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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 24 mai 1988 - Vol. 30 N° 31

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures douze minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le leader du gouvernement en son nom.

Rapport annuel de la RAAQ

M. Gratton: Oui, M. le Président. Je voudrais déposer au nom du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation le rapport annuel 1986-1987 de la Régie des assurances agricoles du Québec.

Le Président: Au nom du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre document est déposé, M. le leader du gouvernement. Toujours à l'étape du dépôt de documents, M. le Solliciteur général. M. le Solliciteur général.

Rapport de la Sûreté du Québec

M. Marx: Oui, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'activités 1987 de la Sûreté du Québec.

Le Président: M. le Solliciteur général, votre document est maintenant déposé.

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Verchères. M. le député de Verchères.

Étude détaillée du projet de loi 11

M. Charbonneau: M. le Président, je dépose d'abord le rapport de la commission qui a siégé le 17 mai dernier...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: ...afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 11, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le cadastre.

Le Président: Votre premier rapport de la commission est déposé.

M. Charbonneau: Ce projet de loi a été adopté avec des amendements.

Étude des décrets relatifs au Parc technologique du Québec métropolitain

Je dépose également le rapport de la commission qui a siégé le lendemain, 18 mai, afin de procéder à l'étude des décrets autorisant la délivrance des lettres patentes concernant le Parc technologique du Québec métropolitain.

Le Président: M. le député de Verchères, vos deux rapports de commissions sont maintenant déposés. M. le président de la commission des institutions et député de Taillon.

Étude du décret concernant l'exclusion de dispositions apparaissant dans l'annexe

de la loi sur l'abrogation de lois et

dispositions omises lors des refontes

effectuées depuis 1888

M. Filion: Oui, M. le Président, je dépose le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 19 mai 1988 et qui a procédé à l'étude du décret concernant l'exclusion de dispositions apparaissant dans l'annexe de la Loi portant abrogation de lois et dispositions législatives omises lors des refontes de 1888, 1909, 1925, 1941,1964 et 1977, lequel a été approuvé.

Le Président: M. le député de Taillon, votre rapport de commission est maintenant déposé.

M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Bertrand.

Étude détaillée du projet de loi 15

M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 17 et 18 mai 1988 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 15, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune concernant les habitats fauniques. Le projet de loi a été adopté avec amendements dont un au titre.

Le Président: Ce premier rapport, M. le député de Bertrand, est déposé.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 203

M. Parent (Bertrand): J'ai aussi l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 18 mai 1988 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 203, Loi concernant la ville de Sherbrooke. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Est-ce que ce projet de loi

est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Non pas le projet, mais le dépôt du rapport est adopté. Adopté? Allez, M. le député de Bertrand.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 224

M. Parent (Bertrand): Oui, j'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 18 mai 1988 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 224, Loi concernant la cession de certains immeubles par la ville de Montréal à l'hôpital Royal Victoria. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Est-ce que le rapport concernant le projet de loi 224 est adopté?

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

Mise au point au sujet du projet de loi 201

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, je ne sais si c'est à cette étape-ci de nos travaux que je dois intervenir, mais je voudrais corriger une information qui a été véhiculée par la Presse canadienne la semaine dernière, à savoir que le projet de loi 201, Loi concernant Quebecair-Air Quebec aurait été étudié et adopté en commission parlementaire. Or, ce n'est pas le cas, la commission de l'aménagement et des équipements n'a pas terminé l'étude dudit projet de loi. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi le rapport n'a pas été déposé à ce moment-ci et, au cours de la semaine, la commission sera appelée à siéger à nouveau pour compléter cette étude; mais je voulais qu'on sache qu'effectivement, le projet de loi 201 n'a pas encore été adopté par la commission parlementaire.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

M. le leader de l'Opposition, avez-vous quelques mots à ajouter là-dessus? Cela va?

Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de rapports de commissions?

Dépôt de pétitions. M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 4314 pétitionnaires principalement de la circonscription électorale de Rivière-du-Loup. Les faits invoqués sont les suivants...

Le Président: Vous avez besoin d'un consentement, M. le député de Rimouski, étant donné que votre pétition n'est pas conforme. Y a-t-il consentement, M. le leader de l'Opposition? Vous pouvez procéder, M. le député de Rimouski.

Demande d'inclure le secteur de La Pocatière à Saint-Simon

dans la région 01 relativement au prix de l'essence

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 4314 pétitionnaires, principalement de la circonscription électorale de Rivière-du-Loup.

Les faits invoqués sont les suivants: "Un redécoupage du territoire aurait pour effet de diminuer directement de 0,024 $ le prix du litre d'essence vendue à la pompe dans la région de Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témiscouata-Les Basques." L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que le secteur de La Pocatière à Saint-Simon soit inclus au reste de la région 01 en ce qui a trait à la fixation de la taxe sur l'essence." Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et original de la pétition.

Le Président: M. le député de Rimouski, votre pétition est déposée.

Cet après-midi il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président...

Le Président: Alors, toujours à l'étape du dépôt de pétitions?

M. Claveau: À l'étape des pétitions, M. le Président.

Le Président: Est-ce que vous avez le consentement de cette Assemblée?

Des voix: On l'a eu tantôt.

M. Claveau: On doit l'avoir.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: À ma connaissance, on ne nous a pas indiqué l'intention de déposer une telle pétition. Plutôt que d'accepter comme ça à l'aveuglette, je préférerais qu'on se consulte avant de procéder.

Le Président: On m'avise qu'on ne l'avait pas reçue. Peu importe si elle est conforme ou pas, on ne peut pas le savoir, on ne l'a même pas reçue. Le secrétaire général n'en a pas reçu

le dépôt. Demain, ça va?

M. le leader de l'Opposition, aviez-vous autre chose?

M. Gendron: Cela dépend de ce que vous allez dire avant l'appel de la période de questions.

Le Président: Ah oui, j'avais autre chose. Cet après-midi il n'y aura pas d'intervention portant sur une question de privilège, de fait personnel ou de... (14 h 20)

M. Gendron: Normalement, immédiatement avant la période de questions, c'est le moment où vous indiquez à cette Chambre qu'il y a certains ministres qui vous ont indiqué qu'ils donneraient des compléments de réponses. Cela fait au moins quinze jours que deux questions de mes collègues ont été posées, entre autres, sur C-72 au ministre de la Justice, de même que sur les propos du coroner Bouliane, à la suite des propos du ministre des Transports. Vous n'avez pas eu d'indication que ces collègues ministériels avaient des compléments de réponses. Alors, on s'étonne qu'après quinze jours, on soit toujours devant l'absence de réponses.

Le Président: Avant de vous céder la parole, M. le leader du gouvernement, tel que le prévoit notre règlement, je dois, une heure avant la période de questions, recevoir l'avis du ministre qui apportera un complément de réponse avec le contenu de cette réponse et la question à laquelle il veut répondre. Je n'en ai pas reçu.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je vous dire que je ne m'étonne pas du tout des moyens employés par le leader de l'Opposition. Il sait fort bien que ce n'est pas à ce moment-ci qu'on doit poser ce genre de question, mais au moment des demandes d'information sur les travaux de l'Assemblée. Mais le message est reçu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: II y a eu deux renseignements concernant les travaux de l'Assemblée cet après-midi, de part et d'autre. Nous allons maintenant procéder à la période de questions et de réponses orales. Je vais reconnaître une première principale à M. le député de Taillon.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Publication d'un bulletin de présentation bilingue par la CFPMO de la région de Montréal

M. Filion: Merci, M. le Président. En réaction à une série d'articles, la semaine dernière, concernant la détérioration du fait français au coeur même du Vieux-Québec, donc du berceau de la francophonie en Amérique du

Nord, le ministre responsable de la loi 101 disait vouloir s'en remettre à la persuasion. Il mettait l'accent sur la volonté, la bonne volonté des commerçants afin de sortir du cadre légal de la loi 101, disait-il, et ce encore une fois en contravention avec les nombreux avis du Conseil de la langue française qui réaffirment la nécessité d'une législation appliquée de façon vigoureuse dans le secteur linguistique.

Du même souffle, le ministre responsable s'empressait d'admettre qu'il y aurait toujours des délinquants. Eh! bien, sur ce point, il avait bel et bien raison. En effet, un des grands délinquants depuis deux ans et demi vient de récidiver. J'entends, par grand délinquant, l'administration gouvernementale québécoise. Après avoir dénoncé publiquement le cas de l'Institut de recherche de l'Hydro-Québec, le cas de la CARRA, le cas de la Régie de l'assurance-automobile du Québec et bien d'autres, voilà que la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre de la région métropolitaine de Montréal publie son propre bulletin de présentation bilingue, anglais et français, et ce, donc, contrairement aux dispositions claires de la loi 101, contrairement aux dispositions de l'article 15 de la loi 101.

Le Président: Votre question.

M. Filion: Voilà donc, M. le Président, un organisme paragouvernemental qui donne un bien mauvais exemple aux patrons et aux travailleurs. Ma question au ministre responsable de la loi 101: Devant un comportement aussi inacceptable de la part du gouvernement qui doit, au premier chef, donner l'exemple...

Le Président: Votre question.

M. Filion: ...est-ce que le ministre responsable de la loi 101 entend avoir uniquement recours à la persuasion ou quel moyen concret et immédiat entend-il mettre de l'avant pour corriger la situation que je viens de décrire.

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. M. le ministre.

M. Rivard: M. le Président, dans son préambule, le député de Taillon a fait allusion à des événements qui se sont passés dans le Vieux-Québec la semaine dernière et au sujet desquels j'ai effectivement appelé les commerçants du Vieux-Québec à exercer leurs responsabilités individuelles. Cela doit fonctionner parce que, à la suite de la série d'articles qui avait été préparés et écrits par M. Boulet, du journal Le Soleil, je vois dans Le Soleil de samedi que, selon des commerçants du Vieux-Québec, l'affichage unilingue français a son charme. Et voilà ce que donne la persuasion quand elle s'ajoute à l'application de la loi. Car, M. le Président, la

loi 101 continue d'être appliquée.

En ce qui concerne l'incident ou l'événement auquel fait allusion le député de Taillon aujoud'hui, je n'ai aucune information, je dois l'avouer, concernant cet événement. Je prendrai connaissance de la façon dont a été édité ou de la façon dont on a fait circuler ce document et je prends avis de cette question.

Le Président: M. le député de Taillon, je vais vous reconnaître en additionnelle, sans préambule.

M. Filion: Je vais déposer le document.

Le Président: Demandez l'autorisation pour déposer votre document.

M. Filion: Alors je vais déposer le document pour faciliter le travail du ministre...

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document M. le leader du gouvernement? Un instant, M. le député de Taillon! Est-ce qu'il y a consentement?

M. Filion: Trois fois qu'il dit.

Le Président: Alors il y a consentement. Votre document est maintenant déposé, M. le député de Taillon.

M. Filion: Trois fois que le leader dit... Trois consentements. Alors je voudrais demander au ministre responsable de la loi 101, vu que j'avais demandé à l'ancienne ministre, à plusieurs reprises - quand je dis ancienne ministre, responsable de la loi 101 - de bien vouloir tenir une enquête sur l'état de la dégradation du français et de la loi 101 au sein même de l'appareil gouvernemental, si le ministre responsable de la loi 101 accepte aujourd'hui, de bonne foi, d'engager une telle enquête qui pourrait être tenue par l'un des organismes chargés de défendre ou de promouvoir la langue française pour limiter, encore une fois, l'état de la détérioration de la langue française au sein même de l'appareil gouvernemental?

Une voix: Encore, encore, encore.

Le Président: M. le ministre, avant de vous reconnaître pour votre réponse.

J'aimerais que vous abrégiez vos additionnelles et qu'elles ne deviennent pas des préambules déguisés tel que je vous l'ai rappelé lors de votre principale. M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Rivard: II est certain, M. le Président, que lorsqu'on regarde le dossier de la langue utilisée par l'administration québécoise, on se rend compte de deux choses en particulier. La première est qu'il semble y avoir quelques difficultés d'interprétation de la loi dans les ministères. Il y a donc du travail à faire de ce côté-là. Et la deuxième constatation - et cela me vient d'informations qui émanent de l'Office de la langue française - serait qu'il y a une présomption générale à savoir que l'administration ne devrait jamais être fautive quant à l'application de la loi d'une part et, d'autre part, il y a une présomption générale favorable quant à la qualité du français utilisé dans l'administration. Je m'engage, très certainement, auprès de cette Chambre, aujourd'hui, à faire le nécessaire avec les organismes de la langue pour qu'on essaie d'être vraiment impeccables quant à l'utilisation du français au gouvernement du Québec.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. Filion: Est-ce que le ministre n'est pas disposé à nous accorder une telle enquête, à accorder à la population du Québec une telle enquête, notamment compte tenu du fait que le nombre d'infractions constatées par la Commission de protection de la langue française est passé du simple au double lorsque l'on compare les deux dernières années du Parti québécois avec les deux premières années du gouvernement du Parti libéral?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Rivard: D'une part, M. le Président, quand le député de Taillon réclame une enquête spéciale, eu égard à la langue utilisée par l'administration, je pense que nous pouvons convenir, lui et moi, du fait qu'une telle enquête n'est probablement pas nécessaire, que tout simplement dans l'exercice normal de son mandat, l'Office de la langue française ou même la Commission de protection de la langue française peut très bien procéder à l'examen qu'il faut et transmettre au ministre responsable les renseignements qu'il lui faudra pour prendre la meilleure décision possible dans ce dossier.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. le député de Bertrand, en principale ou en additionnelle?

M. Parent (Bertrand): En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Bertrand.

Mesures d'adaptation à la mise en oeuvre du traité du libre-échange

M. Parent (Bertrand): M. le Président, le Québec est encore aux prises avec un taux de chômage de 9,5 %. Le ministre des Finances, de

son côté, ne prévoit pas que ce taux puisse descendre sous la barre des 9,3 %. C'est donc deux fois plus qu'en Ontario et ce, malgré un taux d'activité qui est nettement plus faible. Par ailleurs, on est à la veille de l'entrée en vigueur de l'accord du libre-échange et rien n'est prévu dans le budget que nous a livré le ministre des Finances, le 12 mai courant, à l'égard de la formation de la main-d'oeuvre et rien non plus à l'égard des programmes d'adaptation pour les entreprises. Comment, M. le Président, le ministre du Commerce extérieur, à la veille d'être destitué, lui et son ministère, peut-il...

Des voix: Ah!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Wotre question.

M. Parent (Bertrand): Comment le ministre peut-il nous expliquer, à la veille de la mise en application de l'accord du libre-échange, qu'on a rien de concret à offrir aux travailleurs et aux entreprises en matière de main-d'oeuvre?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique. (14 h 30)

M. MacDonald: M. le Président, à la veille d'une réorganisation que nous avons fortement suggérée au premier ministre, il y a plusieurs mois déjà, nous continuons à nous occuper de ce dossier, des mesures d'adaptation à la mise en oeuvre du traité de libre-échange. Si le député de Bertrand pouvait, à l'occasion, circuler dans les milieux industriels du Québec, il s'apercevrait que des consultations intenses sont en marche, en particulier, entre les gens du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec et les représentants, tant des compagnies que des employés des secteurs industriels, qu'ensemble, ils sont à faire une évaluation des programmes existants, tant au gouvernement fédéral qu'au gouvernement provincial, et qu'au cours des prochains mois et bien avant septembre, nous pourrons identifier exactement les programmes additionnels ou les modifications aux programmes existants qu'on devrait apporter pour faciliter cette période d'adaptation.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre du Commerce extérieur a l'engagement aujourd'hui que le gouvernement fédéral va participer financièrement pour aider le Québec en matière de main-d'oeuvre, de recyclage et de formation?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique.

M. MacDonald: Nous avons, à différentes occasions, témoigné de communications verbales ou écrites avec, dans le temps, la ministre du Commerce extérieur du gouvernement fédéral, Mme Carney, et le ministre actuel, M. Crosbie, pour les aviser que nous les tenions en grande partie responsables de la mise en place et surtout du financement de programmes d'adaptation. Nous avons reçu réponse du gouvernement fédéral qui reconnaît sa responsabilité dans le domaine. Les fonctionnaires et les hommes politiques du gouvernement sont en discussions régulières de façon à en venir à une entente pour s'assurer qu'il y a une coordination intelligente des interventions des deux paliers de gouvernement vis-à-vis de ces mesures d'adaptation.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Oui, comment le ministre peut-il expliquer que cinq mois après la signature de l'accord, soit le 2 janvier dernier, on est toujours sans engagement formel du gouvernement fédéral de ce côté-là? Et pourquoi le ministre et son gouvernement n'ont-ils pas exigé, avant de donner leur accord, la participation du gouvernement fédéral?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique.

M. MacDonald: II me semble tout à fait élémentaire, pour quelqu'un qui prend le temps de regarder la situation, qu'avant de formuler au gouvernement fédéral une demande pour tant de millions à dépenser d'une telle façon, il était logique de demander aux industries affectées et à leurs employés quelles mesures précises ils désiraient pour faire face à ce défi que représente cette période d'adaptatation. Garrocher un chiffre en l'air, demander un peu n'importe quoi, sans être capable de le supporter avec une certaine substance, il me semble, M. le député de Bertrand, que c'est tout à fait élémentaire comme procédure.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Oui. Il aurait été élémentaire que le ministre puisse obtenir un pourcentage...

Le Président: En additionnelle. À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En additionnelle, M. le député de Bertrand. En additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Le ministre ne convient-il pas qu'il aurait été élémentaire d'exiger de la part du gouvernement fédéral au moins un pourcentage de participation pour ne

pas se trouver dans la situation actuelle, c'est-à-dire d'être incapable d'exiger du gouvernement fédéral, actuellement, qu'il participe financièrement? Cela nous met dans une position de faiblesse par rapport à l'Ontario.

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique.

M. MacDonald: Vous auriez peut-être procédé en demandant un pourcentage. Nous avons procédé en faisant admettre par le fédéral la responsabilité qu'ils ont dans ce dossier, les avenues par lesquelles nous voulons qu'il passe pour intervenir et nous cherchons à préciser les montants et les façons avant de parler de pourcentage.

Le Président: Je vais maintenant reconnaître une troisième question principale à M. le whip de l'Opposition.

Les conditions de la mise en oeuvre de l'entente sur le libre-échange

M. Brassard: M. le Président, selon un projet de loi cautionné par le comité sénatorial des finances américain, l'accord sur le libre-échange ne s'appliquerait que si toutes les provinces canadiennes appuient et respectent les termes de l'entente de libre-échange.

Comme l'Ontario s'oppose farouchement à l'entente et que cette province entend même contester devant les tribunaux la validité de l'accord sur le libre-échange, engageant ainsi une bataille pour le respect de ses compétences, ce qui est un fait... D'ailleurs, on pouvait lire dans un article du journal Le Soleil aujourd'hui que c'est un fait incongru dans l'histoire politique canadienne que l'Ontario se retrouve à l'avant-garde dans la bataille pour le respect des compétences provinciales...

Le Président: Votre question.

M. Brassard: Donc, le ministre du Commerce extérieur et responsable du dossier sur le libre-échange reconnaît-il que ce projet de loi américain, s'il était adopté, pourrait empêcher la mise en oeuvre de l'entente sur le libre-échange? Et, compte tenu de cette mesure législative qui vient d'être reconnue, considère-t-il que l'appui de l'Ontario, la province récalcitrante, est indispensable à la mise en oeuvre de l'accord sur le libre-échange?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique.

M. MacDonald: C'est nécessairement le privilège du congrès américain de s'entendre avec l'administration sur une ou des conditions pour passer au congrès le traité de libéralisation des échanges.

Mais c'est également la prérogative des Canadiens de faire les choses à la manière canadienne et la prérogative des Québécois de faire les choses à la manière québécoise.

Aujourd'hui, à Ottawa, est déposé le projet de loi de mise en oeuvre du gouvernement fédéral. Nous allons étudier ce projet. Nous pourrons le faire ensemble, si vous le voulez. Lorsque nous saurons exactement quelles sont les mesures que le gouvernement fédérai entend prendre, à ce moment H nous fera plaisir de vous communiquer les mesures que nous entendons prendre.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Ma question portait évidemment sur la portée du projet de loi sénatorial. S'il est adopté par le congrès américain à l'effet que l'accord sur le libre-échange ne s'appliquerait que si toutes les provinces canadiennes en respectent les termes, ma question était: Le ministre considère-t-il que si ce projet de loi américain était adopté, l'accord de libre-échange, sa mise en oeuvre serait entravée et que l'accord de libre-échange lui-même ne pourrait plus s'appliquer. C'est cela ma question.

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique.

M. MacDonald: Encore une fois, vous faites appel à un jugement pour ce qui est des applications de lois canadiennes en matière de juridiction fédérale ou provinciale. On est tous au courant que l'Ontario fait certaines objections pour un sujet qu'on pourrait trouver plus ou moins sérieux, compte tenu de l'envergure observée ou de l'angle sous lequel vous le regardez. Je suis obligé de vous répondre encore: Attendons que le gouvernement fédéral dépose... Je crois que c'est fait au moment où on se parle, mais je n'ai pas le détail. Nous verrons la réaction, nous verrons si l'Ontario maintient encore une position d'objection et on commentera en connaissance de cause.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle. En additionnelle.

M. Brassard: Ma question est très simple. Considérant la mesure législative devant le Congrès américain actuellement, et considérant le fait que l'Ontario s'oppose à l'accord de libre-échar.ge, donc, il n'y a pas unanimité de l'adhésion de toutes les provinces.

Le Président: Votre question.

M. Brassard: Considérant cela, ma question est. Le ministre considère-t-H que cette mesure

législative américaine, si elle était adoptée, empêcherait la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange? C'est cela ma question.

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique. M. le ministre.

M. MacDonald: Nous avons jusqu'au 1er janvier 1989 pour adopter dans les lois canadiennes - la Chambre des communes et dans les gouvernements provinciaux - les lois de mise en oeuvre. Il peut se passer une foule de choses. Initialement, au départ, il est évident que cette exigence américaine va à l'encontre de ce qui est une expression d'opinion actuelle ou d'opposition de l'Ontario. Mais, entre maintenant et le 1er janvier 1989, l'Ontario peut faire encore beaucoup de chemin.

Le Président: En additionnelle, M. le whip de l'Opposition.

M. Brassard: Je vais lui poser une autre question étant donné qu'il ne répond pas à la première. Le gouvernement du Québec pourrait-il remettre en cause son adhésion à l'accord de libre-échange s'il advenait que le projet de loi fédéral comportait des empiétements évidents dans des compétences et des juridictions québécoises? Le gouvernement remettrait-il en cause son adhésion à l'accord de libre-échange si tel était le cas? s'il y avait empiétement du gouvernement fédéral dans des compétences de juridiction québécoise?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique. (14 h 40)

M. MacDonald: Je crois que je vais demander au député de Lac-Saint-Jean d'avoir la patience comme moi d'attendre le projet de loi de mise en oeuvre du gouvernement fédéral et dès que nous l'aurons reçu et analysé, cela me fera plaisir d'aborder sa question.

Le Président: Toujours en additionnelle, M. le whip de l'Opposition. En additionnelle.

M. Brassard: Est-ce que l'adhésion du gouvernement québécois à l'accord de libre-échange primerait, l'emporterait, prédominerait sur le fait que le gouvernement fédéral empiéterait dans des juridictions québécoises? Cette adhésion à l'accord de libre-échange primerait-elle?

Le Président: M. le leader du gouvernement. M. le leader du gouvernement sur une question de règlement.

M. Gratton: M. le Président, manifestement, le député de Lac-Saint-Jean, je le regarde et lui-même se rend compte que sa question n'est pas recevable puisqu'elle repose sur une hypothèse: "comporterait", "serait". Ce n'est pas acceptable en vertu de l'article 77 et je pense que le ministre a été très indulgent en ne le lui disant pas tout de suite.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Voulez-vous reformuler votre question... 77.2, 77.5.

M. Brassard: Est-ce que le gouvernement du Québec va laisser l'Ontario défendre les compétences et les juridictions provinciales? Est-ce que le gouvernement du Québec va abandonner à l'Ontario la responsabilité de défendre les juridictions des provinces?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. MacDonald: Comme on a été obligé de vous le rappeler à différentes occasions dans bien des dossiers, il faudrait peut-être que vous ne perdiez pas de vue certains des éléments de base dans ce dossier. Le Québec a posé sept conditions non pas pour signer l'entente ou y adhérer, mais pour négocier, au départ. Ces conditions n'ont aucunement changé. L'une des premières conditions était le respect des champs de compétence provinciaux et cela n'a pas changé. Personne n'a annoncé que cela devait changer et, dans mon livre à moi, il n'est pas question que cela change.

Des voix: Bravo!

Le Président: En additionnelle, M. le whip de l'Opposition.

M. Brassard: Compte tenu de ce que vient dédire le ministre...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brassard: ...j'en reviens à ma question:

Est-ce que, si cette condition n'est pas remplie, l'adhésion du Québec à l'accord de libre-échange sera remise en cause par le gouvernement?

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Si vous voulez, on va lire ensemble l'article 77.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement, rapidement, s'il

vous plaît!

M. Grattoir "Les questions ne peuvent: 2° être fondées sur des suppositions;"

Une voix: Des hypothèses.

M. Gratton: Alors, si vous dites "si", "dans le cas où", ce n'est pas acceptable. Je vois le député qui se cache. La, il a eu le temps de se trouver une formulation de question. Je suis sûr qu'il va réussir. Allez-y.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Préskient: Vous avez toujours la parole, M. le whip de l'Opposition.

M. Brassard: Est-ce que cette condition du Québec, à savoir que les compétences du Québec soient respectées, est une condition secondaire, accessoire ou fondamentale?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique.

M. MacDonald: Fondamentale.

M. Gratton: Vous voyez quand la question est bien posée, la réponse vient...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En principale, M. le chef de l'Opposition.

Le rôle préventif des maisons de jeunes et l'aide gouvernementale

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Durant les trois prochains jours, on sait que les représentants des maisons de jeunes du Québec défileront devant le Parlement afin de rafraîchir la mémoire du gouvernement actuel et lui rappeler en particulier ses engagements électoraux vis-à-vis de la jeunesse. On se souviendra sans doute que, lors de la campagne électorale de 1985, le premier ministre actuel, responsable du dossier jeunesse, avait déclaré que c'était la priorité des priorités, que la nouvelle question nationale, c'était la jeunesse. Pourtant, depuis 1985, on a eu un gel complet, lors du premier budget, quant aux maisons de jeunes, on a eu 1 000 000 $ en 1987-1988, purement pour de nouvelles maisons et les anciennes ont donc subi un gel des subventions depuis. Pour cette année, la ministre, lors de l'étude des crédits, nous annonçait peu de choses. Ma question est la suivante: Croit-elle, fondamentalement au rôle préventif que jouent les maisons de jeunes? Si oui, que leur offre-t-elle?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, l'an dernier, nous avons augmenté les subventions aux maisons de jeunes de l'ordre de 19 %, et non uniquement pour la création de nouvelles maisons, comme vous l'entendez. De fait, nous avons fait une consolidation de 24 maisons qui avaient des subventions de 30 000 $; nous les avons fait passer à 40 000 $ et nous en avons fait passer 19, qui avaient des subventions de l'ordre de 20 000 $, à 30 000 $, et, finalement, nous avons créé de nouvelles maisons de jeunes. Cette année, l'augmentation qui sera accordée aux maisons de jeunes sera de l'ordre de 6,5 %, alors que l'indexation est de 3,8 %.

M. le Président, depuis quelques années, le nombre de maisons de jeunes a augmenté considérablement. De 110 qu'elles étaient à la fin de 1985, elles sont maintenant 142 ou 143. Évidemment, au moment où nous nous parlons, j'ai reçu d'un groupe de députés, qui se sont penchés sur la situation des maisons de jeunes pour voir quel type de développement nous devrions leur accorder, un rapport dans lequel ils ont considéré différentes variables. Parce que les maisons de jeunes, au point de départ, étaient vues strictement dans le but de prévenir, par exemple, l'admission en centre d'accueil, la délinquance, mais pour un grand nombre d'entre elles, leur vocation s'est modifiée considérablement. Alors, avant de décider d'une façon plus finale de l'ordre des subventions ou d'une politique de financement que nous accorderons aux maisons de jeunes, ce groupe de députés m'a fait des recommandations qui ont d'ailleurs été remises au Regroupement pour les maisons de jeunes, et je dois vous dire qu'à partir de ceci, M. le Président, nous pourrons asseoir sur une base plus solide, plus rationnelle, qui tiendra davantage compte des besoins de l'ensemble des jeunes du Québec, une politique de financement pour ces jeunes.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: Est-ce que la ministre reconnaît, M. le Président, qu'on ne donne même pas, à son ministère, des accusés de réception aux groupes de jeunes? Est-ce qu'elle reconnaît qu'elle a refusé de les rencontrer? Est-ce qu'elle reconnaît l'action préventive, incitative, de ces maisons de jeunes vis-à-vis de la jeunesse quand on sait qu'on a le plus haut taux de suicide en Amérique du Nord et môme au monde?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, d'abord, H est inexact de dire que je n'ai pas rencontré le regroupement des jeunes, puisque pas plus tard que jeudi dernier, je rencontrais dans la ville de Rimouski le président du regroupement des jeunes. Ils m'ont fait parvenir, à la fin de

l'année 1987, novembre ou décembre, un plan qu'ils qualifiaient de sauvetage des maisons de jeunes. À la suite du dépôt de ce plan et des décisions que nous devions prendre devant la croissance des maisons de jeunes, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai mandaté un groupe de députés pour examiner la nature des maisons de jeunes, le type d'activités qu'elles ont et quelles devraient être les sources différenciées de financement qu'elles devraient recevoir.

M. le Président, je suis d'accord avec le chef de l'Opposition qu'elles peuvent jouer un rôle précieux dans la prévention de la délinquance, et ainsi de suite, mais il ne faudrait quand même pas que les maisons de jeunes, qui ont été créées avec cet objectif, deviennent, pour un certain nombre d'entre elles, et c'est ce qui se passe présentement, des maisons de loisirs qui sont des responsabilités qui doivent échoir aux municipalités ou aux ministères des loisirs et des sports.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, la ministre vient précisément de parler de nouvelle orientation. Est-il exact qu'il est de son intention de considérer dorénavant les maisons de jeunes parmi les groupes subventionnés dans le volet communautaire et non plus à partir d'une politique de soutien aux maisons de jeunesse?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le chef de l'Opposition sait fort bien que les budgets accordés présentement aux maisons de jeunes, et qui l'étaient à son époque, proviennent du budget des SOC, le programme de subventions aux organismes communautaires. À l'intérieur de cela, vous pouvez avoir une politique de financement, mais qui demeure à l'intérieur des subventions aux organismes communautaires. Je n'ai pas réfléchi au problème que nous pose le chef de l'Opposition. D'après ce que nous établirons comme décision finale, nous pourrons ou les laisser là ou les mettre à l'extérieur. Ce qui est important, c'est qu'elles reçoivent, en temps et lieu, un financement adéquat. (14 h 50)

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, il existait une politique ministérielle qui reconnaissait d'abord, après deux ans, l'accréditation d'une nouvelle maison et on pouvait graduer jusqu'à 60 000 $ et 80 000 $, selon le nombre d'années et l'expertise de chacune des maisons de jeunes. Pourquoi la ministre a-t-elle mis fin à cette politique ministérielle qui tenait compte de l'expertise, de l'expérience et du travail concret? Reconnaît-elle qu'il y a une véritable urgence d'agir si on ne veut pas que des maisons ferment leurs portes, des maisons qui rendent des services innombrables à la jeunesse québécoise, qui acheminent les jeunes québécois vers les ressources du milieu et qui empêchent précisément ces suicides et ce taux de délinquance? Est-ce qu'on va attendre et qu'on préfère payer 70 000 $ par année par jeune incarcéré pour délinquance ou si on préfère subventionner pour un montant équivalent à celui d'un seul délinquant retenu en centre d'accueil? Mme la ministre, cela permettrait à une maison de jeunes de vivre très allègrement.

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il est exact qu'à la fin de son mandat, à l'automne 1985, le chef de l'Opposition avait fait connaître ses intentions quant au financement des maisons de jeunes. Ce financement pouvait s'échelonner de 20 000 $, 40 000 $, 60 000 $ à 80 000 $. Mais, je vous ferai remarquer, M. le Président, que ce financement proposé par le ministre d'alors n'avait jamais été accepté par son gouvernement et n'avait jamais été accepté par le Conseil du trésor. Mais, ce n'est pas là que se situe le véritable problème. M. le Président, si on veut atteindre les objectifs que vient de citer le chef de l'Opposition, c'est-à-dire prévoir la délinquance, empêcher les placements qui peuvent être inutiles pour la jeunesse, je pense qu'il faut, à ce moment-ci, vraiment examiner quelle est la vocation et quelles sont les activités des maisons de jeunes au moment où nous parlons. Je sais fort bien que, de l'autre côté de la Chambre, on sait également qu'un bon nombre de maisons de jeunes fonctionnent dans cette avenue, avec ces objectifs, mais qu'un bon nombre s'en sont éloignées. Comme le nombre va croissant, il est important de déterminer les maisons de jeunes qui se situent dans la foulée des actions du ministère de la Santé et des Services sociaux, quitte à remettre à d'autres la responsabilité de financer les maisons de jeunes qui se situent dans une autre perspective.

Le Président: Je vais reconnaître une cinquième principale à M. le leader adjoint et député de Laviolette.

