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(Dix heures douze minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Présence de l'ambassadeur du Venezuela
Avant de procéder aux affaires courantes, ce matin, j'ai le
très grand plaisir de souligner la présence dans la tribune de
l'ambassadeur de la république du Venezuela, Son Excellence M. Gilberto
Carresquero. Vous êtes le bienvenu.
Aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, alors, M. le Président, je vous prierais
d'appeler l'article a du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 43
Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la
ministre des Affaires culturelles présente le projet de loi 43, Loi sur
la Bibliothèque nationale du Québec. Mme la vice-première
ministre.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, ce projet de loi a pour objet
de constituer en corporation la Bibliothèque nationale du Québec.
Ce projet prévoit que la bibliothèque sera un mandataire du
gouvernement et qu'elle sera administrée par un conseil d'administration
dont les membres seront nommés par le gouvernement. La
bibliothèque aura pour fonctions de rassembler, de conserver, de
diffuser le patrimoine documentaire québécois publié et
les documents qui s'y rattachent, ainsi que les documents relatifs au
Québec et publiés à l'extérieur du Québec.
Elle recevra également le dépôt de tous les documents
publiés par un éditeur, ou par une personne ou un organisme qui
assume la responsabilité de la production de documents publiés,
et ce, conformément aux règlements établis par le
gouvernement.
Le projet comporte, à cet égard, des dispositions
pénales exposant les contrevenants à des amendes. Ce projet de
loi accorde au ministre des Affaires culturelles le pouvoir de désigner
une personne pour vérifier si les dispositions de la loi et des
règlements sont observées par la bibliothèque ou pour
enquêter sur la gestion ou les activités de la
bibliothèque. Le ministre a également le pouvoir de donner
à la bibliothèque des directives portant sur ses orientations, et
toute directive devra être approuvée par le gouvernement et
déposée à l'Assemblée nationale.
Enfirç, ce projet prévoit que le personnel à
l'emploi de la Bibliothèque nationale sera régi par la Loi sur la
fonction publique.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir de ce projet de loi 43?
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement,
est-ce qu'il y a d'autres présentations de projets de loi?
M. Gratton: Non, M. le Président.
Le Président: Dépôt de documents. M. le
ministre des Finances.
Rapport annuel de Loto-Québec
M. Levesque: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le 18e rapport annuel, 1987-1988, de Loto-Québec.
Le Président: M. le ministre, votre document est
maintenant déposé. M. le ministre de la Justice.
Avant-projet de loi portant réforme au Code
civil du Québec
du droit de la preuve et de la prescription et du
droit international privé
M. Marx: M. le Président, je suis heureux de
déposer les trois derniers livres du Code civil du Québec, soit
la Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit de la
preuve et de la prescription et du droit international privé.
Cet avant-projet de loi a pour objet de réformer le droit de la
preuve et de la prescription, ainsi que le droit international privé, et
d'introduire, au Code civil du Québec, trois nouveaux livres sur ces
sujets qui complètent le Code civil du Québec. Ces livres
viennent s'ajouter au Livre deuxième sur la famille, déjà
adopté et en vigueur, aux Livres premier, troisième et
quatrième sur les personnes, les successions et les biens, eux aussi
déjà adoptés, ainsi qu'aux livres cinquième,
sixième et neuvième sur les obligations, sur les priorités
et les hypothèques et sur la publicité des lois ayant fait
l'objet d'avant-projets de loi. Le livre septième a pour objet de
réformer le droit de la preuve: il comprend trois titres.
Le Président: C'est un dépôt de documents
seulement. Vous n'avez pas à lire toutes les dispositions.
M. Marx: J'ai deux phrases à lire, M. le
Président.
Le Président: Parfait! Allez, M. le ministre.
M. Marx: Le Livre huitième a pour objet de réformer
le droit de la prescription. Il compte trois titres. Le Livre dixième a
pour objet de réformer le droit international privé et comprend
quatre titres. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le ministre de la Justice, votre document
est maintenant déposé. M. le leader du gouvernement, pour votre
motion.
Motion proposant la tenue d'une consultation
générale
M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion pour
que la commission des institutions procède à une consultation
générale et tienne des auditions publiques à compter du 4
octobre 1988, dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit de la preuve et de la
prescription et du droit international privé, que les mémoires
soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 9
septembre 1988 et que le ministre de la Justice soit membre de ladite
commission pour la durée du mandat.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y
a consentement pour présenter cette motion à cette
étape-ci?
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Président: II y a consentement pour déroger
à l'article 53?
M. Gendron: Oui.
Le Président: La motion de M. le leader du gouvernement
est-elle adoptée?
M. Gendron: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail,
toujours à l'étape du dépôt de documents.
Rapports de la Commission de la
construction du Québec du ministère
du
Travail et de l'Institut de recherche
et d'information sur la
rémunération
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président.
Conformément au règlement, je dépose le rapport
d'activités pour l'année 1987 de la Commission de la construction
du Québec, le rapport annuel 1987-1988 du ministère du Travail et
le rapport annuel 1987-1988 de l'Institut de recherche et d'information sur la
rémunération.
Le Président: M. le ministre du Travail, vos trois
documents sont maintenant déposés.
M. le ministre délégué aux Finances et à
la
Privatisation.
Avant-projet de loi sur les caisses d'épargne
et de crédit
M. Fortier: M. le Président, c'est un très grand
plaisir pour moi de déposer un avant-projet de loi réformant
totalement le cadre législatif des caisses d'épargne et de
crédit.
Le Président: M. le ministre, votre avant-projet de loi
est maintenant déposé. M. le leader du gouvernement.
Motion proposant la tenue d'une consultation
générale
M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion
à ce moment-ci, avec le consentement de l'Assemblée, pour que la
commission du budget et de l'administration procède à une
consultation générale et tienne des auditions publiques à
compter du 13 septembre 1988 dans le cadre de l'étude de l'avant-projet
de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, que les
mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au
plus tard le 19 août 1988 et que le ministre délégué
aux Finances et à la Privatisation soit membre de ladite commission pour
la durée du mandat.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y
a consentement pour déroger à l'article 53 de notre
règlement?
M. Gendron: Adopté.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Gendron: Adopté.
Le Président: Adopté. Toujours à
l'étape du dépôt de documents, M. le ministre
délégué aux Forêts.
Rapport annuel de REXFOR
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je dépose le rapport de la Société de
récupération, d'exploitation et de développement
forestier, REXFOR, pour l'exercice financier prenant fin le 31 mars 1988.
Le Président: M. le ministre, votre document est
maintenant déposé.
Rapport sur le référendum du 1er octobre
1987 au Nouveau-Québec
J'ai également un document à déposer à cette
Assemblée. À la suite d'un mandat donné par
l'Assemblée, le 23 juin dernier, je dépose le rapport du
Directeur général des élections sur
l'organisation et la tenue du référendum du 1er octobre
1987 au Nouveau-Québec. Ce rapport est rédigé en
français, en anglais et en inuktitut et déposé avec les
pièces ci-jointes. Le rapport est maintenant déposé.
Rapports de commissions. M. le président de la commission du
budget et de l'administration et député de Vanier. (10 h 20)
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 214
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la
consultation des intéressés et à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
214, Loi concernant Elzéar Plourde Itée. Le projet de loi a
été adopté.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 233
J'ai encore l'honneur, M. le Président, de déposer le
rapport de la commission du budget et de l'administration qui a
siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la
consultation des intéressés et à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
233, Loi concernant Les Immeubles Benoit inc. Le projet de loi a
été adopté.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 217
J'ai de nouveau l'honneur, M. le Président, de déposer le
rapport de la commission du budget et de l'administration qui a
siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la
consultation des intéressés et à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
217, Loi concernant Vilmont inc. Le projet de loi a été
adopté.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 205
J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission du
budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de
procéder à la consultation des intéressés et
à l'étude détaillée du projet de loi
d'intérêt privé 205, Loi concernant la conversion de la
Fédération des caisses d'établissement du Québec,
des caisses d'épargne et de crédit qui lui sont affiliées
et de la Corporation de fonds de sécurité de la
Fédération des caisses d'établissement du Québec
ainsi que leur fusion avec Société d'entraide économique
du Québec inc. Le projet de loi a été adopté avec
des amendements.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 242
De nouveau, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission
du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin
de procéder à la consultation des intéressés et
à l'étude détaillée du projet de loi privé
242, Loi concernant le Club des Portes de l'Estrie inc. Le projet de loi a
été adopté avec un amendement.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 221
J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget
et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de
procéder a la consultation des intéressés et à
l'étude détaillée du projet de loi privé 221, Loi
modifiant la Loi fusionnant le Trust Général du Canada et la
Société d'administration et de fiducie. Le projet de loi a
été adopté avec un amendement.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 206
Pour terminer, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer
le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a
siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la
consultation des intéressés et à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
206, Loi concernant La Lauren-tienne, mutuelle d'assurance. Le projet de loi a
été adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que tous les rapports
déposés par M. le député de Vanier sont
adoptés, M. le leader de l'Opposition?
M. Gendron: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le président de la
commission de l'éducation et député de Sauvé.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 204
M. Parent (Sauvé): M. le Président, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a
siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la
consultation des intéressés et à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
204, Loi modifiant la Loi sur le Collège militaire royal de Saint-Jean.
Le projet de loi a été adopté avec amendements.
Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté, M.
le leader de l'Opposition?
M. Gendron: Adopté.
Le Président: Adopté.
Dépôt de pétitions, M. le député de
Bour-get.
Réforme juste et équitable de l'aide
sociale réclamée
M. Trudel: M. le Président, je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 177 pétitionnaires, dont 76
résidents du comté de Bourget représentés par
l'Organisation populaire des droits sociaux du quartier Mercier. Les faits
invoqués sont les suivants: "La réforme de l'aide sociale va dans
le sens d'un appauvrissement pour l'ensemble des personnes assistées
sociales; remet en cause le principe du droit à l'assistance
financière quelle que soit la cause du besoin; a été
rejetée en bloc par 80 % des groupes présents en commission
parlementaire." L'intervention réclamée se résume comme
suit: "Retirer le document d'orientation présenté en
décembre dernier et mettre en place une réforme juste et
équitable telle que revendiquée par le Front commun des personnes
assistées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes
présents en commission parlementaire."
Le Président: M. le député de Bourget, votre
pétition est déposée.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la députée de Johnson.
Aide aux camps familiaux demandée
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée
nationale par 2522 pétitionnaires, membres du Mouvement
québécois des camps familiaux. Les faits invoqués sont les
suivants: "En 1987, pour des motifs d'ordre économique, 48 % des
Québécois ne peuvent partir en vacances; que, pour les familles
de milieux populaires, dont les conditions de vie se détériorent
sans cesse, les camps familiaux représentent la seule alternative
à balconville." L'intervention réclamée se résume
ainsi: "Que l'Assemblée nationale invite le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche à prendre ses responsabilités pour
que le réseau des camps familiaux ne soit pas victime des coupures
budgétaires de son ministère et que, dans cette perspective, il
investisse les 400 000 $ nécessaires pour la mise aux normes et les
travaux urgents requis; qu'il accorde une priorité de
développement aux camps familiaux afin d'améliorer l'offre de
services aux clientèles démunies et d'augmenter la
possibilité de départ en vacances pour les familles à
revenus modestes." Je certifie que cet extrait est conforme au règlement
et à l'original de la pétition.
Le Président: Mme la députée de Johnson,
votre pétition est déposée. Mme la députée
de Maisonneuve.
Pour un partage égal des avoirs entre conjoints
mariés en séparation de biens
Mme Harel: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée par 947 pétitionnaires de la région de
Québec, en appui à la Tribune populaire d'information juridique
de Limoilou, invoquant les faits suivants: 'L'injustice sociale dont sont
victimes les femmes mariées en séparation de biens qui peuvent
être entièrement dépossédées si leur mari
décide de se séparer, de divorcer ou de faire un testament
à cet effet, et invoquant que la loi ne reconnaît aucune valeur au
travail fait à la maison par les femmes mariées; et concluant
à ce que l'Assemblée nationale intervienne auprès du
gouvernement afin qu'l corrige tout de suite la loi de façon que, lors
de séparation ou de divorce ou en cas de décès, la femme
mariée en séparation de biens soit aussi protégée,
à ce que tous les biens de la famille (résidence familiale,
voiture, meubles meublants, fonds de pension, comptes conjoints) soient
partagés à parts égales entre les conjoints, et à
ce que toute entreprise familiale (ferme, dépanneur) soit
partagée également à parts égales. Ces changements
devront être apportés avec application immédiate aux
contrats de mariage en séparation de biens encore valides au moment de
leur mise en vigueur." Merci, M. le Président.
Le Président: Mme la députée de
Maison-neuve, votre pétition est déposée. M. le
député de Richelieu.
Réforme juste et équitable de l'aide
sociale réclamée
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée
nationale par 189 pétitionnaires principalement du comté de
Richelieu. Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de
l'aide sociale, proposée par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, va dans le sens d'un appauvrissement pour
l'ensemble des personnes assistées sociales; remet en cause le principe
du droit à l'assistance financière, quelle que soit la cause du
besoin; ne reconnaît pas l'autonomie financière des individus; est
une mesure de gestion de la pauvreté plutôt qu'une lutte contre
celle-ci; n'est pas accompagnée d'une vraie politique de plein emploi;
n'offre pas la possibilité à tous d'avoir accès à
des logements décents; ne va pas dans le sens d'une meilleure
répartition de la richesse; ne respecte pas la dignité et la vie
privée des personnes assistées sociales; ne donne pas la
parité aux jeunes de moins de 30 ans; a été rejetée
en bloc par 80 % des groupes présents en commission parlementaire."
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que soit
retiré le document d'orientation présenté en
décembre dernier et mise en place une réforme juste et
équitable, telle que revendiquée par le Front commun des
personnes assistées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble
des groupes présents en commission parlementaire." Je certifie que cet
extrait est conforme au règlement et à l'original de la
pétition. Merci, M. le Président. Des voix:
Bravo!
Le Président: M. le député de Richelieu,
votre pétition est déposée.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci, M. le Président.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Messier: Je dépose l'extrait d'une pétition
adressée à l'Assemblée nationale, principalement du
comté de Saint-Hyacinthe. Les faits invoqués sont les suivants:
"La réforme de l'aide sociale...
Des voix: Ah! Ah!
M. Messier: ...proposée par le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, va dans le sens
d'un...
Une voix: Appauvrissement! M. Messier: En tout cas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Messier: ...pour l'ensemble des personnes assistées
sociales, remet en cause le principe du droit à l'assistance...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: ...droit à l'assistance financière,
quelle que soit la cause du besoin, ne reconnaît pas l'autonomie
financière des individus; est une mesure de gestion de la
pauvreté plutôt qu'une lutte contre celle-ci; n'est pas
accompagnée d'une vraie politique de plein emploi; n'offre pas la
possibilité à tous d'avoir accès à des logements
décents; ne va pas dans le sens d'une meilleure répartition de la
richesse; ne respecte pas la dignité et la vie privée des
personnes assistées sociales; ne donne pas la parité aux jeunes
de moins de 30 ans; a été rejetée en bloc par 80 % des
groupes présents en commission parlementaire." L'intervention
réclamée se résume ainsi: "Que soit retiré le
document d'orientation présenté en décembre dernier et
mise en place une réforme juste et équitable, telle que
revendiquée par le Front commun des personnes assistées sociales
du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes présents en
commission parlementaire." (10 h 30)
Je certifie que la présente est conforme au règlement et
à l'original.
Le Président: Votre pétition est
déposée, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le
député de Sauvé.
M. Parent (Sauvé): M. le Président, je
dépose l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 110 pétitionnaires de la région
de Montréal.
Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de
l'aide sociale proposée par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu va dans le sens d'un appauvrissement pour
l'ensemble des personnes assistées sociales; remet en cause le principe
du droit à l'assistance financière quelle que soit la cause du
besoin; ne reconnaît pas l'autonomie financière des individus;
n'est pas accompagnée d'une vraie politique du plein emploi; ne va pas
dans le sens d'une meilleure répartition de la richesse; ne donne pas la
parité aux jeunes de moins de 30 ans."
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que soit
retiré le document d'orientation présenté en
décembre dernier et mise en place une réforme juste et
équitable telle que revendiquée par le Front commun des personnes
assistées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes
présents en commission parlementaire."
Le Président: M. le député de Sauvé,
votre pétition est maintenant déposée. M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: M. le Président, je dépose l'extrait
d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par
800 pétitionnaires principalement de la région de
Québec.
Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de
l'aide sociale proposée par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu va dans le sens d'un appauvrissement pour
l'ensemble des personnes assistées sociales; remet en cause le principe
du droit à l'assistance financière quelle que soit la cause du
besoin; ne reconnaît pas l'autonomie financière des individus; est
une mesure de gestion de la pauvreté plutôt qu'une lutte contre
celle-ci; n'est pas accompagnée d'une vraie politique de plein emploi;
n'offre pas la possibilité à tous d'avoir accès à
des logements décents; ne va pas dans le sens d'une meilleure
répartition des richesses; ne respecte pas la dignité et la vie
privée des assistés sociaux; ne donne pas la parité aux
jeunes de moins de 30 ans; a été rejetée en bloc par 80 %
des groupes présents en commission parlementaire."
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que soit
retiré le document d'orientation présenté en
décembre dernier et mise en place une réforme juste et
équitable telle que revendiquée par le Front commun des personnes
assis-
tées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des
groupes présents en commission parlementaire. "
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition.
Le Président: M. le député de Taschereau,
votre pétition est déposée.
M. le député de Saint-Hyacinthe. Est-ce que vous avez
consentement, M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui.
Le Président: II y a consentement. Procédez, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Gendron: Mon adjoint a dit oui.
M. Messier: M. le Président, je dépose un extrait
d'une pétition adressée a l'Assemblée nationale par 533
pétitionnaires principalement de la région de
Saint-Hyacinthe.
Les faits invoqués sont les suivants: "La plupart des
bénéficiaires aptes au travail et disponibles veulent travailler;
nous craignons que le projet de loi sur l'aide sociale s'oriente vers la
création d'une nouvelle catégorie sociale qui sera au-dessous des
travailleurs au salaire minimum; nous sommes convaincus que la réforme
envisagée gagnerait beaucoup à se laisser inspirer par le projet
de Dieu sur les personnes et la société. " L'intervention
réclamée se résume ainsi: "Une refonte en profondeur du
projet de loi sur l'aide sociale de manière à apporter une aide
réelle aux plus démunis de notre société". Je
certifie que cet extrait est conforme à l'original de la
pétition.
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe, votre deuxième pétition est maintenant
déposée.
Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.
Nous allons maintenant procéder à la période de
questions et de réponses orales immédiatement. Je vais
reconnaître la première principale à M. le whip de
l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Définition par les tribunaux du concept de
"société distincte"
M. Brassard: M. le Président, en réponse au Conseil
de la langue française qui l'exhorte, dans un avis sur le lac Meech,
à occuper le terrain linguistique pour donner un sens au concept vide,
flou et insaisissable de "société distincte" et à demander
un avis à la Cour d'appel sur le maintien de l'article 58 sur
l'affichage de la loi 101, en vertu de ce même concept, le ministre des
Affaires intergouvernementales canadiennes a, hier, de son ton solennel et
quasi pathétique, affirmé qu'il n'est pas question d'un
gouvernement par les juges. Il m'a presque arraché un pleur, M. le
Président.
Des voix: Ha, ha!
M. Brassard: Je lui signale cependant que le gouvernement par les
juges existe depuis 1982, depuis le coup de force constitutionnel.
De son côté, toujours en réaction au même
avis, le candidat libéral dans Anjou, M. Larou-che, affirmait souhaiter
que les tribunaux, la Cour suprême même, déterminent le
contenu du concept de "société distincte".
Ma question au ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, j'aimerais savoir du ministre quelle est la
position officielle de son gouvernement, compte tenu des propos de M. Larouche,
comme membre de la même équipe libérale, qui contredisent
sa position exprimée hier, à moins qu'elle n'ait changé au
cours de la nuit. Quelle est la position du gouvernement concernant les
tribunaux et l'accord du lac Meech?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, j'étais
justement dans Anjou, la semaine dernière, pour faire campagne avec le
député, le candidat, M Larouche...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Rémillard: C'est un lapsus. Et j'ai pu constater
évidemment la très bonne campagne qu'il fait. Je connais M.
Larouche depuis très longtemps. Je connais la valeur de M Larouche, une
très grande valeur. Je dois dire, M. le Président, que, par sa
formation, tant dans l'international que sur les aspects plus régionaux
et en ce qui regarde le comté d'Anjou, parce qu'on sait à quel
point il est bien enraciné dans Anjou, on sait que M. Larouche peut
prendre position sur différents sujets et, en particulier, lorsqu'il se
réfère à l'entente du lac Meech, à la
société distincte. Lorsqu'il se réfère aux
tribunaux, bien sûr que c'est évident qu'éventuellement, la
Cour suprême du Canada aura à se référer pour juger
de certaines lois à ce caractère distinct du Québec.
C'est évident que les tribunaux devront éventuellement se
prononcer sur la signification de "société distincte". Cependant,
ce que nous disons, et je voudrais quand même être très
clair sur ce point, c'est que ce ne sont pas les tribunaux qui vont nous dire
comment faire la constitution. Ils viendront l'interpréter
après.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: Est-ce que je comprends bien en disant que la
très grande valeur du candidat libéral du comté d'Anjou,
c'est d'avoir une opinion différente de celle du ministre?
Le Président: Votre question. Votre question, sans
commentaire. M. le whip de l'Opposition, votre question, en additionnelle.
M. Brassard: Ma question est très simple. Est-ce que je
dois comprendre des propos du ministre que l'opinion exprimée par le
candidat libéral d'Anjou n'est pas celle du gouvernement voulant que ce
soient les tribunaux qui définissent le concept de
"société distincte"? Est-ce que je comprends que le ministre nous
dit ce matin que le gouvernement est absolument en désaccord avec
l'opinion exprimée par le candidat libéral d'Anjou?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. M. le ministre.
M. Rémillard: Évidemment que le
député de Lac-Saint-Jean fait peut-être
référence à certaines difficultés qu'il a de
composer avec les positions prises par son chef. En ce qui nous regarde, en ce
qui regarde la position du candidat d'Anjou - je m'excuse, j'allais dire encore
une fois, le député - il est évident que la Cour
suprême aura à se prononcer sur la signification de cette
société distincte. Si le candidat libéral dans Anjou, M.
Larouche, vient nous dire que la Cour suprême devra se prononcer, bien
sûr qu'elle devra se prononcer. Ce que nous disons simplement, c'est que
la Cour suprême n'a pas à donner un avis sur ce qui n'existe pas,
tout d'abord en droit comme tel, parce qu'il s'agit d'une entente politique. Il
y a maintenant cinq provinces qui ont accepté l'entente du lac Meech.
Nous savons que trois autres doivent la ratifier dans les prochaines semaines,
ce qui signifie qu'à la fin de cette session d'été, nous
aurons vraisemblablement huit provinces sur dix. Il restera le Manitoba, il
restera le Nouveau-Brunswick, mais on peut dire qu'à ce
moment-là, le lac Meech sera en bonne voie...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Rémillard: ...d'être partie de notre
constitution. Ce sera un moment historique pour le Québec et pour le
Canada.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle. M. le whip de l'Opposition en additionnelle.
M. Brassard: Le ministre est-il prêt à
reconnaître - étant donné que le Conseil de la langue
française vous exhorte à occuper le terrain en renforçant
l'action du gouvernement en faveur du français - que, manifestement, par
le projet de loi C-72 sur les langues officielles, le gouvernement
fédéral a choisi, lui, d'occuper le terrain linguistique et de
donner ainsi un sens concret au concept de dualité linguistique et de
donner un sens concret à la primauté de la dualité
linguistique sur la société distincte?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. (10 h 40)
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, je
constate que le député de Lac-Saint-Jean a changé de
discours depuis hier. Hier, il m'a interrogé et il
dénonçait cet avis du Conseil de la langue française. Ce
matin, il semble trouver que l'avis est intéressant, comme je l'ai
mentionné moi-même hier à bien des points de vue,
reconnaissant entre autres que le gouvernement avait bien raison de refuser de
définir la société distincte en fonction de la langue
seulement. C'est drôle que l'Opposition ne soulève pas
évidemment cet aspect. On sait à quel point l'Opposition a voulu,
nous a forcés à accepter des témoignages de part et
d'autre pour essayer de nous convaincre de mettre la langue, alors que nous
leur disions: Si vous mettez la langue, vous allez restreindre la portée
de société distincte. Vous allez faire en sorte que cette
société distincte...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Rémillard: ...soit limitée strictement au sens
d'une communauté linguistique. C'est exactement ce que le Conseil de la
langue française nous dit, en plus de conclure que ce concept de
"société distincte" sera un outil de première importance
pour le Québec pour défendre ses juridictions, entre autres sur
la langue, et le gouvernement va continuer d'oeuvrer dans ce sens.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle. M. le whip de l'Opposition.
M. Brassard: Je vais changer de ministre, M. le Président.
Le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, le ministre responsable de la loi 101 - j'espère qu'il
va me dire que c'est de son ressort - est-il d'accord avec la recommandation
centrale de l'avis du Conseil de la langue française qui demande que le
gouvernement occupe rapidement, systématiquement et visiblement un champ
d'intervention législative et administrative dans le domaine
linguistique? Est-ce qu'il est d'accord avec cette recommandation centrale
puisque,
depuis deux ans et demi, le gouvernement s'est refusé...
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
M. Brassard: ...à prendre l'initiative dans le domaine
linguistique malgré les reculs flagrants dans ce domaine?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française. M. le ministre.
M. Rivard: Vous savez, M. le Président, l'avis du Conseil
de la langue française est un avis, c'est-à-dire que c'est
l'expression de douze Québécois et Québécoises qui
ont été nommés par ce gouvernement pour dire ce qu'ils
pensent en réponse à certaines questions qui peuvent être
posées par le ministre responsable. C'est un avis qui est complexe et
abstrait sur un sujet qui est complexe et abstrait. C'est un avis qui comporte
90 pages et qu'il faut lire très attentivement. Moi, je vois dans cet
avis des choses qui m'inspirent d'une certaine façon. Je vois, par
exemple, d'une façon tout à fait différente de celle de
l'Opposition, comment on peut vivre au Québec le concept de
société distincte dans le dossier linguistique. Si jamais M. le
député veut me poser une question additionnelle, je n'aurai pas
d'objection à donner des précisions là-dessus.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: Oui. La question additionnelle est la même que
celle que j'ai déjà posée: Est-ce qu'il est d'accord,
est-ce qu'il convient que le conseil a raison lorsqu'il dit que, dans le
domaine linguistique, le Québec devrait occuper rapidement,
systématiquement et visiblement le terrain linguistique? Est-ce qu'il
est d'accord avec cette recommandation qui se trouve au coeur de l'avis du
Conseil de la langue française?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: M. le Président, le Québec occupe
déjà avec la loi 101 une bonne partie du champ linguistique. Le
gouvernement s'est engagé à respecter, à continuer
d'appliquer la loi 101, à le faire dans le respect de tous les
Québécois qui habitent ce Québec. Voilà une
façon tout à fait correcte d'occuper le champ linguistique.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: Le ministre pourrait-il au moins reconnaître
que, depuis deux ans et demi, le Québec a perdu du terrain sur le plan
linguistique, particulièrement en matière d'affichage et qu'il
conviendrait de suivre la .recommandation centrale du conseil et d'occuper ce
terrain, à tout le moins de le réoccuper? C'est cela, l'avis du
conseil.
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: M. le Président, le député de
Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition émet une opinion. C'est son
opinion personnelle quant au recul du français dans le domaine de
l'affichage. Je me souviens très bien avoir dit en commission
parlementaire et en cette Chambre qu'au contraire, notre perception
était tout autre et j'ai cité en exemple la rue Sainte-Catherine
à Montréal qui, d'Atwater jusqu'à Papineau, affiche
majoritairement en langue française. J'ai expliqué maintes fois
la façon dont la Commission de protection de la langue française
fonctionne dans un contexte d'éducation et de persuasion et j'ai dit que
c'était très rarement que la commission de protection
était obligée de référer des dossiers au Procureur
général. Tout cela s'appelle respecter, appliquer la loi et ce
n'est aucunement le signe d'un recul du français au Québec en
matière d'affichage.
Le Président: En deuxième principale, ce matin, je
vais reconnaître M. le chef de l'Opposition.
Modifications éventuelles au projet de loi sur
les services ambulanciers
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous savez, depuis
le dépôt du projet de loi 34 sur les services de transport
ambulancier, sur les soins préhospitaliers, la quasi-unanimité
des groupes était contre ou exigeait, tout au moins, des amendements
profonds.
On sait, depuis ce temps-là, que les députés
libéraux se sont concertés. Il y a eu passablement de points de
vue différents. Cela s'est ressenti sur les travaux, puisque, lundi
matin, après avoir été convoqué par le ministre et
par le leader, le ministre n'était pas à la commission sous
prétexte qu'il allait au comité de législation. De plus,
encore hier après-midi, nous n'avons pas siégé parce que
le ministre était à consulter le Conseil des ministres sur ledit
projet.
Également, on sait qu'hier soir, il y a eu un caucus où
les libéraux se sont frottés les oreilles sur ledit projet de
loi. Pourtant, on sait très bien...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: ...qu'on arrive à la toute fin de nos
travaux parlementaires et nous avons l'impression, pour ne pas dire la
quasi-conviction, que les libéraux, faute d'être capables de
s'entendre et de proposer des amendements profonds, voudraient faire porter
l'odieux de la non-acceptation de ce projet de loi dans la présente
session sur la faute de l'Opposition, alors que, dans leurs rangs, on ne
sait pas où l'on va.
Est-ce que le ministre peut nous dire quand il va déposer des
amendements de fond? Y a-t-il toujours une volonté de sa part d'en
arriver à un consensus en ce qui a trait aux groupes
impliqués?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. M. le
ministre.
M. Dutil: M. le Président, d'abord, sur le
préambule qu'a fait le chef de l'Opposition quant à la
représentation des groupes qui sont venus en consultation
particulière nous donner leur opinion sur le projet de loi,
l'unanimité, si elle existait, était plutôt dans le sens
contraire. Nous estimons que sur les onze groupes qui sont venus, la
très grande majorité, que nous estimons à sept,
étaient très favorables au projet de loi. Bien sûr, ils
avaient des remarques à faire et des bonifications à apporter;
ils nous ont fait part de leurs remarques pendant la plus grande partie de leur
exposé, ayant toutefois souligné en préambule à
leur exposé qu'ils étaient favorables au projet de loi.
Nous ne nous attendons pas, lorsqu'il y a des consultations
particulières ou une commission parlementaire, que les groupes qui
viennent s'attardent aux points positifs qu'ils mentionnent au début,
bien évidemment. Ils regardent les points qui leur apparaissent plus
faibles, les points qui seraient susceptibles de bonification. À cet
égard, je pense que les consultations particulières ont justement
permis d'apporter certaines bonifications. La continuation de nos travaux,
lesquels se poursuivent ce matin, permettra sans doute d'apporter d'autres
bonifications.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je reviens. Est-ce que le
ministre a obtenu du Conseil des ministres la certitude qu'il pourra
déposer, aujourd'hui, des amendements de fond pour que ce projet de loi
devienne potable et acceptable et ce, au cours de la présente
session?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: M. le Président, tout le problème est
justement sur ce que définit le chef de l'Opposition comme étant
le fond de la question. Ce projet de loi a pour effet de dissocier
Urgences-santé du CRSSS de Montréal et de permettre
l'installation, dans toute la province, de centrales de coordination des appels
de façon à améliorer le temps-réponse et la
qualité de façon considérable et fort intéressante
pour l'ensemble de la population du Québec.
Bien sûr, nous ne toucherons pas à ces aspects de fond qui
sont essentiels à la bonification du système. Les points qui
pourraient être touchés ne concernent pas le fond, mais certaines
modalités qui conviendraient mieux à certains groupes. Nous
n'avons jamais eu d'objection à apporter des bonifications de forme qui
pourraient convenir à toutes les parties.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, comment le ministre peut-il
expliquer qu'il a lui-même pris l'initiative de boycotter la commission,
lundi matin, sous prétexte qu'il recherchait des amendements? Comment
peut-il expliquer qu'il a lui-même indiqué qu'il devait aller au
Conseil des ministres pour aller chercher des amendements? Comment peut-il
expliquer qu'on ait bloqué littéralement sur des points
fondamentaux, tels qu'un principe d'indemnisation advenant une expropriation?
Comment peut-il expliquer, encore aujourd'hui, de son siège, comme
ministre, au moment où il est allé au Conseil des ministres,
qu'il ne puisse pas dire à cette Chambre qu'il a l'intention d'apporter
des amendements de fond, des amendements sérieux sur les
problèmes soulevés au cours de la commission? (10 h 50)
Une voix: C'est incroyable!
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: M. le Président, je suis étonné
que le chef de l'Opposition revienne avec la question d'un ministre qui assiste
au Conseil des ministres. Je pense que le chef de l'Opposition doit bien savoir
que le Conseil des ministres est là pour que les ministres y participent
et discutent des divers dossiers qui concernent l'administration
gouvernementale, que c'est le devoir d'un ministre d'y assister et qu'il est
tout à fait normal que tous les ministres s'y rendent.
Je répète ma réponse antérieure. On ne
s'entend pas sur ce que le chef de l'Opposition appelle le fond de la loi. Nous
avons toujours mentionné que nous étions ouverts à des
accommodements, nous avons reçu onze groupes en consultations
particulières qui nous ont fait part, pour la plupart, de leur accord
avec l'ensemble du projet de loi et de bonifications, de modifications
intéressantes. Je pense que le chef de l'Opposition a pu se rendre
compte que, en commission parlementaire, nous avons regardé ces points
qui ont été apportés par les divers groupes et nous sommes
disposés à discuter d'amendements qui pourraient corriger
certaines faiblesses qui ne sont pas des faiblesses de fond, mais des
faiblesses de forme, des ajustements. Nous continuerons ce matin dans le
même sens.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre est disposé, avant la
fin de cette session, c'est-à-dire avant le 23 juin, à
étudier très sérieusement les points majeurs qui opposent
les formations politiques sur ce projet de loi? Est-ce qu'il est disposé
à attaquer immédiatement de front les points majeurs,
plutôt que de jouer à une stratégie visant à le
reporter à l'automne tout en laissant l'impression que c'est
l'Opposition qui le bloque?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: Si le point de fond concerne ce que l'Opposition a
appelé une étatisation qui n'en est pas une, la réponse,
c'est très clairement: Oui, nous sommes prêts à regarder la
question qui concerne ce que l'Opposition appelle la
non-étanchéité de la loi, quant à un risque
éventuel d'étatisation. Mais je répète - c'est
très important, M. le Président - que le fond de la loi est de
permettre une amélioration à Montréal et dans les
régions, et particulièrement dans les régions sur le plan
des centrales de coordination. Évidemment, quant aux modalités,
cet aspect peut être modifié, mais il n'est pas négociable
dans le sens que nous tenons à ce que les régions puissent
bénéficier elles aussi d'un système de coordination
d'appels qui permettra éventuellement, le cas échéant,
d'améliorer le temps de réponse et d'améliorer la
qualité de services à la population du Québec.
Le Président: En troisième principale, ce matin, M.
le député de Verchères.
Vente de résidus radioactifs par l'entreprise
ERCO, de Varennes
M. Charbonneau: M. le Président, la compagnie ERCO, de
Varennes, a entreposé, au cours des années, 750 000 tonnes de
résidus de phosphore radioactifs. Depuis dix ans, il y avait un embargo
sur la vente et l'utilisation de ces résidus qui étaient
auparavant utilisés, notamment, pour le remplissage d'autoroutes et de
chantiers de construction majeurs. Le problème, c'est que depuis
quelques mois, sans autorisation, semble-t-il, du ministère de
l'Environnement, la compagnie ERCO a repris la vente de ces résidus qui
sont notamment utilisés pour le remblayage de chantiers de construction
domiciliaire. Selon nos informations, le ministère de l'Environnement
était au courant de cette situation depuis un certain temps et le
problème, c'est que, malgré ce fait, la compagnie continue
toujours de procéder à ces activités de vente de ces
résidus radioactifs.
La question que je voudrais d'abord poser au ministre de l'Environnement
est la suivante. Depuis quand le ministre de l'Environnement ou ses
fonctionnaires sont-ils au fait de cette situation? Depuis ce moment,
qu'ont-ils fait pour forcer la compagnie ERCO à se conformer à
l'embargo qui était déjà en vigueur depuis une dizaine
d'années?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, d'abord, pour être
très clair concernant la compagnie ERCO et pour qu'on ne dise pas que la
situation est très différente de ce qu'elle était, j'ai
envie de situer les faits. La compagnie est en activité depuis 1953. De
1953 à 1979, il y a eu 3 500 000 tonnes de ce matériel de scories
provenant du traitement du phosphore de l'usine qui ont été
vendues au Québec, surtout dans le domaine de la construction des
routes. En 1979, il y a eu une directive du ministère de
l'Environnement, selon la Loi sur la qualité de l'environnement,
enjoignant la compagnie d'obtenir une autorisation spéciale pour la
vente de ces produits. Entre 1979 et 1985, 500 000 tonnes ont été
vendues. Donc, l'embargo dont vous pariez n'était pas un réel
embargo. C'était une utilisation, selon certaines données, que le
ministère autorisait. Il y a une grande différence.
En 1985, il y a eu la parution du règlement sur les
déchets dangereux et parce qu'il y a un certain taux de
radioactivité, qui est minime, on inclut ce produit dans le
règlement sur les déchets dangereux. Depuis ce temps-là,
il y a un embargo total de la compagnie pour ne pas vendre ces produits sans
une autorisation du ministère. Je termine. Il y a 650 000 tonnes qui
sont entreposées. Nous avons découvert que la compagnie
écoulait ses stocks. J'ai eu plusieurs rencontres avec les
fonctionnaires du ministère. Le ministère a suivi cela de
très près. Si vous me posez une question additionnelle, je vous
donnerai tout le déroulement de 1986 jusqu'à maintenant.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Je répète la question au ministre:
Depuis qu'il sait cela... D'abord, depuis quand le sait-il? Parce qu'il vient
de nous confirmer qu'il y a eu un changement, c'est-à-dire que l'embargo
n'est pas respecté. D'abord, depuis quand est-il au courant de ce
fait-là, c'est-à-dire contravention à l'embargo total? Et,
depuis qu'il le sait, qu'a-t-il fait précisément pour que la
compagnie respecte l'embargo et respecte les exigences de la Loi sur la
qualité de l'environnement?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, il y a eu plusieurs... Je ne
peux pas vous donner la date
exacte où on m'a informé de la situation d'ERCO. Mais je
suis au courant de la situation d'ERCO pratiquement depuis 1986. Je me suis
impliqué dans ce dossier de façon presque continue à
partir de 1986. Et, à partir de cela, il y a eu beaucoup de
correspondance de notre ministère et plusieurs visites des officiels de
notre ministère. La compagnie ERCO sait exactement qu'elle ne doit pas
vendre de ces scories à l'extérieur. Mais c'est une chose de
donner des directives à une compagnie. On ne peut pas aller surveiller
les territoires d'une compagnie 24 heures par jour. C'est en fait avec la
preuve d'un employé et d'un inspecteur du ministère qui est
allé récemment sur place et a suivi le camion, que toute cette
opération s'est déclenchée.
Entre-temps, je peux vous dire que nous avons obtenu des rapports de
Bien-être social et Santé Canada, des rapports de Santé
Québec. On a obtenu une opinion juridique du professeur Laurent Lome
Giroux, à la suite d'une opinion juridique de la compagnie qui disait
que ces matériaux n'étaient pas des déchets dangereux
selon le texte de la loi.
Nous avons fait un travail considérable dans ce dossier. En fait,
je dirais au député qu'il y en a eu plus de fait dans ce dossier
depuis deux ans que toutes les années auparavant, et je pourrais lui
donner les chiffres à l'appui.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Comment le ministre peut-il, en fin de
réponse, se vanter qu'il a fait plus que ses
prédécesseurs, alors qu'auparavant, il y avait un embargo qui,
semble-t-il, était respecté et que, depuis 1986 qu'il le sait, il
n'a pas été capable d'émettre une ordonnance en vertu de
la Loi sur la qualité de l'environnement pour enjoindre la compagnie de
cesser? Et pourquoi n'a-t-il pas été en mesure de prendre les
dispositions juridiques et judiciaires suffisantes pour stopper et faire
stopper ce processus-là? Autrement, ce que vous dites n'a aucune
valeur.
Le Président: Vous êtes en additionnelle. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: II ne faut pas charrier. Je viens de dire au
député qu'entre 1979 et 1985, il y a eu 500 000 tonnes de ces
scories qui ont été vendues et il vient de me dire qu'il y a eu
embargo total. 500 000 tonnes, ce sont 500 000 tonnes! Alors, ne venez pas
charrier fichtrement! Vous racontez toutes sortes de bêtises! 500 000
tonnes. Je vais dire qu'il y a eu...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lincoln:... plus de travail fait dans ce dossier depuis 1986
que toutes les années auparavant. Allez consulter au ministère de
l'Environ- nement qu'est-ce qui s'est fait de 1979 à 1985. 500 000
tonnes étaient vendues. On a obtenu des avis juridiques. Nous avons
été les premiers à aller à Bien-être social
et Santé Canada. Cela n'avait pas été fait auparavant.
Nous sommes allés à Santé Québec. Il faut avoir des
dépositions dans les dossiers. Il faut avoir des dossiers à
l'appui. On ne peut pas aller à l'aventure. Il faut avoir des preuves.
On a accumulé des preuves. On a envoyé une sommation à la
compagnie de cesser. Il y a une ordonnance qui est en préparation...
Le Président: Conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: Tout de suite! Le service juridique nous a dit qu'on
ne peut pas émettre une ordonnance sans mesure spéciale. Il a
fallu déceler les mesures. Et c'est cela qu'on est en train de faire
maintenant. Vous n'écoutez pas parce que je vous dis...
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Verchères en additionnelle.
M. Charbonneau: M. le Président, le ministre...
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau:... au lieu de faire des spectacles comme il vient
de nous en faire un...
Des voix: Oh! Oh!
Le Président: En additionnelle. En additionnelle, sans
commentaire. (11 heures)
M. Charbonneau: Pourquoi le ministre, plutôt que de
s'occuper de ses relations publiques personnelles, n'est-il pas en mesure,
depuis 1986, de faire stopper les opérations d'ERCO? Pourquoi n'est-il
pas en mesure de dégager le nombre d'inspecteurs suffisant pour
accumuler la preuve alors qu'il connaît la situation depuis deux ans?
Pourquoi n'est-il pas en mesure...
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
M. Charbonneau:... d'obtenir le nombre d'avocats suffisant du
ministère de la Justice pour faire en sorte que votre preuve s'accumule
plus rapidement que depuis les deux ans qu'on attend après?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Environnement,
brièvement.
M. Lincoln: C'est toujours la même rengaine
et je pense que le public va juger qui fait le petit show. D'abord, il a
cité des faussetés selon lesquelles il y avait un embargo total
alors que 500 000 tonnes ont été vendues entre 1979 et 1985. Je
dis au député que, depuis 1986, on fait un travail soutenu dans
ce dossier. On a rencontré les gens d'ERCO je ne sais pas combien de
fois, mais il faut une solution à ces problèmes, M. le
député. C'est très facile de dire: Stoppez tout. Où
mettrez-vous la montagne de scories? C'est 650 000 tonnes. Est-ce que vous
êtes allé voir cela, vous? Moi, je suis allé voir. Est-ce
que vous vous êtes assis avec les gens d'ERCO? Moi, je l'ai fait. Je ne
pense pas qu'un ministre l'ait fait avant.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: Est-ce que vous avez vu les opinions juridiques? Moi,
je les ai lues. Est-ce que vous êtes allé à Bien-être
social et Santé Canada quand vous étiez au pouvoir? Non. Est-ce
que vous êtes allé à Santé Québec? Non. Moi,
j'ai donné à ERCO une directive formelle. Je l'ai donnée
verbalement à son président et je l'ai donnée par
écrit et je vais suivre avec une ordonnance dans les heures qui
suivent.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: Ce sera une ordonnance qui sera suivie de mesures. Il
a fallu mettre tout cela en place. Ce n'est pas aussi facile que le petit show
que vous faites ici.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en
principale.
Alternatives à la fermeture de Blue
Bonnets
M. Jolivet: Merci, M. le Président. En décembre
1987, le ministre de l'Agriculture, avec l'orgueil...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Jolivet: Est-ce que je peux recommencer? M. le
Président, en décembre dernier, le ministre de l'Agriculture,
avec l'orgueil qu'on lui connaissait, se présentait comme le
défenseur de la piste de Blue Bonnets. Un peu comme un "peewee" dans les
grandes ligues, se rendait à New York rencontrer M. Campeau et, comme
des gens l'ont dit, un peu comme un enfant d'école, il s'est fait avoir.
Aujourd'hui, on approche de la date du 30 juin et le ministre sait très
bien que, compte tenu de la décision de Campeau de fermer, le ministre
fédéral avait des pouvoirs de retirer le permis pour le
transmettre à d'autres, si nécessaire.
Le ministre, pris dans cet étau, a décidé, d'abord,
de dire que le Club Standardbred demandait trop. Aujourd'hui, il accuse Campeau
de les prendre en otages et peut-être même de faire du chantage.
Dans ce contexte, j'aimerais demander au ministre si, dans les mois qui ont
précédé la date d'aujourd'hui, il a eu des discussions
avec le ministre fédéral pour savoir ce que l'on ferait avec le
permis quand Campeau déciderait le 30 juin, comme cela semble être
décidé, de fermer la piste de courses.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Qu'est-ce qui a
été fait? Des échanges ont eu cours avec le gouvernement
canadien pour l'obtention de la licence immédiatement au lendemain du 30
juin prochain, parce qu'on n'a pas l'intention de céder à ces
pressions indues et à cette situation de prise en otages de l'ensemble
d'une industrie et de milliers de travailleuses et de travailleurs par un
promoteur immobilier qui fait des profits avec une entreprise qui est rentable.
C'est, d'ailleurs, dans ce sens-là que la Société de
développement de l'industrie des courses de chevaux du Québec, la
SODIC, a présenté sa requête, il y a déjà
quelques semaines, auprès des autorites fédérales pour
l'obtention des permis et licences dès le lendemain du 30 juin.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre est prêt à
admettre que la discussion qu'il a eue avec M Campeau et l'entente qu'il a eue
avec M. Campeau de 44 000 000 $ pour l'offre d'achat de la piste de courses a,
justement, pour effet de faire en sorte que le Club Standardbred ou d'autres
sont en difficulté quant à la rentabilisation, ce qui fait
achopper actuellement les discussions et les négociations?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: Le prix fixé à 44 000 000 S,
à ce moment-là, apparaissait et apparaît encore comme un
juste prix dans une perspective de maintien d'une activité de courses
sur le site actuel de l'hippodrome de Blue Bonnets, premièrement, sauf
que la volonté du gouvernement, très clairement exprimée,
de sauver ces emplois a eu comme résultat, entre autres, que des groupes
comme le Club Standardbred ont demandé une aide gouvernementale, ont
exigé beaucoup. Vous savez, à la fin, on demandait même au
gouvernement de garantir pour 1 000 000 $ les tempêtes de neige Vous
conviendrez avec moi que c'est un peu exagéré.
Nous avons fait des offres sérieuses. Nous étions
disposés à nous engager, à nous associer avec les gens de
l'industrie pour maintenir cette
activité dans une perspective d'organisme sans but lucratif. Cela
a achoppé en raison des demandes qui étaient exorbitantes pour le
gouvernement du Québec. Nous sommes prêts à nous associer
à une démarche de maintien de l'activité, mais pas
à n'importe quel prix, parce que ce sont les impôts des citoyens
qu'on administre.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Jolivet: Le ministre peut-il nous dire, si Campeau
décide de fermer le 30 juin et qu'il n'y a aucune alternative,
actuellement, quant à la possibilité d'avoir une autre piste de
courses dans la région de Montréal, le danger qu'il y a pour
l'ensemble des autres pistes de courses, en particulier à
Trois-Rivières, Connaught Park et Québec et si cela mettrait en
difficulté, à l'avenir, les pistes de courses de ces
endroits?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: M. le Président, le député
dit: Si la Corporation Campeau décide de fermer. La Corporation Campeau
nous a signifié son intention - c'est sa position définitive - de
fermeture le 30 juin prochain. Il y a une requête présentée
par la Société de développement de l'industrie des courses
de chevaux pour l'obtention d'une licence, premièrement.
Deuxièmement, nous rendrons public, dès le début de la
semaine prochaine, le plan d'intervention de relocalisation dans une
perspective de maintien de l'activité. Deux volets seront prévus
dans ce plan: Un premier volet: relocalisation immédiate de
l'activité courses dans la région de Montréal sur une
piste d'un demi-mille en périphérie de Montréal. Notre
objectif est le début d'août prochain. Parallèlement
à cela, le gouvernement est disposé à s'associer à
une entreprise privée - on ira en appels d'offres publics - pour la
construction d'un nouvel hippodrome dans la région de Montréal.
On se rappellera qu'en décembre il y avait des villes comme Longueuil,
Saint-Hubert, Brossard, Pointe-aux-Trembles et Laval qui étaient
intéressées. Les entreprises qui désirent s'associer au
gouvernement se manifesteront.
Notre objectif est de ne pas céder aux pressions et au chantage,
d'intervenir dans le cadre d'un prix, d'une contribution financière
légitime, de sauver les emplois. Si la menace est
exécutée, on ne cédera pas au chantage. En août
1989, le Prix d'été de 1989, on le conduira sur un nouvel
hippodrome.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître la
cinquième principale à M. le député de
Sainte-Marie. *
Fermeture des supermarchés Steinberg
M. Laporte: Merci, M. le Président. Ma question concerne
la fermeture des supermarchés Steinberg. Comme vous le savez, plusieurs
travailleurs et travailleuses sont affectés par la fermeture des
supermarchés Steinberg. Comme c'est un sujet d'importance pour le
gouvernement et que l'Opposition n'a pas posé de questions
jusqu'à présent, j'aimerais obtenir du premier ministre du
Québec des informations sur le déroulement du dossier et plus
particulièrement, sur la situation concernant les travailleurs et les
travailleuses de Steinberg.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, l'opinion publique va se
rendre compte, notamment la population de l'est de Montréal... Je vois
la députée de Maisonneuve qui est concernée, à
cause de ses électeurs, par cette question. Elle verse constamment,
depuis quelques jours, des larmes de crocodile sur les supposées
imperfections de la Loi sur l'aide sociale.
On se serait attendu que l'Opposition, sur un dossier comme
celui-là, pose une question, un dossier qui implique des milliers de
travailleurs. Mais on voit ce matin, M. le Président, qu'il y a au moins
un parti dans cette Chambre qui défend les intérêts des
travailleurs.
Nous avons décidé, en collaboration avec le ministre du
Travail, d'intervenir directement dans le dossier, étant donné
l'ampleur des implications. L'entreprise Steinberg est le troisième plus
gros employeur au Québec. C'était normal que nous y accordions
une attention toute spéciale. J'ai rencontré, en revenant de mon
périple aux États-Unis au début de la nuit, le
représentant des travailleurs, M. Kukovica. Il y aura une reprise ce
matin. Au moment où on se parle, les négociations sont
probablement reprises. Nous espérons qu'il y aura un rapprochement qui
permettra de sauver ces milliers d'emplois. Je pense que c'est la
responsabilité du gouvernement de s'intéresser d'une façon
toute spéciale à des dossiers comme ceux-là. Nous avons
l'intention de continuer de le faire.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle. (11 h 10)
M. Gendron: Ma question additionnelle s'adresse au ministre du
Travail pour donner un peu plus de crédibilité à la
mascarade du premier ministre puisque, de toute façon, son porte-parole
est un observateur sans mandat. Quelle est l'action du ministre du Travail qui,
normalement, a la responsabilité dans de tels dossiers? Quelle est
l'action précise et concrète que le ministre du Travail a offerte
aux syndiqués concernés par les pertes d'emplois dans le dossier
Steinberg?
Est-ce qu'il peut nous dire exactement quelle est l'action
concrète qu'il a posée?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, non
seulement l'Opposition n'adresse pas en principale les questions sur les
dossiers qui concernent les travailleurs québécois, les
travailleurs de Steinberg, mais elle pose en additionnelle les mauvaises
questions.
Le conflit Steinberg est, d'abord et avant tout, un dossier qui
relève d'incidences économiques importantes. Le premier mandat,
dans le dossier Steinberg, est d'établir un cadre économique qui
puisse assurer la préservation des emplois, la survie de Steinberg et sa
croissance. À l'intérieur de ce cadre économique
établi et accepté par les divers partenaires, il faut
insérer une convention collective librement négociée entre
les parties. C'est à ce sujet que j'ai eu des discussions avec la haute
direction de Steinberg, avec tous les représentants des travailleurs
concernés, au bureau du premier ministre et le premier ministre a pris
en main le dossier quant à l'aspect économique. Je lui
demanderais de bien vouloir compléter ma réponse. Ce sera un
complément de réponse.
Des voix: Ha, ha!
Le Président: M. le premier ministre. Je vais
reconnaître M. le leader de l'Opposition et je vous céderai la
parole, M. le premier ministre.
M. Gendron: Une additionnelle, très rapidement. M. le
premier ministre. Si ce sont des gens de votre cabinet qui ont entrepris des
relations avec Steinberg, je voudrais, tout simplement, savoir, comme premier
ministre, quel est le mandat que vous avez donné à votre
observateur. Quel est le mandat précis de votre observateur dans les
négociations?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'apprécie la question du leader de
l'Opposition. Je dois dire que je suis un peu surpris de sa question parce que
j'avais lu, en fin de semaine, qu'il y avait un engagement formel du chef de
l'Opposition, au nom des députés du Parti
québécois, de ne plus poser de questions au premier ministre, au
chef du gouvernement. C'est une drôle de façon
d'interpréter votre devoir parlementaire le plus
élémentaire.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: Je constate que le leader de l'Opposition a
décidé de briser l'engagement du chef de l'Opposition. Je suis,
évidemment, d'accord avec cette attitude de revenir au bon sens, au
respect fondamental du fonctionnement de la démocratie parlementaire,
c'est-à-dire...
Le Président: À la question, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: ...comme cela se fait dans tous les Parlements,
d'adresser des questions au chef du gouvernement, de ne pas avoir peur...
M. Gendron: Une question de règlement.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Gendron: Oui. Très rapidement.
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Gendron: Je pense que le premier ministre sait très
bien qu'en se comportant comme il est en train de le faire, c'est la raison. On
ne peut pas avoir de réponses aux questions posées. Le temps pour
la question additionnelle est écoulé et il n'a pas dit un mot sur
la question additionnelle.
Le Président: En conclusion. M. le premier ministre, en
conclusion à la question.
M. Bourassa: M. le Président, j'avais le droit, quand
même, étant donné les préambules du leader de
l'Opposition, de faire une mise au point. J'ai dit tantôt qu'étant
donné l'importance économique de l'entreprise et des chances
peut-être minimes, mais qui existaient quand même, de
rapprochement, si le gouvernement y mettait le maximum d'efforts - et c'est ce
que nous faisons, les parties siègent presque constamment à mes
propres bureaux - nous pourrions peut-être effectuer un rapprochement qui
épargnerait la perte de plusieurs milliers d'emplois. C'est notre
façon de concevoir nos responsabilités au service des
travailleurs et de l'économie du Québec.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
principale.
Consolidation des camps familiaux
Mme Juneau: Au moment où beaucoup de
Québécois planifient leurs vacances, force nous est de constater
que 48 % des Québécois ne pourront prendre des vacances, faute de
revenus suffisants. Pour les plus défavorisés, il restera
peut-être une possibilité: les camps familiaux. Or, M. le
Président, les camps familiaux ont besoin de plus de ressources pour
mieux remplir leur rôle. La pétition qui a été
déposée ce matin parle, d'ailleurs, d'elle-même. Les camps
familiaux veulent avoir plus d'argent pour consolider leurs
infrastructures dans le but d'assurer un strict minimum de services aux
personnes qui, autrement, seraient limitées à balconville.
Ma question s'adresse au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Considérant que les camps familiaux constituent le seul
réseau qui s'adresse aux familles à faible revenu, le ministre
peut-il nous dire s'il est prêt à considérer comme
prioritaire pour les années à venir la consolidation des camps
familiaux du Québec et à accroître, en conséquence,
les budgets destinés à cette fin?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche. M. le ministre.
M. Picotte: Je suis content que Mme la députée de
Johnson m'adresse cette question, d'autant plus qu'elle me permet de lui
mentionner que, même cette année encore et pour les années
qui viennent, entre autres, le gouvernement consacre dans son ensemble aux
auberges de jeunesse, aux bases de plein air, aux camps familiaux, aux camps
pour personnes handicapées, de même qu'aux camps de jeunes, un
budget total de 3 287 000 $ pour toutes ces catégories. Quand on parle
plus précisément de camps familiaux, il est important de dire
que, cette année, le soutien de l'État aux camps familiaux est de
325 700 $ en fonctionnement et que nous payons en plus, par entente, tel que
convenu avec ces organismes, des remboursements d'hypothèques pour les
aider, au montant de 36 700 $.
Il est donc faux de faire croire à la population que le
gouvernement s'est désengagé des camps familiaux. Bien au
contraire, les chiffres que je vous ai cités tantôt de 3 287 000 $
viennent prouver que le gouvernement s'occupe de cette ressource que nous
jugeons importante au Québec.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: Comme d'habitude le ministre mêle toutes sortes
de choses. Le budget des camps familiaux est ridicule. Les 840 000 $ dont
parlait... Il n'a pas dit seulement ce chiffre, mais il n'y a qu'une
très petite partie de ce que le ministre vient de mentionner qui va aux
camps familiaux. Nous voulons savoir si cette année le ministre mettra
de l'argent pour les aider au moins à se consolider. C'est bien beau de
leur donner 10 000 $, mais quand ils ont besoin de montants importants,
êtes-vous décidé cette année à leur donner la
priorité?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Picotte: M. le Président, je pense que
Mme la députée de Johnson devrait se surveiller quand elle
dit qu'on mêle toutes sortes de choses. Écoutez, c'est exactement
ce qui se faisait. On met dans les camps familiaux - je répète
les chiffres - 325 700 $, entre autres, pour leur fonctionnement. On continue
dans le fonctionnement, contrairement à ce que vous aviez proposé
comme gouvernement, à la table sectorielle, aux organismes de loisir,
soit de sortir de tout ce qu'on appelle ce réseau de plein air. C'est ce
que vous aviez proposé en 1984. Vous êtes revenus sur votre
décision. Nous l'avons maintenue, mais on met encore 325 700 $. On fait
du remboursement d'hypothèques. Et, en plus de cela, on va consacrer des
montants de 500 000 $ pour la mise aux normes de ces camps. Je pense que
l'effort du gouvernement est là.
Encore faut-il constater - et je termine par cela - qu'en ce qui
concerne les auberges de jeunesse la population est très
décroissante depuis des années, il faut se le dire. Il y a
seulement deux auberges de jeunesse qui ont leurs nuitées
complètes au Québec, c'est celle de Montréal et celle de
Québec. Les autres sont continuellement en régression du
côté des gens qui y participent. Il faut ajuster nos montants
d'aide...
Le Président: En conclusion, M. le ministre. M.
Picotte:... face à cette réalité.
Le Président: Une dernière additionnelle, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Ma dernière additionnelle va s'adresser au
ministre délégué à la Famille, considérant
qu'il me semble que je n'aurai pas une réponse normale à ma
question. Le ministre délégué à la Famille ne
croit-il pas qu'une aide importante aux camps familiaux pourrait être une
bonne voie, une bonne direction pour aider les familles à faible
revenu?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux,
brièvement.
M. Dutil: M. le Président, je suis heureux qu'enfin on
pose une question sur la politique familiale et sur le soutien que
l'État est prêt à faire auprès des familles. Nous
avons, le 12 mai dernier, par la voix- du ministre des Finances, permis aux
parents du Québec de disposer éventuellement de 772 000 000 $ de
plus dans leurs poches pour exercer librement leur choix d'acheter l'un ou
l'autre des services dans la société québécoise.
Pourrait-on demander aux gens de l'Opposition s'ils ont assez confiance aux
parents pour faire des choix éclairés avec les 772 000 000 $,
que, parce qu'il estime que la famille est importante et que les parents sont
capables de faire des choix éclairés, l'État, par le
budget de M. Levesque, a accepté de leur accorder? (11 h 20)
Une voix: Bravo!
Le Président: Fin de la période
régulière de questions.
Ce matin, il n'y a pas de vote reporté. Motions sans
préavis.
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Président: Oui, M. le député de
Ver-chères.
M. Charbonneau: Une question au leader du gouvernement. Hier,
j'ai posé trois questions au ministre de l'Environnement...
Le Président: Vous poserez cette question à
l'étape des renseignements sur les travaux de cette Assemblée et
non à cette étape-ci.
Motions sans préavis, M. le premier ministre.
M. Jacques O'Bready, président de la Commission
d'accès a l'information
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, j'ai le grand plaisir,
conformément aux articles 104 et 105 de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels, de proposer que Me Jacques O'Bready, actuellement sous-ministre au
ministère des Affaires municipales, administrateur d'État 1, soit
nommé membre et président de la Commission d'accès
à l'information au même salaire annuel pour un mandat de cinq ans
à compter du 15 août 1988. La rémunération, les
avantages sociaux et les autres conditions de travail de Me O'Bready sont
prévus à la présente résolution que je
dépose devant l'Assemblée.
