L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 25 octobre 1988 - Vol. 30 N° 53

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures neuf minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes. Tel qu'entendu par un ordre de cette Assemblée la semaine dernière... Mmes les députées, MM. les députés. Tel qu'entendu la semaine dernière, et ce fut un ordre de cette Assemblée, je vais reconnaître M. le ministre de l'Environnement pour son droit de réplique à sa déclaration ministérielle. M. le ministre de l'Environnement, vous avez cinq minutes.

Enquête sur les problèmes et

les moyens d'élimination des déchets

dangereux confiée au BAPE

Exercice du droit de réplique M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, après avoir écouté le député de Verchères l'autre jour, s'il avait été en Chambre aujourd'hui, je lui aurais dit que la sonorité du timbre n'est pas équivalente à la crédibilité de l'argument. En criant fort, il a essayé de démontrer que la procédure que nous avons suggérée, soit une commission d'enquête par le Bureau des audiences publiques sur l'environnement, était tout d'abord causée par des actions que l'Opposition avait prises et, deuxièmement, que le cadre de l'enquête n'était pas aussi large qu'il devrait l'être.

C'est de bonne guerre de trouver critique. Tout ce que je vais dire très brièvement au critique de l'Opposition, c'est tout d'abord qu'après avoir examiné toutes les possibilités devant nous, nous avons cru qu'un organisme de la réputation et de la crédibilité, surtout dans le domaine de l'environnement, du Bureau des audiences publiques sur l'environnement était certainement l'organisme idéal pour mener ce genre d'enquête.

Deuxièmement, à tous les niveaux, cette enquête va déceler toutes les préoccupations des Québécois sur ce sujet qui est maintenant brûlant d'actualité, surtout depuis l'accident de Saint-Basile. Il est clair que l'accident de Saint-Basile - et nous reconnaissons ça tout à fait franchement, il faudrait être aveugle ou sourd pour ne pas le reconnaître - a provoqué des circonstances tout à fait nouvelles au Québec. Pourtant, ça ne veut pas dire que les décisions qui avaient été prises avant l'accident de Saint-Basile n'étaient pas des décisions justifiées en soi.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: Aujourd'hui, nous avons, au

Québec, deux choses importantes à souligner. D'abord, pour la première fois*, une politique sur l'élimination des BPC du territoire du Québec qui a été entérinée en 1987. Cette politique a été mise à jour. Tout le plan d'élimination et son échéancier ont été accélérés de façon significative. C'est une réalisation, une étape importante en soi où le Québec a pris les devants sur tout l'ensemble canadien.

Deuxièmement, il faut le constater aussi, nous avons, aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire du Québec, un entrepôt de premier ordre dans la région de Senneterre. Je sais, et la constatation se fait tous les jours, que les gens remettent en question tout l'aspect de l'entreposage dans un territoire donné. C'est ça que le BAPE va examiner. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, nous avons là un entrepôt de premier ordre qui va rester. J'espère qu'aussitôt que l'interdiction juridique sera levée, après l'appel - j'espère que ce sera ça la décision -nous aurons là un appareil tout à fait moderne, tout à fait sécuritaire qui pourra servir à l'entreposage des déchets de BPC dans cette région qui en produit elle-même des quantités et dans les autres régions avoisinantes.

C'est déjà un modèle pour nous que d'avoir cet entrepôt. On aura une banque de références pour la commission d'enquête du BAPE. Donc, de tous les chefs apportés par le député de l'Opposition, je pense qu'il n'y a pas un argument qu'on puisse retenir. Ce que le public veut, ce que la population du Québec veut, ce n'est pas des chasses aux sorcières, ce n'est pas de retourner en arrière de dix ans, quinze ans, quatre ans ou même un an, mais c'est de se servir des leçons du présent et du passé pour faire quelque chose dans l'avenir. C'est à cela qu'elle tend, c'est de résoudre le problème. Cette enquête que nous allons mener au Bureau des audiences publiques va détacher de grandes lignes de conduite, de grandes directions pour nous afin de rendre toute la question de l'entreposage permanent et de l'élimination des déchets, tant les BPC que les déchets organiques toxiques, beaucoup plus facile pour l'avenir au Québec. C'est cela que je vous soumets très respectueusement.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres déclarations ministérielles?

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission des affaires sociales et député de Laval-des-Rapides. M. le député.

Vérification des engagements financiers

M. Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui siégé les 4 et 12 octobre

1988 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour les mois de juillet 1987 à juillet 1988 et du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les mois de janvier 1987 à juillet 1988.

Le Président: M. le député de Laval-des-Rapides, votre rapport est maintenant déposé.

Toujours à l'étape du dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Taillon. M. le député de Taillon.

Consultation générale

sur le document intitulé

"Les droits économiques des conjoints"

M. Filion: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 12, 13, 18, 19 et 20 octobre 1988 afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le document intitulé "Les droits économiques des conjoints".

Le Président: M. le député de Taillon, votre rapport est maintenant déposé.

Est-ce qu'il y a d'autres rapports de commissions?

Dépôt de pétitions. M. le député de Mille-Îles.

Que les marchés aux puces puissent continuer leurs activités le dimanche

M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale du Québec par 89 359 pétitionnaires représentant les usagers, les employés et les commerçants reliés au commerce des marchés aux puces de la région métropolitaine de Montréal. Les faits invoqués sont les suivants, M. le Président:

Attendu que les marchés aux puces font partie intégrante du domaine des loisirs et du folklore québécois; attendu que les commerçants artisans qui exploitent ces comptoirs de vente n'ont pas plus de trois employés et occupent une aire de service de moins de 3000 pieds carrés, respectant ainsi le décret 165-87 concernant les heures d'affaires; attendu que les commerçants artisans opèrent depuis plus de quinze ans ainsi au su et au vu du gouvernement; attendu que ces commerçants artisans détiennent des droits acquis conformément au décret 165-87 concernant les heures d'affaires; attendu que les marchés aux puces offrent et ont toujours offert une panoplie de produits à prix démarqués dans un environnement de foire où les Québécois et Québécoises viennent se divertir en famille le dimanche, lors de la balade dominicale; attendu que cette industrie génère plus de 25 000 emplois directs ou indirects qui seraient perdus si le gouverne- ment prohibait l'ouverture de ces commerces, en amendant le règlement 165-87; et l'intervention demandée se résume ainsi: les 89 359 pétionnaires demandent à l'Assemblée nationale du Québec et aux membres de cette Assemblée de préserver les droits acquis des marchés aux puces opérant au Québec et de continuer de permettre, sans modifier le règlement 165-87 concernant les heures d'affaires, à ces petites entreprises familiales d'opérer le dimanche."

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition, M. le Président.

Le Président: M. le député de Mille-Iles, votre pétition est déposée. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de pétitions? Cet après-midi, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.

Si vous me permettez, M. le chef de l'Opposition, avant de procéder à la période régulière de questions et de réponses orales, j'avise les membres de cette Assemblée qu'après la période de questions, cet après-midi, il y aura un vote reporté sur la motion de censure présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean.

Dans un deuxième temps, je vous avise également qu'il y aura un complément de réponse par le ministre des Transports et ministre responsable du Développement régional à la suite d'une question posée par M. le député de Lévis au sujet de l'utilisation par le ministère des Transports du Québec, du lignosulfonate, tel que vous l'avez présentée la semaine passée quant à l'abat-poussière. M le leader de l'Opposition.

(14 h 20)

M. Gendron: M. le Président, sur ce que vous venez d'annoncer, il semble qu'il y a une erreur, en tout cas selon notre règlement, puisque aucune question n'a été adressée au ministre des Transports. Que je sache, le règlement permet des compléments de réponse à ceux à qui les questions sont adressées. En conséquence, on s'attend aujourd'hui à un complément de réponse de la part du ministre de l'Environnement et non du ministre des Transports, sur une question qui n'a jamais été posée de toute façon.

Ce n'est pas parce que le problème le concerne et que c'est lui qui a eu un comportement douteux dans cette question... C'est cela, la situation.

Le Président: Votre question de règlement seulement, sans porter de jugement. Question de règlement.

M. Gendron: Question de règlement. M. le Président, on vous avise tout de suite qu'on n'acceptera pas de complément de réponse de quelqu'un qui n'a pas eu de question.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: C'est une bonne question de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le Président, évidemment, si vous avez reçu un avis du ministre des Transports, c'est qu'il y a une partie de la réponse à la question qui doit venir de lui, mais je serais d'accord pour que le complément de réponse soit d'abord donné par le ministre de l'Environnement et qu'ensuite, le ministre des Transports puisse compléter. En l'occurrence, on pourrait déroger à la règle et permettre deux questions complémentaires à l'Opposition, sort une adressée à chaque ministre, si cela convient.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le ministre des Transports. Je vais vous entendre ensuite, M. le leader du gouvernement. M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): Je ne suis pas un habitué des questions de règlement mais la semaine dernière, mardi en particulier, de mon lit j'ai pu voir et entendre à la télévision le député de Lévis se lever sur une question et dire en premier lieu - et vous pourrez le vérifier au Journal des débats - "Ma question s'adresse au ministre des Transports, mais comme il est absent, je vais m'adresser au ministre de l'Environnement."

Des voix: Ah! C'est très clair.

M. Côté (Charlesbourg): C'est en vertu de cela que je veux répondre.

Des voix: C'est très clair.

Le Président: Je vais entendre une dernière intervention, mais je suis prêt à rendre ma décision. M. le leader de l'Opposition, vous voulez intervenir?

M. Gendron: Ce sera très simple, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: De tout temps, ce n'est pas parce qu'un collègue de l'Opposition qui interroge le gouvernement indique que, possiblement, si tel ministre avait été là, il lui aurait adressé sa question que cela signifie que la question qui a été posée au collègue... C'est du ministre de l'Environnement, que l'on attend un complément de réponse. Je n'accepterai pas que l'on fasse un précédent avec quelque chose qui est on ne peut plus clair dans le règlement. Si le ministre concerné pense qu'il a quelque chose à rectifier ou à rétablir, il y a d'autres dispositions réglementaires qui peuvent lui permettre de faire une déclaration ministérielle, une déclaration de fait personnel. Il y a une série d'autres éléments sur lesquels il peut s'appuyer, mais pas en complément de réponse à une question qu'on ne lui a jamais posée.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: J'ai fait une suggestion, M. le Président. Que l'on traite cela de la façon... Mais le ministre des Transports nous a rappelé qu'effectivement, la question au départ, le député de Lévis aurait voulu la poser au ministre des Transports. Je suggère à nouveau que les deux ministres puissent fournir chacun un complément de réponse et qu'on accorde ensuite une question complémentaire à chacun ou deux questions complémentaires au lieu d'une seule.

Si l'Opposition n'accepte pas ce compromis, je devrai conclure que l'Opposition préfère poser ses questions au ministre des Transports quand il est malade plutôt que lorsqu'il est ici pour répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À la suite de l'avis que j'ai reçu... À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai reçu, tel que notre règlement le prévoit, M. le leader de l'Opposition, une lettre signée par M. le ministre des Transports dans les délais requis. Nous avions également pensé qu'il pourrait y avoir des problèmes à soulever cet après-midi... Nous avons examiné la chose à l'heure du déjeuner. Il est clair que la semaine dernière, le 18 octobre 1988, lorsque M. le député de Lévis a posé sa question, c'était directement adressé au ministre des Transports. Je vais répéter la première phrase prononcée par M. le député de Lévis et qui apparaît au Journal des débats: "M. le Président, ma question était pour le ministre des Transports..."

Des voix: ...était.

Le Président: "...était pour le ministre des Transports." Un instant, un instant, s'il vous plaît! Le ministre de l'Environnement... et le député de Lévis continue: "...mais comme il y a un volet environnemental important..." Mais toute la question portait sur une matière qui est de juridiction, la décision prise par M. le ministre des Transports qui était à ce moment-là absent, tel qu'il l'a fait remarquer tout à l'heure. Tout ministre peut répondre à une question ou donner un complément de réponse lors de la période de questions s'il sent que cela relève de sa juridiction, quand la question est posée au gouvernement. Quand c'est de sa juridiction, oui. Après vérification et vu l'avis qui m'a été envoyé, je vais permettre, à la fin de la période de questions, que M. le ministre des Transports apporte un complément de réponse et je vous reconnaîtrai, en additionnelle, M. le député de Lévis, tel que le règlement le prévoit.

Maintenant, en plus de cela, il y a une offre ici qui a été faite à l'Assemblée par M. le leader du gouvernement et qui, je pense, est rejetée. Je n'ai pas à me prononcer sur cette partie.

M. Gendron: M. le Président. Très simplement, question de directive. Comme je ne peux pas en appeler de votre décision, puis-je vous demander...

M. Chevrette: On en aurait le goût, par exemple.

M. Gendron: ...M. le Président, d'indiquer au leader de l'Opposition, à tout le moins parce que cela m'intéresserait, d'avoir au moins quelques phrases écrites sur le genre de décision que vous venez de rendre et le règlement précis sur lequel vous vous êtes appuyé pour interpréter que quelque chose au conditionnel devienne présent et puisse nous permettre de vivre quelque chose que nous n'avons jamais vécu au présent comme Opposition - parce que la question de fond, on l'a posée au ministre de l'Environnement - et m'indiquer sur quel article du règlement précisément vous vous appuyez. Je veux l'avoir.

Le Président: Je suis prêt, l'article 75. Cela ne durera pas longtemps. J'ai rendu ma décision. C'est sans appel. Écoutez, vous me demandez un éclaircissement additionnel, je vais vous le donner. C'est l'article 75: "Les questions doivent porter sur des affaires d'intérêt public - c'en était une, je l'ai reconnu d'ailleurs - ayant un caractère d'actualité ou d'urgence et qui relèvent d'un ministre ou du gouvernement. Toute autre question doit être inscrite au feuilleton." Alors, c'est à partir des précédents et après avoir examiné, cet après-midi... Questions qui s'adressent au gouvernement ou qui relèvent d'un ministre." Il y a plus que cela. La question a été située par celui qui a questionné l'intervenant. Il a dit: "Ma question s'adresse au ministre des Transports, mais vu son absence... Il y a plus que cela. Je m'excuse, je voudrais terminer. Tout le fond de la question de M. le député de Lévis la semaine dernière était en ce sens qu'une décision avait été prise par M. le ministre des Transports. Alors, c'est de sa juridiction. En vertu de l'article 75, j'ai rendu ma décision. Je l'ai rendue tout à l'heure. Je la maintiens en y ajoutant l'article 75 que vous demandiez et c'est tout. Nous allons maintenant procéder. M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, je m'excuse. Cela va être très court. J'aimerais tout de même que vous donniez un éclaircissement par écrit parce qu'à l'article 80, on lit: le ministre à qui une question est posée peut y répondre plus tard. Que voulez-vous? Je ne suis pas capable de vivre avec votre décision pour l'avenir. Le ministre à qui une question a été posée. Le "à qui", c'est très clair. Ce n'est pas le ministre qui, malheureusement, est malade, c'est le ministre qui est en Chambre, qui s'appelle le ministre de l'Environnement. C'est lui le "à qui". C'est lui seul, selon le règlement, qui peut donner un complément de réponse. J'aimerais que vous me donniez quelques commentaires. Comment se fait-il que dans votre décision vous n'avez pas vu l'article 80?

Le Président: C'est justement, j'ai vu l'article 80 et je ne sentais pas le besoin de vous le donner. Tout à l'heure, quand je vais reconnaître M. le député de Lévis, en additionnelle ou en complémentaire, à la suite du complément de réponse de M. le ministre des Transports, il pourra poser une question à n'importe quel autre ministre, même au ministre de l'Environnement, s'il voulait. Il n'y a rien dans notre règlement qui nous dit que la question additionnelle que je vais accorder à M. le député de Lévis, il est obligé de la poser à M. le ministre des Transports. J'ai rendu ma décision. Je pense que c'est extrêmement clair. On l'a examinée pendant plus d'une heure ce midi et ma décision est rendue.

M. Chevrette: M. le Président, j'aimerais que vous me justifiiez dans une question additionnelle du règlement comment vous pouvez justifier d'accorder au ministre des Transports le soin de répondre à la question suivante: Est-ce que vous avez été consulté, M. le ministre de l'Environnement, sur l'utilisation par votre collègue de contaminants sur les routes? Comment voulez-vous que ce soit le ministre des Transports qui réponde à une telle question posée par le député de Lévis? C'est fou comme balai! Je suis bien obligé de vous dire...

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Chevrette: ...c'est fou comme balai. La question s'adresse directement au ministre de l'Environnement; on lui demande carrément s'il a été consulté et vous répondez: Complément de réponse fait par le ministre des Transports. Il y a toujours des limites! Si vous voulez qu'on vous prenne au sérieux, M. le Président, agissez dans le cadre des règlements!

Le Président: J'espère que l'expression que vous avez employée s'adressait à la question et non pas à moi. Dans un deuxième temps, je pense qu'il était très clair, par le contenu de la question, qu'elle s'adressait au ministre des Transports. (14 h 30)

Étant donné que vous êtes intervenu, M. le chef de l'Opposition, je vais vous donner un éclaircissement additionnel que je ne suis pas obligé de vous livrer cet après-midi, parce que ce n'était pas la question de règlement. Si un ministre, encore cet après-midi, était absent et

qu'une question était posée, même le leader du gouvernement pourrait en prendre avis pour lui. Cela va jusque-là. La semaine passée, je pense que M. le député de Lévis a dit à qui il voulait poser la question. Et le premier à qui il voulait poser la question, c'était au ministre responsable du dossier, à celui qui a pris la décision selon la forme et le contenu de sa question, c'est-à-dire le ministre des Transports. Ma décision étant rendue, nous allons passer à la période régulière de questions et de réponses orales.

Maintenant, M. le chef de l'Opposition, je vous reconnais pour une question principale.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES Le débat des chefs et l'agence spatiale

M. Chevrette: M. le Président, lors du débat télévisé des chefs de parti hier, on a pu voir jusqu'où le premier ministre canadien était prêt à aller pour avoir l'appui du premier ministre du Québec. À dix reprises au moins, pendant le débat sur le libre-échange, il se réclamait de l'appui du premier ministre du Québec. Et je ne suis pas trop surpris, parce que le premier ministre du Québec est devenu un acteur de la publicité télévisée du Parti conservateur du Canada.

Cela dit, au cours de ce même débat, cependant, on a été en mesure de se rendre compte que sur des programmes concrets, des projets concrets, les réponses n'étaient pas tout à fait les mêmes, en ce sens que le premier ministre canadien, à la question sur l'agence spatiale, a été le moins précis des trois. Et je suis convaincu que le premier ministre a regardé ce débat. Je voudrais lui demander s'il est satisfait de la réponse du premier ministre du Canada qui dit que la décision n'est pas prise, qu'elle sera prise au mérite, alors que les deux autres chefs étaient d'accord pour que ce soit Montréal.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je voudrais répondre au bien-aimé chef de l'Opposition que, sur cette question de l'agence spatiale, la position émise par le gouvernement du Québec a toujours été très claire. J'ai eu l'occasion de rencontrer il y a quelques semaines et le chef de l'Opposition, M. Turner, et le premier ministre, et, à tous les deux, j'ai fait part que la volonté du gouvernement était que cette agence puisse s'établir dans la région de Montréal. Je demeure très confiant. Par la suite, on a vu certaines déclarations de plusieurs ministres fédéraux, dont certains que connaît bien le chef de l'Opposition, qui se sont dits convaincus pour toutes sortes de raisons que l'agence spatiale serait établie dans la région de Montréal. Les arguments de fond sont pour moi les plus importants, indépendamment des déclarations qui peuvent être faites par différents chefs de parti. Les arguments de fond sont plus forts que jamais pour justifier une décision favorable à la région de Montréal. On en a parlé au sommet de la technologie, il y a quelques jours.

Le Président: En additionnelle, M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, ma question n'est pas sur le type d'argumentation que développe le premier ministre, mais pour lui demander, étant donné que le chef du gouvernement qui est l'un des trois chefs en l'occurrence dans cette élection, si la réponse donnée par M. Mulroney hier soir à la question concernant le site de l'établissement de l'agence spatiale est rassurante alors que les deux autres chefs, ont été très clairs en disant que c'est à Montréal?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je crois avoir dit au chef de l'Opposition tantôt que j'étais très confiant que cette décision sera favorable à la région de Montréal. Il ne faudrait quand même pas qu'on fasse de la localisation de l'agence spatiale le seul moyen de rééquilibrer le développement économique à l'intérieur du pays. Le chef de l'Opposition a cité à plusieurs reprises des statistiques montrant que la province voisine, par exemple, a un taux de chômage nettement inférieur à celui du Québec. Il ne faudrait pas qu'on pense, chez les différents partis fédéraux, que parce que l'agence spatiale pourra être établie à Montréal, cela réglera le problème de ce déséquilibre entre les régions au sein du marché commun canadien. Tout ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que je suis très confiant que cette décision sera favorable à la région de Montréal pour des raisons qui relèvent de l'expertise de nos entreprises, de notre main-d'oeuvre, de la qualité de nos chercheurs et des infrastructures qui existent déjà dans ce secteur.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, étant donné que le premier ministre canadien prend continuellement à témoin le premier ministre du Québec durant sa campagne électorale, est-ce qu'il ne serait pas temps pour le premier ministre du Québec, au cours de la campagne électorale, d'exiger du premier ministre canadien de lui retourner l'ascenseur de temps en temps?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, probablement qu'à l'occasion de la campagne électorale provinciale qui aura lieu, comme je le disais, entre avril 1989 et octobre 1990, le chef de l'Opposition n'apprécierait pas des interventions, que

ce soit du niveau municipal, du niveau fédéral ou de l'ensemble des différents niveaux de gouvernement. De mon côté, j'ai l'intention de défendre les intérêts du Québec, et cela a donné certains résultats. Nous l'avons fait dans le cas de l'entente du lac Meech, dans le cas de l'Accord de libre-échange, mais je dis que ce qui est important pour le gouvernement du Québec, c'est d'être confiant et d'avoir les raisons d'être confiant quant à l'établissement de cette agence spatiale dans la région de Montréal.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre aurait en poche une entente secrète qu'il ne veut pas rendre publique?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition vient de s'en prendre directement à la transparence légendaire de l'actuel gouvernement du Québec.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais reconnaître une deuxième principale à Mme la députée de Maisonneuve.

Visites des enquêteurs chez les assistés sociaux

Mme Harel: M. le Président, je comprends que le ministre nouvellement en poste ne soit pas toujours en mesure de vérifier l'information qu'on lui communique, mais on s'attend cependant qu'il corrige les fausses déclarations qu'il a faites jeudi dernier, premièrement, en confondant les enquêtes effectuées sous le précédent gouvernement à partir de soupçons de fraude seulement avec les enquêtes systématiques à partir d'un échantillonnage choisi au hasard, mises en place par le présent gouvernement; deuxièmement, en affirmant s'inspirer de l'Ontario quand on sait que la réforme proposée vise justement à mettre fin chez eux a ces visites systématiques et, troisièmement, en s'entêtant à déclarer: "II ne se produit jamais que les agents de l'aide sociale aillent dans les chambres à coucher des gens."

M. le Président, que répond le ministre à la plainte officielle déposée vendredi par une bénéficiaire, dans un centre Travail-Québec: "Contrairement à ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a mentionné à la télévision le 18 octobre dernier, on a inspecté mon garde-robe et ma chambre à coucher. De plus, cet agent était très autoritaire et brusque. Il essayait de me faire croire que je vivais avec un conjoint et que je recevais de l'argent de d'autres personnes."

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai affirmé en cette Chambre et également en dehors de cette Chambre qu'à notre connaissance, au ministère, il n'y a pas eu depuis trois ans - et on me l'affirme - une seule plainte de bénéficiaires de l'aide sociale qui alléguerait que des agents visiteurs auraient pénétré dans les chambres à coucher, puisque c'est de ça dont il s'agit. Alors, j'ai simplement réaffirmé ce qu'on m'a dit et ce qui est exact parce que je l'ai vérifié une deuxième fois. Nous n'avons jamais eu, au ministère, de plaintes qui portent sur ce point précis. Si la députée de Maisonneuve peut finalement nous faire connaître et nous acheminer une telle plainte, je peux l'assurer que nous allons faire enquête parce qu'il n'est pas question, quant à nous, que nos agents, que nos vérificateurs, que nos enquêteurs fassent cette sorte de démarche-là. Nous n'avons pas besoin, pour établir qu'il y a une situation de vie maritale, que nos agents s'ingèrent dans l'intimité des foyers. Je peux vous en assurer.

Le Président: Mme la... À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Maisonneuve en additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, comment le ministre ignore-t-il les dizaines de plaintes qui sont déposées aux centres Travail-Québec? Je voudrais d'ailleurs déposer copie d'une d'entre elles déposée au centre Travail-Québec de LongueuH le 17 octobre dernier. Comment peut-il ignorer la récente décision dans la plainte d'Hélène G., décision de la Commission des droits de la personne demandant au ministre de réviser complètement sa procédure de vérification? Quelle est la sanction disciplinaire prise dans le cas de cette plainte à l'égard de l'agent enquêteur qui a été reconnu comme ayant exactement... (14 h 40)

Le Président: Vous êtes en additionnelle.

Mme Harel: ...violé les droits fondamentaux d'une assistée à l'occasion d'une enquête?

Le Président: Vous êtes en additionnelle. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Avant de vous reconnaître M. le ministre, il y a une demande qui a été faite par Mme la députée de Maisonneuve. Est-ce qu'l y a consentement pour que soit déposé le document cité par Mme...

M. Gratton: Oui, M. le Président.

Le Président: ...la députée de Maisonneuve? Il y a consentement? Alors Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez déposer votre document, s'il vous plaît. Je reconnais M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Maisonneuve tente de confondre deux choses. C'est une chose d'affirmer que nos agents visiteurs pourraient pénétrer dans les chambres à coucher - je le dis et je le répète, nous n'avons jamais eu une seule plainte à ce sujet - et une autre chose de nous dire que, peut-être, un ou des agents visiteurs, des exceptions, auraient pu, à l'occasion, montrer un excès de zèle dans l'accomplissement de leur travail, lorsqu'ils sont admis dans les foyers. Je dis et je répète qu'on ne pénètre pas dans les chambres à coucher et, jusqu'à preuve du contraire, je n'ai jamais eu un seul cas qui a été rapporté. Pour ce qui est des excès de zèle qu'on pourrait faire, je dis et répète que nous n'avons pas besoin, pour établir s'il y a oui ou non vie maritale, de s'ingérer dans la vie intime des gens. Et je ne suis pas d'accord pour qu'on le fasse. Pour établir qu'il y a secours mutuel ou non, la plupart des critères tournent autour des aspects économiques de la question. Et, en ce qui me concerne, quand on peut établir que, sur le plan économique, les époux se donnent les secours mutuels, on a fait un bon bout de chemin pour déterminer si oui ou non il y a vie maritale et on n'a pas besoin d'aller plus loin que ça.

Le Président: Mme la députée de Maison-neuve, en additionnelle.

Mme Harel: Oui, en additionnelle, M. le Président. Le ministre a certainement pris connaissance de la décision récente de la Commission des droits de la personne. Je voudrais savoir du ministre quelle est la sanction ou quelles sont les mesures disciplinaires qui ont été prises dans ce cas d'abus reconnu de la pan" d'un agent enquêteur.

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est de là que vient l'équivoque. La députée de Maisonneuve tente de faire croire à la population que, dans le cas dont elle parle, il s'agirait d'un agent qui aurait pénétré par effraction ou encore dans une chambre à coucher. Ce n'est exactement pas ça le cas dont on parle. C'est un agent qui s'est fait passer pour un boubou macoute alors que c'était un agent ordinaire. Ce n'est vraiment pas le cas...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourbeau: M. le Président...

Une voix: Ce n'est pas un boubou; c'est un bourbeau. Un bourbeau macoute.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, je vois que ça fait rire quelques députés de l'Opposition. C'est parce que, dans le langage du métier, les agents visiteurs, c'est une chose et les agents qui sont au bureau de Travail-Québec qui reçoivent les dossiers, c'est une autre chose. Dans le cas dont on parie, il s'agissait d'un agent qui s'est fait passer pour un agent visiteur alors qu'il ne l'était pas vraiment. Sur ce point-là, effectivement, le tribunal a dit qu'il y avait eu fausse représentation. Mais de là à prétendre ou à faire croire que, dans le cas dont on parie, il s'agissait de quelqu'un qui a pénétré dans les chambres à coucher - et la députée de Maison-neuve franchit ce pas-là très allègrement - il y a toute une marge, M. le Président. Je voudrais que la députée de Maisonneuve ait l'honnêteté de dire de quoi il s'agissait dans ce cas-là.

Le Président: Mme la députée de Maison-neuve, en additionnelle.

Mme Harel: Certainement, M. le Président, avec plaisir. M. le Président, est-ce que le ministre reconnaît que, dans cette enquête, il s'agissait justement de vérifier la situation de vie maritale et que l'agente a été reconnue comme ayant pénétré par la porte arrière de la maison - je lis exactement le jugement que j'aimerais déposer également, M. le Président - et qu'à la fin de la visite...

Le Président: Excusez-moi, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel:...

Le Président: Vous êtes en additionnelle. Si vous voulez une autre question principale, je vais vous reconnaître. Vous êtes en additionnelle et je vous l'ai rappelé trois fois. Si vous voulez déposer le document, je vais demander le consentement, mais vous ne ferez pas toute la lecture. Le temps que je vous avais accordé est de beaucoup dépassé. Vous êtes en additionnelle, et je peux vous accorder une question principale.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que le ministre reconnaît que, dans le cas qu'il a cité, justement l'agente a été reconnue comme ayant même soulevé le couvre-lit du lit dans la chambre et comme ayant pénétré à l'arrière de la maison? M. le Président, je voudrais déposer la décision de la Commission des droits de la personne.

Le Président: Avant de reconnaître M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. le leader du gouvernement, est-ce que-Une voix: ...et c'est impossible.

Le Président: M. le leader du gouvernement, il y a une demande de dépôt de document. Il y a consentement.

M. Gratton: Oui, M. le Président, si ça peut faire marcher les choses.

Le Président: Votre document est déposé, Mme la députée de Maisonneuve.

M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, vous comprendrez qu'il m'était impossible de suivre pas à pas chacun des agents qui ont effectué au cours des deux dernières années quelque 280 000 visites à domicile.

Tout ce que je peux dire c'est que, si on peut porter à mon attention le cas d'un agent qui n'aurait pas respecté scrupuleusement les directives que nous leur donnons, à savoir de traiter la clientèle avec dignité et respect, je peux assurer la députée ainsi que toute la population que je prendrai immédiatement les dispositions nécessaires pour que la loi et les règlements soient observés.

Le Président: Mme la députée de Maison-neuve, en additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, au-delà des cas jugés particuliers par le ministre, comment entend-il donner suite à l'avis de la Commission des droits de la personne qui l'invite à revoir toute la procédure de vérification parce que contraire aux droits fondamentaux reconnus par la charte?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, à la suite des événements des derniers jours, je suis en train de faire faire des vérifications pour m'assurer qu'il n'y a pas, dans le réseau Travail-Québec, d'abus ou d'excès de zèle. D'une façon générale, je dois dire que nos agents visiteurs se comportent d'une façon correcte et traitent avec respect et dignité les clients de l'aide sociale.

Lorsqu'ils vont faire des visites, ils laissent de petites cartes que les clients peuvent retourner. Et c'est assez surprenant de constater que de nombreux clients retournent ces cartes et que, dans une proportion de 95 %, les clients de l'aide sociale visités indiquent qu'ils sont satisfaits de la façon dont la visite s'est déroulée et de l'attitude de l'agent visiteur. S'il y a des cas d'abus ou des excès de zèle, je suis disposé à les regarder et à prendre toutes les mesures nécessaires pour y mettre fin.

Le Président: Je vais reconnaître, en troisième question principale cet après-midi, M. le député de Lévis.

L'utilisation des lignosulfonates sur les routes

M. Garon: M. le Président, l'utilisation des lignosulfonates par le ministère des Transports, qui a été imposée par le ministre à son ministère, démontre encore une fois le peu de suivi du gouvernement sur les questions de l'environnement et aussi de la gestion des fonds publics, parce que le ministre a imposé un produit qui coûte deux fois plus cher et qui est peu efficace.

On aurait aimé qu'hier, sur les ondes de CHRC, le ministre nous rassure concernant l'utilisation de ce produit par son ministère. Loin de là, car il ne semblait même pas connaître les études que j'ai déposées hier en conférence de presse. Pour son information, l'étude n'a pas été faite par les Hautes Études commerciales, mais plutôt par la section du génie de l'environnement de l'École polytechnique de Montréal. De plus, cette étude n'a pas quatre ou cinq pages, mais plutôt quinze pages, sans compter les annexes.

Ma question au ministre des Transports est la suivante. Est-ce que le ministre qui, en fait, a eu un avis d'une semaine, peut nous expliquer pourquoi il a imposé les lignosulfonates au ministère des Transports et pourquoi il a agi d'autorité dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, enfin on reconnaît les valeurs de chevalier et de guerrier du député de Lévis qui a préféré se lever pour une question principale au lieu d'attendre la réplique à la fin de la période de questions.

Des voix:...

Le Président: À l'ordre! A l'ordre! À l'ordre! M. le ministre, je vous ai reconnu.

M. Côté (Charlesbourg): Le député d'Abitibi-Ouest aurait avantage à écouter toute la réponse.

Le Président: M. le ministre. M. le ministre. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg): Premièrement... Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre des Transports. (14 h 50)

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il y a d'abord un certain nombre de faits qui méritent d'être corrigés, compte tenu du communiqué de presse qu'a émis, hier, au cours d'une rencontre de presse évidemment, le député de Lévis.

Il dit d'abord, dans son communiqué de

presse, qu'environ 10 000 kilomètres de routes sont traitées chaque année de cette manière... C'est dans votre communiqué de presse; si vous ne savez pas lire, ce n'est pas mon problème. 10 000 kilomètres. Je le cite textuellement. M. le Président, la première vérité est la suivante: nous traitons annuellement 10 000 kilomètres sur 40 000 kilomètres de routes non pavées au Québec par toutes sortes de produits, le ligno-sulfonate et le calcium. Sur les 10 000 kilomètres, 1474 kilomètres ont été traités en 1988, donc approximativement 4 %. C'est la vérité et c'est votre première menterie. La deuxième...

Le Président: M. le ministre des Transports, s'il vous plaît, voulez-vous retirer le dernier qualificatif? Parfait. Continuez, M. le ministre des Transports...

Des voix: Ah!

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg): Effectivement, je retire le mot "menterie". C'est une inexactitude qui a très certainement échappé au député de Lévis.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): La deuxième, M. le Président, il cite le chercheur, le professeur Delisle. Il aurait dû le citer globalement, puisque j'aurai l'occasion de rencontrer la presse pour corriger les faits après la période de questions. Lorsque le député de Lévis prétend que, selon l'étude précitée, celle du Dr Delisle, les ligno-sulfonates comportent des dioxines. Il induit la population en erreur par une citation tronquée. De fait, le député de Lévis aurait dû citer la citation au complet. Je la cite pour lui, M. le Président. Il aurait dû dire, et c'est textuel à l'intérieur de l'étude: "Un article du Globe and Mail de 1987 laisse planer le doute qu'en présence de chlore, il peut se former des dioxines qui incorporeraient au papier ou seraient rejetées dans les effluents des usines. Ces dioxines seraient du PCD qui s'apparente au BPC et qui peut donner naissance à quelque 75 congénères.

Le Président: En conclusion.