Revirement de situation à l'hippodrome Blue Bonnets de Montréal

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Alors que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, dans le dossier de Blue Bonnets, indiquait que tout était sous contrôle, voilà maintenant que nous voyons devant nous un autre faux départ, des rebondissements par dessus rebondissements qui se multiplient dans le

dossier de Blue Bonnets. Une nouvelle impasse a été provoquée récemment avec le rejet d'une proposition du ministre par le Club Standardbred de Montréal. Ce matin, on apprenait que Cam-peau Corporation ne serait plus intéressée à vendre ses installations de Blue Bonnets. Ma question au ministre pourrait lui permettre d'abord de faire le point et, en même temps, de reconnaître - et je suis sûr qu'il est prêt à le faire - que le rejet de sa proposition par les intervenants du milieu des courses de chevaux est un message très clair. Ils refusent de s'embarquer au prix trop élevé de 44 000 000 $ que vous avez négocié avec Campeau Corporation, ce qui empêche, de cette façon, toute perspective de rentabilisation des installations de Blue Bonnets.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je remercie le député de Laviolette de sa question. Elle vient à point, je crois. C'est le cas de dire, M. le Président, que le gouvernement et le ministre responsable de cette industrie ont investi beaucoup de temps et beaucoup d'espoir dans l'acquisition par un organisme sans but lucratif appartenant au milieu, aux gens de l'industrie, dis-je, par cet organisme sans but lucratif, qu'on appelle le Club Standardbred de Montréal, du principal hippodrome du Québec, soit celui de Blue Bonnets. Effectivement, les échanges qui ont eu cours avec cet organisme depuis le mois de janvier et plus particulièrement de février auront permis au gouvernement de formuler une offre de partenariat avec cette association sans but lucratif, vendredi dernier, le 6 mai, une offre qui démontrait la volonté très claire du gouvernement du Québec de s'impliquer pour maintenir l'hippodrome et aussi, évidemment, cela va de soi, pour maintenir les milliers d'emplois qui y sont rattachés. Cette offre, le 6 mai, dans l'après-midi, a été acceptée par le président de l'organisme, M. Robert Girard. Cette offre, cependant, même si elle a traversé le cap de l'assemblée générale en fin d'après-midi, a été reconsidérée le lundi, tant et si bien qu'aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où H apparaît définitivement impossible, à la lumière de la position de cet organisme, de conduire une transaction en vertu de laquelle ce serait un organisme sans but lucratif qui serait propriétaire.

Partant de là, comme cet hippodrome n'appartient pas au gouvernement - et je termine là-dessus, M. le Président - comme H n'est pas dans les intentions du gouvernement de l'acquérir, parce que ce n'est pas la fonction première d'un gouvernement d'administrer un hippodrome, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer aux journalistes hier, il va de soi que l'avenir de l'hippodrome Blue Bonnets reposera ou s'appuiera assurément sur une propriété privée et, à cet égard, j'ai indiqué que toute entreprise privée devrait, évidemment, faire affaire avec le propriétaire qui est la Corporation Campeau. Et les programmes du gouvernement du Québec sont disponibles mais une chose est certaine, c'est que les conditions offertes à une entreprise privée - parce qu'elle sera à but lucratif - seront définitivement moins avantageuses qu'elles ne l'auraient été à l'organisme sans but lucratif.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition et député de Laviolette, en additionnelle.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre est prêt à reconnaître, comme plusieurs en ont fait mention, qu'il s'est fait avoir un peu comme un enfant d'école par M. Campeau, au prix de 44 000 000 $, et qu'il sait très bien que la Corporation Campeau possède et détient les permis nécessaires dans un rayon de 80 klomè-tres et qu'en conséquence, il devient difficile pour d'autres organisations privées ou publiques, dans le contexte actuel, de s'en porter acquéreurs?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: Vous savez, M. le Président, les commentaires du député de Laviolette ne me surprennent pas. Il est dans l'Opposition. Il est là pour critiquer. Cependant, ceux et celles qui ont suivi le dossier de près savent pertinemment que le prix initialement demandé pour l'hippodrome Blue Bonnets était de 60 000 000 $. L'entente intervenue entre la Corporation Campeau et les trois associations représentant l'industrie soit l'Association du trot et amble, le Groupe CHIC et l'Association des éleveurs, prévoit un prix à payer, non pas de 60 000 000 $ mais de 44 000 000 $ et, en contrepartie, l'engagement par la Corporation Campeau d'effacer une dette de 16 000 000 $ et l'obligation de construire un stationnement de 2700 places impliquant des déboursés de 15 000 000 $. Déduisez 16 000 000 $ et 15 000 000 $ de 44 000 000 $, I ne reste pas beaucoup de millions, monsieur.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition et député de Laviolette en additionnelle.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre a prévu d'autres possibilités quant à la poursuite des activités à Blue Bonnets, étant donné aussi qu'i semble - au moment où on se parie - avoir coupé les ponts avec le Club Standardbred?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, je peux vous indiquer que nous sommes non seulement préoccupés par ce dossier mais que nous y demeurons aussi très actifs. Je peux vous indiquer qu'à partir de cette position claire du gouvernement du Québec à l'égard de l'organisme sans but lucratif, déjà, des entreprises privées, sérieuses, capables de s'impliquer dans ce dossier-là, sont en communication avec mon ministère pour voir les possibilités de prendre le relais, de prendre fait et cause et de prendre la place, finalement, du Club Standardbred. Tout cela dans la perspective de maintenir l'activité, de maintenir les emplois. Et je rappellerai au député que, s'il est déjà allé aux courses, s'il a déjà assisté à une épreuve de courses de chevaux, il a probablement déjà vu des faux départs, mais ce qui est important pour nous c'est le fil d'arrivée, monsieur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition et député de Laviolette.

M. Jolivet: II faut aussi éviter de s'emballer. Il faut éviter de s'emballer et je ne miserais pas fort sur le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je n'ai pas saisi votre question. M. le leader adjoint de l'Opposition, en additionnelle.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre peut nous indiquer jusqu'où il est prêt à aller avec des organismes à but lucratif, comme il l'a dit, dans la mesure où il sera peut-être prêt à les nommer parmi les gens de la rive sud de Montréal, ou les gens de Laval, ou sur le site même de Corporation Campeau à Blue Bonnets? A quelle place? Parce que les gens se posent les questions quant au 30 juin qui vient.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Pagé: Seulement un éclaircissement qu'il est important de faire de la part de l'Opposition. Dois-je comprendre que l'Opposition officielle, c'est-à-dire le Parti québécois, souhaiterait le déménagement de la piste? Auquel cas, cela veut dire deux ans sans courses à Montréal. Dois-je comprendre que vous souhaitez l'implantation d'une nouvelle piste à l'extérieur de l'hippodrome actuel?

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition. Alors M. le leader de l'Opposition et député d'Abitibi-Ouest en principale.

Une voix: Pourquoi est-ce qu'il ne répon- drait pas?

Une voix: Je n'ai pas le droit. (15 heures)

Une voix: Parce que nous autres, on est dans l'Opposition et on pose des questions.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Lévis, je suis totalement d'accord avec vous. M. le leader de l'Opposition, en principale.

La relativité salariale des types d'emploi à prépondérance féminine

M. Gendron: Merci. Au milieu de mai dernier, on se rappelle que la CSN a fait une proposition au gouvernement concernant l'équité salariale. Cette proposition visait à corriger les discriminations salariales et faisait suite à une lettre d'entente obtenue par la CSN du gouvernement de négocier, six mois avant l'échéance des conventions collectives de travail, la relativité des salaires des types d'emploi à prépondérance féminine. On sait que cette proposition touche 165 000 personnes dont plus de 80 % sont des femmes. Ma question au président du Conseil du trésor est la suivante. Est-ce que le président du Conseil du trésor peut nous informer du traitement ministériel qu'il a donné à cette proposition concernant, comme je l'ai mentionné, les employés des secteurs public et parapublic?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, effectivement, comme l'a rappelé le leader de l'Opposition, la vice-présidente de la CSN a fait, au cours des six derniers mois, deux grandes déclarations publiques dans lesquelles elle prétendait que nous devions comme gouvernement et comme employeur ajuster les salaires des corps d'emploi principalement féminins en ajoutant des sommes d'argent qui sont parties, si ma mémoire est bonne, de 350 000 000 $ et quelque à 427 000 000 $. On se rappellera que, dans le cadre des dernières négociations, nous avions accepté une table de négociation qui devait débuter, en pratique, le 1er janvier 1988, pour négocier, six mois avant l'étape formelle de négociation de la prochaine ronde, cette question des relativités salariales. En dépit du fait que nous, comme employeur, étions prêts à nous asseoir à cette table, la CSN n'a pas daigné, jusqu'à maintenant, s'asseoir avec nous, prétendant qu'elle avait des études à faire et qu'elle devait déposer sous peu - et on a évoqué le mois de juin - les demandes concernant les relativités salariales, et nous attendons, M. le Président, ce dépôt.

Le Président: En principale ou en additionnelle, M. le leader de l'Opposition?

M. Gendron: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En additionnelle.

M. Gendron: Est-ce que le président du Conseil du trésor pourrait nous indiquer, lui qui prétend que c'est la CSN qui a refusé de s'asseoir, quel mandat il a obtenu du Conseil des ministres et quand il a discuté de cette question au Conseil des ministres?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, l'entente a été signée dans le cadre des négociations formelles de la dernière ronde de négociation. Nous avons accepté, à ce moment-là, de former une table de négociation à partir, comme je viens de l'expliquer, du 1er janvier 1988 et cela fait partie du mandat global du Conseil du trésor comme responsable des négociations dans le secteur public de voir à régler les problèmes lorsqu'ils surviennent.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Gendron: Mais ma question ne porte pas sur la négociation passée, sur l'entente que la CSN a obtenue, à savoir, six mois avant l'expiration, d'avoir une séance de négociation sur tous les chiffres qui ont été évoqués par la CSN concernant la relativité salariale. La question que je pose au président du Conseil du trésor est la suivante: Est-ce qu'il a obtenu du Conseil des ministres un mandat concernant cette somme d'argent requise pour tenir compte de la relativité salariale et, si oui, est-ce qu'il partage le chiffre de 425 000 000 $ de la CSN?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, j'ai toujours dit et je le répète aujourd'hui que, selon nous, il n'y a pas de discrimination salariale sur le plan de la relativité pour les corps d'emploi à majorité féminine. Par contre, nous avons accepté comme gouvernement responsable de voir, par des négociations, si, effectivement, au fil des dernières négociations et au cours des dernières années, il n'y aurait pas eu des erreurs qui se seraient produites pour lesquelles, peut-être, il y aurait certaines relativités salariales à corriger. Mais jamais, M. le Président, dans le cadre des ententes que nous avons prises, il n'a été question d'aucun montant que ce soit, et jamais nous n'avons accepté qu'il y avait de la discrimination salariale. Donc, je vois très malvenue la question du député d'Abitibi-Ouest qui prétend aujourd'hui qu'on a besoin d'un mandat du Conseil des ministres pour régler une facture qui, en fait, n'existe pas. Lorsque la CSN sera prête à s'asseoir à une table de négociation et dans le cadre formel qui a été prévu, nous verrons si, effectivement, il n'y aurait pas certains ajustements à faire. Nous croyons, au moment où on se parle, qu'il n'y en a pas et s'il y en a, nous verrons à ce moment-là.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Gendron: Oui, est-ce que le président du Conseil du trésor est en train de nous dire qu'il n'existerait pas de problème d'équité salariale en particulier concernant les 50 000 employés de bureau et les employés de bureau des organismes de la santé et des services sociaux, de même que les employés de bureau à la fonction publique? Parce que, selon nos chiffres et ceux de la proposition de la CSN, il y avait manifestement, à tout le moins, des éléments de preuve indiquant que des problèmes d'équité salariale étaient très présents. À moins que j'aie mal compris, le président du Conseil du trésor a laissé voir que, selon lui, il n'y a pas de discrimination. Ma question: est-ce qu'il prétend véritablement qu'il n'y a pas de discrimination sur les emplois spécifiques que j'ai nommés?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: Effectivement, M. le Président, au moment où on se parle, nous prétendons encore qu'il n'y a pas de discrimination sur les salaires et j'ose croire que, s'il y en avait, l'ancien gouvernement, avant 1985, n'aurait jamais enduré cette situation. Le pur gouvernement péquiste aurait sûrement corrigé cette situation-là. Par contre, nous verrons si, effectivement, ils n'ont pas commis certaines erreurs et, s'il y a des erreurs à corriger, nous verrons à les corriger en prenant nos responsabilités.

Le Président: Cette dernière réponse met fin à la période régulière de questions.

Nous allons continuer les affaires courantes. Cet après-midi, il n'y a pas de vote reporté.

Motions sans préavis. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Le Président: J'ai une motion sans préavis importante d'annoncée et je voudrais reconnaître

M. le chef de l'Opposition. J'aimerais l'attention de tous et chacun.

Souligner le 40e anniversaire de l'adoption du fleurdelisé comme drapeau du Québec

M. Chevrette: Je sollicite le consentement de la Chambre pour faire la motion suivante, M. le Président: "Que l'Assemblée nationale du

Québec souligne le quarantième anniversaire du fleurdelisé, le drapeau officiel du Québec."

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que j'ai le consentement de cette Assemblée, M. le leader du gouvernement, pour débattre cette motion?

M. Gratton: Oui, il n'y a sûrement pas d'objection, M. le Président, à condition qu'on s'entende, étant donné qu'on n'en avait pas convenu au préalable, pour que chaque côté se limite à une intervention.

Le Président: Cela va? M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Un instant! Effectivement, le leader du gouvernement a raison. On n'a pas discuté du nombre d'intervenants. Alors, on m'indique qu'on serait d'accord pour que le consentement soit assorti du "un-un".

Une voix: Parfait.

Le Président: Une intervention de chaque côté.

Je vais reconnaître M. le chef de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous n'ignorez sûrement pas, M. le Président, que c'est en 1948, plus précisément le 21 janvier 1948, par un arrêté en conseil de l'époque, que le Conseil des ministres adoptait le fleurdelisé comme drapeau officiel du Québec.

Je pense qu'il faut cependant dissocier cet anniversaire de celui d'aujourd'hui qui marque les quatre ans de la proclamation du 24 mai comme la journée nationale du drapeau québécois, mouvement amorcé par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, mouvement national des Québécois, après que l'idée eut été lancée en 1973 par la Société nationale de Québec. D'ailleurs, d'autres événements jalonnent l'histoire du drapeau québécois. Bien que le Québec se soit doté de son drapeau en 1948, on se rend compte à la lecture des procès-verbaux que ce n'est que deux ans plus tard que l'Assemblée législative d'alors adoptait la Loi sur le drapeau officiel de la province...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Boulerice: C'est écoeurant! Cela n'intéresse pas les libéraux.

Une voix: Chut!

M. Chevrette: ...loi d'ailleurs, M. le Pré- sident, sanctionnée le 9 mars 1950. Afin que le fleurdelisé ne puisse être utilisé comme emblème par n'importe quel organisme, le gouvernement du Québec enregistre le drapeau du Québec, en vertu de l'article 9 de la Loi sur les marques de commerce, le 10 novembre 1965.

En juin 1967, le gouvernement d'alors adopte un arrêté en conseil et il prévoit que le drapeau soit arboré sur tous les édifices du gouvernement, sur toutes les écoles, sur toutes les maisons d'enseignement relevant du ministère de l'Éducation. L'arrêté en conseil du 20 août 1969 autorise le ministère des Travaux publics à prendre les mesures nécessaires en vue de faire arborer le drapeau sur ces édifices. Malheureusement, et je dois le dire comme...

M. Gendron: ...M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Gendron: Oui, une question de règlement très simple. Si nous avons pensé de faire la motion...

Le Président: À l'ordre, à l'ordre, à l'ordre! Je voudrais entendre la question de règlement, et je rendrai ma décision après. M. le leader de l'Opposition. (15 h 10)

M. Gendron: La question de règlement est très simple. Elle portait sur ce qui se passait et qui ne vous permettait pas d'entendre ce qui se débattait.

M. le Président, il me semble que si un parti politique décide de présenter une motion c'est parce qu'on pense, à l'évaluation, qu'elle mérite d'être soulignée à l'Assemblée nationale. Pour ce faire, encore faut-il qu'elle soit d'abord entendue des parlementaires. En conséquence, il était évident que peu de parlementaires de l'autre côté de cette Chambre semblaient intéressés aux propos de mon collègue. Je trouve inacceptable que vous ne permettiez pas que quelque motion que ce soit, à partir du moment où vous l'autorisez, que ce soit de ce côté-ci de cette Chambre ou de l'autre côté, soit débattue convenablement, suivant les conditions prescrites par notre règlement.

Le Président: Je dois vous donner totalement raison, M. le leader de l'Opposition. Ce n'est pas la première fois, et non seulement cet après-midi, que je rappelle à l'ordre et ce, à plusieurs reprises, pour différentes motions. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je rappelais donc un peu l'historique qui a amené notre drapeau à flotter sur les édifices gouvernementaux. Je vous rappellerai qu'entre 1969 et 1976, 1977 même, il y a eu très peu d'efforts, si bien que le gouvernement du Parti québécois

d'alors a dû, en décembre 1977, adopter un programme concret d'action visant à réaliser le mandat qui avait été confié aux Travaux publics par les décrets de 1967 et 1969.

Donc, pavoisement extérieur des édifices gouvernementaux, efforts à consentir pour assurer le pavoisement des édifices loués à plus de 50 %, pavoisement intérieur approprié et conçu comme faisant partie de l'ameublement, fourniture de drapeau à chacun des députés - c'est nous qui l'avons instaurée - et maintien d'un inventaire de drapeaux qui pouvaient être prêtés à divers groupes sociaux. Voilà autant de mesures que l'on adoptait dès 1977 pour permettre précisément à l'ensemble de la population québécoise de voir se réaliser les décrets votés en 1967 et 1969, donc dix ans plus tôt.

Par ailleurs, aujourd'hui, M. le Président, on pouvait lire dans le journal Le Soleil une lettre publiée par un membre de la Société nationale des Québécois de la capitale qui déplorait que certains édifices gouvernementaux ne soient pas identifiés par l'étendard québécois, que rares sont les maisons d'enseignement pavoisées du fleurdelisé et que la brochure gouvernementale qui avait été publiée en 1980 et intitulée "Drapeaux et armoiries du Québec" soit épuisée depuis 1986 et qu'on n'ait pas procédé encore à son renouvellement.

M. le Président, voilà un peu l'histoire de notre drapeau pour lequel des dizaines, des centaines, des milliers de Québécois ont travaillé fort pour en être fiers. C'est un hénomène d'identification nationale. Les Québécois se sont carrément ralliés derrière leur emblème national, derrière leur drapeau et ont travaillé fort, que ce soit au sein du Mouvement national des Québécois, de la Société Saint-Jean-Baptiste ou de plusieurs groupes nationalistes. On a affiché hautement et fièrement le drapeau québécois.

Il faut rendre hommage a ceux et celles qui dans le passé, d'abord, ont pensé précisément à reconnaître cet emblème national qu'est le fleurdelisé, à rendre hommage à ceux qui sont disparus et qui y ont contribué, remercier tous ceux et celles qui, actuellement, continuent à afficher fièrement cet emblème national et espérer que ceux et celles qui n'ont pas encore cette fierté la retrouvent le plus rapidement possible.

Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition. Sur la même motion, je vais maintenant reconnaître M. le premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, je voudrais m'associer avec grand plaisir aux membres de l'Assemblée nationale et à mon honorable ami, le chef de l'Opposition officielle, et ceci sans la moindre partisanerie, pour réitérer l'importance que revêt aux yeux de tous les Québécois le drapeau fleurdelisé.

Comme le signalait le chef de l'Opposition, 38 ans après l'adoption par l'Assemblée nationale du Québec de la Loi sur le drapeau officiel et 40 ans après l'adoption de l'arrêté en conseil qui nous a donné un drapeau national, il me semble important, et ce dans la tradition inspirée par notre devise, de nous souvenir. De nous souvenir d'abord et avant tout de la signification des éléments de ce drapeau: La croix blanche, symbole d'une nation catholique, le bleu azur, marque de l'autorité française et les fleurs de lis blanches, rappel de la fondation d'une France nouvelle en Amérique. De nous souvenir ensuite que de la plantation de la croix de Jacques-Cartier à nos jours, en passant par Champlain, les miliciens, Carillon et bien d'autres, ce drapeau fut au coeur de notre histoire, des grands et petits événements qui la font, bref, de notre évolution.

Bien plus qu'un simple symbole, notre drapeau constitue un témoignage de ce que nous avons été, de ce que nous sommes et de ce que nous entendons devenir. Au coeur de notre identité, il consacre plus que jamais le caractère distincttf d'une société qui demeure la pierre d'assise de la francophonie nord-américaine.

De ce fait, il constitue un appel au dépassement et à la grandeur d'un peuple dont le dynamisme, la confiance, la force et l'ouverture lui ouvrent déjà des voies larges vers un avenir des plus prometteurs. J'invite donc tous nos concitoyens à prendre conscience de l'importance de ce symbole d'appartenance et de solidarité et à le pavoiser.

Le Président: Je remercie M. le premier ministre. La motion présentée par M. le chef de l'Opposition est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Toujours à l'étape des motions sans préavis, je vais maintenant reconnaître M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Souligner le 50e anniversaire de Canards illimités Canada

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je fais la motion suivante: Que les membres de cette Assemblée soulignent le 50e anniversaire de Canards illimités Canada.

Le Président: Y a-t-il consentement, M. le ministre, pour débattre de cette motion? M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: II y a consentement.

Le Président: II y a consentement. M. le ministre, voulez-vous déposer copie de votre motion?

M. Picotte: C'est fait.

Le Président: C'est fait? Vous avez maintenant la parole.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci. Depuis mars 1938, Canards illimités Canada a commencé ses activités au Canada et, par conséquent, célèbre cette année un demi-siècle de conservation de la ressource sauvagine et de production des milieux humides. Nous le savons, les milieux humides sont des habitats essentiels pour la survie de la sauvagine, des poissons, des animaux à fourrure ainsi que d'une grande variété d'oiseaux aquatiques et sont d'une valeur inestimable pour le maintien de l'agriculture, du trappage, de la chasse et de la pêche. Il est important de mentionner, Mme la Présidente, que Canards illimités Canada est l'un des principaux organismes actifs au Québec dont le seul but est d'investir des sommes d'argent, de l'expertise et des ressources humaines pour la protection des milieux humides et de l'habitat de la sauvagine.

De plus, cet organisme sans but lucratif est un partenaire majeur du gouvernement du Québec puisqu'il a convenu d'investir 10 000 000 $ pour la sauvagine d'ici à cinq ans. En effet, une entente totale de plus de 16 000 000 $ a été signée en novembre 1987 entre mon ministère, la Fondation de la faune du Québec, l'OPDQ et Habitat faunique Canada. Au nom des membres de cette Assemblée, je tiens donc à remercier Canards illimités Canada pour son travail et sa contribution exceptionnelle à la protection des milieux humides et de la sauvagine et je l'encourage à continuer dans cette voie dans la province de Québec et ailleurs au Canada.

Mme la Présidente, vous allez sans doute me permettre de remercier l'Opposition qui a concouru à cette motion et aussi de saluer bien amicalement les gens de Canards illimités qui nous honorent de leur présence cet après-midi à l'Assemblée nationale. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Mme la Présidente, l'Opposition officielle est heureuse de se joindre au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pour adopter unanimement cette motion soulignant le 50e anniversaire de Canards illimités. On sait que depuis quelques années, on a vu surgir et se former une prise de conscience au Québec sur l'importance de conserver, de protéger et même de restaurer les habitats fauniques. Or, on se rend compte, par cette motion, que Canards illimités oeuvre depuis 50 ans à la conservation, à la protection et à la restauration des habitats fauniques. Donc, cet organisme a commencé son oeuvre de protection des habitats fauniques à une époque où, il faut en convenir, ce n'était pas une préoccupation dominante de la population. (15 h 20)

C'est un organisme qui, comme on le sait, est financé par des fonds privés, des souscriptions des citoyens et citoyennes du Canada et du Québec et qui consacre cet argent recueilli à acquérir, à protéger et à restaurer des habitats fauniques, particulièrement concernant la sauvagine. C'est devenu aussi, depuis quelques années, un partenaire important du gouvernement québécois et je pense que cela pourra devenir un partenaire important de la toute nouvelle fondation québécoise pour la protection des habitats fauniques. Je pense qu'on peut aussi concevoir une alliance et une conjugaison des efforts de Canards illimités de même que de la fondation québécoise pour atteindre l'objectif partagé de plus en plus par les Québécois de conserver, de protéger et, dans bien des cas, malheureusement, de restaurer les habitats fauniques.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean.

À l'ordre, s'il vous plaît!

Cela met fin au débat. Est-ce que la motion du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui se lit comme suit: "Que les membres de cette Assemblée soulignent le cinquantième anniversaire de Canards illimités Canada", est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Cela met fin aux motions sans préavis. Nous allons passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'éducation poursuivra sa consultation générale sur les projets de loi 106, Loi sur les élections scolaires, et 107, Loi sur l'instruction publique.

À la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de l'administration poursuivra le débat sur le discours sur le budget conformément à l'article 275 du règlement. Ladite commission poursuivra ses travaux au même endroit, le mercredi 25 mai, de 10 heures à 13 heures.

J'avise également cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 15 h 30 à 18 h 30 et de 20 heures à 22 heures ainsi que demain, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'économie et du travail poursuivra ses consultations particulières sur le projet de

loi 31, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce que vous avez le consentement de cette Chambre pour qu'on procède après les heures normales de séance?

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Il s'agirait peut-être de le demander au député de Saint-Jacques. Consentement, merci.

La Vice-Présidente: II y a consentement. Merci.

Si vous me le permettez, je vous avise que la commission du budget et de l'administration se réunira en séance de travail le mercredi 25 mai 1988, à compter de 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Cela met fin aux avis touchant les travaux des commissions.

Nous allons passer aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: II n'y a pas de renseignements, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: II n'y a pas de renseignements.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Si vous me le permettez, je désire informer cette Chambre que demain après-midi, aux affaires inscrites par les députés de l'Opposition, il y aura une motion présentée par la députée de Marie-Victorin en vertu de l'article 97 du règlement. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement fédéral le respect intégral des compétences du Québec dans le secteur des garderies, et du gouvernement du Québec, qu'il modifie son attitude en exerçant ses compétences afin de doter les familles québécoises des services de garde auxquels elles ont droit. "

Cela met fin aux affaires courantes. Nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 19 Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 15 de notre feuilleton, le ministre du Tourisme propose l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. M. le ministre du Tourisme.

Des voix: Bravo!

M. Michel Gratton

M. Gratton: Mme la Présidente, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée. On se rappellera que le projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, avait déjà été déposé à l'Assemblée nationale en juin 1986. Il portait alors le no 56. Ce premier projet de loi qui proposait de modifier le statut juridique de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec a fait l'objet depuis de plusieurs consultations tant au niveau gouvernemental qu'auprès des diverses centrales syndicales accréditées à l'ITHQ. À la suite de discussions avec les syndicats, certaines modifications ont d'ailleurs été retenues dans le nouveau projet de loi. De plus, j'entends déposer et proposer une autre modification, lors de l'étude détaillée en commission parlementaire, afin de répondre à une demande des étudiants. Toutes ces modifications visent essentiellement à bonifier le projet de loi et à mieux respecter les préoccupations du milieu.

Créé en 1968 pour assurer la formation, le perfectionnement et le recyclage du personnel et de la main-d'oeuvre des industries du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration, l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec réalise depuis lors son mandat au sein de l'industrie québécoise. Grâce à l'envergure de son action et à la qualité de ses diplômés, qui rejoignent chaque année les rangs de ces industries où ils occupent toute la gamme des postes, le paysage professionnel de l'hôtellerie, du tourisme et de la restauration a profondément changé. Considérée il n'y a pas si longtemps encore comme une activité d'ordre artisanal, l'industrie touristique québécoise se retrouve maintenant au rang des industries les plus importantes. À titre d'exemple, une comparaison entre l'importance des recettes touristiques et la valeur de la production des principales industries manufacturières place le tourisme en première position, suivie de l'industrie du papier et de celle des aliments. Soulignons également que la part des recettes touristiques du Québec, au chapitre du tourisme international, était de 794 000 000 $ en 1986, occupant ainsi la quatrième position parmi les industries rapportant le plus de devises, après le papier, l'automobile et l'aluminium, mais avant le bois d'oeuvre, les minerais de fer et de cuivre, et les moteurs et pièces d'avion.

À l'instar des autres corps d'emploi, les professions qui se rattachent à l'industrie touristique commencent à être reconnues et de plus en plus de jeunes sont attirés par ces professions. Il est donc primordial de reconnaître

l'importance de la formation des futurs agents touristiques, responsables en partie de l'image que les touristes étrangers retiendront du Québec. Cette image de marque, l'ITHQ a largement contribué à l'établir, tant par la qualité de ses programmes et de ses enseignements, que par l'action de promotion qu'il mène par le biais de ses activités de recherche et de consultation en gestion, et ses actions en information et en animation, et ce, sur le plan national et international.

Peu d'organismes de formation peuvent se targuer de résultats aussi visibles en moins de 20 ans et rares sont ceux qui bénéficient à ce point de l'adhésion et de la coopération du milieu, lequel se reconnaît dans son école hôtelière et fait corps avec elle. Mais pour pouvoir continuer à épauler efficacement une industrie dynamique lancée en cette fin du XXe siècle à l'assaut d'un marché national et international, où la concurrence est de plus en plus vive, et pour continuer à participer pleinement à l'essor du tourisme québécois, l'institut a besoin d'un nouveau tremplin: un statut administratif rajeuni.

L'objectif que vise le projet de loi 19 en instituant l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec en société d'État est justement de lui donner ce statut administratif rajeuni. Depuis sa création, l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec se veut une direction du ministère du Tourisme et, à ce titre, est soumis à des règles administratives propres à la fonction publique, lesquelles, on le sait, n'ont pas toujours favorisé son développement. (15 h 30)

Ces règles, qui n'ont pas été prévues pour l'administration d'un organisme de formation spécialisée tel que l'institut, constituent même, dans un certain nombre de cas, une entrave à son fonctionnement qui, lui, se doit d'obéir à des impératifs pédagogiques particuliers. L'obligation de retourner les revenus au fonds consolidé de la province, le recours aux organismes centraux tels le Conseil du trésor et le Service général des achats et la nécessité de procéder constamment par dérogation sont autant de procédures qui alourdissent le fonctionnement de l'institut. Cet état de fait a maintes fois amené le Conseil du trésor à recommander de doter l'institut d'un statut qui lui conférerait l'autorité maximale dont il a besoin pour remplir efficacement son mandat et lui permettre d'améliorer son rendement et son efficacité.

Voilà donc, Mme la Présidente, l'objectif que vise le projet de loi 19. Il dote l'institut d'un statut de société d'État mandataire du gouvernement et recevant ses directives du ministre du Tourisme, notamment en ce qui concerne son orientation et ses politiques. Ainsi, l'institut sera administré par un conseil d'administration dont les membres seront nommés par le gouvernement et, plus particulièrement, pour deux d'entre eux, sur recommandation du ministre de l'Éducation et du ministre de l'Enseigne- ment supérieur et de la Science.

On reconnaît ici le souci du gouvernement d'accorder la préséance au rôle de formation de l'institut. Il faut que la vocation pédagogique demeure la priorité de l'institut puisqu'elle en est sa raison d'être. De plus, tel que mentionné précédemment, les représentations des étudiants et les négociations qui ont suivi m'amèneront à proposer, lors de l'étude détaillée en commission parlementaire, une modification au projet de loi afin d'assurer la représentation étudiante au sein dudtt conseil d'administration.

Par ailleurs, dans l'esprit de l'orientation choisie par notre gouvernement en début de mandat, les membres du conseil d'administration ne seront pas rémunérés, bien qu'ils seront remboursés des dépenses faites dans l'exercice de leurs fonctions. Évidemment, le directeur général qui, lui, exercera ses fonctions à temps plein échappera à cette règle.

Mme la Présidente, des amendements ont été apportés à la première version du projet de loi, visant entre autres choses à maintenir le personnel de l'institut assujetti à la Loi sur la fonction publique plutôt que régi par des règlements de l'institut. Cette modification résulte des négociations intervenues avec les trois centrales syndicales présentes à l'ITHQ et a le mérite d'être à la satisfaction de chacune des parties.

La loi prévoit également des dispositions en cas de situation de conflit d'intérêts, tant en ce qui concerne les membres du conseil d'administration que le président du conseil d'administration, le directeur général et le personnel de l'institut. Dans ces trois derniers cas, tout intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit leur intérêt personnel et celui de l'institut se traduira par une déchéance de leur charge.

La section II du projet de loi traite des objets et pouvoirs de l'institut. Le mandat fondamental est la formation, le perfectionnement et le recyclage du personnel et de la main-d'oeuvre de l'industrie touristique. Ce mandat est réitéré à l'article 16 du projet de loi. On y mentionne également que l'institut a pour objet de faire de la recherche, d'apporter de l'aide technique, de produire de l'information et de fournir des services dans les domaines de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme.

Comme on le voit, Mme la Présidente, même si l'objectif du projet de loi est d'assurer une plus grande autonomie de fonctionnement à l'institut sur le plan administratif et financier, son mandat premier demeure la formation. Le changement de statut permettra cependant à l'institut d'élargir l'éventail actuel ' de ses activités de formation tout en développant la qualité et le rayonnement de celle-ci. Concrètement, cet élargissement des activités de formation est prévu à l'article 17 du projet de loi 19. Ainsi, les domaines et les secteurs par l'entremise desquels l'institut déploiera ses activités de formation sont explicités, de même que les

instances pouvant être concernées par les développements. Il s'agit ici essentiellement de garantir à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec un fonctionnement dans le cadre duquel il pourra occuper efficacement tous les créneaux qui s'offrent à sa compétence et à son expertise. Par exemple, l'institut pourra établir des programmes accélérés de formation professionnelle sanctionnés par des diplômes spécifiques. Il pourra également créer des programmes professionnels autofinancés et développer des cours de formation populaire.

L'éventail de ces cours de formation populaire est sans limite et permettra de répondre à divers besoins spécifiques, tel l'établissement de cours de cuisine pour les cardiaques et pour les diabétiques, de cours sur l'art de recevoir et de séminaires gastronomiques. Il va de soi que ces cours sont autofinancés et pourront facilement se greffer à l'infrastructure pédagoqique et matérielle déjà existante de l'ITHQ.

Avec l'autorisation du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, la possibilité est également donnée à l'institut de développer et d'implanter des programmes professionnels de niveau universitaire. Ces programmes sont indispensables à l'ouverture de carrières touristiques de qualité et permettront l'émergence de gestionnaires québécois hautement qualifiés et spécifiquement orientés vers le développement de l'industrie touristique. Comme on le sait, pour obtenir une formation universitaire dans ce domaine, on est actuellement obligé d'aller à l'étranger, à l'Université Cornell aux États-Unis, à Lausanne en Suisse ou à Lyon en France.

Le projet de loi 19 permet à l'ITHQ de continuer d'offrir, avec l'autorisation du ministre de l'Éducation ou du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, des programmes de formation professionnelle sanctionnés par des reconnaissances de fin d'études tant au niveau secondaire que collégial.