Le Président: Étant donné qu'en vertu de
l'article 104 de la loi citée par M. le premier ministre, ce vote exige
les deux tiers des membres de cette Assemblée, qu'on appelle les
députés.
MM. les whips. M. le whip de l'Opposition. M. le whip du
gouvernement.
Nous allons maintenant procéder au vote sur la motion
présentée par M. le premier ministre.
Que ceux et celles qui sont favorables à la motion
présentée par M. le premier ministre veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent),
Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Marx (D'Arcy McGee), Pagé
(Portneuf), Le-vesque (Bonaventure), Ryan (Argenteuil), Bour-beau (Laporte),
Paradis (Brome-Missisquoi), Sé-guin (Montmorency), Côté
(Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), MacDonald (Robert Baldwin),
Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Vallerand
(Crémazie), Lincoln (Nelligan), Côté (Charlesbourg),
Ciaccia (Mont-Royal), Vallières
(Richmond), Gobeil (Verdun), Picotte (Maskinongé), Fortier
(Outremont), Rivard (Rosemont) Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano
(Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay),
Lefebvre (Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Doyon
(Louis-Hébert), Sirros (Laurier), Maciocia (Viger), Middlemiss
(Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Lemire (Saint-Maurice),
Polak (Sainte-Anne), Kehoe (Chapleau), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides),
Bélisle (Mille-Îles), Thérien (Rousseau), Mme
Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Parent (Sauvé), Trudel
(Bourget), Bradet (Charlevoix), Camden (Lotbinière), Després
(Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah
(Îles-de-la-Madeleine), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet),
Gobé (Lafontaine), Hamel (Sherbrooke), Laporte (Sainte-Marie), Dubois
(Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Leclerc
(Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux
(Vanier), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault
(Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet),
Tremblay (Rimouski), Latulippe (Chambly), Théorêt (Vimont),
Saint-Roch (Drummond), Assad (Papineau), Chevrette (Joliette), Gendron
(Abitibi-Ouest), Mme Blackburn (Chicoutimi)...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Charbonneau (Ver-chères),
Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (La-violette), Brassard (Lac-Saint-Jean),
Filion (Talion), Desbiens (Dubuc), Godin (Mercier), Paré (Shefford),
Boulerice (Saint-Jacques), Claveau (Ungava), Dufour (Jonquière), Parent
(Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), M. Rochefort (Gouin).
Le Secrétaire: Pour: 92
Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion présentée par M. le
premier ministre est adoptée.
Toujours à l'étape des motions sans préavis, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Si on me le permettait,
avec le consentement unanime, on procéderait plutôt aux avis
touchant les travaux des commissions avant de procéder...
Le Président: Consentement, M. le leader de l'Opposition?
Allez, M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: M. le Président, j'avise l'Assemblée
qu'aujourd'hui, après les affaires couran-
tes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20
heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission
de l'aménagement et des équipements entendra les
intéressés et procédera a l'étude
détaillée des projets de loi d'intérêt privé
suivants et ce, dans l'ordre indiqué: le projet de loi privé 200,
Loi modifiant la Charte de la ville de Montréal; le projet de loi
privée 232, Loi concernant la ville de Bro-mont et le projet de loi
privé 209, Loi concernant la ville de Métabetchouan.
De 11 h 30 à 13 h 30, de 15 heures à 18 h 30 et de 20
heures à 21 h 30, à la salle du Conseil législatif, la
commission de l'économie et du travail tiendra un débat sur
l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. De
21 h 30 à minuit, au même endroit, ladite commission entendra les
intéressés et procédera à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
213, Loi concernant la fusion par absorption entre la Coopérative
forestière du Nord-Ouest et la Fédération des chantiers
coopératifs de l'Ouest québécois.
De 15 heures à 18 h 30 et de 20 heures à 1 heure, à
la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des affaires sociales
poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 34, Loi
modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et
d'autres dispositions législatives.
Après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15
heures à 18 heures et de 21 heures à minuit, à la salle
101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission des institutions
entendra les intéressés et procédera à
l'étude détaillée des projets de loi
d'intérêt privé suivants et ce, dans l'ordre
ci-après mentionné: le projet de loi privé 212, Loi
concernant la succession de Napoléon M. Lagueux...
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Gratton: Oui, M. le Président, j'en ai d'autres. Le
projet de loi privé 208, Loi concernant le Centre de ski Le Relais inc.,
et le projet de loi privé 229, Loi concernant la succession de Morris
Wexler.
M. le Président, vous aurez noté que quatre commissions
siégeront ce soir et ce, avec le consentement des membres de
l'Assemblée nationale et de l'Opposition officielle.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y
a consentement pour déroger aux articles 143 et 145 de notre
règlement, étant donné qu'il y a plus de trois commissions
qui siègent? Il y en a même quatre en même temps, à
un moment donné.
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Président: II y a consentement. Est-ce qu'il y a
d'autres avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement?
M. Gratton: Non, M. le Président, nous pourrions
maintenant revenir aux motions sans préavis.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Le Président: J'ai une demande, M. le leader du
gouvernement, par consentement...
M. Charbonneau: Par consentement, parce que je dois aller
présider la commission sur le libre-échange, je voudrais demander
ceci au leader du gouvernement. Hier, j'ai posé trois questions à
la vice-première ministre, étant donné que le ministre de
l'Environnement était absent, et elle m'avait indiqué que
j'aurais les réponses aujourd'hui. Le ministre n'a pas apporté
ses réponses. Je voudrais juste savoir si je peux avoir l'assurance que,
demain, sous forme de complément de réponse, j'aurai les
réponses aux questions que j'ai posées. (11 h 30)
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, après
vérification auprès de mon collègue de l'Environnement,
celui-ci serait disposé à répondre immédiatement
aux questions du député. Malheureusement, on ne pourrait assurer
le député de Verchères que les réponses pourraient
être fournies demain puisque le ministre doit se rendre à Ottawa
pour une réunion fort importante. Étant donné que
l'avant-midi appartient à l'Opposition puisqu'il y a une motion de
censure, si on revenait la semaine prochaine, je suis sûr que le ministre
de l'Environnement pourrait s'engager dès rfiain-tenant à fournir
les réponses lundi, mais je laisse le soin à l'Opposition de
juger si elle veut obtenir les réponses immédiatement.
Le Président: M. le député de
Verchères...
M. Charbonneau: Écoutez, M. le Président, on me dit
qu'il n'y aura pas assez de temps.
Le Président: ...toujours aux renseignements sur les
travaux de l'Assemblée, avez-vous une autre question?
M. Gendron: Non, le député de Verchères
comprend qu'à partir du moment où c'est la motion de blâme,
aujourd'hui, on va utiliser le temps pour la motion de blâme.
Le Président: Nous allons procéder aux motions sans
préavis, M. le leader du gouvernement.
Motion proposant la tenue de consultations
particulières sur le document
intitulé
"Résultat des travaux du comité de
travail
sur la révision de la Loi
électorale"
M. Michel Gratton
M. Gratton: II est curieux comme, souvent, la mauvaise humeur des
uns engendre la bonne humeur des autres.
M. le Président, je voudrais faire motion pour que la commission
des institutions procède à des consultations particulières
et tienne des auditions publiques à compter du 16 août 1988, afin
d'examiner toute proposition de révision de la Loi électorale sur
la base, notamment, du document de réflexion et de consultation sur la
révision de la Loi électorale déposé à
l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 et du document intitulé
"Résultat des travaux du comité de travail sur la révision
de la Loi électorale"; qu'une fois les consultations terminées
ladite commission puisse se réunir à nouveau afin d'examiner les
sujets qui pourraient faire l'objet de modifications à la Loi
électorale; que les mémoires soient reçus au
Secrétariat des commissions au plus tard le 22 juillet 1988, que le
ministre délégué à la Réforme
électorale et le député de Gouin soient membres de ladite
commission pour la durée du mandat et que le ministre des Communications
puisse participer aux travaux de ladite commission lorsque celle-ci abordera
les sujets relevant de son secteur de responsabilité.
M. le Président, à la suite d'une entente avec
l'Opposition officielle et le député de Gouin, je dépose
la liste des personnes et organismes invités à être
entendus par la commission.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
débattre de cette motion, dans un premier temps, M. le leader de
l'Opposition?
M. Gendron: Pas pour débattre de cette motion.
Le Président: Non, mais vous devez, quand même,
consentir...
M. Gendron: Oui, au dépôt de la motion.
Le Président: D'accord. Est-ce qu'elle est
adoptée?
M. Gendron: Oui.
Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres
motions sans préavis?
M. Gratton: Non, M. le Président.
Le Président: Nous allons procéder aux affaires du
jour.
Motion de censure proposant que
l'Assemblée blâme le gouvernement
de ne pas protéger vigoureusement les
compétences linguistiques du
Québec
Aux affaires du jour, plus précisément aux affaires
prioritaires, à l'article 1 au feuilleton, il s'agit d'une motion de
censure présentée par M. le député de
Lac-Saint-Jean, en vertu de l'article 304 de notre règlement.
Je vais faire lecture de cette motion de censure: "Que
l'Assemblée nationale blâme sévèrement le
gouvernement libéral de faire preuve de mollesse et
d'irresponsabilité en refusant de protéger vigoureusement les
compétences linguistiques du Québec menacées par le projet
de loi fédéral C-72 sur les langues officielles."
Cette motion est présentée par M. le whip de l'Opposition
et député de Lac-Saint-Jean Vous avez maintenant la parole, M. le
whip de l'Opposition.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président Je pense qu'il n'est
pas inutile de rappeler, en premier lieu, la lenteur du gouvernement du
Québec à prendre position dans ce dossier. Alors que le projet de
loi C-72 a été déposé en juin 1987, il aura fallu
le dépôt, en avril 1988, d'un avis du Conseil de la langue
française constatant l'empiétement du gouvernement
fédéral dans des secteurs de compétence
québécoise sur le plan linguistique avant que le gouvernement
libéral se réveille, sorte de sa torpeur et demande une analyse
juridique plus poussée sur le projet de loi C-72 sur les langues
officielles.
Je signale également que le Conseil de la langue
française, par la voix de son président, M. Martel, a
récemment réitéré ses critiques à
l'égard de C-72. Et je le cite "Je veux réaffirmer nos craintes,
disait-il On voyait, au moment du dépôt de l'avis, une
incompatibilité entre la loi 101 et ce projet-là. Le projet n'est
pas modifié et notre lecture demeure, quant à nous, la
même."
Le projet de loi C-72, nous l'avons maintes fois
répété et, à ce sujet-là, nous sommes en
plein accord avec le Conseil de la langue française, poursuit des
objectifs qu'on peut qualifier, à juste titre, d'inconciliables,
d'incompatibles avec ceux qui sont poursuivis par la Charte de la langue
française, particulièrement en matière de francisation des
entreprises. Et je pense que c'est là-dessus qu'il est important
d'insister.
Le gouvernement fédéral a clairement indiqué sa
volonté, que je qualifierais de législative... Mme la
Présidente, est-ce que je pourrais avoir le droit de parole et est-ce
qu'on pourrait le respecter?
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais
à ceux qui tiennent des caucus de
bien vouloir les faire à l'extérieur. Présentement
c'est le droit de parole du député de Lac-Saint-Jean et
j'aimerais bien l'entendre. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Donc, je rappelais
la volonté législative du gouvernement fédéral, en
particulier par une disposition du projet de loi C-72 qui est l'article 42,
cette volonté très ferme du gouvernement fédéral
d'intervenir comme acteur linguistique dans des domaines nettement reconnus
comme des domaines de juridiction québécoise, en particulier
l'entreprise. C'est important de le signaler parce qu'on le sait, on
connaît l'effort considérable du Québec depuis plus d'une
dizaine d'années pour franciser l'entreprise, un effort de francisation
de l'entreprise soutenu, difficile, parce que c'est un front où le
combat est toujours difficile. Il est évident que le gouvernement
fédéral, par l'article 42 de son projet de loi, manifeste
très clairement son intention d'intervenir comme acteur linguistique
dans l'entreprise. Quand on dit intervenir comme acteur linguistique, cela veut
dire concrètement, Mme la Présidente, intervenir pour promouvoir
l'anglais. Au Québec, l'intervention du gouvernement
fédéral sur le plan linguistique consiste à soutenir la
langue de la minorité. Donc, au Québec, cela consiste à
soutenir la promotion de l'anglais. Dans le cas de l'article 42, il s'agit de
la promotion de l'anglais dans les entreprises.
Cette volonté législative et politique également du
gouvernement fédéral d'intervenir comme un acteur linguistique
dans les domaines de juridiction québécoise, c'est d'autant plus
inquiétant, Mme la Présidente, que l'on se rend compte qu'on est
en face, lorsqu'on examine la vision du gouvernement fédéral en
relation avec l'accord du lac Meech et celle du gouvernement
québécois, de deux visions diamétralement opposées,
deux visions contradictoires. Puisque M. Mulroney l'a très clairement
exprimé, la semaine dernière, lorsqu'il avait à ses
côtés le premier ministre du Québec, sur la même
tribune, il a très clairement indiqué la volonté ferme,
déterminée, sans équivoque du gouvernement
fédéral d'intervenir comme acteur linguistique au Québec
pour promouvoir le bilinguisme, c'est-à-dire, concrètement, pour
promouvoir l'anglais au Québec, en particulier dans les domaines
prévus par l'article 42, entre autres, l'entreprise, les syndicats, les
associations patronales. (11 h 40)
De son côté, le premier ministre du Québec exprimait
une vision tout à fait différente, évoquait le concept de
société distincte qu'on retrouve dans l'accord du lac Meech, mais
force nous est de constater qu'on est en face de deux visions
différentes. M. Mulroney invoquait et s'appuyait sur la dualité
linguistique pour justifier l'intervention fédérale en
matière linguistique au Québec, alors que M. Bourassa, de son
côté, invoquait le concept de société distincte pour
justifier les compétences linguistiques du Québec. Mais il y
avait une nette contradiction entre les deux visions du Canada et du
Québec, toutes deux curieusement issues de l'entente du lac Meech.
Face à cela, quelle a été l'attitude du
gouvernement québécois et du ministre responsable des relations
fédérales-provinciales? Il s'est transformé en Mme de
Sévigné et il a écrit une lettre. Il s'est adonné
à l'art épistolaire. il a écrit une lettre à son
homologue fédéral, Secrétaire d'État, M. Lucien
Bouchard, pour lui dire qu'il était très conscient, très
déterminé à protéger les compétences
linguistiques du Québec. Il faut reconnaître cependant que cela
s'est arrêté là. Il n'y a pas eu d'autres actions qui ont
suivi cet envoi d'une missive au Secrétaire d'État.
On est en face, en quelque sorte, d'un gouvernement qu'on pourrait
qualifier de déclara-toire, il fait des déclarations, un
gouvernement verbo-moteur, il exprime des opinions. Il fait des
déclarations, dans le cas présent, par la voie d'une missive au
Secrétaire d'État, mais cela s'arrête là. Il n'y a
pas d'autres actions qui ont suivi cette lettre, cet échange
épistolaire. Il n'y a pas d'autres actions concrètes pour que les
compétences linguistiques du Québec en regard de C-72 soient
pleinement respectées.
Concrètement, le gouvernement fédéral, par
conséquent, continue d'occuper le terrain, de prendre l'initiative, pour
employer les expressions qu'on retrouve dans le dernier avis du Conseil de la
langue française sur l'entente du lac Meech. Ah! J'oubliais. Le ministre
délégué aux des Affaires intergouvernementales canadiennes
propose une entente avec le gouvernement fédéral. Il propose de
négocier une entente-cadre avec le gouvernement fédéral
sur C-72. Une entente-cadre sur quel sujet? C'est là évidemment
que le ministre se fourvoie. Ce n'est certainement pas une entente-cadre qui va
porter sur des juridictions fédérales. Le gouvernement
fédéral, de par la Loi sur les langues officielles, se donne le
droit et le pouvoir d'être un intervenant linguistique dans les secteurs
de sa juridiction. C'est le cas depuis que la Loi sur les langues officielles
existe. Ce n'est pas nouveau. On n'a pas besoin d'entente-cadre
là-dessus. On n'a pas besoin de conclure une entente-cadre pour
permettre au gouvernement fédéral d'occuper ses champs de
juridiction.
C'est évident que, quand on parie d'une entente-cadre, celle-ci
va porter sur des domaines de juridiction québécoise, va
cautionner l'intervention du gouvernement fédéral dans des
domaines de juridiction québécoise. C'est là qu'on dit
qu'une telle entente-cadre est dangereuse parce qu'elle constitue une
reconnaissance formelle, implicite, par le Québec, du pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral dans les secteurs
linguistiques relevant de la compétence du Québec. C'est
là le danger. C'est cela qu'on a
signalé comme danger. C'est d'ailleurs ce que signalait
également le Conseil de la langue française.
Il est étonnant, de la part d'un ministre qui prétend que
le pouvoir exclusif du Québec en matière linguistique n'est pas
négociable, que la première action qu'il pose face à une
volonté d'ingérence du gouvernement fédéral en
matière linguistique au Québec, ce soit non pas de s'y opposer
fermement et de demander au gouvernement fédéral de battre en
retraite, de reculer mais, c'est étonnant, c'est curieux, c'est de dire
au gouvernement fédéral: Écoutez, n'y aurait-il pas lieu
de conclure une entente-cadre sur vos interventions comme vous semblez le
souhaiter d'après certaines dispositions de la loi C-72? N'y aurait-il
pas lieu de conclure une entente-cadre pour baliser, pour encadrer vos
interventions dans des domaines de juridiction québécoise?
Mme la Présidente, à notre avis, cette reconnaissance par
le biais d'une entente-cadre affaiblirait la position du Québec en cas
de recours judiciaire de sa part visant à contester
éventuellement l'intrusion du gouvernement fédéral en
matière linguistique au Québec. C'est ce qu'évoquait
également le ministre. En réponse à nos questions, le
ministre disait: Écoutez, s'il y a intrusion, s'il y a ingérence,
nous allons réagir et nous allons contester cette ingérence
fédérale devant les tribunaux. Nous disons que, s'il y a eu
conclusion et signature d'une entente-cadre, ce simple fait va affaiblir
dangereusement la position du Québec en cas de recours judiciaire parce
que le gouvernement fédéral pourra invoquer l'accord du
Québec à l'intérieur d'une entente-cadre pour cautionner,
justifier et approuver ses interventions linguistiques au Québec.
Également, je pense qu'il est important de signaler la
fragilité d'une entente-cadre, de cette voie choisie par le ministre
parce que cette entente-cadre peut être remise en question à tout
moment par l'actuel gouvernement, mais aussi par le prochain, celui qui va lui
succéder. Ce gouvernement ne sera pas éternel. Ou encore, cette
entente-cadre peut être remise en question par un nouveau titulaire au
poste de Secrétaire d'État. Donc, c'est très fragile de
choisir cette voie de l'entente-cadre parce qu'il suffit d'un changement de
gouvernement, d'un changement de titulaire au poste de Secrétaire
d'État pour qu'une telle entente soit balayée du revers de la
main, soit mise de côté, jetée à la poubelle et
qu'on revienne après coup aux dispositions législatives du projet
de loi C-72 et, en particulier, à l'article 42 qui n'aura pas
été modifié, qui n'aura pas été
retranché, qui n'aura pas été enlevé parce qu'on ne
l'aura pas demandé, tout simplement. On reviendra à ces assises
juridiques. C'est cela qui est important. Le projet de loi C-72 établit
les assises juridiques qui permettront au gouvernement fédéral de
justifier, en cas de contestation judiciaire devant les tribunaux, son
empiétement dans les secteurs de compétence linguistique du
Québec en invoquant son pouvoir de dépenser dans un domaine aussi
vital pour le Québec. (11 h 50)
Par conséquent, Mme la Présidente, cette motion que nous
présentons, et qui porte sur le même sujet qu'une motion que nous
avons déjà présentée précédemment,
vise à blâmer le gouvernement libéral pour ne pas avoir
fait preuve de vigueur, de dynamisme dans la défense des
compétences linguistiques face aux intentions véritables du
gouvernement fédéral en cette matière. Ce qui est
extrêmement inquiétant et dangereux, c'est que ces intentions
fédérales s'appuient sur une interprétation de l'accord du
lac Meech qui est en voie de ratification au Canada. Cela a été
dit, cela a été démontré, cela a été
reconnu par le premier ministre fédéral lui-même, cela a
été largement démontré par le Conseil de la langue
française dans son avis sur la question, le gouvernement
fédéral s'appuie sur la notion de dualité linguistique
comme étant la caractéristique fondamentale du Canada tel qu'on
la retrouve dans l'accord du lac Meech pour justifier, asseoir juridiquement
ses interventions dans des secteurs autres que les siens sur le plan
linguistique.
Je reviens au danger d'intervention et d'intrusion du gouvernement
fédéral dans le secteur des entreprises. Dans le projet de loi
C-72, quand on parle des entreprises à l'article 42, il n'y a rien qui
dit que c'est limité aux entreprises de juridiction
fédérale. On parle des entreprises, on parle des associations
patronales, on parle des associations syndicales, "at large", sans limite, sans
limitation. C'est dangereux cela parce que, je le répète, il peut
y avoir, si le gouvernement fédéral maintient ses intentions,
collision d'objectifs, incompatibilité d'objectifs poursuivis par les
deux gouvernements. Le gouvernement québécois, son objectif dans
les entreprises, c'est la francisation, c'est de faire du français la
langue de travail. C'est difficile, cela demande beaucoup d'efforts, beaucoup
d'énergies, beaucoup de bonne volonté aussi, beaucoup de
concertation. C'est difficile, mais c'est cela son objectif: faire du
français la langue de travail, franciser les entreprises.
Si le gouvernement fédéral intervient, en vertu de
l'article 42 de C-72, dans le secteur des entreprises pour promouvoir le
bilinguisme au Québec, cela veut dire promouvoir l'anglais, parce que
selon les dispositions de C-72, dans les provinces prises comme territoires
linguistiques, c'est la langue de la minorité qui est l'objet de
promotion. Au Québec, la langue de la minorité, c'est l'anglais.
Par conséquent, dans les entreprises, cela va se traduire par un plan
d'action visant à promouvoir l'anglais, alors que l'objectif du
gouvernement québécois c'est la francisation des entreprises. Il
y a donc là une incompatibilité, deux objectifs inconciliables.
Il aurait fallu que le gouvernement québécois fermement, de
façon déterminée, vigoureuse dise au gouverne-
ment fédéral: Vous devez reculer sur ce terrain.
Contentez-vous d'occuper, comme c'était le cas par le passé, vos
juridictions en matière de langues officielles, mais ne venez pas
piétiner nos plates-bandes, ne venez pas vous ingérer dans nos
secteurs, dans nos domaines de juridiction québécoise. Enlevez du
projet de loi C-72 les dispositions qui pourraient justifier une telle
intervention dans nos domaines, dans nos plates-bandes.
Cela n'a pas été fait. On s'est contenté d'une
lettre, d'une missive, sans plus, sans demander plus. Par conséquent,
c'est pour cette raison que j'ai inscrit cette motion de censure qui, je le
répète, blâme sévèrement le gouvernement
libéral de faire preuve de mollesse et d'irresponsabilité en
refusant de protéger vigoureusement les compétences linguistiques
du Québec, qui sont menacées par le projet de loi
fédéral C-72 sur les langues officielles. Je termine en disant
que ce qu'il y a d'inquiétant dans l'attitude du gouvernement
québécois, du gouvernement libéral, sur cette question,
comme sur bien d'autres questions, c'est le peu de souci, le peu de
préoccupations de ce gouvernement pour préserver
l'intégrité de l'État québécois,
préserver les compétences de l'État
québécois. Je pense qu'il faut dénoncer, à ce
sujet, comme en bien d'autres, l'irresponsabilité, la mollesse du
gouvernement de façon à préserver
l'intégrité de l'État québécois. C'est
pourquoi nous avons présenté cette motion de blâme.
Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lac-Saint-Jean. M. le ministre de l'Éducation.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, j'ai écouté avec
intérêt l'intervention du député de Lac-Saint-Jean
et, comme cette question des droits linguistiques m'a toujours vivement
intéressé, j'ai pensé qu'il était de mon devoir
d'intervenir dans ce débat afin de situer la discussion dans une
perspective peut-être plus juste et plus réaliste.
Il importe de signaler des le départ que, sur la
nécessité d'une action vigoureuse et concertée pour
maintenir et renforcer le caractère français du Québec, je
pense bien qu'il y a accord profond entre tous les députés de
l'Assemblée nationale sur le rôle très important et
primordial qui incombe au gouvernement du Québec et à
l'Assemblée nationale en matière linguistique. Il y a
également accord profond entre les députés des deux
formations.
Là où les désaccords commencent, c'est tout d'abord
dans l'interprétation de la réalité et,
deuxièmement, dans l'approche générale que l'on adopte
d'un côté et de l'autre de la Chambre à l'endroit de notre
système de gouvernement canadien et des modes diversifiés
d'interventions qu'il rend possibles. J'ai souvent remarqué, à
l'occasion de nos débats au cours des dernières années,
que, chaque fois qu'on aborde la question linguistique dans son rapport avec le
système fédéral canadien, les députés de
l'Opposition sont enclins à adopter une attitude défensive, une
attitude de crainte et de peur qui atteint souvent des proportions de
dramatisation fort éloquentes, surtout sur les lèvres du
député de Lac-Saint-Jean dont nous apprécions la
clarté et la vigueur d'expression.
Du côté libéral, l'attitude est différente.
Nous avons tout d'abord un réflexe construct. Nous avons tout d'abord
une attitude positive, ce qui ne nous empêche pas d'être vigilants.
Mais nous essayons de voir les choses dans leurs aspects positifs avant de nous
arrêter et, surtout, au lieu de nous arrêter uniquement aux aspects
négatifs. Je pense que cela conditionne beaucoup les conclusions
auxquelles nous sommes amenés par l'examen de problèmes comme
celui qui est au coeur du débat d'aujourd'hui.
Devant le projet fédéral de loi linguistique qui s'appelle
C-72, je voudrais tout d'abord en toute objectivité signaler les
modifications qu'il apporte par rapport à la loi que nous connaissons
présentement et qui fut adoptée en 1969 sous le gouvernement de
M. Pierre Elliott Trudeau. Déjà, la loi de 1969 innovait beaucoup
parce qu'elle créait pour le gouvernement fédéral des
obligations considérables en matière de services devant
être offerts en français et en anglais, c'est-à-dire dans
les deux langues officielles du Canada, à la population canadienne et
aussi en matière de droit d'accès à des fonctions dans le
service public du Canada pour des Canadiens parlant l'une ou l'autre des deux
langues officielles du Canada. Mais tout le monde avait constaté qu'il y
avait des faiblesses dans la loi. C'est une très belle loi qui a fait
l'objet de commentaires admiratifs dans beaucoup d'autres pays et dont, moi, je
me suis plu à maintes reprises à signaler les effets bienfaisants
qu'elle a produits au Canada depuis 20 ans. On avait signalé dans bien
des milieux des faiblesses importantes de cette loi et la plus importante - le
député de Lac-Saint-Jean en conviendra, j'en suis sûr, sans
discussion - c'était le silence de la loi de 1969 sur la langue de
travail dans l'administration publique fédérale. On disait que le
public pouvait exiger d'être servi dans sa langue, mais on ne
créait pas de conditions spéciales pour le travail quotidien
à l'intérieur de la fonction publique.
Or, dans le projet de loi C-72, le député de
Lac-Saint-Jean conviendra avec moi qu'il y a des améliorations
considérables parce qu'on affirme explicitement le droit d'un
fonctionnaire de travailler dans sa langue au gouvernement
fédéral - pas au gouvernement québécois, au
gouvernement fédéral. On affirme également l'obligation
pour les supérieurs de cet employé d'être capables de
traiter avec lui dans sa langue, pas dans leur langue à eux. Enfin, on
introduit dans la loi fédérale un principe de courtoisie et de
civilisation élémentaire, à savoir le devoir du
supérieur de transiger avec celui qui
est placé dans une situation de subordination envers lui dans la
langue du subordonné et non pas du supérieur. C'est un point que
j'aurais aimé qu'on signale en toute objectivité, mais je le fais
par souci de la vérité.
On avait signalé que les obligations du Conseil du trésor
et du Secrétaire d'État qui sont chargés de l'application
courante de la loi n'étaient pas définies de manière assez
ferme dans la loi de 1969. Cette fois-ci, les obligations de l'un et de l'autre
sont définies avec beaucoup plus de vigueur. (12 heures)
Un autre point faible de la loi de 1969, c'était l'absence de
recours judiciaire auquel elle pouvait donner lieu. On disait aux citoyens: Si
vous avez un problème, adressez-vous au Commissaire aux langues
officielles. Le Commissaire aux langues officielles a très bien fait son
travail depuis une vingtaine d'années. Je pense que nous avons
été fortunés d'avoir à ce poste des personnes
très consciencieuses, même si nous ne sommes pas obligés
d'être toujours de leur avis sur tous les jugements qu'elles portent. Une
fois que le Commissaire aux langues officielles s'était prononcé,
il pouvait faire une recommandation au ministère concerné; il
n'avait pas de pouvoir de mener la situation jusqu'au bout. En particulier, ce
qui manquait, c'était la possibilité pour un citoyen ou pour le
Commissaire aux langues officielles de se prévaloir d'un recours devant
les tribunaux. Quand une loi n'est pas observée, on ne va pas dans la
rue, on n'appelle pas l'armée, on va voir les tribunaux. Ce droit
n'était pas clairement défini dans la loi de 1969. Il l'est dans
le projet de loi C-72. Voilà autant d'aspects du projet de loi C-72 dont
nous devrions pouvoir parler de manière constructive et favorable. Je le
fais sans aucune espèce de complexe. Vu que l'Opposition a inscrit ce
sujet à l'ordre du jour de nos débats, je pense qu'il est dans
l'ordre que nous fassions d'abord justice à ces aspects positifs du
projet de loi C-72.
Maintenant, l'Opposition attire notre attention, depuis quelques
semaines, sur un aspect du projet de loi C-72 qui est de nature à
susciter des interrogations. Dans la loi de 1969, on s'en tenait strictement
à définir les droits et les obligations en matière
linguistique en ce qui touche le fonctionnement des organismes du gouvernement
fédéral. Par exemple, on disait: II faudra que ceci se fasse
à l'intérieur de la fonction publique fédérale. On
définissait des obligations en matière de services en langue
française ou en langue anglaise pour telle sorte de services, pour les
sièges sociaux des sociétés de la couronne, etc. Ici, on
va plus loin. On introduit, dès le préambule, un concept qui
n'était pas dans la loi jusqu'à maintenant et je vais le citer
pour être franc, pour examiner jusqu'au bout tous les aspects du
problème.
Le gouvernement fédéral se reconnaît l'obligation ou
il se la donne, en plus de promouvoir les droits linguistiques dans les
organis- mes qui relèvent de sa compétence, de promouvoir la
pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la
société canadienne. Par conséquent, il élargit
beaucoup les perspectives. De ce côté, je pense que nous avons les
mêmes textes devant les yeux. Nous avons l'obligation de les lire de la
même manière, dans la mesure où nous ne les faussons point.
Alors, il y a cet élargissement considérable de perspectives
auquel il faut être attentif. Il faut veiller, dans le reste du texte de
loi, à voir ce que ceci veut dire, parce que le préambule, c'est
toujours une chose, mais ce n'est pas cela qui est le plus décisif dans
l'application et l'interprétation des textes de loi, nous le savons
tous.
Si nous allons plus loin dans le projet de loi, nous constatons
qu'à peu près tout ce que nous trouvons dans le projet de loi
concerne surtout les organismes du gouvernement fédéral, la
manière dont devront fonctionner le Parlement, les services
législatifs, les tribunaux, les services judiciaires, les
sociétés de la couronne et la fonction publique pour tenir compte
et respecter les droits linguistiques autant des francophones que des
anglophones au Canada.
Il y a une section qui est au coeur du débat introduit par
l'Opposition et je ne voudrais pas me dérober à l'obligation qui
m'incombe de l'aborder franchement. C'est la section qui est intitulée
"Partie VII, promotion du français et de l'anglais." Dans cette section,
on donne au Secrétaire d'État le droit de prendre les mesures
qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers
l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais
dans la société canadienne, notamment... Il y a toutes sortes de
choses qui sont énumérées, y compris celles dont a
parlé le député de Lac-Saint-Jean. Il n'a pas
inventé ces choses-là; il les a puisées dans le texte.
Soyons de bon compte.
Maintenant, je les prends une après l'autre pour ramener les
choses à des proportions plus réalistes. "Il prend des mesures de
nature à favoriser l'épanouissement des minorités
francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur
développement." Le gouvernement fédéral le fait depuis 25
ans. Le gouvernement fédéral finance les associations
francophones dans d'autres provinces depuis 25 ans. Également, il a
donné des subventions à Alliance Québec au Canada, qui se
présente comme l'organisme représentant la minorité
anglophone au Québec. Il le fait depuis 25 ans, il n'y a rien de nouveau
là-dedans. Je ne pense pas que nous puissions le contester.
Je pense que cet article du projet de loi n'ajoute pas grand-chose
à ce qui se fait déjà. Cela n'ajoute absolument rien
à la compétence du gouvernement fédéral. C'est une
chose qui se fait et nous-mêmes avons considéré qu'elle
devait se faire en ce qui touche les minorités francophones des autres
provinces. Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean voudrait nous
dire que le gouvernement fédéral devrait se refuser à
toute forme
de responsabilité envers les minorités francophones dans
les autres provinces du Canada? Moi, je ne serais pas prêt à aller
jusque-là.
Ensuite, "pour encourager et appuyer l'apprentissage du français
et de l'anglais." J'entendais le député de Lac-Saint-Jean
s'inquiéter tantôt du concept d'accord-cadre. Nous l'avons
déjà. Votre gouvernement péquiste a signé un accord
de cette nature en matière d'enseignement des langues officielles. On va
en signer un autre prochainement. J'ai reçu la version que propose le
gouvernement fédéral pour les trois prochaines années de
l'accord sur l'enseignement des langues officielles. C'est déjà
dans la machine depuis longtemps, vous l'avez fait. Cet accord nous permet de
financer en grande partie les services scolaires dont dispose la
minorité anglophone au Québec. Cela permet de financer les
services scolaires dont dispose la minorité francophone dans les autres
provinces du Canada. Il n'y a pas de quoi nous inquiéter. Nous
reconnaissons qu'il y a un rôle de soutien qui est rempli depuis
longtemps par le gouvernement fédéral dans ce domaine et, dans la
mesure où cela se fait en respectant les compétences des
provinces, en respectant leur système d'éducation propre, je
pense que nous avons lieu de nous réjouir qu'un coup de pouce soit
donné à la promotion d'une meilleure connaissance des deux
langues officielles, surtout à la promotion d'une meilleure connaissance
de sa langue par chaque famille linguistique, française ou anglaise, et
à la promotion d'une chance d'accès à la connaissance de
l'autre langue officielle par les membres de chacune des deux familles
linguistiques.
Je ne pense pas, jusqu'à maintenant, qu'il y ait un débat
sérieux entre nous, à moins que je ne me fasse des illusions. Si
je me fais des illusions, je serais bien content qu'on me le dise. À ce
moment-là, il faudrait répudier les actions qu'ont faites les
gouvernements du Québec depuis déjà une vingtaine
d'années, y compris le gouvernement péquiste qui a
été, pendant neuf ans, au pouvoir, qui n'a jamais soulevé
ce problème. Je pense qu'il avait raison de ne pas le soulever parce que
nous faisons tellement pour la minorité anglophone au Québec
depuis la Confédération qu'il était normal qu'une certaine
mesure compensatrice comme celle-là soit mise à la disposition du
Québec pour assurer en partie le financement de ces services. Je n'ai
aucune gêne devant cela. Je pense qu'il était normal que nous le
fassions, notre compétence législative et administrative
étant complètement sauve. "Pour encourager le public à
mieux accepter et apprécier le français et l'anglais." Je pense
que c'est le devoir de pratiquer la vertu. C'est "motherhood and apple pie",
comme on dit, c'est la maternité et la pomme, qui est le fruit
préféré de tous les Canadiens, nous le savons. Je pense
bien qu'on ne peut pas nier au gouvernement fédéral le droit de
prendre des mesures pour encourager le public à mieux accepter et
apprécier le français et l'anglais. Si cela nous fait peur, on
est aussi bien d'aller se réfugier sur une planète très
éloignée de la planète terrestre. Cela ne
m'inquiète pas beaucoup. Cela demande du discernement, cela demandera du
jugement dans l'application, mais, à part cela, il y a un pouvoir
souverain qui incombe à chaque gouvernement. La ville de Montréal
peut le faire, la ville de Hamstead peut le faire, la commission scolaire du
Lakeshore peut le faire, le gouvernement de l'Ontario peut le faire, et on
irait écrire que le gouvernement fédéral ne peut pas faire
cela. Moi, je ne pousserais pas l'irréalisme jusque là, pour
être franc avec vous.
Je continue: "encourager et aider les gouvernements provinciaux à
favoriser le développement des minorités francophones et
anglophones." Encore là, on n'a pas de problème jusqu'à
maintenant, encourager et aider les gouvernements provinciaux à
favoriser le développement des minorités francophones et
anglophones. Nous n'avons pas de problème ici. Je viens de donner
l'exemple de l'enseignement des langues officielles, de l'appui aux services
scolaires destinés à la minorité linguistique et aussi aux
services scolaires destinés à favoriser l'apprentissage de
l'autre langue officielle par les membres de la majorité linguistique.
Il n'y a pas de problème là-dedans jusqu'à maintenant, en
tout cas. Alors, on dégonfle, quand même, une bonne partie du
ballon en faisant cet exercice d'analyse élémentaire fondé
sur l'histoire et la réalité déjà connue. (12 h
10)
J'ajoute un point - et je passe certains points - "permettre aux
gouvernements provinciaux d'offrir à leur population des services
provinciaux et municipaux en français et en anglais." Cela passe par la
compétence provinciale. Il n'y a pas de problème
là-dessus. Je pense qu'il n'y a pas lieu de nous attarder.
Quant au point qui inquiète le plus l'Opposition, je pense qu'on
doit le regarder loyalement aussi. Il faut essayer de comprendre l'objection,
même si c'est pour la réfuter. Il faut d'abord, l'avoir comprise,
parce qu'autrement la soi-disant réfutation porte à faux et
à vide.
Le projet de loi voudrait habiliter le Secrétaire d'Etat du
Canada à prendre des mesures pour encourager les entreprises, les
organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles
et autres à fournir leurs services en français ou en anglais,
à favoriser la reconnaissance et l'usage de ces deux langues, collaborer
avec eux à ces fins, et ensuite encourager et aider les organisations,
associations ou autres organismes à refléter ou promouvoir au
Canada et à l'étranger le caractère bilingue du
Canada.
Il y a toute une partie qui est au-dessus de toute discussion dans ces
paragraphes. Dans la mesure où il s'agit d'entreprises, de syndicats ou
d'associations oeuvrant dans des secteurs qui relèvent de la
compétence législative du Parlement fédéral, je
pense qu'il n'y aura pas de
problème. Disons qu'il s'agit de nos institutions bancaires et
que le gouvernement fédéral veuille faire quelque chose, prendre
des mesures pour favoriser le respect des deux langues officielles à
l'intérieur du système bancaire, du système de
radiodiffiusion, du système postal, du système des chemins de fer
et d'aviation, qui relèvent au premier chef du gouvernement
fédéral; je pense bien que le député de
Lac-Saint-Jean conviendra avec moi qu'on peut très bien accepter que,
dans ces secteurs-là, relevant de sa compétence, le gouvernement
fédéral voudra habiliter le Secrétaire d'État
à prendre des mesures pour aider les entreprises, les associations
patronales, les associations syndicales à respecter et à
promouvoir l'égalité des deux langues à l'intérieur
de leurs activités de travail.
Maintenant on dit oui, mais, tel que formulé, cela peut
déborder, C'est possible que cela puisse déborder.
Législativement, le Conseil de la langue française
lui-même, dans l'avis qu'il a donné au gouvernement,
reconnaît que cela ne pourra pas déborder, parce que, même
s'il allait affirmer qu'il peut intervenir là-dedans, il suffira d'une
contestation judiciaire pour que le gouvernement fédéral soit
ramené dans le droit chemin. Ce n'est pas parce qu'il écrirait un
mot de plus dans ce paragraphe de la loi qu'il changerait un iota à la
constitution canadienne. La constitution demeure ce qu'elle est, et
jusqu'à nouvel ordre... Je pense que le principe le plus sûr que
nous puissions invoquer là-dedans... Et je suis prêt à me
faire corriger tantôt par le député de Jean-Talon, ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, si
je fais erreur. Je lui demande de m'écouter attentivement avec toute la
vigilance dont il est capable. En général, sauf les dispositions
constitutionnelles qui traitent explicitement de langue, la compétence
en matière linguistique suit la compétence dans les
différents champs d'intervention législative. Si la
compétence en matière de santé est donnée aux
provinces, c'est à elles qu'il incombe d'intervenir pour définir
les normes de pratique linguistique en matière de services de
santé. Alors, quand même le gouvernement fédéral
dirait le contraire ici, il ne pourrait changer aucun élément
à l'ordre constitutionnel qui nous régit. Par conséquent,
il y a déjà une première garantie qui est inscrite dans
une lecture le moindrement réaliste de la constitution. Cela c'est
premièrement.
Et je pense que cela, c'est le fond, le fondement de la position du
gouvernement du Québec, et c'est pourquoi nous n'avons pas crié
aux corneilles quand nous avons réagi par l'intermédiaire de la
lettre que le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes a adressée au gouvernement
fédéral au nom du gouvernement du Québec. C'est parce
qu'il savait cela. Ce n'est pas nécessaire de le dire à chaque
fois. Quand on est catholique, on n'est pas obligé de se promener en
ayant l'étiquette catholique au cou tout le temps. Les gens s'en
aperçoivent par la manière dont on agit.
Quand on respecte la constitution, on n'est pas obligé de dire:
Je suis fidèle à la constitution. Cela va en marchant. Cela va
sans le dire. C'est pour cela. S'il fallait qu'on aille écrire chaque
fois, dans les textes de loi qu'on fait, "dans le domaine de ma
compétence, je fais ceci", il y aurait une tautologie absolument
innommable. Alors, je pense qu'il faut comprendre ces points de vue là.
Voici une première sauvegarde.
Il y en a deux autres. Il y en a une qui est inscrite dans l'accord du
lac Meech. L'accord du lac Meech nous dit deux choses. Je ne comprends par
pourquoi l'Opposition en retient toujours seulement une. La première
nous dit - et c'est au tout début de l'accord du lac Meech: 'Toute
interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec: "a) la
reconnaissance de ce que l'existence de Canadiens d'expression
française, concentrés au Québec mais présents aussi
dans le reste du pays, et de Canadiens d'expression anglaise, concentrés
dans le reste du pays mais aussi présents au Québec, constitue
une caractéristique fondamentale du Canada. "b) la reconnaissance de ce
que le Québec forme au sein du Canada une société
distincte."
Ces deux articles ne peuvent pas être interprétés
l'un indépendamment de l'autre. Il y en a un qui a été
formulé en premier, mais il est nuancé par ce qui est dit dans le
deuxième. Si on veut donner une interprétation honnête, il
faut les prendre tous les deux ensemble. C'est évident. Il y a un
engagement pour le gouvernement du Québec à respecter la
dualité linguistique du Canada dans la mesure définie par la
constitution. En matière de travaux parlementaires, il y a des
obligations précises qui nous sont données par la constitution.
Nous les reconnaissons sans difficulté. En matière de tribunaux,
il y a des obligations qui sont définies dans l'article 133 de la
constitution canadienne. C'est couvert par le paragraphe a) ici. Je sais que
l'Opposition n'accepte pas la constitution canadienne. C'est son droit. Elle ne
l'accepte pas en principe et en pratique, et je ne l'accuse pas de
désobéissance civile, pas du tout, parce que je pense qu'elle
respecte la constitution. Je lui donne ce crédit-là sans
discussion. C'est le premier point, la dualité linguistique du Canada
dans la mesure, toujours, qui est définie par les textes
constitutionnels.
On a d'autres textes, ceux qui ont été ajoutés par
l'accord constitutionnel de 1982 en matière de droits scolaires, par
exemple. Cela fait partie aussi de ce que nous reconnaissons. Nous n'allons pas
au-delà de cela. Nous n'avons pas ajouté un iota à la
constitution canadienne en matière d'obligations du Québec
concernant la dualité linguistique. Nous acceptons ce qui est
défini. Mais nous disons: Pour le reste, vous savez, la reconnaissance
de ce que le Québec constitue au sein du Canada une
société distincte, dont le caractère est
déjà établi par beaucoup de dispositions
constitutionnelles et
législatives et dont le caractère pourra être
affirmé davantage au cours des années à venir par les
mesures que nous prendrons.
Une deuxième garantie qui n'est pas négligeable. Je ne
veux pas engager tout le débat. J'adorerais avoir la chance de faire une
intervention d'une heure à l'Assemblée nationale sur ce
thème-là. Un bon débat avec l'Assemblée nationale
me plairait énormément. Je pense que le ministre responsable de
ce secteur l'a fait à maintes reprises et il a très bien
défini la position du gouvernement.
J'ajoute une troisième garantie et je termine là-dessus,
Mme la Présidente. Il y a aussi l'article '44 du projet C-72, qui
prévoit que, pour s'acquitter de ses obligations, le Secrétaire
d'État du Canada sera autorisé à procéder à
des consultations et à la négociation d'accords avec les
gouvernements provinciaux en vue d'assurer le plus possible la
réalisation des objectifs de la loi. Nous autres, nous avons tout de
suite écrit pour les prévenir que, dans toute la mesure où
ils voudraient appliquer cet article-là, nous exigerons la signature
d'un accord. Ils ont répondu qu'ils étaient prêts à
le faire. Là, on va tomber dans le même ordre d'initiatives que
cet accord sur les langues officielles dont j'ai parlé tantôt,
l'accord sur l'enseignement des langues officielles. On en a signé un
autre, récemment, sur le développement régional. On peut
bien avoir comme théorie: Le développement régional,
Québec Québec! On se rend compte qu'on a besoin de collaboration
financière. On signe une entente avec le gouvernement
fédéral qui nous donne la maîtrise d'oeuvre, la
réalisation des projets qui nous assurent d'une certaine participation.
Il n'y a rien d'humiliant à cela. Je pense que c'est la loi même
d'un système fédéral que cela débouche souvent sur
des ententes-cadres de cette nature.
Alors, étant donné ces trois garanties dont j'ai
parlé, tout d'abord la garantie définie par l'ordre
constitutionnel canadien lui-même, deuxièmement, la garantie
contenue dans l'accord du lac Meech et, troisièmement, la garantie
contenue dans l'article 44 du projet de loi C-72, je pense que nous avons les
éléments pour nous défendre au nom du Québec, pour
tenir très haute la position du Québec vis-à-vis du
gouvernement fédéral dans la mesure où on voudrait
interpréter ce texte de loi différemment.
Maintenant, j'ajouterais en conclusion que, si j'avais été
invité à rédiger ce texte de loi, je ne l'aurais pas
rédigé de la manière dont il est rédigé,
à la fois dans le préambule et dans cette partie qui donne lieu
à une contestation de la part de l'Opposition. Je ne voudrais pas qu'on
pense deux minutes que c'est le texte de loi du ministre de l'Éducation
du Québec ou du gouvernement du Québec. C'est un texte dont le
gouvernement fédéral a la paternité et la
responsabilité. Il nous incombait de lui en signaler certaines
faiblesses, certains dangers, et d'insister surtout pour lui faire comprendre
la position très nette du Québec en matière de
compétence linguistique, mais ce n'est pas à nous de
rédiger un autre texte à la place du gouvernement
fédéral. Étant donné tout ce que j'ai dit, nous
avons jugé que, dans l'ordre prudentiel, dans l'ordre pratique, nous
pourrions obtenir plus de résultats en travaillant sur
l'amélioration concrète de l'action du gouvernement
fédéral en matière linguistique que sur le
déclenchement d'une croisade linguistique qui n'aurait pas
été appropriée étant donné toutes les
explications que nous avons essayé d'apporter dans ce débat et
étant donné aussi les objectifs pratiques que nous devons
continuer à poursuivre là-dedans. Mme la Présidente, je
vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation.
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Mme la Présidente, est-ce qu'on pourrait
suspendre quelques secondes pour donner le temps à mon collègue,
le député de Taillon, qui est en commission parlementaire, si
c'était possible, de venir nous rejoindre?
La Vice-Présidente: Je vais donc suspendre nos travaux
quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 20)
(Reprise à 12 h 22)
La Vice-Présidente: Nous allons reprendre nos
débats sur la motion de censure. Je vais maintenant reconnaître M.
le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Je m'excuse
auprès de mes collègues de l'Assemblée nationale du petit
retard. On était en commission parlementaire. Les fins de session, on
sait ce que c'est.
Il me fait plaisir d'intervenir sur la motion présentée
par le député de Lac-Saint-Jean. Je trouve assez incroyable
l'attitude du gouvernement libéral dans ce dossier. Cela fait environ
une vingtaine de questions que nous adressons au parti ministériel. Que
ce soit du côté du ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes ou du côté du ministre
responsable de la loi 101, on aura rarement vu de la part d'un gouvernement du
Québec une attitude aussi molle, aussi laxiste à l'égard
des intérêts fondamentaux du Québec.
Je vois le ministre de l'Éducation, qui n'en est pas sûr.
Je lui résumerais de la façon suivante le type d'attitude du
gouvernement dont il fait partie sur le projet de loi C-72. Tout cela vient des
paroles de son collègue le ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes ou du ministre responsable de la loi
101
qui nous disent essentiellement ceci: Oui, le projet de loi C-72
constitue une base d'empiétement sur les compétences
législatives du Québec en matière linguistique, bien
sûr.
Je pense qu'il n'y a personne en cette Chambre qui peut logiquement
prétendre que l'article 42 précisément n'est pas une base
directe, claire, d'intrusion dans les compétences provinciales. Je vais
lire, Mme la Présidente, l'article 42: Le Secrétaire
d'État du Canada prend les mesures qu'il estime indiquées pour
favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du
français et de l'anglais dans la société canadienne et,
notamment, toute mesure: f) pour encourager les entreprises, les organisations
patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres
à fournir leurs services en français et en anglais et à
favoriser la reconnaissance et l'usage de ces deux langues et pour collaborer
avec eux à ces fins.
La première réponse donnée par le gouvernement...
D'abord, cela leur a pris un an pour réaliser qu'à Ottawa ils
avaient déposé un projet de loi. Un an! En juin 1987, le projet
de loi était déposé à la Chambre des communes. Tout
le monde était au courant. J'ai donné une conférence de
presse au début de l'hiver dernier pour mentionner cela. Mais le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes, comme le reste du gouvernement, en matière linguistique,
dormait. De telle sorte qu'en avril 1988 le gouvernement s'est à peu
près réveillé lorsqu'il a reçu un avis du Conseil
de la langue française qui a joué le rôle du
réveille-matin, comme l'a bien signalé le député de
Lac-Saint-Jean. Du côté gouvernemental, pas en public
évidemment, on a commencé à s'énerver, à
dire n'importe quoi. Au premier chef, le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes a commencé à dire:
Oui, c'est vrai. C'est un empiétement dans nos compétences. Mais
ils ne feront pas cela. C'est du trop bon monde pour faire cela. Vous savez, on
se parle entre nous, etc. Première attitude du ministre.
Ensuite, il a écrit une lettre dans laquelle il est allé
un peu plus loin. Heureusement, il commençait à réaliser
un peu que cela n'avait pas de sens et que, même s'il "pilait" un peu sur
son orgueil et qu'il admettait ses erreurs et ses faiblesses en n'ayant pas
réagi avant cela, il était quand même temps de penser un
peu à l'avenir. Alors, il a envoyé une lettre. C'est trop peu
trop tard, cette lettre.
Ensuite, il est arrivé dans cette Assemblée nationale et
nous a sorti quelque chose de tout à fait neuf. Il a dit: Vous savez,
les aéroports... Et il y a tous les organismes qui sont de juridiction
fédérale. Il a découvert cela. Le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, au
bout d'un an, au bout de 20 périodes de questions, nous est
arrivé et a dit: Vous savez, il y a les ports, les aéroports, des
organismes fédéraux. Bien oui! Sauf que l'article 42, paragra-
phe f, est clair: pour encourager les entreprises, les organisations patronales
et syndicales, les organismes bénévoles et autres à
fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser
la reconnaissance de l'usage de ces deux langues. C'est le bilinguisme.
Et si le ministre, comme semble encore une fois le laisser entendre le
gouvernement... Non seulement le gouvernement l'a laissé entendre, il y
a même le Secrétaire d'État canadien, qui subira le test
électoral lundi prochain, qui disait: Écoutez, là-dessus,
on va essayer d'avoir une entente-cadre. D'ailleurs, le ministre a un peu
embarqué là-dedans, une entente-cadre sur des compétences
qui relèvent du gouvernement du Québec et de l'Assemblée
nationale du Québec, mais en tolérant l'empiétement direct
que constituent le projet de loi C-72 et, en particulier, l'article 42. En
particulier parce que ce n'est pas là le seul article qui nous concerne
dans le projet de loi C-72, mais en particulier cet article.
Or, l'attitude du gouvernement libéral équivaut à
peu près à dire: Écoutez, oui, il y a une base de missiles
installée dans le pays voisin d'où on peut nous attaquer
facilement, mais, vous savez, ils ne feront jamais cela, ils ne nous enverront
jamais des missiles sur la tête. Voyons donc! Si le gouvernement
fédéral intervenait dans les domaines de juridiction provinciale!
Et le Secrétaire d'État qui dit: Cela prend une entente-cadre.
Mais on n'a pas besoin d'entente-cadre, Mme la Présidente. On a une
juridiction à exercer, à défendre, à promouvoir. Je
comprends que le gouvernement libéral veuille signer des ententes-cadres
avec le gouvernement fédéral. Il n'a strictement rien fait en
matière linguistique depuis deux ans et demi pour promouvoir le
français au Québec.
Même, pour ajouter une cerise sur le sundae de mollesse du
gouvernement libéral, j'ajouterais ceci: Le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, en
réponse à une question du député de Lac-Saint-Jean,
disait, la semaine dernière ou l'autre semaine avant: Vous savez, c'est
le français qui est menacé au Québec. On commence à
s'ouvrir un peu les yeux et les oreilles. Je pense qu'on s'est assez battus du
côté de l'Opposition. Eux, ils commencent tranquillement. (12 h
30)
Pour le ministre responsable de la loi 101, c'est plus long un peu. Le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes, cela fait deux ans et demi qu'il nous écoute, il l'a dit au
cours d'une période de questions: C'est le français qui est en
danger au Québec. Des beaux mots! Sauf qu'on ne fout rien. C'est le
français qui est menacé ici, au Québec. Sauf que, des 75
000 000 $ donnés par le gouvernement fédéral pour
l'enseignement au Québec, il y en a 71 000 000 $ qui vont pour
l'enseignement de l'anglais. Les montants d'argent que donne le gouvernement
fédéral, profitant de la mollesse du
gouvernement libéral, à quoi sont-ils consacrées
sinon à promouvoir l'anglais au Québec? Le gouvernement
fédéral n'a pas besoin de cela, votre gouvernement le fait
très bien depuis deux ans et demi. Les seules mesures qui,
concrètement, ont été prises par votre gouvernement depuis
deux ans et demi ont été des mesures pour favoriser l'anglais au
Québec.
Alors, n'oubliez pas, M. le ministre, que par les montants d'argent qui
viennent du gouvernement fédéral, qui utilise son pouvoir de
dépenser que vous avez consacré dans l'entente du lac Meech,
à qui vous avez donné une force dans l'entente du lac Meech, une
force qui n'existait pas auparavant, le gouvernement fédéral
utilise ce canal du pouvoir de dépenser pour investir au Québec
des sommes d'argent servant à quoi, sinon à venir renforcer
l'anglais et l'usage de l'anglais au Québec. Tout cela est conforme au
projet de loi C-72, pour le gouvernement fédéral. C'est conforme
à sa vision symétrique du Canada, comme l'est, d'ailleurs,
l'entente du lac Meech, quand on fait de la dualité canadienne la
caractéristique fondamentale. Le ministre me fait des signes, il n'a pas
lu comme il faut l'avis du Conseil de la langue française. Il faudra que
je le souligne en jaune et que je le lui envoie.
Bref, Mme la Présidente, puisque vous m'indiquez que le temps
avance, le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, le premier ministre, qui n'a jamais trop
aimé les questions linguistiques - on n'en est pas à une
confidence près devant la frustration et l'insécurité du
premier ministre en matière linguistique - le ministre responsable de la
Charte de la langue française et tout le gouvernement libéral se
comportent comme de mauvais dirigeants des intérêts fondamentaux
du Québec lorsqu'ils permettent au gouvernement fédéral
non seulement d'installer sa base de missile dirigée contre la
majorité francophone menacée du Québec, mais aussi
lorsqu'il laisse le gouvernement fédéral utiliser un pouvoir de
dépenser, maintenant consacré dans l'entente du lac Meech, pour
aider quelle langue au Québec? Est-ce que c'est la langue qui est
menacée que vient aider le gouvernement fédéral? Non! Ils
viennent aider la langue de la majorité anglaise au Canada. Ils viennent
aider la langue de la majorité anglaise en Amérique du Nord.
C'est matière à réflexion pour le gouvernement
libéral et, en particulier, pour le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
C'est cela, la réalité de ces sommes d'argent qui sont
versées par Ottawa. De quelle façon ces sommes d'argent
sont-elles utilisées sur le terrain? Vous, du gouvernement
libéral, vous laissez déverser sur le Québec ces sommes
d'argent qui vont servir à rendre encore plus insecure la position du
français au Québec. Vous laissez investir au Québec ces
sommes d'argent qui vont contribuer à la détérioration du
français au Québec, ce qui sera, d'ailleurs - Mme la
Présidente, puisque vous m'indiquez qu'il me reste une minute -
finalement, à peu près tout ce que le gouvernement libéral
aura fait depuis déjà deux ans et demi.
Je voudrais terminer, Mme la Présidente, en citant aux gens d'en
face une lettre que j'ai reçue. On en reçoit plusieurs du
côté de l'Opposition. Je vais en citer une pour bien montrer le
laxisme de ce gouvernement dans la défense et la promotion du
français au Québec. C'est une lettre datée du 8 juin. Vous
savez, le gouvernemen libéral a autorisé l'envoi de
chèques d'aide sociale à des francophones avec des documents en
anglais, plusieurs milliers, et la personne nous écrit: "Monsieur, j'ai
été très indigné - je termine rapidement, Mme la
Présidente - de recevoir, dans mon chèque de juin - un
chèque d'aide sociale - des papiers en anglais seulement. Je suis
québécois et vous pouvez dire à M. Bourassa qu'il
s'adresse en français quand il nous écrit. Je suis
peut-être pauvre, mais je veux vous dire que nous sommes
français."
Mme la Présidente, j'invite le ministre, tout le gouvernement
libéral à réfléchir à son attitude de
mollesse vis-à-vis du projet de loi C-72 et vis-à-vis de
l'attitude du gouvernement fédéral, qui considère que le
Québec est bilingue. Non, le Québec est français, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taillon. M. le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes. J'aimerais vous informer, M. le ministre,
qu'il reste neuf minutes à votre formation politique.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Nous
discutons depuis déjà un certain temps de ce projet de loi C-72
en cette Chambre, projet de loi sur les langues officielles du gouvernement
fédéral. Pour ma part, comme ministre responsable des relations
fédérales-provinciales, j'ai eu l'occasion de m'intéresser
à ce projet de loi dès son dépôt à la Chambre
des communes, l'an dernier, au mois de juin. Dès le dépôt
du projet de loi C-72 à la Chambre des communes, j'ai eu l'occasion de
l'étudier et j'ai envoyé une lettre aux ministres sectoriels qui
pouvaient être intéressés par ce projet de loi, comme le
ministre de l'Éducation et la ministre alors responsable de la
langue.
La ministre responsable de la langue a de-demandé un avis au
Conseil de la langue française sur la légalité, la
constitutionnalité de ce projet de loi du gouvernement
fédéral. Le ministre de l'Éducation, dans les semaines qui
ont suivi, au mois de juillet, a rencontré son homologue, son
vis-à-vis fédéral qui était Secrétaire
d'État, M. Crombie, à l'époque, et lui a parlé de
certains points qui pourraient se dégager du projet de loi C-72.
À plusieurs reprises, il y a eu des rencontres tant des fonctionnaires
que des ministres, où nous avons eu l'occasion d'aborder
le projet de loi C-72 dans son aspect légal et dans son aspect
politique, concernant l'implication que le gouvernement fédéral
voulait donner à ce projet de loi C-72.