M. Côté (Charlesbourg): Ce sont les deux faits qui méritaient d'être corrigés, M. le Président. Tant qu'à citer, citons dans le contexte. Je n'ai pas fini, M. le Président.

Le Président: Vous allez avoir d'autres additionnelles, je pense, M. le ministre des Transports. Vous en aurez plusieurs.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président... Le Président: En conclusion, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg):... voulez-vous rappeler à l'ordre le député d'Abitibi-Ouest parce que, dans les prochaines questions...

M. Gendron: M. le Président...

M. Côté (Charlesbourg):... il y en aura pour lui aussi.

M. Gendron: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Voulez-vous rappeler au ministre des Transports que c'est vous, comme président, qui êtes en train de le rappeler à l'ordre? Il n'y a pas une période de questions pour M. Côté. Il y a une période de questions et un règlement.

Des voix: Oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez, je vais reconnaître M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, je vais reposer ma question au ministre des Transports. Ce que j'ai déposé en conférence, ce sont les études au complet et non pas des extraits. Ce sont les études au complet. Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi il a imposé les ligno-sulfonates au ministère des Transports et pourquoi il a agi d'autorité pour imposer d'autorité, lui-même, il y a deux ans, l'épandage de ligno-sulfonate. En 1987, il s'agit de près de 20 000 tonnes; environ 18 000, pour être précis.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): Ayant corrigé les erreurs de fait évoquées par le député de Lévis hier, on arrive à l'essentiel de la question du député de Lévis. Pour comprendre ce qui s'est passé en 1987, il faut remonter dans le temps, et c'est là que le député d'Abitibi-Ouest disait tantôt que c'est chez lui qu'il y avait eu de la merde. Il va comprendre.

C'est donc en 1979 qu'a commencé l'expérience en Abitibi-Témiscamingue...

Des voix: Non, non, non. Le Président: S'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg):... qui a été répétée en 1982...

Des voix: Ah!

M. Côté (Charlesbourg): ...répétée en 1984...

Des voix: Ah!

M. Côté (Charlesbourg): ...et répétée en 1986 sur une base expérimentale en Abitibi-Témiscamingue par la compagnie Tenbec.

M. le Président, c'est donc là qu'a commencé l'expérience. Au lieu de jeter au fleuve certains produits des compagnies papetières, on a voulu, avec de la recherche, faire en sorte qu'on puisse les utiliser de manière beaucoup plus intelligente qu'on ne le faisait dans le passé. Cela a été salué comme une expérience assez valable à l'époque par les gens du ministère de l'Environnement et du ministère des Transports. Lorsque je suis arrivé au ministère des Transports, on m'a parié d'une situation de monopole. C'est là l'autre élément. Un mot très cher au député de Lévis lorsqu'il s'agit de transporter des voitures, en particulier par des gens de l'Ontario. On se retrouve aujourd'hui avec une situation où le compétiteur est le calcium, distribué par un distributeur du Québec mais fabriqué en totalité en Ontario. Le ministère des Transports, à la merci d'un seul produit comme abat-poussière et qui était celui du calcium, a mené ainsi l'expérience sur une plus longue échelle en 1987 et 1988 afin de vérifier si, effectivement, sur le plan économique et sur le plan du rendement, on pouvait...

Le Président: Conclusion.

M. Côté (Charlesbourg): ...avoir une compétition au calcium.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, est-ce que le ministre des Transports peut nous expliquer pourquoi le 13 octobre 1988 à 11 h 5 il affirmait en commission parlementaire...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: ...en pariant du produit: "Cela n'a jamais réussi à franchir les barrières du ministère - je le cite au texte - cela n'a jamais réussi à franchir les barrières du ministère alors que c'est moi qui, depuis deux ans, ai imposé qu'on fasse cette expérience. Peut-il nous expliquer sa décision d'imposer un produit qui n'avait jamais passé les barrières du ministère?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, bien sûr, lors des engagements financiers, on répond au roman-fleuve des questions posées par le député de Lévis. C'est la démocratie qui est ainsi. J'ai répondu et on s'exprime. Dans ce sens, il est clair qu'à partir du moment où nous sommes en situation monopolistique avec le calcium, on se demande si on peut appuyer des gens de chez nous, du Québec, qui veulent avoir des produits compétitifs et qui veulent l'appliquer. Il y avait effectivement une certaine résistance au ministère, compte tenu du fait que, à sa base même, ce produit ne peut pas être appliqué partout.

Il y avait donc la question du produit lui-même, à savoir s'il était toxique ou non. C'est un produit qui n'est pas toxique mais qui peut, par certains aspects, être dangereux.

En cours d'expérience, après l'année 1986 et en particulier après l'année 1987, nous avons donc répondu à certaines exigences de l'environnement quant à la pose. Je conclus là-dessus, M. le Président. On exigeait trois conditions. On a donc imposé ces conditions. Une première était que les pH soient testés à la sortie de l'usine, que, deuxièmement, il n'y ait pas d'épandage à moins de 30 kilomètres d'un cours d'eau ou d'un ruisseau, ce qui a été fait et, troisièmement, que la norme ne dépasse pas quatre litres par mètre cube. Et nous avons fait 1,5 litre par mètre cube.

En terminant, comme exemple, puisque le député de Lévis s'est amusé la semaine dernière à mesurer les effets sur les poissons en citant l'étude, les poissons, c'est exactement comme un être humain: Si vous avez un mal de tête et que vous prenez deux aspirines, vous avez des chances de le régler. Si vous prenez le pot, vous avez des chances de mourir. C'était ça votre réponse.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il a choisi de tenter de trouver une alternative à un monopole en imposant un produit deux fois plus coûteux, au moins deux fois moins efficace et qui présente, pour l'environnement des dangers beaucoup plus élevés que le produit qui était utilisé antérieurement entre 1981 et 1986, sort le chlorure de calcium, et que les huiles avaient été interdites par le ministère de l'Environnement en 1980?

Le Président: M. le ministre des Transports, brièvement.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président. Très brièvement sur la première partie. Je passerai la parole à mon collègue pour la deuxième, la première étant les coûts. Vous vous basez sur un rapport du ministère de 1987 dont je ne nie pas l'existence. C'est que nous avons fait une étude sérieuse et appropriée en 1987 qui n'arrive pas aux mêmes résultats, en 1988, après les

données que nous avons compilées. À la fin de novembre, l'étude sera terminée. Les données préliminaires nous laissent déjà croire que, sur le plan économique, ça peut être un produit compétitif avec le calcium.

Quant à la qualité du produit, c'est davantage à mon collègue de l'Environnement d'y répondre.

Le Président: Avant de vous reconnaître, M. le ministre de l'Environnement, il reste à peine quelques secondes. C'était une question additionnelle. Je voudrais que vous soyez très bref, à moins que je ne reconnaisse tout à l'heure une autre question additionnelle.

M. Lincoln: Que le député de Lévis me pose une question afin que j'aie le temps de lui répondre parce que quelques secondes...

Le Président: Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Lincoln: J'aurais voulu prendre mon temps pour bien lui répondre et corriger toutes les faussetés qu'il a avancées dans le journal. (15 heures)

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Le ministre de l'Environnement pourrait-il nous dire ce qu'il pense des déclarations du Dr Claude Delisle, de l'École polytechnique de Montréal, qui disait au poste CHRC, vers midi et demi: On conclut que même à des concentrations inférieures à 1 % de ce produit, en parlant des lignosulfonates, la faune aquatique est affectée, les truites arc-en-ciel en meurent, les crustacés et les algues aussi.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: II y a plusieurs choses à souligner. J'espère que vous allez me donner un peu de temps. D'abord, dans l'étude du... D'accord, d'accord.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Dans l'étude...

Le Président: C'était une question additionnelle.

M. Lincoln: Écoutez, si le député d'Abitibi-Ouest peut répondre, qu'il réponde. Il n'a pas de réponse. Il n'a de réponse à rien. Laissez-moi répondre.

Le Président: Allez, M. le ministre. M. Lincoln: Qu'il se taise.

Le Président: M. le ministre. M. Lincoln: Qu'il se taise. Une voix: Oui, il va répondre. Une voix:...

Le Président: Ce n'est pas une question de règlement. M. le ministre de l'Environnement, s'il vous plaît. M. le ministre de l'Environnement. M. le ministre de l'Environnement, vous avez la parole.

M. Lincoln: Tout d'abord, dans l'étude du professeur Delisle, la dernière référence bibliographique date de 1977, à part l'article - oui, regardez bien votre page - à part une communication personnelle du Dr Brouzes en 1987 et à part un article du Globe and Mail de 1987. L'article du Globe and Mail, comme l'a souligné mon collègue, n'a pas effet sur la matière dont on parle, les lignosulfonates, parce que les lignosulfonates ne contiennent pas de chlore, donc ils ne peuvent pas produire de dioxines. Voilà la première réponse qu'on vous fait.

Deuxièmement, depuis 1977, il y a eu une étude d'Environnement Canada en 1982, il y a eu une étude d'Environnement Ontario en 1985, il y a eu une étude du ministère de l'Environnement du Québec soumise à la direction régionale de l'environnement au Témiscamingue en juin 1984, sous votre administration...

Le Président: En conclusion.

M. Lincoln: ...par le ministère de l'Environnement en Abitibi-Témiscamingue pour dire que le lignosulfonate n'était nullement plus toxique que le calcium. C'était une étude sous votre administration...

Le Président: En conclusion, s'il vous plaît.

M. Lincoln: ...par le ministère de l'Environnement. Cela a été confirmé par Environnement Ontario en 1985. Ce n'est pas contenu dans l'étude de M. Delisle. Donc, M. Delisle a stoppé toutes ses recherches en 1977 à part un article du Globe and Mail...

Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît. En conclusion, s'il vous plaît, ça fait quatre fois.

M. Lincoln: Le lignosulfonate ne contient pas de chlore, donc il ne peut pas produire de dioxine. Toute votre affaire tombe à l'eau, c'est une grosse balloune.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle. M. le député de Lévis, en additionnelle. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député

de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, je veux demander au ministre de l'Environnement s'il considère que l'étude préliminaire que faisait déjà en novembre 1987 le Dr Delisle, qui a été complétée en septembre 1988, ou terminée en septembre 1988, mais tous les éléments étant celle de 1987... Pourquoi l'a-t-il nommé au conseil d'administration de Kativik le 13 janvier 1988?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: "Big deal". Parce que monsieur a produit une étude, ça ne veut pas dire que tous les gens sont parfaits dans toutes les études. Tout ce que je veux vous dire, c'est qu'il n'a pas tenu compte dans ses conclusions d'une étude d'Environnement Canada en 1982, d'une étude du ministère de l'Environnement de l'Ontario en 1985, d'une étude du ministère de l'Environnement. C'est malheureux qu'il ne l'ait pas fait. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas un professeur tout à fait valable que le professeur Delisle. Je constate des faits par rapport à une étude spécifique qu'il a faite, mais cela ne veut pas dire qu'il n'est pas tout à fait valable pour siéger au comité Kativik. Pourquoi pas?

Le Président: Je vais reconnaître une principale à M. le député de Bertrand.

Les heures d'affaires des établissements commerciaux

M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, à la suite du dépôt du rapport Richard, les Québécois ont constaté que l'actuel gouvernement a été incapable jusqu'à maintenant de trancher sur la question des heures d'affaires. Pourtant, dans cette Chambre, il y a un an, nous avions prévenu le ministre de l'Industrie et du Commerce d'alors d'agir avant qu'il soit trop tard. Aujourd'hui, le ministre propose une libéralisation très large sur les heures d'affaires tandis qu'une large partie de son caucus ministériel s'y oppose. Le ministre de l'industrie et du Commerce peut-il nous dire quand il entend statuer définitivement sur la question des heures d'affaires, qui est un dossier urgent actuellement au Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. M. le ministre.

M. MacDonaW: M. le Président, contrairement à ce que dit le député de Bertrand, le ministre n'a pas statué, n'a pas déclaré, n'a pas favorisé un scénario par rapport à un autre. Ce que j'ai dit, c'est que nous allions, à la suite des études qui nous ont été fournies - le rapport Richard et d'autres, par les gens de mon ministère - nous former une idée et la présenter avec alternatives au caucus des députés. Il me fait plaisir de vous dire, M. le Président, que ce sera fait ce soir.

À partir de ce que, j'espère, sera un consensus sur la situation qui sera présentée et les solutions recommandées, nous pourrions - j'espère encore pouvoir le faire - avant la fin du mois d'octobre, annoncer ce qui pourrait être une position du gouvernement. C'est une situation que vous savez fort complexe, qui a été - et le terme n'est peut-être pas exagéré - pourrie par des exceptions tellement nombreuses et disparates que vous avez retrouvé la situation actuelle qui est réellement une situation difficile pour plusieurs commerçants et qu'on se doit de régler.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre peut nous confirmer si les faits et gestes de son adjoint parlementaire, qui ont été dénoncés par la FTQ, le 18 octobre dernier, sont véridiques, et nous dire ce qu'il entend faire face a cette situation?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. MacDonakJ: Je me considère privilégié d'avoir le député de Vimont comme adjoint parlementaire. Dans les circonstances et compte tenu de son expérience de 30 ans dans le commerce, je lui ai demandé de m'aider, de m'ouvrir des portes, de me donner accès à des renseignements qui me permettraient de mieux connaître la situation. Mais ne nous méprenons pas. Ce n'est pas l'adjoint parlementaire qui va décider de la position du gouvernement...

Des voix: Ah!

M. MacDonak): Ce n'est pas non plus...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît. Allez, M. le ministre, vous avez la parole.

M. MacDonald: Je n'ai pas eu la prétention non plus que ce serait le ministre, c'est le gouvernement face aux faits que nous allons leur étaler, c'est-à-dire aux collègues du caucus, qui verront à prendre la décision qui s'impose.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Le ministre n'a pas répondu à ma question. Est-ce que le ministre confirme les faits et gestes qui ont été dénoncés par la FTQ, local 503, le 18 octobre dernier, qui plaçaient son adjoint parlementaire dans une situation conflictuelle par rapport à ses activités

et au rôle qu'il joue auprès du ministre?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. M. le ministre.

M. MacDonald: Je ne considère pas et je n'ai pas considéré, en aucun temps, que le député de Vimont était en conflit d'intérêts dans les recherches qu'il a faites à ma demande.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

Alors, je vais reconnaître une cinquième principale à la formation ministérielle. M. le député de Chambly.

L'élimination des BPC de Saint-Basile-le-Grand

M. Latulippe: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Environnement. Au mois d'août dernier, 4000 de mes concitoyens ont vécu un drame humain important à la suite de l'accident écologique de Saint-Basile-le-Grand. Aujourd'hui, les gens de ma région regardent vers l'avenir et veulent dorénavant vivre dans un environnement propre.

Ils ont gardé pour vous, M. le ministre, un profond respect à cause de votre franchise et de votre comportement pendant la crise. Malheureusement, les barils de BPC sont toujours dans l'entrepôt de Saint-Basile, un petit peu comme une bombe à retardement à côté de nos résidences. D'ailleurs, la toile qui les recouvrait s'est effondrée samedi.

Quand, M. le ministre, les BPC se trouvant dans l'entrepôt de Saint-Basile seront-ils éliminés une fois pour toutes?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. (15 h 10)

M. Lincoln: M. le Président, nous avons un contrat qui a été donné récemment pour une période qui va aller de dix à quatorze semaines et qui va avoir pour effet de restocker tout ce qu'il y a de contenu dans les barils et les contenants qui étaient dans l'entrepôt lors de l'incendie, pour les transposer dans des conteneurs sécuritaires pour fins de transit. Ce travail, comme je l'ai dit, va prendre entre dix et quatorze semaines. Nous espérons que, d'ici le 15 décembre environ - peut-être un peu plus tard - tout ce travail sera terminé. J'ai commencé des négociations avec mon homologue d'Alberta, entre autres, pour essayer de voir s'il était possible de faire une élimination de ces produits en Alberta. Les négociations vont bien, mais pour cela il faut avoir en détail tout ce qui se trouve dans l'entrepôt.

De toute façon, je peux vous renouveler un engagement que j'ai déjà pris envers les comités de citoyens qu'aussitôt le travail des entrepreneurs terminé, tout ce qu'il y a de barils sera déplacé de Saint-Basile, du site actuel, et quittera l'endroit complètement.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Chambly.

M. Latulippe: À ce stade-ci, pouvez-vous nous dire, M. le ministre, quels procédés seront utilisés pour éliminer définitivement ces BPC?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Cela, je vous le dis sous toute réserve, parce que je n'ai pas envie de mettre des paroles ou dire que les Albertains ont pris des engagements. Je pense que ce ne serait pas correct de ma part de dire cela. Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai eu de longues discussions avec eux et, en principe, ils sont d'accord pour regarder tous les déchets d'entreposage du Québec.

Avant de nous donner une réponse définitive, ils veulent connaître la quantité exacte de gallons et de barils qui sont là pour être éliminés. Ce que nous espérons faire, c'est avoir des conteneurs qui vont sans doute transiter par train directement vers l'usine de l'Alberta, afin qu'il n'y ait aucun délai. À ce moment-là, cela pourrait aller directement à l'usine d'élimination de l'Alberta pour être éliminé. Nous pensons que c'est cela qui sera le scénario mais, jusqu'à présent, ces négociations étaient des négociations que nous avons faites, sujettes à tous les détails des quantités du contenu à être données à l'Alberta et, cela, nous ne sommes pas en mesure de le faire tout de suite.

Aussitôt que ce sera fait, je pourrai vous donner une réponse plus définitive là-dessus. Mais c'est probablement l'alternative qui sera suivie.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, le ministre, qui a maintenant retrouvé la parole sur le dossier de Saint-Basile, peut-il nous dire s'il est exact que, dans un premier temps, cette fameuse tente ou cette toile devait coûter 200 000 $ et qu'il en a effectivement coûté 500 000 $ pour l'installer?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Je ne peux pas vous dire le montant exact du coût de la toile parce que des contrats ont d'abord été donnés pour la clôture qui a entouré tout le site, et pour la toile. Je vais obtenir tous les chiffres exacts et je vous les donnerai. Si c'est 500 000 $, je vous le dirai.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Est-ce que le ministre soutient en cette Chambre ce qu'il a soutenu en dehors de cette Chambre, que maintenant, au ministère, on a la conviction qu'il n'était pas nécessaire d'installer cette dite tente ou cette dite toile?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Au moment où la toile a été installée, il y avait des situations d'urgence où des poussières de BPC avaient été emportées par le vent. Il y a eu des cas, par exemple, de policiers de la Sûreté du Québec et des gens qui travaillaient à côté de l'entrepôt, des résidents de là qui commençaient à souffrir des émanations du site. La recommandation qui a été faite par des experts sur place a été de circonscrire le site avec des abat-poussière, et le système a été installé à ce moment-là. Dans le temps que cela se faisait, c'était exactement la chose dont on avait besoin et c'était essentiel à ce moment en urgence.

Le Président: Je vais reconnaître une autre additionnelle à M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Le ministre de l'Environnement peut-il nous dire s'il a fait des représentations auprès de son collègue responsable de la Sécurité publique à la suite de demandes des citoyens concernés le 7 octobre dernier à votre bureau, alors que ceux-ci se disaient totalement insatisfaits du type de dédommagement du décret? Qu'est-ce qu'il a fait exactement, à ce jour, auprès de son collègue, afin de corriger cette situation pour les citoyens concernés?

Le Président: M. ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Je vais passer la parole à mon collègue de la protection civile qui vous répondra. Oui, cela a été discuté. Comme vous le savez aussi, l'autre jour, il y a eu une rencontre des citoyens avec le premier ministre qui est tout à fait informé de la question. Les documents qui m'ont été soumis sont maintenant en possession du ministre de la Sécurité publique et du bureau du premier ministre. Donc, mon collègue va vous répondre là-dessus.

Le Président: M. le ministre.

M. French: Je ne suis pas certain de ce qui a été discuté précisément à cette réunion particulière du début de septembre, avec mon collègue, mais je suis conscient des trois ou quatre questions que se posent les individus concernés par l'événement. Il est évident que dans une circonstance aussi difficile, on sympathise beaucoup avec la situation des gens.

C'est pourquoi on a fait une distribution rapide de fonds pour défrayer un certain nombre de coûts ainsi que d'une somme forfaitaire pour chaque foyer affecté. Je suis conscient de trois ou quatre problèmes en marge. Pour être plus précis dans mes réponses, j'aimerais bien que le député de Bertrand précise quelles sont les questions qui le préoccupent le plus.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Ma question s'adressait au ministre de l'Environnement. Je voulais savoir si le ministre de l'Environnement a tenu la promesse qu'il a prise devant les présidents d'associations, des propriétaires à savoir qu'il ferait des représentations et défendrait les intérêts de ces gens auprès de son collègue, puisqu'ils ne sont pas satisfaits du règlement que le gouvernement a proposé.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Je ne sais pas pourquoi les gens de l'Opposition, chaque fois, sentent le besoin d'élever la voix. On dirait que ce serait plus véridique s'ils élèvent la voix et commencent à s'exciter. Tout ce que je vais dire bien calmement au député de Bertrand, qui était de toutes les discussions que nous avons eues et qui a entendu tout ce qui s'est passé, c'est que j'allais transmettre leurs représentations. Comme vous le savez, il y a eu un changement de ministre depuis. Mon collègue est en train d'étudier tous les dossiers. La recommandation principale faite par les gens du comité était que le chiffre de 600 $ qui avait été inscrit dans le décret, n'était pas assez. Ils demandent une somme additionnelle pour des problèmes psychologiques et du stress. Ils voulaient considérer une somme d'environ 2000 $. Il est certain que j'en ai discuté. Il est certain que le premier ministre est au courant de la chose. Il a lui-même rencontré, l'autre jour, les représentants des citoyens qui lui ont fait les mêmes constatations. Tous ces documents circulent. Le comité des citoyens les a envoyés partout au gouvernement.

Personnellement, je ne me suis jamais engagé, M. le député, à dire: J'accepte votre revendication comme la mienne et je vais la défendre comme étant valable. J'ai dit: Oui, je vais la transmettre. Oui, je vais en parler. Mais je n'ai pas pris de position là-dessus parce que ce n'est pas...

Le Président: Conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: ...à moi de prendre position. C'est au ministre responsable. C'est à lui de décider et de faire des recommandations au Conseil des ministres.

Le Président: Je vais reconnaître maintenant une sixième principale cet après-midi, à M. le leader de l'Opposition.

Aide financière aux étudiants des cégeps et des universités

M. Gendron: Oui, M. le Président. Depuis au-delà de trois ans, les étudiants des cégeps et des universités attendent la soi-disant réforme de l'aide financière proposée par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. Reporté de trois mois en trois mois, le projet sera peut-être annoncé en décembre pour s'appliquer peut-être à compter de l'automne 1990, c'est-à-dire dans deux ans. Les étudiants s'impatientent de plus en plus et envisagent une grève dès cette semaine pour amener le ministre à mettre ses cartes sur table.

La question est la suivante, M. le Président. Le ministre reconnaît-il que par ses promesses de réforme, ses longues tergiversations, son refus d'associer et de consulter de près les représentants étudiants, il est en quelque sorte le premier responsable de l'éventuel conflit qui perturbera malheureusement les études collégiales et universitaires, dès cette semaine? En conséquence, entend-il poser les gestes requis pour éviter cette situation?

Le Président: M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je crois me souvenir que lorsque le Parti québécois était au pouvoir, le député d'Abitibi-Ouest était ministre de l'Éducation et non pas ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. Il ne peut pas se souvenir, par conséquent, du marasme administratif dans lequel le gouvernement précédent avait laissé le régime de l'aide financière.

Des voix: Bravo!

M. Ryan: Ce n'est pas correct, ça.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, vous avez la parole.

M. Ryan: La première année de notre mandat a été consacrée à rep\ac&T l'appareil administratif qui était un vrai fouillis et une source de gaspillage. Avec le cafouillage de l'appareil que vous avez créé Girafe 2000, vous vous en rappelez? Écoutez ce qui se dit dans les milieux étudiants. Entendez-vous des plaintes sur la façon dont le système fonctionne? Vous n'en entendez plus. Les réponses sont reçues à temps. On sait exactement ce qu'il en est. (15 h 20)

Sur les changements de fond, j'ai prévenu les étudiants dès le début que nous envisagions des modifications, mais que nous les ferions en nous souvenant que nous avons déjà, au Québec, le régime d'aide financière le plus libéral de tout le Canada. Cela ne veut pas nécessairement dire que toutes les catégories d'étudiants sont traitées de manière satisfaisante. Nous convenons qu'il y a des améliorations à apporter. Nous travaillons sérieusement à mettre des propositions d'amélioration au point. Ainsi que je l'ai dit aux étudiants encore récemment, aux dirigeants de l'ANEQ en particulier, je soumettrai des propositions au gouvernement dans un avenir très prochain visant à mettre de l'avant des améliorations significatives. En cours de route, nous avons toujours été ouverts aux représentations que voulaient nous faire les organismes étudiants. L'ANEQ, en particulier, a participé à plusieurs rencontres, tantôt avec moi-même tantôt avec mes collaborateurs. Ceux qui voudraient dire que nous n'avons pas entendu leur point de vue ne sont pas informés des faits ou ne veulent pas les voir.

Le Président: En additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: En additionnelle, M. le Président. J'ai rencontré beaucoup d'étudiants et pas un ne m'a dit qu'il irait en grève, probablement à cause des problèmes de Girafe, de la grande "girafe" du ministre de l'Éducation... La grève, M. le ministre, êtes-vous conscient que c'est parce que vous avez fait des promesses qui ne sont pas encore actualisées et que, en conséquence, les étudiants trouvent que vous n'avez pas tenu vos engagements, soit de les associer à la réforme, d'une part et, d'autre part, s'assurer que la réforme soit applicable dans les meilleurs délais possible? Pour faire suite à ses engagements le ministre entend-il corriger ces deux situations?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Si le député d'Abitibi-Ouest veut être sérieux, il conviendra que la réforme de l'aide financière aux étudiants doit s'arrimer avec la réforme de l'aide sociale, avec les mesures fiscales, avec les solutions qui seront apportées au problème de financement des universités. Nous ne pouvons pas régler ces problèmes en pièces détachées. Nous travaillons dans une perspective d'ensemble. Nous travaillons selon un échéancier très raisonnable et je suis convaincu que là où les étudiants seront informés de tous les faits du dossier, ils prendront une décision contraire à celle que veulent leur proposer certains leaders qui, quelquefois, font prendre des votes de grève à des assemblées de 150 ou 200 personnes présentes sur une clientèle parfois de 5000 étudiants.

Le Président: M. le leader de l'Opposition,

en additionnelle.

M. Gendron: Le ministre de l'Éducation ne convient-il pas que si, aujourd'hui, les éléments d'une révision des prêts et bourses sont interreliés à d'autres éléments, il en était comme cela au moment où vous avez fait votre engagement, au moment où vous avez pris l'engagement de réformer les prêts aux étudiants? Pourquoi à ce moment-là n'avez-vous pas indiqué, comme c'était relié à d'autres situations, d'attendre à l'an deux mille avant de voir une révision?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science?

M. Ryan: Je ne pense pas que le député d'Abitibi-Ouest, qui est nouveau dans le dossier, soit au courant de tous les faits. Je n'ai jamais pris d'engagement à court terme. J'ai toujours indiqué aux représentants des associations étudiantes que cette entreprise prendrait assez de temps. Le seul décalage qui soit survenu... J'avais dit: Nous essayons de publier un énoncé d'orientation pour l'été et là, il est reporté à la fin de 1988. Un délai de quatre ou cinq mois dans une entreprise comme celle-là, il n'y a pas de quoi s'étonner pour quelqu'un qui a déjà travaillé au gouvernement. Non, c'est faux! C'est faux!

M. Gendron: M. le leader de l'Opposition. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Je précise...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: J'entends des voix qui parlent de trois ans. Je sais que c'est long dans l'Opposition...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: ...mais nous suivons l'échéancier que nous avions tracé à une différence de quatre ou cinq mois près. Il n'y a pas lieu de s'en formaliser. C'est bien plus vite que ce que vous avez fait de votre côté.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Gendron: Le ministre de l'Éducation ne convient-il pas au moins que l'une des raisons des profondes inquiétudes des étudiants concernant l'éventuelle réforme qu'ils ne voient pas arriver est directement reliée à votre coupure de 70 000 000 $ d'endettement additionnel que vous avez occasionné aux étudiants?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Ryan: Encore ici, il faudrait replacer dans leur contexte ces mesures auxquelles le député d'Abitibi-Ouest fait allusion. Il est vrai que nous avons accru la marge d'aide financière qui va du côté du prêt plutôt que du côté de la bourse pure. Il y avait un déséquilibre dans le régime de l'aide financière du Québec en vertu duquel la partie qui allait en bourse était de beaucoup supérieure à celle qui était donnée sous la même forme dans les autres provinces du Canada. Nous avons redressé quelque peu la balance, non pas de manière complète, mais en même temps, nous avons mis plus d'argent en circulation pour l'aide financière aux étudiants depuis trois ans. Et cela, on devrait le souligner également si on veut parler du problème qui intéresse le député d'Abitibi-Ouest.

Le Président: Je vais reconnaître une septième question principale à M. le leader adjoint de l'Opposition.

Postes affectés à la prévention à la CSST

M. Jolivet: Merci, M. le Président La semaine dernière je déposais une motion qui voulait souligner la Semaine de la santé et de la sécurité du travail. Le ministre du Travail, responsable de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, avait même souscrit à cette motion et se félicitait même du bon travail accompli dans ce domaine. Le ministre, cependant, laissait sous silence les 163 personnes qui sont décédées sur les lieux de travail, le fait qu'il y a dix fois plus de personnes qui en 1986-1987, ont été touchées par une incapacité permanente. Le ministre faisait aussi abstraction des 8000 cas actuellement en appel devant la Commission d'appel avec 26 personnes qui doivent s'en occuper. Et on ajoute même a ce moment-là d'autres éléments.

La question que je veux poser au ministre concerne justement ce qui est actuellement en discussion à la commission, soit de diminuer de 250 les 800 postes actuellement affectés à la prévention. On se souviendra, M. le Président, que le ministre en faisait son leitmotiv la prévention. Alors, je demanderais au ministre du Travail s'il est exact que la Commission de la santé et de la sécurité du travail a l'intention de couper dans un avenir très rapproché 250 des 800 postes actuellement affectés à la prévention?

Le Président: M. le ministre du Revenu et ministre du Travail.

M. Séguin: Oui, merci, M. le Président. Je remercie mon collègue de poser une question d'intérêt public, je pense, concernant la CSST II n'est pas tout à fait exact qu'il y ait des projets de diminuer la prévention. Au contraire, comme

l'a souligné mon collègue, nous avions, la semaine passée, la semaine de la prévention, à l'occasion de la Semaine de la sécurité et de la santé du travail. Nous avions l'occasion d'instaurer, à partir de mercredi dernier, tous les troisièmes mercredis du mois d'octobre chaque année, pour commémorer les accidentés du travail au Québec. Je pense que cela s'inscrit dans les efforts de la CSST, depuis quatre ans en particulier, pour réduire les accidents et sensibiliser la population au danger des accidents du travail, que ce soit chez les employeurs et chez les employés. Alors, les efforts de la CSST sont graduels et croissants. Je le soulignais tantôt, depuis quatre ans, la CSST examine sans relâche tous les programmes pour améliorer la prévention et, cette année, ce sera encore dans ce sens-là. Je verrai prochainement avec la direction du conseil d'administration de la CSST à discuter avec eux des façons de le faire. Je vois s'agiter mon collègue sur son fauteuil qui semble avoir quasiment plus d'informations que la CSST en aurait elle-même pour prendre la décision. Alors, on avisera en temps et lieu.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en additionnelle.

M. Jolivet: Ma question est bien simple. Les gens nous le confirment, on a l'intention de couper des postes à la prévention et le ministre nous indiquait la semaine dernière qu'il souhaitait que la prévention soit plus dynamique et plus musclée. Donc, est-ce que le ministre peut confirmer les informations que nous avons voulant qu'il y ait une décision à la CSST de couper des postes à la prévention? C'est cela la question.

Le Président: M. le ministre du Revenu et ministre du Travail.

M. Séguin: M. le Président, mon collègue ne voudrait tout de même pas que je confirme ou que j'infirme des pseudo-informations. Il dit avoir entendu dire que... Ce que je peux préciser ici, c'est que nous faisons de la prévention une politique générale à l'intérieur de la CSST et que tous les moyens seront mis en oeuvre pour améliorer l'exercice de la prévention. Je discuterai avec la CSST des moyens à retenir et non pas avec mon collègue. Je ne pense pas que j'aie à faire le choix des moyens ici. Je répondrai de temps à autre au succès que nous aurions pu avoir, et on verra l'année prochaine si nous avons réussi à améliorer la prévention. (15 h 30)

Le Président: En principale, M. le député de Taillon.

Congédiement d'un procureur de la couronne candidat aux élections fédérales

M. Filion: Oui, je vous remercie, M. le Président. Ma question s'adresse bien simplement au ministre de la Justice. Les journaux ont fait état la semaine dernière du fait qu'un procureur de la couronne désirait porter sa candidature aux élections fédérales. Ces mêmes journaux faisaient état du fait que le ministère, se référant bien sûr à une loi existante, s'opposait à ce que cet employé du ministère public pose sa candidature, donc exprime ses opinions politiques. Cependant, le ministre n'est pas sans savoir que la Charte des droits et libertés de la personne permet également la liberté d'expression et d'opinion, dont l'opinion politique, dont la conséquence normale est le fait de se porter candidat à une élection fédérale, provinciale ou municipale. Est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire s'il a examiné ce dossier, s'il a revu l'opinion de ses fonctionnaires pour faire en sorte que ce procureur de la couronne puisse conserver son emploi tout en faisant valoir ses opinions politiques de façon démocratique?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier le député de Taillon pour cette première question qu'il me pose en mes responsabilités de ministre de la Justice et je voudrais l'assurer de mon entière collaboration. S'il y a un domaine où l'on n'a pas à faire de partisanerie politique, c'est bien le domaine de la justice. Je veux l'assurer de mon entière collaboration. Il est juriste, il connaît évidemment les limites que j'ai en répondant aux questions, mais je vais quand même tenter d'être le plus clair possible.

En ce qui regarde ce cas, M. le Président, j'ai dû tout simplement appliquer l'article 8 de la Loi sur les substituts du procureur général qui est très clair et qui mentionne expressément que les substituts ne peuvent se livrer à des activités de partisan sur le plan politique. J'ai alors appliqué cet article. M. Tremblay aurait pu demander d'être reclassé comme fonctionnaire et, ensuite, demander un congé sans traitement, mais il ne l'a pas fait. Comme ministre de la Justice, j'ai à faire appliquer toutes les lois. En particulier, cet article 8 de la loi sur les substituts devait s'appliquer. Je n'avais donc aucun choix, je devais signifier à M. Tremblay qu'il n'était plus à l'emploi du ministère étant donné sa volonté de se porter candidat.

Le Président: Je m'excuse, M. le député. Nous avons dépassé de beaucoup le temps requis.

Fin de la période de questions et de réponses orales.

Nous allons procéder à la prochaine étape des affaires courantes, c'est-à-dire le vote reporté.

MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés! M. le whip de l'Opposition! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons procéder au

vote, s'il vous plaît! MM. les députés!

Mise aux voix de la motion de censure

proposant que l'Assemblée blâme le

gouvernement d'avoir manqué à son

devoir de défendre les intérêts du Québec

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition officielle. Cette motion se lit comme suit: Que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement libéral qui, par sa mollesse et son attentisme, a gravement manqué à son devoir de défense vigoureuse des intérêts du Québec, n'a pas obtenu la juste part des retombées économiques liées aux investissements fédéraux et laisse s'accréditer au Canada anglais le mythe que le Québec soit choyé par le régime fédéral. "

Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever!

