités d'Hydro-Québec et l'autre, chef
d'exploitation. Un chef de direction et un chef d'exploitation. Il ne nous dit
pas comment ils en sont arrivés là. il n'y a jamais eu de
politique là-dessus.
Tout le monde se souviendra que cet hiver, lorsqu'on parlait de nommer
un nouveau président à la tête d'Hydro-Québec, on
n'a jamais parlé de deux têtes. On disait: M. Coulombe,
après avoir exercé ses fonctions pendant un certain nombre
d'années, d'une façon louangeable à tous égards,
doit s'en aller. On va le remplacer par
quelqu'un d'autre. Et ce gouvernement cherchait un remplaçant
à la présidence d'Hydro-Québec. Tout à coup, oup!
sans trop savoir pourquoi, du jour au lendemain, il y en a deux.
Efficacité? Ou peut-être la possibilité de trouver un
faux-fuyant, une façon de faire pour empêcher que d'autres
présidents de sociétés d'État ne puissent avoir des
espoirs quant à leur rémunération?
Vous savez, Mme la Présidente, et c'est peut-être là
le noeud du problème dont le ministre n'a jamais voulu nous parier, M.
Cou-lombe, à la présidence d'Hydro-Québec, avait des
revenus globaux, salaire et avantages sociaux reliés à sa
fonction, de l'ordre de 230 000 $. On aura maintenant deux personnes qui vont
prendre, à toutes fins utiles, le même emploi qui était
mené par un individu antérieurement et qui coûtait à
peu près 230 000 $. On va donner cela à deux personnes. Mais
là, cela va coûter 500 000 $. Cela ne coûtera plus 230 000
$, cela va en coûter 500 000 $. C'est du bel argent, vous avez raison de
le souligner, M. le député.
Pourquoi en est-on arrivé la? Par mesure d'économie? On
aura de la difficulté à le croire. Nous prétendons - et le
ministre aura beau, s'il veut le faire, nous démontrer le contraire -
que ce gouvernement n'a jamais été capable de trouver un
remplaçant dans un salaire qui pourrait se situer dans une "bracket" de
l'ordre de 200 000 $ à 230 000 $ y compris les avantages sociaux, comme
c'était le cas pour l'ex-président d'Hydro-Québec.
Les demandes devaient être très supérieures à
cela. Si on se situe, par exemple, au niveau des salaires qui sont payés
à Téléglobe Canada ou dans d'autres sociétés
d'État comme Air Canada, si on se situe dans ces "brackets" de salaire,
le gouvernement du Québec n'a jamais été capable de
trouver un remplaçant au président d'Hydro-Québec dans les
normes salariales appliquées dans les entreprises publiques ou
paragouvernementales québécoises. Et, afin d'éviter que,
par exemple, le P.-D.G. de la SGF ou celui de la Caisse de dépôt
qui sont aussi en tête de gros holdings, d'entreprises importantes dans
l'économie québécoise, n'aient de faux espoirs ou
s'imaginent que, si on augmente le traitement du président
d'Hydro-Québec, eux aussi vont voir leur traitement augmenter, on a
rendu un jugement de Salomon. On a coupé la poire en deux. On a dit: On
va faire deux cadres, on va en nommer deux au lieu d'un. Comme cela on pourra
donner à chacun un salaire convenable, légère augmentation
sur ce qui se faisait avant, et on pourra toujours dire au président de
la SGF ou au président de la Caisse de dépôt: Eh bien, ce
n'est plus la même chose à Hydro-Québec, on paie un 500 000
$, mais les fonctions ne sont plus les mêmes, c'est beaucoup plus
important, c'est beaucoup plus gros, ce n'est pas la même chose, ce n'est
pas la même définition de tâches. À moins que l'on ne
veuille s'aligner aussi dans ces deux cas-là, sur des structures
bicéphales qui coûteront sûrement beaucoup plus cher. C'est
peut-être la raison. On verra lorsqu'on renouvellera les mandats des
présidents-directeurs généraux de la SGF et de la Caisse
de dépôt, pour ne citer que ces deux-là.
Enfin, il reste qu'il nous semble qu'il y ait un indice sur lequel le
ministre aurait peut-être eu avantage à donner des
précisions tout à l'heure afin d'enlever quelques-unes de nos
craintes. Au contraire, il s'est trouvé un faux-fuyant et nous a
parlé des investissements à la Baie James, du niveau d'emplois.
Il a essayé de faire croire que l'Opposition n'avait rien compris.
Malheureusement pour lui, il arrive que l'Opposition soit capable de lire entre
les lignes et finisse par trouver les véritables raisons, les
véritables motivations qui font qu'un ministre agit d'une façon
plutôt que d'une autre.
Et ce n'est pas tout, Mme la Présidente. Il y a encore beaucoup
de choses qui ne sont pas claires là-dedans. Par exemple, pourquoi le
mandat du président du conseil et chef de direction, tel qu'on l'appelle
à l'article 2 du projet de loi qui modifie l'article 5 de la Loi sur
Hydro-Québec, est-il de cinq ans, alors que le président et chef
de l'exploitation n'a qu'un mandat qui va se terminer à
l'été 1990, soit dans à peu près deux ans et demi?
Il n'y a rien dans le projet de loi qui nous explique pourquoi les mandats ne
sont pas de même durée. Il n'y a rien qui nous explique comment
ces mandats vont être renouvelés. Bien, on sait toujours. On dit
que c'est le gouvernement qui les nomme. Ils sont nommés à
l'intérieur du conseil d'administration d'Hydro-Québec. On nous
dit cela, mais on ne nous dit pas pourquoi on n'a pas prévu des mandats
semblables, de même durée, pour jumeler les deux postes. On ne
nous dit rien de cela.
Peut-être que le ministre aurait eu avantage à prendre
quelques secondes là-dessus pour nous expliquer les raisons de ces
décisions-là. Décisions, d'ailleurs, Mme la
Présidente, qui, vous en conviendrez, ne relèvent pas d'une
véritable orientation, d'une véritable direction politique, dans
le sens pur de "politique". Je ne parie pas de politicaillerie. Parce que ce
n'est que maintenant que l'on a le projet de loi à l'étude, alors
que les deux individus dont il est question sont déjà
engagés depuis belle lurette. Alors, on ne fait que
légiférer sur une situation de fait, sur quelque chose qui a
déjà été fait, sans que le ministre se casse la
tête pour savoir ce que les parlementaires en pensaient. Cela ne l'a pas
fatigué tellement de modifier la structure. Après cela, il s'est
peut-être rendu compte, en lisant la Loi sur Hydro-Québec, qu'il
ne pouvait pas modifier la structure comme cela, puisque la loi ne
prévoyait pas ces modifications-là. , Alors, après avoir
engagé son monde, il a dit: Bien, c'est bien de valeur, il va falloir
que j'aille devant le Parlement pour m'expliquer. Comme je ne peux pas trop
m'expliquer parce que cela aurait l'air bête, à ce
moment-là, bien on va
parler d'autre chose. On parlera du plan de développement. On
parlera des 40 000 emplois bidons à la Baie James. On parlera de toutes
sortes de choses, mais le moins possible du projet de loi. (21 heures)
Voilà, Mme la Présidente, le contexte dans lequel on se
retrouve au moment où je vous parle et qui nous semble vraiment loin
d'être clair justement par manque de vision politique à long terme
de ce gouvernement. On se demande, par exemple, lorsque les mandats auxquels on
a fait référence seront terminés, si le ministre va se
sentir obligé d'amender encore une fois la Loi sur Hydro-Québec
en fonction des nouveaux candidats. Est-ce qu'il va ajuster? Est-ce qu'il va
jouer au tailleur sur mesure chaque fois qu'on va changer la présidence
d'Hydro-Québec? On se le demande, dans la mesure où, justement,
on commence par s'engager, on commence par la modifier dans les faits avant de
la modifier dans la loi. Si le ministre l'a fait une fois, il n'y a rien qui
l'empêche de le faire à volonté, à l'infini, tant et
aussi longtemps qu'il sera ministre, parce que cela ne semble vraiment pas
relever d'une orientation, d'une vision à long terme du
développement d'Hydro-Québec.