Mme la Présidente, il est très important de bien
comprendre que, dans la constitution canadienne, dans le partage des
responsabilités législatives entre les deux niveaux de
gouvernement, dans les articles 91 et 92, ces deux articles qui font le partage
des responsabilités entre les deux paliers de gouvernement,
fédéral et provincial, on ne retrouve pas le mot "langue". Mais,
par la jurisprudence, on sait maintenant que le gouvernement
fédéral a juridiction pour légiférer sur ses
propres institutions, ainsi que dans les domaines de compétence qui
relèvent de sa juridiction à lui, comme la province a juridiction
pour légiférer sur la langue en ce qui regarde son propre champ
de juridiction. Qu'est-ce que cela veut dire, Mme la Présidente? Cela
veut dire, par exemple, qu'en ce qui regarde les bureaux de poste la loi 101 ne
s'applique pas. Les bureaux de poste sont de juridiction du gouvernement
fédéral. Le domaine de l'aéronautique, le domaine de
l'armée, le domaine des communications, en fait, tous ces domaines
relèvent du gouvernement fédéral. La province a
juridiction dans ses domaines à elle en ce qui regarde la langue; par
exemple, dans le cas des municipalités, de la santé, le
gouvernement provincial a juridiciton pour légiférer sur la
langue. (12 h 40)
Mme la Présidente, par les avis que nous avons obtenus tant du
Conseil de la langue française, mais, d'une façon plus
précise, celui que nous avons obtenu du ministère de la Justice,
la conclusion est simple. Sur le plan juridique, sur le plan constitutionnel,
ce projet de loi C-72 respecte la juridiction du gouvernement
fédéral. Mme la Présidente, sur le plan légal,
c'est clair.
Cependant, il peut y avoir des questions quant à une
éventuelle utilisation de ce projet de loi par le gouvernement
fédéral de façon que la compétence exclusive du
Québec sur la langue en puisse être éventuellement
touchée. Mais c'est une éventualité qui existe dans la
très grande majorité des projets de loi. Nous vivons dans un
régime fédéral. Nous avons deux ordres de gouvernement,
et, quelquefois, la marge de manoeuvre pour respecter la compétence de
l'un et de l'autre est très mince. Et, dans ce cas-ci, en ce qui regarde
ce sujet qui est particulièrement important pour le Québec, la
conclusion que nous avons, tant de l'avis du ministère de la Justice que
de ceux obtenus de l'extérieur, confirme que ce projet de loi se situe
à l'intérieur de la sphère de juridiction du gouvernement
fédéral.
Ce fameux article 42 qui est souvent discuté, et le
député d'Argenteuil, ministre de l'Éducation, l'a
très bien analysé il y a quelques instants, Mme la
Présidente... Il l'a très bien analysé. Entre autres, il a
fait ressortir que, lorsque ce projet de loi se réfère à
des organisations patronales et syndicales, à des organismes, il peut
fort bien se référer - et on doit le présumer en droit -
à des organismes qui sont de la juridiction du gouvernement
fédéral, que ce soit dans le domaine de l'aéronautique,
que ce soit dans le domaine des communications, des postes, etc. Mais qu'est-ce
que vous voulez, il faut regarder le projet de loi dans son sens
littéral et grammatical. Et c'est cela la réponse. Elle est
claire. Elle est en fonction du respect de la compétence
fédérale sur la langue, au niveau de ses institutions.
D'autre part, Mme la Présidente, je voudrais souligner aussi que,
depuis 1982, nous avons deux langues officielles au Canada. Avant, cette Loi
sur les langues officielles était une simple loi qui pouvait être
modifiée, comme c'est le cas par exemple avec ce projet de loi C-72, par
le Parlement. Mais, maintenant, le principe selon lequel ce pays, le Canada, a
deux langues officielles, le français et l'anglais, est un principe
reconnu par notre constitution, qui a donc une valeur constitutionnelle. Et,
dans les articles 16 à 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, nous
avons là les articles qui confirment que le Canada est un pays bilingue.
Et il y a des articles, les articles 19 et 20 en particulier, Mme la
Présidente - et je regarde l'article 20, par exemple - qui concerne le
gouvernement fédéral et sa responsabilité d'utiliser les
deux langues officielles, le français et l'anglais, dans des bureaux qui
relèvent de sa juridiction "lorsque la demande est importante" et
lorsque la vocation du bureau le justifie". Une demande importante, la vocation
du bureau, voilà des termes qui sont bien vagues.
Mme la Présidente, ce projet de loi C-72 vient justement donner
au Parlement canadien, la possibilité de circonscrire l'application de
ces notions quelque peu larges dans la constitution de 1982, et c'est
là, je pense, un aspect très intéressant. De même
qu'il est intéressant de constater que les francophones hors
Québec pourront bénéficier aussi de services dans leur
langue en ce qui regarde, par exemple, l'accès à la justice, et
ça, c'est un élément très positif
également.
Donc, Mme la Présidente, une première conclusion s'impose.
Sur le strict plan de la légalité, il est évident que ce
projet de loi, pour le moment, se situe dans le cadre de la compétence
du gouvernement fédéral. Je voudrais donner l'assurance à
cette Chambre que si le gouvernement fédéral utilisait sa loi
C-72 pour envahir un champ de compétence provinciale, pour toucher
à cette compétence du Québec sur la langue, nous
n'hésiterons pas à nous adresser aux tribunaux. Dans la mesure
où le gouvernement fédéral utiliserait l'article 42, par
exemple d'une façon régulatoire, pour légiférer
relativement à la langue en ce qui regarde les domaines de
compétence du Québec, nous n'hésiterons
pas à nous adresser aux tribunaux pour faire déclarer une
telle action inconstitutionnelle.
Cependant, étant donné l'aspect constitutionnel du projet
pour le moment, la seule démarche que nous pouvions faire c'était
une démarche politique. C'est ce que j'ai fait en écrivant au
Secrétaire d'État, en rencontrant M. Bouchard et en lui disant:
Nous allons conclure une entente, je vous propose une entente pour encadrer
l'action du gouvernement fédéral - pas nos compétences
à nous, je voudrais bien être clair là-dessus, Mme la
Présidente - afin que sur le territoire québécois on
puisse avoir une utilisation concertée en fonction des principes que
nous reconnaissons dans l'entente du lac Meech, le principe que le
Québec est une société distincte, le principe que cette
Assemblée a le pouvoir, le droit et le devoir de protéger et de
promouvoir la spécificité québécoise, qui est
essentiellement la langue française. Mme la Présidente, je vous
remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Je
vais maintenant reconnaître M. le député de Lac-Saint-Jean
sur son droit de réplique.
M. Jacques Brassard (réplique)
M. Brassard: Mme la Présidente, j'ai écouté
attentivement le ministre de l'Éducation tout à l'heure de
même que le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes. La conclusion qui s'impose quand on les
écoute, c'est qu'il n'y a pas de problème, il n'y a pas
d'inquiétude à avoir. L'article 42, dans le projet de loi C-72,
ce n'est pas grave. Il n'y a pas de danger, ne nous inquiétons pas. Que
l'Opposition ne panique pas, que l'Opposition cesse de dramatiser. C'est la
conclusion parce que le ministre de l'Éducation, entre autres, a lu
intégralement l'article 42, paragraphe par paragraphe, pour conclure
à chaque paragraphe qu'il n'y avait pas de danger. Ne nous
inquiétons pas, ce n'est pas grave. Pas de problème!
Pourtant, Mme la Présidente, c'est curieux et bizarre. Le Conseil
de la langue française, lui, dans son avis, est très inquiet
parce qu'il affirme et je le cite, par rapport à l'article 42: "Ce point
à lui seul - peut-on lire dans l'avis - donne la mesure de ce
qu'entreprend le gouvernement fédéral avec ce projet. Il est
facile de remarquer tout d'abord que le champ d'action que se donne
l'État fédéral n'est plus décrit comme le secteur
de compétence fédérale, mais bien comme la
société canadienne, ce qui est bien plus large. "
Le ministre de l'Éducation le reconnaissait tantôt pour
dire que ce n'était pas grave. Mais il le reconnaissait. "On retrouve la
référence à la société canadienne à
plusieurs reprises dans le projet de loi C-72, entre autres, l'article 42. Cela
laisse prévoir que l'action fédérale - je cite toujours
l'avis du conseil - se fera même dans les champs de compétence
provinciale exclusive, non pas sous forme législative, ce qui serait
anticonstitutionnel, mais au moyen de dépenses programmées,
c'est-à-dire en ayant recours au pouvoir fédéral de
dépenser. "
Il y a donc, c'est reconnu dans l'avis du Conseil de la langue
française, élargissement du rôle du gouvernement
fédéral en matière linguistique. Le ministre de
l'Éducation reconnaît qu'il y a élargissement du rôle
du gouvernement fédéral et conclut qu'il n'y a pas de
problème. Il ne faut pas s'inquiéter et il ne faut pas dramatiser
comme l'Opposition se plaît à le faire depuis le début.
Avec cet article 42, lu intégralement par le ministre de
l'Éducation, évoqué tantôt par le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, il
ne faut pas s'en faire. Il est là pour décorer le projet de loi,
pour l'embellir probablement. C'est un élément purement
décoratif, une fioriture décorative. Il ne faut surtout pas
s'inquiéter. Voyons donc! Le gouvernement fédéral ne
l'appliquera pas. Ils nous l'ont dit. Ils ne l'appliqueront pas. Il n'y a pas
de danger.
Pourtant, l'avis du Conseil de la langue française est formel.
Pourtant aussi, dans sa lettre, sa fameuse lettre au Secrétaire
d'État, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes est
on ne peut plus clair à mon avis, en page 2, troisième
paragraphe, et je le cite: "Vous connaissez - dit-il au Secrétaire
d'État - l'importance que nous attachons à une application
complète et harmonieuse de la Charte de la langue française. Dans
cette perspective, vous nous trouvez inquiets - au moins, il s'inquiète;
le ministre de l'Éducation, lui, ne s'inquiétait pas du tout - de
l'existence de certaines incompatibilités entre les exigences du projet
de loi et celles de notre charte. " Ce n'est pas l'Opposition qui dit cela.
C'est le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes dans sa lettre au Secrétaire
d'État. (12 h 50)
II poursuit: "Nous croyons que votre gouvernement partage
déjà nos préoccupations et qu'il ne voudra certainement
pas, à l'occasion de l'application de la législation
fédérale, aller à rencontre des objectifs impérieux
de la Charte de la langue française, compte tenu de ses prises de
position publiques favorables à la protection et à la promotion
du français au Québec. " Fin de la citation. Extrait de la lettre
du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes adressée au Secrétaire d'État
fédéral.
Vous avez bien compris, Mme la Présidente. Le ministre est clair.
Il y a certaines incompatibilités entre les exigences du projet de loi
C-72 et les exigences de notre Charte de la langue française.
Une fois cela dit, le ministre, du même souffle, dit: Oui, mais
vous êtes fins, vous êtes
gentils, on vous connaît, vous nous avez dit que vous ne ferez pas
de tort à la Charte de la langue française, que vous êtes
favorables à la protection du français. Par conséquent, on
ne demande plus rien. Très bien. Laissons le projet C-72 tel qu'il est,
intégralement, avec ses dispositions dangereuses identifiées par
le Conseil de la langue française. C'est assez étonnant comme
comportement de la part de quelqu'un qui ne cesse de claironner depuis des mois
que le gouvernement libéral est attaché fermement à la
défense de la compétence exclusive du Québec en
matière linguistique.
Il dit: II y a des incompatibilités entre le projet de loi C-72
et la Charte de la langue française, et cela l'inquiète. En plus,
il affirme que cela l'inquiète. Puis, une fois qu'y a reconnu cela et
qu'il a avoué son inquiétude, cela se termine là. Il dit
au fédéral: Oui, mais vous nous avez dit que vous étiez
favorables au français. Par conséquent, on vous croit sur parole,
on ne vous demande rien, il n'y a pas de changement à apporter au projet
de loi C-72. C'est tout à fait inadmissible, irresponsable -
irresponsable comme on l'indique dans la motion de blâme - de la part
d'un gouvernement d'agir de cette façon. L'effort rassurant des
ministres, en particulier du ministre de l'Éducation, je dirais l'effort
chloroformant du ministre de l'Éducation en cette matière, je
vous le signale et je vous le dis, Mme la Présidente, n'a pas eu d'effet
sur nous, aucun effet. L'effort chloroformant du ministre de l'Éducation
n'a pas eu d'effet sur nous. Nous continuons de maintenir qu'il y a une
volonté politique au gouvernement fédéral d'élargir
le rôle du gouvernement fédéral comme acteur linguistique
au Québec, et cette volonté politique s'appuie sur des
dispositions législatives telles qu'on les retrouve dans le projet de
loi C-72 qui est à l'étude présentement à la
Chambre des communes, et nous continuons de maintenir et nous continuons
d'affirmer qu'il y a danger, il y a menace réelle pour les
compétences linguistiques du Québec.
Parlons un peu maintenant, si vous me le permettez, Mme la
Présidente, de l'entente du lac Meech, de l'accord du lac Meech. Le
ministre de l'Éducation nous dit, d'un ton professoral. Écoutez,
il y a deux éléments dont H faut tenir compte: la dualité
linguistique reconnue comme caractéristique fondamentale du Canada, mais
également la notion de société distincte pour ce qui est
du Québec. Il nous dit aussi: Écoutez, il faut prendre ces deux
éléments ensemble. Il ne faut pas les isoler, il ne faut pas les
prendre séparément. Je suis parfaitement d'accord avec lui. il ne
faut pas les prendre séparément. Non seulement il ne faut pas les
prendre séparément, mais il faut aussi reconnaître la
primauté d'un concept sur l'autre, la primauté de la
dualité linguistique sur la notion de société distincte.
Là-dessus, j'aimerais bien voir l'avis du ministère de la Justice
sur cette question. Le ministre refuse de le rendre public, mais -il y a quand
même des constitutionnalistes éminents qui se sont
prononcés, en particulier le professeur José Woehriing, dans un
article très étoffé, très articulé, paru
dans les cahiers de droit, où il est très clair. Le professeur
José Woehriing affirme: "Cependant, même si l'on démontre
l'existence d'une incompatibilité ou d'une contradiction entre les
droits de la majorité fondés sur le caractère distinct du
Québec et les droits de la minorité fondés sur la
dualité, il faudrait sans doute considérer que cette
dernière l'emporte de par son statut de caractéristique
fondamentale du Canada." C'est très clair et il le démontre avec
beaucoup d'à-propos, beaucoup de sérieux, beaucoup de rigueur. La
dualité linguistique comme caractéritique fondamentale l'emporte,
prime, prédomine sur le concept et la notion de société
distincte. Le fédéral l'a compris, lui. Le gouvernement
fédéral l'a compris, et c'est son interprétation. Il l'a
traduite, cette interprétation, déjà dans les faits et
déjà dans des projets de loi. Parce que pour le gouvernement
fédéral la dualité linguistique signifie
concrètement la protection des minorités linguistiques dans
chacune des provinces prises comme territoires linguistiques. Pas dans
l'ensemble du Canada.
C'est là qu'est le problème, c'est là qu'est
l'erreur. Si on prenait l'ensemble du Canada globalement, on aboutirait
à la conclusion que ce sont les francophones qui constituent une
minorité dans l'ensemble du Canada, les anglophones constituant la
majorité. Mais si on morcelle province par province, c'est une tout
autre affaire. Les francophones sont des minorités dans neuf provinces,
une majorité au Québec; les anglophones sont des majorités
dans neuf provinces, une minorité au Québec.
L'interprétation, le sens que le gouvernement fédéral
donne à la dualité linguistique, c'est qu'il a la mission, le
devoir de protéger les minorités linguistiques au Québec.
Cela veut dire quoi? Qu'il se sent le devoir de protéger la
minorité anglophone, même si elle n'en a pas besoin du tout.
C'est évident que la minorité anglophone du Québec
n'a pas besoin de protection. Elle est superblindée à cet effet.
Pas besoin de protection. Pourtant c'est la conception du gouvernement
fédéral, et il décide en cette matière d'occuper le
terrain. J'utilise une expression qui doit vous rappeler le deuxième
avis du Conseil de la langue française, cette fois-ci sur l'accord du
lac Meech. "Occuper le terrain." Le Conseil de la langue française, sa
recommandation centrale en cette matière, c'est de dire: Face à
des concepts flous, dont celui de société distincte, mais face au
danger de voir la dualité linguistique l'emporter sur le concept de
société distincte, le devoir du gouvernement, c'est d'occuper le
terrain, c'est de prendre l'initiative, c'est d'occuper rapidement,
systématiquement, visiblement le champ d'intervention législative
et administrative. C'est ce qu'il recommande au gouvernement.
L'ironie de la situation, c'est que le gouvernement qui suit ce conseil,
c'est le gouvernement fédéral. C'est le gouvernement
fédéral qui occupe le terrain. C'est le gouvernement
fédéral qui a décidé de prendre l'initiative, et
cela se traduit par le projet de loi C-72, en particulier, par l'article 42. Le
gouvernement québécois, lui, est inactif, immobile et, non
seulement il ne prend pas l'initiative, non seulement il n'occupe pas le
terrain, mais il a perdu du terrain sur le plan linguistique depuis deux ans et
demi. C'est cela la triste situation devant laquelle on se trouve. Mme la
Présidente, le gouvernement québécois, non seulement n'a
pas pris l'initiative, non seulement n'a pas occupé le terrain sur le
plan linguistique, mais il a perdu du terrain. C'est grave, c'est dramatique,
parce qu'on connaît la situation du français en Amérique du
Nord.
Par conséquent, je pense que, pour toutes ces raisons,
plutôt que d'occuper le terrain, le gouvernement s'apprête à
accepter l'occupation de son propre terrain par un autre gouvernement au moyen
d'une entente-cadre qui consacrera implicitement l'empiétement du
gouvernement fédéral dans des secteurs de compétence
linguistique du Québec. Voilà, malheureusement, le prix à
payer, inadmissible pour nous, inacceptable, de la stratégie actuelle du
gouvernement libéral en matière de relations
fédérales-provinciales qui l'amène à des
compromissions inacceptables qui se font au détriment
d'intérêts aussi cruciaux pour le Québec que le plein
exercice de ses pouvoirs linguistiques. Pour toutes ces raisons, malgré
les discours des ministres sur cette question, nous maintenons avec beaucoup de
fermeté, tout aussi convaincus qu'on l'était au début,
notre motion de blâme sur cette question, et je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
de
Lac-Saint-Jean. Ceci met fin au débat sur la motion de censure
présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: À ce sujet-là, Mme la
Présidente...
La Vice-Présidente: Oui, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: ...je vous signale qu'il y a entente entre les
partis pour reporter le vote sur cette motion, même si nos règles
nous indiquent que, normalement, il devrait y avoir vote immédiatement
après le débat. Il y a entente pour que le vote soit
reporté à demain, après la période des affaires
courantes.
La Vice-Présidente: Effectivement, on m'avait
informée qu'il y aurait entente pour le report du vote. Je vais donc
reporter le vote de la motion de censure présentée par M. le
député de Lac-Saint-Jean à demain, après les
affaires courantes.
Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à
15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 6)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez prendre place.
L'Assemblée va poursuivre ses travaux à la période
des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, si vous voulez bien appeler
l'article 22 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 11 Adoption
Le Vice-Président: À l'article 22 du feuilleton, M.
le ministre de l'Énergie et des Ressources propose l'adoption du projet
de loi 11, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant
le cadastre. Est-ce qu'il y a des interventions? il n'y a pas d'interventions.
Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: L'article 23, M. le Président, s'il vous
plaît!
Projet de loi 12 Adoption
Le Vice-Président: À l'article 23, M. le ministre
de l'Énergie et des Ressources propose l'adoption du projet de loi 12,
Loi sur la Régie du gaz naturel. Est-ce qu'il y a des interventions?
Pas d'interventions. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: L'article 27, M. le Président.
Projet de loi 32
Adoption Le Vice-Président: À l'article 27 du
feuil-
leton, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources propose
l'adoption du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec.
Est-ce qu'il y a des interventions?
Il n'y a pas d'interventions. Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une voix: Sur division.
Le Vice-Président: Adopté sur division. M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, pourrais-je
suggérer...
Une voix: Suspendre.
M. Gratton: ...une suspension des travaux?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président: Nous allons suspendre nos travaux pour
quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 7)
(Reprise à 15 h 38)
Le Vice-Président: Veuillez prendre place, s'il vous
plaît.
Nous reprenons nos travaux. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Si vous voulez appeler l'article 26, M. le
Président.
Projet de loi 26 Adoption
Le Vice-Président: À l'article 26 du feuilleton, M.
le ministre des Communications propose la motion d'adoption du projet de loi
26, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Communications. Est-ce que
cette motion est adoptée?
M. Gendron: Adopté, M. le Président.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Article 7, M. le Président.
Projet de loi 37 Reprise du débat sur
l'adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 7 du feuilleton, M.
le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
propose maintenant la motion d'adoption du principe du projet de loi 37, Loi
sur la sécurité du revenu.
Nous en sommes en fait à ■ la reprise du débat qui
avait été ajourné hier soir. Je cède donc la parole
à M. le député de Lac Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous a habitués,
depuis deux ans, à une curieuse façon de procéder. Il
réussit toujours à exprimer de façon fort éloquente
des principes admirables, remarquables sur lesquels, ma foi, des consensus
unanimes se dégagent et se consolident très rapidement.
Cependant, quand vient le temps de les appliquer ou de leur donner une
forme législative, tout change. On se retrouve devant des distorsions et
même des contradictions, des incompatibilités entre les objectifs
retenus, fixés, proclamés et leur application concrète
dans un projet de loi.
Cela a été le cas à deux reprises au cours de cette
session avec le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu. Dans le cas du projet de loi 31, de triste mémoire, qui porte,
comme on le sait, sur l'industrie de la construction, on a vu le ministre
exprimer un objectif tout à fait louable qui est celui de mettre un
terme ou, en tout cas, de réduire substantiellement le travail au noir
dans l'industrie de la construction. Là-dessus, consensus unanime de
tous les intervenants. Mais le consensus s'est arrêté là
puisque le ministre a déposé et fait adopter un projet de loi sur
cette question qui a fait l'unanimité des intervenants contre ce projet
de loi.
C'est la même chose avec le régime de l'aide sociale. Le
ministre exprime des principes tout à fait remarquables. Je pense qu'il
est utile de les rappeler. Le ministre a mis de l'avant, a-t-il
répété à maintes reprises, trois grands principes.
D'abord, l'équité, la justice, dans la politique de l'aide
sociale. Deuxième grand principe, la parité pour les moins de 30
ans. On se rappelle la fameuse promesse du parti libéral au cours de la
dernière campagne électorale. Troisième grand principe,
l'incitation au travail.
Il n'y a pas un intervenant qui est venu témoigner devant la
commission parlementaire sur ce projet de loi qui s'est montré en
désaccord avec ces trois principes: équité, parité,
incitation au travail. Pas un seul! Tout le monde est d'accord avec ces trois
principes, y compris les évêques qui ont fait connaître un
message tout à fait remarquable, je dirais, lumineux sur la question.
Mais cela s'arrête là, parce que, à partir du moment
où il a proclamé ces principes, le ministre, tentant de leur
donner une forme législative dans un projet de loi, aboutit à des
distorsions et même à des contradictions entre les principes et
leur application.
On connaît le résultat, M. le Président. Presque
tous les intervenants, presque tous les organismes qui ont
témoigné devant la commission parlementaire se sont
élevés contre le pro-
jet de loi de réforme de l'aide sociale présenté
par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Pourquoi? Tous pour les mêmes raisons: parce que les principes
invoqués ne sont pas respectés. C'est aussi simple que cela.
Le premier principe. On assiste au fond à ce que la
députée de Maisonneuve, critique de l'Opposition en cette
matière, appelait un détournement de principes, une expression
très imagée, mais qui dit bien, je pense, ce que cela veut dire
et qui reflète bien la réalité des choses. Un
détournement de principes.
Prenons-les un par un, M. le Président, et voyons comment le
ministre les a concrétisés dans son projet de loi. D'abord, la
parité. C'est un des principes invoqués, proclamés par le
ministre: la parité pour les moins de 30 ans. Évidemment, cela a
été aussi une grande promesse du Parti libéral. Il a
leurré, berné toute la jeunesse québécoise avec
cette promesse de la parité de l'aide sociale pour les moins de 30 ans.
Qu'en est-il exactement? Tout le contraire, Mme la Présidente, puisque
en introduisant des éléments dans son projet de loi et dans le
régime de l'aide sociale qu'il veut instaurer au Québec, il se
trouve en quelque sorte à annuler purement et simplement pour la
majorité des jeunes de moins de 30 ans le principe de la parité
de l'aide sociale. Ces éléments, qui sont introduits dans le
régime, on les connaît. C'est d'abord la contribution parentale.
Désormais, pour les jeunes de moins de 30 ans, on tiendra compte de la
contribution parentale, c'est-à-dire du revenu des parents, ce qui
n'était pas le cas auparavant.
Le deuxième élément qu'on introduit, c'est qu'on va
couper les prestations pour les jeunes assistés sociaux qui habitent, en
commun, un logement. C'est la coupure pour le partage du logement. Avec ces
deux éléments, on en arrive à faire en sorte que sur les
46 645 personnes seules de moins de 30 ans qui n'ont pas actuellement la
parité de l'aide sociale, 36 696 vont être touchés et ne
pourront pas bénéficier d'une véritable parité de
l'aide sociale. Cela veut dire que 78 % de ceux qui, normalement, auraient pu
s'attendre à bénéficier de la réalisation de la
promesse du Parti libéral, 78 % ne recevront pas la parité
promise par le ministre et son gouvernement. C'est ce qu'on appelle un
détournement de principe. On pose un principe au départ et, par
des dispositions du projet de loi, par des facteurs influant sur l'attribution
des prestations, on fait en sorte que le principe ne s'applique pas. Dans le
cas de la parité, il ne s'appliquera pas pour 78 % des
bénéficiaires.
Le deuxième grand principe mis de l'avant par le ministre, on
s'en rappellera, c'est l'équité, c'est-à-dire un
traitement plus équitable pour les démunis de notre
société. Or, par le système qu'on veut mettre en
place, ce principe de l'équité qu'on veut atteindre ne sera pas
atteint. Pourquoi? Parce que pour qu'un bénéficiaire de l'aide
sociale puisse obtenir la pleine prestation prévue dans la politique
mise de l'avant par le ministre, il faudra non seulement qu'il soit disponible
à une mesure d'employabilité, mais qu'il soit également
participant: participant et disponible, sinon coupure des prestations. C'est
clair; c'est ainsi que le projet est présenté. Le gouvernement va
mettre en place ce qu'on appelle des mesures d'employabilité, un certain
nombre de programmes. Il y en a déjà qui ont été
mis sur pied à l'époque de l'ancien gouvernement: Stages en
milieu de travail, Travaux communautaires, formation scolaire; ces trois
programmes sont déjà connus.
Là, on va obliger la personne assistée sociale à se
considérer comme disponible pour l'une ou l'autre de ces mesures,
d'abord. En plus d'être disponible, il faudra qu'elle soit participante
à l'une ou l'autre de ces mesures, sinon il y a coupure. Or, il est
d'ores et déjà démontré que les mesures
d'employabilité mises en place actuellement - non seulement
actuellement, mais depuis plusieurs années - ne sont pas en
quantité suffisante pour que tous les assistés sociaux qui
pourraient y avoir accès, y être admissibles puissent le faire.
Actuellement, les mesures d'employabilité ne sont accessibles qu'aux
assistés sociaux de 30 ans et moins: pas tous, 30 ans et moins
seulement. Pourtant, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu n'a réussi qu'à offrir à
plus de 17 % seulement des moins de 30 ans ces telles mesures, ce qui signifie
que le ministère est incapable, n'a pas la capacité,
actuellement, d'offrir à tous les jeunes de 30 ans et moins
l'accès à ces mesures d'employabilité; seulement 17 % y
ont accès. (15 h 50)
On veut étendre à tout le monde ces mesures
d'employabilité. Il est évident qu'on va se retrouver avec la
situation actuelle; il va y avoir des milliers et des milliers de personnes
assistées sociales qui vont être disponibles, c'est-à-dire
qui vont accepter d'être partie prenante de ces mesures
d'employabilité. Par contre, une majorité de ces personnes
disponibles ne pourront pas participer à ces mesures parce que le
ministère sera incapable de répondre correctement,
adéquatement et efficacement à la demande.
Le résultat, c'est que des milliers de personnes au
Québec, même disponibles, vont voir leurs prestations
coupées, diminuées parce que non participantes, parce que ne
pouvant pas participer à ces mesures, et ce ne sera pas leur faute,
c'est cela qui est pire, c'est un peu scandaleux de voir le ministre parler
d'équité dans ce cas parce que ce ne sera pas Jeur faute, elles
ne seront pas responsables. Ce ne sera pas la faute de ces personnes si elles
ne peuvent pas participer à des programmes d'employabilité, c'est
simplement que le gouvernement sera incapable de répondre à la
demande et de permettre à tous ceux et celles qui sont disponibles
d'avoir accès à ces programmes. Par contre, en fin de compte,
concrètement, ces personnes verront leurs
prestations coupées.
Par conséquent, la conclusion est très claire, M. le
Président. Le principe de l'équité poursuivi par le
ministre n'est pas atteint, c'est évident. Il y a des personnes qui
verront leurs prestations diminuées de façon substantielle, dans
beaucoup de cas, tout simplement parce que le gouvernement est dans
l'incapacité de répondre à la demande pour ce qui est des
mesures et des programmes d'employabilité. Donc, injustice et
inéquité pour un bon nombre de personnes assistées
sociales.
Troisième principe mis de l'avant par le ministre, c'est
évidemment l'incitation au travail. À ce point de vue, on est
devant un véritable leurre, une véritable mascarade. Le
gouvernement est incapable de vraiment offrir des emplois sérieux, des
emplois adéquats à tout ce monde, et c'est évident que le
principe de l'incitation au travail ne tient pas, n'est pas atteint, n'est
même pas poursuivi correctement par le gouvernement à ce sujet. Si
bien qu'on se retrouve, M. le Président, devant un projet de
réforme de l'aide sociale qui est injuste, qui ne répond en
aucune façon à l'objectif d'incitation au travail et qui ne
remplit en aucune façon la promesse de la parité pour les jeunes
assistés sociaux de moins de 30 ans. Par conséquent, on est en
face d'un projet de réforme sociale qui est un véritable
trompe-l'oeil et qui a pour effet - et c'est cela qui est grave et qui est
dénoncé de façon sans équivoque par
l'Assemblée des évêques du Québec - à toutes
fins utiles, d'appauvrir davantage le pauvre monde au Québec. Si on
applique le projet de loi 37, si on l'accepte tel qu'on le retrouve maintenant
devant l'Assemblée nationale, le résultat sera un appauvrissement
des plus pauvres de la société. Et je pense qu'il est
évident que l'Opposition ne peut pas concourir à un tel projet de
loi et que l'Opposition va s'y opposer avec toutes les dispositions de notre
règlement et avec tout ce que permet notre règlement. Parce qu'on
ne peut pas accepter que les plus pauvres de notre société se
retrouvent, une fois une telle réforme appliquée, mise en
vigueur, pour l'immense majorité, plus pauvres qu'ils ne
l'étaient avant l'application de la réforme. On ne peut pas
accepter cela. En tout cas, c'est inadmissible pour nous.
Mais il y a une autre raison pour laquelle également on s'oppose
à ce projet de réforme. Je dirais que c'est la vision de la
personne assistée sociale qu'on retrouve derrière ce projet de
loi, qui inspire ce projet de loi, qui inspire cette réforme. Nous
sommes en total désaccord avec cette vision de l'assisté social,
c'est-à-dire une vision... La vision que le ministre et ce gouvernement
ont de l'assisté social, c'est qu'il s'agit d'une personne qui fraude la
société et fraude le gouvernemant. Ce gouvernement voit beaucoup
plus l'assisté social comme une personne fraudeuse que comme une
personne qui se retrouve malheureusement, à cause de circonstances
économiques et sociales, dans une situation pénible de
pauvreté. C'est la perception que ce gouvernement a de l'assisté
social qu'on retrouve dans ce projet de loi. L'assisté social, c'est
d'abord et avant tout une personne fraudeuse. On pourrait aussi dire une
personne paresseuse qui ne souhaite pas travailler, qui ne souhaite pas gagner
sa vie par le travail.
À partir d'une vision comme cela, évidemment, toutes les
mesures qu'on retrouve dans le projet de loi en découlent. Des
contrôles tatillons, c'est tout le système de ce qu'on a
appelé les boubous macoutes mis en place depuis un certain nombre de
mois par le ministère, des contrôles tatillons, un système
compliqué de coupures des prestations si les personnes assistées
sociales ne se comportent pas selon le modèle établi par ce
gouvernement. Toutes sortes de coupures alors qu'elles ont de la
difficulté à joindre les deux bouts, alors qu'elles se situent
déjà, côté revenus, au-dessous du seuil de la
pauvreté. C'est cela qui est inadmissible également, c'est la
perception, c'est la vision que ce gouvernement a de la personne
assistée sociale.
Il est évident que ce n'est pas cette perception que nous
partageons, ce n'est pas cette vision que nous partageons. Pour nous, une
personne assistée sociale, c'est une personne qui se retrouve, à
cause d'un concours de circonstances à caractère
économique et social, dans une situation où elle ne peut plus
subvenir à ses besoins par le travail. Par conséquent, la
société a le devoir, dans les circonstances, de lui venir en aide
et du point de vue de la personne assistée sociale, on estime, comme le
signalaient d'ailleurs à juste titre les évêques, qu'il
s'agit là pour elles d'un droit. Donc, un système fondé
sur le besoin. Si on veut réformer - je termine là-dessus, M. le
Président - l'aide sociale au Québec, il faudra de toute
nécessité qu'une réforme du régime d'aide sociale
repose sur le besoin. Il faut répondre aux besoins des personnes
assistées sociales et non pas imaginer toutes sortes de mesures
compliquées pour les couper, pour diminuer leurs prestations ou tout
simplement pour leur enlever leurs prestations.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, il est évident
que l'Opposition officielle continue de considérer ce projet de loi
comme inacceptable, inadmissible, et il serait absolument impérieux que
le ministre retourne faire ses devoirs s'il veut vraiment et
sérieusement que les principes qu'il met de l'avant se retrouvent au
coeur et dans les dispositions de ce projet de loi. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Nous allons maintenant poursuivre le
débat avec l'intervention de M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Au départ, je
pense qu'il convient de souligner l'importance, la très grande
importance du projet
de loi 37 actuellement à l'étude devant l'Assemblée
nationale. Je n'hésite pas à affirmer qu'il s'agit sûrement
d'un des plus importants, sinon du plus important projet de loi qu'aura eu
à débattre cette Assemblée dans son présent mandat,
c'est-à-dire depuis la dernière élection
générale et d'ici la prochaine élection
générale au Québec. (16 heures)
II s'agit d'un projet de loi qui touche plus de 500 000
Québécois, des hommes, des femmes et des enfants, et pas
n'importe quels, M. le Président, les plus démunis, ceux qui sont
dans la misère et, appelons les choses par leur nom, ceux qui sont les
plus pauvres de notre société. Cela ne touche pas ces personnes
sous n'importe quel angle et par n'importe quel biais. Cela touche directement
ces personnes quant à ce que la société est prête
à leur donner comme minimum vital pour être en mesure de faire
face à leur vie d'êtres humains, de citoyens de tous les
jours.
Il s'agit d'un groupe sans force de lobby, sans force de pression, sans
structure. Je le souligne, M. le Président, parce que, pour nous,
membres de l'Assemblée nationale, chaque fois qu'un groupe est
concerné par une toi, il y a une structure de pression bien
organisée avec des budgets qui lui permettent de venir défendre
ici ses points de vue, de venir faire des représentations auprès
de chacun des membres de l'Assemblée, auprès de chacun des
membres du gouvernement. Ce n'est pas le cas du groupe de plus de 500 000
assistés sociaux au Québec. Ce sont aussi des personnes qui sont
victimes, qui sont l'objet des pires préjugés savamment
entretenus par certaines personnes dans notre société. Ces
personnes pour qui nous sommes à prendre des décisions majeures,
des décisions qui seront extrêmement lourdes de
conséquence, des décisions qui seront prises pour très
longtemps. J'ai la conviction que ce qui sera décidé maintenant
ne sera pas modifié dans les prochaines années. On sait combien
c'est lourd, difficile de modifier le régime d'aide sociale au
Québec. La preuve, cela fait déjà plusieurs années
que c'est en discussion et cela aboutit maintenant. Les décisions que
nous prendrons seront là pour longtemps, avec toutes les
conséquences, aussi lourdes qu'elles soient, pour ces hommes, ces femmes
et ces enfants du Québec.
En deuxième lieu, M. le Président, je veux souligner ma
très grande surprise devant la présentation qu'a faite le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu du
projet de loi de réforme de l'aide sociale au Québec qu'il
parraine. Non seulement s'agissait-il d'un discours sans âme, sans
vision, sans conviction, mais il s'agissait essentiellement d'un discours, non
pas marqué par ce dont il aurait dû être et dont je parlerai
dans quelques secondes, mais essentiellement par le "match" de la partisanerie
politique, allant chercher les citations de l'un pour contredire l'autre, pour
tenter de montrer que, finalement, tel groupe politique devrait donner son
appui à sa réforme, sans présenter la réforme, avec
une préoccupation, je le répète, essentiellement partisane
et politicienne, au sens politicaillerie du terme.
M. le Président, un discours dans lequel le ministre n'a pas
trouvé un seul instant pour nous parler de ces hommes, de ces femmes, de
ces enfants qui sont des bénéficiaires de l'aide sociale. Pas un
mot de ces êtres humains pendant l'heure confiée au ministre par
le règlement pour lui permettre de présenter son projet de loi.
Pas un mot sur la considération qu'il a à l'endroit de ces
personnes. Pas un mot de la compréhension qu'il a des problèmes
graves auxquels ils sont confrontés. Pas un mot de la conscience sociale
qu'il doit avoir pour siéger ici et surtout, pour occuper la fonction de
ministre de la Sécurité du revenu au Québec. Pas un mot
quant aux responsabilités qui sont les siennes. Je fais
référence à cette responsabilité qu'il a, au nom de
l'ensemble des Québécoises et des Québécois, pour
être celui qui est non pas l'attaquant des assistés sociaux mais
le défenseur des plus démunis. Pas un mot pour s'attaquer
à ces préjugés de plus en plus nombreux, de mieux en mieux
entretenus, notamment par les actions qu'il a menées contre ces
personnes.
Je me serais attendu de la personne qui a charge du ministère de
la Sécurité du revenu du Québec, dans sa
présentation du projet de réforme de l'aide sociale, qu'il prenne
une partie importante de son exposé pour faire un appel à
l'ensemble des Québécoises et Québécois, pour qu'il
tente d'aller corriger les préjugés qui ont été
créés contre les assistés sociaux au Québec, pour
qu'il fasse un appel à cette nécessaire solidarité de tous
les hommes et de toutes les femmes du Québec envers ceux qui sont les
plus démunis de notre société, ceux qui paient la facture
des pots cassés de notre structure économique, industrielle et
sociale. Pas un mot, pas une fois un appel au nécessaire et à cet
essentiel consensus social qui doit régner dans notre
société, particulièrement et principalement à
l'endroit des personnes les plus démunies de notre
société.
M. le Président, cela m'a beaucoup inquiété et
beaucoup marqué de constater ces choses dans l'intervention du ministre.
Je comprends qu'au fond, c'est fort révélateur des objectifs
réels, des objectifs premiers, des objectifs prioritaires, et du
ministre et du gouvernement et du Parti libéral du Québec
à l'endroit de la réforme de l'aide sociale.
M. le Président, ces objectifs sont les suivants, très
clairement ressortis dans fes débats jusqu'à maintenant.
s L'objectif du Parti libéral dans sa réforme de
l'aide sociale c'est: Comment faire pour exclure des gens de l'aide sociale?
Comprenons-nous bien, M. le Président. Pas comment faire pour exclure
des gens de l'aide sociale au sens de faire en sorte qu'ils n'aient plus besoin
de l'aide sociale, mais comment faire
pour exclure, pour sortir des gens du régime d'aide sociale du
Québec sans se préoccuper de leurs besoins? Comment faire pour
que cela coûte moins cher à la fin de l'année?
M. le Président, oui, il s'agit donc là pour le
gouvernement d'une question de piastres et de "cennes", mais non pas d'une
question de piastres et de "cennes" pour les assistés sociaux mais d'une
question de piastres et de "cennes" pour le gouvernement, alors qu'à mes
yeux, la question fondamentale qui aurait dû, qui devrait être et
qui doit à la base de toute réforme de notre régime d'aide
sociale est à peu près la suivante. Que pouvons-nous, que
devons-nous faire de plus et de mieux, je répète, de plus et de
mieux, pour aider les plus démunis de notre société, pour
leur donner des moyens, plus de moyens de s'en sortir, pour leur rendre leur
dignité, leur fierté, pour leur donner des moyens de vivre
humainement?
M. le Président, je suis issu d'un milieu populaire, d'un milieu
défavorisé. Je suis député d'une circonscription
électorale qui compte un grand nombre de démunis, de
défavorisés. J'habite cette circonscription électorale,
donc je côtoie chaque jour ces hommes et ces femmes. Mes fonctions de
député, tant à mon bureau que dans ma circonscription,
m'amènent à voir de près cette misère à
laquelle sont confrontés plus d'un demi-million de
Québécois et Québécoises.
À moins de jouer à l'autruche, à moins d'être
inconscient, à moins d'être insouciant, à moins
d'être insensible, à moins d'être marqué par une
absence totale de conscience sociale, nous devons nous rendre compte qu'il y a
au Québec des gens, beaucoup de gens, de plus en plus de gens qui sont
pauvres, qui sont dans la misère, des gens qui n'arrivent pas, des gens
qui se retrouvent à mener une vie qui, finalement, dans certains cas,
est proprement inhumaine, qui les met dans une insécurité totale
quant au lendemain. Pas quant à ce qui va leur arriver pour leurs
vacances ou le prochain voyage en Europe ou dans le Sud aux Etats-Unis, mais
dans l'insécurité totale quant au lendemain. (16 h 10)
C'est une situation qui ne peut faire autrement qu'engendrer la maladie,
qu'engendrer le malheur, qu'engendrer la souffrance, physique et psychologique,
qu'engendrer à l'occasion la violence, situation qui est vraie pour les
parents, qui est donc vraie pour les adultes, mais qui est vraie aussi pour les
enfants et qui aura des conséquences déterminantes sur le
développement et révolution vers l'âge adulte de ces
enfants de familles d'assistés sociaux. Quand je parle d'influence et de
conséquences déterminantes sur l'avenir de ces enfants, je
citerai deux exemples. On se vante souvent au Québec d'avoir un des
meilleurs systèmes de santé et de services sociaux. À
titre d'exemple, on dit souvent: En l'espace de 20 ans - oui, il faut en
être fiers -la société québécoise est
passée du plus haut taux de mortalité infantile au plus bas taux
dans le monde occidental. On se dit: Bravo, on est bon. Mais sommes-nous
conscients qu'en même temps que nous avons réussi cela, il y a
encore aujourd'hui, en 1988, dans des quartiers de Montréal, dans
certaines couches de la population, des taux de mortalité infantile
comparables à ceux qu'on retrouve dans les pays du tiers monde?
Voilà un exemple de conséquence grave qu'a cette situation de
misère humaine, non seulement chez les adultes mais chez les enfants de
ces familles.
Un deuxième exemple: Nous connaissons tous les difficultés
additionnelles considérables que bon nombre d'enfants des milieux
défavorisés ont au niveau scolaire dans les grands centres
urbains, avec les conséquences que cela aura sur leur
désintéressement de l'école, sur leurs déficiences
au point de vue de leur formation, donc leur difficulté, une fois
devenus adultes, de se trouver un emploi, de réaliser une
carrière. Non seulement y a-t-il beaucoup de gens qui sont pauvres et
défavorisés, mais les pauvres sont de plus en plus pauvres. Ceux
qui étaient dans la misère hier le sont de plus en plus. Je n'ai
pas inventé cela. Tous les observateurs, tous les chercheurs, tous les
spécialistes de ces questions l'observent et cela découle,
notamment de cette crise économique que nous avons vécue en 1982
et qui a marqué profondément notre société et
particulièrement les plus démunis de notre société.
Rappelons-nous qu'à la suite de cette crise, les riches sont de plus en
plus riches, mais les pauvres sont de plus en plus pauvres.
Aussi, M. le Président, il faut le reconnaître, notamment
ici à l'Assemblée nationale, cette pauvreté de plus en
plus grande des plus démunis de notre société est
l'illustration de l'incapacité des programmes sociaux que nous avons mis
en place à sortir ces gens de la misère. C'est le résultat
de l'insuccès de nos structures, de nos programmes, de nos politiques de
répartition et de redistribution de la richesse dans notre
société alors que ces programmes de redistribution de la richesse
devaient avoir pour objectif, donc pour conséquence, de réduire
les écarts de revenus dans notre société. Je le
répète, les écarts de revenus dans notre
société se creusent de plus en plus, les riches sont de plus en
plus riches, les pauvres sont de plus en plus pauvres.
Très souvent, j'entends ici à l'Assemblée
nationale, notamment du côté gouvernemental, les ministres et le
premier ministre en tête nous dire: Cela va bien au Québec, cela
va vraiment très bien; on a de l'argent, l'économie roule.
Qu'avez-vous à vous plaindre? Cela marche. M. le Président, les
cheveux me dressent sur la tête chaque fois que j'entends quelqu'un dire
cela, ici ou en dehors de cette Chambre, et encore plus ici parce qu'on a ce
qu'il faut pour savoir que ce n'est pas vrai. Comment quelqu'un peut-il
affirmer que cela va bien au Québec quand il y a plus de 10 % des
Québécois et des Québécoises
qui sont en chômage, quand il y a plus de 500 000
Québécois et de Québécoises qui sont sous le seuil
de la pauvreté, bénéficiaires de l'aide sociale? On
discute juste ici à côté du libre-échange. Tout le
monde nous dit - c'est devenu la mode partout dans le monde, c'est un
pléonasme par rapport à ce que je vais dire - qu'il faut aller du
côté de l'internationalisation, de la mondialisation de
l'économie, qu'il faut lever toutes les barrières qui freinent
les échanges économiques.
Je lisais dans une revue du GATT, cet organisme international qui vise
à réduire les barrières tarifaires pour l'ensemble du
monde occidental, à internationaliser notre économie; un peu
comme on en discute à côté - par l'accord du
libre-échange entre le Canada et les États-Unis, on va
internationaliser de plus en plus l'économie nord-américaine.
Le directeur général du GATT, M. Dunkel, présente
le rôle, les objectifs de son organisme comme ceci: "Ce n'est pas un
hasard si cette brochure s'intitule Aider la croissance mondiale - parce que
c'est le titre de sa brochure, de sa mission. Si l'on en est venu,
siècle après siècle, à favoriser le
développement d'un commerce entre les nations, c'est parce que celui-ci
s'est généralement traduit par une élévation du
niveau de vie et de bien-être."
M. le Président, je pose la question: Élever le niveau de
vie et de bien-être de qui? Toutes ces actions de développement
économique, toutes ces actions d'accroissement de la richesse dans le
monde, toutes ces actions qui visent à faire plus au plan
économique, toutes ces actions qui, de l'autre côté, visent
à élargir les marchés pour les entreprises du
Québec et qui, pour le GATT, se font dans tout le monde occidental qu'on
nous dit pour "élever le niveau de vie et de bien-être", je pose
la question: Pour qui? La réponse, on l'a; cela n'a pas servi aux plus
démunis de notre société, mais pas du tout.
Je pense qu'en conséquence, ce qui doit nous mobiliser comme
membres de l'Assemblée nationale du Québec, ce qui doit nous
mobiliser comme élus du peuple, ce qui doit mobiliser toutes les
énergies, les plus belles énergies du Québec, les plus
grandes compétences du Québec, ce qui doit mobiliser toutes ces
énergies, c'est une lutte à la pauvreté; c'est de faire en
sorte qu'on en vienne à avoir une obsession nationale de tous les
instants et qu'on fournisse l'ensemble des moyens nécessaires à
ces citoyens les plus démunis pour qu'ils sortent de ces situations de
misère humaine.
Je vois que, déjà, vous m'indiquez que mon temps court,
mais je dis qu'il est absolument essentiel que cette réforme ne traite
pas des sujets qu'elle traite comme elle les traite, mais qu'elle fasse appel
à tout ce qu'il y a de fort, de dynamique, d'organisé au
Québec, non pas pour couper les assistés sociaux, non pas pour
que cela coûte moins cher, mais pour que nous puissions observer des
résultats concrets et positifs pour ces gens qui sont les plus
démunis de notre société. Je ne suis pas venu en politique
pour que l'économie roule plus, ni pour que la croissance
économique soit toujours plus grande, si tout cela n'a pas pour effet
d'être mieux redistribué dans notre société. Nous
faisons toutes et tous fausse route ici, dans ce Parlement, si toutes ces
énergies que nous consacrons à ces préoccupations
économiques, à ces préoccupations de croissance
économique, à ces préoccupations d'accroissement de la
richesse n'ont pas pour effet direct et prioritaire de permettre qu'on
redistribue, de plus en plus, cette richesse énergiquement et solidement
vers ceux et celles qui sont les plus démunis de notre
société.
C'est ce qui devrait nous animer tous. Ce n'est qu'après cela que
nous pourrions être fiers du travail que nous aurons fait comme
députés, comme membres de l'Assemblée nationale, mais
seulement une fois ces résultats atteints. Je ne suis pas en train de
dire que c'est facile, que c'est simple. Je pense que la première des
choses, c'est d'en être conscient; deuxièmement, d'être
conscient de là où nous ont menés toutes les actions qui
ont été faites depuis 20 ou 25 ans et surtout de comprendre
qu'à partir de maintenant, ce n'est pas à une réforme de
l'aide sociale qui vise à appauvrir les plus pauvres de notre
société qu'il faut s'attaquer, mais bien plus à
bâtir un système qui va être en mesure de mieux redistribuer
cette richesse. (16 h 20)
Je conclus par une illustration, M. le Président. Un des
fondements de la réforme que nous propose le ministre est de dire: On va
faire en sorte que les assistés sociaux retournent sur le marché
du travail. Ils vont devoir aller travailler pour avoir des prestations, etc.
Au minimum, si le ministre nous convie à une réforme qui vise
à dire: On remet des assistés sociaux sur le marché du
travail, peut-il nous expliquer pourquoi, dans son exposé d'une heure,
jamais il n'a abordé le problème de la création d'emplois
au Québec? Je pense que dans la logique, dans la cohérence
interne du ministre et de sa réforme, on ne peut mettre en place cette
réforme tant et aussi longtemps qu'on n'a pas créé
suffisamment d'emplois pour embaucher ces assistés sociaux. Tant et
aussi longtemps que ces politiques de création d'emplois destinés
aux assistes sociaux ne seront pas en place, comment pouvons-nous penser
aborder une réforme de l'aide sociale qui, nous dit-on, a pour objectif
de mettre des assistés sociaux sur le marché du travail?
M. le Président, pour toutes ces raisons, il est évident
que je m'oppose à cette réforme de l'aide sociale, que je
m'oppose à cette série de décisions qui auront pour effet
d'appauvrir les moins bien nantis de notre société.
J'espère que nous assisterons beaucoup plus rapidement à une
présentation de croissance économique, mais de croissance
économique essentiellement axée sur
une meilleure distribution de la richesse, sur une plus grande
distribution de la richesse, prioritairement et largement prioritairement en
faveur des plus démunis de notre société. Ce n'est
qu'à ce titre que nous pourrons prétendre avoir, en partie, bien
assumé les rôles qui nous ont été confiés par
l'ensemble de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Le prochain intervenant sera M. le
député de Laval-des-Rapides.
M. Guy Bélanger
M. Bélanger: M. le Président, c'est avec plaisir
que je prends la parole sur le projet de loi 37 de M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ayant eu l'occasion
d'assister à tous les débats en commission parlementaire, puisque
j'ai eu la chance de présider cette commission, j'ai assisté
à la présentation des 96 mémoires et à la lecture
de tous les autres qui n'ont pas été présentés,
puisqu'un total de 125 mémoires nous ont été soumis
à l'occasion de cet exercice. Il est évident que nous avons
dû faire une réflexion en profondeur, entre autres, sur la
situation des personnes les plus démunies de notre
société. C'est une réflexion qui nous a à ce point
poussés à aller au fond des problèmes que des
députés de la formation que je représente et moi avons
même décidé d'aller voir le ministre et de regarder avec
lui si certains aspects qui étaient soulevés par nos amis de
l'Opposition étaient vraiment si inquiétants, et même, non
pas que nous étions incrédules, nous avons fait les
vérifications avec lui. Nous nous sommes aperçus que l'Opposition
avait éveillé beaucoup d'épou-vantails, avait
soulevé énormément de craintes chez les assistés
sociaux, mais ne nous avait pas apporté de solution.
Tout à l'heure, j'écoutais le député qui
disait: La crise économique des années quatre-vingt a
laissé plus de pauvres que jamais. Son gouvernement était au
pouvoir à ce moment-là, et pourtant, il avait fait d'autres choix
qui, semblait-il, étaient beaucoup plus importants. Il a injecté
beaucoup d'argent pour la publicité, les bateaux qui tournaient en rond,
ces choses-là. Il a oublié d'en mettre dans la cagnotte des gens
qui en avaient vraiment besoin. J'écoutais tout à l'heure le
député de Gouin, j'écoutais auparavant d'autres
députés de l'Opposition, et je comprends que leur rôle est
de s'opposer. Dans notre système parlementaire, la fonction
première de l'Opposition, c'est de dire qu'elle n'est pas d'accord et de
pousser le gouvernement à aller plus loin et à mieux faire dans
ses réformes. À cet égard, soyez rassurés, ils ne
sont jamais d'accord. Ils n'ont pas de solution à offrir, et plus
encore, en invoquant la crise économique, cela leur permet de dire:
Nous, on avait une excuse de ne rien faire, on avait de bonnes intentions, on
était bien motivés, on les aimait, nos assistés sociaux,
mais on ne pouvait rien faire, il y avait la crise économique.
Évidemment, l'excuse est facile. Attendez, quand on reviendra au
gouvernement, disent-ils, nous, dans une réforme de l'aide sociale, on
va faire des choses.
Je suis allé voir dans leur programme, je suis allé voir
dans leurs discours et je suis allé voir ce que leur chef, dans son
fameux striptease, avait dit sur l'aide sociale. J'ai été surpris
de constater... D'abord, évidemment, son striptease était
partiel, heureusement pour nous et heureusement pour tout le monde, cela aurait
été disgracieux. Mais, dans son strip-tease et dans son livre
blanc sur la fiscalité - puisqu'il n'a pas fait de livre blanc sur les
cas d'aide sociaie ou la main-d'oeuvre et la sécurité du revenu -
il disait les choses suivantes, et je cite, si vous me permettez, dans le
texte. Cela nous permettra de mieux faire ressortir le vrai visage de cette
Opposition qui essaie de détruire une réforme qui est, ma foi, je
pense, une amélioration très importante du système qu'ils
nous avaient laissé.
Je prends, par exemple, au chapitre de la distinction entre
bénéficiaires aptes et ceux considérés inaptes. Que
dit donc le chef du Parti québécois, M. Parizeau? "Les
orientations de la réforme nous amènent à
préconiser la modification de cette armature de base et la mise en place
d'un régime pour les personnes à faible revenu aptes au travail,
qui soit distinct de celui visant les personnes inaptes au travail." C'est donc
qu'il est tout à fait d'accord avec nous, au moins sur ces distinctions.
"Ainsi le groupe de personnes de 18 à 64 ans, qui ne sont pas aux
études, serait scindé. Le programme actuel d'aide sociale
continuerait de s'appliquer aux personnes inaptes au travail. Par contre, pour
ceux qui sont aptes au travail, dit toujours M. Parizeau, le nouveau programme
de garantie de revenu deviendrait le principal programme d'aide destiné
à cette clientèle." Page 218 de ce fameux livre blanc. Donc,
force nous est d'admettre que M. Parizeau est d'accord avec nous sur cet
important principe des aptes et des inaptes. N'est-il par le chef de cette
formation qui vient juste de dénoncer cette distinction entre aptes et
inaptes? Mais qui donc, mène là-dedans? Et quelle est leur vraie
position?
Prenons un autre point. Accès à tous des mesures de
développement de l'employabilité visant la
réintégration au marché du travail. M. Parizeau est clair
et sans aucun compromis. Alors qu'il traite de mesures de développement
de l'employabilité, il est indiqué que "le principe à la
base de ces programmes et que les prestations sont augmentées pour tous
ceux qui s'engagent dans de tels programmes. Il s'agit donc, au fur et à
mesure que se développent les moyens administratifs pour encadrer ces
activités, de les étendre à l'ensemble des assistés
sociaux. En plus d'assurer le revenu minimum pour les personnes aptes au
travail, un des objectifs du nouveau programme est de favoriser la
réintégration sur
le marché du travail." Pages 205 et 220 de son fameux livre
blanc.
Donc, sur cet autre important principe de la réforme, M. Parizeau
est totalement d'accord sur la réforme proposée par M. le
ministre. Où étaient les gens de son parti quand il a dit cela?
A-t-il parlé seul? A-t-il pensé son programme seul ou s'il y a eu
concertation dans ce parti? Continuons, c'est quand même très
intéressant. Sur un autre important principe de base de la
réforme, M. Parizeau, et son parti, je présume, même si
cela ne paraît pas dans la position de ceux qui actuellement nous font le
débat ici... Ce principe, le consensus entre les deux formations
politiques ne s'arrête pas là. En plus de préconiser
l'accès pour tous aux programmes d'employa-bilité et des mesures
qui visent l'intégration des bénéficiaires de l'aide
sociale au marché du travail, il suggère en plus des mesures ou
des programmes qui visent à permettre aux bénéficiaires
qui ne peuvent réintégrer le marché du travail, parce
qu'ils ne réussissent pas à se trouver un emploi, d'augmenter
leur niveau de prestations en participant à des activités qui
favorisent leur réinsertion sur le marché du travail. Et, le
même livre blanc d'ajouter: "Ces activités sont la formation
scolaire, la formation professionnelle, la formation en industrie et les
activités communautaires." Page 220 de son fameux livre blanc. Le chef
de l'Opposition, M. Parizeau est totalement d'accord sur ce principe majeur de
la réforme et de la politique que présente M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il l'a même
écrit. On l'a vu. (16 h 30)
Au chapitre de l'incitation au travail, le livre blanc sur la
fiscalité des particuliers considère, tout comme la politique de
la sécurité du revenu le propose d'ailleurs, que l'incitation au
travail soit un principe de base sur lequel doit reposer toute action dans ce
domaine. Ainsi, dans le livre blanc, à la page 224, il est textuellement
suggéré - livre blanc de M. Parizeau, évidemment - "...que
le taux de rémunération serait fixé de façon que la
rémunération d'un bénéficiaire qui participe
à ces programmes soit inférieure à celle que le secteur
privé offre au plus faible salarié."
D'autre part, toujours à la page 224 du livre blanc de M.
Parizeau, il est mentionné que si l'on veut qu'il existe un minimum
d'incitation au travail, le nouveau programme de garantie de revenu devrait
être conçu de façon qu'il ne confère pas à
ses bénéficiaires un niveau de vie supérieur à
celui que peuvent obtenir sur le marché privé du travail les
travailleurs à faible revenu. Encore là, M. Parizeau est en
accord total avec les positions de M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, dans le projet de réforme qu'il y a
là. Mais où étaient donc les députés de
Maisonneuve, de Gouin, d'Abitibi-Ouest? À quoi se
réfèrent-ils quand ils dénoncent ces principes? Ils
devraient au moins écouter un peu leur chef.
Accorder la parité aux moins de 30 ans. On nous dénonce
parce que notre parti n'a pas encore... Il a fait des démarches, il a
commencé à améliorer la situation des moins de 30 ans,
mais cette parité que nous avions promise elle n'est pas encore
totalement acquise, c'est vrai. Or, je cite toujours M. Parizeau. Alors que
nous nous sommes engagés à accorder cette parité et que
notre gouvernement - évidemment, le gouvernement libéral -
travaille dans ce sens, le véritable architecte de la politique du Parti
québécois dit à la page 328 de son fameux livre blanc:
"Dans la réforme envisagée, cette disparité n'est pas
remise en cause. Les raisons qui nous ont amenés à instaurer,
à mettre en place cette disparité, sont toujours valables. Ces
choix impliquent que les bénéficiaires de moins de 30 ans doivent
assurer eux-mêmes une plus grande partie de leurs besoins essentiels",
dixit M. Parizeau, page 328 de son livre blanc. On nous dénonce parce
que nous avons amélioré la situation alors qu'eux veulent revenir
en arrière et même plus loin en arrière encore. Il y a
quelque chose qui ne va pas dans cette histoire.
D'autre part, en plus de ce désaccord entre les deux formations
politiques sur la parité aux moins de 30 ans parce que nous, nous sommes
d'accord pour la donner et nous tendons et nous travaillons progressivement
chaque année à amener des mesures qui améliorent cette
parité, on doit remarquer que M. Parizeau fait la promotion d'un
élément qui touche les jeunes bénéficiaires de
l'aide sociale et sur lequel nous sommes également complètement
en désaccord. J'ai parlé de la volonté du chef du Parti
québécois d'exclure les jeunes de 18 et 19 ans et même de
20 ans de l'aide sociale, déclaration qu'il a faite il y a quelques mois
durant son "strip-tease". C'est un des morceaux qu'il a échappés.
Cela avait d'ailleurs été publié, si je me rappelle bien,
le 5 mars 1988 dans Le Soleil de Québec.