Le Secrétaire adjoint: MM. Chevrette (Joliette), Gendron (Abitibi-Ouest), Perron (Duples-sis), Blais (Terrebonne), Garon (Lévis), Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (Laviolette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Godin (Mercier), Boulerice (Saint-Jacques), Claveau (Ungava), Parent (Bertrand), Mme Harel (Maison-neuve).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent), Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Pagé (Portneuf), Levesque (Bonaventure), Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau (Laporte), Rivard (Rosemont), Se- guin (Montmorency), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), MM. MacDonald (Robert-Baldwin), Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Valle- rand (Crémazie), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Fortier (Outremont), Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Dauphin (Marquette), Philibert (Trois-Rivières), Blackburn (Ro-berval), Lefebvre (Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Sirros (Laurier), Middlemiss (Pontiac), Chagnon (Saint-Louis), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Polak (Sainte-Anne), Kehoe (Chapleau), Gervais (L'Assomption), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscaminçjue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Iles), Thérien (Rousseau), Tremblay (Iberville), Théorêt (Vimont), Hamel (Sherbrooke), Parent (Sauvé), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Forget (Pré- vost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Larouche (Anjou), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Houde (Berthier), Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Latulippe (Chambly), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington (Matane).

Le Secrétaire: Pour: 14

Contre: 78

Abstentions: 0

Le Président: La motion est rejetée.

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous me permettez, j'avais reconnu M. le leader adjoint du gouvernement, mais il est impossible de l'apercevoir actuellement. M. le député de Terrebonne! MM. les députés! M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 19 h 30 à 22 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, de même que demain, de 10 heures à 13 heures, à la salle du Conseil législatif, la sous-commission des institutions poursuivra sa consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations. C'est tout. Merci, M. le Président. (15 h 40)

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président: Allez-y.

M. Gendron: Je voudrais vous faire remarquer ainsi qu'aux parlementaires... Si j'ai bien compris, selon le leader adjoint du gouvernement, il n'y a rien de prévu en commission aujourd'hui et demain pour quelque projet de loi que ce soit. Il n'y a aucune commission qui étudie des projets de loi. Il n'y a que la sous-commission qui poursuivra sa consultation concernant la modification au Code civil. Est-ce bien ça?

M. Lefebvre: Excusez-moi, M. le Président. Ce n'est pas tout à fait cela.

Le Vice-Président: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: L'avis que je viens de donner fait référence à des travaux qui se tiendront à la sous-commission des institutions cet après-midi, ce soir et demain. Demain, on verra à répéter l'avis, mais je peux tout de suite annoncer qu'il

y a deux commissions qui siégeront: à nouveau, la sous-commission des institutions et également la commission de l'économie et du travail qui entendra le ministre délégué aux Forêts relativement à ses engagements financiers, demain.

Le Vice-Président: J'ai moi-même un avis à donner à ce moment-ci. Je vous avise que la commission du budget et de l'administration se réunira aujourd'hui à compter de 16 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau, afin de procéder à la vérification des engagements financiers relevant du ministre délégué aux Finances et à la Privatisation en ce qui concerne la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Je vous avise également que la commission de l'économie et du travail se réunira demain matin, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, afin de vérifier les engagements financiers du ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur forêts.

Si je reviens à l'avis donné par le leader adjoint du gouvernement, je constate que les heures de la commission seront jusqu'à 18 heures et de 19 h 30 à 22 h 30. Je présume qu'il y a consentement à ce moment-ci pour déroger à l'article 143 de notre règlement. Est-ce bien exact, M. le leader de l'Opposition?

M. Gendron: Oui, oui.

Le Vice-Président: Très bien. Il y a donc consentement pour dérogation concernant les heures où la commission va siéger.

Nous allons maintenant passer aux questions concernant les travaux de l'Assemblée. Est-ce qu'il y a quelques questions à ce moment-ci?

M. Gendron: II n'y en a pas.

Le Vice-Président: II n'y a pas de questions. Ceci met donc fin aux affaires courantes. Nous allons maintenant procéder... Un instant. Oui, très bien. Excusez-moi. J'ai ici un document qu'on m'a remis il y a quelques instants.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Quant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous rappelle que demain après-midi, lors des affaires inscrites par les députés de l'Opposition, il y aura une motion présentée par M. le député de Verchères, en vertu de l'article 97 de notre règlement. Cette motion ce lit comme suit: "Que cette Assemblée exige que le gouvernement du Québec mette sur pied une commission d'enquête dont le mandat serait, premièrement, d'examiner les circonstances ayant permis qu'une catastrophe comme celle de Saint-Basile-le-Grand ait pu survenir, deuxièmement, d'examiner toute la problématique de la gestion des déchets dangereux au Québec et, finalement, de proposer les solutions qui permet- traient au gouvernement de tenir ses promesses à l'égard du virage écologique. "

Cette fois-ci, ça met fin aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée et également à la période des affaires courantes. Nous passons donc maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton.

Projet de loi 14

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 2 du feuilleton, nous allons reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 14, Loi sur la réorganisation municipale du territoire de la municipalité de la Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent, motion présentée par M. le ministre des Affaires municipales. À ce moment-ci, je vais reconnaître comme intervenant M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir et aussi avec beaucoup d'intérêt que j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi 14, Loi sur la réorganisation municipale du territoire de la municipalité de la Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent. Comme la majorité des membres de cette Chambre le savent, mais pas nécessairement la population qui nous écoute, ce territoire est actuellement situé dans le comté de Duplessis que je représente à l'Assemblée nationale depuis près de douze ans. C'est un territoire qui, au cours des années passées, a effectivement été considéré quelque peu par l'ancien gouvernement du Parti québécois. Vous me permettrez sûrement une courte rétrospective qui s'impose pour informer les membres de cette Chambre, savoir ce qu'est la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent.

Ce territoire dont la population est isolée, en plus d'être éloignée des grands centres, c'est-à-dire de Montréal et de Québec en particulier, est un territoire qui est actuellement sous la tutelle d'une loi et qui comprend quinze localités, de Kegaska à Blanc-Sablon, sur la rive nord du Saint-Laurent, et le territoire de Kegaska à Blanc-Sablon est situé géographiquement à l'est de Natashquan. À l'intérieur de ce même territoire existent quinze localités, comme je le disais tout à l'heure, dont trois sont francophones et douze, anglophones. Je pense que ce territoire mérite actuellement une attention toute spéciale puisque, avant 1963, rien comme structure n'existait sur ce territoire de 250 milles de côte et il n'y avait pratiquement rien comme intervention gouvernementale. Personne ne s'occupait des résidents et des résidentes, sinon les

milieux religieux. C'est pourquoi, en 1963, arrive la première loi dont je vais vous informer quelque peu.

Cette première loi était le chapitre 97, la Loi concernant la municipalité de la Côte-Nord-du-Go!fe-Saint-Laurent, sanctionnée le 4 avril 1963. D'ailleurs, c'avait été sanctionné à la demande surtout d'un groupe socio-économique de la Basse-Côte-Nord qui avait à sa tête les milieux religieux, soit catholiques ou encore anglicans. Lorsqu'on regarde le fond même de cette loi de 1963, on constate que ce grand territoire a été géré jusqu'à maintenant et sera géré à l'avenir, pour une partie au moins, par un administrateur nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, qui est substitué au conseil municipal et au secrétaire trésorier de la municipalité et, sous réserve d'un autre article, il en possède les droits, en exerce les pouvoirs et est soumis à leurs obligations. L'administrateur est également substitué aux autres officiers municipaux que mentionne le Code municipal mais il peut, par ordonnance, déléguer leurs pouvoirs à d'autres personnes.

Quant à l'article 6,1, M. le Président, l'administrateur exerce les pouvoirs du conseil municipal par ordonnance. Celle-ci entre en vigueur et a force de loi, s'il n'y est autrement prescrit, quinze jours après celui où elle a été publiée. L'ordonnance qui, en vertu de ses propres dispositions ou de la loi, ne peut entrer en vigueur qu'à compter d'une certaine époque, doit être publiée au moins quinze jours avant cette époque.

Quant à l'article 6,4, cet avis est donné sous la signature de l'administrateur et publié en en affichant une copie au bureau de la municipalité et aux endroits fixés par l'administrateur.

À l'article 6, une copie conforme de toute ordonnance de l'administrateur doit être remise au ministre dans les 30 jours de sa date et, à l'article 7, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, dans les six mois de la réception de cette copie, désavouer l'ordonnance, en changer tout ou encore une partie.

Bien sûr, l'article 9 disait ceci: Toute partie du territoire de la municipalité créée en vertu de la présente loi peut être détachée sur la recommandation du ministre ou à la demande des intéressés, et être érigée en municipalité de village ou de campagne. Sous cette réserve, cette élection se fait selon les dispositions du Code municipal et, à compter de celle-ci, ses territoires et ses habitants cessent d'être régis par la présente loi."

Je comprends très bien pourquoi nous avons actuellement devant nous le projet de loi 14. Selon moi et selon les études qui ont été faites antérieurement, bien sûr, cet article 9 était très difficile d'application parce que certaines localités du territoire désiraient être rattachées à d'autres localités plutôt que de devenir autonomes au sens de l'article 9. Puisque ce projet de loi 14 que nous avons devant nous est extrême- ment important, je dois vous dire que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis une centaine d'années jusqu'en 1979, n'ont pratiquement rien fait pour corriger la situation, sinon de donner des peccadilles ici et là à travers les années dans certains domaines comme celui des loisirs, un petit terrain de balle ici, un autre là. Par exemple, dans le domaine social, donner des centres communautaires à certains endroits, mais pas partout, dans une localité ou dans une autre. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour qu'on donne des services concrets à toutes ces populations de la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent. (15 h 50)

II y a, bien sûr, eu des travaux routiers municipaux qui, dans le temps, c'est-à-dire avant 1979, et cela s'est fait aussi sous l'ancien gouvernement pour une période donnée où on faisait ce qu'on appelle des travaux municipaux à la petite pelle. On engageait certaines personnes qui voulaient avoir des emplois, à coups de 30 000 $ et 35 000 $ dans une municipalité, pour se promener à travers les rues municipales qui n'existaient pratiquement pas, pour boucher des trous, réparer des petits ponceaux, faire des ponts, etc. Mais cela ne corrigeait pas et n'a toujours pas corrigé la situation de la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent.

Il y a bien sûr eu quelques programmes Canada au travail qui ont permis la construction de certains petits centres de loisirs, par exemple, ou encore des centres communautaires, mais c'est tout ce qu'il y avait et c'est très peu par rapport aux besoins du milieu.

Cependant, à la demande des gens de la Basse-Côte-Nord, des résidents anglophones et des résidents francophones, une activité eut lieu à Sept-îles en mai 1979. Elle regroupait, dans l'ensemble, les groupes ethniques de cette région. Ce colloque, organisé par le Dr Camille Laurin, regroupait à Sept-îles les minorités ethniques de la Basse-Côte-Nord qui faisaient des représentations auprès de l'ancien gouvernement pour corriger cette situation aberrante ou plutôt, devrais-je dire, ces situations aberrantes qui existaient dans presque tous les domaines. Je pense que les résultats ont été vraiment concrets. J'espère que le ministre a pris, sinon qu'il prendra l'occasion de lire attentivement tous les rapports et, en particulier, celui qu'on a appelé le rapport de la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent concernant le groupe de travail qui s'est lancé en Basse-Côte-Nord. Pour se rendre à un voeu de la population, le ministre du temps, le Dr Camille Laurin, avait effectivement donné son aval à la formation de ce comité pour que ce dernier puisse présenter un rapport par la suite.

Au colloque sur les minorités ethniques de la Basse-Côte-Nord tenu à Sept-îles les 12 et 13 mai 1979, le porte-parole des citoyens de la Basse-Côte-Nord - je me rappelle que c'était M. Alexandre Dumas - vint affirmer que ceux-ci se sentaient traités comme un sous-peuple. Passant

en revue tes différents secteurs d'activité, de l'éducation au transport, en passant par les pêcheries, les services municipaux, etc. Il mit en relief les lacunes innombrables qui existaient et demanda au Dr Camille Laurin, alors ministre d'État au Développement culturel, de dépêcher l'un de ses représentants personnels en mission de reconnaissance dans la région pour que celle-ci lui fasse part elle-même de ses préoccupations, intérêts et aspirations. La réponse du Dr Laurin à cette invitation fut la suivante, et je situe en gros: M. Payne - ancien député à l'Assemblée nationale - vous rendra visite de village en village. Et M. Laurin continuait: Je songe à instaurer une sorte de groupe de travail qui esquisserait un plan, non pas théorique, mais un plan concret. En effet, les transports influent sur les problèmes de santé; les coûts élevés tiennent au transport, les avions au problème de la circulation aérienne et fluviale qui, à leur tour, sont fonction de tous les autres problèmes. Et il terminait en écrivant: Pour se former une vision qui puisse se traduire par des actes...

M. le Président, le mandat de ce groupe de travail était le suivant: 1° préparer un projet de consultation pour faciliter une étude ordonnée des problèmes vécus en Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent; 2° entreprendre une tournée de tous les villages de la Basse-Côte-Nord pour écouter et prendre note des commentaires, plaintes, préoccupations et voeux des citoyens; 3° faire l'analyse et la synthèse des informations recueillies. 4° faire la conciliation de ces informations avec les politiques sectorielles et les actions gouvernementales actuelles; 5° proposer une approche intégrée, concrète et réalisable au développement socio-économique de la Basse-Côte-Nord.

M. le Président, à la suite de ce rapport, terminé en 1979, ce document fut remis ici, dans cette Assemblée nationale - j'en étais très heureux d'ailleurs - en novembre 1979, lors d'un dépôt de document. Pour moi ce document présenté en 1979 était extrêmement concret et extrêmement complet et il permettait à l'ancien gouvernement et au gouvernement actuel, parce que c'est toujours d'actualité, d'aller de l'avant et de réaliser certains projets qui sont demandés depuis de nombreuses années par les résidentes et les résidents de la Basse-Côte-Nord. C'est aussi un document de travail extrêmement important. Ce document est important parce que c'est grâce au travail effectué par les gens de la Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, c'est aussi grâce au groupe de travail qui s'est impliqué directement dans le milieu et a fourni un rapport extrêmement intéressant, c'est aussi grâce à l'ancien député à l'Assemblée nationale, M. David Payne, et aussi au Dr Camille Laurin qui, à ce moment-là, était ministre d'État au Développement culturel que ce rapport a été complété et que des actions positives sur les plans économique et social ont été prises par la suite par l'ancien gouvernement.

C'est aussi grâce à ce rapport que nous pouvons aujourd'hui voir le gouvernement libéral nous présenter effectivement un projet de loi, parce que c'était dans ce sens que plusieurs recommandations du rapport allaient en 1979: arriver à restructurer l'ensemble des localités de la Basse-Côte-Nord et de les structurer en faisant certains regroupements municipaux dans certains cas, que certaines municipalités deviennent seules dans d'autres cas à leur demande. Je crois que le projet de loi que nous avons, sur le principe même, est extrêmement intéressant.

J'avise tout de suite le ministre qu'en tant que députés de l'Opposition, nous avons l'intention, et moi, en tant que membre de l'Assemblée nationale et représentant du comté de Duplessis depuis maintenant près de douze ans, j'ai l'intention d'intervenir comme je le fais aujourd'hui mais plus à fond, en commission parlementaire, lors de l'étude article par article de ce projet de loi.

Lorsqu'on, regarde l'ensemble de la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, on peut remarquer qu'au cours des années passées, et cela va autant pour l'ancien gouvernement que pour le nouveau gouvernement, on n'a jamais tenu compte des disparités qui existaient entre les francophones et les anglophones. Pourquoi? C'est un secteur isolé. C'est un secteur extrêmement éloigné des grands centres. À ce moment-là, il y avait une coordination qui se faisait directement dans le milieu, peu importent le langage des gens, leur religion, la couleur de la peau des gens.

Je pense que c'était nécessaire dans le temps et c'est toujours nécessaire aujourd'hui de faire en sorte que les décisions qui seront prises avant l'application de la loi se fassent directement avec les gens de la Basse-Côte-Nord de Kegaska et Blanc-Sablon, se fassent aussi avec la présence, si le ministre le désire, du député de Duplessis à l'Assemblée nationale et même du critique des affaires municipales qui agit au nom de l'Opposition à l'Assemblée nationale. Là-dessus, je suis très ouvert pour qu'on n'arrive pas éventuellement à remettre à des gens des pouvoirs sans rien pour exercer ces pouvoirs. Là, il y a un danger. Je vais m'exprimer là-dessus tout à l'heure.

Cependant, il faut dire, M. le Président, qu'à la suite du rapport Payne, en 1980, l'ancien gouvernement a pris des décisions et a préparé un plan quinquennal qui s'est terminé en 1985. L'ancien gouvernement a dépensé, non pas en argent fédéral mais en argent québécois, avec des fonds publics du Québec, par le biais de différents ministères du gouvernement du Québec, en particulier du ministère des Transports, du ministère des Affaires municipales, de l'OPDQ, grosso modo, plus de 60 000 000 $ pour corriger certaines situations aberrantes qui étaient mentionnées dans le rapport Payne.

Là-dessus, on peut dire que dans certaines localités comme Blanc-Sablon, Lourdes-de-Blanc-

Sablon, Baie de Brador, Baie du Milieu - ça se dirige toujours vers l'ouest maintenant, - à Saint-Augustin ainsi qu'à Chevery, on a réussi à corriger tout le domaine des routes municipales même en y faisant du pavage subventionné entièrement par le gouvernement du Québec, c'est-à-dire le ministère des Transports et l'OPDQ. (16 heures)

Dans le domaine des loisirs, dans certaines localités, à l'intérieur des activités économiques que le gouvernement avait endossées pour la Basse-Côte-Nord, on a réglé certains problèmes, comme la construction de plusieurs terrains de balle, la construction de plusieurs patinoires qui n'existaient pas antérieurement, comme la réfection de certains centres communautaires qui existaient, mais qui étaient complètement désuets, comme la construction de nouveaux centres communautaires dans des localités où il n'en existait pas.

Il y a aussi, bien sûr, la question qui a été touchée qui concernait la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, se rapportant aux infrastructures d'aqueduc. Je me rappelle qu'en 1976, lorsque j'ai été élu - et le ministre me regarde et m'écoute attentivement, je suis heureux qu'il le fasse d'ailleurs - il y avait deux localités sur quinze qui avaient un réseau d'aqueduc. Je me suis ramassé à l'automne 1976 où les deux réseaux d'aqueduc ne fonctionnaient pas parce qu'ils avaient été mal faits techniquement et qu'à ce moment-là, les gens du milieu se ramassaient avec des problèmes. Ce sont des problèmes qui ont été corrigés au cours des deux années qui ont suivi. Par la suite, on est arrivé au point où, sur quinze localités, on a entrepris la construction de réseaux d'aqueduc faits en régie par la municipalité de la Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent sous la tutelle de l'admnistrateur lui-même. Ce qui fait qu'aujourd'hui, au lieu d'avoir deux localités qui ont des réseaux d'aqueduc, il y en a actuellement douze. Mais il reste toujours trois de ces problèmes à régler. Et, au sujet de la route 138, où l'ancien gouvernement est intervenu dans une entente Canada-Québec, qui fait toujours partie de ces quelque 60 000 000 $, cette entente ayant été signée en 1985, les travaux se continuent actuellement. Pas aussi rapidement que je le voudrais, pas aussi rapidement que les gens de la Basse-Côte-Nord le voudraient, en particulier entre Vieux-Fort et Blanc-Sablon parce qu'il y a eu un certain ralentissement de la part du ministère des Transports dans la construction et dans la sortie des soumissions se rapportant à la construction de cette route.

Aujourd'hui, je vois le projet de loi 14 et je dis oui au principe, bien sûr. Mais j'ai lu très attentivement le discours du ministre des Affaires municipales. J'ai trouvé son discours extrêmement intéressant concernant le contenu par rapport à ce qu'on avait et ce qui existe actuellement en Basse-Côte. J'ai trouvé aussi qu'il y avait beaucoup de belles paroles à l'intérieur de ce document, à l'intérieur du discours du ministre. J'ai trouvé aussi qu'il donnait une assez belle rétrospective de ce qui existait en Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent au moment où on se parle, et ce, en particulier depuis 1963. Cependant, en 27 paragraphes du texte que j'ai eu, à la suite du discours du ministre, je ne trouve aucun engagement de la part du ministre libéral, c'est-à-dire le ministre des Affaires municipales, je ne trouve aucun engagement de la part de son gouvernement quant aux dossiers locaux et quant à différents domaines qui doivent être réglés avant l'application de la loi, mais surtout avant l'application des décrets qui vont suivre l'application de la loi.

On sait très bien que la loi, compte tenu des vœux du milieu, compte tenu du rapport Payne, compte tenu de certains rapports d'étapes, il faut justement que ça se fasse par étapes et non pas d'un coup sec, c'est-à-dire d'une claque, pour dire aux gens: À partir d'aujourd'hui, vous êtes municipalises. Donc, ça va se faire par décret. Je trouve cette partie intéressante parce que en 1985, dans le rapport qui a été préparé par des personnes qui ont travaillé dans ce secteur, ces gens ont pu nous remettre énormément d'informations par rapport aux voeux des résidents et des résidentes qui demeurent dans chacune des localités. Mais, dans certains domaines, M. le Président, qui devraient être touchés par le ministre - et j'entends bien faire en sorte qu'il s'engage jusqu'à un certain point, sinon dans l'ensemble - on peut voir, par exemple, que le ministre n'a pas touché du tout la question de l'hygiène du milieu, de la gestion des déchets, des réseaux de distribution, du traitement des eaux usées, pour les localités qui existent actuellement et qui ont toujours des problèmes avec la question des eaux usées.

Vous avez le domaine des transports, le transport routier, le transport maritime, le transport aérien. Dans le transport routier, le ministre n'avait rien comme contenu dans son discours à l'Assemblée nationale. Il n'y a rien sur les rues municipales, il n'y a rien sur les tronçons de la route 138, il n'y a rien sur la réfection des rues municipales, sur la mise en forme, il n'y a rien non plus dans le domaine du transport maritime, quant à la construction et à la réfection. Il n'y a pratiquement rien, il n'y a rien du tout, c'est le néant, M. le Président, quant au discours du ministre.

Maintenant, je voudrais, bien sûr, vous dire qu'en ce qui me concerne, je demande au ministre des Affaires municipales de tenir compte du rapport, c'est-à-dire du plan de développement municipal dans le cadre de la restructuration municipale en Basse-Côte-Nord, dont j'ai eu l'occasion de prendre connaissance en 1985, puisque ce rapport a été déposé le 16 août. Ce document de travail a été fait dans le but d'éclairer tous les intervenants concernés par les exigences relatives au processus de restructura-

tion en Basse-Côte-Nord et de prévoir, dans une démarche concertée, un plan de développement municipal adapté à la mise en place des futures municipalités autonomes.

M. le Président, j'aurais énormément de choses à dire, mais je vais terminer en posant ces questions au ministre des Affaires municipales. Le ministre m'a semblé - dans le texte de son discours, j'ai cru le réaliser - assez disposé pour permettre à l'Opposition de faire valoir certains points de vue. Je vais lui en soulever quelques-uns, en terminant, pour lui faire comprendre que c'est surtout sur ces points que nous, en tant que membres de l'Opposition et moi en tant que député à l'Assemblée nationale, j'entends intervenir en commission parlementaire pour avoir la certitude que ce dossier de la Basse-Côte-Nord ne soit pas la même chose que le dossier de Schefferville.

Les questions, je les pose en vrac: Est-ce qu'il existe, dans les divers ministères, un plan intégré de développement de la région? Quelle est la nature des négociations qui ont été effectuées et qui vont l'être dans l'avenir? Est-ce qu'on a une estimation des coûts qui seront générés par la création de nouvelles municipalités? Est-ce que les fonds de soutien sont disponibles au gouvernement? En raison de leur faible densité, certaines municipalités n'ont pas droit au programme norme; est-ce qu'il y a des régimes d'exception? Est-ce qu'on va dénormer? Est-ce qu'on a une idée approximative du nombre de municipalités qui seront créées? Quel avenir réserve-t-on aux employés syndiqués de l'actuelle municipalité? Est-ce que les actifs de l'actuelle municipalité seront transférés à titre gratuit?

J'aurais beaucoup de questions à poser au ministre et j'aurais voulu intervenir plus longuement quant à la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, une Basse-Côte-Nord que très peu de gens en cette l'Assemblée nationale connaissent. Je sais très bien que le ministre des Affaires municipales va faire en sorte non seulement d'écouter le député de Duplessis, mais aussi d'écouter attentivement les gens de la Basse-Côte par rapport à leurs revendications de toujours et qu'il va corriger dans le projet de loi... Par des actions concrètes, il va aider les gens de la Basse-Côte-Nord, ces hommes, ces femmes et ces enfants à réaliser leur voeu le plus cher: que sur le plan économique, on ne soit pas relié, comme c'est le cas actuellement, à Terre-Neuve, mais que ce soit plutôt relié au Québec et qu'on ait tous les espoirs pour permettre que cette région devienne de moins en moins isolée, donc de plus en plus reliée à l'ensemble québécois, en particulier à l'ensemble du comté de Duplessis. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Très bien, M. le député de Duplessis. À ce moment-ci, je vais céder la parole à M. le ministre des Affaires municipales pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Pierre Paradis (réplique)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. Nous en sommes finalement rendus à la réplique quant à l'adoption du principe du projet de loi 14, Loi sur la réorganisation municipale du territoire de la municipalité de la Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent. Vous avez été, comme moi, témoin des allocutions, des discours des parlementaires quant à ce projet de loi. Je vous rappellerai brièvement que le critique du parti de l'Opposition en matière d'affaires municipales, le député de Jonquière, est intervenu brièvement. Il a indiqué qu'il supportait le principe dudit projet de loi. Il a adressé à celui qui vous parle quelques questions de fait qui nous reviendront au moment de l'étude article par article, en commission parlementaire.

Je vous rappellerai également, M. le Président, l'éloquent discours du député de Montmagny-L'Islet qui nous a tracé un historique des plus complets, qui a insisté surtout sur le rôle du clergé à l'époque dans le développement de cette magnifique région du Québec. On vient d'entendre le discours du député de Duplessis qui, quant à son fond, nous révèle une connaissance du terrain de la part du député du comté. Le député de Duplessis, comme l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale, s'apprête à voter pour le principe du projet de loi. Là, j'ai eu un petit peu de difficulté à saisir une partie de son discours parce que, en même temps qu'il m'a prévenu comme ministre, qu'il nous prévient comme gouvernement qu'après 25 années d'une situation dite temporaire, soit depuis 1963, qu'il est d'accord avec ce que le gouvernement fait, mais qu'il n'y a rien dans ce que le gouvernement fait. Il n'y a rien quant à ci, il n'y a rien quant à ça. Je dirai au député de Duplessis qu'au-delà de son discours, c'est par son vote qu'il va manifester que ce projet de loi a un contenu, un contenu très spécifique et très sain pour la population qui habite la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent. (16 h 10)

Depuis 23 ans, cette population est - je pense qu'on peut utiliser l'expression - sous la quasi-tutelle d'un administrateur qui exerce tous les pouvoirs d'un conseil municipal régulier. Ce que le projet de loi vise à faire, c'est de redonner à ces populations de ces diverses localités un pouvoir politique par lequel elles pourront élire les personnes qu'elles croiront les plus aptes à assumer le leadership local, à assumer le leadership régional et à présenter aux autres ordres de gouvernement les revendications légitimes du milieu. Ce que ce projet de loi contient, c'est un élément de démocratisation, un élément de responsabilisation de la population. Je prends donc acte des propos des députés de l'Opposition qui s'apprêtent à voter en faveur dudit projet de loi.

M. le Président, il y aura d'autres étapes à franchir. L'étude article par article permettra à

l'Opposition, par la voix de son critique, par la voix du député qui représente cette circonscription électorale et à l'ensemble des députés ministériels, comme le député de Montmagny et tous les autres qui sont intéressés à cet important projet de loi, d'intervenir de façon à obtenir du ministère des Affaires municipales et possiblement d'autres ministères sectoriels des précisions quant à des questions particulières.

Au moment de la réplique sur l'adoption du principe, il me fait plaisir de souligner qu'aucun parlementaire n'a eu de doute - en tout cas, s'il y en a eu, ils ne se sont pas prononcés - quant a la possibilité de voter contre un tel projet de loi. Tous les parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec qui ont insisté pour se faire entendre sur cet important projet de loi se sont prononcés en faveur de ces éléments de démocratisation et de responsabilisation.

M. le Président, j'insiste sur ces éléments et sur ce projet de loi parce que, comme tels, ils vont à l'encontre d'une politique généralement connue et généralement établie au ministère des Affaires municipales du Québec, politique qui veut que l'on favorise le regroupement, la fusion des municipalités au Québec. Par ce projet de loi, nous sommes certains que nous créerons davantage de municipalités. Mais si, pour donner plus de responsabilités, plus d'oxygène à cette démocratie, il nous faut reléguer temporairement un principe qui guide généralement les actions du ministère, nous sommes prêts à le faire parce que nous sommes prêts, comme gouvernement, à considérer les particularités d'une telle région.

Tantôt, dans cette Assemblée, quelqu'un nous demandait si, sur le plan de la normalisation de nos programmes, nous allions tenir compte des aspects particuliers de cène région du Québec et des municipalités qui la composent. M. le Président, la réponse va de soi. Il y a de ces gouvernements qui, en démocratie, choisissent de faire - le terme est consacré dans la jurisprudence - de la législation ou de la réglementation que l'on qualifie de "Blanket Legislation" ou "Blanket Regulation", de la législation ou de la réglementation qui s'applique à tous et à toutes, indépendamment de leur condition ou de leur localisation. Nous avons connu par le passé ce type de gouvernement au Québec. Nous connaissons maintenant un type de gouvernement qui va sur le terrain, qui regarde les problèmes auxquels sont confrontées certaines populations et qui tente d'ajuster des solutions proposées à ces populations. Bien que le ministère des Affaires municipales préconise généralement la fusion, le regroupement des municipalités et la diminution du nombre des muncipalités au Québec, encore une fois, vous avez là un témoignage combien éloquent de ce regard nouveau, de ce regard neuf que jette le Parti libéral du Québec sur des régions qui ont des caractéristiques, des particularités. Le gouvernement du Québec, en présentant le projet de loi qui vise à responsabiliser une population, à oxygéner la démocra- tie d'une merveilleuse et grande région du Québec, témoigne encore une fois de ce regard attentif sur les particularités que connaissent des populations au Québec.

M. le Président, en terminant, je ne voudrais pas me rasseoir sans remercier tous les parlementaires qui ont pris la peine d'intervenir, sans remercier l'ensemble des parlementaires qui nous ont indiqué qu'encore une fois is soutenaient le gouvernement dans un geste qui vise à responsabiliser une population. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Le débat étant dos à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 14, Loi sur la réorganisation municipale du territoire de la municipalité de la Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi 14 à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Perron: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 8 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 107 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 8 du feuilleton, M. le ministre de l'Éducation propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique. En conséquence, je cède la parole à M. le ministre de l'Éducation.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, de toutes les formes d'activités collectives dont le gouvernement assume la responsabilité, aucune n'a une importance plus décisive pour l'avenir du Québec que l'éducation. Aucune, sauf la santé et les services sociaux, ne se voit attribuer une portion

aussi importante du budget de l'État. En 1987-1988, 1 136 813 élèves d'âge scolaire étaient inscrits à titre régulier dans les écoles publiques et privées du Québec. Inférieur d'à peine 27 763 au total des inscriptions en 1982-1983, ce chiffre indique que le niveau des inscriptions scolaires, après avoir connu une chute prononcée, tend désormais à se stabiliser. Sous l'angle de la langue d'enseignement, le nombre des élèves inscrits à l'enseignement en français s'élevait en 1987-1988 à 1 019 238. Les inscriptions à l'enseignement en français représentaient 89,3 % du total des inscriptions contre 85,4 % cinq ans plus tôt. La progression relative des inscriptions à l'enseignement en français doit nous réjouir. Elle a cependant été assurée surtout par la baisse marquée des inscriptions à l'école anglaise, l'augmentation numérique des inscriptions à l'école française ayant été à peine d'environ 1615 en cinq ans.

À la clientèle d'âge scolaire vient désormais s'ajouter une clientèle adulte de plus en plus nombreuse. En 1986-1987, le nombre de personnes adultes inscrites à des cours conduisant à l'obtention du diplôme d'études secondaires s'élevait à 219 044, soit plus du double des inscriptions enregistrées cinq ans plus tôt. Les cours d'éducation populaire offerts par les commissions scolaires atteignaient pour leur part 171 644 adultes, soit une augmentation de 42 % par rapport à l'année précédente.

Au service de cette clientèle de quelque 1 500 000 personnes inscrites dans les écoles publiques, on trouvait en 1987-1988 pas moins de 213 commissions scolaires, soit 181 commissions scolaires pour catholiques, 29 commissions scolaires pour protestants, trois commissions scolaires multiconfessionnelles. Ces commissions scolaires embauchaient ensemble 59 966 enseignants, 5834 cadres et gérants, 3498 professionnels non enseignants et 17 210 employés de soutien, soit un total de 86 508 employés, équivalence temps plein. L'enseignement offert par les commissions scolaires était dispensé dans 2868 écoles. De ce total, 2426, soit 82,5 %, étaient des écoles où l'enseignement se donnait en français. Nous estimons à environ 5000 $ par élève le coût des services éducatifs offerts par le système public d'enseignement au Québec. Ce chiffre explique le budget de 4 953 000 000 $ attribué au ministère de l'Éducation en 1987-1988. De ce budget de 5 000 000 000 $ une somme de 91 500 000 $ fut réservée pour le fonctionnement du ministère de l'Éducation. Tout le reste, soit 98,1 % du budget total du ministère de l'Éducation, fut transféré sous forme de subventions et de paiements divers aux organismes d'enseignement et principalement aux commissions scolaires. En 1987-1988, les commissions scolaires retirèrent 91,4 % de leurs revenus de subventions et de paiements de transferts gouvernementaux. (16 h 20)

Pour assurer le fonctionnement d'un sys- tème aussi vaste et complexe, il faut une législation fondamentale qui en définisse les principes, les objectifs, les structures et les articulations majeures. Comme il s'agit d'éducation, le contenu de chaque opération du système, de chaque rôle contribué aux divers acteurs, de chaque facteur entrant dans le système, doit être soigneusement établi et vérifié. Il n'est pas seulement question d'organiser des écoles et d'y engouffrer des élèves en fonction de moyennes purement arithmétiques. Il faut prévoir pour ces élèves un régime d'études et d'encadrement qui puisse leur permettre d'acquérir à l'école une solide formation, d'acquérir aussi une connaissance poussée de leur langue maternelle, des mathématiques et des sciences, de l'histoire, de la géographie, d'au moins une langue seconde, et de recevoir enfin en matière religieuse et morale un enseignement et des services répondant aux attentes légitimes de leurs parents. Non seulement faut-il, pour assurer la réalisation de ces objectifs, un cadre juridique et administratif soigneusement établi, il faut aussi que ce cadre soit périodiquement remis à jour afin qu'il soit toujours adapté aux besoins nouveaux qui surgissent sans cesse.

