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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 8 juin 1988 - Vol. 30 N° 40

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Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Présence de la ministre du Plan et des Relations extérieures des Seychelles

Avant de procéder aux affaires courantes, j'ai le plaisir de souligner la présence dans la tribune de la ministre du Plan et des Relations extérieures des Seychelles, Mme Danielle De Saint-Jorre. Madame.

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents. M. le ministre de l'Éducation.

Rapport annuel du Conseil interprofessionnel du Québec

M. Ryan: II me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1987-1988 du Conseil interprofessionnel du Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, votre document est déposé. M. le ministre des Approvisionnements et Services.

Rapport annuel de la Régie des installations olympiques

M. Rocheleau: M. le Président, c'est un plaisir pour moi de déposer le rapport annuel de 1987 de la Régie des installations olympiques et d'indiquer que c'est son plus bas déficit opérationnel cette année.

Une voix: ...pas le droit de...

Le Président: Votre document est déposé, M. le ministre, sans le commentaire.

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de la culture et député de Bourget.

Consultation générale sur le rapport

sur la mise en oeuvre de la Loi sur

l'accès aux documents des organismes

publics et sur la protection des

renseignements personnels

M. Trudel: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de la culture qui a siégé les 9, 10, 11 février ainsi que le 15 mars 1988 afin de procéder à une consultation générale sur le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Ce rapport contient des observations, conclusions et recommandations.

Le Président: M. le député de Bourget, votre rapport de commission est déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail, et député de Verchères.

Étude détaillée du projet de loi 29

M. Charbonneau: M. le Président, je dépose le rapport de la commission qui a siégé le 6 juin dernier afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 29, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le projet de loi a été adopté.

Le Président: M. le député de Verchères, votre rapport de commission est maintenant déposé. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements. M. le député de Bertrand.

Étude détaillée du projet de loi 38

M. Parent (Bertrand): Oui. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 6 juin 1988 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.

Le Président: Votre rapport de commission est déposé, M. le député de Bertrand. Y a-t-il d'autres rapports de commissions?

Ce matin, il n'y aura pas de dépôt de pétition. Il n'y aura pas non plus d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel. Avant de procéder à la période de questions et de réponses orales, je demanderais la collaboration de tous. Il y a un vote reporté, ce matin, sur l'adoption du principe du projet de loi 34.

Nous allons immédiatement procéder à la période régulière de questions. Je vais reconnaître en première principale, M. le whip de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Protection de la compétence exclusive du Québec en matière linguistique

M. Brassard: Merci. Hier, dans une lettre que le ministre des Affaires intergouvemementales canadiennes remettait personnellement au secrétaire d'État fédéral, le ministre qui s'inquiétait, et je le cite: "de l'existence de certaines incompatibilités entre les exigences du projet de loi fédéral et celles de notre Charte de la langue française", non seulement refusait de demander le retrait pur et simple de l'article

litigieux, l'article 42 du projet de loi fédéral, mais, après avoir claironné tous azimuts la compétence exclusive du Québec en matière linguistique, acceptait du même souffle de partager cette compétence en permettant au gouvernement fédéral, par le biais d'une entente cadre, d'intervenir, de devenir un acteur linguistique majeur dans des domaines de juridiction québécoise comme l'entreprise, les organismes patronaux, les organismes syndicaux, etc.

Notre jugement sur le ministre et le gouvernement quant à nous est sans équivoque, naïveté, mollesse, "bon ententisme" dangereux, abdication inacceptable de ses responsables.

Le Président: Votre question. Je sens qu'il va y avoir un débat.

M. Brassard: M. le Président, ma question est: Pourquoi le ministre a-t-il accepté d'entrée de jeu cette compromission inacceptable qui fait de la langue au Québec une juridiction partagée en permettant au gouvernement fédéral d'intervenir avec sa bénédiction dans des secteurs de compétence exclusive québécoise?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, j'ai rencontré, hier, le secrétaire d'État, M. Bouchard. Je lui ai remis une lettre où il y a deux choses. La première, c'est de dire au gouvernement fédéral, en ce qui regarde la compétence en matière de langue, qu'il s'agit d'une compétence qui nous appartient et il n'est pas question que nous cédions sur ce principe; si vous utilisez C-72 pour venir toucher à la compétence de la province en matière de langue, nous irons devant les tribunaux, tout simplement. Rien n'indique qu'ils vont le faire par le projet de loi. C'est une possibilité, nous le disons clairement dans la lettre.

D'autre part, il y a une situation qui existe depuis de nombreuses années, c'est-à-dire l'utilisation par le gouvernement fédéral de son pouvoir de dépenser pour agir en matière linguistique. Devant une telle situation, il y a deux attitudes possibles: ou bien c'est la théorie de la tête dans le sable, ou bien on dit: Voici la situation. Très bien, ce que nous allons faire, nous allons établir une entente-cadre et nous allons cerner, dans une perspective limitée, l'utilisation de ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral en ce qui regarde la langue, mais toujours en respectant essentiellement ce principe que la langue est de la compétence exclusive du Québec.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Comment le ministre peut-il prétendre, sérieusement, que la compétence exclusive du Québec est protégée, alors qu'en même temps il propose au fédéral une entente-cadre qui, évidemment, cautionnerait les interventions du fédéral dans des domaines de juridiction québécoise? Comment peut-il prétendre que la compétence exclusive du Québec est protégée, puisqu'il faut bien reconnaître que cette entente-cadre porterait sur des interventions fédérales dans des domaines de juridiction québécoise? Sinon, il n'aurait pas besoin d'entente-cadre, si c'étaient des domaines de juridiction fédérale.

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, comment le député de Lac-Saint-Jean peut-il prétendre que le gouvernement fédéral n'agit pas dans ce domaine depuis nombre d'années? Comment le député de Lac-Saint-Jean peut-il prétendre que, pendant le temps où vous étiez au gouvernement, le gouvernement fédéral n'a pas agi dans ce domaine? Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ou bien on laisse faire, comme cela a été fait dans le passé, ou bien on dit: Essayons de faire d'une pierre deux coups. Prenons ce projet de loi C-72, limitons la portée de ce projet à la compétence fédérale et faisons en sorte que, par une entente-cadre, on vienne limiter l'utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral en ce qui regarde la langue au Québec.

M. le Président, H est essentiel de comprendre - et M. Bouchard, le secrétaire d'État, le mentionnait en réponse à notre lettre hier - que la dualité canadienne se comprend différemment au Canada selon la situation de la minorité anglophone au Québec ou de la minorité francophone hors Québec, parce que le Québec est une société distincte, ce que nous allons faire reconnaître par l'entente du lac Meech.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle. M. le whip de l'Opposition, en additionnelle. (10 h 20)

M. Brassard: Pourquoi cette reconnaissance formelle, de la part du gouvernement québécois, du pouvoir du gouvernement fédéral d'intervenir dans des domaines linguistiques de juridiction québécoise? Pourquoi ne pas avoir demandé purement et simplement que les articles litigieux soient retirés du projet de loi fédéral? Parlons concrètement. Je vais poser une question bien concrète au ministre: Pourquoi n'a-t-il pas demandé que le paragraphe f de l'article 42, qui permet au secrétaire d'État d'intervenir dans les entreprises, les organisations patronales et syndicales pour promouvoir l'anglais, parce que c'est cela, concrètement, c'est pour promouvoir l'anglais...

Le Président: Vous êtes en additionnelle.

M. Brassard: Pourquoi ne pas avoir demandé le retrait de ce paragraphe, puisqu'une intervention fédérale dans les entreprises au Québec heurterait de plein fouet tout le programme de francisation mis en place depuis la Charte de la langue française dans les entreprises?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, il fallait ce projet de loi C-72 pour réveiller l'Opposition. Comme vient tout juste de le dire le député de Lac-Saint-Jean, cela fait nombre d'années que le gouvernement fédéral utilise son pouvoir de dépenser. Qu'est-ce que vous avez fait quand vous étiez là? Tout à coup, vous vous mettez à dire: Arrêtons cela, arrêtons cela. Mais, écoutez, ce n'est pas d'aujourd'hui que cette situation existe. Ce que nous faisons, c'est que nous disons au gouvernement fédéral: En ce qui regarde le pouvoir de dépenser que vous utilisez depuis nombre d'années, nous allons le limiter. La réponse que nous avons eue, une réponse affirmative de la part du secrétaire d'État, est évidemment extrêmement intéressante.

D'autre part, M. le Président, il faut bien comprendre que ce projet de loi a des aspects bénéfiques extrêmement intéressants. Là, je comprends que l'Opposition ne partage pas nos points de vue là-dessus. Je respecte la position de l'Opposition, mais il faut bien comprendre que, pour nous, les francophones hors Québec vont pouvoir bénéficier de cette action du gouvernement fédéral pour le respect des services dans leur langue. Pour nous, c'est aussi un point important, dans la mesure où on respecte le principe qu'au Québec, c'est la langue française qu'on doit protéger.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle. M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Puisqu'il est question du pouvoir de dépenser, les propos du ministre ne viennent-ils pas, au fond, confirmer que l'accord du lac Meech ne règle en rien la question linguistique au Québec et que, par l'accord du lac Meech, le pouvoir de dépenser du fédéral dans le domaine linguistique au Québec est pleinement reconnu et qu'au fond, l'accord du lac Meech ne règle en rien la question linguistique au Québec? C'est cela, au fond, la reconnaissance de ce qui se passe présentement autour du projet de loi C-72.

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, bien au contraire, l'entente du lac Meech est le document auquel il faut se référer si on veut comprendre la réelle portée du projet de loi C-72 et si on veut encadrer l'action du gouvernement fédéral en fonction du projet de loi C-72. Dans l'entente du lac Meech, il y a la reconnaissance de ce principe de la dualité canadienne et il y a la reconnaissance aussi du principe que le Québec forme une société distincte et du pouvoir de cette Chambre de protéger et de promouvoir cette distinction. Et justement, lorsqu'on regarde cette situation, lorsqu'on regarde le projet de loi C-72, pour le comprendre dans sa réelle dimension, pour dire au gouvernement fédéral quelles sont les balises de son action, on doit se référer à cette entente du lac Meech. La dualité canadienne doit se comprendre en fonction du principe que le Québec est une société distincte, que cette Assemblée, ici, a le pouvoir et le devoir de protéger et de promouvoir sa distinction qui repose fondamentalement sur la langue française.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Comme toujours, le ministre répond à côté de la question. Je lui demandais s'il ne reconnaît pas - je ne parle pas de dualité linguistique et de société distincte - que l'accord du lac Meech n'impose aucune limite au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans le domaine linguistique au Québec, et le consacre? C'est cela!

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean doit comprendre que, dans l'entente du lac Meech, ce que nous avons concernant le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, c'est sur le plan des programmes nationaux, c'est-à-dire des programmes qui concernent l'ensemble des provinces avec le gouvernement fédéral. Au départ, il faudrait quand même qu'il comprenne la réelle portée de l'entente du lac Meech. Cela, c'est un pas majeur. Là encore, on aurait pu faire cette entente sans se préoccuper d'une situation extrêmement difficile pour le Québec qui existait depuis de nombreuses années. On a insisté. Le député de Lac-Saint-Jean sait à quel point il a été difficile de négocier le pouvoir de dépenser dans l'entente du lac Meech. On a réussi à avoir cet encadrement du pouvoir de dépenser en ce qui regarde les programmes nationaux. Reste maintenant ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral qui existe dans toutes les provinces, qui existe depuis de nombreuses années et qui permet au gouvernement fédéral de dépenser des sommes d'argent, dans la mesure où ce n'est pas régulatoire, même dans des domaines qui sont de

compétence provinciale. Ce que nous disons au gouvernement fédéral, c'est: en ce qui regarde la langue, vous allez le limiter à vos juridictions c'est-à-dire à vos institutions, en nous laissant la pleine compétence en matière linguistique.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, toujours en additionnelle.

M. Brassard: Est-ce que le ministre ne reconnaît pas que l'entente-cadre qu'il a proposée dans sa lettre au secrétaire d'État, dans le domaine linguistique, ne repose que sur la bonne volonté des personnes et ne se fonde sur aucune garantie juridique qu'un autre secrétaire d'État, peut-être un dynosaure de l'Ouest, à un moment donné, ou qu'un autre gouvernement - parce qu'on sait que le gouvernement Trudeau était contre la loi 101 - pourrait mettre au rancart cette formule de l'entente-cadre?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, une entente se réfère toujours, sur le plan politique, à l'expression dune volonté de deux ou de plusieurs gouvernements. Cela demeure toujours comme ça. Et nous avons beaucoup d'ententes. Nous avons une entente-cadre sur le développement économique régional que nous allons annoncer prochainement. Là encore, on a fait face à la réalité. On a vu cette réalité. On a composé avec et on a réussi à avoir une entente que nous allons maintenant annoncer.

C'est la même chose dans ce domaine aussi important que la langue. Dans le domaine de la langue, il s'agissait de faire face à une réalité et la réalité c'est que le gouvernement fédéral agit dans ce domaine depuis de nombreuses années. Vous n'avez rien fait pour l'en empêcher. Maintenant, avec le projet de loi C-72, nous allons pouvoir faire d'une pierre deux coups et limiter la portée du gouvernement fédéral dans son action sur la langue, non seulement avec ce projet de loi mais aussi en ce qui regarde son pouvoir de dépenser.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, le ministre reconnaît-il cependant, si une entente-cadre est l'expression de deux volontés qu'en ne demandant pas le retrait du paragraphe f de l'article 42, il laisse s'asseoir juridiquement un pouvoir du fédéral par l'empiétement sur des compétences du Québec?

Le Président: M. te ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: Le chef de l'Opposition pose une question qui est intéressante, parce qu'elle permet de faire la distinction que nous avons inscrite justement dans notre lettre. Pour les communautés francophones hors Québec, pour les minorités francophones hors Québec, il se peut que l'action du gouvernement fédéral à ce niveau soit très intéressante et qu'elle permette à ces francophones hors Québec d'avoir accès à des services dans leur langue. Mais la situation des francophones hors Québec, c'est une chose et la situation de la minorité anglophone au Québec, c'est autre chose. Dans ce contexte, nous sommes prêts à laisser au gouvernement fédéral sa latitude d'action. Cependant, nous disons qu'en ce qui regarde le Québec, en ce qui regarde notre compétence législative exclusive sur la langue, cela demeure de notre juridiction et il n'est pas question que vous touchiez à cette juridiction sur la langue.

Le Président: Je vais reconnaître ce matin, pour une deuxième question principale, M. le député de Verchères.

Projet domiciliaire en voie

de réalisation dans les plaines inondables, à Laval

M. Charbonneau: M. le Président, on apprenait samedi que le ministère de l'Environnement avait été incapable d'empêcher la ville de Laval de permettre la construction d'un projet domiciliaire d'envergure sur les rives de la rivière des Prairies, dans une zone inondable au surplus, l'ancienne plage Mon Repos. Et bien plus, Laval, semble-t-il, a passé outre au refus du ministère de l'Environnement d'accorder les autorisations qui avaient été demandées. Ma question au ministre, c'est: D'abord, qu'est-ce que le ministre entend faire dans ce cas particulier compte tenu du fait que ce cas risque de devenir un précédent dangereux qui va être utilisé par beaucoup d'autres municipalités au Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. (10 h 30)

M. Lincoln: Tout d'abord, je vais corriger la déclaration ou l'assertion du député de Ver-chères, M. le Président, quand il dit que Laval passe outre aux directives du ministère de l'Environnement. Il y a une entente fédérale-provinciale sur les plaines inondables dont les balises sont très claires. Pour toute dérogation, il faut l'assentiment du ministre québécois de l'Environnement et du ministre fédéral de l'Environnement. Il y a aussi une autre question, l'autorisation de construction de Laval. Il y a une cause en cour; le promoteur a amené la ville de Laval en cour. Le promoteur a gagné sa cause par rapport à l'obtention d'un certificat de construction. Donc, la ville de Laval, d'après la

cour, doit donner un certificat de construction. Mais nous n'avons Jamais donné aucun assentiment à la ville de Laval ou au promoteur pour construire dans les plaines inondables. On va prendre toutes les ouvertures qui sont dans la Loi sur la qualité de l'environnement et dans l'entente sur les plaines inondables pour ne pas permettre la construction, pour faire en sorte que tout stoppe, si nécessaire, dans cette juridiction et dans toute autre juridiction concernant les plaines inondables.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: M. le Président, en additionnelle. Le ministre n'a pas très bien compris puisqu'il a effectivement confirmé qu'il n'avait pas donné d'autorisation.

Le Président: Votre question.

M. Charbonneau: Comment se fait-il que le ministère de l'Environnement ait été incapable d'intervenir à temps pour empêcher l'érection et la construction de ce projet domiciliaire de 23 000 000 $? Est-ce que vous n'avez pas assez d'inspecteurs ou pas assez d'avocats pour prendre des injonctions pour empêcher la construction? Comment se fait-il que, au moment où c'est presque terminé, vous vous réveillez et vous dites: On va peut-être prendre des procédures?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: C'est beau d'être le petit coq de bataille qui fait des choses et qui sait exactement... Vous n'avez pas assez d'inspecteurs; vous n'avez pas assez de policiers; vous n'avez pas assez de choses. Je voudrais demander au député s'il a lu l'entente sur les plaines inondables. Je voudrais lui rappeler que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir - je sais, ils disent: Ah! c'est vrai! - le renouvellement de l'entente sur les plaines inondables avait été suspendu. C'est nous qui avons recommencé les négociations avec le gouvernement fédéral; c'est nous qui avons renouvelé l'entente sur les plaines inondables qui avait été suspendue par le gouvernement antérieur parce qu'il ne causait pas avec le fédéral.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: Bravo!

M. Lincoln: S'il veut s'asseoir, je vais terminer.

Le Président: Conclusion.

M. Lincoln: Je veux lui dire que ce n'est pas une affaire d'inspecteurs ou de policiers. Il y a une entente entre le fédéral et le provincial. L'entente dit que, pour obtenir une construction, il faut une dérogation. Mais, malheureusement, cette entente n'est pas une loi qui peut empêcher une construction... Donc, il faut un schéma d'aménagement qui consacre l'entente. Laval n'a pas encore entériné son schéma d'aménagement devant le gouvernement du Québec. Le schéma d'aménagement n'est donc pas encore en place. C'est la position.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: M. le Président, comment le ministre peut-il prétendre être correct dans le dossier, alors qu'il dit que le gouvernement n'a pas donné d'autorisation parce que le schéma d'aménagement n'est pas en place, la politique fédérale-provinciale n'est pas respectée et la politique sur la protection des rives que vous avez annoncée au début de l'année, en fait en décembre 1987, n'est pas respectée non plus et, semble-t-il, elle est complètement inopérante, puisque vous êtes incapable d'intervenir à temps pour empêcher un promoteur de construire dans une zone que vous considérez, vous aussi, devant être protégée?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: D'abord, il mélange tout comme une grosse salade russe. Tout ce que dit la politique sur les rives, c'est qu'il faut une bande riveraine de dix à quinze mètres qui soit respectée, que ce soit dans la plaine inondable ou autre. Deuxièmement, l'entente sur les plaines inondables, c'est purement dans les zones cartographiées comme plaines inondables. Dans cette zone, il y a une entente fédérale-provinciale. Cette entente doit être entérinée dans les schémas d'aménagement. Ce n'est pas moi qui ai adopté la loi 125, c'est votre gouvernement qui l'a fait et on est obligé de respecter la loi 125. Elle est là et elle exige qu'un schéma d'aménagement soit entériné. Laval n'a pas encore son schéma entériné dans la loi 125.

Tout ce que je peux faire, c'est selon les juridictions de la Loi sur le ministère de l'Environnement. Ce que je vous dis, c'est qu'on va se battre à mort pour empêcher que Laval construise dans les plaines inondables, on va faire tout ce qu'on peut conformément à nos lois et à nos juridictions. Mais je ne peux pas aller au-delà des juridictions actuelles dans les lois du Québec et je ne peux pas passer outre à la loi 125. Je ne peux pas passer outre...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: ...aux juridictions des municipa-

lités quand elles vont en cour. Je suis obligé de respecter tout cela.

Dans le cadre de ce que je fais, l'article du Devoir était très très clair. La position du ministère de l'Environnement ne pouvait être plus claire et autant le ministre que les fonctionnaires du ministère de l'Environnement, nous allons utiliser tous les outils. On est en train de regarder juridiquement ce qu'on va faire...

Le Président: Conclusion.

M. Lincoln: ...pour essayer de stopper la chose. Mais on n'est pas des Hitler, on ne peut pas arriver comme des dictateurs et dire ceci à Laval et cela dans une autre municipalité. Il y a des lois au Québec. Il faut les respecter.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: M. le Président, le ministre ne reconnaît-il pas que pour...

Le Président: J'ai reconnu M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, pour quelqu'un qui veut se battre à mort et qui dit qu'il va se battre à mort, je trouve que vous n'êtes pas très efficace. Comment se fait-il que, pour quelqu'un qui veut se battre à mort, vous n'ayez pas réussi à empêcher et à prendre des procédures judiciaires contre le constructeur ou contre la ville de Laval avant qu'on commence les travaux ou avant que ces travaux soient à ce point achevés? C'est cela, le problème.

Vous allez nous dire maintenant que vous allez vous battre à mort après. Mais la construction est terminée. Qu'allez-vous faire?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Tout d'abord, il n'y a aucune construction de terminée, M. le député de Verchères. Êtes-vous allé voir l'état de la construction pour dire que les constructions sont terminées? Ce n'est pas le cas.

Deuxièmement, pour nous battre à mort, il faut que nous nous battions à mort dans le cadre des lois du Québec, certaines lois que vous avez vous-mêmes adoptées. Je ne peux pas inventer des lois. Je ne peux pas m'inventer des pouvoirs. Ce sont des affaires importantes que les pouvoirs municipaux. Tout ce que j'ai dit, j'ai situé très clairement à Laval la position que nous avions.

De plus, il faut au moins reconnaître que nous nous sommes donné tous les outils possibles. Nous avons renouvelé l'entente sur les plaines inondables. Nous avons mis beaucoup d'argent là-dedans, des centaines de milliers de dollars, ce que vous n'aviez pas fait, parce que vous n'aviez pas renouvelé l'entente. Si vous aviez continué dans le gouvernement, vous n'aviez même pas une entente de base. Au moins, nous avons cela. Nous sommes en train de nous servir de tous les outils que nous avons. Si nous pouvons nous servir d'un pouvoir d'injonction, si nous pouvons nous servir d'un pouvoir d'ordonnance dans la loi - c'est cela qu'on examine maintenant - nous le ferons. Mais ce ne sont pas des affaires qu'on fait à la légère.

Le Président: Conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Après tout, il faut se cadrer dans le cadre des lois du Québec. C'est cela.

Le Président: Je vais reconnaître la troisième principale à M. le chef de l'Opposition.

Les allocations aux familles et aux pavillons d'accueil pour adultes

M. Chevrette: Oui, M. le Président. En décembre 1985, le dossier des familles d'accueil et des pavillons était sur le point d'être réglé. D'ailleurs, la ministre elle-même, le 19 février 1986, dans une lettre adressée à la présidente de cette corporation lui disait, et je la cite: "Nous sommes tout près d'une entente." On était au 19 février 1986.

On se retrouve en juin 1988. Peut-elle m'expliquer les raisons pour lesquelles ce n'est pas réglé, pour lesquelles il n'y a aucune entente et pour lesquelles on n'a pas encore un horizon ou une lumière au bout du tunnel?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, en réponse à la question du chef de l'Opposition, je peux lui dire qu'il y avait un mémoire à cet effet qui avait été préparé et devait être acheminé au Conseil du trésor. Très récemment, la COPFAA a fait des représentations pour qu'il y ait des modifications. Nous sommes à les mettre au point. Fort probablement que ce mémoire devrait être acheminé au Conseil du trésor d'ici une semaine ou deux tout au plus.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: La ministre peut-elle nous dire si la demande de hausse de prix des journées déposée par la corporation en janvier 1988 n'était pas spécifique pour un secteur mais que cela ne dispose pas de l'entente qui traîne depuis 1986?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, tout ce que je peux dire au chef de l'Opposition c'est

que les choses sont en cours. L'ensemble de l'entente devrait faire l'objet, je l'espère en tout cas, d'une approbation du Conseil du trésor dans des délais très prochains.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, toujours en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, je reprends ma question. La ministre sait très bien que l'augmentation du prix à la journée qui a été déposée en janvier, c'était pour les pavillons. Elle sait très bien que la première question que je lui pose pour les familles d'accueil est que ce dernier était sur le point d'être réglé en décembre 1985, confirmé par elle en février 1986. Deux ans et trois mois plus tard, ce premier dossier n'est pas réglé. La ministre me répond sur la deuxième question du prix à la journée des pavillons qui vient d'être déposé. C'est un autre dossier. Le premier dossier, a-t-elle des raisons fondamentales pour dire que cela a traîné deux ans et trois mois et qu'il n'y a pas encore de solution? Je pourrais lui poser comme deuxième question: Est-ce que cela va prendre autant de temps pour régler la question du prix à la journée des pavillons vu que cela a été déposé seulement en janvier 1988? (10 h 40)

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si le chef de l'Opposition fait allusion aux prix, aux tarifs qui ont été accordés pour les familles d'accueil selon les nouvelles catégories de familles d'accueil. Je pense que cette décision a quand même été prise - écoutez, de mémoire je ne saurais vous le dire - il y a déjà au moins un an et même davantage. Il y a eu ces ajouts qui ont été apportés selon les différentes catégories de familles d'accueil, qu'on soit une famille d'accueil régulière, spéciale ou de réadaptation. Je n'ai pas les taux en mémoire, sauf qu'on sait qu'il y a trois types. Évidemment, la famille de réadaptation reçoit une subvention qui est plus importante que celle de la famille régulière.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: Est-ce que la ministre peut prendre... Vous pouvez bien applaudir, après deux ans et trois mois, on sent très bien que le problème ce n'est peut-être pas la ministre de la Santé et des Services sociaux, puisque la ministre confirme à Mme Bégin, vice-présidente de la Chambre, dans une lettre, environ deux ou trois semaines à peine après celle du 19 février, qu'elle est encore sur le point de régler le problème. On est toujours en 1986. Tous ses sous-ministres ont défilé devant - je devrais peut-être lui remettre le dossier - la corporation pour lui dire que c'était réglé. Pourriez-vous me dire où cela accroche?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition peut clarifier sa question. Je crois comprendre qu'il la divise en deux. Il y a le per diem pour les lits en pavillons et il y a les per diem pour les taux en familles d'accueil. Dans le cas des familles d'accueil, je le lui répète, je pourrais trouver la date exacte où l'augmentation des taux a reçu l'approbation du Conseil du trésor. Il y a déjà, je vous le dis, au moins un an; c'est probablement davantage. Les différentes catégories se sont vu accorder des tarifs correspondant aux responsabilités qui leur incombent. Enfin, s'il y a autre chose que le chef de l'Opposition veut ajouter dans sa question, je voudrais bien le savoir.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, quand je dis à la ministre que le ministère avait avisé la corporation que tout le dossier... On ne parle pas des lits non occupés qui se négocient depuis un certain temps. Je comprends cela. On sait qu'il y a eu des variables dans tout cela. Mais le dossier lui-même quant à la rémunération pour les familles d'accueil, en particulier pour les adultes, traîne en longueur depuis décembre 1985. Il était sur le point d'être réglé, elle le dit, elle-même, en février 1986 et elle se ramasse en mai, en juin 1988, imaginez-vous! et il n'y a absolument rien de réglé, tout est bloqué au Trésor. Quand va-t-elle débloquer ces sommes?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je vais faire la même réponse au chef de l'Opposition à savoir que c'est fort probable qu'en 1986 j'aie adressé cette lettre - je ne l'ai pas devant moi - en disant que c'était sur le point d'être réglé. On se retrouvait à quelques mois de l'arrivée du gouvernement libéral à la direction du Québec. Par la suite, est-ce que c'est à la fin de 1986, au début de 1987, mais quelque part en 1987, je vous le dis, cela fait au moins un an, toute cette question des nouveaux tarifs accordés aux familles d'accueil a été appliquée.

Le Président: M. le député de Taillon, en quatrième principale.

Articles de la loi 101 contestés par le CSS Ville - Marie

M. Filion: Merci. On connaissait déjà une façon de financer les contestations de la loi 101,

celles élaborées par le ministre de la Justice et mises au point dans le dossier d'Alliance Québec et de Chaussures Brown's. Une autre façon nous est révélée par l'histoire, l'historique des six dernières années où nous avons assisté à de multiples contestations de la loi 101 à plusieurs chapitres. Ce matin, nous apprenions que le CSS Ville-Marie, un organisme entièrement subventionné par les contribuables québécois travaillant dans le secteur anglophone de la région de Montréal, décide de contester la validité d'articles fondamentaux de la loi 101, les articles 45, 46 et 47 qui sont des articles du chapitre de la loi 101 sur le français au travail. Cette contestation a lieu devant le Commissariat au travail.

Le ministre responsable de la loi 101 est-il conscient que la contestation judiciaire de cette loi 101 est en train de devenir symptomatique ou caractéristique de l'attitude de plusieurs institutions anglophones...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Filion: ...et considère-t-il que cette tendance favorise le rassemblement et la bonne entente qu'il prêche depuis deux mois?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. M. le ministre.

M. Rivard: D'une part, M. le Président, malheureusement, je ne suis pas au courant de l'incident auquel fait allusion...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Rivard: ...le député de Taillon. Cependant, cela me surprendrait que le député de Taillon puisse s'appuyer sur une opinion qu'il a, généralement pariant, de l'ensemble de la communauté anglophone et de son attitude à l'égard de la langue française pour s'en servir comme argument. Ici, je fais référence à ce sondage de SORECOM, en mai, qui a été rendu public le 31 mai dernier par Alliance Québec lors de son congrès annuel. Je pense, en particulier, à la question numéro 5. Je trouve important que la population entende à la fois la question et la réponse. Pensez-vous que, personnellement, en tant que citoyen - on a posé la question à 1000 citoyennes et citoyens québécois - vous avez un rôle à jouer pour protéger et promouvoir la langue française au Québec? 90 %, neuf francophones sur dix ont dit oui, sept allophones sur dix ont dit oui et deux anglophones sur trois ont dit également oui.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. Filion: Est-ce que le ministre - finalement, il peut peut-être prendre avis de la question que je lui pose - peut m'expliquer ou nous expliquer comment, en contestant les articles importants de la loi 101 de façon aussi abondante que nous le voyons aujourd'hui et que nous l'avons vu dans les six dernières années, on fait la promotion du français au Québec?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. M. le ministre.

M. Rivard: Je le concède, M. le Président, le titre est un peu long. Nous sommes en démocratie. Nous vivons sous l'empire de multiples lois et règlements de toutes sortes à tout palier de gouvernement et il est possible à n'importe qui...

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Rivard: ...dans une démocratie, de contester quelque loi que ce soit.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. Filion: Je vais m'adresser à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, de qui relève le CSS Ville-Marie. Est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux, donc responsable du CSS Ville-Marie, considère normal que le CSS Ville-Marie utilise un remède de cheval, c'est-à-dire une contestation d'articles fondamentaux de la loi 101, pour régler un problème de relations du travail relativement simple, alors qu'il existe des solutions beaucoup plus simples, nombreuses et surtout qui ne jettent pas l'incertitude sur des parties importantes de la loi 101? Également, le deuxième volet, est-ce que la ministre est consciente du fait que des procédures judiciaires sont commencées par le CSS Ville-Marie et qu'elles iront peut-être jusqu'en Cour suprême, alors que ce sont les contribuables qui vont payer, encore une fois, pour les deux côtés de la barricade?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme La voie-Roux: M. le Président, j'aimerais rappeler au député de Taillon que les établissements ont une autonomie et qu'ils doivent exercer leur meilleur jugement. Je pense que dans le cas dont parie le député de Taillon, le Centre de services sociaux Ville-Marie s'est prévalu d'un recours qui est prévu dans la loi 101, c'est-à-dire le recours devant le commissaire du travail. Alors, je pense qu'on doit laisser les choses suivre leur cours et qu'à ce moment-ci, je n'ai pas à porter de jugement sur l'opportunité ou non. C'est une initiative du conseil d'administration et, j'imagine, d'un établissement qui est autonome.

Le Président: M. le député de Taillon, en

additionnelle.

M. Filion: Pour que ce soit clair, est-ce que je dois comprendre que la ministre de la Santé et des Services sociaux, responsable du budget du CSS Ville-Marie - la ministre qui donne des budgets au CSS Ville-Marie - considère normal, pour régler un problème de relations du travail, qu'une institution, financée encore une fois par les contribuables conteste la validité de passages de loi importants? Est-ce qu'elle considère cela normal et acceptable? (10 h 50)

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis un peu étonnée, pas de la question, mais de l'insistance du député de Taillon. Je pense que si un établissement peut se prévaloir, selon les dispositions de la loi, d'un recours, je vois difficilement comment on pourrait l'en empêcher.

Le Président: Je vais reconnaître la cinquième question principale ce matin à M. le député de Chauveau. M. le député de Chauveau.

Équité et relativités salariales dans les secteurs public et parapublic

M. Poulin: Merci, M. le Président. On sait que certaines centrales syndicales affirment qu'il existe d'importantes discriminations salariales dans les secteurs public et parapublic au Québec. La CSN prétend même qu'il faudrait injecter, à long terme, plus de 450 000 000 $ pour régler le problème. Ma question s'adresse au président du Conseil du trésor. Comment peut-il concilier l'urgence de faire toute la lumière sur les questions de l'équité et des relativités salariales avec son offre de prolongation d'un an des conventions collectives de travail?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, j'apprécie la question de mon collègue de Chauveau puisqu'elle me permet de mettre en lumière quelques éléments clés de cette problématique. On se rappellera qu'à l'issue de la dernière ronde de négociations, la majorité des grands syndicats, sauf la CSN et le SPGQ, ont accepté de participer à des comités paritaires sur la question de l'équité et des relativités salariales. Ces comités, créés à peine depuis un an, ont décidé, pour la plupart, de se doter d'instruments d'évaluation d'emploi à l'interne, afin de vérifier concrètement la présence ou non de discrimination salariale. L'ampleur des travaux réalisés et I importance de ce dossier des relativités salariales font qu'il faut prendre le temps de bien faire les choses.

La formule des comités paritaires, M. le Président, permet de discuter dans un processus tout autre que celui de la négociation et ceci devrait amener des résultats concrets et satisfaisants pour les parties. Dans ce sens, M. le Président, l'offre de prolongation nous permettra de faire valoir et permettra aux parties de faire valoir les arguments et, autant que possible, de régler cette situation.

Le Président: M. le député de Chauveau, en additionnelle.

M. Poulin: Merci, M. le Président. Doit-on comprendre des propos du président du Conseil du trésor que les syndicats qui ont refusé l'offre de prolongation ne discuteront pas sur les mêmes bases les questions d'équité et de relativités salariales?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, ce qu'il faut comprendre, c'est que certains grands syndicats, comme la CSN, ont choisi une autre tribune que celle des comités paritaires, entre autres celle des négociations, et la CSN devait nous déposer, dès le 1er janvier 1988, ses demandes sur cette question des relativités salariales. Nous attendons toujours ce dépôt. Une autre grande centrale, la CEQ, qui a choisi les comités paritaires, nous apprenait récemment qu'elle désire continuer dans ce processus, et en même temps qu'elle ne serait pas en mesure de régler la situation des demandes avant mars 1989. Dans ce contexte, on peut se demander, étant donné qu'elle a refusé notre offre de prolongation, comment elle sera en mesure de faire les demandes dans cette matière, si demandes il y a.

La FTQ, pour sa part, a choisi d'accepter l'offre de prolongation et cela nous permettra, M. le Président, de nous asseoir et de continuer, par des tables de comité paritaire, à régler cette situation. À mon point de vue, M. le Président, c'est la meilleure formule et j'invite les autres grandes centrales à suivre l'exemple de la FTQ si on veut réellement avoir la volonté de régler une fois pour toutes cette grande question des relativités salariales.

Le Président: En additionnelle? M. Gendron: Oui, en additionnelle.

Le Président: Alors, je vais reconnaître le leader de l'Opposition en additionnelle.

M. Gendron: Je veux bien que la CSN soit en congrès, mais comment le ministre peut-il affirmer, le même ministre qui, la semaine dernière, prétendait qu'il n'y avait pas de discrimination, comment peut-il se permettre de faire un discours aujourd'hui sur l'importance de

la relativité salariale?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: Le député d'Abitibi-Ouest se rappellera que la semaine dernière, j'ai déclaré que, quant à nous, il n'y avait aucune preuve d'inéquité salariale. Par contre, du même souffle, j'ai dit au député d'Abitibi-Ouest que nous étions prêts à voir, soit par la formule des comités paritaires, soit par la formule des négociations, si, effectivement, l'ancien gouvernement n'aurait pas fait des erreurs dans le domaine des négociations. Qu'on se rappelle tout ce qui s'est passé dans le cadre du renouvellement des conventions collectives en 1982. Les erreurs qui ont été faites dans ce domaine sont bien évidentes aujourd'hui. Il est possible que l'ancien gouvernement ait aussi commis des erreurs dans ce domaine, et les comités paritaires nous permettront de voir si, effectivement, il n'y a pas des erreurs et de les corriger s'il y a lieu.

Le Président: Je vais reconnaître une sixième principale à M. le député de Lévis.

Aide temporaire demandée pour Les Ateliers Imagine

M. Garon: M. le Président, on sait qu'il existe dans la ville de Québec un organisme sans but lucratif voué à la diffusion des arts, qu'on appelle Les Ateliers Imagine. À cette fin, il dispense des cours et gère une galerie, il organise des activités d'animation culturelle et des ateliers hors cours et de dessin libre. Fondés en 1985, Les Ateliers Imagine ont rejoint plusieurs milliers de personnes et n'ont pas pu, à toutes fins utiles, vraiment compter sur l'aide du gouvernement jusqu'à maintenant puisqu'ils ont reçu 5000 $ en 1987 du ministère des Affaires culturelles.

La ville de Québec est en train de préparer une politique culturelle qui pourrait permettre aux Ateliers Imagine d'être mieux organisés sur ce plan. En attendant, ils ont besoin d'une aide temporaire, d'une aide financière d'environ 30 000 $ pour continuer leurs activités en attendant la politique culturelle de la ville de Québec.

Le Président: Question.