De notre côté, nous croyons fermement que la parité
de l'aide sociale doit être accordée et que ce dernier recours
doit être accessible à tous. Que la personne ait 18 ans, 22 ans ou
35 ans, le même traitement devrait s'appliquer. Cependant, il est de
notre devoir, en tant que gouvernement, de s'assurer que le programme de l'aide
sociale ne soit pas plus avantageux qu'un autre programme gouvernemental. Ici,
nous faisons référence, par exemple, aux jeunes qui sont
étudiants et qui reçoivent des bourses ou des prêts et
bourses. Il ne faudrait pas que la parité de l'aide sociale vienne
interférer dans ce programme. C'est pourquoi le ministre nous propose,
dans sa réforme, un projet où on procède de la même
manière pour l'aide sociale que pour les prêts et bourses. Donc
qu'il n'y ait qu'un seul traitement accordé aux jeunes de 18 ans
à 25 ans, bénéficiaires de l'aide sociale aux
étudiants, qu'ils aient le même régime d'aide ou de support
par l'État.
Évidemment, ce principe sur lequel repose le programme de soutien
financier de la politique de la sécurité du revenu - il est
regrettable que le gouvernement et l'Opposition officielle, par la voix de son
chef de formation politique dont je suppose elle est issue... en effet, nous du
gouvernement proposons avec force et vigueur que les plus démunis de
notre société, notamment les bénéficiaires inaptes
soient traités de façon plus équitable et qu'ils
reçoivent près de 1000 $ de plus par année que le
système actuel leur accorde, le système actuel dont nous avons
hérité de ceux qui dénoncent la réforme qui
améliore la situation. C'est l'ironie de la politique, je
présume.
Sur cet élément majeur que constitue pour nous un principe
de justice et d'équité sociales, regardons ce que le livre blanc
de M. Parizeau nous dit toujours parce que c'est riche d'enseignement,
croyez-moi. Il propose que l'actuel programme d'aide sociale continue de
s'appliquer aux personnes inaptes au travail. C'est à la page 205. Cette
prise de position est pour le moins surprenante alors qu'à la page 130
de son même livre blanc, il y est écrit, et je cite: "Dans
plusieurs pays - dit M. Parizeau - le niveau de revenu garanti aux personnes
aptes au travail est inférieur à celui qui est garanti aux
personnes jugées inaptes au travail. C'est là une façon de
reconnaître que la situation de dépendance des personnes aptes au
travail est ou doit être une situation temporaire, ce qui n'est pas le
cas des gens inaptes à travailler."
Donc, sur le principe de traiter de façon plus équitable
les plus démunis de notre société, le gouvernement et M.
Parizeau ainsi que, par voie de conséquence, son parti qui ne semble pas
trop l'écouter - je reviendrai là-dessus en conclusion tout
à l'heure, sur les raisons qui les incitent à tenir un autre
langage que celui qu'ils tiennent dans leur propre programme et dont leur
propre chef nous vante les mérites - donc à la lumière du
livre blanc sur la fiscalité des particuliers, dont l'auteur est M.
Parizeau, et à la lumière des déclarations faites par
l'actuel chef du Parti québécois, nous pouvons nous
réjouir et prévoir que sur la majorité des principes
contenus dans la loi 37, il y a consensus. On s'entend. Je viens de vous citer,
avec les références et les pages, tous les éléments
d'accord qui sont les fondements même de cette réforme de l'aide
sociale.
Comment se fait-il - je le comprends; on le disait dans notre
introduction tout à l'heure - que le parti d'Opposition, le Parti
québécois, nous tienne actuellement un discours qui vise à
inquiéter, qui vise à semer l'inquiétude chez les gens les
plus démunis en faisant croire que le projet actuel de réforme
leur enlève des acquis? Mais voyons donc! Qu'est-ce que ce discours?
À moins qu'ils n'aient des visées très
électoralistes et qu'ils ne soient en train de faire de la politique
très basse sur le dos de nos assistés sociaux, de nos plus
démunis en disant:
Nous, dans le passé, c'est vrai, on n'a pu rien faire parce qu'il
y avait la crise économique; vous comprenez, c'était terrible, on
ne pouvait pas. Cela a même créé plus de pauvreté;
c'est effrayant; on en est conscients, mais à l'avenir, vous allez voir
ce qu'on va faire.
Regardons ce que leur chef dit. Ce que nous faisons, c'est ce qu'ils se
proposaient de faire et nous sommes en train de le faire sans avoir fait de
grandes publicités, sans avoir fait de grandes déclarations mais
après un travail d'écoute attentive. M. le ministre a
été présent aux 95 auditions des mémoires en
commission. Nous avons été des jours et des jours, de nombreuses
et de longues heures à écouter tous les intervenants. M. le
ministre a écouté patiemment, a consulté ses
députés et, à partir de là, a élaboré
ce projet qui, ma foi, coïncide, sur les points majeurs, avec la
pensée du chef du Parti québécois, sauf en ce qui a trait
à la parité pour les moins de 30 ans que lui, veut diminuer et
même éliminer II veut carrément éliminer les 18-20
ans de l'aide sociale, ce que nous considérons comme une injustice,
comme étant inacceptable. Mme la députée de Maisonneuve,
M. le député d'Abitibi-Ouest et M. le député de
Gouin ne nous ont jamais dit que leur chef pensait cela. Ils ne nous ont jamais
dit que c'était cela leurs intentions, de revenir en arrière et
même de reculer. Non. Ils ont essayé de se montrer nobles,
généreux. Ils ont promis mer, et monde, mais ils n'ont rien
livré. Ils n'ont livré qu'inquiétude. Ils n'ont
livré que désarroi chez des gens qui, pourtant, avaient tellement
besoin d'être rassurés.
Je pense que le Parti libéral a pris ses responsabilités
face à cette catégorie de nos citoyens, à ceux de notre
société qui ont plus de difficulté, qui sont plus
démunis. Il a pris les moyens pour leur apporter cette aide, ce soutien
en cette période difficile qu'ils ont à passer en leur
fournissant les moyens adéquats pour réintégrer le
marché du travail, à retrouver cette fierté, à
retrouver cette dignité que les travailleuses et les travailleurs ont et
qu'on conserve comme humains, quel que soit notre statut dans la
société. (16 h 40)
Bien sûr, parce que M. le ministre a fait une bonne gestion de ses
budgets de l'aide sociale, on a dit: II a mis des "boubous-macoutes" pour
couper les assistés sociaux. M. le ministre, par cette position - et il
faudrait vraiment bien la comprendre - a pris les moyens pour que l'argent que
l'État mettait à la disposition des gens en situation de besoin
soit bien utilisé, comme c'est la responsabilité du gouvernement
de le faire dans tous les autres secteurs. Que ce soit dans l'assurance-maladie
la CSST, que ce soit dans tous les domaines de l'intervention gouvernementale,
nous avons une responsabilité de bon gestionnaires. Là-dessus, M.
le ministre a pris ses responsabilités. Il a posé les gestes
qu'il fallait.
Dommage que l'Opposition l'ait présenté comme étant
une attaque à l'intégrité des assistés sociaux, ce
qui est totalement faux. Ils porteront la responsabilité du discours
qu'ils ont tenu et ils devront vivre avec. Quant aux gens qui sont susceptibles
de bénéficier des mesures d'aide sociale, la nature de cette
réforme, les objectifs poursuivis, les valeurs qu'on y retrouve
devraient les rassurer quant à l'avenir et au support que le
gouvernement compte leur apporter dans l'avenir eu égard à leur
situation. Mme la Présidente, je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laval-des-Rapides. M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Mme la Présidente, nous en sommes à
l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 37, concernant la
réforme de l'aide sociale. Nous avons à apprécier si le
projet de loi 37, tel que présenté, a des principes auxquels on
doit souscrire auxquels on peut souscrire ou s'ils ne tiennent pas debout et,
en conséquence, on doit ne pas y souscrire. C'est notre
responsabilité à ce moment-ci.
Je suis heureux de parler tout de suite après le
député de Mille-Îles... Je m'excuse, de
Laval-des-Rapides.
Une voix:...
M. Gendron: Je m'excuse, Mme la Présidente, c'est
effectivement le député de Laval-des-Rapides et non de
Mille-Îles. Je veux tout simplement reprendre une ou deux de ses phrases.
Je trouve étonnant, surtout aujourd'hui, cela prend toujours un peu
d'inexpérience ou de culot pour arriver simplement comme cela en disant:
On comprend les membres de l'Opposition, c'est leur rôle de s'opposer.
C'est leur job. Alors qu'il y a à peu près une heure, on adoptait
trois projets de loi sans qu'aucun des intervenants fasse un débat plus
long. À un point tel que le ministre de l'Énergie et des
Ressources était complètement renversé de voir qu'on
était d'accord.
Quand une loi a du bon sens dans ses principes, ses modalités et
qu'elle contribuera au mieux-être d'un bassin important de la population
du Québec, c'est clair que nous conclurons à l'adoption du projet
de loi. J'ai beaucoup plus assisté, comme parlementaire, à des
projets de loi sur lesquels l'Opposition a fait d'abord son travail
d'améliorer et de bonifier le projet de loi et finalement d'y concourir.
C'est ce qu'on fait depuis deux jours devant un menu tellement vide que, pour
le petit peu qu'il y a, à part deux ou trois lois très
contentieuses, toutes les lois sont adoptées sans trop de
difficultés, sans trop de débats.
Notre rôle, contrairement à ce qui a été
affirmé, n'est pas de n'être jamais d'accord. Il a dit cela
également: Ces gens-là, il faut les comprendre. Ils sont dans
l'Opposition. Ils ne sont jamais d'accord avec rien. Le problème, c'est
qu'ils n'ont pas de solution.
C'est très erroné de sa part parce que dans le dossier
qu'on discute, il n'y a qu'une solution, c'est d'axer une réforme par
rapport aux problèmes majeurs de la société. C'est de ne
pas être capable d'offrir une situation de meilleure capacité
d'emplois réels sans nécessairement... Même si on doit tous
le viser comme objectif, c'est-à-dire une politique de plein emploi, on
pourrait effectivement avoir des mesures d'em-ployabilité qui nous
garantiraient que, sauf les inaptes au travail, tous les autres assistés
sociaux qui sont aptes au travail et qui n'ont pas de boulot... Si ce
gouvernement avait un peu de préoccupations et de soucis pour
l'employabilité, pour des mesures d'emploi par une politique d'emploi,
pensez-vous que ces gens, règle générale, ne feraient pas
le choix de sauter sur le travail qu'ils recherchent depuis plusieurs
années? Là-dessus, j'en profite et je suis toujours très
à l'aise pour parler de ces sujets à l'Assemblée nationale
et, en particulier, celui des assistés sociaux. Cela ne me gêne
pas de le dire. Au contraire, j'en suis honoré. Trois ans avant de faire
de la politique, j'ai travaillé comme animateur social dans un milieu de
chez nous, et je travaillais avec des groupes d'accidentés, des groupes
d'assistés sociaux, des chefs de familles monoparentales, des gens qui,
dans la société, ont besoin par définition d'un peu plus
de support, d'un peu plus de moyens et d'outils pour être capables, eux
aussi, d'assumer ce qu'ils souhaitent tous, leur pleine et entière
responsabilité de citoyens et citoyennes du Québec, qui veulent
contribuer à poser leur pierre, eux aussi. Pour être capable de
poser sa pierre, le premier geste normal dans une société, c'est
de gagner sa croûte.
Il y a toujours des exceptions. On ne parlera pas des quelques
exceptions. Il y en a partout, Mme la Présidente, peu importent les
professions, peu importent les métiers, les corps d'emploi, les
étiquettes, je ne connais personne qui, à un moment donné,
dans des catégories, n'a pas un comportement discutable. Mais, quand on
parle d'une réforme de l'aide sociale pour les assistés sociaux,
je ne suis pas dans le domaine des exceptions. Je suis dans la
généralité. Pour avoir travaillé pendant trois ans
avec ces gens, jamais je n'accepterai le jugement que certains portent,
à savoir que la plupart de ceux qui sont à l'aide sociale,
premièrement, le sont parce qu'ils veulent l'être,
deuxièmement, sont bien là-dedans et que c'est un mode de vie, et
essayons donc de les laisser le plus longtemps possible là-dessus. Ce
n'est pas là ma pensée. Cela ne l'a jamais été. Ce
n'est pas parce qu'on discute de questions comme celle-là que j'ai
changé d'avis.
Quant au projet de loi 37, je vous dis, Mme la Présidente, que
j'ai été étonné que le ministre décide de
procéder quand même. Après cela, je
me suis dit: Je suis donc dans les patates ou sans expérience
quand je suis critique du même ministre qui porte également le
chapeau de ministre du Travail. Et, étant critique dans ce secteur, je
vois un peu comment il procède. Règle générale, le
ministre, dans tous les dossiers où il réussit à faire
l'unanimité contre lui, va sûrement souhaiter l'adoption de ces
projets de loi. C'est sa façon de travailler. On l'a vu sur la loi
créant la Commission des relations du travail. Imaginez que
c'était urgent, le 30 juin 1987. Le 30 juin 1987, c'était le feu,
s'il n'y avait pas la loi créant la Commission des relations du travail.
Le travail n'a pas dérougi au bureau de M. Bourassa. Je siégeais
en commission avec lui. Dans la même journée, à quatre
reprises à un moment donné, puis il a décidé de
suspendre l'adoption du projet de loi créant la Commission des relations
du travail.
Quatre, cinq mois plus tard, en sourdine comme il procède
toujours, dernier jour de la session, à toute vapeur, il est
arrivé avec l'adoption du projet de loi concernant la création de
la Commission des relations du travail en décembre 1987. Nous sommes en
juin 1988. La commission n'a aucun mandat. La commission n'est pas mise en
vigueur. Il n'y a pas les dispositions qui lui permettraient de mettre en
vigueur la loi créant la Commission des relations du travail. Il n'est
pas question qu'elle soit en vigueur.
Il m'a fait exactement la même chose dans le secteur de la
construction récemment. Il fait la même chose dans le domaine de
l'aide sociale. Je suis très à l'aise pour parler du fond. J'ai
aussi trouvé curieux... En douze ans de vie parlementaire, Mme la
Présidente, c'est probablement la première fois que j'entendais
un ministre parler pendant une heure sur son projet de loi - ce n'est pas cela
qui est curieux, cela est arrivé souvent - et parler peut-être 30
minutes du chef du Parti québécois et à peu près
pas de sa réforme. Pendant les 30 minutes sur l'heure que le ministre a
prise, il a beaucoup plus parlé du chef actuel du Parti
québécois, M. Jacques Parizeau, que de sa réforme pour
essayer de faire accroire que tout autant que dans le livre blanc de M.
Parizeau, en prenant bien sûr les morceaux qui faisaient son affaire, sur
certaines tribunes, M. Parizeau a eu à s'exprimer dans un autre sens,
pour faire accroire au public québécois qu'il y avait de la
confusion dans nos rangs, que nous ne savions pas sur quel pied danser
concernant le projet de loi 37 qui s'appelle la réforme de l'aide
sociale, alors que très clairement - et je n'aurai que deux phrases
là-dessus avant de revenir sur le fond - M. Parizeau a démoli
point par point la réforme Paradis concernant l'aide sociale. (16 h
50)
Je cite un article du Devoir du 26 avril 1988. C'est la
responsable du Regroupement des assistés sociaux qui disait ceci:
"Après une heure et demie de rencontre avec M. Parizeau, on sait
très bien à quelle enseigne il loge. " Et les deux, tout autant
elle que M. Parizeau, et je cite la phrase "ont jeté a la poubelle la
réforme Paradis". Les deux considèrent que la réforme
Paradis dans ses principes mêmes ne doit pas être retenue. Donc, on
ne me fera pas pleurer en essayant de faire accroire qu'il y a de la confusion.
Il n'y en a pas du tout. La réforme Paradis sur l'aide sociale, nous, on
dit qu'elle est folle raide, que c'est une réforme qui ne répond
à aucun des objectifs que la société doit avoir lorsqu'on
aborde une question aussi importante pour 600 000 à 700 000 personnes
et, dans certains cas, jusqu'à 1 000 000 de personnes qui ont
été, lors de périodes plus difficiles sur l'aide
sociale.
Je vais donc vous parler du principe du projet de loi de la
réforme Paradis. C'est un détournement de principes, un
détournement de responsabilité et un détournement tout
court. C'est un manque à leur parole, comme d'habitude. On pourrait
l'illustrer dans plusieurs dossiers. Ces gens-là qui ont eu le culot
lors de la campagne électorale de 1985 d'affirmer sur toutes les
tribunes: Le lendemain de l'élection: l'un de nos premiers dossiers est
de vous donner la parité. On est rendu en juin 1988. Tout le monde sait
que, même si on parle du projet de loi, il ne sera pas adopté, il
faut être conscient de cela et pas à cause de l'Opposition. Le
ministre lui-même n'en veut pas tout de suite. Il dit: Donnez-moi le
principe et je ferai ce que j'ai toujours fait dans mes projets de loi. J'irai
faire accroire, à l'étape de l'étude article par article,
et un peu plus tard, après que j'aurai obtenu les principes, que c'est
une bonne réforme que tout le monde veut. Alors que, lorsqu'il y a eu
les audiences et les consultations, 85 % des gens qui sont venus en
consultation ont dit. On n'en veut pas de cette réforme-là, parce
que cela ne correspond pas à nos besoins ni à ce qu'on souhaite.
Alors qu'on se serait attendu à la mise en place d'une politique de la
sécurité du revenu, on se retrouve avec des
réaménagements tortueux qui maintiennent les 600 000
assistés sociaux du Québec dans une société
à part, une espèce de ghetto de pauvreté, cette fois
consacré ad infinitum. Retenez bien ce chiffre, parce que autour de lui
s'organise une opposition qui s'efforce de bloquer le projet du gouvernement
libéral pour réformer à sa façon le régime
d'aide sociale au Québec.
Le 12 mai, le ministre Paradis, responsable du ministère du
Travail et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu se lève à l'Assemblée
nationale pour annoncer que son gouvernement a finalement décidé
de donner suite à l'un des engagements de la campagne électorale
de 1985. On s'attendait qu'enfin, cela sort quelque chose d'exact. Très
grande surprise, stupéfaction pour tout le monde, le jeudi 12 mai, le
ministre n'apporte que des modifications mineures à son projet de
réforme, projet décrié par plus de 3000 personnes qui sont
venues manifester devant le parlement malgré les
conditions difficiles, projet décrié par
l'Assemblée des évêques, projet décrié par
une série d'organismes dont la liste serait très longue, mais je
peux bien le faire: CEQ, CSN, FTQ, coalition nationale, des groupes de femmes,
la FACEF, le FRAPU, la Ligue des droits et libertés, la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées, le Regroupement des ressources alternatives en santé
mentale, les avocats de l'aide juridique... Ces gens-là ont la
vérité bien assise.
J'écoutais le député de Laval-des-Rapides qui
disait: Nous, on est convaincus; j'étais là comme
président - c'est lui qui parle - comme président, j'ai entendu
tous ces mémoires. Le meilleur qu'on a fait, c'est que nous aussi on
avait des doutes à un moment donné, quelques juniors qui de temps
à autre ne tiennent pas tout pour acquis, parce que lorsque c'est leur
ministre qui parle, règle générale, ils tiennent tout pour
acquis, c'est la vérité révélée. Il y en a
quelques-uns qui ont dit: Peut-être que ce ne serait pas la
vérité révélée, on va aller en discuter avec
M. Paradis. Imaginez que cela vous renseigne davantage sur ce qu'est le projet
de loi! Ils sont allés voir leur ministre, ils ont discuté avec
et ils ont dit: Est-ce qu'on a tort ou si c'est toi qui as raison? Que
pensez-vous qui est arrivé? C'est évident que le ministre leur a
dit: Vous êtes dans les patates, les principes sont bons, les objectifs
sont valables. Mais qu'il y ait des milliers de groupes au Québec qui
disent que cela n'a pas de bon sens, que l'Assemblée des
évêques dise que c'est un projet qui est mal foutu à sa
base même parce qu'il aura comme conséquence d'amenuiser le petit
peu que ces gens-là ont et de le consacrer ad infinitum.
Je reviendrai sur la seule alternative possible: orienter la
réforme sur un régime de plein emploi. Il n'y en a pas d'autre.
Tourner la réforme d'aide sociale par le biais de programmes
d'employabilité. C'est cela, le succès de la réforme, mais
pas quand on maintient un taux de chômage à 10 % et qu'on n'a
aucune mesure pour contrer les difficultés de l'emploi. Tout ce
monde-là est contre, sauf que le député de
Laval-des-Rapides disait: M. Paradis nous a convaincus, le ministre du Travail
nous a convaincus que c'était une bonne réforme, donc les
arguments des gens de l'Opposition, qui ont seulement comme mandat de
s'opposer, nous ne sommes plus sensibles à cela.
Ce ne sont pas les gens de l'Opposition qui s'opposent à votre
réforme, c'est à peu près tout ce qu'il y a
d'organisé dans la société qui s'y oppose, ce sont tous
les gens qui ont pris le temps de la regarder et de l'analyser. C'est jour
après jour... Regardez, seulement dans la correspondance qu'on
reçoit. J'ai sous la main le journal La Base publié par la
Centrale des syndicats démocratiques. Quel est leur premier titre? Ce
n'est pas: les femmes sont bien organisées par ce gouvernement qui ne
s'en occupe pas, c'est: Le projet de réforme de l'aide sociale ne vaut
pas cinq cents, il doit être retiré. Que je sache, la CSD n'est
pas à la solde du Parti québécois, n'est pas à la
solde de l'Opposition. Pourquoi est-ce que la CSD dit: Le projet de
réforme de l'aide sociale doit être retiré? C'est parce
qu'ils l'ont analysé dans tous ses détails et - je vous l'ai dit
tantôt - qu'ils ont la même conviction que nous, elle ne vaut pas
cinq cents, même dans ses principes.
Les avocats de l'Aide juridique, pensez-vous qu'ils ont le temps de
s'amuser juste pour s'amuser? S'ils ont pris la peine de dire... La Commission
des services juridiques a envoyé un dossier à tout le monde. Les
avocats de l'Aide juridique, sur le projet de loi 37, nous disent: "De par la
Loi sur l'aide juridique, le gouvernement confie à la commission que je
préside le mandat de représenter les intérêts des
plus démunis", donc des assistés sociaux; ce sont des gens qu'on
connaît et avec qui on a des liens à tous les jours. C'est
écrit ceci: "Le document veut attirer votre attention - à tous
les parlementaires, y compris les répondeurs automatiques, à ces
gens-là, ils ont dit: J'espère que vous allez regarder cela - sur
des intentions contenues au projet de loi qui sauront, nous le
prévoyons, à la suite de notre expérience - ce sont des
gens qui travaillent avec ces gens-là à tous les jours, voici ce
qu'ils disent - causer des détresses additionnelles aux assistés
sociaux." Ils ne disent pas que cela va régler leurs problèmes,
ni amélioirer le sort des 600 000 assistés sociaux, ils disent,
parce qu'ils vivent avec eux: "Le projet de loi 37 aura comme
conséquence grave, dramatique de causer des détresses
additionnelles aux assistés sociaux. Les commissaires de la Commission
des services juridiques comptent sur votre support pour éviter que la
réforme en cours ne pénalise indûment ceux que l'intention
du législateur était d'aider." Ah! Cette phrase m'a
frappé, parce que c'est toujours la même chose. Entre leur
discours, leur beau discours, les principes et le projet de loi, il y a
toujours un écart comme si on était à des
années-lumières entre la réalité vécue et le
beau discours. Cela n'est pas dit par celui qui vous parle, c'est dit par des
gens qui travaillent avec ces gens-là tous les jours.
Et, on va faire croire que nous nous opposons parce que c'est
l'Opposition qui s'oppose. Ce n'est pas cela, Mme la Présidente. On ne
s'oppose pas parce qu'on s'oppose. On dit que le projet de loi 37, qui doit
modifier le régime dans lequel vivent et fonctionnent les
assistés sociaux, n'a pas de bon sens parce qu'il n'est pas
tourné vers des objectifs crédibles et valables. Les objectifs
crédibles et valables, on va en parler un peu. Le pilier de la
réforme demeure la distinction entre les aptes et les inaptes au
travail. Les aptes au travail, ce n'est pas compliqué, ce sont ceux qui
peuvent travailler. Pourquoi ne travaillent-ils pas s'ils peuvent travailler?
La raison est simple: il n'y a pas de job pour eux autres. Pas partout, je l'ai
dit
tantôt, je parle généralement. Quand on a un taux de
10 %... Essayez de faire accroire quand on a un taux de chômage de 10 %,
on a un taux qui est le double de celui de l'Ontario, le triple de celui de
Toronto pour ce qui est de Montréal et on va dire aux assistés
sociaux: Allez travailler, il n'y a pas de problème, trouvez-vous de
l'emploi! Quand on ne trouve pas de l'emploi comme tel, on dit: Allez vers les
mesures d'em-pioyabilité et là, vous allez trouver de
l'emploi.
Ces gens-là ont sacré à terre tous les programmes
d'employabilité qui existaient. Ils les ont tous défaits, tous
éliminés. Ils se sont arrangés pour que cela fonctionne
à 17 %, des programmes qualifiés effectivement de période
intermittente, si vous me permettez l'expressiqri, période temporaire,
excusez, c'est le terme plus exact. Cela marche à 17 % avec ces
gens-là. Vous pensez qu'on va être d'accord pour adopter le
principe du projet de loi 37 sur de tels créneaux, sur de tels
principes? (17 heures)
Mon collègue ou mon ex-collègue, le député
de Gouin, le disait très bien: "Dans le fond, si ces gens-là
avaient l'honnêteté de dire les vraies choses, ce qui les
intéresse, c'est de réduire la facture des coûts de l'aide
sociale. Lesd assistés sociaux, ce gouvernement s'en fout pas mal. Il
n'a jamais prouvé que c'était l'une de ses préoccupations.
Regardez le projet de loi 37. Si c'était sa préoccupation, il
aurait arrêté d'en parler. Combien de fois le ministre a-t-il
refait ses devoirs? Combien de fois le ministre a-t-il essayé de faire
ses devoirs? Je le répète, on sera rendu en septembre ou octobre
et, pour les assistés sociaux, il n'y aura absolument rien de
réalisé quant à l'engagement que le gouvernement a pris
concernant la parité en septembre, octobre ou novembre 1985. Trois ans
plus tard, ces gens seront exactement dans la même situation. Pourtant,
les libéraux avaient juré, juré craché, selon
l'expression populaire: Pour vous, les moins de 30 ans, ce sera la
parité complète, totale. On lit la réforme, on la regarde,
on l'analyse. Mais tous ceux qui n'ont pas des lunettes viciées par la
partisanerie politique constatent qu'il y aura encore, après leur
réforme, dans la perspective où ils réussissent à
l'adopter, au moins 36 000 personnes qui n'auront pas encore la parité.
Quand ils ont pris l'engagement, ils n'ont pas dit: Cela va dépendre, il
y en a qui vont l'avoir, il y en a qui ne l'auront pas. Ils ont pris
l'engagement ferme que la parité serait donnée à tous les
gens concernés par le régime.
Je pense que ce n'est pas un régime juste, que ce n'est pas une
réforme équitable et que ce n'est pas une réforme qui va
favoriser l'incitation au travail, surtout pas si ces gens n'ont pas davantage
de préoccupation pour l'emploi. C'est pourquoi nous sommes très
à l'aise pour dire à ce gouvernement: II n'est pas question de
donner notre appui à une réforme aussi mal foutue, aussi mal
articulée, basée sur des prémisses aussi viciées.
Il n'y a qu'une prémisse sur laquelle on doit baser une réforme
de l'aide sociale et ce sera ma conclusion, Mme la Présidente. Oui, il
est opportun de modifier le régime de l'aide sociale parce que cela fait
des années que cela n'a pas été fait, mais il faut le
faire dans la perspective qu'il y ait de moins en moins de gens qui se trouvent
dans cette situation et à la condition qu'on puisse leur offrir une
alternatives. Ma conclusion est la suivante: il y en a une alternative, de
l'emploi pour ceux qui sont aptes au travail et une pitance qui a un peu plus
d'allure pour permettre à ceux qui n'ont pas d'autre choix que
d'être condamnés, pour toutes sortes de raisons, à
être inaptes, d'avoir au moins ce qu'il leur faut pour vivre
convenablement comme citoyens à part entière.
En conséquence, comme cette réforme ne rejoint pas ces
objectifs, c'est clair que nous allons nous opposer à cette fausse
réforme.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Abitibi-Ouest. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Harold Peter Thuringer
M. Thuringer: Merci, Mme la Présidente. Depuis presque un
an, la réforme de la sécurité du revenu a fait parler,
parfois même très vivement. On se souviendra que notre formation
politique s'était engagée à régler un dossier aussi
difficile que celui de l'aide sociale, par le biais d'une véritable
politique de sécurité du revenu fondée sur
l'équité et la justice. La clientèle de l'aide sociale
n'est pas homogène. Les personnes qui adhèrent à ses
programmes sont très différentes et leurs besoins particuliers
varient de l'une à l'autre.
Au cours des dernières années, des changements importants,
dont il faut tenir compte, sont survenus dans le domaine de l'aide sociale,
parmi lesquels on retrouve, premièrement, l'accroissement
considérable de la clientèle: 650 000 en 1987, ce qui
représente 10 % de la population du Québec; deuxièmement,
le changement de clientèle. À l'origine, en partant, la
moitié était inapte au travail; elle est maintenant apte à
75 %. Un troisième changement dont il faut tenir compte, c'est de la
jeunesse de la clientèle dont l'âge moyen est maintenant rendu
à 32 ans. Il faut également se rappeler que 300 000 des 400 000
ménages peuvent être considérés aptes au travail et
60 % de ces personnes aptes au travail n'ont pas complété leur
secondaire V et 40 % de ces mêmes personnes n'ont aucune
expérience de travail. Et, finalement, un autre facteur très
important, selon moi, c'est que 36 % de ces mêmes personnes sont
analphabètes.
Mme la Présidente, quant aux 100 000 ménages
considérés incapables de subvenir à leurs besoins, ils ne
peuvent peut-être pas compétitionner sur le marché du
travail au même titre que tout le monde, mais on ne peut nier
leur capacité d'apporter à la société. Ils
semblent, comme l'indiquait l'Association des centres d'accueil du
Québec, productifs, mais non compétitifs.
Notre gouvernement a donc dû tenir compte de ces
réalités et donner priorité à la
sécurité du revenu. C'est ce que le ministre a fait en nous
présentant cette réforme, laquelle est très positive. On
n'a qu'à penser, premièrement, à l'élimination,
avant la fin de 1989, de la discrimination à cause de l'âge;
deuxièmement, à l'augmentation des prestations pour les inaptes
au travail, afin qu'elles soient mieux ajustées aux besoins actuels;
troisièmement, à l'amélioration des connaissances et des
aptitudes des personnes visées par le biais des stages ou de la
formation; quatrièmement, à l'encouragement des jeunes et des
jeunes familles à demeurer ou à retourner au travail par des
incitatifs.
Mme la Présidente, après avoir entendu près de 125
organismes provenant des milieux communautaires, du secteur privé, du
secteur des affaires et des différentes associations sociales, le
ministre a accepté de bonifier sa position et sa politique en changeant
certains éléments comme l'annulation de certaines
catégories, en faisant des modifications majeures pour des personnes non
disponibles, en permettant aux femmes enceintes, aux
bénéficiaires de 55 ans et plus et à d'autres
éprouvant différents handicaps, de recevoir un montant
indexé équivalant à celui perçu actuellement. Les
parents d'enfants d'âge scolaire sont libres d'adhérer au
programme et les besoins spéciaux actuellement accordés seront
conservés pour tous les bénéficiaires, et certains, Mme la
Présidente, sont même augmentés.
Donc, on constate que le projet actuel proposé se trouve
grandement amélioré, en tenant compte du fait que les programmes
de sécurité du revenu constituent un dernier recours et non une
base permanente de revenu pour un individu. De plus, le gouvernement du
Québec propose de mettre en application une politique qui tiendra compte
des réalités telles que vécues dans une
société moderne. (17 h 10)
Maintenant, j'aimerais, Mme la Présidente, attirer votre
attention sur quelques éléments qui, selon moi, doivent encore
être bonifiés et pour lesquels plusieurs représentants de
mon comté ont fait des représentations, soit par les groupes
communautaires, des représentants d'universités, par les jeunes
ou encore par des bénéficiaires eux-mêmes.
Déjà le ministre a accepté de baisser les 85 $ par mois,
la diminution des prestations de deux personnes partageant le même
appartement. Je souhaite qu'on révise cela et qu'on puisse faire encore
mieux. Dans mon comté, par exemple, une enquête faite par le
Conseil communautaire de Notre-Dame-de-Grâce a démontré que
la plupart des bénéficiaires de l'aide sociale doivent
débourser jusqu'à 60 % de leurs prestations pour le logement. Il
me semble donc essentiel que notre gouvernement réévalue et
considère d'abaisser considérablement la diminution des
prestations, à défaut de l'abolir éventuellement pour
donner une chance à ceux et celles qui sont prisonniers de la
pauvreté.
Il y a aussi toute la question de la contribution parentale, laquelle a
fait les manchettes depuis quelque temps et qui en tracasse plusieurs. Pour
moi, encore une fois, il est très important de trouver une formule
adéquate qui refléterait mieux les valeurs, les moeurs et les
réalités actuelles. Je dois dire, Mme la Présidente, que
le ministre et ses collègues ont travaillé en consultation pour
la faire. Pour moi, ces deux points sont pas mal importants et j'aimerais quand
même qu'on fasse des modifications là. Il y a aussi toute la
question des relations entre les agents économiques et les
bénéficiaires. Il faut que notre gouvernement veille d'une
façon toute particulière à la formation et à la
supervision de ces gens afin que les objectifs du programme puissent être
atteints efficacement.
J'aimerais m'arrêter là et faire une parenthèse pour
dire que j'ai été pas mal impliqué dans un programme
semblable en Saskatchewan, il y a plusieurs années, et j'ai vécu
une expérience où, parce que les agents mêmes
n'étaient pas assez formés dans leur travail pour rejoindre
l'objectif du programme mis sur place, cela a retardé et
bouleversé pas mal les objectifs du programme. Je pense, comme le
ministre l'a dit et comme plusieurs l'ont remarqué, que c'est
très important qu'on regarde l'aspect de formation. Comme on l'a
mentionné aussi, les gens qui sont pris avec la pauvreté ont
besoin d'un avocat, de quelqu'un qui va plaider leur cause, pas dans le sens
traditionnel nécessairement, mais quelqu'un qui va les aider. Je pense
que c'est très important que les gens qui sont sur place, dans le
système, soient bien formés.
Finalement, Mme la Présidente, avec une telle réforme, la
création d'emplois devient primordiale. Je sais que le gouvernement a
déjà fait pas mal d'efforts et a réussi pas mal dans
plusieurs endroits, même dans l'emploi. Mais on doit multiplier ces
efforts pour créer des emplois intéressants en utilisant et en
collaborant avec le secteur privé afin que notre politique sociale
atteigne ses objectifs globaux.
I want to make some remarks about this policy as it touches my county
because I have heard in public and I dare say even here that the county of
Notre-Dame-de-Grâce really does not have any problems; it is a rich
county, among other things. I would just like to cite that of the 70 000 people
who live there, 40 % or 40 000 people are anglophones, 15 000 francophones, 15
000 allophones. The people who are 65 years of age or over represent almost 12
000 of those 70 000 people. The people who are living below the poverty line
and who are between the ages of 18 and 64 make up another 8000 of the 70
000.
Des familles monoparentales, il y en a 3000.
Les assistés sociaux dans le comté de
Notre-Dame-de-Grâce, représentent 3450 familles et à peu
près 10 000 personnes. Je pense qu'avec ces statistiques et un tel
profil, c'est bien clair qu'il y a des problèmes. Les gens qui demeurent
dans mon comté le savent; ils ont vécu des difficultés.
Ils savent de quoi ils parlent.
Je veux aussi dire à mes collègues de la communauté
anglophone que dans cette réforme, on va aussi travailler pour que non
seulement leurs aptitudes correspondent ou soient mieux adaptées
à leurs besoins, but we will also be looking at training in language
because that forms a vital and important skill on the job market. If people do
not have that skill, then even if they have physical or other skills, they,
again, will be handicapped. That is, as we look at their own abilities, the
second aspect we will have to look at is, that in the area of work, that the
employer is flexible in order to take in people from other languages, not only
English, but others as well.
En conclusion, je crois, Mme la Présidente, que notre
gouvernement a fait un grand pas vers la réalisation d'un programme
renouvelé de la sécurité du revenu conformément
à l'engagement pris par notre parti avant 1985. Je sais qu'il y a bien
des personnes encore qui sont contre ou même très négatives
face à cette réforme, mais je pense vraiment qu'on est courageux
d'avoir fait ce grand pas. Si on fait une comparaison avec les programmes des
autres provinces, des autres pays, si on analyse en fonction du budget et des
politiques fiscales, on découvre non seulement un projet à
portée économique, mais aussi une vision sociale.
I would only say in conclusion, Madam Présidente, that with the
changes in the vision that the Minister and our government have in the area of
welfare reform, that the whole second part of the mandate which is geared
toward and focussed on the social and quality of life aspects of our program, I
think this reform goes a long way to make those achievements. As I said, and I
want to re-assure my colleagues and my constituents, that there are remaining
the four areas that need to be looked at, that is the sharing of lodging, the
manner in which these are calculated in the final allowances, the question of
parental contributions, the very important aspects of the training of the
workers who will be charged with the responsibility of implementing this law
and, finally, the job creation. (17 h 20)
Mme la Présidente, je suis heureux de pouvoir servir à
cette commission qui a travaillé fortement sur la réforme et
d'avoir eu l'occasion de recevoir les suggestions des groupes communautaires,
de mes collègues et de l'Opposition, pour bonifier une loi qui, je
pense, n'est pas la fin du monde - il y aura des changements à faire
selon moi - mais qui vise un bon objectif et représente aussi une vision
sociale. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant
sur le projet de loi 37, M. le député de Lévis.
M. Gratton: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je proposerais, Mme la Présidente,
l'ajournement du débat.
La Vice-Présidente: Est-ce que la motion est
adoptée?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je voudrais maintenant
appeler l'article 14 du feuilleton.
Projet de loi 6
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: A l'article 14 de notre feuilleton, le
ministre du Revenu propose l'adoption du rapport de la commission du budget et
de l'administration qui a procédé à l'étude
détaillée du projet de loi 6, Loi modifiant de nouveau la Loi sur
les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre
fiscal.
Je suis prête à reconnaître le premier intervenant,
M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Bonjour, Mme la Présidente. Le projet de loi 6,
qui a été présenté par le gouvernement, j'ai eu
l'occasion d'en parler lors de l'adoption du principe sur division, puisque ce
projet de loi, qui a principalement pour objet d'harmoniser la
législation fiscale du Québec avec celle du Canada, a fait
l'objet simplement d'une déclaration ministérielle au mois de
décembre de cinq minutes, d'une réponse de cinq minutes et d'une
réplique de cinq minutes du ministre des Finances plutôt que de
faire l'objet d'un discours sur le budget.
Pourquoi? Parce que le ministre des Finances ne veut pas
présenter de budget, le moins possible, pour ne pas que ces mesures
fiscales qui imposent des taxes aux Québécois soient connues. On
a maintenant l'insigne honneur au Québec, on est sans doute le seul
endroit au monde où l'on a deux discours des crédits. Le 31 mars,
le ministre des Finances dépose les crédits pour dire dans quels
secteurs le gouvernement va
faire des dépenses au cours de l'année qui vient. Ensuite,
il y a un discours sur le budget qui, au fond, est un rafistolage des
crédits du 31 mars mais dans lequel il ne parle aucunement des revenus,
des taxes qu'il va imposer. On le voit dans les journaux le lendemain, un peu
comme un tournoi d'Obélix. On nous y indique tout simplement les
chiffres, des colonnes de statistiques, mais aucune perspective sur les
revenus. Sauf qu'au cours de l'année, à plusieurs reprises, le
ministre des Finances va faire des déclarations ministérielles de
cinq minutes pour nous dire où il va taxer et que cela paraisse le moins
possible. Un cinq minutes au début de la période de questions,
cela passe inaperçu. Comme c'est un peu compliqué, les
journalistes n'en parlent pas trop et, finalement, les gens ont l'impression
qu'il n'y a pas de taxes.
Simplement par ajustement au mois de décembre 1987, le ministre
des Finances a imposé 325 000 000 $ en revenus pour le gouvernement aux
citoyens du Québec de la façon la plus camouflée possible.
De plus, je vais vous le montrer, Mme la Présidente, tout de suite. Je
reviendrai pour dire à quel point ce projet de loi est un discours
incroyable, parce qu'il a surtout pour effet de mettre en application des
énoncés de politique budgétaire faits au cours de
déclarations ministérielles.
Je vais vous le dire tout de suite. À cet effet, ce projet de loi
donne suite en partie à la déclaration ministérielle du
ministre des Finances du 11 novembre 1986. Imaginez-vous! Du 11 novembre 1986,
on est rendus en 1988. À l'Énoncé de politiques
budgétaires du gouvernement du 18 décembre 1985, il y a presque
trois ans. C'est le ministre du Revenu qui nous dit qu'il est la
rapidité incarnée, qu'il dépasse toujours le mur du son.
C'est l'homme le plus lent, le ministre le plus lent de l'histoire du
Québec pour mettre en application les énoncés de
politiques budgétaires, même pas les discours sur le budget, les
énoncés de politiques budgétaires faits au cours de
déclarations ministérielles ou, encore, dans des annexes au
budget.
Mme la Présidente, mettre en application par une loi qui est
présentée cette année, qui sera adoptée au mois de
juin 1988, la déclaration ministérielle du ministre des Finances
du 11 novembre 1986, c'est un peu lent. L'Énoncé de politiques
budgétaires du gouvernement du décembre 1985, on ne peut pas dire
que le ministre est très rapide. Et l'annexe A du discours sur le budget
du 1er mai 1986, on ne peut pas dire non plus que c'est très rapide.
Mme la Présidente, c'est pourquoi, lors de l'adoption du principe
de la loi, nous avons dit cela n'a pas de bon sens de faire des
énoncés de revenus du gouvernement, des énoncés de
taxation par des déclarations ministérielles plutôt que par
un discours sur le budget, de sorte qu'il n'y a plus, à toutes fins
utiles, des discours sur le budget. Il y a deux discours sur les
crédits, avec des colonnes de chiffres, pour dire à peu
près quelles sont les statistiques au point de vue des revenus, mais
sans indiquer quelles vont être les taxes qui vont affliger les
Québécois au cours de l'année, et simplement un discours
sur le budget où il semble n'y avoir aucune taxe. Mais, en cours
d'année, à différentes périodes, on a les
déclarations ministérielles du ministre des Finances.
Au cours de cette commission parlementaire, on a appris quelque chose
d'incroyable. Mme la Présidente, écoutez-moi bien, vous,
députée de Bellechasse, vous vous êtes fait passer un
sapin. Dans le discours sur le budget 1986-1987, le ministre des Finances nous
a dit qu'il y aura une déduction spéciale pour les
résidents du Grand-Nord et des postes isolés. Vous auriez
pensé que c'était à Kuujjuaq, Schefferville, Chibougamau.
Mais non! La liste avec laquelle il veut s'annexer, qu'il a sans doute
négociée, pas sans doute, qu'il a sûrement
négociée avec le ministre des Finances fédéral,
indique surtout des municipalités de son comté. Croyez-le ou non,
le Grand-Nord est rendu au Québec dans le comté de Bonaventure.
Le discours sur le budget, cela ne veut plus rien dire. C'est une vaste blague
parce que les déductions spéciales aux résidents du
Grand-Nord et de postes isolés, personne n'a pensé que cela
visait d'abord le comté de Bonaventure, dans la baie des Chaleurs.
Imaginez-vous! Jacques Cartier a appelé cette partie du territoire
québécois la baie des Chaleurs parce que quand il est
passé là il crevait de chaleur. Aujourd'hui, les
déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et des
postes isolés, cela touche d'abord le comté de Bonaventure. Vous
ne me croyez pas? Je vais vous lire les municipalités, Mme la
Présidente.
Vous savez, on dit qu'on s'harmonise avec le fédéral sauf
qu'on ajoute des annexes. Dans les annexes... Pas l'annexe 1 ou 2, l'annexe 9,
division A, paragraphe 7303, alinéa 2. Il faut vraiment aller dans les
coins pour voir comment cela fonctionne. On voit que dans l'Alberta il y a
quatre endroits: Big Horn, Frog Lake Reserve, Nordegg, Small Boy Camp. Si vous
regardez sur la carte, vous allez voir que c'est dans le fin nord de l'Alberta.
Si vous dépassez cela, en ne marchant pas longtemps, vous allez vous
retrouver dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon. (17 h 30)
Dans la province de la Colombie britannique, vous vous rendez compte
aussi que les municipalités sont dans le fin nord. Dans la grande
province de l'Ontario, il y en a quatre: Grassy Narrows, Gull Bay, Islington
IDS, White Dog Reserve, Longlac. Dans la province de Québec, je vous les
nomme, vous allez voir... Écoutez cela, Mme la Présidente.
Accrochez bien vos tuques et écoutez cela: Black Cape, Bonaventure,
Caplan, Escuminac - pour ceux qui ne le savent pas, Escuminac est dans le
comté de Bonaventure également - Fermont - cela, c'est
dans le nord - ensuite, Grande Cascapédia, Bonaventure,
L'Alverne, Manouane, New-Carlisle - la place du ministre des Finances; il est
rendu dans les résidents du Grand Nord et les postes isolés - New
Carlisle, croyez-le ou non, New Richmond, la place d'à
côté, New Richmond Station, Nouvelle - si vous quittez un peu la
route qui fait le tour de la baie des Chaleurs et que vous montez quelques
milles à l'intérieur des terres, vous allez frapper Nouvelle.
Imaginez-vous, vous êtes rendus, croyez-le ou non, dans les
déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et des
postes isolés. Qui aurait pensé que cela s'appliquait d'abord au
comté de Bonaventure? Je continue: Paspébiac, c'est rendu un
poste isolé dans des territoires du Grand-Nord. Quand vous regardez les
définitions, c'est bon, on dit: des sols avec couverture de lichen, des
conifères disséminés, sol avec arbustes, conifères
disséminés, conifères alternant avec des terrains nus et
des plaques de lichen. Imaginez! Conifères disséminés,
arbustes feuillus, petits lacs, sol avec couverture de mousse et lichen et...
de conifères, etc. Je ne lirai pas toutes les caractéristiques.
Mais quand on voit cela: déductions spéciales aux
résidents du Grand-Nord et des postes isolés, on ne s'attend pas
à trouver ces villages-là. Je continue: Pointe-à-la-Croix,
Pointe-à-la-Gare, essentiellement la pointe qui s'avance dans le
territoire de la baie des Chaleurs où la distance est la moins large,
près de la Restigouche, entre le Nouveau-Brunswick et le comté de
Bonaventure, pas loin de Matapédia. Restigouche, Rivière
Paspébiac, Saint-Alphonse-de-Caplan, Bonaventure,
Saint-EIzéar-de-Bonaventure, Saint-Godefroi, toujours dans Bonaventure,
Saint-Jules de Cascapédia, Bonaventure, Saint-Omer, Bonaventure,
Saint-Siméon de Bonaventure et Winneway - je ne connais pas ce
village-là, je ne sais pas s'il est dans Bonaventure ou ailleurs.
Or, vous voyez, Mme la Présidente, c'est dans la province de
Québec qu'il y a la plus grande enumeration de municipalités qui
seraient censées être dans le Grand-Nord et dans les postes
isolés. On se rend compte que le ministre des Finances a fait nommer
cela à Ottawa et il s'ajuste à cela. Qui aurait pensé,
lors du discours sur le budget, que c'est ce qu'on entendait? Je vais vous lire
ce qu'on disait. On dit - écoutez bien - à l'annexe A, page 15,
déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et de
postes isolés. On dit: Actuellement, certains employés
travaillant dans le Grand Nord québécois ou dans des postes
isolés sont exemptés d'impôt sur le revenu à
l'égard de certains avantages pour logement et transport accordés
par leur employeur. Le traitement fiscal qu'accorde la loi
québécoise à ces travailleurs est à la fois
différent et plus généreux que celui que leur accorde
actuellement la loi fédérale et ce jusqu'au 1er janvier 1987,
date d'application des nouvelles mesures fédérales. Le ministre
fédéral des Finances annonçait dans son discours sur le
budget du 26 février dernier une modification importante au traitement
fiscal de tels avantages. Il annonçait qu'à compter du 1er
janvier 1987, toute personne résidant dans le Grand-Nord et dans des
postes isolés durant une période continue d'au moins six mois
bénéficiait d'une déduction spéciale au titre du
logement dans le calcul de son revenu imposable. Cette déduction, ne
pouvant excéder 20 % du revenu, sera égale à 225 $ par
mois pour chaque particulier. Toutefois, pour chaque mois durant lequel le
contribuable entretient et habite un établissement domestique autonome,
la déduction sera de 450 $ par mois. Le ministre fédéral
des Finances proposait également dans ce discours "d'instaurer, pour
tout employé, une déduction à l'égard des voyages
pour fins médicales ou de vacances. " Pour aller voir le docteur ou
aller en vacances, vous avez droit à une déduction;
imaginez-vous! Dans le Grand-Nord, tout le monde va comprendre cela. Si vous
êtes à Fort Chimo ou à Kuujjuaq ou à Povungnituk
dans le Grand-Nord, à Chibougamau, tout le monde va comprendre cela. Si
vous êtes à Blanc-Sablon, les gens vont comprendre cela. Mais
là, je vais vous dire après comment cela fonctionne.
On dit: "Cette déduction sera égale au coût des
billets aller-retour par avion, en classe économique, pour
l'employé et sa famille jusqu'à la ville désignée
la plus proche. Toutefois, pour les voyages de vacances, la déduction
sera limitée aux frais de deux voyages par année. " C'est quelque
chose! On comprend cela que quelqu'un qui part de Fermont pour prendre des
vacances, ait droit à une certaine déduction pour avoir pris
l'avion pour aller ailleurs. Là, c'est pour les villages de Bonaventure
afin, comme on le disait, "d'améliorer le traitement fiscal actuellement
accordé aux résidents du Grand-Nord québécois et de
postes isolés et pour ne pas ajouter à la complexité des
lois fiscales. " Imaginez-vous! "Le régime d'imposition
québécois sera harmonisé avec celui du gouvernement
fédéral à l'égard des déductions fiscales au
titre du logement et des voyages des résidents du Grand-Nord et de
postes isolés. Cette mesure s'appliquera aux mêmes dates,
conditions, personnes et endroits que ceux visés dans la
législation fédérale. "
Écoutez bien le prochain paragraphe; écoutez bien cela et
ouvrez grandes vos oreilles. Cela, c'est quand on a eu le discours sur le
budget, on ne savait pas à qui cela s'appliquait, on a lu seulement
cela. "Ces déductions représentent une réduction
additionnelle du coût du logement et du transport d'environ 23 000 000 $
pour les résidents des régions nordiques et de postes
isolés, qu'on retrouve principalement dans les comtés d'Ungava et
de Duplessis, ainsi que dans plusieurs autres comtés du Québec. "
Rien d'autre! Tout le monde s'attendait que "plusieurs autres comtés du
Québec", ce serait le nord de certains comtés comme Charlevoix,
Roberval...
Une voix: D'Abitibi-Ouest.
M. Garon: ...Abitibi-Ouest, Abitibi-Est, des comtés comme
ceux-là, c'est-à-dire une frange. Quand vous regardez le
règlement, on vous parle du 60e parallèle. Il y a seulement un
petit bout au Québec qui est dans le 60e parallèle, cela prend
juste la pointe d'en haut du Québec, à peu près rien.
Après cela, on dit: "Dans d'autres conditions, entre le 55e et le 60e
parallèle". Après cela, on vous dit: "Entre le 50e et le 55e
parallèle, dans d'autres conditions". Là, essentiellement, vous
avez une petite frange de la Basse-Côte-Nord. Tout le monde s'attend que
pour la Basse-Côte-Nord, cela peut être normal; le 50e
parallèle en montant, la Basse-Côte-Nord, Blanc-Sablon, Old Fort,
Brador, Natashquan et d'autres municipalités - il y a une douzaine de
municipalités dans ce coin-là. Après cela, vous avez un
autre endroit où on vous énumère des municipalités
et là, vous retrouvez celles que je viens de vous nommer du comté
de Bonaventure. C'est quelque chose.
Mme la Présidente, est-ce que c'est cela, un discours sur le
budget? Est-ce que c'est cela, un discours sur le budget, où on vous dit
que ce sont les résidents du Grand-Nord et des postes isolés, des
gens qui ont quasiment besoin de prendre des raquettes pour aller faire un tour
en dehors l'hiver? ...Dans "des postes isolés", on retrouve la
municipalité de New-Carlisle où demeure le ministre des Finances.
Je me demande s'il s'en est prévalu pour sortir de New-Carlisle.
Êtes-vous quelqu'un d'isolé comme si vous étiez à
Fort Chimo? Pourtant, c'est cela qu'on a dans le discours sur le budget, que le
ministre des Finances a mis en vigueur. Il faut faire trois ou quatre
entourloupettes pour essayer, finalement, d'avoir la liste de villages
additionnels qui y sont mentionnés et où, principalement, on
trouve des villages du comté de Bonaventure, le comté du ministre
des Finances. (17 h 40)
Mme la Présidente, je trouve cela curieux qu'on fonctionne de
cette façon-là dans un discours sur le budget. Si le ministre des
Finances voulait mettre les municipalités de son comté, il aurait
dû le dire franchement dans le discours sur le budget: Cela s'applique au
comté de Bonaventure, parce qu'on considère qu'on est
éloigné, qu'on est un comté isolé, qu'on a le droit
d'avoir ces avantages et des déductions spéciales quand on va
prendre des vacances en dehors. Mais, il me semble qu'on annonce plutôt
le territoire de la Gaspésie comme le lieu de vacances des gens
d'ailleurs. Il me semble que le territoire de la Gaspésie, le
comté de Bonaventure est un comté où les gens vont prendre
leurs vacances; c'est un endroit touristique, avec des routes, des
hôtels, des services. Le ministre des Finances n'a jamais osé dire
cela dans son discours sur le budget, cela aurait été un vaste
éclat de rire. S'il avait fallu que le ministre des Finances dise: J'ai
une déduction pour prendre l'avion pour sortir des endroits
isolés du Grand-Nord québécois et, là-dedans,
croyez-le ou non, j'ai mis mon comté, cela aurait été
l'éclat de rire général le soir même. Personne
n'aurait pu croire cela, on aurait dit: Cela n'a pas de bon sens, qu'est-ce
qu'il fait là!
Pourtant, c'est cela, et on découvre cela de peine et de
misère, en se référant au paragraphe 7303, alinéa
2°. C'est une disposition fédérale et, sûrement,
discutée entre le ministre des Finances et le ministre
fédéral des Finances pour pouvoir appliquer à son
comté des avantages particuliers. Je dis qu'à ce
moment-là, si New-Carlisle est isolé, il y a de nombreux
comtés au Québec qui ont des municipalités isolées
qui devraient avoir ces avantages. Il y a de nombreuses municipalités
qui sont éloignées. Témiscouata est aussi
éloigné des services que Bonaventure, un grand nombre de
comtés des régions périphériques sont
éloignés, parce qu'on n'est plus au 60e parallèle, au 50e
parallèle, on n'est plus dans le lichen, dans les roches nues avec des
graines, comme on les appelle dans les territoires du nord... Au iieu de
fraises et de framboises, au lieu d'avoir une framboise avec 20 ou 25 graines,
il y en a une ou deux, parce que le territoire est difficile...
Une voix: Des plaquebières...
M. Garon: Des plaquebières, justement, qui se ramassent
à la chaudière, des plaquebières jaunes qui sont vendues
par les gens du Grand-Nord.
Je veux donner un exemple, parce que je n'en reviens pas, et j'ai
été estomaqué. C'est cela, le manque d'ouverture, de
transparence du ministre des Finances qui n'ose plus faire un discours sur le
budget, et quand il en fait un, c'est camouflé comme cela. Il ne fait
pas de discours sur le budget, il fait des déclarations
ministérielles pour ne pas avoir à défendre les taxes
qu'il impose à la population. C'est cela, la situation, à l'heure
actuelle. Est-ce qu'il y a un discours sur le budget? Pensez-vous? Est-ce qu'il
y a quelqu'un qui a découvert cela depuis 1986? Depuis le discours sur
le budget du printemps 1986, personne! À la Tribune de la presse, avec
à peu près 80 journalistes, aucun ne l'a découvert. En
commission parlementaire, à force de poser des questions, finalement, on
a réussi à avoir un document qui vient d'Ottawa, dans lequel on
retrouve une liste de municipalités et on se rend compte que la liste la
plus longue, c'est celle du Québec, comme si le Québec
était l'équivalent du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest ou de
la terre de Baffin. Je trouve cela incroyable. Je pense que c'est
également indécent et scandaleux que le ministre des Finances
nous fasse un tel discours sur le budget dans lequel il n'a pas eu le courage
de dire ce que l'on dit Ici: Ces déductions représentent
une réduction additionnelle du coût du logement et du transport
d'environ 23 000 000 $ pour les résidents des régions nordiques
et de postes isolés, qu'on
retrouve principalement dans les comtés d'Ungava et de Duplessis,
ainsi que dans plusieurs autres municipalités du Québec.
Il y a plus de municipalités du comté de Bonaventure
mentionnées dans l'annexe qu'il n'y en a du comté d'Ungava. C'est
quelque chose. Pourquoi est-ce qu'il n'a pas dit: Et également du
comté de Bonaventure? Cela aurait été la franchise. Cela
n'aurait pas été de dire principalement, Ungava et Duplessis.
Quand un grand nombre... Bonaventure est sans doute le comté qui a le
plus de municipalités inscrites dans ce programme. Pourquoi induire la
Chambre en erreur? Pourquoi dire de telles insanités pour faire en sorte
que les gens croient que, maintenant, on s'occupe des gens du Nord alors que
les avantages s'appliquent d'abord au comté de Bonaventure? C'est quoi?
On est rendu quasiment dans le temps des culottes à Vautrin! On se
retrouve quasiment dans le temps de Taschereau! On se retrouve presque à
une époque préhistorique où le ministre des Finances, dans
un discours sur le budget, vient chercher des avantages particuliers pour son
coin de comté, pour que les gens puissent déduire des montants
d'argent quand ils vont prendre des vacances ou encore quand ils vont sortir de
leur comté et qu'ils vont aller faire un tour en dehors.
Mme la Présidente, comment se fait-il que les gens du haut du
comté de Bellechasse n'ont pas ces avantages-là? Comment se
fait-il que les gens du comté de Témiscouata n'ont pas ces
avantages-là? Comment se fait-il que les gens dans les terres du
comté de Rimouski n'ont pas ces avantages-là? Comment se fait-il
que des gens du comté de Matapédia, qui sont
éloignés, n'ont pas ces avantages-là? Comment se fait-il
que tous les territoires des comtés, comme Abitibi-Est, Abitibi-Ouest,
n'ont pas tous ces avantages, parce que, eux, sont éloignés? Mme
la Présidente, le ministre des Finances nous a donné l'exemple,
parce que cela était inscrit dans son budget. C'est un avantage. Il l'a
mis dans le budget. Mais quand il s'agit des taxes, maintenant, on a des
déclarations ministérielles.
Quand il s'agit du budget, vous avez l'ancien vice-président de
Provigo, spécialiste des fruits et légumes, des ventes de feu du
samedi après-midi, de la salade qui ne passera pas la fin de semaine,
qui vous dit quoi? Nous avons une administration rigoureuse. Le principal
critère qui a fait que le budget a l'air moins déficitaire qu'en
1986, c'est qu'il a changé les règles comptables. C'est un peu
comme un musicien quand on dit: une blanche vaut deux noires et une noire vaut
deux croches ou une blanche vaut quatre croches. Je dirais, moi, je change
cela: une noire vaut deux blanches, des croches valent des noires. Je
changerais les règles de la musique et, après cela, je dirais:
Vous voyez comment c'est extraordinaire, j'ai changé les règles.
Le ministre des Finances qu'est-ce qu'il a fait? Il a changé les
règles comptables. Maintenant il compte dans ses revenus des choses
qu'aucun gouvernement antérieur n'a comptées. Il compte 300 000
000 $ de profit d'Hydro-Québec, pour lesquels il n'a pas reçu une
"cenne", pas une "cenne", comme s'il avait des revenus. Vous, si votre
patron... N'importe quel citoyen ici dans cette salle, si son patron fait des
profits, mais ne lui paie pas d'augmentation de salaire, est-ce qu'il va
ajouter les profits du patron à ses revenus? Il compte l'argent qu'il
reçoit.
On a changé les règles comptables. On a dit. Maintenant,
quand Hydro fait des profits, qu'elle paie de l'argent au gouvernement ou
qu'elle n'en paie pas, cela entre dans les revenus du gouvernement. Avec cela
on a réussi à faire en sorte qu'au lieu d'avoir un déficit
3 100 000 000 $, on a laissé entendre qu'on avait obtenu un
déficit 2 800 000 000 $ en 1986, alors que si on avait compté de
la même façon que le gouvernement précédent
comptait, selon toutes les règles qu'il y a eu dans l'histoire du
Québec antérieurement le déficit n'aurait pas
été de 2 800 000 000 $, mais il aurait été de 3 300
000 000 $ en 1986-1987, soit 200 000 000 $ de plus que l'année
précédente. Est-ce que c'est cela de l'administration rigoureuse?
