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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 16 juin 1988 - Vol. 30 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Présence de l'ambassadeur du Venezuela

Avant de procéder aux affaires courantes, ce matin, j'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans la tribune de l'ambassadeur de la république du Venezuela, Son Excellence M. Gilberto Carresquero. Vous êtes le bienvenu.

Aux affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, alors, M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article a du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 43

Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la ministre des Affaires culturelles présente le projet de loi 43, Loi sur la Bibliothèque nationale du Québec. Mme la vice-première ministre.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de constituer en corporation la Bibliothèque nationale du Québec. Ce projet prévoit que la bibliothèque sera un mandataire du gouvernement et qu'elle sera administrée par un conseil d'administration dont les membres seront nommés par le gouvernement. La bibliothèque aura pour fonctions de rassembler, de conserver, de diffuser le patrimoine documentaire québécois publié et les documents qui s'y rattachent, ainsi que les documents relatifs au Québec et publiés à l'extérieur du Québec. Elle recevra également le dépôt de tous les documents publiés par un éditeur, ou par une personne ou un organisme qui assume la responsabilité de la production de documents publiés, et ce, conformément aux règlements établis par le gouvernement.

Le projet comporte, à cet égard, des dispositions pénales exposant les contrevenants à des amendes. Ce projet de loi accorde au ministre des Affaires culturelles le pouvoir de désigner une personne pour vérifier si les dispositions de la loi et des règlements sont observées par la bibliothèque ou pour enquêter sur la gestion ou les activités de la bibliothèque. Le ministre a également le pouvoir de donner à la bibliothèque des directives portant sur ses orientations, et toute directive devra être approuvée par le gouvernement et déposée à l'Assemblée nationale.

Enfirç, ce projet prévoit que le personnel à l'emploi de la Bibliothèque nationale sera régi par la Loi sur la fonction publique.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi 43?

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement, est-ce qu'il y a d'autres présentations de projets de loi?

M. Gratton: Non, M. le Président.

Le Président: Dépôt de documents. M. le ministre des Finances.

Rapport annuel de Loto-Québec

M. Levesque: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le 18e rapport annuel, 1987-1988, de Loto-Québec.

Le Président: M. le ministre, votre document est maintenant déposé. M. le ministre de la Justice.

Avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec

du droit de la preuve et de la prescription et du droit international privé

M. Marx: M. le Président, je suis heureux de déposer les trois derniers livres du Code civil du Québec, soit la Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit de la preuve et de la prescription et du droit international privé.

Cet avant-projet de loi a pour objet de réformer le droit de la preuve et de la prescription, ainsi que le droit international privé, et d'introduire, au Code civil du Québec, trois nouveaux livres sur ces sujets qui complètent le Code civil du Québec. Ces livres viennent s'ajouter au Livre deuxième sur la famille, déjà adopté et en vigueur, aux Livres premier, troisième et quatrième sur les personnes, les successions et les biens, eux aussi déjà adoptés, ainsi qu'aux livres cinquième, sixième et neuvième sur les obligations, sur les priorités et les hypothèques et sur la publicité des lois ayant fait l'objet d'avant-projets de loi. Le livre septième a pour objet de réformer le droit de la preuve: il comprend trois titres.

Le Président: C'est un dépôt de documents seulement. Vous n'avez pas à lire toutes les dispositions.

M. Marx: J'ai deux phrases à lire, M. le Président.

Le Président: Parfait! Allez, M. le ministre.

M. Marx: Le Livre huitième a pour objet de réformer le droit de la prescription. Il compte trois titres. Le Livre dixième a pour objet de réformer le droit international privé et comprend quatre titres. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de la Justice, votre document est maintenant déposé. M. le leader du gouvernement, pour votre motion.

Motion proposant la tenue d'une consultation générale

M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion pour que la commission des institutions procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du 4 octobre 1988, dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit de la preuve et de la prescription et du droit international privé, que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 9 septembre 1988 et que le ministre de la Justice soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y a consentement pour présenter cette motion à cette étape-ci?

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Président: II y a consentement pour déroger à l'article 53?

M. Gendron: Oui.

Le Président: La motion de M. le leader du gouvernement est-elle adoptée?

M. Gendron: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail, toujours à l'étape du dépôt de documents.

Rapports de la Commission de la

construction du Québec du ministère du

Travail et de l'Institut de recherche

et d'information sur la rémunération

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Conformément au règlement, je dépose le rapport d'activités pour l'année 1987 de la Commission de la construction du Québec, le rapport annuel 1987-1988 du ministère du Travail et le rapport annuel 1987-1988 de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération.

Le Président: M. le ministre du Travail, vos trois documents sont maintenant déposés.

M. le ministre délégué aux Finances et à la

Privatisation.

Avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit

M. Fortier: M. le Président, c'est un très grand plaisir pour moi de déposer un avant-projet de loi réformant totalement le cadre législatif des caisses d'épargne et de crédit.

Le Président: M. le ministre, votre avant-projet de loi est maintenant déposé. M. le leader du gouvernement.

Motion proposant la tenue d'une consultation générale

M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion à ce moment-ci, avec le consentement de l'Assemblée, pour que la commission du budget et de l'administration procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du 13 septembre 1988 dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 19 août 1988 et que le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 53 de notre règlement?

M. Gendron: Adopté.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Gendron: Adopté.

Le Président: Adopté. Toujours à l'étape du dépôt de documents, M. le ministre délégué aux Forêts.

Rapport annuel de REXFOR

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je dépose le rapport de la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestier, REXFOR, pour l'exercice financier prenant fin le 31 mars 1988.

Le Président: M. le ministre, votre document est maintenant déposé.

Rapport sur le référendum du 1er octobre 1987 au Nouveau-Québec

J'ai également un document à déposer à cette Assemblée. À la suite d'un mandat donné par l'Assemblée, le 23 juin dernier, je dépose le rapport du Directeur général des élections sur

l'organisation et la tenue du référendum du 1er octobre 1987 au Nouveau-Québec. Ce rapport est rédigé en français, en anglais et en inuktitut et déposé avec les pièces ci-jointes. Le rapport est maintenant déposé.

Rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député de Vanier. (10 h 20)

Auditions et étude détaillée du projet de loi 214

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 214, Loi concernant Elzéar Plourde Itée. Le projet de loi a été adopté.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 233

J'ai encore l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 233, Loi concernant Les Immeubles Benoit inc. Le projet de loi a été adopté.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 217

J'ai de nouveau l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 217, Loi concernant Vilmont inc. Le projet de loi a été adopté.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 205

J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 205, Loi concernant la conversion de la Fédération des caisses d'établissement du Québec, des caisses d'épargne et de crédit qui lui sont affiliées et de la Corporation de fonds de sécurité de la Fédération des caisses d'établissement du Québec ainsi que leur fusion avec Société d'entraide économique du Québec inc. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 242

De nouveau, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi privé 242, Loi concernant le Club des Portes de l'Estrie inc. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 221

J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder a la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi privé 221, Loi modifiant la Loi fusionnant le Trust Général du Canada et la Société d'administration et de fiducie. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 206

Pour terminer, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 206, Loi concernant La Lauren-tienne, mutuelle d'assurance. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que tous les rapports déposés par M. le député de Vanier sont adoptés, M. le leader de l'Opposition?

M. Gendron: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le président de la commission de l'éducation et député de Sauvé.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 204

M. Parent (Sauvé): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 15 juin 1988 afin de procéder à la consultation des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 204, Loi modifiant la Loi sur le Collège militaire royal de Saint-Jean. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté, M. le leader de l'Opposition?

M. Gendron: Adopté.

Le Président: Adopté.

Dépôt de pétitions, M. le député de Bour-get.

Réforme juste et équitable de l'aide sociale réclamée

M. Trudel: M. le Président, je dépose

l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 177 pétitionnaires, dont 76 résidents du comté de Bourget représentés par l'Organisation populaire des droits sociaux du quartier Mercier. Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de l'aide sociale va dans le sens d'un appauvrissement pour l'ensemble des personnes assistées sociales; remet en cause le principe du droit à l'assistance financière quelle que soit la cause du besoin; a été rejetée en bloc par 80 % des groupes présents en commission parlementaire." L'intervention réclamée se résume comme suit: "Retirer le document d'orientation présenté en décembre dernier et mettre en place une réforme juste et équitable telle que revendiquée par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes présents en commission parlementaire."

Le Président: M. le député de Bourget, votre pétition est déposée.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Johnson. Aide aux camps familiaux demandée

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2522 pétitionnaires, membres du Mouvement québécois des camps familiaux. Les faits invoqués sont les suivants: "En 1987, pour des motifs d'ordre économique, 48 % des Québécois ne peuvent partir en vacances; que, pour les familles de milieux populaires, dont les conditions de vie se détériorent sans cesse, les camps familiaux représentent la seule alternative à balconville." L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que l'Assemblée nationale invite le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à prendre ses responsabilités pour que le réseau des camps familiaux ne soit pas victime des coupures budgétaires de son ministère et que, dans cette perspective, il investisse les 400 000 $ nécessaires pour la mise aux normes et les travaux urgents requis; qu'il accorde une priorité de développement aux camps familiaux afin d'améliorer l'offre de services aux clientèles démunies et d'augmenter la possibilité de départ en vacances pour les familles à revenus modestes." Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Mme la députée de Johnson, votre pétition est déposée. Mme la députée de Maisonneuve.

Pour un partage égal des avoirs entre conjoints mariés en séparation de biens

Mme Harel: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 947 pétitionnaires de la région de Québec, en appui à la Tribune populaire d'information juridique de Limoilou, invoquant les faits suivants: 'L'injustice sociale dont sont victimes les femmes mariées en séparation de biens qui peuvent être entièrement dépossédées si leur mari décide de se séparer, de divorcer ou de faire un testament à cet effet, et invoquant que la loi ne reconnaît aucune valeur au travail fait à la maison par les femmes mariées; et concluant à ce que l'Assemblée nationale intervienne auprès du gouvernement afin qu'l corrige tout de suite la loi de façon que, lors de séparation ou de divorce ou en cas de décès, la femme mariée en séparation de biens soit aussi protégée, à ce que tous les biens de la famille (résidence familiale, voiture, meubles meublants, fonds de pension, comptes conjoints) soient partagés à parts égales entre les conjoints, et à ce que toute entreprise familiale (ferme, dépanneur) soit partagée également à parts égales. Ces changements devront être apportés avec application immédiate aux contrats de mariage en séparation de biens encore valides au moment de leur mise en vigueur." Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Maison-neuve, votre pétition est déposée. M. le député de Richelieu.

Réforme juste et équitable de l'aide sociale réclamée

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 189 pétitionnaires principalement du comté de Richelieu. Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de l'aide sociale, proposée par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, va dans le sens d'un appauvrissement pour l'ensemble des personnes assistées sociales; remet en cause le principe du droit à l'assistance financière, quelle que soit la cause du besoin; ne reconnaît pas l'autonomie financière des individus; est une mesure de gestion de la pauvreté plutôt qu'une lutte contre celle-ci; n'est pas accompagnée d'une vraie politique de plein emploi; n'offre pas la possibilité à tous d'avoir accès à des logements décents; ne va pas dans le sens d'une meilleure répartition de la richesse; ne respecte pas la dignité et la vie privée des personnes assistées sociales; ne donne pas la parité aux jeunes de moins de 30 ans; a été rejetée en bloc par 80 % des groupes présents en commission parlementaire." L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que soit retiré le document d'orientation présenté en décembre dernier et mise en place une réforme juste et équitable, telle que revendiquée par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes présents en commission parlementaire." Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la

pétition. Merci, M. le Président. Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Richelieu, votre pétition est déposée.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci, M. le Président.

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Messier: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, principalement du comté de Saint-Hyacinthe. Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de l'aide sociale...

Des voix: Ah! Ah!

M. Messier: ...proposée par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, va dans le sens d'un...

Une voix: Appauvrissement! M. Messier: En tout cas... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Messier: ...pour l'ensemble des personnes assistées sociales, remet en cause le principe du droit à l'assistance...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: ...droit à l'assistance financière, quelle que soit la cause du besoin, ne reconnaît pas l'autonomie financière des individus; est une mesure de gestion de la pauvreté plutôt qu'une lutte contre celle-ci; n'est pas accompagnée d'une vraie politique de plein emploi; n'offre pas la possibilité à tous d'avoir accès à des logements décents; ne va pas dans le sens d'une meilleure répartition de la richesse; ne respecte pas la dignité et la vie privée des personnes assistées sociales; ne donne pas la parité aux jeunes de moins de 30 ans; a été rejetée en bloc par 80 % des groupes présents en commission parlementaire." L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que soit retiré le document d'orientation présenté en décembre dernier et mise en place une réforme juste et équitable, telle que revendiquée par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes présents en commission parlementaire." (10 h 30)

Je certifie que la présente est conforme au règlement et à l'original.

Le Président: Votre pétition est déposée, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Sauvé.

M. Parent (Sauvé): M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 110 pétitionnaires de la région de Montréal.

Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de l'aide sociale proposée par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu va dans le sens d'un appauvrissement pour l'ensemble des personnes assistées sociales; remet en cause le principe du droit à l'assistance financière quelle que soit la cause du besoin; ne reconnaît pas l'autonomie financière des individus; n'est pas accompagnée d'une vraie politique du plein emploi; ne va pas dans le sens d'une meilleure répartition de la richesse; ne donne pas la parité aux jeunes de moins de 30 ans."

L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que soit retiré le document d'orientation présenté en décembre dernier et mise en place une réforme juste et équitable telle que revendiquée par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes présents en commission parlementaire."

Le Président: M. le député de Sauvé, votre pétition est maintenant déposée. M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 800 pétitionnaires principalement de la région de Québec.

Les faits invoqués sont les suivants: "La réforme de l'aide sociale proposée par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu va dans le sens d'un appauvrissement pour l'ensemble des personnes assistées sociales; remet en cause le principe du droit à l'assistance financière quelle que soit la cause du besoin; ne reconnaît pas l'autonomie financière des individus; est une mesure de gestion de la pauvreté plutôt qu'une lutte contre celle-ci; n'est pas accompagnée d'une vraie politique de plein emploi; n'offre pas la possibilité à tous d'avoir accès à des logements décents; ne va pas dans le sens d'une meilleure répartition des richesses; ne respecte pas la dignité et la vie privée des assistés sociaux; ne donne pas la parité aux jeunes de moins de 30 ans; a été rejetée en bloc par 80 % des groupes présents en commission parlementaire."

L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que soit retiré le document d'orientation présenté en décembre dernier et mise en place une réforme juste et équitable telle que revendiquée par le Front commun des personnes assis-

tées sociales du Québec ainsi que par l'ensemble des groupes présents en commission parlementaire. "

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: M. le député de Taschereau, votre pétition est déposée.

M. le député de Saint-Hyacinthe. Est-ce que vous avez consentement, M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui.

Le Président: II y a consentement. Procédez, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Gendron: Mon adjoint a dit oui.

M. Messier: M. le Président, je dépose un extrait d'une pétition adressée a l'Assemblée nationale par 533 pétitionnaires principalement de la région de Saint-Hyacinthe.

Les faits invoqués sont les suivants: "La plupart des bénéficiaires aptes au travail et disponibles veulent travailler; nous craignons que le projet de loi sur l'aide sociale s'oriente vers la création d'une nouvelle catégorie sociale qui sera au-dessous des travailleurs au salaire minimum; nous sommes convaincus que la réforme envisagée gagnerait beaucoup à se laisser inspirer par le projet de Dieu sur les personnes et la société. " L'intervention réclamée se résume ainsi: "Une refonte en profondeur du projet de loi sur l'aide sociale de manière à apporter une aide réelle aux plus démunis de notre société". Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe, votre deuxième pétition est maintenant déposée.

Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.

Nous allons maintenant procéder à la période de questions et de réponses orales immédiatement. Je vais reconnaître la première principale à M. le whip de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Définition par les tribunaux du concept de "société distincte"

M. Brassard: M. le Président, en réponse au Conseil de la langue française qui l'exhorte, dans un avis sur le lac Meech, à occuper le terrain linguistique pour donner un sens au concept vide, flou et insaisissable de "société distincte" et à demander un avis à la Cour d'appel sur le maintien de l'article 58 sur l'affichage de la loi 101, en vertu de ce même concept, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes a, hier, de son ton solennel et quasi pathétique, affirmé qu'il n'est pas question d'un gouvernement par les juges. Il m'a presque arraché un pleur, M. le Président.

Des voix: Ha, ha!

M. Brassard: Je lui signale cependant que le gouvernement par les juges existe depuis 1982, depuis le coup de force constitutionnel.

De son côté, toujours en réaction au même avis, le candidat libéral dans Anjou, M. Larou-che, affirmait souhaiter que les tribunaux, la Cour suprême même, déterminent le contenu du concept de "société distincte".

Ma question au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, j'aimerais savoir du ministre quelle est la position officielle de son gouvernement, compte tenu des propos de M. Larouche, comme membre de la même équipe libérale, qui contredisent sa position exprimée hier, à moins qu'elle n'ait changé au cours de la nuit. Quelle est la position du gouvernement concernant les tribunaux et l'accord du lac Meech?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, j'étais justement dans Anjou, la semaine dernière, pour faire campagne avec le député, le candidat, M Larouche...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Rémillard: C'est un lapsus. Et j'ai pu constater évidemment la très bonne campagne qu'il fait. Je connais M. Larouche depuis très longtemps. Je connais la valeur de M Larouche, une très grande valeur. Je dois dire, M. le Président, que, par sa formation, tant dans l'international que sur les aspects plus régionaux et en ce qui regarde le comté d'Anjou, parce qu'on sait à quel point il est bien enraciné dans Anjou, on sait que M. Larouche peut prendre position sur différents sujets et, en particulier, lorsqu'il se réfère à l'entente du lac Meech, à la société distincte. Lorsqu'il se réfère aux tribunaux, bien sûr que c'est évident qu'éventuellement, la Cour suprême du Canada aura à se référer pour juger de certaines lois à ce caractère distinct du Québec.

C'est évident que les tribunaux devront éventuellement se prononcer sur la signification de "société distincte". Cependant, ce que nous disons, et je voudrais quand même être très clair sur ce point, c'est que ce ne sont pas les tribunaux qui vont nous dire comment faire la constitution. Ils viendront l'interpréter après.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Est-ce que je comprends bien en disant que la très grande valeur du candidat libéral du comté d'Anjou, c'est d'avoir une opinion différente de celle du ministre?

Le Président: Votre question. Votre question, sans commentaire. M. le whip de l'Opposition, votre question, en additionnelle.

M. Brassard: Ma question est très simple. Est-ce que je dois comprendre des propos du ministre que l'opinion exprimée par le candidat libéral d'Anjou n'est pas celle du gouvernement voulant que ce soient les tribunaux qui définissent le concept de "société distincte"? Est-ce que je comprends que le ministre nous dit ce matin que le gouvernement est absolument en désaccord avec l'opinion exprimée par le candidat libéral d'Anjou?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. M. le ministre.

M. Rémillard: Évidemment que le député de Lac-Saint-Jean fait peut-être référence à certaines difficultés qu'il a de composer avec les positions prises par son chef. En ce qui nous regarde, en ce qui regarde la position du candidat d'Anjou - je m'excuse, j'allais dire encore une fois, le député - il est évident que la Cour suprême aura à se prononcer sur la signification de cette société distincte. Si le candidat libéral dans Anjou, M. Larouche, vient nous dire que la Cour suprême devra se prononcer, bien sûr qu'elle devra se prononcer. Ce que nous disons simplement, c'est que la Cour suprême n'a pas à donner un avis sur ce qui n'existe pas, tout d'abord en droit comme tel, parce qu'il s'agit d'une entente politique. Il y a maintenant cinq provinces qui ont accepté l'entente du lac Meech. Nous savons que trois autres doivent la ratifier dans les prochaines semaines, ce qui signifie qu'à la fin de cette session d'été, nous aurons vraisemblablement huit provinces sur dix. Il restera le Manitoba, il restera le Nouveau-Brunswick, mais on peut dire qu'à ce moment-là, le lac Meech sera en bonne voie...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Rémillard: ...d'être partie de notre constitution. Ce sera un moment historique pour le Québec et pour le Canada.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle. M. le whip de l'Opposition en additionnelle.

M. Brassard: Le ministre est-il prêt à reconnaître - étant donné que le Conseil de la langue française vous exhorte à occuper le terrain en renforçant l'action du gouvernement en faveur du français - que, manifestement, par le projet de loi C-72 sur les langues officielles, le gouvernement fédéral a choisi, lui, d'occuper le terrain linguistique et de donner ainsi un sens concret au concept de dualité linguistique et de donner un sens concret à la primauté de la dualité linguistique sur la société distincte?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. (10 h 40)

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, je constate que le député de Lac-Saint-Jean a changé de discours depuis hier. Hier, il m'a interrogé et il dénonçait cet avis du Conseil de la langue française. Ce matin, il semble trouver que l'avis est intéressant, comme je l'ai mentionné moi-même hier à bien des points de vue, reconnaissant entre autres que le gouvernement avait bien raison de refuser de définir la société distincte en fonction de la langue seulement. C'est drôle que l'Opposition ne soulève pas évidemment cet aspect. On sait à quel point l'Opposition a voulu, nous a forcés à accepter des témoignages de part et d'autre pour essayer de nous convaincre de mettre la langue, alors que nous leur disions: Si vous mettez la langue, vous allez restreindre la portée de société distincte. Vous allez faire en sorte que cette société distincte...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Rémillard: ...soit limitée strictement au sens d'une communauté linguistique. C'est exactement ce que le Conseil de la langue française nous dit, en plus de conclure que ce concept de "société distincte" sera un outil de première importance pour le Québec pour défendre ses juridictions, entre autres sur la langue, et le gouvernement va continuer d'oeuvrer dans ce sens.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle. M. le whip de l'Opposition.

M. Brassard: Je vais changer de ministre, M. le Président. Le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, le ministre responsable de la loi 101 - j'espère qu'il va me dire que c'est de son ressort - est-il d'accord avec la recommandation centrale de l'avis du Conseil de la langue française qui demande que le gouvernement occupe rapidement, systématiquement et visiblement un champ d'intervention législative et administrative dans le domaine linguistique? Est-ce qu'il est d'accord avec cette recommandation centrale puisque,

depuis deux ans et demi, le gouvernement s'est refusé...

Le Président: Vous êtes en additionnelle.

M. Brassard: ...à prendre l'initiative dans le domaine linguistique malgré les reculs flagrants dans ce domaine?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. M. le ministre.

M. Rivard: Vous savez, M. le Président, l'avis du Conseil de la langue française est un avis, c'est-à-dire que c'est l'expression de douze Québécois et Québécoises qui ont été nommés par ce gouvernement pour dire ce qu'ils pensent en réponse à certaines questions qui peuvent être posées par le ministre responsable. C'est un avis qui est complexe et abstrait sur un sujet qui est complexe et abstrait. C'est un avis qui comporte 90 pages et qu'il faut lire très attentivement. Moi, je vois dans cet avis des choses qui m'inspirent d'une certaine façon. Je vois, par exemple, d'une façon tout à fait différente de celle de l'Opposition, comment on peut vivre au Québec le concept de société distincte dans le dossier linguistique. Si jamais M. le député veut me poser une question additionnelle, je n'aurai pas d'objection à donner des précisions là-dessus.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Oui. La question additionnelle est la même que celle que j'ai déjà posée: Est-ce qu'il est d'accord, est-ce qu'il convient que le conseil a raison lorsqu'il dit que, dans le domaine linguistique, le Québec devrait occuper rapidement, systématiquement et visiblement le terrain linguistique? Est-ce qu'il est d'accord avec cette recommandation qui se trouve au coeur de l'avis du Conseil de la langue française?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Rivard: M. le Président, le Québec occupe déjà avec la loi 101 une bonne partie du champ linguistique. Le gouvernement s'est engagé à respecter, à continuer d'appliquer la loi 101, à le faire dans le respect de tous les Québécois qui habitent ce Québec. Voilà une façon tout à fait correcte d'occuper le champ linguistique.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Le ministre pourrait-il au moins reconnaître que, depuis deux ans et demi, le Québec a perdu du terrain sur le plan linguistique, particulièrement en matière d'affichage et qu'il conviendrait de suivre la .recommandation centrale du conseil et d'occuper ce terrain, à tout le moins de le réoccuper? C'est cela, l'avis du conseil.

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Rivard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition émet une opinion. C'est son opinion personnelle quant au recul du français dans le domaine de l'affichage. Je me souviens très bien avoir dit en commission parlementaire et en cette Chambre qu'au contraire, notre perception était tout autre et j'ai cité en exemple la rue Sainte-Catherine à Montréal qui, d'Atwater jusqu'à Papineau, affiche majoritairement en langue française. J'ai expliqué maintes fois la façon dont la Commission de protection de la langue française fonctionne dans un contexte d'éducation et de persuasion et j'ai dit que c'était très rarement que la commission de protection était obligée de référer des dossiers au Procureur général. Tout cela s'appelle respecter, appliquer la loi et ce n'est aucunement le signe d'un recul du français au Québec en matière d'affichage.

Le Président: En deuxième principale, ce matin, je vais reconnaître M. le chef de l'Opposition.

Modifications éventuelles au projet de loi sur les services ambulanciers

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous savez, depuis le dépôt du projet de loi 34 sur les services de transport ambulancier, sur les soins préhospitaliers, la quasi-unanimité des groupes était contre ou exigeait, tout au moins, des amendements profonds.

On sait, depuis ce temps-là, que les députés libéraux se sont concertés. Il y a eu passablement de points de vue différents. Cela s'est ressenti sur les travaux, puisque, lundi matin, après avoir été convoqué par le ministre et par le leader, le ministre n'était pas à la commission sous prétexte qu'il allait au comité de législation. De plus, encore hier après-midi, nous n'avons pas siégé parce que le ministre était à consulter le Conseil des ministres sur ledit projet.

Également, on sait qu'hier soir, il y a eu un caucus où les libéraux se sont frottés les oreilles sur ledit projet de loi. Pourtant, on sait très bien...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: ...qu'on arrive à la toute fin de nos travaux parlementaires et nous avons l'impression, pour ne pas dire la quasi-conviction, que les libéraux, faute d'être capables de s'entendre et de proposer des amendements profonds, voudraient faire porter l'odieux de la non-acceptation de ce projet de loi dans la présente

session sur la faute de l'Opposition, alors que, dans leurs rangs, on ne sait pas où l'on va.

Est-ce que le ministre peut nous dire quand il va déposer des amendements de fond? Y a-t-il toujours une volonté de sa part d'en arriver à un consensus en ce qui a trait aux groupes impliqués?

Le Président: M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. M. le ministre.

M. Dutil: M. le Président, d'abord, sur le préambule qu'a fait le chef de l'Opposition quant à la représentation des groupes qui sont venus en consultation particulière nous donner leur opinion sur le projet de loi, l'unanimité, si elle existait, était plutôt dans le sens contraire. Nous estimons que sur les onze groupes qui sont venus, la très grande majorité, que nous estimons à sept, étaient très favorables au projet de loi. Bien sûr, ils avaient des remarques à faire et des bonifications à apporter; ils nous ont fait part de leurs remarques pendant la plus grande partie de leur exposé, ayant toutefois souligné en préambule à leur exposé qu'ils étaient favorables au projet de loi.

Nous ne nous attendons pas, lorsqu'il y a des consultations particulières ou une commission parlementaire, que les groupes qui viennent s'attardent aux points positifs qu'ils mentionnent au début, bien évidemment. Ils regardent les points qui leur apparaissent plus faibles, les points qui seraient susceptibles de bonification. À cet égard, je pense que les consultations particulières ont justement permis d'apporter certaines bonifications. La continuation de nos travaux, lesquels se poursuivent ce matin, permettra sans doute d'apporter d'autres bonifications.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, je reviens. Est-ce que le ministre a obtenu du Conseil des ministres la certitude qu'il pourra déposer, aujourd'hui, des amendements de fond pour que ce projet de loi devienne potable et acceptable et ce, au cours de la présente session?

Le Président: M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.

M. Dutil: M. le Président, tout le problème est justement sur ce que définit le chef de l'Opposition comme étant le fond de la question. Ce projet de loi a pour effet de dissocier Urgences-santé du CRSSS de Montréal et de permettre l'installation, dans toute la province, de centrales de coordination des appels de façon à améliorer le temps-réponse et la qualité de façon considérable et fort intéressante pour l'ensemble de la population du Québec.

Bien sûr, nous ne toucherons pas à ces aspects de fond qui sont essentiels à la bonification du système. Les points qui pourraient être touchés ne concernent pas le fond, mais certaines modalités qui conviendraient mieux à certains groupes. Nous n'avons jamais eu d'objection à apporter des bonifications de forme qui pourraient convenir à toutes les parties.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, comment le ministre peut-il expliquer qu'il a lui-même pris l'initiative de boycotter la commission, lundi matin, sous prétexte qu'il recherchait des amendements? Comment peut-il expliquer qu'il a lui-même indiqué qu'il devait aller au Conseil des ministres pour aller chercher des amendements? Comment peut-il expliquer qu'on ait bloqué littéralement sur des points fondamentaux, tels qu'un principe d'indemnisation advenant une expropriation? Comment peut-il expliquer, encore aujourd'hui, de son siège, comme ministre, au moment où il est allé au Conseil des ministres, qu'il ne puisse pas dire à cette Chambre qu'il a l'intention d'apporter des amendements de fond, des amendements sérieux sur les problèmes soulevés au cours de la commission? (10 h 50)

Une voix: C'est incroyable!

Le Président: M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.

M. Dutil: M. le Président, je suis étonné que le chef de l'Opposition revienne avec la question d'un ministre qui assiste au Conseil des ministres. Je pense que le chef de l'Opposition doit bien savoir que le Conseil des ministres est là pour que les ministres y participent et discutent des divers dossiers qui concernent l'administration gouvernementale, que c'est le devoir d'un ministre d'y assister et qu'il est tout à fait normal que tous les ministres s'y rendent.

Je répète ma réponse antérieure. On ne s'entend pas sur ce que le chef de l'Opposition appelle le fond de la loi. Nous avons toujours mentionné que nous étions ouverts à des accommodements, nous avons reçu onze groupes en consultations particulières qui nous ont fait part, pour la plupart, de leur accord avec l'ensemble du projet de loi et de bonifications, de modifications intéressantes. Je pense que le chef de l'Opposition a pu se rendre compte que, en commission parlementaire, nous avons regardé ces points qui ont été apportés par les divers groupes et nous sommes disposés à discuter d'amendements qui pourraient corriger certaines faiblesses qui ne sont pas des faiblesses de fond, mais des faiblesses de forme, des ajustements. Nous continuerons ce matin dans le même sens.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en

additionnelle.

M. Chevrette: Est-ce que le ministre est disposé, avant la fin de cette session, c'est-à-dire avant le 23 juin, à étudier très sérieusement les points majeurs qui opposent les formations politiques sur ce projet de loi? Est-ce qu'il est disposé à attaquer immédiatement de front les points majeurs, plutôt que de jouer à une stratégie visant à le reporter à l'automne tout en laissant l'impression que c'est l'Opposition qui le bloque?

Le Président: M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.

M. Dutil: Si le point de fond concerne ce que l'Opposition a appelé une étatisation qui n'en est pas une, la réponse, c'est très clairement: Oui, nous sommes prêts à regarder la question qui concerne ce que l'Opposition appelle la non-étanchéité de la loi, quant à un risque éventuel d'étatisation. Mais je répète - c'est très important, M. le Président - que le fond de la loi est de permettre une amélioration à Montréal et dans les régions, et particulièrement dans les régions sur le plan des centrales de coordination. Évidemment, quant aux modalités, cet aspect peut être modifié, mais il n'est pas négociable dans le sens que nous tenons à ce que les régions puissent bénéficier elles aussi d'un système de coordination d'appels qui permettra éventuellement, le cas échéant, d'améliorer le temps de réponse et d'améliorer la qualité de services à la population du Québec.

Le Président: En troisième principale, ce matin, M. le député de Verchères.

Vente de résidus radioactifs par l'entreprise ERCO, de Varennes

M. Charbonneau: M. le Président, la compagnie ERCO, de Varennes, a entreposé, au cours des années, 750 000 tonnes de résidus de phosphore radioactifs. Depuis dix ans, il y avait un embargo sur la vente et l'utilisation de ces résidus qui étaient auparavant utilisés, notamment, pour le remplissage d'autoroutes et de chantiers de construction majeurs. Le problème, c'est que depuis quelques mois, sans autorisation, semble-t-il, du ministère de l'Environnement, la compagnie ERCO a repris la vente de ces résidus qui sont notamment utilisés pour le remblayage de chantiers de construction domiciliaire. Selon nos informations, le ministère de l'Environnement était au courant de cette situation depuis un certain temps et le problème, c'est que, malgré ce fait, la compagnie continue toujours de procéder à ces activités de vente de ces résidus radioactifs.

La question que je voudrais d'abord poser au ministre de l'Environnement est la suivante. Depuis quand le ministre de l'Environnement ou ses fonctionnaires sont-ils au fait de cette situation? Depuis ce moment, qu'ont-ils fait pour forcer la compagnie ERCO à se conformer à l'embargo qui était déjà en vigueur depuis une dizaine d'années?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, d'abord, pour être très clair concernant la compagnie ERCO et pour qu'on ne dise pas que la situation est très différente de ce qu'elle était, j'ai envie de situer les faits. La compagnie est en activité depuis 1953. De 1953 à 1979, il y a eu 3 500 000 tonnes de ce matériel de scories provenant du traitement du phosphore de l'usine qui ont été vendues au Québec, surtout dans le domaine de la construction des routes. En 1979, il y a eu une directive du ministère de l'Environnement, selon la Loi sur la qualité de l'environnement, enjoignant la compagnie d'obtenir une autorisation spéciale pour la vente de ces produits. Entre 1979 et 1985, 500 000 tonnes ont été vendues. Donc, l'embargo dont vous pariez n'était pas un réel embargo. C'était une utilisation, selon certaines données, que le ministère autorisait. Il y a une grande différence.

En 1985, il y a eu la parution du règlement sur les déchets dangereux et parce qu'il y a un certain taux de radioactivité, qui est minime, on inclut ce produit dans le règlement sur les déchets dangereux. Depuis ce temps-là, il y a un embargo total de la compagnie pour ne pas vendre ces produits sans une autorisation du ministère. Je termine. Il y a 650 000 tonnes qui sont entreposées. Nous avons découvert que la compagnie écoulait ses stocks. J'ai eu plusieurs rencontres avec les fonctionnaires du ministère. Le ministère a suivi cela de très près. Si vous me posez une question additionnelle, je vous donnerai tout le déroulement de 1986 jusqu'à maintenant.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Je répète la question au ministre: Depuis qu'il sait cela... D'abord, depuis quand le sait-il? Parce qu'il vient de nous confirmer qu'il y a eu un changement, c'est-à-dire que l'embargo n'est pas respecté. D'abord, depuis quand est-il au courant de ce fait-là, c'est-à-dire contravention à l'embargo total? Et, depuis qu'il le sait, qu'a-t-il fait précisément pour que la compagnie respecte l'embargo et respecte les exigences de la Loi sur la qualité de l'environnement?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, il y a eu plusieurs... Je ne peux pas vous donner la date

exacte où on m'a informé de la situation d'ERCO. Mais je suis au courant de la situation d'ERCO pratiquement depuis 1986. Je me suis impliqué dans ce dossier de façon presque continue à partir de 1986. Et, à partir de cela, il y a eu beaucoup de correspondance de notre ministère et plusieurs visites des officiels de notre ministère. La compagnie ERCO sait exactement qu'elle ne doit pas vendre de ces scories à l'extérieur. Mais c'est une chose de donner des directives à une compagnie. On ne peut pas aller surveiller les territoires d'une compagnie 24 heures par jour. C'est en fait avec la preuve d'un employé et d'un inspecteur du ministère qui est allé récemment sur place et a suivi le camion, que toute cette opération s'est déclenchée.

Entre-temps, je peux vous dire que nous avons obtenu des rapports de Bien-être social et Santé Canada, des rapports de Santé Québec. On a obtenu une opinion juridique du professeur Laurent Lome Giroux, à la suite d'une opinion juridique de la compagnie qui disait que ces matériaux n'étaient pas des déchets dangereux selon le texte de la loi.

Nous avons fait un travail considérable dans ce dossier. En fait, je dirais au député qu'il y en a eu plus de fait dans ce dossier depuis deux ans que toutes les années auparavant, et je pourrais lui donner les chiffres à l'appui.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Comment le ministre peut-il, en fin de réponse, se vanter qu'il a fait plus que ses prédécesseurs, alors qu'auparavant, il y avait un embargo qui, semble-t-il, était respecté et que, depuis 1986 qu'il le sait, il n'a pas été capable d'émettre une ordonnance en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement pour enjoindre la compagnie de cesser? Et pourquoi n'a-t-il pas été en mesure de prendre les dispositions juridiques et judiciaires suffisantes pour stopper et faire stopper ce processus-là? Autrement, ce que vous dites n'a aucune valeur.

Le Président: Vous êtes en additionnelle. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: II ne faut pas charrier. Je viens de dire au député qu'entre 1979 et 1985, il y a eu 500 000 tonnes de ces scories qui ont été vendues et il vient de me dire qu'il y a eu embargo total. 500 000 tonnes, ce sont 500 000 tonnes! Alors, ne venez pas charrier fichtrement! Vous racontez toutes sortes de bêtises! 500 000 tonnes. Je vais dire qu'il y a eu...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln:... plus de travail fait dans ce dossier depuis 1986 que toutes les années auparavant. Allez consulter au ministère de l'Environ- nement qu'est-ce qui s'est fait de 1979 à 1985. 500 000 tonnes étaient vendues. On a obtenu des avis juridiques. Nous avons été les premiers à aller à Bien-être social et Santé Canada. Cela n'avait pas été fait auparavant. Nous sommes allés à Santé Québec. Il faut avoir des dépositions dans les dossiers. Il faut avoir des dossiers à l'appui. On ne peut pas aller à l'aventure. Il faut avoir des preuves. On a accumulé des preuves. On a envoyé une sommation à la compagnie de cesser. Il y a une ordonnance qui est en préparation...

Le Président: Conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Tout de suite! Le service juridique nous a dit qu'on ne peut pas émettre une ordonnance sans mesure spéciale. Il a fallu déceler les mesures. Et c'est cela qu'on est en train de faire maintenant. Vous n'écoutez pas parce que je vous dis...

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères en additionnelle.

M. Charbonneau: M. le Président, le ministre...

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau:... au lieu de faire des spectacles comme il vient de nous en faire un...

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: En additionnelle. En additionnelle, sans commentaire. (11 heures)

M. Charbonneau: Pourquoi le ministre, plutôt que de s'occuper de ses relations publiques personnelles, n'est-il pas en mesure, depuis 1986, de faire stopper les opérations d'ERCO? Pourquoi n'est-il pas en mesure de dégager le nombre d'inspecteurs suffisant pour accumuler la preuve alors qu'il connaît la situation depuis deux ans? Pourquoi n'est-il pas en mesure...

Le Président: Vous êtes en additionnelle.

M. Charbonneau:... d'obtenir le nombre d'avocats suffisant du ministère de la Justice pour faire en sorte que votre preuve s'accumule plus rapidement que depuis les deux ans qu'on attend après?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement, brièvement.

M. Lincoln: C'est toujours la même rengaine

et je pense que le public va juger qui fait le petit show. D'abord, il a cité des faussetés selon lesquelles il y avait un embargo total alors que 500 000 tonnes ont été vendues entre 1979 et 1985. Je dis au député que, depuis 1986, on fait un travail soutenu dans ce dossier. On a rencontré les gens d'ERCO je ne sais pas combien de fois, mais il faut une solution à ces problèmes, M. le député. C'est très facile de dire: Stoppez tout. Où mettrez-vous la montagne de scories? C'est 650 000 tonnes. Est-ce que vous êtes allé voir cela, vous? Moi, je suis allé voir. Est-ce que vous vous êtes assis avec les gens d'ERCO? Moi, je l'ai fait. Je ne pense pas qu'un ministre l'ait fait avant.

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Est-ce que vous avez vu les opinions juridiques? Moi, je les ai lues. Est-ce que vous êtes allé à Bien-être social et Santé Canada quand vous étiez au pouvoir? Non. Est-ce que vous êtes allé à Santé Québec? Non. Moi, j'ai donné à ERCO une directive formelle. Je l'ai donnée verbalement à son président et je l'ai donnée par écrit et je vais suivre avec une ordonnance dans les heures qui suivent.

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Ce sera une ordonnance qui sera suivie de mesures. Il a fallu mettre tout cela en place. Ce n'est pas aussi facile que le petit show que vous faites ici.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en principale.

Alternatives à la fermeture de Blue Bonnets

M. Jolivet: Merci, M. le Président. En décembre 1987, le ministre de l'Agriculture, avec l'orgueil...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Jolivet: Est-ce que je peux recommencer? M. le Président, en décembre dernier, le ministre de l'Agriculture, avec l'orgueil qu'on lui connaissait, se présentait comme le défenseur de la piste de Blue Bonnets. Un peu comme un "peewee" dans les grandes ligues, se rendait à New York rencontrer M. Campeau et, comme des gens l'ont dit, un peu comme un enfant d'école, il s'est fait avoir. Aujourd'hui, on approche de la date du 30 juin et le ministre sait très bien que, compte tenu de la décision de Campeau de fermer, le ministre fédéral avait des pouvoirs de retirer le permis pour le transmettre à d'autres, si nécessaire.

Le ministre, pris dans cet étau, a décidé, d'abord, de dire que le Club Standardbred demandait trop. Aujourd'hui, il accuse Campeau de les prendre en otages et peut-être même de faire du chantage. Dans ce contexte, j'aimerais demander au ministre si, dans les mois qui ont précédé la date d'aujourd'hui, il a eu des discussions avec le ministre fédéral pour savoir ce que l'on ferait avec le permis quand Campeau déciderait le 30 juin, comme cela semble être décidé, de fermer la piste de courses.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Qu'est-ce qui a été fait? Des échanges ont eu cours avec le gouvernement canadien pour l'obtention de la licence immédiatement au lendemain du 30 juin prochain, parce qu'on n'a pas l'intention de céder à ces pressions indues et à cette situation de prise en otages de l'ensemble d'une industrie et de milliers de travailleuses et de travailleurs par un promoteur immobilier qui fait des profits avec une entreprise qui est rentable. C'est, d'ailleurs, dans ce sens-là que la Société de développement de l'industrie des courses de chevaux du Québec, la SODIC, a présenté sa requête, il y a déjà quelques semaines, auprès des autorites fédérales pour l'obtention des permis et licences dès le lendemain du 30 juin.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en additionnelle.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre est prêt à admettre que la discussion qu'il a eue avec M Campeau et l'entente qu'il a eue avec M. Campeau de 44 000 000 $ pour l'offre d'achat de la piste de courses a, justement, pour effet de faire en sorte que le Club Standardbred ou d'autres sont en difficulté quant à la rentabilisation, ce qui fait achopper actuellement les discussions et les négociations?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: Le prix fixé à 44 000 000 S, à ce moment-là, apparaissait et apparaît encore comme un juste prix dans une perspective de maintien d'une activité de courses sur le site actuel de l'hippodrome de Blue Bonnets, premièrement, sauf que la volonté du gouvernement, très clairement exprimée, de sauver ces emplois a eu comme résultat, entre autres, que des groupes comme le Club Standardbred ont demandé une aide gouvernementale, ont exigé beaucoup. Vous savez, à la fin, on demandait même au gouvernement de garantir pour 1 000 000 $ les tempêtes de neige Vous conviendrez avec moi que c'est un peu exagéré.

Nous avons fait des offres sérieuses. Nous étions disposés à nous engager, à nous associer avec les gens de l'industrie pour maintenir cette

activité dans une perspective d'organisme sans but lucratif. Cela a achoppé en raison des demandes qui étaient exorbitantes pour le gouvernement du Québec. Nous sommes prêts à nous associer à une démarche de maintien de l'activité, mais pas à n'importe quel prix, parce que ce sont les impôts des citoyens qu'on administre.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en additionnelle.

M. Jolivet: Le ministre peut-il nous dire, si Campeau décide de fermer le 30 juin et qu'il n'y a aucune alternative, actuellement, quant à la possibilité d'avoir une autre piste de courses dans la région de Montréal, le danger qu'il y a pour l'ensemble des autres pistes de courses, en particulier à Trois-Rivières, Connaught Park et Québec et si cela mettrait en difficulté, à l'avenir, les pistes de courses de ces endroits?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: M. le Président, le député dit: Si la Corporation Campeau décide de fermer. La Corporation Campeau nous a signifié son intention - c'est sa position définitive - de fermeture le 30 juin prochain. Il y a une requête présentée par la Société de développement de l'industrie des courses de chevaux pour l'obtention d'une licence, premièrement. Deuxièmement, nous rendrons public, dès le début de la semaine prochaine, le plan d'intervention de relocalisation dans une perspective de maintien de l'activité. Deux volets seront prévus dans ce plan: Un premier volet: relocalisation immédiate de l'activité courses dans la région de Montréal sur une piste d'un demi-mille en périphérie de Montréal. Notre objectif est le début d'août prochain. Parallèlement à cela, le gouvernement est disposé à s'associer à une entreprise privée - on ira en appels d'offres publics - pour la construction d'un nouvel hippodrome dans la région de Montréal. On se rappellera qu'en décembre il y avait des villes comme Longueuil, Saint-Hubert, Brossard, Pointe-aux-Trembles et Laval qui étaient intéressées. Les entreprises qui désirent s'associer au gouvernement se manifesteront.

Notre objectif est de ne pas céder aux pressions et au chantage, d'intervenir dans le cadre d'un prix, d'une contribution financière légitime, de sauver les emplois. Si la menace est exécutée, on ne cédera pas au chantage. En août 1989, le Prix d'été de 1989, on le conduira sur un nouvel hippodrome.

Le Président: Je vais maintenant reconnaître la cinquième principale à M. le député de Sainte-Marie. *

Fermeture des supermarchés Steinberg

M. Laporte: Merci, M. le Président. Ma question concerne la fermeture des supermarchés Steinberg. Comme vous le savez, plusieurs travailleurs et travailleuses sont affectés par la fermeture des supermarchés Steinberg. Comme c'est un sujet d'importance pour le gouvernement et que l'Opposition n'a pas posé de questions jusqu'à présent, j'aimerais obtenir du premier ministre du Québec des informations sur le déroulement du dossier et plus particulièrement, sur la situation concernant les travailleurs et les travailleuses de Steinberg.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, l'opinion publique va se rendre compte, notamment la population de l'est de Montréal... Je vois la députée de Maisonneuve qui est concernée, à cause de ses électeurs, par cette question. Elle verse constamment, depuis quelques jours, des larmes de crocodile sur les supposées imperfections de la Loi sur l'aide sociale.

On se serait attendu que l'Opposition, sur un dossier comme celui-là, pose une question, un dossier qui implique des milliers de travailleurs. Mais on voit ce matin, M. le Président, qu'il y a au moins un parti dans cette Chambre qui défend les intérêts des travailleurs.

Nous avons décidé, en collaboration avec le ministre du Travail, d'intervenir directement dans le dossier, étant donné l'ampleur des implications. L'entreprise Steinberg est le troisième plus gros employeur au Québec. C'était normal que nous y accordions une attention toute spéciale. J'ai rencontré, en revenant de mon périple aux États-Unis au début de la nuit, le représentant des travailleurs, M. Kukovica. Il y aura une reprise ce matin. Au moment où on se parle, les négociations sont probablement reprises. Nous espérons qu'il y aura un rapprochement qui permettra de sauver ces milliers d'emplois. Je pense que c'est la responsabilité du gouvernement de s'intéresser d'une façon toute spéciale à des dossiers comme ceux-là. Nous avons l'intention de continuer de le faire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle. (11 h 10)

M. Gendron: Ma question additionnelle s'adresse au ministre du Travail pour donner un peu plus de crédibilité à la mascarade du premier ministre puisque, de toute façon, son porte-parole est un observateur sans mandat. Quelle est l'action du ministre du Travail qui, normalement, a la responsabilité dans de tels dossiers? Quelle est l'action précise et concrète que le ministre du Travail a offerte aux syndiqués concernés par les pertes d'emplois dans le dossier Steinberg?

Est-ce qu'il peut nous dire exactement quelle est l'action concrète qu'il a posée?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, non seulement l'Opposition n'adresse pas en principale les questions sur les dossiers qui concernent les travailleurs québécois, les travailleurs de Steinberg, mais elle pose en additionnelle les mauvaises questions.

Le conflit Steinberg est, d'abord et avant tout, un dossier qui relève d'incidences économiques importantes. Le premier mandat, dans le dossier Steinberg, est d'établir un cadre économique qui puisse assurer la préservation des emplois, la survie de Steinberg et sa croissance. À l'intérieur de ce cadre économique établi et accepté par les divers partenaires, il faut insérer une convention collective librement négociée entre les parties. C'est à ce sujet que j'ai eu des discussions avec la haute direction de Steinberg, avec tous les représentants des travailleurs concernés, au bureau du premier ministre et le premier ministre a pris en main le dossier quant à l'aspect économique. Je lui demanderais de bien vouloir compléter ma réponse. Ce sera un complément de réponse.

Des voix: Ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre. Je vais reconnaître M. le leader de l'Opposition et je vous céderai la parole, M. le premier ministre.

M. Gendron: Une additionnelle, très rapidement. M. le premier ministre. Si ce sont des gens de votre cabinet qui ont entrepris des relations avec Steinberg, je voudrais, tout simplement, savoir, comme premier ministre, quel est le mandat que vous avez donné à votre observateur. Quel est le mandat précis de votre observateur dans les négociations?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'apprécie la question du leader de l'Opposition. Je dois dire que je suis un peu surpris de sa question parce que j'avais lu, en fin de semaine, qu'il y avait un engagement formel du chef de l'Opposition, au nom des députés du Parti québécois, de ne plus poser de questions au premier ministre, au chef du gouvernement. C'est une drôle de façon d'interpréter votre devoir parlementaire le plus élémentaire.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: Je constate que le leader de l'Opposition a décidé de briser l'engagement du chef de l'Opposition. Je suis, évidemment, d'accord avec cette attitude de revenir au bon sens, au respect fondamental du fonctionnement de la démocratie parlementaire, c'est-à-dire...

Le Président: À la question, M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...comme cela se fait dans tous les Parlements, d'adresser des questions au chef du gouvernement, de ne pas avoir peur...

M. Gendron: Une question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Oui. Très rapidement.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gendron: Je pense que le premier ministre sait très bien qu'en se comportant comme il est en train de le faire, c'est la raison. On ne peut pas avoir de réponses aux questions posées. Le temps pour la question additionnelle est écoulé et il n'a pas dit un mot sur la question additionnelle.

Le Président: En conclusion. M. le premier ministre, en conclusion à la question.

M. Bourassa: M. le Président, j'avais le droit, quand même, étant donné les préambules du leader de l'Opposition, de faire une mise au point. J'ai dit tantôt qu'étant donné l'importance économique de l'entreprise et des chances peut-être minimes, mais qui existaient quand même, de rapprochement, si le gouvernement y mettait le maximum d'efforts - et c'est ce que nous faisons, les parties siègent presque constamment à mes propres bureaux - nous pourrions peut-être effectuer un rapprochement qui épargnerait la perte de plusieurs milliers d'emplois. C'est notre façon de concevoir nos responsabilités au service des travailleurs et de l'économie du Québec.

Le Président: Mme la députée de Johnson, en principale.

Consolidation des camps familiaux

Mme Juneau: Au moment où beaucoup de Québécois planifient leurs vacances, force nous est de constater que 48 % des Québécois ne pourront prendre des vacances, faute de revenus suffisants. Pour les plus défavorisés, il restera peut-être une possibilité: les camps familiaux. Or, M. le Président, les camps familiaux ont besoin de plus de ressources pour mieux remplir leur rôle. La pétition qui a été déposée ce matin parle, d'ailleurs, d'elle-même. Les camps familiaux veulent avoir plus d'argent pour consolider leurs

infrastructures dans le but d'assurer un strict minimum de services aux personnes qui, autrement, seraient limitées à balconville.

Ma question s'adresse au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Considérant que les camps familiaux constituent le seul réseau qui s'adresse aux familles à faible revenu, le ministre peut-il nous dire s'il est prêt à considérer comme prioritaire pour les années à venir la consolidation des camps familiaux du Québec et à accroître, en conséquence, les budgets destinés à cette fin?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. M. le ministre.

M. Picotte: Je suis content que Mme la députée de Johnson m'adresse cette question, d'autant plus qu'elle me permet de lui mentionner que, même cette année encore et pour les années qui viennent, entre autres, le gouvernement consacre dans son ensemble aux auberges de jeunesse, aux bases de plein air, aux camps familiaux, aux camps pour personnes handicapées, de même qu'aux camps de jeunes, un budget total de 3 287 000 $ pour toutes ces catégories. Quand on parle plus précisément de camps familiaux, il est important de dire que, cette année, le soutien de l'État aux camps familiaux est de 325 700 $ en fonctionnement et que nous payons en plus, par entente, tel que convenu avec ces organismes, des remboursements d'hypothèques pour les aider, au montant de 36 700 $.

Il est donc faux de faire croire à la population que le gouvernement s'est désengagé des camps familiaux. Bien au contraire, les chiffres que je vous ai cités tantôt de 3 287 000 $ viennent prouver que le gouvernement s'occupe de cette ressource que nous jugeons importante au Québec.

Le Président: Mme la députée de Johnson, en additionnelle.

Mme Juneau: Comme d'habitude le ministre mêle toutes sortes de choses. Le budget des camps familiaux est ridicule. Les 840 000 $ dont parlait... Il n'a pas dit seulement ce chiffre, mais il n'y a qu'une très petite partie de ce que le ministre vient de mentionner qui va aux camps familiaux. Nous voulons savoir si cette année le ministre mettra de l'argent pour les aider au moins à se consolider. C'est bien beau de leur donner 10 000 $, mais quand ils ont besoin de montants importants, êtes-vous décidé cette année à leur donner la priorité?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Picotte: M. le Président, je pense que

Mme la députée de Johnson devrait se surveiller quand elle dit qu'on mêle toutes sortes de choses. Écoutez, c'est exactement ce qui se faisait. On met dans les camps familiaux - je répète les chiffres - 325 700 $, entre autres, pour leur fonctionnement. On continue dans le fonctionnement, contrairement à ce que vous aviez proposé comme gouvernement, à la table sectorielle, aux organismes de loisir, soit de sortir de tout ce qu'on appelle ce réseau de plein air. C'est ce que vous aviez proposé en 1984. Vous êtes revenus sur votre décision. Nous l'avons maintenue, mais on met encore 325 700 $. On fait du remboursement d'hypothèques. Et, en plus de cela, on va consacrer des montants de 500 000 $ pour la mise aux normes de ces camps. Je pense que l'effort du gouvernement est là.

Encore faut-il constater - et je termine par cela - qu'en ce qui concerne les auberges de jeunesse la population est très décroissante depuis des années, il faut se le dire. Il y a seulement deux auberges de jeunesse qui ont leurs nuitées complètes au Québec, c'est celle de Montréal et celle de Québec. Les autres sont continuellement en régression du côté des gens qui y participent. Il faut ajuster nos montants d'aide...

Le Président: En conclusion, M. le ministre. M. Picotte:... face à cette réalité.

Le Président: Une dernière additionnelle, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Ma dernière additionnelle va s'adresser au ministre délégué à la Famille, considérant qu'il me semble que je n'aurai pas une réponse normale à ma question. Le ministre délégué à la Famille ne croit-il pas qu'une aide importante aux camps familiaux pourrait être une bonne voie, une bonne direction pour aider les familles à faible revenu?

Le Président: M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux, brièvement.

M. Dutil: M. le Président, je suis heureux qu'enfin on pose une question sur la politique familiale et sur le soutien que l'État est prêt à faire auprès des familles. Nous avons, le 12 mai dernier, par la voix- du ministre des Finances, permis aux parents du Québec de disposer éventuellement de 772 000 000 $ de plus dans leurs poches pour exercer librement leur choix d'acheter l'un ou l'autre des services dans la société québécoise. Pourrait-on demander aux gens de l'Opposition s'ils ont assez confiance aux parents pour faire des choix éclairés avec les 772 000 000 $, que, parce qu'il estime que la famille est importante et que les parents sont capables de faire des choix éclairés, l'État, par le budget de M. Levesque, a accepté de leur accorder? (11 h 20)

Une voix: Bravo!

Le Président: Fin de la période régulière de questions.

Ce matin, il n'y a pas de vote reporté. Motions sans préavis.

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le député de Ver-chères.

M. Charbonneau: Une question au leader du gouvernement. Hier, j'ai posé trois questions au ministre de l'Environnement...

Le Président: Vous poserez cette question à l'étape des renseignements sur les travaux de cette Assemblée et non à cette étape-ci.

Motions sans préavis, M. le premier ministre.

M. Jacques O'Bready, président de la Commission d'accès a l'information

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, j'ai le grand plaisir, conformément aux articles 104 et 105 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, de proposer que Me Jacques O'Bready, actuellement sous-ministre au ministère des Affaires municipales, administrateur d'État 1, soit nommé membre et président de la Commission d'accès à l'information au même salaire annuel pour un mandat de cinq ans à compter du 15 août 1988. La rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail de Me O'Bready sont prévus à la présente résolution que je dépose devant l'Assemblée.

Le Président: Étant donné qu'en vertu de l'article 104 de la loi citée par M. le premier ministre, ce vote exige les deux tiers des membres de cette Assemblée, qu'on appelle les députés.

MM. les whips. M. le whip de l'Opposition. M. le whip du gouvernement.

Nous allons maintenant procéder au vote sur la motion présentée par M. le premier ministre.