M. Garon: Ma question s'adresse à la ministre des Affaires culturelles. Puisque son sous-ministre lui-même dit qu'il faut féliciter l'organisme pour son travail admirable et sa ténacité, la ministre a-t-elle l'intention de donner un coup de main aux Ateliers Imagine pour leur permettre de durer pendant les semaines et les mois qui viennent en attendant la politique culturelle de la ville de Québec, puisque la culture est un peu la vocation de la ville de Québec?

Le Président: Mme la ministre des Affaires culturelles et vice-première ministre.

Mme Bacon: M. le Président, vous me voyez très heureuse de constater qu'il y a un troisième porte-parole de l'Opposition en matière d'affaires culturelles. Je dois dire que les cas de comté, habituellement, comme certains des collègues du député de Lévis le savent, se règlent personnellement, soit avec les gens pilotés par le député du comté ou par le député lui-même qui fait ses demandes au ministère, par le biais du cabinet, par le biais de la ministre ou par le biais des fonctionnaires. J'inviterais fortement le député de Lévis à me parler, après la période de questions, et on pourrait regarder le dossier avec lui, ce que je fais avec chacun de ses collègues et avec chacun de mes collègues. Malheureusement, je ne peux pas apporter tous les dossiers du ministère avec moi à la période de questions, mais nous allons regarder ce dossier avec beaucoup de sympathie et si on peut leur venir en aide, que ce soit avec le budget discrétionnaire, comme j'ai l'habitude de le faire, ou avec le budget du ministère, nous allons le regarder de très près.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, je suis ému par la réponse de la ministre. J'aimerais lui demander simplement si elle ne peut pas considérer d'une façon particulière un organisme important. La ville de Québec... Ce n'est pas un cas de comté, si c'était un cas de comté, c'est le député de Jean-Talon qui en aurait parlé. C'est un organisme qui a une vocation régionale. Comme il s'agit d'une question pressante, la ministre m'invitait à la rencontrer derrière le trône tout à l'heure...

Une voix: II n'y a pas de place!

M. Garon: Est-ce qu'elle peut régler cette question assez rapidement, puisque c'est urgent?

Le Président: Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: M. le Président, pour celle qui vous parle, tous les organismes culturels sont importants. Il est évfdent qu'on essaie d'accorder le plus d'attention possible à tous ceux et celles qui font un travail primordial sur leur terrain, non seulement dans la ville de Québec, mais partout au Québec. Évidemment, le dossier dont me parle le député de Lévis a un rayonnement régional. Je dis que, normalement, quand il y a de tels dossiers, soit que le député avise le ministre avant, pour que le ministre soit capable de répondre à cette question. C'est un cas de

comté, au fond, ou un cas spécial dont on devrait saisir la ministre, soit en lui donnant avis avant la période de questions ou, tout simplement, en discutant avec la ministre comme le font ses collègues et comme le font les miens. (11 heures)

Une voix: II n'a pas de collègues.

Mme Bacon: C'est un dossier sur lequel on va se pencher. J'invite encore le député de Lévis à m'en parler après la période de questions et je pense qu'on va lui accorder toute l'attention nécessaire comme on le fait pour l'ensemble des comtés. M. le Président, il n'y a pas tellement de plaintes dans la région sur les dossiers culturels.

Le Président: Je remercie Mme la vice-première ministre. Cette dernière réponse met fin à la période de questions. Tel qu'annoncé, nous allons procéder au vote reporté. M. le whip de l'Opposition? Vous êtes prêt à procéder au vote?

M. Brassard: Avant ou après la rencontre entre le député de Lévis et la ministre?

Mise aux voix de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 34

Le Président: On va procéder au vote avant la rencontre, si vous le permettez. M. le whip du gouvernement est-ce que vous êtes prêt à procéder au vote? M. le whip de l'Opposition? Je mets maintenant aux voix la motion du ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux proposant que le principe du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives, soit maintenant adopté.

Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Gratton (Gati-neau), Marx (D'Arcy McGee), Levesque (Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau (Laporte), Paradis (Brome-Missisquoi), Séguin (Montmorency), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mme Robic (Bourassa), MM. Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Vallerand (Crémazie), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont), Rocheleau (Hull), Rivard (Rosemont), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Vaillancourt (Orford), Philibert (Trois-Rivières), Lefebvre (Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Sirros (Laurier), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Mme Pelchat (Vachon), MM. Polak (Sainte-Anne), Kehoe (Chapleau), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscaminçjue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Iles), Mme Hovington (Matane), M. Thé- rien (Rousseau), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), MM. Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Poulin (Chauveau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Rimouski), Saint-Roch (Drummond).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Chevrette (Joliette), Gendron (Abitibi-Ouest), Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Garon (Lévis), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (Laviolette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Desbiens (Du-buc), Godin (Mercier), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré (Shefford), Boulerice (Saint-Jacques), Claveau (Ungava), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Rochefort (Gouin).

Le Secrétaire: Pour: 64

Contre: 19

Abstentions: 0

Le Président: Le principe du projet de loi 34, proposé par M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux, est adopté.

Nous allons maintenant continuer les affaires courantes.

Mesdames les députées et messieurs les députés!

M. le leader du gouvernement, est-ce que vous êtes prêt à procéder immédiatement aux avis touchant les travaux des commissions?

Oui? Je vais reconnaître M. le leader adjoint du gouvernement, aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 11 h 30 à 13 heures et de 15 heures à 17 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à des consultations particulières afin d'examiner l'opportunité de mettre en vigueur les articles 10, 14, 15, 51, 63 et 101 de la loi 76, Loi sur le camionnage.

De 20 heures à 24 heures, au même endroit, ladite commission poursuivra l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre ci-après mentionné: projet de loi 7, Loi sur l'organisation territoriale municipale; projet de loi 28, Loi modifiant la Loi sur la Communauté urbaine de Québec et d'autres dispositions

législatives en matière de promotion et de développements industriels; projet de loi 24, Loi sur te traitement des élus municipaux.

De 15 heures à 16 h 30 et de 20 heures à 21 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission des affaires sociales procédera à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

De 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 6, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

J'avise également cette Assemblée que, le mercredi 15 juin 1988, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants et ce, dans l'ordre ci-après mentionné: projet de loi privé 232, Loi concernant la ville de Bromont; projet de loi privé 235, Loi modifiant la charte de la ville de Saint-Hyacinthe. (11 h 10)

Après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission du budget et de l'administration entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants et ce, dans l'ordre ci-après mentionné: projet de loi 214, Loi concernant Elzéar Plourde Itée; projet de loi privé 217, Loi concernant Vilmont inc.; projet de loi privé 233, Loi concernant Les Immeubles Benoît inc., et projet de loi 242, Loi concernant le Club des Portes de l'Estrie inc.

De 15 heures à 18 heures, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission de l'économie et du travail entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi privé 213, Loi concernant la fusion par absorption entre la Coopérative forestière du Nord-Ouest et la Fédération des chantiers coopératifs de l'Ouest québécois.

De 20 heures à 24 heures, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission de l'éducation entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 204, Loi modifiant la Loi sur le Collège militaire Royal de Saint-Jean.

Merci, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a des questions concernant les renseignements sur les travaux de l'Assemblée? M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Non, M. le Président. Il y a des questions sur les avis qui viennent d'être transmis par le leader adjoint du gouvernement. Le Président: Allez. Vous avez la parole.

M. Gendron: Je voudrais juste avoir toute son attention. Il m'apparaît qu'il y a un problème majeur. Je veux être sûr que j'ai mal compris, et là, il n'y aurait pas de problème. Si j'ai bien compris, il y a des problèmes.

Mercredi, c'est aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, vous avez dit qu'à la commission du budget et de l'administration, nous étudierions le projet de loi 6. Vous me suivez, M. le ministre?

M. Lefebvre: Un instant.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gendron: En somme, c'est simple. La commission du budget et de l'administration ne peut pas faire deux séances sur des sujets complètement différents.

M. Lefebvre: Non. C'est exact, M. le Président.

M. Gendron: Qu'on me dise que de 20 heures à 24 heures, la commission du budget et de l'administration va étudier le projet de loi 6 concernant des dispositions fiscales, qui est un projet de loi assez compliqué, et qu'en même temps, on me dise que la commission du budget et de l'administration, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, va faire une série de lois privées, il y a comme un problème là. Je veux juste savoir ce que c'est, parce que c'est évident qu'on ne peut pas faire les deux choses.

Le Président: Je vous remercie, M. le leader de l'Opposition. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, il y a peut-être confusion du côté du leader de l'Opposition. Il faut bien comprendre que l'avis que j'ai donné est pour le 15 juin, la semaine prochaine.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Le leader adjoint du gouvernement a raison de dire que c'est écrit le 15 juin sur fa feuille. Sauf que je ne poserai pas la question que j'allais poser, soit pourquoi faire un avis aujourd'hui sur des choses qu'on va discuter le 15 juin? Mais le problème que j'ai soulevé n'existe plus parce que, effectivement, en ce qui me concerne, c'était par rapport à aujourd'hui et si... C'est réglé, je ne parie plus.

Le Président: Cela va. Est-ce qu'il y a des renseignements concernant les travaux de

l'Assemblée? M. le leader de l'Opposition. M. Gendron: Non.

Le Président: Maintenant, je vais reconnaître Mme la vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles à l'étape des motions sans préavis. Mme la vice-première ministre.

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse.

Le Président: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des affaires sociales du projet de loi 34

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Avec le consentement du leader de l'Opposition, j'aimerais faire une motion de déférence concernant le projet de loi 34. J'aimerais le déférer immédiatement à la commission des affaires sociales pour étude détaillée, de sorte qu'on puisse procéder.

Le Président: On vient d'adopter le principe de ce projet de loi ce matin.

M. Lefebvre: Je m'excuse, Mme Bacon.

Le Président: Est-ce que la motion de déférence est adoptée?

M. Gendron: Oui, parce qu'on ne peut pas lui donner d'autre sort que celui-là, de l'envoyer à sa place.

Le Président: Voilà. La motion de déférence est adoptée. Mme la vice-première ministre, vous avez maintenant la parole.

Condoléances à la famille

de l'abbé Maurice Proulx,

pionnier du cinéma québécois

Mme Bacon: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée sur la motion suivante: "Que l'Assemblée nationale adopte une motion de condoléances à l'occasion du décès de l'abbé Maurice Proulx, pionnier du cinéma québécois."

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte de débattre cette motion, M. le leader...

M. Gendron: Adopté pour la débattre.

Le Président: Adopté. Cela va. Mme la vice-première ministre.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: M. le Président, c'est avec tristesse que les Québécoises et les Québécois ont appris hier le décès de l'abbé Maurice Proulx survenu à l'âge de 86 ans.

Agronome et pédagogue, l'abbé Proulx fut avant tout un artiste et un véritable pionnier de notre cinéma. C'est au cours de ses études en agronomie à la Faculté d'agriculture de l'Université Laval et de l'Université Cornell de New York, où il méritait un doctorat en 1933, que l'abbé Proulx s'intéresse au cinéma documentaire.

En 1940, la création du Service de cinépho-tographie de la province de Québec, à laquelle il participe, lui permet de s'adonner à son art en l'assistant dans la production et la distribution de ses films. De 1934 à 1961, l'abbé Proulx réalisera ainsi 36 films pour le compte du gouvernement provincial et de l'industrie. Bien que l'on dénote dans son répertoire des films de propagande touristique et des reportages d'événements religieux, sa formation d'agronome l'incite à privilégier le thème de l'agriculture et de la colonisation dans des documents cinématographiques qui constituent des témoins particulièrement révélateurs de cette époque.

C'est ainsi que des longs métrages, comme "En pays neuf', en 1934, et "En pays pittoresque" en 1938 relatent l'épopée colonisatrice de l'Abitibi et de la Gaspésie, tout en reflétant de façon probante l'idéologie qui anime le Québec des années trente et quarante. En livrant à ses concitoyennes et à ses concitoyens, par l'entremise de la caméra, un portrait géographique et humain de la société québécoise du milieu du siècle, l'abbé Proulx démontra l'affection et l'amour qu'il voua à son peuple. Sa maîtrise remarquable de l'art cinématographique impliquait le recours à l'innovation et à l'imagination, ce qui nous suggère cette réflexion du cinéaste Robert Bresson, "ton film, qu'on y sente l'âme et le coeur, mais qu'il soit fait comme un travail des mains."

Le décès de l'abbé Maurice Proulx, c'est la mort d'un artiste et pédagogue de grand talent dont la mémoire heureusement demeurera bien présente parmi nous, nous tous Québécois et Québécoises, grâce aux milliers de mètres de films laissés en témoignage de son oeuvre. Je désire donc, Mme la Présidente, au nom du gouvernement offrir nos plus sincères condoléances à la famille de M. l'abbé Proulx.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles. M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: Mme la Présidente, le Québec vient de perdre son Douanier Rousseau du cinéma. On peut dire que l'univers décrit par le cinéaste Maurice Proulx est le même que celui qui a donné naissance, au Québec, à tant de chefs d'oeuvre littéraires, entre autres Trente Arpents de Ringuet, Maria Chapdeleine de Louis Hémon, Les Soirs Rouges de Clément Marchand, notre compatriote trifluvien, Menaud, maître-draveur de Mgr Savard. Donc, cette époque a

donné lieu à une masse de chefs-d'oeuvre littéraires et cinématographiques. On peut se demander, avec mon collègue de Lévis, si le Québec n'était pas mieux à l'époque rétro pour donner naissance à des oeuvres. On peut se demander aussi combien de Maurice Proulx au Québec, actuellement, sont en chômage faute de moyens? Ne devrait-on pas retourner à l'époque où le Québec avait son service de cinématogra-phie? Il y avait des fonctionnaires qui faisaient des films et qui donnaient une image idyllique du Québec, mais au moins qui existait et que les fils de nos fils pourront voir dans l'avenir.

Aussi, il faut souhaiter, à l'occasion de ce décès tragique, que ces films soient montrés à la télévision et dans nos cinématèques ie plus tôt possible pour que les générations qui ne les ont pas vus puissent prendre conscience de l'existence d'un cinéma québécois fort ancien et qui montrait une réalité qui, malheureusement, a disparu, mais qui vit encore grâce à l'invention des frères Lumière.

Je me joins avec empressement à la motion de la ministre des Affaires culturelles et je souhaite qu'il y ait d'autres abbé Proulx dans l'avenir qui donnent du Québec l'image réaliste de ce que nous sommes par le cinéma. Je déplore, malheureusement, qu'il y en ait de moins en moins. Mme la Présidente, merci beaucoup.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Mercier. Le débat est terminé. La motion de Mme la ministre des Affaires culturelles qui se lit comme suit: Que l'Assemblée nationale adopte une motion de condoléances à l'occasion du décès de l'abbé Maurice Proulx, pionnier du cinéma québécois est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Fin des affaires courantes. Nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui. Je vous demanderais d'appeler l'article 4 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 17

Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 4 de notre feuilleton, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche propose l'adoption du principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports. Là-dessus, je vais reconnaître M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Mon intervention a pour objet d'obtenir l'appui des membres de cette Chambre aux modifications législatives proposées par le projet de loi 17, intitulé: Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports. Ce projet de loi a pour objet principal de permettre à la Régie de la sécurité dans les sports d'intervenir de façon efficace pour assurer la sécurité de ceux qui s'adonnent au ski alpin récréatif dans cette province. (11 h 20)

Le projet de loi a également pour effet d'ajuster le champ d'application de la Loi sur la sécurité dans les sports, de préciser les pouvoirs d'inspection de la régie, d'alléger l'exigence du quorum de la régie dans l'exercice de certains pouvoirs d'enquête et d'auditions usuelles et, de façon générale, de modifier certains autres pouvoirs et fonctions de la Régie de la sécurité dans les sports.

Rappelons, Mme la Présidente, que cet organisme, créé en 1979, a pour raison d'être de rendre la pratique des sports le plus sécuritaire possible pour les participants et les spectateurs. Pour atteindre cet objectif, la régie, loin de chercher à restreindre la pratique des sports, cherche plutôt à la faciliter en en rendant les conditions plus sécuritaires. Elle veut aider les milieux sportifs à diminuer les risques de blessures et contribuer à réduire les coûts socio-économiques et les inconvénients personnels, tant physiques que psychologiques, qui en découlent.

Actuellement, les pouvoirs d'intervention de la régie en ce qui concerne le ski alpin sont très limités. Elle peut exiger un permis d'une personne qui désire organiser une manifestation sportive de ski alpin, ce qui ne vise que le ski alpin professionnel, lequel est, à toutes fins utiles, inexistant au Québec. Également, la loi actuelle s'applique au ski alpin amateur régi par la Fédération québécoise de ski alpin, laquelle ne regroupe cependant qu'un peu plus de 1000 skieurs, ce qui ne représente qu'un infime pourcentage du nombre total de personnes qui pratiquent le ski alpin récréatif au Québec.

Divers rapports, études et observations réalisés au cours des dernières années indiquent clairement que la régie doit pouvoir intervenir pour assurer la protection de tous les skieurs alpins. Certains facteurs de risque ont plus particulièrement été mis en lumière, soit l'augmentation marquée du nombre de skieurs, le comportement de ceux-ci et l'aménagement des pistes. Le problème lié à l'augmentation du nombre de skieurs évalué à environ 850 000 lors de la saison 1985-1986, alors qu'il n'était que de 500 000 deux ans plus tôt, vient du fait que cette augmentation n'a pas été accompagnée d'un agrandissement correspondant du domaine skiable, lequel est, en effet, demeuré stable.

Mme la Présidente, quand on parie de 850 000, c'est déjà dépassé au dire d'une étude que nous avons eue dernièrement au ministère, puisqu'on parle plutôt 1 200 000 skieurs au Québec. Donc, cela veut dire que depuis quatre ou cinq ans, le. nombre de skieurs au Québec a presque triplé et de là l'urgence de pouvoir agir

pour faire en sorte que la sécurité soit bel et bien instaurée sur les pistes du Québec.

Il en est résulté, inévitablement, un changement important dans les conditions de pratique du ski alpin. En ce qui concerne le comportement des skieurs, il est démontré qu'un nombre de plus en plus grand d'entre eux adopte une attitude imprudente, voire même téméraire et qu'ils sont prêts à prendre des risques sur les pistes, cette attitude étant plus particulièrement caractérisée par la descente rapide, communément appelée le "downhill".

Quant au facteur de risque lié à l'aménagement des pistes, il tient essentiellement à l'augmentation du nombre d'intersections et d'obstacles de toutes sortes, alors que peu de changements ont été apportés dans les mesures de signalisation et de protection. L'accroissement de ces facteurs de risque se traduit au Québec par une augmentation de la fréquence des blessures graves subies en ski alpin. Ici, il suffit de rappeler que le Québec a connu, depuis 1985, une dizaine d'accidents très graves en ski alpin, dont huit ont donné lieu à des décès.

Le projet de loi présenté à cette Assemblée aujourd'hui prévoit deux types de modifications en ce qui concerne le ski alpin récréatif. D'une part, il précise dans le texte même de fa Loi sur la sécurité dans les sports certaines obligations générales imposées à l'exploitant d'une station de ski alpin. D'autre part, il octroie à la régie un pouvoir réglementaire en cette matière, de façon à lui permettre de préciser, au besoin, le contenu de ses obligations.

Il va de soi, Mme la Présidente, qu'il y a des choses minimales qu'on doit exiger en ce qui concerne la sécurité. Je pense que cela tombe sous le sens. On sait que certains propriétaires de stations peuvent parfois avoir des réticences. Je vous donne des exemples précis. Puisque nous sommes en montagne, il peut arriver qu'une roche, par exemple, par éboulis, se retrouve en plein milieu d'une piste de ski. il faut obliger les gens qui ont ce genre de problème à enlever les roches pour que personne ne se blesse. Je comprends que c'est un acte de Dieu, ce qu'on appelle communément un "Act of God", et que les gens disent que c'est la nature, mais il faut amener le maximum de sécurité. N'en déplaise à ceux qui n'en veulent pas, il faut avoir dans nos stations de ski au Québec au moins une salle de premiers soins pour faire en sorte, lorsqu'il y a un blessé, qu'on puisse organiser un transport le plus rapidement possible à l'hôpital. On me dit qu'il y a des propriétaires de stations qui ne veulent pas avoir de salle de premiers soins. Écoutez, cela tombe sous le sens, au Québec, au moment où on a 1 200 000 skieurs, on doit accorder certaines facilités. Le minimum, s'il y a un blessé dans une pente de ski, c'est de permettre à ces gens-là d'avoir un secours rapide et le minimum de soins en attendant un transport à l'hôpital. Je pense que cela tombe sous le sens. Je regrette pour ceux qui ne sont pas tout à fait d'accord, mais il faudra que le bon sens prime de ce côté.

Je pourrais vous citer un autre cas, puisqu'il est important qu'on apporte certains exemples concrets. Dans certaines stations, il y a des pistes d'experts qui arrivent dans des pistes de débutants ou des pistes où on fait de la pratique avec les jeunes. On a dans nos stations de ski des pistes où les jeunes vont suivre des cours pour commencer ou être initiés au ski alpin. Or, dans certaines stations, on est obligé de constater que certaines pistes d'experts arrivent au bas de la piste des débutants. On a eu des problèmes avec cela et on risque d'avoir des accidents graves. Alors, il faut évidemment exiger que les pistes d'experts s'éloignent des pistes des débutants, éloignant ainsi les risques d'accidents au maximum. Cela peut obliger certains propriétaires à apporter des aménagements, c'est bien sûr.

Mme la Présidente, je vous répète qu'il y a 1 200 000 skieurs au Québec. Ce chiffre a presque triplé depuis cinq ans et on doit faire en sorte d'être en sécurité dans nos pentes de ski. N'en déplaise à quelques propriétaires de stations de ski qui pourraient être récalcitrants, s'il y a trop de morts ou de blessés au ski alpin au Québec, cela va jouer non seulement au détriment de ceux qui sont blessés - on n'a pas le droit, comme responsables au gouvernement, de laisser perdurer une situation comme cela - mais à toutes fins utiles, si les accidents dans nos stations de ski au Québec se multiplient, je vous parie que d'ici à cinq ans, il n'y aura plus 1 200 000 skieurs, mais la moitié moins de skieurs parce que les gens auront peur d'aller dans les stations de ski. Donc, il faut leur procurer le minimum de sécurité. C'est le moins qu'on puisse dire.

Autre chose, Mme la Présidente, certains propriétaires de stations de ski ne veulent pas qu'on oblige les gens à avoir une assurance. Y a-t-il quelque chose de plus élémentaire, lorsqu'on pratique un sport qui peut comporter des dangers certains, que les gens soient assurés? Je comprends que parfois les assurances sont dispendieuses. C'est un autre problème auquel on essaiera de trouver une solution un bon matin. Il ne faut pas être irresponsables au point de laisser des gens sans assurances et, s'il arrive des accidents graves, que les gens se retrouvent vis-à-vis de rien parce que les assurances peuvent être dispendieuses. Nous prendrons cela point par point et nous essaierons de régler les problèmes individuels, mais on ne peut pas laisser faire n'importe quoi quand il y a 1 200 000 skieurs qui se promènent sur les pistes du Québec. (11 h 30)

Par contre, je dois dire que les propriétaires de stations de ski nous proposent certaines choses qu'on trouve intéressantes. C'est probablement pourquoi nous aurons, au cours de l'étude du projet de loi article par article, des

propositions, des amendements ou des papillons qui proviennent de l'association des propriétaires, que nous jugeons intéressants et que nous sommes prêts à accepter. C'est évident que, pour tout ce qui touche la sécurité de base, il faut, de part et d'autre, être conscients que nous devrons être très exigeants de ce côté-là. Ainsi, un nouveau chapitre propre au ski alpin est ajouté à la loi. L'élément clé du nouveau chapitre de la loi réside dans le code de conduite du skieur alpin que la régie pourra élaborer par règlement. Ce code énoncera tes obligations de toute personne qui pratique le ski alpin ou un autre sport sur les pistes de ski alpin et précisera les comportements prohibés lors de la pratique de ces sports. Le projet de loi impose à l'exploitant d'une station de ski l'obligation d'afficher ce code aux endroits qui seront déterminés par règlement par la régie.

C'est évident, Mme la Présidente, que le but de ce projet de loi n'est pas d'avoir une police officielle pour patrouiller les pistes du Québec et arrêter les gens qui ont un comportement déraisonnable, imprudent ou non sécuritaire. Le but n'est pas d'aller poiicer toutes les pistes au Québec, mais de demander aux stations de se donner un code de sécurité, d'afficher ce code de sécurité pour les gens qui vont faire la pratique du ski alpin. Quand ce code est affiché et qu'il est clair, les gens doivent se comporter en conséquence.

D'ailleurs, cela existe, ce n'est pas nouveau. Peut-être que toutes les stations ne le font pas, mais cela existe, des stations où il y a un code précis, où il y a des patrouilleurs - plusieurs stations ont des patrouilleurs - qui vont demander, par exemple, à quelqu'un qui pratique le "downhill" de cesser cette pratique. Ils vont même parfois aller jusqu'à lui enlever son billet de journée parce qu'il a un comportement non sécuritaire. Cela existe déjà. Ce que nous voulons faire, c'est obliger tout le monde à afficher le code pour que les gens le sachent. À partir de ce moment-là, avec un code bien précis, les propriétaires de stations pourront décider que tel comportement mérite une sanction d'une journée, de trois jours, de cinq jours ou l'annulation d'un billet de saison si, effectivement, c'est un récalcitrant qui commet les mêmes imprudences et qui fait les mêmes pirouettes non sécuritaires mettant en danger la vie des autres et la sienne aussi, il faut bien le dire. À ce moment-là, les propriétaires de stations pourront décider de la sanction à apporter, mais, au moins, le skieur saura en arrivant qu'il a un code de sécurité à suivre et qu'il devra bien le suivre.

Mme la Présidente, je pense que ce n'est pas malin, ce n'est pas une question de poiicer les pistes du Québec; au contraire, nous avons évité cette avenue. Nous savons que les propriétaires de stations de ski sont suffisamment adultes et responsables pour établir ce code et le faire respecter, puisque les propriétaires responsables le font déjà.

Le cas échéant, l'exploitant pourra également afficher, au même endroit, les autres règles de conduite qu'il impose et les sanctions qu'il entend prendre contre les skieurs contrevenants, ainsi que la durée de ces sanctions. C'est ce que je viens de vous expliquer en quelques mots. Soulignons que ces deux derniers éléments sont laissés à la discrétion de l'exploitant et que rien dans le projet de loi ne l'oblige à imposer d'autres règles. Toutefois, le projet de loi prévoit expressément que l'exploitant doit prendre les mesures pour assurer le respect du code de conduite du skieur alpin. Cette approche souple a l'avantage de laisser à chaque exploitant le soin de déterminer de quelle façon il entend faire appliquer le code de conduite du skieur alpin dans sa station.

C'est bien évident, M. le Président, que ce que le gouvernement ne doit pas faire, c'est avoir des règles tellement rigides qu'H dirait: Sur telle longueur ou telle largeur de pistes, on doit avoir telle sorte de comportement. Quand on va jusque-là, on vient, tout simplement, mettre des bâtons dans les roues à tout le monde. On vient compliquer, à la fois, l'existence des skieurs, des pratiquants et l'existence de ceux qui doivent appliquer ces règles-là. Et, dépen-damment de la station, de l'ampleur ou de la longueur des pistes, du danger que comportent certaines pistes, je pense que les gens - je l'ai dit, j'ai suffisamment confiance aux exploitants - sont capables d'utiliser ce genre de code là avec mesure et discernement.

En plus de l'obligation d'afficher le code de conduite aux endroits déterminés par règlement, le projet de loi demande à l'exploitant d'indiquer sur tout billet donnant accès à une piste de ski alpin que son utilisation comporte le devoir, pour le skieur alpin, de respecter le code de conduite et les autres règles propres à la station. On exige, pour que les gens soient bien au courant, que le code soit bien affiché et qu'en plus on indique sur le billet qu'il y a un code à respecter et qu'il y a des obligations. Autrement dit, on informe le skieur. Cela ne veut pas dire qu'y y a là mauvaise volonté du skieur; parfois, des débutants vont peut-être faire des choses qu'ils ne devraient pas faire, c'est évident. Quand on a voulu essayer le ski alpin, un jour ou l'autre, on a tous connu, peut-être, des situations qui nous ont fait un peu peur.

Je me rappelle avoir été un adepte du ski de fond, H y a un certain temps, et je trouvais intéressant de descendre des petites vallées. Cela me donnait même, excusez le terme, un "thrtl" particulier. J'ai voulu essayer d'aller dans une piste de ski alpin sans trop tenir compte des conseils que pouvaient me donner des spécialistes et je vous prie de me croire que je n'ai pas trouvé ça drôle. J'ai trouvé que cela descendait assez rapidement, merci. J'étais ignorant, à ce moment-là, d'une foule de petites choses importantes.

Jamais, au grand jamais, on ne fera assez

d'efforts pour conscientiser les personnes par un règlement affiché en disant qu'il peut y avoir certaines pénalités. Qu'on indique sur son billet qu'il y a un code de sécurité à respecter, cela ne prend pas grand place. Mais je pense qu'il est intéressant de mettre tout en oeuvre pour bien informer celui qui décide de s'aventurer dans une piste de ski alpin, qu'il soit débutant, intermédiaire ou qu'il soit expert. À plus forte raison, s'il est un expert, il doit, justement peut-être se retrouver dans un autre genre de piste qu'un débutant parce que le débutant va peut-être lui nuire sans le faire exprès.

Ce sont de tels correctifs qu'il faut apporter. Je l'ai dit: II y a 1 200 000 Québécois et Québécoises, plus des Ontariens et d'autres personnes, qui viennent nous visiter, des touristes, qui se promènent sur nos pistes de ski alpin. Cela fait beaucoup de monde et cela occasionne des comportements drôlement différents et parfois dans des conditions qu'on ne peut pas toujours contrôler.

Le projet de loi prévoit également que "l'exploitant doit détenir une police d'assurance-responsabilité de la nature et du montant prescrits par règlement de la régie". Il s'agit d'une mesure élémentaire, à l'avantage aussi bien de l'exploitant d'une station de ski que les usagers, et qui constitue déjà une pratique largement répandue. Je ne peux pas comprendre, Mme la Présidente, quand on me dit que certains propriétaires de stations sont contre cette mesure. Écoutez, j'espère que non. Il se peut qu'on retrouve au Québec des gens qui ne soient pas assurés pour leur domicile en cas de feu, cela se peut, bien sûr. Je trouve cela passablement dangereux qu'ils raisonnent comme cela. Évidemment, s'ils passent au feu, au moins ce sont eux qui passent au feu en espérant qu'ils n'ont pas de visite. Mais, quand on reçoit 3000 ou 4000 personnes dans une station de ski alpin un beau dimanche après-midi ou une dizaine de milliers de personnes une fin de semaine, bien, je pense qu'il faut avoir de l'assurance-responsabilité. (11 h 40)

J'en ai dans ma propre maison pour des visiteurs qui viennent chez nous. J'ai une assurance-responsabilité. À peu près tout le monde au Québec, qui a une piscine en arrière de la maison, a une assurance-responsabilité. À plus forte raison quand il y a des milliers de personnes sur des pistes de ski où il y a risque d'accidents. Cela a beau être un sport agréable, un sport récréatif, je pense qu'il n'est pas inopportun d'avoir une assurance-responsabilité. J'espère bien que tout le monde en est conscient et les premiers, évidemment, ce sont les propriétaires de stations de ski.

Le projet de loi confère également à l'exploitant la responsabilité de maintenir un service de premiers soins dans sa station conformément aux normes prévues par règlement de la régie. Ces normes pourront toucher aussi bien des éléments comme la qualification du personnel que l'équipement minimal requis. Autrement dit, je ne pense pas que l'État ait l'idée de vouloir transformer une salle à l'intérieur d'une station de ski en hôpital, avec des spécialistes. S'il y a des gens qui pensent cela, on charrie un peu quand on dit des choses semblables. Ce qu'on veut, c'est au moins une trousse de premiers soins et un endroit où le malade pourra être en sécurité autrement que couché dans la neige en plein milieu d'une pente de ski parce qu'il a été blessé. On veut qu'on puisse l'amener là en attendant son transport à l'hôpital, si cela nécessite un transport à l'hôpital. Ce n'est pas bien compliqué et ce n'est pas sorcier, non plus. Je ne pense pas que cela fasse mourir quiconque au Québec de donner un peu plus de sécurité dans ce sens-là.

Cette obligation de maintenir un service de premiers soins satisfaisant s'accompagne d'une autre obligation voulant que l'exploitant donne rapidement les premiers soins à une personne blessée et, sur recommandation d'un membre du personnel de premiers soins, le transporte, aux frais de cette personne, à un centre hospitalier, à un CLSC ou chez un médecin, dépendamment des facilités qu'on a autour de la station. C'est le minimum qu'on peut exiger advenant le cas où des gens se blessent, en espérant que jamais personne ne va se blesser dans une piste de ski alpin. Je pense que c'est un voeu pieux de notre part. S'il n'y avait pas d'accident, tant mieux, on souhaite qu'il n'y en ait pas. Mais il faut prévoir s'il y en a.

Également, l'exploitant aura l'obligation de remplir un formulaire d'accident et de l'expédier à la régie, sur demande, dans tous les cas où il y aura intervention d'un membre du personnel de premiers soins à la suite d'un accident de ski alpin. C'est élémentaire, Mme la Présidente, vous le savez. Là où il y a eu des accidents graves et où cela a nécessité une enquête du coroner, on n'a qu'à aller vérifier ce qui s'est passé. Quand cela nécessite une enquête, Mme la Présidente, ce n'est pas exagéré de demander au propriétaire d'une station de ski, qui donne les premiers soins parce qu'il a le personnel et l'équipement, de rédiger un rapport sommaire indiquant de quelle façon l'accident s'est produit, et que les gens y aient accès. Encore là, ce n'est pas la mer à boire et ce n'est pas virer tout le monde à l'envers de penser en fonction de cela. De toute façon, la loi sur l'accès à l'information, Mme la Présidente, vous le savez, pourra permettre dans certains cas d'aller vérifier et même au-delà. Ce qu'on demande, ce qu'on exige, c'est le minimum.

Un tel formulaire sera très utile à la régie pour évaluer statistiquement les risques du ski alpin et facilitera d'autant la recherche des moyens efficaces de prévention. En fait, quand on demande de remplir ces formulaires, cela permet à la régie, en collaboration avec l'association, d'apporter ou de regarder des choses

pouvant améliorer certains critères et pouvant améliorer des situations. C'est uniquement cela et je pense qu'il ne s'agit pas d'être en conflit - je pense que l'association des propriétaires de stations de ski va comprendre cela facilement, elle qui a à oeuvrer avec le public - avec la régie et d'être en conflit avec qui que ce soit. Ce n'est pas une question d'intérêt personnel. Il faut éviter les intérêts personnels dans tous ces cas-là et H faut éviter les individus qui pourraient en avoir aussi. Il faut essayer de fournir le minimum de sécurité aux gens. Ce n'est pas sorcier.

La signalisation est un autre aspect important de la sécurité en ski alpin visé par le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui. La signalisation, c'est important, Mme la Présidente, vous le savez comme moi. C'est important sur les routes du Québec d'aviser qu'il peut y avoir un précipice quelque part et de faire en sorte qu'il soit bien annoncé pour que les gens le comprennent. C'est aussi important d'aviser un skieur en train de descendre une piste de ski qu'un petit peu plus bas, à quelque distance de la, il y a une courbe qui comporte un certain danger. Je pense que c'est un minimum qu'on peut exiger quand il y a plus de 1 000 000 de personnes qui circulent dans les pentes du Québec. Il est primordial, en effet, que cette signalisation, dont l'objet est d'orienter le skieur et de le mettre en garde contre les risques qui le guettent sur les pistes, soit standardisée et uniforme d'une station à une autre de façon à être comprise rapidement par le principal intéressé.

Voilà une autre raison pour laquelle on demande une signalisation. Il ne peut y avoir quinze sortes de signalisation, dépendamment que vous soyez dans les Cantons de l'Est, dans la région de Québec ou dans le nord de Montréal. Verriez-vous ça, Mme la Présidente, une signalisation routière différente d'une région à l'autre? Ce serait épouvantable. C'est la même chose. C'est une question de standardiser, au minimum - toujours au minimum - la signalisation pour que les gens sachent, qu'ils soient dans le nord de Montréal, dans les Cantons de l'Est, au Mont-Saint-Anne ou n'importe où dans la région de Québec, que tel genre d'affiche veut dire qu'il y a un danger, que telle sorte de danger les guette et que cette signalisation ne soit pas différente d'un endroit à l'autre.

C'est pourquoi le projet de loi oblige l'exploitant à classifier chaque piste selon des degrés de difficulté déterminés par règlement de la régie et permet à celle-ci de déterminer la signalisation qui doit être installée dans une station de ski alpin et d'en prescrire le contenu, la forme, la couleur, la dimension et la localisation. Encore là, il faut bien indiquer au skieur dans quelle sorte de piste il s'engage; est-ce une piste de débutant, d'intermédiaire ou d'expert? C'est important que les gens le sachent. D'autant plus que de plus en plus le ski est un sport familial et je pense qu'il y a une sécurité à y apporter.