En matière d'éducation, il faut éviter les changements brusques et capricieux qui tendent davantage à énerver et à perturber le système d'enseignement qu'à l'améliorer vraiment. Aussi, le gouvernement s'est employé jusqu'à maintenant à proposer des amendements ponctuels à la Loi sur l'instruction publique. Ces améliorations que nous avons apportées ensemble depuis trois ans ont permis d'éliminer diverses formes de discrimination dans le fonctionnement des élections scolaires, d'asseoir plus fermement l'autorité du gouvernement en matière de régime pédagogique et de mieux assurer le fonctionnement du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Il incombe, par contre, aux autorités gouvernementales de veiller à ce que les lois soient toujours adaptées aux réalités et traduisent fidèlement le vécu quotidien de la population qu'elles doivent servir.

Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement se rendait compte de la nécessité pour le Québec d'entreprendre une réforme en profondeur de la législation sur l'instruction publique afin de mieux l'adapter aux réalités modernes. Conscient, par contre, des embûches qui ont entraîné l'échec de maintes tentatives passées de réforme, le gouvernement décida d'aborder le problème sans dogmatisme et sans précipitation, dans l'esprit d'ouverture et de conciliation que décrivaient les engagements électoraux du Parti libéral du Québec.

L'effort de recherche et de consultation entrepris dès le début du mandat du présent gouvernement a donné lieu à d'innombrables discussions et rencontres. Le projet de loi 107 ainsi que les améliorations que nous y apporterons à la suite des avis nombreux et représentatifs présentés à la commission parlementaire de l'éducation sont l'aboutissement normal et très largement souhaité d'un processus de réflexion et

de maturation qui dure depuis au moins dix ans et qui sera loin d'être terminé avec l'adoption du projet de loi. Devant un projet de loi aussi considérable, qui comportera dans sa forme finale quelque 600 articles, il importe de préciser dès le départ les principales modifications qui semblent devoir en découler. On est en droit d'exiger du gouvernement qu'il justifie de manière claire les changements proposés. C'est ce que je tenterai de faire en abordant le projet de loi sous les aspects suivants. Tout d'abord, l'accès à l'éducation, ensuite, la mission et les structures de l'école, la confessionnalité scolaire, la mission et les attributions des commissions scolaires et, enfin, le rôle et les attributions du gouvernement et du ministre de l'Éducation.

Tout d'abord, l'accessibilité. L'école et les services qui s'y rattachent existent en premier lieu pour la population, jeune et adulte. Aussi, la première question que l'on doit se poser en présence d'un projet de loi touchant l'éducation est la suivante. En quoi améliore-t-il l'accès de la population aux services éducatifs? Nous avons déjà depuis longtemps au Québec la gratuité universelle de l'enseignement public primaire et secondaire pour les élèves d'âge scolaire, de même que l'obligation de fréquentation scolaire. Ces deux principes étant acquis et universellement acceptés, il n'était pas question de les remettre en cause. Si on y regarde de près, une partie importante de la population demeure cependant dépourvue des bienfaits d'une formation du niveau secondaire. On estime, par exemple, à environ 300 000 le nombre de personnes qui peuvent être considérées à toutes fins utiles comme des analphabètes fonctionnels, et cela, seulement au Québec. Aussi, nous nous sommes employés à inscrire dans le projet de loi 107 de nombreuses dispositions qui permettront de franchir de nouvelles étapes importantes sur la route qui doit nous rapprocher de l'objectif d'une formation complète de niveau secondaire pour toute la population québécoise.

Parmi les améliorations que l'on trouve dans le projet de loi 107, je soulignerai de manière particulière les dispositions suivantes: Tout d'abord, sous l'actuelle Loi sur l'instruction publique, une personne est tenue de fréquenter l'école jusqu'à l'âge de quinze ans. En vertu du projet de loi 107, l'âge de la fréquentation scolaire sera porté à seize ans, soit une année de plus. En second lieu, des élargissements significatifs sont apportés par le projet de loi 107 en ce qui touche la gratuité des manuels et du matériel didactique requis pour les élèves. Sous la loi actuelle, seule la gratuité des livres de classe est obligatoire. Tout le reste est laissé à la discrétion des autorités scolaires.

Le projet de loi 107 apporte à cet égard un élargissement important. La gratuité s'appliquera non plus seulement aux manuels scolaires, mais aussi à tout le matériel didactique requis pour l'enseignement des programmes d'études.

Depuis quelques années, le nombre des élèves handicapés et des élèves en difficulté ou en trouble d'adaptation et d'apprentissage n'a cessé d'augmenter dans les écoles du Québec. À titre d'exemple, le nombre des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage s'élevait en 1982-83 à 93 829. En 1987-88, soit à peine cinq ans plus tard, il était de 132 097, soit une augmentation de 40,7 %. Mais la protection offerte à ces élèves par la loi n'a pas évolué au même rythme. Le projet de loi 107 vise à offrir à ces élèves, qui doivent être l'objet d'une attention particulière, une meilleure garantie d'accès aux services éducatifs.

Dès le premier article du projet de loi, les élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage se voient garantir, comme tous les autres élèves, le droit aux services éducatifs de base. Cette première affirmation confirme la politique du gouvernement voulant que l'on s'emploie à favoriser, par tous les moyens raisonnables, l'insertion de ces élèves dans la vie scolaire au même titre que les autres.

En outre, le projet de loi 107 contient plusieurs dispositions spécialement conçues à l'intention des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. L'âge d'admission maximum et gratuite aux services éducatifs est porté à 21 ans pour les élèves handicapés. Chaque élève handicapé ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, et ceci est une innovation très importante, aura de plus droit à un plan d'intervention spécialement conçu en fonction de ses besoins et après consultation des parents et du personnel enseignant de l'école où il est inscrit.

Chaque commission scolaire sera tenue de s'entourer à l'avenir d'un comité consultatif spécialement chargé de l'aviser sur les besoins de ces catégories d'élèves. Chaque commission scolaire devra se doter de règlements précis définissant sa politique en cette matière, et devra également indiquer clairement dans son budget les sommes prévues pour les services à ces catégories d'élèves.

De toutes les clientèles desservies par le système public d'enseignement, la clientèle adulte est celle qui se voit accorder le plus d'attention par le projet de loi 107. Ce souci se comprend facilement. Tandis que la clientèle adulte des commissions scolaires n'a cessé d'augmenter, atteignant plus de 400 000 personnes en 1987-1988, les dispositions de l'actuelle Loi sur l'instruction publique sont très laconiques en matière d'éducation des adultes. La loi actuelle oblige les commissions scolaires à s'assurer que les adultes domiciliés dans leurs territoires recevront des services éducatifs et culturels. Elle ne précise cependant ni la nature de ces services ni les conditions d'accès à ces services. (16 h 30)

Le projet de loi 107 introduit à cet égard des modifications nombreuses et significatives. Ainsi, toute personne se voit reconnaître le droit

aux services éducatifs pour adultes dès qu'elle a atteint l'âge de 16 ans. La période d'attente d'un an qui doit intervenir présentement entre le départ de l'école et l'admission aux services pour adultes, est supprimée. En second lieu, tout élève adulte se voit reconnaître la gratuité des services pour des programmes de formation suivis en conformité avec les conditions qui seront définies dans le régime pédagogique pour adultes. L'élève adulte aura plus facilement accès à la reconnaissance pour fins de crédits scolaires, des connaissances qu'il a pu acquérir antérieurement soit par l'étude, soit par l'expérience vécue sur le marché du travail.

Les commissions scolaires se voient confier des responsabilités nouvelles à cet égard. Un régime pédagogique spécialement conçu en fonction des besoins des adultes sera rendu obligatoire et devra être institué d'ici deux ans. Des centres habilités à offrir des services éducatifs pour adultes seront établis et reconnus explicitement à cette fin dans le texte législatif. Ceci vient confirmer et renforcer une pratique qui se développe de plus en plus dans les commissions scolaires.

Enfin, les élèves adultes seront appelés à participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des activités éducatives conçues à leur intention par des commissions scolaires. En une période où tout nous parle de contraintes, de restrictions, de limitations diverses à des droits que l'on croyait souvent acquis de manière définitive, je me réjouis de ces nombreux élargissements que propose le projet de loi 107. Avec prudence et modération, mais en suivant une orientation dont l'intention va nettement dans le sens d'une plus grande ouverture, le gouvernement élargit les frontières de l'accessibilité; il améliore pour des milliers de personnes adultes les chances d'accès à une formation de niveau secondaire, y compris à une formation professionnelle.

Je traiterai maintenant de l'école. En partant toujours du cheminement suivi par l'élève, il importe de se demander ce que le projet de loi 107 viendra changer à la vie de l'école. L'école est le canal par lequel les personnes d'âge scolaire ont accès aux services éducatifs. C'est l'endroit que la plupart des citoyens identifient avec le système d'enseignement. Très peu d'entre eux ont accès aux structures supérieures. C'est à l'école qu'ils connaissent et vivent la réalité concrète du système d'enseignement. Il importe en conséquence de se demander en quoi la mission et le fonctionnement de l'école seront affectés par le projet de loi 107.

Une première modification doit être soulignée. Nous irons de plus en plus vers un système où l'école, loin d'être un simple numéro dans la chaîne d'organisation scolaire ou un poste de service impersonnel perdu dans un vaste ensemble, aura désormais de plus en plus sa personnalité propre, son cachet original et ses structures distinctes. L'école restera certes un établissement relevant de la commission scolaire. Elle sera aussi dirigée par une personne nommée par la commission scolaire et relevant du directeur général de celle-ci. Ce lien est indispensable pour assurer la qualité, l'unité, l'égalité relative et la souplesse des services éducatifs sur tout le territoire du Québec. Mais, à l'intérieur de ce rattachement à la commission scolaire, l'école sera dotée d'un acte juridique d'établissement lequel ne pourra être modifié ou révoqué que moyennant consultation préalable des principaux intervenants de l'école.

Des précisions importantes sont également ajoutées concernant le rôle de chaque intervenant. Ainsi, les pouvoirs et les responsabilités de la direction de l'école sont clairement définis. Les enseignants se voient attribuer, pour leur part, des droits et des devoirs qui n'avaient jamais été inscrits explicitement jusqu'à ce jour dans notre loi. Les parents reçoivent l'assurance qu'ils pourront participer directement à la vie de l'école, en premier lieu par l'intermédiaire du comité d'école dont le caractère obligatoire sera défini par un amendement au projet de loi 107 et aussi par l'intermédiaire du conseil d'orientation de l'école au sein duquel au moins la moitié des membres seront désignés par le comité d'école. Enfin, les autres personnels se voient également garantir une représentation au sein du conseil d'orientation.

C'est par son projet éducatif dont les orientations seront définies par le conseil d'orientation et dont la réalisation sera faite sous l'autorité de la direction de l'école, que l'école pourra le mieux affirmer son caractère propre et se doter d'une personnalité distincte.

En vertu des nouveaux règlements des comités confessionnels entrés en vigueur en juillet de cette année, le projet éducatif pourra intégrer dans ses orientations les valeurs inhérentes au choix que les parents auront fait quant au caractère confessionnel de l'école. Cette intégration devra cependant se faire dans le respect des droits et libertés fondamentaux de chaque élève.

En outre, le caractère confessionnel de l'école ne pourra être acquis qu'à la suite d'une consultation sérieuse auprès des parents concernés. Il devra de plus être l'objet d'une vérification périodique, au moins à tous les cinq ans.

La position du gouvernement en ce qui touche la présence des valeurs morales et religieuses à l'école est simple et franche. Aux parents qui tiennent à obtenir pour leurs enfants une formation où sont présentes les valeurs religieuses auxquelles ils adhèrent, l'école publique doit offrir des services répondant à leurs attentes partout où c'est raisonnablement possible.

En logique pure, il est difficile de concilier le caractère public de l'école avec le caractère confessionnel qu'elle revêt encore très largement au Québec. Mais ce double caractère, si paradoxal soit-il, est inhérent à la tradition scolaire

du Québec. Il répond encore très largement à la volonté de la population. Aussi, tout en laissant la voie ouverte à d'autres développements que pourra requérir l'évolution des opinions, le gouvernement, en ce domaine très délicat de l'éducation, veut que ses politiques et ses décisions soient le plus possible en harmonie avec la volonté de la population.

Les décisions relatives au caractère confessionnel de l'école remontent, dans la plupart des cas, à une quinzaine d'années et n'ont donné lieu depuis ce temps à aucune remise en question sauf dans le cas des écoles nouvellement construites où les parents sont généralement consultés en bonne et due forme et se prononcent presque toujours, encore ces années-ci, en faveur de l'école confessionnelle. Les parents n'ont guère été appelés à intervenir à ce sujet. Mais, à l'avenir, le processus de consultation sera plus engageant et plus exigeant. Il sera également accompagné d'un processus de vérification du vécu confessionnel de l'école. Ce double processus requerra l'intervention d'au moins cinq acteurs principaux, soit les parents, les élèves, la commission scolaire, le comité confessionnel concerné et le ministre. Avec le temps, la volonté des parents au niveau de chaque école deviendra de plus en plus le facteur déterminant.

Le gouvernement fait confiance au jugement, au respect d'autrui et à l'esprit de tolérance de notre population pour trouver et mettre au point au plan local des aménagements concrets capables d'apporter des réponses originales, pratiques et équilibrées aux attentes de chaque catégorie de citoyens.

Touchant la confessionnalité scolaire, je veux signaler une autre disposition qui témoigne de la volonté de souplesse et d'adaptation du gouvernement. Jusqu'à maintenant, les comités confessionnels ont été investis d'un pouvoir d'approbation, au point de vue religieux et moral, sur les programmes, les manuels de classe et le matériel didactique. Cette attribution leur imposait la lourde obligation de se prononcer sur tous les programmes, tous les manuels, toutes les formes de matériel didactique, y compris ceux qui traitent de matières n'ayant souvent aucun lien direct avec le champ de compétence des comités confessionnels.

À l'aide d'une modification que nous proposerons d'apporter aux pouvoirs des comités confessionnels, ceux-ci se borneront à l'avenir à approuver les programmes, les manuels et le matériel didactique concernant l'enseignement moral et religieux, catholique ou protestant.

Pour les programmes, les manuels et le matériel didactique traitant d'autres matières comme la langue, les mathématiques, les sciences, la géographie, l'histoire, etc, le rôle des comités confessionnels se bornera à l'avenir à soumettre, au besoin, au gouvernement les recommandations qu'ils jugeront appropriées. Ce nouvel équilibre permettra de délester les comités confessionnels d'une tâche qui devenait de plus en plus lourde.

Il aidera à mieux camper ces comités dans leur : rôle propre. Je signale que cette modification a été approuvée par le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation et aussi par l'Assemblée des évêques du Québec. (16 h 40)

Je voudrais maintenant traiter des commissions scolaires. Ainsi que s'y est toujours engagé le Parti libéral du Québec, la responsabilité de l'organisation concrète des services éducatifs de niveau primaire et secondaire continuera d'être assurée dans chaque région par des commissions scolaires formées de membres élus au suffrage universel par leurs concitoyens.

Les commissions scolaires ont joué un rôle capital dans le développement historique du système d'enseignement québécois. En vertu du projet de loi 107, elles se voient confirmées dans leur vocation d'organismes chargés de fournir à la population, dans les limites de leurs territoires respectifs, les services éducatifs auxquels celle-ci a droit. Dans le document d'orientation sur l'éducation, publié par le Parti libéral du Québec à la veille de l'élection de 1985, on pouvait lire le passage suivant à propos des commissions scolaires: "Elles seront responsables, entre autres, de l'inscription des élèves, de l'embauche, de l'affectation et des mutations du personnel enseignant et administratif, de la gestion des immeubles et propriétés scolaires, de la planification pédagogique, de la mise sur pied et du fonctionnement des services spécialisés à l'intention des clientèles en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ainsi que des clientèles adultes, de la bonne marche financière et pédagogique du réseau d'écoles placées sous leur autorité ainsi que des rapports avec le ministère de l'Éducation."

Je suis heureux de signaler que tous ces éléments font partie des fonctions et pouvoirs attribués aux commissions scolaires par le projet de loi 107. De manière générale, le projet de loi 107, enrichi par les améliorations que nous y apporterons, maintient le rôle essentiel des commissions scolaires dans l'aménagement et la dispensation des services éducatifs sur leurs territoires respectifs. Sur plusieurs points, le projet de loi renforce en les précisant, en leur donnant une assise juridique plus solide, les attributions des commissions scolaires. Sur d'autres points, que nous aurons l'occasion d'examiner en commission parlementaire, il accroît leur marge de souplesse.

De tous les changements que propose le projet de loi 107, le plus important est sans doute celui qui vise à remplacer les commissions scolaires fondées sur l'allégeance religieuse, par des commissions scolaires fondées sur l'appartenance linguistique. L'idéal, comme le proposait naguère la commission Parent, serait que nous n'ayons au Québec qu'un seul réseau de commissions scolaires dont chacune serait seule habilitée à servir la population de son territoire. Cette vision logique se heurte, cependant, aux obstacles

majeurs que crée la diversité des éléments formant la population québécoise.

Nous ne formons tous ensemble qu'une seule société, mais, lorsqu'il y va de questions aussi vitales que l'éducation, la santé, les services sociaux, les institutions culturelles, des différences majeures s'imposent toutefois à l'attention. Ces différences, loin d'être niées, doivent être reconnues et acceptées. On peut rêver d'un Québec homogène, voire monolithique, le Québec de tous les jours est néanmoins une société où se manifestent d'importantes différences d'ordre culturel, linguistique et religieux. La caractéristique d'un gouvernement civilisé, c'est l'aptitude à respecter ces différences et à les incorporer dans la vie commune, au lieu de chercher à les nier ou à les marginaliser.

Dans le domaine scolaire, la religion a été depuis plus d'un siècle le critère de regroupement le plus important. En raison de l'importance attachée aux valeurs religieuses et du fait qu'à peu près tout le monde se définissait jusqu'à une date relativement récente, soit comme catholique, soit comme protestant, le regroupement des clientèles en commission scolaire pour catholiques et en commission scolaire pour protestantes fut longtemps considéré comme le plus logique et le plus pratique. Il s'imposait d'autant plus qu'en matière d'éducation, des clivages d'opinions très importants distinguaient catholiques et protestants. La très grande majorité des protestants était par ailleurs anglophone jusqu'à une date toute récente. Aussi, le regroupement des commissions scolaires suivant la religion est-il également l'affaire des anglophones non catholiques.

Au cours du dernier quart de siècle, des changements majeurs se sont toutefois produits. Tout d'abord, l'affiliation religieuse est devenue beaucoup moins distincte, voyante et verifiable qu'à une autre époque. Elle donne en outre lieu à des choix de plus en plus diversifiés. Le phénomène ne pourra que s'amplifier à l'avenir avec l'importance accrue que revêtira l'immigration. Dans ces conditions nouvelles, le regroupement des commissions scolaires suivant la langue apparaît comme la forme d'organisation la plus pratique et la plus logique. La très grande majorité de la population du Québec est francophone et souhaite légitimement se retrouver dans des institutions scolaires francophones. Le Québec doit compter par ailleurs avec une minorité anglophone importante, laquelle tient à conserver son existence distincte et refuse de se fondre purement et simplement dans la majorité francophone. De là vient la solution que propose le projet de loi 107 et que proposait également la loi 3 adoptée sous le gouvernement précédent: un réseau de commissions scolaires francophones et un réseau de commissions scolaires anglophones, chaque réseau ayant mandat d'embrasser tout le territoire du Québec, sauf les territoires des commissions scolaires crie, kativik et littoral.

Le gouvernement est convaincu que la création de ces commissions scolaires linguistiques répondra mieux aux besoins du Québec d'aujourd'hui. Il est toutefois conscient des embûches que présentent, à cet égard, les droits garantis aux minorités religieuses, protestantes et catholiques par la loi constitutionnelle de 1867. Ne voulant pas répéter l'erreur commise autour de la loi 3 par le gouvernement précédent, le gouvernement réaffirme sa volonté de soumettre à la Cour d'appel du Québec, dès les semaines qui suivront l'adoption du projet de loi 107, les articles du projet de loi qui pourraient être interprétés comme portant atteinte aux droits confessionnels garantis par la constitution aux communautés protestante et catholique. L'application de ces articles sera suspendue jusqu'à ce que les tribunaux se soient prononcés -à leur sujet.

Soucieux de procéder avec franchise et loyauté envers nos partenaires des commissions scolaires, nous tentons présentement d'établir, de concert avec celles-ci, une liste communément acceptable des articles qui devraient faire l'objet d'un renvoi aux tribunaux. Au tout premier rang de cette liste, on trouvera évidemment des dispositions traitant des commissions scolaires linguistiques.

Les parties du projet de loi traitant des pouvoirs des commissions scolaires ont donné lieu, au cours des derniers mois, à de nombreuses critiques. La Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec et, avec elle, de nombreuses commissions scolaires - l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec a fait de même - ont signalé maintes dispositions du projet de loi qui entraîneraient, à leurs yeux, un affaiblissement des commissions scolaires. Nous avons été attentifs à ces représentations. Dans toute la mesure jugée compatible avec les objectifs que nous poursuivons, nous avons visé à tenir compte des points de vue exprimés par les porte-parole des commissions scolaires.

Il me fait plaisir de communiquer, dans cet esprit, certaines modifications que nous avons décidé d'apporter au projet de loi 107. Tout d'abord, étant donné les représentations faites à ce sujet, autant par la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec que par la Fédération des comités de parents du Québec, le droit de vote que la version originelle du projet de loi accordait aux représentants des parents à la table des commissaires sera retiré. Seuls pourront donc voter aux réunions des commissaires les membres régulièrement élus au suffrage universel par la population.

En second lieu, le pouvoir que se voyait attribuer le ministre de l'Éducation de suspendre l'application d'une décision d'une commission scolaire ayant donné lieu à une enquête est aboli. Nous reviendrons, à cet égard, à l'esprit de la loi existante. Nous avions introduit cette modification dans le but de faciliter une gouverne plus tempérée des affaires scolaires. La

modification fut reçue dans un esprit tout à fait différent. Nous avons décidé de ne pas créer par exprès des malentendus regrettables.

En troisième lieu, le pouvoir d'ester en justice... Je vois le député d'Abitibi-Ouest qui sourit, il est toujours émerveillé de l'ouverture du gouvernement, sans doute! Le pouvoir d'ester en justice, que la version originelle du projet de loi accordait à divers organismes, tels le conseil d'orientation et le comité d'école, pouvoir contre lequel avaient vivement protesté les commissions scolaires, est également retiré. Nous aurons l'occasion de nous en expliquer en commission parlementaire. (16 h 50)

Quatrièmement, la formation d'un comité exécutif au sein de la commission scolaire sera obligatoire, comme le voulaient les grandes fédérations regroupant les commissions scolaires. Il ne sera pas nécessaire, contrairement à ce que prévoyait la version originelle du projet de loi, que les décisions du comité exécutif soient entérinées par le conseil des commissaires.

En cinquième lieu, la représentation de la minorité linguistique au sein de la commission scolaire, là où elle sera justifiée par le nombre, sera assurée, non plus par la création d'un district électoral superposé aux districts ordinaires, comme le voulait la version originelle du projet de loi 107, mais plutôt par l'addition d'un commissaire-parent ayant le même statut que les autres commissaires représentant les parents. Nous simplifions beaucoup les choses avec cette modification.

Enfin, l'obligation de procéder par voie de réglementation qui était imposée en maints endroits à la commission scolaire sera considérablement allégée. Dans les amendements que nous déposerons à un stade ultérieur, on pourra constater que nous faisons disparaître à bien des endroits cette obligation qui était faite à la commission scolaire de procéder par voie de réglementation. La commission scolaire pourra procéder plus souvent par voie de résolution, ce qui est beaucoup plus simple et comporte une beaucoup plus grande marge de souplesse.

Le projet de loi 107 apporte enfin une solution concrète à un problème qui retarde à de nombreux endroits le processus d'intégration des enseignements primaire et secondaire, processus qui répond à une politique gouvernementale maintes fois énoncée tant par le gouvernement précédent que par le gouvernement actuel. Une commission scolaire affiliée à une commission scolaire régionale peut, en vertu de la loi actuelle, demander son détachement de la régionale en vue de procéder à l'intégration de ses enseignements primaire et secondaire. Mais avant que le ministre puisse consentir à l'intégration projetée, l'accord de toutes les parties concernées, c'est-à-dire de toutes les commissions scolaires faisant partie de la régionale, est requis quant à la disposition des actifs et des passifs communs.

Or, il suffit qu'il n'y ait pas d'accord entre les commissions scolaires concernées pour que rien ne se fasse. Et rien n'est plus facile, dans l'état actuel de la législation, pour une commission scolaire qui veut mettre obstacle à un projet d'intégration, que de s'agripper à l'argument du désaccord au sujet du partage des biens et des obligations pour empêcher que le projet ne se réalise dans toutes les autres commissions scolaires. Cela donne lieu à des abus de pouvoir qu'on ne peut pas sérieusement tolérer, surtout quand ils sont contraires à la politique générale du gouvernement en matière d'intégration des enseignements primaire et secondaire.

Peu après l'avènement du présent gouvernement, les commissions scolaires furent informées que le gouvernement laisserait le processus suivre son cours pendant une période raisonnable et tirerait, en temps utile, les conclusions appropriées. Après trois ans, le temps des conclusions est arrivé. Celles-ci sont définies de manière simple et claire dans le projet de loi 107. En premier lieu, le gouvernement continuera de favoriser l'intégration des enseignements primaire et secondaire partout où l'intégration pourra se faire pour le plus grand bien de l'éducation et l'avantage de la population concernée. En second lieu, tout désaccord entre les commissions scolaires concernées au sujet du partage des actifs et des obligations ne pourra plus être invoqué comme prétexte pour le report indéfini de la réalisation du projet. Après l'adoption du projet de loi 107, le ministre de l'Éducation disposera en effet de l'autorité nécessaire pour trancher tout différend de cette nature. Les commissions scolaires, ou du moins certains de leurs porte-parole, auraient souhaité trouver dans le projet de loi des dispositions leur garantissant une plus forte marge de manoeuvre en matière de revenus autonomes, et partant, d'autonomie financière et administrative. Je comprends le point de vue des commissions scolaires.

Avec la très faible marge de taxation dont elles disposent depuis l'adoption de la loi 57, en 1979, les commissions scolaires doivent dépendre de subventions gouvernementales pour plus de 91% de leurs revenus. Dans les provinces situées à l'ouest du Québec, c'est-à-dire de l'Ontario à la Colombie britannique, le rapport taxation-subvention est plutôt de 40% pour la taxation et de 60% pour les subventions, ce qui donne un équilibre beaucoup meilleur. Au nom d'un meilleur équilibre, il est permis de souhaiter que l'on en vienne un jour au Québec à un partage qui tiendrait compte davantage du rôle très important dévolu aux commissions scolaires. Dans l'immédiat, tout changement d'importance donnerait cependant lieu à une vive opposition des pouvoirs municipaux.

En outre, les études de fond qui seraient nécessaires pour mettre au point des propositions précises ne sont pas complétées, ni du côté des commissions scolaires ni du côté du gouverne-

ment. Toute proposition touchant la fiscalité scolaire doit être soigneusement étudiée dans les implications qu'elle comporte pour l'ensemble de la fiscalité. Il s'agit là d'une question très épineuse qu'il est impossible de régler en parties détachées. Tout en sympathisant avec le point de vue des commissions scolaires et en souhaitant que nous puissions en venir un jour à un équilibre plus satisfaisant, je voudrais inviter ceux qui croient à la nécessité de changements dans le domaine de la fiscalité scolaire à continuer d'approfondir ce sujet et à agir sur l'opinion publique afin que celle-ci soit mieux avertie des problèmes qui découlent de l'équilibre actuel.

J'ai réservé pour la dernière partie de mes observations les remarques que je vais vous soumettre au sujet du rôle que le projet de loi attribue au gouvernement et au ministre de l'Éducation. Si j'ai procédé de la sorte, c'est qu'il m'apparaissait important de procéder à partir des besoins de la population et de remonter graduellement jusqu'au dernier palier d'autorité en précisant d'abord le rôle confié à l'école et à la commission scolaire. Je n'en étais pas moins conscient qu'avec les critiques traitant de la confessionnalité, les critiques portant sur les pouvoirs du gouvernement et du ministre ont été particulièrement vives au cours des derniers mois.

Déjà de nombreuses critiques portant sur les pouvoirs du gouvernement et du ministre auront perdu leur raison d'être, tantôt à la suite d'explications que nous avons pu avoir avec des milieux intéressés, tantôt à la suite d'améliorations que nous sommes convenus d'apporter au projet de loi. Nous ne devons cependant rien laisser au hasard au terme d'un débat aussi substantiel que celui auquel ont donné lieu les pouvoirs attribués au gouvernement. Par le projet de loi 107, il importe que nous fassions le point en toute clarté.

En ce qui touche les pouvoirs du gouvernement, il faut d'abord évoquer l'objection fondamentale que formulent les commissions scolaires protestantes et aussi possiblement certaines commissions scolaires confessionnelles catholiques touchant l'autorité du gouvernement sur le régime pédagogique et le contenu des programmes d'étude. Cette question est présentement l'objet d'une cause dont est saisie la Cour suprême du Canada. Quand il aura été rendu, le jugement du plus haut tribunal du pays obligera chaque partie à s'aligner en conséquence. Je signale pour l'instant que les deux tribunaux saisis du dossier jusqu'à maintenant, soit la Cour supérieure et la Cour d'appel du Québec, ont donne raison à la position que défend le gouvernement dans ce dossier, savoir que si nous voulons un système d'enseignement fort et dynamique, il faut absolument qu'il y ait un contenu commun dans ce système d'enseignement. Le contenu sera donné par les programmes, lesquels doivent être arrêtés par une autorité commune laquelle ne peut pas être autre que celle du ministre de l'Éducation et des organismes qui gravitent autour du ministre de l'Éducation. C'est ce principe même qui est remis en cause par l'affaire dont est saisie la Cour suprême du Canada. Et, jusqu'à nouvel ordre, la position du gouvernement demeure conforme à celle qu'ont défendue tous les gouvernements du Québec depuis 25 ans.

Outre le pouvoir sur le régime pédagogique que vient confirmer le projet de loi 107, le gouvernement se voit attribuer certains pouvoirs plus précis concernant notamment la répartition territoriale des enseignements professionnels, des services éducatifs pour adultes et des services aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, la classification des postes non syndiqués dans les commissions scolaires, les contrôles comptables, la réglementation des services devant être fournis aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Après avoir examiné soigneusement toutes les critiques entendues à ce sujet, je crois qu'il n'y a pas lieu de modifier les dispositions du projet de loi traitant de ces matières. Ces dispositions reflètent tantôt des pratiques généralement établies au sein du gouvernement depuis déjà de nombreuses années et tantôt des revendications très fermement formulées par les milieux concernés. (17 heures)

Je prends par exemple les options professionnelles à propos desquelles l'autorité est donnée au ministre de l'Éducation. Le ministre de l'Éducation exerce déjà cette autorité et, s'il ne l'exerçait pas, nous n'aurions pas été capables de doter le Québec, au cours de la dernière année, d'une carte des enseignements professionnels beaucoup plus rationnelle, beaucoup plus économique, beaucoup plus efficace que le système de dispersion que nous connaissions auparavant. Le projet de loi vient seulement confirmer ce qui se faisait déjà, et nous venons le confirmer dans la loi afin d'éviter que ne s'instituent plus tard des contestations juridiques légères et irresponsables qui coûteraient beaucoup d'argent aux contribuables pour donner des clartés dont on pourrait, en fin de compte, peut-être se passer.

Pour que le titulaire puisse s'acquitter de sa tâche avec efficacité, les pouvoirs du ministre de l'Éducation doivent être substantiels et nettement définis. Dans le document d'orientation que le Parti libéral du Québec publiait sur l'éducation à la veille de la dernière élection générale, on trouvait le passage suivant relatif au ministère de l'Éducation. C'est intéressant de le relire parce qu'on verra encore une fois une grande continuité dans les orientations du gouvernement. "Le ministre de l'Éducation conservera la responsabilité de l'orientation générale et du soutien financier des commissions scolaires et des écoles. Il aura la responsabilité d'approuver et de surveiller les budgets des commissions scolaires, de fournir aux commissions scolaires les ressources financières dont elles ont

besoin, d'approuver les programmes d'études, les manuels et le matériel pédagogique, de déterminer les qualifications requises des candidats à l'exercice de la profession enseignante, d'approuver les projets de construction et de réparations majeures d'immeubles scolaires, d'autoriser des emprunts des commissions scolaires, de stimuler, à travers tout le réseau, la recherche, l'autocritique et l'innovation."

On concédera, en lisant les articles du projet de loi 107, qui traitent du rôle du ministre de l'Éducation, que ces articles traduisent fidèlement les orientations définies en 1985, c'est-à-dire avant l'élection qui a porté le Parti libéral du Québec au pouvoir. Il n'y a rien d'étonnant à cela car les vues du Parti libéral concernant la nécessité d'un ministère de l'Éducation doté de pouvoirs réels ont été sans cesse réaffirmés depuis la création, en 1964, d'un ministère de l'Éducation par un gouvernement libéral. Le gouvernement de Jean Lesage adhéra, à l'époque, à la recommandation de la commission Parent voulant que le Québec soit doté d'un ministre de l'Éducation investi d'une autorité réelle sur le système d'enseignement. Il le fit avec conviction et vigueur en fournissant au ministre les pouvoirs et les ressources nécessaires pour agir. La position fondamentale du Parti libéral du Québec n'a point changé à ce sujet. Nous voulons toujours, je dirais même que nous voulons peut-être encore plus qu'il y a 25 ans, un ministre de l'Éducation qui soit capable de veiller à la bonne marche du système d'éducation et à la qualité des services éducatifs partout au Québec, en n'ayant d'autre souci que le service désintéressé de la population et le bien supérieur de l'éducation.

Si l'on veut examiner dans un esprit objectif les dispositions du projet de loi 107, traitant des attributions respectives du ministre de l'Éducation et des commissions scolaires, on conviendra qu'une fois dissipées certaines ambiguïtés et une fois retouchées ou améliorées certaines dispositions contestables, nous nous retrouvons avec un partage de tâches qui sera fort proche, quoique plus clair, du partage que nous connaissons présentement. Dans l'intervention que je faisais le 3 mai dernier à l'ouverture des auditions publiques de la commission parlementaire de l'éducation, autour des projets de loi 106 et 107, j'affirmais ceci: II n'y a pas lieu, à l'heure actuelle, de procéder à des changements majeurs dans le partage des responsabilités entre les commissions scolaires et le gouvernement.

Au niveau des orientations financières, administratives et pédagogiques, le partage actuel des tâches permet une direction forte et équilibrée du système d'enseignement à travers, d'une part, les orientations et les ressources émanant du ministère de l'Éducation et, d'autre part, la gestion décentralisée qu'assurent les commissions scolaires. Ce partage est sain et efficace. Le projet de loi 107 ne le remet pas en cause. Il est vrai qu'à s'en tenir à la lettre du projet de loi, celui-ci confère au gouvernement et au ministre de l'Éducation certains pouvoirs que ne leur donne pas explicitement la législation actuelle. Dans la plupart des cas, cependant, les changements proposés ont pour objet tantôt de procurer une assise législative plus solide à des responsabilités qu'assume déjà le gouvernement ou le gouvernement ou le ministre, tantôt de répondre à des besoins nouveaux dont nul ne saurait contester l'évidence.