Que ceux et celles qui sont favorables à la motion présentée par M. le premier ministre veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent), Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Marx (D'Arcy McGee), Pagé (Portneuf), Le-vesque (Bonaventure), Ryan (Argenteuil), Bour-beau (Laporte), Paradis (Brome-Missisquoi), Sé-guin (Montmorency), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), MacDonald (Robert Baldwin), Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Vallerand (Crémazie), Lincoln (Nelligan), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Vallières

(Richmond), Gobeil (Verdun), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont), Rivard (Rosemont) Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Lefebvre (Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Doyon (Louis-Hébert), Sirros (Laurier), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Lemire (Saint-Maurice), Polak (Sainte-Anne), Kehoe (Chapleau), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Îles), Thérien (Rousseau), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Parent (Sauvé), Trudel (Bourget), Bradet (Charlevoix), Camden (Lotbinière), Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Hamel (Sherbrooke), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Latulippe (Chambly), Théorêt (Vimont), Saint-Roch (Drummond), Assad (Papineau), Chevrette (Joliette), Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Blackburn (Chicoutimi)...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Charbonneau (Ver-chères), Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (La-violette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Talion), Desbiens (Dubuc), Godin (Mercier), Paré (Shefford), Boulerice (Saint-Jacques), Claveau (Ungava), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), M. Rochefort (Gouin).

Le Secrétaire: Pour: 92

Contre: 0

Abstentions: 0

Le Président: La motion présentée par M. le premier ministre est adoptée.

Toujours à l'étape des motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Si on me le permettait, avec le consentement unanime, on procéderait plutôt aux avis touchant les travaux des commissions avant de procéder...

Le Président: Consentement, M. le leader de l'Opposition? Allez, M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Gratton: M. le Président, j'avise l'Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires couran-

tes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements entendra les intéressés et procédera a l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants et ce, dans l'ordre indiqué: le projet de loi privé 200, Loi modifiant la Charte de la ville de Montréal; le projet de loi privée 232, Loi concernant la ville de Bro-mont et le projet de loi privé 209, Loi concernant la ville de Métabetchouan.

De 11 h 30 à 13 h 30, de 15 heures à 18 h 30 et de 20 heures à 21 h 30, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail tiendra un débat sur l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. De 21 h 30 à minuit, au même endroit, ladite commission entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 213, Loi concernant la fusion par absorption entre la Coopérative forestière du Nord-Ouest et la Fédération des chantiers coopératifs de l'Ouest québécois.

De 15 heures à 18 h 30 et de 20 heures à 1 heure, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 21 heures à minuit, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission des institutions entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants et ce, dans l'ordre ci-après mentionné: le projet de loi privé 212, Loi concernant la succession de Napoléon M. Lagueux...

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gratton: Oui, M. le Président, j'en ai d'autres. Le projet de loi privé 208, Loi concernant le Centre de ski Le Relais inc., et le projet de loi privé 229, Loi concernant la succession de Morris Wexler.

M. le Président, vous aurez noté que quatre commissions siégeront ce soir et ce, avec le consentement des membres de l'Assemblée nationale et de l'Opposition officielle.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y a consentement pour déroger aux articles 143 et 145 de notre règlement, étant donné qu'il y a plus de trois commissions qui siègent? Il y en a même quatre en même temps, à un moment donné.

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Président: II y a consentement. Est-ce qu'il y a d'autres avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement?

M. Gratton: Non, M. le Président, nous pourrions maintenant revenir aux motions sans préavis.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: J'ai une demande, M. le leader du gouvernement, par consentement...

M. Charbonneau: Par consentement, parce que je dois aller présider la commission sur le libre-échange, je voudrais demander ceci au leader du gouvernement. Hier, j'ai posé trois questions à la vice-première ministre, étant donné que le ministre de l'Environnement était absent, et elle m'avait indiqué que j'aurais les réponses aujourd'hui. Le ministre n'a pas apporté ses réponses. Je voudrais juste savoir si je peux avoir l'assurance que, demain, sous forme de complément de réponse, j'aurai les réponses aux questions que j'ai posées. (11 h 30)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, après vérification auprès de mon collègue de l'Environnement, celui-ci serait disposé à répondre immédiatement aux questions du député. Malheureusement, on ne pourrait assurer le député de Verchères que les réponses pourraient être fournies demain puisque le ministre doit se rendre à Ottawa pour une réunion fort importante. Étant donné que l'avant-midi appartient à l'Opposition puisqu'il y a une motion de censure, si on revenait la semaine prochaine, je suis sûr que le ministre de l'Environnement pourrait s'engager dès rfiain-tenant à fournir les réponses lundi, mais je laisse le soin à l'Opposition de juger si elle veut obtenir les réponses immédiatement.

Le Président: M. le député de Verchères...

M. Charbonneau: Écoutez, M. le Président, on me dit qu'il n'y aura pas assez de temps.

Le Président: ...toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, avez-vous une autre question?

M. Gendron: Non, le député de Verchères comprend qu'à partir du moment où c'est la motion de blâme, aujourd'hui, on va utiliser le temps pour la motion de blâme.

Le Président: Nous allons procéder aux motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.

Motion proposant la tenue de consultations

particulières sur le document intitulé

"Résultat des travaux du comité de travail

sur la révision de la Loi électorale"

M. Michel Gratton

M. Gratton: II est curieux comme, souvent, la mauvaise humeur des uns engendre la bonne humeur des autres.

M. le Président, je voudrais faire motion pour que la commission des institutions procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques à compter du 16 août 1988, afin d'examiner toute proposition de révision de la Loi électorale sur la base, notamment, du document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale déposé à l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 et du document intitulé "Résultat des travaux du comité de travail sur la révision de la Loi électorale"; qu'une fois les consultations terminées ladite commission puisse se réunir à nouveau afin d'examiner les sujets qui pourraient faire l'objet de modifications à la Loi électorale; que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 22 juillet 1988, que le ministre délégué à la Réforme électorale et le député de Gouin soient membres de ladite commission pour la durée du mandat et que le ministre des Communications puisse participer aux travaux de ladite commission lorsque celle-ci abordera les sujets relevant de son secteur de responsabilité.

M. le Président, à la suite d'une entente avec l'Opposition officielle et le député de Gouin, je dépose la liste des personnes et organismes invités à être entendus par la commission.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion, dans un premier temps, M. le leader de l'Opposition?

M. Gendron: Pas pour débattre de cette motion.

Le Président: Non, mais vous devez, quand même, consentir...

M. Gendron: Oui, au dépôt de la motion.

Le Président: D'accord. Est-ce qu'elle est adoptée?

M. Gendron: Oui.

Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?

M. Gratton: Non, M. le Président.

Le Président: Nous allons procéder aux affaires du jour.

Motion de censure proposant que

l'Assemblée blâme le gouvernement

de ne pas protéger vigoureusement les

compétences linguistiques du Québec

Aux affaires du jour, plus précisément aux affaires prioritaires, à l'article 1 au feuilleton, il s'agit d'une motion de censure présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean, en vertu de l'article 304 de notre règlement.

Je vais faire lecture de cette motion de censure: "Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement libéral de faire preuve de mollesse et d'irresponsabilité en refusant de protéger vigoureusement les compétences linguistiques du Québec menacées par le projet de loi fédéral C-72 sur les langues officielles."

Cette motion est présentée par M. le whip de l'Opposition et député de Lac-Saint-Jean Vous avez maintenant la parole, M. le whip de l'Opposition.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président Je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler, en premier lieu, la lenteur du gouvernement du Québec à prendre position dans ce dossier. Alors que le projet de loi C-72 a été déposé en juin 1987, il aura fallu le dépôt, en avril 1988, d'un avis du Conseil de la langue française constatant l'empiétement du gouvernement fédéral dans des secteurs de compétence québécoise sur le plan linguistique avant que le gouvernement libéral se réveille, sorte de sa torpeur et demande une analyse juridique plus poussée sur le projet de loi C-72 sur les langues officielles.

Je signale également que le Conseil de la langue française, par la voix de son président, M. Martel, a récemment réitéré ses critiques à l'égard de C-72. Et je le cite "Je veux réaffirmer nos craintes, disait-il On voyait, au moment du dépôt de l'avis, une incompatibilité entre la loi 101 et ce projet-là. Le projet n'est pas modifié et notre lecture demeure, quant à nous, la même."

Le projet de loi C-72, nous l'avons maintes fois répété et, à ce sujet-là, nous sommes en plein accord avec le Conseil de la langue française, poursuit des objectifs qu'on peut qualifier, à juste titre, d'inconciliables, d'incompatibles avec ceux qui sont poursuivis par la Charte de la langue française, particulièrement en matière de francisation des entreprises. Et je pense que c'est là-dessus qu'il est important d'insister.

Le gouvernement fédéral a clairement indiqué sa volonté, que je qualifierais de législative... Mme la Présidente, est-ce que je pourrais avoir le droit de parole et est-ce qu'on pourrait le respecter?

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais à ceux qui tiennent des caucus de

bien vouloir les faire à l'extérieur. Présentement c'est le droit de parole du député de Lac-Saint-Jean et j'aimerais bien l'entendre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Donc, je rappelais la volonté législative du gouvernement fédéral, en particulier par une disposition du projet de loi C-72 qui est l'article 42, cette volonté très ferme du gouvernement fédéral d'intervenir comme acteur linguistique dans des domaines nettement reconnus comme des domaines de juridiction québécoise, en particulier l'entreprise. C'est important de le signaler parce qu'on le sait, on connaît l'effort considérable du Québec depuis plus d'une dizaine d'années pour franciser l'entreprise, un effort de francisation de l'entreprise soutenu, difficile, parce que c'est un front où le combat est toujours difficile. Il est évident que le gouvernement fédéral, par l'article 42 de son projet de loi, manifeste très clairement son intention d'intervenir comme acteur linguistique dans l'entreprise. Quand on dit intervenir comme acteur linguistique, cela veut dire concrètement, Mme la Présidente, intervenir pour promouvoir l'anglais. Au Québec, l'intervention du gouvernement fédéral sur le plan linguistique consiste à soutenir la langue de la minorité. Donc, au Québec, cela consiste à soutenir la promotion de l'anglais. Dans le cas de l'article 42, il s'agit de la promotion de l'anglais dans les entreprises.

Cette volonté législative et politique également du gouvernement fédéral d'intervenir comme un acteur linguistique dans les domaines de juridiction québécoise, c'est d'autant plus inquiétant, Mme la Présidente, que l'on se rend compte qu'on est en face, lorsqu'on examine la vision du gouvernement fédéral en relation avec l'accord du lac Meech et celle du gouvernement québécois, de deux visions diamétralement opposées, deux visions contradictoires. Puisque M. Mulroney l'a très clairement exprimé, la semaine dernière, lorsqu'il avait à ses côtés le premier ministre du Québec, sur la même tribune, il a très clairement indiqué la volonté ferme, déterminée, sans équivoque du gouvernement fédéral d'intervenir comme acteur linguistique au Québec pour promouvoir le bilinguisme, c'est-à-dire, concrètement, pour promouvoir l'anglais au Québec, en particulier dans les domaines prévus par l'article 42, entre autres, l'entreprise, les syndicats, les associations patronales. (11 h 40)

De son côté, le premier ministre du Québec exprimait une vision tout à fait différente, évoquait le concept de société distincte qu'on retrouve dans l'accord du lac Meech, mais force nous est de constater qu'on est en face de deux visions différentes. M. Mulroney invoquait et s'appuyait sur la dualité linguistique pour justifier l'intervention fédérale en matière linguistique au Québec, alors que M. Bourassa, de son côté, invoquait le concept de société distincte pour justifier les compétences linguistiques du Québec. Mais il y avait une nette contradiction entre les deux visions du Canada et du Québec, toutes deux curieusement issues de l'entente du lac Meech.

Face à cela, quelle a été l'attitude du gouvernement québécois et du ministre responsable des relations fédérales-provinciales? Il s'est transformé en Mme de Sévigné et il a écrit une lettre. Il s'est adonné à l'art épistolaire. il a écrit une lettre à son homologue fédéral, Secrétaire d'État, M. Lucien Bouchard, pour lui dire qu'il était très conscient, très déterminé à protéger les compétences linguistiques du Québec. Il faut reconnaître cependant que cela s'est arrêté là. Il n'y a pas eu d'autres actions qui ont suivi cet envoi d'une missive au Secrétaire d'État.

On est en face, en quelque sorte, d'un gouvernement qu'on pourrait qualifier de déclara-toire, il fait des déclarations, un gouvernement verbo-moteur, il exprime des opinions. Il fait des déclarations, dans le cas présent, par la voie d'une missive au Secrétaire d'État, mais cela s'arrête là. Il n'y a pas d'autres actions qui ont suivi cette lettre, cet échange épistolaire. Il n'y a pas d'autres actions concrètes pour que les compétences linguistiques du Québec en regard de C-72 soient pleinement respectées.

Concrètement, le gouvernement fédéral, par conséquent, continue d'occuper le terrain, de prendre l'initiative, pour employer les expressions qu'on retrouve dans le dernier avis du Conseil de la langue française sur l'entente du lac Meech. Ah! J'oubliais. Le ministre délégué aux des Affaires intergouvernementales canadiennes propose une entente avec le gouvernement fédéral. Il propose de négocier une entente-cadre avec le gouvernement fédéral sur C-72. Une entente-cadre sur quel sujet? C'est là évidemment que le ministre se fourvoie. Ce n'est certainement pas une entente-cadre qui va porter sur des juridictions fédérales. Le gouvernement fédéral, de par la Loi sur les langues officielles, se donne le droit et le pouvoir d'être un intervenant linguistique dans les secteurs de sa juridiction. C'est le cas depuis que la Loi sur les langues officielles existe. Ce n'est pas nouveau. On n'a pas besoin d'entente-cadre là-dessus. On n'a pas besoin de conclure une entente-cadre pour permettre au gouvernement fédéral d'occuper ses champs de juridiction.

C'est évident que, quand on parie d'une entente-cadre, celle-ci va porter sur des domaines de juridiction québécoise, va cautionner l'intervention du gouvernement fédéral dans des domaines de juridiction québécoise. C'est là qu'on dit qu'une telle entente-cadre est dangereuse parce qu'elle constitue une reconnaissance formelle, implicite, par le Québec, du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans les secteurs linguistiques relevant de la compétence du Québec. C'est là le danger. C'est cela qu'on a

signalé comme danger. C'est d'ailleurs ce que signalait également le Conseil de la langue française.

Il est étonnant, de la part d'un ministre qui prétend que le pouvoir exclusif du Québec en matière linguistique n'est pas négociable, que la première action qu'il pose face à une volonté d'ingérence du gouvernement fédéral en matière linguistique au Québec, ce soit non pas de s'y opposer fermement et de demander au gouvernement fédéral de battre en retraite, de reculer mais, c'est étonnant, c'est curieux, c'est de dire au gouvernement fédéral: Écoutez, n'y aurait-il pas lieu de conclure une entente-cadre sur vos interventions comme vous semblez le souhaiter d'après certaines dispositions de la loi C-72? N'y aurait-il pas lieu de conclure une entente-cadre pour baliser, pour encadrer vos interventions dans des domaines de juridiction québécoise?

Mme la Présidente, à notre avis, cette reconnaissance par le biais d'une entente-cadre affaiblirait la position du Québec en cas de recours judiciaire de sa part visant à contester éventuellement l'intrusion du gouvernement fédéral en matière linguistique au Québec. C'est ce qu'évoquait également le ministre. En réponse à nos questions, le ministre disait: Écoutez, s'il y a intrusion, s'il y a ingérence, nous allons réagir et nous allons contester cette ingérence fédérale devant les tribunaux. Nous disons que, s'il y a eu conclusion et signature d'une entente-cadre, ce simple fait va affaiblir dangereusement la position du Québec en cas de recours judiciaire parce que le gouvernement fédéral pourra invoquer l'accord du Québec à l'intérieur d'une entente-cadre pour cautionner, justifier et approuver ses interventions linguistiques au Québec.

Également, je pense qu'il est important de signaler la fragilité d'une entente-cadre, de cette voie choisie par le ministre parce que cette entente-cadre peut être remise en question à tout moment par l'actuel gouvernement, mais aussi par le prochain, celui qui va lui succéder. Ce gouvernement ne sera pas éternel. Ou encore, cette entente-cadre peut être remise en question par un nouveau titulaire au poste de Secrétaire d'État. Donc, c'est très fragile de choisir cette voie de l'entente-cadre parce qu'il suffit d'un changement de gouvernement, d'un changement de titulaire au poste de Secrétaire d'État pour qu'une telle entente soit balayée du revers de la main, soit mise de côté, jetée à la poubelle et qu'on revienne après coup aux dispositions législatives du projet de loi C-72 et, en particulier, à l'article 42 qui n'aura pas été modifié, qui n'aura pas été retranché, qui n'aura pas été enlevé parce qu'on ne l'aura pas demandé, tout simplement. On reviendra à ces assises juridiques. C'est cela qui est important. Le projet de loi C-72 établit les assises juridiques qui permettront au gouvernement fédéral de justifier, en cas de contestation judiciaire devant les tribunaux, son empiétement dans les secteurs de compétence linguistique du Québec en invoquant son pouvoir de dépenser dans un domaine aussi vital pour le Québec. (11 h 50)

Par conséquent, Mme la Présidente, cette motion que nous présentons, et qui porte sur le même sujet qu'une motion que nous avons déjà présentée précédemment, vise à blâmer le gouvernement libéral pour ne pas avoir fait preuve de vigueur, de dynamisme dans la défense des compétences linguistiques face aux intentions véritables du gouvernement fédéral en cette matière. Ce qui est extrêmement inquiétant et dangereux, c'est que ces intentions fédérales s'appuient sur une interprétation de l'accord du lac Meech qui est en voie de ratification au Canada. Cela a été dit, cela a été démontré, cela a été reconnu par le premier ministre fédéral lui-même, cela a été largement démontré par le Conseil de la langue française dans son avis sur la question, le gouvernement fédéral s'appuie sur la notion de dualité linguistique comme étant la caractéristique fondamentale du Canada tel qu'on la retrouve dans l'accord du lac Meech pour justifier, asseoir juridiquement ses interventions dans des secteurs autres que les siens sur le plan linguistique.

Je reviens au danger d'intervention et d'intrusion du gouvernement fédéral dans le secteur des entreprises. Dans le projet de loi C-72, quand on parle des entreprises à l'article 42, il n'y a rien qui dit que c'est limité aux entreprises de juridiction fédérale. On parle des entreprises, on parle des associations patronales, on parle des associations syndicales, "at large", sans limite, sans limitation. C'est dangereux cela parce que, je le répète, il peut y avoir, si le gouvernement fédéral maintient ses intentions, collision d'objectifs, incompatibilité d'objectifs poursuivis par les deux gouvernements. Le gouvernement québécois, son objectif dans les entreprises, c'est la francisation, c'est de faire du français la langue de travail. C'est difficile, cela demande beaucoup d'efforts, beaucoup d'énergies, beaucoup de bonne volonté aussi, beaucoup de concertation. C'est difficile, mais c'est cela son objectif: faire du français la langue de travail, franciser les entreprises.

Si le gouvernement fédéral intervient, en vertu de l'article 42 de C-72, dans le secteur des entreprises pour promouvoir le bilinguisme au Québec, cela veut dire promouvoir l'anglais, parce que selon les dispositions de C-72, dans les provinces prises comme territoires linguistiques, c'est la langue de la minorité qui est l'objet de promotion. Au Québec, la langue de la minorité, c'est l'anglais. Par conséquent, dans les entreprises, cela va se traduire par un plan d'action visant à promouvoir l'anglais, alors que l'objectif du gouvernement québécois c'est la francisation des entreprises. Il y a donc là une incompatibilité, deux objectifs inconciliables. Il aurait fallu que le gouvernement québécois fermement, de façon déterminée, vigoureuse dise au gouverne-

ment fédéral: Vous devez reculer sur ce terrain. Contentez-vous d'occuper, comme c'était le cas par le passé, vos juridictions en matière de langues officielles, mais ne venez pas piétiner nos plates-bandes, ne venez pas vous ingérer dans nos secteurs, dans nos domaines de juridiction québécoise. Enlevez du projet de loi C-72 les dispositions qui pourraient justifier une telle intervention dans nos domaines, dans nos plates-bandes.

Cela n'a pas été fait. On s'est contenté d'une lettre, d'une missive, sans plus, sans demander plus. Par conséquent, c'est pour cette raison que j'ai inscrit cette motion de censure qui, je le répète, blâme sévèrement le gouvernement libéral de faire preuve de mollesse et d'irresponsabilité en refusant de protéger vigoureusement les compétences linguistiques du Québec, qui sont menacées par le projet de loi fédéral C-72 sur les langues officielles. Je termine en disant que ce qu'il y a d'inquiétant dans l'attitude du gouvernement québécois, du gouvernement libéral, sur cette question, comme sur bien d'autres questions, c'est le peu de souci, le peu de préoccupations de ce gouvernement pour préserver l'intégrité de l'État québécois, préserver les compétences de l'État québécois. Je pense qu'il faut dénoncer, à ce sujet, comme en bien d'autres, l'irresponsabilité, la mollesse du gouvernement de façon à préserver l'intégrité de l'État québécois. C'est pourquoi nous avons présenté cette motion de blâme. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre de l'Éducation.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Mme la Présidente, j'ai écouté avec intérêt l'intervention du député de Lac-Saint-Jean et, comme cette question des droits linguistiques m'a toujours vivement intéressé, j'ai pensé qu'il était de mon devoir d'intervenir dans ce débat afin de situer la discussion dans une perspective peut-être plus juste et plus réaliste.

Il importe de signaler des le départ que, sur la nécessité d'une action vigoureuse et concertée pour maintenir et renforcer le caractère français du Québec, je pense bien qu'il y a accord profond entre tous les députés de l'Assemblée nationale sur le rôle très important et primordial qui incombe au gouvernement du Québec et à l'Assemblée nationale en matière linguistique. Il y a également accord profond entre les députés des deux formations.

Là où les désaccords commencent, c'est tout d'abord dans l'interprétation de la réalité et, deuxièmement, dans l'approche générale que l'on adopte d'un côté et de l'autre de la Chambre à l'endroit de notre système de gouvernement canadien et des modes diversifiés d'interventions qu'il rend possibles. J'ai souvent remarqué, à l'occasion de nos débats au cours des dernières années, que, chaque fois qu'on aborde la question linguistique dans son rapport avec le système fédéral canadien, les députés de l'Opposition sont enclins à adopter une attitude défensive, une attitude de crainte et de peur qui atteint souvent des proportions de dramatisation fort éloquentes, surtout sur les lèvres du député de Lac-Saint-Jean dont nous apprécions la clarté et la vigueur d'expression.

Du côté libéral, l'attitude est différente. Nous avons tout d'abord un réflexe construct. Nous avons tout d'abord une attitude positive, ce qui ne nous empêche pas d'être vigilants. Mais nous essayons de voir les choses dans leurs aspects positifs avant de nous arrêter et, surtout, au lieu de nous arrêter uniquement aux aspects négatifs. Je pense que cela conditionne beaucoup les conclusions auxquelles nous sommes amenés par l'examen de problèmes comme celui qui est au coeur du débat d'aujourd'hui.

Devant le projet fédéral de loi linguistique qui s'appelle C-72, je voudrais tout d'abord en toute objectivité signaler les modifications qu'il apporte par rapport à la loi que nous connaissons présentement et qui fut adoptée en 1969 sous le gouvernement de M. Pierre Elliott Trudeau. Déjà, la loi de 1969 innovait beaucoup parce qu'elle créait pour le gouvernement fédéral des obligations considérables en matière de services devant être offerts en français et en anglais, c'est-à-dire dans les deux langues officielles du Canada, à la population canadienne et aussi en matière de droit d'accès à des fonctions dans le service public du Canada pour des Canadiens parlant l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada. Mais tout le monde avait constaté qu'il y avait des faiblesses dans la loi. C'est une très belle loi qui a fait l'objet de commentaires admiratifs dans beaucoup d'autres pays et dont, moi, je me suis plu à maintes reprises à signaler les effets bienfaisants qu'elle a produits au Canada depuis 20 ans. On avait signalé dans bien des milieux des faiblesses importantes de cette loi et la plus importante - le député de Lac-Saint-Jean en conviendra, j'en suis sûr, sans discussion - c'était le silence de la loi de 1969 sur la langue de travail dans l'administration publique fédérale. On disait que le public pouvait exiger d'être servi dans sa langue, mais on ne créait pas de conditions spéciales pour le travail quotidien à l'intérieur de la fonction publique.

Or, dans le projet de loi C-72, le député de Lac-Saint-Jean conviendra avec moi qu'il y a des améliorations considérables parce qu'on affirme explicitement le droit d'un fonctionnaire de travailler dans sa langue au gouvernement fédéral - pas au gouvernement québécois, au gouvernement fédéral. On affirme également l'obligation pour les supérieurs de cet employé d'être capables de traiter avec lui dans sa langue, pas dans leur langue à eux. Enfin, on introduit dans la loi fédérale un principe de courtoisie et de civilisation élémentaire, à savoir le devoir du supérieur de transiger avec celui qui

est placé dans une situation de subordination envers lui dans la langue du subordonné et non pas du supérieur. C'est un point que j'aurais aimé qu'on signale en toute objectivité, mais je le fais par souci de la vérité.

On avait signalé que les obligations du Conseil du trésor et du Secrétaire d'État qui sont chargés de l'application courante de la loi n'étaient pas définies de manière assez ferme dans la loi de 1969. Cette fois-ci, les obligations de l'un et de l'autre sont définies avec beaucoup plus de vigueur. (12 heures)

Un autre point faible de la loi de 1969, c'était l'absence de recours judiciaire auquel elle pouvait donner lieu. On disait aux citoyens: Si vous avez un problème, adressez-vous au Commissaire aux langues officielles. Le Commissaire aux langues officielles a très bien fait son travail depuis une vingtaine d'années. Je pense que nous avons été fortunés d'avoir à ce poste des personnes très consciencieuses, même si nous ne sommes pas obligés d'être toujours de leur avis sur tous les jugements qu'elles portent. Une fois que le Commissaire aux langues officielles s'était prononcé, il pouvait faire une recommandation au ministère concerné; il n'avait pas de pouvoir de mener la situation jusqu'au bout. En particulier, ce qui manquait, c'était la possibilité pour un citoyen ou pour le Commissaire aux langues officielles de se prévaloir d'un recours devant les tribunaux. Quand une loi n'est pas observée, on ne va pas dans la rue, on n'appelle pas l'armée, on va voir les tribunaux. Ce droit n'était pas clairement défini dans la loi de 1969. Il l'est dans le projet de loi C-72. Voilà autant d'aspects du projet de loi C-72 dont nous devrions pouvoir parler de manière constructive et favorable. Je le fais sans aucune espèce de complexe. Vu que l'Opposition a inscrit ce sujet à l'ordre du jour de nos débats, je pense qu'il est dans l'ordre que nous fassions d'abord justice à ces aspects positifs du projet de loi C-72.

Maintenant, l'Opposition attire notre attention, depuis quelques semaines, sur un aspect du projet de loi C-72 qui est de nature à susciter des interrogations. Dans la loi de 1969, on s'en tenait strictement à définir les droits et les obligations en matière linguistique en ce qui touche le fonctionnement des organismes du gouvernement fédéral. Par exemple, on disait: II faudra que ceci se fasse à l'intérieur de la fonction publique fédérale. On définissait des obligations en matière de services en langue française ou en langue anglaise pour telle sorte de services, pour les sièges sociaux des sociétés de la couronne, etc. Ici, on va plus loin. On introduit, dès le préambule, un concept qui n'était pas dans la loi jusqu'à maintenant et je vais le citer pour être franc, pour examiner jusqu'au bout tous les aspects du problème.

Le gouvernement fédéral se reconnaît l'obligation ou il se la donne, en plus de promouvoir les droits linguistiques dans les organis- mes qui relèvent de sa compétence, de promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. Par conséquent, il élargit beaucoup les perspectives. De ce côté, je pense que nous avons les mêmes textes devant les yeux. Nous avons l'obligation de les lire de la même manière, dans la mesure où nous ne les faussons point. Alors, il y a cet élargissement considérable de perspectives auquel il faut être attentif. Il faut veiller, dans le reste du texte de loi, à voir ce que ceci veut dire, parce que le préambule, c'est toujours une chose, mais ce n'est pas cela qui est le plus décisif dans l'application et l'interprétation des textes de loi, nous le savons tous.

Si nous allons plus loin dans le projet de loi, nous constatons qu'à peu près tout ce que nous trouvons dans le projet de loi concerne surtout les organismes du gouvernement fédéral, la manière dont devront fonctionner le Parlement, les services législatifs, les tribunaux, les services judiciaires, les sociétés de la couronne et la fonction publique pour tenir compte et respecter les droits linguistiques autant des francophones que des anglophones au Canada.

Il y a une section qui est au coeur du débat introduit par l'Opposition et je ne voudrais pas me dérober à l'obligation qui m'incombe de l'aborder franchement. C'est la section qui est intitulée "Partie VII, promotion du français et de l'anglais." Dans cette section, on donne au Secrétaire d'État le droit de prendre les mesures qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne, notamment... Il y a toutes sortes de choses qui sont énumérées, y compris celles dont a parlé le député de Lac-Saint-Jean. Il n'a pas inventé ces choses-là; il les a puisées dans le texte. Soyons de bon compte.

Maintenant, je les prends une après l'autre pour ramener les choses à des proportions plus réalistes. "Il prend des mesures de nature à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement." Le gouvernement fédéral le fait depuis 25 ans. Le gouvernement fédéral finance les associations francophones dans d'autres provinces depuis 25 ans. Également, il a donné des subventions à Alliance Québec au Canada, qui se présente comme l'organisme représentant la minorité anglophone au Québec. Il le fait depuis 25 ans, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Je ne pense pas que nous puissions le contester.

Je pense que cet article du projet de loi n'ajoute pas grand-chose à ce qui se fait déjà. Cela n'ajoute absolument rien à la compétence du gouvernement fédéral. C'est une chose qui se fait et nous-mêmes avons considéré qu'elle devait se faire en ce qui touche les minorités francophones des autres provinces. Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean voudrait nous dire que le gouvernement fédéral devrait se refuser à toute forme

de responsabilité envers les minorités francophones dans les autres provinces du Canada? Moi, je ne serais pas prêt à aller jusque-là.

Ensuite, "pour encourager et appuyer l'apprentissage du français et de l'anglais." J'entendais le député de Lac-Saint-Jean s'inquiéter tantôt du concept d'accord-cadre. Nous l'avons déjà. Votre gouvernement péquiste a signé un accord de cette nature en matière d'enseignement des langues officielles. On va en signer un autre prochainement. J'ai reçu la version que propose le gouvernement fédéral pour les trois prochaines années de l'accord sur l'enseignement des langues officielles. C'est déjà dans la machine depuis longtemps, vous l'avez fait. Cet accord nous permet de financer en grande partie les services scolaires dont dispose la minorité anglophone au Québec. Cela permet de financer les services scolaires dont dispose la minorité francophone dans les autres provinces du Canada. Il n'y a pas de quoi nous inquiéter. Nous reconnaissons qu'il y a un rôle de soutien qui est rempli depuis longtemps par le gouvernement fédéral dans ce domaine et, dans la mesure où cela se fait en respectant les compétences des provinces, en respectant leur système d'éducation propre, je pense que nous avons lieu de nous réjouir qu'un coup de pouce soit donné à la promotion d'une meilleure connaissance des deux langues officielles, surtout à la promotion d'une meilleure connaissance de sa langue par chaque famille linguistique, française ou anglaise, et à la promotion d'une chance d'accès à la connaissance de l'autre langue officielle par les membres de chacune des deux familles linguistiques.

Je ne pense pas, jusqu'à maintenant, qu'il y ait un débat sérieux entre nous, à moins que je ne me fasse des illusions. Si je me fais des illusions, je serais bien content qu'on me le dise. À ce moment-là, il faudrait répudier les actions qu'ont faites les gouvernements du Québec depuis déjà une vingtaine d'années, y compris le gouvernement péquiste qui a été, pendant neuf ans, au pouvoir, qui n'a jamais soulevé ce problème. Je pense qu'il avait raison de ne pas le soulever parce que nous faisons tellement pour la minorité anglophone au Québec depuis la Confédération qu'il était normal qu'une certaine mesure compensatrice comme celle-là soit mise à la disposition du Québec pour assurer en partie le financement de ces services. Je n'ai aucune gêne devant cela. Je pense qu'il était normal que nous le fassions, notre compétence législative et administrative étant complètement sauve. "Pour encourager le public à mieux accepter et apprécier le français et l'anglais." Je pense que c'est le devoir de pratiquer la vertu. C'est "motherhood and apple pie", comme on dit, c'est la maternité et la pomme, qui est le fruit préféré de tous les Canadiens, nous le savons. Je pense bien qu'on ne peut pas nier au gouvernement fédéral le droit de prendre des mesures pour encourager le public à mieux accepter et apprécier le français et l'anglais. Si cela nous fait peur, on est aussi bien d'aller se réfugier sur une planète très éloignée de la planète terrestre. Cela ne m'inquiète pas beaucoup. Cela demande du discernement, cela demandera du jugement dans l'application, mais, à part cela, il y a un pouvoir souverain qui incombe à chaque gouvernement. La ville de Montréal peut le faire, la ville de Hamstead peut le faire, la commission scolaire du Lakeshore peut le faire, le gouvernement de l'Ontario peut le faire, et on irait écrire que le gouvernement fédéral ne peut pas faire cela. Moi, je ne pousserais pas l'irréalisme jusque là, pour être franc avec vous.

Je continue: "encourager et aider les gouvernements provinciaux à favoriser le développement des minorités francophones et anglophones." Encore là, on n'a pas de problème jusqu'à maintenant, encourager et aider les gouvernements provinciaux à favoriser le développement des minorités francophones et anglophones. Nous n'avons pas de problème ici. Je viens de donner l'exemple de l'enseignement des langues officielles, de l'appui aux services scolaires destinés à la minorité linguistique et aussi aux services scolaires destinés à favoriser l'apprentissage de l'autre langue officielle par les membres de la majorité linguistique. Il n'y a pas de problème là-dedans jusqu'à maintenant, en tout cas. Alors, on dégonfle, quand même, une bonne partie du ballon en faisant cet exercice d'analyse élémentaire fondé sur l'histoire et la réalité déjà connue. (12 h 10)

J'ajoute un point - et je passe certains points - "permettre aux gouvernements provinciaux d'offrir à leur population des services provinciaux et municipaux en français et en anglais." Cela passe par la compétence provinciale. Il n'y a pas de problème là-dessus. Je pense qu'il n'y a pas lieu de nous attarder.

Quant au point qui inquiète le plus l'Opposition, je pense qu'on doit le regarder loyalement aussi. Il faut essayer de comprendre l'objection, même si c'est pour la réfuter. Il faut d'abord, l'avoir comprise, parce qu'autrement la soi-disant réfutation porte à faux et à vide.

Le projet de loi voudrait habiliter le Secrétaire d'Etat du Canada à prendre des mesures pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français ou en anglais, à favoriser la reconnaissance et l'usage de ces deux langues, collaborer avec eux à ces fins, et ensuite encourager et aider les organisations, associations ou autres organismes à refléter ou promouvoir au Canada et à l'étranger le caractère bilingue du Canada.

Il y a toute une partie qui est au-dessus de toute discussion dans ces paragraphes. Dans la mesure où il s'agit d'entreprises, de syndicats ou d'associations oeuvrant dans des secteurs qui relèvent de la compétence législative du Parlement fédéral, je pense qu'il n'y aura pas de

problème. Disons qu'il s'agit de nos institutions bancaires et que le gouvernement fédéral veuille faire quelque chose, prendre des mesures pour favoriser le respect des deux langues officielles à l'intérieur du système bancaire, du système de radiodiffiusion, du système postal, du système des chemins de fer et d'aviation, qui relèvent au premier chef du gouvernement fédéral; je pense bien que le député de Lac-Saint-Jean conviendra avec moi qu'on peut très bien accepter que, dans ces secteurs-là, relevant de sa compétence, le gouvernement fédéral voudra habiliter le Secrétaire d'État à prendre des mesures pour aider les entreprises, les associations patronales, les associations syndicales à respecter et à promouvoir l'égalité des deux langues à l'intérieur de leurs activités de travail.

Maintenant on dit oui, mais, tel que formulé, cela peut déborder, C'est possible que cela puisse déborder. Législativement, le Conseil de la langue française lui-même, dans l'avis qu'il a donné au gouvernement, reconnaît que cela ne pourra pas déborder, parce que, même s'il allait affirmer qu'il peut intervenir là-dedans, il suffira d'une contestation judiciaire pour que le gouvernement fédéral soit ramené dans le droit chemin. Ce n'est pas parce qu'il écrirait un mot de plus dans ce paragraphe de la loi qu'il changerait un iota à la constitution canadienne. La constitution demeure ce qu'elle est, et jusqu'à nouvel ordre... Je pense que le principe le plus sûr que nous puissions invoquer là-dedans... Et je suis prêt à me faire corriger tantôt par le député de Jean-Talon, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, si je fais erreur. Je lui demande de m'écouter attentivement avec toute la vigilance dont il est capable. En général, sauf les dispositions constitutionnelles qui traitent explicitement de langue, la compétence en matière linguistique suit la compétence dans les différents champs d'intervention législative. Si la compétence en matière de santé est donnée aux provinces, c'est à elles qu'il incombe d'intervenir pour définir les normes de pratique linguistique en matière de services de santé. Alors, quand même le gouvernement fédéral dirait le contraire ici, il ne pourrait changer aucun élément à l'ordre constitutionnel qui nous régit. Par conséquent, il y a déjà une première garantie qui est inscrite dans une lecture le moindrement réaliste de la constitution. Cela c'est premièrement.

Et je pense que cela, c'est le fond, le fondement de la position du gouvernement du Québec, et c'est pourquoi nous n'avons pas crié aux corneilles quand nous avons réagi par l'intermédiaire de la lettre que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a adressée au gouvernement fédéral au nom du gouvernement du Québec. C'est parce qu'il savait cela. Ce n'est pas nécessaire de le dire à chaque fois. Quand on est catholique, on n'est pas obligé de se promener en ayant l'étiquette catholique au cou tout le temps. Les gens s'en aperçoivent par la manière dont on agit.

Quand on respecte la constitution, on n'est pas obligé de dire: Je suis fidèle à la constitution. Cela va en marchant. Cela va sans le dire. C'est pour cela. S'il fallait qu'on aille écrire chaque fois, dans les textes de loi qu'on fait, "dans le domaine de ma compétence, je fais ceci", il y aurait une tautologie absolument innommable. Alors, je pense qu'il faut comprendre ces points de vue là. Voici une première sauvegarde.

Il y en a deux autres. Il y en a une qui est inscrite dans l'accord du lac Meech. L'accord du lac Meech nous dit deux choses. Je ne comprends par pourquoi l'Opposition en retient toujours seulement une. La première nous dit - et c'est au tout début de l'accord du lac Meech: 'Toute interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec: "a) la reconnaissance de ce que l'existence de Canadiens d'expression française, concentrés au Québec mais présents aussi dans le reste du pays, et de Canadiens d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais aussi présents au Québec, constitue une caractéristique fondamentale du Canada. "b) la reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une société distincte."

Ces deux articles ne peuvent pas être interprétés l'un indépendamment de l'autre. Il y en a un qui a été formulé en premier, mais il est nuancé par ce qui est dit dans le deuxième. Si on veut donner une interprétation honnête, il faut les prendre tous les deux ensemble. C'est évident. Il y a un engagement pour le gouvernement du Québec à respecter la dualité linguistique du Canada dans la mesure définie par la constitution. En matière de travaux parlementaires, il y a des obligations précises qui nous sont données par la constitution. Nous les reconnaissons sans difficulté. En matière de tribunaux, il y a des obligations qui sont définies dans l'article 133 de la constitution canadienne. C'est couvert par le paragraphe a) ici. Je sais que l'Opposition n'accepte pas la constitution canadienne. C'est son droit. Elle ne l'accepte pas en principe et en pratique, et je ne l'accuse pas de désobéissance civile, pas du tout, parce que je pense qu'elle respecte la constitution. Je lui donne ce crédit-là sans discussion. C'est le premier point, la dualité linguistique du Canada dans la mesure, toujours, qui est définie par les textes constitutionnels.

On a d'autres textes, ceux qui ont été ajoutés par l'accord constitutionnel de 1982 en matière de droits scolaires, par exemple. Cela fait partie aussi de ce que nous reconnaissons. Nous n'allons pas au-delà de cela. Nous n'avons pas ajouté un iota à la constitution canadienne en matière d'obligations du Québec concernant la dualité linguistique. Nous acceptons ce qui est défini. Mais nous disons: Pour le reste, vous savez, la reconnaissance de ce que le Québec constitue au sein du Canada une société distincte, dont le caractère est déjà établi par beaucoup de dispositions constitutionnelles et

législatives et dont le caractère pourra être affirmé davantage au cours des années à venir par les mesures que nous prendrons.

Une deuxième garantie qui n'est pas négligeable. Je ne veux pas engager tout le débat. J'adorerais avoir la chance de faire une intervention d'une heure à l'Assemblée nationale sur ce thème-là. Un bon débat avec l'Assemblée nationale me plairait énormément. Je pense que le ministre responsable de ce secteur l'a fait à maintes reprises et il a très bien défini la position du gouvernement.

J'ajoute une troisième garantie et je termine là-dessus, Mme la Présidente. Il y a aussi l'article '44 du projet C-72, qui prévoit que, pour s'acquitter de ses obligations, le Secrétaire d'État du Canada sera autorisé à procéder à des consultations et à la négociation d'accords avec les gouvernements provinciaux en vue d'assurer le plus possible la réalisation des objectifs de la loi. Nous autres, nous avons tout de suite écrit pour les prévenir que, dans toute la mesure où ils voudraient appliquer cet article-là, nous exigerons la signature d'un accord. Ils ont répondu qu'ils étaient prêts à le faire. Là, on va tomber dans le même ordre d'initiatives que cet accord sur les langues officielles dont j'ai parlé tantôt, l'accord sur l'enseignement des langues officielles. On en a signé un autre, récemment, sur le développement régional. On peut bien avoir comme théorie: Le développement régional, Québec Québec! On se rend compte qu'on a besoin de collaboration financière. On signe une entente avec le gouvernement fédéral qui nous donne la maîtrise d'oeuvre, la réalisation des projets qui nous assurent d'une certaine participation. Il n'y a rien d'humiliant à cela. Je pense que c'est la loi même d'un système fédéral que cela débouche souvent sur des ententes-cadres de cette nature.

Alors, étant donné ces trois garanties dont j'ai parlé, tout d'abord la garantie définie par l'ordre constitutionnel canadien lui-même, deuxièmement, la garantie contenue dans l'accord du lac Meech et, troisièmement, la garantie contenue dans l'article 44 du projet de loi C-72, je pense que nous avons les éléments pour nous défendre au nom du Québec, pour tenir très haute la position du Québec vis-à-vis du gouvernement fédéral dans la mesure où on voudrait interpréter ce texte de loi différemment.

Maintenant, j'ajouterais en conclusion que, si j'avais été invité à rédiger ce texte de loi, je ne l'aurais pas rédigé de la manière dont il est rédigé, à la fois dans le préambule et dans cette partie qui donne lieu à une contestation de la part de l'Opposition. Je ne voudrais pas qu'on pense deux minutes que c'est le texte de loi du ministre de l'Éducation du Québec ou du gouvernement du Québec. C'est un texte dont le gouvernement fédéral a la paternité et la responsabilité. Il nous incombait de lui en signaler certaines faiblesses, certains dangers, et d'insister surtout pour lui faire comprendre la position très nette du Québec en matière de compétence linguistique, mais ce n'est pas à nous de rédiger un autre texte à la place du gouvernement fédéral. Étant donné tout ce que j'ai dit, nous avons jugé que, dans l'ordre prudentiel, dans l'ordre pratique, nous pourrions obtenir plus de résultats en travaillant sur l'amélioration concrète de l'action du gouvernement fédéral en matière linguistique que sur le déclenchement d'une croisade linguistique qui n'aurait pas été appropriée étant donné toutes les explications que nous avons essayé d'apporter dans ce débat et étant donné aussi les objectifs pratiques que nous devons continuer à poursuivre là-dedans. Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Éducation.

M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Mme la Présidente, est-ce qu'on pourrait suspendre quelques secondes pour donner le temps à mon collègue, le député de Taillon, qui est en commission parlementaire, si c'était possible, de venir nous rejoindre?

La Vice-Présidente: Je vais donc suspendre nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 22)

La Vice-Présidente: Nous allons reprendre nos débats sur la motion de censure. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Je m'excuse auprès de mes collègues de l'Assemblée nationale du petit retard. On était en commission parlementaire. Les fins de session, on sait ce que c'est.

Il me fait plaisir d'intervenir sur la motion présentée par le député de Lac-Saint-Jean. Je trouve assez incroyable l'attitude du gouvernement libéral dans ce dossier. Cela fait environ une vingtaine de questions que nous adressons au parti ministériel. Que ce soit du côté du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou du côté du ministre responsable de la loi 101, on aura rarement vu de la part d'un gouvernement du Québec une attitude aussi molle, aussi laxiste à l'égard des intérêts fondamentaux du Québec.

Je vois le ministre de l'Éducation, qui n'en est pas sûr. Je lui résumerais de la façon suivante le type d'attitude du gouvernement dont il fait partie sur le projet de loi C-72. Tout cela vient des paroles de son collègue le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou du ministre responsable de la loi 101

qui nous disent essentiellement ceci: Oui, le projet de loi C-72 constitue une base d'empiétement sur les compétences législatives du Québec en matière linguistique, bien sûr.

Je pense qu'il n'y a personne en cette Chambre qui peut logiquement prétendre que l'article 42 précisément n'est pas une base directe, claire, d'intrusion dans les compétences provinciales. Je vais lire, Mme la Présidente, l'article 42: Le Secrétaire d'État du Canada prend les mesures qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure: f) pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l'usage de ces deux langues et pour collaborer avec eux à ces fins.

La première réponse donnée par le gouvernement... D'abord, cela leur a pris un an pour réaliser qu'à Ottawa ils avaient déposé un projet de loi. Un an! En juin 1987, le projet de loi était déposé à la Chambre des communes. Tout le monde était au courant. J'ai donné une conférence de presse au début de l'hiver dernier pour mentionner cela. Mais le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, comme le reste du gouvernement, en matière linguistique, dormait. De telle sorte qu'en avril 1988 le gouvernement s'est à peu près réveillé lorsqu'il a reçu un avis du Conseil de la langue française qui a joué le rôle du réveille-matin, comme l'a bien signalé le député de Lac-Saint-Jean. Du côté gouvernemental, pas en public évidemment, on a commencé à s'énerver, à dire n'importe quoi. Au premier chef, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a commencé à dire: Oui, c'est vrai. C'est un empiétement dans nos compétences. Mais ils ne feront pas cela. C'est du trop bon monde pour faire cela. Vous savez, on se parle entre nous, etc. Première attitude du ministre.

Ensuite, il a écrit une lettre dans laquelle il est allé un peu plus loin. Heureusement, il commençait à réaliser un peu que cela n'avait pas de sens et que, même s'il "pilait" un peu sur son orgueil et qu'il admettait ses erreurs et ses faiblesses en n'ayant pas réagi avant cela, il était quand même temps de penser un peu à l'avenir. Alors, il a envoyé une lettre. C'est trop peu trop tard, cette lettre.

Ensuite, il est arrivé dans cette Assemblée nationale et nous a sorti quelque chose de tout à fait neuf. Il a dit: Vous savez, les aéroports... Et il y a tous les organismes qui sont de juridiction fédérale. Il a découvert cela. Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, au bout d'un an, au bout de 20 périodes de questions, nous est arrivé et a dit: Vous savez, il y a les ports, les aéroports, des organismes fédéraux. Bien oui! Sauf que l'article 42, paragra- phe f, est clair: pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance de l'usage de ces deux langues. C'est le bilinguisme.

Et si le ministre, comme semble encore une fois le laisser entendre le gouvernement... Non seulement le gouvernement l'a laissé entendre, il y a même le Secrétaire d'État canadien, qui subira le test électoral lundi prochain, qui disait: Écoutez, là-dessus, on va essayer d'avoir une entente-cadre. D'ailleurs, le ministre a un peu embarqué là-dedans, une entente-cadre sur des compétences qui relèvent du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale du Québec, mais en tolérant l'empiétement direct que constituent le projet de loi C-72 et, en particulier, l'article 42. En particulier parce que ce n'est pas là le seul article qui nous concerne dans le projet de loi C-72, mais en particulier cet article.

Or, l'attitude du gouvernement libéral équivaut à peu près à dire: Écoutez, oui, il y a une base de missiles installée dans le pays voisin d'où on peut nous attaquer facilement, mais, vous savez, ils ne feront jamais cela, ils ne nous enverront jamais des missiles sur la tête. Voyons donc! Si le gouvernement fédéral intervenait dans les domaines de juridiction provinciale! Et le Secrétaire d'État qui dit: Cela prend une entente-cadre. Mais on n'a pas besoin d'entente-cadre, Mme la Présidente. On a une juridiction à exercer, à défendre, à promouvoir. Je comprends que le gouvernement libéral veuille signer des ententes-cadres avec le gouvernement fédéral. Il n'a strictement rien fait en matière linguistique depuis deux ans et demi pour promouvoir le français au Québec.

Même, pour ajouter une cerise sur le sundae de mollesse du gouvernement libéral, j'ajouterais ceci: Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, en réponse à une question du député de Lac-Saint-Jean, disait, la semaine dernière ou l'autre semaine avant: Vous savez, c'est le français qui est menacé au Québec. On commence à s'ouvrir un peu les yeux et les oreilles. Je pense qu'on s'est assez battus du côté de l'Opposition. Eux, ils commencent tranquillement. (12 h 30)

Pour le ministre responsable de la loi 101, c'est plus long un peu. Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, cela fait deux ans et demi qu'il nous écoute, il l'a dit au cours d'une période de questions: C'est le français qui est en danger au Québec. Des beaux mots! Sauf qu'on ne fout rien. C'est le français qui est menacé ici, au Québec. Sauf que, des 75 000 000 $ donnés par le gouvernement fédéral pour l'enseignement au Québec, il y en a 71 000 000 $ qui vont pour l'enseignement de l'anglais. Les montants d'argent que donne le gouvernement fédéral, profitant de la mollesse du

gouvernement libéral, à quoi sont-ils consacrées sinon à promouvoir l'anglais au Québec? Le gouvernement fédéral n'a pas besoin de cela, votre gouvernement le fait très bien depuis deux ans et demi. Les seules mesures qui, concrètement, ont été prises par votre gouvernement depuis deux ans et demi ont été des mesures pour favoriser l'anglais au Québec.

Alors, n'oubliez pas, M. le ministre, que par les montants d'argent qui viennent du gouvernement fédéral, qui utilise son pouvoir de dépenser que vous avez consacré dans l'entente du lac Meech, à qui vous avez donné une force dans l'entente du lac Meech, une force qui n'existait pas auparavant, le gouvernement fédéral utilise ce canal du pouvoir de dépenser pour investir au Québec des sommes d'argent servant à quoi, sinon à venir renforcer l'anglais et l'usage de l'anglais au Québec. Tout cela est conforme au projet de loi C-72, pour le gouvernement fédéral. C'est conforme à sa vision symétrique du Canada, comme l'est, d'ailleurs, l'entente du lac Meech, quand on fait de la dualité canadienne la caractéristique fondamentale. Le ministre me fait des signes, il n'a pas lu comme il faut l'avis du Conseil de la langue française. Il faudra que je le souligne en jaune et que je le lui envoie.

Bref, Mme la Présidente, puisque vous m'indiquez que le temps avance, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, le premier ministre, qui n'a jamais trop aimé les questions linguistiques - on n'en est pas à une confidence près devant la frustration et l'insécurité du premier ministre en matière linguistique - le ministre responsable de la Charte de la langue française et tout le gouvernement libéral se comportent comme de mauvais dirigeants des intérêts fondamentaux du Québec lorsqu'ils permettent au gouvernement fédéral non seulement d'installer sa base de missile dirigée contre la majorité francophone menacée du Québec, mais aussi lorsqu'il laisse le gouvernement fédéral utiliser un pouvoir de dépenser, maintenant consacré dans l'entente du lac Meech, pour aider quelle langue au Québec? Est-ce que c'est la langue qui est menacée que vient aider le gouvernement fédéral? Non! Ils viennent aider la langue de la majorité anglaise au Canada. Ils viennent aider la langue de la majorité anglaise en Amérique du Nord. C'est matière à réflexion pour le gouvernement libéral et, en particulier, pour le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

C'est cela, la réalité de ces sommes d'argent qui sont versées par Ottawa. De quelle façon ces sommes d'argent sont-elles utilisées sur le terrain? Vous, du gouvernement libéral, vous laissez déverser sur le Québec ces sommes d'argent qui vont servir à rendre encore plus insecure la position du français au Québec. Vous laissez investir au Québec ces sommes d'argent qui vont contribuer à la détérioration du français au Québec, ce qui sera, d'ailleurs - Mme la Présidente, puisque vous m'indiquez qu'il me reste une minute - finalement, à peu près tout ce que le gouvernement libéral aura fait depuis déjà deux ans et demi.

Je voudrais terminer, Mme la Présidente, en citant aux gens d'en face une lettre que j'ai reçue. On en reçoit plusieurs du côté de l'Opposition. Je vais en citer une pour bien montrer le laxisme de ce gouvernement dans la défense et la promotion du français au Québec. C'est une lettre datée du 8 juin. Vous savez, le gouvernemen libéral a autorisé l'envoi de chèques d'aide sociale à des francophones avec des documents en anglais, plusieurs milliers, et la personne nous écrit: "Monsieur, j'ai été très indigné - je termine rapidement, Mme la Présidente - de recevoir, dans mon chèque de juin - un chèque d'aide sociale - des papiers en anglais seulement. Je suis québécois et vous pouvez dire à M. Bourassa qu'il s'adresse en français quand il nous écrit. Je suis peut-être pauvre, mais je veux vous dire que nous sommes français."

Mme la Présidente, j'invite le ministre, tout le gouvernement libéral à réfléchir à son attitude de mollesse vis-à-vis du projet de loi C-72 et vis-à-vis de l'attitude du gouvernement fédéral, qui considère que le Québec est bilingue. Non, le Québec est français, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. J'aimerais vous informer, M. le ministre, qu'il reste neuf minutes à votre formation politique.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Nous discutons depuis déjà un certain temps de ce projet de loi C-72 en cette Chambre, projet de loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral. Pour ma part, comme ministre responsable des relations fédérales-provinciales, j'ai eu l'occasion de m'intéresser à ce projet de loi dès son dépôt à la Chambre des communes, l'an dernier, au mois de juin. Dès le dépôt du projet de loi C-72 à la Chambre des communes, j'ai eu l'occasion de l'étudier et j'ai envoyé une lettre aux ministres sectoriels qui pouvaient être intéressés par ce projet de loi, comme le ministre de l'Éducation et la ministre alors responsable de la langue.

La ministre responsable de la langue a de-demandé un avis au Conseil de la langue française sur la légalité, la constitutionnalité de ce projet de loi du gouvernement fédéral. Le ministre de l'Éducation, dans les semaines qui ont suivi, au mois de juillet, a rencontré son homologue, son vis-à-vis fédéral qui était Secrétaire d'État, M. Crombie, à l'époque, et lui a parlé de certains points qui pourraient se dégager du projet de loi C-72. À plusieurs reprises, il y a eu des rencontres tant des fonctionnaires que des ministres, où nous avons eu l'occasion d'aborder

le projet de loi C-72 dans son aspect légal et dans son aspect politique, concernant l'implication que le gouvernement fédéral voulait donner à ce projet de loi C-72.

Mme la Présidente, il est très important de bien comprendre que, dans la constitution canadienne, dans le partage des responsabilités législatives entre les deux niveaux de gouvernement, dans les articles 91 et 92, ces deux articles qui font le partage des responsabilités entre les deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, on ne retrouve pas le mot "langue". Mais, par la jurisprudence, on sait maintenant que le gouvernement fédéral a juridiction pour légiférer sur ses propres institutions, ainsi que dans les domaines de compétence qui relèvent de sa juridiction à lui, comme la province a juridiction pour légiférer sur la langue en ce qui regarde son propre champ de juridiction. Qu'est-ce que cela veut dire, Mme la Présidente? Cela veut dire, par exemple, qu'en ce qui regarde les bureaux de poste la loi 101 ne s'applique pas. Les bureaux de poste sont de juridiction du gouvernement fédéral. Le domaine de l'aéronautique, le domaine de l'armée, le domaine des communications, en fait, tous ces domaines relèvent du gouvernement fédéral. La province a juridiction dans ses domaines à elle en ce qui regarde la langue; par exemple, dans le cas des municipalités, de la santé, le gouvernement provincial a juridiciton pour légiférer sur la langue. (12 h 40)

Mme la Présidente, par les avis que nous avons obtenus tant du Conseil de la langue française, mais, d'une façon plus précise, celui que nous avons obtenu du ministère de la Justice, la conclusion est simple. Sur le plan juridique, sur le plan constitutionnel, ce projet de loi C-72 respecte la juridiction du gouvernement fédéral. Mme la Présidente, sur le plan légal, c'est clair.

Cependant, il peut y avoir des questions quant à une éventuelle utilisation de ce projet de loi par le gouvernement fédéral de façon que la compétence exclusive du Québec sur la langue en puisse être éventuellement touchée. Mais c'est une éventualité qui existe dans la très grande majorité des projets de loi. Nous vivons dans un régime fédéral. Nous avons deux ordres de gouvernement, et, quelquefois, la marge de manoeuvre pour respecter la compétence de l'un et de l'autre est très mince. Et, dans ce cas-ci, en ce qui regarde ce sujet qui est particulièrement important pour le Québec, la conclusion que nous avons, tant de l'avis du ministère de la Justice que de ceux obtenus de l'extérieur, confirme que ce projet de loi se situe à l'intérieur de la sphère de juridiction du gouvernement fédéral.

Ce fameux article 42 qui est souvent discuté, et le député d'Argenteuil, ministre de l'Éducation, l'a très bien analysé il y a quelques instants, Mme la Présidente... Il l'a très bien analysé. Entre autres, il a fait ressortir que, lorsque ce projet de loi se réfère à des organisations patronales et syndicales, à des organismes, il peut fort bien se référer - et on doit le présumer en droit - à des organismes qui sont de la juridiction du gouvernement fédéral, que ce soit dans le domaine de l'aéronautique, que ce soit dans le domaine des communications, des postes, etc. Mais qu'est-ce que vous voulez, il faut regarder le projet de loi dans son sens littéral et grammatical. Et c'est cela la réponse. Elle est claire. Elle est en fonction du respect de la compétence fédérale sur la langue, au niveau de ses institutions.

