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(Quatorze heures neuf minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir.
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes. Tel
qu'entendu par un ordre de cette Assemblée la semaine dernière...
Mmes les députées, MM. les députés. Tel qu'entendu
la semaine dernière, et ce fut un ordre de cette Assemblée, je
vais reconnaître M. le ministre de l'Environnement pour son droit de
réplique à sa déclaration ministérielle. M. le
ministre de l'Environnement, vous avez cinq minutes.
Enquête sur les problèmes et
les moyens d'élimination des
déchets
dangereux confiée au BAPE
Exercice du droit de réplique M. Clifford
Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, après avoir
écouté le député de Verchères l'autre jour,
s'il avait été en Chambre aujourd'hui, je lui aurais dit que la
sonorité du timbre n'est pas équivalente à la
crédibilité de l'argument. En criant fort, il a essayé de
démontrer que la procédure que nous avons suggérée,
soit une commission d'enquête par le Bureau des audiences publiques sur
l'environnement, était tout d'abord causée par des actions que
l'Opposition avait prises et, deuxièmement, que le cadre de
l'enquête n'était pas aussi large qu'il devrait l'être.
C'est de bonne guerre de trouver critique. Tout ce que je vais dire
très brièvement au critique de l'Opposition, c'est tout d'abord
qu'après avoir examiné toutes les possibilités devant
nous, nous avons cru qu'un organisme de la réputation et de la
crédibilité, surtout dans le domaine de l'environnement, du
Bureau des audiences publiques sur l'environnement était certainement
l'organisme idéal pour mener ce genre d'enquête.
Deuxièmement, à tous les niveaux, cette enquête va
déceler toutes les préoccupations des Québécois sur
ce sujet qui est maintenant brûlant d'actualité, surtout depuis
l'accident de Saint-Basile. Il est clair que l'accident de Saint-Basile - et
nous reconnaissons ça tout à fait franchement, il faudrait
être aveugle ou sourd pour ne pas le reconnaître - a
provoqué des circonstances tout à fait nouvelles au
Québec. Pourtant, ça ne veut pas dire que les décisions
qui avaient été prises avant l'accident de Saint-Basile
n'étaient pas des décisions justifiées en soi.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lincoln: Aujourd'hui, nous avons, au
Québec, deux choses importantes à souligner. D'abord, pour
la première fois*, une politique sur l'élimination des BPC du
territoire du Québec qui a été entérinée en
1987. Cette politique a été mise à jour. Tout le plan
d'élimination et son échéancier ont été
accélérés de façon significative. C'est une
réalisation, une étape importante en soi où le
Québec a pris les devants sur tout l'ensemble canadien.
Deuxièmement, il faut le constater aussi, nous avons,
aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire du Québec, un
entrepôt de premier ordre dans la région de Senneterre. Je sais,
et la constatation se fait tous les jours, que les gens remettent en question
tout l'aspect de l'entreposage dans un territoire donné. C'est ça
que le BAPE va examiner. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, nous avons
là un entrepôt de premier ordre qui va rester. J'espère
qu'aussitôt que l'interdiction juridique sera levée, après
l'appel - j'espère que ce sera ça la décision -nous aurons
là un appareil tout à fait moderne, tout à fait
sécuritaire qui pourra servir à l'entreposage des déchets
de BPC dans cette région qui en produit elle-même des
quantités et dans les autres régions avoisinantes.
C'est déjà un modèle pour nous que d'avoir cet
entrepôt. On aura une banque de références pour la
commission d'enquête du BAPE. Donc, de tous les chefs apportés par
le député de l'Opposition, je pense qu'il n'y a pas un argument
qu'on puisse retenir. Ce que le public veut, ce que la population du
Québec veut, ce n'est pas des chasses aux sorcières, ce n'est pas
de retourner en arrière de dix ans, quinze ans, quatre ans ou même
un an, mais c'est de se servir des leçons du présent et du
passé pour faire quelque chose dans l'avenir. C'est à cela
qu'elle tend, c'est de résoudre le problème. Cette enquête
que nous allons mener au Bureau des audiences publiques va détacher de
grandes lignes de conduite, de grandes directions pour nous afin de rendre
toute la question de l'entreposage permanent et de l'élimination des
déchets, tant les BPC que les déchets organiques toxiques,
beaucoup plus facile pour l'avenir au Québec. C'est cela que je vous
soumets très respectueusement.
Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres
déclarations ministérielles?
Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions. M. le président de
la commission des affaires sociales et député de
Laval-des-Rapides. M. le député.
Vérification des engagements financiers
M. Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui
siégé les 4 et 12 octobre
1988 afin de procéder à la vérification des
engagements financiers du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour les mois de juillet 1987 à juillet
1988 et du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les
mois de janvier 1987 à juillet 1988.
Le Président: M. le député de
Laval-des-Rapides, votre rapport est maintenant déposé.
Toujours à l'étape du dépôt de rapports de
commissions, M. le président de la commission des institutions et
député de Taillon. M. le député de Taillon.
Consultation générale
sur le document intitulé
"Les droits économiques des conjoints"
M. Filion: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des institutions qui a
siégé les 12, 13, 18, 19 et 20 octobre 1988 afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques sur le document intitulé "Les droits
économiques des conjoints".
Le Président: M. le député de Taillon, votre
rapport est maintenant déposé.
Est-ce qu'il y a d'autres rapports de commissions?
Dépôt de pétitions. M. le député de
Mille-Îles.
Que les marchés aux puces puissent continuer
leurs activités le dimanche
M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur
de déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale du Québec par 89 359 pétitionnaires
représentant les usagers, les employés et les commerçants
reliés au commerce des marchés aux puces de la région
métropolitaine de Montréal. Les faits invoqués sont les
suivants, M. le Président:
Attendu que les marchés aux puces font partie intégrante
du domaine des loisirs et du folklore québécois; attendu que les
commerçants artisans qui exploitent ces comptoirs de vente n'ont pas
plus de trois employés et occupent une aire de service de moins de 3000
pieds carrés, respectant ainsi le décret 165-87 concernant les
heures d'affaires; attendu que les commerçants artisans opèrent
depuis plus de quinze ans ainsi au su et au vu du gouvernement; attendu que ces
commerçants artisans détiennent des droits acquis
conformément au décret 165-87 concernant les heures d'affaires;
attendu que les marchés aux puces offrent et ont toujours offert une
panoplie de produits à prix démarqués dans un
environnement de foire où les Québécois et
Québécoises viennent se divertir en famille le dimanche, lors de
la balade dominicale; attendu que cette industrie génère plus de
25 000 emplois directs ou indirects qui seraient perdus si le gouverne- ment
prohibait l'ouverture de ces commerces, en amendant le règlement 165-87;
et l'intervention demandée se résume ainsi: les 89 359
pétionnaires demandent à l'Assemblée nationale du
Québec et aux membres de cette Assemblée de préserver les
droits acquis des marchés aux puces opérant au Québec et
de continuer de permettre, sans modifier le règlement 165-87 concernant
les heures d'affaires, à ces petites entreprises familiales
d'opérer le dimanche."
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition, M. le Président.
Le Président: M. le député de Mille-Iles,
votre pétition est déposée. Est-ce qu'il y a d'autres
dépôts de pétitions? Cet après-midi, il n'y aura pas
d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur
une question de fait personnel.
Si vous me permettez, M. le chef de l'Opposition, avant de
procéder à la période régulière de questions
et de réponses orales, j'avise les membres de cette Assemblée
qu'après la période de questions, cet après-midi, il y
aura un vote reporté sur la motion de censure présentée
par M. le député de Lac-Saint-Jean.
Dans un deuxième temps, je vous avise également qu'il y
aura un complément de réponse par le ministre des Transports et
ministre responsable du Développement régional à la suite
d'une question posée par M. le député de Lévis au
sujet de l'utilisation par le ministère des Transports du Québec,
du lignosulfonate, tel que vous l'avez présentée la semaine
passée quant à l'abat-poussière. M le leader de
l'Opposition.
(14 h 20)
M. Gendron: M. le Président, sur ce que vous venez
d'annoncer, il semble qu'il y a une erreur, en tout cas selon notre
règlement, puisque aucune question n'a été adressée
au ministre des Transports. Que je sache, le règlement permet des
compléments de réponse à ceux à qui les questions
sont adressées. En conséquence, on s'attend aujourd'hui à
un complément de réponse de la part du ministre de
l'Environnement et non du ministre des Transports, sur une question qui n'a
jamais été posée de toute façon.
Ce n'est pas parce que le problème le concerne et que c'est lui
qui a eu un comportement douteux dans cette question... C'est cela, la
situation.
Le Président: Votre question de règlement
seulement, sans porter de jugement. Question de règlement.
M. Gendron: Question de règlement. M. le Président,
on vous avise tout de suite qu'on n'acceptera pas de complément de
réponse de quelqu'un qui n'a pas eu de question.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: C'est une bonne question de
règlement. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le
Président, évidemment, si vous avez reçu un avis du
ministre des Transports, c'est qu'il y a une partie de la réponse
à la question qui doit venir de lui, mais je serais d'accord pour que le
complément de réponse soit d'abord donné par le ministre
de l'Environnement et qu'ensuite, le ministre des Transports puisse
compléter. En l'occurrence, on pourrait déroger à la
règle et permettre deux questions complémentaires à
l'Opposition, sort une adressée à chaque ministre, si cela
convient.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
ministre des Transports. Je vais vous entendre ensuite, M. le leader du
gouvernement. M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne suis pas un
habitué des questions de règlement mais la semaine
dernière, mardi en particulier, de mon lit j'ai pu voir et entendre
à la télévision le député de Lévis se
lever sur une question et dire en premier lieu - et vous pourrez le
vérifier au Journal des débats - "Ma question s'adresse au
ministre des Transports, mais comme il est absent, je vais m'adresser au
ministre de l'Environnement."
Des voix: Ah! C'est très clair.
M. Côté (Charlesbourg): C'est en vertu de cela que
je veux répondre.
Des voix: C'est très clair.
Le Président: Je vais entendre une dernière
intervention, mais je suis prêt à rendre ma décision. M. le
leader de l'Opposition, vous voulez intervenir?
M. Gendron: Ce sera très simple, M. le
Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader de l'Opposition.
M. Gendron: De tout temps, ce n'est pas parce qu'un
collègue de l'Opposition qui interroge le gouvernement indique que,
possiblement, si tel ministre avait été là, il lui aurait
adressé sa question que cela signifie que la question qui a
été posée au collègue... C'est du ministre de
l'Environnement, que l'on attend un complément de réponse. Je
n'accepterai pas que l'on fasse un précédent avec quelque chose
qui est on ne peut plus clair dans le règlement. Si le ministre
concerné pense qu'il a quelque chose à rectifier ou à
rétablir, il y a d'autres dispositions réglementaires qui peuvent
lui permettre de faire une déclaration ministérielle, une
déclaration de fait personnel. Il y a une série d'autres
éléments sur lesquels il peut s'appuyer, mais pas en
complément de réponse à une question qu'on ne lui a jamais
posée.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: J'ai fait une suggestion, M. le Président. Que
l'on traite cela de la façon... Mais le ministre des Transports nous a
rappelé qu'effectivement, la question au départ, le
député de Lévis aurait voulu la poser au ministre des
Transports. Je suggère à nouveau que les deux ministres puissent
fournir chacun un complément de réponse et qu'on accorde ensuite
une question complémentaire à chacun ou deux questions
complémentaires au lieu d'une seule.
Si l'Opposition n'accepte pas ce compromis, je devrai conclure que
l'Opposition préfère poser ses questions au ministre des
Transports quand il est malade plutôt que lorsqu'il est ici pour
répondre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À la suite de l'avis que j'ai
reçu... À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai reçu, tel
que notre règlement le prévoit, M. le leader de l'Opposition, une
lettre signée par M. le ministre des Transports dans les délais
requis. Nous avions également pensé qu'il pourrait y avoir des
problèmes à soulever cet après-midi... Nous avons
examiné la chose à l'heure du déjeuner. Il est clair que
la semaine dernière, le 18 octobre 1988, lorsque M. le
député de Lévis a posé sa question, c'était
directement adressé au ministre des Transports. Je vais
répéter la première phrase prononcée par M. le
député de Lévis et qui apparaît au Journal des
débats: "M. le Président, ma question était pour le
ministre des Transports..."
Des voix: ...était.
Le Président: "...était pour le ministre des
Transports." Un instant, un instant, s'il vous plaît! Le ministre de
l'Environnement... et le député de Lévis continue:
"...mais comme il y a un volet environnemental important..." Mais toute la
question portait sur une matière qui est de juridiction, la
décision prise par M. le ministre des Transports qui était
à ce moment-là absent, tel qu'il l'a fait remarquer tout à
l'heure. Tout ministre peut répondre à une question ou donner un
complément de réponse lors de la période de questions s'il
sent que cela relève de sa juridiction, quand la question est
posée au gouvernement. Quand c'est de sa juridiction, oui. Après
vérification et vu l'avis qui m'a été envoyé, je
vais permettre, à la fin de la période de questions, que M. le
ministre des Transports apporte un complément de réponse et je
vous reconnaîtrai, en additionnelle, M. le député de
Lévis, tel que le règlement le prévoit.
Maintenant, en plus de cela, il y a une offre ici qui a
été faite à l'Assemblée par M. le leader du
gouvernement et qui, je pense, est rejetée. Je n'ai pas à me
prononcer sur cette partie.
M. Gendron: M. le Président. Très simplement,
question de directive. Comme je ne peux pas en appeler de votre
décision, puis-je vous demander...
M. Chevrette: On en aurait le goût, par exemple.
M. Gendron: ...M. le Président, d'indiquer au leader de
l'Opposition, à tout le moins parce que cela m'intéresserait,
d'avoir au moins quelques phrases écrites sur le genre de
décision que vous venez de rendre et le règlement précis
sur lequel vous vous êtes appuyé pour interpréter que
quelque chose au conditionnel devienne présent et puisse nous permettre
de vivre quelque chose que nous n'avons jamais vécu au présent
comme Opposition - parce que la question de fond, on l'a posée au
ministre de l'Environnement - et m'indiquer sur quel article du
règlement précisément vous vous appuyez. Je veux
l'avoir.
Le Président: Je suis prêt, l'article 75. Cela ne
durera pas longtemps. J'ai rendu ma décision. C'est sans appel.
Écoutez, vous me demandez un éclaircissement additionnel, je vais
vous le donner. C'est l'article 75: "Les questions doivent porter sur des
affaires d'intérêt public - c'en était une, je l'ai reconnu
d'ailleurs - ayant un caractère d'actualité ou d'urgence et qui
relèvent d'un ministre ou du gouvernement. Toute autre question doit
être inscrite au feuilleton." Alors, c'est à partir des
précédents et après avoir examiné, cet
après-midi... Questions qui s'adressent au gouvernement ou qui
relèvent d'un ministre." Il y a plus que cela. La question a
été située par celui qui a questionné
l'intervenant. Il a dit: "Ma question s'adresse au ministre des Transports,
mais vu son absence... Il y a plus que cela. Je m'excuse, je voudrais terminer.
Tout le fond de la question de M. le député de Lévis la
semaine dernière était en ce sens qu'une décision avait
été prise par M. le ministre des Transports. Alors, c'est de sa
juridiction. En vertu de l'article 75, j'ai rendu ma décision. Je l'ai
rendue tout à l'heure. Je la maintiens en y ajoutant l'article 75 que
vous demandiez et c'est tout. Nous allons maintenant procéder. M. le
leader de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, je m'excuse. Cela va
être très court. J'aimerais tout de même que vous donniez un
éclaircissement par écrit parce qu'à l'article 80, on lit:
le ministre à qui une question est posée peut y répondre
plus tard. Que voulez-vous? Je ne suis pas capable de vivre avec votre
décision pour l'avenir. Le ministre à qui une question a
été posée. Le "à qui", c'est très clair. Ce
n'est pas le ministre qui, malheureusement, est malade, c'est le ministre qui
est en Chambre, qui s'appelle le ministre de l'Environnement. C'est lui le
"à qui". C'est lui seul, selon le règlement, qui peut donner un
complément de réponse. J'aimerais que vous me donniez quelques
commentaires. Comment se fait-il que dans votre décision vous n'avez pas
vu l'article 80?
Le Président: C'est justement, j'ai vu l'article 80 et je
ne sentais pas le besoin de vous le donner. Tout à l'heure, quand je
vais reconnaître M. le député de Lévis, en
additionnelle ou en complémentaire, à la suite du
complément de réponse de M. le ministre des Transports, il pourra
poser une question à n'importe quel autre ministre, même au
ministre de l'Environnement, s'il voulait. Il n'y a rien dans notre
règlement qui nous dit que la question additionnelle que je vais
accorder à M. le député de Lévis, il est
obligé de la poser à M. le ministre des Transports. J'ai rendu ma
décision. Je pense que c'est extrêmement clair. On l'a
examinée pendant plus d'une heure ce midi et ma décision est
rendue.
M. Chevrette: M. le Président, j'aimerais que vous me
justifiiez dans une question additionnelle du règlement comment vous
pouvez justifier d'accorder au ministre des Transports le soin de
répondre à la question suivante: Est-ce que vous avez
été consulté, M. le ministre de l'Environnement, sur
l'utilisation par votre collègue de contaminants sur les routes? Comment
voulez-vous que ce soit le ministre des Transports qui réponde à
une telle question posée par le député de Lévis?
C'est fou comme balai! Je suis bien obligé de vous dire...
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Chevrette: ...c'est fou comme balai. La question s'adresse
directement au ministre de l'Environnement; on lui demande carrément
s'il a été consulté et vous répondez:
Complément de réponse fait par le ministre des Transports. Il y a
toujours des limites! Si vous voulez qu'on vous prenne au sérieux, M. le
Président, agissez dans le cadre des règlements!
Le Président: J'espère que l'expression que vous
avez employée s'adressait à la question et non pas à moi.
Dans un deuxième temps, je pense qu'il était très clair,
par le contenu de la question, qu'elle s'adressait au ministre des Transports.
(14 h 30)
Étant donné que vous êtes intervenu, M. le chef de
l'Opposition, je vais vous donner un éclaircissement additionnel que je
ne suis pas obligé de vous livrer cet après-midi, parce que ce
n'était pas la question de règlement. Si un ministre, encore cet
après-midi, était absent et
qu'une question était posée, même le leader du
gouvernement pourrait en prendre avis pour lui. Cela va jusque-là. La
semaine passée, je pense que M. le député de Lévis
a dit à qui il voulait poser la question. Et le premier à qui il
voulait poser la question, c'était au ministre responsable du dossier,
à celui qui a pris la décision selon la forme et le contenu de sa
question, c'est-à-dire le ministre des Transports. Ma décision
étant rendue, nous allons passer à la période
régulière de questions et de réponses orales.
Maintenant, M. le chef de l'Opposition, je vous reconnais pour une
question principale.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES Le débat
des chefs et l'agence spatiale
M. Chevrette: M. le Président, lors du débat
télévisé des chefs de parti hier, on a pu voir
jusqu'où le premier ministre canadien était prêt à
aller pour avoir l'appui du premier ministre du Québec. À dix
reprises au moins, pendant le débat sur le libre-échange, il se
réclamait de l'appui du premier ministre du Québec. Et je ne suis
pas trop surpris, parce que le premier ministre du Québec est devenu un
acteur de la publicité télévisée du Parti
conservateur du Canada.
Cela dit, au cours de ce même débat, cependant, on a
été en mesure de se rendre compte que sur des programmes
concrets, des projets concrets, les réponses n'étaient pas tout
à fait les mêmes, en ce sens que le premier ministre canadien,
à la question sur l'agence spatiale, a été le moins
précis des trois. Et je suis convaincu que le premier ministre a
regardé ce débat. Je voudrais lui demander s'il est satisfait de
la réponse du premier ministre du Canada qui dit que la décision
n'est pas prise, qu'elle sera prise au mérite, alors que les deux autres
chefs étaient d'accord pour que ce soit Montréal.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je voudrais répondre
au bien-aimé chef de l'Opposition que, sur cette question de l'agence
spatiale, la position émise par le gouvernement du Québec a
toujours été très claire. J'ai eu l'occasion de rencontrer
il y a quelques semaines et le chef de l'Opposition, M. Turner, et le premier
ministre, et, à tous les deux, j'ai fait part que la volonté du
gouvernement était que cette agence puisse s'établir dans la
région de Montréal. Je demeure très confiant. Par la
suite, on a vu certaines déclarations de plusieurs ministres
fédéraux, dont certains que connaît bien le chef de
l'Opposition, qui se sont dits convaincus pour toutes sortes de raisons que
l'agence spatiale serait établie dans la région de
Montréal. Les arguments de fond sont pour moi les plus importants,
indépendamment des déclarations qui peuvent être faites par
différents chefs de parti. Les arguments de fond sont plus forts que
jamais pour justifier une décision favorable à la région
de Montréal. On en a parlé au sommet de la technologie, il y a
quelques jours.
Le Président: En additionnelle, M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, ma question n'est pas sur
le type d'argumentation que développe le premier ministre, mais pour lui
demander, étant donné que le chef du gouvernement qui est l'un
des trois chefs en l'occurrence dans cette élection, si la
réponse donnée par M. Mulroney hier soir à la question
concernant le site de l'établissement de l'agence spatiale est
rassurante alors que les deux autres chefs, ont été très
clairs en disant que c'est à Montréal?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je crois avoir dit au chef de l'Opposition
tantôt que j'étais très confiant que cette décision
sera favorable à la région de Montréal. Il ne faudrait
quand même pas qu'on fasse de la localisation de l'agence spatiale le
seul moyen de rééquilibrer le développement
économique à l'intérieur du pays. Le chef de l'Opposition
a cité à plusieurs reprises des statistiques montrant que la
province voisine, par exemple, a un taux de chômage nettement
inférieur à celui du Québec. Il ne faudrait pas qu'on
pense, chez les différents partis fédéraux, que parce que
l'agence spatiale pourra être établie à Montréal,
cela réglera le problème de ce déséquilibre entre
les régions au sein du marché commun canadien. Tout ce que je dis
au chef de l'Opposition, c'est que je suis très confiant que cette
décision sera favorable à la région de Montréal
pour des raisons qui relèvent de l'expertise de nos entreprises, de
notre main-d'oeuvre, de la qualité de nos chercheurs et des
infrastructures qui existent déjà dans ce secteur.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, étant donné
que le premier ministre canadien prend continuellement à témoin
le premier ministre du Québec durant sa campagne électorale,
est-ce qu'il ne serait pas temps pour le premier ministre du Québec, au
cours de la campagne électorale, d'exiger du premier ministre canadien
de lui retourner l'ascenseur de temps en temps?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, probablement qu'à
l'occasion de la campagne électorale provinciale qui aura lieu, comme je
le disais, entre avril 1989 et octobre 1990, le chef de l'Opposition
n'apprécierait pas des interventions, que
ce soit du niveau municipal, du niveau fédéral ou de
l'ensemble des différents niveaux de gouvernement. De mon
côté, j'ai l'intention de défendre les
intérêts du Québec, et cela a donné certains
résultats. Nous l'avons fait dans le cas de l'entente du lac Meech, dans
le cas de l'Accord de libre-échange, mais je dis que ce qui est
important pour le gouvernement du Québec, c'est d'être confiant et
d'avoir les raisons d'être confiant quant à l'établissement
de cette agence spatiale dans la région de Montréal.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre aurait en poche une
entente secrète qu'il ne veut pas rendre publique?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition vient de s'en prendre
directement à la transparence légendaire de l'actuel gouvernement
du Québec.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je
vais reconnaître une deuxième principale à Mme la
députée de Maisonneuve.
Visites des enquêteurs chez les assistés
sociaux
Mme Harel: M. le Président, je comprends que le ministre
nouvellement en poste ne soit pas toujours en mesure de vérifier
l'information qu'on lui communique, mais on s'attend cependant qu'il corrige
les fausses déclarations qu'il a faites jeudi dernier,
premièrement, en confondant les enquêtes effectuées sous le
précédent gouvernement à partir de soupçons de
fraude seulement avec les enquêtes systématiques à partir
d'un échantillonnage choisi au hasard, mises en place par le
présent gouvernement; deuxièmement, en affirmant s'inspirer de
l'Ontario quand on sait que la réforme proposée vise justement
à mettre fin chez eux a ces visites systématiques et,
troisièmement, en s'entêtant à déclarer: "II ne se
produit jamais que les agents de l'aide sociale aillent dans les chambres
à coucher des gens."
M. le Président, que répond le ministre à la
plainte officielle déposée vendredi par une
bénéficiaire, dans un centre Travail-Québec:
"Contrairement à ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu a mentionné à la
télévision le 18 octobre dernier, on a inspecté mon
garde-robe et ma chambre à coucher. De plus, cet agent était
très autoritaire et brusque. Il essayait de me faire croire que je
vivais avec un conjoint et que je recevais de l'argent de d'autres
personnes."
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai affirmé en cette
Chambre et également en dehors de cette Chambre qu'à notre
connaissance, au ministère, il n'y a pas eu depuis trois ans - et on me
l'affirme - une seule plainte de bénéficiaires de l'aide sociale
qui alléguerait que des agents visiteurs auraient
pénétré dans les chambres à coucher, puisque c'est
de ça dont il s'agit. Alors, j'ai simplement réaffirmé ce
qu'on m'a dit et ce qui est exact parce que je l'ai vérifié une
deuxième fois. Nous n'avons jamais eu, au ministère, de plaintes
qui portent sur ce point précis. Si la députée de
Maisonneuve peut finalement nous faire connaître et nous acheminer une
telle plainte, je peux l'assurer que nous allons faire enquête parce
qu'il n'est pas question, quant à nous, que nos agents, que nos
vérificateurs, que nos enquêteurs fassent cette sorte de
démarche-là. Nous n'avons pas besoin, pour établir qu'il y
a une situation de vie maritale, que nos agents s'ingèrent dans
l'intimité des foyers. Je peux vous en assurer.
Le Président: Mme la... À l'ordre, s'il vous
plaît! Mme la députée de Maisonneuve en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, comment le ministre
ignore-t-il les dizaines de plaintes qui sont déposées aux
centres Travail-Québec? Je voudrais d'ailleurs déposer copie
d'une d'entre elles déposée au centre Travail-Québec de
LongueuH le 17 octobre dernier. Comment peut-il ignorer la récente
décision dans la plainte d'Hélène G., décision de
la Commission des droits de la personne demandant au ministre de réviser
complètement sa procédure de vérification? Quelle est la
sanction disciplinaire prise dans le cas de cette plainte à
l'égard de l'agent enquêteur qui a été reconnu comme
ayant exactement... (14 h 40)
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
Mme Harel: ...violé les droits fondamentaux d'une
assistée à l'occasion d'une enquête?
Le Président: Vous êtes en additionnelle. M. le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Avant
de vous reconnaître M. le ministre, il y a une demande qui a
été faite par Mme la députée de Maisonneuve. Est-ce
qu'l y a consentement pour que soit déposé le document
cité par Mme...
M. Gratton: Oui, M. le Président.
Le Président: ...la députée de Maisonneuve?
Il y a consentement? Alors Mme la députée de Maisonneuve, si vous
voulez déposer votre document, s'il vous plaît. Je reconnais M. le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve tente de confondre deux choses. C'est une chose d'affirmer que nos
agents visiteurs pourraient pénétrer dans les chambres à
coucher - je le dis et je le répète, nous n'avons jamais eu une
seule plainte à ce sujet - et une autre chose de nous dire que,
peut-être, un ou des agents visiteurs, des exceptions, auraient pu,
à l'occasion, montrer un excès de zèle dans
l'accomplissement de leur travail, lorsqu'ils sont admis dans les foyers. Je
dis et je répète qu'on ne pénètre pas dans les
chambres à coucher et, jusqu'à preuve du contraire, je n'ai
jamais eu un seul cas qui a été rapporté. Pour ce qui est
des excès de zèle qu'on pourrait faire, je dis et
répète que nous n'avons pas besoin, pour établir s'il y a
oui ou non vie maritale, de s'ingérer dans la vie intime des gens. Et je
ne suis pas d'accord pour qu'on le fasse. Pour établir qu'il y a secours
mutuel ou non, la plupart des critères tournent autour des aspects
économiques de la question. Et, en ce qui me concerne, quand on peut
établir que, sur le plan économique, les époux se donnent
les secours mutuels, on a fait un bon bout de chemin pour déterminer si
oui ou non il y a vie maritale et on n'a pas besoin d'aller plus loin que
ça.
Le Président: Mme la députée de
Maison-neuve, en additionnelle.
Mme Harel: Oui, en additionnelle, M. le Président. Le
ministre a certainement pris connaissance de la décision récente
de la Commission des droits de la personne. Je voudrais savoir du ministre
quelle est la sanction ou quelles sont les mesures disciplinaires qui ont
été prises dans ce cas d'abus reconnu de la pan" d'un agent
enquêteur.
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est de là que vient
l'équivoque. La députée de Maisonneuve tente de faire
croire à la population que, dans le cas dont elle parle, il s'agirait
d'un agent qui aurait pénétré par effraction ou encore
dans une chambre à coucher. Ce n'est exactement pas ça le cas
dont on parle. C'est un agent qui s'est fait passer pour un boubou macoute
alors que c'était un agent ordinaire. Ce n'est vraiment pas le
cas...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Bourbeau: M. le Président...
Une voix: Ce n'est pas un boubou; c'est un bourbeau. Un bourbeau
macoute.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, je vois que ça fait
rire quelques députés de l'Opposition. C'est parce que, dans le
langage du métier, les agents visiteurs, c'est une chose et les agents
qui sont au bureau de Travail-Québec qui reçoivent les dossiers,
c'est une autre chose. Dans le cas dont on parie, il s'agissait d'un agent qui
s'est fait passer pour un agent visiteur alors qu'il ne l'était pas
vraiment. Sur ce point-là, effectivement, le tribunal a dit qu'il y
avait eu fausse représentation. Mais de là à
prétendre ou à faire croire que, dans le cas dont on parie, il
s'agissait de quelqu'un qui a pénétré dans les chambres
à coucher - et la députée de Maison-neuve franchit ce
pas-là très allègrement - il y a toute une marge, M. le
Président. Je voudrais que la députée de Maisonneuve ait
l'honnêteté de dire de quoi il s'agissait dans ce
cas-là.
Le Président: Mme la députée de
Maison-neuve, en additionnelle.
Mme Harel: Certainement, M. le Président, avec plaisir. M.
le Président, est-ce que le ministre reconnaît que, dans cette
enquête, il s'agissait justement de vérifier la situation de vie
maritale et que l'agente a été reconnue comme ayant
pénétré par la porte arrière de la maison - je lis
exactement le jugement que j'aimerais déposer également, M. le
Président - et qu'à la fin de la visite...
Le Président: Excusez-moi, Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel:...
Le Président: Vous êtes en additionnelle. Si vous
voulez une autre question principale, je vais vous reconnaître. Vous
êtes en additionnelle et je vous l'ai rappelé trois fois. Si vous
voulez déposer le document, je vais demander le consentement, mais vous
ne ferez pas toute la lecture. Le temps que je vous avais accordé est de
beaucoup dépassé. Vous êtes en additionnelle, et je peux
vous accorder une question principale.
Mme Harel: M. le Président, est-ce que le ministre
reconnaît que, dans le cas qu'il a cité, justement l'agente a
été reconnue comme ayant même soulevé le couvre-lit
du lit dans la chambre et comme ayant pénétré à
l'arrière de la maison? M. le Président, je voudrais
déposer la décision de la Commission des droits de la
personne.
Le Président: Avant de reconnaître M. le ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. le leader du
gouvernement, est-ce que-Une voix: ...et c'est impossible.
Le Président: M. le leader du gouvernement, il y a une
demande de dépôt de document. Il y a consentement.
M. Gratton: Oui, M. le Président, si ça peut faire
marcher les choses.
Le Président: Votre document est déposé, Mme
la députée de Maisonneuve.
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, vous comprendrez qu'il
m'était impossible de suivre pas à pas chacun des agents qui ont
effectué au cours des deux dernières années quelque 280
000 visites à domicile.
Tout ce que je peux dire c'est que, si on peut porter à mon
attention le cas d'un agent qui n'aurait pas respecté scrupuleusement
les directives que nous leur donnons, à savoir de traiter la
clientèle avec dignité et respect, je peux assurer la
députée ainsi que toute la population que je prendrai
immédiatement les dispositions nécessaires pour que la loi et les
règlements soient observés.
Le Président: Mme la députée de
Maison-neuve, en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, au-delà des cas
jugés particuliers par le ministre, comment entend-il donner suite
à l'avis de la Commission des droits de la personne qui l'invite
à revoir toute la procédure de vérification parce que
contraire aux droits fondamentaux reconnus par la charte?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, à la suite des
événements des derniers jours, je suis en train de faire faire
des vérifications pour m'assurer qu'il n'y a pas, dans le réseau
Travail-Québec, d'abus ou d'excès de zèle. D'une
façon générale, je dois dire que nos agents visiteurs se
comportent d'une façon correcte et traitent avec respect et
dignité les clients de l'aide sociale.
Lorsqu'ils vont faire des visites, ils laissent de petites cartes que
les clients peuvent retourner. Et c'est assez surprenant de constater que de
nombreux clients retournent ces cartes et que, dans une proportion de 95 %, les
clients de l'aide sociale visités indiquent qu'ils sont satisfaits de la
façon dont la visite s'est déroulée et de l'attitude de
l'agent visiteur. S'il y a des cas d'abus ou des excès de zèle,
je suis disposé à les regarder et à prendre toutes les
mesures nécessaires pour y mettre fin.
Le Président: Je vais reconnaître, en
troisième question principale cet après-midi, M. le
député de Lévis.
L'utilisation des lignosulfonates sur les
routes
M. Garon: M. le Président, l'utilisation des
lignosulfonates par le ministère des Transports, qui a été
imposée par le ministre à son ministère, démontre
encore une fois le peu de suivi du gouvernement sur les questions de
l'environnement et aussi de la gestion des fonds publics, parce que le ministre
a imposé un produit qui coûte deux fois plus cher et qui est peu
efficace.
On aurait aimé qu'hier, sur les ondes de CHRC, le ministre nous
rassure concernant l'utilisation de ce produit par son ministère. Loin
de là, car il ne semblait même pas connaître les
études que j'ai déposées hier en conférence de
presse. Pour son information, l'étude n'a pas été faite
par les Hautes Études commerciales, mais plutôt par la section du
génie de l'environnement de l'École polytechnique de
Montréal. De plus, cette étude n'a pas quatre ou cinq pages, mais
plutôt quinze pages, sans compter les annexes.