Si, d'ailleurs, on fait une lecture attentive du projet de loi, on constatera qu'il en va de même pour les commissions scolaires. Celles-ci se voient attribuer explicitement dans le texte du projet de loi beaucoup de pouvoirs et de responsabilités qu'elles ne détiennent actuellement que de manière implicite, que sur la base de l'expérience ou qu'en vertu d'un texte réglementaire. Nous venons renforcer leurs attributions en les inscrivant dans le texte même de la loi.

Les échanges de vues auxquels ont donné lieu les auditions publiques de la commission parlementaire ont en outre permis au gouvernement de mieux comprendre la portée exacte de certaines objections formulées de bonne foi et en connaissance de cause à rencontre du projet de loi 107 traitant des pouvoirs du gouvernement et du ministre. Bon nombre de difficultés ont pu être aplanies à l'aide des échanges qui ont eu lieu au cours des derniers mois. D'autres difficultés pourront être aplanies d'ici l'adoption du projet de loi. Nous écouterons avec attention et respect, jusqu'à la fin, les représentations que l'on voudra nous faire à ce sujet, y compris évidemment celles qui nous viendront de l'Opposition.

Avec le projet de loi 107, nous voulons donner au Québec une législation scolaire digne de sa population et du travail magnifique qu'accomplissent les milliers de personnes engagées à un titre ou à un autre dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire public. Nous voulons améliorer les chances d'accès de plusieurs catégories de citoyens à ce bien élevé entre tous qu'est l'instruction, à ce bien indispensable à qui veut se tracer un chemin dans notre monde de culture et de technicités de plus en plus exigeantes. Nous voulons en particulier que les portes de l'école publique soient ouvertes plus généreusement que jamais aux personnes adultes qui n'ont pu, pour une raison ou une autre dans leur jeunesse, compléter une formation secondaire normale. Nous voulons que tous les citoyens, en particulier les parents et leurs enfants, se sentent chez eux à l'école publique et puissent participer activement à la vie de leur école. Nous voulons que l'école jouisse d'un statut plus précis et soit dotée de structures de participation plus propices à la saine collaboration de tous les intervenants.

Dans les conditions très différentes où nous oeuvrons désormais, nous voulons que le Québec maintienne, sous des formes renouvelées, sa

tradition d'accueil et d'ouverture envers les deux grandes familles religieuses, catholique et protestante, qui ont façonné à travers les générations l'âme du peuple québécois et qui continuent de regrouper une portion fortement majoritaire de la population québécoise.

Nous voulons également que l'école publique soit la maison de tout le monde, que l'on y vive dans une atmosphère de respect envers les options et les valeurs de chacun. Nous refusons d'exclure purement et simplement la religion de l'école, car agir ainsi ce serait porter, selon nous, une atteinte très dangereuse à un droit des parents que nous voulons, au contraire, respecter. Nous refusons également, en contrepartie, que l'école soit utilisée pour imposer à tout le monde les valeurs d'une seule confession religieuse.

Le projet de loi 107 donnera naissance à des formules originales et inédites de coexistence entre élèves et parents d'allégeance spirituelle ou religieuse différente. Le génie pratique maintes fois démontré de notre peuple l'aidera à mettre au point les formules concrètes capables d'assurer, entre toutes les classes de la population, une collaboration scolaire loyale et fructueuse.

Nous voulons que demeure, moyennant des ajustements nécessaires, la structure d'autorité bipolaire qui a caractérisé depuis longtemps notre régime scolaire, à savoir une structure qui assure un rôle important aux commissions scolaires, et réserve en même temps un rôle essentiel de direction générale du système d'enseignement au gouvernement et au ministre de l'Éducation. (17 h 10)

Certains souhaiteraient que l'on revienne à l'âge où les commissions scolaires étaient de véritables gouvernements autonomes ayant compétence jusque sur le contenu des programmes. Nous ne pouvons donner suite à ce voeu car il ne tient pas compte des exigences modernes qui requièrent la présence à Québec d'un ministre de l'Éducation fort et vigilant. D'autres voudraient carrément que l'on fasse disparaître les commissions scolaires et que le ministre de l'Éducation assume seul la direction de tout le système d'enseignement. Nous né pouvons davantage faire droit à cette approche centralisatrice, car elle élimine de manière cavalière un élément essentiel au fonctionnement démocratique de notre système scolaire. Nous voulons conserver et les commissions scolaires et le ministre de l'Éducation et nous voulons qu'à son niveau propre de compétence, chacun de ces deux intervenants ait un rôle clair et assuré.

Nous voulons enfin, par une approche prudente et graduée, identifier plus clairement, puis utiliser au maximum la marge de manoeuvre dont dispose l'Assemblée nationale en matière de législation scolaire en fonction du facteur religieux et du facteur linguistique. Certains auraient souhaité que nous recherchions tout de suite un amendement constitutionnel. H est facile de faire une proposition de cette nature, mais nul n'a réussi jusqu'à ce jour à mettre de l'avant une formule précise d'amendement qui permettrait de concilier les droits confessionnels et les droits linguistiques dans une synthèse largement acceptable à tous les milieux concernés. Il faudra éventuellement que nous en venions à des modifications à l'article 93 de la loi constitutionnelle.

Loin de rejeter cette possibilité, le gouvernement, par la voie du premier ministre lui-même, a déjà indiqué qu'il était prêt à l'envisager pour une ronde ultérieure de négociations constitutionnelles avec les autres gouvernements du Canada. Mais nous manquerions à notre devoir de législateurs québécois en nous croisant les bras et en ne faisant rien tant que ne sera pas arrivé le jour où des clartés complètes et satisfaisantes auront été atteintes à ce sujet dans l'opinion publique, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Les besoins de notre système scolaire nous pressent d'agir maintenant, d'améliorer aujourd'hui ce qui peut l'être tout de suite, d'éclairer la voie là où elle demeure obscure, mais de ne pas remettre à demain ce qui peut être fait maintenant. Je suis assuré que les membres de l'Assemblée nationale voudront souscrire à cette volonté raisonnable du gouvernement et faire en sorte qu'elle puisse se réaliser dans les meilleurs délais pour le plus grand bien de notre système d'enseignement et de notre population.

Le Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, ma première phrase sera sûrement pour dire: Quel grand editorial! Il est évident que le ministre de l'Éducation est un homme qui écrit longuement, longtemps et qui réfléchit beaucoup. Dans son discours, on a appris toutes sortes de choses, on a appris des choses majeures. On a appris qu'en tant que ministre de l'Éducation, il avait beaucoup réfléchi à la nécessité d'apporter des changements majeurs à la vieille Loi sur l'instruction publique, ce qui ne fait aucun doute. Cependant, on a de la difficulté à le situer dans l'excellent discours qu'il a prononcé - je suis sincère en ce qui me concerne - et les extraordinaires observations qu'il nous a faites parce qu'il nous a fait des observations extraordinaires.

Rapidement, seulement pour s'amuser, peut-être une phrase, parce que, dans un discours d'une heure, il faut avoir l'occasion de se détendre quelques fractions de seconde. On apprend, par exemple, dans son discours, qu'il souhaite rester grand et fort. C'est très clair. À la page 25, il dit: Je suis intéressé à ce que le ministre de l'Éducation - non pas le ministère... À la page 25, c'est très clairement écrit: II faut

que le ministre de l'Éducation demeure fort et vigilant. Il ajoute également à la page 25: J'ai regardé tout ça et il n'y a pas lieu de changer parce que vous savez, quand je réfléchis, je suis en mesure d'en arriver à une conclusion très claire et il n'y a pas lieu, à l'heure actuelle, de procéder à des changements majeurs dans le partage des responsabilités entre les commissions scolaires et le gouvernement. Et je le citais.

Je pense sincèrement qu'il est franc dans son discours. Il a très bien campé ses positions, celles qu'il a bien voulu nous mentionner, parce que je sais qu'il y a un paquet de choses qu'on ne connaît pas encore. Cependant, le problème, c'est justement ça, M. le Président. D'abord, nous sommes actuellement à adopter le principe du projet de loi 107. Le problème qu'a celui qui vous parle, il doit parler comme critique de l'Opposition officielle, il est en mesure de le faire... Je pense qu'il connaît un peu ce domaine. H a exercé des responsabilités dans le domaine de l'éducation avec beaucoup d'intérêt, également avec énormément de détermination parce que c'est un milieu qui m'a toujours plu et qui me plaît encore. C'est un milieu que je touche quotidiennement d'une façon très proche, par toutes sortes de liens. En conséquence, le milieu de l'éducation continue de m'intéresser, mais je ne peux pas vous faire un editorial sur le mérite pur de l'éducation et du ministère de l'Éducation et de l'accessibilité, l'école, la confessionnalité, le pouvoir des commissions scolaires, le gouvernement, moi et le Parti libéral.

Le problème que nous avons, c'est que nous sommes en Chambre pour étudier un projet de loi qui s'intitule le projet de loi 107. On est censés procéder à l'adoption du principe du projet de loi 107, lequel, et je pense que le ministre de l'Éducation a été très clair là-dessus, a été largement et très longuement discrédité, désapprouvé dans la forme qu'il a. Aujourd'hui, M. le Président, on l'appelle. C'est le leader du gouvernement, par le mien, qui se lève et dit: M. le Président, veuillez appeler tel article au feuilleton, et c'est le projet de loi 107.

Le problème que j'ai, c'est que le projet de loi que je connais, je n'en veux pas. Le projet de loi 107 que je connais, que j'ai lu et sur lequel j'ai travaillé et dont plusieurs intervenants ont pris connaissance, ils n'en veulent pas. Le ministre, aujourd'hui, nous a indiqué de nouvelles pistes. C'est exact. Le ministre nous a dit aujourd'hui, et j'y reviendrai parce que ce n'est que mon introduction: Vous allez voir, au-delà des difficultés d'incompréhension - je pense bien que je ne le citerai pas intégralement. Il se le rappelle parce que, je l'ai dit tantôt, il écrit longuement, il écrit bien et, règle générale, c'est lui-même qui écrit ses réflexions. D'ailleurs, un des plus grands plaisirs que j'ai retrouvés quand j'ai été nommé critique de l'éducation, c'est de retomber sur des encycliques. Quand j'ai le malheur ou le bonheur de recevoir une copie conforme d'une institution, d'un organisme qui a reçu une lettre de M. le ministre, avant d'en prendre connaissance, je sais que c'est un document d'environ quinze pages. Alors, c'est intéressant, c'est amusant pour un critique. Il est certain que son temps va être complètement employé.

Ici, comme je le disais, ce n'est pas parce que je vais me faire dire: Écoutez, on va atténuer les quelques petites ambiguïtés qu'on a eues et on va régler ça. Dans le fond, à plusieurs endroits, le ministre nous dit: Que voulez-vous, ce n'est pas ma faute si vous m'avez mal compris. Mais, même si je pense que vous avez mal compris, ce qu'on appelle des ambiguïtés, un peu plus loin, il dit: De toute façon, j'ai regardé ça sur l'os. L'os, il y en a plusieurs, mais un des os, c'est effectivement la distinction ou le partage des responsabilités entre le ministère et les commissions scolaires. Et il nous dit vers la fin de son encyclique d'aujourd'hui: Je ne touche pas à ça. Écoutez, j'ai réfléchi, le Parti libéral a la vérité là-dessus, il vous l'a dit. La vérité s'appelle, dans leur jargon, la continuité historique et, sur la base de la continuité historique, le Parti libéral a toujours été clair, ça prend un ministère de l'Éducation fort, qui a des responsabilités clairement définies. En passant, je ne nie pas ça. Je suis d'accord là-dessus. Ce n'est pas le Parti libéral qui a inventé ça. Il peut le reprendre et il en a le droit. C'est son droit le plus légitime. Mais il y a bien d'autres prétendants à cette cause.

Le problème cependant, ce n'est pas tellement que personne ne souhaite un ministère fort. Mais, à partir du moment où on dit: Les commissions scolaires, vous allez demeurer, vous allez exister, vous avez la responsabilité de la dispensation de l'enseignement et des actes pédagogiques, elles veulent que ce soit sérieux. Les commissions scolaires veulent avoir des pouvoirs réels, des pouvoirs d'initiative, des pouvoirs d'évaluation, des pouvoirs de contrôle, des pouvoirs de prendre de temps en temps, à même l'enveloppe que les commissions scolaires reçoivent, des initiatives qui correspondent à leur milieu, parce que les commissions scolaires sont proches de leur milieu.

Je vais revenir sur des éléments de fond parce que le ministre a touché des éléments de fond, je voulais camper mon intervention. Je voudrais d'abord vous dire que, normalement, quand on appelle le principe d'un projet de loi, on doit dire: Voici, en principe, ce qu'il y a dans le projet de loi 107. Je ne vous relirai pas les notes explicatives, on en a parlé pendant six mois. Mais, en gros, rapidement, c'est une loi qui vise à remplacer la vieille Loi sur l'instruction publique. On s'accorde là-dessus. Deuxièmement, c'est un projet de loi qui fixe l'organisation du système scolaire en précisant les rôles, les fonctions, les pouvoirs ou les responsabilités des divers intervenants. (17 h 20)

Le projet de loi établit d'abord certains

droits pour l'élève ainsi que l'obligation de fréquentation scolaire. Ensuite, les droits et obligations de l'enseignant. Rapidement, c'est de camper le projet de loi.

Concernant l'école, que fait le projet de loi 107? Il renforce l'autorité pédagogique et administrative du directeur. Il rend obligatoire la composition d'un conseil d'orientation dont il détermine la composition, le fonctionnement, les fonctions. C'est important. Il rend l'actuel comité d'école facultatif. J'y reviendrai, c'est une nouveauté. Le projet de loi 107 prévoit, à une date indéterminée, la création de commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones sur le territoire du Québec, tout en confirmant l'existence des commissions scolaires confessionnelles de Montréal et de Québec et les dissidents.

Toujours au chapitre des commissions scolaires, le projet détermine les règles de composition, de fonctionnement du conseil des commissaires en y accordant notamment le droit de vote aux représentants des parents. Là, il a corrigé ça. Je le reconnais. Il a corrigé cet aspect pour ce qui est du conseil des commissaires: les parents n'auront pas droit de vote. Il précise les fonctions des commissions scolaires et comporte des dispositions relatives à la taxation. Le projet maintient par ailleurs les commissions scolaires régionales. C'est important d'entendre cela, je dirai pourquoi. Le projet de loi 107 détermine enfin, et c'est majeur, les pouvoirs et, selon tout le monde, les amis, très étendus de réglementation du gouvernement, les fonctions du ministre de l'Éducation omniprésent, omniscient et omnipotent.

En remodelant la vieille Loi sur l'instruction publique, le projet de loi 107 vient donc donner une nouvelle configuration à notre système éducatif auquel il fournit en quelque sorte la pierre d'assise, vu son ampleur. Parce qu'il a raison. Le projet de loi que le ministre veut nous faire adopter en principe, il a raison, c'est un projet de loi majeur, c'est un projet de loi important. On ne peut pas discourir sur l'éducation et laisser voir que l'éducation, ce n'est même plus une dépense, c'est un investissement et essayer de considérer là que c'est un projet de loi qu'on va adopter en 30 secondes et qu'on ne regardera à peu près pas. Écoutez, il l'a dit lui-même, c'est un projet d'au-delà de 600 articles, qui est probablement refait presque en totalité. C'est donc un projet de loi majeur. Écoutez, il n'y a pas de cachette, M. le Président, pour ce gouvernement, ça devrait être la fête au village cet après-midi. Ils devraient être tous ici. On ne devrait pas être devant des banquettes vides. Ils devraient être tous ici.

Imaginez, c'est probablement leur premier projet de loi en trois ans qui a un peu de corps, de consistance, parce que c'est un gouvernement qui ne légifère pas souvent. Et ils ont le droit à part cela. Nous autres, on a le droit de dire, par exemple, qu'au moins ils devraient légiférer sur leurs engagements. Et je vais y revenir sur des aspects pratiques. Donc, quand le ministre dit: Écoutez, c'est important ce projet de loi, il a raison. II. est majeur, il est capital, ça fait longtemps qu'on n'a pas vu ça ici, de ce gouvernement, un projet de loi majeur. Il faut quand même rappeler un peu d'histoire. Je ne serai pas aussi bon que le ministre, je vous le dis d'avance sur les rappels historiques, mais il faut en faire un peu. Il ne faut pas faire uniquement l'histoire d'une formation politique. Il faut faire de l'histoire sur la progression des valeurs éducatives véhiculées par des parlementaires qui ont constaté à plusieurs reprises que nous avions une Loi sur l'instruction publique qu'on ne souhaite pas voir disparaître complètement de la carte, mais qu'on souhaite tous, j'espère, voir rafraîchie constamment adaptée aux nouvelles réalités- du monde moderne. Et le monde moderne, ça inclut, bien sûr, ce qui se passe en éducation.

Le projet de loi 107 constitue-t-il la première tentative de moderniser le système scolaire? Non, rapidement. Vous savez, ça fait des années qu'on travaille là-dessus. En particulier, le gouvernement du Parti québécois s'était engagé dans une réforme en profondeur des structures scolaires. Cela n'a pas été contesté. On se rappelle le livre blanc, le projet de loi 40 qui avait donné lieu à une très longue consultation, 250 mémoires et une centaine d'auditions en commission parlementaire. Cela a débouché sur la loi 3 adoptée en décembre 1984. Je me rappelle. En plus de créer des commissions scolaires linguistiques, celle-ci procédait à une redéfinition des droits, des rôles, des responsabilités des divers partenaires de l'éducation ou de l'oeuvre éducative. La loi 3, généralement - et il faut dire ça dans un débat comme celui-là - a été bien accueillie par les divers intervenants. Sincèrement. Elle a fait l'objet d'un très large consensus dans le milieu de l'éducation, à l'exception, bien sûr, des partisans des structures établies, genre un peu, comme j'y reviendrai avec le ministre de l'Éducation... Dans le fond, à la fin, il conclut: J'y suis, j'y reste et je veux que le ministère soit fort et vigilant et, en conséquence, il n'est pas question de partager mon gâteau et mon assiette en termes de redistribution des responsabilités.

Ce n'est pas moi qui dis cela, je suis un porte-parole, M. le Président. Écoutez, j'ai tellement vu de commissaires et de commissions scolaires, ils ont dit - ce n'est qu'une phrase: C'est probablement, en 100 ans de parlementarisme au monde, le ministre le plus centralisateur qu'on n'a jamais vu, pour toutes sortes de raisons historiques, pour toutes sortes de raisons de personnalité, pour toutes sortes de raisons de fonctionnement. Si le ministre trouve que ce sont des qualités extraordinaires, il a peut-être raison, je ne veux même pas discuter de cela, mais c'est comme cela, par exemple. Il faut que les gens soient conscients qu'entre les beaux discours qu'il me faisait sur la décentralisation lorsqu'il

était de ce côté-ci, et ce qu'il nous a fait en commission parlementaire, et ce qu'il va essayer de nous faire encore pendant des semaines, parce que cela va malheureusement durer des semaines, je vous garantis qu'il y a tout un fossé. Ce n'est même plus le pont de Trois-Rivières, le fossé est 500 fois plus large que cela entre son discours et la réalité du projet de loi. Ah, celui qui veut écrire, qui va probablement être obligé de refaire, je ne le sais pas! Je ne le connais pas. Là-dessus, j'y reviendrai peut-être un peu, mais c'est un peu anachronique que je sois obligé de faire un discours sur le projet de loi 107, alors que le ministre sait où il s'en va. Lui, ses 300 amendements, il les contrôle; mol, je ne les ai pas vus. Je ne sais pas la teneur du fond de ses 300 amendements. Je ne connais pas exactement le genre d'échange de vue, d'engagements et de promesses ou pas qu'il a eus avec les commettants; je ne le sais pas. J'ai déjà su cela, mais là je ne le sais plus. Ce n'est plus moi qui suis ministre, c'est lui.

Aujourd'hui, on me demande de parler, François Gendron, comme critique de l'Opposition officielle, sur le projet de loi 107. Je suis capable de vous en parler sans aucun problème, je connais le projet de loi 107. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que le ministre est pas mal centralisateur. Au moins, la loi 3 avait le mérite d'avoir fait un large consensus. Cependant, et c'est cela qui est drôle, elle avait fait l'objet d'une obstruction systématique de nos amis d'en face, dans le temps, qu'on appelle aujourd'hui le Parti libéral: obstruction systématique de l'Opposition officielle d'alors. Ce qu'il y a de pire: Qui conduisait cette obstruction systématique? Le même homme qui, aujourd'hui, a la responsabilité de ministre de l'Éducation. Tous se le rappellent, l'application de la loi 3 s'est butée à un jugement de la Cour supérieure la décrétant inconstitutionnelle. Une fois de plus, la volonté de moderniser nos structures scolaires et de les adapter à la réalité d'un Québec pluraliste se heurtait à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, au fameux article 93 pour lequel le ministre a eu quelques considérations.

Est-ce que le gouvernement libéral est allé en appel? Du tout. Là, il nous dit: Je vais aller en appel, pas en appel, mais en déféré; je vais aller en Cour pour voir ce qu'elle en pense. Cela n'est pas une démarche qui, en soi... Je ne suis pas réfractaire à cela, je ne suis pas contre cela. Je le dis comme je le pense. Cela fait curieux que le même gouvernement: Pas question d'aller en appel sur la loi 3. Le ministre de l'Éducation d'aujourd'hui a été franc, là-dessus j'entends. Il a dit: La loi 3 ne nous plaît pas. On ne veut rien savoir de cela, même si c'est une loi qui réformait toutes les structures de l'éducation, pour laquelle il y avait eu un large consensus. Pas question, on ne va pas en appel. Le ministre l'a dit clairement. Pourtant, ce gouvernement a porté jusqu'en Cour suprême l'article 58 de la Charte de la langue française relatif à l'affichage commercial, alors qu'il s'est toujours dit contre l'affichage unilingue français. Pourtant, il est allé à la cour.

En suspendant les procédures judiciaires sur la loi 3, le ministre aurait fait perdre trois ans. Si le projet de loi 107 est adopté, il prendra le chemin de la Cour d'appel et de la Cour suprême pour savoir si c'est constitutionnel. Je ne suis pas capable de comprendre une logique comme celle-là. En tout cas, j'ai bien de la misère à comprendre une logique comme celle-là. Je sais qu'on va avoir du temps pour se l'expliquer et je vais avoir d'autres arguments à faire valoir, mais je ne peux pas être d'accord avec une telle logique.

Pourquoi ne pas avoir continué les démarches avec la loi 3, quitte à l'amender si nécessaire? Parce que le ministre voulait absolument coller son nom à la révision de la Loi sur l'instruction publique? Peut-être! Peut-être parce que, il faut l'admettre, c'est un grand penseur; c'est un très grand éditorialiste, je vous le dis, je le pense sincèrement. Mais là, I faudrait qu'il se rende compte qu'il est rendu en politique, il n'est plus au Devoir. Il est ministre de l'Éducation et les grands "éditos"... (17 h 30)

Une voix: C'est terminé.

M. Gendron: Oui, cela n'a pas l'air de toujours paraître que cela fait dix ans qu'il a laissé l'editorial, il nous en a fait un d'une heure, tantôt.

Le projet de loi 107 a, bien sûr, des points communs avec la loi 3. Plusieurs articles se retrouvent dans les deux versions. Mais le projet libéral comporte aussi plusieurs divergences majeures, fondamentales, il faut en être conscient, il faut s'en parler. Nous l'avons déjà dit, le projet de loi 107 comporte à maints égards des reculs par rapport à la loi 3, et je vais à nouveau le démontrer. Ce qui avait pu sembler acquis se retrouve aujourd'hui remis en question. Pourquoi revenir sur des acquis en ce qui concerne les droits des élèves, par exemple? Pourquoi revenir sur des acquis en ce qui concerne l'accessibilité aux services éducatifs? Pourquoi revenir sur des acquis en ce qui concerne la participation des parents? Comme Opposition officielle, nous n'avons pas eu de réponses à ces questions de la part du ministre. Force nous est cependant de constater qu'a profite de l'opération pour accroître ses pouvoirs; du moins, plusieurs intervenants pensent cela. On comprend mieux, dans ce contexte, l'acharnement du ministre à remettre à nouveau sur le métier une réforme pourtant attendue depuis fort longtemps.

Le ministre a été pas mal silencieux sur le détail de ce qui s'est passé longuement en commission parlementaire. Il a eu quelques phrases, il a dit: C'est vrai que j'ai été critiqué, c'est vrai qu'ils ont critiqué certains aspects du

projet de loi. Il a dit cela aujourd'hui, mais on n'a pas eu droit, comme habituellement, à un très long rapport sur quelque chose qui a duré pendant des semaines en commission parlementaire et où à peu près tout le monde... Je vous en fais grâce, M. le Président, parce que je vous dis qu'on se coucherait tard, mais à peu près tout le monde... J'aurais juste quelques petites citations... Je vais en citer juste une tantôt, parce que c'est important de rester là où nous sommes.

Globalement, qu'est-ce que la consultation a démontré? Elle a démontré que le projet de loi 107 non seulement ne fait pas consensus... La plupart des intervenants de l'éducation ne veulent pas d'un tel projet de loi. Il suffit de relire les mémoires pour s'en convaincre. De très nombreux organismes, et parmi les plus importants en termes de représentation - si c'était juste celui qui vous parle, je comprendrais que le • ministre pourrait ne pas avoir changé un poil de son projet de loi - des représentants majeurs sont venus en commission parlementaire, des gens qui sont dans le domaine de l'éducation depuis des années et pour lesquels on se doit d'avoir passablement d'ouverture et de considération. Ce sont les agents de l'éducation, mais pas les seuls, je le reconnais. Il y a d'autres agents, on va en parler tantôt. La plupart de ces gens refusent d'adhérer au libellé actuel du projet de loi 107. Ce sont les deux grandes fédérations de commissions scolaires, protestante et catholique, c'est le conseil de l'île, c'est la majorité des grands syndicats enseignants, ce sont les grandes centrales syndicales, ce sont les directeurs généraux, c'est l'Institut canadien de l'éducation des adultes, c'est la Coalition pour l'égalité des droits en éducation qui regroupe de nombreux organismes syndicaux et populaires. C'est la Commission des droits des personnes. J'arrête là, la liste est inépuisable, je vous le dis.

D'autres organismes comme l'Association des cadres scolaires du Québec, la Fédération des comités de parents et la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec ont aussi réclamé des changements substantiels. Je vous donne seulement un exemple: l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires, ce sont des gens qui touchent l'éducation de pas mal près et le ministre le sait. Je les cite très rapidement: "Nous nous opposons fermement et fortement à cette accumulation des pouvoirs du gouvernement et du ministre. Nous jugeons très impertinent que le ministre prenne occasion du projet de loi pour augmenter considérablement ses pouvoirs réglementaires et, par là, son emprise sur le système scolaire." J'ai volontairement cité cela parce que c'est une remarque générale. J'aurais pu prendre des considérations plus spécifiques.

Cela ne fait pas longtemps que je suis réapparu comme critique en matière d'éducation, mais on me fait des remarques comme celles-là partout. Encore la semaine dernière - oui, la semaine dernière et je ne commencerai pas à nommer des gens - j'ai rencontré des gens. En tout cas, dans mon comté, je côtoie les gens, je côtoie mon monde, y compris des amis de M. le ministre de l'Éducation.

Une voix: II y en a beaucoup?

M. Gendron: Oui. Même ses amis m'ont dit: Écoute, il va falloir que tu lui parles parce qu'il a des problèmes, notre cher ministre de l'Éducation, il ambitionne, il va falloir qu'il sorte de sa tour d'ivoire.

Je la connais sa tour. J'y ai été moins longtemps que lui, mais je la connais. J'ai été au 15e quelques minutes moi aussi. Cela n'a pas de bon sens d'avoir un projet de loi sous prétexte qu'on va réformer la vieille Loi sur l'instruction publique et qu'on n'apportera pas, enfin, des modifications substantielles et majeures.

La question qu'il faut se poser: Où sont les appuis dont il aurait pourtant besoin pour que sa réforme bénéficie d'une certaine crédibilité? Si on me démontre que tous les intervenants que je viens de citer, sont en accord avec la réforme, je le répète, je n'ai jamais fait de discours ici pour moi-même, j'ai une opinion, c'est normal, mais on n'est pas en politique pour soi-même, je l'espère... J'espère qu'il n'y a pas personne qui pense qu'il est en politique pour lui-même. Moi, je représente des électeurs. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de discussions entre mes électeurs et moi par rapport à mes convictions. Cela, c'est sain, mais le jour où je serai ici uniquement pour me faire plaisir, je prendrai d'autres décisions, M. le Président, je ne suis pas ici pour essayer de me faire plaisir. En conséquence, si le ministre de l'Éducation, aujourd'hui, est capable de me dire: M. le député d'Abitibi-Ouest, vous ne l'avez plus, voici tous les intervenants éducatifs qui appuient ma réforme, là, je vérifierai par rapport à mes convictions. Cela ne veut pas dire que je vais bénir à mort le projet de loi 107, mais il est possible que je dise: Comme je dois refléter les indications que les gens de l'éducation me communiquent à travers ma responsabilité parlementaire comme membre d'une Opposition officielle, je suis assez grand garçon pour me réajuster et je n'ai pas de problème à vivre avec cela. Mais, actuellement, je n'ai pas entendu dans le discours d'aujourd'hui, dans les 30 pages livrées par le ministre: Je peux compter aujourd'hui, pour mener à terme ma réforme sur le projet de loi 107, concernant la modernisation de tout ce qui régit le monde de l'éducation, sur tels organismes, la fédération, les cadres scolaires, les principaux, etc. Je n'ai pas entendu cela.

Les audiences ont confirmé notre évaluation quant à la faiblesse du projet de loi 107 par rapport à la loi 3. Si les intervenants ne se sont pas toujours livrés à une comparaison exhaustive, c'est le moment de parler des éléments qui étaient valables et qui sont disparus. On ne

trouve plus dans le projet de loi 107 la définition des services éducatifs complémentaires et particuliers. On n'a plus la même notion de la gratuité de l'éducation des adultes. Le recours au Protecteur du citoyen pour faire respecter les droits de l'élève, c'est sauté! La reconnaissance du droit d'association pour les jeunes, les élèves, les étudiants qui doit être la base de tout régime en éducation, pas question! L'existence d'un comité pédagogique composé d'enseignants, de professionnels, sauté! L'obligation pour la commission scolaire d'organiser des services de garde, sauté! Cela n'existe plus, même si on est dans un contexte où on en a un exemple, tout le monde parle de garderies plus que jamais. On ne peut pas prêcher un discours d'égalité des chances et ne pas avoir une société qui, effectivement, concrétise ce discours d'égalité des chances, autrement on n'est encore que théoriques. L'insistance mise sur l'intégration des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage dans les classes, les groupes ordinaires ou autres activités de l'école, sauté!

Ce ne sont pas des "peanuts" dont je viens de parler, ce sont des éléments majeurs qui étaient dans la loi 3 et qui sont des éléments absents du projet de loi 107. Autres objets de recul, on est supposés avancer; moderniser, adapter, pas reculer! Autres objets de recul: la disparition du comité d'école obligatoire, l'affaiblissement des fonctions décisionnelles du conseil d'orientation. Il ne s'agit pas de prétendre que la loi 3 était parfaite. Cela, on est toujours dans l'erreur quand on discourt sur le mérite pur, soit du Parti libéral, soit du ministre de l'Éducation actuel ou du critique de l'Opposition officielle. On ne peut pas discourir dans le mérite pur, ce n'est pas de même, cela n'existe pas comme cela. La loi 3 n'était pas parfaite, mais la loi 3, au moins, avait des éléments sur lesquels je pouvais m'appuyer et m'appuyer encore sur des consensus réels. Sur la loi 107, je répète, je voudrais être de bonne foi, je pense que je suis de bonne foi, je ne connais pas d'organismes qui me disent: Oui, M. le député d'Abitibi-Ouest, vous devriez appuyer d'une façon majeure ce projet de loi-là. Ce n'est pas cela les messages qu'on m'a donnés. Comme je l'ai dit tantôt, je ne le répéterai pas, je dois refléter ce que nous sommes, c'est-à-dire une Opposition officielle qui doit être près des intervenants du milieu qui ne peuvent pas recevoir complètement tout ce qu'ils souhaitent à l'intérieur du Parti libéral même si la situation semble aller bien. (17 h 40)

Je vais faire une analyse très critique du projet de loi. Le projet de loi 107 n'est pas mauvais dans son ensemble. Il y a des affaires intéressantes dans le projet de loi 107. Il procède, à certains égards, d'intentions louables, notamment moderniser une loi qui en a besoin, clarifier le partage des pouvoirs entre les différents partenaires. On adhère à ces objectifs- là. Je n'ai aucun problème à adhérer à ces objectifs-là. L'objectif de déconfessionnalisation des commissions scolaires, pensez-vous que je n'y adhère pas? On l'a proposé comme Opposition officielle. Je ne suis pas un vire-capot aux cinq minutes. J'adhère à ça. Mais est-ce que c'est vraiment ça la déconfessionnalisation, la démarche proposée dans le projet de loi 107? Non, ce n'est pas ça, M. le Président. Tous les organismes sont venus dire: Ce n'est pas ça. Donc, est-ce que le ministre me propose une démarche satisfaisante à cet égard? Ma réponse, c'est non. Plusieurs des 579 articles du projet de loi ne nous posent pas de problème, mais celui-ci comporte des lacunes majeures dans plusieurs de ses dimensions, celui-ci se rapportant au projet de loi 107, j'entends.

La principale critique, je l'ai dit tantôt et je la répète rapidement, la critique la plus unanimement adressée par à peu près tous concerne l'aspect profondément centralisateur du projet de loi. Elle a été véhiculée à plusieurs reprises lors des audiences. Elle est partagée par toutes les commissions scolaires, les directeurs généraux, etc. Encore là, la liste, je ne la ferai pas à chaque fois. Le diagnostic est clair; il est simple. C'est un projet de loi à l'image de son parrain, et ça, parfois, c'est normal, mais, parfois, c'est dangereux. C'est un projet de loi à l'image de son parrain. Je l'ai dit, c'est le plus centralisateur jamais présenté par un ministre de l'Éducation. C'est dans sa nature. Il faut qu'il voie tout, il faut que ça lui passe dans les mains, et ce n'est pas lui comme ministre qui a donné le plus de pouvoirs de délégation à sa machine ou à sa structure. Et il a le droit de faire ça, soit dit en passant, il est parfaitement dans son droit. Comme moi, j'ai le droit de dire, par exemple, qu'on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche. Et on ne peut pas revendiquer que les institutions qui ont la responsabilité de dispenser l'enseignement ont tous les pouvoirs, quand celui qui a la capacité, par son poste, de les leur donner les garde et conclut, comme je vous l'ai dit tantôt, à la page 25, qu'il n'y a pas lieu, à l'heure actuelle, de procéder à des changements majeurs dans le partage des responsabilités entre vous et moi, moi par personne interposée - je parle du ministère de l'Éducation que M. le ministre préside - et les commissions scolaires. Il a le droit, je le répète, de répéter ça partout. Dans le débat actuel, les commissions scolaires ont une autre prétention. Les agents éducatifs ont une autre prétention. Ils ont dit: Nous, on pense qu'il y a lieu d'avoir des responsabilités plus décentralisées. C'est mon devoir, M. le Président, comme critique de l'Opposition, de le dire.