Est-ce que c'est cela de l'administration serrée? Le front
plissé, les épaules courbées sous le poids du labeur alors
que tout ce qu'on a fait c'est de changer les règles de la
comptabilité. Voyons donc! Discours à gogo. Discours pour
mépriser la population. Comme on a une presse actuellement qui ne
véhicule pas beaucoup ce qui se passe dans le parlement, on n'en a pas
parlé beaucoup Sauf qu'essentiellement, pourquoi, parce que les
propriétaires des journaux au Québec, cassons-nous pas la
tête, sont des grands empires financiers qui ne souhaitent pas que ce
soit autre chose qu'un gouvernement de droite qui soit au pouvoir au
Québec.
(17 h 50)
Actuellement, qu'est-ce qu'on a? Le gouvernement laisse entendre qu'il a
baissé le déficit en 1986 alors qu'il n'a pas baissé le
déficit. Le déficit a augmenté en 1986. On a changé
les règles de la comptabilité, essentiellement. Là on
laisse entendre aux gens qu'on a baissé le déficit. En 1987, le
déficit aurait été beaucoup plus bas. On ne voulait pas
montrer que le déficit serait plus bas. Pourquoi? Parce qu'on avait fait
un "show" le 31 mars 1986 avec la publication d'un document pour montrer qu'il
y avait un déficit considérable. Sauf qu'en 1987, parce que les
taux d'intérêts ont diminué, parce que la situation
économique s'est améliorée, à cause de la situation
de l'Amérique du Nord principalement et du monde occidental, on a voulu,
à ce moment-là, laisser croire qu'on avait un déficit plus
haut qu'il ne l'est dans la réalité en payant des dépenses
de l'année suivante et de l'autre année après pour
maintenir un déficit élevé.
Mme la Présidente, je vois tous les députés qui me
font signe. Arrêtez-le de parler parce qu'ils disent: II en dit trop.
Mais, personne dans cette Chambre ne va arrêter le député
de Lévis
de parler parce qu'à lui seul, il parle plus que les seize
députés libéraux de la région de Québec. Ils
ne se lèvent jamais pour défendre les intérêts de la
région de Québec. Pas surprenant que les 3 500 000 000 $ de
frégates se sont retrouvés à Saint John, Nouveau
Brunswick. C'est cela la réalité. Les gens vous disent: Nous
autres, on est des "businessmen". On mène cela comme une "business". Une
"business" où les bateaux sont construits ailleurs.
Mme la Présidente, c'est cela la vérité. La
vérité est simple. Ce n'est pas compliqué la
vérité. Quand on regarde les 3 500 000 000 $ de frégates
à St. John, Nouveau-Brunswick, le gouvernement qu'on a en face de nous
est un gouvernement faiblard, mou, mollasse, mollusque. Je vous dis
essentiellement que ce que je viens de dire concernant le discours sur le
budget, que la façon de travailler du ministre des Finances est ignoble
et irrespectueuse de la démocratie parlementaire où le ministre
des Finances devrait avoir le courage de présenter ses taxes dans un
discours sur le budget et non pas disséminées...
La Vice-Présidente: En conclusion, M. le
député de Lévis.
M. Garon: ...au cours de l'année par des
déclarations ministérielles. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre du Revenu, sur votre
droit d'intervention de cinq minutes.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Merci. Je tâcherai d'être bref.
Malgré tout, oui. Mme la Présidente, je veux simplement revenir
sur un point soulevé par mon collègue qui a consacré
presque entièrement son intervention sur la question des postes
isolés et sa déduction fiscale pour les résidents du
Grand-Nord et des postes isolés.
Je pense que mon collègue n'a pas compris ce dont il a
parlé si longtemps. Je le trouve remarquable. J'avoue que mon
collègue, le député de Lévis, a beaucoup de talent
pour parler longtemps pour dire peu de choses, et surtout dire des choses qui
sont très confuses. J'aimerais faire remarquer, Mme la
Présidente, que le ministère du Revenu a publié un cahier
spécial le 20 février 1988, dans l'ensemble des médias au
Québec, qui donnait toute la liste des postes isolés, tel que
prévu au règlement, et toutes les villes, il y en a près
d'une soixantaine, municipalités, villages, régions qui ne sont
pas uniquement situées dans le Grand-Nord, c'est-à-dire au nord
du 60e parallèle. Toutes les régions au Québec sont
admissibles si, fondamentalement, elles répondent à un autre
critère qui n'est pas celui du parallèle. Je regrette que mon
collègue ne l'ait pas compris.
D'ailleurs, c'est moi, Mme la Présidente, qui lui ai fourni le
règlement d'application, ce qui n'est pas habituellement fourni. Je lui
expliquais en commission parlementaire que toutes les régions au
Québec sont admissibles si elles répondent à certaines
conditions, par exemple, si elles comptent moins de 10 000 résidents ou,
dans certains cas, moins de 5000, si les services administratifs ou les
services de santé sont situés à un certain nombre de
milles de distance du lieu où les personnes résident. Cependant,
je prends bonne note du fait que le député de Lévis est
contre la déduction, par exemple dans des régions prévues
de la Gaspésie. Peut-être est-il contre la déduction
également dans la région de Chapais, qui est également
prévue comme étant admissible. J'indiquerai au ministre des
Finances que le député de Lévis est contre l'application
de la déduction fiscale dans la région de la Gaspésie.
Peut-être qu'à ce moment-là, on pourra informer la
population de la Gaspésie que le député de Lévis
est contre l'admissibilité de la déduction à ces
résidents.
J'aimerais expliquer, en terminant, un autre élément que,
je pense, les gens peuvent comprendre. Le député de Lévis
s'est opposé, a fait beaucoup de vibrations, si vous me permettez
l'expression, au fait que le ministre des Finances aurait décidé
presque tout seul, comme ça, d'appliquer une mesure ou d'annoncer une
mesure qui avantagerait, supposément de façon trop
privilégiée, sa région. C'est bien là mal
comprendre le projet de loi 6 que nous avons devant nous et, encore une fois,
mon collègue, le député de Lévis, a parlé de
beaucoup de choses, mais peu du projet de loi 6. Je veux indiquer que le
ministre des Finances, en 1986, dans son discours sur le budget, a simplement
indiqué qu'il s'harmonisait avec la loi fédérale, comme
l'a fait M. Parizeau en 1984. Il a fait la même chose dans son discours
sur le budget en 1984. Il a annoncé qu'il s'harmonisait avec la loi
fédérale sur 63 dispositions fiscales. Nous avons fait la
même chose. L'année dernière, c'est-à-dire en 1986,
M. Levesque, ministre des Finances, a simplement indiqué que, concernant
les postes isolés, on s'harmonisait avec la loi fédérale.
Or, c'est la loi fédérale qui a, par son règlement,
déterminé au Canada toutes les régions du Grand-Nord ou de
postes isolés. Et, des postes isolés, Mme la Présidente,
on peut en retrouver n'importe où.
Qu'est-ce qui fait qu'aux fins fiscales on retient la définition
de poste isolé? C'est simplement la question de l'accessibilité
aux services. Cela n'a rien à voir avec le fait que l'hiver peut
être de douze mois ou que l'hiver est de deux mois. En ce sens, la
municipalité de Lévis pourrait, théoriquement, si elle
n'avait pas d'accessibilité aux services, être un poste
isolé. Mais je ne crois pas que ce soit dans l'intention du
député de Lévis de recommander que la municipalité
de Lévis soit considérée comme un poste isolé. Je
prends bonne note, en fait, de cette intention que je lui prête.
En terminant, Mme la Présidente, je ne
voudrais pas me répéter. Je pense que ceux qui ont suivi
les travaux se rendent compte que, depuis le début de notre projet de
loi 6, mon collègue, le député de Lévis, qui est
mon vis-à-vis et critique en matière de revenu, n'a
apporté jusqu'à ce moment-ci - on est presqu'à la fin de
nos travaux à toutes fins utiles - qu'un commentaire concernant un
projet de loi qui a quand même 129 articles et qui touche environ 17
chapitres différents de la Loi sur les impôts. J'aurais
aimé qu'il apporte d'autres lumières. Ce sera pour une prochaine
fois. Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Revenu. Il
n'y a pas d'autres interventions. Je déclare le débat
terminé.
Est-ce que le rapport de la commission du budget et de l'administration
qui a procédé à l'étude détaillée du
projet de loi 6, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et
d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, est
adopté?
M. Brassard: Sur division, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Adopté sur division. M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, compte tenu de
l'heure, je suggère que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20
heures ce soir.
La Vice-Présidente: Compte tenu de l'heure, nous allons
donc suspendre nos travaux jusqu'à ce soir 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 2)
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous
allons donc reprendre nos travaux. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche, pouvez-vous nous indiquer quel article du feuilleton?
M. Picotte: Oui, Mme la Présidente. Je vous demande
d'appeler l'article 17 de notre feuilleton.
Projet de loi 17
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: À l'article 17 de notre
feuilleton, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche propose
l'adoption du rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a procédé à l'étude
détaillée du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur la
sécurité dans les sports.
Je suis prête à vous reconnaître, M. le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, je
suis particulièrement heureux ce soir de proposer, tel que le veut notre
règlement, la prise en considération du projet de loi 17, Loi
modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, et ayant, entre
autres, un chapitre bien particulier sur la sécurité concernant
le ski alpin et les centres de ski alpin au Québec.
On sait très bien que, depuis environ cinq ans, la population
pratiquant le ski alpin au Québec a presque triplé,
c'est-à-dire que nous avions, en 1983, environ 300 000 à 400 000
skieurs au Québec, pour le ski récréatif qu'on appelle de
type ski alpin et que, maintenant, selon le rapport d'une compagnie fait
à la demande du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche et aussi du gouvernement fédéral, qui se sont
associés pour obtenir un rapport sur la pratique du ski alpin et ce que
nous avions évidemment comme équipement au Québec, il
semblerait que le Québec accueille maintenant, chaque année,
autant skieurs du Québec que des gens qui nous viennent de
l'extérieur, environ 1 250 000 skieurs alpins, ce qui veut dire qu'on a
à peut près triplé en l'espace de cinq ans. Cela est
dû à la politique que nous avons mise de l'avant comme
gouvernement du Québec, qui avait été commencée par
nos prédécesseurs et qui a vu son aboutissement, du moins pour
l'entente Québec-Canada, avec le gouvernement actuel. Ce qui fait que
nous devons de plus en plus, compte tenu du nombre de skieurs additionnels sur
nos pentes de ski, vu aussi qu'il y a là parfois un danger d'accident et
que certains accidents graves viendraient ternir la réputation du
Québec, il était opportun de faire en sorte qu'un minimum de
sécurité appliquée par les propriétaires de
stations de ski alpin soit mise en branle, et tout cela coordonné avec
la Régie de la sécurité dans les sports.
C'est nouveau, Mme la Présidente, dans le sens que c'est la
première fois que la Régie de la sécurité dans les
sports va oeuvrer dans du sport dit du domaine récréatif. On a
bien accepté évidemment, de part et d'autre, avec les
fédérations, qu'il y ait un code de sécurité
établi, mais aller directement dans le domaine récréatif,
c'est tout à fait nouveau de la part de la Régie de la
sécurité dans les sports.
Ce que nous avons voulu faire, c'était un minimum de
sécurité pour faire en sorte de protéger les skieurs
alpins, étant donné qu'ils sont nombreux. C'est à la fois
éviter qu'une piste d'experts arrive dans une piste de débutants.
C'est aussi permettre des aménagements mineurs, par exemple, en
prévoyant qu'aux endroits où il y a des remontées
mécaniques à l'intérieur d'une piste on puisse garantir
une certaine sécurité minimum du côté
aménagement. Tout ceci en
collaboration avec les propriétaires de stations de skis qui
devront dès cet automne afficher leurs règlements à la
station et faire imprimer à l'endos du billet les règlements, les
droits et les devoirs d'un skieur alpin pour protéger à la fois
sa propre vie, sa sécurité et la sécurité de ceux
qui se promènent et qui pratiquent ce sport récréatif.
Mme la Présidente, je pense que c'est très
intéressant comme formule. Cela va sans doute faire époque encore
une fois non seulement au Québec, mais un peu partout puisque nous
aurons une meilleure sécurité et cela nous permettra d'accueillir
de nombreux touristes qui se sentiront en sécurité sur nos pentes
de ski.
Je voudrais remercier à cet égard les membres de la
commission de l'aménagement qui ont siégé pour
étudier ce projet de loi article par article où il y a eu des
amendements. Je dois dire que 90 % à 95 % des amendements que nous ont
demandé les propriétaires de centres de ski ont été
acceptés par la commission. Je pense que c'est une excellente
collaboration et je voudrais remercier mes collègues des deux
côtés de la Chambre, tant mes collègues ministériels
que ma collègue de l'Opposition et d'autres membres de l'Opposition qui
ont participé à l'étude de ce projet de loi. Sans doute
serons-nous très heureux d'un côté et de l'autre de la
Chambre d'adopter ce soir la prise en considération en espérant
que tôt demain, nous pourrons procéder à l'adoption du
projet de loi dans son entier. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le projet
de loi 17 a été amené ici à l'Assemblée
nationale pour une raison fort importante soit la sécurité dans
le ski alpin, dans les sports amateurs en général, mais le ski
alpin surtout. Vous comprendrez qu'après les pénibles accidents
mortels que nous avons vus dernièrement, qui sont arrivés sur les
pentes de ski quand certains skieurs qui n'observaient pas les
règlements - peut-être que les règlements n'existaient pas
de façon aussi précise que la loi 17 va le permettre - certains
skieurs, dis-je, qui n'observaient pas les règlements ont pu, par leur
étourderie, causer la mort d'autres personnes qui étaient
là aussi pour faire du ski alpin. Je dois vous dire que c'est, à
notre point de vue, la seule et unique raison pour laquelle le parti de
l'Opposition a travaillé d'arrache-pied avec le ministre afin que le
projet de loi réponde le plus possible aux attentes des adeptes du ski
alpin. Pour qu'ils puissent en toute sécurité pratiquer leur
sport favori avec le plus d'accès possible, avec le plus d'information
possible, nous avons demandé, à la fois, aux stations de ski, aux
personnes qui vendent de l'assurance à ces stations de ski et à
tous et chacun de collaborer à la sécurité dans le sport.
(20 h 10)
Je dois vous dire que certains articles ont drôlement
inquiété l'Opposition officielle, au premier abord. L'article 9
du projet de loi qui remplaçait l'article 25 nous a
inquiétés parce que cela touchait les droits et libertés
de la personne. Donc, vous pouvez être assurés que ce chapitre a
été scruté à la loupe. Nous avons eu les garanties
des juristes qui accompagnaient le ministre que l'article du projet de loi dont
je vous fais mention, avait reçu l'assentiment et avait fait l'objet
d'une évaluation très honnête de la part du jurisconsulte.
Nous avons été rassurés par ce dont les gens qui
accompagnaient le ministre nous ont fait part lors de l'étude du projet
de loi article par article.
Il y a un autre article dans la loi qui n'a pas satisfait à
l'ensemble des exigences que nous aurions pu avoir pas plus que celles des
stations de ski. Nous aurions souhaité que le ministre puisse accepter
la demande des stations de ski qui, pour nous, étaient les principaux
intervenants parce que c'est à elles que le projet de loi 17 va
s'appliquer pour la sécurité des adeptes du ski alpin, mais cela
va toucher en ligne directe les stations de ski. Les stations de ski auraient
souhaité que le ministre accepte d'enlever à l'article 21,
paragraphe 15 le mot "aménagement" et le mot "entretien". Il a
accepté d'enlever le mot "conception", mais nous n'avons pas pu,
même avec les meilleurs arguments possibles, en arriver à ce qu'il
accepte d'enlever les mots "aménagement" et "entretien". Nous de
l'Opposition officielle, nous avons accepté cet article sur division,
puisque nous n'avons pu avoir l'accord du ministre comme les stations de ski
l'auraient souhaité.
Je pense que le ministre a eu une grande ouverture d'esprit; il a
accepté plusieurs amendements qui venaient directement des stations de
ski. Je pense que c'est pour elles qu'on le fait. Donc, à ce
moment-là, nous sommes heureux qu'il puisse en être arrivé
à donner aux stations de ski et aux adeptes de ce sport l'occasion de
pouvoir donner ensemble le meilleur. Ce n'est donc que sur l'article 21,
paragraphe 15 qu'il n'y a pas eu entente, puisque nous ne sommes pas parvenus,
de notre côté, à faire accepter au ministre d'enlever les
mots "aménagement" et "entretien".
Je pense que le ministre sera pour le moins obligé de vivre avec
cela et d'affronter les stations de ski sur ce point, mais, dans l'ensemble, je
pense que le projet de loi a été fait, je dirais, pour une bonne
cause, c'est-à-dire servir le mieux possible les gens qui adorent faire
du ski. Comme le ministre l'a dit dans son intervention, le ski est devenu un
sport fort achalandé. Il nous a fait part, nous en sommes conscients,
qu'à présent nous avons 1 200 000
skieurs qui vont partout dans nos belles régions pratiquer leur
sport favori. Je dois vous dire qu'en Estrie, j'en suis bien fière, il y
a le mont Orford, le mont Sutton, le mont Mégantic et, en Mauricie, il y
a aussi des endroits rêvés pour faire du ski. Je pense bien que le
ministre doit en avoir aussi dans sa région.
Donc, c'est avec une grande joie, je pense, que l'Opposition officielle
accepte ce projet de loi et nous souhaitons qu'il fasse bien ce qu'il a
à faire, c'est-à-dire protéger et améliorer la
situation dans le monde du ski ou dans le monde du sport. Je vous remercie, Mme
la Présidente, et j'espère bien que le projet de loi ne tardera
pas à être adopté. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Johnson. Il n'y a pas d'autre intervention, je déclare le débat
clos. Est-ce que le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a procédé à l'étude
détaillée du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur la
sécurité dans les sports, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 18 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 27
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: À l'article 18 de notre
feuilleton, le ministre de l'Industrie et du Commerce propose l'adoption du
rapport de la commission de l'économie et du travail qui a
procédé à l'étude détaillée du projet
de loi 27, Loi sur la Société de promotion économique du
Québec métropolitain et modifiant la Loi sur la
Société Inter-Port de Québec. M. le ministre de
l'Industrie et du Commerce.
M. Johnson: Mme la Présidente, je vous demanderais de
suspendre nos travaux à ce moment-ci, pour, encore une fois, donner une
chance au député de Lévis de se joindre à nous.
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre nos travaux
quelques instants.
(Suspension de la séance à 20 h 16)
(Reprise à 20 h 19)
La Vice-Présidente: Nous allons donc reprendre nos travaux
où nous les avions laissés. Et maintenant je vais
reconnaître, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce sur la prise en
considération du rapport de la commission. M. le ministre.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Merci, Mme la Présidente. Très
brièvement car nous avons déjà passé de nombreuses
heures, non seulement ici lors de l'adoption du principe mais en commission
parlementaire, pour l'étude détaillée de ce projet. De
nombreuses heures pour établir...
M. Garon: Mme la Présidente, question de règlement.
Je pense qu'il serait bon d'avoir le quorum. Le ministre aurait dû
s'occuper d'avoir le quorum. Il n'y a pas quorum.
La Vice-Présidente: Effectivement. Qu'on appelle les
députés!
Le quorum étant, nous allons donc reprendre nos travaux et je
vais reconnaître M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. M. le
ministre.
M. Johnson: Merci, Mme la Présidente. Comme je le disais,
nous avons passé de nombreuses heures, non seulement à
l'Assemblée mais en commission parlementaire à l'occasion de
l'étude détaillée de ce projet de loi no 27 qui vise
à unifier les activités de promotion nationale et internationale
de la grande région du Québec métropolitain dans les mains
ou à l'intérieur d'un organisme, soit la Société de
promotion nationale et internationale du Québec
métropolitain.
Il s'agit ici d'un projet de loi qui vise à regrouper tous les
intervenants du milieu de la région métropolitaine de
Québec, rive nord et rive sud, je le précise tout de suite, afin
d'assurer une action cohérente. On sait que, jusqu'à
récemment, il y avait un certain éparpillement des
énergies des intervenants économiques de la région dans la
mesure où la Société Inter-Port, des corporations de
développement économique, le service de promotion de la
Communauté urbaine de Québec, de la ville de Québec, se
livraient, sur le même terrain, le même marché national et
international, à des activités, ma foi, identiques pour attirer
des projets d'implantation industrielle, dans les faits, dans la grande
région, rive nord et rive sud de Québec.
De l'avis du milieu, à la suite du rapport Lapointe d'une part,
du rapport des caucus ministériels fédéral et provincial
et du Québec, d'autre part, des consultations ont eu lieu et un
consensus s'est dégagé sur la direction que nous pourrions
prendre de façon concrète en utilisant plus de 2 000 000 $, soit
le solde de l'entente fédérale-provinciale consacrée
à fa Société Inter-Port de Québec, afin de mieux
gérer cet argent, afin d'y adjoindre les ressources financières
des
deux MRC de la rive sud et de la Communauté urbaine de
Québec dans l'intérêt de toute la région de
Québec qui ne peut que bénéficier de toute implantation
industrielle qui pourrait voir le jour dans cette région.
C'est donc un projet de loi qui reflète très
fidèlement un consensus qui s'est dégagé à
l'occasion des consultations qui ont eu lieu. Il reprend, dans les moindres
détails, certaines des demandes et des souhaits, de quelque
précision qu'ils aient été, des intervenants de la rive
nord et de la rive sud. C'est donc avec beaucoup de plaisir que je peux voir
maintenant réaliser la perspective d'un outil de développement
pour la région du Québec métropolitain. Nous le
soutiendrons financièrement - environ 800 000 $ à 900 000 $ de
notre part et un peu plus de la part du gouvernement fédéral -
puisque l'on sait que l'appui financier à Inter-Port, dont le solde
financier est toujours protégé pour les cinq prochaines
années, est de l'ordre de 60 % par le gouvernement fédéral
et 40 % par le gouvernement du Québec. C'est donc un montant de 2 100
000 $ ou à peu près qui est à la disposition du
développement économique de la région. Ces 2 100 000 $ se
verront enrichis des participations des municipalités participantes,
soit celles qui composent les MRC de Desjardins et des
Chutes-de-la-Chaudière et la Communauté urbaine de
Québec.
Je suis extrêmement heureux, Mme la Présidente, d'avoir pu
présider à la présentation de ce projet de loi, à
la concrétisation des désirs, des souhaits, des besoins de la
région de Québec en matière de promotion nationale et
internationale. Je suis extrêmement heureux de voir que, de la même
façon, le député de Lévis s'est associé, je
dirais, grosso modo, à cette démarche, a bonifié, dans
certains cas, certaines des dispositions à l'occasion de la commission
parlementaire. On a vu là sa formation juridique à l'oeuvre. On
a, par ailleurs, subi également sa formation politique, je dois le dire.
Quant au fond et quant aux détails du projet de loi, j'en profite pour
remercier le député de Lévis de la contribution qu'il peut
avoir apportée pour améliorer certaines des formulations qui
avaient été retenues non seulement par celui qui vous parle et
par ses collaborateurs, mais les représentants des instances municipales
de la rive nord et de la rive sud de la grande région de
Québec.
Quant au fond, je ne pense pas qu'il y ait de divergence. Je n'en ai pas
perçue dans les discours du député de Lévis
lorsqu'il s'est intéressé au projet de loi 27. Nous avons
beaucoup plus de divergences lorsque celui-ci parle d'autre chose comme,
à l'occasion, il sait le faire.
Mme la Présidente, je le répète, je suis heureux de
pouvoir envisager dans les heures qui viennent la sanction de ce projet de loi,
la mise en oeuvre de cet organisme de promotion de la grande région de
Québec, rive nord et rive sud, et d'entrevoir donc pour la région
du Québec métropolitain des perspectives de développement
qui, jusqu'à ce jour, lui échappaient, faute d'instruments de
travail. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Industrie
et du Commerce.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, quand le ministre de
l'Industrie et du Commerce a mentionné que je n'étais pas
là, j'aimerais préciser qu'on m'avait donné comme
procédure, d'abord les projets de loi 1 et 16 et ensuite 27.
Après avoir signalé au représentant de l'Opposition, en
arrière du trône, que j'avais mes documents pour les projets de
loi 1 et 16 mais pas pour le projet de loi 27, je l'ai avisé que j'irais
à mon bureau les chercher.
Je n'ai pas apprécié beaucoup l'élégance du
ministre de l'Industrie et du Commerce qui en a profité pour dire:
Ajournons l'Assemblée nationale, étant donné que le
député de Lévis n'est pas là, alors que le
député de Lévis était là. Mais si on change
l'ordre dans lequel les projets de loi doivent être adoptés, alors
qu'on devait procéder avec les projets de loi 1 et 16 du
ministère des Transports...
M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Question de règlement.
M. Lefebvre: Je ne vois pas en quoi jusqu'ici les propos du
député de Lévis sur le projet de loi 27 peuvent être
considérés comme pertinents, même si on est à
l'étape de la prise en considération du rapport où la
pertinence est très large. Je vous inviterais, Mme la Présidente,
à bien vouloir lui demander d'aborder le sujet.
La Vice-Présidente: Vous savez que c'est
d'interprétation en cette Chambre, qu'on peut reconnaître des
notes d'introduction à un sujet. Ce sont des notes introductives. Je
demanderais, par contre, à M. le député de Lévis de
bien vouloir - si vous me permettez l'expression - embarquer dans le sujet. M.
le député de Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, je répliquais tout
simplement au ministre de l'Industrie et du Commerce qui avait fait allusion au
fait que je n'étais pas là. C'était pour être
agréable, mais je m'aperçois que cela ne paie jamais d'être
agréable aux députés. J'ai été
agréable hier pour étudier jusqu'à 2 h 30 du matin une loi
ignoble par laquelle on veut, à toutes fins utiles,
"dému-tualiser" une entreprise importante de nuit. Au
lieu de procéder en plein jour, on fait cela de nuit! On est
revenu à la législation de nuit, Mme la Présidente. C'est
pourquoi on fera tant qu'on voudra. Le député de Lévis
n'est pas un homme attaché, il va dire ce qu'il a à dire.
J'ai reconnu que le ministre de l'Industrie et du Commerce m'a fait
beaucoup de compliments dans son introduction pour me dispenser de me contenter
des compliments. Je vous ferai remarquer qu'habituellement, quand on
reçoit des compliments, il y a une intention.
Je vous dirai que son projet de loi a dû subir beaucoup
d'amendements. C'est un projet de loi faible, mal conçu. L'intention
n'est pas mauvaise d'avoir une société de promotion
économique du Québec métropolitain. Sauf qu'avec une
société de promotion économique du Québec
métropolitain avec dix membres au conseil d'administration, dix
substituts et six observateurs, on va se retrouver avec une
assemblée.
Normalement, il n'y a aucun conseil d'administration que je connaisse,
sur le plan juridique, dans lequel on a dix administrateurs, dix substituts et
six observateurs. C'est là le projet de loi que nous avons devant nous,
Mme la Présidente, et auquel nous avons voulu apporter des changements,
mais le ministre a voulu garder le genre de projet de loi qui est devant
nous.
De la même façon, au fond, ce que le ministre veut, c'est
se désengager du développement économique de la
région de Québec. Jusqu'à maintenant, il y avait la
Société Inter-Port, il y avait une entente avec un solde
résiduel de 2 100 000 $. Comme le gouvernement ne veut pas s'engager
dans la région de Québec, au fond, il a trouvé la
façon, avec la Société de promotion économique du
Québec métropolitain, de dire: On va mettre une partie du solde
de la Société Inter-Port, la Société Inter-Port va
être changée pour la Société du parc industriel et
portuaire Québec-Sud qui va être située à Lauzon,
mais avec aucune garantie de fonds. Tout au cours de cette commission
parlementaire, j'ai essayé de savoir quels seraient les fonds qui
seraient affectés a cette société, je n'ai pu avoir aucune
confirmation. Essentiellement, la Société du parc industriel et
portuaire Québec-Sud qui sera à Lauzon ne pourra compter de
façon certaine sur aucun fonds. (20 h 30)
Le ministre a dit: Cela dépendra des activités. Comment
une société peut-elle faire des activités si elle ne peut
pas savoir qu'elle a des fonds. Essentiellement, le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec se sont entendus pour
ne pas s'impliquer dans le développement économique de la
région de Québec. C'est cela que veut dire la loi que nous avons
devant nous.
Évidemment que cela ne porte pas ce nom. Ce n'est pas
écrit nulle part dans la loi sauf que c'est un désengagement
graduel avec la liquidation de la Société Inter-Port de
Québec où les fonds qui revenaient à Inter-Port vont
être affectés, le diable s'en doute et le bon Dieu le sait, mais
on verra plus tard. Le ministre n'a pas voulu s'engager. Les gens qui veulent
voir pourront consulter les débats de la commission parlementaire et
verront qu'il n'y a aucun engagement du ministre. Par ailleurs, le ministre
s'est assuré de nommer les gens. On voit, par exemple, que, pour les
nominations, le ministre sera là. Le premier président-directeur
général de la société est nommé par le
ministre après consultation du conseil d'administration. Le ministre va
nommer.
Mme la Présidente, on verra par la suite, alors qu'il ne paiera
plus, qu'il n'aura plus de fonds, après cinq ans... Le
présidentndirecteur général de la société
nommé par les membres du conseil d'administration après
consultation du ministre aura un mandat d'une durée d'au plus cinq
ans.
Depuis quand un organisme de promotion économique régional
dans lequel le gouvernement n'aura plus de fonds doit-il consulter le ministre
de l'Industrie et du Commerce pour faire ses nominations? Si encore le
gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral
s'engageaient dans des fonds pour faire fonctionner la Société de
promotion économique du Québec métropolitain, il est
évident qu'à ce moment-là, le ministre pourrait avoir un
mot à dire. Mais pourquoi devrait-il avoir un mot à dire dans une
société quand il ne paiera plus de contribution à cette
société?
Mme la Présidente, les débats qui ont entouré cette
commission parlementaire ont été assez longs. J'ai apporté
ma contribution parce qu'il y avait des choses qui n'avaient aucun sens.
À l'article 28, par exemple: La société devait
présenter avant le 15 octobre de chaque année... Doit soumettre
avant le 15 octobre à la communauté urbaine et aux
municipalités régionales de comté, pour approbation, ses
prévisions budgétaires pour l'exercice financier suivant et un
état de leur quote-part. Leur approbation doit être donnée
au plus tard le 31 octobre. Imaginez-vous que la société doit
présenter ses budgets, ses prévisions budgétaires le 15
octobre, la communauté urbaine et chacune des MRC doivent avoir
donné leur approbation avant le 31 octobre. Quinze jours. A-t-on vu
cela? On n'a jamais vu cela. Ce n'est pas sérieux. C'est un projet qui
est improvisé. Il a fallu changer cela. Cela n'avait pas de bon
sens.
Heureusement, le ministre a pu comprendre, il a eu le temps de se rendre
compte que cela n'avait pas de bon sens. Évidemment, il va vous dire:
L'amendement était en mon nom, mais il y a beaucoup d'amendements que
l'Opposition ne fait pas, elle fait des remarques et souvent le ministre se
dépêche de prendre l'amendement à son nom pour ne pas que
cela paraisse que son projet de loi était improvisé. Cela arrive
fréquemment. Que voulez-vous? Le projet de loi était là.
J'imagine que le ministre l'avait lu
avant. Comment se fait-il qu'il ne s'était pas rendu compte
d'erreurs aussi patentes? Également, Mme la Présidente, une
série d'amendements ont été présentés. Je
vais vous les compter. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, sans compter
ceux qui ont été présentés sur le champ. Pourquoi?
Parce que le projet de loi a été improvisé.
Un projet de loi où il y avait une certaine rivalité avec
le député de La Peltrie, à un moment donné, et j'ai
dit: Écoutez, Mme la Présidente, le seul qui est habilité
à répondre au nom du gouvernement, c'est le ministre. Le
député de La Peltrie peut bien être là, il peut bien
dire ce qu'il voudra, ce n'est pas lui qui est habilité à parler
au nom du gouvernement. Seulement un ministre peut parler au nom du
gouvernement. Là, il a fallu mettre les points sur les "i" pour que le
ministre se décide finalement à parler puisque à tout bout
de champ, le député de La Peltrie aurait voulu parler à sa
place. Sauf que les propos du député de La Peltrie ne constituent
pas des engagements puisqu'un député, dans le cadre d'une
commission parlementaire ne parle pas au nom du gouvernement, ne
représente pas le gouvernement, et seul le ministre... D'ailleurs, c'est
pour cela qu'il est assis au bout de la table lors de la présentation
d'un projet de loi, à une commission parlementaire dont il ne fait pas
partie normalement: pour répondre aux questions au nom du
gouvernement.
Mme la Présidente, c'est pourquoi au cours de l'étude de
ce projet de loi, il a fallu essayer de l'améliorer, mais je souhaite
bonne chance aux organismes qui vont être constitués par ce
projet. Vous savez, à ménager la chèvre et le chou et
à faire en sorte qu'on se retrouve avec des conseils d'administration
qui pourront regrouper jusqu'à 26 personnes, où les membres du
conseil d'administration pourront être interchangeables avec des
substituts en tout temps, à n'importe quelle réunion, il a fallu
même faire un amendement où il y avait une incohérence
telle que le substitut devenait automatiquement membre du conseil
d'administration en cas de vacance du poste. Heureusement, le conseiller
juridique a pu dire au ministre que cela n'avait pas de bon sens. L'amendement
a été proposé et ne fait pas partie des sept amendements
dont nous parlons ici. Je dis cela parce qu'il n'y a pas eu beaucoup de
personnes qui ont suivi cette commission parlementaire. J'aurais aimé
que les journalistes du Soleil soient présents, mais ils n'y
étaient pas présents et je n'ai pas l'impression qu'il y aura
beaucoup de commentaires concernant ce projet de loi qui a été un
peu improvisé et où on ne sentait pas la volonté politique
du gouvernement.
J'ai même tenté de présenter des amendements - mais
les libéraux ne voulaient rien savoir - pour que la
Société de promotion économique du Québec
métropolitain dépende d'un ministre de la région de
Québec, de quelqu'un dont le sort serait lié au
développement économique de la région de Québec.
Les libéraux n'ont pas voulu. Ils ont dit: Avez-vous des exemples? J'ai
dit oui. J'ai donné comme exemple le ministre responsable de la
Commission canadienne du blé qui est toujours un ministre de l'Ouest du
Canada, qui répond devant le Parlement, devant le Conseil des ministres.
J'ai dit: S'il y a un ministre qui doit être responsable du
développement économique de la région de Québec,
cela doit être un ministre de la région de Québec. J'ai
essayé par tous les moyens pour que le ministre responsable soit un
ministre de la région de Québec, mais les libéraux n'ont
rien voulu entendre.
Il me semble qu'il aurait été normal qu'une
société qui doit relever d'un ministre en vertu de la loi
relève d'un ministre qui doit être préoccupé par le
développement économique de la région de Québec. Il
ne s'agit pas d'un organisme ordinaire, il ne s'agit pas d'un organisme pour
l'ensemble du territoire québécois. La Société de
promotion économique du Québec métropolitain est
essentiellement constituée, regroupe, couvre le territoire de la
Communauté urbaine de Québec, de la municipalité
régionale de comté de Desjardins et la municipalité
régionale de comté des Chutes-de-la-Chaudière,
essentiellement la grande région de Québec. J'aurais voulu -
c'est pour cela que je l'ai proposé à la commission parlementaire
pendant un bon bout de temps - qu'une loi qui s'intéresse principalement
à la région de Québec, exclusivement à la
région de Québec, dépende d'un ministre de la
région de Québec. Cela aurait été normal, mais les
libéraux ne voulaient rien savoir. Ils aimaient mieux faire
dépendre un organisme de développement économique de la
région de Québec d'un ministre de Montréal. (20 h 40)
II me semble que cela aurait été plus normal. Ce n'est pas
un organisme panquébécois, ce n'est pas un organisme qui aura
autorité des Îles-de-la-Madeleine à l'Outaouais, mais
seulement sur le territoire de la communauté urbaine et des deux
municipalités régionales de comté des
Chutes-de-la-Chaudière et de Desjardins. Il me semble que cela aurait
été une initiative intéressante que le ministre
chargé de répondre de cet organisme soit un ministre de la
région de Québec dont le sort politique aurait été
un peu attaché au développement économique de la
région de Québec, un ministre qui aurait pu défendre,
également, les dossiers de la région de Québec au
gouvernement.
On aura une société, parce que le député de
La Peltrie a refusé. Les députés de la région de
Québec qui étaient présents ont refusé que la
Société de promotion économique du Québec
métropolitain de même que la Société du parc
industriel et portuaire Québec-Sud, située à Lauzon,
dépendent d'un ministre de la région de Québec. Même
les députés de la région de Québec, qui ne parlent
à peu près jamais en
cette Chambre du développement de la région de
Québec, ont levé la voix pour empêcher que cela
dépende d'un ministre de la région de Québec. Je n'en
croyais pas mes yeux, Mme la Présidente.
Une voix: Mes oreilles.
M. Garon: Je n'en croyais pas mes yeux ni mes oreilles. Je n'en
revenais pas de voir ces gens qui ne pouvaient pas concevoir qu'un organisme
régional doive relever d'un ministre régional. Pire que cela, le
député de La Peltrie a présenté un amendement pour
que la société relève du ministre de l'Industrie et du
Commerce, ce fameux ministre qui a réussi à perdre 3 500 000 000
$ de frégates, ce grand négociateur chevronné à la
stratégie nouvelle qui nous disait: Vous voyez, dans mon cas, j'ai une
stratégie différente: pas d'affrontement avec Ottawa, on est
copain copain, gentil, aimable, poli. Bien, il l'a eu le résultat!
Zéro frégate sur six. Zéro! Pas une, pas une
frégate et demie, pas deux, mais zéro! Le député de
La Peltrie, génial, a proposé que la Société de
promotion économique du Québec métropolitain de même
que la Société du parc industriel et portuaire de
Québec-Sud, située à Lauzon, selon des termes encore sous
proposition du ministre de l'Industrie et du Commerce, relèvent du
ministre de l'Industrie et du Commerce, alors que la loi, initialement, ne
prévoyait pas cela.
Est-ce que les gens pensent, actuellement, que le ministre de
l'Industrie et du Commerce a la volonté de développement
économique qu'il faut pour la région de Québec? Est-ce que
l'exemple des frégates ne nous a pas coûté assez cher?
Alors que, sur un contrat de 3 500 000 000 $... Vous savez, 3 500 000 000 $,
c'est la moitié de la Baie James au cours des douze prochaines
années; c'est de l'argent. On a perdu les frégates et,
aujourd'hui, on va penser qu'on va faire mieux avec la même
responsabilité. C'est pour cela qu'il m'apparaissait important que ces
deux sociétés dépendent d'un ministre qui aurait eu
à répondre devant la population de la région de
Québec.
C'est évident que le ministre de l'Industrie et du Commerce peut
se laver les mains. Il ne répondra pas personnellement de son incurie
par rapport au développement de la région de Québec. Il ne
faut pas se raconter d'histoires. C'est le même ministre qui disait:
Même si on avait eu ces 3 500 000 000 $ de frégates, cela n'aurait
rien changé à la situation des chantiers maritimes au
Québec. Imaginez-vous! Les trois chantiers maritimes du Québec
avaient eu, en 1987, comme contrats totaux, pour à peu près 200
000 000 $ en contrats dans le domaine maritime. 200 000 000 $ en un an! Un
contrat de 3 500 000 000 $, apparemment, n'aurait rien changé à
leur situation. Voyons donc! 3 500 000 000 $, c'était 17 fois plus de
contrats que tout ce qu'ils avaient eu l'année
précédente.
Évidemment, ce n'était pas en un an, mais c'était
considérable en matière d'assurance de marché. Le ministre
s'est moqué des contrats de 3 500 000 000 $, et il essaie constamment de
diminuer l'importance de 3 500 000 000 $ de contrats. Vous savez que c'est le
deuxième contrat de six frégates. Le contrat total des
frégates, douze frégates, c'est 7 000 000 000 $. C'est autant que
toute la phase II de la Baie James annoncée pour les dix prochaines
années. Ce n'est pas des pinottes, c'est considérable! Que
voulez-vous, Mme la Présidente?
Le député de La Peltrie ne s'en préoccupe pas
davantage et propose que cela reste ainsi. C'est lui-même qui a
proposé que ce ne soit pas un ministre de la région de
Québec. Je n'en reviens pas! Il dit: Pourquoi ce projet de loi? Au fond,
c'est le résultat d'une consultation où le gouvernement a dit aux
gens, à toutes fins utiles: C'est à prendre ou à laisser,
parce que si vous ne prenez pas cela, il n'y aura rien, de toute façon!
Essentiellement, les gens qui ont donné des opinions concernant l'avenir
de la Société Inter-Port ont été pris dans la
situation de donner des opinions sur quelque chose qui n'aurait pas de fonds.
On a fait même de façon extraordinaire que le parc industriel et
portuaire situé à Lauzon s'appelle Québec-Sud. C'est
quelque chose! Les gens de Lauzon vont apprendre que, maintenant, Lauzon est
devenu Québec-Sud.
C'est nouveau. Je ne sais pas si Québec, à un moment
donné, va s'appeler Lauzon, mais on a décidé de faire
cela, et on dit: Les gens sont d'accord. On verra cela si les gens sont
d'accord. C'est facile de dire: On a pensé, on a consulté, tout
le monde est d'accord. Vous viendrez demander aux gens de la rive sud combien
pensent que Lauzon, c'est Québec-Sud. Mme la Présidente, je vois
que vous avez l'air un peu surprise parce que vous venez de Bellechasse; vous
comprenez un peu, par exemple, que Beaumont, ce n'est pas Charlesbourg. Si on
vous disait, à un moment donné, Beaumont, c'est Charlesbourg-Sud,
vous feriez un saut, vous seriez un peu surprise. Je vois le
député de Hull, si on lui disait, à un moment
donné, que Hull, c'est Pontiac-Sud, il serait un peu surpris, en tout
cas, le monde serait surpris.
C'est pourquoi, quand je vois le député de La Peltrie avec
un comité formé essentiellement de quatre députés,
deux députés conservateurs de la rive nord et deux
députés libéraux de la rive nord. Pour faire partie de ce
comité, on a choisi le député de La Peltrie. Il n'y a pas
beaucoup de ports de mer dans son coin. Le député de Taschereau,
il y a le Vieux-Port dans son comté. Mais, essentiellement, aucun
député de la rive sud, aucun député du Parti
libéral et du Parti conservateur de la rive sud de Québec n'a
été membre du comité consultatif. Aucun, zéro!
C'est curieux, c'est inadmissible. On expliquera aux gens de la rive sud que,
dans le comité qui va déterminer comment cela va fonctionner au
point
de vue de la promotion économique des deux rives, iï y a
quatre députés, mais quatre de la rive nord. Ce n'est pas normal.
C'est le genre de consultation où une partie est
représentée et l'autre pas. (20 h 50)
Mme la Présidente, c'est un projet qui part sur un bien mauvais
pied. Je souhaite que, malgré tout cela, les sociétés en
question puissent réussir parce que ce serait important pour la
région de Québec, sauf que les prémisses n'ont pas
été extraordinaires, et on n'a pas donné les garanties
à la population. La Société Inter-Port, où il
restait 2 000 000 $, où la partie du parc industriel et portuaire
située à Lauzon ne pourra pas compter d'une façon certaine
sur aucune somme d'argent. Zéro! Je dois vous dire que j'ai lu, depuis
quelques semaines et quelques mois, les commentaires dans les journaux, les
éditoriaux régionaux. Les gens s'attendaient et s'attendent
à avoir certaines garanties. Il n'y en a pas. J'ai demandé au
ministre, à plusieurs reprises... J'aurai d'ailleurs l'occasion de leur
faire parvenir les galées, c'était une commission parlementaire.
On verra qu'en aucun temps le ministre n'a voulu s'engager sur aucune somme
d'argent.
Pour la Société de promotion économique du
Québec métropolitain, il a indiqué une série de
chiffres pour les cinq prochaines années, en disant: Cela va être
tant la première année, tant la deuxième, tant la
troisième, tant la quatrième, tant la cinquième. Je lui ai
dit: Comme à partir de la troisième année, les sommes que
vous allez verser vont être pas mal moins considérables que les
sommes qui vont être versées par la Communauté urbaine de
Québec et par les municipalités régionales de Desjardins
et des Chutes-de-la-Chaudière, il me semble que la responsabilité
de la nomination du président-directeur général qui va
être l'âme de ce projet qui va être au centre de ce projet
devrait relever de ceux qui paient. Il me semble que ceux qui paient doivent
avoir la responsabilité de nommer celui qui va être le principal
permanent de la Société de promotion économique du
Québec métropolitain. Pas du tout. Pas du tout. Le ministre a
dit: C'est moi qui vais nommer. Ce n'est pas normal, Mme la Présidente.
Je dis que ce projet de loi aurait dû procéder d'une façon
plus normale. Et, procéder d'une façon plus normale cela veut
dire que ceux qui paient ce sont ceux qui nomment. Et aussitôt que les
représentants, c'est-à-dire, la Communauté urbaine de
Québec et les municipalités régionales de comté de
Desjardins et des Chutes-de-la-Chaudière, vont donner plus d'argent dans
l'organisme, c'est à eux de nommer le président-directeur
général. Ce n'est pas au ministre qui mettra des sommes moins
importantes. On ne peut pas responsabiliser des organismes quand on les fait
payer mais qu'on fait les nominations à leur place.
La consultation sur le projet de loi, à mon avis, n'a pas
regroupé toutes les personnes qu'elle aurait dû regrouper, le
comité concultatif.
Deuxièmement, les garanties d'argent ne sont pas prévues
dans le projet de loi. Troisièmement, le conseil d'administration va
être un conseil d'administration considérable où il pourra
y avoir dix membres du conseil d'administration, dix substituts et six
observateurs. Le ministre a innové en droit. On innove de ce temps-ci.
Hier, le ministre des Institutions financières défendait un
projet de loi au fond où on parlait d'une corporation mutuelle de
gestion. J'ai demandé: Est-ce qu'il y en a une au Canada? Il a dit: Non.
Au Québec? Non. En Amérique du Nord? Non. Dans le monde
occidental? Non. Dans le monde entier? Il dit: Non. On innove. Vous comprenez
que quand on innove comme cela dans le domaine des corporations et des
sociétés d'administration ou des conseils d'administration, il
faut avoir une certaine prudence, une certaine humilité.
Mme la Présidente, au contraire, nous avons rencontré en
face de nous beaucoup d'arrogance, beaucoup de certitude mais peu
d'engagements. Et je déplore au fond que le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral se désengagent du
développement de la région de Québec qui est le coeur du
français en Amérique du Nord. Le gouvernement
fédéral ne se gêne pas pour mettre un ministre
régional dans l'Ouest pour des fins de développement agricole
dans l'Ouest, avec une Commission canadienne du blé qui relève
d'un ministre de l'Ouest. Et dans le cas du développement de la
région de Québec, le gouvernement n'a pas voulu s'engager pour
des sommes d'argent. Il n'a pas voulu, et les députés de la
région de Québec on concouru dans ce sens-là, que la
société ou les deux sociétés relèvent d'un
ministre de la région de Québec bien que les institutions qu'on
crée par cette loi seront des organismes essentiellement
régionaux qui auront pour objet de s'occuper du développement de
la région de Québec.
Mme la Présidente, je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis.
M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, votre intervention de cinq
minutes.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Mme la Présidente, dès le
départ, je vais dénoncer l'injustice implicite qu'il y a dans
notre règlement de n'avoir que cinq minutes pour répliquer
à une demi-heure d'élucu-brations, d'inventions d'une personne,
d'un député de l'Assemblée nationale qui nous a
démontré depuis une semaine - je ne parle pas du fait qu'il ne
sait pas vivre parce qu'il n'est jamais là quand on a besoin de lui pour
les travaux de la Chambre - qu'il ne sait pas compter, qu'il ne sait pas lire
et qu'il ne sait pas participer. Il n'a pas participé à
l'exercice de consultations qu'on a connues à l'occasion de la
définition du projet de loi qu'on a devant nous
aujourd'hui. Tout le monde, les MRC, les maires, la Communauté
urbaine de Québec, les chambres de commerce, les corporations de
développement économique ont su qu'il y avait une consultation
publique. La seule personne qui, aujourd'hui, dénonce l'absence d'un
consensus ou sa fragilité est le député de Lévis
qui ne s'est jamais montré la face à l'occasion des consultations
et qui dit: Moi, je n'ai pas été convoqué.
Des voix: Bravo!
M. Johnson: On n'était toujours bien pas pour le nommer.
Vous voyez comment il se comporte. Il n'était aucunement question que le
député de Lévis fasse partie d'un comité de
consultation. On ne peut pas travailler avec cette personne-là. Il ne
sait pas compter. Il prétend qu'il y aura un conseil d'administration de
26 personnes. Je n'ai jamais lu une telle chose dans ce projet de loi. Oui, il
y a des substituts tout comme dans le monde municipal il y a des substituts,
des "pro-maires", qui remplacent les représentants municipaux lorsque
ceux-ci sont absents. Le député de Lévis ne veut pas que
les municipalités soient assurées d'une représentation en
cas d'empêchement ou de vacance d'un poste à l'occasion d'une
assemblée du conseil d'administration. C'est de l'aberration totale.
Le député de Lévis a tenté, par ailleurs,
d'innover. Il nous reproche de ne pas innover. Il aurait voulu... Incidemment,
j'aimerais qu'il m'indique à quel article de la loi
fédérale créant la Commission canadienne du blé, il
est prévu que c'est un ministre qui représente un comté de
l'Ouest du Canada qui en est le ministre titulaire. On m'expliquera cela plus
tard. Mais l'ancien ministre qui, ai-je déjà cru, avait des
relents, des fonds et des restes de connaissances juridiques, a
démontré en commission parlementaire, pas une fois, Mme la
Présidente, mais six fois, Mme la Présidente, dans un seul
article, son ignorance crasse de la Loi sur l'Exécutif. Il tentait par
toutes sortes de moyens qui sont constitutionnellement impossibles, non
reconnus, inacceptables selon le droit qui nous régit, de nommer un
ministre que le lieutenant-gouverneur ne reconnaît même pas, qui
n'est pas listé dans la Loi sur l'Exécutif. Cela irait en
contravention flagrante, évidente pour les gens qui savent lire, avec
les articles 4 et 9 de la Loi sur l'Exécutif.
Ce grand juriste, Mme la Présidente, malheureusement, ne sait pas
lire. Nous sommes devant cette situation où quelqu'un prétendant
s'intéresser à la région de Québec mais qui ne sait
pas compter, estime que les 2 100 000 $ consentis sur les cinq prochaines
années représentent un désengagement du gouvernement du
Québec et du gouvernement fédéral, un désengagement
au soutien du développement économique de la région de
Québec alors que l'alternative juridique, la seule, était
l'annulation de ce solde et son retour dans les coffres des fonds
consolidés du revenu du gouvernement fédéral et du
gouvernement du Québec.
Le député de Lévis nous indique qu'il aurait
été préférable - c'est exactement l'effet de ses
propos - qu'on consacre d'ici cinq ans zéro dollar à la
Société de promotion nationale et internationale du Québec
métropolitain alors que nous y consacrons plus de 2 000 000 $. Nous y
consacrons 2 000 000 $. Le député de Lévis semble vouloir
souhaiter qu'on n'adopte pas ce projet de loi et qu'on y consacre zéro.
Là, il pourrait crier pour vrai et là, je le comprendrais. Mais
c'est précisément afin d'éviter que nous nous
désengagions que nous avons convaincu le gouvernement
fédéral de rester là avec 60 % de cet engagement à
l'égard de la société de promotion de la région de
Québec. Le député de Lévis ne sait pas compter.
J'ai, à l'occasion de la commission parlementaire, donné de
nombreuses indications sur l'ampleur de notre soutien financier autant au parc
industriel de la rive sud qu'à la Société de promotion du
Québec métropolitain. J'ai mentionné des chiffres. C'est
dans le Journal des débats. (21 heures)
La mise en oeuvre de ce projet de loi appellera évidemment des
négociations, des évaluations, des rapports des gens
intéressés à l'égard de la stratégie
d'intervention de cette société. On ne peut pas aujourd'hui, sauf
si on est un petit génie comme le député de Lévis,
savoir combien on peut mettre pour le soutien économique de la
région de Québec par le biais de cette société de
promotion en 1991. Le député de Lévis prétend qu'il
le sait. Le député de Lévis, comme dans beaucoup d'autres
prétentions, fait erreur et fait perdre le temps de cette Chambre.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Industrie
et du Commerce. M. le député de Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, en vertu de l'article 212,
est-ce que le ministre me permettrait de lui poser une question?
M. Lefebvre: L'article 213. M. Garon: L'article 213.
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213,
naturellement il faut l'autorisation du ministre. Vous l'autorisez? Donc, M. le
ministre, je vais vous rappeler que la réponse à la question doit
être brève.
M. le député de Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, je vais demander au ministre
de l'Industrie et du Commerce s'il pense qu'avec le gouvernement
fédéral, lors de la négociation des frégates, il
n'y aurait pas dû prendre ce ton plutôt qu'avec le
député de Lévis?
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson: Mme la Présidente, le député de
Lévis prétend qu'on aurait pu présenter comme dossier
sérieux les énormités qu'il a affirmées. À
prétendre qu'on pourrait, à Lauzon, par exemple, assembler pour 3
500 000 000 $ de frégates, soit 34 années de volume en 24 mois,
le député de Lévis a encore démontré qu'il
ne savait pas compter.
La Vice-Présidente: Ceci met fin au débat. Est-ce
que le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a
procédé à l'étude détaillée du projet
de loi 27, Loi sur la Société de promotion économique du
Québec métropolitain et modifiant la Loi sur la
société Inter-Port de Québec, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 13 du feuilleton.
Projet de loi 1
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: À l'article 13 de notre
feuilleton, le ministre des Transports propose l'adoption du rapport de la
commission de l'aménagement et des équipements qui a
procédé à l'étude détaillée du projet
de loi 1, Loi sur la publicité le long des routes.
Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant.
M. le député de Lévis. Projet de loi 1.
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, je voudrais dire que, dans le
fond, les travaux de cette Chambre sont tellement bien organisés que je
siège de façon ininterrompue, jusqu'à minuit tous les
soirs, depuis le 31 mai. On peut dire que les travaux en commission
parlementaire sont vraiment bien arrangés. On essaie, au fond, de
bâillonner le plus possible le député de Lévis en se
disant: Essayons de l'enfermer dans une des commissions. Pendant que je suis
aux commissions parlementaires sur des projets de loi, on fait des rapports de
commission en cette Chambre. On se dit après cela que le
député n'est pas là pour répondre, alors qu'il est
en commission parlementaire.
Mme la Présidente, le projet de loi sur la
publicité le long des routes en est un où il y a
eu plusieurs amendements. Il procède d'une bonne
intention: le gouvernement veut réglementer la publicité le long
des routes. Ce qui n'est pas mauvais, puisque la publicité le long des
routes ne peut pas être un catalogue de chez Eaton, avec
l'énumération le long des routes comme si on voulait magasiner.
C'est un peu dangereux pour la sécurité routière. Cela
fait qu'il y a le long des routes des distractions avec trop de
panneaux-réclames. Sauf que le gouvernement du Parti libéral qui
s'est fait élire sur la déréglementation, qui a
formé un comité de bénévoles sur la
déréglementation, qui a dit que le Parti québécois
avait toujours des règlements, des régies, des organismes, des
réglementations pour rendre les choses compliquées a
réussi le tour de force de faire en sorte que cela va prendre un permis
pour chacun des panneaux qu'on aura au Québec, avec un fonctionnaire qui
va autoriser le permis, avec tout un système de vérifications,
avec un système de responsabilités, en fait, le gros "kit".
Ce serait la dernière chose à laquelle on se
serait attendu de la part du gouvernement. Je me serais attendu à
quelque chose de plus simple où on aurait eu, par exemple, au
Québec un système comme on trouve à
l'île-du-Prince-Édouard, une petite province, par exemple,
où les panneaux concernant le tourisme, les hôtels, les
restaurants ont tous la même couleur et à peu près le
même cadrage, de sorte que quelqu'un qui se cherche un hôtel ou un
restaurant n'a pas à regarder tous les panneaux le long de la route. En
voyant la couleur, il sait que s'il regarde ce panneau cela va lui donner des
indications concernant un hôtel ou un restaurant.
Mme la Présidente, quelqu'un qui ne cherche pas un
hôtel ou un restaurant n'a pas besoin de regarder ces panneaux. Si
quelqu'un cherche une autre indication, cela peut être un panneau d'une
autre couleur, de sorte qu'il y a un cadrage qui aurait pu être
prévu qui aurait simplifié beaucoup le système de
contrôle de la publicité le long des routes. Sauf que le
gouvernement a choisi de faire un gros "kit" avec un système de permis.
Par ailleurs, on se retrouve avec une loi qui dit, et remarquez bien: "La
présente loi ne s'applique pas dans le territoire d'une
communauté urbaine ou régionale, d'une municipalité
régie par la Loi sur les cités et villes ou d'une réserve
indienne." Cela veut dire que si vous prenez une route, par exemple, de la
frontière de l'Outaouais jusqu'à Québec vous constaterez
qu'au moins la moitié des territoires traversés, peut-être
un peu plus même, seront exemptés de la loi, puisque ce seront des
cités et villes ou, encore, une communauté urbaine.
Au fond, Mme la Présidente, cela veut dire qu'il y
aura un régime dans les villes qui sera différent d'une ville
à l'autre, qui sera différent d'une communauté urbaine
à l'autre, et un autre régime pour les campagnes, pour les
municipalités rurales. Je ne suis pas certain que ce soit souhaitable.
J'aurais préféré une loi où... Je ne
dis pas que le motif est mauvais. Le motif est excellent. C'est pourquoi
nous avons voté en faveur du principe de la loi en deuxième
lecture. De la même façon que je le disais tantôt et que le
ministre de l'Industrie et du Commerce ne comprenait pas. Je lui disais, par
exemple, que l'objectif de la Loi sur Société de promotion
économique du Québec métropolitain est louable. L'objectif
n'est pas mauvais, il est bon. Sauf que je dis qu'il y a des modalités
qui ne sont pas bonnes là-dedans. Il y a des modalités qui
auraient dû être différentes. Ici, l'objectif de la Loi sur
la publicité le long des routes est excellent, sauf que les
modalités ne sont pas extraordinaires. (21 h 10)
Je comprends que le ministre s'est dit: Oui, mais il faut faire quelque
chose parce qu'il n'y a pas vraiment de pratiques actuellement concernant le
contrôle de la publicité le long des routes. Il faut faire quelque
chose. Je comprends cela. Mais, Mme la Présidente, je me serais attendu
à quelque chose, à un système plus simple, moins
compliqué, surtout pas à un système avec des
fonctionnaires un peu partout qui vont administrer les panneaux comme avec tout
ce qui entoure l'administration publique. Je me serais attendu à un
système plus simple. Dans le "kit" qui est proposé ici, je vais
vous dire que c'est quelque chose. On n'a pas pu analyser entièrement le
projet parce que les règlements n'étaient pas disponibles. Je
connais le ministre des Transports, habituellement, c'est un homme pratique. Je
lui ai dit que je pensais qu'il se jouait un mauvais tour en adoptant un projet
de loi sans pouvoir nous présenter la réglementation.
Le pouvoir réglementaire est considérable puisqu'on dit
à l'article 22: Le gouvernement peut par règlement: 1°
établir des normes de construction, d'installation et d'entretien des
publicités, notamment, de leur support et de leur bâti. Le support
et le bâti. Moi, j'ai appris que le support était, par exemple,
les pattes d'un panneau et le bâti serait ce sur quoi il pourrait
être appliqué, ou la construction autour du panneau. 2°
prescrire, aux endroits qu'il détermine, des normes particulières
concernant l'aspect architectural et le design des publicités. 3° -
toujours par règlement - prescrire les conditions et formalités
pour l'obtention et le renouvellement d'un permis et fixer les droits annuels
exigibles de son titulaire. C'est quelque chose. Je vois le
député de Hull qui me regarde, il a l'air surpris. Je suis rendu
seulement au troisième règlement. 4° le gouvernement peut,
par règlement, établir la forme et la teneur du permis et de la
plaque d'identification à apposer sur un permis. Il va y avoir une
immatriculation sur un permis comme sur une automobile. 5° établir,
selon la distance entre une publicité et une route, une halte
routière ou un belvédère, les dimensions maximum des
publicités. 6° déterminer, parmi les dispositions des
règlements pris en vertu du présent article, celles dont la
contravention est punissable en vertu de la présente loi.
C'est le cadre réglementaire général qui est
prévu sans oublier d'autres articles qui peuvent faire appel à un
règlement ici et là. Essentiellement, c'est le cadre
réglementaire. Ce qui fait qu'on a tout un service d'inspection avec
cela. Regardez l'article 20: Une personne que le ministre autorise par
écrit peut, à toute heure raisonnable, pénétrer sur
une propriété privée pour y inspecter une
publicité, notamment son support, son bâti et son
éclairage. Elle peut se faire accompagner d'un arpenteur. Je vois la
députée de Johnson qui écoute cela. L'inspecteur du
gouvernement va aller avec l'arpenteur, comprenez-vous, pour analyser le
permis. Deux fonctionnaires pour regarder le permis pour voir s'il est correct.