Ma question au ministre des Transports est la suivante. Est-ce que le
ministre qui, en fait, a eu un avis d'une semaine, peut nous expliquer pourquoi
il a imposé les lignosulfonates au ministère des Transports et
pourquoi il a agi d'autorité dans ce dossier?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
enfin on reconnaît les valeurs de chevalier et de guerrier du
député de Lévis qui a préféré se
lever pour une question principale au lieu d'attendre la réplique
à la fin de la période de questions.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre! A l'ordre! À
l'ordre! M. le ministre, je vous ai reconnu.
M. Côté (Charlesbourg): Le député
d'Abitibi-Ouest aurait avantage à écouter toute la
réponse.
Le Président: M. le ministre. M. le ministre. À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): Premièrement...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre des Transports. (14 h 50)
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il y
a d'abord un certain nombre de faits qui méritent d'être
corrigés, compte tenu du communiqué de presse qu'a émis,
hier, au cours d'une rencontre de presse évidemment, le
député de Lévis.
Il dit d'abord, dans son communiqué de
presse, qu'environ 10 000 kilomètres de routes sont
traitées chaque année de cette manière... C'est dans votre
communiqué de presse; si vous ne savez pas lire, ce n'est pas mon
problème. 10 000 kilomètres. Je le cite textuellement. M. le
Président, la première vérité est la suivante: nous
traitons annuellement 10 000 kilomètres sur 40 000 kilomètres de
routes non pavées au Québec par toutes sortes de produits, le
ligno-sulfonate et le calcium. Sur les 10 000 kilomètres, 1474
kilomètres ont été traités en 1988, donc
approximativement 4 %. C'est la vérité et c'est votre
première menterie. La deuxième...
Le Président: M. le ministre des Transports, s'il vous
plaît, voulez-vous retirer le dernier qualificatif? Parfait. Continuez,
M. le ministre des Transports...
Des voix: Ah!
M. Côté (Charlesbourg): M. le
Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): Effectivement, je retire le
mot "menterie". C'est une inexactitude qui a très certainement
échappé au député de Lévis.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): La deuxième, M. le
Président, il cite le chercheur, le professeur Delisle. Il aurait
dû le citer globalement, puisque j'aurai l'occasion de rencontrer la
presse pour corriger les faits après la période de questions.
Lorsque le député de Lévis prétend que, selon
l'étude précitée, celle du Dr Delisle, les
ligno-sulfonates comportent des dioxines. Il induit la population en erreur par
une citation tronquée. De fait, le député de Lévis
aurait dû citer la citation au complet. Je la cite pour lui, M. le
Président. Il aurait dû dire, et c'est textuel à
l'intérieur de l'étude: "Un article du Globe and Mail de
1987 laisse planer le doute qu'en présence de chlore, il peut se former
des dioxines qui incorporeraient au papier ou seraient rejetées dans les
effluents des usines. Ces dioxines seraient du PCD qui s'apparente au BPC et
qui peut donner naissance à quelque 75 congénères.
Le Président: En conclusion.
M. Côté (Charlesbourg): Ce sont les deux faits qui
méritaient d'être corrigés, M. le Président. Tant
qu'à citer, citons dans le contexte. Je n'ai pas fini, M. le
Président.
Le Président: Vous allez avoir d'autres additionnelles, je
pense, M. le ministre des Transports. Vous en aurez plusieurs.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président...
Le Président: En conclusion, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg):... voulez-vous rappeler
à l'ordre le député d'Abitibi-Ouest parce que, dans les
prochaines questions...
M. Gendron: M. le Président...
M. Côté (Charlesbourg):... il y en aura pour lui
aussi.
M. Gendron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur
une question de règlement, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Voulez-vous rappeler au ministre des Transports que
c'est vous, comme président, qui êtes en train de le rappeler
à l'ordre? Il n'y a pas une période de questions pour M.
Côté. Il y a une période de questions et un
règlement.
Des voix: Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si
vous voulez, je vais reconnaître M. le député de
Lévis, en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, je vais reposer ma question au
ministre des Transports. Ce que j'ai déposé en conférence,
ce sont les études au complet et non pas des extraits. Ce sont les
études au complet. Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi
il a imposé les ligno-sulfonates au ministère des Transports et
pourquoi il a agi d'autorité pour imposer d'autorité,
lui-même, il y a deux ans, l'épandage de ligno-sulfonate. En 1987,
il s'agit de près de 20 000 tonnes; environ 18 000, pour être
précis.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Ayant corrigé les
erreurs de fait évoquées par le député de
Lévis hier, on arrive à l'essentiel de la question du
député de Lévis. Pour comprendre ce qui s'est passé
en 1987, il faut remonter dans le temps, et c'est là que le
député d'Abitibi-Ouest disait tantôt que c'est chez lui
qu'il y avait eu de la merde. Il va comprendre.
C'est donc en 1979 qu'a commencé l'expérience en
Abitibi-Témiscamingue...
Des voix: Non, non, non. Le Président: S'il vous
plaît!
M. Côté (Charlesbourg):... qui a été
répétée en 1982...
Des voix: Ah!
M. Côté (Charlesbourg):
...répétée en 1984...
Des voix: Ah!
M. Côté (Charlesbourg): ...et
répétée en 1986 sur une base expérimentale en
Abitibi-Témiscamingue par la compagnie Tenbec.
M. le Président, c'est donc là qu'a commencé
l'expérience. Au lieu de jeter au fleuve certains produits des
compagnies papetières, on a voulu, avec de la recherche, faire en sorte
qu'on puisse les utiliser de manière beaucoup plus intelligente qu'on ne
le faisait dans le passé. Cela a été salué comme
une expérience assez valable à l'époque par les gens du
ministère de l'Environnement et du ministère des Transports.
Lorsque je suis arrivé au ministère des Transports, on m'a
parié d'une situation de monopole. C'est là l'autre
élément. Un mot très cher au député de
Lévis lorsqu'il s'agit de transporter des voitures, en particulier par
des gens de l'Ontario. On se retrouve aujourd'hui avec une situation où
le compétiteur est le calcium, distribué par un distributeur du
Québec mais fabriqué en totalité en Ontario. Le
ministère des Transports, à la merci d'un seul produit comme
abat-poussière et qui était celui du calcium, a mené ainsi
l'expérience sur une plus longue échelle en 1987 et 1988 afin de
vérifier si, effectivement, sur le plan économique et sur le plan
du rendement, on pouvait...
Le Président: Conclusion.
M. Côté (Charlesbourg): ...avoir une
compétition au calcium.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, est-ce que le ministre des
Transports peut nous expliquer pourquoi le 13 octobre 1988 à 11 h 5 il
affirmait en commission parlementaire...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Garon: ...en pariant du produit: "Cela n'a jamais
réussi à franchir les barrières du ministère - je
le cite au texte - cela n'a jamais réussi à franchir les
barrières du ministère alors que c'est moi qui, depuis deux ans,
ai imposé qu'on fasse cette expérience. Peut-il nous expliquer sa
décision d'imposer un produit qui n'avait jamais passé les
barrières du ministère?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, bien
sûr, lors des engagements financiers, on répond au roman-fleuve
des questions posées par le député de Lévis. C'est
la démocratie qui est ainsi. J'ai répondu et on s'exprime. Dans
ce sens, il est clair qu'à partir du moment où nous sommes en
situation monopolistique avec le calcium, on se demande si on peut appuyer des
gens de chez nous, du Québec, qui veulent avoir des produits
compétitifs et qui veulent l'appliquer. Il y avait effectivement une
certaine résistance au ministère, compte tenu du fait que,
à sa base même, ce produit ne peut pas être appliqué
partout.
Il y avait donc la question du produit lui-même, à savoir
s'il était toxique ou non. C'est un produit qui n'est pas toxique mais
qui peut, par certains aspects, être dangereux.
En cours d'expérience, après l'année 1986 et en
particulier après l'année 1987, nous avons donc répondu
à certaines exigences de l'environnement quant à la pose. Je
conclus là-dessus, M. le Président. On exigeait trois conditions.
On a donc imposé ces conditions. Une première était que
les pH soient testés à la sortie de l'usine, que,
deuxièmement, il n'y ait pas d'épandage à moins de 30
kilomètres d'un cours d'eau ou d'un ruisseau, ce qui a été
fait et, troisièmement, que la norme ne dépasse pas quatre litres
par mètre cube. Et nous avons fait 1,5 litre par mètre cube.
En terminant, comme exemple, puisque le député de
Lévis s'est amusé la semaine dernière à mesurer les
effets sur les poissons en citant l'étude, les poissons, c'est
exactement comme un être humain: Si vous avez un mal de tête et que
vous prenez deux aspirines, vous avez des chances de le régler. Si vous
prenez le pot, vous avez des chances de mourir. C'était ça votre
réponse.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il a choisi
de tenter de trouver une alternative à un monopole en imposant un
produit deux fois plus coûteux, au moins deux fois moins efficace et qui
présente, pour l'environnement des dangers beaucoup plus
élevés que le produit qui était utilisé
antérieurement entre 1981 et 1986, sort le chlorure de calcium, et que
les huiles avaient été interdites par le ministère de
l'Environnement en 1980?
Le Président: M. le ministre des Transports,
brièvement.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président.
Très brièvement sur la première partie. Je passerai la
parole à mon collègue pour la deuxième, la première
étant les coûts. Vous vous basez sur un rapport du
ministère de 1987 dont je ne nie pas l'existence. C'est que nous avons
fait une étude sérieuse et appropriée en 1987 qui n'arrive
pas aux mêmes résultats, en 1988, après les
données que nous avons compilées. À la fin de
novembre, l'étude sera terminée. Les données
préliminaires nous laissent déjà croire que, sur le plan
économique, ça peut être un produit compétitif avec
le calcium.
Quant à la qualité du produit, c'est davantage à
mon collègue de l'Environnement d'y répondre.
Le Président: Avant de vous reconnaître, M. le
ministre de l'Environnement, il reste à peine quelques secondes.
C'était une question additionnelle. Je voudrais que vous soyez
très bref, à moins que je ne reconnaisse tout à l'heure
une autre question additionnelle.
M. Lincoln: Que le député de Lévis me pose
une question afin que j'aie le temps de lui répondre parce que quelques
secondes...
Le Président: Très brièvement, s'il vous
plaît.
M. Lincoln: J'aurais voulu prendre mon temps pour bien lui
répondre et corriger toutes les faussetés qu'il a avancées
dans le journal. (15 heures)
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Le ministre de l'Environnement pourrait-il nous dire ce
qu'il pense des déclarations du Dr Claude Delisle, de l'École
polytechnique de Montréal, qui disait au poste CHRC, vers midi et demi:
On conclut que même à des concentrations inférieures
à 1 % de ce produit, en parlant des lignosulfonates, la faune aquatique
est affectée, les truites arc-en-ciel en meurent, les crustacés
et les algues aussi.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: II y a plusieurs choses à souligner.
J'espère que vous allez me donner un peu de temps. D'abord, dans
l'étude du... D'accord, d'accord.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Dans l'étude...
Le Président: C'était une question
additionnelle.
M. Lincoln: Écoutez, si le député
d'Abitibi-Ouest peut répondre, qu'il réponde. Il n'a pas de
réponse. Il n'a de réponse à rien. Laissez-moi
répondre.
Le Président: Allez, M. le ministre. M. Lincoln:
Qu'il se taise.
Le Président: M. le ministre. M. Lincoln: Qu'il se
taise. Une voix: Oui, il va répondre. Une voix:...
Le Président: Ce n'est pas une question de
règlement. M. le ministre de l'Environnement, s'il vous plaît. M.
le ministre de l'Environnement. M. le ministre de l'Environnement, vous avez la
parole.
M. Lincoln: Tout d'abord, dans l'étude du professeur
Delisle, la dernière référence bibliographique date de
1977, à part l'article - oui, regardez bien votre page - à part
une communication personnelle du Dr Brouzes en 1987 et à part un article
du Globe and Mail de 1987. L'article du Globe and Mail, comme l'a
souligné mon collègue, n'a pas effet sur la matière dont
on parle, les lignosulfonates, parce que les lignosulfonates ne contiennent pas
de chlore, donc ils ne peuvent pas produire de dioxines. Voilà la
première réponse qu'on vous fait.
Deuxièmement, depuis 1977, il y a eu une étude
d'Environnement Canada en 1982, il y a eu une étude d'Environnement
Ontario en 1985, il y a eu une étude du ministère de
l'Environnement du Québec soumise à la direction régionale
de l'environnement au Témiscamingue en juin 1984, sous votre
administration...
Le Président: En conclusion.
M. Lincoln: ...par le ministère de l'Environnement en
Abitibi-Témiscamingue pour dire que le lignosulfonate n'était
nullement plus toxique que le calcium. C'était une étude sous
votre administration...
Le Président: En conclusion, s'il vous plaît.
M. Lincoln: ...par le ministère de l'Environnement. Cela a
été confirmé par Environnement Ontario en 1985. Ce n'est
pas contenu dans l'étude de M. Delisle. Donc, M. Delisle a stoppé
toutes ses recherches en 1977 à part un article du Globe and
Mail...
Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît. En
conclusion, s'il vous plaît, ça fait quatre fois.
M. Lincoln: Le lignosulfonate ne contient pas de chlore, donc il
ne peut pas produire de dioxine. Toute votre affaire tombe à l'eau,
c'est une grosse balloune.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle. M. le député de Lévis, en additionnelle.
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député
de Lévis, en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, je veux demander au ministre de
l'Environnement s'il considère que l'étude préliminaire
que faisait déjà en novembre 1987 le Dr Delisle, qui a
été complétée en septembre 1988, ou terminée
en septembre 1988, mais tous les éléments étant celle de
1987... Pourquoi l'a-t-il nommé au conseil d'administration de Kativik
le 13 janvier 1988?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: "Big deal". Parce que monsieur a produit une
étude, ça ne veut pas dire que tous les gens sont parfaits dans
toutes les études. Tout ce que je veux vous dire, c'est qu'il n'a pas
tenu compte dans ses conclusions d'une étude d'Environnement Canada en
1982, d'une étude du ministère de l'Environnement de l'Ontario en
1985, d'une étude du ministère de l'Environnement. C'est
malheureux qu'il ne l'ait pas fait. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas un
professeur tout à fait valable que le professeur Delisle. Je constate
des faits par rapport à une étude spécifique qu'il a
faite, mais cela ne veut pas dire qu'il n'est pas tout à fait valable
pour siéger au comité Kativik. Pourquoi pas?
Le Président: Je vais reconnaître une principale
à M. le député de Bertrand.
Les heures d'affaires des établissements
commerciaux
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, à la
suite du dépôt du rapport Richard, les Québécois ont
constaté que l'actuel gouvernement a été incapable
jusqu'à maintenant de trancher sur la question des heures d'affaires.
Pourtant, dans cette Chambre, il y a un an, nous avions prévenu le
ministre de l'Industrie et du Commerce d'alors d'agir avant qu'il soit trop
tard. Aujourd'hui, le ministre propose une libéralisation très
large sur les heures d'affaires tandis qu'une large partie de son caucus
ministériel s'y oppose. Le ministre de l'industrie et du Commerce
peut-il nous dire quand il entend statuer définitivement sur la question
des heures d'affaires, qui est un dossier urgent actuellement au
Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie. M. le ministre.
M. MacDonaW: M. le Président, contrairement à ce
que dit le député de Bertrand, le ministre n'a pas statué,
n'a pas déclaré, n'a pas favorisé un scénario par
rapport à un autre. Ce que j'ai dit, c'est que nous allions, à la
suite des études qui nous ont été fournies - le rapport
Richard et d'autres, par les gens de mon ministère - nous former une
idée et la présenter avec alternatives au caucus des
députés. Il me fait plaisir de vous dire, M. le Président,
que ce sera fait ce soir.
À partir de ce que, j'espère, sera un consensus sur la
situation qui sera présentée et les solutions
recommandées, nous pourrions - j'espère encore pouvoir le faire -
avant la fin du mois d'octobre, annoncer ce qui pourrait être une
position du gouvernement. C'est une situation que vous savez fort complexe, qui
a été - et le terme n'est peut-être pas
exagéré - pourrie par des exceptions tellement nombreuses et
disparates que vous avez retrouvé la situation actuelle qui est
réellement une situation difficile pour plusieurs commerçants et
qu'on se doit de régler.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre peut nous confirmer
si les faits et gestes de son adjoint parlementaire, qui ont été
dénoncés par la FTQ, le 18 octobre dernier, sont
véridiques, et nous dire ce qu'il entend faire face a cette
situation?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie.
M. MacDonakJ: Je me considère privilégié
d'avoir le député de Vimont comme adjoint parlementaire. Dans les
circonstances et compte tenu de son expérience de 30 ans dans le
commerce, je lui ai demandé de m'aider, de m'ouvrir des portes, de me
donner accès à des renseignements qui me permettraient de mieux
connaître la situation. Mais ne nous méprenons pas. Ce n'est pas
l'adjoint parlementaire qui va décider de la position du
gouvernement...
Des voix: Ah!
M. MacDonak): Ce n'est pas non plus...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît. Allez, M. le ministre, vous avez la
parole.
M. MacDonald: Je n'ai pas eu la prétention non plus que ce
serait le ministre, c'est le gouvernement face aux faits que nous allons leur
étaler, c'est-à-dire aux collègues du caucus, qui verront
à prendre la décision qui s'impose.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Le ministre n'a pas répondu à
ma question. Est-ce que le ministre confirme les faits et gestes qui ont
été dénoncés par la FTQ, local 503, le 18 octobre
dernier, qui plaçaient son adjoint parlementaire dans une situation
conflictuelle par rapport à ses activités
et au rôle qu'il joue auprès du ministre?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce. M. le ministre.
M. MacDonald: Je ne considère pas et je n'ai pas
considéré, en aucun temps, que le député de Vimont
était en conflit d'intérêts dans les recherches qu'il a
faites à ma demande.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
Alors, je vais reconnaître une cinquième principale
à la formation ministérielle. M. le député de
Chambly.
L'élimination des BPC de
Saint-Basile-le-Grand
M. Latulippe: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Environnement. Au mois d'août dernier, 4000 de mes
concitoyens ont vécu un drame humain important à la suite de
l'accident écologique de Saint-Basile-le-Grand. Aujourd'hui, les gens de
ma région regardent vers l'avenir et veulent dorénavant vivre
dans un environnement propre.
Ils ont gardé pour vous, M. le ministre, un profond respect
à cause de votre franchise et de votre comportement pendant la crise.
Malheureusement, les barils de BPC sont toujours dans l'entrepôt de
Saint-Basile, un petit peu comme une bombe à retardement à
côté de nos résidences. D'ailleurs, la toile qui les
recouvrait s'est effondrée samedi.
Quand, M. le ministre, les BPC se trouvant dans l'entrepôt de
Saint-Basile seront-ils éliminés une fois pour toutes?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. (15 h
10)
M. Lincoln: M. le Président, nous avons un contrat qui a
été donné récemment pour une période qui va
aller de dix à quatorze semaines et qui va avoir pour effet de restocker
tout ce qu'il y a de contenu dans les barils et les contenants qui
étaient dans l'entrepôt lors de l'incendie, pour les transposer
dans des conteneurs sécuritaires pour fins de transit. Ce travail, comme
je l'ai dit, va prendre entre dix et quatorze semaines. Nous espérons
que, d'ici le 15 décembre environ - peut-être un peu plus tard -
tout ce travail sera terminé. J'ai commencé des
négociations avec mon homologue d'Alberta, entre autres, pour essayer de
voir s'il était possible de faire une élimination de ces produits
en Alberta. Les négociations vont bien, mais pour cela il faut avoir en
détail tout ce qui se trouve dans l'entrepôt.
De toute façon, je peux vous renouveler un engagement que j'ai
déjà pris envers les comités de citoyens qu'aussitôt
le travail des entrepreneurs terminé, tout ce qu'il y a de barils sera
déplacé de Saint-Basile, du site actuel, et quittera l'endroit
complètement.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Chambly.
M. Latulippe: À ce stade-ci, pouvez-vous nous dire, M. le
ministre, quels procédés seront utilisés pour
éliminer définitivement ces BPC?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Cela, je vous le dis sous toute réserve, parce
que je n'ai pas envie de mettre des paroles ou dire que les Albertains ont pris
des engagements. Je pense que ce ne serait pas correct de ma part de dire cela.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai eu de longues discussions avec
eux et, en principe, ils sont d'accord pour regarder tous les déchets
d'entreposage du Québec.
Avant de nous donner une réponse définitive, ils veulent
connaître la quantité exacte de gallons et de barils qui sont
là pour être éliminés. Ce que nous espérons
faire, c'est avoir des conteneurs qui vont sans doute transiter par train
directement vers l'usine de l'Alberta, afin qu'il n'y ait aucun délai.
À ce moment-là, cela pourrait aller directement à l'usine
d'élimination de l'Alberta pour être éliminé. Nous
pensons que c'est cela qui sera le scénario mais, jusqu'à
présent, ces négociations étaient des négociations
que nous avons faites, sujettes à tous les détails des
quantités du contenu à être données à
l'Alberta et, cela, nous ne sommes pas en mesure de le faire tout de suite.
Aussitôt que ce sera fait, je pourrai vous donner une
réponse plus définitive là-dessus. Mais c'est probablement
l'alternative qui sera suivie.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, le ministre, qui a
maintenant retrouvé la parole sur le dossier de Saint-Basile, peut-il
nous dire s'il est exact que, dans un premier temps, cette fameuse tente ou
cette toile devait coûter 200 000 $ et qu'il en a effectivement
coûté 500 000 $ pour l'installer?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je ne peux pas vous dire le montant exact du
coût de la toile parce que des contrats ont d'abord été
donnés pour la clôture qui a entouré tout le site, et pour
la toile. Je vais obtenir tous les chiffres exacts et je vous les donnerai. Si
c'est 500 000 $, je vous le dirai.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre soutient en cette Chambre ce
qu'il a soutenu en dehors de cette Chambre, que maintenant, au
ministère, on a la conviction qu'il n'était pas nécessaire
d'installer cette dite tente ou cette dite toile?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Au moment où la toile a été
installée, il y avait des situations d'urgence où des
poussières de BPC avaient été emportées par le
vent. Il y a eu des cas, par exemple, de policiers de la Sûreté du
Québec et des gens qui travaillaient à côté de
l'entrepôt, des résidents de là qui commençaient
à souffrir des émanations du site. La recommandation qui a
été faite par des experts sur place a été de
circonscrire le site avec des abat-poussière, et le système a
été installé à ce moment-là. Dans le temps
que cela se faisait, c'était exactement la chose dont on avait besoin et
c'était essentiel à ce moment en urgence.
Le Président: Je vais reconnaître une autre
additionnelle à M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Le ministre de l'Environnement peut-il nous
dire s'il a fait des représentations auprès de son
collègue responsable de la Sécurité publique à la
suite de demandes des citoyens concernés le 7 octobre dernier à
votre bureau, alors que ceux-ci se disaient totalement insatisfaits du type de
dédommagement du décret? Qu'est-ce qu'il a fait exactement,
à ce jour, auprès de son collègue, afin de corriger cette
situation pour les citoyens concernés?
Le Président: M. ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je vais passer la parole à mon collègue
de la protection civile qui vous répondra. Oui, cela a été
discuté. Comme vous le savez aussi, l'autre jour, il y a eu une
rencontre des citoyens avec le premier ministre qui est tout à fait
informé de la question. Les documents qui m'ont été soumis
sont maintenant en possession du ministre de la Sécurité publique
et du bureau du premier ministre. Donc, mon collègue va vous
répondre là-dessus.
Le Président: M. le ministre.
M. French: Je ne suis pas certain de ce qui a été
discuté précisément à cette réunion
particulière du début de septembre, avec mon collègue,
mais je suis conscient des trois ou quatre questions que se posent les
individus concernés par l'événement. Il est évident
que dans une circonstance aussi difficile, on sympathise beaucoup avec la
situation des gens.
C'est pourquoi on a fait une distribution rapide de fonds pour
défrayer un certain nombre de coûts ainsi que d'une somme
forfaitaire pour chaque foyer affecté. Je suis conscient de trois ou
quatre problèmes en marge. Pour être plus précis dans mes
réponses, j'aimerais bien que le député de Bertrand
précise quelles sont les questions qui le préoccupent le
plus.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Ma question s'adressait au ministre de
l'Environnement. Je voulais savoir si le ministre de l'Environnement a tenu la
promesse qu'il a prise devant les présidents d'associations, des
propriétaires à savoir qu'il ferait des représentations et
défendrait les intérêts de ces gens auprès de son
collègue, puisqu'ils ne sont pas satisfaits du règlement que le
gouvernement a proposé.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je ne sais pas pourquoi les gens de l'Opposition,
chaque fois, sentent le besoin d'élever la voix. On dirait que ce serait
plus véridique s'ils élèvent la voix et commencent
à s'exciter. Tout ce que je vais dire bien calmement au
député de Bertrand, qui était de toutes les discussions
que nous avons eues et qui a entendu tout ce qui s'est passé, c'est que
j'allais transmettre leurs représentations. Comme vous le savez, il y a
eu un changement de ministre depuis. Mon collègue est en train
d'étudier tous les dossiers. La recommandation principale faite par les
gens du comité était que le chiffre de 600 $ qui avait
été inscrit dans le décret, n'était pas assez. Ils
demandent une somme additionnelle pour des problèmes psychologiques et
du stress. Ils voulaient considérer une somme d'environ 2000 $. Il est
certain que j'en ai discuté. Il est certain que le premier ministre est
au courant de la chose. Il a lui-même rencontré, l'autre jour, les
représentants des citoyens qui lui ont fait les mêmes
constatations. Tous ces documents circulent. Le comité des citoyens les
a envoyés partout au gouvernement.
Personnellement, je ne me suis jamais engagé, M. le
député, à dire: J'accepte votre revendication comme la
mienne et je vais la défendre comme étant valable. J'ai dit: Oui,
je vais la transmettre. Oui, je vais en parler. Mais je n'ai pas pris de
position là-dessus parce que ce n'est pas...
Le Président: Conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: ...à moi de prendre position. C'est au
ministre responsable. C'est à lui de décider et de faire des
recommandations au Conseil des ministres.
Le Président: Je vais reconnaître maintenant une
sixième principale cet après-midi, à M. le leader de
l'Opposition.
Aide financière aux étudiants des
cégeps et des universités
M. Gendron: Oui, M. le Président. Depuis au-delà de
trois ans, les étudiants des cégeps et des universités
attendent la soi-disant réforme de l'aide financière
proposée par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science. Reporté de trois mois en trois mois, le projet sera
peut-être annoncé en décembre pour s'appliquer
peut-être à compter de l'automne 1990, c'est-à-dire dans
deux ans. Les étudiants s'impatientent de plus en plus et envisagent une
grève dès cette semaine pour amener le ministre à mettre
ses cartes sur table.
La question est la suivante, M. le Président. Le ministre
reconnaît-il que par ses promesses de réforme, ses longues
tergiversations, son refus d'associer et de consulter de près les
représentants étudiants, il est en quelque sorte le premier
responsable de l'éventuel conflit qui perturbera malheureusement les
études collégiales et universitaires, dès cette semaine?
En conséquence, entend-il poser les gestes requis pour éviter
cette situation?
Le Président: M. le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je crois me souvenir que lorsque le Parti
québécois était au pouvoir, le député
d'Abitibi-Ouest était ministre de l'Éducation et non pas ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Science. Il ne peut pas se
souvenir, par conséquent, du marasme administratif dans lequel le
gouvernement précédent avait laissé le régime de
l'aide financière.
Des voix: Bravo!
M. Ryan: Ce n'est pas correct, ça.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, vous avez la
parole.
M. Ryan: La première année de notre mandat a
été consacrée à rep\ac&T l'appareil
administratif qui était un vrai fouillis et une source de gaspillage.
Avec le cafouillage de l'appareil que vous avez créé Girafe 2000,
vous vous en rappelez? Écoutez ce qui se dit dans les milieux
étudiants. Entendez-vous des plaintes sur la façon dont le
système fonctionne? Vous n'en entendez plus. Les réponses sont
reçues à temps. On sait exactement ce qu'il en est. (15 h 20)
Sur les changements de fond, j'ai prévenu les étudiants
dès le début que nous envisagions des modifications, mais que
nous les ferions en nous souvenant que nous avons déjà, au
Québec, le régime d'aide financière le plus libéral
de tout le Canada. Cela ne veut pas nécessairement dire que toutes les
catégories d'étudiants sont traitées de manière
satisfaisante. Nous convenons qu'il y a des améliorations à
apporter. Nous travaillons sérieusement à mettre des propositions
d'amélioration au point. Ainsi que je l'ai dit aux étudiants
encore récemment, aux dirigeants de l'ANEQ en particulier, je soumettrai
des propositions au gouvernement dans un avenir très prochain visant
à mettre de l'avant des améliorations significatives. En cours de
route, nous avons toujours été ouverts aux représentations
que voulaient nous faire les organismes étudiants. L'ANEQ, en
particulier, a participé à plusieurs rencontres, tantôt
avec moi-même tantôt avec mes collaborateurs. Ceux qui voudraient
dire que nous n'avons pas entendu leur point de vue ne sont pas informés
des faits ou ne veulent pas les voir.
Le Président: En additionnelle, M. le leader de
l'Opposition.
M. Gendron: En additionnelle, M. le Président. J'ai
rencontré beaucoup d'étudiants et pas un ne m'a dit qu'il irait
en grève, probablement à cause des problèmes de Girafe, de
la grande "girafe" du ministre de l'Éducation... La grève, M. le
ministre, êtes-vous conscient que c'est parce que vous avez fait des
promesses qui ne sont pas encore actualisées et que, en
conséquence, les étudiants trouvent que vous n'avez pas tenu vos
engagements, soit de les associer à la réforme, d'une part et,
d'autre part, s'assurer que la réforme soit applicable dans les
meilleurs délais possible? Pour faire suite à ses engagements le
ministre entend-il corriger ces deux situations?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Si le député d'Abitibi-Ouest veut
être sérieux, il conviendra que la réforme de l'aide
financière aux étudiants doit s'arrimer avec la réforme de
l'aide sociale, avec les mesures fiscales, avec les solutions qui seront
apportées au problème de financement des universités. Nous
ne pouvons pas régler ces problèmes en pièces
détachées. Nous travaillons dans une perspective d'ensemble. Nous
travaillons selon un échéancier très raisonnable et je
suis convaincu que là où les étudiants seront
informés de tous les faits du dossier, ils prendront une décision
contraire à celle que veulent leur proposer certains leaders qui,
quelquefois, font prendre des votes de grève à des
assemblées de 150 ou 200 personnes présentes sur une
clientèle parfois de 5000 étudiants.
Le Président: M. le leader de l'Opposition,
en additionnelle.
M. Gendron: Le ministre de l'Éducation ne convient-il pas
que si, aujourd'hui, les éléments d'une révision des
prêts et bourses sont interreliés à d'autres
éléments, il en était comme cela au moment où vous
avez fait votre engagement, au moment où vous avez pris l'engagement de
réformer les prêts aux étudiants? Pourquoi à ce
moment-là n'avez-vous pas indiqué, comme c'était
relié à d'autres situations, d'attendre à l'an deux mille
avant de voir une révision?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science?
M. Ryan: Je ne pense pas que le député
d'Abitibi-Ouest, qui est nouveau dans le dossier, soit au courant de tous les
faits. Je n'ai jamais pris d'engagement à court terme. J'ai toujours
indiqué aux représentants des associations étudiantes que
cette entreprise prendrait assez de temps. Le seul décalage qui soit
survenu... J'avais dit: Nous essayons de publier un énoncé
d'orientation pour l'été et là, il est reporté
à la fin de 1988. Un délai de quatre ou cinq mois dans une
entreprise comme celle-là, il n'y a pas de quoi s'étonner pour
quelqu'un qui a déjà travaillé au gouvernement. Non, c'est
faux! C'est faux!
M. Gendron: M. le leader de l'Opposition. À l'ordre!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Je précise...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Ryan: J'entends des voix qui parlent de trois ans. Je sais que
c'est long dans l'Opposition...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: ...mais nous suivons l'échéancier que nous
avions tracé à une différence de quatre ou cinq mois
près. Il n'y a pas lieu de s'en formaliser. C'est bien plus vite que ce
que vous avez fait de votre côté.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Le ministre de l'Éducation ne convient-il pas
au moins que l'une des raisons des profondes inquiétudes des
étudiants concernant l'éventuelle réforme qu'ils ne voient
pas arriver est directement reliée à votre coupure de 70 000 000
$ d'endettement additionnel que vous avez occasionné aux
étudiants?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.
M. Ryan: Encore ici, il faudrait replacer dans leur contexte ces
mesures auxquelles le député d'Abitibi-Ouest fait allusion. Il
est vrai que nous avons accru la marge d'aide financière qui va du
côté du prêt plutôt que du côté de la
bourse pure. Il y avait un déséquilibre dans le régime de
l'aide financière du Québec en vertu duquel la partie qui allait
en bourse était de beaucoup supérieure à celle qui
était donnée sous la même forme dans les autres provinces
du Canada. Nous avons redressé quelque peu la balance, non pas de
manière complète, mais en même temps, nous avons mis plus
d'argent en circulation pour l'aide financière aux étudiants
depuis trois ans. Et cela, on devrait le souligner également si on veut
parler du problème qui intéresse le député
d'Abitibi-Ouest.
Le Président: Je vais reconnaître une
septième question principale à M. le leader adjoint de
l'Opposition.
Postes affectés à la prévention
à la CSST
M. Jolivet: Merci, M. le Président La semaine
dernière je déposais une motion qui voulait souligner la Semaine
de la santé et de la sécurité du travail. Le ministre du
Travail, responsable de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, avait même souscrit à cette
motion et se félicitait même du bon travail accompli dans ce
domaine. Le ministre, cependant, laissait sous silence les 163 personnes qui
sont décédées sur les lieux de travail, le fait qu'il y a
dix fois plus de personnes qui en 1986-1987, ont été
touchées par une incapacité permanente. Le ministre faisait aussi
abstraction des 8000 cas actuellement en appel devant la Commission d'appel
avec 26 personnes qui doivent s'en occuper. Et on ajoute même a ce
moment-là d'autres éléments.