Encore là, c'est sûr que cela dérange du monde, j'en conviens. Cela va déranger du monde. Selon moi, quand on est propriétaire d'une station de ski, on a aussi certaines obligations. On n'a pas seulement l'obligation de "collecter un ticket", excusez le terme, d'aller chercher un prix pour un billet, que ce sort un billet d'une journée, un forfait de quelques jours ou un billet de saison. L'obligation n'est pas d'aller chercher uniquement cet argent-là et, après, de dire: On a fourni le remonte-pente, on a fourni la descente, on peut leur louer des skis et ils peuvent se restaurer à l'intérieur et, après ça, c'est fini. Voilà! C'est plus que ça, être propriétaire d'une station de ski; cela comporte des obligations: des obligations de sécurité, des obligations de s'assurer que les gens.. On n'empêchera pas qu'il y ait un bar à l'intérieur d'une station de ski, mais si l'alcool au volant, c'est criminel, on espère qu'il pourra au moins y avoir quelqu'un de responsable dans la station pour dire à quelqu'un en état d'ébriété avancée: Tu ne dois pas mettre tes skis pour descendre parce que tu es en état d'insécurité pour toi-même. Si tu ne veux pas le faire pour toi-même parce que cela ne te dérange pas de te retrouver mort un bon matin, respecte au moins la vie de ceux qui peuvent descendre autour de toi. C'est le minimum que tu peux faire. Ces obligations-là, ce n'est pas le gars qui va les prendre. Ce n'est pas la personne en état d'ébriété qui sera conscientisée au fait qu'elle n'a pas les capacités de descendre la piste, mais il va falloir que quelqu'un le lui dise. N'en déplaise à qui que ce soit, les propriétaires de stations de ski ont certaines obligations autres que celles de remplir les stations, de faire en sorte qu'elles soient bien achalandées et que, durant la fin de semaine, la caisse soit bien remplie. Je sais qu'ils sont assez adultes pour comprendre ça. Je sais que la majorité des propriétaires de stations de ski comprennent ça parce que c'est élémentaire. Je serais déçu de constater qu'ils ne comprennent pas ça. Cela m'inquiéterait drôlement et grandement. (11 h 50)

De plus, pour faciliter encore plus l'orientation du skieur sur les pistes de ski alpin, le projet de loi précise que l'exploitant doit mettre à la disposition des skieurs qui en font la demande un tableau synoptique format de poche des pistes et des remontées mécaniques, pour que les gens sachent où ils se trouvent. Il arrive souvent qu'on achète un billet, on prend le remonte-pente, on arrive en haut où on a la possibilité d'emprunter trois ou quatre pistes et on ne sait pas trop dans laquelle on va se retrouver. Je vous jure que, dans certains cas, la première fois où j'ai chaussé des skis et où j'y suis allé, si j'avais emprunté la piste à côté, je serais mort. J'en suis certain parce que je n'étais pas en mesure de la prendre. Mais on ne me

l'indiquait pas. Quand j'y suis allé, elle n'était pas indiquée. Comment est-ce que je vais flairer cela? Comment est-ce que je vais m'apercevoir de cela si on ne fait pas le minimum pour m'informer?

Qu'on ne dise pas à chacun: C'est comme cela et qu'on n'aille pas lui montrer cela en le tenant par le bras, d'accord. Mais, au moins, qu'on fournisse la possibilité de dire à celui qui veut le savoir: Cette piste est dangereuse. S'il veut jouer avec le danger, ce sera son problème. Mais il faut éviter que les gens ne se retrouvent dans des situations où ils ne savent plus quoi faire. Vous savez, un arbre, quand on est en skis, cela arrive vite. Vous le savez tout comme moi.

Le projet de loi confère également à l'exploitant d'une station de ski des obligations claires en matière de patrouille. Ainsi, il devra effectuer une reconnaissance des pistes avant leur ouverture ou après leur fermeture et les patrouiller en tout temps pendant qu'elles sont ouvertes aux skieurs. Encore là, Mme la Présidente, c'est élémentaire. Pour certaines raisons, il y a des pistes qui, surtout quand on a un phénomène d'enneigement artificiel, n'ont peut-être pas assez de neige pour recevoir un grand nombre de skieurs. Il se peut qu'en plein milieu d'un bel après-midi, d'une belle fin de semaine, la piste soit devenue plus dangereuse à cause du nombre de skieurs qui ont pu y circuler. Il faut que les gens, les propriétaires sachent, par leurs patrouilleurs, que celle-là offre peut-être un risque additionnel. Il faut au moins le dire, il faut au moins le prévoir. Si elle devient un danger, il faut être capable de dire qu'on la ferme.

Encore là, c'est bien sûr que cela va peut-être importuner des gens de dire qu'on ferme telle piste parce qu'elle n'est plus skiable ou qu'elle n'est plus ce qu'elle était au début de la matinée. C'est bien sûr que c'est un peu déplaisant. Mais est-ce qu'on doit laisser faire sous prétexte qu'il y a bien des gens qui peuvent être déçus? Il s'agit de le leur expliquer. Moi, la journée où on me dit de faire un détour parce que cela peut être dangereux à l'endroit où je passe et que je mets ma vie en danger, bien cela m'incommode, mais je préfère faire le détour plutôt que de prendre des risques inutiles. C'est le minimum qu'on peut exiger de gens responsables.

Parmi les autres mesures contenues dans le projet de loi, Mme la Présidente, il est apparu que la définition actuelle du mot "sport" contenue dans la Loi sur la sécurité dans les sports est trop restrictive et ne permet pas de couvrir les aspects initiation et récréation dans la pratique du sport. Cette définition parle uniquement d'une activité physique exercée dans le sens de la compétition ou dont la pratique implique une certaine forme d'entraînement et le respect de certaines règles, ce qui, incidemment, ne permettrait pas de viser le ski alpin récréatif.

La définition proposée par le projet de loi est, donc, plus large dans la mesure où elle permet de viser à la fois les sports de masse et les sports d'élite, parce qu'il y a deux sortes de sports. Évidemment, il faut se dire aussi, c'est bien important, que, parfois, on est sujets à obtenir des compétitions chez nous. Et comme la Régie de la sécurité dans les sports oeuvre aussi dans le domaine des sports d'élite, à ce moment-là, il faut avoir une réglementation qui ne touchera pas du tout, on se le dit ensemble, le sport récréatif du ski alpin, mais qui va toucher une compétition qui va avoir des exigences dans certains cas, mais il faut le prendre complètement à part de ce qu'est le projet de loi pour les gens qui pratiquent le ski alpin en général.

Une autre mesure importante réside dans le fait que la Loi sur la sécurité dans les sports liera dorénavant le gouvernement, ses ministères et les organismes qui en sont mandataires. Cette disposition qu'on trouve dans plusieurs loi et dont l'objet principal est la sécurité des personnes est rendue nécessaire du fait que le centre de ski du Mont-Sainte-Anne est administré par la Société des établissements de plein air, un mandataire du gouvernement.

Évidemment, je voulais faire part ici de la définition dans le projet de loi, qui est plus large dans la mesure où elle permet de viser à la fois des sports de masse et des sports d'élite. Donc, c'est la différence avec ce que je vous expliquais tantôt, une compétition qui pourrait avoir lieu à certains endroits bien précis.

L'inclusion du ski alpin récréatif dans le champ d'application de la loi constitue, certes, la raison immédiate justifiant cette modification législative, mais son libellé non limitatif liera le gouvernement à l'égard de toute implication future que celui-ci pourrait avoir dans la gestion des services dans le domaine sportif.

Le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui modifie également des pouvoirs d'inspection de la Régie de la sécurité dans les sports. À l'heure actuelle, ces pouvoirs sont très limités et ne permettent à la régie d'effectuer des inspections que dans un centre sportif ou pour vérifier l'application des dispositions relatives aux sports de combat. Comme le projet de loi vise à étendre le mandat de la régie aux sports de masse exercés dans un contexte d'initiation et de récréation, il prévoit qu'une personne mandatée par la régie pour vérifier l'application de la loi et de ses règlements pourra exercer certains pouvoirs d'inspection bien identifiés et du même type que ceux reconnus aux inspecteurs en bâtiment du gouvernement du Québec. Ces pouvoirs d'inspection, qui, de façon générale permettent l'accès aux lieux à des fins d'examen, d'essais, de prélèvements, de vérifications et d'installations d'appareils de mesure, pourront s'exercer notamment à tout endroit où peut se pratiquer un sport.

Ces pouvoirs d'inspection permettront également à une personne mandatée par la régie

de prélever des échantillons d'haleine et d'urine chez les concurrents à une manifestation sportive au sens de l'article 40, mais uniquement dans les cas et selon la procédure prévus par règlement. Évidemment, il y a des gens qui disent: Oui, mais vous parlez d'échantillons d'urine et vous parlez de tests d'haleine pour la pratique du ski. Oui, mais écoutez, il faut bien dissocier cela. On ne parle pas de ski récréatif. On ne parle pas des quelque 1 200 000 personnes qui font du ski. C'est quand il y a une compétition quelque part. Par exemple, on organise, peu importe où au Québec, dans une station majeure, une compétition internationale d'élite. On donne les pouvoirs à la régie - tel que cela se pratique partout, tel que cela se pratique dans les Jeux olympiques - d'éviter que quelqu'un ne puisse consommer des choses fort intéressantes pour sa compétition et très dangereuses pour les autres.

Mme la Présidente, c'est un autre chapitre qui touche le volet de l'élite et qui n'a rien à voir avec le ski alpin. Mais, comme on amende la Loi sur la sécurité dans les sports, on en profite pour amender d'autres parties. Cet encadrement strict a pour objet d'assurer que ce type particulier de prélèvement respecte en tout point les prescriptions des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne, particulièrement à l'égard des notions d'inviolabilité de la personne humaine et de la discrimination. Bien sûr, on tient compte de la Charte des droits et libertés de la personne.

Enfin, de façon à assurer concrètement l'exercice des pouvoirs d'inspection de la régie, le projet de loi précise également qu'une personne qui nuit à un inspecteur de la régie, notamment, par réticence ou fausse déclaration commet une infraction et est passible d'une amende de 105 000 $. C'est encore pour les sports d'élite. On est sorti du volet touchant les pouvoirs et les règlements en ce qui concerne la pratique du sport de ski alpin récréatif.

Un autre objectif du projet de loi est d'alléger l'existence du quorum dans l'exercice de certains pouvoirs usuels de la régie. Le législateur confère, en effet, à la régie le pouvoir de poser certains actes tels celui de délivrer un permis, de tenir des auditions et de faire enquête dans les cas prévus dans la Loi sur la sécurité dans les sports. Ces pouvoirs doivent être exercés par un quorum de trois membres. Cependant, la loi prévoit actuellement deux cas où un régisseur peut agir seul: lorsque la régie tient une enquête sur toute situation qui risque de mettre en danger la sécurité d'une personne ou de porter atteinte au bon renom du sport de combat, ou lorsque la régie refuse de délivrer un permis, le suspend ou l'annule pour des motifs d'intérêt public, entre autres. Cela a surtout trait aux sports de combat. Mme la Présidente, vous le savez, il y a déjà plus d'un an on a voté une loi, on a amendé la Loi sur la sécurité dans les sports pour faire un chapitre sur les sports dits de combat. Cela a trait à celui-là. C'est pour permettre d'avoir un quorum plus restreint quand il y a une décision rapide à prendre.

Ce pouvoir doit être exercé actuellement par au moins trois régisseurs alors qu'il pourrait l'être sans danger par un régisseur seul quand il s'agit de danger rapide à être évité. À titre d'exemple, pendant la période comprise entre le 28 septembre 1987, date à laquelle fa régie devenait opérante à l'égard des manifestations sportives de sports de combat, et le 21 décembre 1987, la régie a délivré 197 permis à des personnes qui désiraient participer à de telles manifestations sportives. Pour répondre aux exigences de la loi, la régie a dû convoquer ses régisseurs pour rendre de telles décisions. Alors, c'est dans le but d'améliorer la performance et pour ne pas retarder administrativement tout le monde pour l'obtention de ce qu'ils ont à obtenir. C'est un des volets que nous traitons à l'intérieur du projet de loi.

Le projet de loi modifie, enfin, diverses dispositions de la Loi sur la sécurité dans les sports de façon à combler certaines lacunes qui se sont révélées dans le cadre de l'application de cette loi et à faciliter la pleine réalisation des fonctions de la régie. Vous me permettrez ici d'en faire un bref inventaire. Entre autres, le projet de loi modifie la définition de manifestation sportive de façon à remplacer la notion de concurrent qui peut recevoir une bourse ou une rémunération par celle beaucoup plus claire de concurrent professionnel. Ce sont des termes qu'il fallait préciser pour clarifier certaines situations, mais on est dans le sport d'élite. (12 heures)

La définition actuelle est source de confusion dans la mesure où les règles de certaines fédérations permettent à leurs athlètes amateurs, à certaines conditions, de participer à des événements sportifs et de recevoir une bourse ou une rémunération sans que ceux-ci perdent pour autant leur statut d'athlètes amateurs. Par ailleurs, certains athlètes professionnels participent à des événements sportifs qui échappent à l'application de la loi, puisqu'il n'y est pas accordé de bourse ou de rémunération aux concurrents.

Le projet de loi ajoute expressément aux fonctions de la régie celle d'encourager l'usage de la non-violence dans la pratique du sport. Je pense que tout le monde le sait, on en entend parler depuis passablement de temps, maintenant, de la violence dans tous les sports au Québec. Tout le monde se prononce pour la non-violence. Tout le monde veut que la violence cesse. Il faut, à ce moment-là, être capable encore une fois... C'est beau de dire: II ne faut pas qu'il y ait de la violence. Mais jusqu'à quel point peut-on intervenir dans des cas précis nous permettant de corriger la situation? Ce qu'on veut faire, c'est encourager l'usage de la non-violence dans la pratique des sports et, évidemment, on donne à la régie des possibilités de procéder à ce qu'elle veut faire du côté de la non-violence.

Le projet de loi vise, également, à permettre à la régie d'ordonner à un membre d'une fédération d'organismes sportifs ou d'un organisme sportif non affilié à une fédération de se conformer à ses règlements de sécurité en cas d'inaction de ces derniers. On sait, Mme la Présidente, que la majorité des fédérations sportives ont eu, jusqu'à présent, à s'entendre avec la Régie de la sécurité dans les sports sur un règlement de sécurité. Alors, ce qu'on veut, c'est que, maintenant, tout le monde se conforme à ce règlement. Ce n'est pas uniquement le fait d'avoir élaboré un règlement et de dire: II y a un règlement d'établi, on a tout fait ce qu'il fallait faire. Mais c'est d'être bien sûr que les gens s'y conforment, les fédérations comme tout le monde.

Ce pouvoir n'existe pas actuellement. Il apparaît nécessaire de donner à la régie, dans la mesure où la fédération ou un organisme n'agit pas, puisque ces derniers ont déjà l'obligation de faire respecter le règlement de sécurité par leurs membres, mais que rien n'est prévu en cas d'inaction de leur part. C'est bien sûr que, dans l'élaboration de ce règlement, ce sont les fédérations qui ont l'obligation de faire respecter le règlement et non la régie. Dès que la régie se rend compte que les gens ne font pas respecter le règlement, c'est de se donner un pouvoir pour, au moins, les obliger à le faire respecter et non pas que ce soit uniquement une chose qu'on a faite sur papier, sans que cela ne change rien dans la réalité des choses. Par le fait même, on crée une nouvelle infraction pénale pour le membre qui refuse d'obéir à cette ordonnance de la régie.

Le projet de loi a pour effet de rendre plus efficace le mécanisme d'approbation par la régie des règlements de sécurité des fédérations d'organismes sportifs ou des organismes sportifs non affiliés à une fédération. En effet, la loi actuelle prévoit qu'une fédération d'organismes sportifs ou un organisme sportif non affilié à une fédération doit adopter un règlement de sécurité et le faire approuver par la régie. Elle ne confère pas à cette dernière, toutefois, le pouvoir d'apporter certaines modifications au moment de l'approbation de ces règlements.

Le projet de loi corrige cette situation en permettant à la régie d'adopter, en tout ou en partie, un règlement de sécurité. De plus, la loi actuelle ne permet pas à la régie de révoquer une approbation donnée lorsque le règlement de sécurité devient inefficace. Le projet de loi proposé élimine cette lacune en permettant à la régie d'ordonner, dans un délai qu'elle fixe, la modification, en tout ou en partie, d'un règlement de sécurité, lorsque, depuis son approbation, il est devenu inefficace pour assurer la sécurité des personnes qui pratiquent le sport visé.

Dans le même esprit, le projet de loi confère à la régie, dans l'exercice de son pouvoir, le droit d'étendre l'application d'un règlement de sécurité d'une fédération d'organismes ou d'un organisme sportif non affilié à une fédération, la faculté de l'appliquer en y apportant des modifications de façon à pouvoir tenir compte des particularités de chacun de ces organismes.

Les autres modifications apportées par ce projet de loi à la Loi sur la sécurité dans les sports sont de nature plus technique. À titre d'exemple: une précision, à savoir qu'une fédération ou un organisme sportif doit notifier une personne intéressée d'une décision rendue en application d'un règlement de sécurité dans un délai de dix jours, accompagné d'un avis l'informant de son droit d'en appeler dans certains cas; le remplacement de l'expression "courses de véhicules motorisés" par "sports de véhicules motorisés", de façon à pouvoir viser les épreuves d'endurance ou d'habileté qui ne sont pas des courses; l'ajout de la possibilité pour le gouvernement de déterminer le montant des droits payables à la régie pour la délivrance d'un permis d'organisateur valable pour toute manifestation sportive, selon un pourcentage de recettes brutes, comme c'est actuellement prévu dans le cas spécifique d'une manifestation de sport dite de combat; l'ajout de la possibilité d'exclure de l'application de la loi et des règlements des catégories de personnes, de lieux ou de sports et de faire varier l'application des règlements en fonction de ces catégories; l'ajout d'une obligation aux fédérations et aux organismes sportifs de fournir à la régie un rapport annuel d'accidents.

Voilà donc, en résumé, Mme la Présidente, l'ensemble des modifications que le projet de loi propose d'apporter à la Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports. Ces modifications permettront à la Régie de la sécurité dans les sports d'assurer plus efficacement la réalisation de son mandat, particulièrement en ce qui concerne la pratique sécuritaire du ski alpin récréatif.

Je termine immédiatement, Mme la Présidente, en vous disant encore une fois qu'il va de soi que l'ensemble du projet de loi touche la pratique ou la sécurité dans la pratique du ski alpin récréatif et qu'il vise au minimum les responsabilités de part et d'autre. Il y a les responsabilités du skieur alpin et il y a les responsabilités du propriétaire ou des propriétaires des stations. Il y a aussi les responsabilités du gouvernement, de ses composantes, ou de la régie.

Alors, Mme la Présidente, ce qu'il faut faire, ce n'est pas sorcier, ce n'est pas compliqué et j'invite tous les propriétaires de stations à y réfléchir pleinement. Il y a des obligations, il y a des devoirs. On doit être responsable et on ne peut se permettre que le Québec ait un mauvais visage parce qu'il y aurait trop d'accidents dans la pratique du ski alpin récréatif. On ne peut se permettre de détériorer l'image du Québec du côté du ski alpin parce que chacun

d'entre nous n'aurait rien fait ou n'aurait voulu rien faire.

Je pense qu'il va de soi, Mme la Présidente, que ce projet de loi s'impose et, comme je l'ai mentionné, nous sommes prêts à accepter certains amendements proposés par nos amis les propriétaires de stations de ski pour faire en sorte qu'on puisse avoir tout ce qu'il faut pour rendre la sécurité possible. On est ouvert là-dessus, mais jamais on n'acceptera des amendements qui viendront enlever les éléments essentiels de sécurité qu'on doit assurer aux 1 200 000 Québécoises et Québécois qui pratiquent ce sport. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Tout ce que je ne voudrais pas qu'il m'arrive, c'est de me réveiller morte à un moment donné, comme le ministre l'a dit à deux ou trois reprises dans son intervention, surtout pas avant de faire la mienne.

Mme la Présidente, le projet de loi 17 concernant la sécurité dans les sports en est aujourd'hui à sa deuxième lecture. Il s'agit d'un projet de loi à deux volets, dont un modifie les pouvoirs actuels de la Régie de la sécurité dans les sports et dont l'autre vient préparer le terrain à une éventuelle réglementation dans le domaine du ski alpin. La principale caractéristique du projet de loi qui nous est présenté consiste ni plus ni moins à donner plus de pouvoirs à la régie dans le domaine du sport amateur.

De ce fait, la régie pourra davantage intervenir dans les règles de sécurité régissant la pratique de certains sports comme elle l'a d'ailleurs fait à plusieurs reprises, notamment l'hiver dernier, dans le secteur du hockey sur glace en obligeant, à partir de cette année, le port d'un protecteur facial pour l'ensemble des joueurs amateurs ou semi-professionnels. On sait, Mme la Présidente, que l'intervention de la régie est parfois controversée. L'obligation du port du protecteur facial ne fait pas l'unanimité dans le monde du hockey amateur. Certains adeptes du hockey se demandent pourquoi on vient s'ingérer dans le hockey pratiqué occasionnellement par des ligues non professionnelles. On en arrive même parfois à se demander si, dans certains cas, la régie ne va pas trop loin. En effet, l'étendue des pouvoirs de la régie n'est pas toujours très claire. Alors qu'elle devrait pouvoir intervenir avec vigueur dans certains domaines, on la sent parfois timorée, craintive et même hésitante.

Vous aurez sans doute compris que je parle ici du rôle de la régie dans le domaine du sport professionnel et plus particulièrement dans le domaine du sport de combat. Je sens cette timidité de la régie plus particulièrement dans le milieu de la boxe professionnelle, où elle semble avoir du mal à s'imposer. J'aurais d'ailleurs aimé, dans le cadre de ce projet de loi, voir certains articles toucher cette question particulière. Je sais que le juge Bernier aurait sûrement le goût d'avoir un peu plus de prise dans ce milieu, mais je me demande si le ministre partage ce goût, cette volonté nécessaire d'intervenir davantage dans le milieu de la boxe professionnelle. C'est dommage que le ministre ait dû sortir quelques minutes; j'espère qu'il m'a entendue parce que j'aimerais bien savoir s'il partage le goût du juge Bernier dans le domaine de la boxe. (12 h 10)

Je dis cela, Mme la Présidente, parce qu'il me semble qu'on accorde beaucoup d'importance et de pouvoirs à la régie dans le domaine du sport amateur et moins dans le sport professionnel. Je dis cela parce que je ne voudrais pas qu'on réglemente le sport amateur sans appliquer la même rigueur au sport professionnel. Vous comprendrez, bien sûr, que le sport amateur prend souvent exemple sur les grands frères ou les grandes soeurs du sport professionnel. Il faut, par conséquent, appliquer des règles équivalentes, il me semble, qui permettront aux sportifs amateurs de se sentir égaux en responsabilités, mais aussi en droits. Lorsqu'on parle de modifier les pouvoirs de la régie, je suis heureuse de constater que le présent gouvernement continue de considérer l'importance de l'équilibre devant exister en matière de droits et responsabilités. Car cette philosophie est la base même de cette régie que nous avions créée en 1979. Au tout début de son intervention, j'ai bien entendu le ministre en parler de façon très positive.

La Régie de la sécurité dans les sports a une vocation parfois ingrate. Elle vient réglementer, dire quoi faire ou ne pas faire aux citoyens qui pratiquent certains sports. Elle vient aussi mettre son nez dans les fédérations sportives auxquelles elle dit quelles doivent être les règles minimales de sécurité dans les lieux où se pratique tel ou tel sport. Elle vient édicter les normes régissant la pratique d'un sport, les exigences des équipements, et, le cas échéant, elle précise les sanctions en cas de non-respect du règlement. Vous comprendrez, Mme la Présidente, que ce n'est pas toujours un rôle très séduisant, parce que, en quelque sorte, la régie, c'est la police dans les sports, et on n'est pas toujours content d'avoir la police à nos trousses, mais combien il est important, car, sans la contribution de la régie, on pourrait assister à toutes sortes d'abus dans le monde du sport, non pas parce que les fédérations sportives ne jouent pas bien leur rôle, mais plutôt parce que certaines personnes pourraient être tentées de tirer indûment profit d'une situation ou d'un contexte peu encadré.

Je suis donc heureuse de constater que le

ministre reconnaît le bien-fondé de la Régie de la sécurité dans les sports et qu'il ne cède pas à la tentation de son parti de libéraliser ce domaine au nom des libertés individuelles. Comme on le sait, les libertés individuelles sont d'une extrême importance, bien sûr. Elles sont quand même parfois la cause de certains maux. C'est un peu comme le sacro-saint principe de la libre concurrence: le libre marché ou le laisser faire que nos amis d'en face connaissent bien? Ils constituent des principes vertueux, mais ils sont souvent sources d'inégalités. Les gros, les plus forts se servent malheureusement trop souvent de leurs avantages pour écraser les plus petits, et c'est inacceptable. Ils oublient le respect, la solidarité et l'entraide, lis profitent de situations avantageuses pour exploiter davantage le plus faible, et ce, toujours au nom du beau principe des libertés individuelles. Je n'ai rien contre les libertés fondamentales, mais certaines libertés individuelles peuvent être la source de grandes injustices sociales, et, à ce compte-là, je pense que personne ne peut accepter une chose comme celle-là.

Je constate toutefois qu'avec ce projet de loi, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche penche plutôt du côté des libertés bien ordonnées, et bravo! Je tiens d'ailleurs à le féliciter de ne pas avoir sombré dans la tentation du laisser faire au nom des grands principes libéraux. Dans le projet de loi qu'il nous présente, je vois qu'il adhère au principe des droits collectifs et qu'il opte pour la sécurité du public dans le monde du ski alpin. Je vois aussi que le ministre est soucieux de l'intérêt du public, et je dis encore bravo, "rebravo"! Franchement, c'est important de sentir qu'on pense aux utilisateurs parce que hier, dans le projet de loi 34, on ne pensait pas aux utilisateurs du système ambulancier, on pensait plutôt à former une corporation. Le ministre a dit à maintes reprises, aujourd'hui, qu'il pensait aux adeptes du ski, aux 1 200 000 skieurs au Québec. Et bravo! Il faut lui donner cela. C'est bien.

Je vois, par contre, que le ministre a oublié certaines des recommandations du juge Bernier. Je ne sais pas s'il ne voulait pas donner la totalité de l'usufruit au juge Bernier, mais en tout cas, il a laissé un peu de côté des recommandations qui m'apparaissent, pourtant, fort pertinentes. Et j'aurai l'occasion d'y revenir un petit peu plus loin.

Que contient le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui? D'abord, il contient une série de 18 articles environ modifiant certains pouvoirs de la régie et un chapitre entier visant à régir la sécurité dans le monde du ski alpin.

Il contient, dans un premier volet, des amendements à la Loi sur la sécurité dans les sports. Certains viennent préciser quelques articles de la loi et d'autres viennent carrément donner des pouvoirs extraordinaires à la régie. Et, je pense évidemment ici à l'article 9 de l'actuel projet de loi qui vise à modifier l'article 25 de la Loi sur la sécurité dans les sports.

Cet article 9, Mme la Présidente, vient donner des pouvoirs considérables à la régie qui pourra dorénavant prélever des échantillons d'haleine ou d'urine chez les concurrents qui participent à des manifestations sportives. Je pense que c'est ainsi que c'est inscrit dans le projet de loi. Je regarde. C'est bien cela, "dans des manifestations sportives". C'est l'article 25.3. La portée de cet article est considérable et j'aimerais m'y attarder quelque peu. Le dopage chez les athlètes est un phénomène fort connu. On a parlé longuement ces dernières années des stéroïdes anabolisants, des transfusions sanguines et, plus récemment, de l'insémination-avortement chez certaines athlètes de haut calibre.

En tant que porte-parole de ma formation politique dans le domaine des loisirs et des sports, je ne peux que déplorer ces pratiques car il s'agit de pratiques dangereuses pour la santé, voire même de pratiques immorales si je me réfère à la pratique de l'insémination-avortement. Qui plus est, Mme la Présidente, il s'agit de pratiques malhonnêtes si je les considère et les compare à celles des athlètes qui s'entraînent corps et âme sans aucune drogue quelconque. La pratique d'un sport et le fait de recourir à des drogues pour améliorer sa performance m'apparaissent incompatibles. Et il serait normal que l'on sanctionne les personnes qui y recourent et surtout ceux qui en font la vente illégale. Il n'est pas juste de punir uniquement le consommateur. Il faut pouvoir s'attaquer à la racine du mal, c'est-à-dire aux vendeurs eux-mêmes et à ceux qui, d'une façon ou d'une autre, font la promotion de l'usage de ces drogues.

L'actuel projet de loi nous présente une façon de dissuader l'utilisation des drogues dans les sports. Il ne fait aucune référence aux sanctions subséquentes ni aux types de drogues qui tomberont sous la massue de la régie. Et cela est inquiétant. Je pense qu'en commission parlementaire, il faudra que le ministre éclair-cisse certaines choses et indique clairement dans le projet de loi où il veut en venir avec cela. Je pourrais faire certaines caricatures, Mme la Présidente. S'il n'y a pas d'éclaircissement dans l'article dont je vous fais mention, un simple joueur amateur de hockey qui a pris quelques bières avant de livrer un match, serait-il passible d'être soumis à cet article? C'est un point d'interrogation. Ce n'est pas indiqué. Est-ce que la régie se promènera avec un ivressomètre pour tester les uns et les autres et constater s'ils ont pris, comme je le disais tout à l'heure, quelque boisson alcoolisée?

Je caricature à peine parce qu'au moment où l'on se parle, ce n'est pas clair dans le projet de loi. On dit "des manifestations sportives". Le ministre, tout à l'heure, a été plus clair dans son intervention que ce qu'il y a d'écrit, mais quand un avocat ou un juriste essaiera d'évaluer, c'est sur les écrits qu'il se penchera et non pas sur ce que le ministre aura dit dans son intervention.

Donc, il serait important que, lors de la commission parlementaire, on puisse en arriver, avec le ministre, à éclaircir le point pour que cela ne pose pas de problème. (12 h 20)

Est-ce qu'on verra, encore pour caricaturer un peu, la régie se doter de fonctionnaires qui se posteront au pied d'une pente de ski pour demander aux skieurs des "échantillons" de leur haleine? Jusqu'où ira-t-on avec cet article de loi? J'ai hâte que le ministre, en commission parlementaire, édicte franchement et clairement ce qu'il pense ou ce que ses juristes ont pensé lorsqu'ils ont écrit cet article du projet de loi.

La notion de manifestation sportive, ce n'est pas assez clair pour nous et pour plusieurs intervenants du milieu aussi. Il m'apparaît y avoir une différence entre livrer un match de hockey dans le cadre d'un tournoi d'une ligue maison et un match de boxe professionnelle, qui est une tout autre chose. Il y a quelque chose dans cet article qui m'agace, il faut le dire, Mme la Présidente, où l'arbitraire devient possible, non pas qu'il soit plus normal de prendre un verre avant de jouer dans le cadre d'une ligue maison, mais plutôt parce que l'optique du jeu est différente, ne serait-ce que par le niveau de performance auquel on fait référence.

Je ne voudrais pas m'attarder plus longuement sur cet article car nous aurons la chance, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, d'y revenir en commission parlementaire ou un peu plus tard dans le débat. Je voulais tout simplement vous faire part de mes inquiétudes sur la question et j'aurai, comme je vous l'ai dit, l'occasion d'en reparler.

Je voudrais maintenant aborder le chapitre traitant du ski alpin. Le ministre nous présente dans son projet de loi une série d'articles qui viendront dorénavant réglementer la pratique du ski alpin. Je me contenterai de dire que je souscris à l'esprit des articles qu'il nous présente et reviendrai un peu plus tard pour en commenter la teneur.

La pratique du ski alpin au Québec est devenue un sport de premier plan. Près de 1 000 000 de Québécois s'y adonnent à chaque hiver et pour cause. Le ministre parlait de 1 200 000 tout à l'heure. Le Québec constitue un lieu de prédilection pour les skieurs. Il faut le croire, Mme la Présidente, c'est tellement beau au Québec. Nos montagnes, qu'il s'agisse de celles de chez nous dans la région de l'Estrie dont on est tous très fiers, les Estriens, celles des Laurentides, du Mont-Sainte-Anne ou de Charlevoix, sont sans aucun doute parmi nos plus belles richesses naturelles. Des milliers de touristes affluent chaque année au Québec pour skier sur nos pentes et nous en sommes aussi très fiers. Cette activité, et non la moindre, génère des retombées économiques de plusieurs centaines de millions de dollars annuellement. On vient skier au Québec pour nos montagnes, mais aussi pour l'accueil que nous réservent les hôteliers, les restaurateurs avec leurs mets excellents et les propriétaires de stations de ski car, il faut bien le dire, nous avons des stations de ski d'une qualité remarquable, et ce n'est pas un hasard. Je pense que les propriétaires de stations de ski ont tout intérêt à rendre le séjour d'un touriste ou d'un skieur fort agréable pour qu'il puisse revenir.

Il faut, en effet, se rappeler que beaucoup de stations de ski ont pu voir le jour ou ont développé leur équipement grâce à la politique de développement du ski alpin au Québec mise de l'avant par notre gouvernement, en 1983. Cette politique, qui avait d'ailleurs fait l'objet d'une entente Québec-Canada, a permis d'injecter plus de 180 000 000 $ dans le développement et la modernisation des centres de ski alpin. A posteriori, on remarque que cet effort a porté fruit puisque la population québécoise pratique plus que jamais le ski alpin. L'étude réalisée par la firme CEGIR, qui a récemment été rendue publique, est d'ailleurs fort éloquente à ce sujet. Elle révèle qu'entre 1983 et 1987, le taux de participation à la pratique du ski alpin a doublé, passant de 7, 5 % à 15 %, pour une augmentation annuelle de plus de 25 %, et ce n'est pas peu dire.

La pratique du ski a généré des retombées économiques fort impressionnantes. On les évalue à plus de 425 000 000 $ en 1986-1987. De cette somme, il est intéressant de noter que plus de 150 000 000 $ ont été dépensés dans l'hôtellerie et la restauration et 25 000 000 $ dans l'achat de vêtements et d'articles de sport, le reste ayant été dépensé dans les centres de ski proprement dits.

J'aurais aussi aimé que le ministre du Tourisme soit ici pour entendre ça. Il aurait peut-être pu conseiller le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche d'injecter plus d'argent dans les programmes pour les pentes de ski. Cela aurait été intéressant. Il ne faut pas seulement penser que, quand le gouvernement injecte un certain montant d'argent, cela s'arrête là. Il y a des retombées pour l'ensemble des contribuables du Québec et c'est ce qu'on doit regarder lorsqu'on met sur pied un programme ou qu'on abolit, à peu de choses près, certains programmes à larges bords existants qui ont porté fruit, que je viens de vous mentionner. Le nombre d'emplois reliés à la pratique du ski alpin mérite également d'être mentionné. En effet, ce n'est pas moins de 10 450 emplois-année, Mme la Présidente, qui sont liés directement ou indirectement à l'activité du ski alpin. Ce sont 10 450 emplois-année qui ne sont pas sur les services de l'aide sociale ou les programmes gouvernementaux pouvant leur venir en aide.

Je crois que nous pouvons être fiers de l'entente que nous avions signée en 1983. Les chiffres que je viens de mentionner parlent d'eux-mêmes. Je crois également que le gouvernement actuel doit prendre acte des gestes que nous avons posés antérieurement et je mets

même le ministre au défi de signer une nouvelle entente avec le gouvernement fédéral qui soit aussi profitable aux propriétaires des centres de ski que celle que nous avions conclue en 1983.

Tout à l'heure, dans son intervention, le ministre a vanté les mérites, et avec raison, des propriétaires de stations de ski et j'espère qu'il mettra en pratique cette fierté qu'il nous a décrite tout à l'heure en allant chercher de l'argent au gouvernement fédéral pour l'injecter dans nos stations de ski. J'ai hâte de voir les actes concrets que le ministre pourra poser en vertu de ce qu'il a énoncé tout à l'heure. Je le mets au défi parce que, lors de l'étude des crédits de son ministère en avril dernier, écoutez bien ça, Mme la Présidente, j'ai été à même de constater qu'il avait réduit de 90 % les crédits des programmes d'aide aux stations de ski alpin. Vous avez bien compris, j'ai dit 90 %. C'est presque l'abolition du programme complet. Il ne reste qu'un pauvre petit 10 %. Cela me désole et cela désole plusieurs propriétaires de stations de ski qui voudraient faire de l'amélioration, qui voudraient peut-être en ouvrir d'autres, qui n'ont pas la chance qu'ont ceux qui demeurent dans les régions où il y a une station de ski. Je pense que c'est désolant de voir que le ministre n'a pas foi à ce point aux programmes dans lesquels on devait continuer d'injecter les sommes d'argent nécessaires à la réorganisation et à l'ouverture d'autres centres de ski. Cela me désole, bien sûr.

Je sais également que certaines régions ont des projets de station de ski, tels les citoyens de l'Estrie. Tout à l'heure, je parlais avec ma collègue de Mégantic-Compton. Il y a le Mont Gosford, chez elle, qu'elle voudrait bien qu'on puisse en faire une station de ski fort impressionnante. Dans le comté de Mégantic-Compton, le Mont Gosford serait une fierté pour Mme la députée. Elle m'a même fait part qu'il y avait eu une espèce de collecte parmi les gens de son comté et les gens avaient ramassé plus de 1 000 000 $ qu'ils sont prêts à investir, bien sûr, si le ministre comprend l'importance de mettre sur pied le Mont Gosford en termes de station de ski et j'espère bien que la députée de Mégantic-Compton sera en mesure de convaincre son ministre de l'importance d'injecter des sommes d'argent pour que, en plus du Mont Orford et du Mont Mégantic, que le Mont Gosford puisse être utilisé par les gens de l'Estrie. Je serais contente, Mme la Présidente, qu'on puisse convaincre le ministre d'injecter plus d'argent pour qu'on ait un nouveau développement au Mont Gosford. (12 h 30)

Les gens de la région de Montmagny, encore, aimeraient eux aussi que le ministre remette son programme en valeur. Les 90 % que vous avez soustraits, remettez-les donc! Je pense que ce serait important pour les gens de la région de Montmagny et aussi pour le projet de La Grande Coulée, le projet du Massif de la

Petite-Rivière-Saint-François. M. le ministre, vous vous souvenez qu'on s'en était parié lors des commissions parlementaires sur les crédits. En tout cas, j'espère bien qu'il va y avoir une écoute attentive parce que les gens souhaitent son intervention.

Mais on a pratiquement aboli le programme. C'est cela le problème. Il va falloir que tous ces gens, comme ma collègue de Mégantic-Compton, puissent dire à leur monde de prendre leur mal en patience parce qu'au moment où l'on se parle, il va falloir que tout le monde se mette ensemble pour faire comprendre au ministre que c'est important.

Le budget destiné aux infrastructures de ski alpin en 1988-1989 sera de 254 000 $ comparativement à 3 500 000 $ en 1986-1987 et 1 700 000 $ en 1987-1988. C'est cela, la réalité.

J'aurais le goût de demander au ministre ce qu'il prévoit pour les années à venir. J'espère qu'il m'écoute. Je voudrais qu'il me donne des réponses sur ce que je lui demande. S'il ne m'écoute pas, je vais essayer de lui faire passer le message tout de suite après mon intervention. Ce ne sera pas bien long. J'ai l'impression qu'il ne réalisera pas grand-chose dans les années à venir si on ne finit pas par le convaincre de l'importance de l'injection d'argent.