Un inspecteur et un arpenteur Elle doit, sur demande, s'identifier et exhiber
un certificat attestant sa qualité. Article 21. Il est interdit de nuire
au travail de l'inspecteur ou de l'arpenteur qui l'accompagne dans l'exercice
de leurs fonctions.
On nous a dit qu'il y aurait 7000 permis illégaux au
Québec. J'ai dit: II y en a 7000 alors qu'il y a 60 000
kilomètres de routes du ministère des Transports, cela fait un
permis à tous les 8,5 kilomètres. J'ai l'impression que cela va
faire beaucoup plus de permis qu'un permis par 8,5 kilomètres. Je
demanderais aux gens qui s'en vont demain matin entre Québec et
Montréal de compter les panneaux de chaque côté du chemin,
la publicité, les annonces. Ils vont se rendre compte qu'il y en a pas
mal. Je vois le député d'Orford qui est là, qui est un
vieux député dans le sens qu'il a été longtemps
député, un député de longue date. Vous allez me
dire: Un député de longue date a une expérience de ces
choses-là et je suis persuadé que lui-même est un peu
surpris parce qu'il se rend compte que cela fait une grosse administration pour
des panneaux, alors qu'essentiellement, l'administration aurait pu être
beaucoup plus simple que le projet de loi qui l'amène.
Nous avons collaboré au maximum à l'étude de ce
projet de loi, même si nous avons rappelé au ministre qu'il y
avait des dispositions qui, à notre avis, provoqueraient une trop grosse
administration des panneaux, que la publicité le long des routes doit
être mieux contrôlée pour des fins de sécurité
routière. Par exemple, quand on voit le nom des panneaux avec des
lumières trop fortes qui aveuglent les automobilistes, c'est
évident que c'est nuisible pour la sécurité
routière et ces choses-là devraient être corrigées.
Personne n'est à blâmer pour cela, mais de là à
faire tout un processus de permis pour des panneaux, c'est le gros "kit" et
j'ai hâte de voir comment l'administration de tout ce système va
coûter. On nous a dit qu'avec 150 000 S, le système
s'autofinancerait. J'ai hâte de voir quand le système aura
commencé... J'ai remarqué qu'à la fin de la commission
parlementaire, le ministre
avait réalisé que tout cela devrait peut-être
être mis en pratique par étapes parce qu'il s'est rendu compte que
c'était peut-être plus gros que ses conseillers le lui avaient
dit.
Là-dessus, je vois le député de Rousseau qui
s'apprête à répondre. Il a été principalement
celui qui a fait la consultation de sorte que le ministre, contrairement
à son habitude, devait souvent référer au
député de Rousseau parce que lui-même n'a pas fait la
consultation. J'ai vu le ministre moins solide dans ses projets qu'il en a
l'habitude quand lui-même a fait les consultations. J'ai remarqué
qu'à la fin, il prenait ses distances en disant: On n'ira pas trop vite,
on va prendre notre temps. Je lui disais: M. le ministre, soyez prudent, vous
avez 60 000 kilomètres de route et seulement 7000 panneaux
illégaux. Quand votre règlement va être en application,
j'ai l'impression que cela peut toucher pas mal plus qu'un panneau par 8
kilomètres et demi. J'ai remarqué que le ministre me regardait
avec des yeux ronds, parce que je dois dire que le ministre des Transports a
une qualité que peu de ses collègues possèdent: lorsqu'on
parle, il écoute. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, lui,
n'écoute pas, il vient d'Outremont, Outremont les hauteurs. Quand il
parle des régions... Je lui ai dit à un moment donné...
J'ai dit au ministre des Institutions financières: Quand vous parlez des
régions... Je sais qu'à Québec, on fait partie de la
région aussi, on est dans les régions parce qu'on nous
considère comme des gens pas trop au courant. Mais j'ai remarqué
que le député de Charlesbourg, lui, qui vient de
Sainte-Anne-des-Monts et qui est maintenant résident de la région
de Québec écoute davantage, ce qui fait que, lorsqu'on travaille
avec lui, c'est un peu plus agréable parce qu'il y a un dialogue.
Souvent, des suggestions que nous lui faisons sont souvent
acceptées.
J'ai remarqué que dans ce cas il a dit, à la fin de son
allocution qui est enregistrée au Journal des débats: On
va être prudent. Il a dit: Je prends note des remarques du
député de Lévis. J'ai senti qu'il se rendait compte que
c'était un gros morceau et qu'il fallait faire attention dans
l'application d'une loi qui pouvait toucher beaucoup de citoyens avec, souvent,
une administration bureaucratique qui ne donne pas nécessairement les
résultats escomptés. Quand on adopte une loi, c'est une affaire.
L'expérience m'a montré qu'adopter une loi, c'est une chose, mais
après, quand la loi est appliquée, ce n'est pas
nécessairement la même chose. Le député de Rousseau
a peut-être négligé cet aspect. Je ne dis pas qu'il est de
mauvaise foi, je ne dis pas qu'il a de mauvaises intentions, pas du tout, mais
je dis que, lorsqu'on travaille dans des secteurs où on touche des
milliers et des milliers de personnes, il faut y aller avec une certaine
modestie et une certaine hésitation. Il faut garder les yeux ouverts
plutôt que d'afficher certaine prétention qui fait qu'on a trop de
certitude et qu'on n'écoute pas suffisamment les citoyens touchés
par la mesure qui est adoptée.
Je ne veux pas faire un trop long discours. Je dois dire que l'objectif
du projet de loi est louable, mais je ne suis pas convaincu que les moyens mis
en oeuvre pour réaliser les objectifs souhaités touchant la
sécurité routière soient les meilleurs dans les
circonstances. Je vous remercie, Mme la Présidente. (21 h 20)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis. Je vais maintenant reconnaître M. le député
de Rousseau.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci, Mme la Présidente. Il me fait
énormément plaisir de prendre, pour la deuxième fois, la
parole sur le projet de loi 1, surtout après avoir mené, au nom
du ministre et à titre d'adjoint, une année de consultation
auprès des vrais intervenants, ceux dont le député de
Lévis parlait tantôt.
À écouter parler le critique de l'Opposition, je suis
nettement convaincu qu'il n'a pas écouté, lui, ce que le ministre
a dit. Il a fait des efforts, mais je suis convaincu qu'il n'a pas
réussi à comprendre le pourquoi du projet de loi. Si on a agi,
c'est justement à la volonté des intervenants, des associations
touristiques et des MRC qui voulaient que le gouvernement intervienne pour
dépolluer les autoroutes et les routes de notre belle province. Surtout
depuis que la Régie des autoroutes a été
éliminée, on s'est retrouvé dans une espèce de vide
juridique et avec une prolifération de l'affichage illégal.
Il fallait donc absolument réglementer et le plus vite possible.
Je demanderais au député de Lévis si, concernant le projet
de loi, il a reçu beaucoup de télégrammes de contestation.
Au contraire, on peut lui montrer des télégrammes de
felicitation, parce que les gens veulent qu'on intervienne rapidement,
très rapidement. Pour les 7000 panneaux illégaux, les gens du
ministère n'avaient aucun moyen d'arrêter cette
prolifération, aucun outil. Ainsi, le projet de loi 1 est un outil qu'on
donne aux intervenants du milieu.
Je veux simplement parler un peu du projet de loi 1, je sais que j'ai
à peine dix minutes. Il y a eu de la collaboration de l'Opposition. Il y
a eu certains amendements, mais très mineurs. Je tiens à rassurer
le député de Lévis et surtout ceux qui nous
écoutent, que c'est une réglementation facile d'application. Une
fois le permis délivré, c'est très facile d'aller punir
les délinquants. À titre d'exemple, jadis, cela prenait environ
deux ans pour monter une cause au sujet d'une personne qui affichait
illégalement, pour récolter entre 5 $ et 20 $. Avec la nouvelle
réglementation, on peut intervenir rapidement, en moins de deux mois,
avec des amendes qui peuvent aller jusqu'à 6000 $.
Le député de Lévis faisait état de la
différence entre les cités et villes et les munici-
paiités. Il ne faut pas oublier qu'à la commission
parlementaire, le député de Lévis était
accompagné par son collègue de Jonquière qui a longtemps
été président de l'Union des municipalités du
Québec. Je suis convaincu que son collègue n'était
absolument pas d'accord pour enlever un pouvoir que l'Union des
municipalités avait, celui de réglementer l'affichage. Ce qu'il
faut dire, à titre d'exemple, tantôt il prenait une autoroute ou
une route qui existe au Québec sur le chemin de laquelle on retrouve des
municipalités régies par la Loi sur les cités et villes,
c'est que la plupart des cités et villes ont une réglementation,
je dirais, plus sévère, tout simplement dans le but de donner bon
cachet à leur ville. À titre d'exemple, sur l'autoroute des
Laurentides, dans ma région, la ville de Mirabel a décidé
de réglementer - parce que c'est sous la Loi sur les cités et
villes, donc elle n'est pas tenue de se conformer au projet de loi 1 - de
façon, je dirais, plus sévère que la
réglementation.
Mme la Présidente, ce qu'on introduit, oui, c'est le
système de permis: un système de permis facile à obtenir,
facile à négocier et surtout facile à surveiller. Je peux
rassurer le député de Lévis en lui disant que je suis
convaincu que tous nos districts et nos régions ont donné leur
accord sur la possibilité de la délivrance de permis et, surtout,
leur accord sur la possibilité de régir après la
délivrance des permis.
Pour ce qui est des amendes, je pense que, là aussi, le
député de Lévis était d'accord. Ce sont des amendes
très sévères, comme le ministre des Transports a
l'habitude de le faire, pour montrer qu'une loi doit être
respectée et que ceux qui l'enfreignent doivent être punis
sévèrement.
Pour ce qui est des autoroutes, lorsque la Régie des autoroutes
prohibait l'affichage, c'est là que le gros des problèmes est
arrivé, en Estrie et surtout dans les Laurentides. Au sujet des
prohibitions, on a même dit, en commission parlementaire, mais surtout
lors des consultations, que, pour les lieux touristiques, les prohibitions que
le ministère des Transports va faire, c'est en consultation avec les
MRC. J'ai même personnellement rencontré les deux unions, l'UMRCQ
et l'Union des municipalités du Québec, pour leur dire que
l'affichage, c'est une affaire de complémentarité, c'est un
souhait commun, un travail partagé. Donc, Mme la Présidente, je
pense que le député de Lévis n'a pas souvent vu une
réglementation aussi bien partagée, aussi bien
acceptée.
La grande différence qu'il n'a pas comprise tantôt, je
pense, lorsqu'il parlait d'affichage uniforme, je veux lui
répéter que c'est l'affichage en dehors de l'emprise. Dans
l'emprise, on a un affichage touristique, uniforme, les panneaux bleus qu'on
voyait à titre d'expérience l'an passé et qu'on va
retrouver sur la plupart de nos routes cette année. Ce dont on parle,
c'est de l'affichage commercial en dehors de l'emprise. Une nouveauté
beaucoup plus pratique, c'est que le cadre de référence, ce n'est
plus l'emprise, mais plutôt la chaussée où, à ce
moment-là, la marge d'erreur sur les distances est diminuée de
façon telle que le délinquant, et surtout celui qui va avoir
à régir sa loi, va avoir un outil fort important.
À titre d'exemple - je le répète, j'en avais
parlé en première lecture - sur l'autoroute 20, entre
Montréal et Rimouski, en suivant les normes, les distances des panneaux,
les sorties et les entrées de la route, il y a une possibilité,
d'un côté, d'afficher à 16 endroits et, de l'autre,
à 17 endroits. Donc, on ne parle pas de prolifération, on parle
tout simplement de régir l'affichage, et surtout selon la volonté
de tous les intervenants.
Mme la Présidente, vous m'indiquez qu'il me reste seulement trois
minutes, alors, je suis tout à fait d'accord pour dire que tout n'a pas
été fait dans le projet de loi 1, mais c'est un outil qu'on
devait se donner rapidement, une intervention qui devait montrer qu'on prend
soin de notre paysage, qu'on prend soin de la "visualité" sur nos
routes. Donc, c'était une urgence d'arriver à cette loi. Le
ministre a été prudent, il a déposé sa loi en 1987
et il a décidé immédiatement de commander une consultation
qui a été faite à la satisfaction des intervenants. C'est
à partir de là qu'on a réécrit la loi et qu'on l'a
amendée. Et je suis convaincu que cela a amélioré la loi,
grâce aux discussions qui ont eu lieu. Donc, c'était une
réglementation importante. Le député de Lévis
disait qu'on avait dit qu'on ne réglementait pas ou qu'on
réglementait moins; moi, je dirais qu'on réglemente mieux, qu'il
faut réglementer mieux. C'était donc important et souhaité
de la part des intervenants.
D'ailleurs, le ministre et moi participions dernièrement à
une réunion, et des associations touristiques nous ont demandé:
Est-ce que vous allez adopter la loi? Quand on va adopter la loi prochainement
avec l'unanimité de l'Opposition, je suis convaincu que ce sera à
la grande satisfaction de tous. Il y a d'autre chose à faire pour
l'améliorer, on est parfaitement d'accord, mais je pense que
c'était important et je pense que le ministre des Transports a
été vigilant.
Donc, Mme la Présidente, cela m'a fait énormément
plaisir de travailler à ce projet de loi, surtout en concertation avec
les intervenants du milieu. C'est une loi qui va aider ma région, qui va
favoriser le développement touristique dans ma région, qui va
permettre de conserver les beautés de ma région. Je me permets
donc, au nom du ministre, de remercier et même de féliciter
l'Opposition qui, je pense, nous a aidés à faire de cette loi un
outil pour intervenir rapidement pour dire aux délinquants sur
l'affichage qu'il faut préserver nos paysages au Québec.
Donc, ce sera avec grand plaisir que cette loi sera adoptée, au
nom de tous les Québécois, en particulier dans les régions
touristiques. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Rousseau. Je constate qu'il n'y a pas d'autre intervention. Est-ce que le
rapport de la commission de l'aménagement et des équipements, qui
a procédé à l'étude détaillée du
projet de loi 1, Loi sur la publicité le long des routes, est
adopté? (21 h 30)
M. Jolivet: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Oui, l'article 16 du feuilleton, s'il vous
plaît, Mme la Présidente.
Projet de loi 16
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: À l'article 16 de notre
feuilleton, le ministre des Transports propose l'adoption du rapport de la
commission de l'aménagement et des équipements qui a
procédé à l'étude détaillée du projet
de loi 16, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant
le transport par autobus. Et là-dessus, je suis prête à
reconnaître le prochain intervenant. M. le député de
Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, le projet de loi 16 est un
projet de loi qui concerne les différents organismes municipaux qui
fournissent du transport en commun, du transport pour handicapés,
différentes formes de transport, qu'il s'agisse des cités et
villes, des municipalités en vertu du Code municipal du Québec,
de la Communauté régionale de l'Outaouais, de la
Communauté urbaine de Montréal ou encore de la Communauté
urbaine de Québec, des conseils intermunicipaux de transport de la
région de Montréal ou encore des corporations municipales et
intermunicipales de transport, de même que la Société de
transport de la rive sud de Montréal.
Mme la Présidente, nous avons travaillé à cette
commission pour faire en sorte que certains changements soient apportés
et il faut dire que, encore une fois, le ministre des Transports a
accepté plusieurs des suggestions que nous avons faites pour
améliorer le projet de loi. Par exemple, alors que le projet de loi
prévoyait forcer des municipalités à conclure des ententes
intermunicipales de transport en commun, nous lui avons fait savoir que ce
n'était peut-être pas souhaitable d'agir avec autorité et
que les municipalités devaient avoir aussi la responsabilité des
choix qu'elles faisaient et qu'il n'était peut-être pas opportun
de modifier la loi alors que la possibilité était
déjà dans la loi, mais dans un cadre beaucoup moins
obligatoire.
Nous avons également indiqué au ministre qu'au lieu de
demander la publication dans des quotidiens des organismes de transport en
commun ou de transport qui peuvent être situés dans des
municipalités desservies par de très bons journaux
régionaux, il n'était peut-être pas nécessaire
d'exiger la diffusion par les quotidiens qui, parfois, couvrent moins bien le
territoire que les journaux régionaux. Je pense, par exemple, pour la
rive sud de Québec, quand on parle du territoire desservi par la
Corporation intermunicipale de transport en commun de la rive sud de
Québec, que les journaux régionaux, qu'il s'agisse du Peuple
tribune, du Peuple de la Chaudière, de la Rive sud-Express, couvrent
très bien le territoire et il devrait être possible pour aviser
les gens des trajets, des horaires, d'utiliser les journaux qui sont
diffusés dans le territoire desservi et, de cette façon, utiliser
des médias qui seraient beaucoup plus proches des gens et que les gens
consulteraient davantage pour avoir ce genre d'information. Alors cela a
été accepté. Dans les différentes dispositions du
projet de loi les modifications ont été apportées pour ne
pas exiger nécessairement un quotidien mais un journal diffusé
dans le territoire desservi par le transport dont on devait faire la
publicité pour mettre les gens au courant.
Alors plusieurs des amendements que nous avons proposés ont
été acceptés. Je pense que la discussion a
été cordiale et correcte sauf dans le cas d'une disposition
qu'ils ont voulu faire enlever par laquelle on facilite le cas d'absence de
soumissions pour faire des choix. À ce moment-là, nous avons
voté contre parce que quand on disait: "Le conseil peut, par
résolution et sans procéder par demande de soumissions..." il
nous apparaissait et il nous apparaît qu'il est mieux de procéder
par soumissions pour donner la chance à tout le monde de pouvoir offrir
ses services et que l'obligation de procéder par soumissions inclue non
pas l'obligation de prendre le plus bas soumissionnaire, mais en tout cas de
prendre le plus bas soumissionnaire qui remplit toutes les conditions de la
soumission.
Cela ne veut pas dire que le plus bas soumissionnaire qui ne remplit pas
toutes les conditions de la soumission doit être choisi, mais celui qui
remplit les conditions de la soumission. En fait, c'est pour donner à
tout le monde la chance de pouvoir offrir ses services et de faire une
concurrence plus égale, plus juste. Là-dessus, il y a un certain
nombre de dispositions du projet de loi contre lesquelles nous avons
voté parce qu'elles n'auraient pu être changées. Par
ailleurs, je pense qu'il s'agit, dans l'ensemble, d'un projet de loi qui
améliore la procédure, qui facilite la procédure et qui va
contribuer à faire en sorte que le transport va pouvoir s'organiser avec
une procédure administrative plus simple, moins tatillonne, moins
bureaucratique. C'est pourquoi nous avons concouru à l'adoption de ce
projet en soumettant plusieurs amendements. Un grand nombre d'articles ont
été abrogés concer-
nant ce qui n'avait pas paru, au point de départ, au ministre
comme une procédure avec toutes sortes d'implications. Devant les
arguments de l'Opposition, le ministre a accepté de retirer plusieurs
articles qui auraient imposé un cadre trop rigide et qui auraient fait
perdre aux municipalités cette certaine autonomie qu'elles souhaitent
avoir dans le choix qu'elles feront des moyens de transport en commun.
J'aurais aimé voir plusieurs ministres souvent trop arrogants en
commission parlementaire, assister à cette commission parlementaire et
peut-être suivre davantage la façon de travailler du ministre des
Transports. Une façon beaucoup plus ouverte que celle, par exemple, du
ministre de l'Industrie et du Commerce, du ministre responsable des
institutions financières ou d'autres avec qui j'ai l'habitude de
travailler, mais qui sont bloqués comme des murs de brique et vouloir
les faire changer d'idée, c'est un peu comme vouloir enfoncer un mur de
brique de six pieds d'un coup de tête.
Mme la Présidente, ceux qui pourront lire, éventuellement,
les comptes rendus de la commission parlementaire sur le projet de loi 16 se
rendront compte que le député de Jonquière a
apporté une contribution importante puisqu'il a été maire
pendant 22 ans et qu'il a été président de l'Union des
municipalités du Québec pendant deux ans. Nous avons tous
ensemble contribué pour que ce projet soit amélioré. Je
pense que, dans l'ensemble, il a été considérablement
amélioré lors de la commission parlementaire que nous avons
tenue. Mme la Présidente, je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis.
Je constate qu'il n'y a pas d'autres interventions. Je vais
déclarer le débat terminé.
Est-ce que le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a procédé à l'étude
détaillée du projet de loi 16, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant le transport par autobus, est
adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Il y a une
série de projets de loi parrainés par le ministre de la Justice
qui est retenu à la commission sur le libre-échange. Il devrait
être ici dans cinq minutes environ. Je vous demanderais de suspendre les
travaux.
La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre pour
quelques instants.
Une voix: D'accord. (Suspension de la séance à 21 h
39)
(Reprise à 21 h 54)
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 37 Reprise du débat sur
l'adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 7 de notre
feuilleton, y s'agit de la reprise du débat concernant l'adoption du
principe du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu.
Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant.
M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Pour une deuxième fois en deux soirs
d'affilée, je vais essayer de convaincre mon collègue de
Brome-Missisquoi, ministre de la Main-d Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, que ce projet de loi serait plus utile s'il était
retiré, à l'avantage des gens qui sont concernés dans la
société.
Je le disais hier et je le répète, quand on regarde le
titre de ce projet de loi, Loi sur la sécurité du revenu, on se
rend compte que ce n'est pas le bon titre. Quand on regarde les effets que cela
aura sur les gens qui sont touchés, on devrait plutôt l'appeler la
'Loi sur l'insécurité du revenu" pour des centaines de milliers
de citoyens du Québec.
Ces citoyens, il ne faudrait pas l'oublier, ce sont les plus
démunis de la société. Les gens qui sont à l'aide
sociale n'ont pas d'autre revenu, n'ont pas non plus de biens ou d'avoir, ou si
peu. Il faut connaître les critères pour être eligible
à l'aide sociale pour s'apercevoir que ces gens-là ne profitent
pas d'un système, mais vont chercher le minimum pour être capables
de survivre. C'est le rôle d'une société que de s'occuper
des plus démunis.
Ce projet de loi apporte l'insécurité pour la très
grande majorité des gens sur le bien-être social.
L'insécurité, parce qu'on sait qu'en plus cela apporte une
diminution des revenus. Diminution des revenus pour les plus jeunes, diminution
pour les femmes chefs de familles monoparentales, diminution pour les personnes
aptes de plus de 30 ans. Donc, une grande majorité des gens qui sont
présentement à l'aide sociale, qui ont de la difficulté
à arriver, qui tirent le diable par la queue, comme on dit chez nous,
vont voir leurs prestations diminuer. Cela veut dire que, ceux qui sont
déjà dans la misère, cette réforme va les rendre
encore plus pauvres, plus malheureux, avec moins de sécurité pour
l'avenir. Ce n'est pas comme ça qu'on aide une société ou
des individus à se prendre en mains, à s'en
sortir et à profiter de ce qu'on est en train de vivre au
Québec, c'est-à-dire une période de croissance
économique.
On est en train d'avoir deux Québec. Un Québec dans lequel
les gens travaillent, ont des revenus acceptables et vivent assez bien et un
Québec beaucoup plus pauvre, qu'on est en train de rendre encore plus
pauvre. C'est inacceptable. Cela va avec la démarche du gouvernement
actuel. C'est malheureux. Une démarche qui fait que les riches sont plus
riches et les pauvres encore plus pauvres, au lieu d'essayer de rapprocher les
classes de la société, d'être plus
social-démocrate.
C'est ça, la social-démocratie. C'est de partager
correctement la richesse, de faire en sorte que les plus riches en paient un
peu plus et que les plus pauvres en reçoivent un peu plus pour que,
quand on vit dans une collectivité aussi riche que celle du
Québec, tous puissent vivre d'une façon décente et
beaucoup plus harmonieuse. Ce n'est pas le cas présentement. Ce projet
de loi fait que l'écart entre les plus pauvres et les plus riches
s'élargit encore davantage. C'est inacceptable.
Pour vous donner un exemple comme quoi c'est exactement la
démarche qu'est en train de suivre l'autre côté,
rappelons-nous décembre 1985, la mini-session et les décisions
qui ont été prises. Dans les toutes premières
décisions, il y en a eu deux. La première a été de
baisser les impôts pour les riches. 50 000 $ de revenu et plus par
année, on a baissé les impôts. Cela a coûté
des dizaines de millions de dollars au gouvernement du Québec, parce que
c'est de l'impôt qui ne rentrait pas. Comment a-t-on fait pour aller
quand même chercher des revenus pour payer pour les plus riches? On a
décidé qu'on coupait l'indexation trimestrielle aux
assistés sociaux, aux plus pauvres de la société. Une
économie de 30 000 000 $ pour le gouvernement qu'il n'avait pas besoin
de payer aux plus pauvres de la société.
Donc, on a fait payer les plus pauvres dans la misère à
l'aide sociale pour les plus riches qui ont des revenus de 50 000 $ et plus par
année. C'est loin d'être social-démocrate et c'est loin
d'être juste pour les plus pauvres de la société. Cela n'a
pas changé depuis ce temps. C'est cela qui est malheureux. Depuis ce
temps, on a toujours "fessé" sur les assistés sociaux. On a mis
les boubous macoutes, on a coupé dans les services, on fait en sorte que
ces gens soient mal vus et, en plus, mal traités.
Au dernier budget, le député de Bonaven-ture, ministre des
Finances, a encore une fois décidé de changer ce qu'on appelle
les tables d'impôt pour faire en sorte qu'il y ait moins de fourchettes,
d'écarts. Cela veut donc dire qu'encore une fois ceux qui ont
bénéficié de cela au maximum, ce sont les hauts revenus
parce qu'on a diminué le pourcentage d'impôt à payer pour
les 40 000 $et50 000 $ et plus.
Donc, comme on diminue le pourcentage, imaginez-vous, 1 % pour quelqu'un
qui gagne 1000 $, ce n'est pas beaucoup, hein? Mais pour quelqu'un qui gagne 50
000 $, 1 %, cela commence à être intéressant. C'est encore
pour eux qu'on a fait en sorte que la nouvelle grille d'impôt soit
diminuée. Donc, on a encore favorisé les plus riches. Qu'est-ce
qu'on fait pour les plus pauvres? On va encore essayer de
récupérer parce que le projet de loi 37 fait en sorte de couper,
pour la majorité des gens à l'aide sociale, leurs revenus, leurs
prestations. Donc, on va encore aller en chercher chez les plus pauvres pour
donner aux plus riches de la société.
Ce projet de loi n'est pas correct à sa base même. Il est
en train de montrer que le gouvernement, contrairement à tout ce qu'on a
toujours pensé, n'est pas là pour redistribuer la richesse. Le
gouvernement n'est pas là pour aider les plus pauvres à s'en
sortir. Il est là pour faire en sorte de condamner les pauvres, pour
faire en sorte qu'ils soient mal vus et même mal traités. On dit:
Maintenant, c'est l'entreprise privée, faites vos profits, et ceux qui
ne sont pas capables, on va y voir, on va faire en sorte qu'à l'avenir
vous preniez tous les moyens, même s'il n'y en a pas, pour vous en
sortir.
Et c'est cela l'affaire. On laisse entendre qu'on va aider ceux qui
veulent s'en sortir et aller travailler. Mais qu'est-ce qu'on fait pour trouver
des emplois à ces gens, quand, au moment où l'on se parle, il y a
encore pas loin de 10 % de chômeurs au Québec? Et, depuis quelques
mois, on voit malheureusement que cela va en augmentant. (22 heures)
Donc, en ne touchant pas à ceux qui sont à l'aide sociale
à ce moment-ci, on est à près de 10 % de chômeurs,
cela va en augmentant d'un mois à l'autre depuis le début de
1988. Les formules mises en place pour aider les gens à s'en sortir,
même pas 20 % des gens admissibles peuvent maintenant y aller parce qu'il
n'y a pas suffisamment de fonds et parce qu'il n'y a pas suffisamment de place.
Et on dit à des centaines de milliers de gens de plus: Le marché
s'ouvre à vous là-dessus pour les formules
d'employabilité, on ne met pas plus d'argent, il n'y a pas plus
d'ouvertures, mais on vous force à y aller, et si vous ne pouvez pas y
aller, et on sait que vous ne pourrez pas, on va vous couper. C'est là
une belle recette, hein? C'est une très belle recette pour faire
accroire aux gens que ces gens ne veulent pas des mesures
d'employabilité.
Je trouvais un peu amusant hier d'entendre mon collègue, le
ministre responsable du dossier, parler avec autant d'éloge des Travaux
communautaires, Stages en milieu de travail, Retour aux études. Je me
rappelle il n'y a pas tellement longtemps quand il était sur une
banquette pas loin, je pense, la deuxième suivante ici, qui
dénonçait avec une force, avec une vigueur
incroyable pour faire trembler les gens d'en face comme quoi ces
formules étaient inacceptables, c'était pour le "cheap labour".
Cela n'avait pas de bon sens. Maintenant, c'est quelque chose d'extraordinaire
qu'on veut étendre à tous les assistés sociaux alors qu'on
sait maintenant... À ce moment-là, ce sont de nouvelles formules,
et cela est sorti du génie des gens du Parti québécois qui
ont décidé de se creuser la cervelle et de trouver des formules
parce qu'on était en période de crise économique. On a
trouvé ces formules. Maintenant les ré-sulats sont sortis. On
dit: Cela aide des gens. Ce fut bon à un certain moment donné.
C'est encore pas si mal. Mais il faut absolument améliorer ces formules
et en trouver de nouvelles. On ne les améliore pas. On n'en trouve pas
de nouvelles et on en fait l'éloge de l'autre côté, on se
donne un beau discours pour, ensuite, pouvoir couper les prestations des
assistés sociaux. Cela n'a plus de bon sens les attaques faites
présentement de l'autre côté contre les plus pauvres de la
société. Couper chez les assistés sociaux!
On avait de beaux discours pour les jeunes, aussi. On était pour
aider les plus démunis à poursuivre leurs études. Une des
façons d'aider les gens, c'est d'améliorer, de perfectionner le
système des prêts et bourses. Mais qu'est-ce qu'on a fait de
l'autre côté? On a transformé la plupart des bourses en
prêts, une économie considérable pour le gouvernement. On
parle de 24 000 000 $ à 25 000 000 $ d'économies par année
depuis deux ans sur le dos de nos étudiants. Qui profite des prêts
et bourses? Les plus pauvres de la société, encore une fois. Et
pour ceux qui vont en profiter malgré tout, cela veut dire que ces gens
collectivement, nos jeunes, l'avenir, la relève, en arrivant sur le
marché du travail, vont se retrouver avec un endettement, au moment
où on se parle, de plus de 60 000 000 $. Ils vont commencer avec des
dettes. Juste parce qu'on change les choses comme cela. Sans faire trop de
bruit. Mais on s'attaque à qui encore une fois? Aux jeunes qu'on a tant
leurrés pendant la campagne électorale, aux jeunes qui sont la
refève et à ceux qui doivent ou qui peuvent profiter de ces
programmes prêts et bourses, les plus démunis encore une fois.
Toujours les mêmes. Malheureusement, ce sont aussi les organismes qui
s'occupent des jeunes, qui les aident à s'en sortir et qui ne nous
coûtent pas cher entre nous, il faut bien se le dire les 122
députés ici, cela ne nous coûte pas cher les organismes
bénévoles. On leur donne 60 000 $, 70 000 $, 80 000 $ pour
fonctionner, c'est à peu près le salaire d'un fonctionnaire et
demi ou deux. Pourtant, ces gens font vivre des maisons de jeunes, des maisons
de femmes, aident des dizaines et des centaines de personnes à s'en
sortir. Pourtant, depuis deux ans et demi, on a refusé d'adopter une
véritable politique de reconnaissance, une véritable politique de
financement de ces maisons de jeunes, de ces maisons de femmes, de ces maisons
d'hébergement.
On a même refusé de les indexer. Eux autres aussi, les
groupes qui s'occupent des plus pauvres de la société, sont
encore plus pauvres. C'est inacceptable. Cette tactique du gouvernement
libéral, elle commence à être pas mal connue. Il faut
répéter pour bien la comprendre quand même. Regardez
comment cela fonctionne. Et tous les ministres fonctionnent de la même
façon. On dépose un projet de loi tellement inacceptable qu'il
est odieux. Tous les gens le dénoncent. Il est odieux non à cause
de ce qu'on a promis, mais par rapport à la situation actuelle. On
amène des projets de loi qui sont odieux. Là, on fait des
commissions parlementaires pour rencontrer des groupes. On attend. On va d'une
session à l'autre parce que ce n'est pas la première fois, cela
fait deux ans et demi qu'on parie de l'aide sociale. On va d'une session
à l'autre.
Là on apporte des améliorations. On dit: C'est
extraordinaire, regardez le beau gouvernement. Il apporte des
améliorations. Mais est-ce que ce sont des améliorations pour les
gens qui sont concernés? Est-ce que c'est une amélioration par
rapport à la situation actuelle? Non. Jamais. Ce sont des
améliorations par rapport au dépôt d'un projet de loi
inacceptable et odieux qui a déjà été
présenté. Donc, on a une situation qui est a un certain niveau.
On propose quelque chose qui est beaucoup plus bas et on le remonte un peu en
disant: Regardez si c'est extraordinaire. Bien, c'est extraordinaire par
rapport à la présentation du projet de loi, mais c'est encore
toujours en bas de ce qui existait au moment où on a
présenté un projet de loi. C'est cela qu'on nous apporte encore
une fois. On peut prendre des cas...
Je vais parler d'un cas qui m'intéresse beaucoup au sujet de
l'habitation et du logement. C'est le secteur pour lequel je suis le critique
de l'Opposition. Qu'est-ce qu'on fait pour aider les plus démunis de la
société en matière de logement, alors que le logement au
Québec, il ne faut pas se leurrer, c'est une nécessité
essentielle? On n'est pas dans les Caraïbes, on ne peut pas coucher
dehors, cela nous prend des maisons chauffées. Qu'est-ce qu'on a fait
pour aider les gens? On construit moins de HLM, qui sont aussi
réservés aux plus démunis de la société. On
coupe dans les HLM, on coupe dans les montants consacrés aux
coopératives d'habitation et aux organismes sans but lucratif qui sont
là aussi en partie pour loger les plus démunis de la
société. Qu'est-ce qu'on fait? On coupe dans les budgets, on
coupe dans le nombre d'unités qui sont construites chaque année.
Belle façon d'aider les gens. Là aussi, il y a des groupes, les
groupes de ressources techniques, des gens extraordinaires, compétents,
consciencieux qui, dans les quartiers, aident les gens à se prendre en
main et à se loger.
Si on veut avoir des coopératives, il faut avoir des gens qui
vont donner le goût d'avoir
des coopératives, des instigateurs, des promoteurs, des gens qui
vont faire le suivi. Qu'est-ce qu'on a fait? On a encore coupée pour eux
aussi. On leur annonce que, sur 37 groupes qui existaient, il va en rester 11
en 1990-1991. Quand j'entends le ministre des Affaires municipales, responsable
de l'Habitation, venir se péter les bretelles en disant: On subventionne
les GRT, il va en rester 11 en 1990-1991. Et être content de cela, c'est
une honte! Cela veut dire qu'il se réjouit d'abolir une trentaine de
groupes de gens soucieux de faire du développement social au
Québec pour aider une partie très importante des plus
démunis de la société.
Qu'est-ce qu'on nous apporte dans le projet de loi? On nous apporte un
paragraphe. Pour certains, cela ne veut peut-être rien dire, mais pour
ceux qui sont concernés, c'est grave. On retrouve à la page 28,
c'est-à-dire à l'article 90, 5° ce qui suit: prévoir
les barèmes des besoins établissant les montants mensuels pour
l'application des programmes d'aide de dernier recours, lesquels peuvent varier
selon, entre autres, les résidents d'un logement subventionné.
Cela veut dire quoi en termes concrets? Cela veut dire que les milliers
d'assistés sociaux qui demeurent dans des HLM ou dans des
coopératives d'habitation, on vient les aviser qu'on va leur couper
l'aide sociale. Parce qu'ils reçoivent l'aide sociale et qu'ils sont
dans un logement subventionné, on va couper parce qu'on leur dit -
écoutez bien cela: Étant donné que vous êtes dans un
logement subventionné, vous avez un avantage par rapport à ceux
qui restent dans des logements du secteur privé et qui paient plus cher;
donc, comme vous n'êtes pas les plus mal pris de la
société, comme il y en a des pires que vous autres, on va vous
ramener au niveau des pires de la société. La parité par
le bas et, l'objectif visé, la misère totale. C'est à peu
près cela que cela dit. À ceux qui sont dans des HLM et dans des
coopératives d'habitation, qui sont déjà à l'aide
sociale, l'annonce qu'on vous fait là-dedans: Attendez-vous à des
coupures de prestations d'aide sociale, parce que, parmi les plus pauvres, vous
n'êtes pas les plus pauvres et il faudrait vous ramener au niveau des
plus pauvres. Beau discours! Ce n'est pas ce qu'on dit, par exemple, de l'autre
côté, mais c'est ce qu'on est en train de passer là-dedans.
Ce qu'on est en train de faire, c'est cela qui est inacceptable. (22 h 10)
Un autre point qu'il est important de rappeler, la parité, la
fameuse parité qu'on avait promise en élections. Aux moins de 30
ans qui sont dans la misère, aux moins de 30 ans qui sont à
l'aide sociale, on avait promis la parité. Ce qu'on propose dans le
projet de loi 37, c'est la parité, mais la fausse parité. Je vais
revenir sur la parité. On utilise le mot, mais pas le sens, certainement
pas l'esprit qu'on avait laissé entendre aux jeunes et à la
population. La parité, on la promet en 1990; autrement dit, on avoue
qu'on ne tiendra pas notre engagement électoral. Encore une promesse non
tenue parce qu'on avait promis que, dès la prise du pouvoir, il y aurait
la parité ou, du moins, parce que... Après la prise du pouvoir,
on a changé de discours et on a dit: Au cours du mandat. Maintenant, on
s'en vient affirmer, d'une façon légale, dans une loi: II n'est
pas question qu'on tienne notre engagement; gens du Québec, la
parité ne se fera pas au cours du mandat. Elle fera probablement partie
d'un engagement pour les prochaines élections. Comme on connaît la
parole de ces gens-là, leurs engagements électoraux, bien cela
veut dire que cela ne se fera pas.
Si vous regardez bien, on avait promis aussi aux femmes, aux
travailleuses au foyer, la reconnaissance au Régime de rentes du
Québec. Bien, de l'autre côté, il n'en est plus question
pour le présent mandat. Il n'en est même plus question dans les
discours. On se rend compte qu'on ne veut plus en parler. On a fait accroire la
parité et, maintenant, cela va être pour après les
élections et c'est une fausse parité. Les moins de 30 ans, il
fallait qu'ils participent pour avoir la pleine parité. Là, on
s'en vient dire à ceux de plus de 30 ans, alors qu'il n'y a pas plus
d'ouvrage et de programme: Si vous n'y allez pas avec eux, on vous coupe. Donc,
on fait en sorte que même ceux de plus de 30 ans soient dans des
situations inacceptables.
Un dernier point, parce que vous me dites que j'achève, c'est le
fameux partage. À deux ou trois jeunes qui ont seulement quelques
centaines de dollars pour vivre, qui n'arrivent même pas à se
nourrir convenablement, qui décident de vivre dans le même
appartement pour essayer d'avoir moins de misère et d'au moins se
partager les frais d'un logement, on dit: Si vous vivez avec d'autres, avec un
autre, on vous coupe 85 $ par mois. S'ils sont deux, on coupe les deux; s'ils
sont trois, on coupe les trois! Après cela, on dit aux jeunes: Soyez
autonomes, débrouillez-vous, prenez-vous en main, sortez-vous de la
misère, mais, si vous essayez, on vous attend avec nos boubous macoutes
et on va vous couper. Donc, si vous voulez partager le loyer pour être
capables de vous payer des cours, pour être capables de vous nourrir
convenablement et de vous habiller, si vous faites cela, si vous ne consacrez
pas tout votre argent à votre loyer parce que vous le partagez, on va
aller vous l'arracher. C'est cela qu'on est en train de dire à nos
jeunes et à ceux qui veulent essayer de s'en sortir avec l'aide des
autres. Qu'est-ce qu'on veut faire? On ne veut pas que les gens s'aident pour
s'en sortir, collectivement, avec d'autres ou avec des amis? On veut que ces
gens-là soient dans la misère d'une façon individuelle et
isolée? Cela n'a pas de bon sens.
C'est pour cela qu'on dit que ce qu'on retrouve là-dedans est
inacceptable. Le plus grand service qu'on peut rendre à la
société, c'est de retirer ce projet de loi et d'en
déposer
un autre, mais qui va tenir compte des véritables
responsabilités du ministre responsable, le ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, responsable de l'application de la
Loi sur l'aide sociale. L'aide sociale, c'est le dernier recours pour les plus
démunis. Sa préoccupation doit faire en sorte d'aider les plus
démunis de la société: les aider, arrêter de les
considérer comme des coupables, des bandits et des voleurs, mais les
considérer pour ce qu'ils sont vraiment, des êtres qui veulent
s'en sortir, des gens qui veulent être responsables et qui demandent
qu'on leur donne leur chance parce qu'ils ont été victimes de
toutes sortes de choses: maladie, décès du mari ou de la femme,
fermeture de "shop" pendant la crise économique. Les gens sont des
victimes de notre système. Arrêtons donc de nous en prendre aux
victimes et, à la place, attaquons-nous au malaise de la
société.
Le vrai malaise de la société, c'est le chômage, le
manque d'emploi. Le jour où on aura le plein emploi, on n'aura plus
besoin de parler d'assistés sociaux et de fesser dessus. On n'aura plus
besoin de parler de bien-être social et de misère. Ce que cela
prend, c'est le plein emploi. Déposez-nous ici des formules et des
programmes. Faites seulement commencer à en parler et essayez de motiver
la population, non pas pour que les riches soient plus gros, qu'il y ait
seulement des fusions de supermammouths géants en finances et en
entreprises, mais qu'on crée des emplois et tous, collectivement, qu'on
ait une seule préoccupation: la création d'emplois, le plein
emploi et, à ce moment-là, des projets comme celui-là
seront inutiles. En attendant, celui-ci est inutile. Je demande au ministre de
refaire ses devoirs et de nous apporter quelque chose qui va aller dans le sens
de l'aide aux plus démunis de la société. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Shefford. M. le député de L'Assomption.
M. Jean-Guy Gervais
M. Gervais: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux de
prendre la parole sur le projet de loi 37, non seulement à titre de
membre de la commission des affaires sociales, mais aussi comme
député du comté de L'Assomption.
Chez nous comme ailleurs, on a des bénéficiaires de l'aide
sociale. Si on faisait un bref historique afin de permettre à la
population de mieux comprendre le pourquoi de la réforme. Il y a 25 ans,
l'assistance sociale se composait de plusieurs programmes d'aide visant des
clientèles bien précises: les personnes aveugles, les
mères nécessiteuses, les personnes invalides et j'en passe.
Chacun de ces programmes avait des critères très particuliers et
prévoyait également des prestations différentes. En 1963,
le rapport Boucher proposait au gouvernement d'unifier un programme et
reconnaissait le droit à l'assistance sociale pour toute personne
démunie, peu importe la cause de son indigence, et ce n'est qu'en
décembre 1969 que le gouvernement a fait adopter la Loi sur l'aide
sociale, mise en application en novembre 1970.
En 1973, à la suite d'une restructuration majeure des allocations
familiales, le gouvernement du Québec amendait la Loi sur l'aide sociale
afin de tenir compte du nouveau Régime des allocations familiales qui
modifiait le revenu disponible aux familles. Afin de maintenir l'incitation au
travail, le gouvernement décidait de plafonner les prestations d'aide
sociale à un niveau inférieur au salaire minimum. Cet amendement
à la loi entrait en vigueur en janvier 1974. Depuis 1974, les
gouvernements qui se sont succédé au Québec ont
apporté au régime de sécurité du revenu des
changements qui, fondamentalement, n'ont rien modifié, ni à
l'orientation, ni au fonctionnement de la loi. Les gouvernements ont mis
à l'essai différents programmes sur l'intégration des
bénéficiaires au marché du travail par la création
d'emplois temporaires, la création d'emplois communautaires, etc.
Différentes mesures visant le perfectionnement et l'insertion
socioprofessionnelle des bénéficiaires au marché du
travail, avec une préoccupation très marquée pour les
moins de 30 ans, ont été mises à l'essai.
Tous ces changements n'ont pas été suffisants pour adapter
les programmes aux réalités d'aujourd'hui. En 1979, apparaissait
un autre programme qui ne connaissait pas les effets escomptés: SUPRET.
Mais, le 10 décembre 1987, l'actuel ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu a déposé un document
d'orientation intitulé "Pour une politique de sécurité du
revenu" qui propose une réforme en profondeur du régime d'aide
sociale au Québec. Ce document fut suivi d'une commission parlementaire
et du dépôt, le 11 mai dernier, du projet de loi 37. Le projet de
loi 37 a pour objet de réviser en profondeur le régime de l'aide
sociale au Québec en établissant une nouvelle politique de
sécurité du revenu comprenant trois programmes.
Dans un premier temps, il assure le versement de prestations aux
personnes incapables d'occuper un emploi, par le biais du programme
appelé Soutien financier. Il prévoit également un
deuxième programme, Actions positives pour le travail et l'emploi, le
programme APTE. Il est important de souligner ici que le projet de loi 37 ne
permet plus de retenir le critère de l'âge comme facteur de
réduction des prestations. Finalement, par le biais du programme Aide
aux parents pour leurs revenus de travail, le programme APPORT, le projet de
loi incite des familles avec enfant à demeurer sur le marché du
travail ou à y accéder. Il prévoit aussi, pour les
familles à faible revenu, une prestation annuelle à titre de
supplément au revenu de travail.
Les principes de base qui soutiennent la
volonté gouvernementale d'apporter des modifications
substantielles au système de sécurité du revenu prennent
leur source dans le constat suivant. Le programme actuel d'aide sociale est
largement dépassé et inadéquat. À l'origine, il
devait assister les personnes qui, pour des raisons familiales, sociales ou de
santé, ne pouvaient travailler. Mais les transformations rapides et
profondes qu'a connues la société québécoise au
cours des dernières années ainsi que la récente
récession économique ont modifié la situation d'une
façon substantielle. (22 h 20)
Le régime de sécurité du revenu a dû subir
trois changements majeurs au cours des dix dernières années.
Premièrement, un accroissement considérable des prestations a
fait passer la clientèle de 207 500 ménages en 1975 a 410 758
ménages en décembre 1985. Dans un deuxième temps, les
caractéristiques de la clientèle de l'aide sociale ont
considérablement changé. Au cours des années, alors
qu'à l'origine la majorité de la clientèle était
composée d'inaptes au travail, elle est maintenant constituée,
majoritairement, de personnes aptes au travail. On dénombrait 147 616
ménages, soit 35 % de la clientèle de moins de 30 ans, dont 116
000 étaient considérés comme aptes au travail, ce qui
indique bien le rajeunissement de la clientèle.
L'accroissement considérable du nombre de prestataires peut
être expliqué par certains facteurs dont les plus importants sont
les suivants: la récession du début des années
quatre-vingt a entraîné une affluence de chômeurs à
l'aide sociale. En plus de contraindre ces chômeurs à y demeurer
plus longtemps, plusieurs d'entre eux étaient des jeunes arrivant sur le
marché du travail. Le nombre d'emplois créés par la
reprise économique est encore insuffisant pour satisfaire tous les
besoins. D'ailleurs, la qualification des travailleurs ayant perdu leur emploi
durant la récession ne correspond plus toujours aux emplois disponibles
aujourd'hui.
L'adaptation du Québec aux nouvelles réalités des
années quatre-vingt a été défavorisée par le
retard du gouvernement précédent à engager le
Québec sur la voie du virage technologique et plusieurs autres facteurs
combinés que je ne peux énumérer font en sorte que notre
gouvernement a pris en main, en décembre 1985, un régime de
sécurité du revenu déclassé, dépassé,
je dirais même déphasé.
Notre parti, qui avait fait de la réforme du système
d'aide sociale et de la parité des moins de 30 ans un de ses engagements
majeurs, a donc décidé d'agir de façon énergique
dans ce dossier. Le premier ministre du Québec et le ministre de la
Main-d'Oeuvre s'y étaient engagés. Une large consultation
publique s'est tenue en février et en mars 1988 dans le but d'entendre
les représentants des groupes touchés par la mise en place d'une
nouvelle politique de sécurité du revenu. La commission
parlementaire des affaires sociales a entendu plus de 115 organismes ou
individus désirant exprimer leurs vues sur le projet de la
réforme. C'est ainsi que le 11 mai dernier le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu rendait publiques, dans
le cadre d'une déclaration ministérielle, les modifications
proposées à sa politique de sécurité du revenu bien
que les principes de base de la politique soient demeurés
inchangés, à savoir accorder la parité aux moins de 30
ans, inciter les personnes aptes à intégrer ou à
réintégrer le marché du travail et accorder un traitement
plus équitable aux démunis.
Le ministre a annoncé des amendements sur des
éléments qui avaient fait l'objet de sévères
critiques, soit le barème non admissible dans le programme APTE qui
existait dans le document d'orientation et qui est aboli. Le barème non
disponible subit des changements majeurs. En effet, le montant des prestations
a été augmenté de façon qu'il soit à un
niveau au moins équivalent à celui du système actuel
indexé. Par cet amendement, les bénéficiaires de 55 ans et
plus, les femmes enceintes, les personnes éprouvant temporairement des
problèmes d'ordre phsyique ou mental et les personnes ayant la garde
légale d'enfants d'âge préscolaire ou affectés par
un handicap physique ou mental ne seront aucunement pénalisées
étant donné qu'elles recevront des prestations
équivalentes à celles du système actuel indexé. La
catégorie non disponible sera élargie afin de permettre aux
parents et aux personnes ayant la garde d'enfants en bas âge d'assurer
l'éducation de leurs enfants. En ce qui a trait au partage du logement,
la réduction mensuelle à ce sujet sera maintenue à 85 $
contrairement à 100 $, tel que ce fut annoncé
précédemment. Finalement, d'autres modifications ont
été apportées à plusieurs éléments de
la politique de sécurité du revenu, telles que le maintien de
tous les besoins spéciaux actuellement accordés dans le programme
d'aide sociale à tous les bénéficiaires, l'augmentation du
besoin spécial pour les frais de scolarité et la formation d'un
comité multidis-ciplinaire provincial formé de trois
professionnels, dont un médecin, pour statuer sur les cas litigieux
concernant l'employabilité des bénéficiaires.
C'est à la suite de la déclaration du ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que fut
déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi 37,
Loi sur la sécurité du revenu, qui fait suite à la
commission parlementaire sur le document d'orientation et qui contient les
amendements apportés par le gouvernement à la réforme et
annoncés précédemment par le ministre. Il convient de
mentionner, M. le Président, que le coût des amendements pourrait
se chiffrer entre 84 000 000 et 104 000 000 $ selon la participation des
bénéficiaires. Quant au coût total de la politique de
sécurité du revenu, il devrait osciller entre 2 310 000 000 $
pour une participation nulle à 3 100 000 000 $ pour une pleine
participation.
M. le Président, pour ce qui est des réactions de
l'Opposition péquiste, je vais m'abstenir de les commenter et laisser
plutôt le soin à la population du Québec de porter son
propre jugement devant son attitude.
Au cours des dernières années, un nombre important de
programmes et de mesures fiscales touchant la sécurité sociale
ont été mis en place par les gouvernements, autant
fédéral que provincial. Des problèmes de fonctionnement et
de réglementation du programme d'aide sociale, d'incitation au travail
et aux études, et d'équité des mesures gouvernementales
sont apparus confirmant la nécessité d'une politique de
sécurité du revenu. Ils sont venus s'ajouter aux nouvelles
problématiques qu'on observe aussi dans les autres provinces du Canada,
aux États-Unis et en Europe. L'adaptation du programme d'assistance
sociale au nouveau contexte socio-économique est devenue une
priorité. Le Québec accuse ici un retard qu'il est urgent de
combler. C'est pour toutes ces raisons que le gouvernement libéral du
Québec a décidé de s'attaquer de front à la
réforme complète de ce secteur vital pour des milliers de
personnes dans notre province, principalement les plus démunis de notre
société.
Bien sûr, la tâche est délicate. Ces programmes ont
une incidence très forte sur les institutions et des valeurs
fondamentales telles que la famille et le travail. Mais la répercussion
de la mise en place d'un tel système de sécurité du revenu
sur des questions aussi fondamentales que le chômage, la composition des
unités familiales et la prospérité économique de
notre société en fait un défi de premier plan pour notre
gouvernement et c'est pourquoi, M. le Président, je voterai pour le
projet de loi 37. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Nous allons poursuivre le débat
avec l'intervention de M. le député de Taillon. (22 h 30)
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président.
Évidemment, les 20 minutes qui me sont allouées, je pense,
seraient insuffisantes pour relever toutes les inexactitudes de l'orateur qui
m'a précédé. Deuxièmement, ce serait
également insuffisant pour relever l'ensemble des points qui, à
l'intérieur du projet de loi 37, créent problème. Il faut
se comprendre. Dans une société, le premier rôle d'un
gouvernement, c'est de tenter de redistribuer le plus intelligemment possible
la richesse qui existe. En deux mots, au Québec, le premier rôle
d'un gouvernement, bien avant d'envoyer 25 000 000 $ à Blue Bonnets pour
les courses de chevaux, bien avant de faire quoi que ce soit, c'est de
s'assurer que les moins bien nantis soient, quand même, traités
équitablement. C'est le premier devoir d'un gouvernement, quel qu'il
soit.
Le projet de loi 37 s'intitule pompeusement Loi sur la
sécurité du revenu, alors qu'il n'y a rien là-dedans qui
pourrait arriver à favoriser le premier élément de
sécurité du revenu qui est l'emploi. C'est fascinant, M. le
Président, parce que le gouvernement qu'on a en face de nous, dans une
période d'apathie, d'indifférence, mais, en même temps, de
croissance économique, a fait en sorte que le taux de chômage au
Québec est encore le double de ce qu'il est en Ontario et que le taux de
chômage à Montréal est encore le triple de ce qu'il est
à Toronto. On ne peut pas parler de sécurité du revenu si
on prend une même tarte et qu'on continue à jouer avec. La seule
façon de parler de sécurité du revenu intelligemment,
c'est de mettre en place des mesures de sécurité du revenu ou de
favoriser l'emploi. Mais le gouvernement libéral ne fait absolument rien
à ce sujet.
Mais revenons au projet de loi 37, Loi sur la sécurité du
revenu. Je ne peux pas, dans les 20 minutes qui me sont allouées, faire
le relevé de toutes les failles de ce projet de loi. Ce serait
carrément insuffisant. Je pourrais parler de la fausse promesse
libérale quant à la parité en bas de 30 ans. Je pourrais
parler de cette espèce d'absurdité intellectuelle qu'ils ont
trouvée de l'autre côté et qu'on appelle la contribution
parentale présumée. C'est incroyable, je n'arrive pas à
croire que des députés aient pu prendre connaissance du projet de
loi du ministre sur la contribution parentale et dire: On va le laisser aller
avec cela. Je vois le député de Mille-Îles en face, un
homme qui a une bonne formation juridique. Comment a-t-il pu laisser passer
quelque chose de semblable? C'est incroyable.
Je pourrais parler de la participation aux programmes
d'employabilité: retour aux études, etc. comment le ministre
pouvait-il ignorer que tous ces programmes d'employabilité ont un taux
de succès inférieur à 20 %? Comment pouvait-il axer son
projet de loi autour des programmes d'employabilité, en faire l'axe de
la guerre au chômage et à l'aide sociale, alors qu'il y a un taux
de succès autour de 20 %?
Je pourrais parler, M. le Président, de la désincitation
au travail que constitue l'espèce d'impôt qui consiste à
imposer à 0,80 $ et plus chaque dollar gagné par l'assisté
social. Sans compter, évidemment, le fait que ses allocations et ses
services sont coupés. En deux mots, il n'y a rien dans la réforme
présentée par le ministre pour corriger cette
désincitation au travail qui existe actuellement. Je pourrais aussi
parler du régime pour les personnes incapables de travailler ou du faux
programme d'incitation au travail. Bref, M. le Président, faire le tour
prendrait une heure ou deux.
Je voudrais, donc, ce soir attirer votre attention et celle des gens qui
nous écoutent sur deux points en particulier. D'abord, je voudrais
attirer l'attention des gens qui nous écoutent sur les articles 30
à 33 du projet de loi 37, lesquels concernent l'obligation alimentaire.
Je l'explique
rapidement. Je vulgarise rapidement pour me faire comprendre le mieux
possible par vous et par les gens qui nous écoutent. On sait qu'il y a
beaucoup de femmes et d'hommes au Québec qui sont séparés
ou divorcés. Ces gens, dans bien des cas, détiennent ce qu'on
appelle des créances alimentaires, c'est-à-dire ont le droit de
recouvrer du conjoint qui travaille, par exemple, qui est plus fortuné,
une pension alimentaire. Cela a existé de tout temps. Dans notre Code
civil, on a une longue tradition en droit familial qui tourne autour de
l'obligation alimentaire. Cela est tout à fait normal.
Que vient faire le projet de loi 37 là-dessus? Je dois vous dire
que c'est parfaitement incroyable. On donne au ministre le pouvoir d'exercer
les droits alimentaires. Est-ce qu'il y a des droits plus personnels que les
droits, par exemple, d'une femme à l'égard de son ex-époux
pour récupérer des montants de pension alimentaire? C'est un
droit archipersonnel, individuel et un droit qui est jugé à son
mérite par les juges et la magistrature.
Je cite la fin de l'article 30: "En matière d'obligation
alimentaire - tenez-vous bien, pour un gouvernement dit conservateur, c'est le
bout - le ministre peut exercer les droits du créancier lorsqu'il estime
que la situation de ce dernier en compromet l'exercice." En deux mots, le
ministre va se substituer à cette femme qui a deux enfants et dont le
mari ne travaille pas, ne veut pas verser une pension alimentaire ou verse un
montant insuffisant de pension alimentaire et ce, par-dessus l'entente qui
pourrait intervenir entre les deux conjoints. C'est le ministre qui va venir
prendre la place de l'épouse pour décider si une entente ou un
règlement est valable ou non.
Regardez, M. le Président, le dernier alinéa de l'article
31, encore une fois, qui touche la pension alimentaire. "Le ministre peut, par
requête, demander au tribunal de modifier ou d'annuler une entente
conclue sans son autorisation." En deux mots, dorénavant, dans les
matières alimentaires, le ministre est automatiquement partie au litige.
Si une entente est intervenue sans qu'il y ait donné son consentement,
l'entente n'est pas valide.
C'est comme si tous les avocats, tous les juges, toutes les parties
étaient devenus des fraudeurs du ministre. C'est le comble de la
paranoïa gouvernementale qui a probablement sa source quelque part dans
une analyse déconnectée du Conseil du trésor. Vous, les
gens qui nous écoutez, parce que vous êtes des assistés
sociaux - peut-être que demain matin on va le faire au ministère
du Revenu, je ne le sais pas - vous n'êtes pas capables d'exercer de
façon compétente votre capacité juridique de conclure une
entente.
On demande de responsabiliser les bénéficiaires d'aide
sociale. Le projet de loi fait exactement le contraire. On les
déresponsabilise, on prend tout le monde, tous les enfants du bon
Dieu pour des canards sauvages et on dit: II y a une personne au
Québec qui a de l'allure, qui est en mesure d'évaluer si
l'entente intervenue sur la pension alimentaire de Mme Y ou de M. X est bonne,
c'est le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu. C'est incroyable. Comment le ministre et les membres du caucus
libéral ont-il pu décemment laisser passer une chose semblable?
C'est tout à fait incroyable. Ce sont les articles 30, 31, 32 et 33 du
projet de loi 37, M. le Président.
Je trouve aberrant que, pour des motifs financiers... Que le ministre
soit impliqué dans certaines causes, d'accord. Qu'on oblige les parties
à mettre en cause peut-être le ministre... Par exemple, si une
dame assistée sociale a un recours à exercer contre son
ex-conjoint, qu'on mette le ministre en cause, d'accord, comme cela se fait,
d'ailleurs, dans certains cas. Que la procédure soit signifiée au
ministre qui, lui, interviendra si besoin est. Mais de là à
présumer que tous les assistés sociaux, que tous les avocats, que
tous les juges qui entérinent les accords sont des tartes, incapables de
discernement et d'en arriver à une entente alimentaire qui respecte la
capacité de payer et les besoins d'une partie, je me dis qu'il y a,
quand même, une limite au mépris de l'intelligence des citoyens et
des citoyennes. (22 h 40)
Si mon intervention n'est pas bonne, que le ministre se lève
immédiatement pour me le dire ou qu'un député se
lève, cela va me faire plaisir de me faire interrompre. Je vais vous
dire, j'ai lu attentivement ces articles qui sont au chapitre des obligations
des parties et c'est exactement cela que cela dit. Le dernier mémoire,
d'ailleurs fourni par les avocats de l'aide juridique, dont mention a
été faite par les médias dans les journaux, le relevait de
façon tout à fait analogue à ce que je fais ce soir. Bref,
en quelques mots, j'attire l'attention des membres de cette Assemblée
nationale là-dessus. Je me dis: II n'est pas trop tard. Nous en sommes
à la deuxième étape, a la deuxième lecture. Nous en
sommes à l'adoption du principe de ce projet de loi. Il y a du travail
à faire. La semaine prochaine, si on siège, l'autre semaine
après, si on siège, ou plus vraisemblablement cet
été ou en septembre et en octobre, il est urgent de ne pas
permettre une semblable intrusion dans le bon sens des gens.