D'autre part, Mme la Présidente, je voudrais souligner aussi que, depuis 1982, nous avons deux langues officielles au Canada. Avant, cette Loi sur les langues officielles était une simple loi qui pouvait être modifiée, comme c'est le cas par exemple avec ce projet de loi C-72, par le Parlement. Mais, maintenant, le principe selon lequel ce pays, le Canada, a deux langues officielles, le français et l'anglais, est un principe reconnu par notre constitution, qui a donc une valeur constitutionnelle. Et, dans les articles 16 à 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, nous avons là les articles qui confirment que le Canada est un pays bilingue. Et il y a des articles, les articles 19 et 20 en particulier, Mme la Présidente - et je regarde l'article 20, par exemple - qui concerne le gouvernement fédéral et sa responsabilité d'utiliser les deux langues officielles, le français et l'anglais, dans des bureaux qui relèvent de sa juridiction "lorsque la demande est importante" et lorsque la vocation du bureau le justifie". Une demande importante, la vocation du bureau, voilà des termes qui sont bien vagues.

Mme la Présidente, ce projet de loi C-72 vient justement donner au Parlement canadien, la possibilité de circonscrire l'application de ces notions quelque peu larges dans la constitution de 1982, et c'est là, je pense, un aspect très intéressant. De même qu'il est intéressant de constater que les francophones hors Québec pourront bénéficier aussi de services dans leur langue en ce qui regarde, par exemple, l'accès à la justice, et ça, c'est un élément très positif également.

Donc, Mme la Présidente, une première conclusion s'impose. Sur le strict plan de la légalité, il est évident que ce projet de loi, pour le moment, se situe dans le cadre de la compétence du gouvernement fédéral. Je voudrais donner l'assurance à cette Chambre que si le gouvernement fédéral utilisait sa loi C-72 pour envahir un champ de compétence provinciale, pour toucher à cette compétence du Québec sur la langue, nous n'hésiterons pas à nous adresser aux tribunaux. Dans la mesure où le gouvernement fédéral utiliserait l'article 42, par exemple d'une façon régulatoire, pour légiférer relativement à la langue en ce qui regarde les domaines de compétence du Québec, nous n'hésiterons

pas à nous adresser aux tribunaux pour faire déclarer une telle action inconstitutionnelle.

Cependant, étant donné l'aspect constitutionnel du projet pour le moment, la seule démarche que nous pouvions faire c'était une démarche politique. C'est ce que j'ai fait en écrivant au Secrétaire d'État, en rencontrant M. Bouchard et en lui disant: Nous allons conclure une entente, je vous propose une entente pour encadrer l'action du gouvernement fédéral - pas nos compétences à nous, je voudrais bien être clair là-dessus, Mme la Présidente - afin que sur le territoire québécois on puisse avoir une utilisation concertée en fonction des principes que nous reconnaissons dans l'entente du lac Meech, le principe que le Québec est une société distincte, le principe que cette Assemblée a le pouvoir, le droit et le devoir de protéger et de promouvoir la spécificité québécoise, qui est essentiellement la langue française. Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Lac-Saint-Jean sur son droit de réplique.

M. Jacques Brassard (réplique)

M. Brassard: Mme la Présidente, j'ai écouté attentivement le ministre de l'Éducation tout à l'heure de même que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. La conclusion qui s'impose quand on les écoute, c'est qu'il n'y a pas de problème, il n'y a pas d'inquiétude à avoir. L'article 42, dans le projet de loi C-72, ce n'est pas grave. Il n'y a pas de danger, ne nous inquiétons pas. Que l'Opposition ne panique pas, que l'Opposition cesse de dramatiser. C'est la conclusion parce que le ministre de l'Éducation, entre autres, a lu intégralement l'article 42, paragraphe par paragraphe, pour conclure à chaque paragraphe qu'il n'y avait pas de danger. Ne nous inquiétons pas, ce n'est pas grave. Pas de problème!

Pourtant, Mme la Présidente, c'est curieux et bizarre. Le Conseil de la langue française, lui, dans son avis, est très inquiet parce qu'il affirme et je le cite, par rapport à l'article 42: "Ce point à lui seul - peut-on lire dans l'avis - donne la mesure de ce qu'entreprend le gouvernement fédéral avec ce projet. Il est facile de remarquer tout d'abord que le champ d'action que se donne l'État fédéral n'est plus décrit comme le secteur de compétence fédérale, mais bien comme la société canadienne, ce qui est bien plus large. "

Le ministre de l'Éducation le reconnaissait tantôt pour dire que ce n'était pas grave. Mais il le reconnaissait. "On retrouve la référence à la société canadienne à plusieurs reprises dans le projet de loi C-72, entre autres, l'article 42. Cela laisse prévoir que l'action fédérale - je cite toujours l'avis du conseil - se fera même dans les champs de compétence provinciale exclusive, non pas sous forme législative, ce qui serait anticonstitutionnel, mais au moyen de dépenses programmées, c'est-à-dire en ayant recours au pouvoir fédéral de dépenser. "

Il y a donc, c'est reconnu dans l'avis du Conseil de la langue française, élargissement du rôle du gouvernement fédéral en matière linguistique. Le ministre de l'Éducation reconnaît qu'il y a élargissement du rôle du gouvernement fédéral et conclut qu'il n'y a pas de problème. Il ne faut pas s'inquiéter et il ne faut pas dramatiser comme l'Opposition se plaît à le faire depuis le début.

Avec cet article 42, lu intégralement par le ministre de l'Éducation, évoqué tantôt par le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, il ne faut pas s'en faire. Il est là pour décorer le projet de loi, pour l'embellir probablement. C'est un élément purement décoratif, une fioriture décorative. Il ne faut surtout pas s'inquiéter. Voyons donc! Le gouvernement fédéral ne l'appliquera pas. Ils nous l'ont dit. Ils ne l'appliqueront pas. Il n'y a pas de danger.

Pourtant, l'avis du Conseil de la langue française est formel. Pourtant aussi, dans sa lettre, sa fameuse lettre au Secrétaire d'État, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes est on ne peut plus clair à mon avis, en page 2, troisième paragraphe, et je le cite: "Vous connaissez - dit-il au Secrétaire d'État - l'importance que nous attachons à une application complète et harmonieuse de la Charte de la langue française. Dans cette perspective, vous nous trouvez inquiets - au moins, il s'inquiète; le ministre de l'Éducation, lui, ne s'inquiétait pas du tout - de l'existence de certaines incompatibilités entre les exigences du projet de loi et celles de notre charte. " Ce n'est pas l'Opposition qui dit cela. C'est le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes dans sa lettre au Secrétaire d'État. (12 h 50)

II poursuit: "Nous croyons que votre gouvernement partage déjà nos préoccupations et qu'il ne voudra certainement pas, à l'occasion de l'application de la législation fédérale, aller à rencontre des objectifs impérieux de la Charte de la langue française, compte tenu de ses prises de position publiques favorables à la protection et à la promotion du français au Québec. " Fin de la citation. Extrait de la lettre du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes adressée au Secrétaire d'État fédéral.

Vous avez bien compris, Mme la Présidente. Le ministre est clair. Il y a certaines incompatibilités entre les exigences du projet de loi C-72 et les exigences de notre Charte de la langue française.

Une fois cela dit, le ministre, du même souffle, dit: Oui, mais vous êtes fins, vous êtes

gentils, on vous connaît, vous nous avez dit que vous ne ferez pas de tort à la Charte de la langue française, que vous êtes favorables à la protection du français. Par conséquent, on ne demande plus rien. Très bien. Laissons le projet C-72 tel qu'il est, intégralement, avec ses dispositions dangereuses identifiées par le Conseil de la langue française. C'est assez étonnant comme comportement de la part de quelqu'un qui ne cesse de claironner depuis des mois que le gouvernement libéral est attaché fermement à la défense de la compétence exclusive du Québec en matière linguistique.

Il dit: II y a des incompatibilités entre le projet de loi C-72 et la Charte de la langue française, et cela l'inquiète. En plus, il affirme que cela l'inquiète. Puis, une fois qu'y a reconnu cela et qu'il a avoué son inquiétude, cela se termine là. Il dit au fédéral: Oui, mais vous nous avez dit que vous étiez favorables au français. Par conséquent, on vous croit sur parole, on ne vous demande rien, il n'y a pas de changement à apporter au projet de loi C-72. C'est tout à fait inadmissible, irresponsable - irresponsable comme on l'indique dans la motion de blâme - de la part d'un gouvernement d'agir de cette façon. L'effort rassurant des ministres, en particulier du ministre de l'Éducation, je dirais l'effort chloroformant du ministre de l'Éducation en cette matière, je vous le signale et je vous le dis, Mme la Présidente, n'a pas eu d'effet sur nous, aucun effet. L'effort chloroformant du ministre de l'Éducation n'a pas eu d'effet sur nous. Nous continuons de maintenir qu'il y a une volonté politique au gouvernement fédéral d'élargir le rôle du gouvernement fédéral comme acteur linguistique au Québec, et cette volonté politique s'appuie sur des dispositions législatives telles qu'on les retrouve dans le projet de loi C-72 qui est à l'étude présentement à la Chambre des communes, et nous continuons de maintenir et nous continuons d'affirmer qu'il y a danger, il y a menace réelle pour les compétences linguistiques du Québec.

Parlons un peu maintenant, si vous me le permettez, Mme la Présidente, de l'entente du lac Meech, de l'accord du lac Meech. Le ministre de l'Éducation nous dit, d'un ton professoral. Écoutez, il y a deux éléments dont H faut tenir compte: la dualité linguistique reconnue comme caractéristique fondamentale du Canada, mais également la notion de société distincte pour ce qui est du Québec. Il nous dit aussi: Écoutez, il faut prendre ces deux éléments ensemble. Il ne faut pas les isoler, il ne faut pas les prendre séparément. Je suis parfaitement d'accord avec lui. il ne faut pas les prendre séparément. Non seulement il ne faut pas les prendre séparément, mais il faut aussi reconnaître la primauté d'un concept sur l'autre, la primauté de la dualité linguistique sur la notion de société distincte. Là-dessus, j'aimerais bien voir l'avis du ministère de la Justice sur cette question. Le ministre refuse de le rendre public, mais -il y a quand même des constitutionnalistes éminents qui se sont prononcés, en particulier le professeur José Woehriing, dans un article très étoffé, très articulé, paru dans les cahiers de droit, où il est très clair. Le professeur José Woehriing affirme: "Cependant, même si l'on démontre l'existence d'une incompatibilité ou d'une contradiction entre les droits de la majorité fondés sur le caractère distinct du Québec et les droits de la minorité fondés sur la dualité, il faudrait sans doute considérer que cette dernière l'emporte de par son statut de caractéristique fondamentale du Canada." C'est très clair et il le démontre avec beaucoup d'à-propos, beaucoup de sérieux, beaucoup de rigueur. La dualité linguistique comme caractéritique fondamentale l'emporte, prime, prédomine sur le concept et la notion de société distincte. Le fédéral l'a compris, lui. Le gouvernement fédéral l'a compris, et c'est son interprétation. Il l'a traduite, cette interprétation, déjà dans les faits et déjà dans des projets de loi. Parce que pour le gouvernement fédéral la dualité linguistique signifie concrètement la protection des minorités linguistiques dans chacune des provinces prises comme territoires linguistiques. Pas dans l'ensemble du Canada.

C'est là qu'est le problème, c'est là qu'est l'erreur. Si on prenait l'ensemble du Canada globalement, on aboutirait à la conclusion que ce sont les francophones qui constituent une minorité dans l'ensemble du Canada, les anglophones constituant la majorité. Mais si on morcelle province par province, c'est une tout autre affaire. Les francophones sont des minorités dans neuf provinces, une majorité au Québec; les anglophones sont des majorités dans neuf provinces, une minorité au Québec. L'interprétation, le sens que le gouvernement fédéral donne à la dualité linguistique, c'est qu'il a la mission, le devoir de protéger les minorités linguistiques au Québec. Cela veut dire quoi? Qu'il se sent le devoir de protéger la minorité anglophone, même si elle n'en a pas besoin du tout.

C'est évident que la minorité anglophone du Québec n'a pas besoin de protection. Elle est superblindée à cet effet. Pas besoin de protection. Pourtant c'est la conception du gouvernement fédéral, et il décide en cette matière d'occuper le terrain. J'utilise une expression qui doit vous rappeler le deuxième avis du Conseil de la langue française, cette fois-ci sur l'accord du lac Meech. "Occuper le terrain." Le Conseil de la langue française, sa recommandation centrale en cette matière, c'est de dire: Face à des concepts flous, dont celui de société distincte, mais face au danger de voir la dualité linguistique l'emporter sur le concept de société distincte, le devoir du gouvernement, c'est d'occuper le terrain, c'est de prendre l'initiative, c'est d'occuper rapidement, systématiquement, visiblement le champ d'intervention législative et administrative. C'est ce qu'il recommande au gouvernement.

L'ironie de la situation, c'est que le gouvernement qui suit ce conseil, c'est le gouvernement fédéral. C'est le gouvernement fédéral qui occupe le terrain. C'est le gouvernement fédéral qui a décidé de prendre l'initiative, et cela se traduit par le projet de loi C-72, en particulier, par l'article 42. Le gouvernement québécois, lui, est inactif, immobile et, non seulement il ne prend pas l'initiative, non seulement il n'occupe pas le terrain, mais il a perdu du terrain sur le plan linguistique depuis deux ans et demi. C'est cela la triste situation devant laquelle on se trouve. Mme la Présidente, le gouvernement québécois, non seulement n'a pas pris l'initiative, non seulement n'a pas occupé le terrain sur le plan linguistique, mais il a perdu du terrain. C'est grave, c'est dramatique, parce qu'on connaît la situation du français en Amérique du Nord.

Par conséquent, je pense que, pour toutes ces raisons, plutôt que d'occuper le terrain, le gouvernement s'apprête à accepter l'occupation de son propre terrain par un autre gouvernement au moyen d'une entente-cadre qui consacrera implicitement l'empiétement du gouvernement fédéral dans des secteurs de compétence linguistique du Québec. Voilà, malheureusement, le prix à payer, inadmissible pour nous, inacceptable, de la stratégie actuelle du gouvernement libéral en matière de relations fédérales-provinciales qui l'amène à des compromissions inacceptables qui se font au détriment d'intérêts aussi cruciaux pour le Québec que le plein exercice de ses pouvoirs linguistiques. Pour toutes ces raisons, malgré les discours des ministres sur cette question, nous maintenons avec beaucoup de fermeté, tout aussi convaincus qu'on l'était au début, notre motion de blâme sur cette question, et je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de

Lac-Saint-Jean. Ceci met fin au débat sur la motion de censure présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: À ce sujet-là, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: ...je vous signale qu'il y a entente entre les partis pour reporter le vote sur cette motion, même si nos règles nous indiquent que, normalement, il devrait y avoir vote immédiatement après le débat. Il y a entente pour que le vote soit reporté à demain, après la période des affaires courantes.

La Vice-Présidente: Effectivement, on m'avait informée qu'il y aurait entente pour le report du vote. Je vais donc reporter le vote de la motion de censure présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean à demain, après les affaires courantes.

Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 6)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place.

L'Assemblée va poursuivre ses travaux à la période des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, si vous voulez bien appeler l'article 22 du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 11 Adoption

Le Vice-Président: À l'article 22 du feuilleton, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources propose l'adoption du projet de loi 11, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le cadastre. Est-ce qu'il y a des interventions? il n'y a pas d'interventions. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: L'article 23, M. le Président, s'il vous plaît!

Projet de loi 12 Adoption

Le Vice-Président: À l'article 23, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources propose l'adoption du projet de loi 12, Loi sur la Régie du gaz naturel. Est-ce qu'il y a des interventions?

Pas d'interventions. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: L'article 27, M. le Président.

Projet de loi 32

Adoption Le Vice-Président: À l'article 27 du feuil-

leton, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources propose l'adoption du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec. Est-ce qu'il y a des interventions?

Il n'y a pas d'interventions. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président: Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je suggérer...

Une voix: Suspendre.

M. Gratton: ...une suspension des travaux?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président: Nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

(Reprise à 15 h 38)

Le Vice-Président: Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Nous reprenons nos travaux. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Si vous voulez appeler l'article 26, M. le Président.

Projet de loi 26 Adoption

Le Vice-Président: À l'article 26 du feuilleton, M. le ministre des Communications propose la motion d'adoption du projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Communications. Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Gendron: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Article 7, M. le Président.

Projet de loi 37 Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 7 du feuilleton, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu propose maintenant la motion d'adoption du principe du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu.

Nous en sommes en fait à ■ la reprise du débat qui avait été ajourné hier soir. Je cède donc la parole à M. le député de Lac Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous a habitués, depuis deux ans, à une curieuse façon de procéder. Il réussit toujours à exprimer de façon fort éloquente des principes admirables, remarquables sur lesquels, ma foi, des consensus unanimes se dégagent et se consolident très rapidement.

Cependant, quand vient le temps de les appliquer ou de leur donner une forme législative, tout change. On se retrouve devant des distorsions et même des contradictions, des incompatibilités entre les objectifs retenus, fixés, proclamés et leur application concrète dans un projet de loi.

Cela a été le cas à deux reprises au cours de cette session avec le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Dans le cas du projet de loi 31, de triste mémoire, qui porte, comme on le sait, sur l'industrie de la construction, on a vu le ministre exprimer un objectif tout à fait louable qui est celui de mettre un terme ou, en tout cas, de réduire substantiellement le travail au noir dans l'industrie de la construction. Là-dessus, consensus unanime de tous les intervenants. Mais le consensus s'est arrêté là puisque le ministre a déposé et fait adopter un projet de loi sur cette question qui a fait l'unanimité des intervenants contre ce projet de loi.

C'est la même chose avec le régime de l'aide sociale. Le ministre exprime des principes tout à fait remarquables. Je pense qu'il est utile de les rappeler. Le ministre a mis de l'avant, a-t-il répété à maintes reprises, trois grands principes. D'abord, l'équité, la justice, dans la politique de l'aide sociale. Deuxième grand principe, la parité pour les moins de 30 ans. On se rappelle la fameuse promesse du parti libéral au cours de la dernière campagne électorale. Troisième grand principe, l'incitation au travail.

Il n'y a pas un intervenant qui est venu témoigner devant la commission parlementaire sur ce projet de loi qui s'est montré en désaccord avec ces trois principes: équité, parité, incitation au travail. Pas un seul! Tout le monde est d'accord avec ces trois principes, y compris les évêques qui ont fait connaître un message tout à fait remarquable, je dirais, lumineux sur la question. Mais cela s'arrête là, parce que, à partir du moment où il a proclamé ces principes, le ministre, tentant de leur donner une forme législative dans un projet de loi, aboutit à des distorsions et même à des contradictions entre les principes et leur application.

On connaît le résultat, M. le Président. Presque tous les intervenants, presque tous les organismes qui ont témoigné devant la commission parlementaire se sont élevés contre le pro-

jet de loi de réforme de l'aide sociale présenté par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Pourquoi? Tous pour les mêmes raisons: parce que les principes invoqués ne sont pas respectés. C'est aussi simple que cela.

Le premier principe. On assiste au fond à ce que la députée de Maisonneuve, critique de l'Opposition en cette matière, appelait un détournement de principes, une expression très imagée, mais qui dit bien, je pense, ce que cela veut dire et qui reflète bien la réalité des choses. Un détournement de principes.

Prenons-les un par un, M. le Président, et voyons comment le ministre les a concrétisés dans son projet de loi. D'abord, la parité. C'est un des principes invoqués, proclamés par le ministre: la parité pour les moins de 30 ans. Évidemment, cela a été aussi une grande promesse du Parti libéral. Il a leurré, berné toute la jeunesse québécoise avec cette promesse de la parité de l'aide sociale pour les moins de 30 ans. Qu'en est-il exactement? Tout le contraire, Mme la Présidente, puisque en introduisant des éléments dans son projet de loi et dans le régime de l'aide sociale qu'il veut instaurer au Québec, il se trouve en quelque sorte à annuler purement et simplement pour la majorité des jeunes de moins de 30 ans le principe de la parité de l'aide sociale. Ces éléments, qui sont introduits dans le régime, on les connaît. C'est d'abord la contribution parentale. Désormais, pour les jeunes de moins de 30 ans, on tiendra compte de la contribution parentale, c'est-à-dire du revenu des parents, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Le deuxième élément qu'on introduit, c'est qu'on va couper les prestations pour les jeunes assistés sociaux qui habitent, en commun, un logement. C'est la coupure pour le partage du logement. Avec ces deux éléments, on en arrive à faire en sorte que sur les 46 645 personnes seules de moins de 30 ans qui n'ont pas actuellement la parité de l'aide sociale, 36 696 vont être touchés et ne pourront pas bénéficier d'une véritable parité de l'aide sociale. Cela veut dire que 78 % de ceux qui, normalement, auraient pu s'attendre à bénéficier de la réalisation de la promesse du Parti libéral, 78 % ne recevront pas la parité promise par le ministre et son gouvernement. C'est ce qu'on appelle un détournement de principe. On pose un principe au départ et, par des dispositions du projet de loi, par des facteurs influant sur l'attribution des prestations, on fait en sorte que le principe ne s'applique pas. Dans le cas de la parité, il ne s'appliquera pas pour 78 % des bénéficiaires.

Le deuxième grand principe mis de l'avant par le ministre, on s'en rappellera, c'est l'équité, c'est-à-dire un traitement plus équitable pour les démunis de notre société. Or, par le système qu'on veut • mettre en place, ce principe de l'équité qu'on veut atteindre ne sera pas atteint. Pourquoi? Parce que pour qu'un bénéficiaire de l'aide sociale puisse obtenir la pleine prestation prévue dans la politique mise de l'avant par le ministre, il faudra non seulement qu'il soit disponible à une mesure d'employabilité, mais qu'il soit également participant: participant et disponible, sinon coupure des prestations. C'est clair; c'est ainsi que le projet est présenté. Le gouvernement va mettre en place ce qu'on appelle des mesures d'employabilité, un certain nombre de programmes. Il y en a déjà qui ont été mis sur pied à l'époque de l'ancien gouvernement: Stages en milieu de travail, Travaux communautaires, formation scolaire; ces trois programmes sont déjà connus.

Là, on va obliger la personne assistée sociale à se considérer comme disponible pour l'une ou l'autre de ces mesures, d'abord. En plus d'être disponible, il faudra qu'elle soit participante à l'une ou l'autre de ces mesures, sinon il y a coupure. Or, il est d'ores et déjà démontré que les mesures d'employabilité mises en place actuellement - non seulement actuellement, mais depuis plusieurs années - ne sont pas en quantité suffisante pour que tous les assistés sociaux qui pourraient y avoir accès, y être admissibles puissent le faire. Actuellement, les mesures d'employabilité ne sont accessibles qu'aux assistés sociaux de 30 ans et moins: pas tous, 30 ans et moins seulement. Pourtant, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu n'a réussi qu'à offrir à plus de 17 % seulement des moins de 30 ans ces telles mesures, ce qui signifie que le ministère est incapable, n'a pas la capacité, actuellement, d'offrir à tous les jeunes de 30 ans et moins l'accès à ces mesures d'employabilité; seulement 17 % y ont accès. (15 h 50)

On veut étendre à tout le monde ces mesures d'employabilité. Il est évident qu'on va se retrouver avec la situation actuelle; il va y avoir des milliers et des milliers de personnes assistées sociales qui vont être disponibles, c'est-à-dire qui vont accepter d'être partie prenante de ces mesures d'employabilité. Par contre, une majorité de ces personnes disponibles ne pourront pas participer à ces mesures parce que le ministère sera incapable de répondre correctement, adéquatement et efficacement à la demande.

Le résultat, c'est que des milliers de personnes au Québec, même disponibles, vont voir leurs prestations coupées, diminuées parce que non participantes, parce que ne pouvant pas participer à ces mesures, et ce ne sera pas leur faute, c'est cela qui est pire, c'est un peu scandaleux de voir le ministre parler d'équité dans ce cas parce que ce ne sera pas Jeur faute, elles ne seront pas responsables. Ce ne sera pas la faute de ces personnes si elles ne peuvent pas participer à des programmes d'employabilité, c'est simplement que le gouvernement sera incapable de répondre à la demande et de permettre à tous ceux et celles qui sont disponibles d'avoir accès à ces programmes. Par contre, en fin de compte, concrètement, ces personnes verront leurs

prestations coupées.

Par conséquent, la conclusion est très claire, M. le Président. Le principe de l'équité poursuivi par le ministre n'est pas atteint, c'est évident. Il y a des personnes qui verront leurs prestations diminuées de façon substantielle, dans beaucoup de cas, tout simplement parce que le gouvernement est dans l'incapacité de répondre à la demande pour ce qui est des mesures et des programmes d'employabilité. Donc, injustice et inéquité pour un bon nombre de personnes assistées sociales.

Troisième principe mis de l'avant par le ministre, c'est évidemment l'incitation au travail. À ce point de vue, on est devant un véritable leurre, une véritable mascarade. Le gouvernement est incapable de vraiment offrir des emplois sérieux, des emplois adéquats à tout ce monde, et c'est évident que le principe de l'incitation au travail ne tient pas, n'est pas atteint, n'est même pas poursuivi correctement par le gouvernement à ce sujet. Si bien qu'on se retrouve, M. le Président, devant un projet de réforme de l'aide sociale qui est injuste, qui ne répond en aucune façon à l'objectif d'incitation au travail et qui ne remplit en aucune façon la promesse de la parité pour les jeunes assistés sociaux de moins de 30 ans. Par conséquent, on est en face d'un projet de réforme sociale qui est un véritable trompe-l'oeil et qui a pour effet - et c'est cela qui est grave et qui est dénoncé de façon sans équivoque par l'Assemblée des évêques du Québec - à toutes fins utiles, d'appauvrir davantage le pauvre monde au Québec. Si on applique le projet de loi 37, si on l'accepte tel qu'on le retrouve maintenant devant l'Assemblée nationale, le résultat sera un appauvrissement des plus pauvres de la société. Et je pense qu'il est évident que l'Opposition ne peut pas concourir à un tel projet de loi et que l'Opposition va s'y opposer avec toutes les dispositions de notre règlement et avec tout ce que permet notre règlement. Parce qu'on ne peut pas accepter que les plus pauvres de notre société se retrouvent, une fois une telle réforme appliquée, mise en vigueur, pour l'immense majorité, plus pauvres qu'ils ne l'étaient avant l'application de la réforme. On ne peut pas accepter cela. En tout cas, c'est inadmissible pour nous.

Mais il y a une autre raison pour laquelle également on s'oppose à ce projet de réforme. Je dirais que c'est la vision de la personne assistée sociale qu'on retrouve derrière ce projet de loi, qui inspire ce projet de loi, qui inspire cette réforme. Nous sommes en total désaccord avec cette vision de l'assisté social, c'est-à-dire une vision... La vision que le ministre et ce gouvernement ont de l'assisté social, c'est qu'il s'agit d'une personne qui fraude la société et fraude le gouvernemant. Ce gouvernement voit beaucoup plus l'assisté social comme une personne fraudeuse que comme une personne qui se retrouve malheureusement, à cause de circonstances économiques et sociales, dans une situation pénible de pauvreté. C'est la perception que ce gouvernement a de l'assisté social qu'on retrouve dans ce projet de loi. L'assisté social, c'est d'abord et avant tout une personne fraudeuse. On pourrait aussi dire une personne paresseuse qui ne souhaite pas travailler, qui ne souhaite pas gagner sa vie par le travail.

À partir d'une vision comme cela, évidemment, toutes les mesures qu'on retrouve dans le projet de loi en découlent. Des contrôles tatillons, c'est tout le système de ce qu'on a appelé les boubous macoutes mis en place depuis un certain nombre de mois par le ministère, des contrôles tatillons, un système compliqué de coupures des prestations si les personnes assistées sociales ne se comportent pas selon le modèle établi par ce gouvernement. Toutes sortes de coupures alors qu'elles ont de la difficulté à joindre les deux bouts, alors qu'elles se situent déjà, côté revenus, au-dessous du seuil de la pauvreté. C'est cela qui est inadmissible également, c'est la perception, c'est la vision que ce gouvernement a de la personne assistée sociale.

Il est évident que ce n'est pas cette perception que nous partageons, ce n'est pas cette vision que nous partageons. Pour nous, une personne assistée sociale, c'est une personne qui se retrouve, à cause d'un concours de circonstances à caractère économique et social, dans une situation où elle ne peut plus subvenir à ses besoins par le travail. Par conséquent, la société a le devoir, dans les circonstances, de lui venir en aide et du point de vue de la personne assistée sociale, on estime, comme le signalaient d'ailleurs à juste titre les évêques, qu'il s'agit là pour elles d'un droit. Donc, un système fondé sur le besoin. Si on veut réformer - je termine là-dessus, M. le Président - l'aide sociale au Québec, il faudra de toute nécessité qu'une réforme du régime d'aide sociale repose sur le besoin. Il faut répondre aux besoins des personnes assistées sociales et non pas imaginer toutes sortes de mesures compliquées pour les couper, pour diminuer leurs prestations ou tout simplement pour leur enlever leurs prestations.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, il est évident que l'Opposition officielle continue de considérer ce projet de loi comme inacceptable, inadmissible, et il serait absolument impérieux que le ministre retourne faire ses devoirs s'il veut vraiment et sérieusement que les principes qu'il met de l'avant se retrouvent au coeur et dans les dispositions de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Nous allons maintenant poursuivre le débat avec l'intervention de M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Au départ, je pense qu'il convient de souligner l'importance, la très grande importance du projet

de loi 37 actuellement à l'étude devant l'Assemblée nationale. Je n'hésite pas à affirmer qu'il s'agit sûrement d'un des plus importants, sinon du plus important projet de loi qu'aura eu à débattre cette Assemblée dans son présent mandat, c'est-à-dire depuis la dernière élection générale et d'ici la prochaine élection générale au Québec. (16 heures)

II s'agit d'un projet de loi qui touche plus de 500 000 Québécois, des hommes, des femmes et des enfants, et pas n'importe quels, M. le Président, les plus démunis, ceux qui sont dans la misère et, appelons les choses par leur nom, ceux qui sont les plus pauvres de notre société. Cela ne touche pas ces personnes sous n'importe quel angle et par n'importe quel biais. Cela touche directement ces personnes quant à ce que la société est prête à leur donner comme minimum vital pour être en mesure de faire face à leur vie d'êtres humains, de citoyens de tous les jours.

Il s'agit d'un groupe sans force de lobby, sans force de pression, sans structure. Je le souligne, M. le Président, parce que, pour nous, membres de l'Assemblée nationale, chaque fois qu'un groupe est concerné par une toi, il y a une structure de pression bien organisée avec des budgets qui lui permettent de venir défendre ici ses points de vue, de venir faire des représentations auprès de chacun des membres de l'Assemblée, auprès de chacun des membres du gouvernement. Ce n'est pas le cas du groupe de plus de 500 000 assistés sociaux au Québec. Ce sont aussi des personnes qui sont victimes, qui sont l'objet des pires préjugés savamment entretenus par certaines personnes dans notre société. Ces personnes pour qui nous sommes à prendre des décisions majeures, des décisions qui seront extrêmement lourdes de conséquence, des décisions qui seront prises pour très longtemps. J'ai la conviction que ce qui sera décidé maintenant ne sera pas modifié dans les prochaines années. On sait combien c'est lourd, difficile de modifier le régime d'aide sociale au Québec. La preuve, cela fait déjà plusieurs années que c'est en discussion et cela aboutit maintenant. Les décisions que nous prendrons seront là pour longtemps, avec toutes les conséquences, aussi lourdes qu'elles soient, pour ces hommes, ces femmes et ces enfants du Québec.

En deuxième lieu, M. le Président, je veux souligner ma très grande surprise devant la présentation qu'a faite le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu du projet de loi de réforme de l'aide sociale au Québec qu'il parraine. Non seulement s'agissait-il d'un discours sans âme, sans vision, sans conviction, mais il s'agissait essentiellement d'un discours, non pas marqué par ce dont il aurait dû être et dont je parlerai dans quelques secondes, mais essentiellement par le "match" de la partisanerie politique, allant chercher les citations de l'un pour contredire l'autre, pour tenter de montrer que, finalement, tel groupe politique devrait donner son appui à sa réforme, sans présenter la réforme, avec une préoccupation, je le répète, essentiellement partisane et politicienne, au sens politicaillerie du terme.

M. le Président, un discours dans lequel le ministre n'a pas trouvé un seul instant pour nous parler de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui sont des bénéficiaires de l'aide sociale. Pas un mot de ces êtres humains pendant l'heure confiée au ministre par le règlement pour lui permettre de présenter son projet de loi. Pas un mot sur la considération qu'il a à l'endroit de ces personnes. Pas un mot de la compréhension qu'il a des problèmes graves auxquels ils sont confrontés. Pas un mot de la conscience sociale qu'il doit avoir pour siéger ici et surtout, pour occuper la fonction de ministre de la Sécurité du revenu au Québec. Pas un mot quant aux responsabilités qui sont les siennes. Je fais référence à cette responsabilité qu'il a, au nom de l'ensemble des Québécoises et des Québécois, pour être celui qui est non pas l'attaquant des assistés sociaux mais le défenseur des plus démunis. Pas un mot pour s'attaquer à ces préjugés de plus en plus nombreux, de mieux en mieux entretenus, notamment par les actions qu'il a menées contre ces personnes.

Je me serais attendu de la personne qui a charge du ministère de la Sécurité du revenu du Québec, dans sa présentation du projet de réforme de l'aide sociale, qu'il prenne une partie importante de son exposé pour faire un appel à l'ensemble des Québécoises et Québécois, pour qu'il tente d'aller corriger les préjugés qui ont été créés contre les assistés sociaux au Québec, pour qu'il fasse un appel à cette nécessaire solidarité de tous les hommes et de toutes les femmes du Québec envers ceux qui sont les plus démunis de notre société, ceux qui paient la facture des pots cassés de notre structure économique, industrielle et sociale. Pas un mot, pas une fois un appel au nécessaire et à cet essentiel consensus social qui doit régner dans notre société, particulièrement et principalement à l'endroit des personnes les plus démunies de notre société.

M. le Président, cela m'a beaucoup inquiété et beaucoup marqué de constater ces choses dans l'intervention du ministre. Je comprends qu'au fond, c'est fort révélateur des objectifs réels, des objectifs premiers, des objectifs prioritaires, et du ministre et du gouvernement et du Parti libéral du Québec à l'endroit de la réforme de l'aide sociale.

M. le Président, ces objectifs sont les suivants, très clairement ressortis dans fes débats jusqu'à maintenant. s L'objectif du Parti libéral dans sa réforme de l'aide sociale c'est: Comment faire pour exclure des gens de l'aide sociale? Comprenons-nous bien, M. le Président. Pas comment faire pour exclure des gens de l'aide sociale au sens de faire en sorte qu'ils n'aient plus besoin de l'aide sociale, mais comment faire

pour exclure, pour sortir des gens du régime d'aide sociale du Québec sans se préoccuper de leurs besoins? Comment faire pour que cela coûte moins cher à la fin de l'année?

M. le Président, oui, il s'agit donc là pour le gouvernement d'une question de piastres et de "cennes", mais non pas d'une question de piastres et de "cennes" pour les assistés sociaux mais d'une question de piastres et de "cennes" pour le gouvernement, alors qu'à mes yeux, la question fondamentale qui aurait dû, qui devrait être et qui doit à la base de toute réforme de notre régime d'aide sociale est à peu près la suivante. Que pouvons-nous, que devons-nous faire de plus et de mieux, je répète, de plus et de mieux, pour aider les plus démunis de notre société, pour leur donner des moyens, plus de moyens de s'en sortir, pour leur rendre leur dignité, leur fierté, pour leur donner des moyens de vivre humainement?

M. le Président, je suis issu d'un milieu populaire, d'un milieu défavorisé. Je suis député d'une circonscription électorale qui compte un grand nombre de démunis, de défavorisés. J'habite cette circonscription électorale, donc je côtoie chaque jour ces hommes et ces femmes. Mes fonctions de député, tant à mon bureau que dans ma circonscription, m'amènent à voir de près cette misère à laquelle sont confrontés plus d'un demi-million de Québécois et Québécoises.

À moins de jouer à l'autruche, à moins d'être inconscient, à moins d'être insouciant, à moins d'être insensible, à moins d'être marqué par une absence totale de conscience sociale, nous devons nous rendre compte qu'il y a au Québec des gens, beaucoup de gens, de plus en plus de gens qui sont pauvres, qui sont dans la misère, des gens qui n'arrivent pas, des gens qui se retrouvent à mener une vie qui, finalement, dans certains cas, est proprement inhumaine, qui les met dans une insécurité totale quant au lendemain. Pas quant à ce qui va leur arriver pour leurs vacances ou le prochain voyage en Europe ou dans le Sud aux Etats-Unis, mais dans l'insécurité totale quant au lendemain. (16 h 10)

C'est une situation qui ne peut faire autrement qu'engendrer la maladie, qu'engendrer le malheur, qu'engendrer la souffrance, physique et psychologique, qu'engendrer à l'occasion la violence, situation qui est vraie pour les parents, qui est donc vraie pour les adultes, mais qui est vraie aussi pour les enfants et qui aura des conséquences déterminantes sur le développement et révolution vers l'âge adulte de ces enfants de familles d'assistés sociaux. Quand je parle d'influence et de conséquences déterminantes sur l'avenir de ces enfants, je citerai deux exemples. On se vante souvent au Québec d'avoir un des meilleurs systèmes de santé et de services sociaux. À titre d'exemple, on dit souvent: En l'espace de 20 ans - oui, il faut en être fiers -la société québécoise est passée du plus haut taux de mortalité infantile au plus bas taux dans le monde occidental. On se dit: Bravo, on est bon. Mais sommes-nous conscients qu'en même temps que nous avons réussi cela, il y a encore aujourd'hui, en 1988, dans des quartiers de Montréal, dans certaines couches de la population, des taux de mortalité infantile comparables à ceux qu'on retrouve dans les pays du tiers monde? Voilà un exemple de conséquence grave qu'a cette situation de misère humaine, non seulement chez les adultes mais chez les enfants de ces familles.

Un deuxième exemple: Nous connaissons tous les difficultés additionnelles considérables que bon nombre d'enfants des milieux défavorisés ont au niveau scolaire dans les grands centres urbains, avec les conséquences que cela aura sur leur désintéressement de l'école, sur leurs déficiences au point de vue de leur formation, donc leur difficulté, une fois devenus adultes, de se trouver un emploi, de réaliser une carrière. Non seulement y a-t-il beaucoup de gens qui sont pauvres et défavorisés, mais les pauvres sont de plus en plus pauvres. Ceux qui étaient dans la misère hier le sont de plus en plus. Je n'ai pas inventé cela. Tous les observateurs, tous les chercheurs, tous les spécialistes de ces questions l'observent et cela découle, notamment de cette crise économique que nous avons vécue en 1982 et qui a marqué profondément notre société et particulièrement les plus démunis de notre société. Rappelons-nous qu'à la suite de cette crise, les riches sont de plus en plus riches, mais les pauvres sont de plus en plus pauvres.

Aussi, M. le Président, il faut le reconnaître, notamment ici à l'Assemblée nationale, cette pauvreté de plus en plus grande des plus démunis de notre société est l'illustration de l'incapacité des programmes sociaux que nous avons mis en place à sortir ces gens de la misère. C'est le résultat de l'insuccès de nos structures, de nos programmes, de nos politiques de répartition et de redistribution de la richesse dans notre société alors que ces programmes de redistribution de la richesse devaient avoir pour objectif, donc pour conséquence, de réduire les écarts de revenus dans notre société. Je le répète, les écarts de revenus dans notre société se creusent de plus en plus, les riches sont de plus en plus riches, les pauvres sont de plus en plus pauvres.

Très souvent, j'entends ici à l'Assemblée nationale, notamment du côté gouvernemental, les ministres et le premier ministre en tête nous dire: Cela va bien au Québec, cela va vraiment très bien; on a de l'argent, l'économie roule. Qu'avez-vous à vous plaindre? Cela marche. M. le Président, les cheveux me dressent sur la tête chaque fois que j'entends quelqu'un dire cela, ici ou en dehors de cette Chambre, et encore plus ici parce qu'on a ce qu'il faut pour savoir que ce n'est pas vrai. Comment quelqu'un peut-il affirmer que cela va bien au Québec quand il y a plus de 10 % des Québécois et des Québécoises

qui sont en chômage, quand il y a plus de 500 000 Québécois et de Québécoises qui sont sous le seuil de la pauvreté, bénéficiaires de l'aide sociale? On discute juste ici à côté du libre-échange. Tout le monde nous dit - c'est devenu la mode partout dans le monde, c'est un pléonasme par rapport à ce que je vais dire - qu'il faut aller du côté de l'internationalisation, de la mondialisation de l'économie, qu'il faut lever toutes les barrières qui freinent les échanges économiques.

Je lisais dans une revue du GATT, cet organisme international qui vise à réduire les barrières tarifaires pour l'ensemble du monde occidental, à internationaliser notre économie; un peu comme on en discute à côté - par l'accord du libre-échange entre le Canada et les États-Unis, on va internationaliser de plus en plus l'économie nord-américaine.

Le directeur général du GATT, M. Dunkel, présente le rôle, les objectifs de son organisme comme ceci: "Ce n'est pas un hasard si cette brochure s'intitule Aider la croissance mondiale - parce que c'est le titre de sa brochure, de sa mission. Si l'on en est venu, siècle après siècle, à favoriser le développement d'un commerce entre les nations, c'est parce que celui-ci s'est généralement traduit par une élévation du niveau de vie et de bien-être."

M. le Président, je pose la question: Élever le niveau de vie et de bien-être de qui? Toutes ces actions de développement économique, toutes ces actions d'accroissement de la richesse dans le monde, toutes ces actions qui visent à faire plus au plan économique, toutes ces actions qui, de l'autre côté, visent à élargir les marchés pour les entreprises du Québec et qui, pour le GATT, se font dans tout le monde occidental qu'on nous dit pour "élever le niveau de vie et de bien-être", je pose la question: Pour qui? La réponse, on l'a; cela n'a pas servi aux plus démunis de notre société, mais pas du tout.

Je pense qu'en conséquence, ce qui doit nous mobiliser comme membres de l'Assemblée nationale du Québec, ce qui doit nous mobiliser comme élus du peuple, ce qui doit mobiliser toutes les énergies, les plus belles énergies du Québec, les plus grandes compétences du Québec, ce qui doit mobiliser toutes ces énergies, c'est une lutte à la pauvreté; c'est de faire en sorte qu'on en vienne à avoir une obsession nationale de tous les instants et qu'on fournisse l'ensemble des moyens nécessaires à ces citoyens les plus démunis pour qu'ils sortent de ces situations de misère humaine.

Je vois que, déjà, vous m'indiquez que mon temps court, mais je dis qu'il est absolument essentiel que cette réforme ne traite pas des sujets qu'elle traite comme elle les traite, mais qu'elle fasse appel à tout ce qu'il y a de fort, de dynamique, d'organisé au Québec, non pas pour couper les assistés sociaux, non pas pour que cela coûte moins cher, mais pour que nous puissions observer des résultats concrets et positifs pour ces gens qui sont les plus démunis de notre société. Je ne suis pas venu en politique pour que l'économie roule plus, ni pour que la croissance économique soit toujours plus grande, si tout cela n'a pas pour effet d'être mieux redistribué dans notre société. Nous faisons toutes et tous fausse route ici, dans ce Parlement, si toutes ces énergies que nous consacrons à ces préoccupations économiques, à ces préoccupations de croissance économique, à ces préoccupations d'accroissement de la richesse n'ont pas pour effet direct et prioritaire de permettre qu'on redistribue, de plus en plus, cette richesse énergiquement et solidement vers ceux et celles qui sont les plus démunis de notre société.

C'est ce qui devrait nous animer tous. Ce n'est qu'après cela que nous pourrions être fiers du travail que nous aurons fait comme députés, comme membres de l'Assemblée nationale, mais seulement une fois ces résultats atteints. Je ne suis pas en train de dire que c'est facile, que c'est simple. Je pense que la première des choses, c'est d'en être conscient; deuxièmement, d'être conscient de là où nous ont menés toutes les actions qui ont été faites depuis 20 ou 25 ans et surtout de comprendre qu'à partir de maintenant, ce n'est pas à une réforme de l'aide sociale qui vise à appauvrir les plus pauvres de notre société qu'il faut s'attaquer, mais bien plus à bâtir un système qui va être en mesure de mieux redistribuer cette richesse. (16 h 20)

Je conclus par une illustration, M. le Président. Un des fondements de la réforme que nous propose le ministre est de dire: On va faire en sorte que les assistés sociaux retournent sur le marché du travail. Ils vont devoir aller travailler pour avoir des prestations, etc. Au minimum, si le ministre nous convie à une réforme qui vise à dire: On remet des assistés sociaux sur le marché du travail, peut-il nous expliquer pourquoi, dans son exposé d'une heure, jamais il n'a abordé le problème de la création d'emplois au Québec? Je pense que dans la logique, dans la cohérence interne du ministre et de sa réforme, on ne peut mettre en place cette réforme tant et aussi longtemps qu'on n'a pas créé suffisamment d'emplois pour embaucher ces assistés sociaux. Tant et aussi longtemps que ces politiques de création d'emplois destinés aux assistes sociaux ne seront pas en place, comment pouvons-nous penser aborder une réforme de l'aide sociale qui, nous dit-on, a pour objectif de mettre des assistés sociaux sur le marché du travail?

M. le Président, pour toutes ces raisons, il est évident que je m'oppose à cette réforme de l'aide sociale, que je m'oppose à cette série de décisions qui auront pour effet d'appauvrir les moins bien nantis de notre société. J'espère que nous assisterons beaucoup plus rapidement à une présentation de croissance économique, mais de croissance économique essentiellement axée sur

une meilleure distribution de la richesse, sur une plus grande distribution de la richesse, prioritairement et largement prioritairement en faveur des plus démunis de notre société. Ce n'est qu'à ce titre que nous pourrons prétendre avoir, en partie, bien assumé les rôles qui nous ont été confiés par l'ensemble de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Le prochain intervenant sera M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Guy Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole sur le projet de loi 37 de M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ayant eu l'occasion d'assister à tous les débats en commission parlementaire, puisque j'ai eu la chance de présider cette commission, j'ai assisté à la présentation des 96 mémoires et à la lecture de tous les autres qui n'ont pas été présentés, puisqu'un total de 125 mémoires nous ont été soumis à l'occasion de cet exercice. Il est évident que nous avons dû faire une réflexion en profondeur, entre autres, sur la situation des personnes les plus démunies de notre société. C'est une réflexion qui nous a à ce point poussés à aller au fond des problèmes que des députés de la formation que je représente et moi avons même décidé d'aller voir le ministre et de regarder avec lui si certains aspects qui étaient soulevés par nos amis de l'Opposition étaient vraiment si inquiétants, et même, non pas que nous étions incrédules, nous avons fait les vérifications avec lui. Nous nous sommes aperçus que l'Opposition avait éveillé beaucoup d'épou-vantails, avait soulevé énormément de craintes chez les assistés sociaux, mais ne nous avait pas apporté de solution.

Tout à l'heure, j'écoutais le député qui disait: La crise économique des années quatre-vingt a laissé plus de pauvres que jamais. Son gouvernement était au pouvoir à ce moment-là, et pourtant, il avait fait d'autres choix qui, semblait-il, étaient beaucoup plus importants. Il a injecté beaucoup d'argent pour la publicité, les bateaux qui tournaient en rond, ces choses-là. Il a oublié d'en mettre dans la cagnotte des gens qui en avaient vraiment besoin. J'écoutais tout à l'heure le député de Gouin, j'écoutais auparavant d'autres députés de l'Opposition, et je comprends que leur rôle est de s'opposer. Dans notre système parlementaire, la fonction première de l'Opposition, c'est de dire qu'elle n'est pas d'accord et de pousser le gouvernement à aller plus loin et à mieux faire dans ses réformes. À cet égard, soyez rassurés, ils ne sont jamais d'accord. Ils n'ont pas de solution à offrir, et plus encore, en invoquant la crise économique, cela leur permet de dire: Nous, on avait une excuse de ne rien faire, on avait de bonnes intentions, on était bien motivés, on les aimait, nos assistés sociaux, mais on ne pouvait rien faire, il y avait la crise économique. Évidemment, l'excuse est facile. Attendez, quand on reviendra au gouvernement, disent-ils, nous, dans une réforme de l'aide sociale, on va faire des choses.

Je suis allé voir dans leur programme, je suis allé voir dans leurs discours et je suis allé voir ce que leur chef, dans son fameux striptease, avait dit sur l'aide sociale. J'ai été surpris de constater... D'abord, évidemment, son striptease était partiel, heureusement pour nous et heureusement pour tout le monde, cela aurait été disgracieux. Mais, dans son strip-tease et dans son livre blanc sur la fiscalité - puisqu'il n'a pas fait de livre blanc sur les cas d'aide sociaie ou la main-d'oeuvre et la sécurité du revenu - il disait les choses suivantes, et je cite, si vous me permettez, dans le texte. Cela nous permettra de mieux faire ressortir le vrai visage de cette Opposition qui essaie de détruire une réforme qui est, ma foi, je pense, une amélioration très importante du système qu'ils nous avaient laissé.

Je prends, par exemple, au chapitre de la distinction entre bénéficiaires aptes et ceux considérés inaptes. Que dit donc le chef du Parti québécois, M. Parizeau? "Les orientations de la réforme nous amènent à préconiser la modification de cette armature de base et la mise en place d'un régime pour les personnes à faible revenu aptes au travail, qui soit distinct de celui visant les personnes inaptes au travail." C'est donc qu'il est tout à fait d'accord avec nous, au moins sur ces distinctions. "Ainsi le groupe de personnes de 18 à 64 ans, qui ne sont pas aux études, serait scindé. Le programme actuel d'aide sociale continuerait de s'appliquer aux personnes inaptes au travail. Par contre, pour ceux qui sont aptes au travail, dit toujours M. Parizeau, le nouveau programme de garantie de revenu deviendrait le principal programme d'aide destiné à cette clientèle." Page 218 de ce fameux livre blanc. Donc, force nous est d'admettre que M. Parizeau est d'accord avec nous sur cet important principe des aptes et des inaptes. N'est-il par le chef de cette formation qui vient juste de dénoncer cette distinction entre aptes et inaptes? Mais qui donc, mène là-dedans? Et quelle est leur vraie position?

Prenons un autre point. Accès à tous des mesures de développement de l'employabilité visant la réintégration au marché du travail. M. Parizeau est clair et sans aucun compromis. Alors qu'il traite de mesures de développement de l'employabilité, il est indiqué que "le principe à la base de ces programmes et que les prestations sont augmentées pour tous ceux qui s'engagent dans de tels programmes. Il s'agit donc, au fur et à mesure que se développent les moyens administratifs pour encadrer ces activités, de les étendre à l'ensemble des assistés sociaux. En plus d'assurer le revenu minimum pour les personnes aptes au travail, un des objectifs du nouveau programme est de favoriser la réintégration sur

le marché du travail." Pages 205 et 220 de son fameux livre blanc.

Donc, sur cet autre important principe de la réforme, M. Parizeau est totalement d'accord sur la réforme proposée par M. le ministre. Où étaient les gens de son parti quand il a dit cela? A-t-il parlé seul? A-t-il pensé son programme seul ou s'il y a eu concertation dans ce parti? Continuons, c'est quand même très intéressant. Sur un autre important principe de base de la réforme, M. Parizeau, et son parti, je présume, même si cela ne paraît pas dans la position de ceux qui actuellement nous font le débat ici... Ce principe, le consensus entre les deux formations politiques ne s'arrête pas là. En plus de préconiser l'accès pour tous aux programmes d'employa-bilité et des mesures qui visent l'intégration des bénéficiaires de l'aide sociale au marché du travail, il suggère en plus des mesures ou des programmes qui visent à permettre aux bénéficiaires qui ne peuvent réintégrer le marché du travail, parce qu'ils ne réussissent pas à se trouver un emploi, d'augmenter leur niveau de prestations en participant à des activités qui favorisent leur réinsertion sur le marché du travail. Et, le même livre blanc d'ajouter: "Ces activités sont la formation scolaire, la formation professionnelle, la formation en industrie et les activités communautaires." Page 220 de son fameux livre blanc. Le chef de l'Opposition, M. Parizeau est totalement d'accord sur ce principe majeur de la réforme et de la politique que présente M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il l'a même écrit. On l'a vu. (16 h 30)

Au chapitre de l'incitation au travail, le livre blanc sur la fiscalité des particuliers considère, tout comme la politique de la sécurité du revenu le propose d'ailleurs, que l'incitation au travail soit un principe de base sur lequel doit reposer toute action dans ce domaine. Ainsi, dans le livre blanc, à la page 224, il est textuellement suggéré - livre blanc de M. Parizeau, évidemment - "...que le taux de rémunération serait fixé de façon que la rémunération d'un bénéficiaire qui participe à ces programmes soit inférieure à celle que le secteur privé offre au plus faible salarié."

D'autre part, toujours à la page 224 du livre blanc de M. Parizeau, il est mentionné que si l'on veut qu'il existe un minimum d'incitation au travail, le nouveau programme de garantie de revenu devrait être conçu de façon qu'il ne confère pas à ses bénéficiaires un niveau de vie supérieur à celui que peuvent obtenir sur le marché privé du travail les travailleurs à faible revenu. Encore là, M. Parizeau est en accord total avec les positions de M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, dans le projet de réforme qu'il y a là. Mais où étaient donc les députés de Maisonneuve, de Gouin, d'Abitibi-Ouest? À quoi se réfèrent-ils quand ils dénoncent ces principes? Ils devraient au moins écouter un peu leur chef.

Accorder la parité aux moins de 30 ans. On nous dénonce parce que notre parti n'a pas encore... Il a fait des démarches, il a commencé à améliorer la situation des moins de 30 ans, mais cette parité que nous avions promise elle n'est pas encore totalement acquise, c'est vrai. Or, je cite toujours M. Parizeau. Alors que nous nous sommes engagés à accorder cette parité et que notre gouvernement - évidemment, le gouvernement libéral - travaille dans ce sens, le véritable architecte de la politique du Parti québécois dit à la page 328 de son fameux livre blanc: "Dans la réforme envisagée, cette disparité n'est pas remise en cause. Les raisons qui nous ont amenés à instaurer, à mettre en place cette disparité, sont toujours valables. Ces choix impliquent que les bénéficiaires de moins de 30 ans doivent assurer eux-mêmes une plus grande partie de leurs besoins essentiels", dixit M. Parizeau, page 328 de son livre blanc. On nous dénonce parce que nous avons amélioré la situation alors qu'eux veulent revenir en arrière et même plus loin en arrière encore. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette histoire.

D'autre part, en plus de ce désaccord entre les deux formations politiques sur la parité aux moins de 30 ans parce que nous, nous sommes d'accord pour la donner et nous tendons et nous travaillons progressivement chaque année à amener des mesures qui améliorent cette parité, on doit remarquer que M. Parizeau fait la promotion d'un élément qui touche les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale et sur lequel nous sommes également complètement en désaccord. J'ai parlé de la volonté du chef du Parti québécois d'exclure les jeunes de 18 et 19 ans et même de 20 ans de l'aide sociale, déclaration qu'il a faite il y a quelques mois durant son "strip-tease". C'est un des morceaux qu'il a échappés. Cela avait d'ailleurs été publié, si je me rappelle bien, le 5 mars 1988 dans Le Soleil de Québec.

De notre côté, nous croyons fermement que la parité de l'aide sociale doit être accordée et que ce dernier recours doit être accessible à tous. Que la personne ait 18 ans, 22 ans ou 35 ans, le même traitement devrait s'appliquer. Cependant, il est de notre devoir, en tant que gouvernement, de s'assurer que le programme de l'aide sociale ne soit pas plus avantageux qu'un autre programme gouvernemental. Ici, nous faisons référence, par exemple, aux jeunes qui sont étudiants et qui reçoivent des bourses ou des prêts et bourses. Il ne faudrait pas que la parité de l'aide sociale vienne interférer dans ce programme. C'est pourquoi le ministre nous propose, dans sa réforme, un projet où on procède de la même manière pour l'aide sociale que pour les prêts et bourses. Donc qu'il n'y ait qu'un seul traitement accordé aux jeunes de 18 ans à 25 ans, bénéficiaires de l'aide sociale aux étudiants, qu'ils aient le même régime d'aide ou de support par l'État.

Évidemment, ce principe sur lequel repose le programme de soutien financier de la politique de la sécurité du revenu - il est regrettable que le gouvernement et l'Opposition officielle, par la voix de son chef de formation politique dont je suppose elle est issue... en effet, nous du gouvernement proposons avec force et vigueur que les plus démunis de notre société, notamment les bénéficiaires inaptes soient traités de façon plus équitable et qu'ils reçoivent près de 1000 $ de plus par année que le système actuel leur accorde, le système actuel dont nous avons hérité de ceux qui dénoncent la réforme qui améliore la situation. C'est l'ironie de la politique, je présume.

Sur cet élément majeur que constitue pour nous un principe de justice et d'équité sociales, regardons ce que le livre blanc de M. Parizeau nous dit toujours parce que c'est riche d'enseignement, croyez-moi. Il propose que l'actuel programme d'aide sociale continue de s'appliquer aux personnes inaptes au travail. C'est à la page 205. Cette prise de position est pour le moins surprenante alors qu'à la page 130 de son même livre blanc, il y est écrit, et je cite: "Dans plusieurs pays - dit M. Parizeau - le niveau de revenu garanti aux personnes aptes au travail est inférieur à celui qui est garanti aux personnes jugées inaptes au travail. C'est là une façon de reconnaître que la situation de dépendance des personnes aptes au travail est ou doit être une situation temporaire, ce qui n'est pas le cas des gens inaptes à travailler."