Par rapport à l'actuelle Loi sur l'instruction publique ou par rapport à la loi 3, le projet de loi 107 donne au ministre ou au gouvernement environ une vingtaine de nouveaux pouvoirs, de nouveaux motifs d'ingérence dans les affaires des commissions scolaires. Supposons que je serais

dans les patates, j'aimerais ça; dans le présent cas, j'aimerais être dans les patates, mais je ne suis pas dans les patates, je suis dans le projet de loi 107. Et dans le projet de loi 107, tous ceux que j'ai consultés m'ont dit: Voici la liste des pouvoirs additionnels que le ministre se donne et qu'il n'avait pas. Le ministre pourra toujours me dire, à un moment donné, à des phases ultérieures de la continuation de ce magnifique exercice: Écoutez, M. Gendron, je vous ai indiqué des affaires là-dedans et il y a des choses qui ont changé. C'est exact. Je répète qu'on me demande - et je suis content de le faire parce que c'est ce que le leader du gouvernement a appelé - de discuter du principe du projet de loi 107. Or, à propos du projet de loi 107, je suis toujours en mesure de prouver devant toute personne normalement constituée, y compris le ministre, que ce que je dis est exact. Il y a une vingtaine de pouvoirs additionnels dans le projet de loi 107 qui n'existaient pas: le pouvoir pour le ministre d'établir la liste des commissions scolaires qui peuvent organiser des services éducatifs pour les adultes, par exemple, cela n'existait pas; le pouvoir pour le ministre d'établir la liste des spécialités professionnelles ou des services particuliers aux élèves handicapés, cela n'existait pas; le pouvoir pour le ministre de statuer sur les différends relatifs à la répartition des droits et obligations d'une commission scolaire lors d'une division ou d'une fusion du territoire, cela n'existait pas et cela existe; le pouvoir discrétionnaire du ministre de libérer une commission scolaire de toutes ou d'une partie de ses fonctions sur le plan des services éducatifs à dispenser, cela n'existait pas et cela existe; l'extension du pouvoir de réglementation au sujet du personnel non syndiqué, cela n'existait pas et cela existe. Je m'arrête là pour des raisons de temps, mais la liste est plus longue que ça.

De leur côté, les commissions scolaires devront réglementer davantage l'exercice de leurs propres fonctions. La confection de ces règlements étant soumise à de lourdes exigences en termes de publication, de délai et de consultation, ce sont des complications additionnelles. Il nous a indiqué dans son discours d'aujourd'hui: je vais limiter cela, il va y en avoir moins et on va se donner des clarifications. Soit, soit, sincèrement, mais ce ne sont pas les objets majeurs. Il le sait bien et ce n'est pas pour rien, il est habitué de faire des discours, ce n'est pas pour rien qu'il le disait dans sa conclusion: l'objet majeur, c'est sa dernière analyse sur le gouvernement, moi et le Parti libéral. Quand il parle du gouvernement, de moi et du Parti libéral, je vous dis qu'il n'y a plus d'ouverture. Il l'a dit clairement et je répète qu'il a le droit de dire ça, il n'y a pas lieu de modifier un partage différent pour les raisons qu'il a exposées. Mais les raisons qu'il a exposées, il les avait déjà exposées comme ministre de l'Éducation et, que je sache, les intervenants qui l'entendaient n'avaient pas la même conception de ce qu'on appelle un pouvoir décentralisé. On aura l'occasion d'expliquer ça davantage, de clarifier.

Je prétends que c'est une mainmise sur les commissions scolaires. Cette manie centralisatrice nous vient d'un ministre qui, lors des débats entourant l'adoption du projet de loi 3, faisait la fine bouche sur celui-ci - je parle du projet de loi 3 - parce qu'il était prétendument trop centralisateur. Imaginez! la plupart des intervenants ne disaient pas ça. Sincèrement, j'ai entendu bien moins d'intervenants reprocher à la loi 3 d'être trop centralisatrice que d'intervenants aujourd'hui qui ont dit au ministre, du projet de loi 107, qu'il était très centralisateur. Il y avait d'autres débats, je suis d'accord là-dessus. S'il nous avait dit ça, j'aurais dit: Vous avez raison, M. le ministre.

Et voici sa phrase célèbre, je le cite: "Nous ne saurions souscrire à une activité qui consisterait à augmenter les pouvoirs du ministre de l'Éducation dans le contexte actuel." - bien sûr, il était dans l'Opposition - clamait-il, probablement pour la galerie parce que son propre projet est bien plus centralisateur. Où est la cohérence entre les discours pieux d'antan et les actions d'aujourd'hui? J'ai de la difficulté à la voir. Si on réussit, durant les nombreuses heures qu'on devra travailler ensemble, à me la faire partager, je reviendrai discourir en Chambre. Il y aura d'autres étapes et je dirai: Oui, les intervenants, oui en commission parlementaire, oui, à la suite de consultations, parce que je vais en faire dès demain matin, 8 heures. Je dirai: Ces gens-là ont modifié leur point de vue, parce que dès demain matin, 8 heures, j'aurai des consultations avec des intervenants de l'éducation.

Cette "contrôlite" aiguë - parce que c'est ça, le ministre est atteint de la "contrôlite" aiguë - dont est atteint le ministre vient d'un représentant eminent du Parti libéral qui, lors de la campagne électorale, promettait une responsabilisation accrue des partenaires du système d'éducation. Où est la cohérence? Que signifiaient ces belles promesses? Est-ce comme toutes les autres qu'on a entendues comme, par exemple, celle sur l'abaissement de l'âge pour entrer à la maternelle? C'était une belle promesse des libéraux à laquelle il a décidé de ne pas donner suite, mais de faire ce qu'il voulait. Dorénavant, on est admis à la maternelle et en préscolaire dans le bureau du ministre. Il y a un homme au Québec qui donne les autorisations concernant le droit ou non d'aller à l'école. Je vous dis que ça commence à être un changement de régime majeur.

Même chose quant aux engagements que ces gens-là ont pris concernant la femme au foyer. La fameuse rente pour les femmes au foyer, que c'était donc beau comme engagement électoral! Troisième année de leur mandat et le premier ministre qui parlait même d'élections, aujourd'hui! Il est prêt à aller en élection; il n'a donné suite

à presque aucun de ses engagements et il est déjà prêt à demander un nouveau mandat. Pour promettre autre chose à laquelle on ne donnera pas suite? Je ne peux pas fonctionner comme ça. (17 h 50)

Personne ne plaide la disparition du ministère de l'Éducation. Pourquoi nous faire un laïus d'une dizaine de pages sur l'importance d'un ministre de l'Éducation et d'un ministère? Personne ne conteste ça. Personne. "L'État doit conserver un rôle majeur dans ce domaine"? Bien sûr. L'éducation, c'est un domaine crucial, un domaine d'avenir. C'est l'avenir, l'éducation de nos jeunes. "Il doit continuer de fixer les grands objectifs, les grands encadrements nationaux en matière d'accessibilité aux services de régimes pédagogiques". Bien sûr. "Il faut assurément maintenir une équité d'accès dans la qualité des services pour la population. " Bien sûr. Il nous semble cependant que la bureaucratisation, la centralisation du système ait atteint ses limites. Il ne faut pas en ajouter, comme le fait le projet de loi 107. Il faut, au contraire, introduire davantage de souplesse. Alors, il faut, au contraire, introduire davantage de souplesse - c'est ce qu'il faut faire - afin d'établir un meilleur équilibre, des pouvoirs, des responsabilités, mais au profit du milieu, parfois au profit des intervenants locaux, parfois au profit des premiers impliqués, des véritables et des premiers impliqués dans la réalisation du projet éducatif. Si les commissions scolaires doivent être autre chose que des courroies de transmission des normes, des directives, etc., elles doivent bénéficier d'une plus grande autonomie et d'une réelle marge de manoeuvre.

Le projet de loi 107 que je connais - celui qu'on verra un de ces jours, je ne le sais pas - va à contre-courant de toutes les tendances actuelles en matière de gestion des affaires publiques. Il va à l'encontre d'une politique de décentralisation, il va à rencontre de la prise de décision par les premiers milieux et il va à l'encontre, et c'est ce qui est plus grave, de la valorisation du dynamisme et de l'autonomie locale. Il est empreint d'une méfiance à l'endroit des gouvernements locaux que sont les commissions scolaires.

Le ministre va apporter des adoucissements. Il a déjà commencé. Il va apporter des aménagements pour les récalcitrants, je le connais et je sais comment il procède. Ce n'est pas la première fois qu'il refait ses devoirs. Il a touché à une petite loi sur les élections scolaires et il y a touché comme il faut. Il n'y a pas longtemps, il avait touché à quelques articles; on a été obligés de tout recommencer au complet. Quand il nous a montré le produit fini, il y avait plus d'articles modifiés que lors du premier dépôt, et c'est ce qui va arriver avec le projet de loi 107. On ne peut pas refaire ses devoirs constamment et nous demander d'être d'accord sur le principe de quelque chose sur lequel on discourt aujourd'hui, mais qu'on ne connaît pas. Non pas parce qu'on ne le connaît pas, mais parce que le ministre de l'Éducation va possiblement déposer 250 amendements. Imaginez! La moitié des articles de ce projet de loi vont être amendés. Cela fait sérieux! C'est comme ça que ces parlementaires aiment travailler. Ils l'ont applaudi tantôt. Ils ont failli lui chanter une sérénade en disant: II est brillant, notre ministre, H refait ses devoirs, on ne les a pas vus, mais on est d'accord. On est d'accord avec ça. Ce sont tous des répondeurs automatiques. Ils sont d'accord avec ça. Pensez-vous que vous connaissez les amendements? Les gens intéressés ne les connaissent même pas. C'est impossible. Si vous les connaissez, j'aimerais que vous m'en parliez.

C'est impossible que vous connaissiez l'ensemble des amendements. Pourtant, ces gens sont d'accord avec le projet de loi 107. Ils vont nous le dire et quelques-uns vont discourir là-dessus. On va obliger quelques-uns à discourir là-dessus parce que ce ne sont pas des grands parleurs, en tout cas, pas ici. Peut-être qu'en dehors de la Chambre, ce sont de très grands parieurs. Ils font des promesses auxquelles ils ne donnent pas suite. Mais j'aimerais les entendre sur les amendements et qu'ils nous disent comment ils comprennent cela quand ils rencontrent des gens qui disent: On ne veut rien savoir. Comment se fait-il qu'ils traduisent: C'est beau et bon, M. le ministre. Je n'ai jamais appris ça comme ça. Je ne sais pas quelle sorte de traduction ces gens font.

Sur l'accessibilité aux services éducatifs, c'est un autre enjeu majeur. On l'a répété à maintes reprises lors de la consultation. Nous le répétons à nouveau. Le projet de loi 107 comporte des lacunes sur ce plan et de sérieux reculs par rapport à la loi 3: par exemple, absence de définition des services particuliers et complémentaires. C'est important, selon nous. Si ce n'était que selon nous, j'abandonnerais tout de suite, mais il y en a d'autres qui m'ont dit qu'ils tenaient à ça. Il me semble qu'on a le droit d'en discuter.

L'âge d'admissibilité aux services éducatifs, je l'ai dit tantôt, une phrase: Le projet de loi 107 octroie le droit aux services éducatifs à toute personne âgée de cinq ans ou plus. Mais écoutez ce qu'il dit: II revient cependant au gouvernement de fixer par règlement une date entre le début de l'année scolaire et le 1er janvier pour la détermination de l'âge d'admissibilité aux services éducatifs. Nous savons que cette date est présentement le 30 septembre. Le Parti libéral - ce n'est pas moi - s'était engagé à la porter au 31 décembre. Nous savons qu'il n'a pas tenu sa promesse, comme ailleurs, le ministre préférant plutôt mettre en place un système de dérogation arbitraire et générateur d'inéquités. Il faut aussi rappeler qu'à l'occasion de l'étude détaillée du projet de loi, l'Opposition libérale, sous la houlette du député d'Argenteuil, avait présenté une motion proposant de reporter au 31 décembre la date de naissance pour l'âge

d'entrée à l'école. Lui, dans l'Opposition. Motion pour reporter.

On aurait pu s'attendre en toute logique que dans le projet de loi - il a dit que c'était un projet de loi majeur, il a raison - 107 présenté par le même député d'Argenteuil, aujourd'hui ministre de l'Éducation, soit fixée la date d'admissibilité au moins au 31 décembre. Qu'est-ce que c'est que cette omission? Il ne le fait pas. Une contradiction de plus entre le discours, les promesses et la réalité. À moins qu'aujourd'hui, le ministre ne nous dise qu'il n'y croyait pas. Il a le droit aussi. Mais là, on va composer. Qu'il nous le dise, que c'était farfelu, qu'il ne croyait pas à cela et que ce n'est pas nécessaire. Il aurait été plus honnête intellectuellement de ne pas faire cet engagement s'il n'est pas d'accord. Disparition de l'obligation faite aux commissions scolaires de fournir des services de garde à la demande des parents. J'entendais tantôt quelques gens qui ne suivent pas cela dire: Pertinence. S'ils connaissaient de quoi ils parlent, y a-t-il quelque chose de plus pertinent que de dire qu'en éducation, ça commence par là, je vous l'ai dit tantôt.

Si un ministre de l'Éducation n'est pas capable de convenir et de dire qu'on est en 1988 et que les institutions scolaires du Québec devraient à tout le moins avoir l'obligation d'offrir des services de garde, je répète: Ces gens parlent des deux côtés de la bouche. La ministre déléguée à la Condition féminine peut aller se rhabiller même si, en règle générale, elle est très bien habillée. Elle peut aller se rhabiller parce que ça ne fait pas sérieux. Et c'est le moment de le dire. Cela ne fait pas sérieux. On ne peut pas dire: Nous, on est d'accord pour augmenter le nombre de places et s'assurer qu'on fait une offre réelle à tous ceux de la condition féminine qui veulent faire le choix personnel, et c'est leur affaire, d'avoir une opportunité de carrière réelle et ne pas leur offrir de conditions facilitantes. Pensez-vous que les services de garde en 1988, ce ne sont pas des conditions facilitantes?

On serait dans l'éducation et on ne donnerait pas obligation aux agents éducatifs des commissions scolaires de le faire, alors qu'il y a des institutions privées qui le font. Il y a des entreprises privées qui le font, et je les félicite. Je trouve cela extraordinaire. Nos institutions d'enseignement, par un ministre fort - il nous l'a dit tantôt: je veux rester fort et vigilant, c'est pour ça que je garde tous les pouvoirs - n'auraient pas la capacité et n'auraient pas l'intelligence reflective de convenir qu'on est rendu là en 1988 et de dire: L'aspect des services de garde va passer par là. Nous, on ne peut pas être d'accord là-dessus, on ne peut pas marcher là-dedans.

Là, écoutez, il y en aurait encore bien d'autres. Un autre sujet: le droit de l'élève. Encore ici, le projet de loi 107 pèche par omission à deux niveaux. Au sujet du droit de l'élève, droit majeur capital, il ne reconnaît pas le droit d'association des élèves contrairement à la loi 3. Celle-ci donnait au comité d'élèves la possibilité de donner son avis au conseil d'école sur les orientations de l'école. Fini! Il ne reconnaît pas le droit à l'élève ou à ses parents de recourir au Protecteur du citoyen pour faire respecter leurs droits. Le Protecteur du citoyen existe, mais pas pour les jeunes du Québec. Les jeunes du Québec, ils viendront comme un autre ministre passe son temps à répondre - il n'a pas compris qu'il n'est plus dans ses fonctions privées: Vous viendrez me voir à mon bureau, je vais vous arranger cela. S'il y a des problèmes, faites référence au ministre, il est le Protecteur du citoyen des citoyens éducatifs. Il me semble que j'ai beaucoup de respect, sincèrement, pour le poste et pour la personne qui l'occupe actuellement, mais je ne vois pas pourquoi, dans le monde de l'éducation, on n'offrirait pas des alternatives qui existent partout ailleurs, compte tenu de la symbolique québécoise attachée, avec raison, à un poste de Protecteur du citoyen.

Au sujet des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, le projet de loi 107 comporte évidemment des améliorations, M. le ministre, par rapport à l'actuelle Loi sur l'instruction publique. Mais à ce niveau, des organismes comme la Confédération des organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec, le Regroupement interscolaire de la région de Québec, l'Office des personnes handicapées du Québec ont relevé des omissions majeures, des omissions importantes. Dans ce sens-là, pour ce qui est des droits de l'élève, il y a encore énormément de trous et de faiblesses. Tous les organismes voués à la défense de ces élèves ont proposé de nombreux autres amendements afin de mieux garantir leurs droits. Là, je ne les énoncerai pas, je n'ai pas le temps, compte tenu de l'heure. Je n'énoncerai pas les amendements qu'ils vous ont suggérés, sauf que soyez assuré, M. le ministre, que je ne lâcherai pas là-dessus et je vais avoir la même ténacité en commission parlementaire si je ne retrouve pas, dans le projet de loi 107, les amendements que les gens vous ont suggéré d'inclure pour garantir davantage de droits à l'élève. Cela ne me convaincra pas, parce que oui, dans votre discours, vous avez parlé de l'école et de certaines responsabilités qu'on va octroyer aux étudiants, que ces gens-là ont effectivement les recours et les droits qu'ils devraient normalement exiger à l'intérieur du système de l'éducation.

Compte tenu de l'heure, M. le Président, et qu'il me reste quand même assez d'éléments à couvrir, je vais demander une suspension.

Le Vice-Président: Très bien. En fait, nous arrivons à 18 heures. Nous allons suspendre le débat qui va reprendre à 20 heures. Il vous restera, à ce moment-là, quatorze minutes pour compléter votre intervention. Nous suspendons

donc les travaux qui reprendront à 20 heures. (Suspension de ta séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président: À l'ordre! Veuillez prendre place, s'il vous plaît! L'Assemblée va reprendre ses travaux sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique, présenté par le ministre de l'Éducation. Lors de la suspension de nos travaux la parole était au député d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition. Je vous informe M. le député d'Abitibi-Ouest qu'il vous reste quatorze minutes pour terminer votre intervention.

M. Gendron: Merci, M. le Président. C'est exact, avant de couper ma brillante intervention, j'en étais à l'étape où j'indiquais au ministre de l'Éducation et aux parlementaires intéressés par ces questions qu'il y a également d'autres éléments pour lesquels, je pense, le projet de loi 107 ne correspond pas aux attentes du milieu. Il marque, également, un recul très net comparativement à l'ancien projet de loi 3. En particulier quant à la participation des parents, il est clair que le projet de loi 107 prévoit un certain nombre de mécanismes relatifs à la participation des parents aux affaires scolaires. L'outil privilégié de cette application au niveau de l'école est le conseil d'orientation composé, d'au moins pour la moitié, de parents ainsi que d'enseignants et d'un représentant du personnel. Le conseil d'orientation détermine les grandes orientations propres à l'école et contenues au projet éducatif. Il exerce une fonction consultative en donnant son avis sur un certain nombre de questions. Par ailleurs, le projet de loi rend facultatif le comité d'école composé uniquement de parents. Cette combinaison, conseil d'orientation et comité d'école facultatif, a été appuyée par très peu d'intervenants, parents ou autres. Une réelle majorité se dégage cependant en faveur du comité d'école actuel, notamment chez les parents. Nous partageons cette position et nous avons cru comprendre que le ministre amenderait son projet en ce sens. Sur la participation des parents, il y a d'autres mécanismes, mais toujours pour des raisons de temps, je préfère parler d'autres sujets et nous aurons l'occasion d'y revenir en commission parlementaire.

Dans un projet de loi sur l'éducation modifiant la Loi sur l'instruction publique, il est impensable de ne pas élaborer un petit peu, aussi, sur la place des enseignants. Lors des audiences, des réserves ont été exprimées sur le caractère large et vague des obligations qui leur sont faites. Par contre, leurs droits sont définis de façon plus restrictive que dans la loi 3. Je ne sais pas si tout le monde me comprend bien. On définit leurs droits et leurs devoirs d'une façon plus restrictive mais leurs obligations, par rapport à la place des enseignants, sont demeurées plus diffuses. Disparaît aussi le comité pédagogique qui offrait un outil de participation à la détermination des orientations et du projet éducatif de l'école. Le ministre de l'Éducation enlève cette disposition.

Je pense qu'il est légitime que les enseignants réclament une plus grande autonomie professionnelle puisqu'il n'y a pas beaucoup de gens qui ne conviennent pas que les premiers artisans de la dispensation des actes pédagogiques, ce sont d'abord les enseignants.

Concernant les structures scolaires, la loi 3 prévoyait l'intégration des ordres d'enseignement, primaire et secondaire. Et, bien que le Parti libéral avait encore fait là de l'intégration scolaire une promesse électorale - ce n'est pas la première à laquelle il n'y a pas de suite de donnée, mais c'en est une autre - où on avait pris l'engagement électoral de faciliter l'intégration des ordres d'enseignement, le projet de loi 107 maintient les commissions scolaires régionales. Pourquoi? Comme on le sait, le processus d'intégration qui dépend en ce moment de la règle de l'unanimité des commissions scolaires est au ralenti. Qu'est-ce qu'on va faire avec le projet de loi 107? On va donc conserver une duplication de commissions scolaires locales et régionales sur une grande partie du territoire pendant encore longtemps. Il me semble que ça ne rejoint pas l'objectif et le principe sur lesquels les deux formations politiques étaient d'accord, à savoir que, dorénavant, sur le territoire québécois, il ne devrait y avoir que des commissions scolaires intégrées, c'est-à-dire ayant la responsabilité des deux ordres d'enseignement, primaire et secondaire.

Il y a également beaucoup de choses qu'on pourrait dire sur le projet de loi 107 concernant le fonctionnement et le rôle du Conseil scolaire de I'île de Montréal qui, lui aussi, pose un problème. Les commissions scolaires membres et le conseil lui-même ont dénoncé dans leur mémoire les risques de paralysie et l'amoindrissement du rôle du conseil découlant des dispositions du projet de loi 107. En faisant en sorte qu'il ne puisse organiser ces services communs pour les commissions scolaires de l'île de Montréal, sur résolution de chacune de celles-ci, le conseil risque bien de devenir, comme I l'a vigoureusement fait savoir devant la commission parlementaire, une très pâle image de lui-même.

Il y a aussi toute la question majeure de la confessionnalité dans le projet de loi 107. Je pense qu'à l'occasion des consultations publiques, une très large majorité des intervenants ont souhaité, tant du côté francophone qu'anglophone, qu'on s'oriente davantage vers la création de commissions scolaires linguistiques plutôt que de commissions scolaires confessionnelles. On sait, en effet, que, selon le projet de loi 107, une école pourra, si une majorité de parents le souhaitent, se donner un projet éducatif intégrant les croyances et les valeurs de la

religion catholique ou protestante. Ceci confère à l'évidence les privilèges aux adeptes de ces religions. La preuve en est que le ministre n'a d'autre choix que d'inclure dans son projet des clauses dérogatoires. Encore là, si j'avais tort, le ministre n'inclurait pas dans son projet de loi des clauses dérogatoires aux chartes, tant la charte québécoise que la charte canadienne des droits. Quand on est obligé d'utiliser des clauses de dérogation, c'est parce qu'on consacre le principe et la prétention que j'ai qu'on n'est pas plus avancé.

En outre, le projet de loi 107 ne règle en rien les problèmes découlant du maintien des structures confessionnelles à Montréal, là où elles sont le plus désuètes, compte tenu du pluralisme de la population montréalaise. Les élèves de diverses origines ethniques représentent déjà le tiers de la clientèle de la CECM. Dans quelques années les jeunes allophones représenteront 50 % de la clientèle scolaire de I Ile de Montréal. Voilà l'une des incongruités de notre système d'éducation confessionnel. Les commissions scolaires protestantes de tradition anglophone sont responsables de l'intégration de jeunes immigrants à la majorité francophone. Imaginez!

Dans le fond, la question qu'on doit se poser est celle-ci: Quelles sont les intentions réelles du ministre pour Montréal? Il ne les a jamais énoncées clairement. Ou bien il superpose les commissions scolaires linguistiques aux commissions scolaires confessionnelles protégées par l'article 93 de la constitution, et on aura alors sur le même territoire quatre commissions scolaires et six secteurs d'enseignement avec le fouillis, les problèmes d'organisation, les coûts inutiles qui en résulteront, ou bien il laisse à la CECM et à la CEPGM leur monopole actuel, ce qui est inacceptable, compte tenu de la réalité que nous venons d'évoquer.

La question est d'autant plus préoccupante qu'il s'obstine carrément à refuser d'entreprendre des négociations constitutionnelles sur l'article 93. Ce ne sont pas les demandes en ce sens qui manquent. Dès janvier 1986, le Conseil supérieur de l'éducation, un organisme pourtant reconnu pour son bon sens et la qualité de ses interventions, lui recommandait fortement d'inclure cette question dans son dossier de positions. Réponse du ministre: refus, pas question d'inclure ça dans le bagage d'éléments sur lesquels le premier ministre du Québec aurait avantage à discuter avec son compagnon de fortune pour l'instant et son concubin occasionnel pour la présente élection. Il aurait sûrement avantage à discuter de quelque chose de majeur parce qu'on peut bien se bercer d'illusions, mais, si on est le moindrement sérieux, personne ne conviendra que l'article 93 de la fameuse constitution, importée de je ne sais trop où, ne fait en aucune façon respect pour ce que nous sommes dans notre particularité, dans nos compétences comme Assemblée nationale. Cela fait des années que des intervenants éducatifs disent au gouvernement du Québec, quel qu'il soit: II faut inclure dans les négociations constitutionnelles, les fameuses dispositions concernant l'article 93. Le ministre dit: Non, cela ne fait pas partie de mes priorités. Résultat: l'entente du lac Meech est muette concernant l'article 93. Il a laissé passer une occasion en or d'obtenir la levée de cette entrave archaïque à l'exercice par le Québec de sa compétence pleine et entière en matière d'éducation. On nous dit maintenant que la confessionnalité scolaire fera peut-être partie des discussions lors de la très hypothétique et lointaine deuxième ronde. Une seule conclusion s'impose: le gouvernement et le ministre de l'Éducation n'ont aucunement - est-ce clair - la volonté politique de sortir le Québec du carcan de l'article 93 de la constitution de 1867, avec les conséquences néfastes que l'on connaît en particulier sur le territoire de IHe de Montréal.

D'ailleurs, le ministre a clairement affiché ses couleurs lors de la venue en commission parlementaire de la Coalition pour l'égalité des droits en éducation. À celle-ci, qui réclamait la suppression des garanties confessionnelles contenues dans la constitution en matière d'éducation, il a répondu sans aucune hésitation: Ne comptez pas sur moi. Est-ce clair? À quoi riment alors les déclarations du premier ministre? On dirait qu'ils font partie de deux gouvernements différents, et ce n'est pas la première fois d'ailleurs, sur la possibilité d'inclure l'article 93 dans la très aléatoire prochaine ronde de négociations.

Je pourrais continuer sur la confessionnalité mais, compte tenu des cinq minutes qui me restent, je suis obligé de passer à autre chose. Est-ce que le ministre conviendra que le projet de loi 107, dans sa forme actuelle, ne répond pas aux agents éducatifs du milieu? Je pense que, oui - son discours ou son editorial de cet après-midi l'a prouvé - il y a de la place pour des ouvertures. Cependant, je l'ai indiqué, M. le Président, les amendements majeurs de fond sur une discussion nouvelle du partage des pouvoirs, et, encore là, c'est seulement parce que je n'ai pas pu tout amener, mais à l'heure du souper, j'ai eu l'occasion d'accorder quelques minutes à la correspondance que je reçois et en particulier à une nouvelle lettre en date du 21 octobre - cela ne doit pas faire six mois, cela ne doit pas être loin de ça - d'une commission scolaire qui me rappelait encore combien elle croit qu'un nouveau projet de loi 107 qui n'acquerrait pas la conviction de départager différemment les responsabilités entre les commissions scolaires et le ministre de l'Éducation ne réaliserait pas les objectifs pour lesquels l'ensemble des agents éducatifs ont convenu d'avoir une nouvelle Loi sur l'instruction publique vraiment moderne et adaptée aux réalités d'aujourd'hui.

Le ministre avait laissé voir - et je le cite: Les amendements, ne vous inquiétez pas, seront

annoncés et je vais les rendre publics avant le mois de septembre. Je le cite. Le ministre de l'Éducation disait ceci: "Nous avons même, je peux vous le dire en toute vérité, rédigé les projets d'amendement qui traitent de tous ces articles dont vous avez parlé et que nous rendrons publics au cours du mois de septembre, avant même la reprise des travaux parlementaires. "

Je ne veux pas le blâmer. Il expliquera ce qui s'est passé. Sauf que je suis obligé de dire que, comme critique, je n'ai pas les amendements, les gens concernés ne les ont pas et les indications que nous avons ne laissent pas voir que les amendements seront à ce point majeurs sur les questions fondamentales qu'ils concourront à un consensus plus large des principaux agents. Ce n'est pas dans les deux minutes qu'il me reste que je vais soulever d'autres éléments. Je veux juste faire ma conclusion.

En conclusion, je pense que le projet de loi 107 procède d'intentions louables. Je n'ai aucun doute. Tous s'entendent pour moderniser et rationaliser la vieille loi. Le projet de loi comporte des amendements positifs, c'est-à-dire des éléments positifs. Je n'en parlerai pas, le ministre l'a fait. Cependant, la conclusion en ce qui me concerne et pour ce que j'en connais, le projet 107, dans sa forme actuelle, demeure un projet inacceptable pour trois raisons fondamentales. Il reste, pour ce que j'en sais, un projet de loi foncièrement centralisateur. Il n'offre pas les garanties suffisantes sur le plan de l'accessibilité aux services éducatifs, notamment pour ce qui est des adultes, il y a des reculs qui ne s'expliquent pas. Troisièmement, il comporte des lacunes majeures sur les plans des droits de l'élève, de la participation des parents et des structures scolaires.

La loi 3 avait réalisé un certain consensus. Il m'apparait que si on ne réussit pas à réintroduire dans le projet de loi 107 des éléments importants de la loi 3 sur lesquels il y avait eu consensus, lesquels éléments nous ne retrouvons plus à l'intérieur du projet de loi 107, nous ne pourrons pas être une opposition qui va donner suite à notre accord quant à l'adoption du principe du projet de loi 107 dans la forme qu'il a.

Le dernier commentaire que je fais, M. le Président, en conclusion, c'est qu'i est certain que dès que nous irons en commission parlementaire et que des intervenants du milieu auront laissé voir que, d'après leur lecture, H leur apparaît que le projet de loi 107 aura été substantiellement modifié sur les éléments majeurs pour lesquels ces gens se sont donné la peine de venir en commission, de rencontrer le ministre et de discuter, là, on verra quelle position l'Opposition adoptera. Pour l'instant, l'Opposition officielle est contre l'adoption du projet de loi 107 dans la forme qu'il a actuellement.

Le Vice-Président: Nous allons maintenant poursuivre avec l'intervention de M. le député de Sauvé et président de la commission de l'éducation. (20 h 20)

M. Marcel Parent

M. Parent (Sauvé): Merci, M. le Président. J'étais heureux, il y a quelques minutes, lorsque j'entendais le critique de l'Opposition officielle dire que le projet de loi 107 était une initiative louable, que le projet de loi 107 était là pour venir actualiser une loi qui était devenue vétuste et qu'il lui reconnaissait enfin beaucoup de qualités. Divers organismes et agents de l'éducation nous soulignent depuis plusieurs années la nécessité de rajeunir cette loi, d'en rationaliser la structure, de l'adapter aux consensus sociaux issus des 20 dernières années, notamment en ce qui a trait au rôle de l'école, des enseignants, des parents et, enfin, de lever certaines ambiguïtés qu'elle contient.

Le présent projet de loi a pour but de remplacer cette Loi sur l'instruction publique. Des consultations ont eu lieu auprès du ministère des Affaires municipales, des Finances, du ministère de la Justice, des Affaires internationales, des Transports, de façon à tenir compte de leurs remarques et de leurs préoccupations. On se souviendra que le 15 décembre 1987, le ministre de l'Éducation déposait à l'Assemblée nationale le projet de loi 106 sur les élections scolaires et le projet de loi 107 sur l'instruction publique. Ces deux projets de loi ont été déférés à la commission permanente de l'éducation pour la tenue d'audiences publiques. Il y a 118 personnes ou organismes qui ont produit des mémoires à la commission. De ce nombre, 97 ont été entendus durant les périodes des mois de mai, août et septembre. Et, à la suite de ces auditions, il apparaît opportun que le ministre propose des modifications à ces deux projets de loi pour tenir compte des remarques qui ont été formulées.

En ce qui concerne le projet de loi 107, il s'agit d'un certain nombre de modifications techniques et aussi de modifications plus substantielles - d'ailleurs, le ministre en a parlé dans son intervention - modifications qui ont été préparées et qui seront aussi préparées en commission parlementaire lorsque nous aurons la chance d'étudier ce projet de loi article par article. Par contre, elles n'altéreront pas les principes fondamentaux de la loi.

En matière de confessionnalité scolaire, l'objectif de la division des commissions scolaires sur le critère de la langue plutôt que sur celui de la religion sera maintenu. Les aménagements confessionnels se retrouveraient principalement à l'école. La commission scolaire resterait tenue de dispenser l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux protestant en plus d'offrir des services com-

plémentaires en animation pastorale pour l'élève inscrit comme catholique et des services complémentaires en animation religieuse pour l'élève inscrit comme protestant. Mais la commission scolaire n'aurait plus à dispenser ses enseignements et à offrir ses services dans chaque école. Une école pourrait intégrer dans son projet éducatif les croyances ou valeurs religieuses d'une confession particulière ou de plusieurs confessions et ceci dans le respect des libertés de conscience et de religion. Enfin une commission scolaire pourra élaborer et offrir des programmes d'étude locaux, entre autres en enseignement moral et religieux, catholique ou protestant, outre ceux établis par le ministre pour répondre à des besoins particuliers des élèves. Elle pourrait attribuer à ces programmes, avec l'autorisation du ministre, un nombre d'unités supérieur à celui établi par le régime pédagogique. Ces programmes locaux seraient soumis à l'approbation du comité catholique ou du comité protestant, selon le cas, conformément à l'article 22 de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation.

Il est à noter ici, M. le Président, que les pouvoirs d'approbation de ces comités seraient limités, dorénavant, au programme d'enseignement religieux et aux instruments accompagnant ces programmes. Sur ce point, la position du gouvernement est toujours la même. De fait, ces droits confessionnels sont profondément inscrits dans l'histoire du Canada et du Québec, même avant la loi scolaire de 1841, mais le fondement de notre système scolaire, qui est confessionnel catholique ou protestant, se retrouve dans la constitution canadienne, à l'article 93, et voit son application au Québec dans la Loi sur l'instruction publique qui permet, à l'article 39, de diviser le territoire du Québec en commissions scolaires pour catholiques ou pour protestants.

Si on examine la situation actuelle, sur les 213 commissions scolaires existant au Québec, 181 sont catholiques, 29 protestantes et 3 multiconfessionnelles. De plus, sur les 2550 écoles québécoises relevant des commissions scolaires, 2224 sont catholiques et 259 sont protestantes. C'est donc dire que les commissions scolaires, actuellement, et c'est un fait, sont confessionnelles à 100 % et les écoles, elles, à 97 %.

Bien au-delà des droits, le vécu quotidien de la confessionnal ité scolaire au Québec a évolué dans un climat de collaboration entre l'Église et l'État. En effet, comme le faisait remarquer le ministre de l'Éducation, l'école a été historiquement au Québec un lieu privilégié de rencontre entre le pouvoir politique et l'Église, tandis qu'ailleurs, la rencontre de ces éléments donnait souvent lieu à des conflits aigus. Elle a donné au contraire, ici au Québec, une longue et riche expérience de collaboration historique. Les Églises se sont toujours intéressées à l'éducation, bien avant l'État lui-même. Mais celui-ci a tenu, depuis un quart de siècle, à s'impliquer davantage dans le secteur de l'éduca- tion. Il aurait pu en découler une opposition entre deux éléments, voire une séparation radicale entre le champ d'action de chacun. Chaque fois que le débat a eu lieu, on a su, au contraire, faire l'économie de déchirements et de luttes stériles. On a plutôt choisi la voie de l'adaptation. Si bien qu'en moins d'un quart de siècle, toutes nos universités et tous nos collèges publics sont devenus laïques sans qu'il s'élève à ce sujet le moindre conflit d'envergure entre l'Etat et les Églises.