Je vois le ministre de la Justice qui arrive pour ses projets de loi que
nous étudierons tantôt. Enfin, c'est ce que nous dit le leader
adjoint de l'Opposition. Le ministre de la Justice était-il au courant
de l'existence de ces articles, les articles 30, 31, 32 et 33 du projet de loi
37 de son collègue, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, qui permettent au ministre d'annuler et de
demander l'annulation de toutes les ententes alimentaires intervenues sans son
consentement? Je vois à son visage inter-rogatif que non.
De toute façon, c'est un premier point que
je voulais mentionner. Il y a un deuxième point que je veux
mentionner, qui est, lui aussi, extrêmement important, délicat,
fragile, pas facile à régler, j'en suis, mais important. Je pense
qu'il y a énormément de points qui ont été
soulevés par mes collègues. Je me suis attaché à en
relever deux, ce soir. Cela ne veut pas dire que ce sont les plus importants du
projet de loi. Ce sont deux points sur lesquels, à mon modeste avis, on
n'a pas mis suffisamment d'emphase. Sur le premier point, j'aurais aimé
entendre les membres de la majorité ministérielle intervenir.
J'aimerais cela qu'on vienne m'expliquer le bien-fondé de cette clause,
moi, qu'on vienne nous expliquer comment tous les gens, ce sont des croches.
Une espèce de vieille mentalité de riches un petit peu là,
tu sais: tous les gens qui ne travaillent pas, qui ont de l'aide sociale, ce
sont des croches, on va les mettre en tutelle. C'est la réalité
du projet de loi. Dans le discours, on dit: On va les responsabiliser. En
réalité, on les déresponsabilise. Cela donne quoi? On est
en train, avec des projets de loi semblables, de perdre des
générations entières de Québécois et de
Québécoises. C'est cela qu'on est en train de faire.
Le deuxième point sur lequel je veux insister, évidemment,
ce sont toutes les notions de partage du logement. Il est bien évident
que, dans certains cas, il y a une aide humaine, financière,
psychologique, matérielle qui existe entre deux personnes qui vivent
ensemble. C'est clair. Donc, il y a une notion de partage du logement et de vie
maritale. C'est quoi, vivre ensemble? Ce n'est pas facile, ces
questions-là. Pour le ministre des Finances, pour le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, pour le
président du Conseil du trésor, ce sont des notions
extrêmement importantes parce qu'elles ont des conséquences: selon
qu'une personne pourrait être aidée financièrement par une
autre personne avec qui elle vit maritalement, l'aide fournie pourrait
être plus ou moins élevée. Bien sûr. C'est
compréhensible.
Mais il faut faire attention pour éviter des cas comme il y en a
de plus en plus d'exemplaires dans nos bureaux de comté et dans les
journaux. Dans Le Soleil du 15 avril 1988: "Jacinthe Caron coincée entre
la cour et le bien-être social, coupable de coucher avec un seul homme."
Si elle avait plusieurs amants, on ne pourrait pas dire qu'elle vit
maritalement avec un. Si elle était de tendance homosexuelle, on ne
pourrait pas réduire son aide parce qu'elle vit avec une autre femme.
C'est la que cela devient... Dans ce cas-ci, elle est coincée par le
bien-être social parce qu'elle a eu le malheur de fréquenter
amoureusement le même homme. C'est rendu particulièrement grave
quand on est obligé de laisser à des fonctionnaires, aussi
honnêtes soient-ils, le soin de décider qui vit maritalement avec
d'autres. C'est là qu'on tombe dans une zone extrêmement
délicate que le projet de loi aurait mieux fait d'éviter.
Il y a un premier ministre du Canada qui, il y a une vingtaine
d'années, alors qu'il était ministre de la Justice, à la
Chambre des communes à Ottawa, un Québécois, avait dit:
L'État n'a plus affaire dans la chambre à coucher des gens. Je
vais vous dire qu'avec ce que nous présente le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, avec le type de
pratique qui s'installe maintenant au ministère de la
Sécurité du revenu, cela devient tout à fait le contraire:
l'État vient de se remettre le nez dans la chambre à coucher des
gens. Mme Caron avait combien d'hommes? Quand, comment, à combien de
reprises? Est-ce que c'était une femme ou un homme, etc? C'est trop
délicat comme territoire. Parce que, justement, cela affecte
l'intimité des gens, leur vie privée dans ce qu'elle a de plus
intime et de plus personnel, c'est trop délicat pour permettre a des
lois et, donc, à un pouvoir exécutif de venir se mettre le nez
là-dedans pour dire: Allons voir la vie sexuelle de Mme X. C'est ce qui
se passe actuellement. Réveillez-vous au Conseil des ministres si vous
n'avez pas vu passer cela! Allez-y et regardez le projet de loi de votre
collègue!
Je vois le ministre délégué aux Forêts qui
vient de tomber des nues. C'est cela qui existe dans le projet de
réforme, c'est cela la situation actuelle dans le projet de loi 37. Le
ministre délégué aux Forêts, je ne sais pas s'il
était là ce mercredi-là, mais qu'il se décolle le
nez de l'arbre, qu'il regarde comme il faut la réforme de son
collègue. S'il veut qu'on lui envoie des documents, on va lui envoyer le
mémoire de la Ligue des droits et libertés, le 93e mémoire
déposé à la commission parlementaire, qui fait tout le
tour du problème en citant de nombreux cas. J'invite le gouvernement
à se réveiller, parce que les gens se sont
réveillés dans la rue. Les gens ont réagi.
Quand la Ligue des droits et libertés prend la peine
d'étudier, en 85 pages, toute l'implication de l'État dans la
chambre à coucher des gens, le ministre délégué aux
Forêts - je comprends ses responsabilités importantes
vis-à-vis d'une de nos richesses naturelles fondamentales - pendant que
je le lui explique, par exemple, j'aimerais cela qu'il m'écoute ou qu'il
lise le mémoire, un des deux. Quand il me parle des terres et
forêts et que je n'ai pas lu ce dont il me parle, je l'écoute.
Alors, je lui demanderais le même respect ce soir, M. le
Président, à moins que je ne vous demande de faire respecter mon
droit de parole.
Bref, il faudrait, quand même, arriver à se comprendre un
peu. On a une réforme importante. On veut économiser des sous. Le
président du Conseil du trésor est un premier ministre, le
premier des autres ministres, à part le premier ministre, et il passe
des commandes. Il en a passé une au ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu qui, depuis deux ans et demi, fait ses
devoirs, les refait, les refait et les refait. Mais, à la fin du compte,
il faut regarder
le produit final et savoir si la réalité vécue par
les Québécois et les Québécoises a du sens ou non.
Dans certains points de cette réforme, ceux mentionnés par mes
collègues, dans les points que j'ai soulevés ce soir, ce que je
dis, c'est que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, et ministre du Travail, malheureusement, doit retourner faire ses
devoirs parce qu'ils sont bâclés. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Alors, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner le débat sur le
projet de loi 37.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
du débat est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je vous demanderais maintenant d'appeler, M. le
Président, l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît. (22 h
50)
Le Vice-Président: À l'article 15 du feuilleton,
nous allons maintenant procéder à la prise en
considération du rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a procédé à l'étude
détaillée du projet de loi... Non, un instant.
M. le leader adjoint du gouvernement, vous m'avez bien dit
l'article?
M. Lefebvre: L'article 15, M. le Président. C'est la prise
en considération du rapport...
Le Vice-Président: Oui.
M. Lefebvre: ...relativement au projet de loi 10.
Projet de loi 10
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
Le Vice-Président: Très bien. C'est une erreur de
ma part. Donc, à l'article 15 - je lisais l'article 16 - nous allons
maintenant procéder à la prise en considération du rapport
de la commission des institutions qui a procédé à
l'étude détaillée du projet de loi 10, Loi modifiant la
Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives
en vue d'instituer la Cour unifiée. Je vais donc céder la parole
à M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx M. Marx: Oui, M. le Président, merci. Nous
avons déjà changé le titre de ce projet de loi;
maintenant, c'est "d'instituer la Cour du Québec". Effectivement,
l'unification des tribunaux au Québec a été
proposée pour la première fois dans un document
déposé à l'Assemblée nationale en 1975, "La justice
contemporaine". Depuis ce temps-là, on parle d'unifier les tribunaux
québécois.
Je peux vous dire, M. le Président, que, par exemple, il y a des
articles dans Le Devoir de 1983 où l'ancien ministre de la
Justice partait d'une nouvelle cour unifiée. On en a parlé
pendant des années, mais ce ne fut jamais fait.
Le Vice-Président: M. le ministre de la Justice, seulement
un instant. Je voudrais noter, à ce moment-ci, que nous sommes
également saisis d'un amendement à l'article 27 qui a
été proposé par M. le député de Taillon.
Après la discussion sur le rapport de la commission, nous allons
procéder au vote sur l'amendement proposé et,
ultérieurement, au vote sur le rapport de la commission. Est-ce que vous
avez une copie de l'amendement en question?
M. Marx: J'avais une copie, mais j'aimerais en avoir une autre
copie.
Le Vice-Président: Nous allons vous en donner une autre
copie. Je voulais le spécifier puisque, en cours de discussion, il
pourrait y avoir lieu de discuter de l'amendement propose et cela se fait dans
le même débat. Donc, je vous cède à nouveau la
parole, M. le ministre de la Justice.
M. Marx: Je ne veux pas discuter de l'amendement à ce
moment-ci, M. le Président. Je vais attendre que le député
de Taillon en discute et, par la suite, je vais faire une réplique, le
cas échéant, si c'est nécessaire.
Pour poursuivre, on a proposé d'unifier ces tribunaux pour la
première fois en 1975, on en a parlé pendant treize ans, c'est
aujourd'hui qu'on le fait, et je pense que ce sera bon. À l'heure
actuelle, nous avons trois tribunaux où les juges sont nommés par
le gouvernement du Québec. Il y a la Cour provinciale, la Cour des
sessions de la paix et le Tribunal de la jeunesse. Ce que nous allons faire,
c'est unifier ces trois tribunaux en une Cour du Québec où nous
aurons des juges polyvalents, où les juges auront la possibilité,
dirais-je, de siéger dans l'une ou l'autre chambre de la cour, soit la
chambre civile, la chambre criminelle ou la chambre de la jeunesse. Cela va
nous permettre aussi d'avoir un système d'administration des tribunaux
plus cohérent que le système actuel.
Je dois dire aussi, M. le Président, que nous avons prévu
un comité triennal qui va faire des recommandations au gouvernement en
ce qui concerne les salaires et les pensions des juges. Je pense que c'est
très important. Un tel comité existe en vertu de la loi
fédérale pour les juges
de nomination fédérale et, en Ontario, en ce qui concerne
les juges nommés par le gouvernement de l'Ontario. Nous avons
discuté du projet de loi avec la magistrature, nous avons fait des
modifications, des amendements à la suite de ces discussions, et je
pense que nous avons un projet de loi qui fait l'affaire de tout le monde
juridique. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder fa
parole à M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Effectivement, nous
avons eu l'occasion de travailler pendant deux jours en commission
parlementaire pour étudier le projet de loi 10 article par article.
D'abord, qu'est-ce que fait le projet de loi, essentiellement? Comme je
l'ai mentionné au ministre, ce n'est pas un projet de loi insignifiant.
C'est un projet de loi qui est peu signifiant. C'est un pas en avant, mais on
ne peut pas parler ici de réforme. La coquille n'est pas totalement
vide, mais, franchement, il y a tellement peu de perles à
l'intérieur qu'il ne faudrait quand même pas se lancer dans des
grandes séances de pétage de bretelles et d'autogratification, M.
le Président.
Que fait le projet de loi, essentiellement? Il décloisonne les
cours qui sont actuellement la Cour provinciale en matière civile, la
Cour des sessions de la paix en matière pénale et criminelle et
le Tribunal de la jeunesse en matière de jeunesse. Il
décloisonne. Il fait tomber les cloisons entre ces cours-là de
sorte qu'il y aura une cour avec des chambres. Cela, c'est au niveau de la
structure. Quant aux juges eux-mêmes, qui sont les principaux
intervenants au sein de l'appareil judiciaire, le projet de loi prévoit
que les juges qui seront nommés par le gouvernement seront polyvalents
de sorte qu'un juge, par exemple, pourra agir en matière civile,
pénale et en matière de jeunesse durant la même semaine.
Mais cela ne s'applique que pour les futurs juges. Pour que les juges
actuellement en poste agissent de façon polyvalente, il faudrait qu'ils
y consentent. Donc, une procédure de consentement. Quant à
l'affectation des juges, il y a une procédure d'appel qui a
été prévue au Conseil de la magistrature du
Québec.
Bref, c'est essentiellement cela, le projet de loi. Le ministre est venu
apporter des amendements importants au cours de l'étude article par
article. Les amendements sont les suivants. D'abord, la Cour du Québec
au lieu de la Cour unifiée, ce que nous avions demandé depuis le
début. Une cour unifiée n'existe pas seule. Il aurait fallu dire
Cour unifiée de quelque chose. Cour unifiée du Québec
aurait été acceptable, mais nous avons suggéré au
ministre, depuis le début, formellement et informellement, je crois,
Cour du Québec. Et le ministre a retenu, finale- ment, cette
appellation-là de sorte que tous ces juges-là seront à la
Cour du Québec.
Deuxièmement, il y a également un comité triennal
d'examen de la rémunération et des avantages sociaux des juges
qui, encore une fois, a été inclus par le ministre par
amendement. Un rapport sera fait au gouvernement et le gouvernement, si ma
mémoire est bonne, a 30 jours, si le Parlement est en session, pour
déposer à l'Assemblée nationale ce rapport du
comité triennal formé de trois membres nommés par le
gouvernement mais sur lesquels nous n'avons absolument aucune précision
quant à la source de nomination.
Il y a également d'autres amendements. Par exemple, pour la Cour
supérieure du Québec, trois postes de juge de plus ont
été autorisés. Bref, il s'agit là, de façon
générale, d'un projet de loi qui constitue un pas en avant, mais
qui contient deux failles importantes sur lesquelles l'Opposition a
insisté avec rigueur et également avec vigueur. La
première faille: ces cours-là, Cour provinciale, Cour des
sessions de la paix et Tribunal de la jeunesse, ont actuellement des juges qui
sont en poste et qui occupent des fonctions administratives. Certains ont
été nommés juges en chef, d'autres, juges en chef
associés, d'autres, juges en chef adjoints. Le ministre a refusé
de protéger la nomination de ces juges qui ont accepté des
fonctions administratives, et ça, M. le Président, c'est tout
à fait inadmissible. C'est tout à fait inadmissible que le
ministre de la Justice, responsable d'une saine administration de la justice,
en vienne lui-même à causer une intrusion du pouvoir
législatif et du pouvoir exécutif dans le secteur judiciaire.
Premièrement, ces juges-là avaient des droits acquis aux
postes qu'ils occupaient de façon légitime en vertu d'une
nomination du Conseil exécutif, d'un décret du Conseil
exécutif. (23 heures)
Deuxièmement, ces juges avaient consacré temps et
énergie dans l'accomplissement de ces fonctions administratives, souvent
au détriment d'autres fonctions de nature plus juridique ou judiciaire
et on ne les considère pas.
Troisièmement, le projet de loi, tel qu'il existe
présentement, équivaut à congédier, à
remercier purement et simplement des juges qui ont accepté, à la
demande de l'État, d'occuper des fonctions. C'est inadmissible. Lors de
la mise sur pied de la Cour fédérale, qui remplaçait la
Cour de l'échiquier, lors de la modification législative qui
faisait que les mandats des juges nommés à vie passaient
dorénavant à des mandats de sept ans, on avait respecté
les nominations des juges à vie pour ceux qui étaient encore
concernés, en l'occurrence, à l'époque, M. le juge Gold et
M. le juge Geoffroy.
Bref, cette façon de faire du ministre, cette intrusion au
mépris des droits acquis et du caractère humain des
investissements faits par ces juges, au mépris de la nécessaire
séparation,
indépendance et autonomie du pouvoir judiciaire, cette
décision, malgré nos arguments en commission parlementaire, que
le ministre a décidé d'écarter. Il est vrai et utile de le
mentionner en cette Chambre - et non pas en commission parlementaire - que le
ministre a consenti à s'engager formellement par une déclaration
demandant de traiter avec justice, équité et
sérénité les juges que son projet de loi congédie.
Donc, on peut prévoir... L'argument du ministre était: J'ai une
nouvelle structure en poste. Je ne peux pas arriver à nommer les juges
qui sont actuellement en poste à l'intérieur de cette nouvelle
structure. Mathématiquement, c'était possible parce que
actuellement il y a huit juges qui occupent des postes administratifs et, avec
la nouvelle structure, il y a dix postes administratifs qui s'ouvrent. Donc,
c'était mathématiquement possible. Mais le ministre
considérait, à mon avis, de bonne foi quant à lui, mais
à cause d'un manque d'imagination de la part de ses fonctionnaires, il
considérait qu'il ne pouvait pas s'engager à maintenir en poste
ces juges, comme il aurait pu le faire en utilisant l'ordre de
préséance qui existe au Conseil de la magistrature. Le juge en
chef de telle cour est président, le juge en chef de telle autre cour
occupe tel autre poste, etc. Un exercice semblable avait déjà
été fait, le ministre s'en souviendra, pour le Conseil de la
magistrature.
Donc, pour nous, c'était insatisfaisant. Par contre, le ministre
de la Justice a pris un engagement, que nous respectons, de traiter avec
sérénité, équité et justice tous et chacun
des cas concernés. Quant à cette première faille, nous
sommes insatisfaits, mais pas au point de rejeter l'ensemble du projet de loi
ni d'entreprendre une opération visant à empêcher
l'adoption de ce projet de loi.
La deuxième faille - je termine là-dessus, M. le
Président - concerne le Tribunal du travail. On sait que le projet de
loi 30 - la loi 30 maintenant - qui crée la Commission des relations du
travail du Québec abolit, à toutes fins utiles, le Tribunal du
travail. Il y a des juges à l'intérieur de ce tribunal,
premièrement, et deuxièmement, il y aura des causes
pénales qui découleront de l'application des clauses
pénales du Code du travail. L'amendement que j'ai déposé
à l'article 27 vise, dans la continuité de la discussion que j'ai
eue avec le ministre en ce qui concerne le Tribunal du travail lors de la
commission parlementaire, à ce qu'il puisse y avoir une chambre du
travail au sein de cette cour du Québec. Le ministre, en commission
parlementaire, m'a dit: II y a la date d'entrée en vigueur du projet de
loi 30.
Motion d'amendement
Je soumets quand même un amendement pour que chacune des deux
divisions régionales de la Cour du Québec, c'est-à-dire
Montréal et Québec, comprendrait quatre chambres, la chambre
civile, la chambre criminelle ou pénale, la chambre de la jeunesse et la
chambre du travail, et en ce qui concerne les poursuites prises en vertu de la
Loi sur les poursuites sommaires pour des infractions prévues au Code du
travail, que ces poursuites soient entendues par des juges de la chambre du
travail. La juridiction de la chambre du travail serait exercée
exclusivement par les juges affectés à la chambre du travail,
mais ces juges pourraient entendre d'autres causes que celles issues du milieu
du travail.
Je pense qu'on comprendra facilement que, si on demande aux juges de ne
faire que cela, il n'est pas sûr qu'il y aura suffisamment de poursuites,
par exemple, qui découleraient de la Loi sur la qualification
professionnelle des entrepreneurs en construction, la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction, le Code du travail, pour justifier
des juges à temps plein. Donc, on dirait que ce sont ces juges qui
entendent les causes, mais qu'ils n'entendent pas que ces causes.
Donc, c'est pour cela que l'amendement spécifie que cette
affectation peut être attribuée de façon
complémentaire à une affectation à une autre chambre de la
cour. Je ne crois pas que le ministre soit favorable à cet amendement,
mais, à ce moment-là, nous pourrons en disposer
démocratiquement selon nos règles en cette Chambre.
En ce qui concerne la première faille, si le ministre veut bien,
dans sa réplique, répéter ce qu'il m'a dit en commission
parlementaire, on sait que cette Chambre a quand même un décorum
particulier, qui n'est pas celui des commissions parlementaires, bien cela
rassurerait encore davantage celui qui vous parle. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le ministre de la Justice pour une réplique de cinq
minutes au maximum.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Quand j'ai
déposé le projet en première lecture, et au moins en
deuxième lecture, quand le député de Taillon a
parlé, il a parlé d'une coquille vide. Aujourd'hui, il a dit que
ce n'est pas vraiment une coquille vide, que c'est une loi d'une certaine
importance. J'ai rappelé au député de Taillon que, lorsque
mon prédécesseur a parlé de déposer ce projet de
loi - voici un article dans Le Devoir - il a parlé - c'est
Marc-André Bédard, député péquiste de
Chicoutimi, ministre de la Justice de l'époque - il a parlé de
déposer ce projet de loi qu'il n'a jamais déposé, il a
parié d'une réforme majeure. Est-ce que le député
de Taillon veut me dire maintenant que Marc-André Bédard a
essayé de tromper la population en disant que c'était une
réforme majeure? Je ne le pense pas parce que je connais bien
l'ancien
ministre de la Justice. Il n'a jamais essayé de tromper la
population.
Donc, je ne veux pas dire que c'est une réforme majeure. Je
dirai, comme le député de Taillon, que c'est une réforme
importante. Après avoir dit tout cela, le député de
Taillon commence à me féliciter pour les amendements que j'ai
proposés en commission parlementaire. Merci, M. le député
de Taillon, cela me rassure.
Quatrièmement, le député a parlé de deux
failles dans la loi. Il a parlé, premièrement, de la nomination
du juge en chef de la Cour du Québec. Vous comprenez, M. le
Président, vous êtes vous-même avocat, vous avez
plaidé devant les tribunaux. Nous avons trois juges en chef. Ce serait
impossible de nommer les trois comme juges en chef de la Cour du Québec
parce que la Cour du Québec aura seulement un juge en chef.
Donc, il y a un problème. Nouvelle structure. Il va y avoir des
nominations pour remplir les postes dans la nouvelle Cour du Québec,
quoique j'admette volontiers que le député de Taillon m'a bien
cité quand j'ai dit qu'on va s'occuper de cette transition de
façon sereine, équitable et juste. (23 h 10)
En ce qui concerne le Tribunal du travail, cela est un autre
problème parce que, dans la loi 30, on prévoit l'abolition du
Tribunal de travail, c'est-à-dire que, dans la loi 30, on veut
déjudi-ciariser les relations du travail. On prévoit une
Commission des relations du travail. Donc, on prévoit qu'il n'y aurait
que peu ou pas de causes devant les tribunaux. Nous avons discuté de
cette question en commission parlementaire. Malheureusement, M. le
Président, nous ne pouvons pas accepter l'amendement proposé par
le député de Taillon. De toute façon, la loi 30 n'est pas
en vigueur. Le Tribunal du travail existe. Si le Tribunal du travail
disparaît avec la mise en vigueur de la loi 30, tous les juges qui se
trouvent au Tribunal du travail vont intégrer la Cour du
Québec.
J'aimerais insister sur un autre point. Nous avons établi un
comité formé des fonctionnaires et des juges du Tribunal du
travail pour trouver des mécanismes qui feraient la transition, le cas
échéant. J'ai rencontré le juge en chef du Tribunal du
travail, les autres juges, et je peux vous dire que nous avons
déjà mis sur place ce comité pour trouver des moyens, des
mécanismes, si vous voulez, pour faire la transition si la loi 30
était mise en vigueur. Cela étant dit, M. le Président, je
dois répéter que l'amendement n'est pas recevable pour nous et on
va voter contre l'amendement.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé, nous allons maintenant procéder au vote. D'abord sur
l'amendement et ensuite sur le rapport de la commission.
Mise aux voix de l'amendement
L'amendement proposé par M. le député de Taillon
est pour l'article 27 du projet de loi 10, amendement qui a pour objectif
d'apporter des amendements aux articles 80 et 82 et d'ajouter l'article 83.1
à la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.Q., Lois refondues du
Québec, chapitre T-16. Donc, est-ce que l'amendement proposé par
M. le député de Taillon à l'article 27 est adopte?
Des voix: Rejeté.
Le Vice-Président: Donc, rejeté. C'est
rejeté purement et simplement, mais sur division. Il est
rejeté.
Adoption du rapport
Maintenant, le rapport de la commission des institutions qui a
procédé à l'étude détaillée du projet
de loi 10, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres
dispositions législatives, en vue d'instituer la Cour unifiée,
est-il adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 19 du feuilleton.
Projet de loi 3 Adoption
Le Vice-Président: À l'article 19 du feuilleton, M.
le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 3, Loi
modifiant le Code civil en matière de copropriété et
d'emphytéose. Y a-t-il des interventions? Il n'y a pas d'intervention.
La motion est-elle adoptée?
M. Lefebvre: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Article 20 du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi 4 Adoption
Le Vice-Président: À l'article 20 du feuilleton, M.
le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 4, Loi
modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière
familiale. Y a-t-il des interventions à ce moment-ci? M. le
député de Taillon.
M. Claude Fillion
M. Filion: Merci, M. le Président. Le projet de loi 4, on
le sait, vise à permettre aux parties d'éviter d'avoir à
rendre témoignage dans une cause de séparation de corps, donc, de
signer les documents qui tiennent lieu de leur témoignage. Ce projet de
loi s'inscrit dans une très longue démarche de
déjudiciarisation, de simplification des mésententes
matrimoniales. C'est un objectif tout à fait louable. Le
problème, c'est que d'un côté on cherche à
simplifier la vie et que de l'autre côté, il existe des lois au
sein du gouvernement et particulièrement en ce qui concerne les articles
30, 31, 32 et 33 du projet de loi 37 proposé par le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui visent à
judiciariser davantage toutes les demandes alimentaires à
l'intérieur d'une procédure de séparation de corps ou de
divorce.
C'est là qu'on voit qu'on manque de cohérence au sein du
gouvernement pour ce qu'on veut faire en matière matrimoniale. J'ai
signalé tantôt et je signale de nouveau au ministre de la Justice,
pour qu'il puisse faire ses devoirs, que les articles 30, 31, 32 et 33 de ce
projet de loi, viennent directement en contradiction avec le projet de loi 4 et
toute la philosophie qui sous-tend le projet de loi 4.
D'abord, les délais. Pourquoi présente-on le projet de loi
4? Pour que les délais soient moins longs. Par contre, en ce qui
concerne les plus démunis de notre société que sont les
assistés sociaux, cela va prendre encore plus de temps parce que le
ministre n'aura pas la chance de consentir à l'entente alimentaire qui
pourrait intervenir. En deux mots, c'est comme si on avait deux justices, une
pour les riches qui va aller vite, l'autre pour les pauvres où le
ministre va devoir consentir... Imaginez, envoyer le consentement au ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et attendre que
ce consentement revienne avec l'approbation du ministre. Bonne chance tout le
monde! Si vous voulez avoir votre jugement de pension alimentaire à
l'intérieur d'un délai raisonnable, bonne chance!
Bref, une entreprise contradictoire issue d'un même gouvernement
qui risque d'annihiler toute la portée du projet de loi 4. C'est le type
de dossiers sur lesquels il faut qu'un ministre de la Justice se penche avec
cohérence. Il n'est pas trop tard, l'étude article par article du
projet de loi 37 n'est pas encore faite, mais cela ne nous donne rien d'adopter
des projets de loi comme le projet de loi 4, qui est à l'étude,
qui est bien fondé, qui a de l'allure, parce que cela va simplifier la
vie des gens déjà impliqués dans des procédures
judiciaires désagréables. Mais on risque d'annihiler ces efforts
si, d'un autre côté, on judiciarise et on bureaucratise des
ententes intervenues entre parties consentantes avec des avocats qui sont
là pour les conseiller et qui ont prêté serment, et devant
des juges qui sont là pour ratifier des consentements et vérifier
si les consentements tiennent compte de la situation réelle.
Bref, le projet de loi 4, certes, mais il faudrait un minimum de
cohérence au sein du gouvernement et, surtout, qu'on profite de
l'étude en commission parlementaire, article par article, du projet de
loi 37 concernant la réforme de l'aide sociale, pour modifier ces
dispositions qui ne tiennent pas debout. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je vais céder la parole à
M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx (réplique)
M. Marx: M. le Président, je pense que le
député de Taillon a mêlé les pommes et les oranges.
Je pense que c'est tout à fait différent. Le projet de loi 4 et
le projet de loi 37 sont deux choses complètement
différentes.
Le projet de loi 4, c'est pour prévoir qu'on peut avoir une
séparation de corps par affidavit au lieu de se présenter en
personne. Cela se fait déjà en matière de divorce. On veut
faire la même chose en matière de séparation. Nous avons
aussi déposé un amendement à ce projet de loi en ce qui
concerne l'harmonisation du Code de procédure civile avec la loi
fédérale sur les saisies pour les pensions alimentaires.
Dès l'adoption de ce projet de loi, par exemple, il sera possible pour
le créancier d'une dette alimentaire de saisir la pension du
fédéral de son débiteur. Supposons que madame X a droit
à une pension alimentaire de 500 $ par mois et que son ex-mari ne lui
envoie pas le chèque, il sera possible pour elle de saisir même
une partie de la pension de vieillesse de ce dernier ou, le cas
échéant, une partie de son chèque
d'assurance-chômage. C'est donc une harmonisation avec une loi
fédérale qui a été adoptée le 3 mai
1988.
En somme, ce qu'on fait avec ce projet de loi, c'est qu'on est en train
de raffermir et de renforcer les droits des Québécois. C'est
l'objet de ce projet de loi, surtout cette partie qui traite de l'harmonisation
avec la loi fédérale. Pour cette raison, je pense que c'est une
loi importante qui devrait être adoptée avant la fin de la
session. Merci.
M. Filion: Article 213, M. le Président.
Le Vice-Président: En vertu de l'article 213, M. le
député...
M. Filion: En vertu de l'article 213, je voudrais poser une
question au ministre. (23 h 20)
Le Vice-Président: Oui. M. le député de
Taillon, vous demandez la permission de poser une question au
député qui vient de terminer une intervention, soit le ministre
de la Justice. Est-
ce que, M. le ministre de la Justice, vous acceptez une question de M.
le député de Taillon?
M. Marx: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: Je rappelle à nos deux
intervenants que la question et la réponse doivent être
brèves. M. le député de Taillon.
M. Filion: Je serai aussi bref que pendant la période de
questions, M. le Président.
Le Vice-Président: Je ne suis pas sûr! M. Marx:
Cela va prendre toute la soirée.
M. Filion: Bien simplement, le ministre disait tantôt que
je confondais les pommes avec les oranges. Même s'il est tard, je ne le
prends pas. Est-ce que le ministre convient que le projet de loi 4 vient
simplifier les procédures entre époux?
M. Marx: En matière de séparation.
M. Filion: Oui, en matière de séparation de corps.
Alors, admettant cela, c'est tout à fait normal, le projet de loi 4
vient simplifier. Tantôt, le ministre prenait connaissance des articles
30 à 33 du projet de loi 37. Est-ce qu'il admet que ces articles, qui
sont extrêmement dangereux - il le dira au Conseil des ministres -
viennent compliquer énormément la vie des pauvres gens qui sont
en train de se séparer ou de divorcer et qui doivent se
référer obligatoirement, pas le mettre en cause, au ministre du
Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu? Est-ce que le ministre avait pris connaissance de cela?
Le Vice-Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: M. le Président, je suis d'accord avec ce que le
député de Taillon a dit en ce qui concerne le projet de loi 4 et
I'affidavit qui va permettre aux personnes d'avoir une séparation de
corps sans se présenter en personne devant le tribunal, le cas
échéant. Ce sera fait par affidavit.
En ce qui concerne le projet de loi 37, je veux respecter le
règlement de l'Assemblée nationale. Nous ne sommes pas en train
de discuter du projet de loi 37, et je sais que je n'ai pas le droit de
répondre à cette question parce que cela ne tombe pas dans le
cadre du projet de loi que nous sommes en train de discuter.
Une voix: Très bien.
Le Vice-Président: Donc, le débat étant
clos, est-ce que le motion d'adoption du projet de loi 4, Loi modifiant le Code
civil et le Code de procédure civile en matière familiale, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: L'article 21 du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi 8 Adoption
Le Vice-Président: À l'article 21 du feuilleton, M.
le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 8, Loi
sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Est-ce qu'il y a des interventions,
à ce moment-ci?
M. Filion: Je pense que... Le Vice-Président: M. le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Simplement quelques mots, M. le Président. Je
comprends qu'on est intervenu à plusieurs reprises sur le projet de loi
8. Ce n'est pas mon intention de recommencer le discours de deuxième
lecture, ni celui de la commission parlementaire. Cependant, on ne peut pas,
à cette étape de la troisième lecture de ce projet de loi,
passer sous silence la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels qui a fait
beaucoup d'éclat dans les journaux, on s'en souviendra.
Uniquement pour signaler une couple de choses, rapidement.
Premièrement, ce n'est pas une loi d'aide financière aux victimes
d'actes criminels. Ceux qui ont lu cela dans les journaux,
détrompez-vous. Il y a déjà une loi qui existe et qui
fournit une aide financière aux victimes d'actes criminels et qu'on
appelle communément l'IVAC, Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Cette loi existe déjà et elle n'est pas
modifiée par le projet de loi 8. Deuxièmement, ce qu'il y a de
contenu dans le projet de loi aurait pu être fait administrativement.
Pour créer un bureau au sein de son ministère, on passe huit
articles dans le projet de loi. Imaginez-vous, pour dire au ministre qu'il va
mettre quatre fonctionnaires ensemble dans une même pièce, arriver
et créer un bureau. Je n'ai jamais vu cela. Il aurait pu procéder
à créer ce bureau sans aucune espèce de
problème.
Il y a des centres locaux d'aide aux victimes d'actes criminels qui
existent déjà. Le ministre aurait pu créer, parce qu'il
existe déjà de ces centres-là au moment où l'on se
parle, les centres d'aide aux victimes d'actes criminels sans amener les
tambours et les trompettes d'un projet de loi. Le ministre, pour des raisons
qui
lui appartiennent, a voulu se donner une belle visibilité dans le
dossier des victimes d'actes criminels. Il voulait occuper un peu plus de place
que dans le dossier du financement, de certains financements, et il a pris soin
d'annoncer, après avoir fait une tournée, sur laquelle je le
félicite, d'ailleurs... Le ministre dit que je ne le félicite
jamais, M. le Président.
Une voix: Enfin!
M. Filion: J'entends un député de l'autre
côté qui dit: Enfin! Alors, je le félicite
là-dessus. Il a entrepris une tournée. Il est allé
écouter les gens. Il a créé beaucoup d'expectative. Il
arrive avec un projet de loi qui, encore une fois, n'a pas le gabarit d'un
projet de loi qui porte un nom aussi pompeux que Loi sur l'aide aux victimes
d'actes criminels, parce qu'à peu près tout ce qui est compris
dans le projet de loi aurait pu être fait de façon
administrative.
Quant au fond, c'est-à-dire le principe d'aider les victimes
d'actes criminels, là, c'est clair. Cette préoccupation germe
depuis déjà une décennie dans l'esprit de plusieurs
sociétés développées comme la nôtre. Ici, au
Québec, il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites.
La Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels remonte à
quand, M. le Président? À 1972! Cela veut dire que cela fait
déjà seize ans que cela existe.
Là, on va, administrativement parlant, un peu plus loin. C'est un
projet de loi que nous avons appuyé en deuxième lecture. C'est un
projet de loi que nous avons débattu dans le sens de le bonifier et de
l'améliorer en commission parlementaire. Et, à cette étape
de troisième lecture, c'est un projet de loi que nous appuyons, mais,
s'il vous plaît, il ne faudrait pas partir en peur nulle part au
Québec et s'imaginer qu'il y a un nouveau régime d'aide aux
victimes d'actes criminels. Ce n'est pas le cas. Le titre du projet de loi
annonce beaucoup plus que le contenu. Cependant, ce n'est pas une raison pour
voter contre. C'est pourquoi nous appuierons ce projet de loi.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx (réplique)
M. Marx: Merci, M. le Président. Je pense que le
député de Taillon doit accepter que nous avons fait beaucoup pour
les victimes d'actes criminels depuis deux ans et demi. Premièrement,
nous avons mis en place une politique en matière de violence conjugale
au début de 1986, une politique qui marche très bien. Je ne dirai
pas qu'il n'y a pas d'autre chose à faire. Il y a beaucoup à
faire. Mais nous avons déjà une politique énergique de
poursuites contre les batteurs de femmes. Nous avons installé une ligne
téléphonique, une ligne WATS, pour les femmes qui veulent avoir
l'information et ainsi de suite. Nous en avons fait beaucoup.
Même cette année, nous allons injecter 3 000 000 $ dans ce
dossier de la violence conjugale, au ministère de la Justice et au
ministère du Solliciteur général, et 1 800 000 $ pour
engager plus de procureurs de la couronne.
M. le Président, quand j'ai été nommé
ministre de la Justice en décembre 1985, nous avons eu 223 postes de
procureurs de la couronne. Nous avons maintenant 265 postes et avec les quelque
2 000 000 $ que je viens de mentionner, nous avons l'intention d'engager encore
plus de procureurs de la couronne. Nous avons également eu des
crédits pour 1 000 000 $ pour engager des agents de probation dans ce
dossier de violence conjugale.
L'an dernier, en 1987, j'ai fait une tournée pour parler à
la population pour voir ce que la population aimerait avoir en ce qui concerne
les droits des victimes d'actes criminels. Je peux vous dire que,
jusqu'à maintenant au Québec, on a donné tous les droits,
on a mis l'accent sur les contrevenants, et on n'a rien fait pour les victimes.
On a utilisé les victimes comme des instruments pour faire la preuve
devant les tribunaux. Tout cela va changer. Cela a déjà
commencé à changer et cela va changer encore.
Pour le projet de loi qu'on discute maintenant, j'aimerais seulement
faire mention de quatre points sur l'objet de ce projet de loi.
Premièrement, nous avons énoncé les droits des victimes et
également leurs obligations. Deuxièmement, le projet de loi
crée un Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels au ministère
de la Justice, un bureau qui va faire la coordination de tout ce travail
auprès des victimes d'actes criminels. Troisièmement, nous avons
prévu la création de centres d'aide aux victimes d'actes
criminels dans tout le Québec. Cela n'existe pas au Québec. Cela
n'existe pas en Ontario. Cela n'existe pas ailleurs au Canada. Bien, cela va
exister au Québec. (23 h 30)
J'ai de bonnes nouvelles pour le député de Taillon. Je
sais qu'il va me féliciter quand je vais lui dire que j'ai l'intention
d'ouvrir le premier centre d'aide aux victimes d'actes criminels au
Québec ce mois-ci, probablement la semaine prochaine. Au fur et à
mesure qu'on pourra ouvrir d'autres centres, ce sera fait. Dans les mois
à venir, il sera possible d'ouvrir des centres dans les
différentes villes du Québec.
Quatrièmement, nous avons prévu un fonds d'aide aux
victimes d'actes criminels. Nous pensons avoir un montant de 2 000 000 $ pour
la première année de fonctionnement de ces centres d'aide aux
victimes d'actes criminels, pour donner suite au programme que nous allons
mettre sur pied. Donc, si on prend tout le projet de loi, si on prend la
première partie qui traite des droits des victimes, du fait que nous
allons créer un Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le bureau
va coordonner le travail des
centres d'aide aux victimes d'actes criminels au Québec. Nous
allons créer un fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Je pense
qu'avec les 2 000 000 $ que nous allons injecter dans ces programmes la
première année, il sera possible de faire beaucoup afin d'avancer
le dossier des victimes d'actes criminels au Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Le débat étant clos,
est-ce que cette motion d'adoption du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux
victimes d'actes criminels, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: L'article 24 du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi 20 Adoption
Le Vice-Président: À l'article 24 du feuilleton, M.
le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 20, Loi
portant abrogation de certaines dispositions législatives. Est-ce qu'il
y a des interventions? Il n'y a pas d'intervention. Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je vous demanderais
d'appeler à nouveau l'article 7 du feuilleton, s'il vous
plaît.
Projet de loi 37 Reprise du débat sur
l'adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 7 du feuilleton,
nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion de M. le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
proposant l'adoption du principe du projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu. Je vais reconnaître comme prochain
intervenant M. le député d'Un-gava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Une brève
intervention pour souligner quelques aspects de cette loi qui me semble pour le
moins contestable et très négative à l'égard des
assistés sociaux du Québec qui, contrairement à ce que
prétend le ministre au départ, comme prémisses à
son projet de loi, ne sont pas des assistés sociaux parce qu'ils le
veulent.
Quand on regarde le projet de loi qu'on a sous les yeux, le projet de
loi 37 déposé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail, on a l'impression que
les assistés sociaux au Québec sont des assistés sociaux
parce qu'ils ont fart un choix de société, parce qu'ils ont fait
le choix de vivre là-dessus. Finalement, il faudrait les empêcher
de faire ce choix. On a l'impression que le ministre s'attaque à une
espèce de plaie sociale, qu'il les considère comme cela et qu'il
veut essayer de trouver un remède à cela.
M. le Président, je pense que...
Le Vice-Président: S'il vous plaît! Messieurs les
députés, je vous demanderais de maintenir l'ordre, s'il vous
plaît, de parler beaucoup moins fort ou de faire vos caucus à
l'extérieur de la Chambre. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je pense qu'à
force d'intervenir là-dessus le ministre va peut-être finir par
comprendre. D'ailleurs, au moment de la période de questions, ce matin,
et au cours des travaux de l'Assemblée nationale, on a vu toute une
série de pétitions qui ont été remises par ses
propres collègues, membres de l'aile ministérielle de cette
Assemblée. Elles disent justement au ministre: Écoutez, M. le
ministre, ce n'est pas ça. On n'est pas des assistés sociaux
parce qu'on veut être des assistés sociaux. On n'a pas choisi cet
état pour en vivre indéfiniment. Ce sont les conditions sociales,
c'est l'ensemble des conditions socio-économiques dans lesquelles on
s'est retrouvés qui ont fait qu'on doive vivre momentanément sur
l'aide sociale. C'est ce que nous disent les assistés sociaux. C'est ce
qu'ils disent au ministre depuis des mois et des mois, depuis qu'il est
arrivé avec sa réforme de l'aide sociale.
On se retrouve aujourd'hui, M. le ministre, devant un projet de loi qui,
à maints égards, ne satisfait en rien, ne règle en rien le
problème des assistés sociaux, qui est le problème
fondamental, c'est-à-dire de trouver des solutions pour aider les gens
qui, momentanément, sont réduits à vivre malgré eux
de l'aide sociale, pour les recycler et les remettre vraiment dans le circuit
économique, dans une économie qui est censée être
dynamique, tel que le prétend quotidiennement le premier ministre, une
économie qui se porte bien comme le disait dernièrement le
ministre des Finances, une économie en laquelle on peut se permettre
d'espérer et où on peut se permettre de réduire le
déficit, comme cela plaît énormément au
président du Conseil du trésor, enfin dans un monde où
tout va bien.
D'une part, ce gouvernement donne l'impression, se donne l'image, se
gonfle le torse en disant: Tout va bien au Québec! Ici, à la
période de questions, on a l'impression que tout va bien, on a des
réponses de bouffons, on n'est jamais
capables d'aller au fond des choses. Alors, on donne l'impression que
tout va bien, mais malheureusement pour ce gouvernement il y a quelque chose
qui le fatigue, c'est que cela va bien pour une certaine catégorie de la
population, mais il y a un autre groupe qui est un peu fatigant, cela nuit un
peu à l'image. Alors, qu'est-ce qu'on va faire?
Étant donné que ce gouvernement n'a pas réussi
à trouver de solution pour améliorer véritablement le sort
de cette partie de la société qui, pour toutes sortes de raisons
qui leur échappent pour la grande majorité, se retrouve dans une
situation marginale par rapport à tout le contexte économique
dans lequel nous vivons, eh bien! le ministre au lieu de prendre son chapeau de
ministre du Travail et dire: on va tout faire pour vous trouver de l'emploi, ne
craignez pas, c'est en attendant, on ne vous égorgera pas, on va vous
donner la chance de vivre du mieux que vous pouvez, mais c'est seulement en
attendant parce que moi, comme ministre du Travail, avec mon chapeau bien
enfoncé sur la tête, je vais vous en trouver de l'emploi et cela
presse... Ce n'est pas cela qu'il fait.
Le ministre du Travail enlève son chapeau et il met le chapeau de
ministre responsable de l'aide sociale, s'en va voir le président du
Conseil du trésor et lui demande: As-tu une commande pour moi? Le
président du Conseil du trésor dit: Oui, mon "chum", ton aide
sociale coûte trop cher, es-tu capable de me couper cela? Là, on
se retrouve avec un beau projet de loi, cela paraît bien, mais en fin de
compte, il ne fait que répondre à une commande du
président du Conseil du trésor qui trouve que cela coûte
trop cher. Comme il n'y a pas de solution pour baisser les 10 % de
chômage chronique qu'on a actuellement au Québec, il dit: On va du
moins essayer de désamorcer ou de rapetisser l'abcès qu'on a, qui
nous fatigue, et on va s'organiser pour sortir le plus de gens possible de
l'aide sociale; comme cela, on pourra balancer nos colonnes; Le
président du Conseil du trésor va trouver que cela lui
coûte moins cher; le ministre des Finances va avoir des chiffres
extraordinaires à donner: diminution de l'aide sociale au Québec.
Qu'est-ce qu'on va avoir fait en réalité? On va avoir encore plus
marginalisé une classe de la société qui est
déjà trop marginale, qui vit déjà en
deçà du seuil de pauvreté.
Je vois des gens qui opinent du bonnet de l'autre côté, qui
me disent non, qui font toutes sortes de signes. Prenons quelques chiffres
s'ils ne me croient pas. Je les mets au défi, M. le Président, de
vérifier la véracité des chiffres en faisant les calculs
à l'intérieur du projet de loi que leur ministre a
déposé.
Économies prévisibles, l'ensemble des économies
prévisibles dans l'application de ce projet de loi quand on en fait la
déduction de l'application des différents articles avec le nombre
de bénéficiaires qui correspond à chacun de ces
articles.
Au chapitre de la contribution alimentaire parentale,
c'est-à-dire si ton père est un peu en moyens, c'est bien de
valeur, mais il va falloir qu'il te soutienne plus longtemps et cela va te
coûter plus cher. Alors, cela fera diminuer le coût. Sauf que ce
qu'on a oublié là-dedans aussi, c'est que le parent n'est
peut-être pas nécessairement en moyens, il n'a peut-être pas
nécessairement la capacité de continuer à payer, mais ce
n'est pas grave, on dit: Nous autres, on regarde ce que ton père gagne;
tu as bien beau avoir 24 ou 25 ans, ce qu'on regarde, c'est ce que ton
père gagne, même si cela fait trois ou quatre ans que tu ne restes
plus chez vous, tu n'as qu'à y retourner et cela va coûter moins
cher au gouvernement. 82 000 000 $, tout près de 83 000 000 $, tout de
suite en partant, que le président du Conseil du trésor va mettre
dans ses poches avec cette seule mesure. Avec la contribution alimentaire
parentale, on coupe de 83 000 000 $. (23 h 40)
Le partage du logement. Une autre belle mesure! Le ministre dit: C'est
bien dommage, mais j'ai l'impression que je paie deux ou trois fois le
même logement quand je signe mes chèques. On va toujours bien
aller voir s'il ne se pourrait pas qu'il y en ait deux ou trois qui ont des
chèques et qui pourraient partager le même logement. Là, il
va commencer à tout surveiller cela. On ne sait pas combien cela va lui
coûter pour appliquer cela par exemple. Ce n'est pas grave la
dépense qu'on va faire dans cela, mais on va aller scruter à la
loupe le comportement de tous et chacun pour bien s'assurer qu'il n'y en ait
pas qui partagent le même logement. Si on en trouve qui partagent le
même logement, on va couper. Lui, il a fait ses calculs
déjà, ou le président du Conseil du trésor a fait
ses calculs à sa place, et il a dit: Mon "chum", si tu me passes cette
mesure, cela va coûter 70 000 000 $ de moins au gouvernement et le
ministre des Finances va être content parce qu'il va avoir des surplus,
et le premier ministre va pouvoir se péter les bretelles du fait de
baisser le déficit. Alors, organise-toi pour en trouver des gens qui
partagent leur logement parce que c'est une mesure qui vaut 70 000 000 $.
On continue. Les mesures de disponibilité ou
d'employabilité. La belle affaire! M. le Président, actuellement
les mesures d'employabilité s'appliquent à peu près
à 100 000 ménages au Québec, et il n'y en a que 17 % qui
peuvent en bénéficier pour toutes sortes de raison. On a les
chiffres très précis de cela. Si nos collègues veulent en
profiter, on pourra toujours leur montrer, à moins qu'on ne les ait
informés du contraire. Ce sont des chiffres disponibles et qui
pourraient peut-être allumer leur lanterne au moment de voter sur le
projet de loi. Ces chiffres sont par catégories d'âge: 18-21 ans,
22-25 ans, 26-29 ans, etc. On arrive avec une
moyenne totale au 1er octobre 1987, cela ne fait pas si longtemps que
cela, de 16,8 % de ceux qui étaient admissibles aux programmes de
mesures d'employabilité, qui pouvaient effectivement y participer pour
toutes sortes de raisons. Ce n'est pas dans tous les milieux que c'est
disponible, il y a des contraintes qui font en sorte que ce n'est
peut-être pas possible pour certains, et il y a toutes sortes de choses
qui font qu'en réalité sur 135 589 bénéficiaires
potentiels qu'on pouvait escompter au 1er octobre 1987, il n'y en avait que 22
781 qui pouvaient y participer ou y adhérer, donc, 16,8 %. Le ministre
dit: Ce n'est pas grave! Les quelque 84 % qui restent, c'est de leur faute
s'ils n'en ont pas. Ce n'est pas grave, puis, moi, je suis bien plus fin que
les autres ministres qui ont passé avant moi, je m'en vais
étendre cela à 230 000 ménages au Québec, et tout
le monde va embarquer parce que s'il n'embarque pas on va le couper.
Puis, il va un peu plus loin encore. Dernièrement, dans une
déclaration ministérielle, il disait: La participation aux
mesures de maintien de développement de l'employabilité est
volontaire. Je ne vous force pas, c'est volontaire. Mais il fallait lire la
deuxième phrase: Une personne en attente de participation ou qui refuse
de participer demeurera disponible. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que tu
n'es pas obligé de participer aux mesures d'employabilité, je ne
t'obligerai pas, c'est de tes affaires si tu choisis de ne pas y aller, mais,
par contre, si tu n'y vas pas, je t'attends au détour parce que tu vas
rester quelqu'un de disponible et supposément apte au travail, et,
à ce moment-là, à moins que tu ne sois capable de me faire
la preuve, et ce ne sera pas facile à faire, c'est bien dommage, mais tu
vas être coupé tant que tu ne retourneras pas travailler. Puis, il
n'y en a pas d'emploi. Il y a 10 % de chômage. À quelle place
qu'il va les mettre au travail? Il n'a pas de mesures, parce qu'il a
oublié son chapeau de ministre du Travail, et il n'est pas capable de
leur en trouver des emplois. Il n'y en a pas. Mais il dit: Ce n'est pas grave,
si tu n'en trouves pas de job, tant pis pour toi, t'avais rien qu'à
travailler, et je m'en vais te couper. C'est ce qu'il dit. Il le dit plus
poliment que cela dans son projet de loi, c'est clair. Il le dit avec de beaux
grands termes pour que personne le comprenne, mais, quand on prend le temps de
le décortiquer et de regarder fondamentalement ce que cela veut dire,
c'est ce que cela veut dire et c'est ce sur quoi vous allez voter, vous tous,
les collègues de l'Assemblée nationale, membres de l'Opposition
ou membres de l'aile ministérielle. C'est là-dessus que vous
allez voter. J'espère que vous allez tous prendre le temps de le
comprendre, vous, les membres de l'aile ministérielle, qui vous
êtes peut-être fait "briefer" pendant quelques minutes par un
ministre qui a le vent dans les voiles, l'appui du premier ministre, du
président du Conseil du trésor, du ministre du Revenu, du
ministre des Finances, des gens pour qui c'est important que cela coûte
le moins cher au gouvernement. Savez-vous combien cela va coûter en moins
au gouvernement, les mesures d'employabilité dont on vient de parier?
140 000 000 $. Le président du Conseil du trésor dit: On va
épargner 140 000 000 $ avec cela. C'est quoi des mesures
d'employabilité? Pour ceux qui en douteraient, et pour les quelques
collègues peut-être qui n'ont pas eu le temps de consulter leurs
notes et qui ne savent pas de quoi ils parlent lorsqu'ils parlent de cela.
Mesures d'employabilité? Ce sont: Travaux communautaires, Stages en
milieu de travail, Rattrapage scolaire, Retour aux études
post-secondaires; en gros, ce sont les quatre grandes mesures
d'employabilité que nous avons actuellement. Il n'y a rien de nouveau
là-dedans. Le ministre n'a rien inventé. Il a juste à
aller voir ce qui se passait auparavant. Le ministre aime blâmer l'ancien
gouvernement pour ses comportements. C'est drôle, il a embarqué
exactement dans la même lignée de ce que faisait l'ancien
gouvernement qui essayait, sans égorger qui que ce soit, sans avoir
besoin de polices secrètes qui se promènent dans les rues en
frôlant le long des murs pour ne pas se faire voir à minuit le
soir, de mettre en place des mesures d'employabilité, puis de
développer des possibilités alternatives pour les assistés
sociaux, pour qu'ils retournent sur le marché du travail.
On n'avait pas besoin de cela dans l'ancien gouvernement. On n'a pas eu
besoin de passer par les mesures de guerre, j'oserais dire, puis de leur faire
une lutte à mort, une lutte à finir. On a dit: On croit en vous
autres, on sait que vous avez des problèmes, on va prendre des mesures
qui sans vous égorger, vont vous recycler sur le marché du
travail, puis on va vous inciter à venir tranquillement, à
retrouver une place au soleil dans cette société de
prospérité, d'abondance, comme se plaisent à le dire le
ministre des Finances et le premier ministre.
Le ministre du Travail et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu prend les mêmes mesures, mais il ne les
applique pas tout à fait de la même façon, c'est là
la grosse différence. Il dit: Au lieu de me servir de ces mesures pour
aider les assistés sociaux à se faire une place au soleil, je
vais en profiter pour les égorger. Cela, c'est comme un couteau. Un
couteau peut être bien utile, mais bien nuisible aussi, il s'agit de
savoir comment l'utiliser. Le feu, c'est pareil. C'est Einstein qui disait que
la plus grande découverte de l'humanité était l'allumette.
C'est vrai, c'est utile le feu et sans le feu on n'irait pas loin. Mais c'est
aussi drôlement destructeur quand on l'utilise mal. C'est ce que fait le
ministre actuellement en changeant la portée, les objectifs, les buts
d'éléments fondamentaux, d'éléments devant
être utilisés à bon escient pour aider les assistés
sociaux à se faire une place au soleil, à redevenir de
véritables citoyens productifs qui participent à part
entière dans cette économie dite prospère. Lui, il prend
les mêmes outils, mais il
les cale avec. Il dit: Si tu n'embarques pas dans l'outil puis si tu ne
le prends pas, moi, je te coupe. Cela, c'est ce qu'on appelle de la menace.
C'est comme cela qu'on doit qualifier le projet de loi actuellement; de la
menace.
On en était donc rendu aux mesures d'employabilité; 140
000 000 $ de moins. La parité pour les jeunes maintenant. On se
souviendra de la petite histoire, M. le Président, c'est facile à
comprendre la petite histoire. En campagne électorale, nous de
l'Opposition, savons ce qu'il a fallu endurer à cause de cela. En
campagne électorale, tous les candidats libéraux se promenaient
à la grandeur du Québec, le premier ministre en tête, alors
chef d'un parti aspirant au pouvoir, même pas élu, en disant: Pas
de problèmes les jeunes, embarquez derrière nous autres, vous
allez voir, nous, les libéraux on vous comprend. Vous allez voir, on va
vous montrer qu'on est capable de faire quelque chose pour vous.
N'écoutez pas les péquistes, ils vont seulement vous raconter des
menteries. Écoutez-nous, nous autres. Tout le monde va avoir droit
à un même niveau d'aide sociale. C'est fini les coupures, puis
vous avez fini de vous faire manger la laine sur le dos. Regardez où
nous en sommes rendus aujourd'hui: fausse parité, parité à
la baisse. On a trompé les jeunes du Québec. Savez-vous comment
cela va coûter la parité? 70 000 000 $ de moins. La belle affaire!
On va nous faire croire qu'on augmente les mesures puis que cela va
coûter moins cher, voyons donc! (23 h 50)
Que se passe-t-il en dessous de tout cela? Pour les quelques-uns qui
vont pouvoir en bénéficier, il y en a des centaines d'autres qui
vont se voir couper ici et là, par la bande, et qui vont se retrouver en
bout de piste avec moins que ce qu'ils avaient avant. On va dire: Oui, tu as
droit à la parité, mais ton père te donne-il 5 $ de temps
en temps en dessous de la table? Ton père, combien est-ce qu'il gagne?
Restes-tu chez vous? Partages-tu ton logement avec ton "chum"? Es-tu accessible
aux mesures d'employabilité? On va regarder cela.
Quand on a fait le décompte de tout cela, finalement, le
président du Conseil du trésor, qui est très vite sur le
"pitonnage" de la calculatrice, a dit: On va épargner encore 70 000 000
$ là-dedans. Vas-y, mon "chum", il faut embarquer cette mesure, cela
presse. En tout, combien cela va coûter pour les 360 000 000 $ de moins
à ce gouvernement? Certes, cela paraît bien dans des colonnes de
chiffres. On va pouvoir dire qu'on a baissé les dépenses du
Québec, qu'on a diminué le besoin en liquidités pour
financer l'épicerie, comme disait le premier ministre. On n'empruntera
plus pour financer l'épicerie. Oui, on va avoir baissé le besoin
financier net du gouvernement. C'est clair. Mais, sur le dos de qui? Pas sur le
dos de ceux qui gagnent 100 000 $ par année. La première chose
qu'on a faite en rentrant en cette Chambre en décembre 1985 a
été de se dépêcher de leur voter des
réductions d'impôt pour être bien sûr qu'ils soient
capables d'en gagner un peu plus et d'investir plus. Comme si cela allait les
garder plus par ici! Cela leur a permis de s'acheter des maisons en Floride un
peu plus luxueuses.
Mais, pour les assistés sociaux, par exemple, après leur
avoir fait de belles promesses et les avoir laissés traîner
pendant deux ans et demi, 360 000 000 $ de coupure dans les revenus. Certes, il
y a des choses qui vont coûter un peu plus cher, mais quand on fait le
bilan, 360 000 000 $ de coupure dans les programmes actuels, quelques
ajustements dans les nouveaux programmes pour à peu près 300 000
000 $. Solde net de l'opération: 60 000 000 $ de moins pour le
gouvernement, président du Conseil du trésor satisfait, ministre
des Finances heureux comme un paon; le premier ministre, cela va bien dans
notre économie et cela nous coûte moins cher au Québec, le
ministre du Travail ne sera probablement plus là, on va lui avoir
trouvé un autre poste avant qu'il se fasse étrangler et qui va
payer en bout de piste? Les assistés sociaux, qui vont être encore
dans une situation pire qu'avant et avec probablement moins d'emplois qu'avant,
parce que la période de prospérité actuelle ne durera pas
toujours et on est à 10 % de chômage, ne l'oublions pas. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président: Comme prochain intervenant, je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. C'est sûr que
j'entre dans la lignée de plusieurs intervenants, avant moi, qui ont eu
la chance de s'exprimer sur ce projet de loi, projet de loi qui touche les
classes de gens les plus défavorisées de notre
société. Je ne pense pas que, dans mes propos... J'essaierai de
ne pas répéter ce qui s'est dit depuis le début de ce
débat, mais je pense qu'il y a des réalités qu'il faut
aussi se dire et il y a aussi des réalités que les gens peuvent
comprendre facilement, vu l'importance de ce projet de loi qui est en train de
chambarder tout le vécu, depuis nombre d'années, chez nos
assistés sociaux.
Un des problèmes fondamentaux de ce gouvernement est d'abord et
avant tout d'avoir été en élections et de s'être
engagé inconsidérément dans des promesses
électorales qui, aujourd'hui, on s'en rend bien compte, ne peuvent
être réalisées. Ces promesses électorales qui ne
peuvent être réalisées, c'est justement la promesse qu'on
avait d'établir la parité sociale pour les différents
intervenants, sur la base de 30 ans. Quand j'écoutais, hier, le ministre
du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui
rappelait des propos, des supposés propos, pris dans le livre blanc de
l'ex-ministre Parizeau, actuellement chef du Parti québécois,
à ce moment-là, il se permettait de légers accrocs
à l'éthique puisqu'il citait les morceaux qui faisaient
son affaire. Je voudrais rappeler une fois pour toutes à tous les gens
qui ont suivi ce débat qu'un livre blanc n'est pas une politique
établie. Une politique est établie lorsqu'on entre dans une loi,
tel qu'elle nous est présentée. Donc, on peut se permettre de
dire des choses, mais si on veut examiner le projet tel quel ou le livre blanc,
c'est l'ensemble qu'on dort faire et c'est après une consultation qu'on
peut dire que là ce sont vraiment les propos qu'on peut attribuer
à un ministre.