Donc, sur le principe de traiter de façon plus équitable les plus démunis de notre société, le gouvernement et M. Parizeau ainsi que, par voie de conséquence, son parti qui ne semble pas trop l'écouter - je reviendrai là-dessus en conclusion tout à l'heure, sur les raisons qui les incitent à tenir un autre langage que celui qu'ils tiennent dans leur propre programme et dont leur propre chef nous vante les mérites - donc à la lumière du livre blanc sur la fiscalité des particuliers, dont l'auteur est M. Parizeau, et à la lumière des déclarations faites par l'actuel chef du Parti québécois, nous pouvons nous réjouir et prévoir que sur la majorité des principes contenus dans la loi 37, il y a consensus. On s'entend. Je viens de vous citer, avec les références et les pages, tous les éléments d'accord qui sont les fondements même de cette réforme de l'aide sociale.

Comment se fait-il - je le comprends; on le disait dans notre introduction tout à l'heure - que le parti d'Opposition, le Parti québécois, nous tienne actuellement un discours qui vise à inquiéter, qui vise à semer l'inquiétude chez les gens les plus démunis en faisant croire que le projet actuel de réforme leur enlève des acquis? Mais voyons donc! Qu'est-ce que ce discours? À moins qu'ils n'aient des visées très électoralistes et qu'ils ne soient en train de faire de la politique très basse sur le dos de nos assistés sociaux, de nos plus démunis en disant:

Nous, dans le passé, c'est vrai, on n'a pu rien faire parce qu'il y avait la crise économique; vous comprenez, c'était terrible, on ne pouvait pas. Cela a même créé plus de pauvreté; c'est effrayant; on en est conscients, mais à l'avenir, vous allez voir ce qu'on va faire.

Regardons ce que leur chef dit. Ce que nous faisons, c'est ce qu'ils se proposaient de faire et nous sommes en train de le faire sans avoir fait de grandes publicités, sans avoir fait de grandes déclarations mais après un travail d'écoute attentive. M. le ministre a été présent aux 95 auditions des mémoires en commission. Nous avons été des jours et des jours, de nombreuses et de longues heures à écouter tous les intervenants. M. le ministre a écouté patiemment, a consulté ses députés et, à partir de là, a élaboré ce projet qui, ma foi, coïncide, sur les points majeurs, avec la pensée du chef du Parti québécois, sauf en ce qui a trait à la parité pour les moins de 30 ans que lui, veut diminuer et même éliminer II veut carrément éliminer les 18-20 ans de l'aide sociale, ce que nous considérons comme une injustice, comme étant inacceptable. Mme la députée de Maisonneuve, M. le député d'Abitibi-Ouest et M. le député de Gouin ne nous ont jamais dit que leur chef pensait cela. Ils ne nous ont jamais dit que c'était cela leurs intentions, de revenir en arrière et même de reculer. Non. Ils ont essayé de se montrer nobles, généreux. Ils ont promis mer, et monde, mais ils n'ont rien livré. Ils n'ont livré qu'inquiétude. Ils n'ont livré que désarroi chez des gens qui, pourtant, avaient tellement besoin d'être rassurés.

Je pense que le Parti libéral a pris ses responsabilités face à cette catégorie de nos citoyens, à ceux de notre société qui ont plus de difficulté, qui sont plus démunis. Il a pris les moyens pour leur apporter cette aide, ce soutien en cette période difficile qu'ils ont à passer en leur fournissant les moyens adéquats pour réintégrer le marché du travail, à retrouver cette fierté, à retrouver cette dignité que les travailleuses et les travailleurs ont et qu'on conserve comme humains, quel que soit notre statut dans la société. (16 h 40)

Bien sûr, parce que M. le ministre a fait une bonne gestion de ses budgets de l'aide sociale, on a dit: II a mis des "boubous-macoutes" pour couper les assistés sociaux. M. le ministre, par cette position - et il faudrait vraiment bien la comprendre - a pris les moyens pour que l'argent que l'État mettait à la disposition des gens en situation de besoin soit bien utilisé, comme c'est la responsabilité du gouvernement de le faire dans tous les autres secteurs. Que ce soit dans l'assurance-maladie la CSST, que ce soit dans tous les domaines de l'intervention gouvernementale, nous avons une responsabilité de bon gestionnaires. Là-dessus, M. le ministre a pris ses responsabilités. Il a posé les gestes qu'il fallait.

Dommage que l'Opposition l'ait présenté comme étant une attaque à l'intégrité des assistés sociaux, ce qui est totalement faux. Ils porteront la responsabilité du discours qu'ils ont tenu et ils devront vivre avec. Quant aux gens qui sont susceptibles de bénéficier des mesures d'aide sociale, la nature de cette réforme, les objectifs poursuivis, les valeurs qu'on y retrouve devraient les rassurer quant à l'avenir et au support que le gouvernement compte leur apporter dans l'avenir eu égard à leur situation. Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Mme la Présidente, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 37, concernant la réforme de l'aide sociale. Nous avons à apprécier si le projet de loi 37, tel que présenté, a des principes auxquels on doit souscrire auxquels on peut souscrire ou s'ils ne tiennent pas debout et, en conséquence, on doit ne pas y souscrire. C'est notre responsabilité à ce moment-ci.

Je suis heureux de parler tout de suite après le député de Mille-Îles... Je m'excuse, de Laval-des-Rapides.

Une voix:...

M. Gendron: Je m'excuse, Mme la Présidente, c'est effectivement le député de Laval-des-Rapides et non de Mille-Îles. Je veux tout simplement reprendre une ou deux de ses phrases. Je trouve étonnant, surtout aujourd'hui, cela prend toujours un peu d'inexpérience ou de culot pour arriver simplement comme cela en disant: On comprend les membres de l'Opposition, c'est leur rôle de s'opposer. C'est leur job. Alors qu'il y a à peu près une heure, on adoptait trois projets de loi sans qu'aucun des intervenants fasse un débat plus long. À un point tel que le ministre de l'Énergie et des Ressources était complètement renversé de voir qu'on était d'accord.

Quand une loi a du bon sens dans ses principes, ses modalités et qu'elle contribuera au mieux-être d'un bassin important de la population du Québec, c'est clair que nous conclurons à l'adoption du projet de loi. J'ai beaucoup plus assisté, comme parlementaire, à des projets de loi sur lesquels l'Opposition a fait d'abord son travail d'améliorer et de bonifier le projet de loi et finalement d'y concourir. C'est ce qu'on fait depuis deux jours devant un menu tellement vide que, pour le petit peu qu'il y a, à part deux ou trois lois très contentieuses, toutes les lois sont adoptées sans trop de difficultés, sans trop de débats.

Notre rôle, contrairement à ce qui a été affirmé, n'est pas de n'être jamais d'accord. Il a dit cela également: Ces gens-là, il faut les comprendre. Ils sont dans l'Opposition. Ils ne sont jamais d'accord avec rien. Le problème, c'est qu'ils n'ont pas de solution.

C'est très erroné de sa part parce que dans le dossier qu'on discute, il n'y a qu'une solution, c'est d'axer une réforme par rapport aux problèmes majeurs de la société. C'est de ne pas être capable d'offrir une situation de meilleure capacité d'emplois réels sans nécessairement... Même si on doit tous le viser comme objectif, c'est-à-dire une politique de plein emploi, on pourrait effectivement avoir des mesures d'em-ployabilité qui nous garantiraient que, sauf les inaptes au travail, tous les autres assistés sociaux qui sont aptes au travail et qui n'ont pas de boulot... Si ce gouvernement avait un peu de préoccupations et de soucis pour l'employabilité, pour des mesures d'emploi par une politique d'emploi, pensez-vous que ces gens, règle générale, ne feraient pas le choix de sauter sur le travail qu'ils recherchent depuis plusieurs années? Là-dessus, j'en profite et je suis toujours très à l'aise pour parler de ces sujets à l'Assemblée nationale et, en particulier, celui des assistés sociaux. Cela ne me gêne pas de le dire. Au contraire, j'en suis honoré. Trois ans avant de faire de la politique, j'ai travaillé comme animateur social dans un milieu de chez nous, et je travaillais avec des groupes d'accidentés, des groupes d'assistés sociaux, des chefs de familles monoparentales, des gens qui, dans la société, ont besoin par définition d'un peu plus de support, d'un peu plus de moyens et d'outils pour être capables, eux aussi, d'assumer ce qu'ils souhaitent tous, leur pleine et entière responsabilité de citoyens et citoyennes du Québec, qui veulent contribuer à poser leur pierre, eux aussi. Pour être capable de poser sa pierre, le premier geste normal dans une société, c'est de gagner sa croûte.

Il y a toujours des exceptions. On ne parlera pas des quelques exceptions. Il y en a partout, Mme la Présidente, peu importent les professions, peu importent les métiers, les corps d'emploi, les étiquettes, je ne connais personne qui, à un moment donné, dans des catégories, n'a pas un comportement discutable. Mais, quand on parle d'une réforme de l'aide sociale pour les assistés sociaux, je ne suis pas dans le domaine des exceptions. Je suis dans la généralité. Pour avoir travaillé pendant trois ans avec ces gens, jamais je n'accepterai le jugement que certains portent, à savoir que la plupart de ceux qui sont à l'aide sociale, premièrement, le sont parce qu'ils veulent l'être, deuxièmement, sont bien là-dedans et que c'est un mode de vie, et essayons donc de les laisser le plus longtemps possible là-dessus. Ce n'est pas là ma pensée. Cela ne l'a jamais été. Ce n'est pas parce qu'on discute de questions comme celle-là que j'ai changé d'avis.

Quant au projet de loi 37, je vous dis, Mme la Présidente, que j'ai été étonné que le ministre décide de procéder quand même. Après cela, je

me suis dit: Je suis donc dans les patates ou sans expérience quand je suis critique du même ministre qui porte également le chapeau de ministre du Travail. Et, étant critique dans ce secteur, je vois un peu comment il procède. Règle générale, le ministre, dans tous les dossiers où il réussit à faire l'unanimité contre lui, va sûrement souhaiter l'adoption de ces projets de loi. C'est sa façon de travailler. On l'a vu sur la loi créant la Commission des relations du travail. Imaginez que c'était urgent, le 30 juin 1987. Le 30 juin 1987, c'était le feu, s'il n'y avait pas la loi créant la Commission des relations du travail. Le travail n'a pas dérougi au bureau de M. Bourassa. Je siégeais en commission avec lui. Dans la même journée, à quatre reprises à un moment donné, puis il a décidé de suspendre l'adoption du projet de loi créant la Commission des relations du travail.

Quatre, cinq mois plus tard, en sourdine comme il procède toujours, dernier jour de la session, à toute vapeur, il est arrivé avec l'adoption du projet de loi concernant la création de la Commission des relations du travail en décembre 1987. Nous sommes en juin 1988. La commission n'a aucun mandat. La commission n'est pas mise en vigueur. Il n'y a pas les dispositions qui lui permettraient de mettre en vigueur la loi créant la Commission des relations du travail. Il n'est pas question qu'elle soit en vigueur.

Il m'a fait exactement la même chose dans le secteur de la construction récemment. Il fait la même chose dans le domaine de l'aide sociale. Je suis très à l'aise pour parler du fond. J'ai aussi trouvé curieux... En douze ans de vie parlementaire, Mme la Présidente, c'est probablement la première fois que j'entendais un ministre parler pendant une heure sur son projet de loi - ce n'est pas cela qui est curieux, cela est arrivé souvent - et parler peut-être 30 minutes du chef du Parti québécois et à peu près pas de sa réforme. Pendant les 30 minutes sur l'heure que le ministre a prise, il a beaucoup plus parlé du chef actuel du Parti québécois, M. Jacques Parizeau, que de sa réforme pour essayer de faire accroire que tout autant que dans le livre blanc de M. Parizeau, en prenant bien sûr les morceaux qui faisaient son affaire, sur certaines tribunes, M. Parizeau a eu à s'exprimer dans un autre sens, pour faire accroire au public québécois qu'il y avait de la confusion dans nos rangs, que nous ne savions pas sur quel pied danser concernant le projet de loi 37 qui s'appelle la réforme de l'aide sociale, alors que très clairement - et je n'aurai que deux phrases là-dessus avant de revenir sur le fond - M. Parizeau a démoli point par point la réforme Paradis concernant l'aide sociale. (16 h 50)

Je cite un article du Devoir du 26 avril 1988. C'est la responsable du Regroupement des assistés sociaux qui disait ceci: "Après une heure et demie de rencontre avec M. Parizeau, on sait très bien à quelle enseigne il loge. " Et les deux, tout autant elle que M. Parizeau, et je cite la phrase "ont jeté a la poubelle la réforme Paradis". Les deux considèrent que la réforme Paradis dans ses principes mêmes ne doit pas être retenue. Donc, on ne me fera pas pleurer en essayant de faire accroire qu'il y a de la confusion. Il n'y en a pas du tout. La réforme Paradis sur l'aide sociale, nous, on dit qu'elle est folle raide, que c'est une réforme qui ne répond à aucun des objectifs que la société doit avoir lorsqu'on aborde une question aussi importante pour 600 000 à 700 000 personnes et, dans certains cas, jusqu'à 1 000 000 de personnes qui ont été, lors de périodes plus difficiles sur l'aide sociale.

Je vais donc vous parler du principe du projet de loi de la réforme Paradis. C'est un détournement de principes, un détournement de responsabilité et un détournement tout court. C'est un manque à leur parole, comme d'habitude. On pourrait l'illustrer dans plusieurs dossiers. Ces gens-là qui ont eu le culot lors de la campagne électorale de 1985 d'affirmer sur toutes les tribunes: Le lendemain de l'élection: l'un de nos premiers dossiers est de vous donner la parité. On est rendu en juin 1988. Tout le monde sait que, même si on parle du projet de loi, il ne sera pas adopté, il faut être conscient de cela et pas à cause de l'Opposition. Le ministre lui-même n'en veut pas tout de suite. Il dit: Donnez-moi le principe et je ferai ce que j'ai toujours fait dans mes projets de loi. J'irai faire accroire, à l'étape de l'étude article par article, et un peu plus tard, après que j'aurai obtenu les principes, que c'est une bonne réforme que tout le monde veut. Alors que, lorsqu'il y a eu les audiences et les consultations, 85 % des gens qui sont venus en consultation ont dit. On n'en veut pas de cette réforme-là, parce que cela ne correspond pas à nos besoins ni à ce qu'on souhaite. Alors qu'on se serait attendu à la mise en place d'une politique de la sécurité du revenu, on se retrouve avec des réaménagements tortueux qui maintiennent les 600 000 assistés sociaux du Québec dans une société à part, une espèce de ghetto de pauvreté, cette fois consacré ad infinitum. Retenez bien ce chiffre, parce que autour de lui s'organise une opposition qui s'efforce de bloquer le projet du gouvernement libéral pour réformer à sa façon le régime d'aide sociale au Québec.

Le 12 mai, le ministre Paradis, responsable du ministère du Travail et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu se lève à l'Assemblée nationale pour annoncer que son gouvernement a finalement décidé de donner suite à l'un des engagements de la campagne électorale de 1985. On s'attendait qu'enfin, cela sort quelque chose d'exact. Très grande surprise, stupéfaction pour tout le monde, le jeudi 12 mai, le ministre n'apporte que des modifications mineures à son projet de réforme, projet décrié par plus de 3000 personnes qui sont venues manifester devant le parlement malgré les

conditions difficiles, projet décrié par l'Assemblée des évêques, projet décrié par une série d'organismes dont la liste serait très longue, mais je peux bien le faire: CEQ, CSN, FTQ, coalition nationale, des groupes de femmes, la FACEF, le FRAPU, la Ligue des droits et libertés, la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, les avocats de l'aide juridique... Ces gens-là ont la vérité bien assise.

J'écoutais le député de Laval-des-Rapides qui disait: Nous, on est convaincus; j'étais là comme président - c'est lui qui parle - comme président, j'ai entendu tous ces mémoires. Le meilleur qu'on a fait, c'est que nous aussi on avait des doutes à un moment donné, quelques juniors qui de temps à autre ne tiennent pas tout pour acquis, parce que lorsque c'est leur ministre qui parle, règle générale, ils tiennent tout pour acquis, c'est la vérité révélée. Il y en a quelques-uns qui ont dit: Peut-être que ce ne serait pas la vérité révélée, on va aller en discuter avec M. Paradis. Imaginez que cela vous renseigne davantage sur ce qu'est le projet de loi! Ils sont allés voir leur ministre, ils ont discuté avec et ils ont dit: Est-ce qu'on a tort ou si c'est toi qui as raison? Que pensez-vous qui est arrivé? C'est évident que le ministre leur a dit: Vous êtes dans les patates, les principes sont bons, les objectifs sont valables. Mais qu'il y ait des milliers de groupes au Québec qui disent que cela n'a pas de bon sens, que l'Assemblée des évêques dise que c'est un projet qui est mal foutu à sa base même parce qu'il aura comme conséquence d'amenuiser le petit peu que ces gens-là ont et de le consacrer ad infinitum.

Je reviendrai sur la seule alternative possible: orienter la réforme sur un régime de plein emploi. Il n'y en a pas d'autre. Tourner la réforme d'aide sociale par le biais de programmes d'employabilité. C'est cela, le succès de la réforme, mais pas quand on maintient un taux de chômage à 10 % et qu'on n'a aucune mesure pour contrer les difficultés de l'emploi. Tout ce monde-là est contre, sauf que le député de Laval-des-Rapides disait: M. Paradis nous a convaincus, le ministre du Travail nous a convaincus que c'était une bonne réforme, donc les arguments des gens de l'Opposition, qui ont seulement comme mandat de s'opposer, nous ne sommes plus sensibles à cela.

Ce ne sont pas les gens de l'Opposition qui s'opposent à votre réforme, c'est à peu près tout ce qu'il y a d'organisé dans la société qui s'y oppose, ce sont tous les gens qui ont pris le temps de la regarder et de l'analyser. C'est jour après jour... Regardez, seulement dans la correspondance qu'on reçoit. J'ai sous la main le journal La Base publié par la Centrale des syndicats démocratiques. Quel est leur premier titre? Ce n'est pas: les femmes sont bien organisées par ce gouvernement qui ne s'en occupe pas, c'est: Le projet de réforme de l'aide sociale ne vaut pas cinq cents, il doit être retiré. Que je sache, la CSD n'est pas à la solde du Parti québécois, n'est pas à la solde de l'Opposition. Pourquoi est-ce que la CSD dit: Le projet de réforme de l'aide sociale doit être retiré? C'est parce qu'ils l'ont analysé dans tous ses détails et - je vous l'ai dit tantôt - qu'ils ont la même conviction que nous, elle ne vaut pas cinq cents, même dans ses principes.

Les avocats de l'Aide juridique, pensez-vous qu'ils ont le temps de s'amuser juste pour s'amuser? S'ils ont pris la peine de dire... La Commission des services juridiques a envoyé un dossier à tout le monde. Les avocats de l'Aide juridique, sur le projet de loi 37, nous disent: "De par la Loi sur l'aide juridique, le gouvernement confie à la commission que je préside le mandat de représenter les intérêts des plus démunis", donc des assistés sociaux; ce sont des gens qu'on connaît et avec qui on a des liens à tous les jours. C'est écrit ceci: "Le document veut attirer votre attention - à tous les parlementaires, y compris les répondeurs automatiques, à ces gens-là, ils ont dit: J'espère que vous allez regarder cela - sur des intentions contenues au projet de loi qui sauront, nous le prévoyons, à la suite de notre expérience - ce sont des gens qui travaillent avec ces gens-là à tous les jours, voici ce qu'ils disent - causer des détresses additionnelles aux assistés sociaux." Ils ne disent pas que cela va régler leurs problèmes, ni amélioirer le sort des 600 000 assistés sociaux, ils disent, parce qu'ils vivent avec eux: "Le projet de loi 37 aura comme conséquence grave, dramatique de causer des détresses additionnelles aux assistés sociaux. Les commissaires de la Commission des services juridiques comptent sur votre support pour éviter que la réforme en cours ne pénalise indûment ceux que l'intention du législateur était d'aider." Ah! Cette phrase m'a frappé, parce que c'est toujours la même chose. Entre leur discours, leur beau discours, les principes et le projet de loi, il y a toujours un écart comme si on était à des années-lumières entre la réalité vécue et le beau discours. Cela n'est pas dit par celui qui vous parle, c'est dit par des gens qui travaillent avec ces gens-là tous les jours.

Et, on va faire croire que nous nous opposons parce que c'est l'Opposition qui s'oppose. Ce n'est pas cela, Mme la Présidente. On ne s'oppose pas parce qu'on s'oppose. On dit que le projet de loi 37, qui doit modifier le régime dans lequel vivent et fonctionnent les assistés sociaux, n'a pas de bon sens parce qu'il n'est pas tourné vers des objectifs crédibles et valables. Les objectifs crédibles et valables, on va en parler un peu. Le pilier de la réforme demeure la distinction entre les aptes et les inaptes au travail. Les aptes au travail, ce n'est pas compliqué, ce sont ceux qui peuvent travailler. Pourquoi ne travaillent-ils pas s'ils peuvent travailler? La raison est simple: il n'y a pas de job pour eux autres. Pas partout, je l'ai dit

tantôt, je parle généralement. Quand on a un taux de 10 %... Essayez de faire accroire quand on a un taux de chômage de 10 %, on a un taux qui est le double de celui de l'Ontario, le triple de celui de Toronto pour ce qui est de Montréal et on va dire aux assistés sociaux: Allez travailler, il n'y a pas de problème, trouvez-vous de l'emploi! Quand on ne trouve pas de l'emploi comme tel, on dit: Allez vers les mesures d'em-pioyabilité et là, vous allez trouver de l'emploi.

Ces gens-là ont sacré à terre tous les programmes d'employabilité qui existaient. Ils les ont tous défaits, tous éliminés. Ils se sont arrangés pour que cela fonctionne à 17 %, des programmes qualifiés effectivement de période intermittente, si vous me permettez l'expressiqri, période temporaire, excusez, c'est le terme plus exact. Cela marche à 17 % avec ces gens-là. Vous pensez qu'on va être d'accord pour adopter le principe du projet de loi 37 sur de tels créneaux, sur de tels principes? (17 heures)

Mon collègue ou mon ex-collègue, le député de Gouin, le disait très bien: "Dans le fond, si ces gens-là avaient l'honnêteté de dire les vraies choses, ce qui les intéresse, c'est de réduire la facture des coûts de l'aide sociale. Lesd assistés sociaux, ce gouvernement s'en fout pas mal. Il n'a jamais prouvé que c'était l'une de ses préoccupations. Regardez le projet de loi 37. Si c'était sa préoccupation, il aurait arrêté d'en parler. Combien de fois le ministre a-t-il refait ses devoirs? Combien de fois le ministre a-t-il essayé de faire ses devoirs? Je le répète, on sera rendu en septembre ou octobre et, pour les assistés sociaux, il n'y aura absolument rien de réalisé quant à l'engagement que le gouvernement a pris concernant la parité en septembre, octobre ou novembre 1985. Trois ans plus tard, ces gens seront exactement dans la même situation. Pourtant, les libéraux avaient juré, juré craché, selon l'expression populaire: Pour vous, les moins de 30 ans, ce sera la parité complète, totale. On lit la réforme, on la regarde, on l'analyse. Mais tous ceux qui n'ont pas des lunettes viciées par la partisanerie politique constatent qu'il y aura encore, après leur réforme, dans la perspective où ils réussissent à l'adopter, au moins 36 000 personnes qui n'auront pas encore la parité. Quand ils ont pris l'engagement, ils n'ont pas dit: Cela va dépendre, il y en a qui vont l'avoir, il y en a qui ne l'auront pas. Ils ont pris l'engagement ferme que la parité serait donnée à tous les gens concernés par le régime.

Je pense que ce n'est pas un régime juste, que ce n'est pas une réforme équitable et que ce n'est pas une réforme qui va favoriser l'incitation au travail, surtout pas si ces gens n'ont pas davantage de préoccupation pour l'emploi. C'est pourquoi nous sommes très à l'aise pour dire à ce gouvernement: II n'est pas question de donner notre appui à une réforme aussi mal foutue, aussi mal articulée, basée sur des prémisses aussi viciées. Il n'y a qu'une prémisse sur laquelle on doit baser une réforme de l'aide sociale et ce sera ma conclusion, Mme la Présidente. Oui, il est opportun de modifier le régime de l'aide sociale parce que cela fait des années que cela n'a pas été fait, mais il faut le faire dans la perspective qu'il y ait de moins en moins de gens qui se trouvent dans cette situation et à la condition qu'on puisse leur offrir une alternatives. Ma conclusion est la suivante: il y en a une alternative, de l'emploi pour ceux qui sont aptes au travail et une pitance qui a un peu plus d'allure pour permettre à ceux qui n'ont pas d'autre choix que d'être condamnés, pour toutes sortes de raisons, à être inaptes, d'avoir au moins ce qu'il leur faut pour vivre convenablement comme citoyens à part entière.

En conséquence, comme cette réforme ne rejoint pas ces objectifs, c'est clair que nous allons nous opposer à cette fausse réforme.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Harold Peter Thuringer

M. Thuringer: Merci, Mme la Présidente. Depuis presque un an, la réforme de la sécurité du revenu a fait parler, parfois même très vivement. On se souviendra que notre formation politique s'était engagée à régler un dossier aussi difficile que celui de l'aide sociale, par le biais d'une véritable politique de sécurité du revenu fondée sur l'équité et la justice. La clientèle de l'aide sociale n'est pas homogène. Les personnes qui adhèrent à ses programmes sont très différentes et leurs besoins particuliers varient de l'une à l'autre.

Au cours des dernières années, des changements importants, dont il faut tenir compte, sont survenus dans le domaine de l'aide sociale, parmi lesquels on retrouve, premièrement, l'accroissement considérable de la clientèle: 650 000 en 1987, ce qui représente 10 % de la population du Québec; deuxièmement, le changement de clientèle. À l'origine, en partant, la moitié était inapte au travail; elle est maintenant apte à 75 %. Un troisième changement dont il faut tenir compte, c'est de la jeunesse de la clientèle dont l'âge moyen est maintenant rendu à 32 ans. Il faut également se rappeler que 300 000 des 400 000 ménages peuvent être considérés aptes au travail et 60 % de ces personnes aptes au travail n'ont pas complété leur secondaire V et 40 % de ces mêmes personnes n'ont aucune expérience de travail. Et, finalement, un autre facteur très important, selon moi, c'est que 36 % de ces mêmes personnes sont analphabètes.

Mme la Présidente, quant aux 100 000 ménages considérés incapables de subvenir à leurs besoins, ils ne peuvent peut-être pas compétitionner sur le marché du travail au même titre que tout le monde, mais on ne peut nier

leur capacité d'apporter à la société. Ils semblent, comme l'indiquait l'Association des centres d'accueil du Québec, productifs, mais non compétitifs.

Notre gouvernement a donc dû tenir compte de ces réalités et donner priorité à la sécurité du revenu. C'est ce que le ministre a fait en nous présentant cette réforme, laquelle est très positive. On n'a qu'à penser, premièrement, à l'élimination, avant la fin de 1989, de la discrimination à cause de l'âge; deuxièmement, à l'augmentation des prestations pour les inaptes au travail, afin qu'elles soient mieux ajustées aux besoins actuels; troisièmement, à l'amélioration des connaissances et des aptitudes des personnes visées par le biais des stages ou de la formation; quatrièmement, à l'encouragement des jeunes et des jeunes familles à demeurer ou à retourner au travail par des incitatifs.

Mme la Présidente, après avoir entendu près de 125 organismes provenant des milieux communautaires, du secteur privé, du secteur des affaires et des différentes associations sociales, le ministre a accepté de bonifier sa position et sa politique en changeant certains éléments comme l'annulation de certaines catégories, en faisant des modifications majeures pour des personnes non disponibles, en permettant aux femmes enceintes, aux bénéficiaires de 55 ans et plus et à d'autres éprouvant différents handicaps, de recevoir un montant indexé équivalant à celui perçu actuellement. Les parents d'enfants d'âge scolaire sont libres d'adhérer au programme et les besoins spéciaux actuellement accordés seront conservés pour tous les bénéficiaires, et certains, Mme la Présidente, sont même augmentés.

Donc, on constate que le projet actuel proposé se trouve grandement amélioré, en tenant compte du fait que les programmes de sécurité du revenu constituent un dernier recours et non une base permanente de revenu pour un individu. De plus, le gouvernement du Québec propose de mettre en application une politique qui tiendra compte des réalités telles que vécues dans une société moderne. (17 h 10)

Maintenant, j'aimerais, Mme la Présidente, attirer votre attention sur quelques éléments qui, selon moi, doivent encore être bonifiés et pour lesquels plusieurs représentants de mon comté ont fait des représentations, soit par les groupes communautaires, des représentants d'universités, par les jeunes ou encore par des bénéficiaires eux-mêmes. Déjà le ministre a accepté de baisser les 85 $ par mois, la diminution des prestations de deux personnes partageant le même appartement. Je souhaite qu'on révise cela et qu'on puisse faire encore mieux. Dans mon comté, par exemple, une enquête faite par le Conseil communautaire de Notre-Dame-de-Grâce a démontré que la plupart des bénéficiaires de l'aide sociale doivent débourser jusqu'à 60 % de leurs prestations pour le logement. Il me semble donc essentiel que notre gouvernement réévalue et considère d'abaisser considérablement la diminution des prestations, à défaut de l'abolir éventuellement pour donner une chance à ceux et celles qui sont prisonniers de la pauvreté.

Il y a aussi toute la question de la contribution parentale, laquelle a fait les manchettes depuis quelque temps et qui en tracasse plusieurs. Pour moi, encore une fois, il est très important de trouver une formule adéquate qui refléterait mieux les valeurs, les moeurs et les réalités actuelles. Je dois dire, Mme la Présidente, que le ministre et ses collègues ont travaillé en consultation pour la faire. Pour moi, ces deux points sont pas mal importants et j'aimerais quand même qu'on fasse des modifications là. Il y a aussi toute la question des relations entre les agents économiques et les bénéficiaires. Il faut que notre gouvernement veille d'une façon toute particulière à la formation et à la supervision de ces gens afin que les objectifs du programme puissent être atteints efficacement.

J'aimerais m'arrêter là et faire une parenthèse pour dire que j'ai été pas mal impliqué dans un programme semblable en Saskatchewan, il y a plusieurs années, et j'ai vécu une expérience où, parce que les agents mêmes n'étaient pas assez formés dans leur travail pour rejoindre l'objectif du programme mis sur place, cela a retardé et bouleversé pas mal les objectifs du programme. Je pense, comme le ministre l'a dit et comme plusieurs l'ont remarqué, que c'est très important qu'on regarde l'aspect de formation. Comme on l'a mentionné aussi, les gens qui sont pris avec la pauvreté ont besoin d'un avocat, de quelqu'un qui va plaider leur cause, pas dans le sens traditionnel nécessairement, mais quelqu'un qui va les aider. Je pense que c'est très important que les gens qui sont sur place, dans le système, soient bien formés.

Finalement, Mme la Présidente, avec une telle réforme, la création d'emplois devient primordiale. Je sais que le gouvernement a déjà fait pas mal d'efforts et a réussi pas mal dans plusieurs endroits, même dans l'emploi. Mais on doit multiplier ces efforts pour créer des emplois intéressants en utilisant et en collaborant avec le secteur privé afin que notre politique sociale atteigne ses objectifs globaux.

I want to make some remarks about this policy as it touches my county because I have heard in public and I dare say even here that the county of Notre-Dame-de-Grâce really does not have any problems; it is a rich county, among other things. I would just like to cite that of the 70 000 people who live there, 40 % or 40 000 people are anglophones, 15 000 francophones, 15 000 allophones. The people who are 65 years of age or over represent almost 12 000 of those 70 000 people. The people who are living below the poverty line and who are between the ages of 18 and 64 make up another 8000 of the 70 000.

Des familles monoparentales, il y en a 3000.

Les assistés sociaux dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, représentent 3450 familles et à peu près 10 000 personnes. Je pense qu'avec ces statistiques et un tel profil, c'est bien clair qu'il y a des problèmes. Les gens qui demeurent dans mon comté le savent; ils ont vécu des difficultés. Ils savent de quoi ils parlent.

Je veux aussi dire à mes collègues de la communauté anglophone que dans cette réforme, on va aussi travailler pour que non seulement leurs aptitudes correspondent ou soient mieux adaptées à leurs besoins, but we will also be looking at training in language because that forms a vital and important skill on the job market. If people do not have that skill, then even if they have physical or other skills, they, again, will be handicapped. That is, as we look at their own abilities, the second aspect we will have to look at is, that in the area of work, that the employer is flexible in order to take in people from other languages, not only English, but others as well.

En conclusion, je crois, Mme la Présidente, que notre gouvernement a fait un grand pas vers la réalisation d'un programme renouvelé de la sécurité du revenu conformément à l'engagement pris par notre parti avant 1985. Je sais qu'il y a bien des personnes encore qui sont contre ou même très négatives face à cette réforme, mais je pense vraiment qu'on est courageux d'avoir fait ce grand pas. Si on fait une comparaison avec les programmes des autres provinces, des autres pays, si on analyse en fonction du budget et des politiques fiscales, on découvre non seulement un projet à portée économique, mais aussi une vision sociale.

I would only say in conclusion, Madam Présidente, that with the changes in the vision that the Minister and our government have in the area of welfare reform, that the whole second part of the mandate which is geared toward and focussed on the social and quality of life aspects of our program, I think this reform goes a long way to make those achievements. As I said, and I want to re-assure my colleagues and my constituents, that there are remaining the four areas that need to be looked at, that is the sharing of lodging, the manner in which these are calculated in the final allowances, the question of parental contributions, the very important aspects of the training of the workers who will be charged with the responsibility of implementing this law and, finally, the job creation. (17 h 20)

Mme la Présidente, je suis heureux de pouvoir servir à cette commission qui a travaillé fortement sur la réforme et d'avoir eu l'occasion de recevoir les suggestions des groupes communautaires, de mes collègues et de l'Opposition, pour bonifier une loi qui, je pense, n'est pas la fin du monde - il y aura des changements à faire selon moi - mais qui vise un bon objectif et représente aussi une vision sociale. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant sur le projet de loi 37, M. le député de Lévis.

M. Gratton: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je proposerais, Mme la Présidente, l'ajournement du débat.

La Vice-Présidente: Est-ce que la motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je voudrais maintenant appeler l'article 14 du feuilleton.

Projet de loi 6

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: A l'article 14 de notre feuilleton, le ministre du Revenu propose l'adoption du rapport de la commission du budget et de l'administration qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 6, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

Je suis prête à reconnaître le premier intervenant, M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Bonjour, Mme la Présidente. Le projet de loi 6, qui a été présenté par le gouvernement, j'ai eu l'occasion d'en parler lors de l'adoption du principe sur division, puisque ce projet de loi, qui a principalement pour objet d'harmoniser la législation fiscale du Québec avec celle du Canada, a fait l'objet simplement d'une déclaration ministérielle au mois de décembre de cinq minutes, d'une réponse de cinq minutes et d'une réplique de cinq minutes du ministre des Finances plutôt que de faire l'objet d'un discours sur le budget.

Pourquoi? Parce que le ministre des Finances ne veut pas présenter de budget, le moins possible, pour ne pas que ces mesures fiscales qui imposent des taxes aux Québécois soient connues. On a maintenant l'insigne honneur au Québec, on est sans doute le seul endroit au monde où l'on a deux discours des crédits. Le 31 mars, le ministre des Finances dépose les crédits pour dire dans quels secteurs le gouvernement va

faire des dépenses au cours de l'année qui vient. Ensuite, il y a un discours sur le budget qui, au fond, est un rafistolage des crédits du 31 mars mais dans lequel il ne parle aucunement des revenus, des taxes qu'il va imposer. On le voit dans les journaux le lendemain, un peu comme un tournoi d'Obélix. On nous y indique tout simplement les chiffres, des colonnes de statistiques, mais aucune perspective sur les revenus. Sauf qu'au cours de l'année, à plusieurs reprises, le ministre des Finances va faire des déclarations ministérielles de cinq minutes pour nous dire où il va taxer et que cela paraisse le moins possible. Un cinq minutes au début de la période de questions, cela passe inaperçu. Comme c'est un peu compliqué, les journalistes n'en parlent pas trop et, finalement, les gens ont l'impression qu'il n'y a pas de taxes.

Simplement par ajustement au mois de décembre 1987, le ministre des Finances a imposé 325 000 000 $ en revenus pour le gouvernement aux citoyens du Québec de la façon la plus camouflée possible. De plus, je vais vous le montrer, Mme la Présidente, tout de suite. Je reviendrai pour dire à quel point ce projet de loi est un discours incroyable, parce qu'il a surtout pour effet de mettre en application des énoncés de politique budgétaire faits au cours de déclarations ministérielles.

Je vais vous le dire tout de suite. À cet effet, ce projet de loi donne suite en partie à la déclaration ministérielle du ministre des Finances du 11 novembre 1986. Imaginez-vous! Du 11 novembre 1986, on est rendus en 1988. À l'Énoncé de politiques budgétaires du gouvernement du 18 décembre 1985, il y a presque trois ans. C'est le ministre du Revenu qui nous dit qu'il est la rapidité incarnée, qu'il dépasse toujours le mur du son. C'est l'homme le plus lent, le ministre le plus lent de l'histoire du Québec pour mettre en application les énoncés de politiques budgétaires, même pas les discours sur le budget, les énoncés de politiques budgétaires faits au cours de déclarations ministérielles ou, encore, dans des annexes au budget.

Mme la Présidente, mettre en application par une loi qui est présentée cette année, qui sera adoptée au mois de juin 1988, la déclaration ministérielle du ministre des Finances du 11 novembre 1986, c'est un peu lent. L'Énoncé de politiques budgétaires du gouvernement du décembre 1985, on ne peut pas dire que le ministre est très rapide. Et l'annexe A du discours sur le budget du 1er mai 1986, on ne peut pas dire non plus que c'est très rapide.

Mme la Présidente, c'est pourquoi, lors de l'adoption du principe de la loi, nous avons dit cela n'a pas de bon sens de faire des énoncés de revenus du gouvernement, des énoncés de taxation par des déclarations ministérielles plutôt que par un discours sur le budget, de sorte qu'il n'y a plus, à toutes fins utiles, des discours sur le budget. Il y a deux discours sur les crédits, avec des colonnes de chiffres, pour dire à peu près quelles sont les statistiques au point de vue des revenus, mais sans indiquer quelles vont être les taxes qui vont affliger les Québécois au cours de l'année, et simplement un discours sur le budget où il semble n'y avoir aucune taxe. Mais, en cours d'année, à différentes périodes, on a les déclarations ministérielles du ministre des Finances.

Au cours de cette commission parlementaire, on a appris quelque chose d'incroyable. Mme la Présidente, écoutez-moi bien, vous, députée de Bellechasse, vous vous êtes fait passer un sapin. Dans le discours sur le budget 1986-1987, le ministre des Finances nous a dit qu'il y aura une déduction spéciale pour les résidents du Grand-Nord et des postes isolés. Vous auriez pensé que c'était à Kuujjuaq, Schefferville, Chibougamau. Mais non! La liste avec laquelle il veut s'annexer, qu'il a sans doute négociée, pas sans doute, qu'il a sûrement négociée avec le ministre des Finances fédéral, indique surtout des municipalités de son comté. Croyez-le ou non, le Grand-Nord est rendu au Québec dans le comté de Bonaventure. Le discours sur le budget, cela ne veut plus rien dire. C'est une vaste blague parce que les déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et de postes isolés, personne n'a pensé que cela visait d'abord le comté de Bonaventure, dans la baie des Chaleurs. Imaginez-vous! Jacques Cartier a appelé cette partie du territoire québécois la baie des Chaleurs parce que quand il est passé là il crevait de chaleur. Aujourd'hui, les déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et des postes isolés, cela touche d'abord le comté de Bonaventure. Vous ne me croyez pas? Je vais vous lire les municipalités, Mme la Présidente.

Vous savez, on dit qu'on s'harmonise avec le fédéral sauf qu'on ajoute des annexes. Dans les annexes... Pas l'annexe 1 ou 2, l'annexe 9, division A, paragraphe 7303, alinéa 2. Il faut vraiment aller dans les coins pour voir comment cela fonctionne. On voit que dans l'Alberta il y a quatre endroits: Big Horn, Frog Lake Reserve, Nordegg, Small Boy Camp. Si vous regardez sur la carte, vous allez voir que c'est dans le fin nord de l'Alberta. Si vous dépassez cela, en ne marchant pas longtemps, vous allez vous retrouver dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon. (17 h 30)

Dans la province de la Colombie britannique, vous vous rendez compte aussi que les municipalités sont dans le fin nord. Dans la grande province de l'Ontario, il y en a quatre: Grassy Narrows, Gull Bay, Islington IDS, White Dog Reserve, Longlac. Dans la province de Québec, je vous les nomme, vous allez voir... Écoutez cela, Mme la Présidente. Accrochez bien vos tuques et écoutez cela: Black Cape, Bonaventure, Caplan, Escuminac - pour ceux qui ne le savent pas, Escuminac est dans le comté de Bonaventure également - Fermont - cela, c'est

dans le nord - ensuite, Grande Cascapédia, Bonaventure, L'Alverne, Manouane, New-Carlisle - la place du ministre des Finances; il est rendu dans les résidents du Grand Nord et les postes isolés - New Carlisle, croyez-le ou non, New Richmond, la place d'à côté, New Richmond Station, Nouvelle - si vous quittez un peu la route qui fait le tour de la baie des Chaleurs et que vous montez quelques milles à l'intérieur des terres, vous allez frapper Nouvelle.

Imaginez-vous, vous êtes rendus, croyez-le ou non, dans les déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et des postes isolés. Qui aurait pensé que cela s'appliquait d'abord au comté de Bonaventure? Je continue: Paspébiac, c'est rendu un poste isolé dans des territoires du Grand-Nord. Quand vous regardez les définitions, c'est bon, on dit: des sols avec couverture de lichen, des conifères disséminés, sol avec arbustes, conifères disséminés, conifères alternant avec des terrains nus et des plaques de lichen. Imaginez! Conifères disséminés, arbustes feuillus, petits lacs, sol avec couverture de mousse et lichen et... de conifères, etc. Je ne lirai pas toutes les caractéristiques. Mais quand on voit cela: déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et des postes isolés, on ne s'attend pas à trouver ces villages-là. Je continue: Pointe-à-la-Croix, Pointe-à-la-Gare, essentiellement la pointe qui s'avance dans le territoire de la baie des Chaleurs où la distance est la moins large, près de la Restigouche, entre le Nouveau-Brunswick et le comté de Bonaventure, pas loin de Matapédia. Restigouche, Rivière Paspébiac, Saint-Alphonse-de-Caplan, Bonaventure, Saint-EIzéar-de-Bonaventure, Saint-Godefroi, toujours dans Bonaventure, Saint-Jules de Cascapédia, Bonaventure, Saint-Omer, Bonaventure, Saint-Siméon de Bonaventure et Winneway - je ne connais pas ce village-là, je ne sais pas s'il est dans Bonaventure ou ailleurs.

Or, vous voyez, Mme la Présidente, c'est dans la province de Québec qu'il y a la plus grande enumeration de municipalités qui seraient censées être dans le Grand-Nord et dans les postes isolés. On se rend compte que le ministre des Finances a fait nommer cela à Ottawa et il s'ajuste à cela. Qui aurait pensé, lors du discours sur le budget, que c'est ce qu'on entendait? Je vais vous lire ce qu'on disait. On dit - écoutez bien - à l'annexe A, page 15, déductions spéciales aux résidents du Grand-Nord et de postes isolés. On dit: Actuellement, certains employés travaillant dans le Grand Nord québécois ou dans des postes isolés sont exemptés d'impôt sur le revenu à l'égard de certains avantages pour logement et transport accordés par leur employeur. Le traitement fiscal qu'accorde la loi québécoise à ces travailleurs est à la fois différent et plus généreux que celui que leur accorde actuellement la loi fédérale et ce jusqu'au 1er janvier 1987, date d'application des nouvelles mesures fédérales. Le ministre fédéral des Finances annonçait dans son discours sur le budget du 26 février dernier une modification importante au traitement fiscal de tels avantages. Il annonçait qu'à compter du 1er janvier 1987, toute personne résidant dans le Grand-Nord et dans des postes isolés durant une période continue d'au moins six mois bénéficiait d'une déduction spéciale au titre du logement dans le calcul de son revenu imposable. Cette déduction, ne pouvant excéder 20 % du revenu, sera égale à 225 $ par mois pour chaque particulier. Toutefois, pour chaque mois durant lequel le contribuable entretient et habite un établissement domestique autonome, la déduction sera de 450 $ par mois. Le ministre fédéral des Finances proposait également dans ce discours "d'instaurer, pour tout employé, une déduction à l'égard des voyages pour fins médicales ou de vacances. " Pour aller voir le docteur ou aller en vacances, vous avez droit à une déduction; imaginez-vous! Dans le Grand-Nord, tout le monde va comprendre cela. Si vous êtes à Fort Chimo ou à Kuujjuaq ou à Povungnituk dans le Grand-Nord, à Chibougamau, tout le monde va comprendre cela. Si vous êtes à Blanc-Sablon, les gens vont comprendre cela. Mais là, je vais vous dire après comment cela fonctionne.

On dit: "Cette déduction sera égale au coût des billets aller-retour par avion, en classe économique, pour l'employé et sa famille jusqu'à la ville désignée la plus proche. Toutefois, pour les voyages de vacances, la déduction sera limitée aux frais de deux voyages par année. " C'est quelque chose! On comprend cela que quelqu'un qui part de Fermont pour prendre des vacances, ait droit à une certaine déduction pour avoir pris l'avion pour aller ailleurs. Là, c'est pour les villages de Bonaventure afin, comme on le disait, "d'améliorer le traitement fiscal actuellement accordé aux résidents du Grand-Nord québécois et de postes isolés et pour ne pas ajouter à la complexité des lois fiscales. " Imaginez-vous! "Le régime d'imposition québécois sera harmonisé avec celui du gouvernement fédéral à l'égard des déductions fiscales au titre du logement et des voyages des résidents du Grand-Nord et de postes isolés. Cette mesure s'appliquera aux mêmes dates, conditions, personnes et endroits que ceux visés dans la législation fédérale. "

Écoutez bien le prochain paragraphe; écoutez bien cela et ouvrez grandes vos oreilles. Cela, c'est quand on a eu le discours sur le budget, on ne savait pas à qui cela s'appliquait, on a lu seulement cela. "Ces déductions représentent une réduction additionnelle du coût du logement et du transport d'environ 23 000 000 $ pour les résidents des régions nordiques et de postes isolés, qu'on retrouve principalement dans les comtés d'Ungava et de Duplessis, ainsi que dans plusieurs autres comtés du Québec. " Rien d'autre! Tout le monde s'attendait que "plusieurs autres comtés du Québec", ce serait le nord de certains comtés comme Charlevoix, Roberval...

Une voix: D'Abitibi-Ouest.

M. Garon: ...Abitibi-Ouest, Abitibi-Est, des comtés comme ceux-là, c'est-à-dire une frange. Quand vous regardez le règlement, on vous parle du 60e parallèle. Il y a seulement un petit bout au Québec qui est dans le 60e parallèle, cela prend juste la pointe d'en haut du Québec, à peu près rien. Après cela, on dit: "Dans d'autres conditions, entre le 55e et le 60e parallèle". Après cela, on vous dit: "Entre le 50e et le 55e parallèle, dans d'autres conditions". Là, essentiellement, vous avez une petite frange de la Basse-Côte-Nord. Tout le monde s'attend que pour la Basse-Côte-Nord, cela peut être normal; le 50e parallèle en montant, la Basse-Côte-Nord, Blanc-Sablon, Old Fort, Brador, Natashquan et d'autres municipalités - il y a une douzaine de municipalités dans ce coin-là. Après cela, vous avez un autre endroit où on vous énumère des municipalités et là, vous retrouvez celles que je viens de vous nommer du comté de Bonaventure. C'est quelque chose.

Mme la Présidente, est-ce que c'est cela, un discours sur le budget? Est-ce que c'est cela, un discours sur le budget, où on vous dit que ce sont les résidents du Grand-Nord et des postes isolés, des gens qui ont quasiment besoin de prendre des raquettes pour aller faire un tour en dehors l'hiver? ...Dans "des postes isolés", on retrouve la municipalité de New-Carlisle où demeure le ministre des Finances. Je me demande s'il s'en est prévalu pour sortir de New-Carlisle. Êtes-vous quelqu'un d'isolé comme si vous étiez à Fort Chimo? Pourtant, c'est cela qu'on a dans le discours sur le budget, que le ministre des Finances a mis en vigueur. Il faut faire trois ou quatre entourloupettes pour essayer, finalement, d'avoir la liste de villages additionnels qui y sont mentionnés et où, principalement, on trouve des villages du comté de Bonaventure, le comté du ministre des Finances. (17 h 40)

Mme la Présidente, je trouve cela curieux qu'on fonctionne de cette façon-là dans un discours sur le budget. Si le ministre des Finances voulait mettre les municipalités de son comté, il aurait dû le dire franchement dans le discours sur le budget: Cela s'applique au comté de Bonaventure, parce qu'on considère qu'on est éloigné, qu'on est un comté isolé, qu'on a le droit d'avoir ces avantages et des déductions spéciales quand on va prendre des vacances en dehors. Mais, il me semble qu'on annonce plutôt le territoire de la Gaspésie comme le lieu de vacances des gens d'ailleurs. Il me semble que le territoire de la Gaspésie, le comté de Bonaventure est un comté où les gens vont prendre leurs vacances; c'est un endroit touristique, avec des routes, des hôtels, des services. Le ministre des Finances n'a jamais osé dire cela dans son discours sur le budget, cela aurait été un vaste éclat de rire. S'il avait fallu que le ministre des Finances dise: J'ai une déduction pour prendre l'avion pour sortir des endroits isolés du Grand-Nord québécois et, là-dedans, croyez-le ou non, j'ai mis mon comté, cela aurait été l'éclat de rire général le soir même. Personne n'aurait pu croire cela, on aurait dit: Cela n'a pas de bon sens, qu'est-ce qu'il fait là!

Pourtant, c'est cela, et on découvre cela de peine et de misère, en se référant au paragraphe 7303, alinéa 2°. C'est une disposition fédérale et, sûrement, discutée entre le ministre des Finances et le ministre fédéral des Finances pour pouvoir appliquer à son comté des avantages particuliers. Je dis qu'à ce moment-là, si New-Carlisle est isolé, il y a de nombreux comtés au Québec qui ont des municipalités isolées qui devraient avoir ces avantages. Il y a de nombreuses municipalités qui sont éloignées. Témiscouata est aussi éloigné des services que Bonaventure, un grand nombre de comtés des régions périphériques sont éloignés, parce qu'on n'est plus au 60e parallèle, au 50e parallèle, on n'est plus dans le lichen, dans les roches nues avec des graines, comme on les appelle dans les territoires du nord... Au iieu de fraises et de framboises, au lieu d'avoir une framboise avec 20 ou 25 graines, il y en a une ou deux, parce que le territoire est difficile...

Une voix: Des plaquebières...

M. Garon: Des plaquebières, justement, qui se ramassent à la chaudière, des plaquebières jaunes qui sont vendues par les gens du Grand-Nord.

Je veux donner un exemple, parce que je n'en reviens pas, et j'ai été estomaqué. C'est cela, le manque d'ouverture, de transparence du ministre des Finances qui n'ose plus faire un discours sur le budget, et quand il en fait un, c'est camouflé comme cela. Il ne fait pas de discours sur le budget, il fait des déclarations ministérielles pour ne pas avoir à défendre les taxes qu'il impose à la population. C'est cela, la situation, à l'heure actuelle. Est-ce qu'il y a un discours sur le budget? Pensez-vous? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a découvert cela depuis 1986? Depuis le discours sur le budget du printemps 1986, personne! À la Tribune de la presse, avec à peu près 80 journalistes, aucun ne l'a découvert. En commission parlementaire, à force de poser des questions, finalement, on a réussi à avoir un document qui vient d'Ottawa, dans lequel on retrouve une liste de municipalités et on se rend compte que la liste la plus longue, c'est celle du Québec, comme si le Québec était l'équivalent du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest ou de la terre de Baffin. Je trouve cela incroyable. Je pense que c'est également indécent et scandaleux que le ministre des Finances nous fasse un tel discours sur le budget dans lequel il n'a pas eu le courage de dire ce que l'on dit Ici: Ces déductions représentent une réduction additionnelle du coût du logement et du transport d'environ 23 000 000 $ pour les résidents des régions nordiques et de postes isolés, qu'on

retrouve principalement dans les comtés d'Ungava et de Duplessis, ainsi que dans plusieurs autres municipalités du Québec.

Il y a plus de municipalités du comté de Bonaventure mentionnées dans l'annexe qu'il n'y en a du comté d'Ungava. C'est quelque chose. Pourquoi est-ce qu'il n'a pas dit: Et également du comté de Bonaventure? Cela aurait été la franchise. Cela n'aurait pas été de dire principalement, Ungava et Duplessis. Quand un grand nombre... Bonaventure est sans doute le comté qui a le plus de municipalités inscrites dans ce programme. Pourquoi induire la Chambre en erreur? Pourquoi dire de telles insanités pour faire en sorte que les gens croient que, maintenant, on s'occupe des gens du Nord alors que les avantages s'appliquent d'abord au comté de Bonaventure? C'est quoi? On est rendu quasiment dans le temps des culottes à Vautrin! On se retrouve quasiment dans le temps de Taschereau! On se retrouve presque à une époque préhistorique où le ministre des Finances, dans un discours sur le budget, vient chercher des avantages particuliers pour son coin de comté, pour que les gens puissent déduire des montants d'argent quand ils vont prendre des vacances ou encore quand ils vont sortir de leur comté et qu'ils vont aller faire un tour en dehors.

Mme la Présidente, comment se fait-il que les gens du haut du comté de Bellechasse n'ont pas ces avantages-là? Comment se fait-il que les gens du comté de Témiscouata n'ont pas ces avantages-là? Comment se fait-il que les gens dans les terres du comté de Rimouski n'ont pas ces avantages-là? Comment se fait-il que des gens du comté de Matapédia, qui sont éloignés, n'ont pas ces avantages-là? Comment se fait-il que tous les territoires des comtés, comme Abitibi-Est, Abitibi-Ouest, n'ont pas tous ces avantages, parce que, eux, sont éloignés? Mme la Présidente, le ministre des Finances nous a donné l'exemple, parce que cela était inscrit dans son budget. C'est un avantage. Il l'a mis dans le budget. Mais quand il s'agit des taxes, maintenant, on a des déclarations ministérielles.

Quand il s'agit du budget, vous avez l'ancien vice-président de Provigo, spécialiste des fruits et légumes, des ventes de feu du samedi après-midi, de la salade qui ne passera pas la fin de semaine, qui vous dit quoi? Nous avons une administration rigoureuse. Le principal critère qui a fait que le budget a l'air moins déficitaire qu'en 1986, c'est qu'il a changé les règles comptables. C'est un peu comme un musicien quand on dit: une blanche vaut deux noires et une noire vaut deux croches ou une blanche vaut quatre croches. Je dirais, moi, je change cela: une noire vaut deux blanches, des croches valent des noires. Je changerais les règles de la musique et, après cela, je dirais: Vous voyez comment c'est extraordinaire, j'ai changé les règles. Le ministre des Finances qu'est-ce qu'il a fait? Il a changé les règles comptables. Maintenant il compte dans ses revenus des choses qu'aucun gouvernement antérieur n'a comptées. Il compte 300 000 000 $ de profit d'Hydro-Québec, pour lesquels il n'a pas reçu une "cenne", pas une "cenne", comme s'il avait des revenus. Vous, si votre patron... N'importe quel citoyen ici dans cette salle, si son patron fait des profits, mais ne lui paie pas d'augmentation de salaire, est-ce qu'il va ajouter les profits du patron à ses revenus? Il compte l'argent qu'il reçoit.

On a changé les règles comptables. On a dit. Maintenant, quand Hydro fait des profits, qu'elle paie de l'argent au gouvernement ou qu'elle n'en paie pas, cela entre dans les revenus du gouvernement. Avec cela on a réussi à faire en sorte qu'au lieu d'avoir un déficit 3 100 000 000 $, on a laissé entendre qu'on avait obtenu un déficit 2 800 000 000 $ en 1986, alors que si on avait compté de la même façon que le gouvernement précédent comptait, selon toutes les règles qu'il y a eu dans l'histoire du Québec antérieurement le déficit n'aurait pas été de 2 800 000 000 $, mais il aurait été de 3 300 000 000 $ en 1986-1987, soit 200 000 000 $ de plus que l'année précédente. Est-ce que c'est cela de l'administration rigoureuse? Est-ce que c'est cela de l'administration serrée? Le front plissé, les épaules courbées sous le poids du labeur alors que tout ce qu'on a fait c'est de changer les règles de la comptabilité. Voyons donc! Discours à gogo. Discours pour mépriser la population. Comme on a une presse actuellement qui ne véhicule pas beaucoup ce qui se passe dans le parlement, on n'en a pas parlé beaucoup Sauf qu'essentiellement, pourquoi, parce que les propriétaires des journaux au Québec, cassons-nous pas la tête, sont des grands empires financiers qui ne souhaitent pas que ce soit autre chose qu'un gouvernement de droite qui soit au pouvoir au Québec.

(17 h 50)

Actuellement, qu'est-ce qu'on a? Le gouvernement laisse entendre qu'il a baissé le déficit en 1986 alors qu'il n'a pas baissé le déficit. Le déficit a augmenté en 1986. On a changé les règles de la comptabilité, essentiellement. Là on laisse entendre aux gens qu'on a baissé le déficit. En 1987, le déficit aurait été beaucoup plus bas. On ne voulait pas montrer que le déficit serait plus bas. Pourquoi? Parce qu'on avait fait un "show" le 31 mars 1986 avec la publication d'un document pour montrer qu'il y avait un déficit considérable. Sauf qu'en 1987, parce que les taux d'intérêts ont diminué, parce que la situation économique s'est améliorée, à cause de la situation de l'Amérique du Nord principalement et du monde occidental, on a voulu, à ce moment-là, laisser croire qu'on avait un déficit plus haut qu'il ne l'est dans la réalité en payant des dépenses de l'année suivante et de l'autre année après pour maintenir un déficit élevé.