Mme la Présidente, comme beaucoup d'autres personnes, j'aime le ski alpin. Je souhaite que ce sport devienne à la portée de tous. Il ne faut pas se cacher que la pratique du ski alpin coûte environ 30 $ par jour par personne, pas pour la famille. Ce ne sont donc pas les personnes sans emploi et les assistés sociaux ou les chômeurs qui, majoritairement, peuvent s'y adonner. Le ski alpin est un sport dispendieux. Je souhaite qu'on envisage éventuellement des moyens pouvant en réduire les coûts et ainsi en accroître la pratique.

Le projet de loi qui nous est présenté était attendu depuis quelque temps par les adeptes du ski. On souhaitait une intervention gouvernementale mais je sais que tous les intervenants ne sont pas satisfaits du présent projet de loi. Je sais aussi que l'Association des stations de ski du Québec a fait des représentations auprès du ministre. Il nous en a parlé tout à l'heure. L'Association des stations de ski n'est pas d'accord avec certains articles de la loi, notamment les articles 46.12 et 46.13 concernant l'application par l'exploitant des normes édictées par la régie.

Je sais aussi que l'association souhaite qu'une série d'amendements soient apportés au projet de loi. Je ne sais pas si le ministre est maintenant prêt à considérer ces demandes, mais il m'a semblé faire des ouvertures dans son discours tout à l'heure. J'ai hâte de voir ce qui va se passer en commission parlementaire.

À mon avis, l'Association des stations de ski du Québec soulève des points de droit fondamentaux. Elle soulève ces points qui ont trait aux articles 46.12 et 46.13, mais aussi en ce

qui concerne l'article 25.

Je ne suis pas juriste, mais j'ai tendance à être extrêmement sensible aux arguments de l'Association des stations de ski dans ce domaine. Je pense, entre autres, au pouvoir de perquisition que l'on veut donner à la régie. Je me demande si ces pouvoirs sont conformes à la Charte des droits et libertés en ce qui concerne les droits des citoyens d'être protégés contre toute forme abusive. Je ne sais pas si le ministre a reçu les avis du ministère de la Justice en ce sens. Il faudrait éviter de considérer le domaine du ski alpin comme s'il s'agissait du monde interlope. Ce n'est pas tout à fait la même chose, n'est-ce pas?

Dans ce sens, Mme la Présidente, j'ai sorti la Charte des droits et libertés de la personne. Pour ce qui a trait à l'article 25 du projet de loi 17, je suis inquiète en ce qui concerne les articles 25. 1°, 25. 2°, 25. 5° et 25. 6° parce que dans la Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 24. 1, il est indiqué: "Nul ne peut faire l'objet de saisies, de perquisitions ou fouilles abusives. " Donc, je pense que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche aurait peut-être tout intérêt à consulter son collègue, le ministre de la Justice, pour avoir une expertise très claire de ce que pourraient comporter les articles 25. 1°, 25. 2°, 25. 5° et 25. 6°. Je crois que les intervenants du milieu souhaiteraient, dans le cas contraire, être entendus dans le cadre de consultations particulières. Tout à l'heure, je vous ai dit que le ministre avait mentionné que l'Association des stations de ski lui avait formulé certains amendements et qu'en commission parlementaire il nous amènerait des papillons pour corriger certains articles qui n'allaient pas selon les vues et les attentes des stations de ski. J'ai moi-même reçu de la part des personnes qui représentent les stations de ski cet accord qu'elles ont reçu du ministre, qu'il y aurait des corrections, des amendements en commission parlementaire.

Mais c'est un groupe d'intervenants. Il y a d'autres groupes qui souhaiteraient avoir des consultations particulières. Je ne sais pas si le ministre... Oui, c'est adressé au ministre; il l'a certainement reçu. Il y a le Bureau d'assurance du Canada qui dit: Nous avons pris connaissance du projet de loi 17 qui comporte des dispositions relativement à la responsabilité des exploitants de stations de ski alpin et qui affecteront directement l'assurance-responsabilité. Compte tenu de l'importance d'un tel projet de loi, nous désirons être entendus afin de faire les représentations appropriées devant les autorités compétentes. À cette fin, nous demandons, par les présentes, que le projet de loi 17 soit référé en consultations particulières avec auditions publiques avant son adoption de principe par l'Assemblée nationale. Ceci vient du Bureau d'assurance du Canada.

J'en ai une autre qui dit pratiquement la même chose, qui vient de gens de la Société pour le progrès de la Montérégie, qui souhai-raient, eux, vu qu'ils n'ont peut-être pas eu la possibilité de s'entendre avec le ministre comme les stations de ski l'ont fait... Possiblement parce que eux n'ont pas pu se faire entendre, il serait souhaitable et désirable que le ministre puisse accepter d'avoir des consultations particulières et donner une chance à ces gens. Je pense entre autres, vu qu'on parle des patrouilleurs dans le projet de loi, peut-être que ce serait important qu'on puisse... Je ne vous demande pas une consultation particulière avec 50, 60 intervenants. Ce n'est pas cela que je veux. Je ne veux pas jouer au fou, là. Je veux juste que les principales personnes, les principaux intervenants du monde du ski alpin aient la chance de se faire entendre, point à la ligne.

Je pense que c'est autant pour le ministre que pour nous, c'est autant pour les adeptes du ski si on apporte plus d'éclairage et qu'on en arrive à trouver une formule qui conviendra à tous et chacun. J'espère que le ministre m'a entendue et qu'il entendra aussi la voix de ces personnes qui souhaiteraient avoir une consultation particulière. Vu qu'on n'a pas un menu très chargé d'ici la fin de nos travaux - que ce soit le 23 juin ou la veille, je pense qu'on n'a pas un menu extraordinaire - on pourrait se permettre, le ministre pourrait se permettre d'avoir des consultations particulières sur le projet de loi. On serait très heureux d'y participer en tant qu'Opposition officielle avec les gens qui nous demandent formellement d'être entendus. Cela nous donnerait l'avantage de connaître les points de vue des autres personnes et d'apporter les amendements qu'elles souhaiteraient à l'actuel projet de loi. Je pense que ce serait une formule très intéressante, Mme la Présidente.

Le projet de loi qui vient régir davantage la pratique du ski alpin revêt une importance particulière. C'est à ce compte qu'on voudrait pouvoir entendre... Vu qu'on ne siège pas jour et nuit comme on l'a déjà fait, qu'on se permet même en fin de session de finir à 23 heures et tout de suite après la période de questions le vendredi, que, la semaine passée, à part mercredi où l'on a siégé jusqu'à minuit et quart, pas un soir on n'a dépassé les règles, je pense qu'on aurait le temps de faire des consultations particulières. Mme la Présidente, c'est important parce que, dans le ski alpin, il y a eu des tragédies dernièrement. Il y a des personnes qui ont perdu la vie. Donc, ce serait important de voir comment on pourrait bonifier le projet de loi même si c'est déjà un pas en avant. On n'en disconvient pas. (12 h 40)

Des personnes sont mortes en pratiquant un sport en apparence tout à fait inoffensif. Elles sont mortes, en partie à cause d'une très grande liberté d'action sur les pistes et des skieurs qui n'écoutent rien, franchement, qui font des folies en descendant, je dirais. Je ne sais pas si ce sont les mêmes folies que celles que le ministre

nous a dit avoir faites lors de sa première descente en ski alpin. Il ne nous a pas dit de quel côté il a culbuté. En tout cas, s'il avait culbuté, ce n'est peut-être pas sa faute, mais il y en a qui vont trop vite et qui causent des blessures à d'autres personnes; cela est inacceptable. Lorsque des vies humaines sont mises en cause, l'intervention des législateurs devient comme plus légitime, car cette intervention implique la notion de sécurité publique et il s'agit d'une notion presque sacrée quand on parie de vie humaine. Il faut le savoir.

J'ai été à même de constater, à la lumière du nombre de skieurs blessés en 1985-1986, combien il était impérieux d'édicter des règles de sécurité dans le ski alpin. En 1985-1986, on a pu dénombrer pas loin de 18 300 blessures reliées à la pratique du ski alpin. Et, plus triste encore, Mme la Présidente, la majorité des victimes de ces blessures étaient de toutes jeunes personnes, c'est-à-dire qu'elles étaient, pour la plupart, âgées entre cinq et dix-neuf ans. Les études menées par la régie ont également mis en lumière l'importance d'agir auprès de certains skieurs plus casse-cou que les autres. Une étude, à la régie, a démontré, en effet, que plus de 38 % des skieurs adoptent parfois ou même souvent une conduite dangereuse et que 83 % des skieurs espéraient une réglementation pour les protéger des skieurs imprudents.

Le présent projet de loi obligera, dorénavant, toutes les stations de ski à se conformer à une série de règles de sécurité obligeant le skieur à se conformer à un code de conduite, mais également en enjoignant aux centres de ski d'afficher les règles de conduite, de se conformer à des normes en matière d'entretien des équipements de pistes - tout à l'heure, le ministre parlait même d'une mention qu'il y aurait sur les billets que les gens achèteraient pour faire du ski, interdisant de faire toutes sortes de choses qui ne sont pas acceptables sur les pentes de ski - de même qu'à prévoir des premiers soins à donner en cas d'accident. Je ne sais pas si j'ai bien compris, tout à l'heure, mais il parlait d'une salle de premiers soins dans chacune des stations de ski. Je ne sais pas s'il a vraiment traduit sa pensée, mais il me semble que c'est gros une salle de premiers soins. Je veux bien croire qu'il faut être outillé, mais de là à obliger les centres de ski à avoir une salle complète seulement pour cela. En tout cas, on pourra en discuter et on verra. Je suis réceptive à comprendre davantage et à avoir le meilleur pour les utilisateurs.

Les stations de ski auront, dorénavant, des responsabilités importantes à assumer, mais qu'en sera-t-il des skieurs? Dans la mesure où des accidents surviendront et que les stations de ski auront assumé leurs responsabilités, à qui reviendra la faute? Est-ce aux skieurs? Est-ce aux stations de ski? Je ne comprends pas, parce que si les stations de ski se sont conformées à ce que la loi demandait, à qui va être la faute, l'imputabilité? Qu'adviendra-t-il du skieur écervelé qui se fout carrément des règlements? Il dit: J'ai payé mon billet, je me contrefous de ce qui est écrit sur le billet et des indications. Je prends la piste rapide et j'arrive dans les autres... Est-ce qu'on va être en mesure de responsabiliser cette personne et de lui imputer aussi des causes à son comportement? Je voudrais bien que le ministre puisse me dire, dans sa réaction tout à l'heure, quelles seront les sanctions prévues pour ces skieurs. Qui sera poursuivi dans ce cas si jamais il y a des poursuites? L'association des stations de ski, je sais, émet de sérieuses réserves sur la portée de l'esprit des articles concernant cet aspect. Je souhaite que le ministre puisse nous éclairer sur le sens et l'esprit des articles qu'il nous propose.

Mme la Présidente, j'évalue qu'à plusieurs égards il s'agit d'un pas en avant. Je le lui ai dit tout à l'heure, j'ai reconnu que le ministre avait été bien dans ses premiers pas en vue de sécuriser les utilisateurs, les skieurs. Les skieurs gagneront autant en sécurité qu'en plaisir et pour celles et ceux qui auront le mal des descentes rapides et droites, ce que le ministre a appelé tout à l'heure le "downhill", il sera tout indiqué de s'inscrire à des compétitions où cette pratique est permise et de ne pas le faire quand c'est du sport amateur, comme le ski dont on parlait tout à l'heure.

Je constate aussi qu'il nous reste des choses à faire, mais comme le ministre semble très ouvert - en tout cas, il nous l'a laissé entendre tout à l'heure - je pense bien qu'on aura une amélioration à apporter en commission parlementaire.

Je m'étonne particulièrement du fait que le ministre n'ait pas jugé bon de considérer à juste titre certaines des recommandations que lui faisait l'année dernière le juge Bernier. Le juge Bernier recommandait, entre autres, que l'on normalise davantage les qualifications des patrouilleurs, leurs pouvoirs et leurs responsabilités. On sait que le rôle des patrouilleurs des pentes de ski est fondamental. Que dire de certains centres de ski qui ont, comme patrouilleurs, des bénévoles? Je ne sais pas si le ministre est au courant de cela. Comment réglementer dans ce cas précis? Le ministre a-t-il prévu, dans la loi 17, une solution pour les stations de ski qui utilisent des bénévoles comme patrouilleurs? Car ce sont les patrouilleurs qui voient à l'application des règles et à la bonne conduite des skieurs. Ils ont également un rôle de premier plan à jouer pour ce qui est de juger de la sécurité des pistes. Or, l'actuel projet de loi n'en fait que brièvement mention.

Une autre question cruciale concerne la formation des instructeurs de ski. On sait que leur enseignement ne peut pas être improvisé, que certaines règles de base doivent être enseignées et ce, pour la sécurité des skieurs. C'est également le cas des vendeurs d'équipements de

ski, où le juge Bernier évaluait qu'il fallait voir à ce qu'on ne vende pas n'importe quel équipement aux skieurs sans se préoccuper de leur sécurité. Je ne trouve rien concernant ce sujet dans l'actuel projet de loi.

Enfin, Mme la Présidente, une autre recommandation touchait la constitution d'un comité de sécurité. Encore là, pas un mot. Je constate que certaines des recommandations du juge Bernier n'ont pas été retenues. Est-ce à cause de la non-pertinence des recommandations du juge Bernier? Est-ce à cause d'un manque de volonté du ministre d'aller un peu plus loin dans la réglementation du ski alpin? Point d'Interrogation! Et il va nous dire tout cela tout à l'heure, j'en suis sûre. Je le vois, il prend des notes. Je pense que je vais avoir des réponses et je le souhaite. Je ne sais pas, Mme la Présidente, mais j'ai l'impression que le ministre ne tardera pas à me dicter certaines choses et à répondre à certaines de mes questions.

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, comme beaucoup de personnes au Québec, j'aime le ski alpin - j'ouvre une petite parenthèse: j'aime la motoneige aussi, bien sûr, parce que c'est dans mon comté et j'aime cela - et c'est pourquoi je souscris, dans l'ensemble, au projet de loi qui nous est présenté. J'aurais cependant plusieurs éclaircissements à demander au ministre et, sans aucun doute, quelques amendements à apporter en regard de ce qui nous est demandé. Je sais que nous aurons le temps d'en discuter et j'espère que le ministre pourra répondre à la fois aux questions que je lui ai posées et aux attentes non seulement des utilisateurs, mais des personnes directement concernées dans le monde du sport, particulièrement du ski alpin. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Johnson. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en réplique.

M. Yvon Picotte (réplique)

M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Je veux immédiatement assurer Mme la députée de Johnson, tous les membres de la commission et tous les membres de cette Chambre que nous prendrons le temps nécessaire pour fournir tous les éclaircissements concernant chacun des articles que nous aurons à étudier en commission parlementaire. Je me permettrai, durant les dix minutes mises à ma disposition, de répondre brièvement à certaines des interrogations et, par la suite, on aura tout le temps nécessaire, en commission parlementaire, pour étudier le projet de loi en profondeur, article par article. (12 h 50)

J'ai eu l'occasion de le mentionner et je le répète: C'est évident - j'en sais gré à la députée de Johnson, je ne lui en fais grief d'aucune façon - que souventefois, dans les lois du ministère du Loisir, de la Chasse et de la

Pêche... Par exemple, à la Régie de la sécurité dans les sports on travaille avec une seule loi, ce qui veut dire que chaque fois qu'on ajoute un chapitre, que ce soit sur les sports de combat, la pratique du ski alpin, les activités récréatives ou des choses comme cela, il faut rajouter à la loi déjà existante. Cela nous oblige toujours - Dieu sait si c'est fastidieux - à aller regarder ce qui a été adopté deux ans, trois ans, cinq ans, huit ans auparavant parce qu'il faut tenir compte de ce qu'on a amendé au fil des ans. Parfois, vous savez, de la façon dont sont rédigés les textes de loi - ce n'est pas mol qui en ai décidé, ce sont nos éminents juristes - il faut retourner à un amendement qu'on a fait il y a quelques années, et cela devient difficile de faire la relation en ligne directe.

Je peux assurer Mme la députée de Johnson que jamais personne, en pratiquant le ski alpin récréatif, ne se fera arrêter en plein milieu d'une pente pour subir un test d'haleine ou d'urine. Je pense qu'il ne faut pas le voir ainsi, cela ne se produira pas. D'ailleurs, nous avons choisi de ne pas importuner inutilement les adeptes de ski alpin récréatif, puisque c'est un sport récréatif, comme je le dis si bien, et, de plus, c'est un sport de type familial. Par contre, comme c'est le rôle de la régie, on veut réglementer le sport professionnel. Or, on profite des amendements qu'on apporte au volet du ski alpin récréatif de cette loi pour toucher un autre domaine qui s'appelle le ski alpin de type professionnel.

Par exemple, au mont Sainte-Anne, lorsqu'on reçoit des gens d'autres pays qui viennent pour des compétitions, on n'a pas, par notre loi, la possibilité de faire des vérifications. Comment cela va-t-il se faire? Je vais vous lire exactement: ..."le pouvoir de prendre ou de prélever des échantillons d'haleine et d'urine est restreint aux manifestations sportives." Mme la députée m'a dit: Les manifestations sportives, c'est large. Oui, effectivement, c'est large. Il ne faut pas que cela reste comme cela; autrement, ce serait pour toute manifestation sportive. Quand on se reporte à la loi, voilà la définition d'une manifestation sportive: "C'est un événement, une compétition ou un spectacle à caractère sportif lors duquel un concurrent peut recevoir une bourse ou une rémunération."

Bon, là, la députée de Johnson me dit sans doute: On va avoir un tournoi de hockey atome. Il va y avoir une bourse, donc, cela ne fonctionne plus. J'apporte un article à la loi - vous avez pu vous en rendre compte - qui modifie cela. Modification: "...auquel participent des concurrents professionnels." Cela s'applique aux sports de l'article 40 de la loi actuelle qui va ajouter à ce qui existe déjà. Dans l'article 40 de la loi actuelle on parle de sports de combat, au niveau professionnel; on parle de courses de véhicules motorisés; on parle de natation et de ski nautique, et on va ajouter le ski. Maintenant, c'est pour les compétitions de type professionnel. C'est

pour cela qu'on va amender ou qu'on va modifier l'article pour refermer l'expression "manifestations sportives" uniquement sur des manifestations sportives à caractère professionnel. Cela élimine donc un tournoi atome, un tournoi bantam, un tournoi "peewee" au hockey, toute course qui peut avoir lieu où il peut même y avoir une bourse, mais qui ne touche pas à des professionnels. Cela va toucher uniquement une manifestation sportive, mais de type professionnel. C'est pour cela qu'on fait l'ajout dans le projet de loi, mais on verra, quand arrivera le temps de le détailler, qu'il va bien cerner le type professionnel dans l'intervention que nous voulons faire.

Mme la députée verra aussi qu'il y a des infractions de prévues à la loi ou règlement et que ces infractions-là sont prévues à l'article 58 de la loi actuelle. Il y a déjà des infractions qui existent à l'article 58 de la loi actuelle. Donc, l'article 58 dit ceci: "À moins qu'une autre peine ne soit prévue, une personne qui contrevient à la disposition de la présente loi ou de ses règlements commet une infraction et est passible, en plus des frais, d'une amende de 100 $ à 5000 $." Il s'agira, évidemment, comme on le voit si bien à toutes les fois qu'on vote un projet de loi à l'Assemblée nationale, de faire la concordance. C'est pour cela qu'on arrive parfois avec des articles qui disent: On fait la concordance avec ce qui existe. Mais cela existe déjà dans la loi. Dès qu'on va amender l'article pour dire que c'est de type professionnel, que cela touche les compétitions de ski alpin de type professionnel, il faudra bien, évidemment, Mme la Présidente, faire la concordance, faire en sorte qu'il y ait des sanctions et des pénalités qui s'appliquent. On regardera cela aussi au cours de l'étude. Cela fait référence à ce que Mme la députée me disait, à savoir que l'inspecteur peut aller n'importe où, n'importe quand, faire des prélèvements. C'est d'ajouter à l'article 55 de la loi actuelle qui prévoit que la régie peut, par règlement, entre autres: "10° déterminer les cas où une personne mandatée par la régie en vertu de l'article 25 peut prélever des échantillons d'haleine ou d'urine chez les concurrents qui participent à une manifestation sportive, et la procédure selon laquelle le prélèvement doit être effectué;". Il sera amendé par l'ajout après "manifestation sportive" de: "de type professionnel". C'est sûr et certain que cela enlève tout doute et cela viendra préciser définitivement ce que c'est exactement.

Mme la députée a fait référence à des consultations qu'on pourrait mener. Je dois lui dire ceci. Il y a eu, jusqu'à maintenant, des consultations avec des groupes qui nous ont demandé des consultations. Par exemple, le Conseil québécois de ski a été consulté. L'association des propriétaires de stations de ski a été mise à contribution et consultée. L'association des patrouilleurs a aussi été consultée. L'association des instructeurs a été consultée par la régie. La fédération québécoise de ski alpin a été consultée et l'association des skieurs du Mont-Tremblant a été consultée puisqu'ils nous ont dit qu'ils voulaient être consultés, qu'ils avaient des choses à nous dire. S'ajoute à cela le BAC, le Bureau d'assurance du Canada. Ce dernier s'interrogeait, m'a-t-on dit - je vous répète ce que la régie m'a mentionné, ce qu'on m'a dit - sur la fonction des bénévoles au point de vue des assurances, etc. Or, il semblerait qu'une discussion que nous avons eue, une relation avec le gouvernement fédéral est venue préciser certaines choses qui auraient eu pour but de satisfaire...

On m'apporte justement une note en ce qui concerne l'avenir des bénévoles. Nous avons l'intention, dans le projet de loi, de conserver les bénévoles qui patrouillent les pistes de ski qui sont de la patrouille canadienne ou d'Ambulance Saint-Jean. C'est à l'article 46.7 du projet de loi de même qu'à l'article 55.1, 13°. Je vous lis l'article 46.7: "L'exploitant doit retenir, dans la station et pendant les heures d'ouverture des pistes de ski alpin, les services du personnel de premiers soins conformément aux normes prévues par règlement de la régie et y maintenir un service de premiers soins comprenant une salle et des trousses de premiers soins, des toboggans, tout autre équipement de premiers soins et tout moyen de communication, selon les normes prévues par règlement de la régie."

On sait très bien que, lorsqu'on est en plein milieu d'une pente de ski et qu'un accident se produit, il y a des précautions à prendre pour descendre un blessé; on ne peut y aller de n'importe quelle façon, il faut au moins disposer de certains équipements pour aller le chercher. J'ajoute à l'article 55.1, le 13°: "déterminer l'âge minimum, les normes de qualification et de formation d'une personne qui donne les premiers soins et d'une personne qui enseigne la pratique d'un sport qui peut s'exercer sur une piste de ski alpin;". Cela a semblé recevoir l'assentiment du Bureau d'assurance du Canada. C'est ce dont la régie m'informe et c'est ce qui sera apporté, d'une part.

Mme la députée disait qu'elle trouvait un peu curieux d'avoir une salle de premiers soins. Je l'ai dit et j'ai eu l'occasion de le répéter, l'objectif n'est pas d'embêter tout le monde par des décisions comme celles-là, mais de fournir... Prenons le cas d'un blessé grave sur une piste de ski alpin où on a les équipements nécessaires pour aller le chercher, avec des gens qui ont reçu au moins des cours de premiers soins rudi-mentaires, disons-le, pour ne pas le transporter de n'importe quelle façon ou pour ne pas y toucher s'il ne le faut pas. À partir de ce moment-là, que fait-on dès que la personne arrive en bas? Évidemment, on ne veut pas la laisser au vu et au su de tout le monde à attendre l'ambulance si on en a eu besoin. On ne veut pas, non plus, l'entrer et la laisser en plein milieu du restaurant où les gens sont en train de se restaurer, ou au beau milieu d'une salle où les gens sont en

train de s'habiller. Quand on dit qu'il faut avoir une salle, si petite soit-elle, pour lui donner au moins de la quiétude et pour que personne n'embarque par-dessus elle, vienne voir si c'est grave ou non, que toutes sortes de médecins de taverne, comme on les appelle et qu'on retrouve un peu partout, donnent toutes sortes de conseils sans connaître quoi que ce soit, et qu'il y ait 50 personnes autour d'elle. Donc, il s'agit d'avoir un endroit.

Mme la Présidente, si on me donnait le consentement pour terminer dans deux minutes, je pense que...

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Vous pouvez poursuivre, M. le ministre.

M. Picotte: Merci du consentement.

C'est d'avoir un petit coin à elle, tranquille, même si ce n'est pas grand, pour qu'elle ait au moins une certaine quiétude et que les gens qui peuvent lui donner les premiers soins puissent le faire sans avoir 200 personnes autour, en train de boire du café, manger ou quoi que ce soit. C'est d'avoir un petit coin. Cela n'exige pas beaucoup et ce ne seront pas des exigences... On ne construirait pas d'hôpitaux là. On a déjà assez de s'occuper des hôpitaux qui existent et de fournir les services requis.

Les trois derniers points. Quelles seront les sanctions envers les récalcitrants? Mme la Présidente, je pense que j'y ai fait allusion, mais je veux préciser, c'est important de le faire. Prenons le cas d'un individu qui connaît très bien, parce que c'est indiqué sur son billet, les règlements de même que les règles de sécurité à suivre. C'est indiqué aussi dans la station. C'est indiqué à l'endroit où il peut en avoir pris connaissance. Et il doit en avoir pris connaissance. Prenons un individu qui, lui, pour toutes sortes de considérations, décide qu'il se comporte comme cela lui tente sans tenir compte de la sécurité des autres. Il n'y a pas beaucoup de façons de procéder. Il y en a environ trois. C'est de dire: Tu mets en danger la vie des autres, on t'accuse au criminel. On trouvait cela gros et, moi, je trouvais cela gros d'accuser des gens au criminel pour un comportement qui, parfois, est une méconnaissance un peu de la façon de se comporter parce que cela ne fait pas tellement longtemps qu'on pratique le ski alpin. On trouvait cela gros d'accuser des gens au criminel qui vont là pour se récréer. Donc, on a éliminé cette partie.

La régie aurait très bien pu dire: On engage 25, 30, 40 ou 50 policiers patrouilleurs qui s'en vont et qui distribuent des contraventions et qui accusent les gens au criminel ou au civil, peu importe. On aurait pu avoir cela. On a éliminé cela parce qu'on se dit: Finalement, les gens vont la pour se récréer, on n'est pas pour passer notre temps à avoir des policiers chaque côté de nous et toujours faire en sorte que les gens soient suivis dans un sport qu'ils veulent récréatif et de détente.

Il restait d'autres solutions. C'est de dire au propriétaire: Vous appliquez les sanctions que vous jugez à propos d'appliquer. Par exemple, vous avez un mauvais comportement, vous savez qu'on vous donne un avertissement. Au deuxième avertissement, on peut vous enlever votre passe de séjour. Aujourd'hui, c'est le deuxième avertissement qu'on vous donne, vous continuez de vouloir faire du "downhill", et ce n'est pas acceptable, donc, vous devez quitter la station et votre passe est annulée pour la journée.

Après cinq, six ou sept infractions de ce genre, on peut lui dire: Vous êtes suspendu pour huit jours, sans pouvoir mettre les pieds dans la station. Si c'est quelqu'un qui ne veut rien entendre, les propriétaires de la station pourraient très bien dire: On ne veut pas de gens comme toi chez nous, cela peut ternir notre image, c'est dangereux pour la sécurité, pour la tienne et celle des autres; je regrette mais ta passe de saison n'est plus acceptable ici, c'est fini, oublie cela.

C'est de cette façon qu'on a voulu procéder. Les sanctions à être appliquées le sont selon les modalités par les stations parce qu'il faut tenir compte que c'est un sport de détente. Il ne faut pas que tout le monde soit stressé d'aller faire du sport de détente, Mme la Présidente, surtout du genre familial, sous prétexte qu'ils peuvent toujours être suivis et qu'à tous les coins ils peuvent avoir une infraction. Je pense que ce n'est pas le but du projet. C'est de rendre cela le plus sécuritaire possible pour qu'on ait le moins d'accidents possible.

Enfin, en ce qui concerne la Régie de la sécurité dans les sports, madame m'a souligné: Le ministre se prépare à réagir. Effectivement, Mme la Présidente, il faut se dire ceci: La Régie de la sécurité dans les sports a été créée et mise au monde antérieurement pour faire en sorte de bien régir les points sécuritaires dans la pratique des sports dans différents domaines. On n'a qu'à regarder cela. J'ai vu souvent ce qu'on appelle des ligues de garage au hockey qui allaient pratiquer dans nos arenas, des gens de tout âge qui y allaient et qui, parfois, tombaient sur la glace. Parce qu'ils n'avaient pas de casque de sécurité, ils devenaient paraplégiques, ils devenaient handicapés pour le reste de leurs jours. Parfois, ils mettaient la sécurité de leur famille en danger parce qu'un père de famille...

Alors, ce qu'on veut faire, c'est le minimum. La Régie de la sécurité dans les sports regarde cela et elle vise toujours au maximum pour ne pas qu'il y ait d'accident. Or, je dis qu'entre ce que la régie veut avoir comme maximum et ce qu'il y a à donner pour faire en sorte que les gens soient bien en sécurité, il y a une marge. Le ministre est celui qui peut essayer de vouloir faire le juste milieu, Mme la Présidente. C'est ce que nous faisons. Je ne pense pas que je serais prêt à accepter en tout temps et en

tout lieu toutes les recommandations. D'ailleurs, le juge Bernier ne s'attend pas que j'accepte toutes ses recommandations, pas plus que je ne m'engage à accepter toutes ses recommandations. Mais, s'il y a lieu plus tard de poursuivre - c'est pour cela que nos lois sont là - dans deux ans, quand on aura des statistiques, peut-être que M. le juge Bernier me dira: Vous voyez, M. le ministre, quand je vous avais proposé d'aller si loin que cela, c'est essentiel d'y aller à cause des statistiques. Il sera encore temps d'y aller. Mais entre le maximum et le minimum il y a un juste milieu sur lequel j'essaie toujours de m'ajuster, bien que le juste milieu ne soit pas toujours facile, vous en conviendrez, Mme la députée.

Au plaisir de se retrouver en commission parlementaire avec toutes les explications possibles. Ensemble, on pourra se féliciter de faire en sorte que les 1 200 000 Québécois et Québécoises sur nos pentes de ski puissent avoir le moins d'accidents possible, en tout cas, le plus de sécurité possible. Je sais que j'aurai la collaboration des membres de cette Chambre et de l'Opposition. Merci, Mme la Présidente.

Une voix: Bravo!

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous n'avons pas encore suspendu nos travaux. Comme la réplique termine le débat, est-ce que le principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, est adopté?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour déférer le projet de loi 17 à la commission de l'aménagement et des équipements pour son étude détaillée.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, on va suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

La Vice-Présidente: Compte tenu de l'heure, nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 8)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les affaires du jour. Veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

Motion proposant la suspension de certaines

règles en invoquant l'urgence

d'adopter le projet de loi 9

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, à ce moment-ci, je voudrais proposer une motion en vertu des articles 182 et 183 du règlement de l'Assemblée nationale, qui se lit comme suit: "Qu'en raison de l'urgence de la situation, il y a lieu, conformément aux dispositions des articles 182 et 183 du règlement, et ce, en vue de l'adoption du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988, de proposer: que les règles ci-après mentionnées soient suspendues: Que les articles 20, 21, 22 et 54, les deuxième et troisième alinéas de l'article 87, les articles 88 à 93, 111 à 114, 205 à 208, 230, 232, 233, 236, 237, 240, 241, le deuxième alinéa de l'article 244, à l'article 248: les mots "et l'adoption du projet de loi est fixée à une séance subséquente" et les deuxième et troisième alinéas de l'article 256; "Que les règles ci-dessus énumérées soient suspendues jusqu'à l'adoption dudit projet de loi; "Que, malgré les dispositions de l'article 29, toutes les séances de l'Assemblée nationale soient publiques; "Que, malgré les dispositions de l'article 245, la commission plénière fasse rapport au plus tard une heure après le début de ses travaux; "Que dix minutes avant l'expiration de ce délai, le président de la commission plénière mette aux voix, sans débat, les articles et les amendements dont la commission n'aurait pas disposé; "Que le débat sur l'adoption du projet de loi soit limité à un maximum de 20 minutes par groupe parlementaire et qu'une réplique de cinq minutes soit accordée au ministre qui présente ledit projet de loi; "Que dès l'adoption de la présente motion, l'Assemblée puisse siéger jusqu'à l'adoption du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988. "

Le Président: Voulez-vous déposer votre motion, s'il vous plaît ainsi que le projet de loi?

M. Gratton: Oui.

Le Président: Le projet de loi est déposé ainsi que copie de la motion présentée par M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'Op-

position.

M. Gendron: Oui, M. le Président. Exactement comme la semaine dernière, pour les mêmes motifs, je vous demande qu'il y ait une suspension de 20 à 25 minutes pour que nous puissions prendre connaissance et de la motion de suspension des règles et du projet de loi qui l'accompagne avant d'entreprendre le débat de fond sur la motion de suspension des règles.

Le Président: Est-ce qu'on peut dire quinze minutes, M. leader de l'Opposition.

M. Gendron: Non, 25.

Le Président: Quitte à en prendre un peu plus si vous m'avisez que...

M. Gendron: Oui, 20 minutes maximum.

Le Président: Parfait. Les travaux de cette Assemblée sont suspendus pour quinze minutes et ce, du consentement des deux côtés de la Chambre.

(Suspension de la séance à 15 h 11 )

(Reprise à 15 h 48)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux. Je vais reconnaître M. le leader du gouvernement.

Débat sur la motion M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Alors, comme on a pu peut-être le comprendre, la semaine dernière, lors de l'adoption du projet de loi 23 qui modifiait la Loi sur la représentation électorale pour faire disparaître la nécessité et l'obligation d'obtenir la majorité des partis représentés à l'Assemblée nationale pour pouvoir annuler un recensement postdélimitation, il s'agit, à ce moment-ci de nos travaux, pour ma part, d'expliquer pourquoi le gouvernement considère qu'il est urgent d'agir pour annuler le recensement prévu pour l'automne 1988.

J'ai déjà eu l'occasion, la semaine dernière, d'expliquer que ce rencensement doit, évidemment, avoir lieu l'automne prochain. Si nous n'agissons pas maintenant, c'est-à-dire avant l'ajournement prévu pour, au plus tard, le 23 juin prochain, il ne sera plus possible d'agir pour annuler le recensement. On expliquera tantôt, au moment de l'adoption du principe du projet de loi 9 comme tel, les motifs qui nous inspirent pour tenir carrément à l'annulation de ce recensement.

Donc, le recensement ayant lieu à l'autom- ne, le Directeur général des élections doit procéder presque immédiatement; d'ailleurs, dans certains comtés, on nous informe que le recrutement des recenseurs est déjà commencé. Nécessairement, cela implique des coûts. Donc, nous considérons qu'il est urgent d'agir maintenant et, pour cela, de suspendre les règles normales de pratique pour en arriver à adopter le projet de loi 9 qui, comme les notes explicatives le disent, "a pour objet d'annuler la tenue du recensement annuel des électeurs prévu par la Loi électorale pour l'automne 1988. "Il prévoit, en conséquence, certaines mesures supplétives applicables dans l'éventualité où la tenue d'une élection ou d'un référendum serait ordonnée avant la période prévue par la Loi électorale pour la tenue d'un autre recensement."

Évidemment, on peut se demander pourquoi le gouvernement, ayant déjà décidé, en février dernier, de procéder à l'annulation du recensement et ce, avec l'accord même de l'Opposition officielle à cette époque, a attendu jusqu'à maintenant pour agir. On se rappellera que nous avions déposé une résolution ici, à l'Assemblée nationale, qui a été agréée par la majorité ministérielle, mais que l'Opposition officielle a refusé d'accepter. Depuis lors, nous avons tenté d'en arriver à trouver une solution miracle, puisque, au départ, les positions étaient, à toutes fins utiles, inconciliables. Hier encore, le Conseil consultatif sur l'administration de la Loi électorale s'est réuni et effectivement, le Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, avait préparé un compromis possible qui a été soumis au conseil consultatif. Cette solution dite de compromis était la suivante: tenir un recensement partiel dans les seules circonscriptions électorales modifiées par la dernière carte électorale et qui impliquaient des transferts d'électeurs.

Il y a 37 de ces circonscriptions électorales qui auraient pu ainsi subir ou voir un recensement se faire à l'automne tel que prévu et la proposition faisait état que toute élection déclenchée avant le 1er janvier 1989 ne nécessiterait pas de nouveau recensement dans ces 37 circonscriptions, alors qu'évidemment, dans les 88 autres circonscriptions, il faudrait nécessairement procéder à un recensement, alors que toute élection déclenchée après le 1er juillet 1989 nécessiterait un recensement dans l'ensemble des 125 nouvelles circonscriptions.

Cette solution de compromis a été soumise au caucus des députés libéraux en réunion, hier soir, et je le mentionne, M. ie Président, parce que, du côté de l'Opposition, on a fait grand état, la semaine dernière, de ia servilité des membres du caucus libéral, des députés libéraux ici à l'Assemblée nationale, au moment de l'adoption du projet de loi 23. Je voudrais dire, M. le Président, qu'hier, à la réunion du caucus des députés libéraux, c'est de façon unanime que les députés ont décidé que les mêmes raisons qui valaient pour suspendre le recensement dans les

125 circonscriptions s'appliquaient également à tout recensement partiel, que ce soit dans 37 ou dans quelque nombre de circonscriptions électorales que ce soit.

Nous reviendrons, au moment de l'adoption du principe du projet de loi 9, sur les raisons profondes qui nous amènent à la même conclusion que celle à laquelle nous en étions venus la semaine dernière par rapport au recensement général. Je voudrais cependant dire que le Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, de très bonne foi, a tenté d'en arriver à soumettre un compromis, et je veux le remercier cet après-midi parce que, effectivement, il n'avait aucune obligation de faire le travail qu'il a effectué dans des conditions sûrement pas idéales. Ce n'est pas la valeur de la solution de compromis que le gouvernement et les députés libéraux ont jugée hier, mais strictement la valeur d'un recensement quel qu'il soit l'automne prochain, alors que, de toute évidence, les probabilités sont qu'il se révélerait inutile et, surtout, très coûteux.