La question que je veux poser au ministre concerne justement ce qui est
actuellement en discussion à la commission, soit de diminuer de 250 les
800 postes actuellement affectés à la prévention. On se
souviendra, M. le Président, que le ministre en faisait son leitmotiv la
prévention. Alors, je demanderais au ministre du Travail s'il est exact
que la Commission de la santé et de la sécurité du travail
a l'intention de couper dans un avenir très rapproché 250 des 800
postes actuellement affectés à la prévention?
Le Président: M. le ministre du Revenu et ministre du
Travail.
M. Séguin: Oui, merci, M. le Président. Je remercie
mon collègue de poser une question d'intérêt public, je
pense, concernant la CSST II n'est pas tout à fait exact qu'il y ait des
projets de diminuer la prévention. Au contraire, comme
l'a souligné mon collègue, nous avions, la semaine
passée, la semaine de la prévention, à l'occasion de la
Semaine de la sécurité et de la santé du travail. Nous
avions l'occasion d'instaurer, à partir de mercredi dernier, tous les
troisièmes mercredis du mois d'octobre chaque année, pour
commémorer les accidentés du travail au Québec. Je pense
que cela s'inscrit dans les efforts de la CSST, depuis quatre ans en
particulier, pour réduire les accidents et sensibiliser la population au
danger des accidents du travail, que ce soit chez les employeurs et chez les
employés. Alors, les efforts de la CSST sont graduels et croissants. Je
le soulignais tantôt, depuis quatre ans, la CSST examine sans
relâche tous les programmes pour améliorer la prévention
et, cette année, ce sera encore dans ce sens-là. Je verrai
prochainement avec la direction du conseil d'administration de la CSST à
discuter avec eux des façons de le faire. Je vois s'agiter mon
collègue sur son fauteuil qui semble avoir quasiment plus d'informations
que la CSST en aurait elle-même pour prendre la décision. Alors,
on avisera en temps et lieu.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Jolivet: Ma question est bien simple. Les gens nous le
confirment, on a l'intention de couper des postes à la prévention
et le ministre nous indiquait la semaine dernière qu'il souhaitait que
la prévention soit plus dynamique et plus musclée. Donc, est-ce
que le ministre peut confirmer les informations que nous avons voulant qu'il y
ait une décision à la CSST de couper des postes à la
prévention? C'est cela la question.
Le Président: M. le ministre du Revenu et ministre du
Travail.
M. Séguin: M. le Président, mon collègue ne
voudrait tout de même pas que je confirme ou que j'infirme des
pseudo-informations. Il dit avoir entendu dire que... Ce que je peux
préciser ici, c'est que nous faisons de la prévention une
politique générale à l'intérieur de la CSST et que
tous les moyens seront mis en oeuvre pour améliorer l'exercice de la
prévention. Je discuterai avec la CSST des moyens à retenir et
non pas avec mon collègue. Je ne pense pas que j'aie à faire le
choix des moyens ici. Je répondrai de temps à autre au
succès que nous aurions pu avoir, et on verra l'année prochaine
si nous avons réussi à améliorer la prévention. (15
h 30)
Le Président: En principale, M. le député de
Taillon.
Congédiement d'un procureur de la couronne
candidat aux élections fédérales
M. Filion: Oui, je vous remercie, M. le Président. Ma
question s'adresse bien simplement au ministre de la Justice. Les journaux ont
fait état la semaine dernière du fait qu'un procureur de la
couronne désirait porter sa candidature aux élections
fédérales. Ces mêmes journaux faisaient état du fait
que le ministère, se référant bien sûr à une
loi existante, s'opposait à ce que cet employé du
ministère public pose sa candidature, donc exprime ses opinions
politiques. Cependant, le ministre n'est pas sans savoir que la Charte des
droits et libertés de la personne permet également la
liberté d'expression et d'opinion, dont l'opinion politique, dont la
conséquence normale est le fait de se porter candidat à une
élection fédérale, provinciale ou municipale. Est-ce que
le ministre de la Justice peut nous dire s'il a examiné ce dossier, s'il
a revu l'opinion de ses fonctionnaires pour faire en sorte que ce procureur de
la couronne puisse conserver son emploi tout en faisant valoir ses opinions
politiques de façon démocratique?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, je voudrais tout
d'abord remercier le député de Taillon pour cette première
question qu'il me pose en mes responsabilités de ministre de la Justice
et je voudrais l'assurer de mon entière collaboration. S'il y a un
domaine où l'on n'a pas à faire de partisanerie politique, c'est
bien le domaine de la justice. Je veux l'assurer de mon entière
collaboration. Il est juriste, il connaît évidemment les limites
que j'ai en répondant aux questions, mais je vais quand même
tenter d'être le plus clair possible.
En ce qui regarde ce cas, M. le Président, j'ai dû tout
simplement appliquer l'article 8 de la Loi sur les substituts du procureur
général qui est très clair et qui mentionne
expressément que les substituts ne peuvent se livrer à des
activités de partisan sur le plan politique. J'ai alors appliqué
cet article. M. Tremblay aurait pu demander d'être reclassé comme
fonctionnaire et, ensuite, demander un congé sans traitement, mais il ne
l'a pas fait. Comme ministre de la Justice, j'ai à faire appliquer
toutes les lois. En particulier, cet article 8 de la loi sur les substituts
devait s'appliquer. Je n'avais donc aucun choix, je devais signifier à
M. Tremblay qu'il n'était plus à l'emploi du ministère
étant donné sa volonté de se porter candidat.
Le Président: Je m'excuse, M. le député.
Nous avons dépassé de beaucoup le temps requis.
Fin de la période de questions et de réponses orales.
Nous allons procéder à la prochaine étape des
affaires courantes, c'est-à-dire le vote reporté.
MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît!
MM. les députés! M. le whip de l'Opposition! À l'ordre,
s'il vous plaît! Nous allons procéder au
vote, s'il vous plaît! MM. les députés!
Mise aux voix de la motion de censure
proposant que l'Assemblée blâme
le
gouvernement d'avoir manqué à
son
devoir de défendre les intérêts du
Québec
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure
présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean et
whip de l'Opposition officielle. Cette motion se lit comme suit: Que
l'Assemblée nationale du Québec blâme
sévèrement le gouvernement libéral qui, par sa mollesse et
son attentisme, a gravement manqué à son devoir de défense
vigoureuse des intérêts du Québec, n'a pas obtenu la juste
part des retombées économiques liées aux investissements
fédéraux et laisse s'accréditer au Canada anglais le mythe
que le Québec soit choyé par le régime
fédéral. "
Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se
lever!
Le Secrétaire adjoint: MM. Chevrette (Joliette), Gendron
(Abitibi-Ouest), Perron (Duples-sis), Blais (Terrebonne), Garon (Lévis),
Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (Laviolette), Brassard (Lac-Saint-Jean),
Filion (Taillon), Godin (Mercier), Boulerice (Saint-Jacques), Claveau (Ungava),
Parent (Bertrand), Mme Harel (Maison-neuve).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite
motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent),
Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Pagé (Portneuf), Levesque
(Bonaventure), Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau
(Laporte), Rivard (Rosemont), Se- guin (Montmorency), Côté
(Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mme Gagnon-Tremblay
(Saint-François), MM. MacDonald (Robert-Baldwin), Rémillard
(Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Valle- rand (Crémazie), Lincoln
(Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia
(Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond),
Gobeil (Verdun), Fortier (Outremont), Paradis (Brome-Missisquoi), Mme
Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Dauphin (Marquette), Philibert
(Trois-Rivières), Blackburn (Ro-berval), Lefebvre (Frontenac), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Sirros (Laurier), Middlemiss (Pontiac),
Chagnon (Saint-Louis), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM.
Polak (Sainte-Anne), Kehoe (Chapleau), Gervais (L'Assomption), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscaminçjue), Bélanger
(Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Iles), Thérien (Rousseau),
Tremblay (Iberville), Théorêt (Vimont), Hamel (Sherbrooke), Parent
(Sauvé), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette
(Champlain), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), M.
Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM.
Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Forget (Pré- vost), Gardner
(Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Larouche
(Anjou), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance),
Houde (Berthier), Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre),
Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM.
Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski),
Latulippe (Chambly), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington (Matane).
Le Secrétaire: Pour: 14
Contre: 78
Abstentions: 0
Le Président: La motion est rejetée.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du
gouvernement.
À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous me permettez, j'avais
reconnu M. le leader adjoint du gouvernement, mais il est impossible de
l'apercevoir actuellement. M. le député de Terrebonne! MM. les
députés! M. le leader adjoint du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. J'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes
jusqu'à 18 heures et de 19 h 30 à 22 h 30, à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, de même que demain, de 10 heures à 13
heures, à la salle du Conseil législatif, la sous-commission des
institutions poursuivra sa consultation générale sur
l'avant-projet de loi intitulé Loi portant réforme au Code civil
du Québec du droit des obligations. C'est tout. Merci, M. le
Président. (15 h 40)
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président: Allez-y.
M. Gendron: Je voudrais vous faire remarquer ainsi qu'aux
parlementaires... Si j'ai bien compris, selon le leader adjoint du
gouvernement, il n'y a rien de prévu en commission aujourd'hui et demain
pour quelque projet de loi que ce soit. Il n'y a aucune commission qui
étudie des projets de loi. Il n'y a que la sous-commission qui
poursuivra sa consultation concernant la modification au Code civil. Est-ce
bien ça?
M. Lefebvre: Excusez-moi, M. le Président. Ce n'est pas
tout à fait cela.
Le Vice-Président: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: L'avis que je viens de donner fait
référence à des travaux qui se tiendront à la
sous-commission des institutions cet après-midi, ce soir et demain.
Demain, on verra à répéter l'avis, mais je peux tout de
suite annoncer qu'il
y a deux commissions qui siégeront: à nouveau, la
sous-commission des institutions et également la commission de
l'économie et du travail qui entendra le ministre
délégué aux Forêts relativement à ses
engagements financiers, demain.
Le Vice-Président: J'ai moi-même un avis à
donner à ce moment-ci. Je vous avise que la commission du budget et de
l'administration se réunira aujourd'hui à compter de 16 h 30,
à la salle Louis-Joseph-Papineau, afin de procéder à la
vérification des engagements financiers relevant du ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation en ce
qui concerne la Commission des valeurs mobilières du Québec.
Je vous avise également que la commission de l'économie et
du travail se réunira demain matin, de 10 heures à 13 heures,
à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, afin de vérifier les
engagements financiers du ministère de l'Énergie et des
Ressources, secteur forêts.
Si je reviens à l'avis donné par le leader adjoint du
gouvernement, je constate que les heures de la commission seront jusqu'à
18 heures et de 19 h 30 à 22 h 30. Je présume qu'il y a
consentement à ce moment-ci pour déroger à l'article 143
de notre règlement. Est-ce bien exact, M. le leader de l'Opposition?
M. Gendron: Oui, oui.
Le Vice-Président: Très bien. Il y a donc
consentement pour dérogation concernant les heures où la
commission va siéger.
Nous allons maintenant passer aux questions concernant les travaux de
l'Assemblée. Est-ce qu'il y a quelques questions à ce
moment-ci?
M. Gendron: II n'y en a pas.
Le Vice-Président: II n'y a pas de questions. Ceci met
donc fin aux affaires courantes. Nous allons maintenant procéder... Un
instant. Oui, très bien. Excusez-moi. J'ai ici un document qu'on m'a
remis il y a quelques instants.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Quant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous
rappelle que demain après-midi, lors des affaires inscrites par les
députés de l'Opposition, il y aura une motion
présentée par M. le député de Verchères, en
vertu de l'article 97 de notre règlement. Cette motion ce lit comme
suit: "Que cette Assemblée exige que le gouvernement du Québec
mette sur pied une commission d'enquête dont le mandat serait,
premièrement, d'examiner les circonstances ayant permis qu'une
catastrophe comme celle de Saint-Basile-le-Grand ait pu survenir,
deuxièmement, d'examiner toute la problématique de la gestion des
déchets dangereux au Québec et, finalement, de proposer les
solutions qui permet- traient au gouvernement de tenir ses promesses à
l'égard du virage écologique. "
Cette fois-ci, ça met fin aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée et également à la période des affaires
courantes. Nous passons donc maintenant aux affaires du jour. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 2 du feuilleton.
Projet de loi 14
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président: À l'article 2 du feuilleton,
nous allons reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du
projet de loi 14, Loi sur la réorganisation municipale du territoire de
la municipalité de la Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent, motion
présentée par M. le ministre des Affaires municipales. À
ce moment-ci, je vais reconnaître comme intervenant M. le
député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de
plaisir et aussi avec beaucoup d'intérêt que j'interviens
aujourd'hui sur le projet de loi 14, Loi sur la réorganisation
municipale du territoire de la municipalité de la
Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent. Comme la majorité des membres de
cette Chambre le savent, mais pas nécessairement la population qui nous
écoute, ce territoire est actuellement situé dans le comté
de Duplessis que je représente à l'Assemblée nationale
depuis près de douze ans. C'est un territoire qui, au cours des
années passées, a effectivement été
considéré quelque peu par l'ancien gouvernement du Parti
québécois. Vous me permettrez sûrement une courte
rétrospective qui s'impose pour informer les membres de cette Chambre,
savoir ce qu'est la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent.
Ce territoire dont la population est isolée, en plus d'être
éloignée des grands centres, c'est-à-dire de
Montréal et de Québec en particulier, est un territoire qui est
actuellement sous la tutelle d'une loi et qui comprend quinze localités,
de Kegaska à Blanc-Sablon, sur la rive nord du Saint-Laurent, et le
territoire de Kegaska à Blanc-Sablon est situé
géographiquement à l'est de Natashquan. À
l'intérieur de ce même territoire existent quinze
localités, comme je le disais tout à l'heure, dont trois sont
francophones et douze, anglophones. Je pense que ce territoire mérite
actuellement une attention toute spéciale puisque, avant 1963, rien
comme structure n'existait sur ce territoire de 250 milles de côte et il
n'y avait pratiquement rien comme intervention gouvernementale. Personne ne
s'occupait des résidents et des résidentes, sinon les
milieux religieux. C'est pourquoi, en 1963, arrive la première
loi dont je vais vous informer quelque peu.
Cette première loi était le chapitre 97, la Loi concernant
la municipalité de la Côte-Nord-du-Go!fe-Saint-Laurent,
sanctionnée le 4 avril 1963. D'ailleurs, c'avait été
sanctionné à la demande surtout d'un groupe
socio-économique de la Basse-Côte-Nord qui avait à sa
tête les milieux religieux, soit catholiques ou encore anglicans.
Lorsqu'on regarde le fond même de cette loi de 1963, on constate que ce
grand territoire a été géré jusqu'à
maintenant et sera géré à l'avenir, pour une partie au
moins, par un administrateur nommé par le lieutenant-gouverneur en
conseil, qui est substitué au conseil municipal et au secrétaire
trésorier de la municipalité et, sous réserve d'un autre
article, il en possède les droits, en exerce les pouvoirs et est soumis
à leurs obligations. L'administrateur est également
substitué aux autres officiers municipaux que mentionne le Code
municipal mais il peut, par ordonnance, déléguer leurs pouvoirs
à d'autres personnes.
Quant à l'article 6,1, M. le Président, l'administrateur
exerce les pouvoirs du conseil municipal par ordonnance. Celle-ci entre en
vigueur et a force de loi, s'il n'y est autrement prescrit, quinze jours
après celui où elle a été publiée.
L'ordonnance qui, en vertu de ses propres dispositions ou de la loi, ne peut
entrer en vigueur qu'à compter d'une certaine époque, doit
être publiée au moins quinze jours avant cette époque.
Quant à l'article 6,4, cet avis est donné sous la
signature de l'administrateur et publié en en affichant une copie au
bureau de la municipalité et aux endroits fixés par
l'administrateur.
À l'article 6, une copie conforme de toute ordonnance de
l'administrateur doit être remise au ministre dans les 30 jours de sa
date et, à l'article 7, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, dans
les six mois de la réception de cette copie, désavouer
l'ordonnance, en changer tout ou encore une partie.
Bien sûr, l'article 9 disait ceci: Toute partie du territoire de
la municipalité créée en vertu de la présente loi
peut être détachée sur la recommandation du ministre ou
à la demande des intéressés, et être
érigée en municipalité de village ou de campagne. Sous
cette réserve, cette élection se fait selon les dispositions du
Code municipal et, à compter de celle-ci, ses territoires et ses
habitants cessent d'être régis par la présente loi."
Je comprends très bien pourquoi nous avons actuellement devant
nous le projet de loi 14. Selon moi et selon les études qui ont
été faites antérieurement, bien sûr, cet article 9
était très difficile d'application parce que certaines
localités du territoire désiraient être rattachées
à d'autres localités plutôt que de devenir autonomes au
sens de l'article 9. Puisque ce projet de loi 14 que nous avons devant nous est
extrême- ment important, je dois vous dire que tous les gouvernements qui
se sont succédé depuis une centaine d'années jusqu'en
1979, n'ont pratiquement rien fait pour corriger la situation, sinon de donner
des peccadilles ici et là à travers les années dans
certains domaines comme celui des loisirs, un petit terrain de balle ici, un
autre là. Par exemple, dans le domaine social, donner des centres
communautaires à certains endroits, mais pas partout, dans une
localité ou dans une autre. Il reste encore beaucoup de travail à
faire pour qu'on donne des services concrets à toutes ces populations de
la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent. (15 h 50)
II y a, bien sûr, eu des travaux routiers municipaux qui, dans le
temps, c'est-à-dire avant 1979, et cela s'est fait aussi sous l'ancien
gouvernement pour une période donnée où on faisait ce
qu'on appelle des travaux municipaux à la petite pelle. On engageait
certaines personnes qui voulaient avoir des emplois, à coups de 30 000 $
et 35 000 $ dans une municipalité, pour se promener à travers les
rues municipales qui n'existaient pratiquement pas, pour boucher des trous,
réparer des petits ponceaux, faire des ponts, etc. Mais cela ne
corrigeait pas et n'a toujours pas corrigé la situation de la
Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent.
Il y a bien sûr eu quelques programmes Canada au travail qui ont
permis la construction de certains petits centres de loisirs, par exemple, ou
encore des centres communautaires, mais c'est tout ce qu'il y avait et c'est
très peu par rapport aux besoins du milieu.
Cependant, à la demande des gens de la Basse-Côte-Nord, des
résidents anglophones et des résidents francophones, une
activité eut lieu à Sept-îles en mai 1979. Elle regroupait,
dans l'ensemble, les groupes ethniques de cette région. Ce colloque,
organisé par le Dr Camille Laurin, regroupait à Sept-îles
les minorités ethniques de la Basse-Côte-Nord qui faisaient des
représentations auprès de l'ancien gouvernement pour corriger
cette situation aberrante ou plutôt, devrais-je dire, ces situations
aberrantes qui existaient dans presque tous les domaines. Je pense que les
résultats ont été vraiment concrets. J'espère que
le ministre a pris, sinon qu'il prendra l'occasion de lire attentivement tous
les rapports et, en particulier, celui qu'on a appelé le rapport de la
Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent concernant le groupe de travail
qui s'est lancé en Basse-Côte-Nord. Pour se rendre à un
voeu de la population, le ministre du temps, le Dr Camille Laurin, avait
effectivement donné son aval à la formation de ce comité
pour que ce dernier puisse présenter un rapport par la suite.
Au colloque sur les minorités ethniques de la
Basse-Côte-Nord tenu à Sept-îles les 12 et 13 mai 1979, le
porte-parole des citoyens de la Basse-Côte-Nord - je me rappelle que
c'était M. Alexandre Dumas - vint affirmer que ceux-ci se sentaient
traités comme un sous-peuple. Passant
en revue tes différents secteurs d'activité, de
l'éducation au transport, en passant par les pêcheries, les
services municipaux, etc. Il mit en relief les lacunes innombrables qui
existaient et demanda au Dr Camille Laurin, alors ministre d'État au
Développement culturel, de dépêcher l'un de ses
représentants personnels en mission de reconnaissance dans la
région pour que celle-ci lui fasse part elle-même de ses
préoccupations, intérêts et aspirations. La réponse
du Dr Laurin à cette invitation fut la suivante, et je situe en gros: M.
Payne - ancien député à l'Assemblée nationale -
vous rendra visite de village en village. Et M. Laurin continuait: Je songe
à instaurer une sorte de groupe de travail qui esquisserait un plan, non
pas théorique, mais un plan concret. En effet, les transports influent
sur les problèmes de santé; les coûts élevés
tiennent au transport, les avions au problème de la circulation
aérienne et fluviale qui, à leur tour, sont fonction de tous les
autres problèmes. Et il terminait en écrivant: Pour se former une
vision qui puisse se traduire par des actes...
M. le Président, le mandat de ce groupe de travail était
le suivant: 1° préparer un projet de consultation pour faciliter une
étude ordonnée des problèmes vécus en
Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent; 2° entreprendre une
tournée de tous les villages de la Basse-Côte-Nord pour
écouter et prendre note des commentaires, plaintes,
préoccupations et voeux des citoyens; 3° faire l'analyse et la
synthèse des informations recueillies. 4° faire la conciliation de
ces informations avec les politiques sectorielles et les actions
gouvernementales actuelles; 5° proposer une approche
intégrée, concrète et réalisable au
développement socio-économique de la Basse-Côte-Nord.
M. le Président, à la suite de ce rapport, terminé
en 1979, ce document fut remis ici, dans cette Assemblée nationale -
j'en étais très heureux d'ailleurs - en novembre 1979, lors d'un
dépôt de document. Pour moi ce document présenté en
1979 était extrêmement concret et extrêmement complet et il
permettait à l'ancien gouvernement et au gouvernement actuel, parce que
c'est toujours d'actualité, d'aller de l'avant et de réaliser
certains projets qui sont demandés depuis de nombreuses années
par les résidentes et les résidents de la Basse-Côte-Nord.
C'est aussi un document de travail extrêmement important. Ce document est
important parce que c'est grâce au travail effectué par les gens
de la Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, c'est aussi grâce au groupe
de travail qui s'est impliqué directement dans le milieu et a fourni un
rapport extrêmement intéressant, c'est aussi grâce à
l'ancien député à l'Assemblée nationale, M. David
Payne, et aussi au Dr Camille Laurin qui, à ce moment-là,
était ministre d'État au Développement culturel que ce
rapport a été complété et que des actions positives
sur les plans économique et social ont été prises par la
suite par l'ancien gouvernement.
C'est aussi grâce à ce rapport que nous pouvons aujourd'hui
voir le gouvernement libéral nous présenter effectivement un
projet de loi, parce que c'était dans ce sens que plusieurs
recommandations du rapport allaient en 1979: arriver à restructurer
l'ensemble des localités de la Basse-Côte-Nord et de les
structurer en faisant certains regroupements municipaux dans certains cas, que
certaines municipalités deviennent seules dans d'autres cas à
leur demande. Je crois que le projet de loi que nous avons, sur le principe
même, est extrêmement intéressant.
J'avise tout de suite le ministre qu'en tant que députés
de l'Opposition, nous avons l'intention, et moi, en tant que membre de
l'Assemblée nationale et représentant du comté de
Duplessis depuis maintenant près de douze ans, j'ai l'intention
d'intervenir comme je le fais aujourd'hui mais plus à fond, en
commission parlementaire, lors de l'étude article par article de ce
projet de loi.
Lorsqu'on, regarde l'ensemble de la Basse-Côte-Nord du golfe
Saint-Laurent, on peut remarquer qu'au cours des années passées,
et cela va autant pour l'ancien gouvernement que pour le nouveau gouvernement,
on n'a jamais tenu compte des disparités qui existaient entre les
francophones et les anglophones. Pourquoi? C'est un secteur isolé. C'est
un secteur extrêmement éloigné des grands centres. À
ce moment-là, il y avait une coordination qui se faisait directement
dans le milieu, peu importent le langage des gens, leur religion, la couleur de
la peau des gens.
Je pense que c'était nécessaire dans le temps et c'est
toujours nécessaire aujourd'hui de faire en sorte que les
décisions qui seront prises avant l'application de la loi se fassent
directement avec les gens de la Basse-Côte-Nord de Kegaska et
Blanc-Sablon, se fassent aussi avec la présence, si le ministre le
désire, du député de Duplessis à l'Assemblée
nationale et même du critique des affaires municipales qui agit au nom de
l'Opposition à l'Assemblée nationale. Là-dessus, je suis
très ouvert pour qu'on n'arrive pas éventuellement à
remettre à des gens des pouvoirs sans rien pour exercer ces pouvoirs.
Là, il y a un danger. Je vais m'exprimer là-dessus tout à
l'heure.
Cependant, il faut dire, M. le Président, qu'à la suite du
rapport Payne, en 1980, l'ancien gouvernement a pris des décisions et a
préparé un plan quinquennal qui s'est terminé en 1985.
L'ancien gouvernement a dépensé, non pas en argent
fédéral mais en argent québécois, avec des fonds
publics du Québec, par le biais de différents ministères
du gouvernement du Québec, en particulier du ministère des
Transports, du ministère des Affaires municipales, de l'OPDQ, grosso
modo, plus de 60 000 000 $ pour corriger certaines situations aberrantes qui
étaient mentionnées dans le rapport Payne.
Là-dessus, on peut dire que dans certaines localités comme
Blanc-Sablon, Lourdes-de-Blanc-
Sablon, Baie de Brador, Baie du Milieu - ça se dirige toujours
vers l'ouest maintenant, - à Saint-Augustin ainsi qu'à Chevery,
on a réussi à corriger tout le domaine des routes municipales
même en y faisant du pavage subventionné entièrement par le
gouvernement du Québec, c'est-à-dire le ministère des
Transports et l'OPDQ. (16 heures)
Dans le domaine des loisirs, dans certaines localités, à
l'intérieur des activités économiques que le gouvernement
avait endossées pour la Basse-Côte-Nord, on a réglé
certains problèmes, comme la construction de plusieurs terrains de
balle, la construction de plusieurs patinoires qui n'existaient pas
antérieurement, comme la réfection de certains centres
communautaires qui existaient, mais qui étaient complètement
désuets, comme la construction de nouveaux centres communautaires dans
des localités où il n'en existait pas.
Il y a aussi, bien sûr, la question qui a été
touchée qui concernait la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent,
se rapportant aux infrastructures d'aqueduc. Je me rappelle qu'en 1976, lorsque
j'ai été élu - et le ministre me regarde et
m'écoute attentivement, je suis heureux qu'il le fasse d'ailleurs - il y
avait deux localités sur quinze qui avaient un réseau d'aqueduc.
Je me suis ramassé à l'automne 1976 où les deux
réseaux d'aqueduc ne fonctionnaient pas parce qu'ils avaient
été mal faits techniquement et qu'à ce moment-là,
les gens du milieu se ramassaient avec des problèmes. Ce sont des
problèmes qui ont été corrigés au cours des deux
années qui ont suivi. Par la suite, on est arrivé au point
où, sur quinze localités, on a entrepris la construction de
réseaux d'aqueduc faits en régie par la municipalité de la
Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent sous la tutelle de l'admnistrateur
lui-même. Ce qui fait qu'aujourd'hui, au lieu d'avoir deux
localités qui ont des réseaux d'aqueduc, il y en a actuellement
douze. Mais il reste toujours trois de ces problèmes à
régler. Et, au sujet de la route 138, où l'ancien gouvernement
est intervenu dans une entente Canada-Québec, qui fait toujours partie
de ces quelque 60 000 000 $, cette entente ayant été
signée en 1985, les travaux se continuent actuellement. Pas aussi
rapidement que je le voudrais, pas aussi rapidement que les gens de la
Basse-Côte-Nord le voudraient, en particulier entre Vieux-Fort et
Blanc-Sablon parce qu'il y a eu un certain ralentissement de la part du
ministère des Transports dans la construction et dans la sortie des
soumissions se rapportant à la construction de cette route.
Aujourd'hui, je vois le projet de loi 14 et je dis oui au principe, bien
sûr. Mais j'ai lu très attentivement le discours du ministre des
Affaires municipales. J'ai trouvé son discours extrêmement
intéressant concernant le contenu par rapport à ce qu'on avait et
ce qui existe actuellement en Basse-Côte. J'ai trouvé aussi qu'il
y avait beaucoup de belles paroles à l'intérieur de ce document,
à l'intérieur du discours du ministre. J'ai trouvé aussi
qu'il donnait une assez belle rétrospective de ce qui existait en
Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent au moment où on se parle,
et ce, en particulier depuis 1963. Cependant, en 27 paragraphes du texte que
j'ai eu, à la suite du discours du ministre, je ne trouve aucun
engagement de la part du ministre libéral, c'est-à-dire le
ministre des Affaires municipales, je ne trouve aucun engagement de la part de
son gouvernement quant aux dossiers locaux et quant à différents
domaines qui doivent être réglés avant l'application de la
loi, mais surtout avant l'application des décrets qui vont suivre
l'application de la loi.
On sait très bien que la loi, compte tenu des vux du
milieu, compte tenu du rapport Payne, compte tenu de certains rapports
d'étapes, il faut justement que ça se fasse par étapes et
non pas d'un coup sec, c'est-à-dire d'une claque, pour dire aux gens:
À partir d'aujourd'hui, vous êtes municipalises. Donc, ça
va se faire par décret. Je trouve cette partie intéressante parce
que en 1985, dans le rapport qui a été préparé par
des personnes qui ont travaillé dans ce secteur, ces gens ont pu nous
remettre énormément d'informations par rapport aux voeux des
résidents et des résidentes qui demeurent dans chacune des
localités. Mais, dans certains domaines, M. le Président, qui
devraient être touchés par le ministre - et j'entends bien faire
en sorte qu'il s'engage jusqu'à un certain point, sinon dans l'ensemble
- on peut voir, par exemple, que le ministre n'a pas touché du tout la
question de l'hygiène du milieu, de la gestion des déchets, des
réseaux de distribution, du traitement des eaux usées, pour les
localités qui existent actuellement et qui ont toujours des
problèmes avec la question des eaux usées.
Vous avez le domaine des transports, le transport routier, le transport
maritime, le transport aérien. Dans le transport routier, le ministre
n'avait rien comme contenu dans son discours à l'Assemblée
nationale. Il n'y a rien sur les rues municipales, il n'y a rien sur les
tronçons de la route 138, il n'y a rien sur la réfection des rues
municipales, sur la mise en forme, il n'y a rien non plus dans le domaine du
transport maritime, quant à la construction et à la
réfection. Il n'y a pratiquement rien, il n'y a rien du tout, c'est le
néant, M. le Président, quant au discours du ministre.
Maintenant, je voudrais, bien sûr, vous dire qu'en ce qui me
concerne, je demande au ministre des Affaires municipales de tenir compte du
rapport, c'est-à-dire du plan de développement municipal dans le
cadre de la restructuration municipale en Basse-Côte-Nord, dont j'ai eu
l'occasion de prendre connaissance en 1985, puisque ce rapport a
été déposé le 16 août. Ce document de travail
a été fait dans le but d'éclairer tous les intervenants
concernés par les exigences relatives au processus de restructura-
tion en Basse-Côte-Nord et de prévoir, dans une
démarche concertée, un plan de développement municipal
adapté à la mise en place des futures municipalités
autonomes.
M. le Président, j'aurais énormément de choses
à dire, mais je vais terminer en posant ces questions au ministre des
Affaires municipales. Le ministre m'a semblé - dans le texte de son
discours, j'ai cru le réaliser - assez disposé pour permettre
à l'Opposition de faire valoir certains points de vue. Je vais lui en
soulever quelques-uns, en terminant, pour lui faire comprendre que c'est
surtout sur ces points que nous, en tant que membres de l'Opposition et moi en
tant que député à l'Assemblée nationale, j'entends
intervenir en commission parlementaire pour avoir la certitude que ce dossier
de la Basse-Côte-Nord ne soit pas la même chose que le dossier de
Schefferville.
Les questions, je les pose en vrac: Est-ce qu'il existe, dans les divers
ministères, un plan intégré de développement de la
région? Quelle est la nature des négociations qui ont
été effectuées et qui vont l'être dans l'avenir?
Est-ce qu'on a une estimation des coûts qui seront
générés par la création de nouvelles
municipalités? Est-ce que les fonds de soutien sont disponibles au
gouvernement? En raison de leur faible densité, certaines
municipalités n'ont pas droit au programme norme; est-ce qu'il y a des
régimes d'exception? Est-ce qu'on va dénormer? Est-ce qu'on a une
idée approximative du nombre de municipalités qui seront
créées? Quel avenir réserve-t-on aux employés
syndiqués de l'actuelle municipalité? Est-ce que les actifs de
l'actuelle municipalité seront transférés à titre
gratuit?
J'aurais beaucoup de questions à poser au ministre et j'aurais
voulu intervenir plus longuement quant à la Basse-Côte-Nord du
golfe Saint-Laurent, une Basse-Côte-Nord que très peu de gens en
cette l'Assemblée nationale connaissent. Je sais très bien que le
ministre des Affaires municipales va faire en sorte non seulement
d'écouter le député de Duplessis, mais aussi
d'écouter attentivement les gens de la Basse-Côte par rapport
à leurs revendications de toujours et qu'il va corriger dans le projet
de loi... Par des actions concrètes, il va aider les gens de la
Basse-Côte-Nord, ces hommes, ces femmes et ces enfants à
réaliser leur voeu le plus cher: que sur le plan économique, on
ne soit pas relié, comme c'est le cas actuellement, à
Terre-Neuve, mais que ce soit plutôt relié au Québec et
qu'on ait tous les espoirs pour permettre que cette région devienne de
moins en moins isolée, donc de plus en plus reliée à
l'ensemble québécois, en particulier à l'ensemble du
comté de Duplessis. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Très bien, M. le
député de Duplessis. À ce moment-ci, je vais céder
la parole à M. le ministre des Affaires municipales pour l'exercice de
son droit de réplique.
M. Pierre Paradis (réplique)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président.
Nous en sommes finalement rendus à la réplique quant à
l'adoption du principe du projet de loi 14, Loi sur la réorganisation
municipale du territoire de la municipalité de la
Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent. Vous avez été, comme moi,
témoin des allocutions, des discours des parlementaires quant à
ce projet de loi. Je vous rappellerai brièvement que le critique du
parti de l'Opposition en matière d'affaires municipales, le
député de Jonquière, est intervenu brièvement. Il a
indiqué qu'il supportait le principe dudit projet de loi. Il a
adressé à celui qui vous parle quelques questions de fait qui
nous reviendront au moment de l'étude article par article, en commission
parlementaire.