Mme la Présidente, je vois tous les députés qui me font signe. Arrêtez-le de parler parce qu'ils disent: II en dit trop. Mais, personne dans cette Chambre ne va arrêter le député de Lévis

de parler parce qu'à lui seul, il parle plus que les seize députés libéraux de la région de Québec. Ils ne se lèvent jamais pour défendre les intérêts de la région de Québec. Pas surprenant que les 3 500 000 000 $ de frégates se sont retrouvés à Saint John, Nouveau Brunswick. C'est cela la réalité. Les gens vous disent: Nous autres, on est des "businessmen". On mène cela comme une "business". Une "business" où les bateaux sont construits ailleurs.

Mme la Présidente, c'est cela la vérité. La vérité est simple. Ce n'est pas compliqué la vérité. Quand on regarde les 3 500 000 000 $ de frégates à St. John, Nouveau-Brunswick, le gouvernement qu'on a en face de nous est un gouvernement faiblard, mou, mollasse, mollusque. Je vous dis essentiellement que ce que je viens de dire concernant le discours sur le budget, que la façon de travailler du ministre des Finances est ignoble et irrespectueuse de la démocratie parlementaire où le ministre des Finances devrait avoir le courage de présenter ses taxes dans un discours sur le budget et non pas disséminées...

La Vice-Présidente: En conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: ...au cours de l'année par des déclarations ministérielles. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre du Revenu, sur votre droit d'intervention de cinq minutes.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci. Je tâcherai d'être bref. Malgré tout, oui. Mme la Présidente, je veux simplement revenir sur un point soulevé par mon collègue qui a consacré presque entièrement son intervention sur la question des postes isolés et sa déduction fiscale pour les résidents du Grand-Nord et des postes isolés.

Je pense que mon collègue n'a pas compris ce dont il a parlé si longtemps. Je le trouve remarquable. J'avoue que mon collègue, le député de Lévis, a beaucoup de talent pour parler longtemps pour dire peu de choses, et surtout dire des choses qui sont très confuses. J'aimerais faire remarquer, Mme la Présidente, que le ministère du Revenu a publié un cahier spécial le 20 février 1988, dans l'ensemble des médias au Québec, qui donnait toute la liste des postes isolés, tel que prévu au règlement, et toutes les villes, il y en a près d'une soixantaine, municipalités, villages, régions qui ne sont pas uniquement situées dans le Grand-Nord, c'est-à-dire au nord du 60e parallèle. Toutes les régions au Québec sont admissibles si, fondamentalement, elles répondent à un autre critère qui n'est pas celui du parallèle. Je regrette que mon collègue ne l'ait pas compris.

D'ailleurs, c'est moi, Mme la Présidente, qui lui ai fourni le règlement d'application, ce qui n'est pas habituellement fourni. Je lui expliquais en commission parlementaire que toutes les régions au Québec sont admissibles si elles répondent à certaines conditions, par exemple, si elles comptent moins de 10 000 résidents ou, dans certains cas, moins de 5000, si les services administratifs ou les services de santé sont situés à un certain nombre de milles de distance du lieu où les personnes résident. Cependant, je prends bonne note du fait que le député de Lévis est contre la déduction, par exemple dans des régions prévues de la Gaspésie. Peut-être est-il contre la déduction également dans la région de Chapais, qui est également prévue comme étant admissible. J'indiquerai au ministre des Finances que le député de Lévis est contre l'application de la déduction fiscale dans la région de la Gaspésie. Peut-être qu'à ce moment-là, on pourra informer la population de la Gaspésie que le député de Lévis est contre l'admissibilité de la déduction à ces résidents.

J'aimerais expliquer, en terminant, un autre élément que, je pense, les gens peuvent comprendre. Le député de Lévis s'est opposé, a fait beaucoup de vibrations, si vous me permettez l'expression, au fait que le ministre des Finances aurait décidé presque tout seul, comme ça, d'appliquer une mesure ou d'annoncer une mesure qui avantagerait, supposément de façon trop privilégiée, sa région. C'est bien là mal comprendre le projet de loi 6 que nous avons devant nous et, encore une fois, mon collègue, le député de Lévis, a parlé de beaucoup de choses, mais peu du projet de loi 6. Je veux indiquer que le ministre des Finances, en 1986, dans son discours sur le budget, a simplement indiqué qu'il s'harmonisait avec la loi fédérale, comme l'a fait M. Parizeau en 1984. Il a fait la même chose dans son discours sur le budget en 1984. Il a annoncé qu'il s'harmonisait avec la loi fédérale sur 63 dispositions fiscales. Nous avons fait la même chose. L'année dernière, c'est-à-dire en 1986, M. Levesque, ministre des Finances, a simplement indiqué que, concernant les postes isolés, on s'harmonisait avec la loi fédérale. Or, c'est la loi fédérale qui a, par son règlement, déterminé au Canada toutes les régions du Grand-Nord ou de postes isolés. Et, des postes isolés, Mme la Présidente, on peut en retrouver n'importe où.

Qu'est-ce qui fait qu'aux fins fiscales on retient la définition de poste isolé? C'est simplement la question de l'accessibilité aux services. Cela n'a rien à voir avec le fait que l'hiver peut être de douze mois ou que l'hiver est de deux mois. En ce sens, la municipalité de Lévis pourrait, théoriquement, si elle n'avait pas d'accessibilité aux services, être un poste isolé. Mais je ne crois pas que ce soit dans l'intention du député de Lévis de recommander que la municipalité de Lévis soit considérée comme un poste isolé. Je prends bonne note, en fait, de cette intention que je lui prête.

En terminant, Mme la Présidente, je ne

voudrais pas me répéter. Je pense que ceux qui ont suivi les travaux se rendent compte que, depuis le début de notre projet de loi 6, mon collègue, le député de Lévis, qui est mon vis-à-vis et critique en matière de revenu, n'a apporté jusqu'à ce moment-ci - on est presqu'à la fin de nos travaux à toutes fins utiles - qu'un commentaire concernant un projet de loi qui a quand même 129 articles et qui touche environ 17 chapitres différents de la Loi sur les impôts. J'aurais aimé qu'il apporte d'autres lumières. Ce sera pour une prochaine fois. Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Revenu. Il n'y a pas d'autres interventions. Je déclare le débat terminé.

Est-ce que le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 6, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, est adopté?

M. Brassard: Sur division, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, compte tenu de l'heure, je suggère que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

La Vice-Présidente: Compte tenu de l'heure, nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à ce soir 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 2)

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, pouvez-vous nous indiquer quel article du feuilleton?

M. Picotte: Oui, Mme la Présidente. Je vous demande d'appeler l'article 17 de notre feuilleton.

Projet de loi 17

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: À l'article 17 de notre feuilleton, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche propose l'adoption du rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports.

Je suis prête à vous reconnaître, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, je suis particulièrement heureux ce soir de proposer, tel que le veut notre règlement, la prise en considération du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, et ayant, entre autres, un chapitre bien particulier sur la sécurité concernant le ski alpin et les centres de ski alpin au Québec.

On sait très bien que, depuis environ cinq ans, la population pratiquant le ski alpin au Québec a presque triplé, c'est-à-dire que nous avions, en 1983, environ 300 000 à 400 000 skieurs au Québec, pour le ski récréatif qu'on appelle de type ski alpin et que, maintenant, selon le rapport d'une compagnie fait à la demande du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et aussi du gouvernement fédéral, qui se sont associés pour obtenir un rapport sur la pratique du ski alpin et ce que nous avions évidemment comme équipement au Québec, il semblerait que le Québec accueille maintenant, chaque année, autant skieurs du Québec que des gens qui nous viennent de l'extérieur, environ 1 250 000 skieurs alpins, ce qui veut dire qu'on a à peut près triplé en l'espace de cinq ans. Cela est dû à la politique que nous avons mise de l'avant comme gouvernement du Québec, qui avait été commencée par nos prédécesseurs et qui a vu son aboutissement, du moins pour l'entente Québec-Canada, avec le gouvernement actuel. Ce qui fait que nous devons de plus en plus, compte tenu du nombre de skieurs additionnels sur nos pentes de ski, vu aussi qu'il y a là parfois un danger d'accident et que certains accidents graves viendraient ternir la réputation du Québec, il était opportun de faire en sorte qu'un minimum de sécurité appliquée par les propriétaires de stations de ski alpin soit mise en branle, et tout cela coordonné avec la Régie de la sécurité dans les sports.

C'est nouveau, Mme la Présidente, dans le sens que c'est la première fois que la Régie de la sécurité dans les sports va oeuvrer dans du sport dit du domaine récréatif. On a bien accepté évidemment, de part et d'autre, avec les fédérations, qu'il y ait un code de sécurité établi, mais aller directement dans le domaine récréatif, c'est tout à fait nouveau de la part de la Régie de la sécurité dans les sports.

Ce que nous avons voulu faire, c'était un minimum de sécurité pour faire en sorte de protéger les skieurs alpins, étant donné qu'ils sont nombreux. C'est à la fois éviter qu'une piste d'experts arrive dans une piste de débutants. C'est aussi permettre des aménagements mineurs, par exemple, en prévoyant qu'aux endroits où il y a des remontées mécaniques à l'intérieur d'une piste on puisse garantir une certaine sécurité minimum du côté aménagement. Tout ceci en

collaboration avec les propriétaires de stations de skis qui devront dès cet automne afficher leurs règlements à la station et faire imprimer à l'endos du billet les règlements, les droits et les devoirs d'un skieur alpin pour protéger à la fois sa propre vie, sa sécurité et la sécurité de ceux qui se promènent et qui pratiquent ce sport récréatif.

Mme la Présidente, je pense que c'est très intéressant comme formule. Cela va sans doute faire époque encore une fois non seulement au Québec, mais un peu partout puisque nous aurons une meilleure sécurité et cela nous permettra d'accueillir de nombreux touristes qui se sentiront en sécurité sur nos pentes de ski.

Je voudrais remercier à cet égard les membres de la commission de l'aménagement qui ont siégé pour étudier ce projet de loi article par article où il y a eu des amendements. Je dois dire que 90 % à 95 % des amendements que nous ont demandé les propriétaires de centres de ski ont été acceptés par la commission. Je pense que c'est une excellente collaboration et je voudrais remercier mes collègues des deux côtés de la Chambre, tant mes collègues ministériels que ma collègue de l'Opposition et d'autres membres de l'Opposition qui ont participé à l'étude de ce projet de loi. Sans doute serons-nous très heureux d'un côté et de l'autre de la Chambre d'adopter ce soir la prise en considération en espérant que tôt demain, nous pourrons procéder à l'adoption du projet de loi dans son entier. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le projet de loi 17 a été amené ici à l'Assemblée nationale pour une raison fort importante soit la sécurité dans le ski alpin, dans les sports amateurs en général, mais le ski alpin surtout. Vous comprendrez qu'après les pénibles accidents mortels que nous avons vus dernièrement, qui sont arrivés sur les pentes de ski quand certains skieurs qui n'observaient pas les règlements - peut-être que les règlements n'existaient pas de façon aussi précise que la loi 17 va le permettre - certains skieurs, dis-je, qui n'observaient pas les règlements ont pu, par leur étourderie, causer la mort d'autres personnes qui étaient là aussi pour faire du ski alpin. Je dois vous dire que c'est, à notre point de vue, la seule et unique raison pour laquelle le parti de l'Opposition a travaillé d'arrache-pied avec le ministre afin que le projet de loi réponde le plus possible aux attentes des adeptes du ski alpin. Pour qu'ils puissent en toute sécurité pratiquer leur sport favori avec le plus d'accès possible, avec le plus d'information possible, nous avons demandé, à la fois, aux stations de ski, aux personnes qui vendent de l'assurance à ces stations de ski et à tous et chacun de collaborer à la sécurité dans le sport. (20 h 10)

Je dois vous dire que certains articles ont drôlement inquiété l'Opposition officielle, au premier abord. L'article 9 du projet de loi qui remplaçait l'article 25 nous a inquiétés parce que cela touchait les droits et libertés de la personne. Donc, vous pouvez être assurés que ce chapitre a été scruté à la loupe. Nous avons eu les garanties des juristes qui accompagnaient le ministre que l'article du projet de loi dont je vous fais mention, avait reçu l'assentiment et avait fait l'objet d'une évaluation très honnête de la part du jurisconsulte. Nous avons été rassurés par ce dont les gens qui accompagnaient le ministre nous ont fait part lors de l'étude du projet de loi article par article.

Il y a un autre article dans la loi qui n'a pas satisfait à l'ensemble des exigences que nous aurions pu avoir pas plus que celles des stations de ski. Nous aurions souhaité que le ministre puisse accepter la demande des stations de ski qui, pour nous, étaient les principaux intervenants parce que c'est à elles que le projet de loi 17 va s'appliquer pour la sécurité des adeptes du ski alpin, mais cela va toucher en ligne directe les stations de ski. Les stations de ski auraient souhaité que le ministre accepte d'enlever à l'article 21, paragraphe 15 le mot "aménagement" et le mot "entretien". Il a accepté d'enlever le mot "conception", mais nous n'avons pas pu, même avec les meilleurs arguments possibles, en arriver à ce qu'il accepte d'enlever les mots "aménagement" et "entretien". Nous de l'Opposition officielle, nous avons accepté cet article sur division, puisque nous n'avons pu avoir l'accord du ministre comme les stations de ski l'auraient souhaité.

Je pense que le ministre a eu une grande ouverture d'esprit; il a accepté plusieurs amendements qui venaient directement des stations de ski. Je pense que c'est pour elles qu'on le fait. Donc, à ce moment-là, nous sommes heureux qu'il puisse en être arrivé à donner aux stations de ski et aux adeptes de ce sport l'occasion de pouvoir donner ensemble le meilleur. Ce n'est donc que sur l'article 21, paragraphe 15 qu'il n'y a pas eu entente, puisque nous ne sommes pas parvenus, de notre côté, à faire accepter au ministre d'enlever les mots "aménagement" et "entretien".

Je pense que le ministre sera pour le moins obligé de vivre avec cela et d'affronter les stations de ski sur ce point, mais, dans l'ensemble, je pense que le projet de loi a été fait, je dirais, pour une bonne cause, c'est-à-dire servir le mieux possible les gens qui adorent faire du ski. Comme le ministre l'a dit dans son intervention, le ski est devenu un sport fort achalandé. Il nous a fait part, nous en sommes conscients, qu'à présent nous avons 1 200 000

skieurs qui vont partout dans nos belles régions pratiquer leur sport favori. Je dois vous dire qu'en Estrie, j'en suis bien fière, il y a le mont Orford, le mont Sutton, le mont Mégantic et, en Mauricie, il y a aussi des endroits rêvés pour faire du ski. Je pense bien que le ministre doit en avoir aussi dans sa région.

Donc, c'est avec une grande joie, je pense, que l'Opposition officielle accepte ce projet de loi et nous souhaitons qu'il fasse bien ce qu'il a à faire, c'est-à-dire protéger et améliorer la situation dans le monde du ski ou dans le monde du sport. Je vous remercie, Mme la Présidente, et j'espère bien que le projet de loi ne tardera pas à être adopté. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Johnson. Il n'y a pas d'autre intervention, je déclare le débat clos. Est-ce que le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 18 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 27

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: À l'article 18 de notre feuilleton, le ministre de l'Industrie et du Commerce propose l'adoption du rapport de la commission de l'économie et du travail qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 27, Loi sur la Société de promotion économique du Québec métropolitain et modifiant la Loi sur la Société Inter-Port de Québec. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson: Mme la Présidente, je vous demanderais de suspendre nos travaux à ce moment-ci, pour, encore une fois, donner une chance au député de Lévis de se joindre à nous.

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 16)

(Reprise à 20 h 19)

La Vice-Présidente: Nous allons donc reprendre nos travaux où nous les avions laissés. Et maintenant je vais reconnaître, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce sur la prise en considération du rapport de la commission. M. le ministre.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, Mme la Présidente. Très brièvement car nous avons déjà passé de nombreuses heures, non seulement ici lors de l'adoption du principe mais en commission parlementaire, pour l'étude détaillée de ce projet. De nombreuses heures pour établir...

M. Garon: Mme la Présidente, question de règlement. Je pense qu'il serait bon d'avoir le quorum. Le ministre aurait dû s'occuper d'avoir le quorum. Il n'y a pas quorum.

La Vice-Présidente: Effectivement. Qu'on appelle les députés!

Le quorum étant, nous allons donc reprendre nos travaux et je vais reconnaître M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. M. le ministre.

M. Johnson: Merci, Mme la Présidente. Comme je le disais, nous avons passé de nombreuses heures, non seulement à l'Assemblée mais en commission parlementaire à l'occasion de l'étude détaillée de ce projet de loi no 27 qui vise à unifier les activités de promotion nationale et internationale de la grande région du Québec métropolitain dans les mains ou à l'intérieur d'un organisme, soit la Société de promotion nationale et internationale du Québec métropolitain.

Il s'agit ici d'un projet de loi qui vise à regrouper tous les intervenants du milieu de la région métropolitaine de Québec, rive nord et rive sud, je le précise tout de suite, afin d'assurer une action cohérente. On sait que, jusqu'à récemment, il y avait un certain éparpillement des énergies des intervenants économiques de la région dans la mesure où la Société Inter-Port, des corporations de développement économique, le service de promotion de la Communauté urbaine de Québec, de la ville de Québec, se livraient, sur le même terrain, le même marché national et international, à des activités, ma foi, identiques pour attirer des projets d'implantation industrielle, dans les faits, dans la grande région, rive nord et rive sud de Québec.

De l'avis du milieu, à la suite du rapport Lapointe d'une part, du rapport des caucus ministériels fédéral et provincial et du Québec, d'autre part, des consultations ont eu lieu et un consensus s'est dégagé sur la direction que nous pourrions prendre de façon concrète en utilisant plus de 2 000 000 $, soit le solde de l'entente fédérale-provinciale consacrée à fa Société Inter-Port de Québec, afin de mieux gérer cet argent, afin d'y adjoindre les ressources financières des

deux MRC de la rive sud et de la Communauté urbaine de Québec dans l'intérêt de toute la région de Québec qui ne peut que bénéficier de toute implantation industrielle qui pourrait voir le jour dans cette région.

C'est donc un projet de loi qui reflète très fidèlement un consensus qui s'est dégagé à l'occasion des consultations qui ont eu lieu. Il reprend, dans les moindres détails, certaines des demandes et des souhaits, de quelque précision qu'ils aient été, des intervenants de la rive nord et de la rive sud. C'est donc avec beaucoup de plaisir que je peux voir maintenant réaliser la perspective d'un outil de développement pour la région du Québec métropolitain. Nous le soutiendrons financièrement - environ 800 000 $ à 900 000 $ de notre part et un peu plus de la part du gouvernement fédéral - puisque l'on sait que l'appui financier à Inter-Port, dont le solde financier est toujours protégé pour les cinq prochaines années, est de l'ordre de 60 % par le gouvernement fédéral et 40 % par le gouvernement du Québec. C'est donc un montant de 2 100 000 $ ou à peu près qui est à la disposition du développement économique de la région. Ces 2 100 000 $ se verront enrichis des participations des municipalités participantes, soit celles qui composent les MRC de Desjardins et des Chutes-de-la-Chaudière et la Communauté urbaine de Québec.

Je suis extrêmement heureux, Mme la Présidente, d'avoir pu présider à la présentation de ce projet de loi, à la concrétisation des désirs, des souhaits, des besoins de la région de Québec en matière de promotion nationale et internationale. Je suis extrêmement heureux de voir que, de la même façon, le député de Lévis s'est associé, je dirais, grosso modo, à cette démarche, a bonifié, dans certains cas, certaines des dispositions à l'occasion de la commission parlementaire. On a vu là sa formation juridique à l'oeuvre. On a, par ailleurs, subi également sa formation politique, je dois le dire. Quant au fond et quant aux détails du projet de loi, j'en profite pour remercier le député de Lévis de la contribution qu'il peut avoir apportée pour améliorer certaines des formulations qui avaient été retenues non seulement par celui qui vous parle et par ses collaborateurs, mais les représentants des instances municipales de la rive nord et de la rive sud de la grande région de Québec.

Quant au fond, je ne pense pas qu'il y ait de divergence. Je n'en ai pas perçue dans les discours du député de Lévis lorsqu'il s'est intéressé au projet de loi 27. Nous avons beaucoup plus de divergences lorsque celui-ci parle d'autre chose comme, à l'occasion, il sait le faire.

Mme la Présidente, je le répète, je suis heureux de pouvoir envisager dans les heures qui viennent la sanction de ce projet de loi, la mise en oeuvre de cet organisme de promotion de la grande région de Québec, rive nord et rive sud, et d'entrevoir donc pour la région du Québec métropolitain des perspectives de développement qui, jusqu'à ce jour, lui échappaient, faute d'instruments de travail. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, quand le ministre de l'Industrie et du Commerce a mentionné que je n'étais pas là, j'aimerais préciser qu'on m'avait donné comme procédure, d'abord les projets de loi 1 et 16 et ensuite 27. Après avoir signalé au représentant de l'Opposition, en arrière du trône, que j'avais mes documents pour les projets de loi 1 et 16 mais pas pour le projet de loi 27, je l'ai avisé que j'irais à mon bureau les chercher.

Je n'ai pas apprécié beaucoup l'élégance du ministre de l'Industrie et du Commerce qui en a profité pour dire: Ajournons l'Assemblée nationale, étant donné que le député de Lévis n'est pas là, alors que le député de Lévis était là. Mais si on change l'ordre dans lequel les projets de loi doivent être adoptés, alors qu'on devait procéder avec les projets de loi 1 et 16 du ministère des Transports...

M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Question de règlement.

M. Lefebvre: Je ne vois pas en quoi jusqu'ici les propos du député de Lévis sur le projet de loi 27 peuvent être considérés comme pertinents, même si on est à l'étape de la prise en considération du rapport où la pertinence est très large. Je vous inviterais, Mme la Présidente, à bien vouloir lui demander d'aborder le sujet.

La Vice-Présidente: Vous savez que c'est d'interprétation en cette Chambre, qu'on peut reconnaître des notes d'introduction à un sujet. Ce sont des notes introductives. Je demanderais, par contre, à M. le député de Lévis de bien vouloir - si vous me permettez l'expression - embarquer dans le sujet. M. le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, je répliquais tout simplement au ministre de l'Industrie et du Commerce qui avait fait allusion au fait que je n'étais pas là. C'était pour être agréable, mais je m'aperçois que cela ne paie jamais d'être agréable aux députés. J'ai été agréable hier pour étudier jusqu'à 2 h 30 du matin une loi ignoble par laquelle on veut, à toutes fins utiles, "dému-tualiser" une entreprise importante de nuit. Au

lieu de procéder en plein jour, on fait cela de nuit! On est revenu à la législation de nuit, Mme la Présidente. C'est pourquoi on fera tant qu'on voudra. Le député de Lévis n'est pas un homme attaché, il va dire ce qu'il a à dire.

J'ai reconnu que le ministre de l'Industrie et du Commerce m'a fait beaucoup de compliments dans son introduction pour me dispenser de me contenter des compliments. Je vous ferai remarquer qu'habituellement, quand on reçoit des compliments, il y a une intention.

Je vous dirai que son projet de loi a dû subir beaucoup d'amendements. C'est un projet de loi faible, mal conçu. L'intention n'est pas mauvaise d'avoir une société de promotion économique du Québec métropolitain. Sauf qu'avec une société de promotion économique du Québec métropolitain avec dix membres au conseil d'administration, dix substituts et six observateurs, on va se retrouver avec une assemblée.

Normalement, il n'y a aucun conseil d'administration que je connaisse, sur le plan juridique, dans lequel on a dix administrateurs, dix substituts et six observateurs. C'est là le projet de loi que nous avons devant nous, Mme la Présidente, et auquel nous avons voulu apporter des changements, mais le ministre a voulu garder le genre de projet de loi qui est devant nous.

De la même façon, au fond, ce que le ministre veut, c'est se désengager du développement économique de la région de Québec. Jusqu'à maintenant, il y avait la Société Inter-Port, il y avait une entente avec un solde résiduel de 2 100 000 $. Comme le gouvernement ne veut pas s'engager dans la région de Québec, au fond, il a trouvé la façon, avec la Société de promotion économique du Québec métropolitain, de dire: On va mettre une partie du solde de la Société Inter-Port, la Société Inter-Port va être changée pour la Société du parc industriel et portuaire Québec-Sud qui va être située à Lauzon, mais avec aucune garantie de fonds. Tout au cours de cette commission parlementaire, j'ai essayé de savoir quels seraient les fonds qui seraient affectés a cette société, je n'ai pu avoir aucune confirmation. Essentiellement, la Société du parc industriel et portuaire Québec-Sud qui sera à Lauzon ne pourra compter de façon certaine sur aucun fonds. (20 h 30)

Le ministre a dit: Cela dépendra des activités. Comment une société peut-elle faire des activités si elle ne peut pas savoir qu'elle a des fonds. Essentiellement, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec se sont entendus pour ne pas s'impliquer dans le développement économique de la région de Québec. C'est cela que veut dire la loi que nous avons devant nous.

Évidemment que cela ne porte pas ce nom. Ce n'est pas écrit nulle part dans la loi sauf que c'est un désengagement graduel avec la liquidation de la Société Inter-Port de Québec où les fonds qui revenaient à Inter-Port vont être affectés, le diable s'en doute et le bon Dieu le sait, mais on verra plus tard. Le ministre n'a pas voulu s'engager. Les gens qui veulent voir pourront consulter les débats de la commission parlementaire et verront qu'il n'y a aucun engagement du ministre. Par ailleurs, le ministre s'est assuré de nommer les gens. On voit, par exemple, que, pour les nominations, le ministre sera là. Le premier président-directeur général de la société est nommé par le ministre après consultation du conseil d'administration. Le ministre va nommer.

Mme la Présidente, on verra par la suite, alors qu'il ne paiera plus, qu'il n'aura plus de fonds, après cinq ans... Le présidentndirecteur général de la société nommé par les membres du conseil d'administration après consultation du ministre aura un mandat d'une durée d'au plus cinq ans.

Depuis quand un organisme de promotion économique régional dans lequel le gouvernement n'aura plus de fonds doit-il consulter le ministre de l'Industrie et du Commerce pour faire ses nominations? Si encore le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral s'engageaient dans des fonds pour faire fonctionner la Société de promotion économique du Québec métropolitain, il est évident qu'à ce moment-là, le ministre pourrait avoir un mot à dire. Mais pourquoi devrait-il avoir un mot à dire dans une société quand il ne paiera plus de contribution à cette société?

Mme la Présidente, les débats qui ont entouré cette commission parlementaire ont été assez longs. J'ai apporté ma contribution parce qu'il y avait des choses qui n'avaient aucun sens. À l'article 28, par exemple: La société devait présenter avant le 15 octobre de chaque année... Doit soumettre avant le 15 octobre à la communauté urbaine et aux municipalités régionales de comté, pour approbation, ses prévisions budgétaires pour l'exercice financier suivant et un état de leur quote-part. Leur approbation doit être donnée au plus tard le 31 octobre. Imaginez-vous que la société doit présenter ses budgets, ses prévisions budgétaires le 15 octobre, la communauté urbaine et chacune des MRC doivent avoir donné leur approbation avant le 31 octobre. Quinze jours. A-t-on vu cela? On n'a jamais vu cela. Ce n'est pas sérieux. C'est un projet qui est improvisé. Il a fallu changer cela. Cela n'avait pas de bon sens.

Heureusement, le ministre a pu comprendre, il a eu le temps de se rendre compte que cela n'avait pas de bon sens. Évidemment, il va vous dire: L'amendement était en mon nom, mais il y a beaucoup d'amendements que l'Opposition ne fait pas, elle fait des remarques et souvent le ministre se dépêche de prendre l'amendement à son nom pour ne pas que cela paraisse que son projet de loi était improvisé. Cela arrive fréquemment. Que voulez-vous? Le projet de loi était là. J'imagine que le ministre l'avait lu

avant. Comment se fait-il qu'il ne s'était pas rendu compte d'erreurs aussi patentes? Également, Mme la Présidente, une série d'amendements ont été présentés. Je vais vous les compter. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, sans compter ceux qui ont été présentés sur le champ. Pourquoi? Parce que le projet de loi a été improvisé.

Un projet de loi où il y avait une certaine rivalité avec le député de La Peltrie, à un moment donné, et j'ai dit: Écoutez, Mme la Présidente, le seul qui est habilité à répondre au nom du gouvernement, c'est le ministre. Le député de La Peltrie peut bien être là, il peut bien dire ce qu'il voudra, ce n'est pas lui qui est habilité à parler au nom du gouvernement. Seulement un ministre peut parler au nom du gouvernement. Là, il a fallu mettre les points sur les "i" pour que le ministre se décide finalement à parler puisque à tout bout de champ, le député de La Peltrie aurait voulu parler à sa place. Sauf que les propos du député de La Peltrie ne constituent pas des engagements puisqu'un député, dans le cadre d'une commission parlementaire ne parle pas au nom du gouvernement, ne représente pas le gouvernement, et seul le ministre... D'ailleurs, c'est pour cela qu'il est assis au bout de la table lors de la présentation d'un projet de loi, à une commission parlementaire dont il ne fait pas partie normalement: pour répondre aux questions au nom du gouvernement.

Mme la Présidente, c'est pourquoi au cours de l'étude de ce projet de loi, il a fallu essayer de l'améliorer, mais je souhaite bonne chance aux organismes qui vont être constitués par ce projet. Vous savez, à ménager la chèvre et le chou et à faire en sorte qu'on se retrouve avec des conseils d'administration qui pourront regrouper jusqu'à 26 personnes, où les membres du conseil d'administration pourront être interchangeables avec des substituts en tout temps, à n'importe quelle réunion, il a fallu même faire un amendement où il y avait une incohérence telle que le substitut devenait automatiquement membre du conseil d'administration en cas de vacance du poste. Heureusement, le conseiller juridique a pu dire au ministre que cela n'avait pas de bon sens. L'amendement a été proposé et ne fait pas partie des sept amendements dont nous parlons ici. Je dis cela parce qu'il n'y a pas eu beaucoup de personnes qui ont suivi cette commission parlementaire. J'aurais aimé que les journalistes du Soleil soient présents, mais ils n'y étaient pas présents et je n'ai pas l'impression qu'il y aura beaucoup de commentaires concernant ce projet de loi qui a été un peu improvisé et où on ne sentait pas la volonté politique du gouvernement.

J'ai même tenté de présenter des amendements - mais les libéraux ne voulaient rien savoir - pour que la Société de promotion économique du Québec métropolitain dépende d'un ministre de la région de Québec, de quelqu'un dont le sort serait lié au développement économique de la région de Québec. Les libéraux n'ont pas voulu. Ils ont dit: Avez-vous des exemples? J'ai dit oui. J'ai donné comme exemple le ministre responsable de la Commission canadienne du blé qui est toujours un ministre de l'Ouest du Canada, qui répond devant le Parlement, devant le Conseil des ministres. J'ai dit: S'il y a un ministre qui doit être responsable du développement économique de la région de Québec, cela doit être un ministre de la région de Québec. J'ai essayé par tous les moyens pour que le ministre responsable soit un ministre de la région de Québec, mais les libéraux n'ont rien voulu entendre.

Il me semble qu'il aurait été normal qu'une société qui doit relever d'un ministre en vertu de la loi relève d'un ministre qui doit être préoccupé par le développement économique de la région de Québec. Il ne s'agit pas d'un organisme ordinaire, il ne s'agit pas d'un organisme pour l'ensemble du territoire québécois. La Société de promotion économique du Québec métropolitain est essentiellement constituée, regroupe, couvre le territoire de la Communauté urbaine de Québec, de la municipalité régionale de comté de Desjardins et la municipalité régionale de comté des Chutes-de-la-Chaudière, essentiellement la grande région de Québec. J'aurais voulu - c'est pour cela que je l'ai proposé à la commission parlementaire pendant un bon bout de temps - qu'une loi qui s'intéresse principalement à la région de Québec, exclusivement à la région de Québec, dépende d'un ministre de la région de Québec. Cela aurait été normal, mais les libéraux ne voulaient rien savoir. Ils aimaient mieux faire dépendre un organisme de développement économique de la région de Québec d'un ministre de Montréal. (20 h 40)

II me semble que cela aurait été plus normal. Ce n'est pas un organisme panquébécois, ce n'est pas un organisme qui aura autorité des Îles-de-la-Madeleine à l'Outaouais, mais seulement sur le territoire de la communauté urbaine et des deux municipalités régionales de comté des Chutes-de-la-Chaudière et de Desjardins. Il me semble que cela aurait été une initiative intéressante que le ministre chargé de répondre de cet organisme soit un ministre de la région de Québec dont le sort politique aurait été un peu attaché au développement économique de la région de Québec, un ministre qui aurait pu défendre, également, les dossiers de la région de Québec au gouvernement.

On aura une société, parce que le député de La Peltrie a refusé. Les députés de la région de Québec qui étaient présents ont refusé que la Société de promotion économique du Québec métropolitain de même que la Société du parc industriel et portuaire Québec-Sud, située à Lauzon, dépendent d'un ministre de la région de Québec. Même les députés de la région de Québec, qui ne parlent à peu près jamais en

cette Chambre du développement de la région de Québec, ont levé la voix pour empêcher que cela dépende d'un ministre de la région de Québec. Je n'en croyais pas mes yeux, Mme la Présidente.

Une voix: Mes oreilles.

M. Garon: Je n'en croyais pas mes yeux ni mes oreilles. Je n'en revenais pas de voir ces gens qui ne pouvaient pas concevoir qu'un organisme régional doive relever d'un ministre régional. Pire que cela, le député de La Peltrie a présenté un amendement pour que la société relève du ministre de l'Industrie et du Commerce, ce fameux ministre qui a réussi à perdre 3 500 000 000 $ de frégates, ce grand négociateur chevronné à la stratégie nouvelle qui nous disait: Vous voyez, dans mon cas, j'ai une stratégie différente: pas d'affrontement avec Ottawa, on est copain copain, gentil, aimable, poli. Bien, il l'a eu le résultat! Zéro frégate sur six. Zéro! Pas une, pas une frégate et demie, pas deux, mais zéro! Le député de La Peltrie, génial, a proposé que la Société de promotion économique du Québec métropolitain de même que la Société du parc industriel et portuaire de Québec-Sud, située à Lauzon, selon des termes encore sous proposition du ministre de l'Industrie et du Commerce, relèvent du ministre de l'Industrie et du Commerce, alors que la loi, initialement, ne prévoyait pas cela.

Est-ce que les gens pensent, actuellement, que le ministre de l'Industrie et du Commerce a la volonté de développement économique qu'il faut pour la région de Québec? Est-ce que l'exemple des frégates ne nous a pas coûté assez cher? Alors que, sur un contrat de 3 500 000 000 $... Vous savez, 3 500 000 000 $, c'est la moitié de la Baie James au cours des douze prochaines années; c'est de l'argent. On a perdu les frégates et, aujourd'hui, on va penser qu'on va faire mieux avec la même responsabilité. C'est pour cela qu'il m'apparaissait important que ces deux sociétés dépendent d'un ministre qui aurait eu à répondre devant la population de la région de Québec.

C'est évident que le ministre de l'Industrie et du Commerce peut se laver les mains. Il ne répondra pas personnellement de son incurie par rapport au développement de la région de Québec. Il ne faut pas se raconter d'histoires. C'est le même ministre qui disait: Même si on avait eu ces 3 500 000 000 $ de frégates, cela n'aurait rien changé à la situation des chantiers maritimes au Québec. Imaginez-vous! Les trois chantiers maritimes du Québec avaient eu, en 1987, comme contrats totaux, pour à peu près 200 000 000 $ en contrats dans le domaine maritime. 200 000 000 $ en un an! Un contrat de 3 500 000 000 $, apparemment, n'aurait rien changé à leur situation. Voyons donc! 3 500 000 000 $, c'était 17 fois plus de contrats que tout ce qu'ils avaient eu l'année précédente.

Évidemment, ce n'était pas en un an, mais c'était considérable en matière d'assurance de marché. Le ministre s'est moqué des contrats de 3 500 000 000 $, et il essaie constamment de diminuer l'importance de 3 500 000 000 $ de contrats. Vous savez que c'est le deuxième contrat de six frégates. Le contrat total des frégates, douze frégates, c'est 7 000 000 000 $. C'est autant que toute la phase II de la Baie James annoncée pour les dix prochaines années. Ce n'est pas des pinottes, c'est considérable! Que voulez-vous, Mme la Présidente?

Le député de La Peltrie ne s'en préoccupe pas davantage et propose que cela reste ainsi. C'est lui-même qui a proposé que ce ne soit pas un ministre de la région de Québec. Je n'en reviens pas! Il dit: Pourquoi ce projet de loi? Au fond, c'est le résultat d'une consultation où le gouvernement a dit aux gens, à toutes fins utiles: C'est à prendre ou à laisser, parce que si vous ne prenez pas cela, il n'y aura rien, de toute façon! Essentiellement, les gens qui ont donné des opinions concernant l'avenir de la Société Inter-Port ont été pris dans la situation de donner des opinions sur quelque chose qui n'aurait pas de fonds. On a fait même de façon extraordinaire que le parc industriel et portuaire situé à Lauzon s'appelle Québec-Sud. C'est quelque chose! Les gens de Lauzon vont apprendre que, maintenant, Lauzon est devenu Québec-Sud.

C'est nouveau. Je ne sais pas si Québec, à un moment donné, va s'appeler Lauzon, mais on a décidé de faire cela, et on dit: Les gens sont d'accord. On verra cela si les gens sont d'accord. C'est facile de dire: On a pensé, on a consulté, tout le monde est d'accord. Vous viendrez demander aux gens de la rive sud combien pensent que Lauzon, c'est Québec-Sud. Mme la Présidente, je vois que vous avez l'air un peu surprise parce que vous venez de Bellechasse; vous comprenez un peu, par exemple, que Beaumont, ce n'est pas Charlesbourg. Si on vous disait, à un moment donné, Beaumont, c'est Charlesbourg-Sud, vous feriez un saut, vous seriez un peu surprise. Je vois le député de Hull, si on lui disait, à un moment donné, que Hull, c'est Pontiac-Sud, il serait un peu surpris, en tout cas, le monde serait surpris.

C'est pourquoi, quand je vois le député de La Peltrie avec un comité formé essentiellement de quatre députés, deux députés conservateurs de la rive nord et deux députés libéraux de la rive nord. Pour faire partie de ce comité, on a choisi le député de La Peltrie. Il n'y a pas beaucoup de ports de mer dans son coin. Le député de Taschereau, il y a le Vieux-Port dans son comté. Mais, essentiellement, aucun député de la rive sud, aucun député du Parti libéral et du Parti conservateur de la rive sud de Québec n'a été membre du comité consultatif. Aucun, zéro! C'est curieux, c'est inadmissible. On expliquera aux gens de la rive sud que, dans le comité qui va déterminer comment cela va fonctionner au point

de vue de la promotion économique des deux rives, iï y a quatre députés, mais quatre de la rive nord. Ce n'est pas normal. C'est le genre de consultation où une partie est représentée et l'autre pas. (20 h 50)

Mme la Présidente, c'est un projet qui part sur un bien mauvais pied. Je souhaite que, malgré tout cela, les sociétés en question puissent réussir parce que ce serait important pour la région de Québec, sauf que les prémisses n'ont pas été extraordinaires, et on n'a pas donné les garanties à la population. La Société Inter-Port, où il restait 2 000 000 $, où la partie du parc industriel et portuaire située à Lauzon ne pourra pas compter d'une façon certaine sur aucune somme d'argent. Zéro! Je dois vous dire que j'ai lu, depuis quelques semaines et quelques mois, les commentaires dans les journaux, les éditoriaux régionaux. Les gens s'attendaient et s'attendent à avoir certaines garanties. Il n'y en a pas. J'ai demandé au ministre, à plusieurs reprises... J'aurai d'ailleurs l'occasion de leur faire parvenir les galées, c'était une commission parlementaire. On verra qu'en aucun temps le ministre n'a voulu s'engager sur aucune somme d'argent.

Pour la Société de promotion économique du Québec métropolitain, il a indiqué une série de chiffres pour les cinq prochaines années, en disant: Cela va être tant la première année, tant la deuxième, tant la troisième, tant la quatrième, tant la cinquième. Je lui ai dit: Comme à partir de la troisième année, les sommes que vous allez verser vont être pas mal moins considérables que les sommes qui vont être versées par la Communauté urbaine de Québec et par les municipalités régionales de Desjardins et des Chutes-de-la-Chaudière, il me semble que la responsabilité de la nomination du président-directeur général qui va être l'âme de ce projet qui va être au centre de ce projet devrait relever de ceux qui paient. Il me semble que ceux qui paient doivent avoir la responsabilité de nommer celui qui va être le principal permanent de la Société de promotion économique du Québec métropolitain. Pas du tout. Pas du tout. Le ministre a dit: C'est moi qui vais nommer. Ce n'est pas normal, Mme la Présidente. Je dis que ce projet de loi aurait dû procéder d'une façon plus normale. Et, procéder d'une façon plus normale cela veut dire que ceux qui paient ce sont ceux qui nomment. Et aussitôt que les représentants, c'est-à-dire, la Communauté urbaine de Québec et les municipalités régionales de comté de Desjardins et des Chutes-de-la-Chaudière, vont donner plus d'argent dans l'organisme, c'est à eux de nommer le président-directeur général. Ce n'est pas au ministre qui mettra des sommes moins importantes. On ne peut pas responsabiliser des organismes quand on les fait payer mais qu'on fait les nominations à leur place.

La consultation sur le projet de loi, à mon avis, n'a pas regroupé toutes les personnes qu'elle aurait dû regrouper, le comité concultatif.

Deuxièmement, les garanties d'argent ne sont pas prévues dans le projet de loi. Troisièmement, le conseil d'administration va être un conseil d'administration considérable où il pourra y avoir dix membres du conseil d'administration, dix substituts et six observateurs. Le ministre a innové en droit. On innove de ce temps-ci. Hier, le ministre des Institutions financières défendait un projet de loi au fond où on parlait d'une corporation mutuelle de gestion. J'ai demandé: Est-ce qu'il y en a une au Canada? Il a dit: Non. Au Québec? Non. En Amérique du Nord? Non. Dans le monde occidental? Non. Dans le monde entier? Il dit: Non. On innove. Vous comprenez que quand on innove comme cela dans le domaine des corporations et des sociétés d'administration ou des conseils d'administration, il faut avoir une certaine prudence, une certaine humilité.

Mme la Présidente, au contraire, nous avons rencontré en face de nous beaucoup d'arrogance, beaucoup de certitude mais peu d'engagements. Et je déplore au fond que le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral se désengagent du développement de la région de Québec qui est le coeur du français en Amérique du Nord. Le gouvernement fédéral ne se gêne pas pour mettre un ministre régional dans l'Ouest pour des fins de développement agricole dans l'Ouest, avec une Commission canadienne du blé qui relève d'un ministre de l'Ouest. Et dans le cas du développement de la région de Québec, le gouvernement n'a pas voulu s'engager pour des sommes d'argent. Il n'a pas voulu, et les députés de la région de Québec on concouru dans ce sens-là, que la société ou les deux sociétés relèvent d'un ministre de la région de Québec bien que les institutions qu'on crée par cette loi seront des organismes essentiellement régionaux qui auront pour objet de s'occuper du développement de la région de Québec.

Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lévis.

M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, votre intervention de cinq minutes.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Mme la Présidente, dès le départ, je vais dénoncer l'injustice implicite qu'il y a dans notre règlement de n'avoir que cinq minutes pour répliquer à une demi-heure d'élucu-brations, d'inventions d'une personne, d'un député de l'Assemblée nationale qui nous a démontré depuis une semaine - je ne parle pas du fait qu'il ne sait pas vivre parce qu'il n'est jamais là quand on a besoin de lui pour les travaux de la Chambre - qu'il ne sait pas compter, qu'il ne sait pas lire et qu'il ne sait pas participer. Il n'a pas participé à l'exercice de consultations qu'on a connues à l'occasion de la définition du projet de loi qu'on a devant nous

aujourd'hui. Tout le monde, les MRC, les maires, la Communauté urbaine de Québec, les chambres de commerce, les corporations de développement économique ont su qu'il y avait une consultation publique. La seule personne qui, aujourd'hui, dénonce l'absence d'un consensus ou sa fragilité est le député de Lévis qui ne s'est jamais montré la face à l'occasion des consultations et qui dit: Moi, je n'ai pas été convoqué.

Des voix: Bravo!

M. Johnson: On n'était toujours bien pas pour le nommer. Vous voyez comment il se comporte. Il n'était aucunement question que le député de Lévis fasse partie d'un comité de consultation. On ne peut pas travailler avec cette personne-là. Il ne sait pas compter. Il prétend qu'il y aura un conseil d'administration de 26 personnes. Je n'ai jamais lu une telle chose dans ce projet de loi. Oui, il y a des substituts tout comme dans le monde municipal il y a des substituts, des "pro-maires", qui remplacent les représentants municipaux lorsque ceux-ci sont absents. Le député de Lévis ne veut pas que les municipalités soient assurées d'une représentation en cas d'empêchement ou de vacance d'un poste à l'occasion d'une assemblée du conseil d'administration. C'est de l'aberration totale.

Le député de Lévis a tenté, par ailleurs, d'innover. Il nous reproche de ne pas innover. Il aurait voulu... Incidemment, j'aimerais qu'il m'indique à quel article de la loi fédérale créant la Commission canadienne du blé, il est prévu que c'est un ministre qui représente un comté de l'Ouest du Canada qui en est le ministre titulaire. On m'expliquera cela plus tard. Mais l'ancien ministre qui, ai-je déjà cru, avait des relents, des fonds et des restes de connaissances juridiques, a démontré en commission parlementaire, pas une fois, Mme la Présidente, mais six fois, Mme la Présidente, dans un seul article, son ignorance crasse de la Loi sur l'Exécutif. Il tentait par toutes sortes de moyens qui sont constitutionnellement impossibles, non reconnus, inacceptables selon le droit qui nous régit, de nommer un ministre que le lieutenant-gouverneur ne reconnaît même pas, qui n'est pas listé dans la Loi sur l'Exécutif. Cela irait en contravention flagrante, évidente pour les gens qui savent lire, avec les articles 4 et 9 de la Loi sur l'Exécutif.

Ce grand juriste, Mme la Présidente, malheureusement, ne sait pas lire. Nous sommes devant cette situation où quelqu'un prétendant s'intéresser à la région de Québec mais qui ne sait pas compter, estime que les 2 100 000 $ consentis sur les cinq prochaines années représentent un désengagement du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, un désengagement au soutien du développement économique de la région de Québec alors que l'alternative juridique, la seule, était l'annulation de ce solde et son retour dans les coffres des fonds consolidés du revenu du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec.

Le député de Lévis nous indique qu'il aurait été préférable - c'est exactement l'effet de ses propos - qu'on consacre d'ici cinq ans zéro dollar à la Société de promotion nationale et internationale du Québec métropolitain alors que nous y consacrons plus de 2 000 000 $. Nous y consacrons 2 000 000 $. Le député de Lévis semble vouloir souhaiter qu'on n'adopte pas ce projet de loi et qu'on y consacre zéro. Là, il pourrait crier pour vrai et là, je le comprendrais. Mais c'est précisément afin d'éviter que nous nous désengagions que nous avons convaincu le gouvernement fédéral de rester là avec 60 % de cet engagement à l'égard de la société de promotion de la région de Québec. Le député de Lévis ne sait pas compter. J'ai, à l'occasion de la commission parlementaire, donné de nombreuses indications sur l'ampleur de notre soutien financier autant au parc industriel de la rive sud qu'à la Société de promotion du Québec métropolitain. J'ai mentionné des chiffres. C'est dans le Journal des débats. (21 heures)

La mise en oeuvre de ce projet de loi appellera évidemment des négociations, des évaluations, des rapports des gens intéressés à l'égard de la stratégie d'intervention de cette société. On ne peut pas aujourd'hui, sauf si on est un petit génie comme le député de Lévis, savoir combien on peut mettre pour le soutien économique de la région de Québec par le biais de cette société de promotion en 1991. Le député de Lévis prétend qu'il le sait. Le député de Lévis, comme dans beaucoup d'autres prétentions, fait erreur et fait perdre le temps de cette Chambre.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. M. le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, en vertu de l'article 212, est-ce que le ministre me permettrait de lui poser une question?

M. Lefebvre: L'article 213. M. Garon: L'article 213.

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213, naturellement il faut l'autorisation du ministre. Vous l'autorisez? Donc, M. le ministre, je vais vous rappeler que la réponse à la question doit être brève.

M. le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, je vais demander au ministre de l'Industrie et du Commerce s'il pense qu'avec le gouvernement fédéral, lors de la négociation des frégates, il n'y aurait pas dû prendre ce ton plutôt qu'avec le député de Lévis?

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson: Mme la Présidente, le député de Lévis prétend qu'on aurait pu présenter comme dossier sérieux les énormités qu'il a affirmées. À prétendre qu'on pourrait, à Lauzon, par exemple, assembler pour 3 500 000 000 $ de frégates, soit 34 années de volume en 24 mois, le député de Lévis a encore démontré qu'il ne savait pas compter.

La Vice-Présidente: Ceci met fin au débat. Est-ce que le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 27, Loi sur la Société de promotion économique du Québec métropolitain et modifiant la Loi sur la société Inter-Port de Québec, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 13 du feuilleton.

Projet de loi 1

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: À l'article 13 de notre feuilleton, le ministre des Transports propose l'adoption du rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 1, Loi sur la publicité le long des routes.

Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Lévis. Projet de loi 1.

À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, je voudrais dire que, dans le fond, les travaux de cette Chambre sont tellement bien organisés que je siège de façon ininterrompue, jusqu'à minuit tous les soirs, depuis le 31 mai. On peut dire que les travaux en commission parlementaire sont vraiment bien arrangés. On essaie, au fond, de bâillonner le plus possible le député de Lévis en se disant: Essayons de l'enfermer dans une des commissions. Pendant que je suis aux commissions parlementaires sur des projets de loi, on fait des rapports de commission en cette Chambre. On se dit après cela que le député n'est pas là pour répondre, alors qu'il est en commission parlementaire.

Mme la Présidente, le projet de loi sur la publicité le long des routes en est un où il y a

eu plusieurs amendements. Il procède d'une bonne intention: le gouvernement veut réglementer la publicité le long des routes. Ce qui n'est pas mauvais, puisque la publicité le long des routes ne peut pas être un catalogue de chez Eaton, avec l'énumération le long des routes comme si on voulait magasiner. C'est un peu dangereux pour la sécurité routière. Cela fait qu'il y a le long des routes des distractions avec trop de panneaux-réclames. Sauf que le gouvernement du Parti libéral qui s'est fait élire sur la déréglementation, qui a formé un comité de bénévoles sur la déréglementation, qui a dit que le Parti québécois avait toujours des règlements, des régies, des organismes, des réglementations pour rendre les choses compliquées a réussi le tour de force de faire en sorte que cela va prendre un permis pour chacun des panneaux qu'on aura au Québec, avec un fonctionnaire qui va autoriser le permis, avec tout un système de vérifications, avec un système de responsabilités, en fait, le gros "kit".

Ce serait la dernière chose à laquelle on se serait attendu de la part du gouvernement. Je me serais attendu à quelque chose de plus simple où on aurait eu, par exemple, au Québec un système comme on trouve à l'île-du-Prince-Édouard, une petite province, par exemple, où les panneaux concernant le tourisme, les hôtels, les restaurants ont tous la même couleur et à peu près le même cadrage, de sorte que quelqu'un qui se cherche un hôtel ou un restaurant n'a pas à regarder tous les panneaux le long de la route. En voyant la couleur, il sait que s'il regarde ce panneau cela va lui donner des indications concernant un hôtel ou un restaurant.

Mme la Présidente, quelqu'un qui ne cherche pas un hôtel ou un restaurant n'a pas besoin de regarder ces panneaux. Si quelqu'un cherche une autre indication, cela peut être un panneau d'une autre couleur, de sorte qu'il y a un cadrage qui aurait pu être prévu qui aurait simplifié beaucoup le système de contrôle de la publicité le long des routes. Sauf que le gouvernement a choisi de faire un gros "kit" avec un système de permis. Par ailleurs, on se retrouve avec une loi qui dit, et remarquez bien: "La présente loi ne s'applique pas dans le territoire d'une communauté urbaine ou régionale, d'une municipalité régie par la Loi sur les cités et villes ou d'une réserve indienne." Cela veut dire que si vous prenez une route, par exemple, de la frontière de l'Outaouais jusqu'à Québec vous constaterez qu'au moins la moitié des territoires traversés, peut-être un peu plus même, seront exemptés de la loi, puisque ce seront des cités et villes ou, encore, une communauté urbaine.

Au fond, Mme la Présidente, cela veut dire qu'il y aura un régime dans les villes qui sera différent d'une ville à l'autre, qui sera différent d'une communauté urbaine à l'autre, et un autre régime pour les campagnes, pour les municipalités rurales. Je ne suis pas certain que ce soit souhaitable. J'aurais préféré une loi où... Je ne

dis pas que le motif est mauvais. Le motif est excellent. C'est pourquoi nous avons voté en faveur du principe de la loi en deuxième lecture. De la même façon que je le disais tantôt et que le ministre de l'Industrie et du Commerce ne comprenait pas. Je lui disais, par exemple, que l'objectif de la Loi sur Société de promotion économique du Québec métropolitain est louable. L'objectif n'est pas mauvais, il est bon. Sauf que je dis qu'il y a des modalités qui ne sont pas bonnes là-dedans. Il y a des modalités qui auraient dû être différentes. Ici, l'objectif de la Loi sur la publicité le long des routes est excellent, sauf que les modalités ne sont pas extraordinaires. (21 h 10)

Je comprends que le ministre s'est dit: Oui, mais il faut faire quelque chose parce qu'il n'y a pas vraiment de pratiques actuellement concernant le contrôle de la publicité le long des routes. Il faut faire quelque chose. Je comprends cela. Mais, Mme la Présidente, je me serais attendu à quelque chose, à un système plus simple, moins compliqué, surtout pas à un système avec des fonctionnaires un peu partout qui vont administrer les panneaux comme avec tout ce qui entoure l'administration publique. Je me serais attendu à un système plus simple. Dans le "kit" qui est proposé ici, je vais vous dire que c'est quelque chose. On n'a pas pu analyser entièrement le projet parce que les règlements n'étaient pas disponibles. Je connais le ministre des Transports, habituellement, c'est un homme pratique. Je lui ai dit que je pensais qu'il se jouait un mauvais tour en adoptant un projet de loi sans pouvoir nous présenter la réglementation.

Le pouvoir réglementaire est considérable puisqu'on dit à l'article 22: Le gouvernement peut par règlement: 1° établir des normes de construction, d'installation et d'entretien des publicités, notamment, de leur support et de leur bâti. Le support et le bâti. Moi, j'ai appris que le support était, par exemple, les pattes d'un panneau et le bâti serait ce sur quoi il pourrait être appliqué, ou la construction autour du panneau. 2° prescrire, aux endroits qu'il détermine, des normes particulières concernant l'aspect architectural et le design des publicités. 3° - toujours par règlement - prescrire les conditions et formalités pour l'obtention et le renouvellement d'un permis et fixer les droits annuels exigibles de son titulaire. C'est quelque chose. Je vois le député de Hull qui me regarde, il a l'air surpris. Je suis rendu seulement au troisième règlement. 4° le gouvernement peut, par règlement, établir la forme et la teneur du permis et de la plaque d'identification à apposer sur un permis. Il va y avoir une immatriculation sur un permis comme sur une automobile. 5° établir, selon la distance entre une publicité et une route, une halte routière ou un belvédère, les dimensions maximum des publicités. 6° déterminer, parmi les dispositions des règlements pris en vertu du présent article, celles dont la contravention est punissable en vertu de la présente loi.

C'est le cadre réglementaire général qui est prévu sans oublier d'autres articles qui peuvent faire appel à un règlement ici et là. Essentiellement, c'est le cadre réglementaire. Ce qui fait qu'on a tout un service d'inspection avec cela. Regardez l'article 20: Une personne que le ministre autorise par écrit peut, à toute heure raisonnable, pénétrer sur une propriété privée pour y inspecter une publicité, notamment son support, son bâti et son éclairage. Elle peut se faire accompagner d'un arpenteur. Je vois la députée de Johnson qui écoute cela. L'inspecteur du gouvernement va aller avec l'arpenteur, comprenez-vous, pour analyser le permis. Deux fonctionnaires pour regarder le permis pour voir s'il est correct. Un inspecteur et un arpenteur Elle doit, sur demande, s'identifier et exhiber un certificat attestant sa qualité. Article 21. Il est interdit de nuire au travail de l'inspecteur ou de l'arpenteur qui l'accompagne dans l'exercice de leurs fonctions.

On nous a dit qu'il y aurait 7000 permis illégaux au Québec. J'ai dit: II y en a 7000 alors qu'il y a 60 000 kilomètres de routes du ministère des Transports, cela fait un permis à tous les 8,5 kilomètres. J'ai l'impression que cela va faire beaucoup plus de permis qu'un permis par 8,5 kilomètres. Je demanderais aux gens qui s'en vont demain matin entre Québec et Montréal de compter les panneaux de chaque côté du chemin, la publicité, les annonces. Ils vont se rendre compte qu'il y en a pas mal. Je vois le député d'Orford qui est là, qui est un vieux député dans le sens qu'il a été longtemps député, un député de longue date. Vous allez me dire: Un député de longue date a une expérience de ces choses-là et je suis persuadé que lui-même est un peu surpris parce qu'il se rend compte que cela fait une grosse administration pour des panneaux, alors qu'essentiellement, l'administration aurait pu être beaucoup plus simple que le projet de loi qui l'amène.