De même, dans les secteurs primaire et secondaire, le Québec s'est doté, en 1964, d'un ministère de l'Éducation qui exerce une très forte autorité sur tout le système public d'enseignement. Le changement s'est fait dans un climat d'ouverture et de collaboration qu'on ne saurait oublier.

Par ailleurs, cet événement donna lieu à un large consensus dans l'opinion publique de l'époque. Mais ce consensus ne fut acquis que moyennant la création parallèle d'un Conseil supérieur de l'éducation au sein duquel devaient se retrouver deux comités confessionnels investis de pouvoirs substantiels pour veiller au caractère catholique ou protestant des écoles publiques. La création des deux comités confessionnels fut un élément essentiel, un pas qui intervint alors entre le gouvernement et les familles religieuses. Le maintien des deux comités confessionnels et de l'essentiel de leurs pouvoirs et de leurs attributions faisait également partie de l'entente qui intervint en 1985 entre les Églises du Québec et le gouvernement de l'époque autour des dispositions de la loi 3 et du projet de loi 107 relatives aux valeurs morales et religieuses dans le système d'enseignement.

Il y a donc en ces matières une tradition fort longue de continuité à laquelle les deux partis principaux actuellement en présence à l'Assemblée nationale ont d'ailleurs participé dans une très large mesure. Et, à la suite de ce qui précède, on serait en droit de se demander pourquoi alors vouloir, jusqu'à un certain point, déconfessionnaliser notre système scolaire. À cela il nous faut répondre que le projet de loi 107 dont l'Assemblée nationale est saisie s'inscrit dans révolution normale de la confessionnalité au Québec. On sait qu'actuellement, par exemple, la problématique de l'école catholique oscille entre deux pôles. D'une part, le pluralisme idéologique et religieux est un fait en constante évolution un peu partout au Québec, mais surtout à Montréal. Il faut rechercher la cause, en partie, du côté des nouveaux arrivants qui ne sont pas tous catholiques, mais aussi du côté de la majorité franco-catholique qui ne présente plus maintenant la même unanimité. D'autre part, 93 % des élèves francophones des écoles primaires et secondaires publiques étaient inscrits comme catholiques au 30 septembre 1987. Et depuis 1980, plus de 100 nouvelles écoles, c'est-à-dire la grande majorité, ont été reconnues comme catholiques à la suite d'une consultation des

parents qui sont toujours majoritairement, sinon très majoritairement, en faveur de l'école catholique. D'ailleurs, les règlements du comité catholique qui furent approuvés par le gouvernement en décembre 1987 veulent tenir compte de cette évolution.

Deux grandes intentions se dégagent de ce projet en ce qui a trait à la confessionnalité. D'abord, cette réforme veut respecter à la fois les droits des catholiques et des protestants qui se traduisent régulièrement dans une volonté clairement signifiée de la part d'une majorité de parents, et les droits d'une population davantage pluraliste. De plus, le projet de loi veut tenir compte de la situation actuelle en matière de confessionnalité tout en permettant des évolutions futures vers une plus grande diversification des types d'écoles.

Si vous voulez, examinons de plus près les dispositions du projet de loi 107 qui témoignent de la dimension confessionnelle de notre système scolaire public québécois. Un des principaux éléments de cette loi est la création des commissions scolaires non confessionnelles. Tout d'abord, la pièce maîtresse du projet de loi 107 en matière d'évolution de la confessionnalité scolaire au Québec: les commissions scolaires linguistiques. (20 h 30)

Le projet de loi, à l'article 97, prévoit la division par décret gouvernemental de l'ensemble du territoire du Québec en commissions scolaires francophones et en commissions scolaires anglophones, sauf pour les territoires des commissions scolaires crie et Kativik et du Littoral. Cependant, cet article - et c'est ici que c'est important - n'entrera en vigueur que lorsque les tribunaux se seront prononcés sur la validité constitutionnelle de la réforme proposée. C'est, en effet, l'intention du gouvernement de soumettre la loi adoptée avec des questions particulières au jugement des tribunaux supérieurs de façon à ne pas se retrouver dans un cul-de-sac comme s'y sont retrouvés nos amis d'en face avec la loi 3.

Par ailleurs, l'ensemble des dispositions prévoient comment se fera le passage des commissions scolaires existantes aux commissions scolaires francophones et anglophones et comment on organisera les nouvelles commissions scolaires. Entre-temps, le projet de loi établit un régime provisoire qui maintient essentiellement les commissions scolaires existantes pour catholiques et pour protestants jusqu'à la date fixée par le décret du gouvernement divisant le territoire des commissions scolaires francophones et anglophones. On peut donc constater le souci de ce gouvernement de faire en sorte que le nécessaire passage des commissions scolaires d'un statut confessionnel à un statut linguistique se fasse dans l'harmonie et dans le respect des droits de chacun. Cette création de commissions scolaires non confessionnelles permettra à ces dernières de gérer tous les types d'écoles, confessionnelles ou non confessionnelles, et rendra possible l'avènement d'écoles autres, là où les parents le voudront ainsi. Cela se fera cependant dans le respect des catholiques et des protestants qui les fréquenteront puisque les droits confessionnels sont clairement définis dans ce projet de loi. De fait, comme nous le signalions antérieurement, la grande majorité des parents veulent que leurs enfants reçoivent une éducation confessionnelle et le lieu privilégié d'épanouissement de la confessionnalité n'est pas la commission scolaire, mais plutôt l'école. À cet égard, l'école peut continuer à être reconnue comme catholique ou protestante, comme nous le verrons plus loin.

Parlons maintenant de l'exercice des droits confessionnels. Pour bien s'assurer que l'exercice des droits confessionnels se fasse dans l'harmonie et le respect, le projet de loi 107 prévoit certaines modalités d'application au pian de l'école et de la commission scolaire, mais aussi au plan gouvernemental et au plan ministériel. Le gouvernement croit que c'est plutôt au niveau de l'école qu'à celui de la commission scolaire que doit se vivre la confessionnalité. Ainsi, au niveau de l'école, le projet de loi maintient la possibilité pour cette dernière d'être reconnue soit comme catholique, soit comme protestante. Cependant, il veut s'assurer qu'une demande de reconnaissance se fasse dans la vérité et qu'elle soit le fruit d'une démarche démocratique. Trois dispositions y pourvoient.

D'abord, le conseil d'orientation. Le conseil d'orientation doit donner son avis à la commission scolaire sur demande, la commission scolaire demande la reconnaissance ou le retrait de la reconnaissance du statut de l'école, et le ministre établit, après consultation des comités confessionnels, les conditions et les modalités de la consultation des parents. Par ailleurs, pour veiller à la qualité de l'enseignement confessionnel, le directeur de l'école doit s'assurer que l'enseignement religieux et l'animation pastorale ou religieuse satisfassent aux conditions de qualification établies par le comité catholique ou par le comité protestant. C'est au niveau de l'école que se joue la confessionnalité. On peut même dire que c'est école par école que la volonté des parents doit vraiment s'exprimer.

Par contre, ceci ne dégage pas les commissions scolaires de leurs responsabilités et, à leur niveau, les gestionnaires ont à soutenir, eux, toutes les écoles de leur territoire, y compris les écoles confessionnelles catholiques ou protestantes, et, à cet égard, elles doivent s'assurer que soient dispensés l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux protestant ainsi que l'enseignement moral. Elles doivent aussi s'assurer que le choix entre l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux protestant et l'enseignement moral se fasse au moyen de l'inscription et que l'enseignement moral et

religieux soit dispensé conformément aux règlements des comités confessionnels. Elles doivent aussi s'assurer du respect du temps minimal prescrit par les règles des comités confessionnels.

Concernant les services complémentaires en animation pastorale ou religieuse, elles doivent s'assurer que soient offerts des services d'animation pastorale pour l'élève inscrit comme catholique et d'animation religieuse pour celui inscrit comme protestant. L'animation pastorale et l'animation religieuse sont dispensées conformément aux règlements des comités confessionnels. La personne affectée à l'animation pastorale ou à l'animation religieuse dans les écoles doit satisfaire aux conditions de qualification déterminées par les comités confessionnels.

Par ailleurs, la commission scolaire peut organiser un enseignement religieux autre que catholique ou protestant si elle le juge à propos. Voilà un concept de liberté et de reconnaissance de pouvoirs à des commissions scolaires que l'on disait tout à l'heure qu'on leur niait dans ce projet de loi.

Concernant les programmes locaux, les manuels et le matériel didactique, la commission scolaire doit s'assurer que pour l'enseignement moral et religieux dispensé dans les écoles reconnues comme catholiques ou comme protestantes, on n'utilise que des programmes locaux, des manuels et du matériel didactique approuvés par le comité catholique ou par le comité protestant. Le passage des commissions scolaires confessionnelles aux commissions scolaires linguistiques se fera d'autant plus harmonieusement que les majorités catholiques et protestantes seront assurées d'un soutien efficace au sein des nouvelles commissions scolaires.

En effet, dans les commissions scolaires linguistiques, on devra nommer un cadre responsable du soutien à l'administration des écoles catholiques et au service de l'enseignement moral, religieux, catholique et d'animation pastorale dispensé aux élèves catholiques. Si vous avez bien remarqué, nous parlons ici d'un cadre et non pas d'un employé ni d'un délégué, mais d'une personne en autorité. La même disposition vaut pour le soutien à l'administration des écoles protestantes. Concernant la consultation préalable des parents à une demande de reconnaissance ou de retrait de reconnaissance d'une école comme confessionnelle catholique ou protestante, le ministre doit consulter les comités confessionnels avant d'établir un règlement sur cette matière. Je pense que ce n'est pas ça qu'on appelle un ministre qui s'arroge des droits et des pouvoirs.

Les pouvoirs des sous-ministres associés de foi catholique ou protestante s'exercent par le biais de leur droit de visite des écoles et leur droit de faire des vérifications ou des enquêtes pour vérifier si les dispositions de la loi ou des règlements sont observées.

L'exercice des droits confessionnels est donc bien encadré dans le projet de loi 107, tant au plan de l'école que de la commission scolaire qu'aux niveaux gouvernemental et ministériel. C'est du solide.

Reste la concordance avec les chartes. De plus, le projet de loi prévoit la concordance avec les chartes provinciales et fédérale par le maintien des clauses "nonobstant" et c'est ainsi que, d'une part, les dispositions de la loi qui accordent des droits et des privilèges à une confession religieuse s'appliquent malgré les articles 3 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. D'autre part, les dispositions de la loi qui accordent des droits et des privilèges à une confession religieuse ont effet indépendamment des dispositions du paragraphe a de l'article 2 et de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Enfin, deux remarques complètent cette présentation de la dimension confessionnelle du projet de loi 107. Le projet de loi rend possible la représentation des parents anglo-catholiques et franco-protestants au conseil des commissaires. Les pouvoirs d'approbation des comités confessionnels sont dorénavant limités aux programmes d'enseignement religieux et aux instruments accompagnant ces programmes.

En conclusion, on peut donc retrouver tout au long de ce projet de loi un souci véritable du gouvernement et du ministre de l'Éducation de respecter la volonté des principaux intéressés à l'éducation, notamment les parents, mais, surtout, ce projet de loi veut mettre en place une réforme qui favorise la qualité de l'éducation, la participation directe des citoyens et le respect de tous dans notre société davantage pluraliste. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais M. Blais: Merci, M. le Président.

M. French: Question de règlement, M. le Président. Voulez-vous demander au député de Terrebonne...

Le Vice-Président: Un instant! Un instant! M. French: Excusez-moi.

Le Vice-Président: M. le ministre des Communications, sur une question de règlement.

M. French: Pardonnez-moi, M. le Président. Je voudrais demander au député de Terrebonne si c'est la première fois qu'il prend la parole depuis sa maladie. Non?

Le Vice-Président: Ce n'est évidemment pas une question de règlement.

Je cède la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci, M. le Président. En réponse, je vous dirais que oui et je vous remercie de me souhaiter une bonne santé. (20 h 40)

M. French: Oui, c'est ça l'idée, M. le Président.

Une voix: C'est l'intention qui compte.

M. Blais: M. le Président, nous étudions le projet de loi 107. Je ne parlerai pas, dans cette loi qui est très très dure pour les commissions scolaires, pour les professeurs et pour les parents, de ce côté dur devant ce gouvernement subalterne que sont les commissions scolaires. Je vais parler de la mollesse de ce projet devant le gouvernement supérieur, le gouvernement fédéral. Je me contenterai de ça.

Je dirai au tout début que cette loi est dans le sillon des lois adoptées par ce gouvernement, qui sont toujours des lois en courbatures devant l'Être suprême qui, pour eux, est Ottawa. C'est assez vexant parce que nous sommes au Parlement de Québec et, au Parlement de Québec, de quelque côté de la Chambre que nous soyons, nous sommes censés défendre les intérêts du peuple québécois. Mais cette loi, par son essence, parce qu'elle est subordonnée à l'article 93 de la constitution et qu'on ne veut pas demander l'abrogation de l'article 93 dans les discussions avec le fédéral, c'est une volonté ferme et on le sent de l'autre côté, c'est encore une loi qui est le reflet de la philosophie de mollesse de ce gouvernement devant Ottawa. Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Je disais au ministre de l'Éducation, il y a quelques minutes: L'article 93 de la constitution que le peuple du Québec n'a pas votée - cette constitution de 1867 nous a été imposée, comme celle de 1982 - s'il était adopté aujourd'hui, on devrait mettre un nonobstant à la Charte des droits parce qu'il est contre les droits et les privilèges des gens par son essence. Il est contre. Il faudrait qu'on pense, de l'autre côté, que cet article 93 est un privilège pour certaines minorités qu'on se doit de faire enlever de la constitution parce que le Parlement de Québec est assez adulte pour diriger de façon totale le ministère de l'Éducation. Et quel que soit le ministre de l'Éducation qu'ait ce Parlement, le ministre de l'Éducation ici au Québec est capable de prendre ses responsabilités dans la totalité de toutes les valeurs éducatives pour les enfants du Québec.

C'est malheureux. Et on dit de l'autre côté: On ne fera pas l'erreur qu'a faite le Parti québécois avec son projet de loi 3. Bien sûr qu'on dit ça. Dans sa loi 3, le Parti québécois avait au moins le courage d'affronter l'article 93. Là, par mollesse, on va aller devant les tribunaux, et, si les tribunaux disent que la façon de faire est constitutionnelle, nous allons nous réveiller à Montréal avec une, deux, trois, quatre commissions scolaires et une, deux, trois, quatre, cinq, six écoles franco-catholiques, anglo-catho- liques, franco-protestantes, anglo-protestantes, écoles françaises neutres et écoles anglaises neutres, à Montréal et à Québec. Incroyable! Quel imbroglio! Quel enchevêtrement! Comment allons-nous faire? Le conseil de l'île, les commissions scolaires régionales. Mais, mon Dieu, je comprends pourquoi, dans cette loi, le ministre se donne autant de pouvoir, ce n'est pas dirigeable. Si jamais ce projet de loi avait le malheur d'être adopté, ce ne serait pas dirigeable. C'est impossible. C'est une sorte de grosse foutaise législative pour pouvoir se gonfler la poitrine et dire: Mon nom est sur une grande loi. C'est ça, en fait, le projet de loi 107. On n'avait qu'à modifier la loi 3 ou, mieux encore, discuter avec Ottawa pour que l'article 93, qui est un article de 1867, tombe, parce qu'l ne répond plus aux besoins actuels des Québécois, et la, faire une loi avec vigueur, une loi ferme, une vraie loi québécoise.

Je ne suis pas le seul à penser ainsi, M. le Président. La Centrale de l'enseignement du Québec disait à la commission parlementaire: Le maintien des commissions scolaires confessionnelles et du droit à la dissidence pour les catholiques et pour les protestants nous a été imposé par la constitution canadienne, l'article 93 de 1867 et l'article 29 de 1982. Ces deux choses-là, le Québec ne les a pas votées, ni la 1867 ni la 1982. Cela nous a été imposé. De l'autre côté, j'aimerais qu'on y pense. Cette loi découle de deux lois qui ont été imposées à ce Parlement-ci pour brimer sa suprématie, ce qui constitue une entrave inacceptable à l'exercice de la compétence de l'Assemblée nationale du Québec -c'est la Centrale des enseignants du Québec qui parle, ce n'est pas moi - en matière d'éducation.

C'est ce qui constitue une entrave inacceptable à l'exercice de la compétence de l'Assemblée nationale du Québec en matière d'éducation. Il faut rappeler qu'à l'instar de nombreux organismes, la CEQ a demandé au gouvernement québécois d'inclure la suppression des entraves de l'article 93 parmi les revendications du Québec lors des dernières conférences fédérales-provinciales sur la commission, ce qui n'a pas été fait. C'est pourquoi je dis que cette loi découle d'une mollesse qui s'est exactement bien semée dans les sillons de la tradition du parti au pouvoir actuellement. "Force est de constater, poursuit la Centrale de l'enseignement du Québec, que le projet de loi 107 s'inscrit dans le carcan de l'article 93 de la constitution de 1867 et que ni le gouvernement, ni son ministre ni le ministre de l'Éducation ne manifeste la volonté d'en sortir, il nous faut déplorer cette situation. * La Centrale de l'enseignement du Québec. Beaucoup de professeurs, 84 000.

M. le Président, l'Alliance des professeurs de Montréal - une autre noble institution - sur la confessionnalité également, sur l'article 93: "Aussi, sommes-nous extrêmement déçus par le

projet de loi 107." Écoutez, la CEQ et l'Alliance des professeurs. Cela fait beaucoup de gens mêlés à l'éducation qui sont contre le projet de loi 107 au départ. Cela fait beaucoup. "Nous sommes extrêmement déçus du projet de loi 107." C'est une déception. Ils ne sont pas trop en faveur. Quand on est déçus d'un projet de loi. Quand je suis déçu de mon salaire, je ne suis pas trop d'accord avec mon salaire. Déception. L'Alliance des professeurs et, un peu avant, j'ai cité la CEQ, la Centrale de l'enseignement du Québec, M. le ministre, qui implante des structures linguistiques dans le Québec, sauf là où de telles structures sont nécessaires, là où depuis une vingtaine d'années une restructuration est réclamée, attendue et préconisée par tous les organismes gouvernementaux, toutes les commissions d'enquête et tous les comités d'étude qui ont travaillé sur cette question.

Autrement dit, on va installer en dehors de Québec et Montréal des commissions scolaires linguistiques et, pour Québec et Montréal, on n'aura pas de commission scolaire linguistique. Eh! Plus de la moitié de la population du Québec vit dans ces deux entités. Alors, pourquoi cette loi? C'est pour ça la déception. C'est aux endroits où on a le plus besoin de commissions scolaires linguistiques qu'on n'en aura pas.

Nous savons que les opposants à une telle restructuration ont une arme puissante à leur disposition. Le gouvernement a une arme à sa disposition: l'article 93 de I'AANB, British North America Act. Cela signifie-t-il que le gouvernement du Québec se résigne à laisser les structures scolaires montréalaises durer et perdurer ad vitam aeternam? Cela signifie-t-il que le gouvernement du Québec abdique ses responsabilités dans le domaine de l'éducation lorsqu'il s'agit de toucher à des privilèges d'un autre siècle? C'est important, n'est-ce pas? C'est le corps professoral qui parie. Cela signifie-t-il que le gouvernement du Québec, le gouvernement actuel, le vôtre, M. le ministre, abdique ses responsabilités dans le domaine de l'éducation lorsqu'il s'agit de toucher à des privilèges d'un autre siècle, parce que c'est la constitution de 1867 qui oblige actuellement le gouvernement d'agir ainsi. Nous sommes en profond désaccord avec un découpage linguistique qui ignore Montréal. (20 h 50)

Je voyais le ministre de l'Éducation tantôt, quand je disais que l'Alliance des professeurs est en désaccord avec le projet de loi 107. Voici la phrase: "Nous sommes en profond désaccord avec un découpage linguistique qui ignore Montréal. L'Alliance des professeurs de Montréal." Nous ne croyons pas juste d'établir des commissions scolaires anglaises en Gaspésie ou au Lac-Saint-Jean, alors qu'on refuse des commissions scolaires françaises aux francophones de Montréal. On veut avoir des commissions scolaires linguistiques en Gaspésie où il y a peu d'anglophones, ou au Lac-Saint-Jean et on refuserait des commissions scolaires linguistiques aux francophones de

Montréal. C'est le projet de loi 107.

Nous demandons au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour mettre fin à cette anomalie, soit de traiter les citoyens de Montréal du XXe siècle en sujets du XIXe siècle de Sa Majesté britannique. L'Alliance des professeurs et la CEQ s'opposent à cette division linguistique et c'est le corps professoral du Québec. C'est important en éducation, le corps professoral. Il y en a d'autres. Bien sûr qu'en conclusion je dois dire que nous nous opposons à cela. C'est bien sûr. Il y a Le Soleil du 16 décembre 1987: Coquille de réforme scolaire. Coquille. M. Raymond Giroux: "La constitution de 1867 protège clairement les droits des catholiques et des protestants de Montréal et de Québec. Les querelles sur le territoire précis couvert par ce drap moyenâgeux relèvent de la plus haute casuastique, comme l'a appris à ses dépens le gouvernement antérieur - c'est-à-dire le nôtre avec fa loi 3 - par son échec judiciaire avec la loi 3, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public."

On s'est fait renvoyer au Parlement avec la loi 3 parce qu'on ne respectait pas l'article 93 de la constitution. Nous sommes sensés être un Parlement avec pleine autonomie sur l'éducation. C'est une loi de 1867 qui nous en empêche. C'est très humiliant pour des législateurs. Le blocage d'arrière-garde de certains milieux anglo-protestants de Montréal et des intérêts en place dans les commissions scolaires mis en péril par les projets gouvernementaux s'appuient toutefois sur la réalité constitutionnelle. Le changement nécessaire, selon l'expression même du ministre, doit franchir des obstacles insurmontables à court terme et peut-être insurmontables à long terme, sauf si nous prenons le pouvoir et que nous avons la souveraineté du Québec. C'est ce qui est mon désir le plus cher, que nous ayons les pleins pouvoirs et que nous ne soyons pas subordonnés à un autre gouvernement qui nous dicte la façon de légiférer pour les nôtres.

Qu'il ait décidé de soumettre son projet aux tribunaux, avant d'en décréter l'application, évitera bien des débats futiles à M. le ministre de l'Éducation. J'en conviens, M. le ministre. Mais déjà, le Québec s'assure d'un délai de deux ou trois ans au minimum après l'adoption de la loi prévue pour la fin de 1988. "Un simple coup d'oeil au calendrier politique nous renvoie au second mandat libéral, si second mandat il y a. C'est M. Raymond Giroux du Soleil qui parle. Dans les faits, tout cela signifie que la réforme présentée hier - elle a été présentée le 15 décembre 1987, en Chambre - aura le statut d'une coquille vide." Si j'étais membre d'un Parlement et que je présentais un projet de loi de cette envergure - près de 600 articles, 569 articles - et que les analystes qui nous surveillent et qui regardent ce que nous faisons disaient de ce projet que j'aurais présenté: Dans les faits, tout cela signifie que la réforme

présentée aura le statut d'une coquille vide il me semble que c'est un peu humiliant pour un gouvernement. C'est le moins qu'on puisse dire.

Les francophones et les atlophones non catholiques de Montréal, attirés par un secteur protestant plus ouvert - c'est vrai - et plus tolérant, coutinueront de vivre sous la coupe d'une culture anglophone et assimilatrice pendant qu'on ouvrira des commissions scolaires linguistiques anglophones chez vous au Lac-Saint-Jean, et qu'on ouvrira des commissions linguistiques anglophones en Gaspésie. On refusera l'ouverture de commissions scolaires francophones à Montréal. Il me semble que j'y penserais deux fois, plutôt trois que deux. Je ne trouve pas cela hilarant, je trouve cela humiliant.

Le ministre de l'Éducation prévoit des sièges réservés pour des commissions... D'accord. Voici, M. le Président, ce que notre critique dit de ce projet de loi: "La création des commissions scolaires linguistiques sur tout le territoire du Québec prévue par le projet de loi 107 ne constitue qu'un écran de fumée, de la poudre aux yeux. Le maintien prétendument provisoire du régime confessionnel actuel risque fort, au contraire, de s'éterniser." La CEQ disait "ad vitam aetemam", c'est à peu près synonyme de s'éterniser; on a fait notre cours classique tous les deux, nous savons que c'est à peu près synonyme de s'éterniser.

Le retard de plus de trois ans occasionné par les tergiversations du ministre dans le traitement de cette question pourtant cruciale, le ministre aurait dû procéder par renvoi à la Cour d'appel dès son arrivée au pouvoir. Si on veut vraiment faire une réforme de la Loi sur l'instruction publique, sachant pertinemment, avec l'exemple qu'on vous avait donné avant, l'exemple malheureux que nous sommes un gouvernement subalterne, que l'article 93 de la constitution refusait la formation de commissions scolaires linguistiques, avec ta leçon qu'on avait reçue, vous arrivez au pouvoir, cela aurait été beaucoup plus facile de le demander immédiatement plutôt qu'attendre et là de dire: Toute une série d'articles dans ce projet de loi ne seront pas opérationnels tant que nous n'aurons pas le jugement de la cour. Si la cour dit oui, on est dans l'imbroglio des quatre ou six commissions scolaires à Montréal. Cela n'a aucun sens, l'enchevêtrement. Comment peigner un chauve? Incroyable! Ce projet de loi nous dit comment faire, messieurs, dames, pour réussir à peigner un chauve. Intolérable! Combien d'heures a-t-on passé en commission parlementaire sur ce projet de loi?

En conclusion, parce qu'on m'a fait signe qu'il reste deux minutes et demie, je regrette, mais amèrement, que ce projet de loi soit encore une fois le reflet d'une mollesse de ce gouvernement de défendre les intérêts vitaux des Québécois. On est toujours en courbature devant le gouvernement d'Ottawa qui a une loi de 1867 qui n'est pas adaptée du tout aux réalités d'aujourd'hui, mais on se contente d'observer ces lois sans demander de les changer. Ceci semble aussi être votre politique "ad vitam aetemam". Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Rimouski.

M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, vous me permettrez d'intervenir pour ajouter aux propos des députés ministériels sur le projet de loi 107. J'écoutais, avant le souper, le critique officiel de l'Opposition, le député d'Abitibi-Ouest, nous dire comment le projet de loi était bon, comment les dispositions de ce projet de loi allaient apporter des correctifs majeurs à la Loi sur l'instruction publique qui nous régit présentement.

Vous me permettrez d'intervenir dans le présent débat pour signifier à la population que je représente, en l'occurrence celle du comté de Rimouski, et à toute la population du Québec mon approbation du projet de loi 107 à la suite des amendements que le ministre de l'Éducation se propose d'apporter avant son adoption en dernière lecture. (21 heures)

Nous avons devant nous un projet de loi majeur qui remplacera notre bonne et vieille Loi sur l'instruction publique qui nous a rendu bien des services depuis son adoption mais qui mérite aujourd'hui un rajeunissement qui tient compte de notre vécu et de la problématique de nos temps modernes, tout particulièrement en ce qui concerne notre appartenance religieuse, soit catholique, soit protestante. Nous n'avons pas à réécrire l'histoire pour savoir et reconnaître que notre régime scolaire au Québec, depuis la -confédération, reposait sur la reconnaissance dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, à l'article 93, des confessionnal it es protestantes et catholiques surtout pour les commissions scolaires de Québec et de Montréal, et son extension en province pour des commissions scolaires confessionnelles.

Avec le projet de loi 107, nous voulons enfin reconnaître la réalité des présentes années et celle des décennies à venir en reconnaissant dans un projet de loi l'aspect bilingue d'une commission scolaire plutôt que l'aspect confessionnel tel que présentement. Mais voilà, compte tenu de l'échec lamentable du précédent gouvernement avec la loi 3, nous ne voulons pas que notre projet subisse le même sort, et c'est pourquoi certains articles de la présente loi seront référés à la Cour d'appel pour que cette dernière statue sur leur validité et pour ainsi ne pas mettre en péril tout le projet de loi dont 90 % des articles pourront s'appliquer dans la réalité après sa sanction. Une période transitoire est d'ailleurs prévue pour que le passage d'un régime à l'autre se fasse dans les meilleures

conditions possible. Voilà donc, M. le Président, pour les grandes lignes du projet de loi.

J'aimerais maintenant traiter d'une façon plus détaillée certains articles de la loi afin d'en préciser les parties et surtout essayer d'éclairer ceux et celles qui nous écoutent sur ce projet de loi 107.

Je vais tout d'abord vous parler du statut de l'élève. Vous comprendrez que tout le projet de loi repose sur l'élève. Une école a sa raison d'être en fonction des élèves qui s'y trouvent. Alors, nous avons des articles de loi qui précisent quel est le rôle et quelles sont les attributions que l'élève doit avoir. Tout d'abord, quant à l'âge scolaire, nous précisons enfin dans l'article 1 de la loi que toute personne âgée de cinq ans et plus a droit aux services éducatifs jusqu'à la fin de l'année scolaire au cours de laquelle elle atteint l'âge de 18 ans ou 21 dans le cas d'une personne handicapée. Voilà enfin une précision qui donne l'accès à l'école à l'élève qui a cinq ans et plus.

À l'article 2, toute personne qui n'est plus assujettie à l'obligation de la fréquentation scolaire a droit aux services éducatifs pour les adultes prévus par le régime pédagogique applicable dans le cadre des programmes offerts à cette catégorie de personnes par la commission scolaire.

L'article 4 précise que la gratuité des services éducatifs est garantie à toute personne qui réside au Québec. Dans le cas des élèves adultes, ce droit s'exerce aux conditions prévues par le régime pédagogique.

À ('article 6, l'élève autre que celui inscrit aux services éducatifs pour les adultes a le droit de choisir entre l'enseignement moral et religieux, catholique ou protestant, et l'enseignement moral. La possibilité d'un enseignement religieux et moral autre que catholique ou protestant est également prévue.

À l'article 8, la gratuité des manuels scolaires et du matériel didactique est reconnue, sauf pour les personnes inscrites aux services d'éducation pour les adultes.

À l'article 11, l'obligation de la fréquentation scolaire est portée de 15 à 16 ans. Voilà un élément de plus. L'âge limite qui était de 15 ans dans l'ancienne loi est porté à seize ans de façon à donner la chance à tous les élèves au Québec de recevoir le meilleur enseignement possible.

À l'article 13, il est interdit - je pense que c'est important - à tout employeur d'embaucher un élève durant les heures de classe tant qu'il est assujetti à l'obligation de fréquentation scolaire. Pour ce qui est des élèves de deuxième cycle secondaire, ils choisissent eux-mêmes entre l'enseignement confessionnel, soit catholique, soit protestant, et l'enseignement moral

Un projet de loi qui veut statuer sur les enseignements doit absolument avoir une partie de sa réglementation ou de ses articles qui traite de l'enseignant, de ses devoirs et de ses obligations. Je pense que nous aurions mal fait de ne pas l'inclure dans le projet de loi. Voici ce que l'on dit au sujet du rôle et des obligations de l'enseignant.

Le droit de diriger la conduite des groupes d'élèves qui lui sont confiés; à mon sens c'est un droit fondamental. Le deuxième droit, c'est le droit de prendre des modalités d'intervention pédagogique répondant aux besoins et objectifs des groupes qui lui sont confiés. À l'article 16, c'est le droit de choisir les instruments requis pour l'évaluation de ses élèves et, à l'article 17, le droit de refuser, pour motif de liberté de conscience, de dispenser l'enseignement moral et religieux d'une confession donnée.

Il est également du devoir de l'enseignant, à l'article 19, "de contribuer à la formation intellectuelle et au développement intégral de la personnalité de chaque élève qui lui est confié". Je pense que c'est un article qui doit être très écouté par la classe enseignante, de façon à préciser les devoirs et obligations des enseignants. L'enseignant a également, à l'article 19, l'obligation de collaborer à développer chez chaque élève qui lui est confié le goût d'apprendre. Également, à l'article 19, on précise que l'enseignant doit prendre les moyens appropriés pour développer chez les élèves le respect des droits de la personne. Enfin, dans le même article, l'enseignant a l'obligation d'agir de manière juste et impartiale avec chacun de ses élèves, et de cultiver chez l'élève la qualité de la langue parlée et écrite.

Ce sont, en gros, les responsabilités et les devoirs des enseignants^

Si le projet de loi tient compte de l'élève et tient compte des enseignants, il ne faut pas oublier non plus une classe très importante, à savoir les parents. Est-ce que les parents ont le droit d'être à l'école? Est-ce que les parents doivent s'impliquer? Nous avons prévu dans la loi des dispositions, soit des conseils d'orientation, des comités d'école qui sont des comités obligatoires, dans lesquels les parents pourront s'impliquer pour disposer et donner leurs points de vue sur le régime pédagogique et, en même temps, assurer leur apport à l'enseignement et au vécu de l'école.

Dans les dispositions de la loi, à l'article 5, il est précisé que les parents ont le droit de choisir l'école qui répond le mieux à leur préférence. À l'article 6, les parents ont le droit de choisir, pour leurs enfants du primaire et des deux premières années du secondaire, entre l'enseignement moral, d'une part, et religieux ou confessionnel, catholique ou protestant, dépen-damment de leurs goûts. À l'article 57, les parents détiennent au moins la moitié des postes au conseil d'orientation de l'école qui se voit attribuer des pouvoirs décisionnels et de vastes pouvoirs de consultation.

Voilà pour la responsabilité des parents, et j'en passe. D'autres articles de la loi précisent davantage le rôle et les devoirs des parents.

Revenons à l'école. À l'article 36, il est dit que l'école se voit reconnaître comme une entité propre au sein de la commission scolaire et a pour mission d'assurer la protection de l'élève, entre autres celui inscrit aux services éducatifs pour les adultes. Elle demeure toutefois rattachée à la commission scolaire de qui elle tient son acte constitutif, son personnel et ses ressources financières et matérielles.

À l'article 37, l'école fonctionne sous l'autorité d'un directeur d'école nommé par la commission scolaire et relevant lui-même de l'autorité du directeur général de la commission scolaire. (21 h 10)

Le directeur d'école. Vous savez que, dans une école, l'âme de l'école est le directeur. C'est lui qui doit poser des gestes de direction. C'est lui qui doit accorder la volonté des parents, la volonté de la commission scolaire et celle du ministère de dispenser un enseignement de première qualité. Le rôle du directeur de l'école est précisé dans le projet de loi et lui donne tout le mérite attendu.

Si nous revenions maintenant au conseil d'orientation. Le conseil d'orientation est un nouveau conseil institué par le projet de loi auquel doivent participer les parents, le personnel non enseignant, le personnel de bureau, le personnel d'entretien, enfin tous les personnels concernés par le fonctionnement de l'école. À l'article 54, il est dit que le conseil doit être institué par la commission scolaire dans chaque école. Dans chaque école il y aura donc un comité d'orientation. Il est formé, pour au moins la moitié de ses membres, de parents nommés par le comité d'école et est présidé par un représentant des parents. La fonction du comité d'orientation détermine les orientations propres à l'école. À l'article 79, le rôle du comité d'orientation est précisé relativement à l'adoption des règles de conduite et des mesures de sécurité pour les élèves.