Je vous rappellerai également, M. le Président,
l'éloquent discours du député de Montmagny-L'Islet qui
nous a tracé un historique des plus complets, qui a insisté
surtout sur le rôle du clergé à l'époque dans le
développement de cette magnifique région du Québec. On
vient d'entendre le discours du député de Duplessis qui, quant
à son fond, nous révèle une connaissance du terrain de la
part du député du comté. Le député de
Duplessis, comme l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale,
s'apprête à voter pour le principe du projet de loi. Là,
j'ai eu un petit peu de difficulté à saisir une partie de son
discours parce que, en même temps qu'il m'a prévenu comme
ministre, qu'il nous prévient comme gouvernement qu'après 25
années d'une situation dite temporaire, soit depuis 1963, qu'il est
d'accord avec ce que le gouvernement fait, mais qu'il n'y a rien dans ce que le
gouvernement fait. Il n'y a rien quant à ci, il n'y a rien quant
à ça. Je dirai au député de Duplessis
qu'au-delà de son discours, c'est par son vote qu'il va manifester que
ce projet de loi a un contenu, un contenu très spécifique et
très sain pour la population qui habite la Basse-Côte-Nord du
golfe Saint-Laurent. (16 h 10)
Depuis 23 ans, cette population est - je pense qu'on peut utiliser
l'expression - sous la quasi-tutelle d'un administrateur qui exerce tous les
pouvoirs d'un conseil municipal régulier. Ce que le projet de loi vise
à faire, c'est de redonner à ces populations de ces diverses
localités un pouvoir politique par lequel elles pourront élire
les personnes qu'elles croiront les plus aptes à assumer le leadership
local, à assumer le leadership régional et à
présenter aux autres ordres de gouvernement les revendications
légitimes du milieu. Ce que ce projet de loi contient, c'est un
élément de démocratisation, un élément de
responsabilisation de la population. Je prends donc acte des propos des
députés de l'Opposition qui s'apprêtent à voter en
faveur dudit projet de loi.
M. le Président, il y aura d'autres étapes à
franchir. L'étude article par article permettra à
l'Opposition, par la voix de son critique, par la voix du
député qui représente cette circonscription
électorale et à l'ensemble des députés
ministériels, comme le député de Montmagny et tous les
autres qui sont intéressés à cet important projet de loi,
d'intervenir de façon à obtenir du ministère des Affaires
municipales et possiblement d'autres ministères sectoriels des
précisions quant à des questions particulières.
Au moment de la réplique sur l'adoption du principe, il me fait
plaisir de souligner qu'aucun parlementaire n'a eu de doute - en tout cas, s'il
y en a eu, ils ne se sont pas prononcés - quant a la possibilité
de voter contre un tel projet de loi. Tous les parlementaires de
l'Assemblée nationale du Québec qui ont insisté pour se
faire entendre sur cet important projet de loi se sont prononcés en
faveur de ces éléments de démocratisation et de
responsabilisation.
M. le Président, j'insiste sur ces éléments et sur
ce projet de loi parce que, comme tels, ils vont à l'encontre d'une
politique généralement connue et généralement
établie au ministère des Affaires municipales du Québec,
politique qui veut que l'on favorise le regroupement, la fusion des
municipalités au Québec. Par ce projet de loi, nous sommes
certains que nous créerons davantage de municipalités. Mais si,
pour donner plus de responsabilités, plus d'oxygène à
cette démocratie, il nous faut reléguer temporairement un
principe qui guide généralement les actions du ministère,
nous sommes prêts à le faire parce que nous sommes prêts,
comme gouvernement, à considérer les particularités d'une
telle région.
Tantôt, dans cette Assemblée, quelqu'un nous demandait si,
sur le plan de la normalisation de nos programmes, nous allions tenir compte
des aspects particuliers de cène région du Québec et des
municipalités qui la composent. M. le Président, la
réponse va de soi. Il y a de ces gouvernements qui, en
démocratie, choisissent de faire - le terme est consacré dans la
jurisprudence - de la législation ou de la réglementation que
l'on qualifie de "Blanket Legislation" ou "Blanket Regulation", de la
législation ou de la réglementation qui s'applique à tous
et à toutes, indépendamment de leur condition ou de leur
localisation. Nous avons connu par le passé ce type de gouvernement au
Québec. Nous connaissons maintenant un type de gouvernement qui va sur
le terrain, qui regarde les problèmes auxquels sont confrontées
certaines populations et qui tente d'ajuster des solutions proposées
à ces populations. Bien que le ministère des Affaires municipales
préconise généralement la fusion, le regroupement des
municipalités et la diminution du nombre des muncipalités au
Québec, encore une fois, vous avez là un témoignage
combien éloquent de ce regard nouveau, de ce regard neuf que jette le
Parti libéral du Québec sur des régions qui ont des
caractéristiques, des particularités. Le gouvernement du
Québec, en présentant le projet de loi qui vise à
responsabiliser une population, à oxygéner la démocra- tie
d'une merveilleuse et grande région du Québec, témoigne
encore une fois de ce regard attentif sur les particularités que
connaissent des populations au Québec.
M. le Président, en terminant, je ne voudrais pas me rasseoir
sans remercier tous les parlementaires qui ont pris la peine d'intervenir, sans
remercier l'ensemble des parlementaires qui nous ont indiqué qu'encore
une fois is soutenaient le gouvernement dans un geste qui vise à
responsabiliser une population. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant dos
à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que
cette motion d'adoption du principe du projet de loi 14, Loi sur la
réorganisation municipale du territoire de la municipalité de la
Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi 14 à la commission de
l'aménagement et des équipements pour étude
détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Perron: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Oui, M. le Président, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 8 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 107 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 8 du feuilleton, M.
le ministre de l'Éducation propose maintenant l'adoption du principe du
projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique. En conséquence, je
cède la parole à M. le ministre de l'Éducation.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, de toutes les formes
d'activités collectives dont le gouvernement assume la
responsabilité, aucune n'a une importance plus décisive pour
l'avenir du Québec que l'éducation. Aucune, sauf la santé
et les services sociaux, ne se voit attribuer une portion
aussi importante du budget de l'État. En 1987-1988, 1 136 813
élèves d'âge scolaire étaient inscrits à
titre régulier dans les écoles publiques et privées du
Québec. Inférieur d'à peine 27 763 au total des
inscriptions en 1982-1983, ce chiffre indique que le niveau des inscriptions
scolaires, après avoir connu une chute prononcée, tend
désormais à se stabiliser. Sous l'angle de la langue
d'enseignement, le nombre des élèves inscrits à
l'enseignement en français s'élevait en 1987-1988 à 1 019
238. Les inscriptions à l'enseignement en français
représentaient 89,3 % du total des inscriptions contre 85,4 % cinq ans
plus tôt. La progression relative des inscriptions à
l'enseignement en français doit nous réjouir. Elle a cependant
été assurée surtout par la baisse marquée des
inscriptions à l'école anglaise, l'augmentation numérique
des inscriptions à l'école française ayant
été à peine d'environ 1615 en cinq ans.
À la clientèle d'âge scolaire vient désormais
s'ajouter une clientèle adulte de plus en plus nombreuse. En 1986-1987,
le nombre de personnes adultes inscrites à des cours conduisant à
l'obtention du diplôme d'études secondaires s'élevait
à 219 044, soit plus du double des inscriptions enregistrées cinq
ans plus tôt. Les cours d'éducation populaire offerts par les
commissions scolaires atteignaient pour leur part 171 644 adultes, soit une
augmentation de 42 % par rapport à l'année
précédente.
Au service de cette clientèle de quelque 1 500 000 personnes
inscrites dans les écoles publiques, on trouvait en 1987-1988 pas moins
de 213 commissions scolaires, soit 181 commissions scolaires pour catholiques,
29 commissions scolaires pour protestants, trois commissions scolaires
multiconfessionnelles. Ces commissions scolaires embauchaient ensemble 59 966
enseignants, 5834 cadres et gérants, 3498 professionnels non enseignants
et 17 210 employés de soutien, soit un total de 86 508 employés,
équivalence temps plein. L'enseignement offert par les commissions
scolaires était dispensé dans 2868 écoles. De ce total,
2426, soit 82,5 %, étaient des écoles où l'enseignement se
donnait en français. Nous estimons à environ 5000 $ par
élève le coût des services éducatifs offerts par le
système public d'enseignement au Québec. Ce chiffre explique le
budget de 4 953 000 000 $ attribué au ministère de
l'Éducation en 1987-1988. De ce budget de 5 000 000 000 $ une somme de
91 500 000 $ fut réservée pour le fonctionnement du
ministère de l'Éducation. Tout le reste, soit 98,1 % du budget
total du ministère de l'Éducation, fut transféré
sous forme de subventions et de paiements divers aux organismes d'enseignement
et principalement aux commissions scolaires. En 1987-1988, les commissions
scolaires retirèrent 91,4 % de leurs revenus de subventions et de
paiements de transferts gouvernementaux. (16 h 20)
Pour assurer le fonctionnement d'un sys- tème aussi vaste et
complexe, il faut une législation fondamentale qui en définisse
les principes, les objectifs, les structures et les articulations majeures.
Comme il s'agit d'éducation, le contenu de chaque opération du
système, de chaque rôle contribué aux divers acteurs, de
chaque facteur entrant dans le système, doit être soigneusement
établi et vérifié. Il n'est pas seulement question
d'organiser des écoles et d'y engouffrer des élèves en
fonction de moyennes purement arithmétiques. Il faut prévoir pour
ces élèves un régime d'études et d'encadrement qui
puisse leur permettre d'acquérir à l'école une solide
formation, d'acquérir aussi une connaissance poussée de leur
langue maternelle, des mathématiques et des sciences, de l'histoire, de
la géographie, d'au moins une langue seconde, et de recevoir enfin en
matière religieuse et morale un enseignement et des services
répondant aux attentes légitimes de leurs parents. Non seulement
faut-il, pour assurer la réalisation de ces objectifs, un cadre
juridique et administratif soigneusement établi, il faut aussi que ce
cadre soit périodiquement remis à jour afin qu'il soit toujours
adapté aux besoins nouveaux qui surgissent sans cesse.
En matière d'éducation, il faut éviter les
changements brusques et capricieux qui tendent davantage à
énerver et à perturber le système d'enseignement
qu'à l'améliorer vraiment. Aussi, le gouvernement s'est
employé jusqu'à maintenant à proposer des amendements
ponctuels à la Loi sur l'instruction publique. Ces améliorations
que nous avons apportées ensemble depuis trois ans ont permis
d'éliminer diverses formes de discrimination dans le fonctionnement des
élections scolaires, d'asseoir plus fermement l'autorité du
gouvernement en matière de régime pédagogique et de mieux
assurer le fonctionnement du Conseil scolaire de l'île de
Montréal. Il incombe, par contre, aux autorités gouvernementales
de veiller à ce que les lois soient toujours adaptées aux
réalités et traduisent fidèlement le vécu quotidien
de la population qu'elles doivent servir.
Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement se rendait
compte de la nécessité pour le Québec d'entreprendre une
réforme en profondeur de la législation sur l'instruction
publique afin de mieux l'adapter aux réalités modernes.
Conscient, par contre, des embûches qui ont entraîné
l'échec de maintes tentatives passées de réforme, le
gouvernement décida d'aborder le problème sans dogmatisme et sans
précipitation, dans l'esprit d'ouverture et de conciliation que
décrivaient les engagements électoraux du Parti libéral du
Québec.
L'effort de recherche et de consultation entrepris dès le
début du mandat du présent gouvernement a donné lieu
à d'innombrables discussions et rencontres. Le projet de loi 107 ainsi
que les améliorations que nous y apporterons à la suite des avis
nombreux et représentatifs présentés à la
commission parlementaire de l'éducation sont l'aboutissement normal et
très largement souhaité d'un processus de réflexion et
de maturation qui dure depuis au moins dix ans et qui sera loin
d'être terminé avec l'adoption du projet de loi. Devant un projet
de loi aussi considérable, qui comportera dans sa forme finale quelque
600 articles, il importe de préciser dès le départ les
principales modifications qui semblent devoir en découler. On est en
droit d'exiger du gouvernement qu'il justifie de manière claire les
changements proposés. C'est ce que je tenterai de faire en abordant le
projet de loi sous les aspects suivants. Tout d'abord, l'accès à
l'éducation, ensuite, la mission et les structures de l'école, la
confessionnalité scolaire, la mission et les attributions des
commissions scolaires et, enfin, le rôle et les attributions du
gouvernement et du ministre de l'Éducation.
Tout d'abord, l'accessibilité. L'école et les services qui
s'y rattachent existent en premier lieu pour la population, jeune et adulte.
Aussi, la première question que l'on doit se poser en présence
d'un projet de loi touchant l'éducation est la suivante. En quoi
améliore-t-il l'accès de la population aux services
éducatifs? Nous avons déjà depuis longtemps au
Québec la gratuité universelle de l'enseignement public primaire
et secondaire pour les élèves d'âge scolaire, de même
que l'obligation de fréquentation scolaire. Ces deux principes
étant acquis et universellement acceptés, il n'était pas
question de les remettre en cause. Si on y regarde de près, une partie
importante de la population demeure cependant dépourvue des bienfaits
d'une formation du niveau secondaire. On estime, par exemple, à environ
300 000 le nombre de personnes qui peuvent être considérées
à toutes fins utiles comme des analphabètes fonctionnels, et
cela, seulement au Québec. Aussi, nous nous sommes employés
à inscrire dans le projet de loi 107 de nombreuses dispositions qui
permettront de franchir de nouvelles étapes importantes sur la route qui
doit nous rapprocher de l'objectif d'une formation complète de niveau
secondaire pour toute la population québécoise.
Parmi les améliorations que l'on trouve dans le projet de loi
107, je soulignerai de manière particulière les dispositions
suivantes: Tout d'abord, sous l'actuelle Loi sur l'instruction publique, une
personne est tenue de fréquenter l'école jusqu'à
l'âge de quinze ans. En vertu du projet de loi 107, l'âge de la
fréquentation scolaire sera porté à seize ans, soit une
année de plus. En second lieu, des élargissements significatifs
sont apportés par le projet de loi 107 en ce qui touche la
gratuité des manuels et du matériel didactique requis pour les
élèves. Sous la loi actuelle, seule la gratuité des livres
de classe est obligatoire. Tout le reste est laissé à la
discrétion des autorités scolaires.
Le projet de loi 107 apporte à cet égard un
élargissement important. La gratuité s'appliquera non plus
seulement aux manuels scolaires, mais aussi à tout le matériel
didactique requis pour l'enseignement des programmes d'études.
Depuis quelques années, le nombre des élèves
handicapés et des élèves en difficulté ou en
trouble d'adaptation et d'apprentissage n'a cessé d'augmenter dans les
écoles du Québec. À titre d'exemple, le nombre des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage
s'élevait en 1982-83 à 93 829. En 1987-88, soit à peine
cinq ans plus tard, il était de 132 097, soit une augmentation de 40,7
%. Mais la protection offerte à ces élèves par la loi n'a
pas évolué au même rythme. Le projet de loi 107 vise
à offrir à ces élèves, qui doivent être
l'objet d'une attention particulière, une meilleure garantie
d'accès aux services éducatifs.
Dès le premier article du projet de loi, les élèves
handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage se voient garantir, comme tous les autres
élèves, le droit aux services éducatifs de base. Cette
première affirmation confirme la politique du gouvernement voulant que
l'on s'emploie à favoriser, par tous les moyens raisonnables,
l'insertion de ces élèves dans la vie scolaire au même
titre que les autres.
En outre, le projet de loi 107 contient plusieurs dispositions
spécialement conçues à l'intention des
élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage. L'âge d'admission maximum et gratuite aux services
éducatifs est porté à 21 ans pour les élèves
handicapés. Chaque élève handicapé ou en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, et ceci est une innovation
très importante, aura de plus droit à un plan d'intervention
spécialement conçu en fonction de ses besoins et après
consultation des parents et du personnel enseignant de l'école où
il est inscrit.
Chaque commission scolaire sera tenue de s'entourer à l'avenir
d'un comité consultatif spécialement chargé de l'aviser
sur les besoins de ces catégories d'élèves. Chaque
commission scolaire devra se doter de règlements précis
définissant sa politique en cette matière, et devra
également indiquer clairement dans son budget les sommes prévues
pour les services à ces catégories d'élèves.
De toutes les clientèles desservies par le système public
d'enseignement, la clientèle adulte est celle qui se voit accorder le
plus d'attention par le projet de loi 107. Ce souci se comprend facilement.
Tandis que la clientèle adulte des commissions scolaires n'a
cessé d'augmenter, atteignant plus de 400 000 personnes en 1987-1988,
les dispositions de l'actuelle Loi sur l'instruction publique sont très
laconiques en matière d'éducation des adultes. La loi actuelle
oblige les commissions scolaires à s'assurer que les adultes
domiciliés dans leurs territoires recevront des services
éducatifs et culturels. Elle ne précise cependant ni la nature de
ces services ni les conditions d'accès à ces services. (16 h
30)
Le projet de loi 107 introduit à cet égard des
modifications nombreuses et significatives. Ainsi, toute personne se voit
reconnaître le droit
aux services éducatifs pour adultes dès qu'elle a atteint
l'âge de 16 ans. La période d'attente d'un an qui doit intervenir
présentement entre le départ de l'école et l'admission aux
services pour adultes, est supprimée. En second lieu, tout
élève adulte se voit reconnaître la gratuité des
services pour des programmes de formation suivis en conformité avec les
conditions qui seront définies dans le régime pédagogique
pour adultes. L'élève adulte aura plus facilement accès
à la reconnaissance pour fins de crédits scolaires, des
connaissances qu'il a pu acquérir antérieurement soit par
l'étude, soit par l'expérience vécue sur le marché
du travail.
Les commissions scolaires se voient confier des responsabilités
nouvelles à cet égard. Un régime pédagogique
spécialement conçu en fonction des besoins des adultes sera rendu
obligatoire et devra être institué d'ici deux ans. Des centres
habilités à offrir des services éducatifs pour adultes
seront établis et reconnus explicitement à cette fin dans le
texte législatif. Ceci vient confirmer et renforcer une pratique qui se
développe de plus en plus dans les commissions scolaires.
Enfin, les élèves adultes seront appelés à
participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des
activités éducatives conçues à leur intention par
des commissions scolaires. En une période où tout nous parle de
contraintes, de restrictions, de limitations diverses à des droits que
l'on croyait souvent acquis de manière définitive, je me
réjouis de ces nombreux élargissements que propose le projet de
loi 107. Avec prudence et modération, mais en suivant une orientation
dont l'intention va nettement dans le sens d'une plus grande ouverture, le
gouvernement élargit les frontières de l'accessibilité; il
améliore pour des milliers de personnes adultes les chances
d'accès à une formation de niveau secondaire, y compris à
une formation professionnelle.
Je traiterai maintenant de l'école. En partant toujours du
cheminement suivi par l'élève, il importe de se demander ce que
le projet de loi 107 viendra changer à la vie de l'école.
L'école est le canal par lequel les personnes d'âge scolaire ont
accès aux services éducatifs. C'est l'endroit que la plupart des
citoyens identifient avec le système d'enseignement. Très peu
d'entre eux ont accès aux structures supérieures. C'est à
l'école qu'ils connaissent et vivent la réalité
concrète du système d'enseignement. Il importe en
conséquence de se demander en quoi la mission et le fonctionnement de
l'école seront affectés par le projet de loi 107.
Une première modification doit être soulignée. Nous
irons de plus en plus vers un système où l'école, loin
d'être un simple numéro dans la chaîne d'organisation
scolaire ou un poste de service impersonnel perdu dans un vaste ensemble, aura
désormais de plus en plus sa personnalité propre, son cachet
original et ses structures distinctes. L'école restera certes un
établissement relevant de la commission scolaire. Elle sera aussi
dirigée par une personne nommée par la commission scolaire et
relevant du directeur général de celle-ci. Ce lien est
indispensable pour assurer la qualité, l'unité,
l'égalité relative et la souplesse des services éducatifs
sur tout le territoire du Québec. Mais, à l'intérieur de
ce rattachement à la commission scolaire, l'école sera
dotée d'un acte juridique d'établissement lequel ne pourra
être modifié ou révoqué que moyennant consultation
préalable des principaux intervenants de l'école.
Des précisions importantes sont également ajoutées
concernant le rôle de chaque intervenant. Ainsi, les pouvoirs et les
responsabilités de la direction de l'école sont clairement
définis. Les enseignants se voient attribuer, pour leur part, des droits
et des devoirs qui n'avaient jamais été inscrits explicitement
jusqu'à ce jour dans notre loi. Les parents reçoivent l'assurance
qu'ils pourront participer directement à la vie de l'école, en
premier lieu par l'intermédiaire du comité d'école dont le
caractère obligatoire sera défini par un amendement au projet de
loi 107 et aussi par l'intermédiaire du conseil d'orientation de
l'école au sein duquel au moins la moitié des membres seront
désignés par le comité d'école. Enfin, les autres
personnels se voient également garantir une représentation au
sein du conseil d'orientation.
C'est par son projet éducatif dont les orientations seront
définies par le conseil d'orientation et dont la réalisation sera
faite sous l'autorité de la direction de l'école, que
l'école pourra le mieux affirmer son caractère propre et se doter
d'une personnalité distincte.
En vertu des nouveaux règlements des comités
confessionnels entrés en vigueur en juillet de cette année, le
projet éducatif pourra intégrer dans ses orientations les valeurs
inhérentes au choix que les parents auront fait quant au
caractère confessionnel de l'école. Cette intégration
devra cependant se faire dans le respect des droits et libertés
fondamentaux de chaque élève.
En outre, le caractère confessionnel de l'école ne pourra
être acquis qu'à la suite d'une consultation sérieuse
auprès des parents concernés. Il devra de plus être l'objet
d'une vérification périodique, au moins à tous les cinq
ans.
La position du gouvernement en ce qui touche la présence des
valeurs morales et religieuses à l'école est simple et franche.
Aux parents qui tiennent à obtenir pour leurs enfants une formation
où sont présentes les valeurs religieuses auxquelles ils
adhèrent, l'école publique doit offrir des services
répondant à leurs attentes partout où c'est
raisonnablement possible.
En logique pure, il est difficile de concilier le caractère
public de l'école avec le caractère confessionnel qu'elle
revêt encore très largement au Québec. Mais ce double
caractère, si paradoxal soit-il, est inhérent à la
tradition scolaire
du Québec. Il répond encore très largement à
la volonté de la population. Aussi, tout en laissant la voie ouverte
à d'autres développements que pourra requérir
l'évolution des opinions, le gouvernement, en ce domaine très
délicat de l'éducation, veut que ses politiques et ses
décisions soient le plus possible en harmonie avec la volonté de
la population.
Les décisions relatives au caractère confessionnel de
l'école remontent, dans la plupart des cas, à une quinzaine
d'années et n'ont donné lieu depuis ce temps à aucune
remise en question sauf dans le cas des écoles nouvellement construites
où les parents sont généralement consultés en bonne
et due forme et se prononcent presque toujours, encore ces années-ci, en
faveur de l'école confessionnelle. Les parents n'ont guère
été appelés à intervenir à ce sujet. Mais,
à l'avenir, le processus de consultation sera plus engageant et plus
exigeant. Il sera également accompagné d'un processus de
vérification du vécu confessionnel de l'école. Ce double
processus requerra l'intervention d'au moins cinq acteurs principaux, soit les
parents, les élèves, la commission scolaire, le comité
confessionnel concerné et le ministre. Avec le temps, la volonté
des parents au niveau de chaque école deviendra de plus en plus le
facteur déterminant.
Le gouvernement fait confiance au jugement, au respect d'autrui et
à l'esprit de tolérance de notre population pour trouver et
mettre au point au plan local des aménagements concrets capables
d'apporter des réponses originales, pratiques et
équilibrées aux attentes de chaque catégorie de
citoyens.
Touchant la confessionnalité scolaire, je veux signaler une autre
disposition qui témoigne de la volonté de souplesse et
d'adaptation du gouvernement. Jusqu'à maintenant, les comités
confessionnels ont été investis d'un pouvoir d'approbation, au
point de vue religieux et moral, sur les programmes, les manuels de classe et
le matériel didactique. Cette attribution leur imposait la lourde
obligation de se prononcer sur tous les programmes, tous les manuels, toutes
les formes de matériel didactique, y compris ceux qui traitent de
matières n'ayant souvent aucun lien direct avec le champ de
compétence des comités confessionnels.
À l'aide d'une modification que nous proposerons d'apporter aux
pouvoirs des comités confessionnels, ceux-ci se borneront à
l'avenir à approuver les programmes, les manuels et le matériel
didactique concernant l'enseignement moral et religieux, catholique ou
protestant.
Pour les programmes, les manuels et le matériel didactique
traitant d'autres matières comme la langue, les mathématiques,
les sciences, la géographie, l'histoire, etc, le rôle des
comités confessionnels se bornera à l'avenir à soumettre,
au besoin, au gouvernement les recommandations qu'ils jugeront
appropriées. Ce nouvel équilibre permettra de délester les
comités confessionnels d'une tâche qui devenait de plus en plus
lourde.
Il aidera à mieux camper ces comités dans leur :
rôle propre. Je signale que cette modification a été
approuvée par le comité catholique du Conseil supérieur de
l'éducation et aussi par l'Assemblée des évêques du
Québec. (16 h 40)
Je voudrais maintenant traiter des commissions scolaires. Ainsi que s'y
est toujours engagé le Parti libéral du Québec, la
responsabilité de l'organisation concrète des services
éducatifs de niveau primaire et secondaire continuera d'être
assurée dans chaque région par des commissions scolaires
formées de membres élus au suffrage universel par leurs
concitoyens.
Les commissions scolaires ont joué un rôle capital dans le
développement historique du système d'enseignement
québécois. En vertu du projet de loi 107, elles se voient
confirmées dans leur vocation d'organismes chargés de fournir
à la population, dans les limites de leurs territoires respectifs, les
services éducatifs auxquels celle-ci a droit. Dans le document
d'orientation sur l'éducation, publié par le Parti libéral
du Québec à la veille de l'élection de 1985, on pouvait
lire le passage suivant à propos des commissions scolaires: "Elles
seront responsables, entre autres, de l'inscription des élèves,
de l'embauche, de l'affectation et des mutations du personnel enseignant et
administratif, de la gestion des immeubles et propriétés
scolaires, de la planification pédagogique, de la mise sur pied et du
fonctionnement des services spécialisés à l'intention des
clientèles en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ainsi
que des clientèles adultes, de la bonne marche financière et
pédagogique du réseau d'écoles placées sous leur
autorité ainsi que des rapports avec le ministère de
l'Éducation."
Je suis heureux de signaler que tous ces éléments font
partie des fonctions et pouvoirs attribués aux commissions scolaires par
le projet de loi 107. De manière générale, le projet de
loi 107, enrichi par les améliorations que nous y apporterons, maintient
le rôle essentiel des commissions scolaires dans l'aménagement et
la dispensation des services éducatifs sur leurs territoires respectifs.
Sur plusieurs points, le projet de loi renforce en les précisant, en
leur donnant une assise juridique plus solide, les attributions des commissions
scolaires. Sur d'autres points, que nous aurons l'occasion d'examiner en
commission parlementaire, il accroît leur marge de souplesse.
De tous les changements que propose le projet de loi 107, le plus
important est sans doute celui qui vise à remplacer les commissions
scolaires fondées sur l'allégeance religieuse, par des
commissions scolaires fondées sur l'appartenance linguistique.
L'idéal, comme le proposait naguère la commission Parent, serait
que nous n'ayons au Québec qu'un seul réseau de commissions
scolaires dont chacune serait seule habilitée à servir la
population de son territoire. Cette vision logique se heurte, cependant, aux
obstacles
majeurs que crée la diversité des éléments
formant la population québécoise.
Nous ne formons tous ensemble qu'une seule société, mais,
lorsqu'il y va de questions aussi vitales que l'éducation, la
santé, les services sociaux, les institutions culturelles, des
différences majeures s'imposent toutefois à l'attention. Ces
différences, loin d'être niées, doivent être
reconnues et acceptées. On peut rêver d'un Québec
homogène, voire monolithique, le Québec de tous les jours est
néanmoins une société où se manifestent
d'importantes différences d'ordre culturel, linguistique et religieux.
La caractéristique d'un gouvernement civilisé, c'est l'aptitude
à respecter ces différences et à les incorporer dans la
vie commune, au lieu de chercher à les nier ou à les
marginaliser.
Dans le domaine scolaire, la religion a été depuis plus
d'un siècle le critère de regroupement le plus important. En
raison de l'importance attachée aux valeurs religieuses et du fait
qu'à peu près tout le monde se définissait jusqu'à
une date relativement récente, soit comme catholique, soit comme
protestant, le regroupement des clientèles en commission scolaire pour
catholiques et en commission scolaire pour protestantes fut longtemps
considéré comme le plus logique et le plus pratique. Il
s'imposait d'autant plus qu'en matière d'éducation, des clivages
d'opinions très importants distinguaient catholiques et protestants. La
très grande majorité des protestants était par ailleurs
anglophone jusqu'à une date toute récente. Aussi, le regroupement
des commissions scolaires suivant la religion est-il également l'affaire
des anglophones non catholiques.
Au cours du dernier quart de siècle, des changements majeurs se
sont toutefois produits. Tout d'abord, l'affiliation religieuse est devenue
beaucoup moins distincte, voyante et verifiable qu'à une autre
époque. Elle donne en outre lieu à des choix de plus en plus
diversifiés. Le phénomène ne pourra que s'amplifier
à l'avenir avec l'importance accrue que revêtira l'immigration.
Dans ces conditions nouvelles, le regroupement des commissions scolaires
suivant la langue apparaît comme la forme d'organisation la plus pratique
et la plus logique. La très grande majorité de la population du
Québec est francophone et souhaite légitimement se retrouver dans
des institutions scolaires francophones. Le Québec doit compter par
ailleurs avec une minorité anglophone importante, laquelle tient
à conserver son existence distincte et refuse de se fondre purement et
simplement dans la majorité francophone. De là vient la solution
que propose le projet de loi 107 et que proposait également la loi 3
adoptée sous le gouvernement précédent: un réseau
de commissions scolaires francophones et un réseau de commissions
scolaires anglophones, chaque réseau ayant mandat d'embrasser tout le
territoire du Québec, sauf les territoires des commissions scolaires
crie, kativik et littoral.
Le gouvernement est convaincu que la création de ces commissions
scolaires linguistiques répondra mieux aux besoins du Québec
d'aujourd'hui. Il est toutefois conscient des embûches que
présentent, à cet égard, les droits garantis aux
minorités religieuses, protestantes et catholiques par la loi
constitutionnelle de 1867. Ne voulant pas répéter l'erreur
commise autour de la loi 3 par le gouvernement précédent, le
gouvernement réaffirme sa volonté de soumettre à la Cour
d'appel du Québec, dès les semaines qui suivront l'adoption du
projet de loi 107, les articles du projet de loi qui pourraient être
interprétés comme portant atteinte aux droits confessionnels
garantis par la constitution aux communautés protestante et catholique.
L'application de ces articles sera suspendue jusqu'à ce que les
tribunaux se soient prononcés -à leur sujet.
Soucieux de procéder avec franchise et loyauté envers nos
partenaires des commissions scolaires, nous tentons présentement
d'établir, de concert avec celles-ci, une liste communément
acceptable des articles qui devraient faire l'objet d'un renvoi aux tribunaux.
Au tout premier rang de cette liste, on trouvera évidemment des
dispositions traitant des commissions scolaires linguistiques.
Les parties du projet de loi traitant des pouvoirs des commissions
scolaires ont donné lieu, au cours des derniers mois, à de
nombreuses critiques. La Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec et, avec elle, de nombreuses commissions scolaires
- l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec a fait
de même - ont signalé maintes dispositions du projet de loi qui
entraîneraient, à leurs yeux, un affaiblissement des commissions
scolaires. Nous avons été attentifs à ces
représentations. Dans toute la mesure jugée compatible avec les
objectifs que nous poursuivons, nous avons visé à tenir compte
des points de vue exprimés par les porte-parole des commissions
scolaires.
Il me fait plaisir de communiquer, dans cet esprit, certaines
modifications que nous avons décidé d'apporter au projet de loi
107. Tout d'abord, étant donné les représentations faites
à ce sujet, autant par la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec que par la Fédération des
comités de parents du Québec, le droit de vote que la version
originelle du projet de loi accordait aux représentants des parents
à la table des commissaires sera retiré. Seuls pourront donc
voter aux réunions des commissaires les membres
régulièrement élus au suffrage universel par la
population.
En second lieu, le pouvoir que se voyait attribuer le ministre de
l'Éducation de suspendre l'application d'une décision d'une
commission scolaire ayant donné lieu à une enquête est
aboli. Nous reviendrons, à cet égard, à l'esprit de la loi
existante. Nous avions introduit cette modification dans le but de faciliter
une gouverne plus tempérée des affaires scolaires. La
modification fut reçue dans un esprit tout à fait
différent. Nous avons décidé de ne pas créer par
exprès des malentendus regrettables.
En troisième lieu, le pouvoir d'ester en justice... Je vois le
député d'Abitibi-Ouest qui sourit, il est toujours
émerveillé de l'ouverture du gouvernement, sans doute! Le pouvoir
d'ester en justice, que la version originelle du projet de loi accordait
à divers organismes, tels le conseil d'orientation et le comité
d'école, pouvoir contre lequel avaient vivement protesté les
commissions scolaires, est également retiré. Nous aurons
l'occasion de nous en expliquer en commission parlementaire. (16 h 50)
Quatrièmement, la formation d'un comité exécutif au
sein de la commission scolaire sera obligatoire, comme le voulaient les grandes
fédérations regroupant les commissions scolaires. Il ne sera pas
nécessaire, contrairement à ce que prévoyait la version
originelle du projet de loi, que les décisions du comité
exécutif soient entérinées par le conseil des
commissaires.
En cinquième lieu, la représentation de la minorité
linguistique au sein de la commission scolaire, là où elle sera
justifiée par le nombre, sera assurée, non plus par la
création d'un district électoral superposé aux districts
ordinaires, comme le voulait la version originelle du projet de loi 107, mais
plutôt par l'addition d'un commissaire-parent ayant le même statut
que les autres commissaires représentant les parents. Nous simplifions
beaucoup les choses avec cette modification.
Enfin, l'obligation de procéder par voie de réglementation
qui était imposée en maints endroits à la commission
scolaire sera considérablement allégée. Dans les
amendements que nous déposerons à un stade ultérieur, on
pourra constater que nous faisons disparaître à bien des endroits
cette obligation qui était faite à la commission scolaire de
procéder par voie de réglementation. La commission scolaire
pourra procéder plus souvent par voie de résolution, ce qui est
beaucoup plus simple et comporte une beaucoup plus grande marge de
souplesse.