Par exemple, M. le Président, vous nous permettrez de nous
interroger, entre autres, sur le rôle effectif, le véritable
rôle du président et chef de l'exploitation. On comprend que le
président et chef de la direction, c'est celui qui aura la lourde
tâche, finalement, de faire les liens entre le gouvernement et
Hydro-Québec, celui qui servira de véhicule au gouvernement pour
faire passer ses orientations à HydroQuébec. Le ministre nous l'a
lui-même dit tout à l'heure. Il nous a dit: II ne faut pas oublier
qu'Hydro-Québec est une société d'État qui
relève d'un gouvernement et, à ce moment-là, il faut que
le gouvernement lui prescrive des orientations, lui dise quoi faire. C'est ce
que le ministre nous a dit. Alors, on aura un président et chef de la
direction dont ce sera le rôle, et c'est dit dans la loi. Ce sera le
véhicule entre le gouvernement et Hydro-Québec. C'est celui qui
aura à répondre de l'ensemble des activités
d'Hydro-Québec. Jusque-là, ça va. C'est une partie des
tâches qu'avait l'ex-président d'Hydro-Québec.
Quand on parle du président et chef de l'exploitation, d'abord on
se répète. Il y a une certaine redondance dans l'utilisation du
mot "président". On a deux présidents, peut-être parce
qu'on ne pouvait pas l'appeler "vice-président". Il y en a
déjà un vice-président à l'exploitation.
Une voix: C'est le même gars.
M. Claveau: Le ministre nous dit: C'est le même gars.
Une voix: Bien oui.
M. Claveau: C'est le même gars. S'il va faire les
mêmes choses qu'il faisait quand il était vice-président,
on avait juste à lui laisser le poste de vice-président. On
n'avait pas besoin de deux têtes. C'est aussi simple que ça. S'il
continue à jouer le rôle du vice-président actuel à
l'exploitation, le ministre aurait pu nous l'expliquer dans un premier temps au
lieu de nous parler de toutes sortes de choses, de broder autour du sujet. Mais
si le nouveau président et chef de l'exploitation remplit les
tâches qu'il remplissait déjà ou qui sont
déjà remplies par un vice-président à
l'exploitation, il n'y avait pas de raison d'avoir deux présidents, dont
un à l'exploitation, à moins qu'il ne s'agisse que d'un trait
d'union, d'une boite à malle. C'est difficile d'utiliser des termes sans
vouloir être préjudiciable envers qui que ce soit, mais on essaie
de comprendre. On essaie de comprendre le pourquoi d'une nomination
semblable.
Techniquement parlant, qu'est-ce qui, par cette nomination, va faire en
sorte qu'Hydro-Québec sera plus efficace, plus rentable, augmentera ses
profits, augmentera son taux de rendement, tous les grands objectifs que le
ministre nous donnait tout à l'heure? Qu'est-ce qui va faire
qu'Hydro-Québec va pouvoir maintenir une certaine stabilisation dans la
tarification? Cela ne change absolument rien que le vice-président
à l'exploitation maintenant soit un président à
l'exploitation. Ce n'est pas cela qui va modifier le comportement. Ce n'est pas
cela qui va faire en sorte que les Québécois vont acheter plus
d'électricité. Ce n'est pas cela non plus qui fera qu'on en
vendra plus à l'extérieur.
Je crois, à ce moment-là, qu'on est obligé de
revenir à l'hypothèse dont on parlait tout à l'heure, qui
veut tout simplement, M. le Président, que le gouvernement avait une
patate chaude entre les mains. Il était pris pour nommer un
président d'Hydro-Québec, un p.-d.g. qui aurait peut-être
coûté 300 000 $ à 350 000 $ par année, comme c'est
le cas pour d'autres sociétés d'État, surtout au
fédéral, et que devant l'hypothèse de l'escalade des
demandes salariales venant des présidents des autres
sociétés d'État, il a décidé de couper la
poire en deux et de créer deux postes de président. De cette
façon, il restait dans une certaine catégorie, dans une certaine
limite eu égard aux salaires versés à ces gens-là,
même si cela coûte, à la limite, deux fois plus cher que
cela coûtait avant, et de dire aux présidents des autres
sociétés d'État: Vous n'avez pas à vous en faire
parce que ce poste est scindé et ce n'est plus du tout la même
chose. En tout cas, on espère que le ministre sera en mesure de
répondre à quelques-unes de nos préoccupations parce qu'il
ne l'a pas fait durant le premier trois quarts d'heure de son discours. Il lui
reste quelques minutes, après mon intervention, pour répondre
à ces questions. Il est à souhaiter que le ministre sera en
mesure de donner quelques éclaircissements qui seront
sûrement très appréciés de la population en
général et des téléspectateurs qui sont là
ce soir devant leur petit écran à attendre des informations du
ministre. Je ne crois pas que la population québécoise ait eu
plus d'informations que celles que nous avons maintenant. Toutes les questions
que je soulève là, M. le Président, sont des questions
auxquelles nous n'avons toujours pas de réponse et qu'on aurait dû
normalement retrouver dans le discours en deuxième lecture que vient de
nous livrer le ministre tout à l'heure.
Je ne peux m'empêcher de revenir sur quelques-unes des
affirmations que le ministre a faites lors de son discours en deuxième
lecture, entre autres sur le niveau d'investissements, sur le taux de
rendement, sur les profits et surtout, bien évidemment, sur les emplois
à la Baie James. On va commencer par cela. Le ministre profite de
l'occasion qui lui est donnée pour essayer de se sortir un peu d'une
mauvaise situation et de revenir nous parler et essayer de nous faire
comprendre que l'Opposition n'avait absolument rien saisi de la création
d'emplois à la Baie James depuis l'annonce que le premier ministre nous
faisait en cette Chambre le 8 mars, à savoir que tout le monde allait
avoir du travail à la Baie James du jour au lendemain.
M. le Président, je crois que c'est le ministre qui n'a pas
compris. Dans les chiffres qu'Hydro-Québec elle-même nous a
déposés - c'est peut-être pour cela d'ailleurs qu'on a
décidé de changer la tête d'Hydro-Québec, on ne le
sait pas - il va y avoir, cet été, à peine trois mois
après l'annonce en Chambre, 7300 emplois directs et indirects sur les
grands travaux d'Hydro-Québec que l'on retrouve au plan de
développement d'Hydro-Québec de 1985. On ne nous fera pas
accroire, M. le Président, et personne au Québec ne va croire
qu'on annonce des travaux de l'ordre de 7 000 000 000 $ et que, trois mois
après, il y a 7300 travailleurs sur les chantiers. Voyons donc! Ce n'est
pas comme ça que ça se passe dans les travaux de cette envergure.