Cependant, Mme la Présidente, même si le projet de loi 19 donne à l'ITHQ une plus grande autonomie, celui-ci ne pourra, sans l'autorisation du gouvernement, transiger sur un immeuble, prendre un engagement financier au-delà des limites et modalités préalablement déterminées par le gouvernement ou encore contracter un emprunt qui porte le montant total de ses emprunts non remboursés au-delà d'un montant à être déterminé par le gouvernement.

De même, le ministre du Tourisme pourra établir des directives approuvées par le gouvernement concernant l'orientation et les politiques de l'institut. Ces directives seront en outre préalablement déposées devant l'Assemblée nationale. L'institut est, par ailleurs, libre d'adopter tout règlement relatif à l'exercice de ses pouvoirs et de sa régie interne sous réserve que ces règlements soient approuvés par le gouvernement.

Il est intéressant de noter, en passant, que la fin de l'exercice financier de l'institut a été fixé au 30 juin de chaque année pour tenir compte de la fin de l'année scolaire. Dans les quatre mois de la fin de son exercice financier, l'institut devra remettre au ministre ses états financiers de même qu'un rapport de ses activités pour l'exercice financier précédent. Ces états financiers et ce rapport seront déposés par la suite à l'Assemblée nationale.

L'institut devra en outre fournir au ministre tout renseignement qu'il exigera sur ses activités. D'autre part, le ministre approuvera, chaque année, les prévisions budgétaires de l'institut. Les livres et comptes de l'institut seront vérifiés par le Vérificateur général chaque année et chaque fois que le gouvernement le décrétera.

Parlons maintenant, Mme la Présidente, des dispositions financières, point important s'il en est un, puisque les modifications apportées à ce titre par le projet de loi influenceront l'ensemble des activités de l'ITHQ.

Si, d'une part, le gouvernement pourra à certaines conditions et selon les modalités qu'il déterminera, garantir le paiement des emprunts contractés et l'exécution de toute autre obligation de l'institut de même qu'autoriser le ministre des Finances à avancer à l'institut les montants jugés nécessaires à la poursuite de ces objets, d'autre part, le solde de revenus de l'institut ne sera plus versé au fonds consolidé du revenu que sur demande du gouvernement. Le mécanisme de retour au fonds consolidé de tous les revenus générés par l'école, salle à manger, cafétéria, revente, et par l'hôtel tel qu'il existe à l'heure actuelle, constitue en quelque sorte une disfonction administrative qui empêche l'institut de réaliser pleinement ses objectifs d'apprentissage.

En effet, et malgré le fait qu'il soit tenu compte au moment de l'attribution du budget des sommes qui doivent être retournées au fonds consolidé, le budget de l'ITHQ n'est pas à l'écart des compressions qui peuvent être commandées par une situation économique précaire comme celle vécue au début des années 1980. En pratique, il est donc très difficile de réaliser des activités pédagogiques qui génèrent des revenus étant donné la marge de fonctionnement réduite qu'un budget serré peut laisser à l'ensemble des activités, car plus il y a d'activités pédagogiques à caractère commercial, plus l'établissement s'appauvrit. Par contre, limiter ces activités pédagogiques, c'est limiter également les situations d'apprentissage. (15 h 40)

Le projet de loi 19 permettra donc à l'institut d'assurer l'autofinancement des cours et des programmes sanctionnés par l'école au moyen de contributions versées par les participants qui n'auront plus à être retournées automatiquement au fonds consolidé de la province. On pourra alors développer l'éventail des cours offerts et répondre adéquatement aux besoins d'une clientèle potentielle qui ne peut être desservie dans

les conditions actuelles. De même, il sera possible de créer de nouvelles situations d'apprentissage appliqué.

Mme la Présidente, l'institut pourra également mettre sur pied les presses de l'institut favorisant ainsi la publication de manuels et de documents professionnels spécialisés. Une telle activité est un des éléments du rayonnement d'un organisme de formation et constituerait, dans le cadre du statut actuel, une ponction de budget que l'institut ne peut pas se permettre puisqu'il ne pourrait disposer des revenus générés par la vente des publications. Par ailleurs, la mise sur pied d'un tel service sera un encouragement au corps enseignant à la rédaction et à la publication professionnelles et constituera une part de la contribution de IÏTHQ à l'information et à l'animation professionnelles en tant que centre spécialisé. Les presses de l'institut permettront, en outre, de consolider le positionnement de l'ITHQ en tant que centre de références de la profession.

Mentionnons également qu'étant donné son expertise dans les domaines de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme et la réputation qu'il a acquise en tant qu'école hôtelière de qualité internationale, l'institut est régulièrement sollicitée par des organismes à l'étranger pour des prestations commerciales et de formation. Ces prestations telles la promotion de la gastronomie québécoise deviennent, par le fait même, des exercices de ressourcement privilégiés du fait de la nécessité de construire celles-ci sur mesure, les situations et le contexte tant culturel que social étant à chaque fois nouveaux et très différents.

De telles actions sont également des occasions privilégiées de générer des retombées économiques futures importantes pour le Québec. Le nouveau statut offert à l'ITHQ lui permettra donc une plus grande autonomie dans le cadre de ses activités commerciales internationales.

Mme la Présidente, tel que mentionné précédemment, les consultations et les négociations qui ont été menées auprès des syndicats m'ont amené à inscrire au projet de loi diverses modifications au projet initial particulièrement à la section des dispositions transitoires. En effet, les employés demeureront soumis à la Loi sur la fonction publique, ce qui permettra de protéger leurs droits. Ainsi, le maintien intégral des régimes de retraite et des accréditations syndicales est prévu par le projet de loi.

Comme on le voit, tel qu'il a été formulé, le projet de loi 19 constituant l'institut en société d'État ne change en rien sa vocation fondamentale qui est la formation spécialisée en hôtellerie, tourisme et restauration. Bien au contraire, le nouveau cadre administratif qu'il propose donnera à la mission de formation de l'ITHQ et à ses activités de consultation et de recherche, d'information et d'animation professionnelles, l'autonomie nécessaire pour maximiser te potentiel de l'école hôtelière du Québec. Dans le cadre de son nouveau statut, toutes les activités de formation de l'institut sont, en effet, non seulement reconfirmées, mais pourront, grâce à une marge de manoeuvre administrative plus souple, se développer davantage et occuper tous les champs d'activité qui s'offrent à son expertise. Tel qu'il se présente aujourd'hui, le projet de loi 19 constitue pour l'institut le tremplin qu'il lui faut maintenant pour pouvoir continuer à remplir toujours plus efficacement sa mission au sein de l'industrie touristique québécoise.

Après 20 ans de fonctionnement au cours desquels l'institut a fait brillamment la preuve qu'il justifiait les espoirs mis en lui au moment de sa création, l'école hôtelière, maintenant rendue autonome, aura de nouveaux moyens pour lui permettre de continuer sa lancée.

L'industrie québécoise pourra compter sur une école hôtelière mieux adaptée pour l'épauler efficacement dans sa conquête des marchés touristiques nouveaux qui s'ouvrent au Québec au seuil du XXIe siècle.

Mme la Présidente, j'invite donc les membres de l'Assemblée nationale à adopter le principe du projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Tourisme.

M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous sommes d'accord avec l'esprit du projet de loi 19 qui permet d'éliminer la bureaucratie et qui permet à l'institut de mieux jouer son rôle dans la formation pédagogique, et c'est à voir, des professionnels et des étudiants. Le but visé est censé être cela. Cependant, je trouve un peu curieux que le gouvernement actuel, après avoir accusé le PQ de créer des organismes et des corporations, vienne lui-même en instituer un, tout en disant que cela répond exactement à sa politique.

Mme la Présidente, le Parti québécois dont je suis le porte-parole en matière touristique est d'accord sur le principe du projet de loi. Nous allons, en commission parlementaire, en discuter en long et en large, en espérant apporter d'extraordinaires modifications à ce projet de loi. Il y a deux volets principaux dans ce projet de loi qui, je crois, ne sont pas touchés suffisamment. Premièrement, il faut absolument que les étudiants de cette institution reçoivent une formation adéquate, correspondant à notre mentalité. Et, deuxièmement, il faut absolument que nous voyions en ce projet de loi la décolonisation de la dépendance européenne de l'école. C'est d'une importance capitale. Au Québec, ils le font bien, 80 % de nos restaurants sont la propriété de Grecs, et ils font bien leur travail.

Sachant qu'il y a deux grandes cuisines au monde, la cuisine française et la cuisine chinoise,

toutes les autres sont composées autour ou en sont des dépendantes. Eh bien, la cuisine française, bien sûr, est en soi européenne. Mais, depuis vingt ans, le Québec s'est acharné à former des étudiants pour que la touche québécoise soit présente partout dans toutes nos institutions de tourisme, d'hôtellerie et de restauration. Cependant, je ne crois pas que le but recherché à l'époque soit atteint aujourd'hui et je ne vois pas, dans ce projet de loi, une façon d'obliger l'école d'hôtellerie à "québéciser" les services dans ce domaine. Nous sommes encore sous la dépendance de dire: Un bon maître d'hôtel doit être un Européen - non pas parce qu'ils font mal leurs choses, ils les font très bien - et un bon cuisinier doit être un Européen. Cela se reflète dans la mentalité de l'institut actuel et, par ce projet de loi, cela semble vouloir se perpétuer. Je suis complètement contre cette façon de voir les choses. Nous devons, par ce projet de loi, essayer de donner ce côté québécois à la chose.

Mme la Présidente, je vais prendre ceci. En général, M. le responsable du Tourisme au gouvernement, vous le savez très bien, nous avons encore cette mentalité, je le répète, de se dire entre nous, dans le domaine de l'hôtellerie, dans le domaine de la restauration, qu'il faut que ce soient des Européens pour que la chose soit bien faite. C'est renier les vingt ans de formation qu'on a eue à cette école que de continuer dans cette lignée. Je suis d'accord avec le principe que l'institut doit être une corporation indépendante; cependant, j'entretiens certains doutes sur la capacité de la direction de donner cette "québécitude" qu'on se doit d'avoir dans la restauration et dans l'hôtellerie.

Ce n'est pas en se promenant de façon continue dans le monde pour aller voir des expositions et assister à des banquets à Tokyo, à Paris - il faut y aller de temps en temps - ou au Mexique ou pour aller faire nos "bines" à Cuba qu'on forme des étudiants qui seront capables de prendre la relève dans la dignité et dans la noblesse que ce métier amène, la restauration et l'hôtellerie, et la réception et l'accueil des touristes au Québec. On ne le sent pas, ce virage, et ce serait le temps, Mme la Présidente, d'étudier à fond, avec les gens du milieu, l'état dans lequel se trouve cet attrait touristique de premier ordre. Je ne suis pas d'accord que c'est un artisanat. Ce sont des choses professionnelles qui doivent se faire à l'intérieur de ça. Il faudrait, et j'espère qu'à la commission parlementaire, le ministre l'élargira, que nous recevions des étudiants, des pédagogues, des gens du milieu de la restauration, des gens de l'hôtellerie, des gens du tourisme en général pour venir nous dire ce qu'on devrait faire avec ce projet de loi. (15 h 50)

M. le ministre nous dit qu'il a écouté certaines personnes et qu'il a pris certaines choses. Il serait peut-être bon qu'une commission parlementaire reçoive les différentes personnes du domaine qui viendraient nous dire les correctifs à apporter pour québéciser cette institution qui semble de plus en plus dépendante d'une mentalité européenne. Je reviendrai là-dessus.

M. le ministre nous dit qu'il a rencontré des étudiants et qu'il accepte de faire une modification en prévoyant au conseil d'administration un représentant étudiant. Mais où sont, dans ce conseil d'administration, les représentants des professeurs? Où sont dans ce milieu les représentants du milieu touristique, du milieu de l'hôtellerie, du milieu de la restauration? Ils sont complètement absents. On ne peut pas laisser dans les mains d'un seul homme, si compétent soit-il - et je ne veux pas juger de cela ici, il y a d'autres endroits pour ce faire - le monopole des connaissances dans tout ce milieu. Il est beaucoup trop complexe et beaucoup trop professionnel aujourd'hui pour que nous le laissions dans les mains d'un seul homme.

En plus, Mme la Présidente, la mentalité qui se dégage de ce projet de loi de garder cette européanisation de notre institution, les institutions québécoises l'ont refusée. L'Institut d'hôtellerie veut donner une maîtrise aux étudiants. L'UQAM, l'Université de Sherbrooke, l'Université Laval refusent de délivrer des maîtrises aux étudiants qui sont là parce qu'ils ne sont pas assez bien formés et pas assez bien préparés pour la recevoir. Alors, le directeur général n'écoutant que son courage et son goût des voyages s'en va en Europe voir l'Université de Toulouse et lui demande de leur donner des certificats qui ne seront jamais reconnus ici. L'Université de Toulouse va donner des certificats de maîtrise aux étudiants de l'École d'hôtellerie. Mme la Présidente, si ce n'est pas là accepter une dépendance... Et de plus, c'est leurrer des étudiants. C'est un leurre parce que ce diplôme, même donné par l'Université de Toulouse, ne sera pas reconnu au Québec. C'est malheureux. Tout cela, parce qu'une mentalité existe dans cette institution voulant que ce qui n'est pas européen ne peut pas être à la tête d'institutions. On parlera beaucoup de cette mentalité en commission parlementaire, Mme la Présidente.

La reconnaissance des diplômes à l'Université de Toulouse. Il faut que l'institut s'entende avec le ministre de l'Enseignement supérieur sur les exigences d'un programme de deuxième cycle pour qu'on cesse d'accepter des étudiants sans savoir si le litige sera réglé avant au moins 1991. Pourquoi les trois universités contactées au Québec n'ont-elles pas voulu reconnaître la validité de la délivrance d'une maîtrise? Pourquoi le responsable est-il allé en Europe la chercher? Pourquoi le ministre accepte-t-il cela? Pourquoi accepte-t-il le principe de cette dépendance dans ce domaine, cette dépendance voulant qu'on soit des subalternes dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration? Que je sache, les grands restaurants, ce n'est pas cela qui manque

et surtout à Québec. Il faut être fine gueule pour ne pas aimer, dans la ville de Québec, l'ensemble des gens qui tiennent des restaurants et leur nourriture.

Montréal devient une capitale de la gastronomie, aussi. Il y a une multitude de grands restaurants comparables très facilement avec les restaurants européens. Je ne parle pas de Las-serre ou de Chez Maxim où on paie 50 $ pour avoir un pétale de rose sur le bord de sa tasse de café. Ce n'est pas ce que je veux dire. C'est là payer pour un luxe extraordinaire. Dans certains grands pays du monde, Mme la Présidente, hé bien! il y a des restaurants dont les prix, c'est le temps de le dire, sont élevés. Mais, pour la restauration d'extrême qualité, de grande qualité, dans la ville de Québec, dans la ville de Montréal et dans tout le nord vers Mont-Laurier, les Laurentides, il y a toute une série de restaurants et ce ne sont pas nécessairement des Européens qui en sont les propriétaires ou les maîtres d'hôtel.

Dans cette institution, il semble - et cela respire cela - que si ce n'est pas européen, ce n'est pas valable. Les trois universités du Québec l'ont dit. N'y croyant pas, et pour essayer de garder ce monopole des poste clés dans ce domaine important du Québec, on se retourne vers l'Europe - un autre voyage - on va à l'Université de Toulouse et on fait accepter par l'Université de Toulouse une maîtrise qui est en fait une chose qui ne sera pas reconnue, mais un leurre pour les étudiants.

Je suis, en principe, pour ce projet de loi. J'ai fait quelques recommandations et j'annonce immédiatement mes couleurs pour la commission parlementaire. Je voudrais qu'on en tienne compte immédiatement, mais je voudrais surtout que la commission parlementaire s'élargisse et convienne - quand bien même on passerait trois, quatre jours sur cela, Mme la Présidente, on a le temps - de rencontrer les spécialistes de ce domaine pour nous éclairer. Après 20 ans d'institution, si nous faisons l'inventaire des professionnels du domaine touristique, de la restauration qui en sont sortis et si ces gens ne sont pas sur notre territoire, autant au parlement qu'à l'extérieur de ce parlement, dans la restauration, des gens qui sont capables d'être les premiers de file, les chefs de file, et non pas qu'on soit continuellement sur un colonialisme "restauratoi-re" et d'hôtellerie dépendant d'une mentalité européenne. Et je tiens à dire qu'en Europe ils font cela de façon extraordinaire. Cela ne veut pas dire que les Européens ne sont pas capables, mais si on fonde une institution pour former les nôtres, il faut qu'un jour ils prennent leur place. Prendre notre place, ce n'est pas enlever celle des autres.

Je trouve cela malheureux, Mme la Présidente. Regardez l'hôtellerie, pas la restauration, les hôtels mêmes au Québec sont d'un plus grand confort, de façon générale, que tous les hôtels européens, et à prix modique. C'est donc qu'on a une certaine mentalité ici qui nous fait bien faire les choses. Cela ne nous enlève pas notre côté professionnel de bien réussir. Mais tout cela, pour former des étudiants, c'est la pédagogie. On voit dans le projet de loi que l'Institut d'hôtellerie pourra avoir toute une série d'hôtels et une série de restaurants. Le ministre nous disait dans son laïus au début: II faudra que ce soit sur recommandation du gouvernement. Je sais que pour une bonne pédagogie dans ce domaine, il faut que les étudiants soient dans un restaurant d'apprentissage, et soient aussi dans un hôtel d'apprentissage avec des prix plus bas que dans les restaurants normaux, même si souvent la nourriture est beaucoup plus élaborée pour que le client serve, entre guillemets, un peu de cobaye. Ils acceptent les petits inconvénients de ceux qui apprennent à leurs dépens.

Mais il ne faudrait pas, par exemple, que l'hôtel ou le restaurant qui est en fait un restaurant d'apprentissage absolument nécessaire... que le projet de loi ouvre la porte à une concurrence à l'entreprise privée en en développant dans différentes villes, dans tout le Québec, sous le joug de l'école d'hôtellerie. Si jamais on s'en va là-dedans, je m'opposerai à cela parce que si notre réseau n'était pas bon, je serais d'accord. Mais je ne veux pas que le gouvernement vienne se mettre le nez dans des endroits où on a déjà un service excellent, un prix très convenable et concurrentiel de façon internationale.

Mme la Présidente, je ne veux pas faire de personnalité non plus sur l'école d'hôtellerie, mais je tiens à dire que les gens actuellement en place ne sont peut-être pas ce qu'il y a de plus extraordinaire pour donner cette mentalité québécoise à l'institution. Dans ce projet de loi, on laisse encore les deux cadres à peu près seuls. On y accepte, on me dit, de mettre des étudiants. Il faudrait qu'il y ait d'autres personnes compétentes autour et que ces gens aient le droit de vote et non pas le P.-D.G., le directeur général qui soit le votant dans les conseils d'administration. Parce que j'ai rarement voté contre moi; quand je suis seul quelque part et que je suis Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, en même temps, c'est très rare que je vote contre moi même s'il y a des langues de feu tout autour de moi qui veulent me brûler. (16 heures)

Mme la Présidente, j'aimerais bien que par votre intermédiaire parlementaire vous ricochiez à l'oreille du ministre qu'il faudrait qu'il voie en commission parlementaire peut-être à apporter certaines modifications et surtout accepter que des gens viennent nous éclairer. Après 20 ans, si les résultats ne sont pas aussi forts que ceux auxquels on doit s'attendre, cela veut dire que depuis 20 ans, il y a eu peut-être des manques. Il faut absolument que dans l'hôtellerie en général, si c'est vraiment une maison de formation, ceux qui y sont formés prennent des places dirigeantes partout sur notre territoire et non

pas qu'on continue à garder la restauration et l'hôtellerie sous le joug européen. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Terrebonne. M. le député de Chauveau.

M. Rémy Poulin

M. Poulin: Merci, Mme la Présidente. Cela me fait d'autant plus plaisir de parler du projet de loi 19 que j'ai oeuvré dans la restauration et l'hôtellerie pendant cinq ans. Je vais prouver au député de Terrebonne qu'il n'y a pas seulement les Européens qui ont réussi dans la restauration au Québec et qu'ils ont pris une place autre que celle qu'il nous a expliquée.

Le projet de loi 19 a pour objet de constituer en corporation l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec qu'on a toujours appelé l'ITHQ. Faisons l'historique de l'ITHQ. Créé en 1968, il y a déjà 20 ans, son but était de favoriser le développement du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration. Souvenons-nous qu'à l'époque, il y avait un besoin urgent de main-d'oeuvre spécialisée et qualifiée dans les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration afin de répondre à la demande de plus en plus grandissante de tous ces secteurs.

Vingt ans après sa création, l'ITHQ s'est fait une renommée internationale et la qualité de ses finissants est appréciée dans tous les secteurs de l'industrie touristique. Comme je le disais tout à l'heure, pour avoir travaillé durant cinq ans dans le domaine des relations publiques pour une distillerie, il était étonnant de voir tous ces finissants de l'ITHQ tant dans les grands hôtels que dans les auberges, à la direction, à titre de chefs cuisiniers, directeurs de banquets, serveurs, préposés aux chambres, mais aussi comme propriétaires de plusieurs restaurants ou auberges.

Rappelons-nous qu'à ses débuts et jusqu'en 1972, il n'y avait qu'une centaine de finissants par année et qu'en 1975, on comptait jusqu'à 400 finissants annuellement. Aujourd'hui, 3000 personnes forment la relève à moyen et à long terme. En plus de ces 3000 diplômés, il existe des programmes de formation des adultes, des programmes de courte durée de recyclage, de perfectionnement, ce qui fait qu'environ 3500 personnes par année se retrouvent dans différents secteurs du tourisme.

On peut dire aujourd'hui que tout près d'une trentaine de mille personnes y sont passées. Comme je le disais tout à l'heure, il n'y a pas seulement des chefs, mais aussi des propriétaires québécois, des directeurs québécois. On pourrait donner l'exemple de certains membres de la famille Germain de la région de Québec issus de l'ITHQ et qui ont mis en oeuvre l'un des plus beaux projets dans la région de Québec, le Germain des Prés. Il y a aussi le restaurant Le Faubourg sur la Grande-Allée dont le chef, Mario, a eu le prix d'excellence l'an passé. Les Québécois sont donc installés dans la restauration depuis longtemps et ils sont là pour y demeurer.

Il n'est pas nécessaire de souligner que l'ITHQ prépare la main-d'oeuvre pour tous les niveaux d'emplois dans ce secteur. Citons quelques exemples: la formation spécialisée polyvalente, c'est-à-dire tous les programmes sanctionnés par un diplôme reconnu par le ministre de l'Éducation du Québec permettant d'aller sur le marché du travail, mais n'empêchant pas de poursuivre des études plus avancées... A titre d'exemple, des gens qui vont chercher un DEC en gestion hôtelière peuvent poursuivre leurs études à la Faculté d'administration de l'Université Laval, cela, grâce à une solide formation générale-La reconnaissance de l'industrie face à l'ITHQ n'est pas à faire, les hôteliers reconnaissent que l'ITHQ procure depuis quelques années des cadres professionnels de qualité et que les nouveaux diplômés constituent la relève des cadres hôteliers actuels.

Le dernier congrès des écoles hôtelières qui s'est tenu à Montréal en 1987 a placé l'ITHQ comme l'une des meilleures écoles hôtelières mondiales tant par son contenu que par ses participants. Les étudiants en sortent capables de servir notre industrie touristique avec un niveau de professionnalisme supérieur.

Mme la Présidente, l'ITHQ collabore de façon étroite avec les divers secteurs de l'industrie touristique, et la réciproque est vraie. Voici quelques exemples: service aux entreprises, service de consultation en gestion, centre de recherches technologiques. À la recherche, les exemples: développement de la cuisine régionale avec l'aide des ATR, les centres de personnes âgées et aussi la commercialisation du caribou. À l'animation, d'autres exemples: l'émisssion de soeur Angèle à la télé, concours de recettes "La Fourchette d'or", dépliants qui annoncent les restaurants avec menus de spécialités régionales, tables d'hôte touristiques, sections alimentaires dans les journaux dont Le Soleil, La Presse et Le Droit à Ottawa. Aux actions préventives, un exemple: les Îles-de-la-Madeleine, le développement d'un menu aidant à revaloriser du même coup les emplois qui en dépendent. Au centre de consultation ses PME pour tous les problèmes inhérents à la gestion: consultant qui répond à la PME, service gratuit, aide à sauver les emplois aussi et améliore le marketing et la productivité. D'autres outils de gestion pour les administrateurs où l'on récupère plusieurs données de référence: service de placement pour le personnel qualifié, formation dans l'entreprise.

Mme la Présidente, à titre de conclusion, malgré la renommée qu'il a atteinte, l'institut doit fonctionner avec un cadre administratif inadapté. Le retour au fonds consolidé de toutes les recettes de la partie commerciale de l'activité pédagogique, l'absence d'incitation au développe-

ment des revenus, le recours généralisé aux dérogations, l'aspect commercial de certaines activités de l'ITHQ ne cadrent pas avec les règles de la fonction publique.

Mme la Présidente, avec l'incorporation, on prévoit un fonctionnement administratif autonome, avec un conseil d'administration et une enveloppe budgétaire globale. On a ainsi un cadre administratif et légal mieux adapté aux finalités de l'ITHQ. Ce projet de loi ne change en rien la vocation fondamentale de l'ITHQ qui est la formation spécialisée dans les domaines de l'hôtellerie, du tourisme et de la restauration, de même que l'enseignement dans ces domaines. Bien au contraire, dans le cadre de son nouveau statut, toutes les activités de formation de l'institut sont en effet, non seulement reconfirmées, mais elles pourront, grâce à une marge de manoeuvre administrative plus souple, se développer davantage et continuer à former une main-d'oeuvre qualifiée et compétente. Toutes les garanties énumérées par le ministre sont entre autres réunies pour que le changement de statut se fasse pour le plus grand bien de l'école hôtelière du Québec et de la formation touristique. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Chauveau.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, je ne pourrais quand même pas vous cacher le plaisir que j'ai de voir les députés et même les ministres, de part et d'autre de la Chambre, faire l'éloge de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec qui est sans contredit une des institutions les plus prestigieuses dans la circonscription de Saint-Jacques que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale. En effet, il est situé sur la rue Saint-Denis au coin de la rue de Rigaud, donc en plein centre de cette circonscription. Remarquez que le Directeur général des élections voudrait bien m'enlever ce beau fleuron de ma couronne, mais je continue toujours à m'y opposer et j'ose espérer que, si par malheur il devait commettre ce geste ignoble, je pourrai quand même entendre le député de Saint-Louis, puisque ce sera dans sa circonscription, parler de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. Je sais qu'il n'est pas en Chambre aujourd'hui, mais j'espère qu'on va l'entendre parler de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. Comme c'est également aussi un dossier important pour l'est de Montréal, j'ose espérer qu'on va entendre le député de Sainte-Marie qui est absent aujourd'hui, donc manquant à ses devoirs parlementaires et s'inté- resser à un sujet aussi préoccupant... La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Boulerice: ...pour le développement de l'est de Montréal, parce que l'est n'est pas uniquement pour les fermetures d'usines, ce qui est la marque de commerce de ce gouvernement, mais bien un certain développement. (16 h 10)

Oui, on a accusé le Parti québécois de créer des organismes et des corporations, etc., et là, je m'aperçois que ce gouvernement de déréglementation et d'abolition des organismes gouvernementaux propose aujourd'hui, de créer une corporation pour l'Institut de tourisme et d'hôtellerie. Nous serons d'accord, nous de l'Opposition officielle, avec l'esprit du projet de loi 19 s'il permet d'éliminer la bureaucratie et s'il permet à l'institut de mieux jouer son rôle dans la formation pédagogique et professionnelle des étudiants. L'Institut de tourisme et d'hôtellerie qui a été créé en 1968 et qui célèbre donc son vingtième anniversaire, doit être un symbole de fierté pour les Québécois et ses dirigeants doivent être au dessus de tout soupçon.

Les problèmes évoqués ces jours derniers dans les journaux, n'ont malheureusement rien pour dorer le blason de l'institut qui, pourtant, est prestigieux. Le gouvernement doit donc voir à l'atteinte de ces objectifs, Mme la Prsidente, car il en va de notre crédibilité dans les domaines du tourisme et de la restauration, tout comme dans celui de l'hôtellerie. L'institut, effectivement, a formé jusqu'à ce jour 3000 gradués. On voit cette fierté, d'ailleurs. Quand on va dans les restaurants, je demande souvent au garçon ou à la jeune fille: Est-ce que vous avez fait l'institut? Ils répondent tous avec beaucoup de fierté: Oui, j'ai fait l'institut. Donc, 3000 gradués et 40 000 personnes qui sont venues y prendre des cours de perfectionnement, ce qui donne une idée de l'ampleur de la tâche accomplie, des réalisations importantes qu'il faut d'ailleurs continuer à valoriser. Je pense qu'on doit insister sur l'importance de la qualité de la formation, sur la qualité de l'enseignement comme tel et sur le rôle du corps professoral de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.

Il faut aussi dénoncer les visées un peu mercantilistes du ministre qui, par un projet de loi, veut permettre à l'institut de gérer des établissements. Je pense que c'est l'article 7.1 ou quelque chose comme cela. Il faut s'exercer là-dessus à une certaine prudence. L'institut est d'abord un institut pédagogique. C'est un institut où l'on acquiert une formation professionnelle de toute première importance. Je pense qu'on ne doit pas être distrait de la préoccupation de base qui doit être celle de l'institut. Il faut que le marché de la restauration et de l'hôtellerie et ses dirigeants puissent en bénéficier, justement, par la formation de dirigeants très compétents, de dirigeants québécois. Il faut, et cela il ne

faut pas se le cacher, briser le monopole des chefs, des cuisiniers, des maîtres d'hôtel qui, supposément parce qu'il viennent de l'étranger, parce qu'il y a une longue tradition hôtelière, sont les meilleurs, les seuls et les uniques. Mon collègue de Chauveau a cité quelques exemples et je suis heureux qu'il l'ait fait. Effectivement, il y a une excellence québécoise dans le domaine de l'hôtellerie qu'il nous faut amplifier.

Quand je regarde certains aspects particuliers du projet de loi que nous présente M. le ministre du Tourisme, je me pose des questions quant au conseil d'administration. Comment se fait-il - et le porte-parole de l'Opposition en cette matière s'est interrogé également - que le directeur général ait droit de vote? Je vous avoue trouver cela un peu particulier, moi qui ai quand même une certaine pratique de certains conseils d'administration. Dans le domaine hospitalier comme dans le domaine muséologique et dans le domaine scolaire également, je n'ai jamais vu, Mme la Présidente, un directeur général, qui est un exécutant, qui est un cadre, un cadre supérieur, exercer un droit de vote. Je ne m'explique pas cela.

Comment se fait-il, de plus, que les responsables de la pédagogie, c'est-à-dire les professeurs, les enseignants et les enseignantes, ne soient pas représentés au conseil d'administration? Je vous ai parlé tantôt d'une expérience dans le domaine hospitalier. Bien, il y a des représentants du Collège des médecins, il y a des représentants de ce qu'on appelle le "nursing". Comment se fait-il que les principaux responsables de la pédagogie ne soient pas représentés au conseil d'administration? Cela m'inquiète énormémement. Il y a les usagers et les étudiants. Bon, alors le ministre nous a annoncé tantôt, Mme la Présidente, qu'il était pour apporter un amendement. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait immédiatement en présentant son projet de loi? Cela me fait un peu penser à sa collègue, ministre de la Santé et des Services sociaux, qui avait déposé un projet de loi de 17 articles annonçant tout de suite en commission 17 amendements. Elle aurait été aussi bien de les inclure immédiatement dans le projet de loi de façon à satisfaire tout le monde.

Donc, qu'on y inclue les étudiants, je trouve cela très intéressant parce qu'il faut bien connaître les étudiants. Bon, j'admets que cet institut-là n'est pas dans votre circonscription. Vous n'avez peut-être pas autant que moi la chance d'aller y manger fréquemment. D'ailleurs, le dimanche ils ont un excellent brunch. Je vais me permettre de faire la publicité, Mme la Présidente. L'institut a un excellent brunch le dimanche matin, beau, bon et pas cher, pour employer cette expression familière. Comment se fait-il que les étudiants n'y soient pas? Bien, qu'ils y soient, tant mieux! Mais, je pense, M. le ministre, que vous devez inclure les représentants du corps professoral puisque c'est en fin de compte l'ossature de l'institut et cela est bien plus important que de donner un droit de vote - j'aimerais bien d'ailleurs que vous m'expliquiez le pourquoi de cela - au directeur général.

Donc, le conseil d'administration sans cette représentation-là m'apparaît handicapé dans ses meilleurs éléments. Mais on voit qu'il n'y a aucune uniformité dans les conseils d'administration sous un gouvernement libéral. Un jour le président et le directeur général ont le droit de vote. Un autre jour - exemple la loi 101 sur la conservation de la faune - c'est le p. -d. g. qui a le droit de vote. Je ne sais pas où est la cohérence du parti ministériel là-dedans. Mais cette incohérence illustre une fois de plus...

J'aimerais revenir à la formation et à la pédagogie, Mme la Présidente. L'institut ne doit pas être un complexe de gestion et d'administration d'établissement hôtelier et de restauration. L'institut doit être, prioritairement et exclusivement, un centrage des énergies et des ressources à la formation des étudiants qui y séjournent. Je pense qu'il faut davantage équilibrer les volets pédagogiques dans les domaines du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration comme telle.

Je partage la même inquiétude que mon collègue, député de Terrebonne, quant aux articles 19 et 40, quant à cette fameuse reconnaissance. Ce n'est pas parce que les dirigeants de l'institut n'ont pas pu s'entendre avec les universités du Québec sur l'accréditation des cours de deuxième cycle, qu'il faut faire un pied de nez et offrir une maîtrise d'État reconnue par Toulouse qui est sans doute une très belle ville, qu'on appelle la "Ville rose" en France mais qui va n'être, en définitive, qu'un leurre pour les étudiants québécois. Ce sont justement ces étudiants qui risquent de perdre le plus dans cette affaire car leur diplôme, malheureusement, ne sera pas reconnu au Québec et vous connaissez comme moi, Mme la Présidente, l'importance de la reconnaissance du diplôme.

Alors, je pense qu'il faut que l'institut s'entende avec le ministre de l'Enseignement supérieur comme le disait, de façon fort à propos, et comme en conviendra inévitablement ma collègue, députée de Chicoutimi et porte-parole de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur, il faut que l'institut s'entende avec le ministre de l'Enseignement supérieur sur les exigences d'un programme de deuxième cycle et qu'on cesse d'accepter des étudiants, sans savoir d'ailleurs si le litige sera réglé avant 1991.