Le projet de loi 107 apporte enfin une solution concrète à
un problème qui retarde à de nombreux endroits le processus
d'intégration des enseignements primaire et secondaire, processus qui
répond à une politique gouvernementale maintes fois
énoncée tant par le gouvernement précédent que par
le gouvernement actuel. Une commission scolaire affiliée à une
commission scolaire régionale peut, en vertu de la loi actuelle,
demander son détachement de la régionale en vue de
procéder à l'intégration de ses enseignements primaire et
secondaire. Mais avant que le ministre puisse consentir à
l'intégration projetée, l'accord de toutes les parties
concernées, c'est-à-dire de toutes les commissions scolaires
faisant partie de la régionale, est requis quant à la disposition
des actifs et des passifs communs.
Or, il suffit qu'il n'y ait pas d'accord entre les commissions scolaires
concernées pour que rien ne se fasse. Et rien n'est plus facile, dans
l'état actuel de la législation, pour une commission scolaire qui
veut mettre obstacle à un projet d'intégration, que de s'agripper
à l'argument du désaccord au sujet du partage des biens et des
obligations pour empêcher que le projet ne se réalise dans toutes
les autres commissions scolaires. Cela donne lieu à des abus de pouvoir
qu'on ne peut pas sérieusement tolérer, surtout quand ils sont
contraires à la politique générale du gouvernement en
matière d'intégration des enseignements primaire et
secondaire.
Peu après l'avènement du présent gouvernement, les
commissions scolaires furent informées que le gouvernement laisserait le
processus suivre son cours pendant une période raisonnable et tirerait,
en temps utile, les conclusions appropriées. Après trois ans, le
temps des conclusions est arrivé. Celles-ci sont définies de
manière simple et claire dans le projet de loi 107. En premier lieu, le
gouvernement continuera de favoriser l'intégration des enseignements
primaire et secondaire partout où l'intégration pourra se faire
pour le plus grand bien de l'éducation et l'avantage de la population
concernée. En second lieu, tout désaccord entre les commissions
scolaires concernées au sujet du partage des actifs et des obligations
ne pourra plus être invoqué comme prétexte pour le report
indéfini de la réalisation du projet. Après l'adoption du
projet de loi 107, le ministre de l'Éducation disposera en effet de
l'autorité nécessaire pour trancher tout différend de
cette nature. Les commissions scolaires, ou du moins certains de leurs
porte-parole, auraient souhaité trouver dans le projet de loi des
dispositions leur garantissant une plus forte marge de manoeuvre en
matière de revenus autonomes, et partant, d'autonomie financière
et administrative. Je comprends le point de vue des commissions scolaires.
Avec la très faible marge de taxation dont elles disposent depuis
l'adoption de la loi 57, en 1979, les commissions scolaires doivent
dépendre de subventions gouvernementales pour plus de 91% de leurs
revenus. Dans les provinces situées à l'ouest du Québec,
c'est-à-dire de l'Ontario à la Colombie britannique, le rapport
taxation-subvention est plutôt de 40% pour la taxation et de 60% pour les
subventions, ce qui donne un équilibre beaucoup meilleur. Au nom d'un
meilleur équilibre, il est permis de souhaiter que l'on en vienne un
jour au Québec à un partage qui tiendrait compte davantage du
rôle très important dévolu aux commissions scolaires. Dans
l'immédiat, tout changement d'importance donnerait cependant lieu
à une vive opposition des pouvoirs municipaux.
En outre, les études de fond qui seraient nécessaires pour
mettre au point des propositions précises ne sont pas
complétées, ni du côté des commissions scolaires ni
du côté du gouverne-
ment. Toute proposition touchant la fiscalité scolaire doit
être soigneusement étudiée dans les implications qu'elle
comporte pour l'ensemble de la fiscalité. Il s'agit là d'une
question très épineuse qu'il est impossible de régler en
parties détachées. Tout en sympathisant avec le point de vue des
commissions scolaires et en souhaitant que nous puissions en venir un jour
à un équilibre plus satisfaisant, je voudrais inviter ceux qui
croient à la nécessité de changements dans le domaine de
la fiscalité scolaire à continuer d'approfondir ce sujet et
à agir sur l'opinion publique afin que celle-ci soit mieux avertie des
problèmes qui découlent de l'équilibre actuel.
J'ai réservé pour la dernière partie de mes
observations les remarques que je vais vous soumettre au sujet du rôle
que le projet de loi attribue au gouvernement et au ministre de
l'Éducation. Si j'ai procédé de la sorte, c'est qu'il
m'apparaissait important de procéder à partir des besoins de la
population et de remonter graduellement jusqu'au dernier palier
d'autorité en précisant d'abord le rôle confié
à l'école et à la commission scolaire. Je n'en
étais pas moins conscient qu'avec les critiques traitant de la
confessionnalité, les critiques portant sur les pouvoirs du gouvernement
et du ministre ont été particulièrement vives au cours des
derniers mois.
Déjà de nombreuses critiques portant sur les pouvoirs du
gouvernement et du ministre auront perdu leur raison d'être, tantôt
à la suite d'explications que nous avons pu avoir avec des milieux
intéressés, tantôt à la suite d'améliorations
que nous sommes convenus d'apporter au projet de loi. Nous ne devons cependant
rien laisser au hasard au terme d'un débat aussi substantiel que celui
auquel ont donné lieu les pouvoirs attribués au gouvernement. Par
le projet de loi 107, il importe que nous fassions le point en toute
clarté.
En ce qui touche les pouvoirs du gouvernement, il faut d'abord
évoquer l'objection fondamentale que formulent les commissions scolaires
protestantes et aussi possiblement certaines commissions scolaires
confessionnelles catholiques touchant l'autorité du gouvernement sur le
régime pédagogique et le contenu des programmes d'étude.
Cette question est présentement l'objet d'une cause dont est saisie la
Cour suprême du Canada. Quand il aura été rendu, le
jugement du plus haut tribunal du pays obligera chaque partie à
s'aligner en conséquence. Je signale pour l'instant que les deux
tribunaux saisis du dossier jusqu'à maintenant, soit la Cour
supérieure et la Cour d'appel du Québec, ont donne raison
à la position que défend le gouvernement dans ce dossier, savoir
que si nous voulons un système d'enseignement fort et dynamique, il faut
absolument qu'il y ait un contenu commun dans ce système d'enseignement.
Le contenu sera donné par les programmes, lesquels doivent être
arrêtés par une autorité commune laquelle ne peut pas
être autre que celle du ministre de l'Éducation et des organismes
qui gravitent autour du ministre de l'Éducation. C'est ce principe
même qui est remis en cause par l'affaire dont est saisie la Cour
suprême du Canada. Et, jusqu'à nouvel ordre, la position du
gouvernement demeure conforme à celle qu'ont défendue tous les
gouvernements du Québec depuis 25 ans.
Outre le pouvoir sur le régime pédagogique que vient
confirmer le projet de loi 107, le gouvernement se voit attribuer certains
pouvoirs plus précis concernant notamment la répartition
territoriale des enseignements professionnels, des services éducatifs
pour adultes et des services aux élèves handicapés ou en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, la classification des postes
non syndiqués dans les commissions scolaires, les contrôles
comptables, la réglementation des services devant être fournis aux
élèves handicapés et aux élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Après avoir
examiné soigneusement toutes les critiques entendues à ce sujet,
je crois qu'il n'y a pas lieu de modifier les dispositions du projet de loi
traitant de ces matières. Ces dispositions reflètent tantôt
des pratiques généralement établies au sein du
gouvernement depuis déjà de nombreuses années et
tantôt des revendications très fermement formulées par les
milieux concernés. (17 heures)
Je prends par exemple les options professionnelles à propos
desquelles l'autorité est donnée au ministre de
l'Éducation. Le ministre de l'Éducation exerce déjà
cette autorité et, s'il ne l'exerçait pas, nous n'aurions pas
été capables de doter le Québec, au cours de la
dernière année, d'une carte des enseignements professionnels
beaucoup plus rationnelle, beaucoup plus économique, beaucoup plus
efficace que le système de dispersion que nous connaissions auparavant.
Le projet de loi vient seulement confirmer ce qui se faisait
déjà, et nous venons le confirmer dans la loi afin
d'éviter que ne s'instituent plus tard des contestations juridiques
légères et irresponsables qui coûteraient beaucoup d'argent
aux contribuables pour donner des clartés dont on pourrait, en fin de
compte, peut-être se passer.
Pour que le titulaire puisse s'acquitter de sa tâche avec
efficacité, les pouvoirs du ministre de l'Éducation doivent
être substantiels et nettement définis. Dans le document
d'orientation que le Parti libéral du Québec publiait sur
l'éducation à la veille de la dernière élection
générale, on trouvait le passage suivant relatif au
ministère de l'Éducation. C'est intéressant de le relire
parce qu'on verra encore une fois une grande continuité dans les
orientations du gouvernement. "Le ministre de l'Éducation conservera la
responsabilité de l'orientation générale et du soutien
financier des commissions scolaires et des écoles. Il aura la
responsabilité d'approuver et de surveiller les budgets des commissions
scolaires, de fournir aux commissions scolaires les ressources
financières dont elles ont
besoin, d'approuver les programmes d'études, les
manuels et le matériel pédagogique, de déterminer les
qualifications requises des candidats à l'exercice de la profession
enseignante, d'approuver les projets de construction et de réparations
majeures d'immeubles scolaires, d'autoriser des emprunts des commissions
scolaires, de stimuler, à travers tout le réseau, la recherche,
l'autocritique et l'innovation."
On concédera, en lisant les articles du projet de
loi 107, qui traitent du rôle du ministre de l'Éducation, que ces
articles traduisent fidèlement les orientations définies en 1985,
c'est-à-dire avant l'élection qui a porté le Parti
libéral du Québec au pouvoir. Il n'y a rien d'étonnant
à cela car les vues du Parti libéral concernant la
nécessité d'un ministère de l'Éducation doté
de pouvoirs réels ont été sans cesse
réaffirmés depuis la création, en 1964, d'un
ministère de l'Éducation par un gouvernement libéral. Le
gouvernement de Jean Lesage adhéra, à l'époque, à
la recommandation de la commission Parent voulant que le Québec soit
doté d'un ministre de l'Éducation investi d'une autorité
réelle sur le système d'enseignement. Il le fit avec conviction
et vigueur en fournissant au ministre les pouvoirs et les ressources
nécessaires pour agir. La position fondamentale du Parti libéral
du Québec n'a point changé à ce sujet. Nous voulons
toujours, je dirais même que nous voulons peut-être encore plus
qu'il y a 25 ans, un ministre de l'Éducation qui soit capable de veiller
à la bonne marche du système d'éducation et à la
qualité des services éducatifs partout au Québec, en
n'ayant d'autre souci que le service désintéressé de la
population et le bien supérieur de l'éducation.
Si l'on veut examiner dans un esprit objectif les
dispositions du projet de loi 107, traitant des attributions respectives du
ministre de l'Éducation et des commissions scolaires, on conviendra
qu'une fois dissipées certaines ambiguïtés et une fois
retouchées ou améliorées certaines dispositions
contestables, nous nous retrouvons avec un partage de tâches qui sera
fort proche, quoique plus clair, du partage que nous connaissons
présentement. Dans l'intervention que je faisais le 3 mai dernier
à l'ouverture des auditions publiques de la commission parlementaire de
l'éducation, autour des projets de loi 106 et 107, j'affirmais ceci: II
n'y a pas lieu, à l'heure actuelle, de procéder à des
changements majeurs dans le partage des responsabilités entre les
commissions scolaires et le gouvernement.
Au niveau des orientations financières,
administratives et pédagogiques, le partage actuel des tâches
permet une direction forte et équilibrée du système
d'enseignement à travers, d'une part, les orientations et les ressources
émanant du ministère de l'Éducation et, d'autre part, la
gestion décentralisée qu'assurent les commissions scolaires. Ce
partage est sain et efficace. Le projet de loi 107 ne le remet pas en cause. Il
est vrai qu'à s'en tenir à la lettre du projet de loi,
celui-ci confère au gouvernement et au ministre de l'Éducation
certains pouvoirs que ne leur donne pas explicitement la législation
actuelle. Dans la plupart des cas, cependant, les changements proposés
ont pour objet tantôt de procurer une assise législative plus
solide à des responsabilités qu'assume déjà le
gouvernement ou le gouvernement ou le ministre, tantôt de répondre
à des besoins nouveaux dont nul ne saurait contester
l'évidence.
Si, d'ailleurs, on fait une lecture attentive du projet de loi, on
constatera qu'il en va de même pour les commissions scolaires. Celles-ci
se voient attribuer explicitement dans le texte du projet de loi beaucoup de
pouvoirs et de responsabilités qu'elles ne détiennent
actuellement que de manière implicite, que sur la base de
l'expérience ou qu'en vertu d'un texte réglementaire. Nous venons
renforcer leurs attributions en les inscrivant dans le texte même de la
loi.
Les échanges de vues auxquels ont donné lieu les auditions
publiques de la commission parlementaire ont en outre permis au gouvernement de
mieux comprendre la portée exacte de certaines objections
formulées de bonne foi et en connaissance de cause à rencontre du
projet de loi 107 traitant des pouvoirs du gouvernement et du ministre. Bon
nombre de difficultés ont pu être aplanies à l'aide des
échanges qui ont eu lieu au cours des derniers mois. D'autres
difficultés pourront être aplanies d'ici l'adoption du projet de
loi. Nous écouterons avec attention et respect, jusqu'à la fin,
les représentations que l'on voudra nous faire à ce sujet, y
compris évidemment celles qui nous viendront de l'Opposition.
Avec le projet de loi 107, nous voulons donner au Québec une
législation scolaire digne de sa population et du travail magnifique
qu'accomplissent les milliers de personnes engagées à un titre ou
à un autre dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire
public. Nous voulons améliorer les chances d'accès de plusieurs
catégories de citoyens à ce bien élevé entre tous
qu'est l'instruction, à ce bien indispensable à qui veut se
tracer un chemin dans notre monde de culture et de technicités de plus
en plus exigeantes. Nous voulons en particulier que les portes de
l'école publique soient ouvertes plus généreusement que
jamais aux personnes adultes qui n'ont pu, pour une raison ou une autre dans
leur jeunesse, compléter une formation secondaire normale. Nous voulons
que tous les citoyens, en particulier les parents et leurs enfants, se sentent
chez eux à l'école publique et puissent participer activement
à la vie de leur école. Nous voulons que l'école jouisse
d'un statut plus précis et soit dotée de structures de
participation plus propices à la saine collaboration de tous les
intervenants.
Dans les conditions très différentes où nous
oeuvrons désormais, nous voulons que le Québec maintienne, sous
des formes renouvelées, sa
tradition d'accueil et d'ouverture envers les deux grandes familles
religieuses, catholique et protestante, qui ont façonné à
travers les générations l'âme du peuple
québécois et qui continuent de regrouper une portion fortement
majoritaire de la population québécoise.
Nous voulons également que l'école publique soit la maison
de tout le monde, que l'on y vive dans une atmosphère de respect envers
les options et les valeurs de chacun. Nous refusons d'exclure purement et
simplement la religion de l'école, car agir ainsi ce serait porter,
selon nous, une atteinte très dangereuse à un droit des parents
que nous voulons, au contraire, respecter. Nous refusons également, en
contrepartie, que l'école soit utilisée pour imposer à
tout le monde les valeurs d'une seule confession religieuse.
Le projet de loi 107 donnera naissance à des formules originales
et inédites de coexistence entre élèves et parents
d'allégeance spirituelle ou religieuse différente. Le
génie pratique maintes fois démontré de notre peuple
l'aidera à mettre au point les formules concrètes capables
d'assurer, entre toutes les classes de la population, une collaboration
scolaire loyale et fructueuse.
Nous voulons que demeure, moyennant des ajustements nécessaires,
la structure d'autorité bipolaire qui a caractérisé depuis
longtemps notre régime scolaire, à savoir une structure qui
assure un rôle important aux commissions scolaires, et réserve en
même temps un rôle essentiel de direction générale du
système d'enseignement au gouvernement et au ministre de
l'Éducation. (17 h 10)
Certains souhaiteraient que l'on revienne à l'âge où
les commissions scolaires étaient de véritables gouvernements
autonomes ayant compétence jusque sur le contenu des programmes. Nous ne
pouvons donner suite à ce voeu car il ne tient pas compte des exigences
modernes qui requièrent la présence à Québec d'un
ministre de l'Éducation fort et vigilant. D'autres voudraient
carrément que l'on fasse disparaître les commissions scolaires et
que le ministre de l'Éducation assume seul la direction de tout le
système d'enseignement. Nous né pouvons davantage faire droit
à cette approche centralisatrice, car elle élimine de
manière cavalière un élément essentiel au
fonctionnement démocratique de notre système scolaire. Nous
voulons conserver et les commissions scolaires et le ministre de
l'Éducation et nous voulons qu'à son niveau propre de
compétence, chacun de ces deux intervenants ait un rôle clair et
assuré.
Nous voulons enfin, par une approche prudente et graduée,
identifier plus clairement, puis utiliser au maximum la marge de manoeuvre dont
dispose l'Assemblée nationale en matière de législation
scolaire en fonction du facteur religieux et du facteur linguistique. Certains
auraient souhaité que nous recherchions tout de suite un amendement
constitutionnel. H est facile de faire une proposition de cette nature, mais
nul n'a réussi jusqu'à ce jour à mettre de l'avant une
formule précise d'amendement qui permettrait de concilier les droits
confessionnels et les droits linguistiques dans une synthèse largement
acceptable à tous les milieux concernés. Il faudra
éventuellement que nous en venions à des modifications à
l'article 93 de la loi constitutionnelle.
Loin de rejeter cette possibilité, le gouvernement, par la voie
du premier ministre lui-même, a déjà indiqué qu'il
était prêt à l'envisager pour une ronde ultérieure
de négociations constitutionnelles avec les autres gouvernements du
Canada. Mais nous manquerions à notre devoir de législateurs
québécois en nous croisant les bras et en ne faisant rien tant
que ne sera pas arrivé le jour où des clartés
complètes et satisfaisantes auront été atteintes à
ce sujet dans l'opinion publique, ce qui n'est pas le cas à l'heure
actuelle. Les besoins de notre système scolaire nous pressent d'agir
maintenant, d'améliorer aujourd'hui ce qui peut l'être tout de
suite, d'éclairer la voie là où elle demeure obscure, mais
de ne pas remettre à demain ce qui peut être fait maintenant. Je
suis assuré que les membres de l'Assemblée nationale voudront
souscrire à cette volonté raisonnable du gouvernement et faire en
sorte qu'elle puisse se réaliser dans les meilleurs délais pour
le plus grand bien de notre système d'enseignement et de notre
population.
Le Président: Je vais maintenant céder la parole
à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, ma première phrase
sera sûrement pour dire: Quel grand editorial! Il est évident que
le ministre de l'Éducation est un homme qui écrit longuement,
longtemps et qui réfléchit beaucoup. Dans son discours, on a
appris toutes sortes de choses, on a appris des choses majeures. On a appris
qu'en tant que ministre de l'Éducation, il avait beaucoup
réfléchi à la nécessité d'apporter des
changements majeurs à la vieille Loi sur l'instruction publique, ce qui
ne fait aucun doute. Cependant, on a de la difficulté à le situer
dans l'excellent discours qu'il a prononcé - je suis sincère en
ce qui me concerne - et les extraordinaires observations qu'il nous a faites
parce qu'il nous a fait des observations extraordinaires.
Rapidement, seulement pour s'amuser, peut-être une phrase, parce
que, dans un discours d'une heure, il faut avoir l'occasion de se
détendre quelques fractions de seconde. On apprend, par exemple, dans
son discours, qu'il souhaite rester grand et fort. C'est très clair.
À la page 25, il dit: Je suis intéressé à ce que le
ministre de l'Éducation - non pas le ministère... À la
page 25, c'est très clairement écrit: II faut
que le ministre de l'Éducation demeure fort et vigilant. Il
ajoute également à la page 25: J'ai regardé tout ça
et il n'y a pas lieu de changer parce que vous savez, quand je
réfléchis, je suis en mesure d'en arriver à une conclusion
très claire et il n'y a pas lieu, à l'heure actuelle, de
procéder à des changements majeurs dans le partage des
responsabilités entre les commissions scolaires et le gouvernement. Et
je le citais.
Je pense sincèrement qu'il est franc dans son discours. Il a
très bien campé ses positions, celles qu'il a bien voulu nous
mentionner, parce que je sais qu'il y a un paquet de choses qu'on ne
connaît pas encore. Cependant, le problème, c'est justement
ça, M. le Président. D'abord, nous sommes actuellement à
adopter le principe du projet de loi 107. Le problème qu'a celui qui
vous parle, il doit parler comme critique de l'Opposition officielle, il est en
mesure de le faire... Je pense qu'il connaît un peu ce domaine. H a
exercé des responsabilités dans le domaine de l'éducation
avec beaucoup d'intérêt, également avec
énormément de détermination parce que c'est un milieu qui
m'a toujours plu et qui me plaît encore. C'est un milieu que je touche
quotidiennement d'une façon très proche, par toutes sortes de
liens. En conséquence, le milieu de l'éducation continue de
m'intéresser, mais je ne peux pas vous faire un editorial sur le
mérite pur de l'éducation et du ministère de
l'Éducation et de l'accessibilité, l'école, la
confessionnalité, le pouvoir des commissions scolaires, le gouvernement,
moi et le Parti libéral.
Le problème que nous avons, c'est que nous sommes en Chambre pour
étudier un projet de loi qui s'intitule le projet de loi 107. On est
censés procéder à l'adoption du principe du projet de loi
107, lequel, et je pense que le ministre de l'Éducation a
été très clair là-dessus, a été
largement et très longuement discrédité,
désapprouvé dans la forme qu'il a. Aujourd'hui, M. le
Président, on l'appelle. C'est le leader du gouvernement, par le mien,
qui se lève et dit: M. le Président, veuillez appeler tel article
au feuilleton, et c'est le projet de loi 107.
Le problème que j'ai, c'est que le projet de loi que je connais,
je n'en veux pas. Le projet de loi 107 que je connais, que j'ai lu et sur
lequel j'ai travaillé et dont plusieurs intervenants ont pris
connaissance, ils n'en veulent pas. Le ministre, aujourd'hui, nous a
indiqué de nouvelles pistes. C'est exact. Le ministre nous a dit
aujourd'hui, et j'y reviendrai parce que ce n'est que mon introduction: Vous
allez voir, au-delà des difficultés d'incompréhension - je
pense bien que je ne le citerai pas intégralement. Il se le rappelle
parce que, je l'ai dit tantôt, il écrit longuement, il
écrit bien et, règle générale, c'est lui-même
qui écrit ses réflexions. D'ailleurs, un des plus grands plaisirs
que j'ai retrouvés quand j'ai été nommé critique de
l'éducation, c'est de retomber sur des encycliques. Quand j'ai le
malheur ou le bonheur de recevoir une copie conforme d'une institution, d'un
organisme qui a reçu une lettre de M. le ministre, avant d'en prendre
connaissance, je sais que c'est un document d'environ quinze pages. Alors,
c'est intéressant, c'est amusant pour un critique. Il est certain que
son temps va être complètement employé.
Ici, comme je le disais, ce n'est pas parce que je vais me faire dire:
Écoutez, on va atténuer les quelques petites
ambiguïtés qu'on a eues et on va régler ça. Dans le
fond, à plusieurs endroits, le ministre nous dit: Que voulez-vous, ce
n'est pas ma faute si vous m'avez mal compris. Mais, même si je pense que
vous avez mal compris, ce qu'on appelle des ambiguïtés, un peu plus
loin, il dit: De toute façon, j'ai regardé ça sur l'os.
L'os, il y en a plusieurs, mais un des os, c'est effectivement la distinction
ou le partage des responsabilités entre le ministère et les
commissions scolaires. Et il nous dit vers la fin de son encyclique
d'aujourd'hui: Je ne touche pas à ça. Écoutez, j'ai
réfléchi, le Parti libéral a la vérité
là-dessus, il vous l'a dit. La vérité s'appelle, dans leur
jargon, la continuité historique et, sur la base de la continuité
historique, le Parti libéral a toujours été clair,
ça prend un ministère de l'Éducation fort, qui a des
responsabilités clairement définies. En passant, je ne nie pas
ça. Je suis d'accord là-dessus. Ce n'est pas le Parti
libéral qui a inventé ça. Il peut le reprendre et il en a
le droit. C'est son droit le plus légitime. Mais il y a bien d'autres
prétendants à cette cause.
Le problème cependant, ce n'est pas tellement que personne ne
souhaite un ministère fort. Mais, à partir du moment où on
dit: Les commissions scolaires, vous allez demeurer, vous allez exister, vous
avez la responsabilité de la dispensation de l'enseignement et des actes
pédagogiques, elles veulent que ce soit sérieux. Les commissions
scolaires veulent avoir des pouvoirs réels, des pouvoirs d'initiative,
des pouvoirs d'évaluation, des pouvoirs de contrôle, des pouvoirs
de prendre de temps en temps, à même l'enveloppe que les
commissions scolaires reçoivent, des initiatives qui correspondent
à leur milieu, parce que les commissions scolaires sont proches de leur
milieu.
Je vais revenir sur des éléments de fond parce que le
ministre a touché des éléments de fond, je voulais camper
mon intervention. Je voudrais d'abord vous dire que, normalement, quand on
appelle le principe d'un projet de loi, on doit dire: Voici, en principe, ce
qu'il y a dans le projet de loi 107. Je ne vous relirai pas les notes
explicatives, on en a parlé pendant six mois. Mais, en gros, rapidement,
c'est une loi qui vise à remplacer la vieille Loi sur l'instruction
publique. On s'accorde là-dessus. Deuxièmement, c'est un projet
de loi qui fixe l'organisation du système scolaire en précisant
les rôles, les fonctions, les pouvoirs ou les responsabilités des
divers intervenants. (17 h 20)
Le projet de loi établit d'abord certains
droits pour l'élève ainsi que l'obligation de
fréquentation scolaire. Ensuite, les droits et obligations de
l'enseignant. Rapidement, c'est de camper le projet de loi.
Concernant l'école, que fait le projet de loi 107? Il renforce
l'autorité pédagogique et administrative du directeur. Il rend
obligatoire la composition d'un conseil d'orientation dont il détermine
la composition, le fonctionnement, les fonctions. C'est important. Il rend
l'actuel comité d'école facultatif. J'y reviendrai, c'est une
nouveauté. Le projet de loi 107 prévoit, à une date
indéterminée, la création de commissions scolaires
linguistiques francophones et anglophones sur le territoire du Québec,
tout en confirmant l'existence des commissions scolaires confessionnelles de
Montréal et de Québec et les dissidents.
Toujours au chapitre des commissions scolaires, le projet
détermine les règles de composition, de fonctionnement du conseil
des commissaires en y accordant notamment le droit de vote aux
représentants des parents. Là, il a corrigé ça. Je
le reconnais. Il a corrigé cet aspect pour ce qui est du conseil des
commissaires: les parents n'auront pas droit de vote. Il précise les
fonctions des commissions scolaires et comporte des dispositions relatives
à la taxation. Le projet maintient par ailleurs les commissions
scolaires régionales. C'est important d'entendre cela, je dirai
pourquoi. Le projet de loi 107 détermine enfin, et c'est majeur, les
pouvoirs et, selon tout le monde, les amis, très étendus de
réglementation du gouvernement, les fonctions du ministre de
l'Éducation omniprésent, omniscient et omnipotent.
En remodelant la vieille Loi sur l'instruction publique, le projet de
loi 107 vient donc donner une nouvelle configuration à notre
système éducatif auquel il fournit en quelque sorte la pierre
d'assise, vu son ampleur. Parce qu'il a raison. Le projet de loi que le
ministre veut nous faire adopter en principe, il a raison, c'est un projet de
loi majeur, c'est un projet de loi important. On ne peut pas discourir sur
l'éducation et laisser voir que l'éducation, ce n'est même
plus une dépense, c'est un investissement et essayer de
considérer là que c'est un projet de loi qu'on va adopter en 30
secondes et qu'on ne regardera à peu près pas. Écoutez, il
l'a dit lui-même, c'est un projet d'au-delà de 600 articles, qui
est probablement refait presque en totalité. C'est donc un projet de loi
majeur. Écoutez, il n'y a pas de cachette, M. le Président, pour
ce gouvernement, ça devrait être la fête au village cet
après-midi. Ils devraient être tous ici. On ne devrait pas
être devant des banquettes vides. Ils devraient être tous ici.
Imaginez, c'est probablement leur premier projet de loi en trois ans qui
a un peu de corps, de consistance, parce que c'est un gouvernement qui ne
légifère pas souvent. Et ils ont le droit à part cela.
Nous autres, on a le droit de dire, par exemple, qu'au moins ils devraient
légiférer sur leurs engagements. Et je vais y revenir sur des
aspects pratiques. Donc, quand le ministre dit: Écoutez, c'est important
ce projet de loi, il a raison. II. est majeur, il est capital, ça fait
longtemps qu'on n'a pas vu ça ici, de ce gouvernement, un projet de loi
majeur. Il faut quand même rappeler un peu d'histoire. Je ne serai pas
aussi bon que le ministre, je vous le dis d'avance sur les rappels historiques,
mais il faut en faire un peu. Il ne faut pas faire uniquement l'histoire d'une
formation politique. Il faut faire de l'histoire sur la progression des valeurs
éducatives véhiculées par des parlementaires qui ont
constaté à plusieurs reprises que nous avions une Loi sur
l'instruction publique qu'on ne souhaite pas voir disparaître
complètement de la carte, mais qu'on souhaite tous, j'espère,
voir rafraîchie constamment adaptée aux nouvelles
réalités- du monde moderne. Et le monde moderne, ça
inclut, bien sûr, ce qui se passe en éducation.
Le projet de loi 107 constitue-t-il la première tentative de
moderniser le système scolaire? Non, rapidement. Vous savez, ça
fait des années qu'on travaille là-dessus. En particulier, le
gouvernement du Parti québécois s'était engagé dans
une réforme en profondeur des structures scolaires. Cela n'a pas
été contesté. On se rappelle le livre blanc, le projet de
loi 40 qui avait donné lieu à une très longue
consultation, 250 mémoires et une centaine d'auditions en commission
parlementaire. Cela a débouché sur la loi 3 adoptée en
décembre 1984. Je me rappelle. En plus de créer des commissions
scolaires linguistiques, celle-ci procédait à une
redéfinition des droits, des rôles, des responsabilités des
divers partenaires de l'éducation ou de l'oeuvre éducative. La
loi 3, généralement - et il faut dire ça dans un
débat comme celui-là - a été bien accueillie par
les divers intervenants. Sincèrement. Elle a fait l'objet d'un
très large consensus dans le milieu de l'éducation, à
l'exception, bien sûr, des partisans des structures établies,
genre un peu, comme j'y reviendrai avec le ministre de l'Éducation...
Dans le fond, à la fin, il conclut: J'y suis, j'y reste et je veux que
le ministère soit fort et vigilant et, en conséquence, il n'est
pas question de partager mon gâteau et mon assiette en termes de
redistribution des responsabilités.
Ce n'est pas moi qui dis cela, je suis un porte-parole, M. le
Président. Écoutez, j'ai tellement vu de commissaires et de
commissions scolaires, ils ont dit - ce n'est qu'une phrase: C'est
probablement, en 100 ans de parlementarisme au monde, le ministre le plus
centralisateur qu'on n'a jamais vu, pour toutes sortes de raisons historiques,
pour toutes sortes de raisons de personnalité, pour toutes sortes de
raisons de fonctionnement. Si le ministre trouve que ce sont des
qualités extraordinaires, il a peut-être raison, je ne veux
même pas discuter de cela, mais c'est comme cela, par exemple. Il faut
que les gens soient conscients qu'entre les beaux discours qu'il me faisait sur
la décentralisation lorsqu'il
était de ce côté-ci, et ce qu'il nous a fait en
commission parlementaire, et ce qu'il va essayer de nous faire encore pendant
des semaines, parce que cela va malheureusement durer des semaines, je vous
garantis qu'il y a tout un fossé. Ce n'est même plus le pont de
Trois-Rivières, le fossé est 500 fois plus large que cela entre
son discours et la réalité du projet de loi. Ah, celui qui veut
écrire, qui va probablement être obligé de refaire, je ne
le sais pas! Je ne le connais pas. Là-dessus, j'y reviendrai
peut-être un peu, mais c'est un peu anachronique que je sois
obligé de faire un discours sur le projet de loi 107, alors que le
ministre sait où il s'en va. Lui, ses 300 amendements, il les
contrôle; mol, je ne les ai pas vus. Je ne sais pas la teneur du fond de
ses 300 amendements. Je ne connais pas exactement le genre d'échange de
vue, d'engagements et de promesses ou pas qu'il a eus avec les commettants; je
ne le sais pas. J'ai déjà su cela, mais là je ne le sais
plus. Ce n'est plus moi qui suis ministre, c'est lui.
Aujourd'hui, on me demande de parler, François Gendron, comme
critique de l'Opposition officielle, sur le projet de loi 107. Je suis capable
de vous en parler sans aucun problème, je connais le projet de loi 107.
Ce que je suis en train de vous dire, c'est que le ministre est pas mal
centralisateur. Au moins, la loi 3 avait le mérite d'avoir fait un large
consensus. Cependant, et c'est cela qui est drôle, elle avait fait
l'objet d'une obstruction systématique de nos amis d'en face, dans le
temps, qu'on appelle aujourd'hui le Parti libéral: obstruction
systématique de l'Opposition officielle d'alors. Ce qu'il y a de pire:
Qui conduisait cette obstruction systématique? Le même homme qui,
aujourd'hui, a la responsabilité de ministre de l'Éducation. Tous
se le rappellent, l'application de la loi 3 s'est butée à un
jugement de la Cour supérieure la décrétant
inconstitutionnelle. Une fois de plus, la volonté de moderniser nos
structures scolaires et de les adapter à la réalité d'un
Québec pluraliste se heurtait à l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, au fameux article 93 pour lequel le ministre a eu quelques
considérations.