Je pense que, de ce côté-là, on ne doit pas
s'arrêter. On peut faire de la démagogie, comme on en a fait en
disant: On va donner la parité de l'aide sociale aux moins de trente
ans, on va donner le Régime de rentes aux femmes au foyer. On peut en
promettre de ces choses-là. Mais soyons logiques, soyons
réalistes. Ce sont des promesses que le gouvernement n'était pas
capable de tenir et ne tient pas non plus, d'ailleurs, parce que, si les gens
avaient vu cette sorte d'engagement et ces sortes d'entourloupettes qu'on a
faites depuis le début pour essayer de dire: Oui, on vous le donne,
mais, d'un autre côté, on vous l'enlève, je pense que les
gens admettraient aujourd'hui que c'est un leurre qu'on leur a donné.
À part cela, c'est important. On est au pouvoir à présent,
on peut se permettre à peu près n'importe quoi. Rappelons-nous
que tous les mémoires qui ont été présentés
n'ont pas fait l'unanimité, au contraire. Plus de 80 % ou 90 % des
intervenants sont venus dire: On n'est pas d'accord avec la réforme
sociale proposée. On va seulement examiner ce qui s'est passé
durant la journée d'aujourd'hui - c'est encore aujourd'hui - pour voir
le nombre de pétitions qui sont présentées à
l'Assemblée nationale où l'ensemble des intervenants nous disent:
On n'est pas d'accord avec la réforme proposée.
Je veux m'inscrire à travers une démarche dont on n'a pas
beaucoup parlé, mais qui représente une démarche
importante, parce que, que je sache, l'Assemblée des
évêques du Québec, même si l'Église est moins
populaire qu'elle l'était ou qu'elle semble l'être, il reste que,
fondamentalement, ce sont des gens de bon conseil, ce sont des gens de
réflexion qui ont pris la peine de se pencher sur le projet de loi et de
donner un avis qui s'adresse aux élus et à l'ensemble des
citoyens du Québec... On parle, dans cette lettre des
évêques, de valeurs détournées: "Dans le projet de
réforme, on fait appel à des valeurs qui ont des
résonnances chez un grand nombre d'entre nous. On y parle de travail, de
responsabilités et même d'équité pour les plus
pauvres, mais il ne suffit d'en parler pour que le bien commun soit atteint. On
parle d'inciter les pauvres au travail, alors qu'on sait bien que le nombre
d'emplois existants n'est pas suffisant. "
C'est vrai que dans le projet de loi on dit qu'on va mettre les
assistés sociaux au travail s'ils veulent profiter des avantages qu'on
va mettre sur pied et d'un peu d'argent supplémentaire. Mais cela ne se
fait comme ça du travail, voyons! Celui qui vous parle a
travaillé pendant des années à la mise en place
d'entreprises et a travaillé à favoriser le développement
économique de son milieu. Même si on en a parlé, cela n'a
pas eu nécessairement les résultats qu'on aurait voulu, parce
que, si on multipliait le nombre d'industries qui auraient pu venir s'installer
par le nombre de paroles qu'on a prononcées, c'est évident qu'on
aurait eu suffisamment d'industries pour peupler l'ensemble du Québec.
Mais je pense que les gens qui nous écoutent, qui suivent les
débats, savent bien que cette volonté exprimée
régulièrement par les élus, à quelque palier que ce
soit, n'apporte pas nécessairement des résultats, parce que c'est
un travail de longue haleine.
Qu'est-ce qu'on propose aux assistés sociaux? Pas des
innovations, des travaux communautaires, des travaux qui sont
sous-payés. Bien sûr qu'on peut redonner le goût du travail
à des gens, mais ce n'est pas suffisant. Il faut que la démarche
aille plus loin. Il ne faut pas que le projet de loi permette du "cheap labor",
M. le Président. Il ne faut pas que cela le permette. Il faut que cela
permette à des gens de retrouver leur dignité. Je pense que, de
ce côté-là, les évêques nous le rappellent. On
ne peut pas ramener les gens à des chiffres comptables seulement en
disant que deux et deux font quatre. Ce n'est pas cela. On s'adresse à
des humains, à des gens qui ont une dignité et une
intégrité à faire respecter, et qui ont une famille. Ce
n'est pas cela qu'on a fait depuis deux ans. On a diminué les
assistés sociaux. On a frappé sur la tête des
assistés sociaux en mettant sur pied une police pour aller voir chez eux
si c'étaient des gens corrects ou pas.
Dans mon comté, on a dit à des gens: Aïe! Vous
demeurez maritalement avec une autre personne, vous n'êtes pas correct.
On doit vous enlever des prestations d'aide sociale, parce que vous demeurez
avec un individu qui est votre conjoint. Mais sur quel principe a-t-on
établi cela? On a même ouvert des frigidaires pour savoir si
c'était vrai ou pas. Voyons! C'est cela qu'on a commencé. On a
commencé à diminuer l'intégrité de ces gens. On
vient nous dire ensuite qu'on va les resituer quelque part, 700 000
assistés sociaux au Québec... (minuit)
C'était contraire à tout ce qu'on connaît dans la
loi. Ce qu'on dit dans la loi, c'est que la personne est présumée
innocente jusqu'à ce qu'elle soit reconnue coupable. Là, on a
commencé par le contraire. On a établi une nouvelle attitude, une
nouvelle façon de porter des jugements sur des personnes. C'est d'abord
de les déclarer coupables afin de les prouver innocentes. Dieu sait si
on a eu des problèmes de comté sur cette question. Les gens nous
appelaient parce qu'ils ne savaient pas quoi faire. Ils
étaient démunis devant cette police qui était mise
sur pied pour aller voir si quelque chose ne marchait pas.
Ils ont fait deux choses. Premièrement, la parité sociale,
oubliez cela, cela n'existera pas. Pour les contributions parentales, on a beau
avoir fait des grands sparages à un conseil du Parti libéral du
Québec, ce n'est pas ce qui a réglé le problème,
vous savez. Parce qu'au fond ce parti ou ce gouvernement essaie de faire ses
propres problèmes internes pour agir ensuite comme le sauveur de la
race. Après qu'ils ont créé le problème, ils
disent: Écoutez, on va régler ça, nous autres.
L'Opposition n'est pas là. Ah non! On essaie d'endormir tout le monde et
on va régler le problème, après cela. De ce
côté, le ministre ne s'est pas engagé et le problème
n'est pas réglé. Jusqu'à maintenant, la contribution
parentale est encore à l'état de projet.
Il est évident que je n'aborderai pas tous les côtés
odieux de la loi, mais je pense que le partage du logement est un autre
phénomène où on va encore aller chercher un peu d'argent
chez ces gens. Mais cela représente quand même 70 000 000 $. On
parle des mémoires qui ont été présentés.
Encore là, il n'y en a pas beaucoup qui sont venus dire qu'ils
étaient d'accord. Par la parité pour les moins de 30 ans, de la
façon qu'on fonctionne, on va épargner 82 000 000 $. On convient
de considérer les gens en colonnes de chiffres comptables.
Je pense qu'en rappelant la lettre des évêques on vient de
dire que ce n'est pas ainsi que cela doit fonctionner. Je pense que les
évêques nous donnent un message intéressant sur la
façon dont on doit traiter nos frères, nos semblables, aussi.
Tant mieux si nous ne sommes pas des assistés sociaux, mais il ne faut
pas oublier que ces gens sont aussi de nos parents, qu'ils sont souvent de nos
amis et des gens qui ont fait un apport à la société. Il
ne faut pas oublier non plus que ce sont les plus démunis de notre
société et une grande partie de ces gens sont des femmes. Qu'on
ne vienne pas dire après qu'on va faire des politiques familiales. Que
je sache, les politiques familiales ne visent pas le père, mais la
famille et la famille, c'était la femme et les enfants.
On va dire qu'on veut faire une politique... Bien non. En tout cas, je
vais demander des preuves un peu plus grandes. On parle du programme de soutien
financier, allons-y mollo encore là. Quant au développement de
l'em-ployabilité, je n'ai pas vu grand-chose depuis deux ans. Je n'ai
pas vu grande innovation. On vit sur le passé de l'autre gouvernement.
On se dit: Cela ne va pas si pire, allons-y. On se targue, par exemple, de
créer de l'emploi. On n'a pas levé le petit doigt pour
créer de l'emploi. Avant, il y avait des programmes et il n'y en a plus.
Des programmes ont été éliminés
complètement. Ce qu'on a fait par ailleurs, c'est qu'on a profité
d'une situation pour pressurer tous les gens, leur arracher de l'argent et
couper les ressources des plus démunis de notre société.
Quand ils deviennent sans voix, on peut faire à peu près ce qu'on
veut avec ces gens-là. Ils ne peuvent plus se défendre. Les
radios communautaires ont été coupées. Tous les moyens de
communication également. On a diminué les moyens de soutien aux
organismes. Après cela, on peut y aller carrément et
allègrement et on a satisfait les classes les plus favorisées de
la société.
Stratégiquement, je peux dire que le gouvernement est
extrêmement habile. Mais, au point de vue humain, ils sont des compteurs
et des "conteux". Compteur dans le sens qu'ils comptent l'argent. Cela allait
mal et ils ont arrangé cela dans deux ans. Mais des "conteux"
d'histoires, parce qu'ils sont venus conter des histoires aux gens en disant:
On va faire telle chose et telle autre. Ils ne l'ont pas fait. Il ne faut pas
avoir honte de dire la vérité et d'appeler les choses par leur
nom pour le proclamer très haut, parce que ces gens ne pourront pas
livrer la marchandise. Ils ont une bonne raison. Ils ont profité de
toute la période électorale et avant pour faire de la
démagogie. Eux qui avaient des solutions à tous les
problèmes, ils sont actuellement en train de créer des
problèmes à la suite même des meilleures solutions.
Heureusement que nous sommes vigilants pour leur rappeler leur rôle et
leurs responsabilités. De temps en temps, on réussit à les
faire marcher un peu. Mais attention! Pas vis-à-vis des assistés
sociaux. Il n'y a pas eu de démarches suffisantes. Parce que, dans cette
action, il demeure toujours que les plus démunis vont demeurer encore
les plus démunis et ils vont rester encore sans voix. On ne leur donne
pas une voix en proposant ou en acceptant ce qui est proposé
là.
Mon propos est justement de ne pas parler trop de chiffres, je pense
bien qu'on en a entendu parler suffisamment. Il va bien falloir philosopher un
peu là-dessus parce que les gens ont droit, comme je l'ai dit tout
à l'heure, à leur dignité. Donc, il faut qu'on fasse la
promotion des droits des personnes assistées sociales, qui doit se faire
sur d'autres bases. Il est vrai que le travail est ennoblissant, mais ce n'est
pas tout. Pour travailler, pour gagner sa vie, pour sa reconnaissance sociale
au point de vue du statut, le travail est important, mais ce n'est pas
seulement cela qu'on doit favoriser. Il faut que la dignité des
personnes soit respectée et développée.
Aussi, je pense que la lettre des évêques est très
explicite là-dessus: "La responsabilité devient un leurre si elle
ne permet pas à la liberté de s'exercer et à la personne
de prendre des initiatives. L'équité n'est pas une excuse pour
appauvrir un plus grand nombre de personnes. Elle est une mesure qui fait de la
poursuite des droits humains une priorité." Ce n'est pas n'importe qui
qui dit cela. Peut-être que des gens peuvent sourire parce qu'on cite les
évê-
ques, mais il faut toujours bien parler de gens qui sont en contact
régulièrement avec la misère humaine et avec les grandeurs
et les misères de la société. Ces gens-là prennent
la peine de réfléchir et je ne pense pas qu'il soit question de
faire de la politique avec cela. Ce qu'ils veulent, c'est de s'inscrire dans
une démarche vers l'autre, une démarche qui tient compte d'abord
des individus, une démarche humaine. Peut-être qu'ils ont une
démarche un peu plu^ grande mais, humainement parlant, on ne peut pas
dire que ces gens-là ne donnent pas un avis important.
Je veux aussi rappeler un autre point de leur lettre. Ils disent: "Si
nous analysons la situation à partir de la perspective des personnes les
plus démunies, une conclusion s'impose: la nécessité de
retirer l'actuel projet de réforme de l'aide sociale, une
véritable politique de sécurité..." On proclame cela
depuis des semaines, notre collègue de Maisonneuve l'a fait avec
beaucoup d'à-propos. Elle est, de ce côté, soutenue et par
le parti et par l'ensemble des assistés sociaux et par beaucoup de gens
qui ne sont pas des assistés sociaux, mais qui comprennent ce qui se
passe dans notre société. "Une véritable politique de
sécurité du revenu appelle une reprise de la question sur
d'autres bases. Nous avons retenu, entre autres, certains
éléments déjà formulés par de nombreux
groupes en commission parlementaire."
Qu'est-ce qu'on retient dans cela? Si on veut régler le
problème des assistés sociaux, si on veut qu'ils se remettent au
travail... Quand on parle de travail, on parle de régler le
problème globalement, on parle d'une politique de plein emploi; cela,
par exemple, ce serait quelque chose qu'on pourrait faire marcher. N'oublions
pas que si on compare... Quand on était au gouvernement, on était
souvent comparés à l'Ontario et on peut les prendre encore comme
base. L'Ontario s'appelle encore l'Ontario, même si le gouvernement
libéral est ici et même si le gouvernement libéral est en
Ontario. Dans les résultats, il y a deux fois plus de chômeurs au
Québec. Dans la région de Montréal par rapport à
Toronto, trois fois plus de chômeurs à Montréal. Aie! Ce ne
sont pas des perspectives bien encourageantes. On est rendu qu'on accepte,
comme gouvernement, des taux de chômage de 7 %, 8 % ou 9 %. Le
gouvernement dit qu'il est heureux de cela, parce qu'il ne pose pas d'actes
officiels.
Donc, ce que disent nos évêques: Politique réelle et
créatrice de plein emploi qui devrait conduire à
réévaluer les choix économiques et technologiques;
programme de formation de l'ensemble de la main-d'oeuvre pour faire face aux
nouvelles méthodes de travail. On vit cela. Les grosses compagnies,
qu'est-ce qu'elles font actuellement? On connaît ce qui se passe.
Actuellement, c'est de produire plus, rationaliser les activités.
Moralité, ou ce qui se passe dans les faits: les gens prennent la porte
de l'usine; donc, on crée de nouveaux chômeurs. L'usine dit: Non,
nous allons faire... Notre rôle social, cela se limite à cela,
c'est de faire profiter nos actionnaires. On n'a plus de rôle social
à jouer.
Je peux vous rappeler une déclaration du ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Paradis: On va
forcer, obliger ou inciter les compagnies à s'embarquer dans la
démarche de créer de l'emploi pour les assistés sociaux.
Si les compagnies le font, savez-vous pourquoi elles vont le faire? Parce
qu'elles vont y trouver leur profit. Ce que les compagnies disent
carrément, c'est: Notre rôle social, ce n'est pas de créer
de l'emploi, c'est de faire vivre nos actionnaires. On est là pour faire
des profits. Dieu sait si on le fait bien et beaucoup! On ne dit pas que c'est
malsain, que ce n'est pas correct, mais ne rêvons pas en couleur;
basons-nous sur des faits. Si on veut développer le Québec, te
gouvernement a son mot à dire, mais ce n'est pas en disant que l'emploi
va se créer qu'il se crée automatiquement. (0 h 10)
Cela fait deux ans qu'on dit: Faites attention la politique de plein
emploi ou d'emploi qu'il y a là, elle est en partie artificielle. Est-ce
qu'on peut continuer la construction comme elle se fait, actuellement? Moi, je
prétends que non. Il y a des cycles, il y a des hauts et des bas. Une
réforme de la fiscalité qui avantage les familles et les
personnes à faible revenu, c'est aussi des éléments
importants. On parle de politique familiale, cela doit entrer en ligne de
compte. Une réforme de l'aide sociale doit être basée sur
les besoins réels des personnes et définie en fonction d'un seuil
reconnu de pauvreté. Je ne pense pas que les quatre
éléments que je viens de citer se retrouvent dans la
réforme sociale qui est devant nous. De ce côté, on manque
le bateau.
La réforme projette plus de contrôles et d'appauvrissement
pour les plus pauvres alors que le gouvernement accepte de retirer
graduellement - je cite cela de "Relations" - du monde des affaires tout
contrôle social et étatique. Elle opère aussi un
détournement des valeurs car on y parle de travail, de
responsabilité et même d'équité, mais de
façon abstraite, sans garantir les conditions concrètes qui les
rendent possibles.
Voyez-vous, dans les textes sur lesquels je m'appuie, il y a une
affinité. Actuellement, on dit, on va créer du travail et on ne
donne aucune mesure pour le faire. On pense que cela va arriver
spontanément. Nos évêques nous disent, parlons donc d'une
politique du revenu, ce serait beaucoup plus efficace. Des pauvres il y en aura
probablement toujours. On dit: II va y avoir des aptes et des inaptes mais avec
trois contrôles pour savoir si quelqu'un est apte ou inapte. Et, le
gouvernement qui disait: Moins de contrôle! Oui, c'est vrai, moins de
contrôle pour les riches et plus pour les pauvres. La preuve, depuis deux
ans et demi on la vit dans cette
Assemblée et on la vit sur le territoire du Québec. Mais
il y a des gens qui auront à répondre de leurs actes dans ce
gouvernement, il y a des gens qui auront à rencontrer ces gens pour qui
on légifère. Il ne faut jamais oublier que le pouvoir n'est pas
là au profit de ceux qui l'exercent mais au profit de ceux qui nous ont
élus, ceux pour lesquels on a besoin de l'exercer. À ce que je
sache, actuellement, on est en train de faire plaisir à un groupe
très privilégié de notre société et les plus
démunis, malheureusement, ce sont des gens oubliés.
Quant à moi, je dis non à cette réforme sociale,
c'est impensable, inacceptable, ignoble et ignominieux. Le ministre Paradis, le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, devrait
refaire ses devoirs et entendre la voix de la raison. S'il ne peut pas entendre
cette voix, qu'il entende au moins la raison du coeur; c'est celle-là,
peut-être, qui est la plus importante, celle-là pour laquelle il
serait le plus apprécié et le plus aimé. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le député de Dubuc.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci, M. le Président, dès le
départ, je voudrais féliciter notre collègue, la
députée de Maisonneuve, pour avoir, de la façon qu'elle
l'a fait, si bien éclairé les membres de notre formation
politique sur les conséquences du projet de loi 37, conséquences
qu'on peut qualifier de désastreuses pour nos concitoyens et nos
concitoyennes qui sont actuellement parmi les plus démunis de la
société. Je voudrais la féliciter, également,
d'avoir su canaliser, lors des audiences en commission parlementaire, de
même que dans les études et les travaux qu'elle a
effectués, préparés et les solutions qu'elle a
proposées qui permettent une meilleure... Le projet de loi 37 du
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aura
nécessairement comme conséquence de rendre encore plus pauvres
des gens pauvres face à un autre groupe toujours de plus en plus
riche.
Ce projet de loi 37, il faut tout de même le situer dans son
cadre. Pour cela il faut revenir aux années soixante où on avait
une conscience de la vie en société, courant qui s'était
manifesté, qui avait été mis de l'avant de façon
très claire par l'ex-président Kennedy, aux États-Unis,
dans sa guerre à la pauvreté. On disait, à cette
époque, aux États-Unis: La pauvreté est mauvaise et il
faut l'extirper du tissu social.
De cette volonté des dirigeants et du peuple américains
sont nées toutes ces mesures de redistribution de la richesse au profit
des citoyens les plus pauvres. Tous ces programmes d'accès à
l'égalité qui ont pris naissance, même les campagnes contre
la ségrégation raciale, la discrimination, tout cela a
été le fruit de cette volonté de considérer que la
société avait une responsabilité à l'égard
de l'ensemble de ses membres. C'était une façon de penser et de
concevoir la société de l'époque.
Au Québec, à cette même époque et en accord
avec la recommandation du rapport Boucher de 1963, l'aide sociale a
été considérée, à partir de 1969, comme un
droit pour toute personne démunie, quelle que soit la cause de son
indigence. Notre société reconnaissait alors implicitement que la
pauvreté avait des causes économiques et sociales.
L'Assemblée des évêques du Québec nous l'a
très bien rappelé, à nous tous comme législateurs,
lorsqu'elle a présenté le message de son comité des
affaires sociales.
C'est autour des années 1979-1980 que s'est
développée aux États-Unis cette tendance inverse
considérant qu'il y avait... Cela s'est manifesté avec
l'arrivée d'un monsieur dont le nom ne nous est pas familier, mais qui
est là quand même et qui est à la direction de la Banque
centrale américaine, M. Paul Wolker. Son but était très
précis, c'était de faire prévaloir les
intérêts des grandes banques d'investissement, d'où la
naissance de ce qu'on a appelle, ce qu'on connaît aujourd'hui, le
"reaganisme".
C'est à partir de 1979 que la politique américaine va
viser à accroître le capital financier, quel que soit le prix pour
l'économie réelle et les conséquences sociales pour la
population américaine. On s'est retrouvé avec un slogan
différent, celui de M. Reagan, qui disait, lui: Ce n'est pas la
pauvreté qui est mauvaise, c'est le pauvre, alors il faut l'extirper de
la vue sociale.
On se retrouve aujourd'hui au Québec avec le projet de loi 37.
300 ans après l'arrêt de Louis XIV qui reconnaissait le
comité des pauvres dans la colonie, notre gouvernement autorise le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à
proposer la transformation des bureaux de l'aide sociale en centres de
recyclage de la population classée inactive. C'est le projet de loi 37.
C'est un projet de loi qui est antisocial. C'est un pur re{eton du "reaganisme"
américain. Déjà, aux États-Unis, à peine
huit ans après cette vague "reaganienne", on se rend compte des effets
très négatifs de cette politique. Il y a de plus en plus de
pauvreté aux États-Unis. Ici, maintenant, alors que là-bas
déjà on se rend compte de l'erreur sociale qui a pu être
causée, le gouvernement actuel, le gouvernement libéral, tente
d'imiter cette mauvaise politique. (0 h 20)
M. le Président, comment parvenir à faire accepter par la
population une telle politique? C'est en faisant en sorte que les gens qui
doivent avoir recours à l'aide sociale... Ce droit qu'on leur
reconnaissait dans nos lois mêmes de l'aide sociale, on veut leur
enlever. Aujourd'hui, on veut les traiter d'aptes et d'inaptes. On veut dire:
S'il y en a une catégorie de gens qui ne sont pas capables du tout de
travailler, on va les considérer comme des inaptes. Eux auront droit
à des bénéfices, sans même demander, sans
même se poser la question à savoir si... On sait qu'il y en
a, parmi les gens qui ont des inaptitudes physiques, des handicaps physiques ou
même intellectuels dans une certaine mesure, qui ont la capacité
justement et qui veulent être productifs dans une certaine mesure, qui
veulent participer au développement de la société
québécoise, qui ne veulent pas être rejetés et mis
dans le coin comme des parias dans la société
québécoise. On ne se pose même pas la question. Le ministre
ne se pose pas cette question. Il va les classer inaptes. Eh bien! vous autres,
du travail... Quand on sait que ceux et celles qu'il aura classés comme
aptes n'en auront même pas et, à partir du moment où l'on
se parle, ils n'ont même pas la possibilité de se trouver un
emploi parce qu'il n'y en a pas!
Le ministre ne parle pas non plus, en même temps qu'il veut comme
cela relancer au travail tous les gens qui reçoivent de l'aide sociale,
il ne parle même pas de politique de plein emploi. Vous êtes
coupables, c'est à vous autres de vous débrouiller, on va vous
responsabiliser, si vous ne voulez pas le faire vous-mêmes, on va vous
forcer à le faire en vous coupant les vivres. C'est à peu
près à cela que cela se résume.
Comme le disent les évêques dans le même message que
je mentionnais tantôt, dans le projet de réforme, on fait appel
à des valeurs qui ont des résonances chez un grand nombre d'entre
nous. On y parle de travail, de responsabilité et même
d'équité pour les plus pauvres. Mais il ne suffit pas d'en
parler, comme le disent les évêques, pour que le bien commun soit
atteint. On parle d'inciter les pauvres au travail, alors qu'on sait bien que
le nombre d'emplois existants n'est pas suffisant. On parie de
l'épanouissement que procurera le travail, mais sans se
préoccuper des conditions concrètes du marché de
l'emploi.
Je cite toujours le même message des évêques, M. le
Président: L'incitation au travail devient ainsi abstraite,
coupée de fa réalité. Pourquoi faire croire aux gens qu'on
va prendre des mesures d'employabilité? Pour que ces mesures puissent
exister dans le concret de la vie quotidienne, il faudrait au moins qu'il y ait
des possibilités pour ces gens d'avoir ou de trouver un emploi quelque
part. Je poursuis: Elle ne peut profiter qu'à certaines compagnies qui
seront trop heureuses d'avoir une main-d'oeuvre à bon marché.
Le ministre dit bien, dans sa réforme, que celle-ci vise à
établir un écart raisonnable entre les prestations qui leur
seront versées et le revenu des chefs de famille employés au
salaire minimum! Quand on sait à quel taux se situe le salaire minimum.
En passant, j'écoutais le ministre, dans le discours qu'il
prononçait il y a deux jours sur son projet de loi, dans la
présentation de son projet de loi, parler de l'augmentation du salaire
minimum et présenter les augmentations récentes du salaire
minimum depuis que ce gouvernement est au pouvoir, et il comparait le record du
gouvernement actuel dans l'augmentation du salaire minimum avec celui du
gouvernement du Parti québécois. Je crois que le ministre, comme
il l'a fait dans ce même discours, comme il a aussi tronqué des
textes de M. Parizeau, a aussi tronqué la réalité. Si on
compare des choses comparables, des périodes comparables, il faudra que
le ministre vérifie ses chiffres. On se rend compte que la
réalité est bien différente de ce qu'il a avance.
Aujourd'hui même, au moment où l'on se parie, il y a 28
mois que ce gouvernement a pris le pouvoir, ou environ. Après une
période de 28 mois aussi lors du premier mandat du Parti
québécois, on constate, M. le Président, que le salaire
minimum, dans les 28 premiers mois du gouvernement du Parti
québécois, a été augmenté de 20,9 %, alors
que l'augmentation du salaire minimum accordée par le gouvernement
libéral actuel est de 13,75 %. L'augmentation prévue pour
l'automne n'atteindra même pas, après presque trois ans, 34 mois,
le niveau d'augmentation atteint sous le gouvernement du Parti
québécois dans une période de deux ans et demi
après sa prise du pouvoir en 1976. L'augmentation annoncée pour
octobre portant le salaire minimum à 4,75 $ représentera une
augmentation, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, de 18,75 % seulement,
alors que, comme je le mentionnais tantôt, pour une même
période, le gouvernement du Parti québécois l'avait
augmenté de 21 %.
C'est la réalité. C'est l'augmentation dont il se vante.
Il faut remonter à Duplessis pour trouver pire que cela, un premier
ministre du Québec que les rouges haïssaient tant. C'est de cet
ordre que le gouvernement actuel augmente le salaire minimum. Donc, s'il trouve
que ces augmentations - et on est en période de vaches grasses, il ne
faut pas l'oublier - ne sont pas valables, quelles sortes d'emplois y aura-t-il
et à quelles conditions les gens vont-ils recevoir de l'aide sociale? il
y a un autre point que je voudrais rappeler, M. le Président, et qui
m'apparatt important. Avec le peu de temps qu'il me reste, je vais en faire une
lecture plus simple. Plus on lit, plus on relit, plus on écoute ce
message très actuel et très concret de l'Assemblée des
évêques du Québec, plus on a, je crois, un guide assez
actuel quand ils parlent des droits des personnes exclues: "Dans cette
perspective - disent-ils - nous voulons rappeler avec de nombreux
témoins du milieu québécois que les personnes exclues de
notre société, celles que l'on classe facilement parmi les
perdantes, nous permettent de voir autrement l'avenir de notre
société. Ces femmes et ces hommes demeurent nos soeurs et nos
frères. De par leur lutte et leurs efforts quotidiens, ils
dénoncent une organisation économique et sociale qui voudrait en
faire des objets interchangeables. Ils refusent ce que nous devons tous et
toutes refuser, à savoir l'érosion de notre dignité et de
notre liberté." C'est
toujours en relation avec te projet de réforme que le ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous propose. "Nous
affirmons - continuent-ils - que la promotion concrète des droits des
personnes assistées sociales doit se faire sur d'autres bases. Le
travail, si important soit-il pour assurer sa subsistance et sa reconnaissance
sociale, n'est pas absolu. " Remarquez bien qu'ils soulignent le mot "travail"
parce qu'on a beaucoup tendance aujourd'hui à mélanger travail et
emploi. Il doit respecter et développer la dignité des personnes.
Donc, ce n'est pas tout de pouvoir occuper un emploi, il faut que ce soit un
emploi et un travail qui... C'est un fait dont doivent tenir compte les
législateurs, puisqu'on est élus justement pour adopter des lois
qui cherchent à répartir équitablement la richesse au
Québec. Ce sont des situations et des droits qu'il faut respecter. Donc,
on doit respecter la dignité des personnes. "La responsabilité
devient un leurre si elle ne permet pas à la liberté de s'exercer
et à la personne de prendre des initiatives. L'équité
n'est pas une excuse pour appauvrir un plus grand nombre de personnes. Elle est
une mesure qui fait de la poursuite des droits humains une priorité. "
Je pourrais poursuivre ainsi longtemps. Sans doute que d'autres ont pu le lire.
J'espère que beaucoup l'ont lu et qu'ils prendront conscience de ce
message des évêques du Québec.
Le ministre est arrivé dernièrement avec de
supposés amendements à son projet de réforme, sauf que ces
amendements restent nettement insuffisants. Comme le qualifiait ma
collègue, la députée de Maisonneuve, les modifications
apportées à ce projet de loi par le ministre ne changent rien
à la réalité du projet de loi 37. Autant dans ses
fondements que dans ses modalités, ce projet de loi empire la
réforme proposée, autant avec le test d'invalidité qui est
encore plus restrictif qu'avec la question des mises en tutelle des femmes
chefs de familles monoparentales. (0 h 30)
Alors, une simple lecture, je crois - en terminant, M. le
Président - de ce projet de loi 37 confirme à quel point les
amendements qui ont été amenés par le ministre, qui ont
été présentés jusqu'à maintenant sont
absolument insatisfaisants. Le gouvernement fait fausse route, tout en
prétendant réformer sa réforme, sans la modifier
véritablement. D'ailleurs, en vertu des articles 124 à 130, le
gouvernement se protège lui-même de l'impact négatif de sa
réforme en reportant à janvier 1990 l'application de mesures
sévèrement critiquées. Cela veut dire qu'il s'organise
pour que l'application des mesures restrictives, celles qui vont faire
véritablement mal aux gens qui ont à vivre de l'aide sociale, que
ces mesures-là ne s'appliquent qu'après une probable prochaine
élection, alors que certains des autres articles, ceux auxquels on a
apporté de légères améliorations, ces
articles-là prendront effet dès le 1er janvier 1989.
M. le Président, vous aurez déduit facilement que,
conjointement avec mes collègues de l'Opposition, je vais voter contre
ce projet de loi et nous allons poursuivre la bataille avec l'espoir que le
ministre et le gouvernement comprennent finalement que ce n'est pas la
façon, que ce n'est pas la vision que les Québécois et les
Québécoises ont de leur société et de leur avenir.
Merci.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Dans des circonstances
semblables, normalement, on dit toujours: Je suis heureux de prendre la parole,
M. le Président. Malheureusement, ce soir, je suis dans l'obligation de
vous dire que je ne suis pas heureux de prendre la parole. Je suis même
malheureux de la prendre, cette parole, dans la mesure où, hier, j'ai
vécu ici à cette Assemblée, lors de la motion de report,
un événement qui a été triste à ma
mémoire et qui m'a grandement marqué. J'ai vu un ministre
entêté qui en est finalement arrivé à utiliser des
parties de texte pour leur faire dire autre chose que la réalité.
Dans le dictionnaire, il y a un mot qui s'appelle "sophisme" et je vais vous
dire ce qu'est un sophisme: argument, raisonnement faux malgré une
apparence de vérité; entre parenthèses, on dit: implique
généralement la mauvaise foi.
Le ministre en est arrivé à dire de mon collègue de
Shefford, à mon collègue de Bertrand et à moi-même,
que nous étions des gens qui étaient trop occupés à
faire autre chose pour être capables de comprendre quelque chose. Il est
allé jusqu'à dire qu'on ne connaissait rien du projet de loi. Il
est presque allé jusqu'à dire qu'on était des innocents.
En plus, il est allé utiliser le travail fait par ma collègue, la
députée de Maisonneuve, travail formidable, extraordinaire,
qu'elle a fait pour défendre les personnes les plus démunies de
la société, pour ridiculiser ma collègue, la
députée de Maisonneuve. J'en étais vraiment peiné,
parce que l'on sait que, dans quelques jours, voire quelques heures, le
ministre, qui s'entête actuellement à adopter ce projet de loi en
deuxième lecture, en adoption du principe, ne sera pas celui qui va le
défendre à l'étude article par article, lors de la
commission parlementaire à l'intersession d'été.
Il est évident, M. le Président, que nous avons devant
nous quelqu'un qui a utilisé des textes et qui les a tronqués
pour faire croire à des gens des choses qui n'étaient pas vraies.
Sophisme! Il a même utilisé les dires d'un de mes anciens
collègues, et je le comprends de vouloir les utiliser, c'est de bonne
guerre dans le travail qu'il fait, il a utilisé les dires d'un de mes
anciens collègues, dis-je, qui a actuellement une émission
à la radio et, de temps à autre, à la
télévision. Même si je comprends le ministre - et
que je comprends difficilement et que je n'accepte pas facilement les dires de
mon collègue d'autrefois - je dois dire que notre travail comme membres
de l'Opposition n'est pas facile. Ce n'est pas un travail facile quand on a
l'arrogance du pouvoir en face de nous, quand on a des gens qui ne veulent rien
comprendre et qui, surtout, dans certaines circonstances, comprennent
très bien, mais se ferment à la fois les yeux et les oreilles
pour être des gens qui décident finalement d'aller dans la
direction qu'ils se sont fixée.
Je me souviens que, pendant la campagne électorale, on nous
faisait passer pour des gens qui ne voulaient pas telle chose parce qu'on avait
le courage de nos convictions et de la vérité. J'ai toujours dit
que dans, certaines circonstances - et les gens de chez moi me connaissent -
j'aime mieux vivre avec la vérité que de mourir avec le
mensonge.
Je dois dire qu'avant et pendant la campagne électorale, on a
fait accroire des dires différents à du monde et, au fur et
à mesure que la campagne avançait, sachant qu'on prendrait le
pouvoir, on a changé le langage. On a dit aux jeunes de 18 à 30
ans: Nous allons vous accorder la parité inconditionnelle.
C'était pendant que l'actuel ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu était membre de l'Opposition. Ces gens
avaient même donné des chiffres et des textes indiquant leur
position. Quand le temps de la campagne est arrivé, on a commencé
à changer tranquillement. Je dois dire que ce n'est plus la même
chose, maintenant qu'on est au pouvoir. Ce n'est plus ce qu'on proposait alors
qu'on était dans l'Opposition qui est devant nous.
On a oublié de dire aux jeunes que la parité dont on
parlait s'appliquerait désormais aux gens de 18 à 65 ans et que,
pour être considérés admissibles à la parité,
il leur faudrait être des gens considérés comme aptes ou
inaptes. Cela s'adresse maintenant aux gens qui sont âgés de 50
ans, 55 ans, 60 arts et 65 ans. On applique donc à l'inverse ce qui
était appliqué par le Parti québécois. Nous, nous
avions le courage de dire: Tu es âgé de 18 à 30 ans, voici
ce que tu as le droit d'avoir. Si, finalement, tu fais tel ou tel geste, tu
auras la parité avec la personne de 30 ans et plus, soft le montant que
reçoit la personne de 30 ans et plus.
Mais ce qu'on a fait, c'est qu'on a dit, avec la formule de la fausse
parité, qu'on accordait la parité à tout le monde, mais,
en même temps, on les oblige à des mesures d'employabilité,
à démontrer l'invalidité d'une personne et d'imposer des
mesures à toutes les personnes de 18 à 65 ans. Peut-être me
dira-t-on, de l'autre côté, qu'on a fait disparaître une
mesure discriminatoire. J'en conviendrai peut-être. Je suis capable de
ces choses. Je suis capable de le dire comme je le pense aussi. Mais le
ministre ne viendra pas me dire qu'il n'emploie pas maintenant à
l'inverse les mesures qui étaient en vigueur autre- fois et qu'il impose
la même chose à tout le monde âgé de 18 à 65
ans.
Le ministre veut que je le félicite. Je vais le féliciter
et, après cela, on passera à autre chose. On dit, dans un texte
que le ministre envoie: "Rappelons que le partage du logement ne s'applique pas
aux bénéficiaires du programme Soutien financier. " Je dois dire
qu'effectivement, comme député, je fais mon travail. J'ai fait
valoir des points de vue au ministre. Je lui ai montré des exemples
où il y avait des difficultés Le ministre a accepté de le
corriger, mais il n'était pas nécessaire de le corriger pour
ceux-là et d'en arriver pour tous les autres, par ailleurs, à
imposer des normes et faire des difficultés à des personnes pour
prouver leur non-employabilité ou leur inaptitude.
Je dois dire qu'il y a des gens qui ont présenté des
mémoires à l'Assemblée nationale. Ce sont des gens du
Regroupement des ressources alternatives en santé mentale au
Québec. Ce sont des gens que j'ai côtoyés dans mon coin. Je
pense que les gens de mon milieu et les députés de ma
région qui auraient pu intervenir, et qui ont décidé de ne
pas intervenir dans ce débat, pourraient vous le dire honnêtement,
s'ils sont comme Is me le disent privément, des gens capables de dire
que le député de Laviolette, inconsidérément de la
couleur politique des personnes, défend toutes les personnes de son
comté. Il les défend dans la mesure aussi où on en arrive
à être capable de dire que ce n'est pas parce que la personne est
riche qu'on ne la défendra pas ou que la personne est pauvre qu'on ne la
défendra pas. On va travailler avec ces gens. On va leur donner les
moyens de parvenir à leurs droits. Je veux être capable, comme
député, je veux avoir le courage et la conscience tranquille
d'avoir fait mon travail. Mon travail consiste à dire qu'il y a des
personnes qui sont très démunies dans la société et
auxquelles des difficultés additionnelles seront causées. (0 h
40)
Le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du
Québec est une organisation provinciale de 40 groupes de membres. Ces
gens estiment que la concrétisation législative des propositions
contenues dans le document d'orientation aura un impact désastreux sur
la santé mentale des usagers et des usagères des ressources
alternatives. Il n'y a rien, disent-ils, de positif dans le fait d'être
obligé de vivre avec l'étiquette de schizophrène et de
non-employable pour être admissible au programme Soutien financier. Cette
situation ne contribuera en rien à la réinsertion sociale des
personnes psychiatrisées. Au contraire, elle ne fera qu'accentuer le
handicap social que doivent subir ces personnes à cause de leurs
troubles émotionnels. De plus, en plaçant la notion
d'employabilité au cur du système, le document ouvre la
porte toute grande à l'arbitraire, puisque l'expertise devient quelque
chose de central; en matière de santé mentale,
donc, le pronostic psychiatrique ne s'est jamais
révélé scientifique. Ce n'est pas une opinion, c'est un
fait. Donc, cette absence de prise en considération du contexte social
est présente tout au long du document, à tel point que la notion
même de pauvreté est évacuée. Sous prétexte
que les personnes au bas de l'échelle sociale doivent se prendre en
charge, nous voilà rendus, donc, à discuter des propositions qui,
loin de contribuer à soulager la misère, ne feront que
l'aggraver. Les personnes psychiatrisées, nous disent-elles, veulent
travailler comme la majorité de assistés sociaux, mais pas dans
des conditions comme celles qui leur sont proposées.
J'ai eu l'occasion de défendre, même dans mon coin,
auprès de la ministre de la Santé et des Services sociaux, un
groupe d'ex-psychiatri-sés qui ont voulu se prendre en charge parce que
le député de ma région, de ce comté, ne voulait
rien savoir d'eux. C'est moi, comme député voisin, qui les ai
amenés auprès de la ministre pour les aider. Je dois dire que
c'est cela, le travail d'un député, c'est de s'occuper des
personnes, quels que soient les inconvénients, quelles que soient les
incapacités dans lesquelles elles se trouvent.
Un autre mémoire est présenté par la
Confédération des organismes provinciaux des personnes
handicapées du Québec. Le présent mémoire analyse
les répercussions du projet de réforme de la Loi de l'aide
sociale auprès de l'ensemble des personnes handicapées,
actuellement ou potentiellement bénéficiaires de ce
régime. Pour ce faire, il procède tout d'abord à une
analyse critique des objectifs et des grandes orientations proposés par
le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en
soulignant la conception de départ biaisée et l'approche
fragmentaire du projet de réforme. En effet, pour eux, la réforme
proposée fait d'une politique de dernier recours, c'est-à-dire
celle de l'aide sociale, une politique de développement à
l'employabilité et de création d'emplois.
Le document va donc par le fait même, d'après ces gens,
semer une confusion supplémentaire entre les notions de plein emploi et
de sécurité du revenu qu'il ne traite, ni l'une ni l'autre, de
façon satisfaisante. La réforme dépasse donc, en fait, le
simple cadre de la Loi sur l'aide sociale et devrait se faire de concert avec
la réforme fiscale et la mise en place de la politique familiale.
La réforme ignore totalement les principes contenus dans le
document À parts égales, politique d'ensemble du
gouvernement du Québec sur l'intégration sociale des personnes
handicapées et sur la prévention des déficiences. Le
concept central de la réforme, employable versus non employable,
relié à la détermination de l'aptitude ou de l'inaptitude
au travail reflète mal la réalité de vie des personnes
handicapées. La réforme tombe dans le piège commun
associant, par le fait même, état de santé et handicap qui
sont deux concepts faisant référen- ce à des
réalités fort différentes. Encore une fois, on assiste
à la prédominance du modèle médical qui fait fi
d'une approche globale de la personne.
Le mémoire examine et évalue, en plus, les impacts du
projet de réforme sur l'ensemble des personnes handicapées en
termes de perception publique négative de leur capacité de
travail, de non-reconnaissance de leur statut de travailleur
particulièrement en milieu adapté avec emplois
subventionnés et de non-reconnaissance de la nécessité de
compenser universellement les coûts reliés à leurs
déficiences ou limitations fonctionnelles.
Donc, les problèmes qui sont soulevés par l'instauration
des trois nouveaux programmes, Soutien financier, APTE et APPORT, sont, par la
suite dans le mémoire, soulignés avec comme toile de fond
l'analyse effectuée dans le mémoire sur les objectifs et grandes
orientations de la réforme et la perspective de leur application
auprès des personnes handicapées.
Je pense qu'on en arrive à faire ressortir, finalement, les
principales lacunes de la réforme au point de vue de la réponse
aux besoins réels des personnes handicapées en soulignant, entre
autres, le risque de les voir confinées de façon permanente
à un statut d'employable ou d'inapte à faire un travail
quelconque.
M. le Président, si j'ai voulu souligner ces deux parties, si
j'ai voulu insister davantage, c'est parce que dans mon coin, il y a des gens
qui vivent cela tous les jours. Ce sont des gens que je rencontre dans mon
comté, des gens que j'ai vus et dont j'ai pris la défense
jusqu'à la Commission des affaires sociales. Une personne avait eu un
accident dans sa vie; elle était handicapée de la ceinture en
descendant et était dans une chaise roulante. À l'époque,
on avait mis en place du côté fédéral des programmes
Canada-travail et, du côté du Québec, des programmes
identiques qui ont permis à cette même personne handicapée
de trouver un travail convenable pour sa santé. Cette personne s'est
retrouvée, à l'époque, en raison de gestes posés
par des gens qui faisaient leur travail de fonctionnaire, parce que la seule
personne qui voulait en prendre soin était une femme et que, lui,
était un homme, cette personne s'est retrouvée dans des
conditions telles que finalement elle s'est vu tout couper malgré le
travail que la commission scolaire et que le député du coin
avaient fait pour lui trouver une maison adaptée. La commission
scolaire, à ce moment, avec les cours donnés aux étudiants
en électricité, en menuiserie et dans d'autres secteurs, avait la
possibilité de tirer au sort des personnes qui pouvaient être
aptes à avoir une maison. On avait dit à la commission scolaire:
Prenez donc, cette année, cette personne qui est incapable,
construisez-lui une maison à son niveau, avec les capacités
qu'elle a. Finalement, une personne a pris soin d'elle. Qu'est-ce qui est
arrivé en fin de compte? On l'a coupée.
Qui nous dit que dans l'avenir des choses semblables ne se produiront
pas? Il a fallu prendre ce cas, aller en révision; de la
révision, aller à la Commission des affaires sociales en appel
et, finalement, en arriver à ce que cette personne obtienne de la part
du juge un jugement humanitaire. Humanitaire comme le ministre de
l'Éducation nous dit souvent. Considérez l'humain. Humanitaire,
parce que le juge a dit: Jugez donc avec votre tête et non pas avec des
règles et des règlements! Finalement, il a donné raison
à la personne. Ce ne sont pas des conditions que l'on ne retrouvera pas
dans l'avenir, M. le Président, on va en trouver tous les jours des cas
comme celui-là. C'est cela que la réforme, par ses termes
d'employable et de non employable, d'apte et d'inapte au travail, risque de
faire parce que la personne sera considérée au départ
comme devant faire la preuve de ces réalités. C'est dans ce sens
que nous allons continuer à faire notre travail et que nous voulons
intervenir.
Le projet de loi qui nous est présenté ne répond
malheureusement pas à l'ensemble des besoins des personnes en
difficulté. Ce sont des personnes qui n'ont pas demandé à
être à l'aide sociale. Ce sont des personnes pour lesquelles,
comme je l'ai fait encore la semaine passée, on doit aller directement
à la Commission des affaires sociales faire un appel spécial
parce que la décision qui est rendue au bureau local et au bureau de
révision fait en sorte que la personne est considérée,
parce que, semblerait-il, des rumeurs ont circulé qu'elle avait un petit
ami... Vous savez ce que c'est, M. le Président? Vous en avez
certainement chez vous aussi. Qu'est-ce qui est arrivé? Cette personne a
deux enfants. Cette femme est chez elle actuellement sans aucun moyen de
subsistance. Il faut faire un appel spécial en vertu de l'article 22 de
la Loi sur la Commission des affaires sociales pour au moins lui donner de
l'argent en attendant que l'appel, qui pourra prendre un an, deux ans et dans
certains cas même trois ans, soit entendu. De quoi va vivre cette
personne? À quel désespoir allons-nous la confiner?
Alors, au lieu de chercher à pénaliser ces personnes qui
n'ont pas choisi et qui dans bien des cas sont dans des difficultés
telles... Je ne dirai pas que tout le monde est pareil, pas plus que je ne le
dirai de l'autre côté pour les riches. J'en connais, on en
connaît des gens qui essaient de frauder de toutes les façons
possibles, à quelque niveau que ce soit. Ce n'est pas de cela que je
veux discuter. Je veux discuter des personnes qui en ont vraiment besoin, qui
font appel dans chacune de nos paroisses a l'aide apportée durant le
temps des fêtes, au Noël des pauvres, au Noël des nôtres,
qu'on a chez nous, aide à laquelle on participe tous pour leur venir en
aide durant l'année. Ces personnes ont des difficultés et se
sentent harcelées continuellement en raison de rumeurs publiques. C'est
de ces gens que je veux parler, M. le Président, ce soir et dont je vais
prendre la défense. Les personnes handicapées, dans certains cas,
ont certaines difficultés parce que ce ne sont pas tous les
handicapés qui sont visibles. Il y a des personnes qui, dans certains
cas, comme celle qu'on est en train d'aider dans un secteur de mon
comté... Parce qu'il y a un conflit syndical, on est en train de mettre
cette personne sur le bien-être social avec deux enfants et une femme. Je
pense que ce n'est pas cela qu'on recherche et ce n'est pas ce que devrait
rechercher une réforme globale. (0 h 50)
Fausse réforme de la sécurité du revenu; fausse
parité aux jeunes de 18 à 30 ans; manque à des promesses
électorales qui, dans certains cas, vont voir leur aboutissement
après la prochaine campagne électorale quant aux méfaits
de la réforme, et avant, quant aux bienfaits de la réforme. C'est
dans ce sens-là que nous voulons intervenir, M. le Président,
pour faire comprendre au ministre, mais surtout au gouvernement parce que, je
le dis et je le répète, ce n'est peut-être même pas
le ministre qui va défendre le projet article par article dans les
semaines qui viennent, parce qu'il doit changer son fusil d'épaule et
écouter le message donné par les évêques du
Québec, qui indiquent et qui disent, comme les avocats de l'aide
juridique qui vivent constamment avec des cas comme ceux que j'ai donnés
tout à l'heure, que des problèmes majeurs vont surgir; que le
ministre prenne donc encore un peu de temps. C'est ce qu'on lui proposait hier
comme rapport. Le ministre a utilisé son temps pour faire toutes sortes
de choses, pour se faire applaudir par tout le monde, mais dans le fond, il est
capable de reconnaître qu'il est allé un peu trop loin. Sa
pensée a peut-être été emportée par le
moment, ou peut-être voulait-il recevoir des applaudissements, se sentir
un peu appuyé par ses collègues; mais en réalité,
il sait très bien que même parmi eux il y a des gens qui
n'acceptent pas la réforme telle que présentée et qui
demandent des amendements majeurs. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Alors, à ce moment-ci, je vais
céder la parole au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour l'exercice de son droit de
réplique.
M. Pierre Paradis (réplique)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président.
Dans le cadre de cette réplique, à l'occasion du débat sur
la deuxième lecture, sur l'adoption du principe du projet de loi 37,
projet de loi sur la politique de sécurité du revenu, il
m'apparaît nécessaire d'exposer de nouveau les principes qui
sous-tendent le projet de loi qui est devant nous. À la lumière
des interventions des députés de l'Opposition, je crois que cet
exercice demeure nécessaire, voire essentiel, puisqu'ils ont
démontré non pas une mauvaise
foi, mais une mauvaise connaissance et une mauvaise compréhension
du projet de loi 37. La politique de sécurité du revenu, M. le
Président, comprend trois volets. Le volet Soutien financier, le volet
APTE, Actions positives pour le travail et l'emploi, et le volet APPORT, Aide
aux parents pour leur revenu de travail.
Le programme Soutien financier, M. le Président, s'adresse
à environ 100 000 ménages qui sont affectés d'un
état de santé physique ou mental altéré, donc qui
sont dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins de base.
Pour chacune de ces personnes, pour chacun de ces ménages, nous voulons
ajouter environ 1000 $ par année à leurs prestations actuelles.
L'objectif du programme Soutien financier, objectif que vous connaissez bien,
M. le Président, est de traiter plus équitablement les plus
démunis de la société. Par l'adoption des principes du
projet de loi 37, le gouvernement indique sa volonté ferme d'investir
dans l'équité pour les plus démunis en ajoutant 100 000
000 $ de plus que l'enveloppe budgétaire déjà
affectée à ce programme. Nous verrons tantôt, M. le
Président, si les députés du Parti québécois
sont d'accord pour ajouter 100 000 000 $ de plus pour les plus démunis
ou s'ils s'opposent à plus d'équité pour les plus
démunis.
Le deuxième programme, M. le Président, Actions positives
pour le travail et l'emploi. Ce programme s'adresse à quelques 250 000
ménages considérés employables. Les
bénéficiaires de moins de 30 ans ne seront plus victimes de la
discrimination préconisée et appliquée par l'ancien
gouvernement. Les bénéficiaires aptes seront incités
à participer à des mesures de développement de
l'employabilité, tel des travaux communautaires, du rattrapage scolaire,
des stages en entreprises. Les objectifs du programme APTE sont: accorder la
parité aux moins de 30 ans et inciter et réintégrer les
personnes aptes au marché du travail. Avec l'adoption du principe du
projet de loi 37, le gouvernement indique sa volonté ferme d'investir
dans la formation des bénéficiaires en y consacrant
jusqu'à 450 000 000 $ supplémentaires comparativement au
système actuel. Nous verrons si l'Opposition vote pour ou contre ce
principe contenu dans le projet de loi tantôt.
Le troisième volet de la politique de la sécurité
du revenu, le programme APPORT, Aide aux parents pour leurs revenus de travail,
s'adresse à quelque 45 000 familles à faibles revenus, dont 24
000 familles monoparentales. Il apporte un supplément mensuel au revenu
de travail des familles à faibles revenus, dont les frais de garde
pourront être payés jusqu'à 50 %. L'objectif de ce
programme est d'inciter et de maintenir au travail les familles à
faibles revenus. Avec l'adoption du principe du projet de loi, le gouvernement
indique sa volonté ferme d'encourager les travailleurs et les
travailleuses à faibles revenus à conserver leur emploi, en y
consacrant quelque 45 000 000 $ supplémentaires, comparativement au
programme SUPRET actuellement en vigueur. Nous verrons tantôt si
l'Opposition vote en faveur ou contre un tel principe.
Ainsi, M. le Président, vous aurez compris, de toutes les
discussions qui ont lieu pour l'adoption de principe de ce projet de loi, qu'il
y a des consensus qui sont déjà établis entre nos amis
d'en face et le gouvernement. Il y a un consensus sur la
nécessité de réformer le système de l'aide sociale.
Le député de Laviolette nous mentionnait tantôt des cas
aberrants, qui sont une suite logique de l'application de la loi actuelle.
C'est parce que nous connaissons également des cas aberrants, M. le
député, que nous préconisons également, comme vous,
une réforme de l'aide sociale. Là-dessus, je crois
sincèrement qu'il y a entre les deux formations politiques un consensus
clairement établi.
Il y a également un consensus, du moins entre le chef du Parti
québécois, M. Jacques Parizeau, et la formation politique que
nous représentons, sur la nécessité d'assurer une saine
gestion du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu. Donc, deux consensus préalables qui, comme nous le verrons
plus loin, sous-tendent certains consensus et certaines différences
entre les partis politiques en cette Chambre quant à l'application de la
réforme de la sécurité du revenu.
Je vous rappellerai rapidement, M. le Président, les grands
principes qui guident notre politique de sécurité du revenu. Un
consensus est déjà établi, comme je l'ai
déjà indiqué, entre le chef du Parti
québécois, M. Parizeau, et le Parti libéral du
Québec quant à la majorité de ces grands principes.
Consensus entre le gouvernement libéral et le chef du Parti
québécois alors qu'il était ministre des Finances et qu'il
avait élaboré un peu son testament, comme ministre des Finances,
le livre blanc sur la fiscalité des particuliers, livre blanc que
devrait lire le député de Laviolette au cours de la
période estivale, de façon à nous revenir avec des
discours beaucoup plus axés dans le sens de la politique de son chef, ce
qui éviterait de le mettre en contradiction avec son nouveau chef.
Consensus donc, sur la nécessité de distinguer entre les
clientèles de l'aide sociale, entre les bénéficiaires
aptes et inaptes, et sur la nécessité de rendre les mesures de
développement de l'employabilité accessibles à tous. Ces
mesures visent la réintégration au marché du travail.
Consensus également sur la nécessité que l'incitation au
travail soit un principe de base dans la réforme actuelle de l'aide
sociale.
Donc, quant aux principes qui sous-tendent la réforme, trois
consensus se dégagent entre le chef actuel du Parti
québécois, M. Jacques Parizeau, et le Parti libéral du
Québec. Consensus sur la division des bénéficiaires entre
aptes et inaptes, consensus sur la nécessité d'offrir à
tous les bénéficiaires de l'aide sociale aptes et disponibles des
mesures de relèvement de l'em-
ployabilité, consensus pour maintenir l'incitation au travail
dans la politique de sécurité du revenu.
Malheureusement, là s'arrêtent les consensus avec le chef
du Parti québécois, avec la formation de l'Opposition. Il reste
deux principes qui sont à la base de la politique de la
sécurité du revenu et qui font l'objet de désaccords
profonds et sérieux. Ces principes découlent des engagements pris
par notre formation politique à l'occasion de la dernière
campagne électorale, engagements que nous entendons tenir. (1 heure)
Ces principes, vous les aurez devinés, M. le Président. Il
s'agit d'accorder la parité aux moins de 30 ans. Vous savez que l'ancien
chef du Parti québécois, M. Johnson, s'est opposé à
cette parité. À l'occasion de la dernière campagne
électorale, l'ensemble des députés, dont le
député de Laviolette, se sont opposés à accorder la
parité aux moins de 30 ans et, tout récemment, le chef du Parti
québécois, M. Parizeau, allait encore un peu plus loin. Il
suggérait tout simplement d'exclure de l'aide sociale les jeunes de 18,
19 et 20 ans. Il y a également, M. le Président, désaccord
profond entre la formation ministérielle et le Parti
québécois sur la question de traiter plus équitablement
les plus démunis. Le Parti québécois se refuse, dans le
livre blanc sur la fiscalité, à majorer les prestations des gens
qui seraient admissibles au programme Soutien financier, des gens qui sont
incapables de travailler, des gens inaptes au travail.
Vous savez que le Parti libéral propose d'augmenter les
prestations de ces personnes de quelque 1000 $ par année et que,
là-dessus aussi, il y a un désaccord profond entre le Parti
libéral et la formation péquiste de l'Opposition. Ces deux
principes d'équité pour les plus démunis, de parité
pour les plus jeunes, constituent des priorités importantes pour le
gouvernement libéral. Nous ne céderons pas sur ces principes et
nous les défendrons avec force et énergie, parce que ce sont des
principes de justice et d'équité sociale qui ont fait l'objet,
comme je l'ai mentionné tantôt, d'engagements électoraux
fermes de la part de l'ensemble des députés élus sous
l'étiquette du Parti libéral en cette Chambre.
Je vous rappellerai, M. le Président, que, dès notre
élection, nous nous sommes mis à l'oeuvre dans ce dossier de la
réforme de l'aide sociale afin de présenter une nouvelle
politique de sécurité du revenu. Les premiers gestes qui ont
été posés ont conduit à l'assainissement de la
gestion des fonds publics au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Nous avons poursuivi par la
préparation de la réforme de l'aide sociale. Il y a eu la
décision du gouvernement fédéral sur le rapport Forget,
vous vous en souviendrez. La décision du Conseil des ministres de
confier à celui qui vous parle et à son collègue le
ministre des Finances le mandat de préparer une politique de
sécurité du revenu qui recoupe la réforme de l'aide
sociale. Il y a eu, en décembre dernier, la publication du livre "Pour
une politique de sécurité du revenu". Cette politique a
été rendue publique le 10 décembre dernier. Il y a eu,
tout récemment, M. le Président, la tenue d'une vaste commission
parlementaire pendant les mois de février et mars, où une seule
députée de l'Opposition a tenté de tenir le fort en
l'absence de tous ses autres collègues qui vaquaient à d'autres
occupations importantes.
Il y a eu la publication d'amendements majeurs, le 11 mai dernier, qui
ont fait en sorte que les plus démunis ont été mis
à l'abri de toute coupure, de toute mesure qu'on aurait pu qualifier de
"diminuative" quant aux prestations reçues par les prestataires de
l'aide sociale. Il s'agit, M. le Président, des femmes enceintes. Dans
la majorité des cas, il s'agit de femmes qui s'occupent d'enfants en bas
âge jusqu'à l'âge préscolaire, de personnes qui ont
la charge d'enfants handicapés même si ces enfants ne
fréquentent pas les institutions scolaires, de personnes incapables de
travailler pour une certaine période par suite d'accidents, entre
autres, de personnes de 55 ans et plus. Ces amendements ont
généralement été bien accueillis par l'ensemble des
observateurs sauf par l'Opposition qui tente de faire de la politique sur le
dos des plus démunis.
Il y a eu le dépôt du projet de loi 37, le projet de loi
que nous discutons, ce soir, et on s'apprête maintenant à terminer
le débat sur l'adoption du principe dudit projet de loi. Au cours de
l'automne, M. le Président, possiblement cet été, nous
pourrons entreprendre l'étude article par article du projet de loi 37.
En franchissant consciencieusement et avec célérité les
étapes visant l'adoption du projet de loi 37, nous travaillons à
permettre d'accorder le plus rapidement possible, malgré l'obstruction
systématique de l'Opposition, cette parité que nous avons promise
aux jeunes de moins de 30 ans et nous visons également à traiter
le plus rapidement possible, plus équitablement, les plus
démunis. Nous visons également, M. le Président, à
inciter les personnes aptes à intégrer ou à
réintégrer le marché du travail.
Je terminerai, M. le Président, par une citation d'un personnage
que je respecte et que j'admire beaucoup, un personnage pour qui le geste a
plus d'importance que la parole, j'ai nommé Don Elder Camara,
évêque engagé et militant pour les plus démunis du
Brésil. Je cite l'évêque: "Nos gestes d'assistance rendent
les hommes encore plus assités sauf lorsqu'ils sont accompagnés
d'actes destinés à extirper la racine de la pauvreté.
C'est ce que la réforme de la sécurité du revenu vise
à faire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Alors, le débat étant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu,
présenté par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est adopté? M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je fais motion pour reporter le vote à
demain.
Le Vice-Président: On demande donc un vote
enregistré, un vote par appel nominal.
M. Lefebvre: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: Ce vote sera reporté à
notre prochaine période des affaires courantes. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner les travaux à ce
matin, 10 heures.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
de nos travaux est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: En conséquence,
l'Assemblée va maintenant ajourner ses travaux, qui reprendront ce
vendredi 17 juin, à 10 heures du matin.
(Fin de la séance à 1 h 7)