Si la solution de compromis n'a pas été retenue par le caucus libéral, c'est essentiellement, d'abord, à cause de la nature discriminatoire d'un tel recensement partiel. En fait, il créerait deux électeurs.

Des voix:...

M. Gratton: Vous pouvez rire, si ce n'est pas sérieux pour vous, cela l'est pour nous.

Une voix: II n'a pas compris ce que cela voulait dire.

M. Gratton: II créerait deux catégories d'électeurs: ceux qui seraient recensés une fois, en supposant que l'élection serait déclenchée après le 1er juillet, et ceux qui le seraient deux fois. Ce n'est sûrement pas de nature à éliminer la confusion dont parlaient nos collègues de l'Opposition la semaine dernière.

De plus, un tel recensement partiel n'aurait aucune utilité électorale, à moins que les élections ne se tiennent d'ici à la fin du printemps prochain. Là encore, le fait d'avoir tenu un recensement dans certaines circonscriptions et non dans d'autres créerait une énorme confusion auprès des électeurs. Les recensés ne seraient alors que révisés, alors que les non-recensés seraient recensés et révisés pendant la période électorale. De plus, si des élections ont lieu après le 1er juillet 1989, ce qu'il y a tout lieu de croire, en toute probabilité, un tel recensement partiel n'aurait strictement aucune utilité pour l'élection puisque, en fonction de la solution suggérée, qui est tout à fait conforme à l'actuelle Loi électorale, on devrait nécessairement procéder à un nouveau recensement pour toute élection déclenchée après le 1er juillet.

Quatrièmement, un tel recensement partiel ne servirait, encore une fois, qu'aux organisa- teurs politiques, ce qui, nous l'avons répété et nous le répéterons encore, ne constitue pas une justification raisonnable pour dépenser les fonds publics, que ce soit 12 000 000 $ et plus pour un recensement général ou 3 800 000 $ tel qu'estimé pour la solution de compromis.

Bien sûr, M. le Président, un recensement partiel coûterait moins cher, on l'a dit, 3 800 000 $ au lieu de 12 200 000 $. Mais d'une part, une facture globale, même moins élevée, est toujours trop dispendieuse lorsqu'elle s'avère inutile et, d'autre part, ce recensement partiel coûterait proportionnellement plus cher qu'un recensement général. J'admets volontiers que les estimations de coûts du Directeur général des élections ne pouvaient pas être d'une exactitude parfaite, étant donné les circonstances dans lesquelles cette estimation a été faite, mais le fait demeure qu'à 3 800 000 $ pour 37 circonscriptions en regard de 12 200 000 $ pour un recensement général, le recensement, par circonscription, aurait coûté 102 702 $ pour la solution de compromis comparativement à 97 600 $ selon la proposition faite au conseil consultatif, c'est-à-dire 97 600 $ pour un recensement général.

Donc, M. le Président, devant l'impossibilité de conclure une entente, nous n'avions d'autre choix que de procéder, tel que nous l'avions annoncé, en déposant un projet de loi pour annuler le recensement prévu pour l'automne prochain. Je répète enfin, encore une fois, que si nous avons attendu jusqu'à maintenant pour agir, ce n'est pas, comme l'a prétendu l'Opposition, par caprice ou par mépris pour le Parlement, mais au contraire par respect pour l'indépendance et la neutralité du processus de délimitation des circonscriptions électorales qui, comme on le sait, a connu son aboutissement uniquement vers le 20 ou le 25 mai dernier.

M. le Président, la teneur des discours prononcés en cette Chambre jeudi dernier par les députés de l'Opposition ne fait que me convaincre que nous avions raison d'agir ainsi. Les propos exagérés - il faut le dire - le charriage véhiculé par l'Opposition ne constituent certes pas un exemple de respect envers les institutions et, notamment, envers le travail que devait faire la Commission de la représentation électorale. (16 heures)

Comme nous l'avons démontré la semaine dernière et comme nous le démontrerons à nouveau cet après-midi et ca soir lors du débat qui suivra, les électeurs n'ont aucun avantage à tirer de la tenue d'un recensement cet automne qu'il soit général ou qu'il soit partiel. M. le Président, il me semble que nous nous devons, à titre de responsables de la gestion des fonds publics, de reconnaître qu'il y a urgence d'agir maintenant de façon à éviter une dépense inutile de 12 200 000 $ pour un recensement qui ne servirait aucunement, mais aucunement les intérêts des électeurs et qui, même s'il devait servir les intérêts des partis politiques, ne mérite

pas qu'on en fasse payer la note par les contribuables québécois.

Le Président: Je remercie M. le leader du gouvernement.

Sur la même motion de suspension des règles de procédure, en vertu des articles 182 et 183 de notre règlement, je vais maintenant reconnaître le leader de l'Opposition. M. le leader de l'Opposition, vous avez maintenant la parole.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, je veux d'abord vous signaler qu'il faut avoir toute une dose de front pour avoir le culot et la prétention de se retrouver, pour une deuxième semaine d'affilée, dans la même situation absolument incongrue, sans précédent dans tout le régime parlementaire, non seulement au Québec, mais probablement en Amérique du Nord. C'est sûrement la première fois qu'un gouvernement bafoue avec autant d'arrogance et autant de mépris les règles fondamentales du parlementarisme et il a assez de culot que nous sommes à plaider une motion d'urgence alors qu'au début même de la présentation de la motion d'urgence, il y avait cinq répondeurs automatiques plus le leader du gouvernement. Et ces gens-là vont nous faire accroire qu'on est en train de plaider une motion d'urgence? Il y a urgence, disaient-ils, parce que si nous n'agissons pas maintenant, le recensement aura lieu. La réponse est claire. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Pourquoi ont-ils attendu?

L'explication est tronquée. Tout ce débat est vicié et faux, M. le Président, de a à z. Ces gens-là avaient l'occasion d'assumer leurs responsabilités. Le leader du gouvernement a imposé des règles à tous ses collègues. Il a dit à tous ses collègues: Si vous voulez faire adopter un projet de loi en cette Chambre, il faut le faire avant telle date; ce n'est pas important de la rappeler. Ses propres collègues ministres sont assujettis à un minimum de respect démocratique uniquement en ce qui concerne le dépôt des projets de loi afin de les voir adoptés. Lui, coiffé de l'étiquette de ministre délégué à la Réforme électorale, ne s'assujettit même pas aux règles qu'il impose à ses collègues concernant probablement ce qu'il y a de plus fondamental par rapport aux règles démocratiques, et j'y reviendrai en quelques phrases.

Aujourd'hui, ce qu'on va dire à la population, ce qu'on a dit à la presse et c'est ce qu'on dit, à l'Opposition officielle: C'est sûr que nous ne jouerons pas dans cette farce une deuxième fois. C'est clair, M. le Président, qu'on ne participera pas à cette mascarade de la démocratie pour les raisons suivantes. Nous, on ne peut pas banaliser une procédure exceptionnelle, une règle d'exception qui s'appelle la suspension des règles. Je le répète et c'est important pour la population, un Parlement normal suspend les règles quand c'est grave; pas pour nous, pas pour nos bibites à nous autres, mais pour des problèmes de société. Toute la tradition a voulu que la suspension des règles, quand on l'a faite, c'était pour des lois spéciales, c'était quand il y avait des problèmes où la santé et la sécurité du public étaient en cause, jamais parce qu'un leader n'a pas eu la décence de suivre le même processus qu'il a imposé aux autres. Jamais! Et aujourd'hui, on nous fait accroire qu'on va utiliser à toutes les semaines... On vient de l'utiliser deux semaines consécutives. Qu'est-ce qui nous garantit, en vertu de nos droits de parlementaires, que, dorénavant, la tentation d'à peu près n'importe quel ministre qui serait hors délai - suivant le délai imposé par le leader du gouvernement - ne sera pas de décider tout simplement de suspendre les règles? Après tout, c'est un court débat de cinq heures au maximum! Et après, on a suspendu les règles. Deux heures, la motion artificielle de prétention d'urgence. Il est évident qu'il n'y a pas urgence. Il y a irresponsabilité, il y a mépris et il y a arrogance. Ça, c'est clair.

Deuxième raison: un comportement abusif qui met fin à une règle du consensus imposé correctement par loi, dans le processus législatif, par le même individu qui, aujourd'hui... Et il nous l'a dit franchement la semaine dernière: Je la retire parce que vous ne l'utilisez pas - c'était sa propre expression - de la façon dont, je crois, vous devriez le faire. Comme si un droit de législateur, à l'intérieur d'une loi, devait être exercé selon le jugement des amis d'en face. Qu'est-ce que c'est, M. le Président, en termes de valeur démocratique? C'est du jamais vu. Non à un deuxième "bulldozage" en une semaine, où on bafoue les droits légitimes des parlementaires sous un faux prétexte d'urgence.

On ne cautionnera jamais une démarche d'un ministre arrogant qui a renié la règle de la double majorité parlementaire qu'il avait lui-même introduite pour annuler un recensement postdélimitation. On ne souscrira pas à l'ultime étape d'une démarche qui vient arracher le droit le plus strict de l'Opposition de demander un recensement électoral parce que, premièrement, cela fait trois ans qu'il n'y en a pas eu, et deuxièmement, quand on a demandé le recensement, on l'a expliqué, la conclusion du ministre délégué à la Réforme, c'est encore ce qui est grave... Il concluait tantôt en disant: Dans le fond, pourquoi le caucus a-t-il dit non au recensement? Je vais expliquer pourquoi il a dit non tantôt. Il a dit non au recensement parce que en faire un ne servirait, et je le cite, que les organisateurs politiques. C'est faux, c'est malhonnête et il le sait. Il le sait très bien.

Des voix: Bravo!

Le Président: Vous allez retirer immédiatement le qualificatif "faux".

M. Gendron: Non, M. le Président, je ne retirerai pas le qualificatif "faux" parce que je vais m'expliquer. Il me semble que, de tout temps - et là, je plaide la question de règlement - on n'a pas le droit de dire à un parlementaire que ce qu'il vient de dire est faux, erroné et mensonger, mais on a le droit de dire, comme argumentation - et je l'ai vécu pendant douze ans - et on a toujours le droit de prétendre que l'argumentation qui nous est servie est fausse, erronée et mensongère. Et c'est ce que j'ai dit...

Des voix: Bravo!

Le Président: Allez. Mais vous aviez très mal commencé de la façon dont...

M. Gendron: J'ai dit intégralement ce que je viens de répéter.

Le Président: Parfait! Allez.

M. Gendron: Je disais, M. le Président, que les arguments voulant que cela ne serve que les organisateurs politiques sont des arguments erronés, mensongers et faux, et il le sait parce qu'il a lui-même demandé au conseil consultatif de consulter, de faire une rencontre avec le Directeur général des élections pour étudier une solution de compromis. Lorsqu'il faisait accroire à cette Chambre que le caucus, de façon unanime, avait rejeté sa proposition, cela veut dire trois ou quatre choses. La première, cela veut dire qu'ils n'écoutent jamais ce que dit leur leader, ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire, comme collègue ministériel, de l'autre côté, parce que, la semaine dernière, il m'imputait lui-même des motifs presque indignes parce que je lui disais: On va se retrouver, cette semaine, dans le même scénario de fou. Il me disait, et je le cite au texte: Je ne peux imaginer - c'est le texte intégral - que le leader de l'Opposition aurait demandé, avec ses collègues, qu'on convoque le conseil consultatif simplement pour la frime, simplement pour se faire dire bonjour. Il ajoutait: Je ne peux croire que celui qui vous parle ne croit pas que le conseil consultatif puisse trouver une solution adéquate.

On l'a trouvée la solution adéquate, M. le Président. On en a discuté et on l'a partagée et lui-même l'a acceptée. La preuve, c'est qu'il l'a présentée à son caucus. Je ne dis pas qu'il l'a défendue, je dis qu'il l'a présentée à son caucus et il s'est fait renverser bien plus à cause d'une arrogance hystérique du nombre. C'est cela, la véritable raison.

Des voix: Bravo! (16 h 10)

M. Gendron: Les arguments, pour en avoir un, étaient simples, M. le Président. Le directeur général lui a dit et il nous a dit, au conseil consultatif, que le recensement aurait une importance capitale, d'abord parce qu'il y a eu une modification importante à la carte électorale; 36 circonscriptions où il y a eu des mouvements d'électeurs; deuxièmement, cela fait trois ans qu'il n'y en a pas eu; troisièmement, il y a la moitié des 36 circonscriptions touchées par la carte électorale où il y a un nouveau directeur du scrutin. Et le Directeur général des élections a dit: II n'y a rien de mieux pour ces gens que d'avoir l'occasion de faire un recensement pour se faire la main.

Une autre raison importante, très importante - la démocratie n'intéresse pas ces gens - êtes-vous au courant que, pour l'élection partielle d'Anjou, M. le Président, actuellement, il y a 3000 électeurs de moins que lors des élections de 1985? Pensez-vous que c'est exact? Pourquoi est-ce exact qu'il y a 3000 électeurs de moins? Parce qu'on a fait un recensement dans des conditions préélectorales, difficiles où ces gens n'ont pas eu la formation, où on n'a pas le temps de recruter exactement les gens qu'il aurait fallu former. Je ne blâme pas ces gens. Je dis que le résultat est clair. Manifestement, la démocratie ne s'exercera pas convenablement dans Anjou. C'est une autre raison. Et eux-mêmes...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gendron: ...lors du conseil consultatif, ont effectivement parlé de l'importance de tenir un recensement dans des conditions différentes pour s'assurer de la qualité du travail des recenseurs et, par la suite, de la qualité de la démocratie. En quoi ces arguments sont-ils partisans, M. le Président? Je pourrais continuer: outil démocratique, selon le Directeur général des élections, outil démocratique et fondamental pour les partis politiques, pas en termes partisans, mais en termes d'avoir les bons instruments pour travailler avec les électeurs. Cela ne donne rien de plaider sur le fond. Ces gens ne sont pas intéressés par cela. Ils sont intéressés uniquement par la force abusive du nombre, sans aucun respect de la démocratie, sans aucun respect du processus parlementaire, et ils veulent faire une règle presque habituelle d'une règle d'exception, qui est fondamentalement la motion de suspension des règles qu'on appelle motion d'urgence.

Pas un mot ou à peu près de la motion d'urgence comme telle. Il n'y a pas d'urgence si ce n'est qu'il s'est traîné les pieds. C'est ce qu'il a dit: Parce que je me suis traîné les pieds, je suis obligé d'arriver aujourd'hui à cette motion parce qu'il va y avoir un recensement. Le caucus a refusé pour les mêmes raisons, disait-il tantôt, que lorsqu'on a débattu, la semaine dernière, ce qui est complètement erroné et inexact, puisque, je l'ai cité, il souhaitait que le conseil consultatif et le Directeur général des élections arrivent à une solution de compromis. On est arrivé à la solution de compromis. Est-ce que le

résultat a changé? La réponse est non. Aujourd'hui, on se trouve exactement dans le même contexte que la semaine dernière.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de participer plus longtemps que cela avec ces gens à un jeu électoral. C'est pour ces raisons qu'en ce qui nous concerne, pour ce qui est de la motion fausse, la motion complètement artificielle d'urgence qui n'existe pas, nous ne pouvons souscrire à cela. Ce à quoi nous souscrivons actuellement c'est à l'arrogance. Dans l'arrogance, on ne fait pas notre travail parlementaire sur une motion d'urgence. En conséquence, nous allons nous retirer pour tous les débats concernant cette farce prévue pour les cinq prochaines heures.

Le Président: Merci, M. le leader de l'Opposition.

Nous allons maintenant continuer le débat restreint sur la motion de suspension des règles, en vertu des articles 182 et 183, présentée par M. le leader du gouvernement.

J'attire votre attention sur le fait que l'entente sur le débat restreint quant au temps était de quinze minutes réservées au droit de réplique de M. le leader du gouvernement, quinze minutes réservées à M. le député indépendant de Gouin et le reste du temps devait être partagé entre les deux formations sans récupération s'il n'est pas utilisé.

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Gouin sur la même motion présentée par M. le leader du gouvernement. M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, M. le Président. La question qui doit être débattue maintenant n'est pas de savoir s'il doit ou non y avoir un recensement l'automne prochain. La question qui doit être débattue, contrairement à ce qu'ont voulu ajouter au débat la semaine dernière les députés libéraux, n'est pas celle de savoir si c'est la majorité qui doit imposer ses vues à l'Assemblée nationale ou non. Pour tout le monde, il est clair qu'en démocratie il y a une majorité par définition et que c'est au point de vue de la majorité de primer les autres points de vue. Personne n'a l'intention, ici, de modifier les règles fondamentales de la démocratie quant à savoir si c'est la majorité qui doit voir ses vues primer les vues de la minorité dans un débat parlementaire. Sauf que cette façon de s'exprimer, d'évoluer et d'organiser les débats de la majorité doit se faire à l'intérieur d'un cadre très précis qui est défini dans les règles de l'Assemblée nationale du Québec, règles qui sont tout aussi importantes en ce qui a trait à l'encadrement de la vie démocratique, que cette grande règle qui fait que tous, y compris les majorités, doivent se présenter une fois par quatre ans devant la population pour être jugés sur les gestes qu'ils ont posés.

En ce sens, je pense qu'il faut refuser d'ajouter au débat à savoir si c'est oui ou non la majorité qui décidera. C'est clair, c'est toujours la majorité qui décide. Cela doit se faire selon des règles qui sont actuellement mises au panier, des règles tout aussi importantes que celles qui obligent l'ensemble des gouvernements - les hommes et les femmes qui font de la politique - à se présenter, une fois par quatre ans, devant la population pour être jugées sur la base des gestes qu'ils ont posés. M. le Président, autant il était à mes yeux totalement inadmissible que le règlement, que les règles démocratiques de l'Assemblée nationale soient mises au panier, mises à la poubelle la semaine dernière, autant à mes yeux il est toujours inadmissible, déraisonné que nous suspendions les règles démocratiques de fonctionnement de l'Assemblée nationale du Québec. Le leader du gouvernement utilise, banalise cette notion de motion d'urgence pour poser le geste qu'il veut poser alors que cette notion de motion d'urgence, cette motion de suspension des règles de procédure démocratiques de l'Assemblée nationale du Québec n'a jamais été utilisée dans le passé pour des fins qui se rapprocheraient un tant soit peu des fins pour lesquelles on veut les utiliser.

M. le Président, la règle de suspension de nos règles habituelles démocratiques, cette notion d'urgence, est utilisée exclusivement lorsque la procédure parlementaire ne permettrait pas à l'Assemblée nationale du Québec, donc à sa majorité, d'intervenir assez vite pour protéger la santé et la sécurité des citoyens dans leur ensemble ou d'une région ou d'un groupe donné. Ce sont les seules raisons pour lesquelles ces dispositions sont prévues, pour lesquelles ces dispositions existent et pour lesquelles ces dispositions ont et doivent être utilisées. Je considère que s'il y a un mandat qui est le mien, s'il y a une obligation qui est la mienne, s'il y a une responsabilité que j'ai, c'est bien de défendre la dimension essentiellement et fondamentalement démocratique des institutions politiques dans lesquelles nous devons évoluer, à commencer par l'Assemblée nationale du Québec.

C'est ce qui est en jeu dans le présent débat. Le gouvernement actuel a un comportement antiparlementaire, une attitude méprisante à l'endroit du Parlement, une considération minimale à l'endroit de l'importance qu'on devrait accorder au régime parlementaire. C'est d'autant plus vrai que tout ce qui se produit sur cette question depuis la semaine dernière est invraisemblable parce que fait pour que la majorité puisse décider dans un Parlement démocratique. Depuis le 29 mars dernier, le leader du gouvernement, son gouvernement, son caucus sont au courant qu'il ne sera pas possible, dans le respect de la Loi sur la représentation électorale, chapitre 37, d'annuler ou de suspendre le recensement de l'automne prochain.

Ils ont donc eu du 29 mars jusqu'au 12 mai dernier, date ultime, pour déposer un projet de loi et le faire adopter avant le 20 juin sans

jeter aux poubelles les règles parlementaires. Ils ont eu toute cette période pour déposer le projet de loi qu'ils auraient pu vouloir déposer, annulant le chapitre 37, pour déposer un projet de loi annulant le recensement de l'automne prochain, mais dans un cadre démocratique, dans un cadre respectueux des règles fondamentales, démocratiques de l'Assemblée nationale du Québec. (16 h 20)

Qu'on ne vienne pas nous faire accroire que le gouvernement ne le savait pas, ne voyait pas venir cela. Le gouvernement, dans un régime parlementaire comme le nôtre, a tous les moyens pour faire primer ses points de vue. Le règlement de l'Assemblée nationale du Québec, auquel je souscris, donne tous les moyens imaginables à un gouvernement pour faire primer ses points de vue à l'Assemblée nationale du Québec. Non seulement tel est le cas, mais le gouvernement avait tout le temps utile et même beaucoup plus pour poser tous les gestes qu'en bonne majorité il aurait été légitimé de poser, s'il avait voulu le faire dans un cadre démocratique et respectueux de nos règles démocratiques.

Quand le leader du gouvernement nous dit: Oui, mais la carte électorale était en cours de révision, il fallait que je respecte ce processus. Faux prétexte! Depuis le mois de février au minimum, lorsque la Commission de la représentation électorale est venue à l'Assemblée nationale présenter son rapport préliminaire, il était clair aux yeux de tous que les changements seraient importants, considérables, inévitables, qu'ils toucheraient un grand nombre de circonscriptions et un grand nombre d'électeurs. Donc, on n'avait pas besoin d'attendre que ce processus soit complété, on avait déjà un rapport préliminaire en main et la représentation des commissaires en commission parlementaire.

De la même façon, M. le Président, lorsque le leader du gouvernement nous dit: J'ai attendu parce que j'ai cru qu'une négociation serait possible pour en arriver à une entente et c'est devant l'absence d'entente que je suis forcé de mettre de côté les règles. Non, M. le Président. S'il avait voulu réellement, sincèrement, de bonne foi et franchement accepter et discuter d'un compromis, ce serait réglé, on ne serait pas ici aujourd'hui; parce que oui, un compromis est intervenu entre les formations politiques au comité consultatif de la loi électorale du Directeur général des élections, mais ce compromis a été rejeté, après être intervenu, par le caucus libéral, par la majorité libérale.

Il est faux de prétendre qu'on a attendu après le 12 mai, se mettant dans une situation où on jetterait à la poubelle les règles parlementaires démocratiques, parce que peut-être on était ouvert aux négociations. On vient de prouver que non, il n'était pas ouvert aux négociations. Donc, je répète, ce gouvernement avait tous les moyens et tout le temps disponible et même beaucoup plus pour poser les gestes, qu'en bonne majorité, il pouvait vouloir poser et qu'on aurait débattus sur leur fond à ce moment-là, plutôt que de débattre de ces questions.

Alors, à mes yeux, non seulement le gouvernement libéral bafoue, méprise le Parlement, l'Assemblée nationale, la démocratie mais n'oublions pas, quand on dit "bafouer la démocratie", c'est bafouer les électeurs parce que c'est eux qui ont décidé qu'on vivrait en démocratie, c'est eux qui ont décidé que l'Assemblée nationale fonctionnerait sur les bases qu'on connaît. C'est à ce titre et dans ce cadre que les citoyens du Québec acceptent de nous donner leur droit, de nous prêter leur pouvoir de décider ce qui va se passer au Québec parce qu'ils savent que cela va se passer démocratiquement entre les 122 députés de l'Assemblée nationale. S'ils pensaient que cela marche en dictature, ils ne nous prêteraient pas leur souveraineté, leur droit politique; ils feraient cela autrement.

Non seulement, le gouvernement bafoue la démocratie et donc toute la population, mais je dois dire qu'à mes yeux aussi, le ministre responsable de la Réforme électorale a commis un grave geste d'ingérence politique inqualifiable et inadmissible lorsque, le 25 mai dernier, il a communiqué avec le Directeur général des élections, qui n'est pas son employé, qui ne relève pas de lui... Faut-il savoir que le Directeur général des élections, justement pour le mettre au-dessus des partis politiques, relève de toute l'Assemblée nationale? Alors, quand il a écrit au Directeur général des élections pour lui dire: M. le directeur, mettez de côté vos préparatifs du recensement, je vais déposer des projets de loi à l'Assemblée nationale, il a commis un geste de grossière ingérence dans le fonctionnement habituel du Directeur général des élections.

D'une part, le directeur était sûrement en préparai du recensement, puisque cela ne se prépare pas aux mois de mai ou de juin, on prépare cela avant et, deuxièmement, le Directeur général des élections était au courant du vote du 29 mars dernier où, au sens des lois qui existaient au Québec à ce moment-là, il y avait une décision du Parlement qu'il y aurait recensement à l'automne 1988, parce qu'à partir du moment où la motion présentée par le ministre au mois de mars dernier et votée le 29 mars n'était pas adoptée à double majorité, c'était automatique qu'il y aurait recensement à l'automne 1988 et cela donnait donc le mandat implicitement au Directeur général des élections d'amorcer le processus du recensement.

Donc, le ministre délégué à la Réforme électorale n'avait pas à poser ce geste. Il a commis une ingérence dans le fonctionnement du Directeur général des élections et il a bafoué à nouveau les droits de l'Assemblée nationale du Québec qui venait de voter qu'il y aurait recensement.

M. le Président, je considère qu'il s'agit là de gestes graves et je m'associerai moi aussi,

comme parlementaire de l'Opposition, à cette décision qui a été présentée tantôt par le député d'Abitibi-Ouest et je n'ai pas l'intention, à la suite de cette intervention, de participer plus avant à l'étude du projet de loi qui a été déposé aujourd'hui. Je considère qu'il faut marquer profondément le coup grave qui est porté à nos institutions politiques démocratiques, pour la deuxième fois en moins d'une semaine, par le gouvernement libéral. Je n'ai pas l'intention de m'associer à ce qui va se dérouler dans ce Parlement où on va banaliser des règles exceptionnelles qui feront que n'importe qui, maintenant, pourra se lever pour changer une loi adoptée trois semaines plus tôt et qui ne fait plus son affaire, qui feront que l'on pourra bafouer pour quoi que ce soit, rétroactivement, des lois adoptées démocratiquement par le Parlement.

M. le Président, nous allons nous retrouver, cet été ou à l'automne, dans un débat linguistique à la suite du jugement de la Cour suprême. Est-ce qu'on est aujourd'hui rendus à se poser la question, une fois qu'on aura débattu cela dans un climat de tension, d'équilibre difficile, de consensus impossible à atteindre, si, trois semaines, trois mois ou un an après, le gouvernement libéral n'est plus content, n'est plus satisfait, pour des raisons x, y, z, de la solution qui aura été adoptée ici démocratiquement, il se lèvera un bon matin et dira: M. le Président, je suspends les règles démocratiques de l'Assemblée nationale et je défais une loi, qui aurait été adoptée démocratiquement par le Parlement? C'est le genre de question que cela pose, l'utilisation que l'on fait, pour la deuxième fois, du côté libéral, en moins d'une semaine, de la suspension des règles démocratiques de procédure.

Cela met en question, M. le Président, le fonctionnement, la valeur des discussions et des décisions qui seront prises à l'Assemblée nationale. Maintenant, lorsque l'on sera appelé à voter sur une loi, on ne saura pas pour combien de temps cela va valoir. On ne connaîtra pas la valeur réelle d'une loi, M. le Président, on ne saura pas jusqu'à quel point elle sera permanente ou non. À tout moment, la majorité à l'Assemblée nationale pourra se lever et dire: Bon, c'est assez, on s'est trompés on jette à la poubelle cette loi et on va suspendre les règles, parce qu'on aura utilisé ce procédé, qui sera sûrement un précédent qui sera utilisé dans les prochaines années, parce qu'on l'aura banalisé et on aura fait en sorte que ce procédé puisse maintenant être utilisé à toutes les fins, y compris à celle de modifier rétroactivement des lois, et donc utilisé dans un cadre profondément antidémocratique et à rencontre des droits et privilèges de l'ensemble des citoyens du Québec.

Donc, M. le Président, je m'inscris en faux, je suis extrêmement déçu que le gouvernement utilise, pour la deuxième fois, ces mesures pourtant exceptionnelles sur des questions comme celles-là. Je dois dire aussi qu'en ce qui me concerne, je ne participerai pas plus avant à ce débat et, puisque la majorité veut fonctionner en majorité dictatoriale, qu'elle le fasse. Ils seront seuls pour le faire. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître, comme prochain intervenant, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je constate avec un peu de tristesse, mais sans surprise réelle, que le député de Gouin n'a d'indépendant que le titre: il est encore associé à son parti et je reconnais que ce n'est pas facile pour lui de se débarrasser de 17 années de vieilles habitudes. (16 h 30)

Lorsque l'on parie de gestes antidémocratiques, est-ce que le geste antidémocratique le plus grave n'est pas celui de refuser de jouer le rôle qu'on nous a confié démocratiquement? Est-ce que ce n'est pas l'atteinte la plus grave à la démocratie et au Parlement que de refuser de siéger, de représenter les électeurs qui nous ont confié un mandat?

Depuis une demi-heure ou à peu près, on se retrouve avec une vingtaine de comtés sans représentant. Vingt députés refusent de jouer leur rôle, ont décidé d'abandonner, par lâcheté ou pour d'autres raisons, de renier le mandat qu'on leur a confié en 1985. J'entendais le leader de l'Opposition parler d'arrogance, en tenant pour acquis que ce serait vrai de notre côté, ce que je n'admets pas. Une teinte d'arrogance, M. le Président, c'est moins pire qu'un geste aussi lâche que celui auquel on vient d'assister, à savoir abandonner ses responsabilités et refuser le combat.

Le leader de l'Opposition disait: La démocratie n'intéresse pas ces gens. La démocratie, c'est d'abord la protection des droits des citoyens, lorsque ce rôle nous a été confié démocratiquement au cours d'une élection, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Ce rôle de défenseur des intérêts des électeurs qu'on représente se joue en Chambre, à l'Assemblée nationale, et nulle part ailleurs. On assiste à une farce, on voit un parti politique boudeur, mal à l'aise. Je comprends que le leader de l'Opposition soit particulièrement mal à l'aise. On se souviendra - j'ai en main des lettres déposées en mars dernier - et la preuve apparaît dans les documents auxquels je fais référence, que le leader de l'Opposition avait donné son consentement à l'annulation du recensement dont on parie depuis 15 heures, cet après-midi. Évidemment, ce n'est pas facile de faire face à un caucus qui nous a renversés, ce n'est pas facile d'admettre devant tout le Québec qu'on n'a pas de leadership à l'intérieur de son propre parti. Le leader de l'Opposition a décidé de refuser le combat et de

se sauver. C'est une attitude irresponsable de la part du leader et de son équipe. Le PQ, l'Opposition, j'en suis convaincu, sera jugée très sévèrement pour le geste qu'elle vient de poser.

M. le Président, je tiens à reprendre les propos du leader du gouvernement en qui - je tiens à le mentionner tout de suite - le caucus libéral a une confiance sans réserve, qui nous disait tout à l'heure que les députés ministériels ont été consultés sur la décision à prendre et que, de façon unanime, sans réserve, nous considérons que le bien de la population nous oblige à continuer le processus dans lequel nous sommes engagés depuis mars, à savoir l'annulation du recensement. Pas un seul député libéral n'hésite à dire que c'est ce qu'on doit faire et que c'est ce qu'on fera, que l'Opposition soit là ou non. On le fera évidemment en respectant les règles de la démocratie, en utilisant les instruments qui sont à notre disposition, à savoir les règles de procédure de l'Assemblée nationale. On fera ce qui a été fait dans le passé par d'autres gouvernements, et également par nous. Dans certaines circonstances, les dispositions des articles 182 et suivants de nos règles de procédure nous permettent, de façon exceptionnelle, nous l'admettons, d'annuler les procédures régulières, en expliquant évidemment à la population les raisons pour lesquelles on agit de telle façon.

Tout a été dit la semaine dernière, et ce qui était vrai la semaine dernière, lorsqu'on a déposé une motion semblable à celle de cet après-midi pour finalement adopter le projet de loi 23 qui modifie la Loi sur la représentation électorale, c'est aussi pour justifier la motion qui a été déposée suspendant les règles contenues dans nos règlements.

Je voudrais, très rapidement, rappeler ces raisons qui nous amènent à déposer devant l'Assemblée nationale cette procédure d'exception. Comme je viens de le mentionner, c'est une suite logique des gestes qu'on a enclenchés la semaine passée. La loi 23, M. le Président, annule une disposition contenue dans la Loi sur la représentation électorale que j'explique très rapidement. Avant l'adoption du projet de loi 23, il devait y avoir double majorité, c'est-à-dire majorité ministérielle et majorité du côté de l'Opposition pour pouvoir annuler un recensement. On a déposé une motion dans ce sens-là en mars et la motion a été accueillie, du côté des ministériels, mais rejetée du côté de l'Opposition. Et, voilà la raison pour laquelle on a procédé à l'adoption de la loi 23 qui nous amène nécessairement, si on veut être logiques, à procéder comme on le fait aujourd'hui.

Pour les raisons que le leader du gouvernement a expliquées, on procède dans un premier temps à la suspension des règles. Pourquoi ne pas avoir procédé avant, M. le Président? Je veux rappeler ce que j'ai mentionné tout à l'heure. Il faut bien comprendre que toute cette confusion tournant autour du débat concernant l'annulation du recensement cette année tient à l'attitude de l'Opposition et de son leader qui, de façon malhabile, imprudente et inexpérimentée, s'est compromis avant de consulter son propre caucus. Je ne nie pas au caucus le droit de renverser son leader. Ce que je reproche au leader de l'Opposition, c'est d'avoir été imprudent et d'avoir donné, sans consulter, au leader du gouvernement son consentement à l'annulation du recensement. De deux choses l'une, ou il n'y a pas eu de consultation du leader avec son caucus ou, si ce n'est pas le cas, il y a eu consultation et le leader n'a pas compris. Alors, il est fautif, M. le Président, dans une situation ou dans l'autre.

Le leader de l'Opposition change d'idée, mentionne au leader du gouvernement qu'il retire sa parole donnée et qu'il souhaite effectivement qu'il y ait un recensement. L'Opposition ayant changé d'idée une première fois, on s'est dit de notre côté, c'est possible, le passé étant garant de l'avenir, qu'à nouveau l'Opposition et son leader, avec en tête son chef absent, M. Pari-zeau, change à nouveau d'idée et que, finalement, on comprenne le bien-fondé de nos arguments, le bien-fondé du raisonnement du gouvernement à savoir que 12 000 000 $, c'est beaucoup d'argent et que l'opération recensement en 1988 est une opération inutile. On s'est dit: Ces gens-là vont finir par comprendre. Ils vont finir par comprendre parce que c'est ce qu'ils ont fait en 1977, en 1981, en 1982 et en 1983.

M. le Président, à l'époque c'était justifié d'annuler le recensement et je voudrais vous citer des extraits du Journal des débats qui se lisent comme suit: "Ce projet de loi - on parle alors du projet de loi 14 - a pour objectif essentiellement d'annuler le recensement prévu pour l'année 1981. Il permettra d'épargner ainsi aux contribuables québécois un peu plus de 16 000 000 $, ce qu'aurait coûté approximativement un recensement à l'automne si nous y donnions suite comme le prévoit la loi". Alors, M. le Président, la seule raison pour laquelle, en 1981, on proposait à l'Assemblée nationale d'annuler le recensement, c'était une économie d'argent. (16 h 40)

Qui a décidé de proposer le projet de loi 14 à l'Assemblée nationale? C'était Marc-André Bédard. Que je sache, ce n'était pas un libéral. Ce n'était pas le moindre représentant du Parti québécois qui avait la responsabilité de gouverner à l'époque.

Je voudrais, M. le Président, vous lire un autre extrait du Journal des débats. On fait référence au projet de loi 69. Voici ce qu'on dit: "Ce projet de loi a essentiellement pour but d'annuler le recensement prévu pour l'année 1982." J'ai parlé tout à l'heure de 1981. Je vous parle maintenant de 1982. "Vous vous rappellerez - c'est Marc-André Bédard qui parle - que cette Assemblée adoptait, il y a moins d'un an, le projet de loi 14 qui suspendait la tenue du

recensement annuel des électeurs prévu pour l'automne 1981. Il s'agissait à ce moment-là de faire une économie de quelque 16 000 000 $. Cette loi a été entérinée par l'Opposition. " À l'époque, l'Opposition libérale agissait d'une façon beaucoup plus responsable que ceux qu'on a devant nous aujourd'hui et, dans les deux cas, en 1981 et en 1982, l'Opposition libérale avait donné son consentement. M. Bédard continue: "Cette loi a été entérinée par l'Opposition qui était d'ailleurs pleinement d'accord et qui est môme allée jusqu'à reconnaître avec modestie les mérites du ministre d'État à la Réforme électorale", d'avoir proposé une telle suspension, en sous-entendu, du recensement. "Premièrement, le projet de loi 69 que nous présentons aujourd'hui participe du même objectif de faire économiser aux contribuables québécois une somme au moins équivalente à 16 000 000 $. "

Dans les deux cas, M. le Président, et en 1981 et en 1982 - cela a été la même chose l'année suivante, en 1983, mais spécifiquement en 1981 et en 1982 - je viens de vous lire des extraits du Journal des débats démontrant très clairement que le ministre responsable à l'époque, l'ex-ministre de la Justice, M. Bédard, n'avait comme seul argument qu'une économie d'argent, et c'était juste, raisonnable et intelligent d'annuler le recensement pour une économie de 16 000 000 $. C'est la démarche, exactement la même démarche que l'on suggère, M. le Président.

Ce qui était vrai à l'époque, ce qui était vrai en 1981, en 1982, en 1983 et également en 1977, mais particulièrement les trois années consécutives, 1981, 1982 et 1983, ce qui était justifiable pour l'Opposition ne l'est plus aujourd'hui. C'est évidemment à nouveau le double langage du PQ selon les situations dans lesquelles ces gens-là se retrouvent. Leur raisonnement est modifié. Ils ne parlent plus de la même façon.