On ne change pas les armoires dans sa cuisine, là. Ce sont des travaux
qui demandent des phases de préparation de deux à trois ans.
Alors, cet été, à partir de juin et de juillet, sur les
chantiers de Manie 5, puissance additionnelle, sur les chantiers de LG 2,
puissance additionnelle, et sur la construction de la onzième ligne, on
prévoit, pour l'ensemble de l'année 1988, 7300 emplois directs et
indirects dont la majeure partie sera occupée dans la "bracket"
mai-septembre, pour des raisons bien évidentes, entre autres que le
travail sur le terrain, dans le nord, dans les régions
éloignées, est beaucoup plus facile l'été que
l'hiver; il y a plein de travaux qu'on peut faire l'été et qu'on
ne peut pas faire l'hiver. Il y a 7300 emplois.
L'an prochain, on va tomber à environ 5100 emplois sur les grands
chantiers. C'est 2000 de moins que cette année, un petit peu plus de
2000 de moins. Ce niveau entre 5000 et 5500 va se maintenir jusqu'en 1993.
C'est juste en 1993, lorsqu'on combine la décroissance des travaux
actuellement en cours à la suite du plan de développement de 1985
et la croissance des travaux annoncés en mars dernier, que l'on va
retrouver un niveau d'emploi équivalent à celui de 1988. Ce sont
les chiffres d'Hydro-Québec et cela va aller en 1994. Donc, si vous me
permettez de faire un rapide calcul arithmétique, M le Président,
1994 moins 1988, cela donne 6. Il ne faut pas être ingénieur pour
comprendre cela. Cela va prendre six ans avant que l'on retrouve un niveau
d'emplois sur les grands chantiers d'Hydro-Québec signtficativement
supérieur à ce qu'on a cette année. On aura alors environ
10 000 travailleurs occupant des emplois directs et indirects en 1994. Chiffre,
source HydroQuébec. (21 h 10)
Quand le ministre nous dit qu'on fait de la démagogie avec cela,
qu'il consulte les chiffres d'Hydro-Québec. Lui-même, qui est
supposé savoir et dont le sous-ministre siégera prochainement au
conseil d'administration d'Hydro-Québec, officiellement du moins, de par
la loi, il devrait être capable de consulter ces chiffres si nous sommes
capables de le faire. Que le ministre démente cela si on a tort. Mais,
à ce moment-là, il faudra aussi qu'il démente l'ensemble
des calendriers de planification d'embauché d'Hydro-Québec sur
ces grands chantiers. Ce n'est pas nous qui avons inventé les
chiffres.
Le ministre nous dit: S'il n'y avait pas eu de contrat d'exportation, on
n'aurait pas eu ces emplois. Ce qu'il nous dit là, c'est vrai aussi pour
n'importe quelle entreprise dont les emplois dépendent des contrats. Si,
par exemple, pas plus tard qu'aujourd'hui Canadair n'avait pas annoncé
la vente de deux nouveaux Challenger à la Chine populaire, Hs le disent
eux-mêmes, probablement qu'il y aurait une baisse du niveau d'emplois
chez Canadair. Parle-t-on de création d'emplois chez Canadair parce
qu'on va être capable de maintenir le niveau de production à cause
de la vente de deux nouveaux Challenger? On maintient le niveau de
production.
Je regarde le ministre de l'Industrie et du Commerce. Il doit se
rappeler le dossier de GM dont il a été question il n'y a pas si
longtemps en cette Chambre. Pour que le niveau d'emplois se maintienne chez GM,
hé bien! il faut que des voitures se vendent. À partir du moment
où l'on maintient le niveau de vente de voitures et qu'il y a
continuellement des commandes de nouvelles voitures, on maintient le niveau
d'emploi, mais on ne parle pas de création d'emplois chaque fois qu'on
vend une nouvelle voiture.
Tout exemple étant imparfait en soi, j'ose croire que la
population du Québec va être capable de faire le lien entre ces
exemples et l'exemple qu'on a actuellement d'Hydro-Québec qui a
déjà un niveau d'emploi de l'ordre de 7000 emplois directs et
indirects reliés aux grands travaux et qui va pouvoir les maintenir
plus
longtemps que prévu, non pas plus longtemps que prévu mais
plus longtemps que les chantiers actuels parce que, de toute façon, ce
qu'on nous a annoncé ici en grande pompe dans cette Chambre, ce n'est
rien d'autre que le plan de développement d'Hydro-Québec qui
aurait dû être fait et c'est même encore largement
inférieur à ce que prévoit Hydro-Québec.
On se souviendra qu'en 1985, le premier ministre ou l'aspirant premier
ministre, à ce moment, - il a dû aspirer deux fois plutôt
que les autres - nous parlait de 12 000 mégawatts, 25 000 000 000 $
d'investissements. Il y avait du courant au Québec, pas de
problème, on va en vendre, tout le monde en veut. À ce
moment-là, le président d'Hydro-Québec disait: Faisons
attention. Quand on en aura vendu 3500 ou 4000 mégawatts, c'est
probablement le mieux qu'on pourra faire. Et le gouvernement a dit: Ah! Ce sont
les propos de ce gouvernement. Ils ont dit: Ah! L'actuel président
d'Hydro-Québec est un gestionnaire; il nous faut un président
développeur. Cela n'a pas pris grand temps pour que le
développeur en question se retrouve au conseil d'administration
d'Hydro-Québec. On s'en souvient, il était là lors de la
phase I de la Baie James mais il n'a pas tenu longtemps. Ce grand
développeur a été obligé de se tasser
tranquillement devant la logique implacable de l'argumentation de
l'administration d'Hydro-Québec qui disait: C'est bien clair, 12 000
mégawatts, voyons donc! Arrêtez de rêver en couleur. On ne
vendra pas cela avant 25 ou 30 ans, dans une troisième étape
éventuellement, la première étant la vente
d'énergie excédentaire, la deuxième, on va vendre de
l'énergie ferme pour 3500 à 4000 mégawatts et
après, dans une troisième étape qu'on développera
plus tard, on pourra penser aller vers des nouveaux marchés, mais, pour
le moment, ne rêvons pas en couleur. Donc, le futur, le prétendu
président développeur a dû se tasser pour laisser la place
à la logique implacable des gestionnaires qui avaient, eux, compris la
situation.
On se retrouve maintenant dans une situation où, effectuent, dans
le plan de développement d'Hydro-Québec, on parle de 3500
mégawatts. On est revenu dans les normes, on est très loin,
vraiment très loin, à des années-lumières de ce que
nous annonçait l'aspirant premier ministre du Québec à
l'été 1985 avec ses milliards et ses dizaines de milliers de
mégawatts qui étaient déjà prétendument
vendus. Les clients attendaient seulement que cela soit bâti pour les
prendre, mais cela ne s'est pas fait comme cela: 3500 mégawatts dans le
plan de développement et, actuellement, il y en a 2400 de vendus. Encore
là, il a fallu faire du lobby pas mal pour en vendre. Le ministre ne
s'est pas promené seulement une fois aux États-Unis, le premier
ministre non plus. Il est allé faire des discours pour leur montrer
qu'on était capables d'en vendre. On est encore largement
inférieur aux prévisions du plan de développement.