Nous avons collaboré au maximum à l'étude de ce projet de loi, même si nous avons rappelé au ministre qu'il y avait des dispositions qui, à notre avis, provoqueraient une trop grosse administration des panneaux, que la publicité le long des routes doit être mieux contrôlée pour des fins de sécurité routière. Par exemple, quand on voit le nom des panneaux avec des lumières trop fortes qui aveuglent les automobilistes, c'est évident que c'est nuisible pour la sécurité routière et ces choses-là devraient être corrigées. Personne n'est à blâmer pour cela, mais de là à faire tout un processus de permis pour des panneaux, c'est le gros "kit" et j'ai hâte de voir comment l'administration de tout ce système va coûter. On nous a dit qu'avec 150 000 S, le système s'autofinancerait. J'ai hâte de voir quand le système aura commencé... J'ai remarqué qu'à la fin de la commission parlementaire, le ministre

avait réalisé que tout cela devrait peut-être être mis en pratique par étapes parce qu'il s'est rendu compte que c'était peut-être plus gros que ses conseillers le lui avaient dit.

Là-dessus, je vois le député de Rousseau qui s'apprête à répondre. Il a été principalement celui qui a fait la consultation de sorte que le ministre, contrairement à son habitude, devait souvent référer au député de Rousseau parce que lui-même n'a pas fait la consultation. J'ai vu le ministre moins solide dans ses projets qu'il en a l'habitude quand lui-même a fait les consultations. J'ai remarqué qu'à la fin, il prenait ses distances en disant: On n'ira pas trop vite, on va prendre notre temps. Je lui disais: M. le ministre, soyez prudent, vous avez 60 000 kilomètres de route et seulement 7000 panneaux illégaux. Quand votre règlement va être en application, j'ai l'impression que cela peut toucher pas mal plus qu'un panneau par 8 kilomètres et demi. J'ai remarqué que le ministre me regardait avec des yeux ronds, parce que je dois dire que le ministre des Transports a une qualité que peu de ses collègues possèdent: lorsqu'on parle, il écoute. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, lui, n'écoute pas, il vient d'Outremont, Outremont les hauteurs. Quand il parle des régions... Je lui ai dit à un moment donné... J'ai dit au ministre des Institutions financières: Quand vous parlez des régions... Je sais qu'à Québec, on fait partie de la région aussi, on est dans les régions parce qu'on nous considère comme des gens pas trop au courant. Mais j'ai remarqué que le député de Charlesbourg, lui, qui vient de Sainte-Anne-des-Monts et qui est maintenant résident de la région de Québec écoute davantage, ce qui fait que, lorsqu'on travaille avec lui, c'est un peu plus agréable parce qu'il y a un dialogue. Souvent, des suggestions que nous lui faisons sont souvent acceptées.

J'ai remarqué que dans ce cas il a dit, à la fin de son allocution qui est enregistrée au Journal des débats: On va être prudent. Il a dit: Je prends note des remarques du député de Lévis. J'ai senti qu'il se rendait compte que c'était un gros morceau et qu'il fallait faire attention dans l'application d'une loi qui pouvait toucher beaucoup de citoyens avec, souvent, une administration bureaucratique qui ne donne pas nécessairement les résultats escomptés. Quand on adopte une loi, c'est une affaire. L'expérience m'a montré qu'adopter une loi, c'est une chose, mais après, quand la loi est appliquée, ce n'est pas nécessairement la même chose. Le député de Rousseau a peut-être négligé cet aspect. Je ne dis pas qu'il est de mauvaise foi, je ne dis pas qu'il a de mauvaises intentions, pas du tout, mais je dis que, lorsqu'on travaille dans des secteurs où on touche des milliers et des milliers de personnes, il faut y aller avec une certaine modestie et une certaine hésitation. Il faut garder les yeux ouverts plutôt que d'afficher certaine prétention qui fait qu'on a trop de certitude et qu'on n'écoute pas suffisamment les citoyens touchés par la mesure qui est adoptée.

Je ne veux pas faire un trop long discours. Je dois dire que l'objectif du projet de loi est louable, mais je ne suis pas convaincu que les moyens mis en oeuvre pour réaliser les objectifs souhaités touchant la sécurité routière soient les meilleurs dans les circonstances. Je vous remercie, Mme la Présidente. (21 h 20)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lévis. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Rousseau.

M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, Mme la Présidente. Il me fait énormément plaisir de prendre, pour la deuxième fois, la parole sur le projet de loi 1, surtout après avoir mené, au nom du ministre et à titre d'adjoint, une année de consultation auprès des vrais intervenants, ceux dont le député de Lévis parlait tantôt.

À écouter parler le critique de l'Opposition, je suis nettement convaincu qu'il n'a pas écouté, lui, ce que le ministre a dit. Il a fait des efforts, mais je suis convaincu qu'il n'a pas réussi à comprendre le pourquoi du projet de loi. Si on a agi, c'est justement à la volonté des intervenants, des associations touristiques et des MRC qui voulaient que le gouvernement intervienne pour dépolluer les autoroutes et les routes de notre belle province. Surtout depuis que la Régie des autoroutes a été éliminée, on s'est retrouvé dans une espèce de vide juridique et avec une prolifération de l'affichage illégal.

Il fallait donc absolument réglementer et le plus vite possible. Je demanderais au député de Lévis si, concernant le projet de loi, il a reçu beaucoup de télégrammes de contestation. Au contraire, on peut lui montrer des télégrammes de felicitation, parce que les gens veulent qu'on intervienne rapidement, très rapidement. Pour les 7000 panneaux illégaux, les gens du ministère n'avaient aucun moyen d'arrêter cette prolifération, aucun outil. Ainsi, le projet de loi 1 est un outil qu'on donne aux intervenants du milieu.

Je veux simplement parler un peu du projet de loi 1, je sais que j'ai à peine dix minutes. Il y a eu de la collaboration de l'Opposition. Il y a eu certains amendements, mais très mineurs. Je tiens à rassurer le député de Lévis et surtout ceux qui nous écoutent, que c'est une réglementation facile d'application. Une fois le permis délivré, c'est très facile d'aller punir les délinquants. À titre d'exemple, jadis, cela prenait environ deux ans pour monter une cause au sujet d'une personne qui affichait illégalement, pour récolter entre 5 $ et 20 $. Avec la nouvelle réglementation, on peut intervenir rapidement, en moins de deux mois, avec des amendes qui peuvent aller jusqu'à 6000 $.

Le député de Lévis faisait état de la différence entre les cités et villes et les munici-

paiités. Il ne faut pas oublier qu'à la commission parlementaire, le député de Lévis était accompagné par son collègue de Jonquière qui a longtemps été président de l'Union des municipalités du Québec. Je suis convaincu que son collègue n'était absolument pas d'accord pour enlever un pouvoir que l'Union des municipalités avait, celui de réglementer l'affichage. Ce qu'il faut dire, à titre d'exemple, tantôt il prenait une autoroute ou une route qui existe au Québec sur le chemin de laquelle on retrouve des municipalités régies par la Loi sur les cités et villes, c'est que la plupart des cités et villes ont une réglementation, je dirais, plus sévère, tout simplement dans le but de donner bon cachet à leur ville. À titre d'exemple, sur l'autoroute des Laurentides, dans ma région, la ville de Mirabel a décidé de réglementer - parce que c'est sous la Loi sur les cités et villes, donc elle n'est pas tenue de se conformer au projet de loi 1 - de façon, je dirais, plus sévère que la réglementation.

Mme la Présidente, ce qu'on introduit, oui, c'est le système de permis: un système de permis facile à obtenir, facile à négocier et surtout facile à surveiller. Je peux rassurer le député de Lévis en lui disant que je suis convaincu que tous nos districts et nos régions ont donné leur accord sur la possibilité de la délivrance de permis et, surtout, leur accord sur la possibilité de régir après la délivrance des permis.

Pour ce qui est des amendes, je pense que, là aussi, le député de Lévis était d'accord. Ce sont des amendes très sévères, comme le ministre des Transports a l'habitude de le faire, pour montrer qu'une loi doit être respectée et que ceux qui l'enfreignent doivent être punis sévèrement.

Pour ce qui est des autoroutes, lorsque la Régie des autoroutes prohibait l'affichage, c'est là que le gros des problèmes est arrivé, en Estrie et surtout dans les Laurentides. Au sujet des prohibitions, on a même dit, en commission parlementaire, mais surtout lors des consultations, que, pour les lieux touristiques, les prohibitions que le ministère des Transports va faire, c'est en consultation avec les MRC. J'ai même personnellement rencontré les deux unions, l'UMRCQ et l'Union des municipalités du Québec, pour leur dire que l'affichage, c'est une affaire de complémentarité, c'est un souhait commun, un travail partagé. Donc, Mme la Présidente, je pense que le député de Lévis n'a pas souvent vu une réglementation aussi bien partagée, aussi bien acceptée.

La grande différence qu'il n'a pas comprise tantôt, je pense, lorsqu'il parlait d'affichage uniforme, je veux lui répéter que c'est l'affichage en dehors de l'emprise. Dans l'emprise, on a un affichage touristique, uniforme, les panneaux bleus qu'on voyait à titre d'expérience l'an passé et qu'on va retrouver sur la plupart de nos routes cette année. Ce dont on parle, c'est de l'affichage commercial en dehors de l'emprise. Une nouveauté beaucoup plus pratique, c'est que le cadre de référence, ce n'est plus l'emprise, mais plutôt la chaussée où, à ce moment-là, la marge d'erreur sur les distances est diminuée de façon telle que le délinquant, et surtout celui qui va avoir à régir sa loi, va avoir un outil fort important.

À titre d'exemple - je le répète, j'en avais parlé en première lecture - sur l'autoroute 20, entre Montréal et Rimouski, en suivant les normes, les distances des panneaux, les sorties et les entrées de la route, il y a une possibilité, d'un côté, d'afficher à 16 endroits et, de l'autre, à 17 endroits. Donc, on ne parle pas de prolifération, on parle tout simplement de régir l'affichage, et surtout selon la volonté de tous les intervenants.

Mme la Présidente, vous m'indiquez qu'il me reste seulement trois minutes, alors, je suis tout à fait d'accord pour dire que tout n'a pas été fait dans le projet de loi 1, mais c'est un outil qu'on devait se donner rapidement, une intervention qui devait montrer qu'on prend soin de notre paysage, qu'on prend soin de la "visualité" sur nos routes. Donc, c'était une urgence d'arriver à cette loi. Le ministre a été prudent, il a déposé sa loi en 1987 et il a décidé immédiatement de commander une consultation qui a été faite à la satisfaction des intervenants. C'est à partir de là qu'on a réécrit la loi et qu'on l'a amendée. Et je suis convaincu que cela a amélioré la loi, grâce aux discussions qui ont eu lieu. Donc, c'était une réglementation importante. Le député de Lévis disait qu'on avait dit qu'on ne réglementait pas ou qu'on réglementait moins; moi, je dirais qu'on réglemente mieux, qu'il faut réglementer mieux. C'était donc important et souhaité de la part des intervenants.

D'ailleurs, le ministre et moi participions dernièrement à une réunion, et des associations touristiques nous ont demandé: Est-ce que vous allez adopter la loi? Quand on va adopter la loi prochainement avec l'unanimité de l'Opposition, je suis convaincu que ce sera à la grande satisfaction de tous. Il y a d'autre chose à faire pour l'améliorer, on est parfaitement d'accord, mais je pense que c'était important et je pense que le ministre des Transports a été vigilant.

Donc, Mme la Présidente, cela m'a fait énormément plaisir de travailler à ce projet de loi, surtout en concertation avec les intervenants du milieu. C'est une loi qui va aider ma région, qui va favoriser le développement touristique dans ma région, qui va permettre de conserver les beautés de ma région. Je me permets donc, au nom du ministre, de remercier et même de féliciter l'Opposition qui, je pense, nous a aidés à faire de cette loi un outil pour intervenir rapidement pour dire aux délinquants sur l'affichage qu'il faut préserver nos paysages au Québec.

Donc, ce sera avec grand plaisir que cette loi sera adoptée, au nom de tous les Québécois, en particulier dans les régions touristiques. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Rousseau. Je constate qu'il n'y a pas d'autre intervention. Est-ce que le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements, qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 1, Loi sur la publicité le long des routes, est adopté? (21 h 30)

M. Jolivet: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui, l'article 16 du feuilleton, s'il vous plaît, Mme la Présidente.

Projet de loi 16

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: À l'article 16 de notre feuilleton, le ministre des Transports propose l'adoption du rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 16, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le transport par autobus. Et là-dessus, je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, le projet de loi 16 est un projet de loi qui concerne les différents organismes municipaux qui fournissent du transport en commun, du transport pour handicapés, différentes formes de transport, qu'il s'agisse des cités et villes, des municipalités en vertu du Code municipal du Québec, de la Communauté régionale de l'Outaouais, de la Communauté urbaine de Montréal ou encore de la Communauté urbaine de Québec, des conseils intermunicipaux de transport de la région de Montréal ou encore des corporations municipales et intermunicipales de transport, de même que la Société de transport de la rive sud de Montréal.

Mme la Présidente, nous avons travaillé à cette commission pour faire en sorte que certains changements soient apportés et il faut dire que, encore une fois, le ministre des Transports a accepté plusieurs des suggestions que nous avons faites pour améliorer le projet de loi. Par exemple, alors que le projet de loi prévoyait forcer des municipalités à conclure des ententes intermunicipales de transport en commun, nous lui avons fait savoir que ce n'était peut-être pas souhaitable d'agir avec autorité et que les municipalités devaient avoir aussi la responsabilité des choix qu'elles faisaient et qu'il n'était peut-être pas opportun de modifier la loi alors que la possibilité était déjà dans la loi, mais dans un cadre beaucoup moins obligatoire.

Nous avons également indiqué au ministre qu'au lieu de demander la publication dans des quotidiens des organismes de transport en commun ou de transport qui peuvent être situés dans des municipalités desservies par de très bons journaux régionaux, il n'était peut-être pas nécessaire d'exiger la diffusion par les quotidiens qui, parfois, couvrent moins bien le territoire que les journaux régionaux. Je pense, par exemple, pour la rive sud de Québec, quand on parle du territoire desservi par la Corporation intermunicipale de transport en commun de la rive sud de Québec, que les journaux régionaux, qu'il s'agisse du Peuple tribune, du Peuple de la Chaudière, de la Rive sud-Express, couvrent très bien le territoire et il devrait être possible pour aviser les gens des trajets, des horaires, d'utiliser les journaux qui sont diffusés dans le territoire desservi et, de cette façon, utiliser des médias qui seraient beaucoup plus proches des gens et que les gens consulteraient davantage pour avoir ce genre d'information. Alors cela a été accepté. Dans les différentes dispositions du projet de loi les modifications ont été apportées pour ne pas exiger nécessairement un quotidien mais un journal diffusé dans le territoire desservi par le transport dont on devait faire la publicité pour mettre les gens au courant.

Alors plusieurs des amendements que nous avons proposés ont été acceptés. Je pense que la discussion a été cordiale et correcte sauf dans le cas d'une disposition qu'ils ont voulu faire enlever par laquelle on facilite le cas d'absence de soumissions pour faire des choix. À ce moment-là, nous avons voté contre parce que quand on disait: "Le conseil peut, par résolution et sans procéder par demande de soumissions..." il nous apparaissait et il nous apparaît qu'il est mieux de procéder par soumissions pour donner la chance à tout le monde de pouvoir offrir ses services et que l'obligation de procéder par soumissions inclue non pas l'obligation de prendre le plus bas soumissionnaire, mais en tout cas de prendre le plus bas soumissionnaire qui remplit toutes les conditions de la soumission.

Cela ne veut pas dire que le plus bas soumissionnaire qui ne remplit pas toutes les conditions de la soumission doit être choisi, mais celui qui remplit les conditions de la soumission. En fait, c'est pour donner à tout le monde la chance de pouvoir offrir ses services et de faire une concurrence plus égale, plus juste. Là-dessus, il y a un certain nombre de dispositions du projet de loi contre lesquelles nous avons voté parce qu'elles n'auraient pu être changées. Par ailleurs, je pense qu'il s'agit, dans l'ensemble, d'un projet de loi qui améliore la procédure, qui facilite la procédure et qui va contribuer à faire en sorte que le transport va pouvoir s'organiser avec une procédure administrative plus simple, moins tatillonne, moins bureaucratique. C'est pourquoi nous avons concouru à l'adoption de ce projet en soumettant plusieurs amendements. Un grand nombre d'articles ont été abrogés concer-

nant ce qui n'avait pas paru, au point de départ, au ministre comme une procédure avec toutes sortes d'implications. Devant les arguments de l'Opposition, le ministre a accepté de retirer plusieurs articles qui auraient imposé un cadre trop rigide et qui auraient fait perdre aux municipalités cette certaine autonomie qu'elles souhaitent avoir dans le choix qu'elles feront des moyens de transport en commun.

J'aurais aimé voir plusieurs ministres souvent trop arrogants en commission parlementaire, assister à cette commission parlementaire et peut-être suivre davantage la façon de travailler du ministre des Transports. Une façon beaucoup plus ouverte que celle, par exemple, du ministre de l'Industrie et du Commerce, du ministre responsable des institutions financières ou d'autres avec qui j'ai l'habitude de travailler, mais qui sont bloqués comme des murs de brique et vouloir les faire changer d'idée, c'est un peu comme vouloir enfoncer un mur de brique de six pieds d'un coup de tête.

Mme la Présidente, ceux qui pourront lire, éventuellement, les comptes rendus de la commission parlementaire sur le projet de loi 16 se rendront compte que le député de Jonquière a apporté une contribution importante puisqu'il a été maire pendant 22 ans et qu'il a été président de l'Union des municipalités du Québec pendant deux ans. Nous avons tous ensemble contribué pour que ce projet soit amélioré. Je pense que, dans l'ensemble, il a été considérablement amélioré lors de la commission parlementaire que nous avons tenue. Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lévis.

Je constate qu'il n'y a pas d'autres interventions. Je vais déclarer le débat terminé.

Est-ce que le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 16, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le transport par autobus, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Il y a une série de projets de loi parrainés par le ministre de la Justice qui est retenu à la commission sur le libre-échange. Il devrait être ici dans cinq minutes environ. Je vous demanderais de suspendre les travaux.

La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre pour quelques instants.

Une voix: D'accord. (Suspension de la séance à 21 h 39)

(Reprise à 21 h 54)

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 37 Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 7 de notre feuilleton, y s'agit de la reprise du débat concernant l'adoption du principe du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu.

Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Pour une deuxième fois en deux soirs d'affilée, je vais essayer de convaincre mon collègue de Brome-Missisquoi, ministre de la Main-d Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que ce projet de loi serait plus utile s'il était retiré, à l'avantage des gens qui sont concernés dans la société.

Je le disais hier et je le répète, quand on regarde le titre de ce projet de loi, Loi sur la sécurité du revenu, on se rend compte que ce n'est pas le bon titre. Quand on regarde les effets que cela aura sur les gens qui sont touchés, on devrait plutôt l'appeler la 'Loi sur l'insécurité du revenu" pour des centaines de milliers de citoyens du Québec.

Ces citoyens, il ne faudrait pas l'oublier, ce sont les plus démunis de la société. Les gens qui sont à l'aide sociale n'ont pas d'autre revenu, n'ont pas non plus de biens ou d'avoir, ou si peu. Il faut connaître les critères pour être eligible à l'aide sociale pour s'apercevoir que ces gens-là ne profitent pas d'un système, mais vont chercher le minimum pour être capables de survivre. C'est le rôle d'une société que de s'occuper des plus démunis.

Ce projet de loi apporte l'insécurité pour la très grande majorité des gens sur le bien-être social. L'insécurité, parce qu'on sait qu'en plus cela apporte une diminution des revenus. Diminution des revenus pour les plus jeunes, diminution pour les femmes chefs de familles monoparentales, diminution pour les personnes aptes de plus de 30 ans. Donc, une grande majorité des gens qui sont présentement à l'aide sociale, qui ont de la difficulté à arriver, qui tirent le diable par la queue, comme on dit chez nous, vont voir leurs prestations diminuer. Cela veut dire que, ceux qui sont déjà dans la misère, cette réforme va les rendre encore plus pauvres, plus malheureux, avec moins de sécurité pour l'avenir. Ce n'est pas comme ça qu'on aide une société ou des individus à se prendre en mains, à s'en

sortir et à profiter de ce qu'on est en train de vivre au Québec, c'est-à-dire une période de croissance économique.

On est en train d'avoir deux Québec. Un Québec dans lequel les gens travaillent, ont des revenus acceptables et vivent assez bien et un Québec beaucoup plus pauvre, qu'on est en train de rendre encore plus pauvre. C'est inacceptable. Cela va avec la démarche du gouvernement actuel. C'est malheureux. Une démarche qui fait que les riches sont plus riches et les pauvres encore plus pauvres, au lieu d'essayer de rapprocher les classes de la société, d'être plus social-démocrate.

C'est ça, la social-démocratie. C'est de partager correctement la richesse, de faire en sorte que les plus riches en paient un peu plus et que les plus pauvres en reçoivent un peu plus pour que, quand on vit dans une collectivité aussi riche que celle du Québec, tous puissent vivre d'une façon décente et beaucoup plus harmonieuse. Ce n'est pas le cas présentement. Ce projet de loi fait que l'écart entre les plus pauvres et les plus riches s'élargit encore davantage. C'est inacceptable.

Pour vous donner un exemple comme quoi c'est exactement la démarche qu'est en train de suivre l'autre côté, rappelons-nous décembre 1985, la mini-session et les décisions qui ont été prises. Dans les toutes premières décisions, il y en a eu deux. La première a été de baisser les impôts pour les riches. 50 000 $ de revenu et plus par année, on a baissé les impôts. Cela a coûté des dizaines de millions de dollars au gouvernement du Québec, parce que c'est de l'impôt qui ne rentrait pas. Comment a-t-on fait pour aller quand même chercher des revenus pour payer pour les plus riches? On a décidé qu'on coupait l'indexation trimestrielle aux assistés sociaux, aux plus pauvres de la société. Une économie de 30 000 000 $ pour le gouvernement qu'il n'avait pas besoin de payer aux plus pauvres de la société.

Donc, on a fait payer les plus pauvres dans la misère à l'aide sociale pour les plus riches qui ont des revenus de 50 000 $ et plus par année. C'est loin d'être social-démocrate et c'est loin d'être juste pour les plus pauvres de la société. Cela n'a pas changé depuis ce temps. C'est cela qui est malheureux. Depuis ce temps, on a toujours "fessé" sur les assistés sociaux. On a mis les boubous macoutes, on a coupé dans les services, on fait en sorte que ces gens soient mal vus et, en plus, mal traités.

Au dernier budget, le député de Bonaven-ture, ministre des Finances, a encore une fois décidé de changer ce qu'on appelle les tables d'impôt pour faire en sorte qu'il y ait moins de fourchettes, d'écarts. Cela veut donc dire qu'encore une fois ceux qui ont bénéficié de cela au maximum, ce sont les hauts revenus parce qu'on a diminué le pourcentage d'impôt à payer pour les 40 000 $et50 000 $ et plus.

Donc, comme on diminue le pourcentage, imaginez-vous, 1 % pour quelqu'un qui gagne 1000 $, ce n'est pas beaucoup, hein? Mais pour quelqu'un qui gagne 50 000 $, 1 %, cela commence à être intéressant. C'est encore pour eux qu'on a fait en sorte que la nouvelle grille d'impôt soit diminuée. Donc, on a encore favorisé les plus riches. Qu'est-ce qu'on fait pour les plus pauvres? On va encore essayer de récupérer parce que le projet de loi 37 fait en sorte de couper, pour la majorité des gens à l'aide sociale, leurs revenus, leurs prestations. Donc, on va encore aller en chercher chez les plus pauvres pour donner aux plus riches de la société.

Ce projet de loi n'est pas correct à sa base même. Il est en train de montrer que le gouvernement, contrairement à tout ce qu'on a toujours pensé, n'est pas là pour redistribuer la richesse. Le gouvernement n'est pas là pour aider les plus pauvres à s'en sortir. Il est là pour faire en sorte de condamner les pauvres, pour faire en sorte qu'ils soient mal vus et même mal traités. On dit: Maintenant, c'est l'entreprise privée, faites vos profits, et ceux qui ne sont pas capables, on va y voir, on va faire en sorte qu'à l'avenir vous preniez tous les moyens, même s'il n'y en a pas, pour vous en sortir.

Et c'est cela l'affaire. On laisse entendre qu'on va aider ceux qui veulent s'en sortir et aller travailler. Mais qu'est-ce qu'on fait pour trouver des emplois à ces gens, quand, au moment où l'on se parle, il y a encore pas loin de 10 % de chômeurs au Québec? Et, depuis quelques mois, on voit malheureusement que cela va en augmentant. (22 heures)

Donc, en ne touchant pas à ceux qui sont à l'aide sociale à ce moment-ci, on est à près de 10 % de chômeurs, cela va en augmentant d'un mois à l'autre depuis le début de 1988. Les formules mises en place pour aider les gens à s'en sortir, même pas 20 % des gens admissibles peuvent maintenant y aller parce qu'il n'y a pas suffisamment de fonds et parce qu'il n'y a pas suffisamment de place. Et on dit à des centaines de milliers de gens de plus: Le marché s'ouvre à vous là-dessus pour les formules d'employabilité, on ne met pas plus d'argent, il n'y a pas plus d'ouvertures, mais on vous force à y aller, et si vous ne pouvez pas y aller, et on sait que vous ne pourrez pas, on va vous couper. C'est là une belle recette, hein? C'est une très belle recette pour faire accroire aux gens que ces gens ne veulent pas des mesures d'employabilité.

Je trouvais un peu amusant hier d'entendre mon collègue, le ministre responsable du dossier, parler avec autant d'éloge des Travaux communautaires, Stages en milieu de travail, Retour aux études. Je me rappelle il n'y a pas tellement longtemps quand il était sur une banquette pas loin, je pense, la deuxième suivante ici, qui dénonçait avec une force, avec une vigueur

incroyable pour faire trembler les gens d'en face comme quoi ces formules étaient inacceptables, c'était pour le "cheap labour". Cela n'avait pas de bon sens. Maintenant, c'est quelque chose d'extraordinaire qu'on veut étendre à tous les assistés sociaux alors qu'on sait maintenant... À ce moment-là, ce sont de nouvelles formules, et cela est sorti du génie des gens du Parti québécois qui ont décidé de se creuser la cervelle et de trouver des formules parce qu'on était en période de crise économique. On a trouvé ces formules. Maintenant les ré-sulats sont sortis. On dit: Cela aide des gens. Ce fut bon à un certain moment donné. C'est encore pas si mal. Mais il faut absolument améliorer ces formules et en trouver de nouvelles. On ne les améliore pas. On n'en trouve pas de nouvelles et on en fait l'éloge de l'autre côté, on se donne un beau discours pour, ensuite, pouvoir couper les prestations des assistés sociaux. Cela n'a plus de bon sens les attaques faites présentement de l'autre côté contre les plus pauvres de la société. Couper chez les assistés sociaux!

On avait de beaux discours pour les jeunes, aussi. On était pour aider les plus démunis à poursuivre leurs études. Une des façons d'aider les gens, c'est d'améliorer, de perfectionner le système des prêts et bourses. Mais qu'est-ce qu'on a fait de l'autre côté? On a transformé la plupart des bourses en prêts, une économie considérable pour le gouvernement. On parle de 24 000 000 $ à 25 000 000 $ d'économies par année depuis deux ans sur le dos de nos étudiants. Qui profite des prêts et bourses? Les plus pauvres de la société, encore une fois. Et pour ceux qui vont en profiter malgré tout, cela veut dire que ces gens collectivement, nos jeunes, l'avenir, la relève, en arrivant sur le marché du travail, vont se retrouver avec un endettement, au moment où on se parle, de plus de 60 000 000 $. Ils vont commencer avec des dettes. Juste parce qu'on change les choses comme cela. Sans faire trop de bruit. Mais on s'attaque à qui encore une fois? Aux jeunes qu'on a tant leurrés pendant la campagne électorale, aux jeunes qui sont la refève et à ceux qui doivent ou qui peuvent profiter de ces programmes prêts et bourses, les plus démunis encore une fois. Toujours les mêmes. Malheureusement, ce sont aussi les organismes qui s'occupent des jeunes, qui les aident à s'en sortir et qui ne nous coûtent pas cher entre nous, il faut bien se le dire les 122 députés ici, cela ne nous coûte pas cher les organismes bénévoles. On leur donne 60 000 $, 70 000 $, 80 000 $ pour fonctionner, c'est à peu près le salaire d'un fonctionnaire et demi ou deux. Pourtant, ces gens font vivre des maisons de jeunes, des maisons de femmes, aident des dizaines et des centaines de personnes à s'en sortir. Pourtant, depuis deux ans et demi, on a refusé d'adopter une véritable politique de reconnaissance, une véritable politique de financement de ces maisons de jeunes, de ces maisons de femmes, de ces maisons d'hébergement.

On a même refusé de les indexer. Eux autres aussi, les groupes qui s'occupent des plus pauvres de la société, sont encore plus pauvres. C'est inacceptable. Cette tactique du gouvernement libéral, elle commence à être pas mal connue. Il faut répéter pour bien la comprendre quand même. Regardez comment cela fonctionne. Et tous les ministres fonctionnent de la même façon. On dépose un projet de loi tellement inacceptable qu'il est odieux. Tous les gens le dénoncent. Il est odieux non à cause de ce qu'on a promis, mais par rapport à la situation actuelle. On amène des projets de loi qui sont odieux. Là, on fait des commissions parlementaires pour rencontrer des groupes. On attend. On va d'une session à l'autre parce que ce n'est pas la première fois, cela fait deux ans et demi qu'on parie de l'aide sociale. On va d'une session à l'autre.

Là on apporte des améliorations. On dit: C'est extraordinaire, regardez le beau gouvernement. Il apporte des améliorations. Mais est-ce que ce sont des améliorations pour les gens qui sont concernés? Est-ce que c'est une amélioration par rapport à la situation actuelle? Non. Jamais. Ce sont des améliorations par rapport au dépôt d'un projet de loi inacceptable et odieux qui a déjà été présenté. Donc, on a une situation qui est a un certain niveau. On propose quelque chose qui est beaucoup plus bas et on le remonte un peu en disant: Regardez si c'est extraordinaire. Bien, c'est extraordinaire par rapport à la présentation du projet de loi, mais c'est encore toujours en bas de ce qui existait au moment où on a présenté un projet de loi. C'est cela qu'on nous apporte encore une fois. On peut prendre des cas...

Je vais parler d'un cas qui m'intéresse beaucoup au sujet de l'habitation et du logement. C'est le secteur pour lequel je suis le critique de l'Opposition. Qu'est-ce qu'on fait pour aider les plus démunis de la société en matière de logement, alors que le logement au Québec, il ne faut pas se leurrer, c'est une nécessité essentielle? On n'est pas dans les Caraïbes, on ne peut pas coucher dehors, cela nous prend des maisons chauffées. Qu'est-ce qu'on a fait pour aider les gens? On construit moins de HLM, qui sont aussi réservés aux plus démunis de la société. On coupe dans les HLM, on coupe dans les montants consacrés aux coopératives d'habitation et aux organismes sans but lucratif qui sont là aussi en partie pour loger les plus démunis de la société. Qu'est-ce qu'on fait? On coupe dans les budgets, on coupe dans le nombre d'unités qui sont construites chaque année. Belle façon d'aider les gens. Là aussi, il y a des groupes, les groupes de ressources techniques, des gens extraordinaires, compétents, consciencieux qui, dans les quartiers, aident les gens à se prendre en main et à se loger.

Si on veut avoir des coopératives, il faut avoir des gens qui vont donner le goût d'avoir

des coopératives, des instigateurs, des promoteurs, des gens qui vont faire le suivi. Qu'est-ce qu'on a fait? On a encore coupée pour eux aussi. On leur annonce que, sur 37 groupes qui existaient, il va en rester 11 en 1990-1991. Quand j'entends le ministre des Affaires municipales, responsable de l'Habitation, venir se péter les bretelles en disant: On subventionne les GRT, il va en rester 11 en 1990-1991. Et être content de cela, c'est une honte! Cela veut dire qu'il se réjouit d'abolir une trentaine de groupes de gens soucieux de faire du développement social au Québec pour aider une partie très importante des plus démunis de la société.

Qu'est-ce qu'on nous apporte dans le projet de loi? On nous apporte un paragraphe. Pour certains, cela ne veut peut-être rien dire, mais pour ceux qui sont concernés, c'est grave. On retrouve à la page 28, c'est-à-dire à l'article 90, 5° ce qui suit: prévoir les barèmes des besoins établissant les montants mensuels pour l'application des programmes d'aide de dernier recours, lesquels peuvent varier selon, entre autres, les résidents d'un logement subventionné. Cela veut dire quoi en termes concrets? Cela veut dire que les milliers d'assistés sociaux qui demeurent dans des HLM ou dans des coopératives d'habitation, on vient les aviser qu'on va leur couper l'aide sociale. Parce qu'ils reçoivent l'aide sociale et qu'ils sont dans un logement subventionné, on va couper parce qu'on leur dit - écoutez bien cela: Étant donné que vous êtes dans un logement subventionné, vous avez un avantage par rapport à ceux qui restent dans des logements du secteur privé et qui paient plus cher; donc, comme vous n'êtes pas les plus mal pris de la société, comme il y en a des pires que vous autres, on va vous ramener au niveau des pires de la société. La parité par le bas et, l'objectif visé, la misère totale. C'est à peu près cela que cela dit. À ceux qui sont dans des HLM et dans des coopératives d'habitation, qui sont déjà à l'aide sociale, l'annonce qu'on vous fait là-dedans: Attendez-vous à des coupures de prestations d'aide sociale, parce que, parmi les plus pauvres, vous n'êtes pas les plus pauvres et il faudrait vous ramener au niveau des plus pauvres. Beau discours! Ce n'est pas ce qu'on dit, par exemple, de l'autre côté, mais c'est ce qu'on est en train de passer là-dedans. Ce qu'on est en train de faire, c'est cela qui est inacceptable. (22 h 10)

Un autre point qu'il est important de rappeler, la parité, la fameuse parité qu'on avait promise en élections. Aux moins de 30 ans qui sont dans la misère, aux moins de 30 ans qui sont à l'aide sociale, on avait promis la parité. Ce qu'on propose dans le projet de loi 37, c'est la parité, mais la fausse parité. Je vais revenir sur la parité. On utilise le mot, mais pas le sens, certainement pas l'esprit qu'on avait laissé entendre aux jeunes et à la population. La parité, on la promet en 1990; autrement dit, on avoue qu'on ne tiendra pas notre engagement électoral. Encore une promesse non tenue parce qu'on avait promis que, dès la prise du pouvoir, il y aurait la parité ou, du moins, parce que... Après la prise du pouvoir, on a changé de discours et on a dit: Au cours du mandat. Maintenant, on s'en vient affirmer, d'une façon légale, dans une loi: II n'est pas question qu'on tienne notre engagement; gens du Québec, la parité ne se fera pas au cours du mandat. Elle fera probablement partie d'un engagement pour les prochaines élections. Comme on connaît la parole de ces gens-là, leurs engagements électoraux, bien cela veut dire que cela ne se fera pas.

Si vous regardez bien, on avait promis aussi aux femmes, aux travailleuses au foyer, la reconnaissance au Régime de rentes du Québec. Bien, de l'autre côté, il n'en est plus question pour le présent mandat. Il n'en est même plus question dans les discours. On se rend compte qu'on ne veut plus en parler. On a fait accroire la parité et, maintenant, cela va être pour après les élections et c'est une fausse parité. Les moins de 30 ans, il fallait qu'ils participent pour avoir la pleine parité. Là, on s'en vient dire à ceux de plus de 30 ans, alors qu'il n'y a pas plus d'ouvrage et de programme: Si vous n'y allez pas avec eux, on vous coupe. Donc, on fait en sorte que même ceux de plus de 30 ans soient dans des situations inacceptables.

Un dernier point, parce que vous me dites que j'achève, c'est le fameux partage. À deux ou trois jeunes qui ont seulement quelques centaines de dollars pour vivre, qui n'arrivent même pas à se nourrir convenablement, qui décident de vivre dans le même appartement pour essayer d'avoir moins de misère et d'au moins se partager les frais d'un logement, on dit: Si vous vivez avec d'autres, avec un autre, on vous coupe 85 $ par mois. S'ils sont deux, on coupe les deux; s'ils sont trois, on coupe les trois! Après cela, on dit aux jeunes: Soyez autonomes, débrouillez-vous, prenez-vous en main, sortez-vous de la misère, mais, si vous essayez, on vous attend avec nos boubous macoutes et on va vous couper. Donc, si vous voulez partager le loyer pour être capables de vous payer des cours, pour être capables de vous nourrir convenablement et de vous habiller, si vous faites cela, si vous ne consacrez pas tout votre argent à votre loyer parce que vous le partagez, on va aller vous l'arracher. C'est cela qu'on est en train de dire à nos jeunes et à ceux qui veulent essayer de s'en sortir avec l'aide des autres. Qu'est-ce qu'on veut faire? On ne veut pas que les gens s'aident pour s'en sortir, collectivement, avec d'autres ou avec des amis? On veut que ces gens-là soient dans la misère d'une façon individuelle et isolée? Cela n'a pas de bon sens.

C'est pour cela qu'on dit que ce qu'on retrouve là-dedans est inacceptable. Le plus grand service qu'on peut rendre à la société, c'est de retirer ce projet de loi et d'en déposer

un autre, mais qui va tenir compte des véritables responsabilités du ministre responsable, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, responsable de l'application de la Loi sur l'aide sociale. L'aide sociale, c'est le dernier recours pour les plus démunis. Sa préoccupation doit faire en sorte d'aider les plus démunis de la société: les aider, arrêter de les considérer comme des coupables, des bandits et des voleurs, mais les considérer pour ce qu'ils sont vraiment, des êtres qui veulent s'en sortir, des gens qui veulent être responsables et qui demandent qu'on leur donne leur chance parce qu'ils ont été victimes de toutes sortes de choses: maladie, décès du mari ou de la femme, fermeture de "shop" pendant la crise économique. Les gens sont des victimes de notre système. Arrêtons donc de nous en prendre aux victimes et, à la place, attaquons-nous au malaise de la société.

Le vrai malaise de la société, c'est le chômage, le manque d'emploi. Le jour où on aura le plein emploi, on n'aura plus besoin de parler d'assistés sociaux et de fesser dessus. On n'aura plus besoin de parler de bien-être social et de misère. Ce que cela prend, c'est le plein emploi. Déposez-nous ici des formules et des programmes. Faites seulement commencer à en parler et essayez de motiver la population, non pas pour que les riches soient plus gros, qu'il y ait seulement des fusions de supermammouths géants en finances et en entreprises, mais qu'on crée des emplois et tous, collectivement, qu'on ait une seule préoccupation: la création d'emplois, le plein emploi et, à ce moment-là, des projets comme celui-là seront inutiles. En attendant, celui-ci est inutile. Je demande au ministre de refaire ses devoirs et de nous apporter quelque chose qui va aller dans le sens de l'aide aux plus démunis de la société. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Shefford. M. le député de L'Assomption.

M. Jean-Guy Gervais

M. Gervais: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux de prendre la parole sur le projet de loi 37, non seulement à titre de membre de la commission des affaires sociales, mais aussi comme député du comté de L'Assomption.

Chez nous comme ailleurs, on a des bénéficiaires de l'aide sociale. Si on faisait un bref historique afin de permettre à la population de mieux comprendre le pourquoi de la réforme. Il y a 25 ans, l'assistance sociale se composait de plusieurs programmes d'aide visant des clientèles bien précises: les personnes aveugles, les mères nécessiteuses, les personnes invalides et j'en passe. Chacun de ces programmes avait des critères très particuliers et prévoyait également des prestations différentes. En 1963, le rapport Boucher proposait au gouvernement d'unifier un programme et reconnaissait le droit à l'assistance sociale pour toute personne démunie, peu importe la cause de son indigence, et ce n'est qu'en décembre 1969 que le gouvernement a fait adopter la Loi sur l'aide sociale, mise en application en novembre 1970.

En 1973, à la suite d'une restructuration majeure des allocations familiales, le gouvernement du Québec amendait la Loi sur l'aide sociale afin de tenir compte du nouveau Régime des allocations familiales qui modifiait le revenu disponible aux familles. Afin de maintenir l'incitation au travail, le gouvernement décidait de plafonner les prestations d'aide sociale à un niveau inférieur au salaire minimum. Cet amendement à la loi entrait en vigueur en janvier 1974. Depuis 1974, les gouvernements qui se sont succédé au Québec ont apporté au régime de sécurité du revenu des changements qui, fondamentalement, n'ont rien modifié, ni à l'orientation, ni au fonctionnement de la loi. Les gouvernements ont mis à l'essai différents programmes sur l'intégration des bénéficiaires au marché du travail par la création d'emplois temporaires, la création d'emplois communautaires, etc. Différentes mesures visant le perfectionnement et l'insertion socioprofessionnelle des bénéficiaires au marché du travail, avec une préoccupation très marquée pour les moins de 30 ans, ont été mises à l'essai.

Tous ces changements n'ont pas été suffisants pour adapter les programmes aux réalités d'aujourd'hui. En 1979, apparaissait un autre programme qui ne connaissait pas les effets escomptés: SUPRET. Mais, le 10 décembre 1987, l'actuel ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a déposé un document d'orientation intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu" qui propose une réforme en profondeur du régime d'aide sociale au Québec. Ce document fut suivi d'une commission parlementaire et du dépôt, le 11 mai dernier, du projet de loi 37. Le projet de loi 37 a pour objet de réviser en profondeur le régime de l'aide sociale au Québec en établissant une nouvelle politique de sécurité du revenu comprenant trois programmes.

Dans un premier temps, il assure le versement de prestations aux personnes incapables d'occuper un emploi, par le biais du programme appelé Soutien financier. Il prévoit également un deuxième programme, Actions positives pour le travail et l'emploi, le programme APTE. Il est important de souligner ici que le projet de loi 37 ne permet plus de retenir le critère de l'âge comme facteur de réduction des prestations. Finalement, par le biais du programme Aide aux parents pour leurs revenus de travail, le programme APPORT, le projet de loi incite des familles avec enfant à demeurer sur le marché du travail ou à y accéder. Il prévoit aussi, pour les familles à faible revenu, une prestation annuelle à titre de supplément au revenu de travail.

Les principes de base qui soutiennent la

volonté gouvernementale d'apporter des modifications substantielles au système de sécurité du revenu prennent leur source dans le constat suivant. Le programme actuel d'aide sociale est largement dépassé et inadéquat. À l'origine, il devait assister les personnes qui, pour des raisons familiales, sociales ou de santé, ne pouvaient travailler. Mais les transformations rapides et profondes qu'a connues la société québécoise au cours des dernières années ainsi que la récente récession économique ont modifié la situation d'une façon substantielle. (22 h 20)

Le régime de sécurité du revenu a dû subir trois changements majeurs au cours des dix dernières années. Premièrement, un accroissement considérable des prestations a fait passer la clientèle de 207 500 ménages en 1975 a 410 758 ménages en décembre 1985. Dans un deuxième temps, les caractéristiques de la clientèle de l'aide sociale ont considérablement changé. Au cours des années, alors qu'à l'origine la majorité de la clientèle était composée d'inaptes au travail, elle est maintenant constituée, majoritairement, de personnes aptes au travail. On dénombrait 147 616 ménages, soit 35 % de la clientèle de moins de 30 ans, dont 116 000 étaient considérés comme aptes au travail, ce qui indique bien le rajeunissement de la clientèle.

L'accroissement considérable du nombre de prestataires peut être expliqué par certains facteurs dont les plus importants sont les suivants: la récession du début des années quatre-vingt a entraîné une affluence de chômeurs à l'aide sociale. En plus de contraindre ces chômeurs à y demeurer plus longtemps, plusieurs d'entre eux étaient des jeunes arrivant sur le marché du travail. Le nombre d'emplois créés par la reprise économique est encore insuffisant pour satisfaire tous les besoins. D'ailleurs, la qualification des travailleurs ayant perdu leur emploi durant la récession ne correspond plus toujours aux emplois disponibles aujourd'hui.

L'adaptation du Québec aux nouvelles réalités des années quatre-vingt a été défavorisée par le retard du gouvernement précédent à engager le Québec sur la voie du virage technologique et plusieurs autres facteurs combinés que je ne peux énumérer font en sorte que notre gouvernement a pris en main, en décembre 1985, un régime de sécurité du revenu déclassé, dépassé, je dirais même déphasé.

Notre parti, qui avait fait de la réforme du système d'aide sociale et de la parité des moins de 30 ans un de ses engagements majeurs, a donc décidé d'agir de façon énergique dans ce dossier. Le premier ministre du Québec et le ministre de la Main-d'Oeuvre s'y étaient engagés. Une large consultation publique s'est tenue en février et en mars 1988 dans le but d'entendre les représentants des groupes touchés par la mise en place d'une nouvelle politique de sécurité du revenu. La commission parlementaire des affaires sociales a entendu plus de 115 organismes ou individus désirant exprimer leurs vues sur le projet de la réforme. C'est ainsi que le 11 mai dernier le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu rendait publiques, dans le cadre d'une déclaration ministérielle, les modifications proposées à sa politique de sécurité du revenu bien que les principes de base de la politique soient demeurés inchangés, à savoir accorder la parité aux moins de 30 ans, inciter les personnes aptes à intégrer ou à réintégrer le marché du travail et accorder un traitement plus équitable aux démunis.

Le ministre a annoncé des amendements sur des éléments qui avaient fait l'objet de sévères critiques, soit le barème non admissible dans le programme APTE qui existait dans le document d'orientation et qui est aboli. Le barème non disponible subit des changements majeurs. En effet, le montant des prestations a été augmenté de façon qu'il soit à un niveau au moins équivalent à celui du système actuel indexé. Par cet amendement, les bénéficiaires de 55 ans et plus, les femmes enceintes, les personnes éprouvant temporairement des problèmes d'ordre phsyique ou mental et les personnes ayant la garde légale d'enfants d'âge préscolaire ou affectés par un handicap physique ou mental ne seront aucunement pénalisées étant donné qu'elles recevront des prestations équivalentes à celles du système actuel indexé. La catégorie non disponible sera élargie afin de permettre aux parents et aux personnes ayant la garde d'enfants en bas âge d'assurer l'éducation de leurs enfants. En ce qui a trait au partage du logement, la réduction mensuelle à ce sujet sera maintenue à 85 $ contrairement à 100 $, tel que ce fut annoncé précédemment. Finalement, d'autres modifications ont été apportées à plusieurs éléments de la politique de sécurité du revenu, telles que le maintien de tous les besoins spéciaux actuellement accordés dans le programme d'aide sociale à tous les bénéficiaires, l'augmentation du besoin spécial pour les frais de scolarité et la formation d'un comité multidis-ciplinaire provincial formé de trois professionnels, dont un médecin, pour statuer sur les cas litigieux concernant l'employabilité des bénéficiaires.

C'est à la suite de la déclaration du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que fut déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu, qui fait suite à la commission parlementaire sur le document d'orientation et qui contient les amendements apportés par le gouvernement à la réforme et annoncés précédemment par le ministre. Il convient de mentionner, M. le Président, que le coût des amendements pourrait se chiffrer entre 84 000 000 et 104 000 000 $ selon la participation des bénéficiaires. Quant au coût total de la politique de sécurité du revenu, il devrait osciller entre 2 310 000 000 $ pour une participation nulle à 3 100 000 000 $ pour une pleine participation.

M. le Président, pour ce qui est des réactions de l'Opposition péquiste, je vais m'abstenir de les commenter et laisser plutôt le soin à la population du Québec de porter son propre jugement devant son attitude.

Au cours des dernières années, un nombre important de programmes et de mesures fiscales touchant la sécurité sociale ont été mis en place par les gouvernements, autant fédéral que provincial. Des problèmes de fonctionnement et de réglementation du programme d'aide sociale, d'incitation au travail et aux études, et d'équité des mesures gouvernementales sont apparus confirmant la nécessité d'une politique de sécurité du revenu. Ils sont venus s'ajouter aux nouvelles problématiques qu'on observe aussi dans les autres provinces du Canada, aux États-Unis et en Europe. L'adaptation du programme d'assistance sociale au nouveau contexte socio-économique est devenue une priorité. Le Québec accuse ici un retard qu'il est urgent de combler. C'est pour toutes ces raisons que le gouvernement libéral du Québec a décidé de s'attaquer de front à la réforme complète de ce secteur vital pour des milliers de personnes dans notre province, principalement les plus démunis de notre société.

Bien sûr, la tâche est délicate. Ces programmes ont une incidence très forte sur les institutions et des valeurs fondamentales telles que la famille et le travail. Mais la répercussion de la mise en place d'un tel système de sécurité du revenu sur des questions aussi fondamentales que le chômage, la composition des unités familiales et la prospérité économique de notre société en fait un défi de premier plan pour notre gouvernement et c'est pourquoi, M. le Président, je voterai pour le projet de loi 37. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Nous allons poursuivre le débat avec l'intervention de M. le député de Taillon. (22 h 30)

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Évidemment, les 20 minutes qui me sont allouées, je pense, seraient insuffisantes pour relever toutes les inexactitudes de l'orateur qui m'a précédé. Deuxièmement, ce serait également insuffisant pour relever l'ensemble des points qui, à l'intérieur du projet de loi 37, créent problème. Il faut se comprendre. Dans une société, le premier rôle d'un gouvernement, c'est de tenter de redistribuer le plus intelligemment possible la richesse qui existe. En deux mots, au Québec, le premier rôle d'un gouvernement, bien avant d'envoyer 25 000 000 $ à Blue Bonnets pour les courses de chevaux, bien avant de faire quoi que ce soit, c'est de s'assurer que les moins bien nantis soient, quand même, traités équitablement. C'est le premier devoir d'un gouvernement, quel qu'il soit.

Le projet de loi 37 s'intitule pompeusement Loi sur la sécurité du revenu, alors qu'il n'y a rien là-dedans qui pourrait arriver à favoriser le premier élément de sécurité du revenu qui est l'emploi. C'est fascinant, M. le Président, parce que le gouvernement qu'on a en face de nous, dans une période d'apathie, d'indifférence, mais, en même temps, de croissance économique, a fait en sorte que le taux de chômage au Québec est encore le double de ce qu'il est en Ontario et que le taux de chômage à Montréal est encore le triple de ce qu'il est à Toronto. On ne peut pas parler de sécurité du revenu si on prend une même tarte et qu'on continue à jouer avec. La seule façon de parler de sécurité du revenu intelligemment, c'est de mettre en place des mesures de sécurité du revenu ou de favoriser l'emploi. Mais le gouvernement libéral ne fait absolument rien à ce sujet.

Mais revenons au projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. Je ne peux pas, dans les 20 minutes qui me sont allouées, faire le relevé de toutes les failles de ce projet de loi. Ce serait carrément insuffisant. Je pourrais parler de la fausse promesse libérale quant à la parité en bas de 30 ans. Je pourrais parler de cette espèce d'absurdité intellectuelle qu'ils ont trouvée de l'autre côté et qu'on appelle la contribution parentale présumée. C'est incroyable, je n'arrive pas à croire que des députés aient pu prendre connaissance du projet de loi du ministre sur la contribution parentale et dire: On va le laisser aller avec cela. Je vois le député de Mille-Îles en face, un homme qui a une bonne formation juridique. Comment a-t-il pu laisser passer quelque chose de semblable? C'est incroyable.

Je pourrais parler de la participation aux programmes d'employabilité: retour aux études, etc. comment le ministre pouvait-il ignorer que tous ces programmes d'employabilité ont un taux de succès inférieur à 20 %? Comment pouvait-il axer son projet de loi autour des programmes d'employabilité, en faire l'axe de la guerre au chômage et à l'aide sociale, alors qu'il y a un taux de succès autour de 20 %?

Je pourrais parler, M. le Président, de la désincitation au travail que constitue l'espèce d'impôt qui consiste à imposer à 0,80 $ et plus chaque dollar gagné par l'assisté social. Sans compter, évidemment, le fait que ses allocations et ses services sont coupés. En deux mots, il n'y a rien dans la réforme présentée par le ministre pour corriger cette désincitation au travail qui existe actuellement. Je pourrais aussi parler du régime pour les personnes incapables de travailler ou du faux programme d'incitation au travail. Bref, M. le Président, faire le tour prendrait une heure ou deux.

Je voudrais, donc, ce soir attirer votre attention et celle des gens qui nous écoutent sur deux points en particulier. D'abord, je voudrais attirer l'attention des gens qui nous écoutent sur les articles 30 à 33 du projet de loi 37, lesquels concernent l'obligation alimentaire. Je l'explique

rapidement. Je vulgarise rapidement pour me faire comprendre le mieux possible par vous et par les gens qui nous écoutent. On sait qu'il y a beaucoup de femmes et d'hommes au Québec qui sont séparés ou divorcés. Ces gens, dans bien des cas, détiennent ce qu'on appelle des créances alimentaires, c'est-à-dire ont le droit de recouvrer du conjoint qui travaille, par exemple, qui est plus fortuné, une pension alimentaire. Cela a existé de tout temps. Dans notre Code civil, on a une longue tradition en droit familial qui tourne autour de l'obligation alimentaire. Cela est tout à fait normal.

Que vient faire le projet de loi 37 là-dessus? Je dois vous dire que c'est parfaitement incroyable. On donne au ministre le pouvoir d'exercer les droits alimentaires. Est-ce qu'il y a des droits plus personnels que les droits, par exemple, d'une femme à l'égard de son ex-époux pour récupérer des montants de pension alimentaire? C'est un droit archipersonnel, individuel et un droit qui est jugé à son mérite par les juges et la magistrature.

Je cite la fin de l'article 30: "En matière d'obligation alimentaire - tenez-vous bien, pour un gouvernement dit conservateur, c'est le bout - le ministre peut exercer les droits du créancier lorsqu'il estime que la situation de ce dernier en compromet l'exercice." En deux mots, le ministre va se substituer à cette femme qui a deux enfants et dont le mari ne travaille pas, ne veut pas verser une pension alimentaire ou verse un montant insuffisant de pension alimentaire et ce, par-dessus l'entente qui pourrait intervenir entre les deux conjoints. C'est le ministre qui va venir prendre la place de l'épouse pour décider si une entente ou un règlement est valable ou non.

Regardez, M. le Président, le dernier alinéa de l'article 31, encore une fois, qui touche la pension alimentaire. "Le ministre peut, par requête, demander au tribunal de modifier ou d'annuler une entente conclue sans son autorisation." En deux mots, dorénavant, dans les matières alimentaires, le ministre est automatiquement partie au litige. Si une entente est intervenue sans qu'il y ait donné son consentement, l'entente n'est pas valide.

C'est comme si tous les avocats, tous les juges, toutes les parties étaient devenus des fraudeurs du ministre. C'est le comble de la paranoïa gouvernementale qui a probablement sa source quelque part dans une analyse déconnectée du Conseil du trésor. Vous, les gens qui nous écoutez, parce que vous êtes des assistés sociaux - peut-être que demain matin on va le faire au ministère du Revenu, je ne le sais pas - vous n'êtes pas capables d'exercer de façon compétente votre capacité juridique de conclure une entente.

On demande de responsabiliser les bénéficiaires d'aide sociale. Le projet de loi fait exactement le contraire. On les déresponsabilise, on prend tout le monde, tous les enfants du bon

Dieu pour des canards sauvages et on dit: II y a une personne au Québec qui a de l'allure, qui est en mesure d'évaluer si l'entente intervenue sur la pension alimentaire de Mme Y ou de M. X est bonne, c'est le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. C'est incroyable. Comment le ministre et les membres du caucus libéral ont-il pu décemment laisser passer une chose semblable? C'est tout à fait incroyable. Ce sont les articles 30, 31, 32 et 33 du projet de loi 37, M. le Président.

Je trouve aberrant que, pour des motifs financiers... Que le ministre soit impliqué dans certaines causes, d'accord. Qu'on oblige les parties à mettre en cause peut-être le ministre... Par exemple, si une dame assistée sociale a un recours à exercer contre son ex-conjoint, qu'on mette le ministre en cause, d'accord, comme cela se fait, d'ailleurs, dans certains cas. Que la procédure soit signifiée au ministre qui, lui, interviendra si besoin est. Mais de là à présumer que tous les assistés sociaux, que tous les avocats, que tous les juges qui entérinent les accords sont des tartes, incapables de discernement et d'en arriver à une entente alimentaire qui respecte la capacité de payer et les besoins d'une partie, je me dis qu'il y a, quand même, une limite au mépris de l'intelligence des citoyens et des citoyennes. (22 h 40)

Si mon intervention n'est pas bonne, que le ministre se lève immédiatement pour me le dire ou qu'un député se lève, cela va me faire plaisir de me faire interrompre. Je vais vous dire, j'ai lu attentivement ces articles qui sont au chapitre des obligations des parties et c'est exactement cela que cela dit. Le dernier mémoire, d'ailleurs fourni par les avocats de l'aide juridique, dont mention a été faite par les médias dans les journaux, le relevait de façon tout à fait analogue à ce que je fais ce soir. Bref, en quelques mots, j'attire l'attention des membres de cette Assemblée nationale là-dessus. Je me dis: II n'est pas trop tard. Nous en sommes à la deuxième étape, a la deuxième lecture. Nous en sommes à l'adoption du principe de ce projet de loi. Il y a du travail à faire. La semaine prochaine, si on siège, l'autre semaine après, si on siège, ou plus vraisemblablement cet été ou en septembre et en octobre, il est urgent de ne pas permettre une semblable intrusion dans le bon sens des gens.

Je vois le ministre de la Justice qui arrive pour ses projets de loi que nous étudierons tantôt. Enfin, c'est ce que nous dit le leader adjoint de l'Opposition. Le ministre de la Justice était-il au courant de l'existence de ces articles, les articles 30, 31, 32 et 33 du projet de loi 37 de son collègue, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui permettent au ministre d'annuler et de demander l'annulation de toutes les ententes alimentaires intervenues sans son consentement? Je vois à son visage inter-rogatif que non.

De toute façon, c'est un premier point que

je voulais mentionner. Il y a un deuxième point que je veux mentionner, qui est, lui aussi, extrêmement important, délicat, fragile, pas facile à régler, j'en suis, mais important. Je pense qu'il y a énormément de points qui ont été soulevés par mes collègues. Je me suis attaché à en relever deux, ce soir. Cela ne veut pas dire que ce sont les plus importants du projet de loi. Ce sont deux points sur lesquels, à mon modeste avis, on n'a pas mis suffisamment d'emphase. Sur le premier point, j'aurais aimé entendre les membres de la majorité ministérielle intervenir. J'aimerais cela qu'on vienne m'expliquer le bien-fondé de cette clause, moi, qu'on vienne nous expliquer comment tous les gens, ce sont des croches. Une espèce de vieille mentalité de riches un petit peu là, tu sais: tous les gens qui ne travaillent pas, qui ont de l'aide sociale, ce sont des croches, on va les mettre en tutelle. C'est la réalité du projet de loi. Dans le discours, on dit: On va les responsabiliser. En réalité, on les déresponsabilise. Cela donne quoi? On est en train, avec des projets de loi semblables, de perdre des générations entières de Québécois et de Québécoises. C'est cela qu'on est en train de faire.