En 1986 et en 1987, nous, les libéraux, avons proposé l'annulation du recensement, ce qui a été accepté par l'Opposition sans problème. On était, en 1986 et en 1987, très loin d'une élection et l'Opposition péquiste ne sentait pas le besoin, en 1986 et en 1987, de réorganiser sa structure électorale. C'est le cas aujourd'hui. L'Opposition péquiste voit dans le recensement une possibilité en or, une occasion extraordinaire de pouvoir rebâtir sa structure électorale aux frais de l'État. Pourquoi refuser en 1988 après avoir accepté en 1986 et en 1987 pour les mêmes raisons, à savoir économie d'argent, sinon parce qu'en 1988 on réalise qu'on est à l'approche d'une élection, en 1990 probablement, et qu'il faut réorganiser notre structure électorale? Pourquoi pas le faire en pigeant dans les deniers publics? C'est la seule et unique raison pour laquelle le PQ n'a pas la même attitude aujourd'hui qu'en 1987 et en 1986.

Sauf que nous, M. le Président, nous avons l'obligation d'administrer les deniers publics, et c'est pour cela qu'on a été élus, la responsabilité d'administrer le Québec. Et ce n'est pas vrai... J'y ai réfléchi. J'ai lu certains passages des discours de l'Opposition et j'ai cherché, dans tout cela, une logique. J'ai cherché des arguments qui auraient pu m'amener à modifier mon opinion, à savoir si un recensement est, en 1988, une nécessité, si c'est brimer les droits de la population que de repousser le recensement à l'an prochain. Je n'ai pas trouvé l'ombre d'un argument qui m'aurait convaincu que c'est le cas, M. le Président.

On a espéré jusqu'à la dernière minute, comme le leader du gouvernement l'a mentionné tout à l'heure, en arriver à des accommodements qui auraient pu nous permettre d'éviter ce qu'on fait présentement. On est tous conscients, de notre côté, qu'une motion suspendant les règles, c'est exceptionnel et qu'il ne faut pas en abuser. Sauf que, lorsque le but recherché est louable, lorsque ce qu'on veut atteindre est souhaitable, on a le droit de prendre les moyens pour y arriver pour autant, évidemment, que ces moyens soient conformes à nos règles et à nos règlements et c'est ce que nous permet de faire l'article 182 de nos règlements.

Quant à moi, je ne suis mal à l'aise en aucune façon, M. le Président, lorsque je dis qu'on peut suspendre les règles. Ce qui était vrai la semaine dernière est encore vrai aujourd'hui et je serai encore plus enthousiaste lorsqu'on aura à intervenir sur le projet de loi comme tel visant à l'annulation du recensement pour l'année 1988. Le député de Gouin a parlé du gouvernement libéral comme étant un gouvernement antidémocratique, je lui rappellerai que lui et ses anciens ou encore collègues du PQ ont abandonné leurs responsabilités tout à l'heure, je lui rappellerai ce que j'ai dit en début d'intervention, que le geste le plus antidémocratique - cela vaut pour le député de Gouin - c'est de refuser de représenter les électeurs qui nous ont confié un mandat.

M. le Président, je termine mon intervention là-dessus. Je veux inviter tous mes collègues à adopter cette motion de suspension des règles avec la plus grande confiance. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a d'autres Intervenants? M. le leader du gouvernement et ministre délégué à la Réforme électorale, pour l'exercice de votre droit de réplique.

M. Michel Gratton (réplique)

M. Gratton: Merci, M. le Président. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la décision de l'Opposition officielle et du député indépendant de Gouin de ne pas participer aux travaux ne nous a pas surpris puisqu'ils avaient déjà annoncé cette décision aux journalistes avant même de soi-disant se consulter sur la teneur du projet de loi au moment où le leader de l'Opposition a demandé la suspension pour quelques

minutes, histoire de se saisir du projet de loi 9.

L'Opposition a choisi de dramatiser son geste pour épater la galerie de façon à faire ressortir son incapacité de faire face à la musique. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le Parti québécois se défile devant ses responsabilités. Quand le leader de l'Opposition, aussi bien que le député de Gouin qui a fait partie de l'ancien gouvernement péquiste, parlait tantôt d'irresponsabilité, le moins qu'on puisse dire, c'est que le geste le plus irresponsable, c'est de refuser de faire son devoir, de faire ce que les électeurs de chacun des comtés qui ont élu des députés péquistes leur dictent de faire, c'est-à-dire de défendre les intérêts des citoyens du Québec et de leurs circonscriptions électorales, intérêts comme ils les comprennent. Si on n'est pas d'accord sur la façon de procéder du gouvernement, ia solution n'est sûrement pas de se retirer et de plaider par défaut. (16 h 50)

Soit dit en passant, M. le Président, le député de Gouin, je pense, parlait du caractère inédit de la démarche d'aujourd'hui. Imaginez-vous, on suspend les règles. Comment suspend-on les règles? En invoquant justement les règles de pratique, les articles 182 et 183 du règlement qui sont là pour cela, alors que, lorsque le gouvernement considère qu'il y a urgence d'agir, on peut invoquer les articles 182 et 183. Et le gouvernement péquiste a fait cela des dizaines de fois au cours des neuf ans où il a été au pouvoir.

Ils sont même allés plus loin, M. le Président. Le 18 octobre 1983, ce ne sont pas seulement les règles de l'Assemblée nationale qu'on avait suspendues. On avait tout simplement ajourné l'Assemblée pour plus d'un mois. Le premier ministre, M. René Lévesque, était venu dire: On n'a rien à foutre ici, on n'a rien à proposer à l'Assemblée nationale. Et, effectivement, on avait tout simplement ajourné l'Assemblée pour un mois, histoire de donner la chance au gouvernement de se préparer une législation. Si cela n'est pas de l'irresponsabilité, si cela n'est pas du mépris de l'Assemblée nationale, si cela n'est pas de l'arrogance, M. le Président, je ne sais comment qualifier un tel geste.

Ce sont ces mêmes gens qui, aujourd'hui, viennent nous faire leur spectacle, se retirent, refusent de prendre leurs responsabilités, en prétextant que nous abusons, que nous faisons preuve d'arrogance, de mépris et d'irresponsabilité. On a même parlé de malhonnêteté.

D'abord, M. le Président, quand on dit qu'il y avait entente au conseil consultatif hier sur la solution de compromis proposée, je l'ai souligné et je le répète, à juste titre, de façon tout à fait convenable par le Directeur général des élections... Il ne faut surtout pas impliquer le Directeur général des élections dans nos débats. Il a fait ce qu'il avait à faire et même plus. Je l'en ai remercié tantôt.

Mais, lorsqu'on prétend qu'il y avait entente au conseil consultatif hier, à défaut de dire que c'est faux, je dirai que ce n'est pas conforme à la vérité. Je suis sûr que le député de Taschereau pourra venir nous dire tantôt ce que les représentants du Parti libéral du Québec au sein du conseil consultatif ont dit. Ils n'ont jamais donné leur accord à la solution de compromis.

D'une part, les deux représentants du parti, MM. Jean Allaire et Jean-Pierre Roy, ont dit qu'ils devaient nécessairement prendre avis, consulter le parti. Ils ont même fait valoir qu'ils n'étaient pas sûrs que cela relevait du conseil consultatif puisque, comme on le sait, ce dernier doit se préoccuper de l'administration de la loi et non de la législation électorale.

Le député de Taschereau, représentant du caucus parlementaire au sein du conseil consultatif, a dit la même chose: Je devrai d'abord consulter le caucus des députés libéraux. Si vous voulez la vérité entière, c'est qu'effectivement les représentations que j'ai reçues des représentants du Parti libéral, non pas du gouvernement, mais du Parti libéral, étaient favorables à ce qu'on accepte la solution de compromis. Parce que, effectivement, le Parti libéral reconnaît qu'il pourrait lui être utile, en tant que parti politique, de procéder sinon au recensement dans les 125 circonscriptions, tout au moins à ce recensement proposé dans la solution de compromis dans les 37 circonscriptions qui avaient subi des modifications, des transferts d'électeurs. Utile non pas pour les électeurs, non pas pour les contribuables du Québec, mais utile pour le Parti libéral du Québec qui, évidemment, pourrait roder son organisation, mettre son organisation sur place à la faveur d'un recensement qui, dans 37 circonscriptions, pourrait permettre de recruter des recenseurs et évidemment de leur donner une certaine formation.

Donc, on ne se surprend pas que le Parti québécois ait également conclu qu'il serait utile au Parti québécois, et non pas aux électeurs, de procéder, dans un premier temps, au recensement général ou tout au moins, à titre de compromis, dans les 37 circonscriptions électorales qui avaient subi des modifications.

M. le Président, le député de Taschereau, en faisant rapport au caucus des députés libéraux, hier, n'avait pas à tenir compte de l'opinion du Parti libéral du Québec. Il devait se limiter à obtenir l'opinion des députés élus du Parti libéral à l'Assemblée nationale. Je l'ai dit, je le répète, c'est unanimement que les députés libéraux ont convenu que si à titre de députés, à titre de membres du Parti libéral, il pourrait y avoir certains avantages à procéder au recensement partiel proposé, pour le gouvernement, il était injustifiable de dépenser des sommes aussi importantes strictement à des fins partisanes, sans aucun souci pour les contribuables.

C'est ce qui a prévalu dans notre décision. Au caucus, c'était tellement clair qu'en concerta-

tion avec le premier ministre, on a choisi de ne pas saisir le Conseil des ministres qui siégeait ce matin de la question puisque, à notre avis, l'unanimité régnant, il n'y avait absolument aucune nécessité de soulever la question au Conseil des ministres, ce matin. Le député de Gouin a parié de "grossière ingérence" lorsque je me suis permis de communiquer, par écrit, avec le Directeur général des élections pour l'informer de notre intention de procéder à l'annulation du recensement. Cela s'est fait plus d'une fois alors que M. Marc-André Bédard était ministre délégué à la Réforme électorale et qu'il nous avisait, en toute fin de session, qu'il y avait lieu d'adopter un projet de loi pour annuler le recensement annuel de l'automne suivant.

Il nous avisait en même temps - c'est arrivé à au moins deux occasions où j'étais son vis-à-vis - avoir déjà informé le Directeur général des élections de son intention de faire annuler le recensement de façon que justement le Directeur général des élections n'engage aucune dépense, aucune opération compte tenu de la décision qui venait. C'est ce que j'ai fait le 11 février dernier et je l'ai fait à la faveur de quoi? À la faveur de la parole donnée par le leader de l'Opposition à savoir qu'ils étaient d'accord pour annuler le recensement annuel. C'est important qu'on le sache parce que si, dès te départ, le leader de l'Opposition m'avait opposé un refus, une fin de non-recevoir, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Mais c'est même l'Opposition officielle qui a accepté, qui a reconnu qu'il n'y avait aucune utilité pour les électeurs, pour les contribuables québécois de tenir ce référendum à l'automne 1988. C'est leur leader qui m'en avait donné l'assurance, qui s'était engagé, qui avait donné sa parole.

M. le Président, c'est ce même leader de l'Opposition, quelques jours après le caucus des députés auquel la direction du Parti québécois, l'organisation du Parti québécois avait participé, qui a renié sa parole et qui a fait qu'on ait dû présenter la résolution pour que l'Opposition se mouille, dise publiquement pourquoi elle avait changé d'idée. Tout au cours des débats qu'on a eus depuis le début de cette affaire, soit le 23 mars au moment du débat sur la résolution, soit la semaine dernière au moment du débat sur le projet de loi 23 et même aujourd'hui, on n'a encore invoqué du côté de l'Opposition aucun argument, aucune raison qui pourrait justifier la tenue du recensement qui servirait les intérêts des électeurs. (17 heures)

On a fait allusion, bien sûr, à la formation du personnel électoral. J'en conviens, il pourrait être utile de procéder et de fournir l'occasion au personnel électoral de roder l'organisation. Mais, M. le Président, je l'ai dit et je le répète, ce n'est pas à l'État de dépenser les fonds publics à ces fins, surtout pas lorsque les sommes sont aussi considérables que celles dont il est question.

Je dis donc, M. le Président, que s'il y a irresponsabilité, c'est du côté de l'Opposition qui refuse de participer au débat comme si, la semaine dernière, au moment même où on a procédé à la suspension des règles, elle n'avait pas eu tout le loisir d'exprimer ses points de vue. Quand on sent qu'on a raison, quand on pense qu'on a la vérité de son côté, on ne se défile pas devant ses responsabilités. On reste et on fait valoir ses arguments; on fait face à la musique. C'est ce que l'Opposition refuse de faire aujourd'hui. C'est à eux qu'il faudra poser la question sur la notion de responsabilité d'un parlementaire élu à l'Assemblée nationale non pas pour faire des spectacles, non pas pour épater la galerie, mais pour faire valoir les intérêts des citoyens québécois.

Je serais très intéressé de connaître le point de vue du chef du Parti québécois sur cette question, M. Parizeau. Je serais bien intéressé de savoir si M. Parizeau, comme exministre des Finances, endosse la position de son caucus. Je serais intéressé de savoir si M. Parizeau, comme ministre des Finances, aurait voté pour la tenue d'un recensement complètement inutile en termes d'intérêts de la population, strictement pour servir les intérêts de son parti politique et des partis politiques. Je demeure encore assez naïf pour croire que, si M. Parizeau ne s'est pas prononcé sur cette question, c'est justement qu'il ne partage pas le point de vue de son aile parlementaire. Évidemment, vous me direz, M. le Président, que ce n'est pas le seul sujet qui divise l'aile parlementaire du Parti québécois avec son chef, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que le geste qui est posé aujourd'hui par l'Opposition en est un d'une irresponsabilité inqualifiable.

Si on a pensé, du côté de l'Opposition, que ce geste amènerait le gouvernement à reculer, ferait en sorte qu'on puisse faire chanter le gouvernement, cela serait trop facile pour l'Opposition, au moment où elle n'est pas d'accord avec une mesure présentée par le gouvernement, de tout simplement se retirer, de fuir devant ses responsabilités et d'espérer que le gouvernement va tout simplement abdiquer.

Nous avons été élus et, je le répète à l'intention de ceux qui parlaient de la servilité des membres du caucus libéral, tous et chacun, nous avons le même statut ici, à l'Assemblée nationale; tous et chacun, nous avons le mandat de représenter les électeurs de nos circonscriptions électorales. À l'occasion, tous et chacun, nous devons reconnaître l'intérêt général plutôt que l'intérêt particulier de nos commettants respectifs dans nos circonscriptions. En l'occurrence, si certains députés, hier, ont exprimé le point de vue qu'il pourrait être utile de tenir le recensement dans les circonscriptions qu'ils représentent parce qu'elles sont affectées par la délimitation des comtés, aucun des députés libéraux ne s'est prononcé en faveur du maintien d'un recensement partiel ou complet, justement

parce qu'il nous semble qu'il est dans l'intérêt de l'ensemble de la population du Québec que nous ne dépensions pas des fonds publics à des fins inutiles, à des fins strictement partisanes.

J'invite donc, M. le Président, les membres de l'Assemblée qui sont encore présents à voter pour la motion de suspension des règles, après quoi nous entamerons l'adoption du principe du projet de loi 9. Nous expliquerons, en détail, les motifs qui nous amènent à proposer son adoption à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président: Alors, le débat étant clos, est-ce que la motion de suspension des règles, présentée par M. le leader du gouvernement, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Projet de loi 9

Le Vice-Président: Adopté. Puisque cette motion est adoptée, M. le ministre délégué à la Réforme électorale propose maintenant que l'Assemblée nationale se saisisse du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988. M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

Présentation

M. Gratton: M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'annuler la tenue du recensement annuel des électeurs prévu par la Loi électorale pour l'automne 1988. Il prévoit en conséquence certaines mesures supplétives applicables dans l'éventualité où la tenue d'une élection ou d'un référendum serait ordonnée avant la période prévue par la Loi électorale pour la tenue d'un autre recensement.

Le Vice-Président: Est-ce que l'Assemblée nationale accepte de se saisir de ce projet de loi? Adopté?

Des voix: Adopté.

Adoption du principe

Le Vice-Président: Adopté. Alors, M. le ministre délégué à la Réforme électorale propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988. Je cède en conséquence la parole à M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, mais je pense qu'il ne sera pas inutile de le répéter à l'intention de ceux qui suivent nos travaux, que ce dont il s'agit dans le projet de loi 9, c'est tout simplement d'annuler le recensement prévu par la Loi électorale pour septembre 1988, recensement dont les coûts sont estimés à 12 000 000 $ au bas mot et qui ne servirait à absolument rien, sinon les intérêts des partis politiques si la prochaine élection générale devait être déclenchée après le 30 juin 1989, ce qui, en toute probabilité, sera le cas.

On le suspend et on propose de le suspendre tout simplement parce qu'il est inutile, du moins pour les électeurs. Le but ultime d'un recensement, M. le Président, sinon le seul, c'est la confection de la liste électorale par l'inscription des électeurs qui ont droit de vote à un scrutin donné. Autant cette inscription est importante pour les électeurs à la veille d'une élection, puisqu'elle autorise en quelque sorte l'exercice de leur droit de vote, autant elle n'a ni signification ni impact lorsque des élections ne sont pas en vue, comme c'est le cas au moment où l'on se parle.

J'en profite, M. le Président, pour relever de graves insinuations faites par le leader de l'Opposition, tant le 23 mars à l'occasion du débat qu'on a eu sur une résolution que la semaine dernière et même cet après-midi, à savoir qu'un recensement tenu en période électorale serait de moins bonne qualité qu'un recensement annuel.

Soit dit en passant, si cela se révélait être le cas dans le comté d'Anjou, c'est peut-être justement au Parti québécois qu'il faudrait poser la question sur les raisons de cet état de fait, car, à notre connaissance, les recenseurs que nous avons recommandés au directeur du scrutin d'Anjou ont fait un travail honnête et complet. Effectivement, au moment de la révision, puisque c'est là que l'on peut vraiment assurer que tous ceux qui ont le droit de vote sont inscrits, nous pouvons dire que, du côté du Parti libéral nous avons fait notre travail, nous nous sommes assurés que les électeurs qui n'étaient pas inscrits sur la liste électorale ont pris les dispositions pour y être inscrits par le biais de la révision et si le Parti québécois, à défaut d'une organisation valable, n'a pas effectué son travail, c'est peut-être là que l'on retrouve les causes d'un nombre d'électeurs inférieur à celui de 1985, mais encore faudrait-il savoir quelle a été révolution de la population et, donc, de la population électorale dans la circonscription d'Anjou depuis 1985.

M. le Président, si l'Opposition remet en question l'intégrité d'un recensement électoral, c'est-à-dire un recensement qui est fait en période électorale, c'est très grave. Le leader de l'Opposition voudrait-il nous dire par là que les recenseurs recommandés par son parti reçoivent des instructions spéciales, en période électorale, susceptibles d'affecter l'intégrité du recensement? Est-ce qu'on a une façon différente de procéder au Parti québécois, selon qu'un recensement est fait en période électorale ou non?

M. le Président, je pose la question, mais je n'oserais même pas penser que la réponse est positive. Il me semble que tout parti responsable

se doit d'assurer que les recenseurs recommandés par ce parti font leur travail de la façon la plus complète, la plus honnête, la plus correcte possible, quelle que soit la situation, en période électorale ou non. (17 h 10)

Quant à nous, l'intrégrité d'un recensement ne tient pas à la période de l'année où H est mené. D'ailleurs, je dirais même qu'en termes de qualité et de fiabilité des résultats un recensement électoral risque plutôt d'être supérieur à un recensement annuel, étant donné la sensibilisation plus grande des électeurs à l'importance d'être inscrits sur la liste électorale.

Là encore, je pose la question à l'Opposition, qui n'est malheureusement pas là pour y répondre - et elle n'est pas là pour y répondre justement parce qu'elle n'a pas de réponse valable à fournir - en quoi les électeurs du Québec seraient-ils mieux servis s'il y avait recensement l'automne prochain, alors qu'il n'y a aucune probabilité d'élections avant 1989? En quoi l'électeur de Châteauguay, l'électeur de Mille-Îles, l'électeur de Vachon, l'électeur de Fabre seraient-ils mieux servis si on procédait à un recensement au coût de 12 000 000 $ pour les contribuables québécois? Malgré les nombreuses heures qu'on a passées à débattre la question ici - je pose la question même aux observateurs qui font des analyses savantes de nos propos - personne, ni l'Opposition ni les observateurs, n'a mis le doigt sur quelque avantage que ce soit pour les électeurs, pour les citoyens, de tenir ce recensement général prévu pour l'automne prochain.

M. le Président, on le sait, la loi prévoit déjà que, lorsqu'il y a déclenchement d'élections générales et que le recensement annuel n'a pas été tenu préalablement, il y a recensement durant la période électorale. Je répète que les gens, les électeurs, sachant que des élections générales sont en cours, sont bien plus susceptibles d'être intéressés à se faire inscrire sur la liste électorale qu'à l'automne 1988, alors qu'on ne peut même pas leur donner une indication du moment où les élections auront lieu. À toutes fins utiles, le seul effet pour les électeurs qu'on recenserait à l'automne 1988, ce serait qu'on irait les déranger chez eux. Pourquoi? Pour permettre aux partis politiques de s'organiser, pour leur permettre possiblement de profiter financièrement de ce salaire payé aux recenseurs. J'y reviendrai tantôt, M. le Président, parce que, justement, pour le Parti québécois, il y a lieu de se demander si ce n'est pas la vraie raison de leur attitude, parce que c'est une pratique qu'ils ont déjà adoptée dans le passé. J'y reviendrai, M. le Président.

L'Opposition a tenté de faire valoir que le recensement de l'automne qui vient serait utile aux électeurs puisqu'il leur permettrait d'être informés des changements apportés récemment à la carte électorale. Encore là, je ne peux être d'accord, car, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, notamment lors de la commission parlementaire de janvier 1987 qui avait procédé à l'identification des consensus sur les amendements à apporter à la Loi sur la représentation électorale, le travail des recenseurs n'est pas et ne doit pas devenir un travail d'information des électeurs. Les recenseurs qui sont, d'une part, recommandés par le parti au pouvoir et, d'autre part, par le parti d'Opposition, on le sait, ce sont deux personnes qui travaillent ensemble à inscrire les électeurs sur la liste électorale, ce ne sont pas des agents d'information. Ils ne sont surtout pas des gens neutres, ils sont recommandés par les partis politiques. Est-ce à des gens qui, par la nature des choses, sont partisans, qu'on va demander d'informer les électeurs des changements qui ont été apportés à la carte électorale et à la délimitation des circonscriptions? Les recenseurs ne sont pas formés pour cela.

Par ailleurs, je suis bien conscient de la nécessité d'informer les électeurs des modifications aux limites des circonscriptions électorales. C'est d'ailleurs ce qui m'a motivé à proposer, justement en janvier 1987, que la Loi sur la représentation électorale soit modifiée pour indiquer clairement que la Commission de la représentation électorale a l'obligation d'informer la population des changements apportés à la carte. Et, M. le Président, on lit au deuxième alinéa de l'article 33 de la Loi sur la représentation électorale ce qui suit: "La commission dort cependant prendre les mesures nécessaires pour assurer la meilleure diffusion possible auprès de la population de la délimitation des circonscriptions électorales et, en particulier, des modifications apportées par rapport à la délimitation précédente."

C'est déjà prévu dans la Loi sur la représentation électorale et je n'ai aucune raison de croire que la Commission de la représentation électorale ne respectera pas cette obligation et ne fera pas le travail d'information qui s'impose dans les 37 circonscriptions ou même les 46 circonscriptions qui ont subi des modifications. Il n'y a donc pas lieu de tenter de justifier la tenue d'un recensement, qu'H soit dans les 125 circonscriptions ou seulement dans les 37 où I y a des modifications ou des transferts d'électeurs, par un besoin d'information. Il y a déjà de l'information qui est faite par d'autres moyens et par des moyens, comme je l'ai indiqué tantôt, qui sont beaucoup plus neutres, qui sont beaucoup plus valables et qui sont donc beaucoup plus utiles aux électeurs.

Les électeurs n'ont donc aucunement besoin d'un recensement et c'est carrément charrier, comme le fait l'Opposition, que de dire que l'annulation du recensement de 1988 va à l'en-contre de la bonne marche du processus démocratique. C'est faux, M. le Président!

Parlons maintenant de l'utilité pour les élus et pour les partis politiques. Du côté de l'Opposition, on n'a pas beaucoup parié des avantages

d'un recensement, justement parce que c'est la seule raison qui les motive. On a tenté de faire croire que cela pourrait être utile aux élus, aux 122 députés présentement à l'Assemblée nationale, ils l'ont fait à plusieurs reprises lors du débat du 23 mars, en disant notamment que le recensement était essentiel pour permettre aux députés actuels d'être de bons représentants de leur population, particulièrement dans les comtés modifiés à la suite de l'adoption de la nouvelle carte électorale.

Mme la Présidente, l'Opposition, en utilisant de tels arguments, démontre qu'elle ne comprend pas ou fait semblant de ne pas comprendre la loi car, en effet, la nouvelle carte, on le sait, n'entrera en vigueur que lors du déclenchement des prochaines élections générales et ceci, en vertu de l'article 34 de la Loi sur la représentation électorale. Jusqu'au déclenchement de la prochaine élection générale dont le déclenchement est inconnu, ce sont les circonscriptions électorales actuelles. Il n'y en a pas 125 comme il y en aura avec la prochaine carte. Il y en a 122 et ce sont les députés actuels qui doivent représenter les électeurs des 122 comtes actuels, non pas des comtés à venir. D'ici au déclenchement de la prochaine élection, les députés continuent à représenter le même territoire et la même population électorale que lors des élections de 1985, peu importe l'ampleur des changements qui ont pu être apportés par la nouvelle délimitation. La mise à jour des données socio-démographiques que permettrait un recensement à l'automne pourrait, tout au plus, être utile à celui qui souhaite se présenter ou se représenter comme candidat au prochain scrutin.

Et, Mme la Présidente, si c'est là la seule utilité qu'on peut faire d'un recensement, je dis simplement qu'on peut le faire à partir des chiffres qui sont fournis par la Commission de la représentation électorale a partir du recensement qui a été fait en 1985. Comme je l'ai déjà souligné, même si, avec un recensement, on devait identifier des erreurs ou des incongruités dans la délimitation des nouveaux comtés, la loi ne permettrait pas de les corriger avant la prochaine élection générale de toute façon. On ne ferait que constater que les normes inscrites dans la loi ne sont pas respectées, si cela était le cas, et on ne pourrait pas demander à la Commission de la représentation électorale de les corriger avant l'élection générale. Ce n'est qu'après qu'un nouveau processus de délimitation pourrait être enclenché. (17 h 20)

Évidemment, à qui pourrait servir le recensement? Je le dis depuis le début et je le répète, aux partis politiques. C'est utile, un recensement, pour préparer l'organisation électorale. C'est utile pour motiver les partisans. C'est utile pour roder le personnel et la machine et ce, pour tous les partis politiques. Je l'ai dit tantôt, même le Parti libéral reconnaît que ça pourrait être utile. Nous ne nions donc pas l'utilité d'un recensement pour l'organisation électorale, M. le Président, mais nous sommes convaincus qu'elle ne peut justifier à elle seule une dépense de l'envergure dont on parle. De la même façon, on ne peut justifier une telle dépense en avançant, comme le fait l'Opposition, qu'un recensement est essentiel pour permettre au personnel électoral et au personnel du bureau du DGE d'être rodés.

On y a fait allusion tantôt, le leader de l'Opposition a dit: II n'y a pas moins d'une quinzaine de directeurs de scrutin qui seront nouveaux dans les 37 circonscriptions. On va dépenser 12 000 000 $, M. le Président, pour permettre la formation de 15 nouveaux directeurs de scrutin, comme si le Directeur général des élections et la Commission de la représentation électorale ne faisaient déjà pas cette formation de façon fort valable, de façon fort acceptable? On va tenter de justifier, du côté de l'Opposition, le fait de dépenser 3 800 000 $ ou 12 200 000 $, selon le cas, pour assurer la formation de 17 nouveaux directeurs de scrutin, alors qu'on sait que la façon de choisir et de nommer les directeurs de scrutin est telle qu'on procède par concours public, par examen oral et écrit et que c'est par un système de pointage. On peut difficilement ne pas choisir des gens compétents et qualifiés. Les contribuables québécois n'ont pas à payer une note de 12 000 000 $ pour une répétition générale du personnel électoral.

Il n'est certes pas inutile non plus de rappeler que l'État apporte déjà un soutien financier fort appréciable à la démocratie électorale et plus directement même aux partis politiques et aux candidats. M. le Président, il faut savoir qu'outre le Québec il y a une seule autre province au Canada qui défraie ou qui fournit un financement direct aux partis politiques, et c'est fa Colombie britannique. La seule province autre que la Colombie britannique qui finance une partie des dépenses des partis politiques, c'est le Québec, et ce soutien financier est fort appréciable. En effet, pour la seule année 1987-1988, l'État du Québec a versé près de 3 000 000 $ à titre de soutien direct à la démocratie, entre autres, 1 118 000 $ comme financement direct aux partis représentés à l'Assemblée nationale, le Parti libéral et le Parti québécois, et 1 749 000 $ en crédits d'impôt pour les contributions faites aux partis politiques.

J'entends déjà l'Opposition dire: Les crédits d'impôt ont profité surtout au Parti libéral. Bien sûr! Il ne faudrait quand même pas nous reprocher de réussir nos campagnes de financement, mais on a au moins le mérite, nous, si nous ne parvenions pas à réussir nos campagnes de financement, de ne pas essayer de les faire financer par l'État par le biais d'un recensement inutile. Donc, 1 750 000 $ en crédits d'impôt pour les contributions faites aux partis politiques, 17 000 $, presque 18 000 $ en remboursement de frais de vérification payés par les partis

politiques et, finalement, quelque 60 000 $ en remboursement des dépenses électorales, notamment les élections partielles du 14 septembre 1987 et du 20 Janvier 1986, et le solde des élections du 2 décembre 1985.

Donc, 3 000 000 $, M. le Président, et, en année électorale, la part de l'État s'accroît de près de 3 400 000 $ au titre du remboursement des dépenses électorales, selon les données de l'élection du 2 décembre 1985. L'État fait ainsi plus que sa part dans le soutien financier des partis politiques. Les Québécois autant comme électeurs que comme contribuables, n'ont donc aucun avantage à tirer d'une dépense de plus de 12 000 000 $.

M. le Président, comme ministre délégué à la Réforme électorale et comme membre du présent gouvernement, je considère qu'il n'est rien de moins que mon devoir d'assurer que le sain déroulement du processus démocratique ne soit pas mis en péril et que les fonds publics soient utilisés de façon rationnelle et responsable. Avec le geste que nous posons aujourd'hui, j'ai la ferme conviction d'atteindre pleinement ces deux objectifs.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Fabre.

M. Jean A. Joly

M. Joly: Merci, M. le Président. Prendre la parole après le leader et ministre délégué à la Réforme électorale me donne un peu l'impression que je vais faire de la surenchère. Tout a déjà été assez bien expliqué, autant la situation actuelle qui prévaut que celle suggérée par le projet de loi 9, un projet qui ne semble pas important, si on regarde ses deux pages bien simples, mais deux pages, pour un projet tel que présenté, qui représente 12 000 000 $ pour les contribuables, c'est nécessairement un projet très sérieux, M. le Président.

J'ai aussi écouté très sérieusement mes autres collègues qui sont intervenus sur la motion d'urgence pour apprendre quand même beaucoup de choses. Je me considère encore comme jeune parlementaire, ayant été élu en décembre 1985 comme beaucoup de mes collègues. C'est bien certain qu'on a suivi la chose publique dans les années antérieures, mais il y avait quand même beaucoup de petits points qui ont été soulevés aujourd'hui et qui n'avaient en fait jamais été portés à mon attention. On nous accuse de vouloir suspendre la démocratie. En nous accusant de vouloir suspendre la démocratie, on se sauve. On ne veut pas venir en jaser, en parler, en discuter librement. D'ailleurs, c'est ce qu'on a vu tantôt, M. le Président, quand on est venu nous mettre en garde sur tout le mal que le projet de loi ferait s'il était adopté tel que présenté. Le mal que le projet de loi ferait, à qui le ferait-il? Est-ce qu'il le ferait à chacun des électeurs ou est-ce qu'il le ferait probablement à des partis politiques? C'est la question qu'il faut se poser, M. le Président.

Si on regarde 12 000 000 $ répartis sur la population votante, je serais quasiment tenté de ramener cela à l'unité et de dire que, pour chacun des électeurs, cela a l'air de rien, mais cela représente 3 $. C'est 3 $ qu'on nous demande en tant qu'hommes publics, d'aller chercher dans la poche d'un contribuable, les prendre, lès froisser et les mettre au panier. Dans le fond, c'est exactement cela. Notre leader et ministre délégué à la Réforme électorale nous a expliqué très clairement, sans équivoque, que ce recensement ne servirait d'aucune façon à la population. Alors, est-ce qu'on peut reprocher à un gouvernement responsable de ne pas prendre l'argent des contribuables, de le froisser et de le jeter au panier? Si on a tous ici, dans cette Assemblée, le même statut et la même responsabilité, je lance la question: Peut-on considérer les gens qui se sauvent, les gens qui, dans le fond, ne veulent pas relever la responsabilité de défendre le rôle pour lequel ils ont été élus, comme des gens honnêtes? C'est la question qu'il faut se poser, M. le Président. (17 h 30)

II faut aussi se poser une autre question: A-t-on voulu en faire un spectacle? On se retire. On refuse. On démontre une certaine arrogance. Est-ce que c'est ce que la population voulait de la part d'un parti de l'Opposition? Mon cher M. le Président, comme je le disais hier dans une autre intervention, je crois que poser la question, c'est y répondre. La population a la réponse. La gêne a fait en sorte que les membres de l'Opposition se sont retirés parce qu'ils n'avaient rien à dire. Les arguments qu'ils nous avaient apportés n'avaient aucun fondement, aucune valeur. On n'a même pas été capable de cacher de façon subtile le fait que tout ce que l'Opposition cherchait, c'était d'essayer de restructurer le parti sur le plan organisationnel pour chacun des comtés, sinon du moins une partie des comtés, à savoir 37, en alléguant la possibilité que cela aurait pu être un besoin justifiable de par la nouvelle délimitation.

Mais, quand un principe repose sur 12 000 000 $ jetés au panier, c'est le même principe qui existe pour 3 000 000 $ ou 4 000 000 $. On aurait voulu nous entraîner dans une perte moins grande, mais toujours dans une perte. C'était curieux d'écouter le leader de l'Opposition mentionner la qualité d'un recensement selon sa période d'exécution. On faisait même mention qu'un recensement fait en période électorale avait beaucoup moins de valeur. C'est ce qu'on a cherché à faire refléter. On a même fait mention que c'était ce qui prévalait actuellement dans Anjou, que le recensement aurait peut-être oublié 2000 à 3000 personnes sur la liste électorale.

Dans fa teneur des propos du chef de

l'Opposition... C'est-à-dire du leader de l'Opposition. Je m'excuse, je ne voudrais pas lui donner un titre qu'il n'a pas mérité parce qu'un titre, cela se mérite à ce niveau dans l'Opposition. On sentait qu'il était en train de préparer la défaite dans l'élection partielle d'Anjou. On sentait cela. Il n'y avait pas d'équivoque à ce sujet. Sûrement, comme le chef, M. Parizeau, il marche à deux temps. Ils vont espérer qu'il y ait d'autres élections partielles ailleurs. Nécessairement, on attend d'autres démissions de leur côté. À ce moment, on pourra les accumuler, les additionner, et on pourra faire en sorte que la population aura exactement ce qu'elle mérite: un gouvernement tel que celui que nous lui présentons, un gouvernement responsable qui a prouvé hors de tout doute que la gestion publique était une chose qui nous tenait à coeur, c'était quelque chose qu'on respectait parce que c'était ce pourquoi nous avions été élus dans notre mandat.

On mentionnait qu'en octobre 1983 le Parti québécois du temps, au pouvoir, avait quand même fait quelque chose qui a marqué les annales. On avait suspendu les travaux. On nous accuse de vouloir suspendre une règle pour en arriver à épargner de l'argent aux contribuables pendant qu'eux, en 1983, avaient suspendu les travaux parce qu'ils n'avaient pas légiféré, qu'ils n'avaient pas préparé de projets de loi. Donc, ils n'avaient absolument rien à se mettre sous la dent. Pendant un mois, on a demandé aux parlementaires de s'abstenir de venir au parlement, de fermer le parlement et de retourner à une table de travail pour qu'on puisse présenter éventuellement des projets de loi. D'un côté, on se dit conséquent avec un rôle qu'on a à jouer. De l'autre côté, on ne le joue pas. Nous, de notre côté, on nous accuse de trop bien jouer notre rôle. On nous accuse d'agir pour que la population ne soit pas taxée de façon inutile. Des recensements, dans le passé, il y en a eu aussi d'annulés. Il y en a eu en 1981, en 1982, en 1983. Que je sache, c'était le Parti québécois qui était au pouvoir, à ce moment-là.

Dans la situation actuelle, dans le cas actuel, ne prévoyant aucune utilité à un recensement, notre gouvernement va de l'avant et dit à la population: Quand viendra le temps de vous recenser, on procédera. On ira de l'avant. On ne vous mêlera pas avec un recensement inutile. Quand viendra le temps de vous recenser, on sera présent à votre porte. Vous-mêmes développerez de l'intérêt. Vous-mêmes serez intéressés à recevoir les recenseurs qui iront recueillir les données nécessaires aux inscriptions sur les listes électorales. Comme on ne prévoit pas d'élections, et on l'a très clairement indiqué, du moins avant juillet 1989, partant de là, aucune nécessité ne peut justifier un recensement.

Dans le fond, ce qu'on fait dans l'Opposition, M. le Président, c'est de nous accuser d'être trop honnêtes. On nous accuse de regarder la situation telle qu'elle est, de considérer que le contribuable ne nous pardonnerait pas de dépen- ser de façon inutile, et d'aller de l'avant avec le projet de loi que vous connaissez. Si c'est cela que l'Opposition a comme tactique, se servir d'une mini-tribune pour faire du chantage, je pense que ladite Opposition ne mérite pas grand respect. Si, dans le fond, on voulait tout simplement permettre à son équipe de se faire la main, cela aurait été sûrement une bonne excuse.