Lorsque le ministre vient nous dire en cette Chambre qu'on crée
de nouveaux emplois à la Baie James parce qu'on a vendu de
l'électricité, d'une part, il faudrait comprendre qu'on est
largement en dessous des prévisions abracadabrantes de ces
gens-là en campagne électorale et que, d'autre part, avec les
2400 mégawatts vendus à l'étranger, on ne fait que
maintenir durant six ou sept ans de plus le niveau d'emploi qu'on a
déjà atteint dans des grands chantiers d'Hydro-Québec,
avec les décisions de 1985. Les chiffres sont là noir sur blanc
pour le démontrer.
Que le ministre nous dise que l'Opposition n'a rien compris, je pense
que ce serait à lui de consulter son sous-ministre qui est au conseil
d'administration d'Hydro-Québec pour qu'il lui donne de l'information de
temps à autre, pour qu'il arrête de dire n'importe quoi et qu'il
travaille à partir des chiffres d'Hydro-Québec. Peut-être,
à ce moment-là, qu'il pourra faire comme il a déjà
eu l'occasion de le faire, dire: Écoutez, c'est vrai... C'est cela, la
triste réalité.
Quand les chômeurs, les assistés sociaux, les jeunes du
Québec abondent dans les bureaux des députés parce que,
encore là, le signal a été peut-être mal
donné de la part du gouvernement en laissant croire que c'était
une activité politique que d'embaucher pour la Baie James, quand ces
gens-là ont eu le signal qu'il y avait 40 000 emplois à la Baie
James, et qu'on a dit en sourdine que c'étaient 40 000
personnes-années, on avait déjà claironné 40 000
emplois avant de mettre la sourdine sur le clairon. Encore là, un signal
a été donné, il y a des travailleurs qui ont compris
qu'ils pourraient monter à la Baie James dès le lendemain matin
parce qu'il y avait 40 000 emplois de créés. Ensuite, on a dit 40
000 personnes-années sur sept ans, bon, vous n'avez pas compris...
C'est certain que, lorsqu'on s'exprime mal, personne ne comprend. Si le
premier ministre s'est mal exprimé, ce n'est pas surprenant que la
population n'ait pas compris, ce n'est pas surprenant qu'on voyait en manchette
des premières pages des journaux avec photos à l'appui des
centaines de travailleurs, de chômeurs, qui affluaient dans tous les
bureaux des centres de main-d'oeuvre du Québec, qu'il y avait des
demandes qui rentraient, semble-t-il, à la pochetée au bureau du
ministre, du premier ministre, de gens qui voulaient monter à la Baie
James. Ce n'est pas surprenant que cela arrive quand on envoie des signaux tout
croches. Mais je vous le dis à vous tous qui pensez monter à la
Baie James, cela va aller en 1994 avant que le niveau d'emploi sur les grands
chantiers d'Hydro-Québec soit supérieur au niveau de 1988. Si
vous avez une chance de trouver une autre petite "job" en attendant, vous
feriez bien de la prendre, parce que votre chômage va avoir le temps de
s'écouler jusqu'en 1994. Si c'est le message que voulait passer ou
qu'aurait dû donner le premier ministre, il s'est largement trompé
et il vous a trompés un peu, vous tous
qui attendez pour avoir des emplois. C'est la triste
réalité. Si le ministre est capable de la démentir, qu'il
le dise clairement, qu'il donne les chiffres clairement. Jusqu'à
maintenant, le seul chiffre qu'il nous a donné, c'est 40 000
personnes-années, c'est le seul chiffre qu'il nous a donné. Qu'il
nous donne les véritables chiffres d'Hydro-Québec et qu'il
arrête de laisser croire que l'Opposition n'a rien compris, alors que ce
que nous avons comme chiffres, ce sont ceux de la distribution des emplois
d'Hydro-Québec en fonction des impératifs de travaux sur les
chantiers. (21 h 20)
Changeons de sujet, parlons un peu du niveau de profit et du taux de
rendement. Le ministre nous disait: II faut faire des profits parce qu'on en a
besoin. C'est sûr qu'on en a besoin. Pour capitaliser pour investir 7 000
000 000 $, on a besoin d'un peu de profit, c'est bien clair. Il faudra trouver
de l'argent quelque part pour investir, n'est-ce pas? Vous allez dire: Si je
veux m'acheter une maison ou une automobile, il faut que je mette un peu de
"cash". Hydro-Québec a le même problème quand elle va sur
les marchés internationaux, il lui faut un peu de "cash" dans ses poches
et quand on veut emprunter pour des investissements de 7 000 000 000 $, il faut
avoir un peu d'argent. On ne se présente pas là avec une couple
de 0,25 $. C'est certain qu'il faut des profits pour permettre d'aller
emprunter pour construire des équipements qui seront bloqués
pendant 35 ans à partir d'aujourd'hui, parce qu'on a vendu à nos
voisins américains. Je n'ai rien contre nos voisins américains,
sauf que l'on doit capitaliser maintenant pour bâtir des
équipements dont on ne pourra pas, en tant que Québécois,
jouir avant 35 ans.
Pourquoi 35 ans? Les derniers contrats nous le disent: contrats de vente
sur 29 ans, plus six ou sept ans pour les construire, parce qu'ils ne sont pas
bâtis. C'est juste dans 35 ans qu'on va en avoir besoin. Ce sont les
équipements les moins coûteux: LG 1, les approches sont
déjà toutes faites, la rivière est
détournée, une bonne partie du travail est
réalisée, il reste à bâtir la centrale.
Déjà là, on est pas mal avancé. C'est une
opération qui n'est quand même pas très coûteuse.
Brisay Laforge: deux centrales que certains à Hydro-Québec
qualifient eux-mêmes de barrage à castor. Les petites centrales:
400 à 500 mégawatts, finalement, des équipements pas
très coûteux, parce que les infrastructures sont
déjà là. Alors, on paie aujourd'hui sur nos tarifs
d'électricité pour investir, pour vendre à nos voisins
américains les équipements les moins coûteux actuellement
pour la production de kilowatts. Le kilowatt, c'est un peu comme un crayon. Si
je veux vendre mon crayon 1 $, il ne faut pas qu'il me coûte plus de 1 $.
S'il me coûte 0,90 $, je suis peut-être bon pour le vendre 1 $. Il
va me rester un peu de profit. Le kilowatt c'est la même chose. S'il me
coûte 0,25 $ mes profits seront plus grands si je le vends 1 $. Alors,
quand on vend de l'électricité, c'est la même chose; chaque
centrale a un coût de production du kilowatt. Cela ne coûte pas la
même chose de produire un kilowatt, par exemple, dans une centrale de la
Mauricie ou dans une grosse centrale comme LG 2 qui, à elle seule en
produit 5200, à Churchill ou dans une centrale du réseau Alcan au
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Chaque endroit ou chaque équipement de
production a son coût spécifique qui lui est relié, mais
par contre le kilowatt sur le marché se vend tout le temps le même
prix ou à peu près, selon les marges de politiques tarifaires
qu'on se donne. Quand j'achète mon kilowatt pour faire fonctionner mon
"toaster", qu'il soit produit à Churchill, à Manie, à LG 2
ou à Beauharnois, peu importe le coût de production de ce kilowatt
dans chacune de ces centrales, je le paie le même prix à mon
compteur. C'est clair et c'est pour cela qu'on voulait avoir une entreprise
d'État comme Hydro-Québec pour que tout le monde paie le
même prix.