Est-ce que le gouvernement libéral est allé en appel? Du
tout. Là, il nous dit: Je vais aller en appel, pas en appel, mais en
déféré; je vais aller en Cour pour voir ce qu'elle en
pense. Cela n'est pas une démarche qui, en soi... Je ne suis pas
réfractaire à cela, je ne suis pas contre cela. Je le dis comme
je le pense. Cela fait curieux que le même gouvernement: Pas question
d'aller en appel sur la loi 3. Le ministre de l'Éducation d'aujourd'hui
a été franc, là-dessus j'entends. Il a dit: La loi 3 ne
nous plaît pas. On ne veut rien savoir de cela, même si c'est une
loi qui réformait toutes les structures de l'éducation, pour
laquelle il y avait eu un large consensus. Pas question, on ne va pas en appel.
Le ministre l'a dit clairement. Pourtant, ce gouvernement a porté
jusqu'en Cour suprême l'article 58 de la Charte de la langue
française relatif à l'affichage commercial, alors qu'il s'est
toujours dit contre l'affichage unilingue français. Pourtant, il est
allé à la cour.
En suspendant les procédures judiciaires sur la loi 3, le
ministre aurait fait perdre trois ans. Si le projet de loi 107 est
adopté, il prendra le chemin de la Cour d'appel et de la Cour
suprême pour savoir si c'est constitutionnel. Je ne suis pas capable de
comprendre une logique comme celle-là. En tout cas, j'ai bien de la
misère à comprendre une logique comme celle-là. Je sais
qu'on va avoir du temps pour se l'expliquer et je vais avoir d'autres arguments
à faire valoir, mais je ne peux pas être d'accord avec une telle
logique.
Pourquoi ne pas avoir continué les démarches avec la loi
3, quitte à l'amender si nécessaire? Parce que le ministre
voulait absolument coller son nom à la révision de la Loi sur
l'instruction publique? Peut-être! Peut-être parce que, il faut
l'admettre, c'est un grand penseur; c'est un très grand
éditorialiste, je vous le dis, je le pense sincèrement. Mais
là, I faudrait qu'il se rende compte qu'il est rendu en politique, il
n'est plus au Devoir. Il est ministre de l'Éducation et les grands
"éditos"... (17 h 30)
Une voix: C'est terminé.
M. Gendron: Oui, cela n'a pas l'air de toujours paraître
que cela fait dix ans qu'il a laissé l'editorial, il nous en a fait un
d'une heure, tantôt.
Le projet de loi 107 a, bien sûr, des points communs avec la loi
3. Plusieurs articles se retrouvent dans les deux versions. Mais le projet
libéral comporte aussi plusieurs divergences majeures, fondamentales, il
faut en être conscient, il faut s'en parler. Nous l'avons
déjà dit, le projet de loi 107 comporte à maints
égards des reculs par rapport à la loi 3, et je vais à
nouveau le démontrer. Ce qui avait pu sembler acquis se retrouve
aujourd'hui remis en question. Pourquoi revenir sur des acquis en ce qui
concerne les droits des élèves, par exemple? Pourquoi revenir sur
des acquis en ce qui concerne l'accessibilité aux services
éducatifs? Pourquoi revenir sur des acquis en ce qui concerne la
participation des parents? Comme Opposition officielle, nous n'avons pas eu de
réponses à ces questions de la part du ministre. Force nous est
cependant de constater qu'a profite de l'opération pour accroître
ses pouvoirs; du moins, plusieurs intervenants pensent cela. On comprend mieux,
dans ce contexte, l'acharnement du ministre à remettre à nouveau
sur le métier une réforme pourtant attendue depuis fort
longtemps.
Le ministre a été pas mal silencieux sur le détail
de ce qui s'est passé longuement en commission parlementaire. Il a eu
quelques phrases, il a dit: C'est vrai que j'ai été
critiqué, c'est vrai qu'ils ont critiqué certains aspects du
projet de loi. Il a dit cela aujourd'hui, mais on n'a pas eu droit,
comme habituellement, à un très long rapport sur quelque chose
qui a duré pendant des semaines en commission parlementaire et où
à peu près tout le monde... Je vous en fais grâce, M. le
Président, parce que je vous dis qu'on se coucherait tard, mais à
peu près tout le monde... J'aurais juste quelques petites citations...
Je vais en citer juste une tantôt, parce que c'est important de rester
là où nous sommes.
Globalement, qu'est-ce que la consultation a démontré?
Elle a démontré que le projet de loi 107 non seulement ne fait
pas consensus... La plupart des intervenants de l'éducation ne veulent
pas d'un tel projet de loi. Il suffit de relire les mémoires pour s'en
convaincre. De très nombreux organismes, et parmi les plus importants en
termes de représentation - si c'était juste celui qui vous parle,
je comprendrais que le ministre pourrait ne pas avoir changé un
poil de son projet de loi - des représentants majeurs sont venus en
commission parlementaire, des gens qui sont dans le domaine de
l'éducation depuis des années et pour lesquels on se doit d'avoir
passablement d'ouverture et de considération. Ce sont les agents de
l'éducation, mais pas les seuls, je le reconnais. Il y a d'autres
agents, on va en parler tantôt. La plupart de ces gens refusent
d'adhérer au libellé actuel du projet de loi 107. Ce sont les
deux grandes fédérations de commissions scolaires, protestante et
catholique, c'est le conseil de l'île, c'est la majorité des
grands syndicats enseignants, ce sont les grandes centrales syndicales, ce sont
les directeurs généraux, c'est l'Institut canadien de
l'éducation des adultes, c'est la Coalition pour l'égalité
des droits en éducation qui regroupe de nombreux organismes syndicaux et
populaires. C'est la Commission des droits des personnes. J'arrête
là, la liste est inépuisable, je vous le dis.
D'autres organismes comme l'Association des cadres scolaires du
Québec, la Fédération des comités de parents et la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec ont aussi réclamé des
changements substantiels. Je vous donne seulement un exemple: l'Association des
directeurs généraux des commissions scolaires, ce sont des gens
qui touchent l'éducation de pas mal près et le ministre le sait.
Je les cite très rapidement: "Nous nous opposons fermement et fortement
à cette accumulation des pouvoirs du gouvernement et du ministre. Nous
jugeons très impertinent que le ministre prenne occasion du projet de
loi pour augmenter considérablement ses pouvoirs réglementaires
et, par là, son emprise sur le système scolaire." J'ai
volontairement cité cela parce que c'est une remarque
générale. J'aurais pu prendre des considérations plus
spécifiques.
Cela ne fait pas longtemps que je suis réapparu comme critique en
matière d'éducation, mais on me fait des remarques comme
celles-là partout. Encore la semaine dernière - oui, la semaine
dernière et je ne commencerai pas à nommer des gens - j'ai
rencontré des gens. En tout cas, dans mon comté, je côtoie
les gens, je côtoie mon monde, y compris des amis de M. le ministre de
l'Éducation.
Une voix: II y en a beaucoup?
M. Gendron: Oui. Même ses amis m'ont dit: Écoute, il
va falloir que tu lui parles parce qu'il a des problèmes, notre cher
ministre de l'Éducation, il ambitionne, il va falloir qu'il sorte de sa
tour d'ivoire.
Je la connais sa tour. J'y ai été moins longtemps que lui,
mais je la connais. J'ai été au 15e quelques minutes moi aussi.
Cela n'a pas de bon sens d'avoir un projet de loi sous prétexte qu'on va
réformer la vieille Loi sur l'instruction publique et qu'on n'apportera
pas, enfin, des modifications substantielles et majeures.
La question qu'il faut se poser: Où sont les appuis dont il
aurait pourtant besoin pour que sa réforme bénéficie d'une
certaine crédibilité? Si on me démontre que tous les
intervenants que je viens de citer, sont en accord avec la réforme, je
le répète, je n'ai jamais fait de discours ici pour
moi-même, j'ai une opinion, c'est normal, mais on n'est pas en politique
pour soi-même, je l'espère... J'espère qu'il n'y a pas
personne qui pense qu'il est en politique pour lui-même. Moi, je
représente des électeurs. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas
de discussions entre mes électeurs et moi par rapport à mes
convictions. Cela, c'est sain, mais le jour où je serai ici uniquement
pour me faire plaisir, je prendrai d'autres décisions, M. le
Président, je ne suis pas ici pour essayer de me faire plaisir. En
conséquence, si le ministre de l'Éducation, aujourd'hui, est
capable de me dire: M. le député d'Abitibi-Ouest, vous ne l'avez
plus, voici tous les intervenants éducatifs qui appuient ma
réforme, là, je vérifierai par rapport à mes
convictions. Cela ne veut pas dire que je vais bénir à mort le
projet de loi 107, mais il est possible que je dise: Comme je dois
refléter les indications que les gens de l'éducation me
communiquent à travers ma responsabilité parlementaire comme
membre d'une Opposition officielle, je suis assez grand garçon pour me
réajuster et je n'ai pas de problème à vivre avec cela.
Mais, actuellement, je n'ai pas entendu dans le discours d'aujourd'hui, dans
les 30 pages livrées par le ministre: Je peux compter aujourd'hui, pour
mener à terme ma réforme sur le projet de loi 107, concernant la
modernisation de tout ce qui régit le monde de l'éducation, sur
tels organismes, la fédération, les cadres scolaires, les
principaux, etc. Je n'ai pas entendu cela.
Les audiences ont confirmé notre évaluation quant à
la faiblesse du projet de loi 107 par rapport à la loi 3. Si les
intervenants ne se sont pas toujours livrés à une comparaison
exhaustive, c'est le moment de parler des éléments qui
étaient valables et qui sont disparus. On ne
trouve plus dans le projet de loi 107 la définition des services
éducatifs complémentaires et particuliers. On n'a plus la
même notion de la gratuité de l'éducation des adultes. Le
recours au Protecteur du citoyen pour faire respecter les droits de
l'élève, c'est sauté! La reconnaissance du droit
d'association pour les jeunes, les élèves, les étudiants
qui doit être la base de tout régime en éducation, pas
question! L'existence d'un comité pédagogique composé
d'enseignants, de professionnels, sauté! L'obligation pour la commission
scolaire d'organiser des services de garde, sauté! Cela n'existe plus,
même si on est dans un contexte où on en a un exemple, tout le
monde parle de garderies plus que jamais. On ne peut pas prêcher un
discours d'égalité des chances et ne pas avoir une
société qui, effectivement, concrétise ce discours
d'égalité des chances, autrement on n'est encore que
théoriques. L'insistance mise sur l'intégration des
élèves handicapés et des élèves en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage dans les classes, les groupes
ordinaires ou autres activités de l'école, sauté!
Ce ne sont pas des "peanuts" dont je viens de parler, ce sont des
éléments majeurs qui étaient dans la loi 3 et qui sont des
éléments absents du projet de loi 107. Autres objets de recul, on
est supposés avancer; moderniser, adapter, pas reculer! Autres objets de
recul: la disparition du comité d'école obligatoire,
l'affaiblissement des fonctions décisionnelles du conseil d'orientation.
Il ne s'agit pas de prétendre que la loi 3 était parfaite. Cela,
on est toujours dans l'erreur quand on discourt sur le mérite pur, soit
du Parti libéral, soit du ministre de l'Éducation actuel ou du
critique de l'Opposition officielle. On ne peut pas discourir dans le
mérite pur, ce n'est pas de même, cela n'existe pas comme cela. La
loi 3 n'était pas parfaite, mais la loi 3, au moins, avait des
éléments sur lesquels je pouvais m'appuyer et m'appuyer encore
sur des consensus réels. Sur la loi 107, je répète, je
voudrais être de bonne foi, je pense que je suis de bonne foi, je ne
connais pas d'organismes qui me disent: Oui, M. le député
d'Abitibi-Ouest, vous devriez appuyer d'une façon majeure ce projet de
loi-là. Ce n'est pas cela les messages qu'on m'a donnés. Comme je
l'ai dit tantôt, je ne le répéterai pas, je dois
refléter ce que nous sommes, c'est-à-dire une Opposition
officielle qui doit être près des intervenants du milieu qui ne
peuvent pas recevoir complètement tout ce qu'ils souhaitent à
l'intérieur du Parti libéral même si la situation semble
aller bien. (17 h 40)
Je vais faire une analyse très critique du projet de loi. Le
projet de loi 107 n'est pas mauvais dans son ensemble. Il y a des affaires
intéressantes dans le projet de loi 107. Il procède, à
certains égards, d'intentions louables, notamment moderniser une loi qui
en a besoin, clarifier le partage des pouvoirs entre les différents
partenaires. On adhère à ces objectifs- là. Je n'ai aucun
problème à adhérer à ces objectifs-là.
L'objectif de déconfessionnalisation des commissions scolaires,
pensez-vous que je n'y adhère pas? On l'a proposé comme
Opposition officielle. Je ne suis pas un vire-capot aux cinq minutes.
J'adhère à ça. Mais est-ce que c'est vraiment ça la
déconfessionnalisation, la démarche proposée dans le
projet de loi 107? Non, ce n'est pas ça, M. le Président. Tous
les organismes sont venus dire: Ce n'est pas ça. Donc, est-ce que le
ministre me propose une démarche satisfaisante à cet
égard? Ma réponse, c'est non. Plusieurs des 579 articles du
projet de loi ne nous posent pas de problème, mais celui-ci comporte des
lacunes majeures dans plusieurs de ses dimensions, celui-ci se rapportant au
projet de loi 107, j'entends.
La principale critique, je l'ai dit tantôt et je la
répète rapidement, la critique la plus unanimement
adressée par à peu près tous concerne l'aspect
profondément centralisateur du projet de loi. Elle a été
véhiculée à plusieurs reprises lors des audiences. Elle
est partagée par toutes les commissions scolaires, les directeurs
généraux, etc. Encore là, la liste, je ne la ferai pas
à chaque fois. Le diagnostic est clair; il est simple. C'est un projet
de loi à l'image de son parrain, et ça, parfois, c'est normal,
mais, parfois, c'est dangereux. C'est un projet de loi à l'image de son
parrain. Je l'ai dit, c'est le plus centralisateur jamais
présenté par un ministre de l'Éducation. C'est dans sa
nature. Il faut qu'il voie tout, il faut que ça lui passe dans les
mains, et ce n'est pas lui comme ministre qui a donné le plus de
pouvoirs de délégation à sa machine ou à sa
structure. Et il a le droit de faire ça, soit dit en passant, il est
parfaitement dans son droit. Comme moi, j'ai le droit de dire, par exemple,
qu'on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche. Et on ne
peut pas revendiquer que les institutions qui ont la responsabilité de
dispenser l'enseignement ont tous les pouvoirs, quand celui qui a la
capacité, par son poste, de les leur donner les garde et conclut, comme
je vous l'ai dit tantôt, à la page 25, qu'il n'y a pas lieu,
à l'heure actuelle, de procéder à des changements majeurs
dans le partage des responsabilités entre vous et moi, moi par personne
interposée - je parle du ministère de l'Éducation que M.
le ministre préside - et les commissions scolaires. Il a le droit, je le
répète, de répéter ça partout. Dans le
débat actuel, les commissions scolaires ont une autre prétention.
Les agents éducatifs ont une autre prétention. Ils ont dit: Nous,
on pense qu'il y a lieu d'avoir des responsabilités plus
décentralisées. C'est mon devoir, M. le Président, comme
critique de l'Opposition, de le dire.
Par rapport à l'actuelle Loi sur l'instruction publique ou par
rapport à la loi 3, le projet de loi 107 donne au ministre ou au
gouvernement environ une vingtaine de nouveaux pouvoirs, de nouveaux motifs
d'ingérence dans les affaires des commissions scolaires. Supposons que
je serais
dans les patates, j'aimerais ça; dans le présent cas,
j'aimerais être dans les patates, mais je ne suis pas dans les patates,
je suis dans le projet de loi 107. Et dans le projet de loi 107, tous ceux que
j'ai consultés m'ont dit: Voici la liste des pouvoirs additionnels que
le ministre se donne et qu'il n'avait pas. Le ministre pourra toujours me dire,
à un moment donné, à des phases ultérieures de la
continuation de ce magnifique exercice: Écoutez, M. Gendron, je vous ai
indiqué des affaires là-dedans et il y a des choses qui ont
changé. C'est exact. Je répète qu'on me demande - et je
suis content de le faire parce que c'est ce que le leader du gouvernement a
appelé - de discuter du principe du projet de loi 107. Or, à
propos du projet de loi 107, je suis toujours en mesure de prouver devant toute
personne normalement constituée, y compris le ministre, que ce que je
dis est exact. Il y a une vingtaine de pouvoirs additionnels dans le projet de
loi 107 qui n'existaient pas: le pouvoir pour le ministre d'établir la
liste des commissions scolaires qui peuvent organiser des services
éducatifs pour les adultes, par exemple, cela n'existait pas; le pouvoir
pour le ministre d'établir la liste des spécialités
professionnelles ou des services particuliers aux élèves
handicapés, cela n'existait pas; le pouvoir pour le ministre de statuer
sur les différends relatifs à la répartition des droits et
obligations d'une commission scolaire lors d'une division ou d'une fusion du
territoire, cela n'existait pas et cela existe; le pouvoir
discrétionnaire du ministre de libérer une commission scolaire de
toutes ou d'une partie de ses fonctions sur le plan des services
éducatifs à dispenser, cela n'existait pas et cela existe;
l'extension du pouvoir de réglementation au sujet du personnel non
syndiqué, cela n'existait pas et cela existe. Je m'arrête
là pour des raisons de temps, mais la liste est plus longue que
ça.
De leur côté, les commissions scolaires devront
réglementer davantage l'exercice de leurs propres fonctions. La
confection de ces règlements étant soumise à de lourdes
exigences en termes de publication, de délai et de consultation, ce sont
des complications additionnelles. Il nous a indiqué dans son discours
d'aujourd'hui: je vais limiter cela, il va y en avoir moins et on va se donner
des clarifications. Soit, soit, sincèrement, mais ce ne sont pas les
objets majeurs. Il le sait bien et ce n'est pas pour rien, il est
habitué de faire des discours, ce n'est pas pour rien qu'il le disait
dans sa conclusion: l'objet majeur, c'est sa dernière analyse sur le
gouvernement, moi et le Parti libéral. Quand il parle du gouvernement,
de moi et du Parti libéral, je vous dis qu'il n'y a plus d'ouverture. Il
l'a dit clairement et je répète qu'il a le droit de dire
ça, il n'y a pas lieu de modifier un partage différent pour les
raisons qu'il a exposées. Mais les raisons qu'il a exposées, il
les avait déjà exposées comme ministre de
l'Éducation et, que je sache, les intervenants qui l'entendaient
n'avaient pas la même conception de ce qu'on appelle un pouvoir
décentralisé. On aura l'occasion d'expliquer ça davantage,
de clarifier.
Je prétends que c'est une mainmise sur les commissions scolaires.
Cette manie centralisatrice nous vient d'un ministre qui, lors des
débats entourant l'adoption du projet de loi 3, faisait la fine bouche
sur celui-ci - je parle du projet de loi 3 - parce qu'il était
prétendument trop centralisateur. Imaginez! la plupart des intervenants
ne disaient pas ça. Sincèrement, j'ai entendu bien moins
d'intervenants reprocher à la loi 3 d'être trop centralisatrice
que d'intervenants aujourd'hui qui ont dit au ministre, du projet de loi 107,
qu'il était très centralisateur. Il y avait d'autres
débats, je suis d'accord là-dessus. S'il nous avait dit
ça, j'aurais dit: Vous avez raison, M. le ministre.
Et voici sa phrase célèbre, je le cite: "Nous ne saurions
souscrire à une activité qui consisterait à augmenter les
pouvoirs du ministre de l'Éducation dans le contexte actuel." - bien
sûr, il était dans l'Opposition - clamait-il, probablement pour la
galerie parce que son propre projet est bien plus centralisateur. Où est
la cohérence entre les discours pieux d'antan et les actions
d'aujourd'hui? J'ai de la difficulté à la voir. Si on
réussit, durant les nombreuses heures qu'on devra travailler ensemble,
à me la faire partager, je reviendrai discourir en Chambre. Il y aura
d'autres étapes et je dirai: Oui, les intervenants, oui en commission
parlementaire, oui, à la suite de consultations, parce que je vais en
faire dès demain matin, 8 heures. Je dirai: Ces gens-là ont
modifié leur point de vue, parce que dès demain matin, 8 heures,
j'aurai des consultations avec des intervenants de l'éducation.
Cette "contrôlite" aiguë - parce que c'est ça, le
ministre est atteint de la "contrôlite" aiguë - dont est atteint le
ministre vient d'un représentant eminent du Parti libéral qui,
lors de la campagne électorale, promettait une responsabilisation accrue
des partenaires du système d'éducation. Où est la
cohérence? Que signifiaient ces belles promesses? Est-ce comme toutes
les autres qu'on a entendues comme, par exemple, celle sur l'abaissement de
l'âge pour entrer à la maternelle? C'était une belle
promesse des libéraux à laquelle il a décidé de ne
pas donner suite, mais de faire ce qu'il voulait. Dorénavant, on est
admis à la maternelle et en préscolaire dans le bureau du
ministre. Il y a un homme au Québec qui donne les autorisations
concernant le droit ou non d'aller à l'école. Je vous dis que
ça commence à être un changement de régime
majeur.
Même chose quant aux engagements que ces gens-là ont pris
concernant la femme au foyer. La fameuse rente pour les femmes au foyer, que
c'était donc beau comme engagement électoral! Troisième
année de leur mandat et le premier ministre qui parlait même
d'élections, aujourd'hui! Il est prêt à aller en
élection; il n'a donné suite
à presque aucun de ses engagements et il est déjà
prêt à demander un nouveau mandat. Pour promettre autre chose
à laquelle on ne donnera pas suite? Je ne peux pas fonctionner comme
ça. (17 h 50)
Personne ne plaide la disparition du ministère de
l'Éducation. Pourquoi nous faire un laïus d'une dizaine de pages
sur l'importance d'un ministre de l'Éducation et d'un ministère?
Personne ne conteste ça. Personne. "L'État doit conserver un
rôle majeur dans ce domaine"? Bien sûr. L'éducation, c'est
un domaine crucial, un domaine d'avenir. C'est l'avenir, l'éducation de
nos jeunes. "Il doit continuer de fixer les grands objectifs, les grands
encadrements nationaux en matière d'accessibilité aux services de
régimes pédagogiques". Bien sûr. "Il faut assurément
maintenir une équité d'accès dans la qualité des
services pour la population. " Bien sûr. Il nous semble cependant que la
bureaucratisation, la centralisation du système ait atteint ses limites.
Il ne faut pas en ajouter, comme le fait le projet de loi 107. Il faut, au
contraire, introduire davantage de souplesse. Alors, il faut, au contraire,
introduire davantage de souplesse - c'est ce qu'il faut faire - afin
d'établir un meilleur équilibre, des pouvoirs, des
responsabilités, mais au profit du milieu, parfois au profit des
intervenants locaux, parfois au profit des premiers impliqués, des
véritables et des premiers impliqués dans la réalisation
du projet éducatif. Si les commissions scolaires doivent être
autre chose que des courroies de transmission des normes, des directives, etc.,
elles doivent bénéficier d'une plus grande autonomie et d'une
réelle marge de manoeuvre.
Le projet de loi 107 que je connais - celui qu'on verra un de ces jours,
je ne le sais pas - va à contre-courant de toutes les tendances
actuelles en matière de gestion des affaires publiques. Il va à
l'encontre d'une politique de décentralisation, il va à rencontre
de la prise de décision par les premiers milieux et il va à
l'encontre, et c'est ce qui est plus grave, de la valorisation du dynamisme et
de l'autonomie locale. Il est empreint d'une méfiance à l'endroit
des gouvernements locaux que sont les commissions scolaires.
Le ministre va apporter des adoucissements. Il a déjà
commencé. Il va apporter des aménagements pour les
récalcitrants, je le connais et je sais comment il procède. Ce
n'est pas la première fois qu'il refait ses devoirs. Il a touché
à une petite loi sur les élections scolaires et il y a
touché comme il faut. Il n'y a pas longtemps, il avait touché
à quelques articles; on a été obligés de tout
recommencer au complet. Quand il nous a montré le produit fini, il y
avait plus d'articles modifiés que lors du premier dépôt,
et c'est ce qui va arriver avec le projet de loi 107. On ne peut pas refaire
ses devoirs constamment et nous demander d'être d'accord sur le principe
de quelque chose sur lequel on discourt aujourd'hui, mais qu'on ne
connaît pas. Non pas parce qu'on ne le connaît pas, mais parce que
le ministre de l'Éducation va possiblement déposer 250
amendements. Imaginez! La moitié des articles de ce projet de loi vont
être amendés. Cela fait sérieux! C'est comme ça que
ces parlementaires aiment travailler. Ils l'ont applaudi tantôt. Ils ont
failli lui chanter une sérénade en disant: II est brillant, notre
ministre, H refait ses devoirs, on ne les a pas vus, mais on est d'accord. On
est d'accord avec ça. Ce sont tous des répondeurs automatiques.
Ils sont d'accord avec ça. Pensez-vous que vous connaissez les
amendements? Les gens intéressés ne les connaissent même
pas. C'est impossible. Si vous les connaissez, j'aimerais que vous m'en
parliez.
C'est impossible que vous connaissiez l'ensemble des amendements.
Pourtant, ces gens sont d'accord avec le projet de loi 107. Ils vont nous le
dire et quelques-uns vont discourir là-dessus. On va obliger
quelques-uns à discourir là-dessus parce que ce ne sont pas des
grands parleurs, en tout cas, pas ici. Peut-être qu'en dehors de la
Chambre, ce sont de très grands parieurs. Ils font des promesses
auxquelles ils ne donnent pas suite. Mais j'aimerais les entendre sur les
amendements et qu'ils nous disent comment ils comprennent cela quand ils
rencontrent des gens qui disent: On ne veut rien savoir. Comment se fait-il
qu'ils traduisent: C'est beau et bon, M. le ministre. Je n'ai jamais appris
ça comme ça. Je ne sais pas quelle sorte de traduction ces gens
font.
Sur l'accessibilité aux services éducatifs, c'est un autre
enjeu majeur. On l'a répété à maintes reprises lors
de la consultation. Nous le répétons à nouveau. Le projet
de loi 107 comporte des lacunes sur ce plan et de sérieux reculs par
rapport à la loi 3: par exemple, absence de définition des
services particuliers et complémentaires. C'est important, selon nous.
Si ce n'était que selon nous, j'abandonnerais tout de suite, mais il y
en a d'autres qui m'ont dit qu'ils tenaient à ça. Il me semble
qu'on a le droit d'en discuter.
L'âge d'admissibilité aux services éducatifs, je
l'ai dit tantôt, une phrase: Le projet de loi 107 octroie le droit aux
services éducatifs à toute personne âgée de cinq ans
ou plus. Mais écoutez ce qu'il dit: II revient cependant au gouvernement
de fixer par règlement une date entre le début de l'année
scolaire et le 1er janvier pour la détermination de l'âge
d'admissibilité aux services éducatifs. Nous savons que cette
date est présentement le 30 septembre. Le Parti libéral - ce
n'est pas moi - s'était engagé à la porter au 31
décembre. Nous savons qu'il n'a pas tenu sa promesse, comme ailleurs, le
ministre préférant plutôt mettre en place un système
de dérogation arbitraire et générateur
d'inéquités. Il faut aussi rappeler qu'à l'occasion de
l'étude détaillée du projet de loi, l'Opposition
libérale, sous la houlette du député d'Argenteuil, avait
présenté une motion proposant de reporter au 31 décembre
la date de naissance pour l'âge
d'entrée à l'école. Lui, dans l'Opposition. Motion
pour reporter.
On aurait pu s'attendre en toute logique que dans le projet de loi - il
a dit que c'était un projet de loi majeur, il a raison - 107
présenté par le même député d'Argenteuil,
aujourd'hui ministre de l'Éducation, soit fixée la date
d'admissibilité au moins au 31 décembre. Qu'est-ce que c'est que
cette omission? Il ne le fait pas. Une contradiction de plus entre le discours,
les promesses et la réalité. À moins qu'aujourd'hui, le
ministre ne nous dise qu'il n'y croyait pas. Il a le droit aussi. Mais
là, on va composer. Qu'il nous le dise, que c'était farfelu,
qu'il ne croyait pas à cela et que ce n'est pas nécessaire. Il
aurait été plus honnête intellectuellement de ne pas faire
cet engagement s'il n'est pas d'accord. Disparition de l'obligation faite aux
commissions scolaires de fournir des services de garde à la demande des
parents. J'entendais tantôt quelques gens qui ne suivent pas cela dire:
Pertinence. S'ils connaissaient de quoi ils parlent, y a-t-il quelque chose de
plus pertinent que de dire qu'en éducation, ça commence par
là, je vous l'ai dit tantôt.
Si un ministre de l'Éducation n'est pas capable de convenir et de
dire qu'on est en 1988 et que les institutions scolaires du Québec
devraient à tout le moins avoir l'obligation d'offrir des services de
garde, je répète: Ces gens parlent des deux côtés de
la bouche. La ministre déléguée à la Condition
féminine peut aller se rhabiller même si, en règle
générale, elle est très bien habillée. Elle peut
aller se rhabiller parce que ça ne fait pas sérieux. Et c'est le
moment de le dire. Cela ne fait pas sérieux. On ne peut pas dire: Nous,
on est d'accord pour augmenter le nombre de places et s'assurer qu'on fait une
offre réelle à tous ceux de la condition féminine qui
veulent faire le choix personnel, et c'est leur affaire, d'avoir une
opportunité de carrière réelle et ne pas leur offrir de
conditions facilitantes. Pensez-vous que les services de garde en 1988, ce ne
sont pas des conditions facilitantes?
On serait dans l'éducation et on ne donnerait pas obligation aux
agents éducatifs des commissions scolaires de le faire, alors qu'il y a
des institutions privées qui le font. Il y a des entreprises
privées qui le font, et je les félicite. Je trouve cela
extraordinaire. Nos institutions d'enseignement, par un ministre fort - il nous
l'a dit tantôt: je veux rester fort et vigilant, c'est pour ça que
je garde tous les pouvoirs - n'auraient pas la capacité et n'auraient
pas l'intelligence reflective de convenir qu'on est rendu là en 1988 et
de dire: L'aspect des services de garde va passer par là. Nous, on ne
peut pas être d'accord là-dessus, on ne peut pas marcher
là-dedans.
Là, écoutez, il y en aurait encore bien d'autres. Un autre
sujet: le droit de l'élève. Encore ici, le projet de loi 107
pèche par omission à deux niveaux. Au sujet du droit de
l'élève, droit majeur capital, il ne reconnaît pas le droit
d'association des élèves contrairement à la loi 3.
Celle-ci donnait au comité d'élèves la possibilité
de donner son avis au conseil d'école sur les orientations de
l'école. Fini! Il ne reconnaît pas le droit à
l'élève ou à ses parents de recourir au Protecteur du
citoyen pour faire respecter leurs droits. Le Protecteur du citoyen existe,
mais pas pour les jeunes du Québec. Les jeunes du Québec, ils
viendront comme un autre ministre passe son temps à répondre - il
n'a pas compris qu'il n'est plus dans ses fonctions privées: Vous
viendrez me voir à mon bureau, je vais vous arranger cela. S'il y a des
problèmes, faites référence au ministre, il est le
Protecteur du citoyen des citoyens éducatifs. Il me semble que j'ai
beaucoup de respect, sincèrement, pour le poste et pour la personne qui
l'occupe actuellement, mais je ne vois pas pourquoi, dans le monde de
l'éducation, on n'offrirait pas des alternatives qui existent partout
ailleurs, compte tenu de la symbolique québécoise
attachée, avec raison, à un poste de Protecteur du citoyen.
Au sujet des élèves handicapés et des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, le
projet de loi 107 comporte évidemment des améliorations, M. le
ministre, par rapport à l'actuelle Loi sur l'instruction publique. Mais
à ce niveau, des organismes comme la Confédération des
organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec, le
Regroupement interscolaire de la région de Québec, l'Office des
personnes handicapées du Québec ont relevé des omissions
majeures, des omissions importantes. Dans ce sens-là, pour ce qui est
des droits de l'élève, il y a encore énormément de
trous et de faiblesses. Tous les organismes voués à la
défense de ces élèves ont proposé de nombreux
autres amendements afin de mieux garantir leurs droits. Là, je ne les
énoncerai pas, je n'ai pas le temps, compte tenu de l'heure. Je
n'énoncerai pas les amendements qu'ils vous ont suggérés,
sauf que soyez assuré, M. le ministre, que je ne lâcherai pas
là-dessus et je vais avoir la même ténacité en
commission parlementaire si je ne retrouve pas, dans le projet de loi 107, les
amendements que les gens vous ont suggéré d'inclure pour garantir
davantage de droits à l'élève. Cela ne me convaincra pas,
parce que oui, dans votre discours, vous avez parlé de l'école et
de certaines responsabilités qu'on va octroyer aux étudiants, que
ces gens-là ont effectivement les recours et les droits qu'ils devraient
normalement exiger à l'intérieur du système de
l'éducation.
Compte tenu de l'heure, M. le Président, et qu'il me reste quand
même assez d'éléments à couvrir, je vais demander
une suspension.
Le Vice-Président: Très bien. En fait, nous
arrivons à 18 heures. Nous allons suspendre le débat qui va
reprendre à 20 heures. Il vous restera, à ce moment-là,
quatorze minutes pour compléter votre intervention. Nous suspendons
donc les travaux qui reprendront à 20 heures. (Suspension de ta
séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 5)
Le Vice-Président: À l'ordre! Veuillez prendre
place, s'il vous plaît! L'Assemblée va reprendre ses travaux sur
la motion d'adoption du principe du projet de loi 107, Loi sur l'instruction
publique, présenté par le ministre de l'Éducation. Lors de
la suspension de nos travaux la parole était au député
d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition. Je vous informe M. le
député d'Abitibi-Ouest qu'il vous reste quatorze minutes pour
terminer votre intervention.
M. Gendron: Merci, M. le Président. C'est exact, avant de
couper ma brillante intervention, j'en étais à l'étape
où j'indiquais au ministre de l'Éducation et aux parlementaires
intéressés par ces questions qu'il y a également d'autres
éléments pour lesquels, je pense, le projet de loi 107 ne
correspond pas aux attentes du milieu. Il marque, également, un recul
très net comparativement à l'ancien projet de loi 3. En
particulier quant à la participation des parents, il est clair que le
projet de loi 107 prévoit un certain nombre de mécanismes
relatifs à la participation des parents aux affaires scolaires. L'outil
privilégié de cette application au niveau de l'école est
le conseil d'orientation composé, d'au moins pour la moitié, de
parents ainsi que d'enseignants et d'un représentant du personnel. Le
conseil d'orientation détermine les grandes orientations propres
à l'école et contenues au projet éducatif. Il exerce une
fonction consultative en donnant son avis sur un certain nombre de questions.