Vous savez, M. le Président, il faut quand même faire la distinction entre l'homme et le parti pour celui qui aujourd'hui peut être député, que ce soit d'un côté comme de l'autre. Je peux vous dire que c'aurait pu être tentant, autant pour les membres de notre formation que pour l'Opposition qui poussait avec force, que ledit recensement ait lieu. Cela aurait été tentant. Mais, considérant qu'on a deux rôles à jouer, c'est bien sûr, un rôle partisan, mais aussi un rôle de représentant de l'État, de représentant du peuple, eh bien, à ce moment, les tentations ne nous ont même pas effleuré l'esprit de dire oui au recensement parce que nous avons été capables de faire la distinction entre l'homme de parti et l'homme public. Eux, dans leur cas, il ne faut pas se le cacher, ils ont des problèmes pour recueillir des fonds dans les campagnes de financement. Cela aurait pu être un bon moyen, une bonne méthode pour regarnir la caisse, pour payer la dette créée au cours des années d'inertie causée par leur impopularité et le manque de confiance de la population. Cela aurait sûrement pu être une bonne excuse. D'ailleurs, c'est exactement ce qu'ils recherchaient.

Je ne pense pas qu'en tant que parlementaires sérieux, M. le Président, on puisse cautionner des gens qui auraient voulu nous embarquer dans ce qu'on peut appeler la mini-aventure, la perte sèche de sommes qu'on n'avait pas le droit de dépenser et qu'on aurait dépensées inutilement. Je pense que chacun de nos électeurs, dans chacun de nos comtés, aurait été en droit de nous le mettre sous le nez et, à sa façon, peut-être de nous le faire payer. Pendant qu'aujourd'hui, c'est le contraire qui se présente. Les vertueux de façade, les vertueux de nom se sauvent et, pourtant, on dit: La démocratie! Eh bien, c'est cela, la démocratie, je ne peux cautionner, comme je le disais, une formation politique qui se sauve dans la défaite, qui se sauve parce qu'elle est gênée, parce qu'elle n'a rien à dire, qui se sauve parce qu'elle n'a pas d'arguments logiques. (17 h 40)

Ils voudraient nous empêcher, à leur façon, de faire avancer ledit projet de loi. À leur façon, ils nous démontrent que, tout simplement, ils sont complètement désorientés, que c'est la déroute, la débandade, l'abandon. Je pense que l'histoire du passé nous prouve que Madeleine de Verchères avait beaucoup mieux fait qu'eux, en utilisant au moins une stratégie pour démontrer une forme de présence, mais eux n'ont pas d'autre possibilité que de se sauver. C'est la gêne qui les étouffe. J'espère seulement une

chose, que ces vertueux, ces gens qui bafouent le système démocratique seront reconnus comme tels lors du prochain scrutin. J'imagine qu'il leur sera peut-être difficile même de nommer quelqu'un pour faire le recensement dans ce temps-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Taschereau.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je suis heureux...

Des voix: Bravo!

M. Leclerc: ...d'intervenir sur le projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988, d'abord, à titre de député élu par mes concitoyens de Taschereau pour gérer le budget de la province, mais aussi commme membre du conseil consultatif. Je crois qu'ici il est important de spécifier ce qu'est le conseil consultatif auprès du Directeur général des élections.

Tout à l'heure, le leader de l'Opposition ainsi que le député indépendant de Gouin ont fait état que le conseil consultatif, qui s'est réuni hier, en était venu à un consensus et que le leader du gouvernement ne voulait pas respecter ou ne voulait pas proposer à l'Assemblée nationale le consensus que nous aurions, selon leur dire, accepté ensemble. Je voudrais prendre deux minutes pour expliquer à nos concitoyens ce qu'est le conseil consultatif auprès du directeur du scrutin à partir de la Loi électorale.

D'abord, le conseil se compose du Directeur général des élections et de trois représentants de chacun des partis politiques autorisés et représentés à l'Assemblée nationale. Le chef de chacun des partis désigne les représentants du parti; au moins un doit être membre de l'Assemblée nationale. C'est moi qui ai le privilège de représenter la formation gouvernementale comme membre de l'Assemblée nationale à ce comité. Du côté de l'Opposition, ils sont deux; je ne vous dis pas que cela en prend deux pour en faire un mais il y a le député de Jonquière et le leader de l'Opposition.

Quand le législateur, à l'article 45, a dit qu'au moins un membre de l'Assemblée nationale doit être membre du conseil, il a été bien sage, finalement, parce qu'il s'est ainsi assuré qu'il n'y aurait pas que des gens provenant des partis politiques à cedit conseil. Il s'est assuré ainsi que l'intérêt général des électeurs, des citoyens et des citoyennes du Québec, aurait une voix au conseil consultatif. Ce n'est pas surprenant que le leader du gouvernement ait dit tantôt: Les représentants du Partit libéral auraient probablement été d'accord pour qu'on fasse un recensement partiel ou complet parce que, lorsqu'on représente un parti politique, on n'est pas élu pour représenter l'ensemble d'une population. On est là, au comité, pour défendre les intérêts propres, Immédiats de son parti politique. Le législateur a été sage à l'article 45, parce qu'il a dit: II y aura au moins un membre élu de chacune des formations politiques au conseil, de sorte que ce représentant élu aura une responsabilité supplémentaire, c'est qu'il devra représenter tous les électeurs du Québec, tous les électeurs de son comté.

Ensuite, à l'article 46, on dit: Le conseil est présidé par le Directeur général des élections qui en dirige les activités et en coordonne les travaux. Les réunions, à l'article 49: À la demande du président ou du tiers des membres - et c'est ce qui est arrivé, le tiers des membres a demandé une réunion - le conseil peut se réunir aussi souvent qu'il lui est nécessaire, pour l'accomplissement de ses fonctions et attributions.

À l'article 50, quelles sont les fonctions du conseil consultatif? Le conseil a pour fonction de donner son avis sur toute question relative à la présente loi. Là, c'est important, parce que le conseil doit aider le Directeur général des élections à interpréter la loi des élections dans certaines circonstances et ce n'est pas pour rien que, le vendredi 13 juin 1986, celui qui vous parle et qui était aussi alors le représentant de la formation gouvernementale au sein du conseil a demandé que soient retirés de l'ordre du jour trois points qui, selon nous, n'étaient pas et ne sont pas encore conformes au mandat qu'a le conseil en vertu de la Loi électorale. Il est dit - c'est au procès-verbal - que le député de Taschereau souligne qu'à ce jour le ministre délégué à la Réforme électorale et le Secrétariat à la réforme électorale n'ont pas terminé leur réflexion sur la législation électorale - évidemment, on remonte deux ans en arrière - et les intentions du gouvernement ne sont pas arrêtées sur tout projet qui apporte des modifications à la Loi électorale. Les consultations se poursuivent. Cela veut dire que, d'aucune façon, le conseil consultatif ne peut se substituer au ministre délégué à la Réforme électorale, d'aucune façon le conseil consultatif ne peut se substituer à l'Assemblée nationale qui a ultimement à voter et qui a ultimement à prendre les décisions quant à la création ou quant à l'adoption de nouvelles lois ou de nouvelles dispositions électorales au Québec.

Par conséquent, il est peut-être habile de la part du leader de l'Opposition de demander - et je vous ai dit tout à l'heure que c'étaient effectivement trois représentants de l'Opposition qui ont demandé la convocation du conseil consultatif - il est peut-être habile de leur part de demander la convocation et je vous dirai que, bien que n'ayant pas l'expérience parlementaire du leader de l'Opposition, je l'ai vu venir gros de même. Je savais et mes collègues savaient également qu'il tenterait de venir au conseil consultatif essayer de faire semblant d'avoir - peut-être qu'on aurait dit ceci ou

cela - un semblant de consensus et de venir ensuite à l'Assemblée nationale pour dire: Je ne comprends pas cela, au conseil consultatif, on avait eu un consensus. Jamais, il n'y a eu de consensus au conseil consultatif et pour une raison bien simple, je vous l'ai dit, M. le Président, on l'a vu venir, mais, deuxièmement, parce que celui qui vous parle, le député de Tasche-reau, ne voulait pas faire la même erreur que le leader de l'Opposition et que le chef de l'Opposition ont faite.

Qu'est-ce qu'ils ont fait? Un bon jour, ils se sont entendus avec le leader du gouvernement et ministre délégué à la Réforme électorale en disant: Oui, M. le député, cela a probablement du bon sens qu'en 1988 on ne fasse pas de recensement. Mais, lorsqu'ils sont arrivés à leur caucus, le lendemain ou le surlendemain, ils ont été défaits par leur caucus. Le caucus des députés péquistes a dit: D'après nous, les amis, vous vous êtes trompés. Bien humblement, le leader de l'Opposition l'a reconnu. Il a dit: Bien oui, notre caucus n'est pas d'accord, on revient sur notre parole.

Quant à moi, même si j'ai seulement deux ans et demi d'expérience en cette Chambre, ayant déjà vu l'erreur que le leader de l'Opposition avait faite, pensez-vous que j'allais répéter la même erreur, aller au conseil consultatif, donner mon accord pour un consensus à présenter à l'Assemblée nationale et au ministre, aller ensuite à mon caucus sans savoir d'avance ce qu'il pensait de ma position, et revenir au conseil consultatif, et dire ensuite: Vous savez, M. le leader de l'Opposition, un peu comme vous, je me suis fait défaire par mon caucus? Imaginez comme j'aurais eu l'air intelligent! Imaginez comme il a l'air intelligent, ayant pris position, tout comme le chef de l'Opposition, ayant décidé, ayant donné sa parole au ministre délégué à la Réforme électorale pour dire que ce serait probablement une bonne idée qu'il n'y ait pas de recensement en 1988, de revenir le voir en disant: Mon caucus n'est pas d'accord. (17 h 50)

II était bien certain qu'en aucune façon il n'était question pour celui qui vous parle et ceux qui l'accompagnaient de donner une réponse sur-le-champ aux propositions qu'aurait ou qu'a pu faire le Directeur général des élections ou qu'aurait pu faire également la formation de l'Opposition. Ce qui a été dit, finalement, ce n'est pas très compliqué, on a dit: Nous prenons acte des propositions qui nous sont faites par le Directeur général des élections. Et le leader du gouvernement a souligné - je corrobore ce qu'il a dit - le travail professionnel du Directeur général des élections ' dans ce dossier. Il nous a proposé une alternative, il a mis les chiffres sur la table, II nous a dit combien cela coûterait, ce que cela impliquerait. Et mes collègues, MM. Roy et Allaire, et moi-même, nous nous sommes engagés à présenter cette possibilité, quant à moi, au caucus des députés libéraux, et quant à eux, au Parti libéral du Québec, au parti politique, pas aux députés, pas aux militants, au parti politique.

Que le parti politique puisse être d'accord avec le principe, ce n'est pas illogique de le penser parce que, à des fins purement électorales, ce n'est pas une mauvaise idée de faire un recensement. Mais celui qui vous parie et ceux à qui il a parlé, membres du caucus des députés ministériels, ne sont pas uniquement des militants libéraux, ne sont pas des organisateurs politiques qui n'ont qu'à se préoccuper, comme MM. Roy et Allaire... Je ne dis pas cela pour diminuer leur rôle, il est fort important. Mais nous n'avons pas comme préoccupations que des considérations électorales, que des considérations d'organisation politique. Bien plus, tous et chacun d'entre nous, nous avons à représenter tous nos électeurs, nos militants libéraux dans nos comtés, ceux qui ont voté pour nous, ceux qui ont voté contre nous. Il y en a 8000 dans mon comté, et je considère comme important de les représenter, même s'ils ont jugé bon d'appuyer un autre candidat. Pour vous donner un exemple facile à comprendre, 1000 électeurs dans mon comté ont voté pour le NPD. Que voulez-vous que cela leur donne? Ils n'auront même pas à désigner un des recenseurs, parce que ce sont les deux principales formations politiques qui désignent les recenseurs. Qu'est-ce que cela va donner à ces 1000 électeurs du NPD dans mon comté qui, en 1985, ont voté pour le NPD? Que va leur donner le recensement? Rien, mais cela va leur coûter de l'argent. Or, comme représentant également de ces 1000 personnes dans mon comté, il n'était pas question que je puisse accepter une dépense aussi inutile de 12 000 000 $ ou de 3 000 000 $.

M. le Président, les députés ont un rôle important à jouer. Très souvent, nous parlons de la revalorisation du rôle du député et je vous avoue que nous assistons, actuellement à un bien triste spectacle. Les gens qui nous écoutent, un peu avant le souper, sont des gens qui ont travaillé toute la journée, des personnes âgées qui ont travaillé toute leur vie pour se payer le bien-être qu'ils ont au moment où on se parle, ou des parents qui se sont occupés toute la journée d'enfants à la maison. Ces gens-là qui nous écoutent ont le droit d'attendre de nous que nous prenions des décisions éclairées pour l'ensemble de la population et que nous mettions de côté, autant que faire se peut et bien que nous soyons humains, des considérations purement partisanes. Que voulez-vous de plus purement partisan qu'un recensement tel que le Parti québécois voulait que l'on en tienne un - et ils l'ont souvent avoué - qui ne pouvait aider que les machines électorales, qui ne pouvait roder que les machines électorales? Que pensez-vous, M. le Président, que nous ferions après le 30 juin 1989 avec le recensement que le Parti québécois nous demande de faire au coût de 12 000 000 $ ou le recensement partiel au coût

de 3 800 000 $? On le mettrait à la poubelle, tout simplement. C'est épouvantable qu'une formation politique demande à un gouvernement une telle dépense irresponsable et, ce qui est encore plus épouvantable, c'est qu'elle se retire alors que nous discutons justement du pourquoi d'une telle législation.

Donc, comme député, je trouve que la considération de l'ensemble du caucus des députés libéraux est tout à fait juste. Je trouve que la réaction du ministre délégué à la Réforme électorale, qui n'a même pas eu à amener cette proposition-là au Conseil des ministres, est fort logique, fort cohérente. Elle permet à l'ensemble des députés qui sont des représentants de toute la population du Québec, elle permet à ces députés-là de s'exprimer en disant: II n'est pas question que nous acceptions une telle dépense, que ce soit 12 000 000 $ ou 3 800 000 $, pour un recensement qui, nous le savons tous, nous l'admettons tous, sera mis à la poubelle.

Je pense que les gens qui nous écoutent ne perdront absolument rien au fait que nous ne tenions pas de recensement. Au contraire, l'État québécois va épargner 12 000 000 $. Ces gens-là, qui ont travaillé toute la journée pour payer des taxes et des impôts, auront au moins le sentiment que ceux et celles qui les représentent en cette Chambre ont pris pour eux une décision la plus dénudée de partisanerie politique possible.

Je dois honnêtement souligner ici la bonne gestion du ministre délégué à la Réforme électorale. Vous savez, cela aurait été beaucoup plus simple pour lui de ne rien faire. Par conséquent, le processus de recensement se serait engagé par lui-même. Le Directeur général des élections aurait procédé dans toute la province au recensement. Vous, à la maison, vous auriez eu, un de ces bons jours, deux recenseurs. Vous les auriez vu arriver chez vous, un du Parti québécois et l'autre du Parti libéral. Ils vous auraient demandé quelques renseignements. Ils auraient signé chacun la petite formule et ils vous auraient remis une copie. C'est tout ce qui se serait passé, c'est tout ce que vous auriez eu et, après un certain nombre de mois, nous aurions pris ce beau recensement et nous l'aurions mis aux poubelles. Par conséquent, vous qui nous écoutez, vous ne perdez rien au fait que nous ne tenions pas de recensement. Au contraire, le gouvernement traite dignement vos taxes et vos impôts. Il vous fait épargner. Il nous fait épargner, comme société, 12 000 000 $. Je pense que c'est notre rôle et c'est ce pourquoi vous nous avez élus. Je vous remercie.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je solliciter le consentement unanime de l'Assemblée pour déroger à la motion de suspension des règles et pour proposer la suspension de nos travaux jusqu'à 19 heures?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement à cet effet?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président: Consentement. L'Assemblée nationale suspend ses travaux qui reprendront à 19 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 19 h 10)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Nous allons reprendre le débat concernant l'adoption du principe du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988. Là-dessus, je suis prête à reconnaître le premier intervenant. M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, Mme la Présidente. Je vais d'abord aborder la question relative à la suppression du recensement des électeurs pour l'année 1988 contenue au projet de loi 9 tout simplement par la perspective de ce que cela pourrait donner en premier lieu aux partis politiques et ne pas leur donner. Je vais enchaîner avec le seul point fondamental que je désire faire en Chambre ce soir et qui s'attaque à la conception même des droits démocratiques de notre société.

Je vais profiter de l'occasion qui m'est offerte ce soir pour, en même temps que je vais intervenir sur le fond du projet de loi 9, faire un effort de vente et demander à ceux qui nous écoutent de se poser en arbitre, en juge et de faire un choix, parce que je vais leur poser quelques questions. J'aimerais qu'ils répondent à ces questions. S'ils répondent à ces questions de la façon dont je pense qu'ils vont le faire, l'important serait peut-être de téléphoner à nos bureaux à l'Assemblée nationale et nous dire s'ils sont en accord ou en désaccord avec tes questions que je poserai tantôt.

Dans un premier temps, le leader de l'Opposition, le député d'Abitibi-Ouest, nous a dit, bien entendu: C'est faux de dire que cela ne servirait pas l'intérêt des partis politiques. Je me souviens - c'est la devise de la province - de 1972, 1973, 1974, 1975, 1976. Je me souviens d'un certain parti politique qui s'appelait et qui s'appelle toujours le Parti québécois qui, lors des recensements faits au cours de ces années que je viens de mentionner, exigeait de ceux qu'il nommait comme énumérateurs de verser à la caisse électorale du Parti québécois une portion

importante des revenus qui leur étaient accordés par l'État pour agir à titre d'énumérateurs.

J'ai devant moi une coupure du journal - il y en a beaucoup d'autres - La Presse, Montréal, samedi 6 septembre 1975, intitulée: Le Parti libéral reproche au Parti québécois de vendre 20 $ des postes d'énumérateur. Il y a un certain M. Jean-Guy Larouche, président du Parti québécois de Rosemont, qui avait écrit une gentille petite lettre à tous ceux - et je vois ici le ministre responsable de la loi 101, député de Rosemont, qui sourit à belles dents - qui devaient être des énumérateurs potentiels de sa circonscription électorale. Il leur disait: "Pour faire suite à notre conversation téléphonique et à votre accord d'être recenseur pour le Parti québécois au mois de septembre prochain, auriez-vous l'obligeance de signer les deux formules ci-incluses et de me retourner l'original accompagné de vos 20 $ dans fe plus bref délai possible?"

Plus loin, lorsqu'on a commencé à questionner M. Larouche, on lui a demandé: Ne trouvez-vous pas, M. Larouche, un peu indécent de prendre des gens qui doivent assumer un rôle de neutralité et d'exiger pour qu'ils soient nommés officiers en vertu de la Loi électorale de contribuer, avant d'être nommé, par des dollars à une caisse électorale? Voici ce que M. Larouche...

Une voix: C'est malhonnête.

M. Bélisle: C'est malhonnête. C'est ce que M. Larouche, Mme la Présidente, déclarait. "C'est là une pratique courante, cela se fait dans plusieurs autres comtés." C'est encore pire, cela se faisait dans tous les comtés pour le financement du Parti québécois. M. Larouche continuait: "L'an dernier, par exemple, nous avions décidé de ne rien demander à nos militants parce qu'on avait fait appel à leur générosité plus souvent qu'à notre tour. Mais cette année - et c'est là la perle - nous avions besoin de 3000 $ dans le comté."

Mme la Présidente, est-ce la même histoire qui est en train de se répéter, c'est-à-dire que le Parti québécois, pour financer ou se refinancer, alors que la caisse électorale est à sec, va demander à quelques missionnaires qui vont faire l'énumération dans les comtés du Québec, les 37, les 38, d'après la proposition de compromis qui semblait être sur la table, ou dans les 122 comtés, d'endosser le chèque fait par le ministère des Finances en paiement des travaux effectués comme énumérateurs dans chacun des poils du Québec.

Mme la Présidente, je ne pense pas que le recensement électoral soit un événement fait pour renflouer la caisse d'un parti politique. En aucune façon, ce n'est fait pour cela. Honnêtement, je crains qu'on recommence la même procédure en 1988, alors qu'on l'a appliquée systématiquement en 1972, 1973, 1974 et 1975. C'est mon premier point.

D'un autre côté, je me suis posé la question suivante parce que je pense qu'il faut toujours se référer à nos électeurs, à ceux qui nous accordent notre mandat. Je me suis demandé, en pensant à Mme Guindon de Saint-Vincent-de-Paul, qui est malade, qui souffre d'emphysème aigu et d'angine chronique et qui, depuis douze ans, ne peut pas sortir de sa résidence. J'ai pensé à Mme Guindon, je me suis demandé: Qu'est-ce qu'elle va perdre avec la suppression du recensement en 1988? Je me suis posé la question pour M. Samson, de mon comté, qui a au-delà de 65 ans. Est-ce qu'il va perdre quelque chose avec cela? Je me suis demandé, également, si les personnes qui demeurent dans mon comté, les ingénieurs, les professionnels, les gens qui travaillent dans l'industrie de la construction vont perdre quelque chose avec le projet de loi 9 qui est là?

J'aimerais retourner la question de l'autre côté et la poser aux téléspectateurs qui nous regardent. Au lieu de ce qu'on va perdre, qu'est-ce qu'on pourrait gagner? Est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait gagner si on mettait de côté ce recensement et si on s'attaquait aux véritables problèmes, aux véritables déficiences de la démocratie au Québec? C'est intentionnellement que j'ai cité les cas de Mme Guindon, de M. Samson, des ouvriers de la construction de mon comté et des ingénieurs qui vont à l'extérieur du Québec pour obtenir des contrats de construction pour le Québec.

Mme la Présidente, le ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire, en avril 1979, M. Robert Burns, publiait un livre vert: Un citoyen, un vote. C'est une réalité au Québec qui n'existe que sur papier. Elle existe dans la Loi électorale, elle est confirmée dans la constitution canadienne: un citoyen a un vote. Mais dans les véritables faits, il y a bon nombre de Québécois au Québec qui n'ont pas, effectivement, le droit physique d'exercer leur droit de vote lorsque vient la journée du scrutin. Je m'explique.

Le Parti québécois, en se scandalisant quant à la suppression du recensement pour 1988, devrait se scandaliser et aurait dû se scandaliser de 1976 à 1985 pour tous ces citoyens au Québec qui n'ont pas ce droit réel et effectif de vote. Je vais prendre le cas de Mme Guindon qui est à la maison depuis une douzaine d'années pour cause de maladie. Mme Guindon est dans le même cas qu'environ 250 000 Québécois, 250 000 personnes au Québec. Si je cite le rapport de l'enquête sur la santé et l'incapacité au Canada de 1983 à 1984, publié par le Secrétariat d'État du Canada, sur les 25 000 000 de Canadiens, 2 448 000 étaient atteints d'une incapacité quelconque, 1 598 000 étaient affectés d'une mobilité réduite, c'est-à-dire quelqu'un qui a un problème à se déplacer, à aller d'un endroit à un autre, donc quelqu'un qui a un problème pour aller voter. Le prorata de la population québécoise dans ce chiffre-là, c'est 25,5 %. Donc, au Québec, cela signifie qu'il y a 407 490 Québécois

à mobilité réduite. 341 000 ont des problèmes d'agilité, 80 405 pour qui la vue - ils ne voient pas bien, ils ne peuvent pas bien se déplacer - constitue une incapacité. (19 h 20)

Mme la Présidente, enlevons tous ceux que l'on transporte la journée de l'élection, les deux formations politiques, et faisons un décompte raisonnable de ceux qui vont voter. Savez-vous que cette catégorie représente environ 250 000 personnes au Québec et, sur ces 250 000 personnes au Québec, j'aurais aimé voir le leader de l'Opposition arriver en Chambre, prendre sa chemise, la déchirer ouvertement et nous dire: Voilà un véritable problème de démocratie. Mais jamais on n'a vu un des députés de l'Opposition se lever et dénoncer la situation. Quand un citoyen au Québec n'a pas la possibilité d'exercer son droit de vote, son droit fondamental, c'est là une injustice flagrante, Mme la Présidente, et cela n'a rien à voir avec la suppression d'un recensement pour une année, alors, qu'il n'y a personne qui perd son droit de vote. On reporte tout simplement à l'année prochaine la comptabilisation, l'identification par voie de nom et d'adresse des électeurs dans un certain secteur électoral et dans un certain comté.

Permettez-moi, Mme la Présidente, de continuer avec M. Samson qui, à l'âge de 65 ans, comme plusieurs de nos personnes âgées au Québec, peut-être l'hiver, décide tout simplement de quitter le Québec pendant un mois ou deux mois et d'aller sous des deux plus cléments. Saviez-vous que, de tous les voyageurs qui partent du Québec, ceux qui vont aux États-Unis et ceux qui vont ailleurs qu'aux États-Unis, quand on fait une comptabilisation totale de ces personnes-là, au premier trimestre de l'année, c'est-à-dire janvier, février et mars, le total, c'est 110 662 personnes par mois qui ont le droit de vote, qui sont inscrites sur la liste électorale, et qui partent pour une période de plus de sept jours; au deuxième trimestre, 102 227; au troisième trimestre, dans le courant de l'été, à partir du mois de juillet - juillet, août, septembre - 176 643 et au quatrième trimestre, à la fin de l'année, octobre, novembre et décembre, 72 595. Si on fait une moyenne de tout cela, cela signifie qu'il y a environ 100 000, 110 000 ou 125 000 individus qui paient leur impôt chaque année, bon an mal an, qui sont des citoyens respectueux des lois du Québec et qui n'ont pas la possibilité d'exercer leur droit le plus fondamental.

Dans cette catégorie, il y a les gens qui travaillent en Algérie sur des chantiers de construction, il y a des ingénieurs, il y a des commerçants qui vont à l'extérieur pour aller chercher des contrats valables pour faire travailler les Québécois. Pourquoi les pénalise-t-on? Pourquoi notre démocratie n'est pas assez ouverte? Je considère que c'est un vice fondamental de notre démocratie au Québec, comparativement à ce que le Parti québécois semble dire quand nous supprimons seulement, pour une période d'une année, le recensement qui n'est que la comptabilisation des électeurs. On n'enlève pas le droit de vote aux électeurs dans les 122 circonscriptions électorales. On dit tout simplement qu'on va le reporter à plus tard. La démocratie, c'est avant tout le respect du droit de vote pour chacun des individus. Le projet de loi 9 ne touche pas à ce principe fondamental.

Je vais vous souligner, Mme la Présidente, qu'à mon humble avis le Parti québécois, le parti de l'Opposition, s'est défilé face à ses responsabilités tout au cours de ses deux mandats précédents, jusqu'au 2 décembre 1985, c'est-à-dire de 1976 à 1985, en ne s'attaquant pas à corriger les vices fondamentaux qui sont reliés à l'exercice du droit de vote pour un individu. Qu'on se batte pour les vrais idéaux, j'en suis. Qu'on fasse les vrais débats, j'en suis. La preuve, je voudrais que ce débat se fasse sur le vote par procuration. Mais qu'on entretienne des combats stériles, enfantins, des débats accessoires sur des sujets accessoires qui ne sont pas fondamentaux en oubliant les vrais problèmes des Québécois et les droits fondamentaux des Québécois, je serai toujours contre l'attitude d'un parti, en l'occurrence, l'attitude du parti de l'Opposition, qui semble ne pas regarder, ne pas examiner et scruter avec beaucoup de circonspection les véritables problèmes des 6 400 000 Québécois.

Si on prenait seulement 1 000 000 $ dans les 12 000 000 $ et qu'on l'affectait, par choix politique, à augmenter la participation des citoyens du Québec au vote lors des prochaines élections générales... Un autre problème fondamental, c'est que, depuis 1976, le pourcentage de participation des Québécois aux élections a diminué d'environ 10 %. Peut-être que le Parti québécois, au lieu de claquer la porte tantôt, aurait dû commencer à se poser ces questions, suggérer des mesures positives pour améliorer la participation au scrutin. On devrait peut-être également modifier la Loi électorale pour créer un processus simple et contrôlé de vote par procuration pour permettre à toutes les catégories de personnes, aux dames Guindon, aux messieurs Samson de notre société de voter et d'avoir le droit effectif de vote quand se déroulent des élections générales. Si on pouvait consacrer à ces fins 1 000 000 $ ou 500 000 $ sur les 12 000 000 $ qu'on va économiser, on pourrait améliorer fondamentalement notre démocratie au Québec, contrairement à dépenser 12 000 000 $, alors que ce serait à refaire l'an prochain, avec un autre recensement.

Mme la Présidente, je pose la question à ceux qui nous écoutent: La Politique avec un grand "P", c'est de faire des choix, c'est prioriser. Que choisissez-vous? Faire un recensement inutile pour le moment, dépenser 12 000 000 $ pour un problème totalement accessoire ou si vous préférez que votre gouvernement s'attaque à redonner aux Québécois un droit fondamental

que 450 000 de nos concitoyens n'ont pas, en consacrant une partie des sommes qu'on va économiser pour permettre à 100 000, 125 000, 150 000 des 450 000 Québécois qui ne votent pas à cause d'une incapacité physique, parce qu'ils ne sont pas là, qu'ils ne peuvent pas se déplacer ou qu'ils sont en institution hospitalière? Quelle est votre réponse à cette question?

Je suis convaincu, irrévocablement convaincu, que les Québécois diront: Oui, nous voulons que notre gouvernement améliore la démocratie de fond et que, dans des débats totalement accessoires, il continue à se comporter comme il se comporte présentement avec ce projet de loi. C'est pour ces raisons, en pensant aux 450 000 Québécois qui sont dans l'une ou l'autre des catégories que je vous ai énumérées, Mme la Présidente, que je vais voter pour le projet de loi 9. Et je vais espérer, je vais faire un souhait. Mon souhait est le suivant: que l'on puisse, dans le plus bref délai, avant la prochaine campagne électorale, avec les sommes économisées, mettre en place le processus par lequel un vote par procuration pourrait s'exercer au Québec. Tant mieux, s'il y a 100 000 ou 125 000 Québécois de plus qui voteront à la prochaine campagne électorale. Je pense que le Parti libéral du Québec aura fait réellement son devoir et un acte de démocratie irréprochable. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Trois-Rivières.

M. Paul Philibert

M. Philibert: Merci, Mme la Présidente. C'est avec beaucoup de plaisir que j'interviens dans le débat sur le projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988. Ce projet de loi a pour objet d'annuler la tenue du recensement annuel des électeurs prévu par la Loi électorale pour l'automne 1988. Il prévoit, en conséquence certaines mesures supplémentaires applicables dans l'éventualité où la tenue d'une élection ou d'un référendum serait ordonnée avant la période prévue par la Loi électorale pour la tenue d'un autre recensement. (19 h 30)

Les élections ne sont pas pour demain. Cependant, la loi prévoit que, s'il devait y avoir des élections, il y aurait un recensement. Les élections ne sont pas pour demain parce que, aujourd'hui, nous avons assisté à un précédent, à un précédent pour le Québec j'entends, parce qu'il se vit dans un autre Parlement, celui du Nouveau-Brunswick. Et j'appellerai ce précédent, Mme la Présidente, le syndrome du Nouveau-Brunswick c'est-à-dire qu'il n'y a plus d'Opposition. L'Opposition s'est retirée. L'Opposition a décidé que son devoir était de bouder les citoyens et les citoyennes du Québec et prétend que s'abstenir de venir discourir à l'Assemblée nationale, c'est défendre l'intérêt des Québécois et des Québécoises.

Mme la Présidente, il est important de signaler l'attitude de l'Opposition dans le dossier qui nous occupe aujourd'hui. Au mois de février, comme les règles le prescrivent, le leader du gouvernement consulte l'Opposition et informe celle-ci que le recensement de 1988, il serait préférable de l'annuler par mesure d'économie et en s'inspirant de ce que le Parti québécois, alors qu'il était au pouvoir, avait fait en 1977, en 1978, en 1981, en 1982 et en 1983. Mme la Présidente, dans La Presse du mercredi 4 mai 1983: Économie de 18 000 000 $, pas de recensement encore cette année. Cette annonce, avec un ton triomphaliste, était faite par le ministre de la Justice d'alors et leader parlementaire du gouvernement et cela, avec le consentement de l'Opposition. L'Opposition, en formation politique responsable, avait accepté d'économiser la somme que je vous mentionnais tantôt, la somme de 16 000 000 $ ou 18 000 000 $, parce qu'elle était une Opposition responsable.

La première réaction du leader de l'Opposition a été celle de l'acceptation, de dire: Bien oui, M. le leader du gouvernement, nous allons accepter que le recensement soit annulé cette année; vos arguments d'économie et les précédents que nous avons créés lorsque nous étions au pouvoir nous amènent à dire, M. le leader du gouvernement, que vous avez raison. Mais un autre événement est arrivé, Mme la Présidente. L'événement de la grosse machine à deux vitesses, l'événement de l'élection d'un nouveau chef au Parti québécois. Celui-ci a dit à ses troupes: II y a assez longtemps que vous êtes en petite vitesse, il faut maintenant passer en grande vitesse et se servir de tous les leviers de l'appareil public pour faire la promotion de notre formation politique, pour faire l'animation de nos troupes, pour faire en sorte que notre armée, la défunte armée du Parti québécois, revive de ses cendres et redevienne cet ensemble de soldats qui vont faire la lutte pour nous. Donc, revirement, refus de l'Opposition d'annuler le recensement, d'où toute la procédure qui a suivi, et nous sommes ici maintenant.

Nous sommes ici maintenant pour dire à nos concitoyens et concitoyennes que le ton alarmiste qui a été pris, les gorges chaudes du leader de l'Opposition, c'est de là poudre aux yeux. C'est de la poudre aux yeux dans la mesure où ils nous ont dit cet après-midi que la démocratie au Québec était en train de disparaître, comme si, s'il n'y avait pas de recensement cette année, il ne pourrait plus y avoir d'élections, comme si, s'il n'y avait pas de recensement cette année, les électeurs à la prochaine élection ne pourraient pas voter, comme si, s'il n'y avait pas de recensement cette année, les droits fondamentaux des Québécois et des Québécoises seraient brimés.

Mme la Présidente, un recensement, il faut l'expliquer, c'est une démarche qui consiste, pour

le gouvernement et l'Opposition, pour l'ensemble politique que nous formons, les partis politiques à l'Assemblée nationale, à aller chercher de nos concitoyens et de nos concitoyennes, au nom du président des élections, et leur dire: II faut soumettre au président des élections vos noms pour faire le recensement, et le parti de l'Opposition fait de même.

Puis ces gens, dans une période de temps donnée, vont frapper à chaque porte de la circonscription électorale, par sections de vote, et vont prendre en note les noms de chacun des électeurs, de telle sorte qu'aux élections les gens pourront exercer leur droit de vote.

Mais, il n'y a pas de chicane dans les autobus, dans la population pour demander des élections. Il n'y a pas d'élections prévisibles dans un avenir prochain. Le projet de loi, d'ailleurs, comme le projet de loi sur les recensements et les réfendums, prévoit qu'avant une élection il y a un recensement, une révision.

Mme la Présidente, ces propos alarmistes de l'Opposition me laissent songeur. Est-ce que cela ne cacherait pas d'autres objectifs du Parti québécois? Tantôt, mon collègue de Mille-Îles disait que le Parti québécois, en 1975, faisait un prélèvement sur les revenus des recenseurs. Il faut dire que, pour le Parti québécois, cela pourrait être intéressant d'avoir un recensement cette année parce qu'un recenseur gagne un salaire de base, si vous voulez, d'environ 40 $ plus 0,40 $ par électeur. Alors, pour faire des chiffres ronds, s'il y a 200 ou 250 électeurs par section de vote, cela fait un montant de 80 $ à 100 $ plus les 40 $ de base, plus un autre montant de 20 $ pour assister aux réunions préparatoires. Cela fait entre 140 $ et 160 $ par recenseur.

Alors, j'ai l'impression que, compte tenu des difficultés qu'éprouve le Parti québécois à faire son financement, cette formule du prélèvement d'une somme d'argent à ses recenseurs est un moyen privilégié pour faire en sorte que, l'automne prochain, il puisse annoncer un succès dans la campagne de financement. Je crois que ce sont là les vrais motifs que cache cet entêtement du Parti québécois à vouloir faire un recensement cette année.

Bien sûr, le Parti libéral refuse de devenir l'instrument de la dilapidation des fonds publics. Mais ce que cela peut cacher également, c'est que le Parti québécois est en désarroi. L'organisation du Parti québécois est dans le désarroi le plus total. D'ailleurs, on en a eu l'illustration la plus éloquente cet après-midi, quand le leader de l'Opposition nous disait: Mme la Présidente, dans Anjou, c'est scandaleux, 3000 électeurs ne sont pas sur la liste électorale! Imaginez le scandale!

Mme la Présidente, il y eut un recensement dans Anjou. Lorsqu'il y a recensement, c'est bien sûr que des gens peuvent être absents quand le recenseur se présente à la porte de la maison. Mais il y a une autre démarche aussi suivant le recensement, c'est-à-dire la révision des listes électorales. Les partis politiques qui s'opposent à l'élection ont un devoir démocratique à exécuter. Ce devoir est de faire en sorte que les électeurs puissent faire ajouter, au bureau de dépôt, leur nom sur la liste électorale. (19 h 40)

Les libéraux, dans le comté d'Anjou, ont fait leur devoir. Mais c'est bien sûr qu'un parti politique va faire en sorte qu'on téléphone aux gens qui l'appuient pour les inviter a aller au bureau de dépôt mettre leur nom sur la liste électorale. Les libéraux, dans Anjou, ont fait leur devoir. Les libéraux, dans Anjou, ont fait en sorte que ceux qui appuient le Parti libéral puissent avoir leurs noms sur la liste électorale.

Mme la Présidente, si le Parti québécois n'a pas fait son devoir, si le Parti québécois, parce qu'il a négligé de se ressourcer en termes de programme, parce qu'il a négligé de faire de l'action politique depuis deux ans et demi, n'est plus capable d'avoir de bénévoles pour l'organisation de son élection et, donc, faire en sorte que ceux qui pourraient l'appuyer à l'élection d'Anjou puissent avoir leur nom sur la liste électorale, ce n'est pas la faute du Parti libéral, ce n'est pas la faute du gouvernement du Québec, mais c'est essentiellement sa faute.