On bâtit trois centrales faciles d'approche, actuellement, sur la
rivière La Grande. Les centrales actuellement, c'est tout ce qui reste
à bâtir. Il ne faut pas se leurrer, on parle de la baie James, -
il y a 21 centrales de planifiées, d'identifiées sur le
territoire de la baie James depuis le tout début des travaux, même
avant 1970, quand les travaux de développement des rivières se
sont faits. Il y a 21 centrales d'identifiées, il y en a trois de
bâties. Il y a encore de la place pour en bâtir quelques-unes,
entre autres le projet NBR qui à lui seul en a dix ou onze. Il y a le
projet de la Grande-Baleine en haut où il y a encore trois centrales qui
peuvent être bâties. Il y a de la place pour en bâtir, sauf
que les équipements les moins coûteux qu'on a à bâtir
ce sont les trois dont il est question et dont on va se priver, nous
Québécois, pendant au moins 35 ans à partir d'aujourd'hui,
parce qu'on a vendu de l'électricité pour 29 ans plus le temps
qu'il faut pour les bâtir.
On ne commencera pas beaucoup à livrer avant 1995. Pendant les 35
prochaines années, on ne peut pas toucher ces équipements pour
notre augmentation de consommation interne même si elle augmente aussi.
On l'a vu encore cet hiver, on est rendu pas mal au bout du bassin. On ne peut
plus parler de surplus d'énergie au Québec. C'est pour cela
d'ailleurs qu'Hydro-Québec refuse maintenant de parler d'énergie
excédentaire, même si le ministre veut essayer d'en créer
de l'énergie excédentaire, même s'il n'y en a pas vraiment.
Hydro-Québec dit: II n'y en a plus d'énergie
excédentaire.
Nous, nos consommations internes et nos besoins internes augmentent. Il
va falloir des constructions de centrales pour nos besoins internes. Qu'est-ce
que vous pensez que cela va nous coûter? Il va falloir aller construire
sur des sites où la production du kilowatt est beaucoup plus
élevée, à l'unité. C'est le cas pour les
centrales dont il est question actuellement sur la rivière La
Grande ou sur la rivière Brisay. C'est encore nous qui allons payer pour
cela, quoi qu'on en dise.
Quand on nous parle actuellement de profits... Il nous en faut des
profits mais il faut savoir ce qu'on veut faire avec ces profits. 445 000 000 $
de bénéfices nets après trois mois d'opération
à Hydro-Québec, cette année. C'est de l'argent. On s'en va
cette année vers des bénéfices nets de l'ordre de 600 000
000 $, dont à peu près 220 000 000 $ ou 225 000 000 $ de
dividendes au gouvernement.
Le ministre des Finances arrive ici en Chambre et dit: J'ai un
très beau budget. On n'a pas besoin d'augmenter les taxes. On n'augmente
aucune taxe et on va donner des bonbons à un peu tout le monde, en
faisant des gros chiffres qu'on va répartir sur un certain nombre
d'années. C'est le cas de l'environnement, par exemple, dans le domaine
agricole. À ce moment-là, qu'a-t-il oublié de dire? C'est
qu'en augmentant, en faisant une pression à la hausse sur les tarifs,
sous prétexte d'augmenter le taux de rendement, on permet au
gouvernement d'avoir des dividendes - à peu près 225 000 000 $
cette année, on s'en va vers cela - qui vont faire finalement que...
C'est sûr que sur le plan des besoins financiers nets du
gouvernement, ce sont 225 000 000 $ de moins. Cet argent-là, on ne l'a
pas perçu, il ne faisait pas partie du discours sur le budget, on ne l'a
pas perçu par le biais des taxes. Mais on est venu le chercher
drôlement dans notre poche, par exemple, en augmentant nos tarifs
d'électricité. Quand on disait, nous de l'Opposition, en
commission parlementaire, pas plus tard qu'il y a quelques mois, quand
Hydro-Québec est venu déposer son plan de développement,
que les seuls qui font pression actuellement sur Hydro-Québec pour
l'augmentation des tarifs, c'est le gouvernement du Québec
lui-même. C'est une honte mais c'est la triste réalité.
La preuve en est faite actuellement. On est en train de dépasser
toutes les prévisions d'Hydro-Québec en termes de profits nets
pour cette année, en termes de taux de rendement par le fait même.
Ce n'était pas nécessaire. Il n'y avait aucune raison
qu'Hydro-Québec augmente ses tarifs pour rester dans le cadre de ses
propres prévisions. Il n'y avait aucune raison. Même sans aucune
augmentation des tarifs les profits nets d'Hydro-Québec, après
trois mois d'opération cette année, seraient déjà
supérieurs aux prévisions. Qui a fait pression pour que tous les
Québécois et toutes les Québécoises paient des
augmentations tarifaires? C'est le gouvernement du Québec parce qu'il
avait besoin d'argent pour diminuer ses besoins financiers nets. Des taxes
déguisées, c'est comme cela qu'on appelle cela. Si on est capable
de les appeler autrement, on a beau chercher des noms mais en bout de piste, on
va toujours se rendre compte que le synonyme des noms qu'on va trouver veut
dire taxes déguisées.
Le taux de rendement, le ministre va nous dire: Si on veut avoir une
bonne gueule sur les marchés internationaux, si on veut que les gens
nous aiment, nous admirent, trouvent qu'on est bons, il faut qu'on arrive
à un taux de rendement de bon sens, il dit à la
société d'État, il le disait tout à l'heure, les
taux de rendement de 13 %, 14 %, 15 %, Hydro-Québec devrait avoir un
taux de rendement de l'ordre de 13 %. C'est vrai. Actuellement, le taux de
rendement à HydroQuébec est de l'ordre de 7 %, à peu
près. Mais savez-vous, M. le Président, que si on projette
à long terme pour arriver à un taux de rendement de l'ordre de 14
% ou 15 % d'Hydro-Québec autour des années 1995 tel qu'on le
prévoit, cela veut dire qu'en bout de piste, avec l'augmentation des
investissements, la capitalisation d'Hydro-Québec, etc., on va arriver
à des bénéfices nets de l'ordre de 1 500 000 000 $, pas
loin de 2 000 000 000 $? C'est du bel argent.
On va nous faire accroire qu'Hydro-Québec, avec une situation
financière qui est quand même de tout premier ordre actuellement,
va avoir besoin d'ici 1995, de 1 500 000 000 $ de bénéfices nets
pour être capable de prouver un taux de rendement qui va permettre que
les investisseurs internationaux nous trouvent intéressants. Voyons
donc! C'est de l'argent qui sort de nos poches. Qu'est-ce qu'on est en train de
faire actuellement? On est en train, tout simplement, de se trouver du "cash"
pour être capable de bâtir des équipements, non pas pour nos
besoins, mais pour les vendre à l'extérieur. Et, durant ce
temps-là, on se bloque de beaux projets et on va être
obligés, après, de se payer des équipements plus
coûteux pour notre propre consommation. (21 h 30)
Vous voyez, M. le Président, on pourrait en parler encore
longtemps. J'ai dit que je ne parlerais pas de tout ce dont le ministre nous a
parlé, l'efficacité, la sous-traitance - on pourrait parler de la
sous-traitance - de la technologie. Il nous a parlé d'hydrogène
et des investissements d'Hydro-Québec dans tous les secteurs. Je vous
l'ai dit au début. Je n'aurais pas assez d'une heure pour
répondre à tout cela. Je vais m'ar-rêter là. On aura
sûrement la chance de se reprendre.