Le deuxième point sur lequel je veux insister, évidemment, ce sont toutes les notions de partage du logement. Il est bien évident que, dans certains cas, il y a une aide humaine, financière, psychologique, matérielle qui existe entre deux personnes qui vivent ensemble. C'est clair. Donc, il y a une notion de partage du logement et de vie maritale. C'est quoi, vivre ensemble? Ce n'est pas facile, ces questions-là. Pour le ministre des Finances, pour le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, pour le président du Conseil du trésor, ce sont des notions extrêmement importantes parce qu'elles ont des conséquences: selon qu'une personne pourrait être aidée financièrement par une autre personne avec qui elle vit maritalement, l'aide fournie pourrait être plus ou moins élevée. Bien sûr. C'est compréhensible.

Mais il faut faire attention pour éviter des cas comme il y en a de plus en plus d'exemplaires dans nos bureaux de comté et dans les journaux. Dans Le Soleil du 15 avril 1988: "Jacinthe Caron coincée entre la cour et le bien-être social, coupable de coucher avec un seul homme." Si elle avait plusieurs amants, on ne pourrait pas dire qu'elle vit maritalement avec un. Si elle était de tendance homosexuelle, on ne pourrait pas réduire son aide parce qu'elle vit avec une autre femme. C'est la que cela devient... Dans ce cas-ci, elle est coincée par le bien-être social parce qu'elle a eu le malheur de fréquenter amoureusement le même homme. C'est rendu particulièrement grave quand on est obligé de laisser à des fonctionnaires, aussi honnêtes soient-ils, le soin de décider qui vit maritalement avec d'autres. C'est là qu'on tombe dans une zone extrêmement délicate que le projet de loi aurait mieux fait d'éviter.

Il y a un premier ministre du Canada qui, il y a une vingtaine d'années, alors qu'il était ministre de la Justice, à la Chambre des communes à Ottawa, un Québécois, avait dit: L'État n'a plus affaire dans la chambre à coucher des gens. Je vais vous dire qu'avec ce que nous présente le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, avec le type de pratique qui s'installe maintenant au ministère de la Sécurité du revenu, cela devient tout à fait le contraire: l'État vient de se remettre le nez dans la chambre à coucher des gens. Mme Caron avait combien d'hommes? Quand, comment, à combien de reprises? Est-ce que c'était une femme ou un homme, etc? C'est trop délicat comme territoire. Parce que, justement, cela affecte l'intimité des gens, leur vie privée dans ce qu'elle a de plus intime et de plus personnel, c'est trop délicat pour permettre a des lois et, donc, à un pouvoir exécutif de venir se mettre le nez là-dedans pour dire: Allons voir la vie sexuelle de Mme X. C'est ce qui se passe actuellement. Réveillez-vous au Conseil des ministres si vous n'avez pas vu passer cela! Allez-y et regardez le projet de loi de votre collègue!

Je vois le ministre délégué aux Forêts qui vient de tomber des nues. C'est cela qui existe dans le projet de réforme, c'est cela la situation actuelle dans le projet de loi 37. Le ministre délégué aux Forêts, je ne sais pas s'il était là ce mercredi-là, mais qu'il se décolle le nez de l'arbre, qu'il regarde comme il faut la réforme de son collègue. S'il veut qu'on lui envoie des documents, on va lui envoyer le mémoire de la Ligue des droits et libertés, le 93e mémoire déposé à la commission parlementaire, qui fait tout le tour du problème en citant de nombreux cas. J'invite le gouvernement à se réveiller, parce que les gens se sont réveillés dans la rue. Les gens ont réagi.

Quand la Ligue des droits et libertés prend la peine d'étudier, en 85 pages, toute l'implication de l'État dans la chambre à coucher des gens, le ministre délégué aux Forêts - je comprends ses responsabilités importantes vis-à-vis d'une de nos richesses naturelles fondamentales - pendant que je le lui explique, par exemple, j'aimerais cela qu'il m'écoute ou qu'il lise le mémoire, un des deux. Quand il me parle des terres et forêts et que je n'ai pas lu ce dont il me parle, je l'écoute. Alors, je lui demanderais le même respect ce soir, M. le Président, à moins que je ne vous demande de faire respecter mon droit de parole.

Bref, il faudrait, quand même, arriver à se comprendre un peu. On a une réforme importante. On veut économiser des sous. Le président du Conseil du trésor est un premier ministre, le premier des autres ministres, à part le premier ministre, et il passe des commandes. Il en a passé une au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui, depuis deux ans et demi, fait ses devoirs, les refait, les refait et les refait. Mais, à la fin du compte, il faut regarder

le produit final et savoir si la réalité vécue par les Québécois et les Québécoises a du sens ou non. Dans certains points de cette réforme, ceux mentionnés par mes collègues, dans les points que j'ai soulevés ce soir, ce que je dis, c'est que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, et ministre du Travail, malheureusement, doit retourner faire ses devoirs parce qu'ils sont bâclés. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner le débat sur le projet de loi 37.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je vous demanderais maintenant d'appeler, M. le Président, l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît. (22 h 50)

Le Vice-Président: À l'article 15 du feuilleton, nous allons maintenant procéder à la prise en considération du rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi... Non, un instant.

M. le leader adjoint du gouvernement, vous m'avez bien dit l'article?

M. Lefebvre: L'article 15, M. le Président. C'est la prise en considération du rapport...

Le Vice-Président: Oui.

M. Lefebvre: ...relativement au projet de loi 10.

Projet de loi 10

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président: Très bien. C'est une erreur de ma part. Donc, à l'article 15 - je lisais l'article 16 - nous allons maintenant procéder à la prise en considération du rapport de la commission des institutions qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 10, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives en vue d'instituer la Cour unifiée. Je vais donc céder la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx M. Marx: Oui, M. le Président, merci. Nous avons déjà changé le titre de ce projet de loi; maintenant, c'est "d'instituer la Cour du Québec". Effectivement, l'unification des tribunaux au Québec a été proposée pour la première fois dans un document déposé à l'Assemblée nationale en 1975, "La justice contemporaine". Depuis ce temps-là, on parle d'unifier les tribunaux québécois.

Je peux vous dire, M. le Président, que, par exemple, il y a des articles dans Le Devoir de 1983 où l'ancien ministre de la Justice partait d'une nouvelle cour unifiée. On en a parlé pendant des années, mais ce ne fut jamais fait.

Le Vice-Président: M. le ministre de la Justice, seulement un instant. Je voudrais noter, à ce moment-ci, que nous sommes également saisis d'un amendement à l'article 27 qui a été proposé par M. le député de Taillon. Après la discussion sur le rapport de la commission, nous allons procéder au vote sur l'amendement proposé et, ultérieurement, au vote sur le rapport de la commission. Est-ce que vous avez une copie de l'amendement en question?

M. Marx: J'avais une copie, mais j'aimerais en avoir une autre copie.

Le Vice-Président: Nous allons vous en donner une autre copie. Je voulais le spécifier puisque, en cours de discussion, il pourrait y avoir lieu de discuter de l'amendement propose et cela se fait dans le même débat. Donc, je vous cède à nouveau la parole, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Je ne veux pas discuter de l'amendement à ce moment-ci, M. le Président. Je vais attendre que le député de Taillon en discute et, par la suite, je vais faire une réplique, le cas échéant, si c'est nécessaire.

Pour poursuivre, on a proposé d'unifier ces tribunaux pour la première fois en 1975, on en a parlé pendant treize ans, c'est aujourd'hui qu'on le fait, et je pense que ce sera bon. À l'heure actuelle, nous avons trois tribunaux où les juges sont nommés par le gouvernement du Québec. Il y a la Cour provinciale, la Cour des sessions de la paix et le Tribunal de la jeunesse. Ce que nous allons faire, c'est unifier ces trois tribunaux en une Cour du Québec où nous aurons des juges polyvalents, où les juges auront la possibilité, dirais-je, de siéger dans l'une ou l'autre chambre de la cour, soit la chambre civile, la chambre criminelle ou la chambre de la jeunesse. Cela va nous permettre aussi d'avoir un système d'administration des tribunaux plus cohérent que le système actuel.

Je dois dire aussi, M. le Président, que nous avons prévu un comité triennal qui va faire des recommandations au gouvernement en ce qui concerne les salaires et les pensions des juges. Je pense que c'est très important. Un tel comité existe en vertu de la loi fédérale pour les juges

de nomination fédérale et, en Ontario, en ce qui concerne les juges nommés par le gouvernement de l'Ontario. Nous avons discuté du projet de loi avec la magistrature, nous avons fait des modifications, des amendements à la suite de ces discussions, et je pense que nous avons un projet de loi qui fait l'affaire de tout le monde juridique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder fa parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Effectivement, nous avons eu l'occasion de travailler pendant deux jours en commission parlementaire pour étudier le projet de loi 10 article par article.

D'abord, qu'est-ce que fait le projet de loi, essentiellement? Comme je l'ai mentionné au ministre, ce n'est pas un projet de loi insignifiant. C'est un projet de loi qui est peu signifiant. C'est un pas en avant, mais on ne peut pas parler ici de réforme. La coquille n'est pas totalement vide, mais, franchement, il y a tellement peu de perles à l'intérieur qu'il ne faudrait quand même pas se lancer dans des grandes séances de pétage de bretelles et d'autogratification, M. le Président.

Que fait le projet de loi, essentiellement? Il décloisonne les cours qui sont actuellement la Cour provinciale en matière civile, la Cour des sessions de la paix en matière pénale et criminelle et le Tribunal de la jeunesse en matière de jeunesse. Il décloisonne. Il fait tomber les cloisons entre ces cours-là de sorte qu'il y aura une cour avec des chambres. Cela, c'est au niveau de la structure. Quant aux juges eux-mêmes, qui sont les principaux intervenants au sein de l'appareil judiciaire, le projet de loi prévoit que les juges qui seront nommés par le gouvernement seront polyvalents de sorte qu'un juge, par exemple, pourra agir en matière civile, pénale et en matière de jeunesse durant la même semaine. Mais cela ne s'applique que pour les futurs juges. Pour que les juges actuellement en poste agissent de façon polyvalente, il faudrait qu'ils y consentent. Donc, une procédure de consentement. Quant à l'affectation des juges, il y a une procédure d'appel qui a été prévue au Conseil de la magistrature du Québec.

Bref, c'est essentiellement cela, le projet de loi. Le ministre est venu apporter des amendements importants au cours de l'étude article par article. Les amendements sont les suivants. D'abord, la Cour du Québec au lieu de la Cour unifiée, ce que nous avions demandé depuis le début. Une cour unifiée n'existe pas seule. Il aurait fallu dire Cour unifiée de quelque chose. Cour unifiée du Québec aurait été acceptable, mais nous avons suggéré au ministre, depuis le début, formellement et informellement, je crois, Cour du Québec. Et le ministre a retenu, finale- ment, cette appellation-là de sorte que tous ces juges-là seront à la Cour du Québec.

Deuxièmement, il y a également un comité triennal d'examen de la rémunération et des avantages sociaux des juges qui, encore une fois, a été inclus par le ministre par amendement. Un rapport sera fait au gouvernement et le gouvernement, si ma mémoire est bonne, a 30 jours, si le Parlement est en session, pour déposer à l'Assemblée nationale ce rapport du comité triennal formé de trois membres nommés par le gouvernement mais sur lesquels nous n'avons absolument aucune précision quant à la source de nomination.

Il y a également d'autres amendements. Par exemple, pour la Cour supérieure du Québec, trois postes de juge de plus ont été autorisés. Bref, il s'agit là, de façon générale, d'un projet de loi qui constitue un pas en avant, mais qui contient deux failles importantes sur lesquelles l'Opposition a insisté avec rigueur et également avec vigueur. La première faille: ces cours-là, Cour provinciale, Cour des sessions de la paix et Tribunal de la jeunesse, ont actuellement des juges qui sont en poste et qui occupent des fonctions administratives. Certains ont été nommés juges en chef, d'autres, juges en chef associés, d'autres, juges en chef adjoints. Le ministre a refusé de protéger la nomination de ces juges qui ont accepté des fonctions administratives, et ça, M. le Président, c'est tout à fait inadmissible. C'est tout à fait inadmissible que le ministre de la Justice, responsable d'une saine administration de la justice, en vienne lui-même à causer une intrusion du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif dans le secteur judiciaire.

Premièrement, ces juges-là avaient des droits acquis aux postes qu'ils occupaient de façon légitime en vertu d'une nomination du Conseil exécutif, d'un décret du Conseil exécutif. (23 heures)

Deuxièmement, ces juges avaient consacré temps et énergie dans l'accomplissement de ces fonctions administratives, souvent au détriment d'autres fonctions de nature plus juridique ou judiciaire et on ne les considère pas.

Troisièmement, le projet de loi, tel qu'il existe présentement, équivaut à congédier, à remercier purement et simplement des juges qui ont accepté, à la demande de l'État, d'occuper des fonctions. C'est inadmissible. Lors de la mise sur pied de la Cour fédérale, qui remplaçait la Cour de l'échiquier, lors de la modification législative qui faisait que les mandats des juges nommés à vie passaient dorénavant à des mandats de sept ans, on avait respecté les nominations des juges à vie pour ceux qui étaient encore concernés, en l'occurrence, à l'époque, M. le juge Gold et M. le juge Geoffroy.

Bref, cette façon de faire du ministre, cette intrusion au mépris des droits acquis et du caractère humain des investissements faits par ces juges, au mépris de la nécessaire séparation,

indépendance et autonomie du pouvoir judiciaire, cette décision, malgré nos arguments en commission parlementaire, que le ministre a décidé d'écarter. Il est vrai et utile de le mentionner en cette Chambre - et non pas en commission parlementaire - que le ministre a consenti à s'engager formellement par une déclaration demandant de traiter avec justice, équité et sérénité les juges que son projet de loi congédie. Donc, on peut prévoir... L'argument du ministre était: J'ai une nouvelle structure en poste. Je ne peux pas arriver à nommer les juges qui sont actuellement en poste à l'intérieur de cette nouvelle structure. Mathématiquement, c'était possible parce que actuellement il y a huit juges qui occupent des postes administratifs et, avec la nouvelle structure, il y a dix postes administratifs qui s'ouvrent. Donc, c'était mathématiquement possible. Mais le ministre considérait, à mon avis, de bonne foi quant à lui, mais à cause d'un manque d'imagination de la part de ses fonctionnaires, il considérait qu'il ne pouvait pas s'engager à maintenir en poste ces juges, comme il aurait pu le faire en utilisant l'ordre de préséance qui existe au Conseil de la magistrature. Le juge en chef de telle cour est président, le juge en chef de telle autre cour occupe tel autre poste, etc. Un exercice semblable avait déjà été fait, le ministre s'en souviendra, pour le Conseil de la magistrature.

Donc, pour nous, c'était insatisfaisant. Par contre, le ministre de la Justice a pris un engagement, que nous respectons, de traiter avec sérénité, équité et justice tous et chacun des cas concernés. Quant à cette première faille, nous sommes insatisfaits, mais pas au point de rejeter l'ensemble du projet de loi ni d'entreprendre une opération visant à empêcher l'adoption de ce projet de loi.

La deuxième faille - je termine là-dessus, M. le Président - concerne le Tribunal du travail. On sait que le projet de loi 30 - la loi 30 maintenant - qui crée la Commission des relations du travail du Québec abolit, à toutes fins utiles, le Tribunal du travail. Il y a des juges à l'intérieur de ce tribunal, premièrement, et deuxièmement, il y aura des causes pénales qui découleront de l'application des clauses pénales du Code du travail. L'amendement que j'ai déposé à l'article 27 vise, dans la continuité de la discussion que j'ai eue avec le ministre en ce qui concerne le Tribunal du travail lors de la commission parlementaire, à ce qu'il puisse y avoir une chambre du travail au sein de cette cour du Québec. Le ministre, en commission parlementaire, m'a dit: II y a la date d'entrée en vigueur du projet de loi 30.

Motion d'amendement

Je soumets quand même un amendement pour que chacune des deux divisions régionales de la Cour du Québec, c'est-à-dire Montréal et Québec, comprendrait quatre chambres, la chambre civile, la chambre criminelle ou pénale, la chambre de la jeunesse et la chambre du travail, et en ce qui concerne les poursuites prises en vertu de la Loi sur les poursuites sommaires pour des infractions prévues au Code du travail, que ces poursuites soient entendues par des juges de la chambre du travail. La juridiction de la chambre du travail serait exercée exclusivement par les juges affectés à la chambre du travail, mais ces juges pourraient entendre d'autres causes que celles issues du milieu du travail.

Je pense qu'on comprendra facilement que, si on demande aux juges de ne faire que cela, il n'est pas sûr qu'il y aura suffisamment de poursuites, par exemple, qui découleraient de la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs en construction, la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le Code du travail, pour justifier des juges à temps plein. Donc, on dirait que ce sont ces juges qui entendent les causes, mais qu'ils n'entendent pas que ces causes.

Donc, c'est pour cela que l'amendement spécifie que cette affectation peut être attribuée de façon complémentaire à une affectation à une autre chambre de la cour. Je ne crois pas que le ministre soit favorable à cet amendement, mais, à ce moment-là, nous pourrons en disposer démocratiquement selon nos règles en cette Chambre.

En ce qui concerne la première faille, si le ministre veut bien, dans sa réplique, répéter ce qu'il m'a dit en commission parlementaire, on sait que cette Chambre a quand même un décorum particulier, qui n'est pas celui des commissions parlementaires, bien cela rassurerait encore davantage celui qui vous parle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Justice pour une réplique de cinq minutes au maximum.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Quand j'ai déposé le projet en première lecture, et au moins en deuxième lecture, quand le député de Taillon a parlé, il a parlé d'une coquille vide. Aujourd'hui, il a dit que ce n'est pas vraiment une coquille vide, que c'est une loi d'une certaine importance. J'ai rappelé au député de Taillon que, lorsque mon prédécesseur a parlé de déposer ce projet de loi - voici un article dans Le Devoir - il a parlé - c'est Marc-André Bédard, député péquiste de Chicoutimi, ministre de la Justice de l'époque - il a parlé de déposer ce projet de loi qu'il n'a jamais déposé, il a parié d'une réforme majeure. Est-ce que le député de Taillon veut me dire maintenant que Marc-André Bédard a essayé de tromper la population en disant que c'était une réforme majeure? Je ne le pense pas parce que je connais bien l'ancien

ministre de la Justice. Il n'a jamais essayé de tromper la population.

Donc, je ne veux pas dire que c'est une réforme majeure. Je dirai, comme le député de Taillon, que c'est une réforme importante. Après avoir dit tout cela, le député de Taillon commence à me féliciter pour les amendements que j'ai proposés en commission parlementaire. Merci, M. le député de Taillon, cela me rassure.

Quatrièmement, le député a parlé de deux failles dans la loi. Il a parlé, premièrement, de la nomination du juge en chef de la Cour du Québec. Vous comprenez, M. le Président, vous êtes vous-même avocat, vous avez plaidé devant les tribunaux. Nous avons trois juges en chef. Ce serait impossible de nommer les trois comme juges en chef de la Cour du Québec parce que la Cour du Québec aura seulement un juge en chef.

Donc, il y a un problème. Nouvelle structure. Il va y avoir des nominations pour remplir les postes dans la nouvelle Cour du Québec, quoique j'admette volontiers que le député de Taillon m'a bien cité quand j'ai dit qu'on va s'occuper de cette transition de façon sereine, équitable et juste. (23 h 10)

En ce qui concerne le Tribunal du travail, cela est un autre problème parce que, dans la loi 30, on prévoit l'abolition du Tribunal de travail, c'est-à-dire que, dans la loi 30, on veut déjudi-ciariser les relations du travail. On prévoit une Commission des relations du travail. Donc, on prévoit qu'il n'y aurait que peu ou pas de causes devant les tribunaux. Nous avons discuté de cette question en commission parlementaire. Malheureusement, M. le Président, nous ne pouvons pas accepter l'amendement proposé par le député de Taillon. De toute façon, la loi 30 n'est pas en vigueur. Le Tribunal du travail existe. Si le Tribunal du travail disparaît avec la mise en vigueur de la loi 30, tous les juges qui se trouvent au Tribunal du travail vont intégrer la Cour du Québec.

J'aimerais insister sur un autre point. Nous avons établi un comité formé des fonctionnaires et des juges du Tribunal du travail pour trouver des mécanismes qui feraient la transition, le cas échéant. J'ai rencontré le juge en chef du Tribunal du travail, les autres juges, et je peux vous dire que nous avons déjà mis sur place ce comité pour trouver des moyens, des mécanismes, si vous voulez, pour faire la transition si la loi 30 était mise en vigueur. Cela étant dit, M. le Président, je dois répéter que l'amendement n'est pas recevable pour nous et on va voter contre l'amendement.

Le Vice-Président: Le débat étant terminé, nous allons maintenant procéder au vote. D'abord sur l'amendement et ensuite sur le rapport de la commission.

Mise aux voix de l'amendement

L'amendement proposé par M. le député de Taillon est pour l'article 27 du projet de loi 10, amendement qui a pour objectif d'apporter des amendements aux articles 80 et 82 et d'ajouter l'article 83.1 à la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.Q., Lois refondues du Québec, chapitre T-16. Donc, est-ce que l'amendement proposé par M. le député de Taillon à l'article 27 est adopte?

Des voix: Rejeté.

Le Vice-Président: Donc, rejeté. C'est rejeté purement et simplement, mais sur division. Il est rejeté.

Adoption du rapport

Maintenant, le rapport de la commission des institutions qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 10, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives, en vue d'instituer la Cour unifiée, est-il adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 19 du feuilleton.

Projet de loi 3 Adoption

Le Vice-Président: À l'article 19 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 3, Loi modifiant le Code civil en matière de copropriété et d'emphytéose. Y a-t-il des interventions? Il n'y a pas d'intervention. La motion est-elle adoptée?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Article 20 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 4 Adoption

Le Vice-Président: À l'article 20 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 4, Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière familiale. Y a-t-il des interventions à ce moment-ci? M. le député de Taillon.

M. Claude Fillion

M. Filion: Merci, M. le Président. Le projet de loi 4, on le sait, vise à permettre aux parties d'éviter d'avoir à rendre témoignage dans une cause de séparation de corps, donc, de signer les documents qui tiennent lieu de leur témoignage. Ce projet de loi s'inscrit dans une très longue démarche de déjudiciarisation, de simplification des mésententes matrimoniales. C'est un objectif tout à fait louable. Le problème, c'est que d'un côté on cherche à simplifier la vie et que de l'autre côté, il existe des lois au sein du gouvernement et particulièrement en ce qui concerne les articles 30, 31, 32 et 33 du projet de loi 37 proposé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui visent à judiciariser davantage toutes les demandes alimentaires à l'intérieur d'une procédure de séparation de corps ou de divorce.

C'est là qu'on voit qu'on manque de cohérence au sein du gouvernement pour ce qu'on veut faire en matière matrimoniale. J'ai signalé tantôt et je signale de nouveau au ministre de la Justice, pour qu'il puisse faire ses devoirs, que les articles 30, 31, 32 et 33 de ce projet de loi, viennent directement en contradiction avec le projet de loi 4 et toute la philosophie qui sous-tend le projet de loi 4.

D'abord, les délais. Pourquoi présente-on le projet de loi 4? Pour que les délais soient moins longs. Par contre, en ce qui concerne les plus démunis de notre société que sont les assistés sociaux, cela va prendre encore plus de temps parce que le ministre n'aura pas la chance de consentir à l'entente alimentaire qui pourrait intervenir. En deux mots, c'est comme si on avait deux justices, une pour les riches qui va aller vite, l'autre pour les pauvres où le ministre va devoir consentir... Imaginez, envoyer le consentement au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et attendre que ce consentement revienne avec l'approbation du ministre. Bonne chance tout le monde! Si vous voulez avoir votre jugement de pension alimentaire à l'intérieur d'un délai raisonnable, bonne chance!

Bref, une entreprise contradictoire issue d'un même gouvernement qui risque d'annihiler toute la portée du projet de loi 4. C'est le type de dossiers sur lesquels il faut qu'un ministre de la Justice se penche avec cohérence. Il n'est pas trop tard, l'étude article par article du projet de loi 37 n'est pas encore faite, mais cela ne nous donne rien d'adopter des projets de loi comme le projet de loi 4, qui est à l'étude, qui est bien fondé, qui a de l'allure, parce que cela va simplifier la vie des gens déjà impliqués dans des procédures judiciaires désagréables. Mais on risque d'annihiler ces efforts si, d'un autre côté, on judiciarise et on bureaucratise des ententes intervenues entre parties consentantes avec des avocats qui sont là pour les conseiller et qui ont prêté serment, et devant des juges qui sont là pour ratifier des consentements et vérifier si les consentements tiennent compte de la situation réelle.

Bref, le projet de loi 4, certes, mais il faudrait un minimum de cohérence au sein du gouvernement et, surtout, qu'on profite de l'étude en commission parlementaire, article par article, du projet de loi 37 concernant la réforme de l'aide sociale, pour modifier ces dispositions qui ne tiennent pas debout. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais céder la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx (réplique)

M. Marx: M. le Président, je pense que le député de Taillon a mêlé les pommes et les oranges. Je pense que c'est tout à fait différent. Le projet de loi 4 et le projet de loi 37 sont deux choses complètement différentes.

Le projet de loi 4, c'est pour prévoir qu'on peut avoir une séparation de corps par affidavit au lieu de se présenter en personne. Cela se fait déjà en matière de divorce. On veut faire la même chose en matière de séparation. Nous avons aussi déposé un amendement à ce projet de loi en ce qui concerne l'harmonisation du Code de procédure civile avec la loi fédérale sur les saisies pour les pensions alimentaires. Dès l'adoption de ce projet de loi, par exemple, il sera possible pour le créancier d'une dette alimentaire de saisir la pension du fédéral de son débiteur. Supposons que madame X a droit à une pension alimentaire de 500 $ par mois et que son ex-mari ne lui envoie pas le chèque, il sera possible pour elle de saisir même une partie de la pension de vieillesse de ce dernier ou, le cas échéant, une partie de son chèque d'assurance-chômage. C'est donc une harmonisation avec une loi fédérale qui a été adoptée le 3 mai 1988.

En somme, ce qu'on fait avec ce projet de loi, c'est qu'on est en train de raffermir et de renforcer les droits des Québécois. C'est l'objet de ce projet de loi, surtout cette partie qui traite de l'harmonisation avec la loi fédérale. Pour cette raison, je pense que c'est une loi importante qui devrait être adoptée avant la fin de la session. Merci.

M. Filion: Article 213, M. le Président.

Le Vice-Président: En vertu de l'article 213, M. le député...

M. Filion: En vertu de l'article 213, je voudrais poser une question au ministre. (23 h 20)

Le Vice-Président: Oui. M. le député de Taillon, vous demandez la permission de poser une question au député qui vient de terminer une intervention, soit le ministre de la Justice. Est-

ce que, M. le ministre de la Justice, vous acceptez une question de M. le député de Taillon?

M. Marx: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: Je rappelle à nos deux intervenants que la question et la réponse doivent être brèves. M. le député de Taillon.

M. Filion: Je serai aussi bref que pendant la période de questions, M. le Président.

Le Vice-Président: Je ne suis pas sûr! M. Marx: Cela va prendre toute la soirée.

M. Filion: Bien simplement, le ministre disait tantôt que je confondais les pommes avec les oranges. Même s'il est tard, je ne le prends pas. Est-ce que le ministre convient que le projet de loi 4 vient simplifier les procédures entre époux?

M. Marx: En matière de séparation.

M. Filion: Oui, en matière de séparation de corps. Alors, admettant cela, c'est tout à fait normal, le projet de loi 4 vient simplifier. Tantôt, le ministre prenait connaissance des articles 30 à 33 du projet de loi 37. Est-ce qu'il admet que ces articles, qui sont extrêmement dangereux - il le dira au Conseil des ministres - viennent compliquer énormément la vie des pauvres gens qui sont en train de se séparer ou de divorcer et qui doivent se référer obligatoirement, pas le mettre en cause, au ministre du Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu? Est-ce que le ministre avait pris connaissance de cela?

Le Vice-Président: M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, je suis d'accord avec ce que le député de Taillon a dit en ce qui concerne le projet de loi 4 et I'affidavit qui va permettre aux personnes d'avoir une séparation de corps sans se présenter en personne devant le tribunal, le cas échéant. Ce sera fait par affidavit.

En ce qui concerne le projet de loi 37, je veux respecter le règlement de l'Assemblée nationale. Nous ne sommes pas en train de discuter du projet de loi 37, et je sais que je n'ai pas le droit de répondre à cette question parce que cela ne tombe pas dans le cadre du projet de loi que nous sommes en train de discuter.

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président: Donc, le débat étant clos, est-ce que le motion d'adoption du projet de loi 4, Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière familiale, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: L'article 21 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 8 Adoption

Le Vice-Président: À l'article 21 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Est-ce qu'il y a des interventions, à ce moment-ci?

M. Filion: Je pense que... Le Vice-Président: M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Simplement quelques mots, M. le Président. Je comprends qu'on est intervenu à plusieurs reprises sur le projet de loi 8. Ce n'est pas mon intention de recommencer le discours de deuxième lecture, ni celui de la commission parlementaire. Cependant, on ne peut pas, à cette étape de la troisième lecture de ce projet de loi, passer sous silence la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels qui a fait beaucoup d'éclat dans les journaux, on s'en souviendra.

Uniquement pour signaler une couple de choses, rapidement. Premièrement, ce n'est pas une loi d'aide financière aux victimes d'actes criminels. Ceux qui ont lu cela dans les journaux, détrompez-vous. Il y a déjà une loi qui existe et qui fournit une aide financière aux victimes d'actes criminels et qu'on appelle communément l'IVAC, Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Cette loi existe déjà et elle n'est pas modifiée par le projet de loi 8. Deuxièmement, ce qu'il y a de contenu dans le projet de loi aurait pu être fait administrativement. Pour créer un bureau au sein de son ministère, on passe huit articles dans le projet de loi. Imaginez-vous, pour dire au ministre qu'il va mettre quatre fonctionnaires ensemble dans une même pièce, arriver et créer un bureau. Je n'ai jamais vu cela. Il aurait pu procéder à créer ce bureau sans aucune espèce de problème.

Il y a des centres locaux d'aide aux victimes d'actes criminels qui existent déjà. Le ministre aurait pu créer, parce qu'il existe déjà de ces centres-là au moment où l'on se parle, les centres d'aide aux victimes d'actes criminels sans amener les tambours et les trompettes d'un projet de loi. Le ministre, pour des raisons qui

lui appartiennent, a voulu se donner une belle visibilité dans le dossier des victimes d'actes criminels. Il voulait occuper un peu plus de place que dans le dossier du financement, de certains financements, et il a pris soin d'annoncer, après avoir fait une tournée, sur laquelle je le félicite, d'ailleurs... Le ministre dit que je ne le félicite jamais, M. le Président.

Une voix: Enfin!

M. Filion: J'entends un député de l'autre côté qui dit: Enfin! Alors, je le félicite là-dessus. Il a entrepris une tournée. Il est allé écouter les gens. Il a créé beaucoup d'expectative. Il arrive avec un projet de loi qui, encore une fois, n'a pas le gabarit d'un projet de loi qui porte un nom aussi pompeux que Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, parce qu'à peu près tout ce qui est compris dans le projet de loi aurait pu être fait de façon administrative.

Quant au fond, c'est-à-dire le principe d'aider les victimes d'actes criminels, là, c'est clair. Cette préoccupation germe depuis déjà une décennie dans l'esprit de plusieurs sociétés développées comme la nôtre. Ici, au Québec, il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites. La Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels remonte à quand, M. le Président? À 1972! Cela veut dire que cela fait déjà seize ans que cela existe.

Là, on va, administrativement parlant, un peu plus loin. C'est un projet de loi que nous avons appuyé en deuxième lecture. C'est un projet de loi que nous avons débattu dans le sens de le bonifier et de l'améliorer en commission parlementaire. Et, à cette étape de troisième lecture, c'est un projet de loi que nous appuyons, mais, s'il vous plaît, il ne faudrait pas partir en peur nulle part au Québec et s'imaginer qu'il y a un nouveau régime d'aide aux victimes d'actes criminels. Ce n'est pas le cas. Le titre du projet de loi annonce beaucoup plus que le contenu. Cependant, ce n'est pas une raison pour voter contre. C'est pourquoi nous appuierons ce projet de loi.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx (réplique)

M. Marx: Merci, M. le Président. Je pense que le député de Taillon doit accepter que nous avons fait beaucoup pour les victimes d'actes criminels depuis deux ans et demi. Premièrement, nous avons mis en place une politique en matière de violence conjugale au début de 1986, une politique qui marche très bien. Je ne dirai pas qu'il n'y a pas d'autre chose à faire. Il y a beaucoup à faire. Mais nous avons déjà une politique énergique de poursuites contre les batteurs de femmes. Nous avons installé une ligne téléphonique, une ligne WATS, pour les femmes qui veulent avoir l'information et ainsi de suite. Nous en avons fait beaucoup.

Même cette année, nous allons injecter 3 000 000 $ dans ce dossier de la violence conjugale, au ministère de la Justice et au ministère du Solliciteur général, et 1 800 000 $ pour engager plus de procureurs de la couronne.

M. le Président, quand j'ai été nommé ministre de la Justice en décembre 1985, nous avons eu 223 postes de procureurs de la couronne. Nous avons maintenant 265 postes et avec les quelque 2 000 000 $ que je viens de mentionner, nous avons l'intention d'engager encore plus de procureurs de la couronne. Nous avons également eu des crédits pour 1 000 000 $ pour engager des agents de probation dans ce dossier de violence conjugale.

L'an dernier, en 1987, j'ai fait une tournée pour parler à la population pour voir ce que la population aimerait avoir en ce qui concerne les droits des victimes d'actes criminels. Je peux vous dire que, jusqu'à maintenant au Québec, on a donné tous les droits, on a mis l'accent sur les contrevenants, et on n'a rien fait pour les victimes. On a utilisé les victimes comme des instruments pour faire la preuve devant les tribunaux. Tout cela va changer. Cela a déjà commencé à changer et cela va changer encore.

Pour le projet de loi qu'on discute maintenant, j'aimerais seulement faire mention de quatre points sur l'objet de ce projet de loi. Premièrement, nous avons énoncé les droits des victimes et également leurs obligations. Deuxièmement, le projet de loi crée un Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels au ministère de la Justice, un bureau qui va faire la coordination de tout ce travail auprès des victimes d'actes criminels. Troisièmement, nous avons prévu la création de centres d'aide aux victimes d'actes criminels dans tout le Québec. Cela n'existe pas au Québec. Cela n'existe pas en Ontario. Cela n'existe pas ailleurs au Canada. Bien, cela va exister au Québec. (23 h 30)

J'ai de bonnes nouvelles pour le député de Taillon. Je sais qu'il va me féliciter quand je vais lui dire que j'ai l'intention d'ouvrir le premier centre d'aide aux victimes d'actes criminels au Québec ce mois-ci, probablement la semaine prochaine. Au fur et à mesure qu'on pourra ouvrir d'autres centres, ce sera fait. Dans les mois à venir, il sera possible d'ouvrir des centres dans les différentes villes du Québec.

Quatrièmement, nous avons prévu un fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Nous pensons avoir un montant de 2 000 000 $ pour la première année de fonctionnement de ces centres d'aide aux victimes d'actes criminels, pour donner suite au programme que nous allons mettre sur pied. Donc, si on prend tout le projet de loi, si on prend la première partie qui traite des droits des victimes, du fait que nous allons créer un Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le bureau va coordonner le travail des

centres d'aide aux victimes d'actes criminels au Québec. Nous allons créer un fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Je pense qu'avec les 2 000 000 $ que nous allons injecter dans ces programmes la première année, il sera possible de faire beaucoup afin d'avancer le dossier des victimes d'actes criminels au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Le débat étant clos, est-ce que cette motion d'adoption du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: L'article 24 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 20 Adoption

Le Vice-Président: À l'article 24 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose la motion d'adoption du projet de loi 20, Loi portant abrogation de certaines dispositions législatives. Est-ce qu'il y a des interventions? Il n'y a pas d'intervention. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler à nouveau l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 37 Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 7 du feuilleton, nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion de M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, proposant l'adoption du principe du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. Je vais reconnaître comme prochain intervenant M. le député d'Un-gava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Une brève intervention pour souligner quelques aspects de cette loi qui me semble pour le moins contestable et très négative à l'égard des assistés sociaux du Québec qui, contrairement à ce que prétend le ministre au départ, comme prémisses à son projet de loi, ne sont pas des assistés sociaux parce qu'ils le veulent.

Quand on regarde le projet de loi qu'on a sous les yeux, le projet de loi 37 déposé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail, on a l'impression que les assistés sociaux au Québec sont des assistés sociaux parce qu'ils ont fart un choix de société, parce qu'ils ont fait le choix de vivre là-dessus. Finalement, il faudrait les empêcher de faire ce choix. On a l'impression que le ministre s'attaque à une espèce de plaie sociale, qu'il les considère comme cela et qu'il veut essayer de trouver un remède à cela.

M. le Président, je pense que...

Le Vice-Président: S'il vous plaît! Messieurs les députés, je vous demanderais de maintenir l'ordre, s'il vous plaît, de parler beaucoup moins fort ou de faire vos caucus à l'extérieur de la Chambre. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je pense qu'à force d'intervenir là-dessus le ministre va peut-être finir par comprendre. D'ailleurs, au moment de la période de questions, ce matin, et au cours des travaux de l'Assemblée nationale, on a vu toute une série de pétitions qui ont été remises par ses propres collègues, membres de l'aile ministérielle de cette Assemblée. Elles disent justement au ministre: Écoutez, M. le ministre, ce n'est pas ça. On n'est pas des assistés sociaux parce qu'on veut être des assistés sociaux. On n'a pas choisi cet état pour en vivre indéfiniment. Ce sont les conditions sociales, c'est l'ensemble des conditions socio-économiques dans lesquelles on s'est retrouvés qui ont fait qu'on doive vivre momentanément sur l'aide sociale. C'est ce que nous disent les assistés sociaux. C'est ce qu'ils disent au ministre depuis des mois et des mois, depuis qu'il est arrivé avec sa réforme de l'aide sociale.

On se retrouve aujourd'hui, M. le ministre, devant un projet de loi qui, à maints égards, ne satisfait en rien, ne règle en rien le problème des assistés sociaux, qui est le problème fondamental, c'est-à-dire de trouver des solutions pour aider les gens qui, momentanément, sont réduits à vivre malgré eux de l'aide sociale, pour les recycler et les remettre vraiment dans le circuit économique, dans une économie qui est censée être dynamique, tel que le prétend quotidiennement le premier ministre, une économie qui se porte bien comme le disait dernièrement le ministre des Finances, une économie en laquelle on peut se permettre d'espérer et où on peut se permettre de réduire le déficit, comme cela plaît énormément au président du Conseil du trésor, enfin dans un monde où tout va bien.

D'une part, ce gouvernement donne l'impression, se donne l'image, se gonfle le torse en disant: Tout va bien au Québec! Ici, à la période de questions, on a l'impression que tout va bien, on a des réponses de bouffons, on n'est jamais

capables d'aller au fond des choses. Alors, on donne l'impression que tout va bien, mais malheureusement pour ce gouvernement il y a quelque chose qui le fatigue, c'est que cela va bien pour une certaine catégorie de la population, mais il y a un autre groupe qui est un peu fatigant, cela nuit un peu à l'image. Alors, qu'est-ce qu'on va faire?

Étant donné que ce gouvernement n'a pas réussi à trouver de solution pour améliorer véritablement le sort de cette partie de la société qui, pour toutes sortes de raisons qui leur échappent pour la grande majorité, se retrouve dans une situation marginale par rapport à tout le contexte économique dans lequel nous vivons, eh bien! le ministre au lieu de prendre son chapeau de ministre du Travail et dire: on va tout faire pour vous trouver de l'emploi, ne craignez pas, c'est en attendant, on ne vous égorgera pas, on va vous donner la chance de vivre du mieux que vous pouvez, mais c'est seulement en attendant parce que moi, comme ministre du Travail, avec mon chapeau bien enfoncé sur la tête, je vais vous en trouver de l'emploi et cela presse... Ce n'est pas cela qu'il fait.

Le ministre du Travail enlève son chapeau et il met le chapeau de ministre responsable de l'aide sociale, s'en va voir le président du Conseil du trésor et lui demande: As-tu une commande pour moi? Le président du Conseil du trésor dit: Oui, mon "chum", ton aide sociale coûte trop cher, es-tu capable de me couper cela? Là, on se retrouve avec un beau projet de loi, cela paraît bien, mais en fin de compte, il ne fait que répondre à une commande du président du Conseil du trésor qui trouve que cela coûte trop cher. Comme il n'y a pas de solution pour baisser les 10 % de chômage chronique qu'on a actuellement au Québec, il dit: On va du moins essayer de désamorcer ou de rapetisser l'abcès qu'on a, qui nous fatigue, et on va s'organiser pour sortir le plus de gens possible de l'aide sociale; comme cela, on pourra balancer nos colonnes; Le président du Conseil du trésor va trouver que cela lui coûte moins cher; le ministre des Finances va avoir des chiffres extraordinaires à donner: diminution de l'aide sociale au Québec. Qu'est-ce qu'on va avoir fait en réalité? On va avoir encore plus marginalisé une classe de la société qui est déjà trop marginale, qui vit déjà en deçà du seuil de pauvreté.

Je vois des gens qui opinent du bonnet de l'autre côté, qui me disent non, qui font toutes sortes de signes. Prenons quelques chiffres s'ils ne me croient pas. Je les mets au défi, M. le Président, de vérifier la véracité des chiffres en faisant les calculs à l'intérieur du projet de loi que leur ministre a déposé.

Économies prévisibles, l'ensemble des économies prévisibles dans l'application de ce projet de loi quand on en fait la déduction de l'application des différents articles avec le nombre de bénéficiaires qui correspond à chacun de ces articles.

Au chapitre de la contribution alimentaire parentale, c'est-à-dire si ton père est un peu en moyens, c'est bien de valeur, mais il va falloir qu'il te soutienne plus longtemps et cela va te coûter plus cher. Alors, cela fera diminuer le coût. Sauf que ce qu'on a oublié là-dedans aussi, c'est que le parent n'est peut-être pas nécessairement en moyens, il n'a peut-être pas nécessairement la capacité de continuer à payer, mais ce n'est pas grave, on dit: Nous autres, on regarde ce que ton père gagne; tu as bien beau avoir 24 ou 25 ans, ce qu'on regarde, c'est ce que ton père gagne, même si cela fait trois ou quatre ans que tu ne restes plus chez vous, tu n'as qu'à y retourner et cela va coûter moins cher au gouvernement. 82 000 000 $, tout près de 83 000 000 $, tout de suite en partant, que le président du Conseil du trésor va mettre dans ses poches avec cette seule mesure. Avec la contribution alimentaire parentale, on coupe de 83 000 000 $. (23 h 40)

Le partage du logement. Une autre belle mesure! Le ministre dit: C'est bien dommage, mais j'ai l'impression que je paie deux ou trois fois le même logement quand je signe mes chèques. On va toujours bien aller voir s'il ne se pourrait pas qu'il y en ait deux ou trois qui ont des chèques et qui pourraient partager le même logement. Là, il va commencer à tout surveiller cela. On ne sait pas combien cela va lui coûter pour appliquer cela par exemple. Ce n'est pas grave la dépense qu'on va faire dans cela, mais on va aller scruter à la loupe le comportement de tous et chacun pour bien s'assurer qu'il n'y en ait pas qui partagent le même logement. Si on en trouve qui partagent le même logement, on va couper. Lui, il a fait ses calculs déjà, ou le président du Conseil du trésor a fait ses calculs à sa place, et il a dit: Mon "chum", si tu me passes cette mesure, cela va coûter 70 000 000 $ de moins au gouvernement et le ministre des Finances va être content parce qu'il va avoir des surplus, et le premier ministre va pouvoir se péter les bretelles du fait de baisser le déficit. Alors, organise-toi pour en trouver des gens qui partagent leur logement parce que c'est une mesure qui vaut 70 000 000 $.

On continue. Les mesures de disponibilité ou d'employabilité. La belle affaire! M. le Président, actuellement les mesures d'employabilité s'appliquent à peu près à 100 000 ménages au Québec, et il n'y en a que 17 % qui peuvent en bénéficier pour toutes sortes de raison. On a les chiffres très précis de cela. Si nos collègues veulent en profiter, on pourra toujours leur montrer, à moins qu'on ne les ait informés du contraire. Ce sont des chiffres disponibles et qui pourraient peut-être allumer leur lanterne au moment de voter sur le projet de loi. Ces chiffres sont par catégories d'âge: 18-21 ans, 22-25 ans, 26-29 ans, etc. On arrive avec une

moyenne totale au 1er octobre 1987, cela ne fait pas si longtemps que cela, de 16,8 % de ceux qui étaient admissibles aux programmes de mesures d'employabilité, qui pouvaient effectivement y participer pour toutes sortes de raisons. Ce n'est pas dans tous les milieux que c'est disponible, il y a des contraintes qui font en sorte que ce n'est peut-être pas possible pour certains, et il y a toutes sortes de choses qui font qu'en réalité sur 135 589 bénéficiaires potentiels qu'on pouvait escompter au 1er octobre 1987, il n'y en avait que 22 781 qui pouvaient y participer ou y adhérer, donc, 16,8 %. Le ministre dit: Ce n'est pas grave! Les quelque 84 % qui restent, c'est de leur faute s'ils n'en ont pas. Ce n'est pas grave, puis, moi, je suis bien plus fin que les autres ministres qui ont passé avant moi, je m'en vais étendre cela à 230 000 ménages au Québec, et tout le monde va embarquer parce que s'il n'embarque pas on va le couper.

Puis, il va un peu plus loin encore. Dernièrement, dans une déclaration ministérielle, il disait: La participation aux mesures de maintien de développement de l'employabilité est volontaire. Je ne vous force pas, c'est volontaire. Mais il fallait lire la deuxième phrase: Une personne en attente de participation ou qui refuse de participer demeurera disponible. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que tu n'es pas obligé de participer aux mesures d'employabilité, je ne t'obligerai pas, c'est de tes affaires si tu choisis de ne pas y aller, mais, par contre, si tu n'y vas pas, je t'attends au détour parce que tu vas rester quelqu'un de disponible et supposément apte au travail, et, à ce moment-là, à moins que tu ne sois capable de me faire la preuve, et ce ne sera pas facile à faire, c'est bien dommage, mais tu vas être coupé tant que tu ne retourneras pas travailler. Puis, il n'y en a pas d'emploi. Il y a 10 % de chômage. À quelle place qu'il va les mettre au travail? Il n'a pas de mesures, parce qu'il a oublié son chapeau de ministre du Travail, et il n'est pas capable de leur en trouver des emplois. Il n'y en a pas. Mais il dit: Ce n'est pas grave, si tu n'en trouves pas de job, tant pis pour toi, t'avais rien qu'à travailler, et je m'en vais te couper. C'est ce qu'il dit. Il le dit plus poliment que cela dans son projet de loi, c'est clair. Il le dit avec de beaux grands termes pour que personne le comprenne, mais, quand on prend le temps de le décortiquer et de regarder fondamentalement ce que cela veut dire, c'est ce que cela veut dire et c'est ce sur quoi vous allez voter, vous tous, les collègues de l'Assemblée nationale, membres de l'Opposition ou membres de l'aile ministérielle. C'est là-dessus que vous allez voter. J'espère que vous allez tous prendre le temps de le comprendre, vous, les membres de l'aile ministérielle, qui vous êtes peut-être fait "briefer" pendant quelques minutes par un ministre qui a le vent dans les voiles, l'appui du premier ministre, du président du Conseil du trésor, du ministre du Revenu, du ministre des Finances, des gens pour qui c'est important que cela coûte le moins cher au gouvernement. Savez-vous combien cela va coûter en moins au gouvernement, les mesures d'employabilité dont on vient de parier? 140 000 000 $. Le président du Conseil du trésor dit: On va épargner 140 000 000 $ avec cela. C'est quoi des mesures d'employabilité? Pour ceux qui en douteraient, et pour les quelques collègues peut-être qui n'ont pas eu le temps de consulter leurs notes et qui ne savent pas de quoi ils parlent lorsqu'ils parlent de cela. Mesures d'employabilité? Ce sont: Travaux communautaires, Stages en milieu de travail, Rattrapage scolaire, Retour aux études post-secondaires; en gros, ce sont les quatre grandes mesures d'employabilité que nous avons actuellement. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Le ministre n'a rien inventé. Il a juste à aller voir ce qui se passait auparavant. Le ministre aime blâmer l'ancien gouvernement pour ses comportements. C'est drôle, il a embarqué exactement dans la même lignée de ce que faisait l'ancien gouvernement qui essayait, sans égorger qui que ce soit, sans avoir besoin de polices secrètes qui se promènent dans les rues en frôlant le long des murs pour ne pas se faire voir à minuit le soir, de mettre en place des mesures d'employabilité, puis de développer des possibilités alternatives pour les assistés sociaux, pour qu'ils retournent sur le marché du travail.

On n'avait pas besoin de cela dans l'ancien gouvernement. On n'a pas eu besoin de passer par les mesures de guerre, j'oserais dire, puis de leur faire une lutte à mort, une lutte à finir. On a dit: On croit en vous autres, on sait que vous avez des problèmes, on va prendre des mesures qui sans vous égorger, vont vous recycler sur le marché du travail, puis on va vous inciter à venir tranquillement, à retrouver une place au soleil dans cette société de prospérité, d'abondance, comme se plaisent à le dire le ministre des Finances et le premier ministre.

Le ministre du Travail et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu prend les mêmes mesures, mais il ne les applique pas tout à fait de la même façon, c'est là la grosse différence. Il dit: Au lieu de me servir de ces mesures pour aider les assistés sociaux à se faire une place au soleil, je vais en profiter pour les égorger. Cela, c'est comme un couteau. Un couteau peut être bien utile, mais bien nuisible aussi, il s'agit de savoir comment l'utiliser. Le feu, c'est pareil. C'est Einstein qui disait que la plus grande découverte de l'humanité était l'allumette. C'est vrai, c'est utile le feu et sans le feu on n'irait pas loin. Mais c'est aussi drôlement destructeur quand on l'utilise mal. C'est ce que fait le ministre actuellement en changeant la portée, les objectifs, les buts d'éléments fondamentaux, d'éléments devant être utilisés à bon escient pour aider les assistés sociaux à se faire une place au soleil, à redevenir de véritables citoyens productifs qui participent à part entière dans cette économie dite prospère. Lui, il prend les mêmes outils, mais il

les cale avec. Il dit: Si tu n'embarques pas dans l'outil puis si tu ne le prends pas, moi, je te coupe. Cela, c'est ce qu'on appelle de la menace. C'est comme cela qu'on doit qualifier le projet de loi actuellement; de la menace.

On en était donc rendu aux mesures d'employabilité; 140 000 000 $ de moins. La parité pour les jeunes maintenant. On se souviendra de la petite histoire, M. le Président, c'est facile à comprendre la petite histoire. En campagne électorale, nous de l'Opposition, savons ce qu'il a fallu endurer à cause de cela. En campagne électorale, tous les candidats libéraux se promenaient à la grandeur du Québec, le premier ministre en tête, alors chef d'un parti aspirant au pouvoir, même pas élu, en disant: Pas de problèmes les jeunes, embarquez derrière nous autres, vous allez voir, nous, les libéraux on vous comprend. Vous allez voir, on va vous montrer qu'on est capable de faire quelque chose pour vous. N'écoutez pas les péquistes, ils vont seulement vous raconter des menteries. Écoutez-nous, nous autres. Tout le monde va avoir droit à un même niveau d'aide sociale. C'est fini les coupures, puis vous avez fini de vous faire manger la laine sur le dos. Regardez où nous en sommes rendus aujourd'hui: fausse parité, parité à la baisse. On a trompé les jeunes du Québec. Savez-vous comment cela va coûter la parité? 70 000 000 $ de moins. La belle affaire! On va nous faire croire qu'on augmente les mesures puis que cela va coûter moins cher, voyons donc! (23 h 50)

Que se passe-t-il en dessous de tout cela? Pour les quelques-uns qui vont pouvoir en bénéficier, il y en a des centaines d'autres qui vont se voir couper ici et là, par la bande, et qui vont se retrouver en bout de piste avec moins que ce qu'ils avaient avant. On va dire: Oui, tu as droit à la parité, mais ton père te donne-il 5 $ de temps en temps en dessous de la table? Ton père, combien est-ce qu'il gagne? Restes-tu chez vous? Partages-tu ton logement avec ton "chum"? Es-tu accessible aux mesures d'employabilité? On va regarder cela.

Quand on a fait le décompte de tout cela, finalement, le président du Conseil du trésor, qui est très vite sur le "pitonnage" de la calculatrice, a dit: On va épargner encore 70 000 000 $ là-dedans. Vas-y, mon "chum", il faut embarquer cette mesure, cela presse. En tout, combien cela va coûter pour les 360 000 000 $ de moins à ce gouvernement? Certes, cela paraît bien dans des colonnes de chiffres. On va pouvoir dire qu'on a baissé les dépenses du Québec, qu'on a diminué le besoin en liquidités pour financer l'épicerie, comme disait le premier ministre. On n'empruntera plus pour financer l'épicerie. Oui, on va avoir baissé le besoin financier net du gouvernement. C'est clair. Mais, sur le dos de qui? Pas sur le dos de ceux qui gagnent 100 000 $ par année. La première chose qu'on a faite en rentrant en cette Chambre en décembre 1985 a été de se dépêcher de leur voter des réductions d'impôt pour être bien sûr qu'ils soient capables d'en gagner un peu plus et d'investir plus. Comme si cela allait les garder plus par ici! Cela leur a permis de s'acheter des maisons en Floride un peu plus luxueuses.

Mais, pour les assistés sociaux, par exemple, après leur avoir fait de belles promesses et les avoir laissés traîner pendant deux ans et demi, 360 000 000 $ de coupure dans les revenus. Certes, il y a des choses qui vont coûter un peu plus cher, mais quand on fait le bilan, 360 000 000 $ de coupure dans les programmes actuels, quelques ajustements dans les nouveaux programmes pour à peu près 300 000 000 $. Solde net de l'opération: 60 000 000 $ de moins pour le gouvernement, président du Conseil du trésor satisfait, ministre des Finances heureux comme un paon; le premier ministre, cela va bien dans notre économie et cela nous coûte moins cher au Québec, le ministre du Travail ne sera probablement plus là, on va lui avoir trouvé un autre poste avant qu'il se fasse étrangler et qui va payer en bout de piste? Les assistés sociaux, qui vont être encore dans une situation pire qu'avant et avec probablement moins d'emplois qu'avant, parce que la période de prospérité actuelle ne durera pas toujours et on est à 10 % de chômage, ne l'oublions pas. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Comme prochain intervenant, je vais maintenant reconnaître M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, M. le Président. C'est sûr que j'entre dans la lignée de plusieurs intervenants, avant moi, qui ont eu la chance de s'exprimer sur ce projet de loi, projet de loi qui touche les classes de gens les plus défavorisées de notre société. Je ne pense pas que, dans mes propos... J'essaierai de ne pas répéter ce qui s'est dit depuis le début de ce débat, mais je pense qu'il y a des réalités qu'il faut aussi se dire et il y a aussi des réalités que les gens peuvent comprendre facilement, vu l'importance de ce projet de loi qui est en train de chambarder tout le vécu, depuis nombre d'années, chez nos assistés sociaux.

Un des problèmes fondamentaux de ce gouvernement est d'abord et avant tout d'avoir été en élections et de s'être engagé inconsidérément dans des promesses électorales qui, aujourd'hui, on s'en rend bien compte, ne peuvent être réalisées. Ces promesses électorales qui ne peuvent être réalisées, c'est justement la promesse qu'on avait d'établir la parité sociale pour les différents intervenants, sur la base de 30 ans. Quand j'écoutais, hier, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui rappelait des propos, des supposés propos, pris dans le livre blanc de l'ex-ministre Parizeau, actuellement chef du Parti québécois, à ce moment-là, il se permettait de légers accrocs

à l'éthique puisqu'il citait les morceaux qui faisaient son affaire. Je voudrais rappeler une fois pour toutes à tous les gens qui ont suivi ce débat qu'un livre blanc n'est pas une politique établie. Une politique est établie lorsqu'on entre dans une loi, tel qu'elle nous est présentée. Donc, on peut se permettre de dire des choses, mais si on veut examiner le projet tel quel ou le livre blanc, c'est l'ensemble qu'on dort faire et c'est après une consultation qu'on peut dire que là ce sont vraiment les propos qu'on peut attribuer à un ministre.

Je pense que, de ce côté-là, on ne doit pas s'arrêter. On peut faire de la démagogie, comme on en a fait en disant: On va donner la parité de l'aide sociale aux moins de trente ans, on va donner le Régime de rentes aux femmes au foyer. On peut en promettre de ces choses-là. Mais soyons logiques, soyons réalistes. Ce sont des promesses que le gouvernement n'était pas capable de tenir et ne tient pas non plus, d'ailleurs, parce que, si les gens avaient vu cette sorte d'engagement et ces sortes d'entourloupettes qu'on a faites depuis le début pour essayer de dire: Oui, on vous le donne, mais, d'un autre côté, on vous l'enlève, je pense que les gens admettraient aujourd'hui que c'est un leurre qu'on leur a donné. À part cela, c'est important. On est au pouvoir à présent, on peut se permettre à peu près n'importe quoi. Rappelons-nous que tous les mémoires qui ont été présentés n'ont pas fait l'unanimité, au contraire. Plus de 80 % ou 90 % des intervenants sont venus dire: On n'est pas d'accord avec la réforme sociale proposée. On va seulement examiner ce qui s'est passé durant la journée d'aujourd'hui - c'est encore aujourd'hui - pour voir le nombre de pétitions qui sont présentées à l'Assemblée nationale où l'ensemble des intervenants nous disent: On n'est pas d'accord avec la réforme proposée.