Le Parti libéral va continuer à former le gouvernement, bien sûr, un gouvernement responsable, Mme la Présidente. Et, si nous avons depuis deux ans et demi assaini les finances publiques, si nous avons présenté un dernier budget qui nous a donné une image du Québec qui est celle d'un Québec sur la voie de la prospérité, si dans le budget nous avons pu donner 772 000 000 $ aux familles, si nous avons pu prévoir 60 000 places en garderies d'ici à cinq ans, si nous avons pu faire des dégrèvements d'impôt de 1 250 000 000 $ dans le dernier budget, c'est que nous avons fait une gestion serrée des fonds publics, c'est que nous avons évité la dilapidation des fonds publics.

Au chapitre de la dilapidation des fonds publics - c'est important de le souligner - le Parti québécois investissait, par exemple, dans les temps forts au moment du référendum, les campagnes de publicité "On s'attache au Québec", "Le Québec, j'y crois", le Québec ci, le Québec ça, cela a coûté, bon an mal an, de 15 000 000 $ a 20 000 000 $ par année d'escalade de publicité partisane pour le gouvernement du Parti québécois. En gestionnaires responsables, nous avons fait des ajustements rigoureux du budget, et c'est avec fierté que nous avons pu, lors de la présentation du dernier budget, présenter une image du Québec sur des assises financières très solides.

Il faut se rappeler qu'en 1985, lorsque nous avons pris le pouvoir, le déficit était d'au-delà de 4 000 000 000 $, alors que le déficit annoncé cette année est de 1 600 000 000 $, Mme la Présidente. Ces principes d'une saine gestion nous amènent également à annoncer dans le

budget, en termes de concurrence sur la base de la fiscalité avec l'Ontario, parce qu'on a dit que notre développement économique était difficile par rapport à celui de l'Ontario, à cause de la trop grande différence entre l'impôt du Québec et celui de l'Ontario, que nous sommes parvenus à prendre, à ramener cet écart de 9 % à 10 % qu'il était en 1985, pour les particuliers, à quelque 2 % et, pour les corporations, à 1 %. Ce sont toutes des réalisations qui ont été possibles parce que le gouvernement est un gouvernement responsable, parce que le gouvernement est un gouvernement qui refuse de faire de la dilapidation des fonds publics, parce que le gouvernement refuse de se servir des fonds publics à des fins partisanes, étroitement partisanes, mesquinement partisanes.

Mme la Présidente, si nous sommes ici pour discuter du projet de loi 9, c'est parce que nous avons la ferme conviction que ces principes que nous avons établis, nous devons y tenir comme à la prunelle de nos yeux. Ces principes que nous avons établis sont ceux qui vont permettre au Québec de progresser parce qu'ils vont nous permettre de continuer dans cet élan que nous nous sommes donné depuis 1985.

Mme la Présidente, si nous sommes ici ce soir, c'est que nous refusons de sacrifier, à l'autel de l'opportunisme politique, les principes de la bonne gestion que nous nous sommes donnés, c'est que nous avons décidé d'être des gestionnaires responsables et de ne pas nous laisser intimider par les cris alarmistes et opportunistes de l'Opposition. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Trois-Rivières. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Je dois vous mentionner, en ce qui me concerne, que je trouve cette journée bien triste pour le parlementarisme québécois. Dans ma longue expérience de parlementaire - bientôt quinze ans - il n'est jamais arrivé de situation comme celle que nous vivons ce soir. Il faut bien se le dire, Mme la Présidente, après avoir participé à des discussions destinées à bonifier un projet de loi, des discussions parfois très sérieuses entre nous, nous nous permettions d'être en désaccord avec certains projets de loi du gouvernement. Il est possiblement arrivé à des parlementaires, à l'Opposition d'alors de se retirer au moment du vote, mais après avoir expliqué clairement ses vues et les raisons pour lesquelles on ne voulait pas participer à un vote précis. Jamais au grand jamais, je n'ai vu de parlementaires assez peu responsables pour éviter complètement de discuter de la question. C'est à croire que l'Opposition a décidé de s'évaluer à sa juste valeur, c'est-à-dire de constater - qu'elle soit ici ou qu'elle n'y soit pas - que cela n'ajoute rien au débat. Cela ne vient pas ajouter quoi que ce soit de sérieux.

Cela a peut-être pris deux ans et demi à nos amis d'en face pour constater que, finalement, ils sont peut-être ici uniquement pour demander le quorum, uniquement pour être en mesure d'embêter les gens qui apportent des lois sérieuses et qui essaient d'administrer le Québec de façon sérieuse. C'est peut-être un constat que ces gens-là ont fait et que la population du Québec, finalement, avait fait déjà depuis un certain temps, depuis un bon nombre de mois.

C'est inquiétant de constater que des gens responsables, élus par une population, décident complètement de faire fi de leurs responsabilités. On ne sera jamais toujours d'accord à l'intérieur d'un Parlement. C'est bien évident que, si tous les projets de loi présentés par un gouvernement faisaient l'unanimité, il faudrait déjà se poser des questions sur la façon dont le parlementarisme est orienté. C'est évident. Mais, même si on n'est pas d'accord, je pense qu'il faut se le dire entre nous. Quand les gens sont ici et qu'ils sont élus par une population de façon sérieuse, ils sont ici pour essayer de bonifier un projet de loi, de le modifier ou d'y ajouter ou encore de mettre en garde un gouvernement qui décide d'agir. C'est le rôle d'une Opposition. Malheureusement, on n'a pas d'Opposition.

Cela ressemble un peu à ce que je fais, à chaque élection, dans mon propre comté. Je fais cela depuis que je suis en politique. Chaque élection, j'invite toujours mes adversaires à une assemblée contradictoire pour venir discuter avec moi, face au peuple, des différents problèmes, projets ou programmes de parti. Je me suis toujours retrouvé, depuis quinze ans, même à faire des invitations avec des chaises libres à côté de moi. C'est beaucoup plus facile, à ce moment-là, de leur poser des questions et de répondre à leur place. C'est beaucoup plus facile, mais pas tellement valorisant, cependant! C'est de cette façon qu'on est organisé, ce soir. Quand bien même on voudrait leur poser des questions et dire "essayez donc de nous donner des idées"... C'est à croire qu'ils n'ont pas d'idée. S'ils avaient eu de bonnes idées, ils seraient restés ici au moins pour nous les souligner, pour nous les dire. S'ils avaient eu des choses intéressantes et sérieuses à nous dire, ils auraient au moins espéré que ce soit colligé au Journal des débats pour tâcher de dire ensuite à leur population: Regardez, j'ai fait une suggestion intéressante.

Ce n'est même pas un déluge de mots dans un désert d'idées, c'est une absence complète et totale.

Une voix: Le néant.

M. Picotte: Pour quelles raisons? Je ne le sais pas. Pour quelles raisons doivent-ils être au parlement, ce soir, et sont-ils ailleurs? Est-ce

qu'ils vont refuser une partie de leur paie parce qu'ils n'ont pas été ici pour discuter d'un projet de loi intéressant et important? (19 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Picotte: Cela viendrait s'ajouter aux 12 000 000 $ à être économisés, Mme la Présidente. Mais la vérité est comme ça et c'est dommage pour la démocratie, parce que, pour n'importe quelle situation beaucoup plus sérieuse et importante, à mon point de vue, on pourra s'absenter de n'importe quelle façon. Il y a des choses beaucoup plus fondamentales que celle de réaliser un recensement qui pourraient décider l'Opposition à sortir. Ce n'est pas une question de fond que de faire un recensement ou pas.

Ils devraient être heureux, en supposant même que l'on déclencherait des élections avant la date prévue, pour au moins une raison, Mme la Présidente. Vous savez qu'on va allonger le temps pour l'élection s'il faut faire un recensement, parce qu'il n'a pas été fait. Il serait peut-être important dans la conjoncture actuelle que ces gens-là aient quinze jours, trois semaines de plus pour se faire réélire s'ils ne veulent pas disparaître complètement.

Ce serait peut-être important. Ces trois semaines-là, c'est peut-être cela qui fera en sorte de sauver quelques têtes, effectivement, quelques sièges, Mme la Présidente. C'est peut-être un élément important. Ils pourront peut-être nous remercier de leur permettre d'avoir un peu plus de temps pour faire leur élection à cause du recensement. Il n'y a pas de miracle à cela. Quand l'Opposition essaie de faire accroire aux gens qu'on est là pour bien informer la population lors d'un recensement, c'est ne pas savoir du tout ce qui se passe. Ce qui se passe, c'est facile. Le Directeur général des élections demande à chacun des partis de fournir une personne pour faire le recensement et il leur dit: Pour une période de quinze jours, trois semaines, vous devrez faire abstraction de toute partisa-nerie politique. Vous prêtez serment et vous laissez vos cartes de membre chez vous, à la maison. C'est ce qui se passe. Cela reste un libéral et un péquiste qui se promène dans le chemin pour aller chercher des noms et, comme ils ont fait serment de ne pas parler, dès qu'on leur pose une question, ils en disent le moins possible, parce qu'ils ne doivent pas être partisans.

À quoi servirait-il de faire un recensement, de dépenser 12 000 000 $, sinon à faire ce qu'ils ont fait? Ils l'ont fait chez nous et partout au Québec. On ne peut pas être recenseur du Parti québécois, nommé par le Parti québécois via le Directeur général des élections, sans donner en partie ou en totalité le montant du chèque versé au recenseur. On l'a fait chez nous, j'ai vérifié. On l'a tellement fait chez nous, Mme la Présidente, que, comme H manquait des personnes pour faire le recensement du côté du Parti québécois, ce sont des libéraux qui l'ont fait à leur place. On a même demandé aux libéraux: Est-ce que vous voulez remettre votre chèque au Parti québécois? On a même demandé ça aux libéraux qu'on a fournis chez nous. Cela s'est fait. Est-ce que ce ne serait pas une occasion, comme le dit mon collègue, d'aller cueillir 200 $ ou à peu près, multipliés par le nombre de 1000 recenseurs, versés à la caisse du Parti québécois? Est-ce cela la démocratie? Est-ce que c'est sur ça qu'on doit se guider, quand on essaie de faire accroire, comme ce parti-là l'a fait durant dix ans, que c'est lui qui a inventé la démocratie au Québec?

À écouter les discours de ces gens-là durant neuf ans, Mme la Présidente, on était presque gêné d'avoir été élu démocratiquement dans l'Opposition. C'est curieux. Ils ont essayé de nous donner des leçons de démocratie sur toutes les coutures, Mme la Présidente, de toutes les façons, en disant qu'eux seuls possédaient des vérités démocratiques. Pourtant, si on avait gratté comme il faut, on se serait rendu compte que, parfois, la démocratie servait dans leur cas à garnir une caisse électorale difficile à remplir. Nous n'avons pas besoin de payer les gens par des postes de recenseurs chez nous pour avoir des bénévoles pour aller faire une campagne de financement de porte à porte, comme cela se fait chez nous avec des campagnes populaires. On n'a pas besoin de promettre à personne d'avoir un recensement cet automne et de lui dire: Ferais-tu notre campagne de financement?

C'est la réalité, Mme la Présidente, c'est comme ça que les gens d'en face ont pensé et c'est probablement la raison pour laquelle vous n'entendez pas M. Parizeau, le chef du Parti québécois, au moment où l'on se parle, ni condamner, ni approuver leur attitude, parce que lui-même, sachant que c'était une dépense inutile, aurait l'air bête d'aller se prononcer en faveur d'un recensement bidon à ce moment-ci et qui coûte 12 000 000 $ aux Québécois et aux Québécoises, à même leurs taxes. Par contre, désavouer les gens qui seraient censés être en face ce soir, ce n'est pas drôle encore pour un chef de parti qui cherche par tous les moyens à les unifier quand, malgré tout, ils ne veulent pas s'unifier.

C'est la réalité, Mme la Présidente. C'est exactement comme cela que cela se passe, malheureusement. C'est la démocratie des gens d'en face, de ceux qui nous ont donné des leçons durant des années. C'est la démocratie des gens d'en face qui nous disaient, quand ils ont proposé ce qu'il y a de plus intéressant, et je le dis, comme mode de financement des partis politiques... C'est une loi très intéressante dont la paternité revient à M. René Lévesque. C'est une loi qu'il fallait passer au Québec. Mais combien de fois j'ai entendu ces gens dire, quand je me promenais en arrière du trône ou que j'allais dans les petites salles: Vous ne serez pas capables vous, les libéraux, de faire du finance-

ment comme cela. On espérait, à ce moment-là, qu'il n'y ai plus beaucoup de partis au Québec qui soient capables de le faire, à part eux qui avaient inventé la formule.

C'est curieux, c'est très curieux comme résultat. Cela démontre que nous n'avons pas eu besoin de cela pour engraisser la caisse électorale d'un parti politique. Je dois vous dire que je me questionne drôlement non pas sur leur attitude - parce que des attitudes irresponsables, ce ne serait pas la première fois que le Parti québécois en aura eu en cette Chambre - mais là où je me questionne beaucoup, c'est que cela aurait été beaucoup plus facile pour mon collègue, le ministre délégué à la Réforme électorale, de dire oui à un recensement. Il n'y a rien de plus facile que cela. C'est toujours plus facile aussi, quand on est un gouvernement ou quand on est un ministre, de dire oui à toutes les demandes qui nous sont faites.

Il faudra se rappeler que le Parti libéral du Québec a été élu en prônant une bonne gestion de la chose publique, en prônant aussi une diminution du déficit, en faisant en sorte que des Québécois qui n'étaient plus capables de payer de l'impôt additionnel, qui n'étaient plus capables d'être taxés de façon additionnelle, puissent aussi avoir une qualité de vie intéressante. C'est l'effort que le gouvernement a fait depuis deux ans et demi. Comment aurait-on pu offrir un budget aussi intéressant que celui de mon collègue des Finances si on n'avait pas, comme gouvernement, économisé sur des détails qui n'étaient pas essentiels et importants, sur des dépenses qui ne mettaient pas en péril quoi que ce soit.

Ces 12 000 000 $ n'est-il pas plus important qu'ils servent aux familles du Québec, qu'ils aident nos maisons de jeunes, qu'ils aident dans le domaine social, que de servir à un recensement qui, à toutes fins utiles, ne change rien puisqu'il devra y en avoir un autre? C'est la question qu'il faut se poser. Si on avait administré de la façon dont ces gens administraient, sans considération, sans faire en sorte que des économies soient faites aux bons endroits, on aurait été obligés de faire ce que ces gens-là ont fait. Heureusement, la crise économique les a un peu servis de ce côté-là. On a inventé la crise économique, la pire crise de l'histoire. La crise économique aurait été pas mal moins pire si, durant leurs neuf ans d'administration, ces gens avaient été prévoyants, sans faire de dépenses inconsidérées, inutiles parfois. (20 heures)

On approche de la fête nationale des Québécois. Rappelons-nous, tout le monde ensemble, on était inondés de drapeaux du Québec par l'ancienne administration. Je l'aime mon drapeau. Effectivement, j'en ai deux chez moi. J'en ai trois: un du Canada et deux du Québec, parce que cela ne me gêne pas de mêler la feuille d'érable à la fleur de lys. On disait: Ce n'est pas dispendieux un drapeau du Québec, c'était 25 $ à 30 $ dans le temps. C'était 25 $ à 30 $ multipliés par X milliers d'exemplaires parce qu'on fêtait la fête nationale des Québécois. Vous allez me dire que c'est un détail, mais si on peut donner une politique familiale, si on peut offrir des avantages à la famille aujourd'hui, c'est parce qu'on a fait de petites économies sur les drapeaux du Québec, de plus grosses économies dans d'autres domaines et qu'on a pu épargner des 12 000 000 $, comme ceux-là qui ne méritent pas d'être dépensés au moment où on le fait et qui n'ajoutent rien à la qualité démocratique des Québécois et des Québécoises, qui ne viennent améliorer en aucune façon la démocratie au Québec. Ce n'est pas parce qu'on se retrouve avec un recensement bien fart qu'on améliore la démocratie. Il y a encore beaucoup de choses à faire dans ce domaine.

J'écoutais mes collègues qui rapportaient des faits venant du Parti québécois, qui disait: Écoutez, il n'y a pas eu de recensement, regardez dans Anjou, il y a 3000 électeurs qui ne sont pas recensés. Ce n'est pas nouveau, on a eu d'autres recensements. Depuis que je suis au monde et depuis que je m'occupe de politique, il y a toujours des gens qui m'ont dit, le jour d'un scrutin: Qu'est-ce que cela veut dire que je ne suis pas sur la liste? Cela, c'est la responsabilité de bien des gens. D'abord, on n'aura jamais assez de recenseurs pour courir les rues à longueur de journée pour tâcher d'avoir tout le monde. Cela n'arrivera pas, à moins qu'on ne décide de faire un recensement qui dure trois ou quatre mois, et que les gens y retournent cinq, six ou sept fois. On n'aura jamais cela.

D'autre part, on n'aura jamais suffisamment de gens dans chaque formation politique pour vérifier les listes et dire: M. Untel n'a pas été oublié et Mme Unetelle l'a été. Non, on n'aura jamais assez de bénévoles pour cela. Les citoyens ont un autre droit et devoir, c'est celui de partir, comme citoyens responsables... Quand il y a une élection chez nous, que ce soit au niveau municipal ou ailleurs, je vais vérifier si mon nom est sur la liste électorale, même quand arrive des élections provinciales. Je ne me fie pas au fait que je peux être connu, je ne me fie pas au fait que des gens sont passés chez moi, je ne me fie pas à quoi que ce soit, je vais vérifier si mon nom est sur la liste. Cela aussi, c'est l'obligation d'un électeur. Il ne faut pas blâmer qui que ce soit parce qu'on ne retrouve pas son nom sur la liste. La première personne à blâmer, c'est celle qui n'a pas pris la peine de vérifier si son droit de vote avait été respecté lors d'une élection, si son nom était sur la liste. C'est elle, la première personne à condamner. La deuxième, on peut bien dire que les bénévoles et les partis politiques n'ont pas été assez vigilants pour voir cela. Et la troisième, il ne faut surtout pas dire que le recensement n'a pas duré assez de temps. Voyons donc!

Bien sûr, si ces gens ont de tels arguments, ils sont mieux de ne pas être ici ce soir. Bien

sûr, si ces gens ont des arguments très faibles et très pauvres, il vaut mieux qu'ils ne soient pas inscrits au Journal des débats. Il vaut mieux que rien n'apparaisse à leur nom, cela évite de constater qu'ils ont dit des bêtises ou qu'ils ont dit des choses inconsidérées. De même, on ne pourra rien leur reprocher, sauf de ne pas avoir pris leurs responsabilités.

Moi, comme citoyen - je termine là-dessus, M. le Président, parce que je sais que mon temps est écoulé - comme député représentant une circonscription électorale, représentant des électeurs qui m'ont fait confiance, la seule chose que je n'aimerais pas me faire reprocher, c'est de ne pas avoir été assis ici lors d'une discussion importante touchant tous mes électeurs, de ne pas avoir pris mes responsabilités. Il n'y a pas de plus grand mépris que les gens pourraient me montrer que de me dire: On t'a élu pour que tu prennes tes responsabilités, tu as évité de les prendre. C'est malheureusement le lot des gens d'en face, ils sont malheureusement trop nombreux pour ne pas prendre leurs responsabilités. Je sais qu'ils seront jugés sévèrement, M. le Président, parce que, quand on représente une population, quand on a la confiance de quelque 40 000 électeurs, s'il y a une qualité qu'on doit avoir, la seule, peut-être, c'est d'être responsable. Alors, tant pis pour ces irresponsables de l'Opposition, du Parti québécois, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole de M. le ministre délégué à la Réforme électorale, pour son droit de réplique.

M. Michel Gratton (réplique)

M. Gratton: Merci, M. le Président. Évidemment, en réplique, je ne voudrais pas passer sous silence la contribution de mes collègues libéraux qui sont intervenus, notamment le député de Fabre qui a voulu imager l'objectif du projet de loi lorsqu'il a fait allusion au coût de 12 000 000 $ pour les 4 000 000 d'électeurs et qu'il en a conclu que de tenir le recensement que le projet de loi 9 propose d'abolir, c'était tout simplement de prendre 3 $ à chacun de ces électeurs et de les jeter par la fenêtre, de les jeter au panier. Il a tout à fait raison, M. le Président, et c'est, essentiellement, la principale raison pour laquelle nous avons cru nécessaire de procéder comme on l'a fait pour annuler ce recensement, strictement pour éliminer une dépense inutile et fort importante de 12 000 000 $.

Je remercie le député de Taschereau d'avoir expliqué sa participation aux travaux du conseil consultatif hier et pour avoir clairement rétabli les faits quant au consensus qui n'a pas été établi au conseil consultatif sur la proposition de rechange qui, je le répète, avait été faite fort habilement et de bonne foi et de bon aloi par le Directeur général des élections. Mais je remercie le député de Taschereau, comme membre du conseil consultatif, d'avoir clairement indiqué comment les choses se sont passées, quelles étaient les réserves qui avaient été exprimées et, pour démentir formellement les affirmations du leader de l'Opposition et du député de Gouin qui n'étaient même pas présents à la réunion du conseil consultatif, quant à ce consensus qui aurait été arrêté et qui aurait été renié par le caucus des députés libéraux.

Je veux dire également au député de Mille-Îles que ses inquiétudes quant à ces catégories de citoyens qui effectivement, à la dernière élection, n'ont pas réussi à exercer leur droit de vote, les personnes âgées, les personnes absentes, les Québécois hors Québec, font justement l'objet d'études et de considération par le comité de parlementaires que nous avons mis sur pied pour procéder à la révision de la Loi électorale, comité de parlementaires où l'Opposition, fidèle à son habitude, a décidé de ne plus se présenter depuis deux semaines. J'ai déjà indiqué que je souhaitais que l'Opposition se ravise dans les meilleurs délais pour que nous puissions continuer le travail fort bien amorcé à partir d'un document très bien préparé par le Secrétariat à la réforme électorale. J'ose espérer que, dans les prochains jours, les prochaines semaines ou, tout au moins, en août prochain, en commission parlementaire, nous serons en mesure de formuler des éléments de solution aux problèmes que le député de Fabre a soulevés à l'égard de ces catégories de citoyens qui ne réussissent pas toujours à exercer leur droit fondamental de voter.

Je voudrais également souligner la pertinence des propos du député de Trois-Rivières qui a posé des questions fort pertinentes, je le répète, quant aux intentions du Parti québécois, intentions qu'ils tentent de masquer par cet acharnement à préserver coûte que coûte un recensement qui, devons-nous le répéter, se révélera sûrement inutile. Et le député de Mille-Îles et le député de Trois-Rivières ont donné des exemples de ce qui s'est fait dans le passé au Parti québécois où on a mis à contribution, où on a exigé des personnes recommandées par le parti pour agir comme recenseurs la remise d'une partie de leur rémunération au Parti québécois à titre de contribution financière. Il faut se poser la question, M. le Président, si ce n'est pas là la vraie raison de l'acharnement du Parti québécois à refuser d'annuler le recensement, annulation à laquelle il avait pourtant souscrit en février dernier. (20 h 10)

Évidemment, je souscris volontiers aux propos du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a dénoncé, comme mon collègue de Frontenac, le leader adjoint du gouvernement, ce manque de responsabilité de l'Opposition qui, plutôt que de faire face à ses obligations, de faire valoir les intérêts des citoyens qu'elle représente ici à l'Assemblée nationale, a préféré abdiquer et tout simplement s'absenter du débat.

D'ailleurs, je partage d'emblée cette évalua-

tion du ministre et du député de Trois-Rivières, à savoir que c'est justement le genre de gestion serrée des fonds publics depuis l'élection du 2 décembre 1985 qui a permis au ministre des Finances, le mois dernier, de présenter ce genre de budget, ce genre de discours sur le budget dans lequel non seulement il a réduit et ramené à une taille acceptable le déficit de la province, mais également il a pu réduire les impôts, tout en faisant profiter les citoyens du Québec et surtout les familles des bénéfices et des avantages que contient ce discours sur le bugdet. On ne peut pas, M. le Président, présenter un discours sur le budget, comme l'a fait le ministre des Finances il y a un mois, sans avoir au préalable resserré la gestion des fonds publics. Ce resserrement de la gestion des fonds publics passe, entre autres, par la suppression de dépenses inutiles comme celle qu'exigerait à l'automne prochain la tenue d'un recensement qui ne servirait à absolument rien d'autre qu'à servir les intérêts des partis politiques.

M. le Président, normalement en réplique, on doit répondre aux arguments de nos opposants. Évidemment, puisqu'ils ont abdiqué et qu'ils ne sont pas là, force m'est de constater que je ne peux soulever des observations ou des arguments énoncés par l'Opposition officielle. Mais je ne sais si l'Opposition pensait qu'on ne mettrait pas la main sur un communiqué de presse qui a été émis par l'Opposition officielle, dont la source est M. Claude Beaulieu, directeur des communications de l'aile parlementaire du Parti québécois, via l'agence Telbec. On y lit ce qui suit: Vous trouverez ci-joint les notes du leader de l'Opposition officielle et député d'Abitibi-Ouest, M. François Gendron, pour une déclaration concernant l'annulation du recensement électoral prévu pour octobre prochain. Je vous fais grâce de la lecture exhaustive, M. le Président, mais j'en lirai quelques paragraphes seulement.

On y lit: Pour garantir le bon fonctionnement de l'appareil administratif électoral, notamment pour ce qui est des nombreux directeurs du scrutin nouvellement affectés... M. le Président, j'ouvre une parenthèse: les nombreux directeurs du scrutin affectés sont au nombre d'une quinzaine sur 125. Je reprends la lecture: Pour renseigner les citoyens et les citoyennes sur les nouvelles délimitations de leur comté... Ouverture de la parenthèse: on a répondu à cet argument en disant qu'il n'appartient pas à des recenseurs recommandés par les partis politiques de faire de l'information soi-disant neutre; la Loi sur la représentation électorale crée une obligation à la Commission de la représentation électorale de procéder à la diffusion de ces informations et ce n'est pas en tenant un recensement de 12 000 000 $ qu'on va améliorer les choses. Je reprends la lecture, M. le Président: Pour s'assurer que le recensement soit fait dans des conditions qui évitent la bousculade et garantissent le droit de vote à tous les citoyens du Québec... Cela ne s'applique absolument pas. J'ai déjà indiqué que le meilleur recensement possible, celui qui assure le mieux l'exercice du droit de vote du plus grand nombre de citoyens, c'est justement de tenir un recensement pendant une campagne électorale au moment où les citoyens savent que le recensement va servir à quelque chose, au moment où les citoyens sont sensibilisés à la nécessité de se faire inscrire sur une liste électorale et, donc, cela s'applique beaucoup moins dans le cadre d'un recensement comme celui que nous abolissons par le projet de loi 9. Pour toutes ces raisons - je continue la lecture - un recensement s'impose cette année.

On y lit également ce qui suit: Le leader du gouvernement, ministre délégué à la Réforme électorale et responsable de l'application de la Loi électorale, M. Michel Gratton, invoque un seul argument pour justifier son procédé abusif. Selon lui, l'Opposition a retiré un accord que nous lui aurions déjà donné. Son argument ne tient pas. Sitôt connue l'ampleur des modifications à la carte électorale, nous avons informé M. Gratton que, cette année, il n'avait pas l'approbation de l'Opposition officielle pour procéder à une nouvelle annulation du recensement électoral, comme le permettait la règle de la double majorité. C'était le 29 mars dernier.

M. le Président, il ne s'agit pas d'une parole prononcée en l'air. C'est écrit en toutes lettres. Le leader de l'Opposition prétend que c'était le 29 mars dernier, après avoir connu l'ampleur des modifications à la carte électorale, qu'il m'a informé qu'il retirait sa parole donnée, à l'effet qu'on pouvait procéder, avec son consentement, à annuler le recensement. M. le Président, je le dis en regardant la caméra: Cette affirmation est d'une fausseté complète.

Le 11 février 1988, on en a fait état - le leader adjoint du gouvernement, le député de Frontenac, en a même lu des extraits - j'avais avisé le Directeur général des élections de l'assentiment de l'Opposition pour annuler le recensement. C'était le 11 février 1988. Sauf erreur, les 2 et 3 mars, il y avait caucus des députés du Parti québécois. C'est au lendemain de ce caucus que le leader de l'Opposition m'a avisé que le caucus avait changé sa décision et qu'en consultation avec les membres du caucus et la direction du Parti québécois, notamment le directeur général du parti d'alors, M. Alain Marcoux, ex-député de Rimouski, le 3 mars, on avait décidé de ne pas entériner l'engagement pris par le leader de l'Opposition.

C'est donc une fausseté que de prétendre, dans ce communiqué Telbec, que c'était le 29 mars dernier, au moment où on a constaté l'ampleur des modifications à la carte électorale, qu'on a changé d'idée du côté de l'Opposition. En fait, au moment où l'Opposition a changé d'idée en caucus, au début de mars, l'ampleur des modifications à la carte électorale n'était pas encore connue puisque le rapport intérimaire n'a été déposé que le 15 mars, soit douze jours plus

tard, et que le rapport final qui pouvait vraiment permettre à quiconque de conclure quoi que ce soit n'a été connu que le 20 ou le 25 mai.

Donc, quand on refuse de participer à un débat, quand on abdique devant ses responsabilités de faire valoir ses arguments au vu et au su de tous, ici à l'Assemblée nationale, et qu'en revanche on prépare des communiqués de presse, à l'intention des journalistes, remplis de ce genre de faussetés aussi graves, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on peut se poser toutes sortes de questions sur le sérieux - et je pèse mes mots de façon à ne pas manquer à l'éthique parlementaire, mais parlons d'un manque de sérieux - le manque de responsabilité de l'Opposition.

M. le Président, à défaut de pouvoir compter sur une Opposition officielle responsable, je l'ai dit, le gouvernement se doit, lui, d'être responsable. Le gouvernement, pour être responsable, ne peut pas accepter de dilapider des fonds publics à des fins strictement partisanes, de faire payer aux citoyens et contribuables du Québec l'organisation des partis politiques en sus de ce que l'État donne déjà et qui se chiffre à quelque 3 000 000 $ annuellement. (20 h 20)

C'est pour cela, et uniquement pour cela, que nous avons procédé comme nous l'avons fait, que je persiste à croire que l'Assemblée nationale se doit d'adopter d'abord le principe du projet de loi 9 pour ensuite procéder, selon la motion de suspension des règles que nous avons votée précédemment, à faire franchir les autres étapes du projet de loi de façon qu'en fin de compte on évite cette dépense inutile, importante aux contribuables québécois, tout en maintenant la certitude que l'exercice de ce droit fondamental de voter ne sera compromis en aucune façon.

M. le Président, je dirai tout simplement, en terminant, que, si, ce soir, nous nous retrouvons devant des banquettes vides du côté de l'Opposition, il me semble que les membres de l'Opposition actuelle devraient y penser deux fois car, à force de refuser d'agir de façon responsable, c'est peut-être la population qui, aux prochaines élections, décidera que nul d'entre eux ne mérite de siéger ici à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président: Le débat étant clos, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988, présentée par le ministre délégué à la Réforme électorale est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, tel que le prescrit la motion de suspension des règles, je fais motion pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi 9.

Le Vice-Président: La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. En conséquence, l'Assemblée nationale se transforme maintenant en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi 9.

Commission piénière Étude détaillée

M. Saintonge (président de la commission plénière): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission plénière se réunit maintenant pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre délégué à la Réforme électorale pour des remarques préliminaires, s'il en a.

M. Gratton: M. le Président, je pense bien que les remarques préliminaires, considérant que nous avons fait le même débat trois fois maintenant, seraient superflues. Je signale simplement que l'article 1 se lit comme suit: "Le recensement annuel prévu par la Loi électorale n'a pas lieu en 1988". C'est le coeur du projet de loi, et je propose que l'article 1 soit adopté.

Le Président (M. Saintonge): Très bien. J'appelle, en fait, l'article 1 pour être dans les formes. L'article 1 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Saintonge): Adopté. J'appelle l'article 2. M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, l'article 2 comporte deux dispositions. Dans un premier temps, on y lit: "Si un décret ordonnant la tenue d'une élection ou d'un référendum est pris entre le 30 juin 1988 et le 1er juillet 1989, un recensement a lieu pendant la période électorale ou référendaire en vue de la confection et de la révision de la liste électorale, conformément à la Loi électorale ou, le cas échéant, à la Loi sur la consultation populaire." C'est dire que pour toute élection qui serait déclenchée entre le 30 juin 1988 et le 1er juillet 1989, c'est la disposition qui oblige la tenue d'un recensement préalable à la tenue de cette élection générale ou du référendum, s'il y a lieu.

Le deuxième paragraphe se lit comme suit: 'Toutefois, lorsqu'une élection ou un référendum est ordonné à la suite d'un scrutin général

ordonné et tenu après le 30 juin 1988, il n'y a pas lieu de procéder à un recensement; les listes électorales qui sont révisées sont celles qui ont servi lors du scrutin précédent." Évidemment, il s'agit là de prévoir, à la suite d'une élection générale qui serait déclenchée au cours de cette période et qui serait suivie d'une élection partielle ou d'un référendum, qu'on ne doive pas procéder à un nouveau recensement, compte tenu que le recensement a déjà eu lieu.

Finalement, la dernière phrase: "II en est de même lorsqu'une élection partielle est ordonnée dans une circonscription électorale dans laquelle une élection partielle a été ordonnée et tenue après le 30 juin 1988". C'est évidemment pour prévoir qu'on ne doive pas procéder à un deuxième recensement lorsque, de façon probablement très exceptionnelle, on doit procéder à une élection partielle après une première élection partielle dans un comté donné, c'est-à-dire justement de ne pas faire de recensement inutile.

Le Président (M. Saintonge): Est-ce que l'article 2 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Saintonge): Adopté. J'appelle maintenant l'article 3. M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, l'article 3 se lit comme suit: "Le scrutin a lieu le septième lundi qui suit la prise du décret visé à l'article 2 si le décret est pris un lundi, un mardi ou un mercredi; dans le cas où le décret est pris un autre jour, le scrutin a lieu le huitième lundi." Essentiellement, il s'agit d'allonger la période électorale d'une semaine, justement pour prévoir la tenue d'un recensement dans le cas qui nous préoccupe.

La dernière phrase: "Si le jour du scrutin tombe un jour férié, il a lieu le lendemain", je pense que ceia s'explique de soi.

Le Président (M. Saintonge): Alors, est-ce que l'article 3 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Saintonge): Adopté. J'appelle maintenant l'article 4.

M. Gratton: L'article 4, M. le Président, c'est l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire à la date de sa sanction.

Le Président (M. Saintonge): Est-ce que l'article 4 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Saintonge): Adopté. Est-ce que le titre du projet de loi 9 est adopté? Des voix: Adopté.

Le Président (M. Saintonge): Adopté. Est-ce que l'ensemble du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Saintonge): Adopté. Ceci met donc fin au mandat de la commission pténière.

Je demanderais aux personnes-ressources qui accompagnent le ministre de bien vouloir quitter l'enceinte de l'Assemblée afin que je puisse faire rapport à la présidence.

M. Saintonge (président de la commission piénière): Mme la Présidente, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission piénière a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988, et l'a adopté.

La Vice-Présidente: Est-ce que le rapport est adopté?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Adoption

M. Gratton: Mme la Présidente, je pense bien qu'il est inutile de répéter ce que nous avons déjà eu l'occasion de dire à au moins cinq reprises, soit le 23 mars, au moment où nous avons débattu la résolution préalable qui était prévue à l'article 37 de la Loi sur la représentation électorale, soit la semaine dernière, au moment de la suspension des règles de pratique ou au moment de l'adoption du principe du projet de loi 23 qui modifiait justement le deuxième paragraphe de l'article 27, soit cet après-midi au moment des mêmes étapes pour le projet de loi 9.

M. le Président, je dirai simplement que ce n'est pas..

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, juste un instant. Je voudrais simplement mentionner que j'imagine que vous présentez la motion d'adoption du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988.

M. Gratton: Oui.

Le Vice-Président: C'est bien cela? Très bien.

M. Gratton: C'est ce que je pensais avoir

commencé à faire, M. le Président. D'ailleurs, je terminais.

Je voudrais terminer simplement en disant ceci. Ce n'est pas une situation que je considère comme idéale que de procéder en l'absence de l'Opposition officielle. Je dirai, M. le Président, et je vous prends à témoin, puisque vous étiez là pendant un certain temps, que j'ai été moi-même membre de l'Opposition officielle pendant neuf ans, des années que j'ai trouvées parfois très longues. Vous confirmerez sans doute, M. le Président, que plusieurs fois comme membres du caucus libéral, alors que nous étions dans l'Opposition, nous avions suggéré et même plaidé pour que l'Opposition se retire de l'Assemblée nationale pour manifester son désaccord d'avec les propositions du gouvernement qui, à l'époque, était formé par le Parti québécois. Jamais, nous n'avions consenti finalement à abdiquer nos responsabilités, puisque nous étions peut-être mieux servis que l'Opposition actuelle par l'expérience et le jugement de parlementaires aguerris, comme le député de Bonaventure, comme le chef du Parti libéral d'alors, le député d'Argenteuil aujourd'hui. Mais, jamais l'Opposition libérale n'a abdiqué ses responsabilités, n'a pris la fuite devant des propositions sur lesquelles elle n'était pas d'accord. Le moins que l'on puisse dire, M. le Président, il y en a eu plusieurs mesures que ce gouvernement péquiste a présentées sur lesquelles nous n'étions pas d'accord et auxquelles nous ne souscrivions pas.

Mais, il nous semblait alors et il nous semble toujours que la responsabilité d'un élu est d'abord à l'égard des électeurs de son comté, des électeurs du Québec. Sa responsabilité n'est pas de mettre les intérêts partisans, les intérêts de son parti, ses intérêts en tant que député, en tant qu'individu, devant l'intérêt des électeurs. M. le Président, je suis obligé de constater ce soir que cette fuite de l'Opposition officielle est le reflet parfait de gens qui mettent justement leur intérêt partisan devant l'intérêt des citoyens et je laisse le soin à la population de juger ce comportement le moment venu.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Le débat étant terminé, est-ce que la motion d'adoption du projet de loi 9, Loi sur le recensement des électeurs en 1988, présenté par le ministre délégué à la Réforme électorale, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je propose l'ajournement de nos travaux à demain, 10 heures.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement de nos travaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Par conséquent, cette Assemblée ajourne ses travaux qui reprendront demain, le jeudi 9 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 34)

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