Pour revenir, d'une façon plus spécifique, au projet de
loi dont il est question, je vous dirais, M. le Président, qu'en ce qui
nous concerne dans l'Opposition, on ne voit absolument aucune raison à
ce projet de loi si ce n'est que de préciser une situation de fait, si
ce n'est que de permettre au ministre de trouver un habit taillé sur
mesure à une décision qui a été prise
peut-être un peu vite parce qu'il n'avait pas consulté la Loi sur
Hydro-Québec et qu'il ne savait pas qu'il ne pouvait pas le faire.
Alors, comme le monde est engagé, il faut s'organiser pour que cela se
fasse. On va modifier la loi. Plutôt que de licencier le monde, on va
modifier
la loi. C'est ce qui nous arrive.
Si le ministre avait eu une démarche qui fasse vraiment partie
d'une orientation, d'une ligne maltresse, d'une politique, d'une vision
à long terme, d'abord, il n'y a personne qui aurait appris à la
dernière minute qu'Hydro-Québec avait besoin de deux têtes
alors que jusqu'à maintenant il y en a toujours eu assez d'une bonne qui
l'a tenue et qui a prouvé qu'Hydro-Québec était capable de
percer sur les marchés internationaux. Qui a prouvé
qu'Hydro-Québec était capable d'être compétente pour
répondre à son mandat interne de livrer de
l'électricité aux Québécois au meilleur prix
possible. Qui a prouvé qu'Hydro-Québec était capable de se
tenir à la fine pointe de la technologie internationale. Une seule
tête a permis à Hydro-Québec de s'imposer en tant que
leader mondial en hydroélectricité. Une seule tête a permis
à Hydro-Québec d'en arriver à avoir un bilan financier
très acceptable, a permis d'aller chercher du financement international,
a permis de faire tout ce qu'il y avait à faire à
Hydro-Québec.
Alors, pourquoi, à partir d'aujourd'hui a-ton besoin de deux
têtes? Pourquoi? On se le demande. Si ce n'est que le gouvernement a
peut-être un petit quelque chose à cacher parce qu'il a
été mal pris dans une situtation de fait. Cela fait
qu'aujourd'hui il s'amène avec une petite loi pour modifier cela.
Alors on ne voit pas vraiment pourquoi, nous de l'Opposition,
accepterions de voter pour un projet de loi qui va faire en sorte que la haute
direction d'Hydro-Québec va coûter 500 000 $ par année
à l'ensemble des payeurs d'électricité du Québec au
lieu de 230 000 $ ou 250 000 $ comme cela coûtait avant. On ne voit pas
pourquoi on appuierait une décision qui risque, à la limite, de
créer encore une pression à la hausse sur la tarification aux
consommateurs d'Hydro-Québec. On ne voit pas pourquoi non plus on
essaierait, par le biais d'Hydro-Québec, de vouloir noyer le poisson et
de faire en sorte que les présidents des autres sociétés
d'État québécoises qui oeuvrent dans des secteurs, certes
très différents mais tout aussi utiles pour l'avenir de
l'économie québécoise, se retrouvent
défavorisés par rapport au président-directeur
général ou au président et chef de la direction
d'Hydro-Québec. Si le ministre ne voulait pas créer de
précédent, il n'avait qu'à le dire clairement. À
moins que, comme je le disais tout à l'heure, M. le Président -
et le ministre pourra toujours nous éclairer là-dessus - le
précédent ne soit que, pour la première fois, on
crée une société d'État importante,
bicéphale et que cette structure-là, si elle vaut pour
Hydro-Québec, va valoir aussi pour la SGF, la Société
générale de financement ou pour la Caisse de dépôt
et placement. C'est peut-être cela le précédent mais le
ministre ne nous l'a pas dit.
Mais je prétends que si c'est vrai que, pour améliorer
l'efficacité et le rendement, la productivité, la capacité
concurrentielle d'Hydro-
Québec, il faut y mettre deux têtes, on va se retrouver
devant le même dilemme lorsqu'on renouvellera la présidence de la
SGF ou d'autres. C'est peut-être pour cela d'ailleurs que le ministre de
l'Industrie et du Commerce suit attentivement le débat parce qu'il a
probablement déjà le problème sur sa table à
dessin. On ne sait pas. Si c'est cela le précédent, le ministre
saura sûrement nous l'expliquer tout à l'heure.
Enfin, M. le Président, je voudrais conclure là-dessus
pour laisser le temps au ministre de nous faire son petit laïus en
réplique, dans laquelle il aura sûrement quelques
éclaircissements à nous donner, j'en suis convaincu. Je voudrais
dire et faire remarquer que les propos que nous tenons ne veulent en rien
être préjudiciables à qui que ce soit à
l'intérieur de la boîte d'Hydro-Québec. Ils ne se veulent
en rien préjudiciables au nouveau président-directeur
général ou chef des opérations ni au nouveau
président et chef de direction. C'est bien plutôt ce même
gouvernement qui, par son attitude, a semé la graine, le germe du
préjudice, a fait germer le préjudice à ces individus en
permettant qu'il se tienne un débat dans la population, un débat
que l'on aurait pu éviter de toute évidence, si on avait
continué dans la structure actuelle ou si, en contrepartie, on avait
commencé par annoncer clairement ses couleurs comme gouvernement avant
d'embaucher, d'employer, les gens qui vont combler les postes.
Si le ministre ne voulait pas avoir un comportement préjudiciable
aux nouveaux responsables, aux nouveaux dirigeants d'Hydro-Québec, il
n'avait qu'à ouvrir son jeu. Il n'avait qu'à montrer ses cartes.
Il n'avait qu'à nous expliquer et expliquer à la population
québécoise quels devraient être le rôle, les
fonctions, les tâches précises, le pourquoi de ses agissements,
et, après, seulement après, seulement après avoir
voté le projet de loi... On savait que le président
d'Hydro-Québec était en fin d'exercice de mandat, que son mandat
était terminé, qu'il allait s'en aller, qu'il devait être
remplacé. Le gouvernement le savait très bien. Il avait le temps
de faire modifier la loi, d'introduire une nouvelle approche avant d'engager
les remplaçants de l'ex-président d'Hydro-Québec. À
ce moment-là, nous aurions été dans une véritable
démarche d'un gouvernement qui a une vision d'ensemble, qui a une
perspective d'avenir. On se retrouve, au contraire, devant une situation de
fait où on doit retailler l'habit sur l'individu après l'avoir
acheté. Cela porte nécessairement à confusion. Cela
amène les Québécois et les Québécoises
à s'interroger sur le pourquoi d'une telle action cachée, mal
connue, pas expliquée, qui va coûter 500 000 $ au lieu d'en
coûter 200 000 $ ou 230 000 $ comme cela coûtait avant, et qui nous
amène aussi, nous, de l'Opposition, a nous interroger
sérieusement, mais vraiment sérieusement sur les
véritables intentions du ministre au moment de décider d'avoir
une direction bicéphale à Hydro-Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources pour l'exercice de son droit de réplique.
M. John Ciaccia (réplique)
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. C'est très
facile de faire de la démagogie, quand on parle d'Hydro-Québec,
de la part de l'Opposition. Malheureusement - et cela me fait de la peine de
vous dire ceci parce que vous êtes un bon garçon, vous êtes
un bon député normalement - vous ne savez pas de quoi vous
parlez. Vous ne savez pas du tout ce que vous dites. Vous nous accusez de
créer deux présidents à Hydro-Québec. J'ai des
petites nouvelles pour vous. Il y a toujours eu deux présidents à
Hydro-Québec. Il y a eu le président du conseil et le
président-directeur général. Alors, on ne change rien. Ce
qu'on fait, c'est qu'on crée la présidence du conseil comme une
tâche à temps plein. On crée le président et chef de
la direction, mais on ne crée pas deux têtes, parce que je pense
que vous n'avez pas lu le projet de loi. Vous m'accusez de ne pas l'avoir
expliqué, mais j'avais présumé que vous l'aviez lu.