Je veux m'inscrire à travers une démarche dont on n'a pas beaucoup parlé, mais qui représente une démarche importante, parce que, que je sache, l'Assemblée des évêques du Québec, même si l'Église est moins populaire qu'elle l'était ou qu'elle semble l'être, il reste que, fondamentalement, ce sont des gens de bon conseil, ce sont des gens de réflexion qui ont pris la peine de se pencher sur le projet de loi et de donner un avis qui s'adresse aux élus et à l'ensemble des citoyens du Québec... On parle, dans cette lettre des évêques, de valeurs détournées: "Dans le projet de réforme, on fait appel à des valeurs qui ont des résonnances chez un grand nombre d'entre nous. On y parle de travail, de responsabilités et même d'équité pour les plus pauvres, mais il ne suffit d'en parler pour que le bien commun soit atteint. On parle d'inciter les pauvres au travail, alors qu'on sait bien que le nombre d'emplois existants n'est pas suffisant. "

C'est vrai que dans le projet de loi on dit qu'on va mettre les assistés sociaux au travail s'ils veulent profiter des avantages qu'on va mettre sur pied et d'un peu d'argent supplémentaire. Mais cela ne se fait comme ça du travail, voyons! Celui qui vous parle a travaillé pendant des années à la mise en place d'entreprises et a travaillé à favoriser le développement économique de son milieu. Même si on en a parlé, cela n'a pas eu nécessairement les résultats qu'on aurait voulu, parce que, si on multipliait le nombre d'industries qui auraient pu venir s'installer par le nombre de paroles qu'on a prononcées, c'est évident qu'on aurait eu suffisamment d'industries pour peupler l'ensemble du Québec. Mais je pense que les gens qui nous écoutent, qui suivent les débats, savent bien que cette volonté exprimée régulièrement par les élus, à quelque palier que ce soit, n'apporte pas nécessairement des résultats, parce que c'est un travail de longue haleine.

Qu'est-ce qu'on propose aux assistés sociaux? Pas des innovations, des travaux communautaires, des travaux qui sont sous-payés. Bien sûr qu'on peut redonner le goût du travail à des gens, mais ce n'est pas suffisant. Il faut que la démarche aille plus loin. Il ne faut pas que le projet de loi permette du "cheap labor", M. le Président. Il ne faut pas que cela le permette. Il faut que cela permette à des gens de retrouver leur dignité. Je pense que, de ce côté-là, les évêques nous le rappellent. On ne peut pas ramener les gens à des chiffres comptables seulement en disant que deux et deux font quatre. Ce n'est pas cela. On s'adresse à des humains, à des gens qui ont une dignité et une intégrité à faire respecter, et qui ont une famille. Ce n'est pas cela qu'on a fait depuis deux ans. On a diminué les assistés sociaux. On a frappé sur la tête des assistés sociaux en mettant sur pied une police pour aller voir chez eux si c'étaient des gens corrects ou pas.

Dans mon comté, on a dit à des gens: Aïe! Vous demeurez maritalement avec une autre personne, vous n'êtes pas correct. On doit vous enlever des prestations d'aide sociale, parce que vous demeurez avec un individu qui est votre conjoint. Mais sur quel principe a-t-on établi cela? On a même ouvert des frigidaires pour savoir si c'était vrai ou pas. Voyons! C'est cela qu'on a commencé. On a commencé à diminuer l'intégrité de ces gens. On vient nous dire ensuite qu'on va les resituer quelque part, 700 000 assistés sociaux au Québec... (minuit)

C'était contraire à tout ce qu'on connaît dans la loi. Ce qu'on dit dans la loi, c'est que la personne est présumée innocente jusqu'à ce qu'elle soit reconnue coupable. Là, on a commencé par le contraire. On a établi une nouvelle attitude, une nouvelle façon de porter des jugements sur des personnes. C'est d'abord de les déclarer coupables afin de les prouver innocentes. Dieu sait si on a eu des problèmes de comté sur cette question. Les gens nous appelaient parce qu'ils ne savaient pas quoi faire. Ils

étaient démunis devant cette police qui était mise sur pied pour aller voir si quelque chose ne marchait pas.

Ils ont fait deux choses. Premièrement, la parité sociale, oubliez cela, cela n'existera pas. Pour les contributions parentales, on a beau avoir fait des grands sparages à un conseil du Parti libéral du Québec, ce n'est pas ce qui a réglé le problème, vous savez. Parce qu'au fond ce parti ou ce gouvernement essaie de faire ses propres problèmes internes pour agir ensuite comme le sauveur de la race. Après qu'ils ont créé le problème, ils disent: Écoutez, on va régler ça, nous autres. L'Opposition n'est pas là. Ah non! On essaie d'endormir tout le monde et on va régler le problème, après cela. De ce côté, le ministre ne s'est pas engagé et le problème n'est pas réglé. Jusqu'à maintenant, la contribution parentale est encore à l'état de projet.

Il est évident que je n'aborderai pas tous les côtés odieux de la loi, mais je pense que le partage du logement est un autre phénomène où on va encore aller chercher un peu d'argent chez ces gens. Mais cela représente quand même 70 000 000 $. On parle des mémoires qui ont été présentés. Encore là, il n'y en a pas beaucoup qui sont venus dire qu'ils étaient d'accord. Par la parité pour les moins de 30 ans, de la façon qu'on fonctionne, on va épargner 82 000 000 $. On convient de considérer les gens en colonnes de chiffres comptables.

Je pense qu'en rappelant la lettre des évêques on vient de dire que ce n'est pas ainsi que cela doit fonctionner. Je pense que les évêques nous donnent un message intéressant sur la façon dont on doit traiter nos frères, nos semblables, aussi. Tant mieux si nous ne sommes pas des assistés sociaux, mais il ne faut pas oublier que ces gens sont aussi de nos parents, qu'ils sont souvent de nos amis et des gens qui ont fait un apport à la société. Il ne faut pas oublier non plus que ce sont les plus démunis de notre société et une grande partie de ces gens sont des femmes. Qu'on ne vienne pas dire après qu'on va faire des politiques familiales. Que je sache, les politiques familiales ne visent pas le père, mais la famille et la famille, c'était la femme et les enfants.

On va dire qu'on veut faire une politique... Bien non. En tout cas, je vais demander des preuves un peu plus grandes. On parle du programme de soutien financier, allons-y mollo encore là. Quant au développement de l'em-ployabilité, je n'ai pas vu grand-chose depuis deux ans. Je n'ai pas vu grande innovation. On vit sur le passé de l'autre gouvernement. On se dit: Cela ne va pas si pire, allons-y. On se targue, par exemple, de créer de l'emploi. On n'a pas levé le petit doigt pour créer de l'emploi. Avant, il y avait des programmes et il n'y en a plus. Des programmes ont été éliminés complètement. Ce qu'on a fait par ailleurs, c'est qu'on a profité d'une situation pour pressurer tous les gens, leur arracher de l'argent et couper les ressources des plus démunis de notre société. Quand ils deviennent sans voix, on peut faire à peu près ce qu'on veut avec ces gens-là. Ils ne peuvent plus se défendre. Les radios communautaires ont été coupées. Tous les moyens de communication également. On a diminué les moyens de soutien aux organismes. Après cela, on peut y aller carrément et allègrement et on a satisfait les classes les plus favorisées de la société.

Stratégiquement, je peux dire que le gouvernement est extrêmement habile. Mais, au point de vue humain, ils sont des compteurs et des "conteux". Compteur dans le sens qu'ils comptent l'argent. Cela allait mal et ils ont arrangé cela dans deux ans. Mais des "conteux" d'histoires, parce qu'ils sont venus conter des histoires aux gens en disant: On va faire telle chose et telle autre. Ils ne l'ont pas fait. Il ne faut pas avoir honte de dire la vérité et d'appeler les choses par leur nom pour le proclamer très haut, parce que ces gens ne pourront pas livrer la marchandise. Ils ont une bonne raison. Ils ont profité de toute la période électorale et avant pour faire de la démagogie. Eux qui avaient des solutions à tous les problèmes, ils sont actuellement en train de créer des problèmes à la suite même des meilleures solutions. Heureusement que nous sommes vigilants pour leur rappeler leur rôle et leurs responsabilités. De temps en temps, on réussit à les faire marcher un peu. Mais attention! Pas vis-à-vis des assistés sociaux. Il n'y a pas eu de démarches suffisantes. Parce que, dans cette action, il demeure toujours que les plus démunis vont demeurer encore les plus démunis et ils vont rester encore sans voix. On ne leur donne pas une voix en proposant ou en acceptant ce qui est proposé là.

Mon propos est justement de ne pas parler trop de chiffres, je pense bien qu'on en a entendu parler suffisamment. Il va bien falloir philosopher un peu là-dessus parce que les gens ont droit, comme je l'ai dit tout à l'heure, à leur dignité. Donc, il faut qu'on fasse la promotion des droits des personnes assistées sociales, qui doit se faire sur d'autres bases. Il est vrai que le travail est ennoblissant, mais ce n'est pas tout. Pour travailler, pour gagner sa vie, pour sa reconnaissance sociale au point de vue du statut, le travail est important, mais ce n'est pas seulement cela qu'on doit favoriser. Il faut que la dignité des personnes soit respectée et développée.

Aussi, je pense que la lettre des évêques est très explicite là-dessus: "La responsabilité devient un leurre si elle ne permet pas à la liberté de s'exercer et à la personne de prendre des initiatives. L'équité n'est pas une excuse pour appauvrir un plus grand nombre de personnes. Elle est une mesure qui fait de la poursuite des droits humains une priorité." Ce n'est pas n'importe qui qui dit cela. Peut-être que des gens peuvent sourire parce qu'on cite les évê-

ques, mais il faut toujours bien parler de gens qui sont en contact régulièrement avec la misère humaine et avec les grandeurs et les misères de la société. Ces gens-là prennent la peine de réfléchir et je ne pense pas qu'il soit question de faire de la politique avec cela. Ce qu'ils veulent, c'est de s'inscrire dans une démarche vers l'autre, une démarche qui tient compte d'abord des individus, une démarche humaine. Peut-être qu'ils ont une démarche un peu plu^ grande mais, humainement parlant, on ne peut pas dire que ces gens-là ne donnent pas un avis important.

Je veux aussi rappeler un autre point de leur lettre. Ils disent: "Si nous analysons la situation à partir de la perspective des personnes les plus démunies, une conclusion s'impose: la nécessité de retirer l'actuel projet de réforme de l'aide sociale, une véritable politique de sécurité..." On proclame cela depuis des semaines, notre collègue de Maisonneuve l'a fait avec beaucoup d'à-propos. Elle est, de ce côté, soutenue et par le parti et par l'ensemble des assistés sociaux et par beaucoup de gens qui ne sont pas des assistés sociaux, mais qui comprennent ce qui se passe dans notre société. "Une véritable politique de sécurité du revenu appelle une reprise de la question sur d'autres bases. Nous avons retenu, entre autres, certains éléments déjà formulés par de nombreux groupes en commission parlementaire."

Qu'est-ce qu'on retient dans cela? Si on veut régler le problème des assistés sociaux, si on veut qu'ils se remettent au travail... Quand on parle de travail, on parle de régler le problème globalement, on parle d'une politique de plein emploi; cela, par exemple, ce serait quelque chose qu'on pourrait faire marcher. N'oublions pas que si on compare... Quand on était au gouvernement, on était souvent comparés à l'Ontario et on peut les prendre encore comme base. L'Ontario s'appelle encore l'Ontario, même si le gouvernement libéral est ici et même si le gouvernement libéral est en Ontario. Dans les résultats, il y a deux fois plus de chômeurs au Québec. Dans la région de Montréal par rapport à Toronto, trois fois plus de chômeurs à Montréal. Aie! Ce ne sont pas des perspectives bien encourageantes. On est rendu qu'on accepte, comme gouvernement, des taux de chômage de 7 %, 8 % ou 9 %. Le gouvernement dit qu'il est heureux de cela, parce qu'il ne pose pas d'actes officiels.

Donc, ce que disent nos évêques: Politique réelle et créatrice de plein emploi qui devrait conduire à réévaluer les choix économiques et technologiques; programme de formation de l'ensemble de la main-d'oeuvre pour faire face aux nouvelles méthodes de travail. On vit cela. Les grosses compagnies, qu'est-ce qu'elles font actuellement? On connaît ce qui se passe. Actuellement, c'est de produire plus, rationaliser les activités. Moralité, ou ce qui se passe dans les faits: les gens prennent la porte de l'usine; donc, on crée de nouveaux chômeurs. L'usine dit: Non, nous allons faire... Notre rôle social, cela se limite à cela, c'est de faire profiter nos actionnaires. On n'a plus de rôle social à jouer.

Je peux vous rappeler une déclaration du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Paradis: On va forcer, obliger ou inciter les compagnies à s'embarquer dans la démarche de créer de l'emploi pour les assistés sociaux. Si les compagnies le font, savez-vous pourquoi elles vont le faire? Parce qu'elles vont y trouver leur profit. Ce que les compagnies disent carrément, c'est: Notre rôle social, ce n'est pas de créer de l'emploi, c'est de faire vivre nos actionnaires. On est là pour faire des profits. Dieu sait si on le fait bien et beaucoup! On ne dit pas que c'est malsain, que ce n'est pas correct, mais ne rêvons pas en couleur; basons-nous sur des faits. Si on veut développer le Québec, te gouvernement a son mot à dire, mais ce n'est pas en disant que l'emploi va se créer qu'il se crée automatiquement. (0 h 10)

Cela fait deux ans qu'on dit: Faites attention la politique de plein emploi ou d'emploi qu'il y a là, elle est en partie artificielle. Est-ce qu'on peut continuer la construction comme elle se fait, actuellement? Moi, je prétends que non. Il y a des cycles, il y a des hauts et des bas. Une réforme de la fiscalité qui avantage les familles et les personnes à faible revenu, c'est aussi des éléments importants. On parle de politique familiale, cela doit entrer en ligne de compte. Une réforme de l'aide sociale doit être basée sur les besoins réels des personnes et définie en fonction d'un seuil reconnu de pauvreté. Je ne pense pas que les quatre éléments que je viens de citer se retrouvent dans la réforme sociale qui est devant nous. De ce côté, on manque le bateau.

La réforme projette plus de contrôles et d'appauvrissement pour les plus pauvres alors que le gouvernement accepte de retirer graduellement - je cite cela de "Relations" - du monde des affaires tout contrôle social et étatique. Elle opère aussi un détournement des valeurs car on y parle de travail, de responsabilité et même d'équité, mais de façon abstraite, sans garantir les conditions concrètes qui les rendent possibles.

Voyez-vous, dans les textes sur lesquels je m'appuie, il y a une affinité. Actuellement, on dit, on va créer du travail et on ne donne aucune mesure pour le faire. On pense que cela va arriver spontanément. Nos évêques nous disent, parlons donc d'une politique du revenu, ce serait beaucoup plus efficace. Des pauvres il y en aura probablement toujours. On dit: II va y avoir des aptes et des inaptes mais avec trois contrôles pour savoir si quelqu'un est apte ou inapte. Et, le gouvernement qui disait: Moins de contrôle! Oui, c'est vrai, moins de contrôle pour les riches et plus pour les pauvres. La preuve, depuis deux ans et demi on la vit dans cette

Assemblée et on la vit sur le territoire du Québec. Mais il y a des gens qui auront à répondre de leurs actes dans ce gouvernement, il y a des gens qui auront à rencontrer ces gens pour qui on légifère. Il ne faut jamais oublier que le pouvoir n'est pas là au profit de ceux qui l'exercent mais au profit de ceux qui nous ont élus, ceux pour lesquels on a besoin de l'exercer. À ce que je sache, actuellement, on est en train de faire plaisir à un groupe très privilégié de notre société et les plus démunis, malheureusement, ce sont des gens oubliés.

Quant à moi, je dis non à cette réforme sociale, c'est impensable, inacceptable, ignoble et ignominieux. Le ministre Paradis, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, devrait refaire ses devoirs et entendre la voix de la raison. S'il ne peut pas entendre cette voix, qu'il entende au moins la raison du coeur; c'est celle-là, peut-être, qui est la plus importante, celle-là pour laquelle il serait le plus apprécié et le plus aimé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Dubuc.

M. Hubert Desbiens

M. Desbiens: Merci, M. le Président, dès le départ, je voudrais féliciter notre collègue, la députée de Maisonneuve, pour avoir, de la façon qu'elle l'a fait, si bien éclairé les membres de notre formation politique sur les conséquences du projet de loi 37, conséquences qu'on peut qualifier de désastreuses pour nos concitoyens et nos concitoyennes qui sont actuellement parmi les plus démunis de la société. Je voudrais la féliciter, également, d'avoir su canaliser, lors des audiences en commission parlementaire, de même que dans les études et les travaux qu'elle a effectués, préparés et les solutions qu'elle a proposées qui permettent une meilleure... Le projet de loi 37 du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aura nécessairement comme conséquence de rendre encore plus pauvres des gens pauvres face à un autre groupe toujours de plus en plus riche.

Ce projet de loi 37, il faut tout de même le situer dans son cadre. Pour cela il faut revenir aux années soixante où on avait une conscience de la vie en société, courant qui s'était manifesté, qui avait été mis de l'avant de façon très claire par l'ex-président Kennedy, aux États-Unis, dans sa guerre à la pauvreté. On disait, à cette époque, aux États-Unis: La pauvreté est mauvaise et il faut l'extirper du tissu social.

De cette volonté des dirigeants et du peuple américains sont nées toutes ces mesures de redistribution de la richesse au profit des citoyens les plus pauvres. Tous ces programmes d'accès à l'égalité qui ont pris naissance, même les campagnes contre la ségrégation raciale, la discrimination, tout cela a été le fruit de cette volonté de considérer que la société avait une responsabilité à l'égard de l'ensemble de ses membres. C'était une façon de penser et de concevoir la société de l'époque.

Au Québec, à cette même époque et en accord avec la recommandation du rapport Boucher de 1963, l'aide sociale a été considérée, à partir de 1969, comme un droit pour toute personne démunie, quelle que soit la cause de son indigence. Notre société reconnaissait alors implicitement que la pauvreté avait des causes économiques et sociales. L'Assemblée des évêques du Québec nous l'a très bien rappelé, à nous tous comme législateurs, lorsqu'elle a présenté le message de son comité des affaires sociales.

C'est autour des années 1979-1980 que s'est développée aux États-Unis cette tendance inverse considérant qu'il y avait... Cela s'est manifesté avec l'arrivée d'un monsieur dont le nom ne nous est pas familier, mais qui est là quand même et qui est à la direction de la Banque centrale américaine, M. Paul Wolker. Son but était très précis, c'était de faire prévaloir les intérêts des grandes banques d'investissement, d'où la naissance de ce qu'on a appelle, ce qu'on connaît aujourd'hui, le "reaganisme".

C'est à partir de 1979 que la politique américaine va viser à accroître le capital financier, quel que soit le prix pour l'économie réelle et les conséquences sociales pour la population américaine. On s'est retrouvé avec un slogan différent, celui de M. Reagan, qui disait, lui: Ce n'est pas la pauvreté qui est mauvaise, c'est le pauvre, alors il faut l'extirper de la vue sociale.

On se retrouve aujourd'hui au Québec avec le projet de loi 37. 300 ans après l'arrêt de Louis XIV qui reconnaissait le comité des pauvres dans la colonie, notre gouvernement autorise le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à proposer la transformation des bureaux de l'aide sociale en centres de recyclage de la population classée inactive. C'est le projet de loi 37. C'est un projet de loi qui est antisocial. C'est un pur re{eton du "reaganisme" américain. Déjà, aux États-Unis, à peine huit ans après cette vague "reaganienne", on se rend compte des effets très négatifs de cette politique. Il y a de plus en plus de pauvreté aux États-Unis. Ici, maintenant, alors que là-bas déjà on se rend compte de l'erreur sociale qui a pu être causée, le gouvernement actuel, le gouvernement libéral, tente d'imiter cette mauvaise politique. (0 h 20)

M. le Président, comment parvenir à faire accepter par la population une telle politique? C'est en faisant en sorte que les gens qui doivent avoir recours à l'aide sociale... Ce droit qu'on leur reconnaissait dans nos lois mêmes de l'aide sociale, on veut leur enlever. Aujourd'hui, on veut les traiter d'aptes et d'inaptes. On veut dire: S'il y en a une catégorie de gens qui ne sont pas capables du tout de travailler, on va les considérer comme des inaptes. Eux auront droit à des bénéfices, sans même demander, sans

même se poser la question à savoir si... On sait qu'il y en a, parmi les gens qui ont des inaptitudes physiques, des handicaps physiques ou même intellectuels dans une certaine mesure, qui ont la capacité justement et qui veulent être productifs dans une certaine mesure, qui veulent participer au développement de la société québécoise, qui ne veulent pas être rejetés et mis dans le coin comme des parias dans la société québécoise. On ne se pose même pas la question. Le ministre ne se pose pas cette question. Il va les classer inaptes. Eh bien! vous autres, du travail... Quand on sait que ceux et celles qu'il aura classés comme aptes n'en auront même pas et, à partir du moment où l'on se parle, ils n'ont même pas la possibilité de se trouver un emploi parce qu'il n'y en a pas!

Le ministre ne parle pas non plus, en même temps qu'il veut comme cela relancer au travail tous les gens qui reçoivent de l'aide sociale, il ne parle même pas de politique de plein emploi. Vous êtes coupables, c'est à vous autres de vous débrouiller, on va vous responsabiliser, si vous ne voulez pas le faire vous-mêmes, on va vous forcer à le faire en vous coupant les vivres. C'est à peu près à cela que cela se résume.

Comme le disent les évêques dans le même message que je mentionnais tantôt, dans le projet de réforme, on fait appel à des valeurs qui ont des résonances chez un grand nombre d'entre nous. On y parle de travail, de responsabilité et même d'équité pour les plus pauvres. Mais il ne suffit pas d'en parler, comme le disent les évêques, pour que le bien commun soit atteint. On parle d'inciter les pauvres au travail, alors qu'on sait bien que le nombre d'emplois existants n'est pas suffisant. On parie de l'épanouissement que procurera le travail, mais sans se préoccuper des conditions concrètes du marché de l'emploi.

Je cite toujours le même message des évêques, M. le Président: L'incitation au travail devient ainsi abstraite, coupée de fa réalité. Pourquoi faire croire aux gens qu'on va prendre des mesures d'employabilité? Pour que ces mesures puissent exister dans le concret de la vie quotidienne, il faudrait au moins qu'il y ait des possibilités pour ces gens d'avoir ou de trouver un emploi quelque part. Je poursuis: Elle ne peut profiter qu'à certaines compagnies qui seront trop heureuses d'avoir une main-d'oeuvre à bon marché.

Le ministre dit bien, dans sa réforme, que celle-ci vise à établir un écart raisonnable entre les prestations qui leur seront versées et le revenu des chefs de famille employés au salaire minimum! Quand on sait à quel taux se situe le salaire minimum. En passant, j'écoutais le ministre, dans le discours qu'il prononçait il y a deux jours sur son projet de loi, dans la présentation de son projet de loi, parler de l'augmentation du salaire minimum et présenter les augmentations récentes du salaire minimum depuis que ce gouvernement est au pouvoir, et il comparait le record du gouvernement actuel dans l'augmentation du salaire minimum avec celui du gouvernement du Parti québécois. Je crois que le ministre, comme il l'a fait dans ce même discours, comme il a aussi tronqué des textes de M. Parizeau, a aussi tronqué la réalité. Si on compare des choses comparables, des périodes comparables, il faudra que le ministre vérifie ses chiffres. On se rend compte que la réalité est bien différente de ce qu'il a avance.

Aujourd'hui même, au moment où l'on se parie, il y a 28 mois que ce gouvernement a pris le pouvoir, ou environ. Après une période de 28 mois aussi lors du premier mandat du Parti québécois, on constate, M. le Président, que le salaire minimum, dans les 28 premiers mois du gouvernement du Parti québécois, a été augmenté de 20,9 %, alors que l'augmentation du salaire minimum accordée par le gouvernement libéral actuel est de 13,75 %. L'augmentation prévue pour l'automne n'atteindra même pas, après presque trois ans, 34 mois, le niveau d'augmentation atteint sous le gouvernement du Parti québécois dans une période de deux ans et demi après sa prise du pouvoir en 1976. L'augmentation annoncée pour octobre portant le salaire minimum à 4,75 $ représentera une augmentation, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, de 18,75 % seulement, alors que, comme je le mentionnais tantôt, pour une même période, le gouvernement du Parti québécois l'avait augmenté de 21 %.

C'est la réalité. C'est l'augmentation dont il se vante. Il faut remonter à Duplessis pour trouver pire que cela, un premier ministre du Québec que les rouges haïssaient tant. C'est de cet ordre que le gouvernement actuel augmente le salaire minimum. Donc, s'il trouve que ces augmentations - et on est en période de vaches grasses, il ne faut pas l'oublier - ne sont pas valables, quelles sortes d'emplois y aura-t-il et à quelles conditions les gens vont-ils recevoir de l'aide sociale? il y a un autre point que je voudrais rappeler, M. le Président, et qui m'apparatt important. Avec le peu de temps qu'il me reste, je vais en faire une lecture plus simple. Plus on lit, plus on relit, plus on écoute ce message très actuel et très concret de l'Assemblée des évêques du Québec, plus on a, je crois, un guide assez actuel quand ils parlent des droits des personnes exclues: "Dans cette perspective - disent-ils - nous voulons rappeler avec de nombreux témoins du milieu québécois que les personnes exclues de notre société, celles que l'on classe facilement parmi les perdantes, nous permettent de voir autrement l'avenir de notre société. Ces femmes et ces hommes demeurent nos soeurs et nos frères. De par leur lutte et leurs efforts quotidiens, ils dénoncent une organisation économique et sociale qui voudrait en faire des objets interchangeables. Ils refusent ce que nous devons tous et toutes refuser, à savoir l'érosion de notre dignité et de notre liberté." C'est

toujours en relation avec te projet de réforme que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous propose. "Nous affirmons - continuent-ils - que la promotion concrète des droits des personnes assistées sociales doit se faire sur d'autres bases. Le travail, si important soit-il pour assurer sa subsistance et sa reconnaissance sociale, n'est pas absolu. " Remarquez bien qu'ils soulignent le mot "travail" parce qu'on a beaucoup tendance aujourd'hui à mélanger travail et emploi. Il doit respecter et développer la dignité des personnes. Donc, ce n'est pas tout de pouvoir occuper un emploi, il faut que ce soit un emploi et un travail qui... C'est un fait dont doivent tenir compte les législateurs, puisqu'on est élus justement pour adopter des lois qui cherchent à répartir équitablement la richesse au Québec. Ce sont des situations et des droits qu'il faut respecter. Donc, on doit respecter la dignité des personnes. "La responsabilité devient un leurre si elle ne permet pas à la liberté de s'exercer et à la personne de prendre des initiatives. L'équité n'est pas une excuse pour appauvrir un plus grand nombre de personnes. Elle est une mesure qui fait de la poursuite des droits humains une priorité. " Je pourrais poursuivre ainsi longtemps. Sans doute que d'autres ont pu le lire. J'espère que beaucoup l'ont lu et qu'ils prendront conscience de ce message des évêques du Québec.

Le ministre est arrivé dernièrement avec de supposés amendements à son projet de réforme, sauf que ces amendements restent nettement insuffisants. Comme le qualifiait ma collègue, la députée de Maisonneuve, les modifications apportées à ce projet de loi par le ministre ne changent rien à la réalité du projet de loi 37. Autant dans ses fondements que dans ses modalités, ce projet de loi empire la réforme proposée, autant avec le test d'invalidité qui est encore plus restrictif qu'avec la question des mises en tutelle des femmes chefs de familles monoparentales. (0 h 30)

Alors, une simple lecture, je crois - en terminant, M. le Président - de ce projet de loi 37 confirme à quel point les amendements qui ont été amenés par le ministre, qui ont été présentés jusqu'à maintenant sont absolument insatisfaisants. Le gouvernement fait fausse route, tout en prétendant réformer sa réforme, sans la modifier véritablement. D'ailleurs, en vertu des articles 124 à 130, le gouvernement se protège lui-même de l'impact négatif de sa réforme en reportant à janvier 1990 l'application de mesures sévèrement critiquées. Cela veut dire qu'il s'organise pour que l'application des mesures restrictives, celles qui vont faire véritablement mal aux gens qui ont à vivre de l'aide sociale, que ces mesures-là ne s'appliquent qu'après une probable prochaine élection, alors que certains des autres articles, ceux auxquels on a apporté de légères améliorations, ces articles-là prendront effet dès le 1er janvier 1989.

M. le Président, vous aurez déduit facilement que, conjointement avec mes collègues de l'Opposition, je vais voter contre ce projet de loi et nous allons poursuivre la bataille avec l'espoir que le ministre et le gouvernement comprennent finalement que ce n'est pas la façon, que ce n'est pas la vision que les Québécois et les Québécoises ont de leur société et de leur avenir. Merci.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Dans des circonstances semblables, normalement, on dit toujours: Je suis heureux de prendre la parole, M. le Président. Malheureusement, ce soir, je suis dans l'obligation de vous dire que je ne suis pas heureux de prendre la parole. Je suis même malheureux de la prendre, cette parole, dans la mesure où, hier, j'ai vécu ici à cette Assemblée, lors de la motion de report, un événement qui a été triste à ma mémoire et qui m'a grandement marqué. J'ai vu un ministre entêté qui en est finalement arrivé à utiliser des parties de texte pour leur faire dire autre chose que la réalité. Dans le dictionnaire, il y a un mot qui s'appelle "sophisme" et je vais vous dire ce qu'est un sophisme: argument, raisonnement faux malgré une apparence de vérité; entre parenthèses, on dit: implique généralement la mauvaise foi.

Le ministre en est arrivé à dire de mon collègue de Shefford, à mon collègue de Bertrand et à moi-même, que nous étions des gens qui étaient trop occupés à faire autre chose pour être capables de comprendre quelque chose. Il est allé jusqu'à dire qu'on ne connaissait rien du projet de loi. Il est presque allé jusqu'à dire qu'on était des innocents. En plus, il est allé utiliser le travail fait par ma collègue, la députée de Maisonneuve, travail formidable, extraordinaire, qu'elle a fait pour défendre les personnes les plus démunies de la société, pour ridiculiser ma collègue, la députée de Maisonneuve. J'en étais vraiment peiné, parce que l'on sait que, dans quelques jours, voire quelques heures, le ministre, qui s'entête actuellement à adopter ce projet de loi en deuxième lecture, en adoption du principe, ne sera pas celui qui va le défendre à l'étude article par article, lors de la commission parlementaire à l'intersession d'été.

Il est évident, M. le Président, que nous avons devant nous quelqu'un qui a utilisé des textes et qui les a tronqués pour faire croire à des gens des choses qui n'étaient pas vraies. Sophisme! Il a même utilisé les dires d'un de mes anciens collègues, et je le comprends de vouloir les utiliser, c'est de bonne guerre dans le travail qu'il fait, il a utilisé les dires d'un de mes anciens collègues, dis-je, qui a actuellement une émission à la radio et, de temps à autre, à la

télévision. Même si je comprends le ministre - et que je comprends difficilement et que je n'accepte pas facilement les dires de mon collègue d'autrefois - je dois dire que notre travail comme membres de l'Opposition n'est pas facile. Ce n'est pas un travail facile quand on a l'arrogance du pouvoir en face de nous, quand on a des gens qui ne veulent rien comprendre et qui, surtout, dans certaines circonstances, comprennent très bien, mais se ferment à la fois les yeux et les oreilles pour être des gens qui décident finalement d'aller dans la direction qu'ils se sont fixée.

Je me souviens que, pendant la campagne électorale, on nous faisait passer pour des gens qui ne voulaient pas telle chose parce qu'on avait le courage de nos convictions et de la vérité. J'ai toujours dit que dans, certaines circonstances - et les gens de chez moi me connaissent - j'aime mieux vivre avec la vérité que de mourir avec le mensonge.

Je dois dire qu'avant et pendant la campagne électorale, on a fait accroire des dires différents à du monde et, au fur et à mesure que la campagne avançait, sachant qu'on prendrait le pouvoir, on a changé le langage. On a dit aux jeunes de 18 à 30 ans: Nous allons vous accorder la parité inconditionnelle. C'était pendant que l'actuel ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu était membre de l'Opposition. Ces gens avaient même donné des chiffres et des textes indiquant leur position. Quand le temps de la campagne est arrivé, on a commencé à changer tranquillement. Je dois dire que ce n'est plus la même chose, maintenant qu'on est au pouvoir. Ce n'est plus ce qu'on proposait alors qu'on était dans l'Opposition qui est devant nous.

On a oublié de dire aux jeunes que la parité dont on parlait s'appliquerait désormais aux gens de 18 à 65 ans et que, pour être considérés admissibles à la parité, il leur faudrait être des gens considérés comme aptes ou inaptes. Cela s'adresse maintenant aux gens qui sont âgés de 50 ans, 55 ans, 60 arts et 65 ans. On applique donc à l'inverse ce qui était appliqué par le Parti québécois. Nous, nous avions le courage de dire: Tu es âgé de 18 à 30 ans, voici ce que tu as le droit d'avoir. Si, finalement, tu fais tel ou tel geste, tu auras la parité avec la personne de 30 ans et plus, soft le montant que reçoit la personne de 30 ans et plus.

Mais ce qu'on a fait, c'est qu'on a dit, avec la formule de la fausse parité, qu'on accordait la parité à tout le monde, mais, en même temps, on les oblige à des mesures d'employabilité, à démontrer l'invalidité d'une personne et d'imposer des mesures à toutes les personnes de 18 à 65 ans. Peut-être me dira-t-on, de l'autre côté, qu'on a fait disparaître une mesure discriminatoire. J'en conviendrai peut-être. Je suis capable de ces choses. Je suis capable de le dire comme je le pense aussi. Mais le ministre ne viendra pas me dire qu'il n'emploie pas maintenant à l'inverse les mesures qui étaient en vigueur autre- fois et qu'il impose la même chose à tout le monde âgé de 18 à 65 ans.

Le ministre veut que je le félicite. Je vais le féliciter et, après cela, on passera à autre chose. On dit, dans un texte que le ministre envoie: "Rappelons que le partage du logement ne s'applique pas aux bénéficiaires du programme Soutien financier. " Je dois dire qu'effectivement, comme député, je fais mon travail. J'ai fait valoir des points de vue au ministre. Je lui ai montré des exemples où il y avait des difficultés Le ministre a accepté de le corriger, mais il n'était pas nécessaire de le corriger pour ceux-là et d'en arriver pour tous les autres, par ailleurs, à imposer des normes et faire des difficultés à des personnes pour prouver leur non-employabilité ou leur inaptitude.

Je dois dire qu'il y a des gens qui ont présenté des mémoires à l'Assemblée nationale. Ce sont des gens du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale au Québec. Ce sont des gens que j'ai côtoyés dans mon coin. Je pense que les gens de mon milieu et les députés de ma région qui auraient pu intervenir, et qui ont décidé de ne pas intervenir dans ce débat, pourraient vous le dire honnêtement, s'ils sont comme Is me le disent privément, des gens capables de dire que le député de Laviolette, inconsidérément de la couleur politique des personnes, défend toutes les personnes de son comté. Il les défend dans la mesure aussi où on en arrive à être capable de dire que ce n'est pas parce que la personne est riche qu'on ne la défendra pas ou que la personne est pauvre qu'on ne la défendra pas. On va travailler avec ces gens. On va leur donner les moyens de parvenir à leurs droits. Je veux être capable, comme député, je veux avoir le courage et la conscience tranquille d'avoir fait mon travail. Mon travail consiste à dire qu'il y a des personnes qui sont très démunies dans la société et auxquelles des difficultés additionnelles seront causées. (0 h 40)

Le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec est une organisation provinciale de 40 groupes de membres. Ces gens estiment que la concrétisation législative des propositions contenues dans le document d'orientation aura un impact désastreux sur la santé mentale des usagers et des usagères des ressources alternatives. Il n'y a rien, disent-ils, de positif dans le fait d'être obligé de vivre avec l'étiquette de schizophrène et de non-employable pour être admissible au programme Soutien financier. Cette situation ne contribuera en rien à la réinsertion sociale des personnes psychiatrisées. Au contraire, elle ne fera qu'accentuer le handicap social que doivent subir ces personnes à cause de leurs troubles émotionnels. De plus, en plaçant la notion d'employabilité au cœur du système, le document ouvre la porte toute grande à l'arbitraire, puisque l'expertise devient quelque chose de central; en matière de santé mentale,

donc, le pronostic psychiatrique ne s'est jamais révélé scientifique. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait. Donc, cette absence de prise en considération du contexte social est présente tout au long du document, à tel point que la notion même de pauvreté est évacuée. Sous prétexte que les personnes au bas de l'échelle sociale doivent se prendre en charge, nous voilà rendus, donc, à discuter des propositions qui, loin de contribuer à soulager la misère, ne feront que l'aggraver. Les personnes psychiatrisées, nous disent-elles, veulent travailler comme la majorité de assistés sociaux, mais pas dans des conditions comme celles qui leur sont proposées.

J'ai eu l'occasion de défendre, même dans mon coin, auprès de la ministre de la Santé et des Services sociaux, un groupe d'ex-psychiatri-sés qui ont voulu se prendre en charge parce que le député de ma région, de ce comté, ne voulait rien savoir d'eux. C'est moi, comme député voisin, qui les ai amenés auprès de la ministre pour les aider. Je dois dire que c'est cela, le travail d'un député, c'est de s'occuper des personnes, quels que soient les inconvénients, quelles que soient les incapacités dans lesquelles elles se trouvent.

Un autre mémoire est présenté par la Confédération des organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec. Le présent mémoire analyse les répercussions du projet de réforme de la Loi de l'aide sociale auprès de l'ensemble des personnes handicapées, actuellement ou potentiellement bénéficiaires de ce régime. Pour ce faire, il procède tout d'abord à une analyse critique des objectifs et des grandes orientations proposés par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en soulignant la conception de départ biaisée et l'approche fragmentaire du projet de réforme. En effet, pour eux, la réforme proposée fait d'une politique de dernier recours, c'est-à-dire celle de l'aide sociale, une politique de développement à l'employabilité et de création d'emplois.

Le document va donc par le fait même, d'après ces gens, semer une confusion supplémentaire entre les notions de plein emploi et de sécurité du revenu qu'il ne traite, ni l'une ni l'autre, de façon satisfaisante. La réforme dépasse donc, en fait, le simple cadre de la Loi sur l'aide sociale et devrait se faire de concert avec la réforme fiscale et la mise en place de la politique familiale.

La réforme ignore totalement les principes contenus dans le document À parts égales, politique d'ensemble du gouvernement du Québec sur l'intégration sociale des personnes handicapées et sur la prévention des déficiences. Le concept central de la réforme, employable versus non employable, relié à la détermination de l'aptitude ou de l'inaptitude au travail reflète mal la réalité de vie des personnes handicapées. La réforme tombe dans le piège commun associant, par le fait même, état de santé et handicap qui sont deux concepts faisant référen- ce à des réalités fort différentes. Encore une fois, on assiste à la prédominance du modèle médical qui fait fi d'une approche globale de la personne.

Le mémoire examine et évalue, en plus, les impacts du projet de réforme sur l'ensemble des personnes handicapées en termes de perception publique négative de leur capacité de travail, de non-reconnaissance de leur statut de travailleur particulièrement en milieu adapté avec emplois subventionnés et de non-reconnaissance de la nécessité de compenser universellement les coûts reliés à leurs déficiences ou limitations fonctionnelles.

Donc, les problèmes qui sont soulevés par l'instauration des trois nouveaux programmes, Soutien financier, APTE et APPORT, sont, par la suite dans le mémoire, soulignés avec comme toile de fond l'analyse effectuée dans le mémoire sur les objectifs et grandes orientations de la réforme et la perspective de leur application auprès des personnes handicapées.

Je pense qu'on en arrive à faire ressortir, finalement, les principales lacunes de la réforme au point de vue de la réponse aux besoins réels des personnes handicapées en soulignant, entre autres, le risque de les voir confinées de façon permanente à un statut d'employable ou d'inapte à faire un travail quelconque.

M. le Président, si j'ai voulu souligner ces deux parties, si j'ai voulu insister davantage, c'est parce que dans mon coin, il y a des gens qui vivent cela tous les jours. Ce sont des gens que je rencontre dans mon comté, des gens que j'ai vus et dont j'ai pris la défense jusqu'à la Commission des affaires sociales. Une personne avait eu un accident dans sa vie; elle était handicapée de la ceinture en descendant et était dans une chaise roulante. À l'époque, on avait mis en place du côté fédéral des programmes Canada-travail et, du côté du Québec, des programmes identiques qui ont permis à cette même personne handicapée de trouver un travail convenable pour sa santé. Cette personne s'est retrouvée, à l'époque, en raison de gestes posés par des gens qui faisaient leur travail de fonctionnaire, parce que la seule personne qui voulait en prendre soin était une femme et que, lui, était un homme, cette personne s'est retrouvée dans des conditions telles que finalement elle s'est vu tout couper malgré le travail que la commission scolaire et que le député du coin avaient fait pour lui trouver une maison adaptée. La commission scolaire, à ce moment, avec les cours donnés aux étudiants en électricité, en menuiserie et dans d'autres secteurs, avait la possibilité de tirer au sort des personnes qui pouvaient être aptes à avoir une maison. On avait dit à la commission scolaire: Prenez donc, cette année, cette personne qui est incapable, construisez-lui une maison à son niveau, avec les capacités qu'elle a. Finalement, une personne a pris soin d'elle. Qu'est-ce qui est arrivé en fin de compte? On l'a coupée.

Qui nous dit que dans l'avenir des choses semblables ne se produiront pas? Il a fallu prendre ce cas, aller en révision; de la révision, aller à la Commission des affaires sociales en appel et, finalement, en arriver à ce que cette personne obtienne de la part du juge un jugement humanitaire. Humanitaire comme le ministre de l'Éducation nous dit souvent. Considérez l'humain. Humanitaire, parce que le juge a dit: Jugez donc avec votre tête et non pas avec des règles et des règlements! Finalement, il a donné raison à la personne. Ce ne sont pas des conditions que l'on ne retrouvera pas dans l'avenir, M. le Président, on va en trouver tous les jours des cas comme celui-là. C'est cela que la réforme, par ses termes d'employable et de non employable, d'apte et d'inapte au travail, risque de faire parce que la personne sera considérée au départ comme devant faire la preuve de ces réalités. C'est dans ce sens que nous allons continuer à faire notre travail et que nous voulons intervenir.

Le projet de loi qui nous est présenté ne répond malheureusement pas à l'ensemble des besoins des personnes en difficulté. Ce sont des personnes qui n'ont pas demandé à être à l'aide sociale. Ce sont des personnes pour lesquelles, comme je l'ai fait encore la semaine passée, on doit aller directement à la Commission des affaires sociales faire un appel spécial parce que la décision qui est rendue au bureau local et au bureau de révision fait en sorte que la personne est considérée, parce que, semblerait-il, des rumeurs ont circulé qu'elle avait un petit ami... Vous savez ce que c'est, M. le Président? Vous en avez certainement chez vous aussi. Qu'est-ce qui est arrivé? Cette personne a deux enfants. Cette femme est chez elle actuellement sans aucun moyen de subsistance. Il faut faire un appel spécial en vertu de l'article 22 de la Loi sur la Commission des affaires sociales pour au moins lui donner de l'argent en attendant que l'appel, qui pourra prendre un an, deux ans et dans certains cas même trois ans, soit entendu. De quoi va vivre cette personne? À quel désespoir allons-nous la confiner?

Alors, au lieu de chercher à pénaliser ces personnes qui n'ont pas choisi et qui dans bien des cas sont dans des difficultés telles... Je ne dirai pas que tout le monde est pareil, pas plus que je ne le dirai de l'autre côté pour les riches. J'en connais, on en connaît des gens qui essaient de frauder de toutes les façons possibles, à quelque niveau que ce soit. Ce n'est pas de cela que je veux discuter. Je veux discuter des personnes qui en ont vraiment besoin, qui font appel dans chacune de nos paroisses a l'aide apportée durant le temps des fêtes, au Noël des pauvres, au Noël des nôtres, qu'on a chez nous, aide à laquelle on participe tous pour leur venir en aide durant l'année. Ces personnes ont des difficultés et se sentent harcelées continuellement en raison de rumeurs publiques. C'est de ces gens que je veux parler, M. le Président, ce soir et dont je vais prendre la défense. Les personnes handicapées, dans certains cas, ont certaines difficultés parce que ce ne sont pas tous les handicapés qui sont visibles. Il y a des personnes qui, dans certains cas, comme celle qu'on est en train d'aider dans un secteur de mon comté... Parce qu'il y a un conflit syndical, on est en train de mettre cette personne sur le bien-être social avec deux enfants et une femme. Je pense que ce n'est pas cela qu'on recherche et ce n'est pas ce que devrait rechercher une réforme globale. (0 h 50)

Fausse réforme de la sécurité du revenu; fausse parité aux jeunes de 18 à 30 ans; manque à des promesses électorales qui, dans certains cas, vont voir leur aboutissement après la prochaine campagne électorale quant aux méfaits de la réforme, et avant, quant aux bienfaits de la réforme. C'est dans ce sens-là que nous voulons intervenir, M. le Président, pour faire comprendre au ministre, mais surtout au gouvernement parce que, je le dis et je le répète, ce n'est peut-être même pas le ministre qui va défendre le projet article par article dans les semaines qui viennent, parce qu'il doit changer son fusil d'épaule et écouter le message donné par les évêques du Québec, qui indiquent et qui disent, comme les avocats de l'aide juridique qui vivent constamment avec des cas comme ceux que j'ai donnés tout à l'heure, que des problèmes majeurs vont surgir; que le ministre prenne donc encore un peu de temps. C'est ce qu'on lui proposait hier comme rapport. Le ministre a utilisé son temps pour faire toutes sortes de choses, pour se faire applaudir par tout le monde, mais dans le fond, il est capable de reconnaître qu'il est allé un peu trop loin. Sa pensée a peut-être été emportée par le moment, ou peut-être voulait-il recevoir des applaudissements, se sentir un peu appuyé par ses collègues; mais en réalité, il sait très bien que même parmi eux il y a des gens qui n'acceptent pas la réforme telle que présentée et qui demandent des amendements majeurs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Alors, à ce moment-ci, je vais céder la parole au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Pierre Paradis (réplique)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. Dans le cadre de cette réplique, à l'occasion du débat sur la deuxième lecture, sur l'adoption du principe du projet de loi 37, projet de loi sur la politique de sécurité du revenu, il m'apparaît nécessaire d'exposer de nouveau les principes qui sous-tendent le projet de loi qui est devant nous. À la lumière des interventions des députés de l'Opposition, je crois que cet exercice demeure nécessaire, voire essentiel, puisqu'ils ont démontré non pas une mauvaise

foi, mais une mauvaise connaissance et une mauvaise compréhension du projet de loi 37. La politique de sécurité du revenu, M. le Président, comprend trois volets. Le volet Soutien financier, le volet APTE, Actions positives pour le travail et l'emploi, et le volet APPORT, Aide aux parents pour leur revenu de travail.

Le programme Soutien financier, M. le Président, s'adresse à environ 100 000 ménages qui sont affectés d'un état de santé physique ou mental altéré, donc qui sont dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins de base. Pour chacune de ces personnes, pour chacun de ces ménages, nous voulons ajouter environ 1000 $ par année à leurs prestations actuelles. L'objectif du programme Soutien financier, objectif que vous connaissez bien, M. le Président, est de traiter plus équitablement les plus démunis de la société. Par l'adoption des principes du projet de loi 37, le gouvernement indique sa volonté ferme d'investir dans l'équité pour les plus démunis en ajoutant 100 000 000 $ de plus que l'enveloppe budgétaire déjà affectée à ce programme. Nous verrons tantôt, M. le Président, si les députés du Parti québécois sont d'accord pour ajouter 100 000 000 $ de plus pour les plus démunis ou s'ils s'opposent à plus d'équité pour les plus démunis.

Le deuxième programme, M. le Président, Actions positives pour le travail et l'emploi. Ce programme s'adresse à quelques 250 000 ménages considérés employables. Les bénéficiaires de moins de 30 ans ne seront plus victimes de la discrimination préconisée et appliquée par l'ancien gouvernement. Les bénéficiaires aptes seront incités à participer à des mesures de développement de l'employabilité, tel des travaux communautaires, du rattrapage scolaire, des stages en entreprises. Les objectifs du programme APTE sont: accorder la parité aux moins de 30 ans et inciter et réintégrer les personnes aptes au marché du travail. Avec l'adoption du principe du projet de loi 37, le gouvernement indique sa volonté ferme d'investir dans la formation des bénéficiaires en y consacrant jusqu'à 450 000 000 $ supplémentaires comparativement au système actuel. Nous verrons si l'Opposition vote pour ou contre ce principe contenu dans le projet de loi tantôt.

Le troisième volet de la politique de la sécurité du revenu, le programme APPORT, Aide aux parents pour leurs revenus de travail, s'adresse à quelque 45 000 familles à faibles revenus, dont 24 000 familles monoparentales. Il apporte un supplément mensuel au revenu de travail des familles à faibles revenus, dont les frais de garde pourront être payés jusqu'à 50 %. L'objectif de ce programme est d'inciter et de maintenir au travail les familles à faibles revenus. Avec l'adoption du principe du projet de loi, le gouvernement indique sa volonté ferme d'encourager les travailleurs et les travailleuses à faibles revenus à conserver leur emploi, en y consacrant quelque 45 000 000 $ supplémentaires, comparativement au programme SUPRET actuellement en vigueur. Nous verrons tantôt si l'Opposition vote en faveur ou contre un tel principe.

Ainsi, M. le Président, vous aurez compris, de toutes les discussions qui ont lieu pour l'adoption de principe de ce projet de loi, qu'il y a des consensus qui sont déjà établis entre nos amis d'en face et le gouvernement. Il y a un consensus sur la nécessité de réformer le système de l'aide sociale. Le député de Laviolette nous mentionnait tantôt des cas aberrants, qui sont une suite logique de l'application de la loi actuelle. C'est parce que nous connaissons également des cas aberrants, M. le député, que nous préconisons également, comme vous, une réforme de l'aide sociale. Là-dessus, je crois sincèrement qu'il y a entre les deux formations politiques un consensus clairement établi.

Il y a également un consensus, du moins entre le chef du Parti québécois, M. Jacques Parizeau, et la formation politique que nous représentons, sur la nécessité d'assurer une saine gestion du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Donc, deux consensus préalables qui, comme nous le verrons plus loin, sous-tendent certains consensus et certaines différences entre les partis politiques en cette Chambre quant à l'application de la réforme de la sécurité du revenu.

Je vous rappellerai rapidement, M. le Président, les grands principes qui guident notre politique de sécurité du revenu. Un consensus est déjà établi, comme je l'ai déjà indiqué, entre le chef du Parti québécois, M. Parizeau, et le Parti libéral du Québec quant à la majorité de ces grands principes. Consensus entre le gouvernement libéral et le chef du Parti québécois alors qu'il était ministre des Finances et qu'il avait élaboré un peu son testament, comme ministre des Finances, le livre blanc sur la fiscalité des particuliers, livre blanc que devrait lire le député de Laviolette au cours de la période estivale, de façon à nous revenir avec des discours beaucoup plus axés dans le sens de la politique de son chef, ce qui éviterait de le mettre en contradiction avec son nouveau chef.

Consensus donc, sur la nécessité de distinguer entre les clientèles de l'aide sociale, entre les bénéficiaires aptes et inaptes, et sur la nécessité de rendre les mesures de développement de l'employabilité accessibles à tous. Ces mesures visent la réintégration au marché du travail. Consensus également sur la nécessité que l'incitation au travail soit un principe de base dans la réforme actuelle de l'aide sociale.

Donc, quant aux principes qui sous-tendent la réforme, trois consensus se dégagent entre le chef actuel du Parti québécois, M. Jacques Parizeau, et le Parti libéral du Québec. Consensus sur la division des bénéficiaires entre aptes et inaptes, consensus sur la nécessité d'offrir à tous les bénéficiaires de l'aide sociale aptes et disponibles des mesures de relèvement de l'em-

ployabilité, consensus pour maintenir l'incitation au travail dans la politique de sécurité du revenu.

Malheureusement, là s'arrêtent les consensus avec le chef du Parti québécois, avec la formation de l'Opposition. Il reste deux principes qui sont à la base de la politique de la sécurité du revenu et qui font l'objet de désaccords profonds et sérieux. Ces principes découlent des engagements pris par notre formation politique à l'occasion de la dernière campagne électorale, engagements que nous entendons tenir. (1 heure)

Ces principes, vous les aurez devinés, M. le Président. Il s'agit d'accorder la parité aux moins de 30 ans. Vous savez que l'ancien chef du Parti québécois, M. Johnson, s'est opposé à cette parité. À l'occasion de la dernière campagne électorale, l'ensemble des députés, dont le député de Laviolette, se sont opposés à accorder la parité aux moins de 30 ans et, tout récemment, le chef du Parti québécois, M. Parizeau, allait encore un peu plus loin. Il suggérait tout simplement d'exclure de l'aide sociale les jeunes de 18, 19 et 20 ans. Il y a également, M. le Président, désaccord profond entre la formation ministérielle et le Parti québécois sur la question de traiter plus équitablement les plus démunis. Le Parti québécois se refuse, dans le livre blanc sur la fiscalité, à majorer les prestations des gens qui seraient admissibles au programme Soutien financier, des gens qui sont incapables de travailler, des gens inaptes au travail.

Vous savez que le Parti libéral propose d'augmenter les prestations de ces personnes de quelque 1000 $ par année et que, là-dessus aussi, il y a un désaccord profond entre le Parti libéral et la formation péquiste de l'Opposition. Ces deux principes d'équité pour les plus démunis, de parité pour les plus jeunes, constituent des priorités importantes pour le gouvernement libéral. Nous ne céderons pas sur ces principes et nous les défendrons avec force et énergie, parce que ce sont des principes de justice et d'équité sociale qui ont fait l'objet, comme je l'ai mentionné tantôt, d'engagements électoraux fermes de la part de l'ensemble des députés élus sous l'étiquette du Parti libéral en cette Chambre.

Je vous rappellerai, M. le Président, que, dès notre élection, nous nous sommes mis à l'oeuvre dans ce dossier de la réforme de l'aide sociale afin de présenter une nouvelle politique de sécurité du revenu. Les premiers gestes qui ont été posés ont conduit à l'assainissement de la gestion des fonds publics au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Nous avons poursuivi par la préparation de la réforme de l'aide sociale. Il y a eu la décision du gouvernement fédéral sur le rapport Forget, vous vous en souviendrez. La décision du Conseil des ministres de confier à celui qui vous parle et à son collègue le ministre des Finances le mandat de préparer une politique de sécurité du revenu qui recoupe la réforme de l'aide sociale. Il y a eu, en décembre dernier, la publication du livre "Pour une politique de sécurité du revenu". Cette politique a été rendue publique le 10 décembre dernier. Il y a eu, tout récemment, M. le Président, la tenue d'une vaste commission parlementaire pendant les mois de février et mars, où une seule députée de l'Opposition a tenté de tenir le fort en l'absence de tous ses autres collègues qui vaquaient à d'autres occupations importantes.

Il y a eu la publication d'amendements majeurs, le 11 mai dernier, qui ont fait en sorte que les plus démunis ont été mis à l'abri de toute coupure, de toute mesure qu'on aurait pu qualifier de "diminuative" quant aux prestations reçues par les prestataires de l'aide sociale. Il s'agit, M. le Président, des femmes enceintes. Dans la majorité des cas, il s'agit de femmes qui s'occupent d'enfants en bas âge jusqu'à l'âge préscolaire, de personnes qui ont la charge d'enfants handicapés même si ces enfants ne fréquentent pas les institutions scolaires, de personnes incapables de travailler pour une certaine période par suite d'accidents, entre autres, de personnes de 55 ans et plus. Ces amendements ont généralement été bien accueillis par l'ensemble des observateurs sauf par l'Opposition qui tente de faire de la politique sur le dos des plus démunis.

Il y a eu le dépôt du projet de loi 37, le projet de loi que nous discutons, ce soir, et on s'apprête maintenant à terminer le débat sur l'adoption du principe dudit projet de loi. Au cours de l'automne, M. le Président, possiblement cet été, nous pourrons entreprendre l'étude article par article du projet de loi 37. En franchissant consciencieusement et avec célérité les étapes visant l'adoption du projet de loi 37, nous travaillons à permettre d'accorder le plus rapidement possible, malgré l'obstruction systématique de l'Opposition, cette parité que nous avons promise aux jeunes de moins de 30 ans et nous visons également à traiter le plus rapidement possible, plus équitablement, les plus démunis. Nous visons également, M. le Président, à inciter les personnes aptes à intégrer ou à réintégrer le marché du travail.

Je terminerai, M. le Président, par une citation d'un personnage que je respecte et que j'admire beaucoup, un personnage pour qui le geste a plus d'importance que la parole, j'ai nommé Don Elder Camara, évêque engagé et militant pour les plus démunis du Brésil. Je cite l'évêque: "Nos gestes d'assistance rendent les hommes encore plus assités sauf lorsqu'ils sont accompagnés d'actes destinés à extirper la racine de la pauvreté. C'est ce que la réforme de la sécurité du revenu vise à faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Alors, le débat étant terminé à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu,

présenté par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est adopté? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je fais motion pour reporter le vote à demain.

Le Vice-Président: On demande donc un vote enregistré, un vote par appel nominal.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: Ce vote sera reporté à notre prochaine période des affaires courantes. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner les travaux à ce matin, 10 heures.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement de nos travaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: En conséquence, l'Assemblée va maintenant ajourner ses travaux, qui reprendront ce vendredi 17 juin, à 10 heures du matin.

(Fin de la séance à 1 h 7)

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