Par ailleurs, le projet de loi rend facultatif le comité d'école
composé uniquement de parents. Cette combinaison, conseil d'orientation
et comité d'école facultatif, a été appuyée
par très peu d'intervenants, parents ou autres. Une réelle
majorité se dégage cependant en faveur du comité
d'école actuel, notamment chez les parents. Nous partageons cette
position et nous avons cru comprendre que le ministre amenderait son projet en
ce sens. Sur la participation des parents, il y a d'autres mécanismes,
mais toujours pour des raisons de temps, je préfère parler
d'autres sujets et nous aurons l'occasion d'y revenir en commission
parlementaire.
Dans un projet de loi sur l'éducation modifiant la Loi sur
l'instruction publique, il est impensable de ne pas élaborer un petit
peu, aussi, sur la place des enseignants. Lors des audiences, des
réserves ont été exprimées sur le caractère
large et vague des obligations qui leur sont faites. Par contre, leurs droits
sont définis de façon plus restrictive que dans la loi 3. Je ne
sais pas si tout le monde me comprend bien. On définit leurs droits et
leurs devoirs d'une façon plus restrictive mais leurs obligations, par
rapport à la place des enseignants, sont demeurées plus diffuses.
Disparaît aussi le comité pédagogique qui offrait un outil
de participation à la détermination des orientations et du projet
éducatif de l'école. Le ministre de l'Éducation
enlève cette disposition.
Je pense qu'il est légitime que les enseignants réclament
une plus grande autonomie professionnelle puisqu'il n'y a pas beaucoup de gens
qui ne conviennent pas que les premiers artisans de la dispensation des actes
pédagogiques, ce sont d'abord les enseignants.
Concernant les structures scolaires, la loi 3 prévoyait
l'intégration des ordres d'enseignement, primaire et secondaire. Et,
bien que le Parti libéral avait encore fait là de
l'intégration scolaire une promesse électorale - ce n'est pas la
première à laquelle il n'y a pas de suite de donnée, mais
c'en est une autre - où on avait pris l'engagement électoral de
faciliter l'intégration des ordres d'enseignement, le projet de loi 107
maintient les commissions scolaires régionales. Pourquoi? Comme on le
sait, le processus d'intégration qui dépend en ce moment de la
règle de l'unanimité des commissions scolaires est au ralenti.
Qu'est-ce qu'on va faire avec le projet de loi 107? On va donc conserver une
duplication de commissions scolaires locales et régionales sur une
grande partie du territoire pendant encore longtemps. Il me semble que
ça ne rejoint pas l'objectif et le principe sur lesquels les deux
formations politiques étaient d'accord, à savoir que,
dorénavant, sur le territoire québécois, il ne devrait y
avoir que des commissions scolaires intégrées,
c'est-à-dire ayant la responsabilité des deux ordres
d'enseignement, primaire et secondaire.
Il y a également beaucoup de choses qu'on pourrait dire sur le
projet de loi 107 concernant le fonctionnement et le rôle du Conseil
scolaire de I'île de Montréal qui, lui aussi, pose un
problème. Les commissions scolaires membres et le conseil lui-même
ont dénoncé dans leur mémoire les risques de paralysie et
l'amoindrissement du rôle du conseil découlant des dispositions du
projet de loi 107. En faisant en sorte qu'il ne puisse organiser ces services
communs pour les commissions scolaires de l'île de Montréal, sur
résolution de chacune de celles-ci, le conseil risque bien de devenir,
comme I l'a vigoureusement fait savoir devant la commission parlementaire, une
très pâle image de lui-même.
Il y a aussi toute la question majeure de la confessionnalité
dans le projet de loi 107. Je pense qu'à l'occasion des consultations
publiques, une très large majorité des intervenants ont
souhaité, tant du côté francophone qu'anglophone, qu'on
s'oriente davantage vers la création de commissions scolaires
linguistiques plutôt que de commissions scolaires confessionnelles. On
sait, en effet, que, selon le projet de loi 107, une école pourra, si
une majorité de parents le souhaitent, se donner un projet
éducatif intégrant les croyances et les valeurs de la
religion catholique ou protestante. Ceci confère à
l'évidence les privilèges aux adeptes de ces religions. La preuve
en est que le ministre n'a d'autre choix que d'inclure dans son projet des
clauses dérogatoires. Encore là, si j'avais tort, le ministre
n'inclurait pas dans son projet de loi des clauses dérogatoires aux
chartes, tant la charte québécoise que la charte canadienne des
droits. Quand on est obligé d'utiliser des clauses de dérogation,
c'est parce qu'on consacre le principe et la prétention que j'ai qu'on
n'est pas plus avancé.
En outre, le projet de loi 107 ne règle en rien les
problèmes découlant du maintien des structures confessionnelles
à Montréal, là où elles sont le plus
désuètes, compte tenu du pluralisme de la population
montréalaise. Les élèves de diverses origines ethniques
représentent déjà le tiers de la clientèle de la
CECM. Dans quelques années les jeunes allophones représenteront
50 % de la clientèle scolaire de I Ile de Montréal. Voilà
l'une des incongruités de notre système d'éducation
confessionnel. Les commissions scolaires protestantes de tradition anglophone
sont responsables de l'intégration de jeunes immigrants à la
majorité francophone. Imaginez!
Dans le fond, la question qu'on doit se poser est celle-ci: Quelles sont
les intentions réelles du ministre pour Montréal? Il ne les a
jamais énoncées clairement. Ou bien il superpose les commissions
scolaires linguistiques aux commissions scolaires confessionnelles
protégées par l'article 93 de la constitution, et on aura alors
sur le même territoire quatre commissions scolaires et six secteurs
d'enseignement avec le fouillis, les problèmes d'organisation, les
coûts inutiles qui en résulteront, ou bien il laisse à la
CECM et à la CEPGM leur monopole actuel, ce qui est inacceptable, compte
tenu de la réalité que nous venons d'évoquer.
La question est d'autant plus préoccupante qu'il s'obstine
carrément à refuser d'entreprendre des négociations
constitutionnelles sur l'article 93. Ce ne sont pas les demandes en ce sens qui
manquent. Dès janvier 1986, le Conseil supérieur de
l'éducation, un organisme pourtant reconnu pour son bon sens et la
qualité de ses interventions, lui recommandait fortement d'inclure cette
question dans son dossier de positions. Réponse du ministre: refus, pas
question d'inclure ça dans le bagage d'éléments sur
lesquels le premier ministre du Québec aurait avantage à discuter
avec son compagnon de fortune pour l'instant et son concubin occasionnel pour
la présente élection. Il aurait sûrement avantage à
discuter de quelque chose de majeur parce qu'on peut bien se bercer
d'illusions, mais, si on est le moindrement sérieux, personne ne
conviendra que l'article 93 de la fameuse constitution, importée de je
ne sais trop où, ne fait en aucune façon respect pour ce que nous
sommes dans notre particularité, dans nos compétences comme
Assemblée nationale. Cela fait des années que des intervenants
éducatifs disent au gouvernement du Québec, quel qu'il soit: II
faut inclure dans les négociations constitutionnelles, les fameuses
dispositions concernant l'article 93. Le ministre dit: Non, cela ne fait pas
partie de mes priorités. Résultat: l'entente du lac Meech est
muette concernant l'article 93. Il a laissé passer une occasion en or
d'obtenir la levée de cette entrave archaïque à l'exercice
par le Québec de sa compétence pleine et entière en
matière d'éducation. On nous dit maintenant que la
confessionnalité scolaire fera peut-être partie des discussions
lors de la très hypothétique et lointaine deuxième ronde.
Une seule conclusion s'impose: le gouvernement et le ministre de
l'Éducation n'ont aucunement - est-ce clair - la volonté
politique de sortir le Québec du carcan de l'article 93 de la
constitution de 1867, avec les conséquences néfastes que l'on
connaît en particulier sur le territoire de IHe de Montréal.
D'ailleurs, le ministre a clairement affiché ses couleurs lors de
la venue en commission parlementaire de la Coalition pour
l'égalité des droits en éducation. À celle-ci, qui
réclamait la suppression des garanties confessionnelles contenues dans
la constitution en matière d'éducation, il a répondu sans
aucune hésitation: Ne comptez pas sur moi. Est-ce clair? À quoi
riment alors les déclarations du premier ministre? On dirait qu'ils font
partie de deux gouvernements différents, et ce n'est pas la
première fois d'ailleurs, sur la possibilité d'inclure l'article
93 dans la très aléatoire prochaine ronde de
négociations.
Je pourrais continuer sur la confessionnalité mais, compte tenu
des cinq minutes qui me restent, je suis obligé de passer à autre
chose. Est-ce que le ministre conviendra que le projet de loi 107, dans sa
forme actuelle, ne répond pas aux agents éducatifs du milieu? Je
pense que, oui - son discours ou son editorial de cet après-midi l'a
prouvé - il y a de la place pour des ouvertures. Cependant, je l'ai
indiqué, M. le Président, les amendements majeurs de fond sur une
discussion nouvelle du partage des pouvoirs, et, encore là, c'est
seulement parce que je n'ai pas pu tout amener, mais à l'heure du
souper, j'ai eu l'occasion d'accorder quelques minutes à la
correspondance que je reçois et en particulier à une nouvelle
lettre en date du 21 octobre - cela ne doit pas faire six mois, cela ne doit
pas être loin de ça - d'une commission scolaire qui me rappelait
encore combien elle croit qu'un nouveau projet de loi 107 qui n'acquerrait pas
la conviction de départager différemment les
responsabilités entre les commissions scolaires et le ministre de
l'Éducation ne réaliserait pas les objectifs pour lesquels
l'ensemble des agents éducatifs ont convenu d'avoir une nouvelle Loi sur
l'instruction publique vraiment moderne et adaptée aux
réalités d'aujourd'hui.
Le ministre avait laissé voir - et je le cite: Les amendements,
ne vous inquiétez pas, seront
annoncés et je vais les rendre publics avant le mois de
septembre. Je le cite. Le ministre de l'Éducation disait ceci: "Nous
avons même, je peux vous le dire en toute vérité,
rédigé les projets d'amendement qui traitent de tous ces articles
dont vous avez parlé et que nous rendrons publics au cours du mois de
septembre, avant même la reprise des travaux parlementaires. "
Je ne veux pas le blâmer. Il expliquera ce qui s'est passé.
Sauf que je suis obligé de dire que, comme critique, je n'ai pas les
amendements, les gens concernés ne les ont pas et les indications que
nous avons ne laissent pas voir que les amendements seront à ce point
majeurs sur les questions fondamentales qu'ils concourront à un
consensus plus large des principaux agents. Ce n'est pas dans les deux minutes
qu'il me reste que je vais soulever d'autres éléments. Je veux
juste faire ma conclusion.
En conclusion, je pense que le projet de loi 107 procède
d'intentions louables. Je n'ai aucun doute. Tous s'entendent pour moderniser et
rationaliser la vieille loi. Le projet de loi comporte des amendements
positifs, c'est-à-dire des éléments positifs. Je n'en
parlerai pas, le ministre l'a fait. Cependant, la conclusion en ce qui me
concerne et pour ce que j'en connais, le projet 107, dans sa forme actuelle,
demeure un projet inacceptable pour trois raisons fondamentales. Il reste, pour
ce que j'en sais, un projet de loi foncièrement centralisateur. Il
n'offre pas les garanties suffisantes sur le plan de l'accessibilité aux
services éducatifs, notamment pour ce qui est des adultes, il y a des
reculs qui ne s'expliquent pas. Troisièmement, il comporte des lacunes
majeures sur les plans des droits de l'élève, de la participation
des parents et des structures scolaires.
La loi 3 avait réalisé un certain consensus. Il m'apparait
que si on ne réussit pas à réintroduire dans le projet de
loi 107 des éléments importants de la loi 3 sur lesquels il y
avait eu consensus, lesquels éléments nous ne retrouvons plus
à l'intérieur du projet de loi 107, nous ne pourrons pas
être une opposition qui va donner suite à notre accord quant
à l'adoption du principe du projet de loi 107 dans la forme qu'il a.
Le dernier commentaire que je fais, M. le Président, en
conclusion, c'est qu'i est certain que dès que nous irons en commission
parlementaire et que des intervenants du milieu auront laissé voir que,
d'après leur lecture, H leur apparaît que le projet de loi 107
aura été substantiellement modifié sur les
éléments majeurs pour lesquels ces gens se sont donné la
peine de venir en commission, de rencontrer le ministre et de discuter,
là, on verra quelle position l'Opposition adoptera. Pour l'instant,
l'Opposition officielle est contre l'adoption du projet de loi 107 dans la
forme qu'il a actuellement.
Le Vice-Président: Nous allons maintenant poursuivre avec
l'intervention de M. le député de Sauvé et
président de la commission de l'éducation. (20 h 20)
M. Marcel Parent
M. Parent (Sauvé): Merci, M. le Président.
J'étais heureux, il y a quelques minutes, lorsque j'entendais le
critique de l'Opposition officielle dire que le projet de loi 107 était
une initiative louable, que le projet de loi 107 était là pour
venir actualiser une loi qui était devenue vétuste et qu'il lui
reconnaissait enfin beaucoup de qualités. Divers organismes et agents de
l'éducation nous soulignent depuis plusieurs années la
nécessité de rajeunir cette loi, d'en rationaliser la structure,
de l'adapter aux consensus sociaux issus des 20 dernières années,
notamment en ce qui a trait au rôle de l'école, des enseignants,
des parents et, enfin, de lever certaines ambiguïtés qu'elle
contient.
Le présent projet de loi a pour but de remplacer cette Loi sur
l'instruction publique. Des consultations ont eu lieu auprès du
ministère des Affaires municipales, des Finances, du ministère de
la Justice, des Affaires internationales, des Transports, de façon
à tenir compte de leurs remarques et de leurs préoccupations. On
se souviendra que le 15 décembre 1987, le ministre de l'Éducation
déposait à l'Assemblée nationale le projet de loi 106 sur
les élections scolaires et le projet de loi 107 sur l'instruction
publique. Ces deux projets de loi ont été
déférés à la commission permanente de
l'éducation pour la tenue d'audiences publiques. Il y a 118 personnes ou
organismes qui ont produit des mémoires à la commission. De ce
nombre, 97 ont été entendus durant les périodes des mois
de mai, août et septembre. Et, à la suite de ces auditions, il
apparaît opportun que le ministre propose des modifications à ces
deux projets de loi pour tenir compte des remarques qui ont été
formulées.
En ce qui concerne le projet de loi 107, il s'agit d'un certain nombre
de modifications techniques et aussi de modifications plus substantielles -
d'ailleurs, le ministre en a parlé dans son intervention - modifications
qui ont été préparées et qui seront aussi
préparées en commission parlementaire lorsque nous aurons la
chance d'étudier ce projet de loi article par article. Par contre, elles
n'altéreront pas les principes fondamentaux de la loi.
En matière de confessionnalité scolaire, l'objectif de la
division des commissions scolaires sur le critère de la langue
plutôt que sur celui de la religion sera maintenu. Les
aménagements confessionnels se retrouveraient principalement à
l'école. La commission scolaire resterait tenue de dispenser
l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux
protestant en plus d'offrir des services com-
plémentaires en animation pastorale pour l'élève
inscrit comme catholique et des services complémentaires en animation
religieuse pour l'élève inscrit comme protestant. Mais la
commission scolaire n'aurait plus à dispenser ses enseignements et
à offrir ses services dans chaque école. Une école
pourrait intégrer dans son projet éducatif les croyances ou
valeurs religieuses d'une confession particulière ou de plusieurs
confessions et ceci dans le respect des libertés de conscience et de
religion. Enfin une commission scolaire pourra élaborer et offrir des
programmes d'étude locaux, entre autres en enseignement moral et
religieux, catholique ou protestant, outre ceux établis par le ministre
pour répondre à des besoins particuliers des
élèves. Elle pourrait attribuer à ces programmes, avec
l'autorisation du ministre, un nombre d'unités supérieur à
celui établi par le régime pédagogique. Ces programmes
locaux seraient soumis à l'approbation du comité catholique ou du
comité protestant, selon le cas, conformément à l'article
22 de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation.
Il est à noter ici, M. le Président, que les pouvoirs
d'approbation de ces comités seraient limités, dorénavant,
au programme d'enseignement religieux et aux instruments accompagnant ces
programmes. Sur ce point, la position du gouvernement est toujours la
même. De fait, ces droits confessionnels sont profondément
inscrits dans l'histoire du Canada et du Québec, même avant la loi
scolaire de 1841, mais le fondement de notre système scolaire, qui est
confessionnel catholique ou protestant, se retrouve dans la constitution
canadienne, à l'article 93, et voit son application au Québec
dans la Loi sur l'instruction publique qui permet, à l'article 39, de
diviser le territoire du Québec en commissions scolaires pour
catholiques ou pour protestants.
Si on examine la situation actuelle, sur les 213 commissions scolaires
existant au Québec, 181 sont catholiques, 29 protestantes et 3
multiconfessionnelles. De plus, sur les 2550 écoles
québécoises relevant des commissions scolaires, 2224 sont
catholiques et 259 sont protestantes. C'est donc dire que les commissions
scolaires, actuellement, et c'est un fait, sont confessionnelles à 100 %
et les écoles, elles, à 97 %.
Bien au-delà des droits, le vécu quotidien de la
confessionnal ité scolaire au Québec a évolué dans
un climat de collaboration entre l'Église et l'État. En effet,
comme le faisait remarquer le ministre de l'Éducation, l'école a
été historiquement au Québec un lieu
privilégié de rencontre entre le pouvoir politique et
l'Église, tandis qu'ailleurs, la rencontre de ces éléments
donnait souvent lieu à des conflits aigus. Elle a donné au
contraire, ici au Québec, une longue et riche expérience de
collaboration historique. Les Églises se sont toujours
intéressées à l'éducation, bien avant l'État
lui-même. Mais celui-ci a tenu, depuis un quart de siècle,
à s'impliquer davantage dans le secteur de l'éduca- tion. Il
aurait pu en découler une opposition entre deux éléments,
voire une séparation radicale entre le champ d'action de chacun. Chaque
fois que le débat a eu lieu, on a su, au contraire, faire
l'économie de déchirements et de luttes stériles. On a
plutôt choisi la voie de l'adaptation. Si bien qu'en moins d'un quart de
siècle, toutes nos universités et tous nos collèges
publics sont devenus laïques sans qu'il s'élève à ce
sujet le moindre conflit d'envergure entre l'Etat et les Églises.
De même, dans les secteurs primaire et secondaire, le
Québec s'est doté, en 1964, d'un ministère de
l'Éducation qui exerce une très forte autorité sur tout le
système public d'enseignement. Le changement s'est fait dans un climat
d'ouverture et de collaboration qu'on ne saurait oublier.
Par ailleurs, cet événement donna lieu à un large
consensus dans l'opinion publique de l'époque. Mais ce consensus ne fut
acquis que moyennant la création parallèle d'un Conseil
supérieur de l'éducation au sein duquel devaient se retrouver
deux comités confessionnels investis de pouvoirs substantiels pour
veiller au caractère catholique ou protestant des écoles
publiques. La création des deux comités confessionnels fut un
élément essentiel, un pas qui intervint alors entre le
gouvernement et les familles religieuses. Le maintien des deux comités
confessionnels et de l'essentiel de leurs pouvoirs et de leurs attributions
faisait également partie de l'entente qui intervint en 1985 entre les
Églises du Québec et le gouvernement de l'époque autour
des dispositions de la loi 3 et du projet de loi 107 relatives aux valeurs
morales et religieuses dans le système d'enseignement.
Il y a donc en ces matières une tradition fort longue de
continuité à laquelle les deux partis principaux actuellement en
présence à l'Assemblée nationale ont d'ailleurs
participé dans une très large mesure. Et, à la suite de ce
qui précède, on serait en droit de se demander pourquoi alors
vouloir, jusqu'à un certain point, déconfessionnaliser notre
système scolaire. À cela il nous faut répondre que le
projet de loi 107 dont l'Assemblée nationale est saisie s'inscrit dans
révolution normale de la confessionnalité au Québec. On
sait qu'actuellement, par exemple, la problématique de l'école
catholique oscille entre deux pôles. D'une part, le pluralisme
idéologique et religieux est un fait en constante évolution un
peu partout au Québec, mais surtout à Montréal. Il faut
rechercher la cause, en partie, du côté des nouveaux arrivants qui
ne sont pas tous catholiques, mais aussi du côté de la
majorité franco-catholique qui ne présente plus maintenant la
même unanimité. D'autre part, 93 % des élèves
francophones des écoles primaires et secondaires publiques
étaient inscrits comme catholiques au 30 septembre 1987. Et depuis 1980,
plus de 100 nouvelles écoles, c'est-à-dire la grande
majorité, ont été reconnues comme catholiques à la
suite d'une consultation des
parents qui sont toujours majoritairement, sinon très
majoritairement, en faveur de l'école catholique. D'ailleurs, les
règlements du comité catholique qui furent approuvés par
le gouvernement en décembre 1987 veulent tenir compte de cette
évolution.
Deux grandes intentions se dégagent de ce projet en ce qui a
trait à la confessionnalité. D'abord, cette réforme veut
respecter à la fois les droits des catholiques et des protestants qui se
traduisent régulièrement dans une volonté clairement
signifiée de la part d'une majorité de parents, et les droits
d'une population davantage pluraliste. De plus, le projet de loi veut tenir
compte de la situation actuelle en matière de confessionnalité
tout en permettant des évolutions futures vers une plus grande
diversification des types d'écoles.
Si vous voulez, examinons de plus près les dispositions du projet
de loi 107 qui témoignent de la dimension confessionnelle de notre
système scolaire public québécois. Un des principaux
éléments de cette loi est la création des commissions
scolaires non confessionnelles. Tout d'abord, la pièce maîtresse
du projet de loi 107 en matière d'évolution de la
confessionnalité scolaire au Québec: les commissions scolaires
linguistiques. (20 h 30)
Le projet de loi, à l'article 97, prévoit la division par
décret gouvernemental de l'ensemble du territoire du Québec en
commissions scolaires francophones et en commissions scolaires anglophones,
sauf pour les territoires des commissions scolaires crie et Kativik et du
Littoral. Cependant, cet article - et c'est ici que c'est important - n'entrera
en vigueur que lorsque les tribunaux se seront prononcés sur la
validité constitutionnelle de la réforme proposée. C'est,
en effet, l'intention du gouvernement de soumettre la loi adoptée avec
des questions particulières au jugement des tribunaux supérieurs
de façon à ne pas se retrouver dans un cul-de-sac comme s'y sont
retrouvés nos amis d'en face avec la loi 3.
Par ailleurs, l'ensemble des dispositions prévoient comment se
fera le passage des commissions scolaires existantes aux commissions scolaires
francophones et anglophones et comment on organisera les nouvelles commissions
scolaires. Entre-temps, le projet de loi établit un régime
provisoire qui maintient essentiellement les commissions scolaires existantes
pour catholiques et pour protestants jusqu'à la date fixée par le
décret du gouvernement divisant le territoire des commissions scolaires
francophones et anglophones. On peut donc constater le souci de ce gouvernement
de faire en sorte que le nécessaire passage des commissions scolaires
d'un statut confessionnel à un statut linguistique se fasse dans
l'harmonie et dans le respect des droits de chacun. Cette création de
commissions scolaires non confessionnelles permettra à ces
dernières de gérer tous les types d'écoles,
confessionnelles ou non confessionnelles, et rendra possible l'avènement
d'écoles autres, là où les parents le voudront ainsi. Cela
se fera cependant dans le respect des catholiques et des protestants qui les
fréquenteront puisque les droits confessionnels sont clairement
définis dans ce projet de loi. De fait, comme nous le signalions
antérieurement, la grande majorité des parents veulent que leurs
enfants reçoivent une éducation confessionnelle et le lieu
privilégié d'épanouissement de la confessionnalité
n'est pas la commission scolaire, mais plutôt l'école. À
cet égard, l'école peut continuer à être reconnue
comme catholique ou protestante, comme nous le verrons plus loin.
Parlons maintenant de l'exercice des droits confessionnels. Pour bien
s'assurer que l'exercice des droits confessionnels se fasse dans l'harmonie et
le respect, le projet de loi 107 prévoit certaines modalités
d'application au pian de l'école et de la commission scolaire, mais
aussi au plan gouvernemental et au plan ministériel. Le gouvernement
croit que c'est plutôt au niveau de l'école qu'à celui de
la commission scolaire que doit se vivre la confessionnalité. Ainsi, au
niveau de l'école, le projet de loi maintient la possibilité pour
cette dernière d'être reconnue soit comme catholique, soit comme
protestante. Cependant, il veut s'assurer qu'une demande de reconnaissance se
fasse dans la vérité et qu'elle soit le fruit d'une
démarche démocratique. Trois dispositions y pourvoient.
D'abord, le conseil d'orientation. Le conseil d'orientation doit donner
son avis à la commission scolaire sur demande, la commission scolaire
demande la reconnaissance ou le retrait de la reconnaissance du statut de
l'école, et le ministre établit, après consultation des
comités confessionnels, les conditions et les modalités de la
consultation des parents. Par ailleurs, pour veiller à la qualité
de l'enseignement confessionnel, le directeur de l'école doit s'assurer
que l'enseignement religieux et l'animation pastorale ou religieuse
satisfassent aux conditions de qualification établies par le
comité catholique ou par le comité protestant. C'est au niveau de
l'école que se joue la confessionnalité. On peut même dire
que c'est école par école que la volonté des parents doit
vraiment s'exprimer.
Par contre, ceci ne dégage pas les commissions scolaires de leurs
responsabilités et, à leur niveau, les gestionnaires ont à
soutenir, eux, toutes les écoles de leur territoire, y compris les
écoles confessionnelles catholiques ou protestantes, et, à cet
égard, elles doivent s'assurer que soient dispensés
l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux
protestant ainsi que l'enseignement moral. Elles doivent aussi s'assurer que le
choix entre l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral
et religieux protestant et l'enseignement moral se fasse au moyen de
l'inscription et que l'enseignement moral et
religieux soit dispensé conformément aux règlements
des comités confessionnels. Elles doivent aussi s'assurer du respect du
temps minimal prescrit par les règles des comités
confessionnels.
Concernant les services complémentaires en animation pastorale ou
religieuse, elles doivent s'assurer que soient offerts des services d'animation
pastorale pour l'élève inscrit comme catholique et d'animation
religieuse pour celui inscrit comme protestant. L'animation pastorale et
l'animation religieuse sont dispensées conformément aux
règlements des comités confessionnels. La personne
affectée à l'animation pastorale ou à l'animation
religieuse dans les écoles doit satisfaire aux conditions de
qualification déterminées par les comités
confessionnels.
Par ailleurs, la commission scolaire peut organiser un enseignement
religieux autre que catholique ou protestant si elle le juge à propos.
Voilà un concept de liberté et de reconnaissance de pouvoirs
à des commissions scolaires que l'on disait tout à l'heure qu'on
leur niait dans ce projet de loi.
Concernant les programmes locaux, les manuels et le matériel
didactique, la commission scolaire doit s'assurer que pour l'enseignement moral
et religieux dispensé dans les écoles reconnues comme catholiques
ou comme protestantes, on n'utilise que des programmes locaux, des manuels et
du matériel didactique approuvés par le comité catholique
ou par le comité protestant. Le passage des commissions scolaires
confessionnelles aux commissions scolaires linguistiques se fera d'autant plus
harmonieusement que les majorités catholiques et protestantes seront
assurées d'un soutien efficace au sein des nouvelles commissions
scolaires.
En effet, dans les commissions scolaires linguistiques, on devra nommer
un cadre responsable du soutien à l'administration des écoles
catholiques et au service de l'enseignement moral, religieux, catholique et
d'animation pastorale dispensé aux élèves catholiques. Si
vous avez bien remarqué, nous parlons ici d'un cadre et non pas d'un
employé ni d'un délégué, mais d'une personne en
autorité. La même disposition vaut pour le soutien à
l'administration des écoles protestantes. Concernant la consultation
préalable des parents à une demande de reconnaissance ou de
retrait de reconnaissance d'une école comme confessionnelle catholique
ou protestante, le ministre doit consulter les comités confessionnels
avant d'établir un règlement sur cette matière. Je pense
que ce n'est pas ça qu'on appelle un ministre qui s'arroge des droits et
des pouvoirs.
Les pouvoirs des sous-ministres associés de foi catholique ou
protestante s'exercent par le biais de leur droit de visite des écoles
et leur droit de faire des vérifications ou des enquêtes pour
vérifier si les dispositions de la loi ou des règlements sont
observées.
L'exercice des droits confessionnels est donc bien encadré dans
le projet de loi 107, tant au plan de l'école que de la commission
scolaire qu'aux niveaux gouvernemental et ministériel. C'est du
solide.
Reste la concordance avec les chartes. De plus, le projet de loi
prévoit la concordance avec les chartes provinciales et
fédérale par le maintien des clauses "nonobstant" et c'est ainsi
que, d'une part, les dispositions de la loi qui accordent des droits et des
privilèges à une confession religieuse s'appliquent malgré
les articles 3 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne.
D'autre part, les dispositions de la loi qui accordent des droits et des
privilèges à une confession religieuse ont effet
indépendamment des dispositions du paragraphe a de l'article 2 et de
l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Enfin, deux remarques complètent cette présentation de la
dimension confessionnelle du projet de loi 107. Le projet de loi rend possible
la représentation des parents anglo-catholiques et franco-protestants au
conseil des commissaires. Les pouvoirs d'approbation des comités
confessionnels sont dorénavant limités aux programmes
d'enseignement religieux et aux instruments accompagnant ces programmes.
En conclusion, on peut donc retrouver tout au long de ce projet de loi
un souci véritable du gouvernement et du ministre de l'Éducation
de respecter la volonté des principaux intéressés à
l'éducation, notamment les parents, mais, surtout, ce projet de loi veut
mettre en place une réforme qui favorise la qualité de
l'éducation, la participation directe des citoyens et le respect de tous
dans notre société davantage pluraliste. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais M. Blais: Merci, M. le Président.
M. French: Question de règlement, M. le Président.
Voulez-vous demander au député de Terrebonne...
Le Vice-Président: Un instant! Un instant! M. French:
Excusez-moi.
Le Vice-Président: M. le ministre des Communications, sur
une question de règlement.
M. French: Pardonnez-moi, M. le Président. Je voudrais
demander au député de Terrebonne si c'est la première fois
qu'il prend la parole depuis sa maladie. Non?
Le Vice-Président: Ce n'est évidemment pas une
question de règlement.
Je cède la parole à M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Merci, M. le Président. En réponse, je
vous dirais que oui et je vous remercie de me souhaiter une bonne santé.
(20 h 40)
M. French: Oui, c'est ça l'idée, M. le
Président.
Une voix: C'est l'intention qui compte.
M. Blais: M. le Président, nous étudions le projet
de loi 107. Je ne parlerai pas, dans cette loi qui est très très
dure pour les commissions scolaires, pour les professeurs et pour les parents,
de ce côté dur devant ce gouvernement subalterne que sont les
commissions scolaires. Je vais parler de la mollesse de ce projet devant le
gouvernement supérieur, le gouvernement fédéral. Je me
contenterai de ça.
Je dirai au tout début que cette loi est dans le sillon des lois
adoptées par ce gouvernement, qui sont toujours des lois en courbatures
devant l'Être suprême qui, pour eux, est Ottawa. C'est assez vexant
parce que nous sommes au Parlement de Québec et, au Parlement de
Québec, de quelque côté de la Chambre que nous soyons, nous
sommes censés défendre les intérêts du peuple
québécois. Mais cette loi, par son essence, parce qu'elle est
subordonnée à l'article 93 de la constitution et qu'on ne veut
pas demander l'abrogation de l'article 93 dans les discussions avec le
fédéral, c'est une volonté ferme et on le sent de l'autre
côté, c'est encore une loi qui est le reflet de la philosophie de
mollesse de ce gouvernement devant Ottawa. Je ne suis pas le seul à
penser ainsi. Je disais au ministre de l'Éducation, il y a quelques
minutes: L'article 93 de la constitution que le peuple du Québec n'a pas
votée - cette constitution de 1867 nous a été
imposée, comme celle de 1982 - s'il était adopté
aujourd'hui, on devrait mettre un nonobstant à la Charte des droits
parce qu'il est contre les droits et les privilèges des gens par son
essence. Il est contre. Il faudrait qu'on pense, de l'autre côté,
que cet article 93 est un privilège pour certaines minorités
qu'on se doit de faire enlever de la constitution parce que le Parlement de
Québec est assez adulte pour diriger de façon totale le
ministère de l'Éducation. Et quel que soit le ministre de
l'Éducation qu'ait ce Parlement, le ministre de l'Éducation ici
au Québec est capable de prendre ses responsabilités dans la
totalité de toutes les valeurs éducatives pour les enfants du
Québec.
C'est malheureux. Et on dit de l'autre côté: On ne fera pas
l'erreur qu'a faite le Parti québécois avec son projet de loi 3.
Bien sûr qu'on dit ça. Dans sa loi 3, le Parti
québécois avait au moins le courage d'affronter l'article 93.
Là, par mollesse, on va aller devant les tribunaux, et, si les tribunaux
disent que la façon de faire est constitutionnelle, nous allons nous
réveiller à Montréal avec une, deux, trois, quatre
commissions scolaires et une, deux, trois, quatre, cinq, six écoles
franco-catholiques, anglo-catho- liques, franco-protestantes,
anglo-protestantes, écoles françaises neutres et écoles
anglaises neutres, à Montréal et à Québec.
Incroyable! Quel imbroglio! Quel enchevêtrement! Comment allons-nous
faire? Le conseil de l'île, les commissions scolaires régionales.
Mais, mon Dieu, je comprends pourquoi, dans cette loi, le ministre se donne
autant de pouvoir, ce n'est pas dirigeable. Si jamais ce projet de loi avait le
malheur d'être adopté, ce ne serait pas dirigeable. C'est
impossible. C'est une sorte de grosse foutaise législative pour pouvoir
se gonfler la poitrine et dire: Mon nom est sur une grande loi. C'est
ça, en fait, le projet de loi 107. On n'avait qu'à modifier la
loi 3 ou, mieux encore, discuter avec Ottawa pour que l'article 93, qui est un
article de 1867, tombe, parce qu'l ne répond plus aux besoins actuels
des Québécois, et la, faire une loi avec vigueur, une loi ferme,
une vraie loi québécoise.