Je vois, Mme la Présidente, que vous semblez me faire signe que mon... Non, je vous remercie parce que, pour parler de l'institut, voyez-vous, je répète que c'est un des plus beaux fleurons de la couronne de Saint-Jacques et je voudrais bien avoir le plus de temps possible. Je sais que le ministre écoute, d'ailleurs, avec beaucoup d'attention. C'est quand même à son honneur, contrairement à d'autres de ses collègues qui, eux, font la sourde oreille. Il écoute. Sans doute fréquente-t-il assidûment la

circonscription de Saint-Jacques donc, il connaît bien l'institut, non pas uniquement du fait qu'il en soit le titulaire mais bien parce qu'il a à coeur le développement de l'institut.

Donc, quant à la formation pédagogique, je pense que je vais reprendre de nouveau ce que disaient l'Association des professeurs de l'ITHQ et le syndicat qui, lui, disait bien que le projet de loi 19 ne reconnaît pas la priorité pédagogique et professionnelle qui doit incomber à l'institut. Et, d'ailleurs, le syndicat des enseignants, M. le ministre, aimerait que cette priorité apparaisse clairement à l'article 16 du projet de loi parce qu'il craint justement le danger que je vous exprimais tantôt, le danger mercantiliste de l'institut. C'est une préoccupation tout à fait normale et légitime qu'une institution déjà vieille de 20 ans ait et que vous vous devez d'entendre. (16 h 20)

Quant au conseil d'administration comme tel, je pense, M. le ministre, que, là aussi, si vous annoncez immédiatement que vous avez l'intention d'y ajouter les étudiants, il faudrait immédiatement songer à un deuxième amendement qui serait celui d'une représentation du corps professoral. Voyez-vous, par la voix du directeur général, les cadres supérieurs, les cadres de la maison, secrétaire général, directeur des services administratifs, auront, en quelque sorte, un droit de vote. On s'entend bien, un droit de vote. Je vous le répète, cela m'apparaît un peu particulier d'aller aussi loin que cela. On va se retrouver avec le corps professoral qui n'aura ni droit de vote, mais ni droit de parole, M. le ministre, puisqu'il ne se retrouvera pas à l'intérieur du conseil d'administration. C'est pour cela que je vous demanderais de vous inspirer du fonctionnement des conseils d'administration des centres hospitaliers.

Vous pourriez demander à votre collègue. Je ne sais pas, vous semblez dandiner de la tête. Mais il me dit que ce n'est pas la même chose. C'est la même chose. Bien entendu, l'hôpital n'a pas la même vocation qu'un institut de tourisme et d'hôtellerie, mais il y a des représentants des usagers. Les usagers sont les étudiants. Vous venez de le reconnaître. Alors, au conseil d'administration de l'hôpital, allez-vous nier, M. le ministre, que les artisans de l'hôpital, si je peux employer cette expression-là, qui sont les médecins et les infirmières, sont représentés au conseil d'administration des hôpitaux? Ils sont représentés. Vous avez le président du Conseil des médecins et dentistes qui siège au conseil d'administration. Écoutez! Vous ne me ferez pas dire que c'est faux. Je l'ai vécu durant trois ans, à l'hôpital Saint-Luc d'ailleurs, une autre institution prestigieuse dans la circonscription de Saint-Jacques qu'on veut toujours m'enlever d'ailleurs, Mme la Présidente, que le président des élections veut m'enlever, et je m'y oppose encore une fois farouchement.

Donc, M. le ministre, on peut facilement faire un conseil d'administration où ces gens-là pourraient être représentés. Là, il y a forcément un déséquilibre avec un directeur général avec un droit de vote quand, en définitive, deux des acteurs principaux - je vois le député de Chambly m'appuyer là-dessus - en sont complètement exclus, à savoir le corps professoral et les étudiants. N'est-ce pas, M. le député de Chambly? Voilà.

Cela dit, nous irons en commission parlementaire sur ce projet de loi 19. Somme toute, nous ne sommes pas farouchement opposés. Que l'on donne un certain degré d'autonomie à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie, j'y vois un peu un parallèle avec ce que le gouvernement du Parti québécois a fait avec les musées. On a décidé que ces musées cessaient d'être des appendices du ministère de la culture et on leur a conféré une autonomie en en faisant des sociétés d'État, ce qui leur permet une autonomie de gestion à l'intérieur de normes budgétaires édictées par le gouvernement - cela est accepté - ce qui leur permet d'évoluer dans leur cadre, ce qui leur permet une réglementation interne, ce qui leur permet un fonctionnement beaucoup plus souple que la tutelle directe d'un ministère. Donc, c'est un peu le parallèle que le ministre veut faire s'inspirant d'une très bonne loi qu'a faite le gouvernement du Parti québécois dans le domaine muséologique.

Le ministre choisit d'en faire une corporation, corporation, société d'État, enfin peu importe le vocable. D'abord, que l'on donne à l'institut des moyens plus étendus de mieux s'administrer, de mieux se développer, de mieux planifier l'avenir, de mieux penser ses programmes de formation, de mieux ouvrir ses portes à des clientèles, de mieux faire, en définitive, pour toute l'industrie du tourisme et de l'hôtellerie au Québec, ça on n'en disconvient pas.

Je pense que là-dessus le ministre peut compter sur l'appui de l'Opposition. Il est bon qu'à certains moments donnés, la politique, souvent conflictuelle, puisse être consensuelle. Mme la Présidente, je vois que vous me faites inexorablement signe que je devrai conclure. Je pense, M. le ministre, que vous pourrez effectivement compter sur l'Opposition dans votre projet de loi 19 à l'exception des volets où notre porte-parole, le député de Terrebonne, vous a déjà fait certaines indications. Je tiens à vous le répéter, c'est la reconnaissance du diplôme, et je pense qu'une concertation avec votre collègue et voisin de fauteuil s'impose le plus rapidement possible. La formation pédagogique et la composition du conseil d'administration doivent être revues au cours de l'exercice que nous allons faire en commission parlementaire.

J'aurai bien l'occasion d'intervenir de nouveau en commission, mais je voudrais conclure en saluant de nouveau les étudiants, puisque j'avais le plaisir, l'an dernier, d'assister à leur fête et d'y aller de mon modeste pécule comme député de Saint-Jacques pour les aider à

organiser le bal des finissants, car ils étaient tenements fiers d'être finissants de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie. Je saluerai le corps professoral, l'administration que je connais bien d'ailleurs puisque, issu du milieu scolaire, j'ai eu, durant de nombreuses années, à signer des ententes de scolarisation entre la commission scolaire à laquelle j'appartenais et l'Institut de tourisme. Combien de nos élèves de cette commission scolaire régionale désiraient aller suivre les cours que donne l'Institut de tourisme et d'hôtellerie et que je retrouve au hasard lorsque j'entre dans un restaurant, qu'il soit à Montréal, à Québec ou dans une autre ville? Alors, je vais leur souhaiter un très joyeux et très bon vingtième anniversaire - quand on a 20 ans, tous les espoirs sont permis et je pense que cela s'applique bien à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie - leur offrir mes meilleurs voeux, les assurer de ma plus entière collaboration et les assurer que, dans l'étude du projet de loi, je veillerai aux intérêts des usagers, c'est-à-dire des étudiants, du corps professoral, et surtout à l'intégrité de ce que doit être l'Institut de tourisme et d'hôtellerie, c'est-à-dire une grande école de formation, une grande école de pédagogie appliquée à la restauration, au tourisme et à l'hôtellerie au Québec. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Jacques.

M. le ministre du Tourisme, en réplique.

M. Michel Gratton (réplique)

M. Gratton: Merci, Mme la Présidente. On me permettra d'abord de remercier les membres de l'Assemblée nationale qui ont participé à ce débat et de me réjouir de l'appui que nous annonce l'Opposition officielle à l'adoption du principe de ce projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.

Évidemment, un certain nombre d'affirmations faites, notamment, du côté de l'Opposition mériteront d'être relevées, mais, comme nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, de faire l'étude détaillée et de procéder article par article, vous ne m'en voudrez sûrement pas, Mme la Présidente, de ne pas relever chacune des affirmations faites durant ce court débat et qui m'apparaissent devoir être relevées.

D'abord, il est faux de prétendre que le projet de loi 19 crée un nouvel organisme. On sait, et on l'a répété du côté de l'Opposition d'ailleurs, que l'institut existe depuis maintenant vingt ans et que, tout ce que fait le projet de loi 19, c'est de constituer l'institut, qui est présentement une section du ministère du Tourisme, en société d'État qui pourra, par son autonomie administrative et financière, exercer une plus grande influence sur son rôle premier qui demeure la formation de la main-d'oeuvre dans le domaine de l'hôtellerie, de la restaura- tion et du tourisme. (16 h 30)

Effectivement, Mme la Présidente, N me semble que l'article 16 répond aux soucis de l'Opposition et de ceux qui prétendent que le projet de loi 19 ne traduit pas assez fidèlement l'emphase que l'on doit mettre sur l'aspect formation. Cet article 16 l'édicté très clairement. Il s'agit de le lire: "L'institut a pour objets de fournir des activités de formation professionnelle dans les domaines de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme, ainsi que de faire de la recherche, d'apporter de l'aide technique, de produire de l'information et de fournir des services dans ces domaines. "Les activités de formation professionnelle comprennent des activités de perfectionnement et de recyclage."

On voit bien par le libellé même de l'article 16 que la formation est au centre des préoccupations que doit avoir l'institut. Sûrement qu'on y reviendra en commission parlementaire, mais au moment où l'on se parle il ne m'apparaît pas indiqué de devoir proposer un libellé différent.

Du côté du député de Terrebonne, critique de son parti en matière de tourisme, on a souhaité une commission parlementaire où l'on pourrait procéder à des auditions auprès de personnes intéressées. Je souscrirais volontiers à ce souhait si on voulait faire porter le sujet, le mandat de la commission sur l'ensemble de l'industrie touristique.

Depuis un an maintenant que j'assume la responsabilité du ministère, j'ai eu moi-même à déplorer le manque d'intérêt de l'Assemblée nationale pour l'industrie touristique comme telle. Si une commission parlementaire pouvait amener une plus grande sensibilisation des membres de l'Assemblée et de la population quant à l'importance économique de l'industrie touristique, j'en serais fort aise. Sauf que, ce que propose le député de Terrebonne c'est plutôt une commission parlementaire qui porterait sur le projet de loi 19.

Or, Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion de le signaler, le projet de loi 19, sous une forme à peine différente, est devant l'Assemblée nationale depuis juin 1986, c'est-à-dire depuis maintenant presque un an. Effectivement, non seulement le projet de loi 19 était-il disponible, connu et pouvait donc être scruté à la loupe par tous ceux que la chose intéresse mais, en plus, le ministère du Tourisme et l'institut lui-même ont procédé à des consultations organisées de telle sorte qu'on en est venu à la conclusion qu'on devait réimprimer et présenter un nouveau projet de loi - le projet de loi 19 - au moment où nous avons commencé une nouvelle session, en mars dernier.

Je ne vois vraiment pas l'éclairage additionnel qu'une commission parlementaire pourrait apporter sur le projet de loi 19. Bien sûr, on ne se cachera pas qu'H existe un différend entre les professeurs, leur syndicat et la Direction gêné-

rale de l'institut mais, Mme la Présidente, ce n'est pas par le biais du projet de loi 19 qu'on doit tenter de répondre aux appréhensions de part et d'autre.

Quand on parle, du côté de l'Opposition, du conseil d'administration et qu'on s'interroge sur l'opportunité d'avoir des représentants de tel ou tel secteur, il faudrait au moins convenir d'un certain nombre de choses qui sont à la base même des conseils d'administrations d'organismes semblables. D'abord, j'ai déjà énoncé ce qui a trait à la clientèle. La clientèle comprend tout le secteur de l'industrie touristique, les hôteliers, la restauration, les opérateurs d'attractions touristiques, bref, tous ceux qui oeuvrent de façon directe ou indirecte dans l'industrie touristique, mais aussi, évidemment, tous ceux qui y travaillent, les employés et, dans le cas qui nous préoccupe, celui de l'Institut de tourisme, les étudiants de l'institut. J'ai déjà indiqué qu'à la suite de représentations et de discussions avec l'Association des étudiants de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, j'apporterais un amendement qui permettra de prévoir dans la loi une représentation des étudiants au conseil d'administration.

Il faut dire et souligner que le projet de loi prévoit que ce conseil d'administration sera composé d'au moins sept et d'un maximum de onze personnes et qu'il y aura lieu pour le gouvernement de nommer d'autres représentants, d'autres clientèles au sein du conseil d'administration. D'ailleurs, c'est dans les domaines du tourisme qu'on ira recruter les personnes qui pourront le mieux servir comme membres du conseil d'administration de l'institut.

C'est bien sûr que c'est dans le domaine de l'hôtellerie, de la restauration, du tourisme et même, pour consacrer justement le caractère fondamental de l'aspect formation de l'institut, on prévoit nommément, dans le projet de loi, que deux des membres du conseil d'administration devront être nommés, un par le ministre de l'Éducation, sur recommandation du ministre de l'Éducation et un autre sur recommandation du ministre de l'Enseignement supérieur. C'est donc dire que parmi toutes ces personnes, il y en aura deux qui seront spécifiquement des gens représentatifs du milieu scolaire, un autre qui proviendra de l'Association des étudiants eux-mêmes, selon un mécanisme qu'on pourra préparer ensemble en commission parlementaire. Évidemment, il y a le président du conseil d'administration qui, lui, sera nommé par le gouvernement à même les sept ou onze membres et il y a le directeur général.

On s'est posé la question du côté de l'Opposition pourquoi un vote au directeur général et pourquoi pas à des représentants des professeurs? Pourquoi le vote au directeur général, c'est tout simplement parce que le directeur général est membre du conseil d'administration et n'est pas fonctionnaire comme tel. Le directeur général de l'institut n'est pas un membre de la fonction publique, mais bien un cadre et donc, à ce titre, fait partie de la direction et peut faire partie de l'administration et voter dans ce sens. Pourquoi ne pas avoir retenu la demande qui nous a été renouvelée d'ailleurs par le syndicat des professeurs de l'institut d'avoir un représentant ou des représentants au conseil d'administration? C'est tout simplement par cohérence législative. Dans un premier temps, le syndicat des professeurs, de même que les deux autres syndicats affiliés à l'institut nous avaient fait une demande. Le premier projet de loi, le 56 qui avait été déposé en juin 1986, prévoyait que les employés de l'institut n'étaient plus assujettis à la Loi sur la fonction publique.

À la suite de demandes de ces trois centrales syndicales, nous avons accédé à leur souhait d'amender le projet de loi pour que dorénavant, finalement la situation, le statu quo demeure et que l'ensemble des employés, incluant les professeurs, demeurent assujettis à la Loi sur la fonction publique plutôt que régis simplement par les règlements de l'institut. Ce qui veut dire que nous devons, à ce moment, employer le cadre de référence des lois des sociétés analogues. On ne peut pas comparer, par exemple, comme le faisait le député de Saint-Jacques tantôt, l'institut au conseil d'administration d'un hôpital ou d'un cégep ou d'une université parce que, dans l'hôpital ou dans le cégep en question, les professeurs, dans le cas du cégep, par exemple, ne sont pas membres de la fonction publique alors qu'ici à l'institut et ce à la demande du syndicat des professeurs, ils demeureront membres de la fonction publique.

Sauf erreur, Mme la Présidente, il n'y a aucune société d'État, c'est peut-être d'ailleurs la première société d'État où les employés seront tous assujettis à la Loi sur la fonction publique. Chose certaine, il n'y a aucun conseil d'administration nulle part qui donne une représentation à des membres de la fonction publique au sein de ce conseil d'administration. C'est ce qui nous a fait offrir au syndicat des professeurs cette alternative de conserver la Loi sur la fonction publique et ainsi perdre la possibilité d'une représentation au conseil d'administration ou, à l'inverse, d'être régi par des règlements de l'institut comme le prévoyait le projet de loi original no 56 et alors avoir droit à des représentants au conseil d'administration. (16 h 40)

La réponse est venue très clairement de la part du syndicat à savoir qu'on préférait maintenir la Loi sur la fonction publique applicable à l'ensemble des employés de l'institut, incluant les professeurs. C'est ce qui explique que, pour les étudiants, une clientèle, on amendera le projet de loi pour leur donner une représentation au conseil d'administration alors que, pour les professeurs, employés de la fonction publique au sein de l'institut, il nous sera impossible de donner suite à cette demande.

Voilà, en bref, Mme la Présidente, quelques-unes des explications que je désirais apporter à ce moment-ci de nos travaux. Le député de Terrebonne a parlé, notamment de la dépendance à l'égard de l'Europe de l'industrie hôtelière québécoise. Je pense que le député de Chauveau a apporté une partie de la réponse à cet argument. Effectivement, les ententes que l'institut a pu conclure avec ces institutions à l'extérieur du Québec n'ont rien à voir avec une dépendance quelconque, mais ont tout à voir avec le rayonnement de l'institut à l'extérieur.

Par exemple, lorsqu'on reproche à mots à peine voilés les missions et voyages à l'étranger, il faut bien savoir que le personnel de la direction de l'institut qui effectue ces voyages et ces visites à l'étranger le fait, la plupart du temps, à la demande d'un ministère sectoriel, par exemple, à la demande du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour la promotion de l'agro-alimentaire ou à la demande du ministère du Commerce extérieur pour de l'équipement, de la formation, de l'expertise. D'ailleurs, ces missions à l'étranger ont des retombées économiques extrêmement importantes pour le Québec. Par exemple, l'achat de quatre tonnes de charcuterie québécoise lors d'une réception donnée par l'institut à la Maison du Québec en république Dominicaine, ou l'embauche en république Dominicaine par un groupe d'hôteliers d'un certain nombre de diplômés de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. Bref, il ne faut pas voir dans les activités de l'institut à l'extérieur du Québec un simple désir de relations publiques, mais bien l'entretien de relations d'affaires, de relations commerciales qui sont tout à fait utiles et bénéfiques pour le Québec.

Quant à la reconnaissance par les universités québécoises des diplômes de l'institut, je pense qu'il y a là beaucoup de renseignements erronés qui ont pu être véhiculés et qui, sûrement, ont été repris par les membres de l'Opposition. Nous fournirons l'ensemble des données et des informations en commission parlementaire sur la situation telle qu'elle existe, sur la collaboration qui doit exister entre l'institut et le ministère de l'Éducation, d'une part, et le ministère de l'Enseignement supérieur, d'autre part, et, finalement, sur les relations qui doivent continuer d'être harmonieuses et heureuses entre l'institut et l'industrie touristique québécoise comme telle.

La réputation de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec n'est plus à faire. D'abord, au Québec, auprès de la clientèle qui reconnaît d'emblée les services rendus par l'institut en matière de formation, de consultation, d'information et, à l'extérieur, auprès d'un grand nombre d'intervenants touristiques qui reconnaissent la qualité de la formation offerte par l'Institut de tourisme du Québec. Si l'institut jouit d'une situation exemplaire au Canada, en Amérique du Nord, c'est surtout grâce aux efforts et au travail acharné des gens qui y ont oeuvré depuis sa fondation, il y a 20 ans, incluant les gens de la direction actuelle qui se dévouent corps et âme au profit de l'institut et ce, dans certains cas, depuis au-delà de dix ans.

Je n'hésite donc pas à souhaiter que l'Assemblée nationale adopte le principe du projet de loi 19 et à souhaiter que nous puissions en commission parlementaire répondre à toutes les questions, à toutes les appréhensions de l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, de façon que, tel que prévu dans le projet de loi, dès le 30 juin prochain, l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec atteigne enfin son autonomie et devienne une société d'État autonome qui pourra mieux répondre de ses efforts, notamment et surtout dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre dans la restauration, l'hôtellerie et le tourisme québécois.

Le Vice-Président: Le débat étant terminé à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que le principe du projet de loi 19, Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, est adopté?

M. Brassard: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Gratton: M. le Président, je vous prierais maintenant d'appeler l'article 6 du feuilleton, s'il vous plaît! Je m'excuse, au préalable, je voudrais faire motion pour que le projet de loi 19 soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

M. Brassard: Adopté.

Projet de loi 3 Adoption du principe

Le Vice-Président: Adopté. Nous arrivons donc à l'article 6 du feuilleton. M. le ministre de la Justice propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 3, Loi modifiant le Code civil en matière de copropriété et d'em-phytéose. Je cède donc la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Le projet de loi présenté aujourd'hui a comme objectif la coexistence juridique de la copropriété, d'une part, avec l'emphytéose et, d'autre part, avec le

droit de superficie. Avant de souligner les points majeurs des modifications proposées à ce projet, il m'apparaît important de vous dresser un court tableau de la situation actuelle.

D'un côté, vous avez le bail emphytéotique qui constitue une formule souvent utilisée pour la cession d'immeubles, compte tenu des avantages qu'il présente. Vous savez que ce bail est un contrat par lequel le propriétaire cède son immeuble à un emphytéote, à la charge pour ce dernier d'y faire des améliorations. Le bail doit être d'une durée de 9 à 99 ans. À l'expiration de ce bail, le propriétaire reprend l'immeuble et les améliorations qui y ont été faites.

Le droit de l'emphytéote est donc temporaire. C'est ainsi que le bail emphytéotique favorise l'exploitation de nombreux terrains détenus par les grandes villes ou par le gouvernement, lesquels désirent souvent en conserver la propriété. De plus, le prix de ces terrains étant généralement fort élevé, le bail emphytéotique permet de les exploiter à un coût relativement bas. Ceci compense d'ailleurs le fait que l'emphytéote n'a qu'un droit temporaire, car le prix est fixé en conséquence.

D'un autre côté, nous avons la formule de la copropriété divise qui est devenue fort populaire auprès des individus, comme mode d'accès à la propriété. Les promoteurs acquièrent souvent des immeubles à titre de preneurs emphytéotiques et développent sur ces immeubles un projet de copropriété. Plusieurs déclarations de copropriétés ont donc été enregistrées, jusqu'à ce jour, sur des immeubles faisant l'objet de baux emphytéotiques. À titre d'exemple, qu'il nous suffise de mentionner le projet en cours du village du parc du Mont-Saint-Anne.

Même si l'expiration du bail emphytéotique met fin à la copropriété, il arrive que l'achat d'une propriété ne constitue pas pour tous un bien à conserver dans leur patrimoine au bénéfice de leur descendance ou encore une capitalisation. Pour certains, les préoccupations sont davantage à court et à moyen terme. De toute façon, la durée d'un bail emphytéotique sur un immeuble détenu en copropriété équivaut généralement à l'expectative de vie de l'immeuble.

Malheureusement, il existe toujours une controverse quant à la possibilité que coexistent, juridiquement, l'emphytéose et la copropriété, controverse qui est d'ailleurs encore plus présente depuis le récent jugement de la Cour supérieure dans l'affaire Roy contre la Société immobilière du cours Le Royer. Dans cette affaire, la cour déclare que l'enregistrement d'une déclaration de copropriété sur un immeuble faisant l'objet d'un bail emphytéotique est impossible et nul. (16 h 50)

Ce récent jugement remet donc en cause, non seulement la possibilité de donner suite au projet de développement prévu au parc du Mont-Sainte-Anne, mais il met aussi en question tous les autres projets de même nature élaborés au

Québec, ces dernières années, sur la base de baux emphytéotiques.

Vous n'êtes pas sans savoir que la loi portant réforme au Code civil du Québec des droits des personnes, des successions et des biens (1987, chapitre XVIII), clarifie cette situation et reconnaît la coexistence de l'emphytéose et de la copropriété. Cette loi reconnaît aussi la coexistence de la copropriété et du droit de superficie, même si cette question est moins controversée. Toutefois, elle ne pourrra être en vigueur avant 1990. Il paraît donc important de ne pas attendre cette réforme et de moderniser immédiatement le Code civil du Bas-Canada, afin d'éviter que ne soient remis en cause tous les projets de copropriété, présents et à venir, établis sur un immeuble faisant l'objet d'une emphytéose ou d'une propriété superficial.

Le projet de loi qui est présenté aujourd'hui s'inspire des principes déjà adoptés au nouveau Code civil, sous réserve de quelques précisions. Sans aller trop dans les détails, je me contenterai, M. le Président, de souligner quatre points majeurs qui méritent d'être retenus.

Tout d'abord, le projet distingue le cas où fa déclaration de copropriété est enregistrée sur un immeuble construit par l'emphytéote, du cas où elle est enregistrée sur un immeuble déjà construit et cédé par emphytéose. Dans le premier cas, il s'agit d'une déclaration de copropriété, alors que dans le deuxième cas il s'agira plutôt d'une déclaration de coemphytéose, soumise toutefois aux règles de la déclaration de copropriété. Dans ce dernier cas, il ne s'agit pas de la division du droit de propriété mais plutôt de celle du droit d'emphytéose. Afin de protéger l'acheteur, il est prévu que la déclaration de copropriété ou de coemphytéose, selon le cas, ne pourra être enregistrée que si la durée non écoulée du droit d'emphytéose ou de droit de superficie est supérieure à 50 ans au moment de l'enregistrement de cette déclaration.

En deuxième lieu, le projet reprend le principe du nouveau Code civil qui accorde un droit de rachat aux administrateurs de la copropriété, en cas de vente de l'immeuble faisant l'objet d'une emphytéose ou sur lequel a été créée une propriété superficial. Ainsi, les administrateurs pourront acquérir, au nom des copropriétaires, les droits de l'acheteur de l'immeuble, en lui remboursant le prix de la cession et les frais qu'il a acquittés. À ce moment, le droit des copropriétaires dans l'immeuble perdra son caractère temporaire, pour devenir permanent.

En troisième lieu, le projet de loi reconnaît le principe de renouvellement possible du droit d'emphytéose, lorsque ce droit porte sur un immeuble détenu en copropriété, sans que l'emphytéote ne soit obligé d'apporter à nouveau des améliorations à l'immeuble.

Enfin, le projet ratifie les déclarations de copropriété qui ont été, jusqu'à ce jour, enregistrées sur un immeuble déjà construit

faisant l'objet d'un bail emphytéotique, sur un immeuble construit par un emphytéote ainsi que sur un immeuble faisant l'objet d'une propriété superficiaire. Toutefois, le projet n'a pas pour but de valider une déclaration de copropriété qui serait invalide pour toute autre raison que celle d'avoir été enregistrée sur de tels immeubles.

Ce projet de loi reprend donc les principes déjà adoptés dans le cadre de la réforme du Code civil et vise à mettre immédiatement fin aux incertitudes actuelles. Attendre l'entrée en vigueur du nouveau Code civil risquerait de mettre en péril les projets de développement où coexistent actuellement la copropriété et l'em-phytéose ou le droit superficiaire. Cela pourrait aussi avoir comme conséquence de freiner le développement de tels projets.

Je soumets donc ce projet à l'Assemblée nationale et je demande que le principe soit adopté. Merci.

Le Président: Nous allons poursuivre ce débat avec M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi 3, projet de loi modifiant le Code civil en matière de copropriété et d'emphytéose. Il s'agit là d'un projet de loi éminemment technique comme d'ailleurs son nom le signale. Mais même s'il est technique, il n'en comporte pas moins pour autant des conséquences importantes pour les personnes qui pourraient être impliquées par le type de transaction où l'on retrouve à la fois un bail emphytéotique et, également, une déclaration de copropriété.

Ce projet de loi, donc, a pour objet de permettre l'enregistrement d'une déclaration de copropriété sur un immeuble construit par un détenteur de bail emphytéotique ainsi que sur un immeuble qui fait l'objet d'une propriété superficiaire.

Ce projet de loi innove, également, en créant ce qu'il y aurait lieu d'appeler désormais la déclaration de coemphytéose. Pour les étudiants en droit qui avaient de la difficulté avec le bail emphytéotique, on vient maintenant de leur créer la déclaration de coemphytéose. Celle-ci est, en fait, l'enregistrement d'une déclaration dont les règles seront les mêmes que celles qui régissent la déclaration de copropriété sur un immeuble déjà construit et faisant l'objet d'un bail emphytéotique. Finalement, le projet de loi a un effet rétroactif puisqu'il ratifie, pour le passé, tout enregistrement d'une déclaration de copropriété faite sur de tels immeubles.

Donc, à première vue, le projet de loi semble à l'avantage de tous. Néanmoins, certains éléments nous apparaissent susciter une analyse approfondie.

D'abord, ma première remarque a pour objet de noter le fait que plusieurs des dispositions contenues dans le projet de loi 3 se retrouvent dans le projet de loi 20 qui, on le sait, apportait réforme au Code civil. Or, ce projet de loi 20, bien sûr, n'est pas encore en vigueur. Comme on retrouve des dispositions tout à fait semblables, j'aurais aimé que le ministre me dise, peut-être en réplique ou en commission parlementaire, quelle est l'urgence de procéder à l'adoption de ce projet de loi maintenant? Pourquoi ne pas faire en sorte que le projet de loi 20 soit tout simplement entré en vigueur?

Il y a également l'aspect de la rétroactivité pour lequel le ministre devra nous assurer qu'aucun bailleur ne subira de préjudice par un changement des règles du jeu. On sait - je le répète - que ce projet de loi comporte un effet rétroactif puisqu'il ratifie, pour le passé, tout enregistrement d'une déclaration de copropriété faite sur de tels immeubles. Alors je me demande à quel cas précis cela s'applique. Je vais avouer, M. le Président, qu'on m'a chuchoté - et sans qu'aucune vérification ne soit faite - que le cas du Mont Sainte-Anne pouvait être visé par ce projet de loi. On sait qu'il a existé, en ce qui concerne le Mont Sainte-Anne, toute une série de procédures judiciaires afin de démêler une situation juridique passablement complexe. Donc, il y a l'aspect de la rétroactivité pour lequel le ministre devra nous assurer qu'aucun bailleur ne subira de préjudice par ce changement des règles du jeu.

Et ce, d'autant plus que ce projet de loi introduit - je pense que c'est l'article 8 - une modification aux règles de déchéance du bail emphytéotique. En effet, selon les dispositions actuelles du Code civil et particulièrement à l'article 574, l'emphytéote est tenu de payer une rente annuelle. S'il laisse passer trois années sans le faire, il peut être déclaré en justice déchu de l'immeuble. C'est une disposition qui est tout à fait raisonnable que celle de la disposition du Code civil, la déchéance en justice étant une des quatre causes de l'extinction de l'emphytéose. La déchéance en justice peut également être prononcée lorsqu'il y a détérioration de l'immeuble mais... Or, l'article 8, je crois, du projet de loi 3 que nous étudions, vient modifier l'article 574 du Code civil de façon que la déchéance ne puisse plus être prononcée lorsqu'une copropriété est établie sur un immeuble construit par l'emphytéote ou lorsque l'immeuble fait l'objet d'une déclaration de coemphytéose. (17 heures)

Cette disposition apparaît, à première vue - à première vue je dis bien - comme un retrait abusif des droits du bailleur qui ne sont pas exorbitants. Le paiement de la rente étant une condition, une obligation tout à fait naturelle, fondamentale, du bail emphytéotique - sinon quel est l'avantage de consentir à un bail emphytéotique? - on comprend mal l'abolition de la déchéance en justice pour non-paiement de la rente. Il nous semble qu'une solution mitoyen-

ne aurait été possible comme, par exemple, un avis obligatoire au copropriétaire avant le prononcé de la déchéance. On pourrait également obliger un des copropriétaires à payer la rente quitte à lui fournir par la suite un recours ultérieur afin d'obliger son copropriétaire à rembourser, en quelque sorte, sa quote-part. Cette modification est d'autant plus dangereuse pour le bailleur que le projet de loi prévoit un élément de rétroactivité, je l'ai souligné tantôt.

C'est ainsi que, par l'effet combiné des articles 3, 5 et 8 du projet de loi, on peut très bien imaginer l'hypothèse d'un bailleur sur le point de voir prononcer une déchéance pour non-paiement successif de la rente qui recevrait un avis lui annonçant que, désormais, son immeuble est l'objet d'une déclaration de copropriété et qu'aucune déchéance ne peut désormais être prononcée. C'est le problème du conflit entre le Code civil et le projet de loi 3. Je soulève donc cette question dans l'espoir d'éviter qu'une injustice ou qu'une situation injuste ne puisse se produire.

Le dernier point précis que j'aimerais porter à l'attention du ministre, c'est l'article 7 du projet de loi qui prévoit que le bail emphytéotique sur lequel est construit un immeuble en copropriété ainsi que celui qui porte sur un terrain ou sur un immeuble construit peuvent être renouvelés sans que le preneur soit obligé d'y faire des améliorations. On sait que la charge de faire des améliorations est une condition essentielle à la formation d'un bail emphytéotique et, encore une fois, c'est le bon sens qui nous guide. Un bail emphytéotique est généralement consenti pour une très longue période de temps. On connaît des baux emphytéotiques de 99 ans. Il y en a pour une durée un peu moindre, mais on conçoit l'obligation pour celui qui détient ce bail emphytéotique d'effectuer des réparations, des améliorations. En laissant tomber cette obligation d'amélioration, ne risque-t-on pas de renverser l'équilibre économique au profit du preneur? Un tel renversement ne peut-il pas être néfaste? C'est une hypothèse que je soumets au ministre tout simplement.

En commission parlementaire, et peut-être que le ministre peut me répondre maintenant, est-ce que le Barreau a été consulté sur ce projet de loi, notamment en ce qui concerne les articles 4 et 5? Quelle est l'urgence, quel est le but, quel est l'objectif du projet de loi? Pourquoi agir maintenant en ce qui concerne le projet de loi 3? Si on avait voulu régler une situation précise, on aurait pu adopter un projet de loi privé. Là, quand même, on modifie des dispositions importantes de notre Code civil. Pourquoi? Qu'est-ce qui se passe? Quelle est la raison pour laquelle on veut légiférer maintenant? Donc, sous réserve des réponses que nous fournira le ministre, maintenant ou en commission parlementaire, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe et nous avons plutôt l'intention de concourir à l'adoption de ce projet de loi, mais sous réserve, encore une fois, des questions que j'ai posées au ministre. Peut-être voudra-t-il profiter du temps maintenant, ou en commission parlementaire, pour répondre aux questions que je lui ai posées.

Le Vice-Président: Très bien, M. le député de Taillon.

Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Justice pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Herbert Marx (réplique)

M. Marx: M. le Président, nous avons pris note des questions soulevées par le député de Taillon et, étant donné que ce sont des questions très techniques, il serait mieux de les discuter en commission parlementaire. Je vais faire le mieux possible pour fournir des réponses au député de Taillon lors de la commission parlementaire avant qu'on adopte le projet de loi article par article. Merci.