Puisque vous ne l'avez pas lu, je vais vous l'expliquer. On parle d'un
président et chef de direction et on dit aussi que le gouvernement
nomme, parmi les membres du conseil d'administration, un président et
chef de l'exploitation qui exerce cette fonction à temps plein. Il agit
sous la responsabilité du président du conseil et chef de
direction. (21 h 40)
Ce n'est pas deux têtes, ça. C'est une tête qui
s'appelle le président du conseil et chef de direction et, sous lui, il
y a une autre personne, un autre président, qui agit sous la direction
du président du conseil et chef de direction, et qui se nomme
président et chef de l'exploitation. Vous ne savez pas ce que le chef de
l'exploitation va faire. Je vais vous lire le projet de loi. Je ne croyais pas
que je devrais vous le lire pour vous l'expliquer. Si vous voulez savoir ce que
le président et chef de l'exploitation va faire, je vais vous le lire.
Il est clairement dit: "II est principalement chargé de l'exploitation
des activités que détermine le conseil d'administration. Il
assume les autres responsabilités que lui confie le président et
chef de la direction." M. le Président, le député d'Ungava
m'a accusé de ne pas avoir expliqué le projet de loi. C'est lui
qui n'a pas compris. C'est vrai, c'est, comme l'un de mes collègues dit:
On va de deux têtes à pas de tête. Je répète
seulement ce que disait l'un de mes collègues qui n'avait pas le droit
de parole, pour vous dire un peu ce qu'il pensait et, parfois, je partage son
opinion.
La raison pour laquelle j'ai expliqué tous les nouveaux
défis d'Hydro-Québec, la question de la phase II de la Baie
James, la question de la nouvelle technologie, la sous-traitance et tous les
problèmes l'entourant, c'est pour expliquer la nécessité
du présent projet de loi qui change et qui améliore les
structures. Pourquoi adoptons-nous ce mode de fonctionnement pour
HydroQuébec? Il n'y a rien de révolutionnaire dans ce que nous
faisons aujourd'hui. J'ai pris le temps de vous expliquer tous les nouveaux
défis qu'Hydro-Québec a aujourd'hui et qu'elle n'avait
peut-être pas il y a deux ans ou cinq ans. Cette structure
d'Hydro-Québec n'est pas nouvelle du tout. Il y a des
sociétés, incluant des sociétés dans lesquelles des
sociétés d'État ont des intérêts, qui ont la
même structure pour des raisons d'efficacité et d'organisation.
Ces compagnies, je vous l'avais déjà mentionné, mais je
vais le répéter... Chez Alcan, il y a le président du
conseil et chef de direction, il y a le président et chef de
l'exploitation, à la Banque royale du Canada, c'est la même chose,
au Canadien national, même chose. Culinar; dites-vous? On fait ceci parce
qu'on ne veut pas créer de précédent pour d'autres
sociétés. Chez Culinar, où le gouvernement détient
des intérêts, c'est la même situation, en 1987: un
président du conseil d'administration, un président et chef de la
direction. Pétro-Canada a la même structure.
Nous l'avons fait pour une question d'efficacité. M. le
Président, Le député d'Ungava se plaint en disant: On fait
ça, on augmente les dépenses; on donne un salaire à un
nouveau président. On ne pouvait pas donner un nouveau salaire à
un nouveau président, alors on a fait cela pour diviser les salaires.
C'est absolument faux. Avant - et il serait intéressant que vous ayez
ces chiffres, la présente structure de président chef de
direction et président chef de l'exploitation, on avait un p.-d.g. qui
gagnait, non pas 230 000 $, mais 170 000 $, mais les bénéfices
additionnels existaient dans ce temps-là et ils existent maintenant. Il
y avait le président du conseil d'administration à temps partiel
qui gagnait 50 000 $ et il y avait le vice-président à
l'exploitation qui gagnait 120 000 $. Je ne rends rien public qui soit
confidentiel parce que ce sont des chiffres publics. Ce sont des contrats, des
données qui sont disponibles à toute la population.
Alors, avant la présente structure, les salaires étaient
de 340 000 $ par année en tout pour ces différentes positions des
différents corps. Maintenant, quels sont les salaires? Nous avons
nommé un président et chef de la direction à 180 000 $ par
année plus les bénéfices. Je ne les ai pas calculés
avant. Je ne les calculerai pas maintenant mais ce sont les mêmes. Et
nous avons nommé un président, chef de l'exploitation pour 160
000 $. Savez-vous ce qu'est le total aujourd'hui? Il est de 340 000 $. C'est la
même chose qu'avant que nous fassions ces nominations, les mêmes
montants. Alors, je crois que votre raisonnement est un peu faux et ne
reflétait pas une connaissance de ce qui est vraiment le cas et ce que
nous faisons. Parce
que le président, chef de l'exploitation était
vice-président en charge de l'exploitation. Alors, ce poste n'est pas
remplacé. C'est lui qui assume ces fonctions en plus d'autres fonctions.
Et le président du conseil et chef de la direction assume des fonctions
additionnelles que l'ancien président du conseil n'avait pas.
Alors, en termes de dépenses pour HydroQuébec, on
n'augmente pas. Ne venez pas nous dire que cela va être une raison pour
augmenter les tarifs. Pas du tout. Mais cela va être beaucoup plus
efficace et on a tenu compte de ce qui se fait dans d'autres
sociétés qui ont fait ces changements. On a eu des pourparlers,
on a eu des réactions, on a eu des études faites par des
gestionnaires. C'est pour ces raisons que nous avons adopté la structure
qui se trouve dans le présent projet de loi et qui, non seulement
n'ajoute pas aux dépenses d'Hydro-Québec mais va être, si
on juge les autres sociétés qui ont adopté cette
structure, beaucoup plus efficace.
M. le Président, on a fait état des dividendes. On a
parlé des dividendes et qu'on augmentait, par des taxes indirectes, le
fardeau fiscal des consommateurs. Je vais vous donner quelques chiffres pour
démontrer la vraie démagogie qu'on vient d'entendre. Quand le
Parti québécois était au pouvoir, le taux de rendement
d'Hydro-Québec était près de 13,5 %. Le Parti
québécois augmentait les tarifs de 10 %, 12 %, 16 %,
jusqu'à 18 % par année. Qu'est-ce qui arrivait au taux de
rendement? Le taux de rendement allait en décroissance. Qu'avons-nous
fait? Quand on a été élus, en décembre 1985, le
taux de rendement était très bas, à peu près de 3 %
ou 4 %. C'était un taux de rendement qui n'est vraiment pas acceptable.
Cela n'a rien à voir avec les nouvelles constructions ni avec la phase
II de la Baie James. Cela a à voir avec une saine gestion
financière d'une société d'État qui a vu son taux
de rendement aller de 13,5 % à 4 % pendant que les tarifs augmentaient
de la part du gouvernement du Parti québécois. La loi sur les
dividendes, ce n'est pas nous qui l'avons inventée, c'est l'ancien
ministre des Finances, le présent chef du Parti québécois
qui a introduit la loi pour permettre à Hydro-Québec de payer des
dividendes. Savez-vous ce qu'il a dit lorsqu'il a présenté cette
loi en 1981? Je le cite: "II faut considérer, ce qui d'ailleurs est
manifeste, que la nationalisation de l'électricité est le
meilleur placement qu'ait jamais fait la collectivité
québécoise et qu'il est maintenant temps que cela rapporte
à l'ensemble de la population." Il parlait des dividendes. Maintenant,
le taux de rendement est approximativement à 7 %. Ce n'est pas pour
payer pour la Baie James qu'Hydro-Québec a besoin d'un taux de rendement
convenable. Les autres sociétés qui oeuvrent dans le domaine
énergétique ont des taux de rendement de 12 % à 14 %.