Comités d'école. Les comités d'école fonctionnent présentement. Nous avons entendu différents intervenants en commission parlementaire nous dire l'importance de les maintenir obligatoires. Dans le projet de loi qui est devant nous, le comité d'école n'est pas obligatoire. J'espère que dans ses considérations d'amendements le ministre pourra reconsidérer cette demande de la majorité des intervenants en commission parlementaire et rendre obligatoire le comité d'école. Ainsi, l'école devra avoir, d'une part, un comité d'orientation et, d'autre part, un comité d'école qui seront obligatoires en vertu de la loi. Voilà deux comités qui donnent la chance aux parents de s'impliquer et d'apporter un vécu spécial à l'école.

Dans le projet de loi, on précise aussi les centres d'éducation des adultes. Dans la province de Québec, nous ne pouvons pas penser que l'éducation des adultes doive se faire dans toutes les écoles. Il doit y avoir des centres d'éducation des adultes et nous voulons les préciser à l'intérieur de ce projet de loi. La loi donnera au ministre les moyens nécessaires pour identifier et préciser les centres d'éducation des adultes. Présentement, dans la province de Québec, il y en a à peu près 92 qui auront à jouer ce rôle-la et nul doute qu'ils seront confirmés dans leurs droits et privilèges d'être désignés comme centres d'éducation des adultes.

La commission scolaire. Plusieurs nous prétendent - surtout le parti d'Opposition - que le rôle et les devoirs de la commission scolaire sont réduits. Je dois vous dire qu'à la lumière des dispositions du projet de loi le rôle de la commission scolaire bien au contraire, est davantage précisé et elle a encore beaucoup de pouvoirs compte tenu qu'à mon sens elle a un pouvoir exceptionnel, celui de la taxation. Lorsqu'une institution comme une commission scolaire a un pouvoir de taxation, c'est qu'elle a virtuellement un pouvoir de dépenser. Lorsque nous touchons à ce pouvoir de taxation, c'est malheureusement à un pouvoir limité, j'en conviens. Présentement, nous ne pouvons pas changer les dispositions à savoir que le champ de taxation est limité à 6 %, nous ne pouvons pas l'élargir pour le moment, ce qui ne veut pas dire que la porte est fermée pour toujours. Personnellement, je serais pour l'élargissement du pouvoir de taxation des commissions scolaires, ce qui leur donnerait, à mon sens, beaucoup plus de facilité pour fonctionner et pour assurer de bons services à la population. Comme c'est un problème majeur et qu'il faut tenir compte aussi du champ de taxation des municipalités, je ne crois pas que le temps soit opportun pour apporter une modification au pouvoir de taxation des commissions scolaires dans le présent projet de loi.

Cependant, la commission scolaire a le droit ou le pouvoir de gérer tous les actifs de la commission scolaire, y compris l'engagement du personnel tant professoral que de bureau et, quand on a ce pouvoir-là, à mon sens, c'est un pouvoir énorme. Elle a aussi le droit de gérer ses immeubles et nous n'avons pas l'intention de nous immiscer dans ces pouvoirs dévolus aux commissions scolaires.

Un article de la loi qui devrait, à mon sens, être précisé, c'est concernant la délégation de pouvoirs des commissions scolaires. Les commissaires peuvent former un comité exécutif et il est indiqué dans la loi que les décisions du comité exécutif doivent être entérinées par le conseil scolaire. Je dois vous dire qu'après en avoir discuté avec le ministre il n'est pas exclu que le ministre modifie la loi de façon qu'il ne soit pas obligatoire que les décisions du comité exécutif soient entérinées par le conseil scolaire. Je pense que c'est une précision qu'il faut apporter parce que cela deviendrait difficile et inopérationnel au point de vue des pouvoirs de l'exécutif qui sont des pouvoirs délégués des commissions scolaires.

M. le Président, en terminant, vous me permettrez de parier des pouvoirs du ministre. Plusieurs membres de l'Opposition et différents intervenants ont prétendu que les pouvoirs du ministre étalent élargis. Personnellement, je suis de ceux qui prétendent que le ministre doit se garder certains pouvoirs. Je ne pense pas que le projet de loi actuel lui en donne de façon outrancière. Cependant, vous comprendrez que le ministre ne doit pas être un étampeur, c'est-à-dire de mettre des étampes et de tout simplement avoir un rôle très secondaire à jouer. Au contraire, il a, à mon sens, le rôle d'intervenir dans des cas litigieux. Le meilleur exemple qui me vient à l'esprit, c'est celui de disposer des enseignements professionnels dans la province de Québec. Comme vous le savez, les enseignements professionnels dans la province de Québec ne peuvent se donner partout dans toutes les commissions scolaires et dans toutes les écoles. Il nous faut avoir une carte des options professionnelles qui corresponde à la réalité et a une volonté ferme et arrêtée du gouvernement et du ministre de donner un enseignement professionnel de qualité. Pour ce faire, nous devons à ce moment-là avoir une carte des enseignements professionnels, développer dans des régions des pôles d'excellence et avoir les équipements requis, en quantité et en qualité, pour dispenser ces enseignements professionnels et avoir le corps professoral capable de dispenser lesdits enseignements.

Comment voulez-vous qu'une carte des enseignements professionnels soit arrêtée si, en bout de ligne, le ministre n'a pas la disposition requise ou les pouvoirs requis pour statuer, déterminer et, en même temps, arrêter cette carte des enseignements professionnels? Je pense que cet exemple témoigne du plaisir, de l'intérêt et du devoir que nous avons comme législateurs de donner des pouvoirs au ministre de façon qu'il puisse intervenir et imposer son veto au moment opportun pour arrêter une carte des enseignements professionnels. Si vous laissez ça aux commissions scolaires, à mon sens, jamais les commissions scolaires ne s'entendront, sur une répartition quand on sait un peu le tiraillement que ça occasionne.

M. le Président, compte tenu du temps qui s'achève, je vous dirai qu'il me fera plaisir de souscrire au projet de loi présentement devant nous que j'appuierai en temps et lieu. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître M. le député de Bertrand.

(21 h 20)

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): II me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi 107 que le ministre de l'Éducation a présenté. N'ayant pas assisté à la commission parlementaire, j'ai toutefois eu l'occasion de suivre, non seulement dans les médias, mais dans les différents mémoires, l'évolution de ce dossier au cours de la dernière année.

On se souviendra, M. le Président, que le projet de loi 107 remplace ou veut remplacer l'actuelle Loi sur l'instruction publique afin, selon ce qu'on nous dit dans les notes explicatives, de lui donner une structure nouvelle, une structure plus cohérente, et afin de moderniser et rationaliser l'actuelle loi. L'objectif poursuivi est, certes, très noble, M. le Président. Mais vous conviendrez que, si on regarde un peu plus en profondeur ce qu'on retrouve dans le projet de loi 107 tel qu'il nous est présenté présentement, on s'aperçoit qu'entre l'objectif visé, la philosophie du ministre derrière cette loi de vouloir la rationaliser, la moderniser et la rendre plus cohérente, il y a une marge entre cette volonté et cette réalité.

Le projet de loi 107 comporte quelque 579 articles. Je pense que, lorsqu'on suit un peu les débats qui se sont passés, particulièrement ceux du mois d'août 1988, on s'aperçoit que la plupart des intervenants, je dis bien la plupart des intervenants, et j'aurai la chance d'en citer quelques-uns tantôt, ne sont pas du tout d'accord avec le ministre de l'Éducation.

On pouvait aussi lire dans les médias qu'à la suite de cette consultation quelque 250 à 300 amendements, nous dit-on, seront apportés. On n'entre pas dans les détails pour l'instant, mais si on s'arrête juste un instant et que ceux qui nous écoutent veulent essayer de comprendre ce qui se passe dans le domaine de la réforme de l'instruction publique, présenter un projet de loi de 579 articles, penser de l'amender avant l'étude en commission parlementaire article par article - déjà on nous parle de quelque chose entre 250 et 300 modifications - je vous dis que le calcul n'est pas dur à faire, je pense que le ministre serait plus avancé d'aller réécrire ou faire réécrire la loi.

Il y a des choses plus fondamentales qui, personnellement, me fatiguent. Je vais les exprimer tout haut comme j'ai toujours eu l'habitude de le faire. C'est que le projet de loi se veut une intervention beaucoup plus grande de la part du ministre, des pouvoirs beaucoup plus grands, c'est-à-dire que ça se veut dans le sens d'un État interventionniste. Et j'ai de la misère à situer ça dans le contexte d'un gouvernement qui, depuis 1985, s'est dit d'abord décentralisateur, le moins interventionniste possible. Je me souviens, dans un domaine où j'ai eu à travailler passablement, celui de l'entreprise, celui où on veut avoir la présence de l'État le moins possible, le discours tenu par les gens d'en face, par le gouvernement, par l'ensemble des ministres a été ces trois dernières années: On se retire tranquillement et on laisse la place aux intervenants du milieu, on laisse les forces du marché jouer, on laisse les structures en place, et on se retire. Quand je regarde dans le cadre global du

projet de loi 107, je suis obligé d'arriver à la conclusion que ce que le ministre veut faire, ce que le ministre se donne comme pouvoir dans le projet de loi 107, à moins que. dans les quelque 200 ou 300 modifications qu'H compte apporter il ne veuille y faire des modifications profondes... Mais je ne crois pas que ce soit le but des modifications apportées. Ce sont, certes, des modifications mineures parce que le ministre ne nous en a donné que de brèves indications cet après-midi.

D'ailleurs, j'ai bien écouté. J'ai suivi sa présentation cet après-midi. J'ai reconnu en lui le grand éditorialiste qui a su livrer un texte, un papier très bien, mais en prenant soin, parce qu'il a aussi protégé son aspect d'homme politique très prudent qu'il est, M. le Président, de ne pas entrer dans les moindres détails et donner la moindre piste pour savoir où on s'en va. Comment voulez-vous, même en première lecture, qu'on fasse un travail sérieux, qu'on essaie, dans notre rôle d'Opposition, d'apporter du positivisme et de faire en sorte d'essayer d'aider à bonifier le projet de loi 107 avec le ministre de l'Éducation si on n'a pas suffisamment ces éléments? Pourquoi n'a-t-on pas déposé à ce jour les amendements pour qu'on puisse arriver davantage préparés? Je le suggère fortement parce que je pense que ce n'est pas en commission parlementaire, à chaque minute, à chaque demi-heure et à chaque heure, qu'on déposera des liasses de documents, car, là, on retardera les travaux.

L'autre aspect qui me fatigue beaucoup, M. le Président, c'est de voir que l'expérience du ministre de l'Éducation ne sert pas plus que ce qu'elle devrait servir, et je m'explique dans ce sens. On se souviendra de ce qui est arrivé avec la loi 3, avec la dimension de l'article 93. Le ministre de l'Éducation n'était pas absent de ce débat; il était de ce côté-ci. Moi, je n'y étais pas. Par contre, on m'a dit qu'il avait participé avec beaucoup d'acharnement à cette loi 3. Aujourd'hui, il traverse de l'autre côté de la Chambre et il propose une réforme. Il nous annonce aussi, par le fait même, qu'il va aller devant les tribunaux pour faire trancher cette question.

Pourquoi ne l'a-t-il pas fait depuis trois ans, depuis deux ans? Pourquoi a-t-il attendu pour agir pendant toute cette période? Je pense que c'est fondamental. Si le ministre de l'Éducation, qui connaissait très bien le dossier, qui voulait faire avancer le débat, qui voulait dans son premier mandat être capable de présenter une réforme et de la faire adopter, parce que n'oublions pas qu'on arrive, dans un mois ou deux, à décembre 1988... Il y aura déjà trois ans de passés et on sera encore à discuter article par article le projet de loi. Peut-être, comme c'est arrivé à d'autres collègues, il devra retourner faire ses travaux parce que le projet de loi n'est pas acceptable.

Je pense que plusieurs députés ministériels... Même si le ministre de l'Éducation est un homme reconnu comme étant un homme déterminé, qui est souvent très têtu, qui tient à ses idées, je pense que le ministre de l'Éducation va rencontrer sur son chemin quelques barrages. Je citerai, par exemple, quelques extraits avec le plus d'application concernant les mémoires des différents intervenants en commission parlementaire. Je pense que ce n'est pas juste une question de dire: L'Opposition, de ce côté-ci, a décidé de mettre des barrages, de mettre des bâtons dans les roues et de tout faire pour que le projet de loi 107 ne soit pas adopté. Mais qu'on pense à la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, c'est un intervenant majeur. Si la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec n'est pas un intervenant majeur, je me demande où sont les intervenants majeurs dans ce débat. Voici ce qu'elle disait dans son mémoire, à la page 47: "Loin d'amorcer le virage nécessaire à l'égard de l'hypercentralisation, il y aurait pour effet d'accentuer la mainmise du ministre sur la gestion des écoles." Ce n'est pas le député de Bertrand, ce n'est pas l'Opposition qui dit cela, c'est la Fédération des commissions scolaires qui a dit cela en commission parlementaire. De plus, disait-elle, le projet de loi 107 tend à centraliser - et je porte à l'attention du député de Rimouski qui nous disait, il y a quelques minutes, dans un élan, un geste, certainement, de bonne volonté: Écoutez, ne vous énervez pas, il n'y a pas de problème de centralisation là-dedans. Vous avez certes mal compris. Et il a tenté, tant bien que mal, de défendre son ministre.

On va regarder un peu ce que disent les intervenants qui, eux, sont touchés: "Le projet de loi 107 tend à centraliser davantage le système public d'enseignement et témoigne d'un sentiment de méfiance de l'État à l'endroit de ses partenaires. Il doit être révisé en profondeur...", et ainsi de suite. Ceci était à la page 48 de leur mémoire. Toujours sur la centralisation, parce qu'il faut s'appuyer sur des dires si on veut être capable de prouver ce qu'on avance, cette fois-ci, c'est l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec. Elle dit entre autres, à la page 29 de son mémoire: "...nous n'acceptons pas la philosophie qui sous-tend le projet de loi, une philosophie de centralisation qui placerait les écoles du Québec sous le tutelle du ministère de l'Éducation du Québec." C'est à la page 29.

Toujours dans le cadre de cette centralisation, que disait cette fois-ci l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires? M. le Président, c'est un groupe drôlement important, les directeurs généraux des commissions scolaires. À la page 10 de leur mémoire, on lit: "Nous nous opposons fortement à cette accumulation des pouvoirs du gouvernement et du ministre. Nous jugeons impertinent que le ministre prenne occasion du projet de loi pour augmenter ses pouvoirs réglementaires et, par là, son emprise sur le système scolaire." C'est à la

page 10. (21 h 30)

Je citerai maintenant quelques extraits qui viennent aussi appuyer cette dimension de centralisation, au niveau, par exemple, de l'Association des institutions d'enseignement secondaire aux pages 9 et 10: "Le projet de loi 3 du précédent gouvernement, donc le projet de loi qui, à toutes fins utiles, est celui qu'on veut modifier aujourd'hui, visait une plus grande responsabilisation de l'école, tandis que le projet de loi 107 marque un net recul sur ce point."

Sur l'autre dimension, celle de la confes-sionnalité, M. le Président, j'apporterai certains points qui viendront mettre en lumière ce que les intervenants du milieu ont dit au ministre de l'Éducation. La Centrale de l'enseignement du Québec, communément appelée et mieux connue sous le nom de CEQ, que nous disait-elle à ce sujet? À la page 4 de son mémoire, la CEQ nous dit: "Force est de constater que le projet de loi 107 s'inscrit dans le carcan de l'article 93 de la constitution de 1867 et que ni le gouvernement, ni son ministre de l'Éducation ne manifestent de volonté de nous en sortir. Il faut déplorer cette situation", nous disait-elle. Toujours le même groupe, la Centrale de l'enseignement du Québec, nous dit que "le projet de loi 107 - c'est à la page 39 du mémoire - ne répond pas aux attentes de la centrale et des personnels qu'elle représente et ne saurait être accepté par la CEQ à moins que de profondes modifications ne lui soient apportées."

Que dire maintenant de l'Alliance des professeurs de Montréal? Ces voix viennent s'ajouter les unes aux autres et toujours à propos de la confessionnalité. Elle dit, pour sa part, à la page 9 du mémoire: "Aussi, sommes-nous extrêmement déçus par le projet de loi 107 qui implante des structures linguistiques dans le Québec." Un peu plus loin, elle nous dit: "Nous demandons au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour mettre fin à cette anomalie, c'est-à-dire de traiter les citoyens montréalais du XXe siècle en sujets du XIXe siècle."

Enfin, M. le Président, la Coalition pour l'égalité des droits en éducation disait, dans son mémoire, à la page 14: "S'il peut comporter certaines améliorations par rapport à la loi actuelle sur des aspects secondaires, nous estimons que, pour l'essentiel, ce projet de loi est surtout rétrograde; il empire le statu quo au lieu de le corriger. Nous sommes d'avis qu'il devrait être retiré purement et simplement."

La Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec, la FTQ, disait de son côté: "Nous avons été très déçus de constater que le projet de loi 107 n'offre pas de garanties suffisantes pour et va carrément à l'encontre de l'application de ces grands principes que nous considérons fondamentaux." C'était la position de la CEQ.

Si j'ai cité, concernant la centralisation et la confessionnalité, les principaux intervenants du milieu, qu'ils soient patronaux, syndicaux ou membres des structures des commissions scolaires, c'était quand même pour démontrer quelque chose. C'était, en fait, pour démontrer que ce que nous disons aujourd'hui, c'est aussi l'écho de ce qui a été dit sur la place publique, en commission parlementaire, dans les journaux et dans les mémoires par toutes les voix, des messages très clairs qui ont été envoyés au ministre.

Comment, aujourd'hui, le ministre de l'Éducation peut-il ne pas remettre en question, de façon fondamentale, cette restructuration et le projet de loi 107 tel qu'il le présente? Que le ministre veuille apporter des modifications, il est clair qu'il va en apporter. Il nous a laissé entendre qu'il y en aurait quelque 200 ou 250. Mais sur le fond, sur cet aspect de la centralisation et de la confessionnalité, je ne pense pas que le ministre ait l'intention de changer le fond. Dans ce sens-là, cela m'inquiète. Je trouverais cela dommage qu'un gouvernement, quel qu'il soit, fasse une réforme aussi importante que celle de l'éducation sans essayer de faire consensus avec le millieu. Dans ce sens-là... Je sais que ce n'est pas facile, je sais que le ministre de l'Éducation a toute une commande sur les bras. Par contre, quant à avoir pris trois ans, depuis qu'il est en poste comme ministre de l'Éducation, pour être capable de cogiter et de sortir un projet de loi comme le projet de loi 107, déposé en décembre 1987, donc voilà tout près de 10 ou 11 mois, je comprends mal pourquoi, face à cette consultation menée en commission parlementaire, on n'en arrive pas tout simplement et carrément avec le retrait ou des modifications profondes.

Est-ce que le ministre de l'Éducation est prêt à modifier sur les grands thèmes et la grande approche qui est proposée par la Centrale de l'enseignement, les différents groupes et les différents intervenants du milieu? Que le ministre de l'Éducation veuille se doter davantage de pouvoirs, je pense que tout ministre dans tout gouvernement a le goût, un jour ou l'autre, d'avoir plus de pouvoirs. Mais je dis au ministre aujourd'hui, que ce soit en éducation ou ailleurs, que de vouloir se donner plus de pouvoirs est certes une arme à deux tranchants. Et je comprends mal, même si c'est dans la façon de faire du ministre de l'Éducation - et je ne m'en prends pas à sa personne, je m'en prends plus à sa façon d'agir habituellement, à la façon dont il s'est comporté en vie politique au cours de ces années - de vouloir être capable d'aller chercher davantage de pouvoirs pour être capable d'avoir cette mainmise sur les commissions scolaires.

Je n'ai pas travaillé, M. le ministre, M. le Président, dans le milieu scolaire, mais en tant qu'élu municipal j'ai beaucoup côtoyé le milieu scolaire. Je peux vous dire que les structures, qu'on veuille les modifier quelque peu... Mais c'est un peu comme si, dans le projet de loi 107, le ministre des Affaires municipales voulait mettre une espèce de mainmise sur les municipa-

lités en enlevant des pouvoirs. La façon dont je le comprends, les structures au niveau municipal et au niveau scolaire sont des structures importantes de décentralisation pour être capable de répondre aux besoins sur le terrain. Et qu'on veuille aujourd'hui faire un peu marche arrière et vouloir centraliser davantage, c'est-à-dire donner plus de pouvoirs et plusieurs exemples sont apportés... Encore là, ce n'est pas une constatation que j'ai faite seulement en tant que député de l'Opposition; cela a été beaucoup plus de regarder l'ensemble du débat, de regarder ce que disent l'ensemble des intervenants et d'arriver aussi à cette conclusion que le ministre fait fausse route et que le ministre est en train de poser des gestes parce qu'il veut faire accepter cette loi-là avant la fin de la présente session. Il a la détermination de le faire. Mais s'il le fait dans le sens que le projet de loi est présenté présentement, je pense que ce serait une grave erreur. Je ne pense pas que le ministre de l'Éducation, pas plus que ses collègues députés ministériels, aimerait voir qu'un nouveau carcan, une nouvelle façon de faire, une réforme en profondeur qui marquera la prochaine décennie ou les prochaines décennies dans le domaine de l'éducation, soit quelque chose de rétrograde.

Je pense que le ministre de l'Éducation a l'esprit suffisamment ouvert pour être capable d'apporter en commission parlementaire des modifications importantes qui vont changer le fond. Et c'est dans ce sens-là, M. le Président, le voeu que j'exprime. L'état dans lequel le projet de loi est présentement, c'est bien sûr qu'il est carrément inacceptable et mon collègue et porte-parole en matière d'éducation, le député d'Abitibi-Ouest, l'a très bien démontré cet après-midi. Il a fait une démonstration pendant tout près d'une heure sur le fond, quant à la façon dont on est en train de s'orienter avec cette réforme. Je porterai à l'attention des députés ministériels de ne pas appuyer le ministre trop rapidement sans voir comment, dans chacun de leur comté, dans chacune des régions du Québec, ceci pourrait affecter et changer gravement, à mon avis, le niveau décisionnel et finalement, je pense, notre qualité de vie au cours des prochaines années autant pour les étudiants, que les enseignants et les milieux de vie.

Dans ce sens-là, M. le Président, je conclus en disant que j'espère que le ministre de l'Éducation va apporter des modifications mais des modifications profondes non seulement en termes de nombres - vous parlez de 200 ou 300 modifications - mais sur le fond, des modifications majeures. Sinon ce sera carrément inacceptable. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, sur une question d'agencement de nos travaux. C'est un peu toujours la même histoire dans la dernière intervention. Cela peut durer 20 minutes, 19, 21, 22 minutes. Je demanderais tout de suite au leader adjoint du gouvernement s'il n'a pas objection à ce qu'on n'interrompe pas la députée à 10 heures précises, sachant qu'il y en aura possiblement pour quelques instants après 10 heures.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Jolivet: M. le Président, comme I m'a appelé le leader adjoint du gouvernement, je vais lui dire oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

(21 h 40)

M. Jolivet: Mais je vais laisser la chance à Mme la députée de Jacques-Cartier de terminer son intervention.

Le Vice-Président: Très bien. J'en prends bonne note. Je cède, en conséquence, la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Le projet de loi 107 remplace l'actuelle Loi sur l'instruction publique, à l'exception des dispositions qui touchent les élections scolaires et qui se retrouvent dans un autre projet de loi portant le no 106. Le projet de loi établit un cadre légal pour le fonctionnement du système scolaire. Il établit les droits, les rôles ainsi que les responsabilités des principaux partenaires du système scolaire, y compris les élèves, les parents, les enseignants, les directeurs d'école, les commissions scolaires, le ministre de l'Éducation et le gouvernement. Il précise les structures et modalités qui permettent l'exercice des pouvoirs respectifs.

Parmi les multiples objectifs du projet de loi, il y en a trois d'importance particulière: donner aux écoles la capacité de mieux répondre à la diversité évolutive de cultures et de religions de la population québécoise; donner plus de place aux parents dans le système scolaire; troisièmement, établir éventuellement des commissions scolaires partout au Québec, basées sur la langue anglaise ou française au lieu de la confessionnalité catholique ou protestante.

M. le Président, les opinions exprimées par les 97 groupes que nous avons entendus à la commission permanente de l'éducation gravitaient autour de quatre grandes questions: le rôle des parents, la confessionnalité de l'école, les pouvoirs du ministre vis-à-vis des pouvoirs des commissions scolaires et la création des commissions scolaires linguistiques. Je suis heureuse que le projet de loi sera amélioré de façon importante à la lumière des recommandations faites

lors de la commission parlementaire. Dans le peu de temps qui m'est alloué, j'aimerais commenter brièvement chacune des grandes questions litigieuses.

Sur le rôle des parents, je veux dire ceci. Les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Donc, ils devraient jouer un rôle important dans le système scolaire. Leur participation à l'école publique ainsi qu'au niveau de la commission scolaire est essentielle pour enraciner les orientations et les politiques du système dans les besoins réels de nos élèves et de leurs familles. Les parents pourraient offrir un enrichissement indispensable à la vie de l'école. Leurs avis et opinions sur les orientations et les politiques de l'école et de l'ensemble du système sont indispensables. Leurs enfants ne peuvent que profiter de leur engagement à contribuer à l'amélioration du système d'éducation.

Mais je suis convaincue que le rôle approprié des parents n'est pas de gérer le système. La responsabilité de gérer relève des directeurs d'école ainsi que des cadres du système toujours guidés par les premiers responsables qui sont les commissaires élus par l'ensemble des électeurs de leur territoire.

De plus, en établissant dans la loi les structures de participation des parents, il faut tenir compte de la disponibilité et des capacités des parents qui pourraient varier grandement d'une école à l'autre. Donc, il faut être réalistes et flexibles à cet égard.

Pour toutes ces raisons, je suis heureuse de constater que les amendements tendent à conserver le caractère obligatoire, c'est-à-dire le maintien obligatoire du comité d'école, du comité de parents ainsi que des deux parents siégeant à la commission scolaire sans droit de vote. Cette dernière provision représente le consensus de la Fédération des parents.

Le projet de loi prévoit une autre mesure que je considère très positive: la désignation d'un troisième parent commissaire comme représentant des parents de la langue minoritaire. Cette provision s'applique évidemment aux commissions confessionnelles dispensant l'éducation dans les deux langues.

En ce qui a trait au choix confessionnel des parents au niveau de l'école, je crois que le projet de loi risque d'ouvrir la porte à la possibilité de conflits malheureux résultant du processus de décision à l'égard du statut confessionnel de l'école. La situation pourrait être exacerbée par la provision permettant à l'école d'intégrer dans son projet éducatif les croyances ou valeurs religieuses d'une confession particulière ou de plusieurs confessions et il est possible que l'école ait ou n'ait pas de statut confessionnel.

À mon avis, le fait que le projet de loi oblige cette intégration à se faire dans le respect des libertés de conscience et de religion n'élimine pas un certain risque de conflits. Si, par ailleurs, une commission scolaire décide de résoudre ses problèmes en regroupant les élèves ayant choisi le même projet éducatif, les dislocations en résultant pourraient susciter la colère des parents des élèves déplacés. Lors de l'étude article par article, j'espère que nous trouverons des mesures pour réduire au minimum la possibilité de tels événements malheureux.

J'aimerais maintenant dire un mot sur les élèves handicapés ou en difficultés d'adaptation ou d'apprentissage. Depuis longtemps les parents de ces élèves demandent un renforcement de l'obligation imposée au système scolaire d'offrir une éducation de qualité propice aux besoins particuliers de leurs enfants. Je suis heureuse de vous dire que le projet de loi constitue un pas en avant à cet égard. Le projet de loi crée un cadre pour augmenter lïmputabilité de la commission scolaire à l'égard des services aux élèves en difficultés. Il est prévu que la commission scolaire doit adapter ses services éducatifs aux besoins de cette clientèle. Chaque élève handicapé ou en difficulté d'apprentissage aura droit à un plan d'intervention spécialement conçu en fonction de ses besoins et après consultation de ses parents. Il y aura, dans chaque commission, un comité consultatif composé majoritairement des parents mandatés pour donner leur avis à la commission scolaire sur les normes d'organisation des services aux élèves en difficulté.

J'ai été particulièrement heureuse de voir dans les amendements que les commissions scolaires pourront remplacer un programme d'études établi par le ministre, par un programme d'études local dans le cas d'un élève ou d'une catégorie d'élèves incapables de profiter des programmes réguliers.

De la même façon, les amendements ouvrent la possibilité d'enrichir le programme en ajoutant un nombre supérieur à celui prévu au régime pédagogique. L'ouverture à plus de flexibilité des programmes ainsi que la reconnaissance de l'importance d'individualiser davantage l'éducation, signifient pour moi un gain important pour la qualité de l'éducation, surtout pour nos enfants ayant des besoins particuliers.

Malgré ces développements dans le projet de loi, j'aimerais souligner, au nom de tous les parents des élèves en difficulté, que les améliorations comprises dans le projet de loi ne constituent qu'une partie d'une réforme globale longuement demandée. Pour assurer ces services de qualité à la population croissante d'élèves à risque, une réforme globale s'impose. Les règles budgétaires, la convention collective, le régime pédagogique et la formation de nos enseignants sont tous des éléments déterminants pour la livraison de services de qualité. (21 h 50)

Quant aux pouvoirs du ministre et du gouvernement vis-à-vis de ceux des commissions scolaires, j'aimerais dire ceci. Presque tous les groupes que nous avons entendus ont souligné leur préoccupation à l'égard des pouvoirs accor-

dés au ministre par le projet de loi. Je suis encouragée par les améliorations importantes proposées par le ministre à cet égard. En tant qu'ancienne présidente d'une grande commission scolaire, je suis très sensible aux dangers de surbureaucratiser et de surcentraliser le système d'éducation. Je suis convaincue, si on veut rendre les commissions scolaires responsables, qu'il faut leur donner des responsabilités. Un gouvernement qui a tendance à garder la main haute risque d'encourager l'irresponsabilité. De plus, un système scolaire, par sa nature, doit servir la base et non l'inverse. Tout l'appareil du ministère de l'Éducation, ainsi que l'appareil des commissions scolaires, sont là pour servir les meilleurs intérêts de nos jeunes et de leurs familles. Il est essentiel que l'appareil local ait le plus de latitude possible afin qu'il puisse agir de façon responsable, en essayant toujours de répondre aux besoins importants de sa clientèle, selon son propre jugement.

Ce principe est le fondement même de notre système démocratique de l'éducation. Quand il s'agit du système scolaire, les besoins de la base sont trop importants pour se permettre de les sacrifier à la tendance de tout gouvernement de rendre la base dépendante de leur générosité.

À cet égard, M. le Président, j'aimerais souligner les propos du ministre cet après-midi à l'égard de la faible marge de taxation accordée aux commissions scolaires. Le ministre a dit: Avec la très faible marge de taxation qui leur est accordée depuis l'adoption de la loi 57 en 1979, les commissions scolaires doivent dépendre des subventions gouvernementales pour plus de 91 % de leurs revenus. Au nom d'un meilleur équilibre, il est permis de souhaiter que l'on en vienne un jour à un partage qui tiendrait davantage compte du rôle très important dévolu aux commissions scolaires.

La quatrième question qui a suscité un débat important aux audiences de la commission parlementaire est la restructuration des commissions scolaires sur une base linguistique. La réforme proposée a été reçue plus favorablement du côté francophone que du côté anglophone. Parmi les groupes francophones qui s'opposent à la réforme, la déconfessionnalisation des commissions scolaires est perçue comme une attaque contre les valeurs chrétiennes de notre société.

Par contre, à l'autre pôle, nous avons entendu plusieurs groupes, notamment la CEO, le Mouvement laïque et la Commission des droits de la personne, qui considèrent que le fait de permettre des écoles confessionnelles est nettement discriminatoire.

Parmi les groupes anglophones, l'idée des commissions scolaires linguistiques est favorisée surtout par ceux qui, dans les régions, ont subi une baisse de population au point où la survivance de leurs écoles ainsi que de leur communauté demande qu'ils se regroupent, anglo-catholiques et anglo-protestants ensemble dans des écoles communes. Cette tendance est mani- feste depuis plusieurs années. Les anglo-catholiques qui constituent de petites minorités dans leurs commissions scolaires catholiques majoritairement francophones fréquentent souvent par entente les commissions scolaires protestantes majoritairement anglophones. Des arrangements ont été faits pour qu'ils reçoivent l'éducation religieuse et morale catholique. Néanmoins, les anglo-catholiques n'ont pas le droit de siéger comme commissaires aux conseils protestants. La création d'une commission scolaire linguistique dans ces territoires réglerait le problème de représentation et créerait des masses critiques d'anglophones suffisant à soutenir une éducation de qualité.

Quant aux anglo-catholiques et anglo-protestants dans la région métropolitaine de Montréal, la problématique de la réforme est perçue différemment malgré la baisse dramatique de la clientèle, subie par la communauté anglophone depuis dix ans. Il n'y a pas de consensus sur la réforme des structures. Le débat est fort complexe et va bien au-delà du simple désir de survivre comme communauté linguistique. Les éléments du débat sont multiples et interreliés. Il y a d'abord la question constitutionnelle. Même les groupes qui sont favorables à la réforme demandent que les garanties linguistiques soient insérées dans la constitution comme condition de leur acceptation.

La question de la sécurité d'emploi préoccupe les enseignants et les administrateurs protestants qui ne voient pas l'avantage des commissions scolaires linguistiques tant que la majorité des anglo-catholiques insistera sur son droit d'avoir un personnel uniquement catholique et un programme d'éducation intégralement catholique dans ses écoles. De plus, les protestants s'inquiètent des tiraillements qui pourraient résulter des multiples choix confessionnels possibles dans chaque école anglaise, supposément pour tout le monde.

Il semble que les anglo-catholiques soient divisés sur la réforme. Personnellement, je crois que le choix idéal pour les anglo-catholiques serait d'avoir leur propre commission scolaire, mais ils sont frustrés par le débat qui a maintenant duré presque vingt ans sur cette question. Donc, ils ont décidé d'opter majoritairement pour des commissions scolaires linguistiques à la condition qu'ils puissent sauvegarder une éducation catholique et avec l'espoir, préférablement, de garanties linguistiques constitutionnelles.

Il est évident que la perspective de la surimposition des commissions linguistiques sur des commissions scolaires confessionnelles pourrait causer un morcellement malheureux des ressources scolaires pour ne rien dire de la confusion des parents face à la multiplicité de choix de l'école. Heureusement, avant de procéder avec cette réforme, il est de l'intention du ministre que la portée constitutionnelle de la réforme soit clarifiée par la Cour d'appel.

En conclusion, je persiste à croire que les

réalités démographiques dans les régions rurales et les réalités dans la région métropolitaine de Montréal commandent des solutions différentes en ce qui concerne le problème de restructuration. Je crois que les objectifs de la réforme pourraient être atteints en respectant les valeurs et les espoirs des deux grands groupes linguistiques. Procéder dans la région métropolitaine en dépit des convictions et des craintes profondes d'un bon nombre de nos citoyens serait contre l'objectif que nous cherchons tous ensemble. Je parle d'un système de qualité qui vise le développement optimum de notre plus importante ressource: nos enfants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je demanderais l'ajournement du débat.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

M. Johnson: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. En conséquence, puisque nous sommes arrivés à 22 heures, l'Assemblée va maintenant ajourner ses travaux qui reprendront demain, le mercredi 26 octobre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 1)

Document(s) associé(s) à la séance