Le Vice-Président: Le débat étant maintenant terminé à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que le principe du projet de loi 3, Loi modifiant le Code civil en matière de copropriété et d'emphytéose, est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi à la commission des institutions pour son étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Cela dit, M. le Président, je vous prie d'appeler l'article 10 du feuilleton.

Projet de Loi 8 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 10 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Je cède donc la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx

M. Marx: M. le Président, on m'informe que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Le projet de loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels que nous étudions aujourd'hui revêt, pour moi, une très grande importance, car il traduit notre volonté de répondre adéquatement aux besoins et préoccupations des victimes d'actes criminels et de leur assurer les services d'aide les plus appropriés.

Avant de présenter les mesures proposées par le projet de loi, je voudrais, M. le Président, brosser le tableau de la situation dans laquelle se retrouvent actuellement les victimes d'actes criminels.

Nous connaissons tous la situation pénible dans laquelle se retrouvent les victimes d'infractions contre la personne ou contre les biens, et les préjudices qu'elles encourent. Celles-ci doivent parfois supporter des pertes matérielles imposantes, qu'il s'agisse des coûts reliés aux biens volés ou endommagés ou des coûts indirects reliés à la perte de revenus. Les pertes matérielles ne constituent toutefois qu'un aspect des préjudices subis par les victimes. Il ne faut surtout pas oublier les souffrances physiques et psychologiques qu'elles éprouvent et qui modifient considérablement tant leur mode de vie que leur quai il té de vie.

Déjà profondément affectées par le crime dont elles ont été victimes, celles-ci se voient confrontées au système de justice pénale. Ce système, comme celui de la plupart des pays, s'est développé en termes de rapports entre l'État et le délinquant, en ne laissant bien souvent à la victime qu'un rôle secondaire, soit celui de simple instrument de la preuve. On peut alors comprendre que la victime, peu informée de ses droits et du déroulement des procédures, se sente comme le parent pauvre de notre système de droit pénal. Loin de répondre à ses besoins et à ses préoccupations, une telle situation peut avoir pour effet d'accroître son anxiété et d'aggraver ses difficultés. Sa confiance dans l'appareil judiciaire peut alors s'en trouver ébranlée et elle peut même devenir réticente à collaborer avec les autorités chargées de l'application de la loi.

Heureusement, M. le Président, nous assistons depuis peu à une prise de conscience des besoins des victimes. Au Québec, le ministère de la Justice n'est pas resté insensible face à la situation des victimes. Déjà, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, adoptée en 1972, leur permet d'obtenir de l'État une compensation pécuniaire très équitable. Je tiens d'ailleurs à souligner que le régime québécois d'indemnisation des victimes d'actes criminels est le plus généreux au pays. Par ailleurs, nous avons pris d'autres mesures pour minimiser les inconvénients découlant de la participation des victimes au processus de justice pénale et pour répondre adéquatement à leurs besoins de soutien, de réconfort et d'information. Ainsi, des mesures administratives ont été prises afin d'accélérer la remise aux victimes des biens saisis déposés en preuve dans les procédures pénales. De plus, je voudrais souligner l'importance de la politique d'intervention en matière de violence conjugale qui a été adoptée il y a deux ans par le ministère de la Justice et celui du Solliciteur général et qui vise à favoriser une intervention concertée et énergique pour contrer la violence conjugale et à accorder à la victime une attention et un soutien plus soutenus.

Il s'agit là, M. le Président, de mesures non négligeables et qui témoignent des efforts entrepris à tous les niveaux.

La tournée de consultation que j'ai menée dans toutes les régions du Québec l'an dernier m'a toutefois permis de constater que ces mesures, même si elles sont bien reçues, se révèlent encore insuffisantes pour répondre pleinement aux besoins et préoccupations des victimes. (17 h 10)

Le projet de loi propose une politique globale d'aide aux victimes d'actes criminels, d'abord en reconnaissant clairement leurs droits, ensuite en établissant des mécanismes administratifs de nature à soutenir l'action des organismes communautaires qui dispensent des services d'aide et, enfin, en pourvoyant au financement de ces services.

À ce titre, il m'apparaft qu'une législation québécoise consacrant les droits des victimes contribuerait à affirmer la volonté du Québec de garantir, dans le cadre de l'administration quotidienne de la justice, le respect de ces droits.

Notre système de droit pénal, fondé sur la présomption d'innocence, accorde depuis longtemps aux personnes accusées d'un acte criminel des garanties juridiques leur assurant un traitement équitable.

Toutefois, il me semble tout à fait légitime de reconnaître que les victimes ont, elles aussi, des droits et que la société devrait en tenir compte. J'estime donc que le fait de consacrer législatrvement les droits des victimes d'actes criminels contribuerait, sans pour autant priver l'accusé de ses droits, à établir un meilleur équilibre entre les droits respectifs du contrevenants et de la victime. De plus, cette reconnaissance contribuerait à rassurer la victime en lui garantissant un traitement équitable et favoriserait ainsi sa collaboration avec les autorités chargées de l'application de la loi.

Le projet de loi vient reconnaître le droit de la victime de recevoir une indemnité raisonnable pour les frais encourus en vue de rendre témoignage, le droit de recevoir, de façon prompte et équitable, un dédommagement ou une indemnisation pour les dommages subis de même que le droit de se voir restituer les biens saisis

dans les meilleurs délais lorsqu'ils ne sont plus nécessaires pour les fins de la justice.

Une autre attente qui mérite d'être comblée est celle du droit à l'information. En effet, on constate qu'actuellement, faute d'information adéquate, la victime peut se sentir démunie et impuissante face à la situation dans laquelle elle se trouve. Souvent, elle ne connaît pas ses droits. Elle ne sait pas où s'adresser pour les exercer et obtenir de l'aide. Ne sachant pas exactement ce qu'on attend d'elle et ce qu'elle peut espérer du système de justice pénale, elle entretient parfois des craintes face a l'appareil judiciaire.

Le projet de loi vient donc reconnaître ie droit de la victime à une information aussi complète que possible sur ses droits et recours, sur son rôle dans le cadre du processus judiciaire, sur l'état et l'issue des procédures et sur l'existence des services propres à lui assurer l'assistance médicale, psychologique et sociale requise. La reconnaissance de tels droits, appuyée des mesures administratives propres à en assurer l'efficacité, répondra certainement aux demandes maintes fois formulées par les victimes.

De la même façon, le projet de loi vient consacrer le droit de la victime, compte tenu des ressources disponibles, de recevoir l'assistance médicale, psychologique et sociale que requiert son état ainsi que des services d'aide appropriés à ses besoins en matière d'accueil, d'assistance et de référence aux autres services les plus aptes à lui venir en aide. La victime se voit reconnaître également le droit de bénéficier de mesures de protection contre les menaces et les représailles de la part de son agresseur.

Toutes ces garanties devraient contribuer à atténuer les inconvénients de la participation de la victime au processus pénal et à accorder à la victime la place qui lui revient.

Enfin, comme corrollaire de ces droits, le projet de loi énonce la responsabilité de la victime de collaborer, dans la mesure du possible, avec les autorités chargées de l'application de la loi.

Le second volet du projet de loi prévoit pour les victimes des services d'aide appropriés. Pour assurer une application pratique des droits des victimes, le projet de loi prévoit en effet l'implantation de structures administratives qui feront en sorte que les victimes reçoivent les services répondant à leurs besoins. Le projet de loi favorise l'implantation et le maintien de centres d'aide aux victimes d'actes criminels par les groupes et les organismes communautaires désireux de s'impliquer dans les programmes d'aide aux victimes d'actes criminels.

Ces groupes de bénévoles auront pour fonction de dispenser des services de première ligne aux victimes de façon complémentaire aux services publics et parapubiics existants. Ces centres d'aide, qui pourront être situés dans des palais de justice ou être intégrés à des organismes communautaires existants, assureront un service d'accueil aux victimes, les informeront sur leurs droits et. leurs recours, de même que sur leur rôle dans le processus judiciaire. Ils auront également un rôle de support et d'accompagnement auprès de la victime dans ses démarches.

Par ailleurs, afin de s'assurer du sérieux des organismes impliqués, les centres d'aide devront prendre certains engagements envers le ministre de la Justice. Il importe en effet que certaines normes minimales soient respectées afin d'assurer une certaine uniformité des services offerts de même que leur accessibilité de façon continue. Les organismes qui auront pris ces engagements se verront alors reconnus officiellement.

Également, le projet de loi propose fa création au ministère de la Justice du Québec d'un bureau d'aide aux victimes d'actes criminels. Ce bureau aura entre autres pour fonction de faire la promotion des droits des victimes et de veiller au développement des programmes d'aide aux victimes ainsi qu'à la concertation et à la coordination des groupes et organismes communautaires qui dispensent des services d'aide aux victimes. Considérant le nombre d'intervenants, ce rôle de concertation et de coordination m'ap-paratt essentiel pour canaliser les efforts pour assurer l'efficacité des actions des divers intervenants et pour éviter la dispersion des énergies. Enfin, et surtout, le bureau d'aide aux victimes d'actes criminels aura pour fonction de favoriser l'implantation et le maintien des centres d'aide et d'encourager les groupes de bénévoles et les organismes communautaires à participer à la mise sur pied et à la prise en charge de ces centres. Pour ce faire, le bureau fournira à ces groupes et organismes l'assistance technique et professionnelle requise pour l'établissement et le fonctionnement des centres d'aide. (17 h 20)

Le dernier volet du projet de loi se rapporte au financement des services d'aide aux victimes d'actes criminels. À cet effet, l'un des apports importants du projet de loi est d'assurer un financement efficace et stable de ces services au moyen de diverses sources de financement. La première de ces sources est constituée par les suramendes compensatoires imposées en vertu du Code criminel. Ces suramendes compensatoires sont prévues par un projet de loi fédéral modifiant le Code criminel dont l'adoption par le Parlement canadien est imminente. Selon ce projet de loi fédéral, une suramende compensatoire sera dorénavant ajoutée à l'amende imposée aux personnes reconnues coupables d'une infraction au Code criminel, à la Loi sur les stupéfiants, et à la Loi sur les aliments et drogues. Les recettes de ces suramendes, qui sont perçues par les provinces en même temps que les amendes, doivent être affectées exclusivement - j'insiste - à l'aide aux victimes d'actes criminels. C'est-à-dire, M. le Président, que si quelqu'un a une amende de 500 $ en

vertu du Code criminel pour avoir commis une infraction, il pourrait avoir une suramende de 50 $ ou 60 $ et cet argent, 50 $ ou 60 $ serait affecté aux services d'aide aux victimes d'actes criminels.

Une autre source de financement proviendra des sommes versées par le gouvernement du Canada dans le cadre d'un accord avec le Québec qui est actuellement en voie de négociation. Au terme de cet accord, le Québec recevra du gouvernement canadien une contribution financière annuelle qui devra encore être affectée exclusivement aux programmes d'aide aux victimes d'actes criminels.

Le projet de loi vient confirmer l'affectation de ces deux sources de financement à l'aide aux victimes d'actes criminels en octroyant à l'aide aux victimes des crédits permanents équivalent aux suramendes compensatoires et à la contribution fédérale qui seront perçues par le Québec. À ces crédits permanents pourront s'ajouter les crédits que le gouvernement pourrait accorder annuellement à l'aide aux victimes.

Afin de rassurer les divers intervenants sur la stabilité du financement des services d'aide et sur l'affectation au développement des sources de financement dont je viens de faire état, le projet de loi prévoit qu'elles seront versées dans un fonds spécial. À cette fin, le projet de loi prévoit la constitution de ce fonds d'aide aux victimes d'actes criminels au sein même du ministère de la Justice. À court terme et jusqu'à ce que les sources de financement dont j'ai parlé génèrent des revenus, le projet de loi prévoit que le ministre des Finances pourra avancer au fonds d'aide des sommes prises sur le fonds consolidé du revenu.

Voilà, M. le Président, qui devrait rassurer les divers intervenants sur la disponibilité et la stabilité des sources de financement des programmes d'aide aux victimes d'actes criminels et répondre à leurs voeux. Je peux vous dire tout de suite que cette année, nous avons eu des crédits de 1 800 000 $ pour engager plus de procureurs de la couronne et de personnel de soutien. Lorsque j'ai été nommé ministre de la Justice, en décembre 1985, il y avait 223 postes de procureurs de la couronne. Aujourd'hui, il y en a 267 et avec les 1 800 000 $, il serait possible d'engager encore des dizaines de procureurs de la couronne. Donc, on va vers une couronne d'à peu près 300 procureurs et il y en avait seulement 223 lorsque j'ai été nommé, le 12 décembre 1985. Je pense que cela démontre que nous avons fait du progrès et la nécessité d'avoir plus de procureurs de la couronne, c'est de traiter des dossiers, par exemple, de violence conjugale au sujet de laquelle nous avons fait des interventions énergiques depuis deux ans.

De plus, nous avons obtenu au ministère du Solliciteur général 1 000 000 $ de plus pour engager des agents de probation. Cela aussi va aider les victimes d'actes criminels. Pour l'application du projet de loi 8, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, nous aurons pour la première année d'application de cette loi environ 2 000 000 $. Il s'agit donc, M. le Président, d'un budget, si je peux m'exprimer de cette façon, d'environ 5 000 000 $ de nouvel argent qu'on va mettre dans les programmes pour aider les victimes d'actes criminels. Enfin, j'espère que les mesures que je viens de proposer contribueront à améliorer le sort des victimes d'actes criminels. C'est là, M. le Président, que l'humanisation de la justice prendra son véritable sens. Merci.

Le Vice-Président: Toujours sur le projet de loi 8, je vais céder la parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Ce projet de loi 8 est un projet de loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Je pense que le nom indique bien l'objet du projet de loi. On écoute le ministre et on a l'impression qu'on sort du "big bang", c'est-à-dire que rien n'a été fait avant aujourd'hui. Pourtant, il existe déjà plusieurs choses, j'y reviendrai dans mon discours principal.

Le projet de loi contient également des éléments qui nous permettent d'avancer dans certains secteurs. Cependant, de façon générale, je tiens quand même à signaler au ministre ma déception vis-à-vis du fait que le projet de loi contienne peu d'éléments musclés et concrets, susceptibles de faire avancer la cause des victimes d'actes criminels.

Vous comprendrez qu'il est difficile pour moi de me réjouir du fart que l'on crée au ministère de la Justice un Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels et que l'on va y nommer des fonctionnaires. C'est une simple réforme administrative qui permet de créer, à l'intérieur de son ministère, un groupe de personnes qui sont préoccupées par tel ou tel aspect de l'activité ministérielle, et on n'a pas besoin de mettre cela dans une loi. Vous comprendrez avec moi qu'il est difficile pour moi de me réjouir lorsqu'on dit, par exemple, et c'est vraiment de la mauvaise législation, je prends cela uniquement pour illustrer mon propos - je cherche l'article précis, ah voilà! - à l'article 2: "La victime d'un acte criminel a le droit d'être traitée avec courtoisie, équité, compréhension et dans le respect de sa dignité et de sa vie privée." C'est le genre de chose qu'on n'a pas besoin d'écrire dans les lois parce qu'on cherche à traiter tout le monde au Québec - la Charte des droits et libertés est là également - dans le respect de sa vie privée, avec dignité, puis avec courtoisie. On n'écrit pas dans une loi, à mon sens en tout cas, qu'on doit traiter une victime d'acte criminel avec courtoisie. On doit traiter tout le monde avec courtoisie au Québec, y compris les victimes d'actes criminels. En ce sens-là, je vous donnerai des exemples un peu

plus tard, mais il me semble qu'au point de vue de la législation, ce projet de loi 8 m'apparaît rempli de voeux pieux, mais qui n'ont pas de retombées directes et concrètes pour les victimes d'actes criminels, qui en ont mais de façon insuffisante, à notre point de vue.

On sait que la situation de la victime, M. le Président, n'est pas toujours facile. Notre système judiciaire a longtemps méconnu les droits des victimes d'actes criminels. L'état déplorable dans lequel se retrouvaient, il y a à peine une dizaine d'années, la victime d'un acte criminel est consécutif cependant à la dynamique de notre système judiciaire criminel. On peut dire qu'il y a à peu près quinze ans au Québec, la personne qui savait le moins ce qui se passait à l'intérieur d'un palais de justice, c'était la victime d'un acte criminel. La situation s'est beaucoup améliorée, on le verra tantôt, grâce à l'IVAC, l'indemnisation des victimes d'actes criminels, grâce à l'INFOVAC, grâce également à certains services d'accueil qui sont en place dans les palais de justice depuis 1984, mais, il y a une quinzaine d'années, on était un peu dans la grande noirceur. C'est attribuable en partie encore une fois à la dynamique de notre système judiciaire, parce que, dans le droit criminel, on cherche à éloigner la victime d'un acte criminel du présumé coupable.

Cela vient un peu de la mentalité très compréhensible où on a voulu sortir la justice d'un contexte "Far West": oeil pour oeil et dent pour dent. Si, par exemple, vous mettez en contact la victime d'un acte criminel... Soyons plus précis, si je mets en contact le père d'une jeune fille qui a été tuée à l'occasion d'un viol, avec le présumé coupable, il y a des bonnes chances pour que la justice se fasse assez rapidement, parce que la personne qui a été victime d'un acte criminel, ou sa famille, ou ses amis, ou ses proches sont généralement dans un état d'émotion qui appelle beaucoup plus un type de justice oeil pour oeil, dent pour dent. C'est pour cela que, dans la dynamique de notre système judiciaire criminel, on a cherché à éloigner la victime du criminel, le criminel étant pris en charge, comme l'a mentionné le ministre tantôt, par l'État et c'est pour cela que l'on voit que les titres des procédures judiciaires, ce n'est pas X contre Y, c'est la reine contre M. X. (17 h 30)

Alors, si par exemple, vous êtes victime de voies de fait ou votre fille, encore une fois pour reprendre l'exemple de tantôt, est victime d'un viol et d'un meurtre, ce n'est pas vous qui poursuivez l'auteur du crime, c'est la reine, c'est l'État qui prend charge du criminel, mais en ce faisant, historiquement, on a éloigné la victime du processus judiciaire. Non seulement on l'a éloignée du coupable, mais on l'a éloignée du processus judiciaire aussi. La victime est un témoin qui reçoit un subpoena et elle est traitée comme n'importe quel autre témoin. Cela a été comme cela longtemps au Québec, à venir jusqu'à il y a une dizaine ou une quinzaine d'années. Encore une fois, cela s'explique pour des raisons historiques.

Les crimes ou les infractions qui sont reconnus dans le Code criminel sont donc principalement des gestes répréhensibles qui sont dirigés contre l'ordre social et le droit criminel vient protéger l'ordre social de façon tout à fait générale. Tout cela est dû au fait qu'on a bâti une société où on a tenté d'éliminer un esprit de vengeance, que je décrivais tantôt et qui est bien traduit par la maxime "oeil pour oeil, dent pour dent". Cet objectif était tout à fait louable et il était nécessaire. Au risque d'engendrer une forme d'anarchie, il fallait que l'État prenne en charge le criminel et il fallait tenter d'éloigner, de façon raisonnable, la victime du présumé coupable et du processus judiciaire. Mais, jusqu'à un certain point - d'ailleurs je pense qu'on peut s'interroger à savoir si on n'est pas allé un peu trop loin - je pense que les progrès qui ont été marqués dans la société québécoise depuis une dizaine d'années, constituent plutôt un retour, c'est-à-dire qu'on cherche à mieux intégrer la victime à l'intérieur du processus. C'est le premier facteur historique qui explique l'éloignement de la victime du système judiciaire.

Le deuxième facteur découle un peu du premier et tient au fait que le criminel étant à la charge de l'État, le traitement punitif à accorder au criminel a toujours fait l'objet de débats houleux dans notre société. Je relevais, dans les notes qui ont été préparées par le ministère de la Justice à l'occasion de la tournée effectuée par le ministre et ses fonctionnaires, dans l'élaboration du présent projet de loi, que cet argument, ce facteur, avait été fort bien expliqué. En deux mots, au lieu de s'attacher au sort fait aux victimes, l'attention s'est portée plutôt sur le châtiment.

On a seulement à regarder le type de débat qui entoure, par exemple, la peine capitale. Les gens discutent énormément de la peine capitale, mais est-ce qu'on discute autant du traitement qui est fait aux victimes d'actes criminels? Dans le cas de la peine capitale, la victime n'est pas là pour en parler, mais il y a sa famille, ses enfants, ses proches, ses amis, etc. Il y a donc eu des réformateurs qui ont développé une philosophie plus humaniste, à l'effet qu'il fallait réhabiliter le criminel et il y a en a d'autres qui ont adopté une philosophie un peu plus radicale en ce qui concerne la personne qui avait commis un crime. Chose certaine, c'est que ce type de débat entourant le traitement qui doit être accordé aux criminels a fait en sorte que le sort des victimes est souvent passé complètement inaperçu ou, disons, est passé au deuxième plan. On a parlé de la nécessité pour les criminels d'être aidés, d'être traités, d'être soignés. Mais, on parle peu, évidemment, ou on en a parlé peu dans le passé, historiquement, - je ne voudrais pas qu'on ait l'impression qu'on vient de rein-

venter le bouton à quatre trous aujourd'hui, pas du tout - mais, depuis dix ou quinze ans, on parle aussi de la nécessité d'aider, de traiter et de soigner les victimes. Il y a eu un débat enflammé autour du sort qui devait être fait aux personnes coupables, mais, pendant ce temps-là, on a oublié ou l'attention s'est détournée de la victime.

Troisième facteur, rapidement, qui explique cette disproportion entre les droits des criminels, si on veut, et ceux des victimes, qui sont à peu près inexistants, c'est que la répression du crime a toujours été un terrain de prédilection pour l'exercice de l'arbitraire par l'État. Dès ses origines, M. le Président, le "common law" et, plus tard, les chartes constitutionnelles, sont venus tenter d'encadrer cette notion de pouvoir arbitraire. Mais, à lire la jurisprudence canadienne, on se rend rapidement compte qu'un large segment des causes touchant les libertés civiles origine des pénitenciers ou de la Commission des libérations conditionnelles. Donc, disproportion. Songez, par exemple, aux droits des détenus qui ont été plaides par plusieurs avocats, les habeas corpus, les fouilles abusives, la notion d'un procès juste et équitable, (a notion d'un tribunal impartial, etc., des notions qui se sont développées au fil des années mais, parallèlement à cela, le développement du droit de la victime est demeuré à un état tout à fait embryonnaire.

Or, il s'agit là des trois principaux facteurs qui ont contribué au traitement, encore déséquilibré, qu'offre notre société aux victimes d'actes criminels. En fait, il semble que beaucoup reste à faire dans le dossier car les conséquences sont lourdes pour la victime d'un acte criminel. Je n'ai pas besoin, je pense, d'insister plus longuement là-dessus, le ministre en a parlé tantôt. Les victimes ont des conséquences financières, des répercussions financières qui sont directes ou indirectes de l'acte criminel dont ils ont été l'objet, argent ou objets volés, heures de travail perdus, vente à perte d'un fonds de commerce, achat d'un équipement de sécurité, embauche de personnel supplémentaire, etc. Bref, il y a un tas d'inconvénients financiers que subit une victime d'acte criminel et aussi, d'une façon générale, la diminution de la qualité de la vie. Pour ceux, dans cette Chambre, qui ont déjà été victimes d'actes criminels - je ne le souhaite à personne - cela amène un traumatisme certain, une diminution de la qualité, une diminution de jouissance de la vie qui peut varier mais qui est toujours inévitable aussi bénin que soit le crime dont on a été l'objet. Dans bien des cas des victimes d'actes criminels ont développé des hantises de sortir le soir, des hantises, des méfiances presque, dans bien des cas, paranoïaques à l'égard des étrangers, un repli sur soi ou des tas d'autres manifestations secondaires mais de type psychologique, donc plus difficilement appréciables.

Alors s'ajoute à ces répercussions le choc, pour la victime, de la confrontation avec le système judiciaire. Une fois le crime accompli, la victime doit transiger avec de nombreux intervenants: les policiers, les assureurs, les travailleurs sociaux, les avocats, avocat de la couronne, avocat de la défense, les hôpitaux, parfois le choc du témoignage devant la cour, du contre-interrogatoire. La victime passe son temps, finalement, à expliquer, justifier, réexpliquer, remplir des formulaires, quémander, réclamer, se faire interroger, des fois de très, très près par des avocats, etc. Or, dans bien des cas, la victime se fâche également. Et le tout est accompagné d'une attente qui va de quelques semaines parfois à quelques années avant de connaître le sort final d'une procédure intentée contre une personne qui est coupable.

Qu'est-ce qui se fait actuellement, M. le Président? D'abord le principal instrument du programme gouvernemental à l'intention des victimes d'actes criminels est la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je tiens à signaler cela en cette Chambre parce que, encore une fois, on a l'impression, à lire les beaux communiqués de presse du ministère de la Justice, qu'on sort du "big bang". La Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels a été sanctionnée le 1er décembre 1971 par l'Assemblée nationale. Cela fait déjà plus de 16 ans et demi, M. le Président, que cette loi existe. Elle est entrée en vigueur le 1er mars 1972 et elle assure des avantages d'ordre financier à toute personne blessée au Québec par suite d'un acte criminel.

Le ministre de la Justice tient absolument à ce que je mentionne que cette loi a été adoptée sous un gouvernement du Parti libéral. M. le Président. À tout seigneur tout honneur, d'accord! Mais elle a été drôlement bonifiée, par exemple, par le gouvernement précédent. Je remercie le ministre de signaler l'apport du gouvernement précédent. Donc, entrée en vigueur le 1er mars 1972, elle assure des avantages d'ordre pécuniaire à toute personne blessée au Québec par suite d'un acte criminel. Si cette personne décède, les personnes à charge peuvent alors devenir bénéficiaires.

L'administration de cette loi est confiée à la Commission de la santé et de la sécurité du travail depuis décembre 1984 et cela a été une modification importante qui avait pour but, d'abord, d'offrir des services régionaux aux victimes d'actes criminels. Au lieu devoir tout s'en remettre à Québec, à ce moment-là on profitait du réseau établi de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et les victimes d'actes criminels avaient un point de chute - si on me passe l'expression - un guichet de service qui était tout près d'eux dans leur région, puisque la Commission de la santé et de la sécurité du travail possède pas moins de 15 bureaux régionaux. (17 h 40)

L'objectif ultime de cette opération de régionalisation était d'offrir aux victimes d'actes

criminels des services intégrés de toute première qualité en rapprochant les intervenants internes et externes. Ainsi, les bénéficiaires ont droit aux services suivants: l'assistance médicale, l'indemnisation en cas d'incapacité de réadaptation physique, sociale ou professionnelle. En ce sens-là, je voudrais immédiatement profiter de la mention que je fais de l'IVAC et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour souligner au ministre que son projet de loi a le défaut de multiplier les intervenants dans le secteur des victimes d'actes criminels. On avait déjà ce fonds d'indemnisation des victimes d'actes criminels. On a déjà la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Là, on crée, outre les postes d'accueil et les centres locaux, ce bureau d'aide aux victimes d'actes criminels qui est situé à l'intérieur du ministère du ministre. Je dois vous dire que ce type de loi me rebute un peu. Si un ministre veut diviser son ministère en créant une petite boîte, qu'il le fasse. On n'a pas besoin de mettre cela dans un projet de loi. Le ministre des Communications que je vois attentif à nos propos, M. le Président, ne vient pas à l'Assemblée nationale avec des projets de loi chaque fois qu'il crée quelque chose dans son ministère. Pourquoi en serait-il différemment au ministère de la Justice? Je vois le ministre délégué aux Forêts qui me comprend fort bien. Chaque fois qu'on fait une modification à un organigramme dans un ministère, on n'a pas besoin de modifier les lois en conséquence.

Je disais qu'on ne sort pas de la grande noirceur. On a déjà l'IVAC. On a l'INFOVAC, le programme d'information aux victimes d'actes criminels, qui visait à fournir aux différents stades de l'intervention judiciaire une information adéquate aux victimes d'actes criminels. De plus, la nouvelle attention qui a été apportée aux victimes et qui a contribué à l'élaboration du service d'accueil en 1984 dans les palais de justice de Montréal et de Québec, ce service était destiné à renseigner, orienter et assister des personnes appelées à témoigner dans une instance criminelle.

M. le Président, malgré que notre système d'indemnisation soit le plus généreux - je reprends les mots mêmes du ministre tantôt; j'aurais aimé qu'il le mentionne tantôt, par exemple; en particulier, il ne le disait pas souvent quand il était dans l'Opposition, qu'on avait le système d'indemnisation le plus généreux... Au contraire, à ce moment-là il y avait un tas de lacunes, disait-il, importantes à corriger.

Voyons ensemble quelques-unes des lacunes que le ministre de la Justice, alors qu'il était dans l'Opposition, avait relevées en ce qui concerne les victimes d'actes criminels et voyons si le projet de loi y apporte un quelconque début de solution. Je pense que c'est un exercice qui est sain, qu'on peut faire ensemble. Donc, passons ensemble en revue quelques-unes des critiques - il y en a qui sont de mon cru; il y en a d'autres qui sont du ministre de la Justice, à l'époque - à l'égard de notre système d'indemnisation des victimes et tout cela pour nous permettre de mieux évaluer le projet de loi 8 qui est devant nous.

Le premier reproche: À l'époque, c'était le manque d'information aux victimes. En fait, selon une évaluation du programme faite en 1982, il semblait que seul un très petit nombre de personnes admissibles a présenté des demandes d'information. En 1982, le nombre de demandes était de 1619. Le porte-parole de l'Opposition à l'époque, l'actuel ministre de la Justice, avait dénoncé vigoureusement le fait que si peu de personnes savaient qu'elles pouvaient demander de l'information, et, avec raison, je dois le dire. Je lui donne raison. Quand il était dans l'Opposition, il avait raison de le souligner dans son document "L'avenir de la justice au Québec". Mais, depuis l'arrivée au pouvoir du ministre de la Justice, j'ai des chiffres qui ne le feront pas sourire. Malgré une hausse du taux de criminalité, il apparaît que le nombre de demande d'information soit resté stable ou ait diminué. Je donne les chiffres rapidement: en 1982, 1619; en 1983, 1397; en 1984, 1408; en 1985, 1400. Là, arrive le ministre de la Justice et, en ce qui concerne les demandes d'information, on s'attendrait qu'il y en ait plus, mais, non, la première année du ministre de la Justice, 1228 demandes d'information, et, pour 1987, on attend encore les chiffres.

Or, le projet de loi 8 qu'on nous soumet n'apporte pas la solution. Non, il n'apporte pas la solution parce que l'article 4, M. le Président, prévoit que la victime a le droit d'être informée de ses droits et recours, de son rôle dans le processus pénal, etc., mais cela reste uniquement des droits de nature purement déclaratoire. Il n'existe pas de réciprocité, c'est-à-dire d'obligation réciproque d'informer pour quelque intervenant que ce soit. Si une victime ignore l'existence de l'IVAC, comment, a fortiori, pourrait-elle connaître l'existence de son droit d'être informée? De plus, imagine-t-on une victime entreprendre une poursuite contre la couronne pour le motif qu'elle n'a pas été informée? Elle a déjà suffisamment de problèmes. C'est beau dans le texte, mais il n'y a pas, encore une fois, d'obligation créée d'informer. Donc, première lacune qui n'est pas relevée par le projet de loi. Parce que dans le fond, ce qui est contenu à l'article 4, il faut se comprendre, c'est ce que cherche déjà à disséminer comme information INFOVAC, le programme dont je parlais tantôt. Il n'y a donc rien de révolutionnaire à ce chapitre.

Deuxièmement, le projet de loi met sur pied le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels qui aura, entre autres, comme mandat de favoriser la promotion du droit à l'information de la victime. Cette mesure permettra de mieux coordonner le processus d'information à l'intérieur du processus judiciaire, nous a dit le

ministre tantôt. Mais, néanmoins, afin d'atteindre l'ensemble de la population, le bureau ne pourra rien faire à moins de disposer d'un budget substantiel pour la publicité. Et, là-dessus, je pose une question au ministre, il pourra me répondre en commission parlementaire, qu'il en prenne note. On traverse une période de vaches grasses; le ministre a fait du millage comme cela ne pouvait pas dans l'Opposition avec les victimes d'actes criminels. J'ai hâte de voir les sous. Combien sera investi en termes de publicité, concrètement, pour les victimes d'actes criminels? Il ne faudrait pas se contenter de quelques millions, à mon avis, quand on tient compte du nombre de victimes d'actes criminels qu'il y a chaque année au Québec. Il faudrait au moins, si on parle de millions, commencer à parler dans les deux chiffres. Cela ne donne rien de se péter les bretelles si on ne met pas l'argent pour soutenir les centres locaux, faire marcher les programmes, etc.

Troisième lacune soulevée par le ministre à l'époque, c'était la prescription d'un an. La prescription d'un an - le ministre l'avait dénoncée - le ministre, dans son document de consultation même à l'époque, en 1986, disait et je le cite: "II y a lieu de s'interroger sur le délai de prescription d'un an pour la victime..." Je parle du délai d'un an pour permettre à la victime de demander réparation. Donc, comme le souligne le document de consultation du ministre et du ministère, de 1986, "il y a lieu de s'interroger sur ce délai de prescription parce qu'une victime encore sous le choc peut ignorer son droit à une demande d'indemnité, mal comprendre les informations, ne pas tenir compte des conseils reçus".

Le projet de loi 8 ne règle absolument rien. Il aurait été facile d'ajouter un article pour étendre cette prescription d'un an et la rendre conforme à ce que le ministre a dit pendant au moins trois ou quatre ans, lorsqu'il était dans l'Opposition, et avec lequel nous sommes totalement d'accord, à savoir que ce délai est beaucoup trop court.

Quatrième point, lacune dénoncée par le ministre de la Justice à l'époque: le fait que le système d'indemnisation demeurait partiel. La loi couvre uniquement ie paiement d'indemnités pour les blessures corporelles et exclut tout dommage matériel sauf ceux subis à l'occasion de blessures corporelles. Les préjudices moraux ne sont pas couverts par la loi actuelle. Cependant, l'article 1 du projet de loi parle d'une atteinte à l'intégrité psychologique de la victime. Alors, on se retrouve avec toute une problématique qu'on éclaircira en commission parlementaire où le texte du projet de loi 8 est différent du texte de la Loi sur l'IVAC.