Quand on dit que l'objectif est de retourner à 13 %, on ne dit pas du
jour au lendemain, on dit que c'est un objectif.
Les taux de croissance des tarifs ont toujours été depuis
que nous avons été élus en dessous du taux de l'inflation.
On ne peut pas se plaindre qu'on augmente farouchement les tarifs. Ce n'est pas
18 % comme vous l'aviez fait, vous, ce n'est pas 10 %, 12 % ou 16 %, c'est 3,9
%, 4,2 %, sous le taux de l'inflation. Même s'il n'y avait aucune
nouvelle construction de la Baie James, il faudrait maintenir un taux de
rendement pour Hydro-Québec, même si on ne devait pas construire
un autre barrage. Alors, le taux de rendement, les profits, les dividendes
n'ont rien à faire en termes de saine gestion avec de nouvelles
constructions. Mais s'il y a une saine gestion, cela va permettre à
Hydro-Québec de poursuivre ses travaux sans augmenter indûment les
tarifs. On peut garder les tarifs sous le taux d'inflation, des tarifs
raisonnables qui gardent encore l'électricité au prix le plus bas
en Amérique du Nord, tout en maintenant une saine gestion. (21 h 50)
II ne faut pas essayer de faire de la démagogie et essayer de
faire croire à la population qu'on augmente les tarifs et qu'on se paie
des dividendes sur le dos des contribuables. C'est faux. Si on a des
dividendes, comme la loi que vous avez présentée en 1981 le
permet, ce sont des sommes qu'on retourne à l'ensemble des
Québécois. Les consommateurs bénéficient des tarifs
plus bas, mais les consommateurs représentent 2 900 000 de la
population. Mais l'ensemble des Québécois, la population
entière bénéficie des dividendes qui sont retournés
à toute la population. Je crois que ce sont des objectifs très
légitimes et une façon de gérer qui est très
prudente et qui bénéficie à l'ensemble des
Québécois.
Revenons pour un instant à la création d'emplois.
Quelquefois, je me dis que je ne devrais pas perdre mon temps à essayer
d'expliquer au député d'Ungava ce qui a été
très clairement expliqué abondamment, non seulement par moi, non
seulement par le premier ministre, mais même par les cadres
d'Hydro-Québec en commission parlementaire. Cela ne vous est pas
rentré dans la tête ce qu'ils vous ont dit. Écoutez quand
ils vous parlent. Si vous ne voulez pas m'écouter, écoutez ce
qu'Hydro-Québec vous dit, parce que vous venez de mentionner
qu'Hydro-Québec, c'est bien géré, puis ce que vous dites
aujourd'hui, c'est rien de préjudiciable à Hydro-Québec.
Je vais vous répéter ce qu'ils ont dit, mais je ne le
répéterai même pas dans mes mots. Je vais citer ce que le
vice-président aux équipements, M. Benoît Michel, vous a
répété en commission parlementaire quand vous lui avez
posé des questions. Vous avez fait la même cassette que vous venez
de présenter ce soir: qu'il y a déjà des emplois, que le
monde travaille et qu'ils ne travailleront pas plus avec la phase II.
M. Michel vous a dit, pendant que vous essayez de contester tous les
chiffres d'Hydro-Québec... Parce que les chiffres du premier
ministre et les chiffres que je vous donne, ce ne sont pas nos chiffres,
ce sont les chiffres d'Hydro-Québec. Savez-vous ce qu'il vous a dit? 11
vous a dit "si vous me permettez", en vous arrêtant dans les propos que
vous disiez, et je le cite: "On a établi la différence de
création d'emplois de travail et je l'ai mentionné hier
brièvement, parce que c'était la deuxième journée
de la commission parlementaire, entre le scénario où il n'y aura
pas d'exportation et le scénario devancé à cause des
exportations et pour ce qui est des personnes-années de travail direct -
c'est encore M. Michel qui parle - j'ai mentionné hier le chiffre de 125
000 personnes-années de travail direct pour dix ans et dans l'indirect
140 000 pour un total de 265 000 personnes-années." Et je continue ce
que M. Michel vous a dit: "Si on compare ce scénario par rapport
à celui où il n'y aura pas de devancement des équipements,
dont ceux qui ont été annoncés récemment, on aurait
une diminution de la masse de travail au Québec de l'ordre de 117 000
personnes-années. La différence entre les deux scénarios
est de 117 000 personnes-années."
M. le Président, je ne pense pas que j'aie besoin d'expliciter
plus clairement que cela. S'il ne veut pas comprendre, je le regrette. Puis
quand vous-même avez mentionné les chiffres sur LG 2 A et Manie,
vous avez mentionné 7600 emplois... 7300? Non, ce n'est pas 7300
emplois, c'est 7300 personnes-années, de la même façon que
M. Michel d'Hydro-Québec vous a expliqué.
Alors, M. le Président, je crois que c'est clair que si on
devance les travaux, si on fait des ventes à l'exportation, il va y
avoir une création d'emplois qu'on n'aurait pas eue si ces travaux ne
s'étaient pas effectués.
En ce qui concerne les ventes à l'exportation, vous avez
mentionné qu'il y avait quelqu'un au conseil d'administration à
Hydro-Québec qui voulait faire du développement et qui
n'était plus là. Écoutez, quand le premier ministre a
écrit dans son livre 12 000 mégawatts, ce n'était pas sur
une base d'un an. Et contrairement à ce que vous dites, cela ne prendra
pas 25 années pour le faire. Parce que si, dans deux ans, on a
signé des contrats pour 2400 mégawatts, vous n'avez pas besoin
d'être Einstein ou un gros mathématicien pour savoir que trois
fois les 2400 plus les 2400 vont arriver à 12 000. Si dans deux ans on
les a fait les 2400, cela ne nous prendra pas bien longtemps de plus pour aller
chercher des mégawatts additionnels pour arriver aux 12 000. Et on va le
faire.
M. le Président, je voulais apporter ces précisions au
projet de loi. Je suis heureux de voir que le député d'Ungava ne
conteste pas du tout, qu'il accepte clairement et volontairement et croit que
c'est une bonne mesure d'avoir le sous-ministre à l'Énergie et
Ressources comme membre du conseil d'administration. Je suis heureux qu'il soit
d'accord avec nous sur ce point. J'espère que les clarifications que je
lui ai apportées vont lui paraître claires et utiles et qu'il
pourra dormir ce soir en ce qui concerne le projet de loi
d'Hydro-Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé, à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que le principe du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur
Hydro-Québec est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Johnson: M. le Président, je ferais motion pour
déférer ce projet de loi à la commission de
l'économie et du travail qui procédera à son étude
détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de renvoi est
adoptée?
Adopté.
Puisque nous arrivons à 22 heures, l'Assemblée nationale
doit maintenant ajourner ses travaux qui reprendront demain matin, à 10
heures.
(Fin de la séance à 21 h 58)