Rapidement avant de terminer. Entre autres, dernier point, le crime paie. On se souviendra d'avoir entendu le ministre de la Justice, en tout cas je l'ai entendu dire: ce n'est pas normal que les criminels puissent bénéficier de leur crime. Je ne fais pas allusion à ce qui nous vient du gouvernement fédéral et à l'imposition des suramendes qui vont être versées au fonds consolidé. Je parle du criminel qui vend ses droits d'auteur sur sa vie pour un film ou pour un roman ou pour ces choses-là. Le projet de loi aurait été une belle occasion pour permettre d'intégrer cette notion que le crime ne doit pas rapporter à celui qui l'a commis et de faire comme je le crois, sauf erreur, cela existe en Colombie britannique à la suite du dossier dont le nom m'échappe... Mais en tout cas, cela existe... On me dit que cela existait dans certaines provinces canadiennes. C'est à vérifier. On en discutera en commission parlementaire. (17 h 50)

Chose certaine, le ministre nous en a parlé pendant des années. Son projet de loi ne contient absolument rien pour limiter les bienfaits, les droits d'auteurs, qui pourraient bénéficier à l'auteur d'un crime alors que des compagnies de cinéma trouvent que leur crime mérite d'être porté à l'écran ou d'être publié. Donc, rien de ce côté.

En ce qui concerne le financement de l'aide aux victimes d'actes criminels, M. le Président, j'ai dit que j'ai hâte de voir les montants. À mon avis, il faut au moins songer à un programme qui coûterait au bas mot dans les deux chiffres - je parle de millions de dollars - donc on doit parler de dizaine de millions de dollars, au moins, au singulier. En commission parlementaire également je vais poser plusieurs questions au ministre relativement à la pauvre qualité de la législation de ce projet de loi.

Je reviens sur l'exemple que je donnais tantôt à l'article 2. Le leader est avec nous maintenant. À l'article 2, dire que la victime d'une acte criminel a ie droit d'être traitée avec courtoisie, équité, compréhension, dans le respect de sa dignité et de sa vie privée, on n'a pas besoin de faire un projet de loi pour cela. Cela existe déjà. La même chose se retrouve dans les autres articles du projet de loi qui sont remplis de voeux pieux, en particulier les articles 5, 6, 9. "Dans la mesure du possible", etc. ce sont là des voeux pieux.

Donc, en terminant, le ministre aura compris, et vous l'aurez compris également, M. le Président, que nous serions mauvais joueurs de dire que ce projet de loi ne contient rien. Il contient certains éléments. Même s'il apparaît évident que l'Opposition va concourir à son adoption, il demeure que nous sommes quand même déçus quant au fait que ce projet de loi, malheureusement, a peu d'envergure pour un sujet qui aurait mérité beaucoup plus. Merci.

Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître comme prochain intervenant M. le député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais répondre à certaines questions que se posait notre collègue de Taillon, critique de l'Opposition officielle en matière de justice. Par exemple, il parlait tantôt de l'information, faisant référence évidemment aux années antérieures, que les centres locaux qui seront créés ont justement comme objet et comme mandat de voir à l'information. Nous aurons l'occasion, ultérieurement, d'en parler et d'en discuter en commission parlementaire. Ce qu'il est important aussi d'ajouter, le ministre l'a dit tantôt, c'est qu'il va y avoir 5 000 000 $ qui seront injectés cette année dans l'aide aux victimes d'actes criminels. Et troisièmement, avant de débuter mon analyse, le député de Taillon fait référence à d'autres lois qui pourront être modifiées ou bonifiées dans les prochains mois, les prochaines sessions. Il ne faudrait quand même pas mêler un ensemble de lois, comme la loi existante, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels qui pourra éventuellement être modifiée et bonifiée, ce qui n'empêche pas notre projet de loi substantiel d'aujourd'hui d'être adopté avec le concours de l'Opposition.

On aura l'occasion éventuellement de bonifier et d'amender d'autres lois qui viendront renforcer les mesures importantes que le ministre de la Justice apporte aujourd'hui. En 1986, on a dénombré au Québec quelque 36 000 crimes de violence et environ 323 000 crimes contre la propriété. Il ne s'agit ici que des crimes qui ont été signalés à la police. Le nombre réel de victimes de la criminalité pourrait toutefois se révéler plus élevé si on considère, selon un sondage effectué en 1982, que plus de la moitié des incidents criminels ne sont jamais connus de la police. On sait pertinemment que lors d'agressions sexuelles, par exemple, bien souvent les victimes, soit par crainte de représailles de la part de l'auteur du crime ou face à la justice qui publicise ce genre de crime, bien souvent, les victimes ne dénoncent pas ces crimes à la police.

En 1985, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité dans laquelle elle recommande les mesures à prendre aux niveaux international et régional pour faciliter aux victimes de criminalité l'accès à la justice et un traitement équitable, l'obtention par celles-ci d'une compensation adéquate ainsi que la prestation d'une assistance sociale. Aux États-Unis, depuis 1980, 43 États ont adopté des lois en ce sens. Des groupes communautaires d'aide aux victimes d'actes criminels ont également vu le jour et ont pris de l'expansion dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne.

Au Québec, une large consultation de tous les milieux intéressés a permis d'identifier les besoins exprimés par les victimes elles-mêmes, entre autres leur besoin d'être rassurées, d'être traitées avec courtoisie et compréhension, d'être informées de leurs droits et de leurs recours, d'obtenir réparation et de bénéficier de services et d'assistance propres à leur assurer une aide médicale, psychologique et sociale.

L'un des éléments les plus importants et les plus prometteurs pour l'avenir qu'a fait ressortir la tournée de consultation consiste en la nécessité de soutenir l'effort bénévole et communautaire des intervenants du milieu désireux de prendre en charge les services d'aide aux victimes dans l'optique d'une action complémentaire à celle des services publics et parapublics. Cette volonté des diverses communautés de s'impliquer directement dans les programmes d'aide aux victimes me paraît devoir être encouragée et soutenue, puisqu'elle favorise la solidarité de la société québécoise dans son ensemble face aux torts causés par la criminalité. Je reviendrai donc sur cet aspect de l'implication de la communauté puisqu'il constitue l'un des piliers des mesures proposées dans ce projet de loi important.

Qu'il me soit toutefois permis de souligner ici l'énorme contribution apportée depuis plusieurs années au Québec par les groupes communautaires et les bénévoles en matière d'aide aux victimes d'actes criminels, notamment les organismes qui dispensent des services aux victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale et les autres groupes qui se consacrent à la promotion des droits des victimes. Leur apport a été déterminant dans la prise de conscience de la société québécoise des besoins réels des victimes et leur implication dans la mise en oeuvre de programmes d'aide mérite d'être reconnue.

Enfin, un autre besoin exprimé par les victimes se rapporte à la nécessité d'établir des moyens de concertation afin d'assurer une action efficace et à l'importance d'affecter les ressources financières adéquates à l'aide auxdites victimes. Le premier de ces droits qui découlent des besoins des victimes et que vient consacrer le projet de loi est celui d'être traité avec courtoisie, équité, compréhension et dans le respect de leur dignité et de leur vie privée. À un autre besoin souvent exprimé par les victimes lors de la consultation, le projet de loi vient répondre en accordant à la victime le droit, lorsque son intérêt personnel est en cause, de voir ses points de vue et ses préoccupations présentés et examinés aux phases appropriées des procédures judiciaires. Ce droit de la victime à s'exprimer devrait contribuer à affirmer son rôle de collaboratrice de la justice.

M. le Président, j'ai fait état de la volonté exprimée par les divers intervenants d'accorder aux bénévoles et aux organismes communautaires une place de premier plan dans la prise en charge des services d'aide aux victimes. Cette attente se matérialisera, comme je l'ai mentionné dès le début de façon extrêmement importante,

par l'implantation des centres d'aide aux victimes dont le ministre de la Justice a parlé tantôt. L'avantage principal de ces centres, outre le fait de fournir des services spécifiques aux victimes, sera de regrouper ces services sous un même toit dans les diverses régions. La victime ne sera plus renvoyée de service en service, mais pourra plutôt s'adresser à un interlocuteur unique et attentif. Le cas échéant, ces centres d'aide se chargeront d'orienter et d'accompagner les victimes vers des services spécialisés, par exemple des services qui visent à répondre aux besoins spécifiques des victimes d'agressions d'actes sexuels ou de violence conjugale, notamment vers les maisons d'hébergement. De tels centres d'aide, fondés sur le bénévolat et pris en charge par les diverses communautés impliquées, ont connu un développement extraordinaire dans divers pays au cours des dernières années, notamment en France et en Grande-Bretagne. Si on se fie au désir exprimé lors de la tournée de consultations, je suis convaincu, M. le Président, qu'il en sera de même au Québec, puisqu'ils bénéficieront du soutien technique et financier requis.

Ce rôle de soutien reviendra au Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels. À cet effet, le projet de loi ne propose pas la création d'un nouvel organisme, mais plutôt une structure administrative souple au sein même du ministère de la Justice. Je voudrais souligner également qu'une des missions du bureau sera de favoriser la réalisation et la diffusion de programmes d'information, de sensibilisation et de formation concernant les droits et les besoins des victimes.

J'ai parlé tout à l'heure de l'importance de soutenir les groupes et organismes communautaires désireux d'implanter et de prendre en charge des centres d'aide aux victimes d'actes criminels dans leur milieu. Ce soutien se manifestera concrètement, puisque, suivant le projet de loi, le ministre de la Justice pourra accorder une aide financière aux groupes et organismes qui oeuvrent dans le domaine de l'aide aux victimes. Cette aide financière pourra, par exemple, avoir pour objet d'implanter et d'assurer le maintien de centres d'aide ou de financer la recherche et les programmes d'information, de sensibilisation et de formation. Telles sont donc, M. le Président, les mesures proposées par ce projet de loi.

En terminant, permettez-moi de revenir à l'essentiel de ce qui nous occupe ici, soit la victime d'un acte criminel. Celle-ci ne peut et ne doit pas être considérée comme un simple instrument de la preuve. Elle est, au contraire, une collaboratrice de premier plan de la justice et joue un rôle indispensable dans le processus pénal. Il s'ensuit que l'une des fonctions fondamentales du système de justice pénale devrait être de répondre à ses besoins et de sauvegarder ses intérêts, d'accroître sa confiance dans te système de justice pénale et d'encourager sa coopération. Mais, d'abord et avant tout, elle est une personne qui a subi un préjudice et qui, à ce titre, a droit à notre attention et à notre compréhension.

Je profite de l'occasion, M. le Président, pour féliciter encore une fois le ministre de la Justice d'avoir présenté à cette Assemblée un projet de loi aussi important pour notre société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: II n'y a pas d'autre intervention? Donc, est-ce que le principe du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, est adopté?

M. Brassard: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion pour déférer le projet de loi à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

M. Brassard: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Puisque nous arrivons à 18 heures, l'Assemblée va maintenant suspendre ses travaux, qui reprendront ce soir à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3) (Reprise à 20 h 3)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. Nous allons donc reprendre nos travaux. M. le leader du gouvernement.

M. Johnson: Oui, Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 25 du feuilleton.

Projet de loi 32 Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 25 de notre feuilleton, le ministre de l'Énergie et des Ressources propose l'adoption du principe du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur HydroQuébec. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. J'ai l'honneur de soumettre à cette Assemblée le projet de loi 32 qui modifie la Loi sur HydroQuébec. Hydro-Québec est devenue l'un des plus importants outils de développement économique du Québec. En effet, de par sa taille, ses actifs, ses investissements, les services qu'elle fournit et ses effets sur l'emploi, Hydro-Québec est un carrefour stratégique de l'activité québécoise. Vous comprendrez que ce gouvernement soit particulièrement soucieux du bon fonctionnement de cette société. Aussi, de temps à autre, vaut-il la peine de s'arrêter afin d'effectuer, comme c'est le cas aujourd'hui, certains ajustements qui amélioreront le fonctionnement de l'organisation.

Le projet de loi soumis vise à modifier l'organisation supérieure de l'entreprise. Ces changements permettront de doter Hydro-Québec d'une structure de direction supérieure souple et adaptée à un environnement complexe. Comme cela se fait de plus en plus couramment dans les grandes corporations privées, Hydro-Québec sera dorénavant gérée par un président et chef de la direction de qui relèvera un président et chef de l'exploitation.

De plus, le projet de loi prévoit que le sous-ministre de l'Énergie et des Ressources soit membre du conseil d'administration d'Hydro-Québec mais sans droit de vote. Une telle approche confirme la relation stratégique existant entre Hydro-Québec et le gouvernement. Toutefois, en retirant le droit de vote du sous-ministre, le gouvernement confirme toute la latitude qu'elle souhaite laisser au conseil d'administration de la société.

J'aimerais, Mme la Présidente, prendre le temps de mettre en perspective le projet de loi. L'examen de ce projet est en effet un moment propice pour rappeler quelles sont, ou à tout le moins, quelles devraient être les relations entre le gouvernement et sa société d'État. Ceci m'amènera à expliciter le rôle d'Hydro-Québec en tant que société d'État et le rôle du gouvernement en tant que seul actionnaire. Je compte aussi vous présenter les principaux défis auxquels Hydro-Québec devra s'attaquer au cours des prochaines années. Ces défis reflètent bien le besoin de doter l'entreprise d'un encadrement supérieur capable d'assurer une tâche d'une ampleur considérable. Ils appellent aussi la mise en place d'un processus privilégié de communication. Regardons d'abord la place d'Hydro-Québec dans l'économie québécoise.

Hydro-Québec est le principal fournisseur d'énergie de la province. À elle seule, elle répond à 37 % des besoins en énergie des Québécois. La part de l'électricité est de 42 % dans le bilan énergétique, mais il y a des fournisseurs d'électricité privés qui fournissent l'autre 5 %. En termes de clientèle, HydroQuébec satisfait 52 % des besoins des ménages et 34 % des besoins des entreprises. HydroQuébec est présente dans toutes les phases de notre vie économique. L'importance de ses actifs démontre bien l'ampleur de cette présence. En effet, les actifs d'Hydro-Québec sont passés de 2 400 000 000 $ en 1963, moment de la seconde nationalisation, et j'y reviendrai, à près de 32 000 000 000 $ en 1987. Ceci en fait la plus grosse entreprise du Québec en termes d'actifs.

Au niveau de l'emploi, Hydro-Québec est le deuxième plus gros employeur industriel du Québec avec près de 19 000 employés permanents. Ces emplois se retrouvent dans toutes les régions du Québec. Ils contribuent à l'activité économique régionale en y injectant des centaines de millions en dépenses de consommation. Plus généralement, les emplois soutenus par Hydro-Québec dans l'économie québécoise, que ce soit à travers les activités de production et de distribution de l'électricité ou celles reliées aux activités de commercialisation, sont évalués à 58 000 en 1988. Je voudrais souligner, Mme la Présidente, que ces emplois sont importants. Ils le sont de par leur nombre, bien sûr, puisqu'ils représentent 2 % de l'emploi total au Québec, mais ces emplois sont aussi importants parce qu'ils sont bien rémunérés et possèdent, dans plusieurs cas, un fort contenu technologique. Ils ont de la sorte un effet d'entraînement plus que positif sur l'économie.

En 1987, Hydro-Québec a fourni de l'électricité à quelque 13 000 entreprises réparties sur tout le territoire. Ces sociétés ont consommé près de 53 térawattheures. Ceci correspond à plus de 40 % des ventes d'électricité d'Hydro-Québec au Québec. Ces chiffres illustrent avec éloquence l'importance que prend Hydro-Québec dans notre économie. Cette importance, HydroQuébec l'a acquise à cause de la volonté politique qui est à la base de ce qu'elle est aujourd'hui. À cet égard, il faut remonter jusqu'au début des années trente pour saisir et comprendre la démarche entreprise pour faire d'Hydro-Québec Une société d'État.

En 1934, le gouvernement d'alors forme la commission Lapointe afin de faire enquête sur la distribution de l'électricité au Québec. La commission reconnaît le caractère de service public de l'électricité. Elle doit être accessible à tous, à un prix abordable, mais avec une juste rémunération pour les propriétaires des compagnies à l'époque. Elle recommande la création d'une commission de contrôle. Celle-ci contrôlera l'établissement de nouvelles centrales, de lignes de transport et de distribution. Cette commission établira des échelles de tarifs jugées justes et raisonnables, en fonction d'une évaluation complète de l'actif réel des compagnies. Le gouvernement fera suite à cette recommandation et fera adopter une loi instituant la Commission de l'électricité. (20 h 10)

C'est quelques années plus tard, lors de la campagne électorale de 1939, que l'équipe libérale

de M. Godbout promet la nationalisation de la Montreal Light, Heat and Power et de sa filiale, la Beauharnois Light, Heat and Power. Celle-ci se fera effectivement le 15 avril 1944 avec la création de la Commission hydroélectrique du Québec. Bien que la loi permette l'étatisation de toutes les compagnies d'électricité, le gouvernement ne procède qu'à l'acquisition des actifs de la Montreal Light, Heat and Power et de sa filiale, soit la compagnie la plus récalcitrante à se soumettre à l'organisme de contrôle gouvernemental.

C'est en 1963 que prendra forme la société d'État telle que nous la connaissons aujourd'hui. Plusieurs arguments appuyaient alors la formation d'un monopole de distribution dans le domaine de l'électricité: unification des réseaux de distribution, rationalisation de la production planifiée en fonction de la demande globale au Québec et meilleures garanties à offrir aux investisseurs. À cela s'ajoutait la préoccupation sociale d'harmoniser les tarifs et le service entre les régions. Les régions éloignées devraient pouvoir bénéficier des tarifs et d'un service comparable à ceux de la région de Montréal. Ceci n'était cependant pas vraiment suffisant pour justifier un monopole d'État. En effet, on aurait pu miser sur un monopole privé contrôlé par une régie. En fait, cela prenait la volonté politique d'agir dans le but d'orienter le développement économique et de promouvoir ('electrification rurale.

L'objectif dominant du gouvernement libéral en ce début des années soixante était de permettre aux Québécois de prendre en main leur économie. La commission hydroélectrique du Québec représente à cet effet un joyau. En effet, elle exploite une richesse naturelle abondante au Québec. Elle possède une expertise remarquable non seulement en ingénierie mais dans d'autres domaines de la gestion. Elle maîtrise une technologie de pointe. Grâce à son pouvoir d'achat, elle peut influencer favorablement l'économie québécoise. Enfin, grâce à sa possibilité d'appliquer des tarifs différenciés, elle était en position d'attirer les industries grosses consommatrices d'électricité.

Pendant les 25 dernières années, toutes ces caractéristiques ont été mises à profit et ce, au bénéfice de l'ensemble de la population. Aujourd'hui, ces mêmes caractéristiques font toujours la force d'Hydro-Québec.

La puissance du parc de production d'Hydro-Québec s'établit à 24 500 mégawatts dont 22 800 sont d'origine hydroélectrique. Le potentiel des grandes rivières non aménagées représente encore 30 000 mégawatts. Enfin, plus de 400 petites rivières réparties sur le territoire du Québec offrent un potentiel de 10 000 autres mégawatts.

L'expertise d'Hydro-Québec en matière d'ingénierie et de gestion de grands travaux a été mise en évidence particulièrement avec les travaux de la baie James. D'autre part, HydroQuébec possède une compétence reconnue sur une base internationale en matière de distribution, de planification et d'exploitation des installations.

Quant à la technologie, la majorité des domaines d'activité d'Hydro-Québec constituent des défis d'envergure. Pensons aux barrages, à l'installation de nouvelles interconnexions fiables et stables, aux méthodes sécuritaires de traval, aux correctifs des impacts environnementaux, aux électrotechnologies, et j'en passe. La mise au point de nouveaux produits technologiques stimule l'économie du Québec par des retombées sur des industries de pointe. Et que dire de la politique d'achat au Québec de cette société d'État? En 1987, ses achats de biens et de services au Québec se sont élevés à 1 400 000 000 $. Comme Hydro-Québec a décentralisé en régions tous les achats inférieurs à 100 000 $, cela représente un formidable levier dont les effets se font sentir un peu partout au Québec. Enfin, depuis quelques années, HydroQuébec a mis sur pied un programme de partage de risques et de bénéfices. Tout en étant négociées sur une base d'affaires, Hydro-Québec offre des conditions avantageuses pour attirer les entreprises au Québec.

Hydro-Québec est aussi un outil de politique économique. L'État a régulièrement manifesté sa présence dans le développement de cette société. D'abord en 1963, le gouvernement procède à la nationalisation de la plupart des compagnies électriques. Dès cette époque, le gouvernement cernait les deux plans sur lesquels Hydro-Québec pouvait jouer pour participer au développement économique du Québec. Hydro-Québec influence l'économie par ses activités propres, soit par exemple ses investissements et son pouvoir d'achat. D'autre part, elle stimule l'activité d'autres entreprises par la fourniture d'énergie à des conditions avantageuses. Aussi, la priorité a-t-eiie été mise sur la disponibilité de l'électricité et sur son accès à bas prix.

En 1978, le gouvernement procède à la première grande refonte de la Loi sur HydroQuébec. Il en profite pour introduire un nouvel article qui assujettit Hydro-Québec aux impératifs de la politique énergétique. L'article 22.1 se lit aujourd'hui de la façon suivante: Pour la réalisation de ses objects, la société prévoit notamment les besoins du Québec en énergie et les moyens de les satisfaire dans le cadre des politiques énergétiques que le gouvernement peut, par ailleurs, établir.

En 1983, le gouvernement, dans son plan d'action pour intensifier la relance de l'économie, demande à Hydro-Québec de s'assurer que ses investissements nets au cours des deux prochaines années soient maintenus au même niveau. Le gouvernement s'associe donc étroitement à sa principale société d'État afin de stabiliser l'économie.

Enfin, en 1986, le gouvernement a exprimé sa volonté de profiter des opportunités offertes par le développement des marchés externes. Aussi, retrouve-t-on cet objectif dans le plan de

développement de 1987. De plus, nous avons alors insisté sur d'autres avenues de développement économique: identification de possibilités technologiques, exploitation de l'expertise technique d'Hydro-Québec et redéfinition des programmes industriels, de manière à favoriser davantage la création d'emplois.

Le développement économique est aujourd'hui encore le principal objectif sur lequel notre gouvernement oriente Hydro-Québec, mais comme cette société est publique, nous tenons de plus à ce qu'elle respecte d'autres orientations publiques. Je voudrais entre autres parler ici d'environnement. Notre gouvernement tient à ce que l'objectif de développement économique soit poursuivi, tout en tenant compte des préoccupations de la population pour son environnement. C'est la raison pour laquelle nous tenons à ce que soit intégrée dans la planification à long terme la dimension environnementale des projets.

Hydro-Québec est une société d'État. Le ministre de l'Énergie et des Ressources répond devant l'Assemblée nationale de la Loi sur Hydro-Québec. Par conséquent, le ministre de l'Energie et des Ressources est responsable devant la population de cette société d'État. Après de nombreuses années de relations entre le gouvernement et la société d'État, l'équilibre entre l'autonomie de la société d'État et l'implication du ministre devient de plus en plus clair. Premièrement, Hydro-Québec a besoin d'autonomie. En effet, la souplesse et la flexibilité sont deux attributs précieux pour fonctionner sur les marchés.

Par contre, le ministre de tutelle a des responsabilités vis-à-vis de la société d'État. D'une part, puisqu'il s'agit d'un outil gouvernemental, un consensus doit exister entre le gouvernement et la société en ce qui concerne ses grandes orientations. D'autre part, comme cette entreprise est un monopole en matière de distribution d'électricité, elle exige un système approprié de contrôle. (20 h 20)

Revenons sur ces deux facettes du travail. Premièrement, les orientations. La meilleure façon pour le gouvernement d'apporter une contribution stimulante sur les orientations de la société est d'établir des objectifs très clairs. Comme je l'ai mentionné lors de la dernière commission parlementaire sur le plan de développement, il faut que l'action d'Hydro-Québec soit balisée par des orientations et des décisions gouvernementales. Le gouvernement a les moyens qu'il faut pour le faire.

D'abord, cette Assemblée a déterminé, à l'intérieur d'une loi, les objectifs généraux que doit poursuivre Hydro-Québec. D'autre part, la loi d'Hydro-Québec spécifie que celle-ci doit travailler dans le cadre des politiques énergétiques gouvernementales. Je déposerai sous peu devant l'Assemblée nationale une politique énergétique qui précisera les principales orientations du gouvernement qui, non seulement encadreront notre action au cours des prochaines années, mais qui ont également inspiré les interventions des deux années qui viennent de s'écouler.

Enfin, la loi prévoit aussi qu'Hydro-Québec soumette un plan de développement qui comprend une proposition tarifaire, suivant la forme, la teneur et la périodicité fixées par le gouvernement. Ce plan doit être soumis à l'approbation du gouvernement et être accepté par ce dernier aux conditions qu'il détermine et auxquelles HydroQuébec doit se conformer.

En 1986, le premier projet de plan de développement qui nous a été soumis par HydroQuébec ne reflétait pas totalement les orientations de notre gouvernement. En 1987, à la suite de discussions entre mon ministère et HydroQuébec, le plan de développement présenté identifiait davantage l'objectif gouvernemental du développement économique du Québec: les marchés externes, les marchés internes, la technologie et les programmes industriels.

Une autre de mes responsabilités a trait au rôle d'Hydro-Québec en tant que monopole dans la distribution d'électricité. Plusieurs raisons justifient l'intervention gouvernementale pour ce qui est de l'approbation du plan de développement et de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec. Le service d'Hydro-Québec, premièrement, rejoint plus de 2 900 000 abonnés. Il incombe donc au gouvernement de s'assurer que chacun, où qu'il se trouve sur le territoire, ait un accès facile et économique à cette forme d'énergie. Il s'agit là d'une responsabilité sociale que le gouvernement, à travers sa société d'État, assume et va continuer d'assumer.

Quels sont les défis des prochaines années? Hydro-Québec est l'outil de la politique énergétique du gouvernement. Au cours des prochaines années, nous continuerons à chercher à mettre en valeur tout le dynamisme qu'Hydro-Québec insuffle à l'économie québécoise. Mais, pour relever le défi du développement économique, l'organisation de l'entreprise se doit d'avoir des structures favorables aux défis qu'elle aura à relever.

Hydro-Québec, comme je l'ai mentionné, est un outil de la politique énergétique gouvernementale. La progression de l'électricité dans le bilan énergétique québécois est remarquable. En 1971, l'électricité ne comptait que pour 19 % du bilan énergétique contre 74 % pour le pétrole. En 1987, la tendance est nettement renversée. L'électricité et le pétrole sont nez à nez dans le bilan énergétique avec une part de 42 % chacun.

Cette progression se manifeste de différentes façons. Ainsi donc, dans le secteur de l'habitation, la proportion des logements chauffés à l'électricité est passée de 7 % en 1971 à 58 % en 1986.

Dans le secteur industriel, la disponibilité d'énergie fiable et économique a favorisé l'expansion et le développement d'industries grandes consommatrices d'énergie, soutenant et

créant de la sorte de nombreux emplois.

Il y a lieu, pour notre société, de tirer avantage au maximum des opportunités que nous offre la filière hydroélectrique. Il s'agit, en effet, de la seule ressource énergétique que nous contrôlons totalement depuis la production en passant par le transport et la distribution. Cette disponibilité de la ressource, associée avec le mode de production intégré que constitue HydroQuébec, devrait nous permettre d'aborder l'avenir avec confiance.

Cet avenir est toutefois jalonné de défis qu'il nous faudra relever. Ces défis sont reliés à la gestion de l'organisation et à l'appui au développement économique.

Les défis reliés à la gestion de l'organisation sont nombreux. En effet, pour atteindre nos grands objectifs en termes d'orientation économique, la haute direction se doit de travailler sur la base d'une situation financière saine. De plus, elle se doit d'être entourée d'une équipe de travailleurs et de travailleuses dynamiques et motivés dans leur travail. Ceci se traduit par une structure administrative adaptée aux problèmes du moment et par des relations de travail positives.

Enfin, un des objectifs de fond du gouvernement vis-à-vis Hydro-Québec, est, a été et sera toujours dans l'avenir de fournir l'électricité au coût le plus bas possible et dans les meilleures conditions. Les autres défis majeurs sont la productivité de l'organisation et la qualité du service.

La situation financière. Mme la Présidente, lorsque nous travaillons d'arrache-pied à favoriser le développement économique du Québec, nous passons par les marchés, les marchés internes et les marchés externes. Nous nous devons de développer une expertise exceptionnelle qui suscite une demande de services génératrice d'emplois. Cette expertise nous l'avons développée et nous devrons la développer encore dans le domaine de la technologie. Je reviendrai sur ce thème un peu plus tard. Mais nous nous devons aussi de la développer dans nos méthodes de gestion. Le contrôle des coûts est une expertise très en demande. Il faut qu'Hydro-Québec soit reconnue comme une entreprise d'une grande force et d'une compétence exceptionnelle. Une telle réputation ne peut qu'influencer favorablement la multiplication des contrats d'affaires et ainsi stimuler le démarrage de nouveaux projets avec des retombées économiques importantes pour le Québec.

Pour une entreprise, un des meilleurs moyens de prendre la mesure de sa solidité est sa capacité de faire des profits. Les Québécois sont fiers de leur société d'État. Ils sont fiers de la maîtrise démontrée dans la gestion des grands travaux. Ils sont fiers de la technologie maîtrisée par cette société. Alors, pourquoi ne devraient-ils pas aussi être fiers de la rentabilité de l'entreprise? Cette rentabilité est la preuve de la capacité de gestion des grandes entreprises par des Québécois. Je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'un profit raisonnable fait partie des bénéfices normaux résultant d'un processus de production. Les régies de contrôle des monopoles du secteur privé confirment cette position. Elles ont permis, par exemple, à Bell Canada un taux de rendement de 12,25 %, à Gaz Métropolitain de 13,8 %, à TransCanada PipeLines de 13,25 %, à Interprovincial Pipe Line de 13,25 %, et le taux de rendement présentement d'Hydro-Québec, qui vise 13 %, est d'un peu plus de 7 %. Alors, il se situe en bas des taux de rendement des autres monopoles qui sont régis par différentes régies gouvernementales. (20 h 30)

En conséquence, un des défis d'Hydro-Québec sera de démontrer sa capacité de faire des profits, mais ce, dans des limites acceptables. Étant impliqué depuis longtemps dans la vie politique, Mme la Présidente, je sais que le citoyen québécois n'est pas seulement un consommateur d'électricité, mais aussi un travailleur, un bénéficiaire de services publics et un payeur d'impôts. Tous les fonds que retire le gouvernement en tant qu'actionnaire ne peuvent qu'être retournés à la population sous une forme ou sous une autre. En retournant des dividendes au gouvernement, les choix deviennent beaucoup plus larges. Les élus du peuple sont en mesure d'établir des priorités pour l'utilisation de ces fonds. Lorsque le gouvernement réduit le déficit public, qu'il réduit les impôts, qu'il augmente les fonds dans les services de santé, qu'il favorise l'emploi, il retourne autant de bénéfices à la population.

Ce sont des arbitrages qu'il revient au gouvernement de faire. Tant que les dividendes ne sont perçus que sur des profits jugés normaux pour une entreprise, le gouvernement recueille les fruits d'un investissement collectif et les distribue à la population.

Ceci m'amène à parler des derniers résultats financiers d'Hydro-Québec. La société a annoncé un bénéfice de 445 000 000 $ sur les trois premiers mois de 1988. Ceci représente une hausse de 103 000 000 $ par rapport aux mêmes mois en 1987. Ce bénéfice résulte de variations de volume dues à des températures plus froides, il résulte d'une situation économique favorable aux nouvelles constructions résidentielles et au succès des ventes biénergie et des augmentations de tarifs d'électricité. Les résultats financiers ne prendront cependant toute leur signification que sur une base d'année complète. De tels résultats sont évidemment un des facteurs dont nous tiendrons compte lorsque nous examinerons la prochaine proposition tarifaire d'Hydro-Québec.

Un autre des défis à relever dans l'organisation d'Hydro-Québec est l'adaptation de la structure administrative aux priorités du moment. La brève histoire d'Hydro-Québec a été marquée par des phases de croissance rapide et de ralentissement sévère qui ont forcé l'organisa-

tion, quelquefois non sans heurts, à réaménager les tâches et les fonctions. Hydro-Québec sera appelée, au cours des prochaines années, à s'adapter. Elle devra relever le défi qui consiste à être une organisation forte et efficace. Elle doit continuer à être préoccupée par la qualité du service, tout en se positionnant pour développer efficacement notre potentiel hydroélectrique dans l'intérêt des Québécois. Pour réaliser ce double objectif, tout en maintenant les coûts au plus bas, l'entreprise devra mettre l'accent sur la productivité.

Lors de la dernière commission parlementaire sur la sous-traitance, en octobre dernier, Hydro-Québec reconnaissait un écart de l'ordre de 10 % entre les travailleurs sous-traitants et les siens sur des travaux de construction sur les réseaux de distribution. L'amélioration de la productivité constitue effectivement l'un des objectifs importants du plan de développement qui a été soumis au gouvernement récemment. Cet objectif implique qu'Hydro-Québec cherchera à faire la meilleure utilisation possible du potentiel humain considérable à sa disposition.

En ce qui concerne la sous-traitance, l'équilibre fragile entre le faire et le faire faire représente un autre défi pour l'organisation d'Hydro-Québec. J'ai déjà mentionné qu'il est normal que l'entreprise conserve et affine son expertise afin de maintenir un niveau de connaissance essentiel au fonctionnement de l'organisation et afin de demeurer un leader technologique. En même temps, l'industrie de la sous-traitance doit pouvoir continuer à compter sur Hydro-Québec pour se développer et créer à son tour une activité économique dont tout le Québec bénéficiera.

D'autre part, je ne déteste pas l'idée de considérer la sous-traitance comme un chien de garde de l'efficacité d'Hydro-Québec. En effet, Hydro-Québec gère dans une position de monopole. Il n'est pas mauvais, en termes d'efficacité, qu'il existe une certaine émulation au chapitre de l'accomplissement de certaines tâches. Cependant, la reprise des investissements exigera une atmosphère de partenariat et de travail d'équipe. Il faut que les entrepreneurs, les firmes de génie-conseil, Hydro-Québec et ses syndicats continuent à développer une interaction positive dans le meilleur intérêt des Québécois. C'est là un défi important qui attend cette entreprise.

La qualité du service à la clientèle est un autre défi que cette entreprise devra relever. Le gouvernement, à cet égard, a une responsabilité certaine. En effet, nous avons vu qu'Hydro-Québec constitue un monopole en termes de distribution d'électricité et que le gouvernement a le devoir de s'assurer qu'on tient compte des intérêts des consommateurs. Cela tombe sous le sens, puisque les familles, les institutions et les entreprises comptent sur un service continu et de qualité.

Quant à la qualité du service, il est important qu'Hydro-Québec concrétise son virage clientèle et complète la révision de ses pratiques d'affaires. La population qui, pour une large part, représente un marché captif, doit savoir qu'Hydro-Québec est à l'écoute de sa clientèle.

En tant que ministre responsable d'Hydro-Québec, je tiens à ce que cette préoccupation demeure l'une des priorités de l'entreprise. Par ailleurs, la qualité du service se traduit aussi par un approvisionnement fiable et continu.

Le Québec doit pouvoir faire face à la demande de pointe du réseau dans des conditions raisonnables de sécurité et éviter, dans toute la mesure du possible, les pannes partielles ou générales. Hydro-Québec investira donc des centaines de millions de dollars au cours des prochaines années pour améliorer la fiabilité du réseau dans son ensemble. En effet, il importe de réduire le risque des pannes au minimum, afin de pouvoir affronter avec confiance une demande de pointe qui a culminé à plus de 27 000 mégawatts le 14 janvier dernier.

Maintenant, revenons pour un instant au développement économique. Tout comme en 1963, les deux plans sur lesquels Hydro-Québec peut toujours travailler pour appuyer le développement économique sont ses activités propres et la fourniture d'électricité aux entreprises à des conditions avantageuses. Parmi ses activités propres, deux retiennent particulièrement l'attention: la reprise des grands travaux et la technologie. Ces deux aspects sont particulièrement porteurs d'avenir. Ils constituent un levier formidable de développement économique et se traduisent notamment par des investissements soutenus.

En effet, Mme la Présidente, les investissements continueront de croître sous l'impulsion du présent gouvernement. De fait, en 1990, on prévoit des investissements de 2 900 000 000 $, soit une augmentation de 75 % par rapport à 1985, dernière année d'exercice du précédent gouvernement.

À plus long terme, c'est environ 39 000 000 000 $ qui seront investis dans notre économie sur une période de dix ans. L'ampleur de ces investissements reflète bien la volonté de ce gouvernement de s'engager résolument dans la voie du développement économique. En effet, les efforts importants consentis pour développer les marchés d'exportation vont permettre aux Québécois de bénéficier de revenus d'exportation de 40 000 000 000 $ au cours des prochaines années. De plus, les contrats d'exportation permettent de devancer les travaux d'aménagement de la Baie James et de faire bénéficier les Québécois d'une activité économique accrue.

(20 h 40)

Quant à la création d'emplois, ce sont 40 000 personnes-années qui seront créées pendant la période des travaux. Il faut bien comprendre, Mme la Présidente, et même le répéter pour le bénéfice de certains membres de l'Opposition, qu'il s'agit là de nouveaux emplois résultant d'investissements suscités par les po-

litiques du gouvernement et non pas, comme certains voudraient le faire croire, de la simple continuité d'emplois existants. Autrement dit, si on n'avait pas signé les contrats d'exportation, on n'aurait pas pu devancer les travaux. Si on n'avait pas devancé les travaux, on n'aurait pas 40 000 personnes-années de plus. C'est simple, si cela n'avait pas été de l'insistance de certains membres de l'Opposition, je crois que cela ne serait même pas nécessaire de faire le point, tellement c'est simple.

Voilà, Mme la Présidente, ce qu'on peut appeler du leadership et des orientations claires. C'est à cela que la population est en droit de s'attendre.

Le développement technologique est un autre défi qui attend Hydro-Québec dans les années qui viennent. En effet, participer aux innovations technologiques, c'est donner au Québec les moyens d'accéder à la réussite économique. Cela est d'autant plus important que le Québec est une province exportatrice qui doit gagner le pari de la compétitivité dans le cadre d'un accord sur le libre-échange. Il importe donc, pour le Québec, de tendre vers une plus grande production technologique.

L'électricité est un avantage comparatif marqué par lequel on peut favoriser l'accroissement de cette production technologique. HydroQuébec doit donc considérer la technologie comme un élément stratégique, tant pour ses propres activités que pour l'effet d'entraînement qu'elle a sur notre collectivité.

Un exemple des possibilités offertes par la promotion des électrotechnologies est le projet hydrogénal à Bécancour, où l'on vise la production d'hydrogène à partir de l'électrolyse de l'eau. Il y a aussi le projet hydrogène liquide avec les membres de la communauté européenne dont Hydro-Québec va être le maître d'oeuvre pour une étude qui, si elle se révèle positive, verra l'implantation d'une usine dans la région de Sept-îles. Ce sont des exemples concrets des possibilités de développement et de reconversion de notre base industrielle par l'utilisation judicieuse de l'énergie électrique.

La stabilité tarifaire est un autre élément qui doit être à l'ordre du jour quand on pense au développement économique. En effet, la stabilité tarifaire permet de créer un climat de confiance favorisant la réalisation d'investissements majeurs. La stabilité tarifaire est donc un objectif important qui affecte plusieurs industries, les industries des pâtes et papiers, des métaux primaires et des produits chimiques. Comme nous le savons tous, des dizaines de milliers d'emplois sont rattachés à ces secteurs. En étant un objetif du gouvernement et d'Hydro-Québec, la stabilité tarifaire aide le fonctionnement de ces industries et aide à l'établissement d'entreprises au Québec qui contribueront à raffermir notre base industrielle et auront un effet structurant sur notre économie.

L'ampleur des défis que la principale société industrielle du Québec a à relever est considérable. Il est important de s'assurer qu'elle a les moyens d'y faire face.

L'un de ces moyens est de doter HydroQuébec d'une organisation supérieure, moderne et fonctionnelle. En fait, il ne faut pas se le cacher, la tâche est énorme. En ce sens, la structure que nous proposons dans le projet de loi déposé aujourd'hui, nous apparaît être la plus apte pour affronter les années qui viennent.

J'aimerais souligner également que le type d'organisation supérieure prévue dans le projet de loi s'inscrit de plus en plus dans la vie corporative des grandes organisations. Pensons, par exemple, à Alcan, à la Banque Royale, à Bell Canada, à Petro-Canada, à la Banque nationale. C'est cette structure que nous voyons dans ces entreprises de taille que nous proposons dans le présent projet de loi.

Enfin, la nomination du sous-ministre du ministère de l'Énergie et des Ressources au conseil d'administration d'Hydro-Québec, sans droit de vote, reflète une pratique déjà existante au gouvernement. C'est le cas, par exemple, de la Caisse de dépôt et placement du Québec où le sous-ministre des Finances fait partie du conseil d'administration. L'approche retenue montre l'importance des liens stratégiques entre le gouvernement et Hydro-Québec. Elle favorisera la communication nécessaire, tout en laissant à Hydro-Québec l'autonomie propre à une société d'État.

En conclusion, Mme la Présidente, tout ce qui concerne cette société d'État est d'une importance capitale pour notre collectivité. Il y a lieu pour le gouvernement de s'assurer qu'Hydro-Québec possède tous les outils nécessaires pour aborder le XXIe siècle avec la même conviction, le même esprit d'initiative et d'entrepreneurship qui a présidé à presque un demi-siècle d'histoire. Cela est d'autant plus important qu'Hydro-Québec est le principal exemple de consensus social au Québec. En effet, la mise sur pied et le développement d'Hydro-Québec au cours des années représentent le plus bel exemple de la convergence entre la volonté politique d'une population à maîtriser ses ressources et les impératifs de développement économique propres à une société d'État moderne. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. M. le député d'Un-gava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. J'avais au départ prévu une très brève intervention sur ce projet de loi, étant donné que je me disais: Un projet de loi de cinq articles, six articles même, si on calcule la date d'entrée en vigueur du projet de loi, sûrement que si le ministre prend le moindrement son temps de parole pour nous expliquer le projet de loi, il n'y

aura plus grand-chose à dire là-dessus et je n'aurai qu'à faire quelques remarques d'ordre général. Sauf que, Mme la Présidente, je me vois vraiment dans l'obligation de changer mon fusil d'épaule, de me réorienter à la suite du discours que le ministre vient de nous faire.

Si vous l'avez écouté tel que je l'ai écouté moi-même, le ministre nous a parlé d'efficacité, de niveau d'emploi, de sous-traitance, de technologie, de profits, de rendement, d'investissements, de contrôle du gouvernement, de tarifs. Il nous a même parlé des usines d'hydrogène, mais c'est à la toute fin qu'il nous a glissé quelques brèves paroles, il nous a parlé très rapidement du contenu de son projet de loi. Il ne nous a rien dit là-dessus. Il ne nous a pas dit combien cela allait coûter, pourquoi il faisait cela, quelles étaient les raisons qui faisaient qu'on avait un contrat d'une telle durée et que l'autre avait un contrat d'une autre durée. Il ne nous a rien dit là-dessus.

D'autant plus, Mme la Présidente, qu'avec toutes les interventions qu'il a faites, en allant même jusqu'à pointer, à l'occasion, l'Opposition en lui disant: Vous n'avez rien compris, en faisant cela, vous conviendrez qu'il m'a ouvert quelques belles portes et si j'avais à répondre point par point à toutes les allégations que le ministre a faites dans son discours, étant donné qu'il a parlé à peu près de tout, je n'aurais sûrement pas suffisamment d'une heure pour lui répondre. Je vais quand même tenter de me modérer dans mes transports et de rester dans le temps du règlement pour dire quand même quelque chose, d'abord répondre brièvement à quelques-unes des affirmations que le ministre a faites dans son discours, qui n'avaient rien à voir, soit dit en passant, avec le projet de loi. On aurait même cru que le ministre avait tendance à vouloir étirer le temps lui-même. S'il avait été dans l'Opposition, peut-être que cela aurait été compréhensible, mais en tant que ministre au pouvoir, je crois qu'il n'avait vraiment pas intérêt à nous parler à peu près de tout, excepté du projet de loi.

Il a pris trois quarts d'heure pour nous vanter les mérites d'Hydro-Québec, avec raison d'ailleurs, pour nous parler des niveaux technologiques et de toutes sortes de choses, mais il a très peu parlé du projet de loi, ce qui nous fait dire, Mme la Présidente, qu'il y a peut-être anguille sous roche et que le ministre avait tout avantage à noyer le poisson en nous parlant de tout ce qui peut concerner l'ensemble de la machine d'Hydro-Québec qui est, comme on l'a déjà dit d'ailleurs, un des plus beaux fleurons de l'économie québécoise, qui est un exemple de l'efficacité des Québécois reconnue autant au Québec qu'à l'étranger, mais ce n'était peut-être pas le temps de nous parler de cela dans un projet de loi de six articles visant essentiellement à mettre deux têtes à la place d'une. (20 h 50)

C'est tout ce qu'il y a dans ce projet de loi. En parlant de tout ce dont il a parlé, le ministre laisse prétendre ou donne l'image à la population du Québec qu'il s'agit là d'un projet de loi d'une grande importance, qui touche l'ensemble de la Loi sur Hydro-Québec. D'ailleurs, cela s'intitule d'une façon un peu pompeuse "Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec".

En nous parlant de tout ce qui concerne Hydro-Québec, on a l'impression que c'est un projet de loi qui est épais comme un dictionnaire et qui doit toucher à l'ensemble de la Loi sur Hydro-Québec, alors qu'en réalité, ce sont deux petites feuilles avec six articles qui nous disent: C'est bien de valeur, on va avoir deux chefs au lieu d'un à partir de maintenant.

Et on se demande toujours pourquoi d'ailleurs, deux chefs au lieu d'un? Est-ce qu'Hydro-Québec n'a pas fait la preuve de ses capacités? Est-ce que le président d'Hydro-Québec, qui vient à peine de sortir, n'a pas fait la preuve de ses capacités? Est-ce qu'il ne nous a pas démontré qu'une seule tête solide, bien ancrée était capable de mener la boîte d'Hydro-Québec? On se demande pourquoi.

J'irais même, Mme la Présidente, jusqu'à reprendre une expression populaire - en tout cas qui est bien connue par chez nous - on a l'impression que c'est la queue qui mène le chien. On a l'impression qu'il s'agit là d'un arrangement qui fait l'affaire de tout le monde pour réussir ou pour entériner, pour rendre légales des nominations qui sont déjà faites.

De toute façon, ce que le ministre nous annonce dans son projet de loi, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Les nominations sont déjà là, les gens sont connus, même leurs salaires sont connus. D'ailleurs, on en parlera tout à l'heure du niveau salarial. On se demande jusqu'à quel point le ministre n'est pas en train de faire un habit sur mesure à deux individus qui devront se partager les tâches mais sans que cela ne soit encore vraiment défini. On a l'impression qu'il y a quelque chose de flou en dessous de tout cela. Le ministre renforce notre impression en parlant de toutes sortes de points dans son intervention sauf, justement, de ceux qui auraient pu éventuellement satisfaire à quelques-unes de nos interrogations.

D'abord, Mme la Présidente, le ministre ne nous dit rien sur les raisons ou sur la supposée politique d'ensemble qui aurait amené le gouvernement à prendre deux présidents, dont un va être chef de l'ensemble des activités d'Hydro-Québec et l'autre, chef d'exploitation. Un chef de direction et un chef d'exploitation. Il ne nous dit pas comment ils en sont arrivés là. il n'y a jamais eu de politique là-dessus.

Tout le monde se souviendra que cet hiver, lorsqu'on parlait de nommer un nouveau président à la tête d'Hydro-Québec, on n'a jamais parlé de deux têtes. On disait: M. Coulombe, après avoir exercé ses fonctions pendant un certain nombre d'années, d'une façon louangeable à tous égards, doit s'en aller. On va le remplacer par

quelqu'un d'autre. Et ce gouvernement cherchait un remplaçant à la présidence d'Hydro-Québec. Tout à coup, oup! sans trop savoir pourquoi, du jour au lendemain, il y en a deux. Efficacité? Ou peut-être la possibilité de trouver un faux-fuyant, une façon de faire pour empêcher que d'autres présidents de sociétés d'État ne puissent avoir des espoirs quant à leur rémunération?

Vous savez, Mme la Présidente, et c'est peut-être là le noeud du problème dont le ministre n'a jamais voulu nous parier, M. Cou-lombe, à la présidence d'Hydro-Québec, avait des revenus globaux, salaire et avantages sociaux reliés à sa fonction, de l'ordre de 230 000 $. On aura maintenant deux personnes qui vont prendre, à toutes fins utiles, le même emploi qui était mené par un individu antérieurement et qui coûtait à peu près 230 000 $. On va donner cela à deux personnes. Mais là, cela va coûter 500 000 $. Cela ne coûtera plus 230 000 $, cela va en coûter 500 000 $. C'est du bel argent, vous avez raison de le souligner, M. le député.

Pourquoi en est-on arrivé la? Par mesure d'économie? On aura de la difficulté à le croire. Nous prétendons - et le ministre aura beau, s'il veut le faire, nous démontrer le contraire - que ce gouvernement n'a jamais été capable de trouver un remplaçant dans un salaire qui pourrait se situer dans une "bracket" de l'ordre de 200 000 $ à 230 000 $ y compris les avantages sociaux, comme c'était le cas pour l'ex-président d'Hydro-Québec.

Les demandes devaient être très supérieures à cela. Si on se situe, par exemple, au niveau des salaires qui sont payés à Téléglobe Canada ou dans d'autres sociétés d'État comme Air Canada, si on se situe dans ces "brackets" de salaire, le gouvernement du Québec n'a jamais été capable de trouver un remplaçant au président d'Hydro-Québec dans les normes salariales appliquées dans les entreprises publiques ou paragouvernementales québécoises. Et, afin d'éviter que, par exemple, le P.-D.G. de la SGF ou celui de la Caisse de dépôt qui sont aussi en tête de gros holdings, d'entreprises importantes dans l'économie québécoise, n'aient de faux espoirs ou s'imaginent que, si on augmente le traitement du président d'Hydro-Québec, eux aussi vont voir leur traitement augmenter, on a rendu un jugement de Salomon. On a coupé la poire en deux. On a dit: On va faire deux cadres, on va en nommer deux au lieu d'un. Comme cela on pourra donner à chacun un salaire convenable, légère augmentation sur ce qui se faisait avant, et on pourra toujours dire au président de la SGF ou au président de la Caisse de dépôt: Eh bien, ce n'est plus la même chose à Hydro-Québec, on paie un 500 000 $, mais les fonctions ne sont plus les mêmes, c'est beaucoup plus important, c'est beaucoup plus gros, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même définition de tâches. À moins que l'on ne veuille s'aligner aussi dans ces deux cas-là, sur des structures bicéphales qui coûteront sûrement beaucoup plus cher. C'est peut-être la raison. On verra lorsqu'on renouvellera les mandats des présidents-directeurs généraux de la SGF et de la Caisse de dépôt, pour ne citer que ces deux-là.

Enfin, il reste qu'il nous semble qu'il y ait un indice sur lequel le ministre aurait peut-être eu avantage à donner des précisions tout à l'heure afin d'enlever quelques-unes de nos craintes. Au contraire, il s'est trouvé un faux-fuyant et nous a parlé des investissements à la Baie James, du niveau d'emplois. Il a essayé de faire croire que l'Opposition n'avait rien compris. Malheureusement pour lui, il arrive que l'Opposition soit capable de lire entre les lignes et finisse par trouver les véritables raisons, les véritables motivations qui font qu'un ministre agit d'une façon plutôt que d'une autre.

Et ce n'est pas tout, Mme la Présidente. Il y a encore beaucoup de choses qui ne sont pas claires là-dedans. Par exemple, pourquoi le mandat du président du conseil et chef de direction, tel qu'on l'appelle à l'article 2 du projet de loi qui modifie l'article 5 de la Loi sur Hydro-Québec, est-il de cinq ans, alors que le président et chef de l'exploitation n'a qu'un mandat qui va se terminer à l'été 1990, soit dans à peu près deux ans et demi? Il n'y a rien dans le projet de loi qui nous explique pourquoi les mandats ne sont pas de même durée. Il n'y a rien qui nous explique comment ces mandats vont être renouvelés. Bien, on sait toujours. On dit que c'est le gouvernement qui les nomme. Ils sont nommés à l'intérieur du conseil d'administration d'Hydro-Québec. On nous dit cela, mais on ne nous dit pas pourquoi on n'a pas prévu des mandats semblables, de même durée, pour jumeler les deux postes. On ne nous dit rien de cela.

Peut-être que le ministre aurait eu avantage à prendre quelques secondes là-dessus pour nous expliquer les raisons de ces décisions-là. Décisions, d'ailleurs, Mme la Présidente, qui, vous en conviendrez, ne relèvent pas d'une véritable orientation, d'une véritable direction politique, dans le sens pur de "politique". Je ne parie pas de politicaillerie. Parce que ce n'est que maintenant que l'on a le projet de loi à l'étude, alors que les deux individus dont il est question sont déjà engagés depuis belle lurette. Alors, on ne fait que légiférer sur une situation de fait, sur quelque chose qui a déjà été fait, sans que le ministre se casse la tête pour savoir ce que les parlementaires en pensaient. Cela ne l'a pas fatigué tellement de modifier la structure. Après cela, il s'est peut-être rendu compte, en lisant la Loi sur Hydro-Québec, qu'il ne pouvait pas modifier la structure comme cela, puisque la loi ne prévoyait pas ces modifications-là. , Alors, après avoir engagé son monde, il a dit: Bien, c'est bien de valeur, il va falloir que j'aille devant le Parlement pour m'expliquer. Comme je ne peux pas trop m'expliquer parce que cela aurait l'air bête, à ce moment-là, bien on va

parler d'autre chose. On parlera du plan de développement. On parlera des 40 000 emplois bidons à la Baie James. On parlera de toutes sortes de choses, mais le moins possible du projet de loi. (21 heures)

Voilà, Mme la Présidente, le contexte dans lequel on se retrouve au moment où je vous parle et qui nous semble vraiment loin d'être clair justement par manque de vision politique à long terme de ce gouvernement. On se demande, par exemple, lorsque les mandats auxquels on a fait référence seront terminés, si le ministre va se sentir obligé d'amender encore une fois la Loi sur Hydro-Québec en fonction des nouveaux candidats. Est-ce qu'il va ajuster? Est-ce qu'il va jouer au tailleur sur mesure chaque fois qu'on va changer la présidence d'Hydro-Québec? On se le demande, dans la mesure où, justement, on commence par s'engager, on commence par la modifier dans les faits avant de la modifier dans la loi. Si le ministre l'a fait une fois, il n'y a rien qui l'empêche de le faire à volonté, à l'infini, tant et aussi longtemps qu'il sera ministre, parce que cela ne semble vraiment pas relever d'une orientation, d'une vision à long terme du développement d'Hydro-Québec.

Par exemple, M. le Président, vous nous permettrez de nous interroger, entre autres, sur le rôle effectif, le véritable rôle du président et chef de l'exploitation. On comprend que le président et chef de la direction, c'est celui qui aura la lourde tâche, finalement, de faire les liens entre le gouvernement et Hydro-Québec, celui qui servira de véhicule au gouvernement pour faire passer ses orientations à HydroQuébec. Le ministre nous l'a lui-même dit tout à l'heure. Il nous a dit: II ne faut pas oublier qu'Hydro-Québec est une société d'État qui relève d'un gouvernement et, à ce moment-là, il faut que le gouvernement lui prescrive des orientations, lui dise quoi faire. C'est ce que le ministre nous a dit. Alors, on aura un président et chef de la direction dont ce sera le rôle, et c'est dit dans la loi. Ce sera le véhicule entre le gouvernement et Hydro-Québec. C'est celui qui aura à répondre de l'ensemble des activités d'Hydro-Québec. Jusque-là, ça va. C'est une partie des tâches qu'avait l'ex-président d'Hydro-Québec.

Quand on parle du président et chef de l'exploitation, d'abord on se répète. Il y a une certaine redondance dans l'utilisation du mot "président". On a deux présidents, peut-être parce qu'on ne pouvait pas l'appeler "vice-président". Il y en a déjà un vice-président à l'exploitation.

Une voix: C'est le même gars.

M. Claveau: Le ministre nous dit: C'est le même gars.

Une voix: Bien oui.

M. Claveau: C'est le même gars. S'il va faire les mêmes choses qu'il faisait quand il était vice-président, on avait juste à lui laisser le poste de vice-président. On n'avait pas besoin de deux têtes. C'est aussi simple que ça. S'il continue à jouer le rôle du vice-président actuel à l'exploitation, le ministre aurait pu nous l'expliquer dans un premier temps au lieu de nous parler de toutes sortes de choses, de broder autour du sujet. Mais si le nouveau président et chef de l'exploitation remplit les tâches qu'il remplissait déjà ou qui sont déjà remplies par un vice-président à l'exploitation, il n'y avait pas de raison d'avoir deux présidents, dont un à l'exploitation, à moins qu'il ne s'agisse que d'un trait d'union, d'une boite à malle. C'est difficile d'utiliser des termes sans vouloir être préjudiciable envers qui que ce soit, mais on essaie de comprendre. On essaie de comprendre le pourquoi d'une nomination semblable.

Techniquement parlant, qu'est-ce qui, par cette nomination, va faire en sorte qu'Hydro-Québec sera plus efficace, plus rentable, augmentera ses profits, augmentera son taux de rendement, tous les grands objectifs que le ministre nous donnait tout à l'heure? Qu'est-ce qui va faire qu'Hydro-Québec va pouvoir maintenir une certaine stabilisation dans la tarification? Cela ne change absolument rien que le vice-président à l'exploitation maintenant soit un président à l'exploitation. Ce n'est pas cela qui va modifier le comportement. Ce n'est pas cela qui va faire en sorte que les Québécois vont acheter plus d'électricité. Ce n'est pas cela non plus qui fera qu'on en vendra plus à l'extérieur.

Je crois, à ce moment-là, qu'on est obligé de revenir à l'hypothèse dont on parlait tout à l'heure, qui veut tout simplement, M. le Président, que le gouvernement avait une patate chaude entre les mains. Il était pris pour nommer un président d'Hydro-Québec, un p.-d.g. qui aurait peut-être coûté 300 000 $ à 350 000 $ par année, comme c'est le cas pour d'autres sociétés d'État, surtout au fédéral, et que devant l'hypothèse de l'escalade des demandes salariales venant des présidents des autres sociétés d'État, il a décidé de couper la poire en deux et de créer deux postes de président. De cette façon, il restait dans une certaine catégorie, dans une certaine limite eu égard aux salaires versés à ces gens-là, même si cela coûte, à la limite, deux fois plus cher que cela coûtait avant, et de dire aux présidents des autres sociétés d'État: Vous n'avez pas à vous en faire parce que ce poste est scindé et ce n'est plus du tout la même chose. En tout cas, on espère que le ministre sera en mesure de répondre à quelques-unes de nos préoccupations parce qu'il ne l'a pas fait durant le premier trois quarts d'heure de son discours. Il lui reste quelques minutes, après mon intervention, pour répondre à ces questions. Il est à souhaiter que le ministre sera en mesure de donner quelques éclaircissements qui seront

sûrement très appréciés de la population en général et des téléspectateurs qui sont là ce soir devant leur petit écran à attendre des informations du ministre. Je ne crois pas que la population québécoise ait eu plus d'informations que celles que nous avons maintenant. Toutes les questions que je soulève là, M. le Président, sont des questions auxquelles nous n'avons toujours pas de réponse et qu'on aurait dû normalement retrouver dans le discours en deuxième lecture que vient de nous livrer le ministre tout à l'heure.

Je ne peux m'empêcher de revenir sur quelques-unes des affirmations que le ministre a faites lors de son discours en deuxième lecture, entre autres sur le niveau d'investissements, sur le taux de rendement, sur les profits et surtout, bien évidemment, sur les emplois à la Baie James. On va commencer par cela. Le ministre profite de l'occasion qui lui est donnée pour essayer de se sortir un peu d'une mauvaise situation et de revenir nous parler et essayer de nous faire comprendre que l'Opposition n'avait absolument rien saisi de la création d'emplois à la Baie James depuis l'annonce que le premier ministre nous faisait en cette Chambre le 8 mars, à savoir que tout le monde allait avoir du travail à la Baie James du jour au lendemain.

M. le Président, je crois que c'est le ministre qui n'a pas compris. Dans les chiffres qu'Hydro-Québec elle-même nous a déposés - c'est peut-être pour cela d'ailleurs qu'on a décidé de changer la tête d'Hydro-Québec, on ne le sait pas - il va y avoir, cet été, à peine trois mois après l'annonce en Chambre, 7300 emplois directs et indirects sur les grands travaux d'Hydro-Québec que l'on retrouve au plan de développement d'Hydro-Québec de 1985. On ne nous fera pas accroire, M. le Président, et personne au Québec ne va croire qu'on annonce des travaux de l'ordre de 7 000 000 000 $ et que, trois mois après, il y a 7300 travailleurs sur les chantiers. Voyons donc! Ce n'est pas comme ça que ça se passe dans les travaux de cette envergure. On ne change pas les armoires dans sa cuisine, là. Ce sont des travaux qui demandent des phases de préparation de deux à trois ans. Alors, cet été, à partir de juin et de juillet, sur les chantiers de Manie 5, puissance additionnelle, sur les chantiers de LG 2, puissance additionnelle, et sur la construction de la onzième ligne, on prévoit, pour l'ensemble de l'année 1988, 7300 emplois directs et indirects dont la majeure partie sera occupée dans la "bracket" mai-septembre, pour des raisons bien évidentes, entre autres que le travail sur le terrain, dans le nord, dans les régions éloignées, est beaucoup plus facile l'été que l'hiver; il y a plein de travaux qu'on peut faire l'été et qu'on ne peut pas faire l'hiver. Il y a 7300 emplois.

L'an prochain, on va tomber à environ 5100 emplois sur les grands chantiers. C'est 2000 de moins que cette année, un petit peu plus de 2000 de moins. Ce niveau entre 5000 et 5500 va se maintenir jusqu'en 1993. C'est juste en 1993, lorsqu'on combine la décroissance des travaux actuellement en cours à la suite du plan de développement de 1985 et la croissance des travaux annoncés en mars dernier, que l'on va retrouver un niveau d'emploi équivalent à celui de 1988. Ce sont les chiffres d'Hydro-Québec et cela va aller en 1994. Donc, si vous me permettez de faire un rapide calcul arithmétique, M le Président, 1994 moins 1988, cela donne 6. Il ne faut pas être ingénieur pour comprendre cela. Cela va prendre six ans avant que l'on retrouve un niveau d'emplois sur les grands chantiers d'Hydro-Québec signtficativement supérieur à ce qu'on a cette année. On aura alors environ 10 000 travailleurs occupant des emplois directs et indirects en 1994. Chiffre, source HydroQuébec. (21 h 10)

Quand le ministre nous dit qu'on fait de la démagogie avec cela, qu'il consulte les chiffres d'Hydro-Québec. Lui-même, qui est supposé savoir et dont le sous-ministre siégera prochainement au conseil d'administration d'Hydro-Québec, officiellement du moins, de par la loi, il devrait être capable de consulter ces chiffres si nous sommes capables de le faire. Que le ministre démente cela si on a tort. Mais, à ce moment-là, il faudra aussi qu'il démente l'ensemble des calendriers de planification d'embauché d'Hydro-Québec sur ces grands chantiers. Ce n'est pas nous qui avons inventé les chiffres.

Le ministre nous dit: S'il n'y avait pas eu de contrat d'exportation, on n'aurait pas eu ces emplois. Ce qu'il nous dit là, c'est vrai aussi pour n'importe quelle entreprise dont les emplois dépendent des contrats. Si, par exemple, pas plus tard qu'aujourd'hui Canadair n'avait pas annoncé la vente de deux nouveaux Challenger à la Chine populaire, Hs le disent eux-mêmes, probablement qu'il y aurait une baisse du niveau d'emplois chez Canadair. Parle-t-on de création d'emplois chez Canadair parce qu'on va être capable de maintenir le niveau de production à cause de la vente de deux nouveaux Challenger? On maintient le niveau de production.

Je regarde le ministre de l'Industrie et du Commerce. Il doit se rappeler le dossier de GM dont il a été question il n'y a pas si longtemps en cette Chambre. Pour que le niveau d'emplois se maintienne chez GM, hé bien! il faut que des voitures se vendent. À partir du moment où l'on maintient le niveau de vente de voitures et qu'il y a continuellement des commandes de nouvelles voitures, on maintient le niveau d'emploi, mais on ne parle pas de création d'emplois chaque fois qu'on vend une nouvelle voiture.

Tout exemple étant imparfait en soi, j'ose croire que la population du Québec va être capable de faire le lien entre ces exemples et l'exemple qu'on a actuellement d'Hydro-Québec qui a déjà un niveau d'emploi de l'ordre de 7000 emplois directs et indirects reliés aux grands travaux et qui va pouvoir les maintenir plus

longtemps que prévu, non pas plus longtemps que prévu mais plus longtemps que les chantiers actuels parce que, de toute façon, ce qu'on nous a annoncé ici en grande pompe dans cette Chambre, ce n'est rien d'autre que le plan de développement d'Hydro-Québec qui aurait dû être fait et c'est même encore largement inférieur à ce que prévoit Hydro-Québec.

On se souviendra qu'en 1985, le premier ministre ou l'aspirant premier ministre, à ce moment, - il a dû aspirer deux fois plutôt que les autres - nous parlait de 12 000 mégawatts, 25 000 000 000 $ d'investissements. Il y avait du courant au Québec, pas de problème, on va en vendre, tout le monde en veut. À ce moment-là, le président d'Hydro-Québec disait: Faisons attention. Quand on en aura vendu 3500 ou 4000 mégawatts, c'est probablement le mieux qu'on pourra faire. Et le gouvernement a dit: Ah! Ce sont les propos de ce gouvernement. Ils ont dit: Ah! L'actuel président d'Hydro-Québec est un gestionnaire; il nous faut un président développeur. Cela n'a pas pris grand temps pour que le développeur en question se retrouve au conseil d'administration d'Hydro-Québec. On s'en souvient, il était là lors de la phase I de la Baie James mais il n'a pas tenu longtemps. Ce grand développeur a été obligé de se tasser tranquillement devant la logique implacable de l'argumentation de l'administration d'Hydro-Québec qui disait: C'est bien clair, 12 000 mégawatts, voyons donc! Arrêtez de rêver en couleur. On ne vendra pas cela avant 25 ou 30 ans, dans une troisième étape éventuellement, la première étant la vente d'énergie excédentaire, la deuxième, on va vendre de l'énergie ferme pour 3500 à 4000 mégawatts et après, dans une troisième étape qu'on développera plus tard, on pourra penser aller vers des nouveaux marchés, mais, pour le moment, ne rêvons pas en couleur. Donc, le futur, le prétendu président développeur a dû se tasser pour laisser la place à la logique implacable des gestionnaires qui avaient, eux, compris la situation.

On se retrouve maintenant dans une situation où, effectuent, dans le plan de développement d'Hydro-Québec, on parle de 3500 mégawatts. On est revenu dans les normes, on est très loin, vraiment très loin, à des années-lumières de ce que nous annonçait l'aspirant premier ministre du Québec à l'été 1985 avec ses milliards et ses dizaines de milliers de mégawatts qui étaient déjà prétendument vendus. Les clients attendaient seulement que cela soit bâti pour les prendre, mais cela ne s'est pas fait comme cela: 3500 mégawatts dans le plan de développement et, actuellement, il y en a 2400 de vendus. Encore là, il a fallu faire du lobby pas mal pour en vendre. Le ministre ne s'est pas promené seulement une fois aux États-Unis, le premier ministre non plus. Il est allé faire des discours pour leur montrer qu'on était capables d'en vendre. On est encore largement inférieur aux prévisions du plan de développement.

Lorsque le ministre vient nous dire en cette Chambre qu'on crée de nouveaux emplois à la Baie James parce qu'on a vendu de l'électricité, d'une part, il faudrait comprendre qu'on est largement en dessous des prévisions abracadabrantes de ces gens-là en campagne électorale et que, d'autre part, avec les 2400 mégawatts vendus à l'étranger, on ne fait que maintenir durant six ou sept ans de plus le niveau d'emploi qu'on a déjà atteint dans des grands chantiers d'Hydro-Québec, avec les décisions de 1985. Les chiffres sont là noir sur blanc pour le démontrer.

Que le ministre nous dise que l'Opposition n'a rien compris, je pense que ce serait à lui de consulter son sous-ministre qui est au conseil d'administration d'Hydro-Québec pour qu'il lui donne de l'information de temps à autre, pour qu'il arrête de dire n'importe quoi et qu'il travaille à partir des chiffres d'Hydro-Québec. Peut-être, à ce moment-là, qu'il pourra faire comme il a déjà eu l'occasion de le faire, dire: Écoutez, c'est vrai... C'est cela, la triste réalité.

Quand les chômeurs, les assistés sociaux, les jeunes du Québec abondent dans les bureaux des députés parce que, encore là, le signal a été peut-être mal donné de la part du gouvernement en laissant croire que c'était une activité politique que d'embaucher pour la Baie James, quand ces gens-là ont eu le signal qu'il y avait 40 000 emplois à la Baie James, et qu'on a dit en sourdine que c'étaient 40 000 personnes-années, on avait déjà claironné 40 000 emplois avant de mettre la sourdine sur le clairon. Encore là, un signal a été donné, il y a des travailleurs qui ont compris qu'ils pourraient monter à la Baie James dès le lendemain matin parce qu'il y avait 40 000 emplois de créés. Ensuite, on a dit 40 000 personnes-années sur sept ans, bon, vous n'avez pas compris...

C'est certain que, lorsqu'on s'exprime mal, personne ne comprend. Si le premier ministre s'est mal exprimé, ce n'est pas surprenant que la population n'ait pas compris, ce n'est pas surprenant qu'on voyait en manchette des premières pages des journaux avec photos à l'appui des centaines de travailleurs, de chômeurs, qui affluaient dans tous les bureaux des centres de main-d'oeuvre du Québec, qu'il y avait des demandes qui rentraient, semble-t-il, à la pochetée au bureau du ministre, du premier ministre, de gens qui voulaient monter à la Baie James. Ce n'est pas surprenant que cela arrive quand on envoie des signaux tout croches. Mais je vous le dis à vous tous qui pensez monter à la Baie James, cela va aller en 1994 avant que le niveau d'emploi sur les grands chantiers d'Hydro-Québec soit supérieur au niveau de 1988. Si vous avez une chance de trouver une autre petite "job" en attendant, vous feriez bien de la prendre, parce que votre chômage va avoir le temps de s'écouler jusqu'en 1994. Si c'est le message que voulait passer ou qu'aurait dû donner le premier ministre, il s'est largement trompé et il vous a trompés un peu, vous tous

qui attendez pour avoir des emplois. C'est la triste réalité. Si le ministre est capable de la démentir, qu'il le dise clairement, qu'il donne les chiffres clairement. Jusqu'à maintenant, le seul chiffre qu'il nous a donné, c'est 40 000 personnes-années, c'est le seul chiffre qu'il nous a donné. Qu'il nous donne les véritables chiffres d'Hydro-Québec et qu'il arrête de laisser croire que l'Opposition n'a rien compris, alors que ce que nous avons comme chiffres, ce sont ceux de la distribution des emplois d'Hydro-Québec en fonction des impératifs de travaux sur les chantiers. (21 h 20)

Changeons de sujet, parlons un peu du niveau de profit et du taux de rendement. Le ministre nous disait: II faut faire des profits parce qu'on en a besoin. C'est sûr qu'on en a besoin. Pour capitaliser pour investir 7 000 000 000 $, on a besoin d'un peu de profit, c'est bien clair. Il faudra trouver de l'argent quelque part pour investir, n'est-ce pas? Vous allez dire: Si je veux m'acheter une maison ou une automobile, il faut que je mette un peu de "cash". Hydro-Québec a le même problème quand elle va sur les marchés internationaux, il lui faut un peu de "cash" dans ses poches et quand on veut emprunter pour des investissements de 7 000 000 000 $, il faut avoir un peu d'argent. On ne se présente pas là avec une couple de 0,25 $. C'est certain qu'il faut des profits pour permettre d'aller emprunter pour construire des équipements qui seront bloqués pendant 35 ans à partir d'aujourd'hui, parce qu'on a vendu à nos voisins américains. Je n'ai rien contre nos voisins américains, sauf que l'on doit capitaliser maintenant pour bâtir des équipements dont on ne pourra pas, en tant que Québécois, jouir avant 35 ans.

Pourquoi 35 ans? Les derniers contrats nous le disent: contrats de vente sur 29 ans, plus six ou sept ans pour les construire, parce qu'ils ne sont pas bâtis. C'est juste dans 35 ans qu'on va en avoir besoin. Ce sont les équipements les moins coûteux: LG 1, les approches sont déjà toutes faites, la rivière est détournée, une bonne partie du travail est réalisée, il reste à bâtir la centrale. Déjà là, on est pas mal avancé. C'est une opération qui n'est quand même pas très coûteuse. Brisay Laforge: deux centrales que certains à Hydro-Québec qualifient eux-mêmes de barrage à castor. Les petites centrales: 400 à 500 mégawatts, finalement, des équipements pas très coûteux, parce que les infrastructures sont déjà là. Alors, on paie aujourd'hui sur nos tarifs d'électricité pour investir, pour vendre à nos voisins américains les équipements les moins coûteux actuellement pour la production de kilowatts. Le kilowatt, c'est un peu comme un crayon. Si je veux vendre mon crayon 1 $, il ne faut pas qu'il me coûte plus de 1 $. S'il me coûte 0,90 $, je suis peut-être bon pour le vendre 1 $. Il va me rester un peu de profit. Le kilowatt c'est la même chose. S'il me coûte 0,25 $ mes profits seront plus grands si je le vends 1 $. Alors, quand on vend de l'électricité, c'est la même chose; chaque centrale a un coût de production du kilowatt. Cela ne coûte pas la même chose de produire un kilowatt, par exemple, dans une centrale de la Mauricie ou dans une grosse centrale comme LG 2 qui, à elle seule en produit 5200, à Churchill ou dans une centrale du réseau Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Chaque endroit ou chaque équipement de production a son coût spécifique qui lui est relié, mais par contre le kilowatt sur le marché se vend tout le temps le même prix ou à peu près, selon les marges de politiques tarifaires qu'on se donne. Quand j'achète mon kilowatt pour faire fonctionner mon "toaster", qu'il soit produit à Churchill, à Manie, à LG 2 ou à Beauharnois, peu importe le coût de production de ce kilowatt dans chacune de ces centrales, je le paie le même prix à mon compteur. C'est clair et c'est pour cela qu'on voulait avoir une entreprise d'État comme Hydro-Québec pour que tout le monde paie le même prix.

On bâtit trois centrales faciles d'approche, actuellement, sur la rivière La Grande. Les centrales actuellement, c'est tout ce qui reste à bâtir. Il ne faut pas se leurrer, on parle de la baie James, - il y a 21 centrales de planifiées, d'identifiées sur le territoire de la baie James depuis le tout début des travaux, même avant 1970, quand les travaux de développement des rivières se sont faits. Il y a 21 centrales d'identifiées, il y en a trois de bâties. Il y a encore de la place pour en bâtir quelques-unes, entre autres le projet NBR qui à lui seul en a dix ou onze. Il y a le projet de la Grande-Baleine en haut où il y a encore trois centrales qui peuvent être bâties. Il y a de la place pour en bâtir, sauf que les équipements les moins coûteux qu'on a à bâtir ce sont les trois dont il est question et dont on va se priver, nous Québécois, pendant au moins 35 ans à partir d'aujourd'hui, parce qu'on a vendu de l'électricité pour 29 ans plus le temps qu'il faut pour les bâtir.

On ne commencera pas beaucoup à livrer avant 1995. Pendant les 35 prochaines années, on ne peut pas toucher ces équipements pour notre augmentation de consommation interne même si elle augmente aussi. On l'a vu encore cet hiver, on est rendu pas mal au bout du bassin. On ne peut plus parler de surplus d'énergie au Québec. C'est pour cela d'ailleurs qu'Hydro-Québec refuse maintenant de parler d'énergie excédentaire, même si le ministre veut essayer d'en créer de l'énergie excédentaire, même s'il n'y en a pas vraiment. Hydro-Québec dit: II n'y en a plus d'énergie excédentaire.

Nous, nos consommations internes et nos besoins internes augmentent. Il va falloir des constructions de centrales pour nos besoins internes. Qu'est-ce que vous pensez que cela va nous coûter? Il va falloir aller construire sur des sites où la production du kilowatt est beaucoup plus élevée, à l'unité. C'est le cas pour les

centrales dont il est question actuellement sur la rivière La Grande ou sur la rivière Brisay. C'est encore nous qui allons payer pour cela, quoi qu'on en dise.

Quand on nous parle actuellement de profits... Il nous en faut des profits mais il faut savoir ce qu'on veut faire avec ces profits. 445 000 000 $ de bénéfices nets après trois mois d'opération à Hydro-Québec, cette année. C'est de l'argent. On s'en va cette année vers des bénéfices nets de l'ordre de 600 000 000 $, dont à peu près 220 000 000 $ ou 225 000 000 $ de dividendes au gouvernement.

Le ministre des Finances arrive ici en Chambre et dit: J'ai un très beau budget. On n'a pas besoin d'augmenter les taxes. On n'augmente aucune taxe et on va donner des bonbons à un peu tout le monde, en faisant des gros chiffres qu'on va répartir sur un certain nombre d'années. C'est le cas de l'environnement, par exemple, dans le domaine agricole. À ce moment-là, qu'a-t-il oublié de dire? C'est qu'en augmentant, en faisant une pression à la hausse sur les tarifs, sous prétexte d'augmenter le taux de rendement, on permet au gouvernement d'avoir des dividendes - à peu près 225 000 000 $ cette année, on s'en va vers cela - qui vont faire finalement que...

C'est sûr que sur le plan des besoins financiers nets du gouvernement, ce sont 225 000 000 $ de moins. Cet argent-là, on ne l'a pas perçu, il ne faisait pas partie du discours sur le budget, on ne l'a pas perçu par le biais des taxes. Mais on est venu le chercher drôlement dans notre poche, par exemple, en augmentant nos tarifs d'électricité. Quand on disait, nous de l'Opposition, en commission parlementaire, pas plus tard qu'il y a quelques mois, quand Hydro-Québec est venu déposer son plan de développement, que les seuls qui font pression actuellement sur Hydro-Québec pour l'augmentation des tarifs, c'est le gouvernement du Québec lui-même. C'est une honte mais c'est la triste réalité.

La preuve en est faite actuellement. On est en train de dépasser toutes les prévisions d'Hydro-Québec en termes de profits nets pour cette année, en termes de taux de rendement par le fait même. Ce n'était pas nécessaire. Il n'y avait aucune raison qu'Hydro-Québec augmente ses tarifs pour rester dans le cadre de ses propres prévisions. Il n'y avait aucune raison. Même sans aucune augmentation des tarifs les profits nets d'Hydro-Québec, après trois mois d'opération cette année, seraient déjà supérieurs aux prévisions. Qui a fait pression pour que tous les Québécois et toutes les Québécoises paient des augmentations tarifaires? C'est le gouvernement du Québec parce qu'il avait besoin d'argent pour diminuer ses besoins financiers nets. Des taxes déguisées, c'est comme cela qu'on appelle cela. Si on est capable de les appeler autrement, on a beau chercher des noms mais en bout de piste, on va toujours se rendre compte que le synonyme des noms qu'on va trouver veut dire taxes déguisées.

Le taux de rendement, le ministre va nous dire: Si on veut avoir une bonne gueule sur les marchés internationaux, si on veut que les gens nous aiment, nous admirent, trouvent qu'on est bons, il faut qu'on arrive à un taux de rendement de bon sens, il dit à la société d'État, il le disait tout à l'heure, les taux de rendement de 13 %, 14 %, 15 %, Hydro-Québec devrait avoir un taux de rendement de l'ordre de 13 %. C'est vrai. Actuellement, le taux de rendement à HydroQuébec est de l'ordre de 7 %, à peu près. Mais savez-vous, M. le Président, que si on projette à long terme pour arriver à un taux de rendement de l'ordre de 14 % ou 15 % d'Hydro-Québec autour des années 1995 tel qu'on le prévoit, cela veut dire qu'en bout de piste, avec l'augmentation des investissements, la capitalisation d'Hydro-Québec, etc., on va arriver à des bénéfices nets de l'ordre de 1 500 000 000 $, pas loin de 2 000 000 000 $? C'est du bel argent.

On va nous faire accroire qu'Hydro-Québec, avec une situation financière qui est quand même de tout premier ordre actuellement, va avoir besoin d'ici 1995, de 1 500 000 000 $ de bénéfices nets pour être capable de prouver un taux de rendement qui va permettre que les investisseurs internationaux nous trouvent intéressants. Voyons donc! C'est de l'argent qui sort de nos poches. Qu'est-ce qu'on est en train de faire actuellement? On est en train, tout simplement, de se trouver du "cash" pour être capable de bâtir des équipements, non pas pour nos besoins, mais pour les vendre à l'extérieur. Et, durant ce temps-là, on se bloque de beaux projets et on va être obligés, après, de se payer des équipements plus coûteux pour notre propre consommation. (21 h 30)

Vous voyez, M. le Président, on pourrait en parler encore longtemps. J'ai dit que je ne parlerais pas de tout ce dont le ministre nous a parlé, l'efficacité, la sous-traitance - on pourrait parler de la sous-traitance - de la technologie. Il nous a parlé d'hydrogène et des investissements d'Hydro-Québec dans tous les secteurs. Je vous l'ai dit au début. Je n'aurais pas assez d'une heure pour répondre à tout cela. Je vais m'ar-rêter là. On aura sûrement la chance de se reprendre.

Pour revenir, d'une façon plus spécifique, au projet de loi dont il est question, je vous dirais, M. le Président, qu'en ce qui nous concerne dans l'Opposition, on ne voit absolument aucune raison à ce projet de loi si ce n'est que de préciser une situation de fait, si ce n'est que de permettre au ministre de trouver un habit taillé sur mesure à une décision qui a été prise peut-être un peu vite parce qu'il n'avait pas consulté la Loi sur Hydro-Québec et qu'il ne savait pas qu'il ne pouvait pas le faire. Alors, comme le monde est engagé, il faut s'organiser pour que cela se fasse. On va modifier la loi. Plutôt que de licencier le monde, on va modifier

la loi. C'est ce qui nous arrive.

Si le ministre avait eu une démarche qui fasse vraiment partie d'une orientation, d'une ligne maltresse, d'une politique, d'une vision à long terme, d'abord, il n'y a personne qui aurait appris à la dernière minute qu'Hydro-Québec avait besoin de deux têtes alors que jusqu'à maintenant il y en a toujours eu assez d'une bonne qui l'a tenue et qui a prouvé qu'Hydro-Québec était capable de percer sur les marchés internationaux. Qui a prouvé qu'Hydro-Québec était capable d'être compétente pour répondre à son mandat interne de livrer de l'électricité aux Québécois au meilleur prix possible. Qui a prouvé qu'Hydro-Québec était capable de se tenir à la fine pointe de la technologie internationale. Une seule tête a permis à Hydro-Québec de s'imposer en tant que leader mondial en hydroélectricité. Une seule tête a permis à Hydro-Québec d'en arriver à avoir un bilan financier très acceptable, a permis d'aller chercher du financement international, a permis de faire tout ce qu'il y avait à faire à Hydro-Québec.

Alors, pourquoi, à partir d'aujourd'hui a-ton besoin de deux têtes? Pourquoi? On se le demande. Si ce n'est que le gouvernement a peut-être un petit quelque chose à cacher parce qu'il a été mal pris dans une situtation de fait. Cela fait qu'aujourd'hui il s'amène avec une petite loi pour modifier cela.

Alors on ne voit pas vraiment pourquoi, nous de l'Opposition, accepterions de voter pour un projet de loi qui va faire en sorte que la haute direction d'Hydro-Québec va coûter 500 000 $ par année à l'ensemble des payeurs d'électricité du Québec au lieu de 230 000 $ ou 250 000 $ comme cela coûtait avant. On ne voit pas pourquoi on appuierait une décision qui risque, à la limite, de créer encore une pression à la hausse sur la tarification aux consommateurs d'Hydro-Québec. On ne voit pas pourquoi non plus on essaierait, par le biais d'Hydro-Québec, de vouloir noyer le poisson et de faire en sorte que les présidents des autres sociétés d'État québécoises qui oeuvrent dans des secteurs, certes très différents mais tout aussi utiles pour l'avenir de l'économie québécoise, se retrouvent défavorisés par rapport au président-directeur général ou au président et chef de la direction d'Hydro-Québec. Si le ministre ne voulait pas créer de précédent, il n'avait qu'à le dire clairement. À moins que, comme je le disais tout à l'heure, M. le Président - et le ministre pourra toujours nous éclairer là-dessus - le précédent ne soit que, pour la première fois, on crée une société d'État importante, bicéphale et que cette structure-là, si elle vaut pour Hydro-Québec, va valoir aussi pour la SGF, la Société générale de financement ou pour la Caisse de dépôt et placement. C'est peut-être cela le précédent mais le ministre ne nous l'a pas dit.

Mais je prétends que si c'est vrai que, pour améliorer l'efficacité et le rendement, la productivité, la capacité concurrentielle d'Hydro-

Québec, il faut y mettre deux têtes, on va se retrouver devant le même dilemme lorsqu'on renouvellera la présidence de la SGF ou d'autres. C'est peut-être pour cela d'ailleurs que le ministre de l'Industrie et du Commerce suit attentivement le débat parce qu'il a probablement déjà le problème sur sa table à dessin. On ne sait pas. Si c'est cela le précédent, le ministre saura sûrement nous l'expliquer tout à l'heure.

Enfin, M. le Président, je voudrais conclure là-dessus pour laisser le temps au ministre de nous faire son petit laïus en réplique, dans laquelle il aura sûrement quelques éclaircissements à nous donner, j'en suis convaincu. Je voudrais dire et faire remarquer que les propos que nous tenons ne veulent en rien être préjudiciables à qui que ce soit à l'intérieur de la boîte d'Hydro-Québec. Ils ne se veulent en rien préjudiciables au nouveau président-directeur général ou chef des opérations ni au nouveau président et chef de direction. C'est bien plutôt ce même gouvernement qui, par son attitude, a semé la graine, le germe du préjudice, a fait germer le préjudice à ces individus en permettant qu'il se tienne un débat dans la population, un débat que l'on aurait pu éviter de toute évidence, si on avait continué dans la structure actuelle ou si, en contrepartie, on avait commencé par annoncer clairement ses couleurs comme gouvernement avant d'embaucher, d'employer, les gens qui vont combler les postes.

Si le ministre ne voulait pas avoir un comportement préjudiciable aux nouveaux responsables, aux nouveaux dirigeants d'Hydro-Québec, il n'avait qu'à ouvrir son jeu. Il n'avait qu'à montrer ses cartes. Il n'avait qu'à nous expliquer et expliquer à la population québécoise quels devraient être le rôle, les fonctions, les tâches précises, le pourquoi de ses agissements, et, après, seulement après, seulement après avoir voté le projet de loi... On savait que le président d'Hydro-Québec était en fin d'exercice de mandat, que son mandat était terminé, qu'il allait s'en aller, qu'il devait être remplacé. Le gouvernement le savait très bien. Il avait le temps de faire modifier la loi, d'introduire une nouvelle approche avant d'engager les remplaçants de l'ex-président d'Hydro-Québec. À ce moment-là, nous aurions été dans une véritable démarche d'un gouvernement qui a une vision d'ensemble, qui a une perspective d'avenir. On se retrouve, au contraire, devant une situation de fait où on doit retailler l'habit sur l'individu après l'avoir acheté. Cela porte nécessairement à confusion. Cela amène les Québécois et les Québécoises à s'interroger sur le pourquoi d'une telle action cachée, mal connue, pas expliquée, qui va coûter 500 000 $ au lieu d'en coûter 200 000 $ ou 230 000 $ comme cela coûtait avant, et qui nous amène aussi, nous, de l'Opposition, a nous interroger sérieusement, mais vraiment sérieusement sur les véritables intentions du ministre au moment de décider d'avoir une direction bicéphale à Hydro-Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de l'Énergie et des

Ressources pour l'exercice de son droit de réplique.

M. John Ciaccia (réplique)

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. C'est très facile de faire de la démagogie, quand on parle d'Hydro-Québec, de la part de l'Opposition. Malheureusement - et cela me fait de la peine de vous dire ceci parce que vous êtes un bon garçon, vous êtes un bon député normalement - vous ne savez pas de quoi vous parlez. Vous ne savez pas du tout ce que vous dites. Vous nous accusez de créer deux présidents à Hydro-Québec. J'ai des petites nouvelles pour vous. Il y a toujours eu deux présidents à Hydro-Québec. Il y a eu le président du conseil et le président-directeur général. Alors, on ne change rien. Ce qu'on fait, c'est qu'on crée la présidence du conseil comme une tâche à temps plein. On crée le président et chef de la direction, mais on ne crée pas deux têtes, parce que je pense que vous n'avez pas lu le projet de loi. Vous m'accusez de ne pas l'avoir expliqué, mais j'avais présumé que vous l'aviez lu.

Puisque vous ne l'avez pas lu, je vais vous l'expliquer. On parle d'un président et chef de direction et on dit aussi que le gouvernement nomme, parmi les membres du conseil d'administration, un président et chef de l'exploitation qui exerce cette fonction à temps plein. Il agit sous la responsabilité du président du conseil et chef de direction. (21 h 40)

Ce n'est pas deux têtes, ça. C'est une tête qui s'appelle le président du conseil et chef de direction et, sous lui, il y a une autre personne, un autre président, qui agit sous la direction du président du conseil et chef de direction, et qui se nomme président et chef de l'exploitation. Vous ne savez pas ce que le chef de l'exploitation va faire. Je vais vous lire le projet de loi. Je ne croyais pas que je devrais vous le lire pour vous l'expliquer. Si vous voulez savoir ce que le président et chef de l'exploitation va faire, je vais vous le lire. Il est clairement dit: "II est principalement chargé de l'exploitation des activités que détermine le conseil d'administration. Il assume les autres responsabilités que lui confie le président et chef de la direction." M. le Président, le député d'Ungava m'a accusé de ne pas avoir expliqué le projet de loi. C'est lui qui n'a pas compris. C'est vrai, c'est, comme l'un de mes collègues dit: On va de deux têtes à pas de tête. Je répète seulement ce que disait l'un de mes collègues qui n'avait pas le droit de parole, pour vous dire un peu ce qu'il pensait et, parfois, je partage son opinion.

La raison pour laquelle j'ai expliqué tous les nouveaux défis d'Hydro-Québec, la question de la phase II de la Baie James, la question de la nouvelle technologie, la sous-traitance et tous les problèmes l'entourant, c'est pour expliquer la nécessité du présent projet de loi qui change et qui améliore les structures. Pourquoi adoptons-nous ce mode de fonctionnement pour HydroQuébec? Il n'y a rien de révolutionnaire dans ce que nous faisons aujourd'hui. J'ai pris le temps de vous expliquer tous les nouveaux défis qu'Hydro-Québec a aujourd'hui et qu'elle n'avait peut-être pas il y a deux ans ou cinq ans. Cette structure d'Hydro-Québec n'est pas nouvelle du tout. Il y a des sociétés, incluant des sociétés dans lesquelles des sociétés d'État ont des intérêts, qui ont la même structure pour des raisons d'efficacité et d'organisation. Ces compagnies, je vous l'avais déjà mentionné, mais je vais le répéter... Chez Alcan, il y a le président du conseil et chef de direction, il y a le président et chef de l'exploitation, à la Banque royale du Canada, c'est la même chose, au Canadien national, même chose. Culinar; dites-vous? On fait ceci parce qu'on ne veut pas créer de précédent pour d'autres sociétés. Chez Culinar, où le gouvernement détient des intérêts, c'est la même situation, en 1987: un président du conseil d'administration, un président et chef de la direction. Pétro-Canada a la même structure.

Nous l'avons fait pour une question d'efficacité. M. le Président, Le député d'Ungava se plaint en disant: On fait ça, on augmente les dépenses; on donne un salaire à un nouveau président. On ne pouvait pas donner un nouveau salaire à un nouveau président, alors on a fait cela pour diviser les salaires. C'est absolument faux. Avant - et il serait intéressant que vous ayez ces chiffres, la présente structure de président chef de direction et président chef de l'exploitation, on avait un p.-d.g. qui gagnait, non pas 230 000 $, mais 170 000 $, mais les bénéfices additionnels existaient dans ce temps-là et ils existent maintenant. Il y avait le président du conseil d'administration à temps partiel qui gagnait 50 000 $ et il y avait le vice-président à l'exploitation qui gagnait 120 000 $. Je ne rends rien public qui soit confidentiel parce que ce sont des chiffres publics. Ce sont des contrats, des données qui sont disponibles à toute la population.

Alors, avant la présente structure, les salaires étaient de 340 000 $ par année en tout pour ces différentes positions des différents corps. Maintenant, quels sont les salaires? Nous avons nommé un président et chef de la direction à 180 000 $ par année plus les bénéfices. Je ne les ai pas calculés avant. Je ne les calculerai pas maintenant mais ce sont les mêmes. Et nous avons nommé un président, chef de l'exploitation pour 160 000 $. Savez-vous ce qu'est le total aujourd'hui? Il est de 340 000 $. C'est la même chose qu'avant que nous fassions ces nominations, les mêmes montants. Alors, je crois que votre raisonnement est un peu faux et ne reflétait pas une connaissance de ce qui est vraiment le cas et ce que nous faisons. Parce

que le président, chef de l'exploitation était vice-président en charge de l'exploitation. Alors, ce poste n'est pas remplacé. C'est lui qui assume ces fonctions en plus d'autres fonctions. Et le président du conseil et chef de la direction assume des fonctions additionnelles que l'ancien président du conseil n'avait pas.

Alors, en termes de dépenses pour HydroQuébec, on n'augmente pas. Ne venez pas nous dire que cela va être une raison pour augmenter les tarifs. Pas du tout. Mais cela va être beaucoup plus efficace et on a tenu compte de ce qui se fait dans d'autres sociétés qui ont fait ces changements. On a eu des pourparlers, on a eu des réactions, on a eu des études faites par des gestionnaires. C'est pour ces raisons que nous avons adopté la structure qui se trouve dans le présent projet de loi et qui, non seulement n'ajoute pas aux dépenses d'Hydro-Québec mais va être, si on juge les autres sociétés qui ont adopté cette structure, beaucoup plus efficace.

M. le Président, on a fait état des dividendes. On a parlé des dividendes et qu'on augmentait, par des taxes indirectes, le fardeau fiscal des consommateurs. Je vais vous donner quelques chiffres pour démontrer la vraie démagogie qu'on vient d'entendre. Quand le Parti québécois était au pouvoir, le taux de rendement d'Hydro-Québec était près de 13,5 %. Le Parti québécois augmentait les tarifs de 10 %, 12 %, 16 %, jusqu'à 18 % par année. Qu'est-ce qui arrivait au taux de rendement? Le taux de rendement allait en décroissance. Qu'avons-nous fait? Quand on a été élus, en décembre 1985, le taux de rendement était très bas, à peu près de 3 % ou 4 %. C'était un taux de rendement qui n'est vraiment pas acceptable. Cela n'a rien à voir avec les nouvelles constructions ni avec la phase II de la Baie James. Cela a à voir avec une saine gestion financière d'une société d'État qui a vu son taux de rendement aller de 13,5 % à 4 % pendant que les tarifs augmentaient de la part du gouvernement du Parti québécois. La loi sur les dividendes, ce n'est pas nous qui l'avons inventée, c'est l'ancien ministre des Finances, le présent chef du Parti québécois qui a introduit la loi pour permettre à Hydro-Québec de payer des dividendes. Savez-vous ce qu'il a dit lorsqu'il a présenté cette loi en 1981? Je le cite: "II faut considérer, ce qui d'ailleurs est manifeste, que la nationalisation de l'électricité est le meilleur placement qu'ait jamais fait la collectivité québécoise et qu'il est maintenant temps que cela rapporte à l'ensemble de la population." Il parlait des dividendes. Maintenant, le taux de rendement est approximativement à 7 %. Ce n'est pas pour payer pour la Baie James qu'Hydro-Québec a besoin d'un taux de rendement convenable. Les autres sociétés qui oeuvrent dans le domaine énergétique ont des taux de rendement de 12 % à 14 %. Quand on dit que l'objectif est de retourner à 13 %, on ne dit pas du jour au lendemain, on dit que c'est un objectif.

Les taux de croissance des tarifs ont toujours été depuis que nous avons été élus en dessous du taux de l'inflation. On ne peut pas se plaindre qu'on augmente farouchement les tarifs. Ce n'est pas 18 % comme vous l'aviez fait, vous, ce n'est pas 10 %, 12 % ou 16 %, c'est 3,9 %, 4,2 %, sous le taux de l'inflation. Même s'il n'y avait aucune nouvelle construction de la Baie James, il faudrait maintenir un taux de rendement pour Hydro-Québec, même si on ne devait pas construire un autre barrage. Alors, le taux de rendement, les profits, les dividendes n'ont rien à faire en termes de saine gestion avec de nouvelles constructions. Mais s'il y a une saine gestion, cela va permettre à Hydro-Québec de poursuivre ses travaux sans augmenter indûment les tarifs. On peut garder les tarifs sous le taux d'inflation, des tarifs raisonnables qui gardent encore l'électricité au prix le plus bas en Amérique du Nord, tout en maintenant une saine gestion. (21 h 50)

II ne faut pas essayer de faire de la démagogie et essayer de faire croire à la population qu'on augmente les tarifs et qu'on se paie des dividendes sur le dos des contribuables. C'est faux. Si on a des dividendes, comme la loi que vous avez présentée en 1981 le permet, ce sont des sommes qu'on retourne à l'ensemble des Québécois. Les consommateurs bénéficient des tarifs plus bas, mais les consommateurs représentent 2 900 000 de la population. Mais l'ensemble des Québécois, la population entière bénéficie des dividendes qui sont retournés à toute la population. Je crois que ce sont des objectifs très légitimes et une façon de gérer qui est très prudente et qui bénéficie à l'ensemble des Québécois.

Revenons pour un instant à la création d'emplois. Quelquefois, je me dis que je ne devrais pas perdre mon temps à essayer d'expliquer au député d'Ungava ce qui a été très clairement expliqué abondamment, non seulement par moi, non seulement par le premier ministre, mais même par les cadres d'Hydro-Québec en commission parlementaire. Cela ne vous est pas rentré dans la tête ce qu'ils vous ont dit. Écoutez quand ils vous parlent. Si vous ne voulez pas m'écouter, écoutez ce qu'Hydro-Québec vous dit, parce que vous venez de mentionner qu'Hydro-Québec, c'est bien géré, puis ce que vous dites aujourd'hui, c'est rien de préjudiciable à Hydro-Québec. Je vais vous répéter ce qu'ils ont dit, mais je ne le répéterai même pas dans mes mots. Je vais citer ce que le vice-président aux équipements, M. Benoît Michel, vous a répété en commission parlementaire quand vous lui avez posé des questions. Vous avez fait la même cassette que vous venez de présenter ce soir: qu'il y a déjà des emplois, que le monde travaille et qu'ils ne travailleront pas plus avec la phase II.

M. Michel vous a dit, pendant que vous essayez de contester tous les chiffres d'Hydro-Québec... Parce que les chiffres du premier

ministre et les chiffres que je vous donne, ce ne sont pas nos chiffres, ce sont les chiffres d'Hydro-Québec. Savez-vous ce qu'il vous a dit? 11 vous a dit "si vous me permettez", en vous arrêtant dans les propos que vous disiez, et je le cite: "On a établi la différence de création d'emplois de travail et je l'ai mentionné hier brièvement, parce que c'était la deuxième journée de la commission parlementaire, entre le scénario où il n'y aura pas d'exportation et le scénario devancé à cause des exportations et pour ce qui est des personnes-années de travail direct - c'est encore M. Michel qui parle - j'ai mentionné hier le chiffre de 125 000 personnes-années de travail direct pour dix ans et dans l'indirect 140 000 pour un total de 265 000 personnes-années." Et je continue ce que M. Michel vous a dit: "Si on compare ce scénario par rapport à celui où il n'y aura pas de devancement des équipements, dont ceux qui ont été annoncés récemment, on aurait une diminution de la masse de travail au Québec de l'ordre de 117 000 personnes-années. La différence entre les deux scénarios est de 117 000 personnes-années."

M. le Président, je ne pense pas que j'aie besoin d'expliciter plus clairement que cela. S'il ne veut pas comprendre, je le regrette. Puis quand vous-même avez mentionné les chiffres sur LG 2 A et Manie, vous avez mentionné 7600 emplois... 7300? Non, ce n'est pas 7300 emplois, c'est 7300 personnes-années, de la même façon que M. Michel d'Hydro-Québec vous a expliqué.

Alors, M. le Président, je crois que c'est clair que si on devance les travaux, si on fait des ventes à l'exportation, il va y avoir une création d'emplois qu'on n'aurait pas eue si ces travaux ne s'étaient pas effectués.

En ce qui concerne les ventes à l'exportation, vous avez mentionné qu'il y avait quelqu'un au conseil d'administration à Hydro-Québec qui voulait faire du développement et qui n'était plus là. Écoutez, quand le premier ministre a écrit dans son livre 12 000 mégawatts, ce n'était pas sur une base d'un an. Et contrairement à ce que vous dites, cela ne prendra pas 25 années pour le faire. Parce que si, dans deux ans, on a signé des contrats pour 2400 mégawatts, vous n'avez pas besoin d'être Einstein ou un gros mathématicien pour savoir que trois fois les 2400 plus les 2400 vont arriver à 12 000. Si dans deux ans on les a fait les 2400, cela ne nous prendra pas bien longtemps de plus pour aller chercher des mégawatts additionnels pour arriver aux 12 000. Et on va le faire.

M. le Président, je voulais apporter ces précisions au projet de loi. Je suis heureux de voir que le député d'Ungava ne conteste pas du tout, qu'il accepte clairement et volontairement et croit que c'est une bonne mesure d'avoir le sous-ministre à l'Énergie et Ressources comme membre du conseil d'administration. Je suis heureux qu'il soit d'accord avec nous sur ce point. J'espère que les clarifications que je lui ai apportées vont lui paraître claires et utiles et qu'il pourra dormir ce soir en ce qui concerne le projet de loi d'Hydro-Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Le débat étant terminé, à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que le principe du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Johnson: M. le Président, je ferais motion pour déférer ce projet de loi à la commission de l'économie et du travail qui procédera à son étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée?

Adopté.

Puisque nous arrivons à 22 heures, l'Assemblée nationale doit maintenant ajourner ses travaux qui reprendront demain matin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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