Je ne suis pas le seul à penser ainsi, M. le Président. La
Centrale de l'enseignement du Québec disait à la commission
parlementaire: Le maintien des commissions scolaires confessionnelles et du
droit à la dissidence pour les catholiques et pour les protestants nous
a été imposé par la constitution canadienne, l'article 93
de 1867 et l'article 29 de 1982. Ces deux choses-là, le Québec ne
les a pas votées, ni la 1867 ni la 1982. Cela nous a été
imposé. De l'autre côté, j'aimerais qu'on y pense. Cette
loi découle de deux lois qui ont été imposées
à ce Parlement-ci pour brimer sa suprématie, ce qui constitue une
entrave inacceptable à l'exercice de la compétence de
l'Assemblée nationale du Québec -c'est la Centrale des
enseignants du Québec qui parle, ce n'est pas moi - en matière
d'éducation.
C'est ce qui constitue une entrave inacceptable à l'exercice de
la compétence de l'Assemblée nationale du Québec en
matière d'éducation. Il faut rappeler qu'à l'instar de
nombreux organismes, la CEQ a demandé au gouvernement
québécois d'inclure la suppression des entraves de l'article 93
parmi les revendications du Québec lors des dernières
conférences fédérales-provinciales sur la commission, ce
qui n'a pas été fait. C'est pourquoi je dis que cette loi
découle d'une mollesse qui s'est exactement bien semée dans les
sillons de la tradition du parti au pouvoir actuellement. "Force est de
constater, poursuit la Centrale de l'enseignement du Québec, que le
projet de loi 107 s'inscrit dans le carcan de l'article 93 de la constitution
de 1867 et que ni le gouvernement, ni son ministre ni le ministre de
l'Éducation ne manifeste la volonté d'en sortir, il nous faut
déplorer cette situation. * La Centrale de l'enseignement du
Québec. Beaucoup de professeurs, 84 000.
M. le Président, l'Alliance des professeurs de Montréal -
une autre noble institution - sur la confessionnalité également,
sur l'article 93: "Aussi, sommes-nous extrêmement déçus par
le
projet de loi 107." Écoutez, la CEQ et l'Alliance des
professeurs. Cela fait beaucoup de gens mêlés à
l'éducation qui sont contre le projet de loi 107 au départ. Cela
fait beaucoup. "Nous sommes extrêmement déçus du projet de
loi 107." C'est une déception. Ils ne sont pas trop en faveur. Quand on
est déçus d'un projet de loi. Quand je suis déçu de
mon salaire, je ne suis pas trop d'accord avec mon salaire. Déception.
L'Alliance des professeurs et, un peu avant, j'ai cité la CEQ, la
Centrale de l'enseignement du Québec, M. le ministre, qui implante des
structures linguistiques dans le Québec, sauf là où de
telles structures sont nécessaires, là où depuis une
vingtaine d'années une restructuration est réclamée,
attendue et préconisée par tous les organismes gouvernementaux,
toutes les commissions d'enquête et tous les comités
d'étude qui ont travaillé sur cette question.
Autrement dit, on va installer en dehors de Québec et
Montréal des commissions scolaires linguistiques et, pour Québec
et Montréal, on n'aura pas de commission scolaire linguistique. Eh! Plus
de la moitié de la population du Québec vit dans ces deux
entités. Alors, pourquoi cette loi? C'est pour ça la
déception. C'est aux endroits où on a le plus besoin de
commissions scolaires linguistiques qu'on n'en aura pas.
Nous savons que les opposants à une telle restructuration ont une
arme puissante à leur disposition. Le gouvernement a une arme à
sa disposition: l'article 93 de I'AANB, British North America Act. Cela
signifie-t-il que le gouvernement du Québec se résigne à
laisser les structures scolaires montréalaises durer et perdurer ad
vitam aeternam? Cela signifie-t-il que le gouvernement du Québec abdique
ses responsabilités dans le domaine de l'éducation lorsqu'il
s'agit de toucher à des privilèges d'un autre siècle?
C'est important, n'est-ce pas? C'est le corps professoral qui parie. Cela
signifie-t-il que le gouvernement du Québec, le gouvernement actuel, le
vôtre, M. le ministre, abdique ses responsabilités dans le domaine
de l'éducation lorsqu'il s'agit de toucher à des
privilèges d'un autre siècle, parce que c'est la constitution de
1867 qui oblige actuellement le gouvernement d'agir ainsi. Nous sommes en
profond désaccord avec un découpage linguistique qui ignore
Montréal. (20 h 50)
Je voyais le ministre de l'Éducation tantôt, quand je
disais que l'Alliance des professeurs est en désaccord avec le projet de
loi 107. Voici la phrase: "Nous sommes en profond désaccord avec un
découpage linguistique qui ignore Montréal. L'Alliance des
professeurs de Montréal." Nous ne croyons pas juste d'établir des
commissions scolaires anglaises en Gaspésie ou au Lac-Saint-Jean, alors
qu'on refuse des commissions scolaires françaises aux francophones de
Montréal. On veut avoir des commissions scolaires linguistiques en
Gaspésie où il y a peu d'anglophones, ou au Lac-Saint-Jean et on
refuserait des commissions scolaires linguistiques aux francophones de
Montréal. C'est le projet de loi 107.
Nous demandons au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour mettre fin
à cette anomalie, soit de traiter les citoyens de Montréal du XXe
siècle en sujets du XIXe siècle de Sa Majesté britannique.
L'Alliance des professeurs et la CEQ s'opposent à cette division
linguistique et c'est le corps professoral du Québec. C'est important en
éducation, le corps professoral. Il y en a d'autres. Bien sûr
qu'en conclusion je dois dire que nous nous opposons à cela. C'est bien
sûr. Il y a Le Soleil du 16 décembre 1987: Coquille de
réforme scolaire. Coquille. M. Raymond Giroux: "La constitution de 1867
protège clairement les droits des catholiques et des protestants de
Montréal et de Québec. Les querelles sur le territoire
précis couvert par ce drap moyenâgeux relèvent de la plus
haute casuastique, comme l'a appris à ses dépens le gouvernement
antérieur - c'est-à-dire le nôtre avec fa loi 3 - par son
échec judiciaire avec la loi 3, Loi sur l'enseignement primaire et
secondaire public."
On s'est fait renvoyer au Parlement avec la loi 3 parce qu'on ne
respectait pas l'article 93 de la constitution. Nous sommes sensés
être un Parlement avec pleine autonomie sur l'éducation. C'est une
loi de 1867 qui nous en empêche. C'est très humiliant pour des
législateurs. Le blocage d'arrière-garde de certains milieux
anglo-protestants de Montréal et des intérêts en place dans
les commissions scolaires mis en péril par les projets gouvernementaux
s'appuient toutefois sur la réalité constitutionnelle. Le
changement nécessaire, selon l'expression même du ministre, doit
franchir des obstacles insurmontables à court terme et peut-être
insurmontables à long terme, sauf si nous prenons le pouvoir et que nous
avons la souveraineté du Québec. C'est ce qui est mon
désir le plus cher, que nous ayons les pleins pouvoirs et que nous ne
soyons pas subordonnés à un autre gouvernement qui nous dicte la
façon de légiférer pour les nôtres.
Qu'il ait décidé de soumettre son projet aux tribunaux,
avant d'en décréter l'application, évitera bien des
débats futiles à M. le ministre de l'Éducation. J'en
conviens, M. le ministre. Mais déjà, le Québec s'assure
d'un délai de deux ou trois ans au minimum après l'adoption de la
loi prévue pour la fin de 1988. "Un simple coup d'oeil au calendrier
politique nous renvoie au second mandat libéral, si second mandat il y
a. C'est M. Raymond Giroux du Soleil qui parle. Dans les faits, tout
cela signifie que la réforme présentée hier - elle a
été présentée le 15 décembre 1987, en
Chambre - aura le statut d'une coquille vide." Si j'étais membre d'un
Parlement et que je présentais un projet de loi de cette envergure -
près de 600 articles, 569 articles - et que les analystes qui nous
surveillent et qui regardent ce que nous faisons disaient de ce projet que
j'aurais présenté: Dans les faits, tout cela signifie que la
réforme
présentée aura le statut d'une coquille vide il me semble
que c'est un peu humiliant pour un gouvernement. C'est le moins qu'on puisse
dire.
Les francophones et les atlophones non catholiques de Montréal,
attirés par un secteur protestant plus ouvert - c'est vrai - et plus
tolérant, coutinueront de vivre sous la coupe d'une culture anglophone
et assimilatrice pendant qu'on ouvrira des commissions scolaires linguistiques
anglophones chez vous au Lac-Saint-Jean, et qu'on ouvrira des commissions
linguistiques anglophones en Gaspésie. On refusera l'ouverture de
commissions scolaires francophones à Montréal. Il me semble que
j'y penserais deux fois, plutôt trois que deux. Je ne trouve pas cela
hilarant, je trouve cela humiliant.
Le ministre de l'Éducation prévoit des sièges
réservés pour des commissions... D'accord. Voici, M. le
Président, ce que notre critique dit de ce projet de loi: "La
création des commissions scolaires linguistiques sur tout le territoire
du Québec prévue par le projet de loi 107 ne constitue qu'un
écran de fumée, de la poudre aux yeux. Le maintien
prétendument provisoire du régime confessionnel actuel risque
fort, au contraire, de s'éterniser." La CEQ disait "ad vitam aetemam",
c'est à peu près synonyme de s'éterniser; on a fait notre
cours classique tous les deux, nous savons que c'est à peu près
synonyme de s'éterniser.
Le retard de plus de trois ans occasionné par les tergiversations
du ministre dans le traitement de cette question pourtant cruciale, le ministre
aurait dû procéder par renvoi à la Cour d'appel dès
son arrivée au pouvoir. Si on veut vraiment faire une réforme de
la Loi sur l'instruction publique, sachant pertinemment, avec l'exemple qu'on
vous avait donné avant, l'exemple malheureux que nous sommes un
gouvernement subalterne, que l'article 93 de la constitution refusait la
formation de commissions scolaires linguistiques, avec ta leçon qu'on
avait reçue, vous arrivez au pouvoir, cela aurait été
beaucoup plus facile de le demander immédiatement plutôt
qu'attendre et là de dire: Toute une série d'articles dans ce
projet de loi ne seront pas opérationnels tant que nous n'aurons pas le
jugement de la cour. Si la cour dit oui, on est dans l'imbroglio des quatre ou
six commissions scolaires à Montréal. Cela n'a aucun sens,
l'enchevêtrement. Comment peigner un chauve? Incroyable! Ce projet de loi
nous dit comment faire, messieurs, dames, pour réussir à peigner
un chauve. Intolérable! Combien d'heures a-t-on passé en
commission parlementaire sur ce projet de loi?
En conclusion, parce qu'on m'a fait signe qu'il reste deux minutes et
demie, je regrette, mais amèrement, que ce projet de loi soit encore une
fois le reflet d'une mollesse de ce gouvernement de défendre les
intérêts vitaux des Québécois. On est toujours en
courbature devant le gouvernement d'Ottawa qui a une loi de 1867 qui n'est pas
adaptée du tout aux réalités d'aujourd'hui, mais on se
contente d'observer ces lois sans demander de les changer. Ceci semble aussi
être votre politique "ad vitam aetemam". Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Rimouski.
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, vous me
permettrez d'intervenir pour ajouter aux propos des députés
ministériels sur le projet de loi 107. J'écoutais, avant le
souper, le critique officiel de l'Opposition, le député
d'Abitibi-Ouest, nous dire comment le projet de loi était bon, comment
les dispositions de ce projet de loi allaient apporter des correctifs majeurs
à la Loi sur l'instruction publique qui nous régit
présentement.
Vous me permettrez d'intervenir dans le présent débat pour
signifier à la population que je représente, en l'occurrence
celle du comté de Rimouski, et à toute la population du
Québec mon approbation du projet de loi 107 à la suite des
amendements que le ministre de l'Éducation se propose d'apporter avant
son adoption en dernière lecture. (21 heures)
Nous avons devant nous un projet de loi majeur qui remplacera notre
bonne et vieille Loi sur l'instruction publique qui nous a rendu bien des
services depuis son adoption mais qui mérite aujourd'hui un
rajeunissement qui tient compte de notre vécu et de la
problématique de nos temps modernes, tout particulièrement en ce
qui concerne notre appartenance religieuse, soit catholique, soit protestante.
Nous n'avons pas à réécrire l'histoire pour savoir et
reconnaître que notre régime scolaire au Québec, depuis la
-confédération, reposait sur la reconnaissance dans l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, à l'article 93, des confessionnal
it es protestantes et catholiques surtout pour les commissions scolaires de
Québec et de Montréal, et son extension en province pour des
commissions scolaires confessionnelles.
Avec le projet de loi 107, nous voulons enfin reconnaître la
réalité des présentes années et celle des
décennies à venir en reconnaissant dans un projet de loi l'aspect
bilingue d'une commission scolaire plutôt que l'aspect confessionnel tel
que présentement. Mais voilà, compte tenu de l'échec
lamentable du précédent gouvernement avec la loi 3, nous ne
voulons pas que notre projet subisse le même sort, et c'est pourquoi
certains articles de la présente loi seront référés
à la Cour d'appel pour que cette dernière statue sur leur
validité et pour ainsi ne pas mettre en péril tout le projet de
loi dont 90 % des articles pourront s'appliquer dans la réalité
après sa sanction. Une période transitoire est d'ailleurs
prévue pour que le passage d'un régime à l'autre se fasse
dans les meilleures
conditions possible. Voilà donc, M. le Président, pour les
grandes lignes du projet de loi.
J'aimerais maintenant traiter d'une façon plus
détaillée certains articles de la loi afin d'en préciser
les parties et surtout essayer d'éclairer ceux et celles qui nous
écoutent sur ce projet de loi 107.
Je vais tout d'abord vous parler du statut de l'élève.
Vous comprendrez que tout le projet de loi repose sur l'élève.
Une école a sa raison d'être en fonction des élèves
qui s'y trouvent. Alors, nous avons des articles de loi qui précisent
quel est le rôle et quelles sont les attributions que
l'élève doit avoir. Tout d'abord, quant à l'âge
scolaire, nous précisons enfin dans l'article 1 de la loi que toute
personne âgée de cinq ans et plus a droit aux services
éducatifs jusqu'à la fin de l'année scolaire au cours de
laquelle elle atteint l'âge de 18 ans ou 21 dans le cas d'une personne
handicapée. Voilà enfin une précision qui donne
l'accès à l'école à l'élève qui a
cinq ans et plus.
À l'article 2, toute personne qui n'est plus assujettie à
l'obligation de la fréquentation scolaire a droit aux services
éducatifs pour les adultes prévus par le régime
pédagogique applicable dans le cadre des programmes offerts à
cette catégorie de personnes par la commission scolaire.
L'article 4 précise que la gratuité des services
éducatifs est garantie à toute personne qui réside au
Québec. Dans le cas des élèves adultes, ce droit s'exerce
aux conditions prévues par le régime pédagogique.
À ('article 6, l'élève autre que celui inscrit aux
services éducatifs pour les adultes a le droit de choisir entre
l'enseignement moral et religieux, catholique ou protestant, et l'enseignement
moral. La possibilité d'un enseignement religieux et moral autre que
catholique ou protestant est également prévue.
À l'article 8, la gratuité des manuels scolaires et du
matériel didactique est reconnue, sauf pour les personnes inscrites aux
services d'éducation pour les adultes.
À l'article 11, l'obligation de la fréquentation scolaire
est portée de 15 à 16 ans. Voilà un élément
de plus. L'âge limite qui était de 15 ans dans l'ancienne loi est
porté à seize ans de façon à donner la chance
à tous les élèves au Québec de recevoir le meilleur
enseignement possible.
À l'article 13, il est interdit - je pense que c'est important -
à tout employeur d'embaucher un élève durant les heures de
classe tant qu'il est assujetti à l'obligation de fréquentation
scolaire. Pour ce qui est des élèves de deuxième cycle
secondaire, ils choisissent eux-mêmes entre l'enseignement confessionnel,
soit catholique, soit protestant, et l'enseignement moral
Un projet de loi qui veut statuer sur les enseignements doit absolument
avoir une partie de sa réglementation ou de ses articles qui traite de
l'enseignant, de ses devoirs et de ses obligations. Je pense que nous aurions
mal fait de ne pas l'inclure dans le projet de loi. Voici ce que l'on dit au
sujet du rôle et des obligations de l'enseignant.
Le droit de diriger la conduite des groupes d'élèves qui
lui sont confiés; à mon sens c'est un droit fondamental. Le
deuxième droit, c'est le droit de prendre des modalités
d'intervention pédagogique répondant aux besoins et objectifs des
groupes qui lui sont confiés. À l'article 16, c'est le droit de
choisir les instruments requis pour l'évaluation de ses
élèves et, à l'article 17, le droit de refuser, pour motif
de liberté de conscience, de dispenser l'enseignement moral et religieux
d'une confession donnée.
Il est également du devoir de l'enseignant, à l'article
19, "de contribuer à la formation intellectuelle et au
développement intégral de la personnalité de chaque
élève qui lui est confié". Je pense que c'est un article
qui doit être très écouté par la classe enseignante,
de façon à préciser les devoirs et obligations des
enseignants. L'enseignant a également, à l'article 19,
l'obligation de collaborer à développer chez chaque
élève qui lui est confié le goût d'apprendre.
Également, à l'article 19, on précise que l'enseignant
doit prendre les moyens appropriés pour développer chez les
élèves le respect des droits de la personne. Enfin, dans le
même article, l'enseignant a l'obligation d'agir de manière juste
et impartiale avec chacun de ses élèves, et de cultiver chez
l'élève la qualité de la langue parlée et
écrite.
Ce sont, en gros, les responsabilités et les devoirs des
enseignants^
Si le projet de loi tient compte de l'élève et tient
compte des enseignants, il ne faut pas oublier non plus une classe très
importante, à savoir les parents. Est-ce que les parents ont le droit
d'être à l'école? Est-ce que les parents doivent
s'impliquer? Nous avons prévu dans la loi des dispositions, soit des
conseils d'orientation, des comités d'école qui sont des
comités obligatoires, dans lesquels les parents pourront s'impliquer
pour disposer et donner leurs points de vue sur le régime
pédagogique et, en même temps, assurer leur apport à
l'enseignement et au vécu de l'école.
Dans les dispositions de la loi, à l'article 5, il est
précisé que les parents ont le droit de choisir l'école
qui répond le mieux à leur préférence. À
l'article 6, les parents ont le droit de choisir, pour leurs enfants du
primaire et des deux premières années du secondaire, entre
l'enseignement moral, d'une part, et religieux ou confessionnel, catholique ou
protestant, dépen-damment de leurs goûts. À l'article 57,
les parents détiennent au moins la moitié des postes au conseil
d'orientation de l'école qui se voit attribuer des pouvoirs
décisionnels et de vastes pouvoirs de consultation.
Voilà pour la responsabilité des parents, et j'en passe.
D'autres articles de la loi précisent davantage le rôle et les
devoirs des parents.
Revenons à l'école. À l'article 36, il est dit que
l'école se voit reconnaître comme une entité propre au sein
de la commission scolaire et a pour mission d'assurer la protection de
l'élève, entre autres celui inscrit aux services éducatifs
pour les adultes. Elle demeure toutefois rattachée à la
commission scolaire de qui elle tient son acte constitutif, son personnel et
ses ressources financières et matérielles.
À l'article 37, l'école fonctionne sous l'autorité
d'un directeur d'école nommé par la commission scolaire et
relevant lui-même de l'autorité du directeur général
de la commission scolaire. (21 h 10)
Le directeur d'école. Vous savez que, dans une école,
l'âme de l'école est le directeur. C'est lui qui doit poser des
gestes de direction. C'est lui qui doit accorder la volonté des parents,
la volonté de la commission scolaire et celle du ministère de
dispenser un enseignement de première qualité. Le rôle du
directeur de l'école est précisé dans le projet de loi et
lui donne tout le mérite attendu.
Si nous revenions maintenant au conseil d'orientation. Le conseil
d'orientation est un nouveau conseil institué par le projet de loi
auquel doivent participer les parents, le personnel non enseignant, le
personnel de bureau, le personnel d'entretien, enfin tous les personnels
concernés par le fonctionnement de l'école. À l'article
54, il est dit que le conseil doit être institué par la commission
scolaire dans chaque école. Dans chaque école il y aura donc un
comité d'orientation. Il est formé, pour au moins la
moitié de ses membres, de parents nommés par le comité
d'école et est présidé par un représentant des
parents. La fonction du comité d'orientation détermine les
orientations propres à l'école. À l'article 79, le
rôle du comité d'orientation est précisé
relativement à l'adoption des règles de conduite et des mesures
de sécurité pour les élèves.
Comités d'école. Les comités d'école
fonctionnent présentement. Nous avons entendu différents
intervenants en commission parlementaire nous dire l'importance de les
maintenir obligatoires. Dans le projet de loi qui est devant nous, le
comité d'école n'est pas obligatoire. J'espère que dans
ses considérations d'amendements le ministre pourra reconsidérer
cette demande de la majorité des intervenants en commission
parlementaire et rendre obligatoire le comité d'école. Ainsi,
l'école devra avoir, d'une part, un comité d'orientation et,
d'autre part, un comité d'école qui seront obligatoires en vertu
de la loi. Voilà deux comités qui donnent la chance aux parents
de s'impliquer et d'apporter un vécu spécial à
l'école.
Dans le projet de loi, on précise aussi les centres
d'éducation des adultes. Dans la province de Québec, nous ne
pouvons pas penser que l'éducation des adultes doive se faire dans
toutes les écoles. Il doit y avoir des centres d'éducation des
adultes et nous voulons les préciser à l'intérieur de ce
projet de loi. La loi donnera au ministre les moyens nécessaires pour
identifier et préciser les centres d'éducation des adultes.
Présentement, dans la province de Québec, il y en a à peu
près 92 qui auront à jouer ce rôle-la et nul doute qu'ils
seront confirmés dans leurs droits et privilèges d'être
désignés comme centres d'éducation des adultes.
La commission scolaire. Plusieurs nous prétendent - surtout le
parti d'Opposition - que le rôle et les devoirs de la commission scolaire
sont réduits. Je dois vous dire qu'à la lumière des
dispositions du projet de loi le rôle de la commission scolaire bien au
contraire, est davantage précisé et elle a encore beaucoup de
pouvoirs compte tenu qu'à mon sens elle a un pouvoir exceptionnel, celui
de la taxation. Lorsqu'une institution comme une commission scolaire a un
pouvoir de taxation, c'est qu'elle a virtuellement un pouvoir de
dépenser. Lorsque nous touchons à ce pouvoir de taxation, c'est
malheureusement à un pouvoir limité, j'en conviens.
Présentement, nous ne pouvons pas changer les dispositions à
savoir que le champ de taxation est limité à 6 %, nous ne pouvons
pas l'élargir pour le moment, ce qui ne veut pas dire que la porte est
fermée pour toujours. Personnellement, je serais pour
l'élargissement du pouvoir de taxation des commissions scolaires, ce qui
leur donnerait, à mon sens, beaucoup plus de facilité pour
fonctionner et pour assurer de bons services à la population. Comme
c'est un problème majeur et qu'il faut tenir compte aussi du champ de
taxation des municipalités, je ne crois pas que le temps soit opportun
pour apporter une modification au pouvoir de taxation des commissions scolaires
dans le présent projet de loi.
Cependant, la commission scolaire a le droit ou le pouvoir de
gérer tous les actifs de la commission scolaire, y compris l'engagement
du personnel tant professoral que de bureau et, quand on a ce
pouvoir-là, à mon sens, c'est un pouvoir énorme. Elle a
aussi le droit de gérer ses immeubles et nous n'avons pas l'intention de
nous immiscer dans ces pouvoirs dévolus aux commissions scolaires.
Un article de la loi qui devrait, à mon sens, être
précisé, c'est concernant la délégation de pouvoirs
des commissions scolaires. Les commissaires peuvent former un comité
exécutif et il est indiqué dans la loi que les décisions
du comité exécutif doivent être entérinées
par le conseil scolaire. Je dois vous dire qu'après en avoir
discuté avec le ministre il n'est pas exclu que le ministre modifie la
loi de façon qu'il ne soit pas obligatoire que les décisions du
comité exécutif soient entérinées par le conseil
scolaire. Je pense que c'est une précision qu'il faut apporter parce que
cela deviendrait difficile et inopérationnel au point de vue des
pouvoirs de l'exécutif qui sont des pouvoirs
délégués des commissions scolaires.
M. le Président, en terminant, vous me permettrez de parier des
pouvoirs du ministre. Plusieurs membres de l'Opposition et différents
intervenants ont prétendu que les pouvoirs du ministre étalent
élargis. Personnellement, je suis de ceux qui prétendent que le
ministre doit se garder certains pouvoirs. Je ne pense pas que le projet de loi
actuel lui en donne de façon outrancière. Cependant, vous
comprendrez que le ministre ne doit pas être un étampeur,
c'est-à-dire de mettre des étampes et de tout simplement avoir un
rôle très secondaire à jouer. Au contraire, il a, à
mon sens, le rôle d'intervenir dans des cas litigieux. Le meilleur
exemple qui me vient à l'esprit, c'est celui de disposer des
enseignements professionnels dans la province de Québec. Comme vous le
savez, les enseignements professionnels dans la province de Québec ne
peuvent se donner partout dans toutes les commissions scolaires et dans toutes
les écoles. Il nous faut avoir une carte des options professionnelles
qui corresponde à la réalité et a une volonté ferme
et arrêtée du gouvernement et du ministre de donner un
enseignement professionnel de qualité. Pour ce faire, nous devons
à ce moment-là avoir une carte des enseignements professionnels,
développer dans des régions des pôles d'excellence et avoir
les équipements requis, en quantité et en qualité, pour
dispenser ces enseignements professionnels et avoir le corps professoral
capable de dispenser lesdits enseignements.
Comment voulez-vous qu'une carte des enseignements professionnels soit
arrêtée si, en bout de ligne, le ministre n'a pas la disposition
requise ou les pouvoirs requis pour statuer, déterminer et, en
même temps, arrêter cette carte des enseignements professionnels?
Je pense que cet exemple témoigne du plaisir, de l'intérêt
et du devoir que nous avons comme législateurs de donner des pouvoirs au
ministre de façon qu'il puisse intervenir et imposer son veto au moment
opportun pour arrêter une carte des enseignements professionnels. Si vous
laissez ça aux commissions scolaires, à mon sens, jamais les
commissions scolaires ne s'entendront, sur une répartition quand on sait
un peu le tiraillement que ça occasionne.
M. le Président, compte tenu du temps qui s'achève, je
vous dirai qu'il me fera plaisir de souscrire au projet de loi
présentement devant nous que j'appuierai en temps et lieu. Je vous
remercie.
Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître M.
le député de Bertrand.
(21 h 20)
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): II me fait plaisir d'intervenir sur le
projet de loi 107 que le ministre de l'Éducation a
présenté. N'ayant pas assisté à la commission
parlementaire, j'ai toutefois eu l'occasion de suivre, non seulement dans les
médias, mais dans les différents mémoires,
l'évolution de ce dossier au cours de la dernière
année.
On se souviendra, M. le Président, que le projet de loi 107
remplace ou veut remplacer l'actuelle Loi sur l'instruction publique afin,
selon ce qu'on nous dit dans les notes explicatives, de lui donner une
structure nouvelle, une structure plus cohérente, et afin de moderniser
et rationaliser l'actuelle loi. L'objectif poursuivi est, certes, très
noble, M. le Président. Mais vous conviendrez que, si on regarde un peu
plus en profondeur ce qu'on retrouve dans le projet de loi 107 tel qu'il nous
est présenté présentement, on s'aperçoit qu'entre
l'objectif visé, la philosophie du ministre derrière cette loi de
vouloir la rationaliser, la moderniser et la rendre plus cohérente, il y
a une marge entre cette volonté et cette réalité.
Le projet de loi 107 comporte quelque 579 articles. Je pense que,
lorsqu'on suit un peu les débats qui se sont passés,
particulièrement ceux du mois d'août 1988, on s'aperçoit
que la plupart des intervenants, je dis bien la plupart des intervenants, et
j'aurai la chance d'en citer quelques-uns tantôt, ne sont pas du tout
d'accord avec le ministre de l'Éducation.
On pouvait aussi lire dans les médias qu'à la suite de
cette consultation quelque 250 à 300 amendements, nous dit-on, seront
apportés. On n'entre pas dans les détails pour l'instant, mais si
on s'arrête juste un instant et que ceux qui nous écoutent veulent
essayer de comprendre ce qui se passe dans le domaine de la réforme de
l'instruction publique, présenter un projet de loi de 579 articles,
penser de l'amender avant l'étude en commission parlementaire article
par article - déjà on nous parle de quelque chose entre 250 et
300 modifications - je vous dis que le calcul n'est pas dur à faire, je
pense que le ministre serait plus avancé d'aller réécrire
ou faire réécrire la loi.
Il y a des choses plus fondamentales qui, personnellement, me fatiguent.
Je vais les exprimer tout haut comme j'ai toujours eu l'habitude de le faire.
C'est que le projet de loi se veut une intervention beaucoup plus grande de la
part du ministre, des pouvoirs beaucoup plus grands, c'est-à-dire que
ça se veut dans le sens d'un État interventionniste. Et j'ai de
la misère à situer ça dans le contexte d'un gouvernement
qui, depuis 1985, s'est dit d'abord décentralisateur, le moins
interventionniste possible. Je me souviens, dans un domaine où j'ai eu
à travailler passablement, celui de l'entreprise, celui où on
veut avoir la présence de l'État le moins possible, le discours
tenu par les gens d'en face, par le gouvernement, par l'ensemble des ministres
a été ces trois dernières années: On se retire
tranquillement et on laisse la place aux intervenants du milieu, on laisse les
forces du marché jouer, on laisse les structures en place, et on se
retire. Quand je regarde dans le cadre global du
projet de loi 107, je suis obligé d'arriver à la
conclusion que ce que le ministre veut faire, ce que le ministre se donne comme
pouvoir dans le projet de loi 107, à moins que. dans les quelque 200 ou
300 modifications qu'H compte apporter il ne veuille y faire des modifications
profondes... Mais je ne crois pas que ce soit le but des modifications
apportées. Ce sont, certes, des modifications mineures parce que le
ministre ne nous en a donné que de brèves indications cet
après-midi.
D'ailleurs, j'ai bien écouté. J'ai suivi sa
présentation cet après-midi. J'ai reconnu en lui le grand
éditorialiste qui a su livrer un texte, un papier très bien, mais
en prenant soin, parce qu'il a aussi protégé son aspect d'homme
politique très prudent qu'il est, M. le Président, de ne pas
entrer dans les moindres détails et donner la moindre piste pour savoir
où on s'en va. Comment voulez-vous, même en première
lecture, qu'on fasse un travail sérieux, qu'on essaie, dans notre
rôle d'Opposition, d'apporter du positivisme et de faire en sorte
d'essayer d'aider à bonifier le projet de loi 107 avec le ministre de
l'Éducation si on n'a pas suffisamment ces éléments?
Pourquoi n'a-t-on pas déposé à ce jour les amendements
pour qu'on puisse arriver davantage préparés? Je le
suggère fortement parce que je pense que ce n'est pas en commission
parlementaire, à chaque minute, à chaque demi-heure et à
chaque heure, qu'on déposera des liasses de documents, car, là,
on retardera les travaux.
L'autre aspect qui me fatigue beaucoup, M. le Président, c'est de
voir que l'expérience du ministre de l'Éducation ne sert pas plus
que ce qu'elle devrait servir, et je m'explique dans ce sens. On se souviendra
de ce qui est arrivé avec la loi 3, avec la dimension de l'article 93.
Le ministre de l'Éducation n'était pas absent de ce débat;
il était de ce côté-ci. Moi, je n'y étais pas. Par
contre, on m'a dit qu'il avait participé avec beaucoup d'acharnement
à cette loi 3. Aujourd'hui, il traverse de l'autre côté de
la Chambre et il propose une réforme. Il nous annonce aussi, par le fait
même, qu'il va aller devant les tribunaux pour faire trancher cette
question.
Pourquoi ne l'a-t-il pas fait depuis trois ans, depuis deux ans?
Pourquoi a-t-il attendu pour agir pendant toute cette période? Je pense
que c'est fondamental. Si le ministre de l'Éducation, qui connaissait
très bien le dossier, qui voulait faire avancer le débat, qui
voulait dans son premier mandat être capable de présenter une
réforme et de la faire adopter, parce que n'oublions pas qu'on arrive,
dans un mois ou deux, à décembre 1988... Il y aura
déjà trois ans de passés et on sera encore à
discuter article par article le projet de loi. Peut-être, comme c'est
arrivé à d'autres collègues, il devra retourner faire ses
travaux parce que le projet de loi n'est pas acceptable.
Je pense que plusieurs députés ministériels...
Même si le ministre de l'Éducation est un homme reconnu comme
étant un homme déterminé, qui est souvent très
têtu, qui tient à ses idées, je pense que le ministre de
l'Éducation va rencontrer sur son chemin quelques barrages. Je citerai,
par exemple, quelques extraits avec le plus d'application concernant les
mémoires des différents intervenants en commission parlementaire.
Je pense que ce n'est pas juste une question de dire: L'Opposition, de ce
côté-ci, a décidé de mettre des barrages, de mettre
des bâtons dans les roues et de tout faire pour que le projet de loi 107
ne soit pas adopté. Mais qu'on pense à la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, c'est un intervenant majeur. Si la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec n'est pas un intervenant
majeur, je me demande où sont les intervenants majeurs dans ce
débat. Voici ce qu'elle disait dans son mémoire, à la page
47: "Loin d'amorcer le virage nécessaire à l'égard de
l'hypercentralisation, il y aurait pour effet d'accentuer la mainmise du
ministre sur la gestion des écoles." Ce n'est pas le
député de Bertrand, ce n'est pas l'Opposition qui dit cela, c'est
la Fédération des commissions scolaires qui a dit cela en
commission parlementaire. De plus, disait-elle, le projet de loi 107 tend
à centraliser - et je porte à l'attention du député
de Rimouski qui nous disait, il y a quelques minutes, dans un élan, un
geste, certainement, de bonne volonté: Écoutez, ne vous
énervez pas, il n'y a pas de problème de centralisation
là-dedans. Vous avez certes mal compris. Et il a tenté, tant bien
que mal, de défendre son ministre.
On va regarder un peu ce que disent les intervenants qui, eux, sont
touchés: "Le projet de loi 107 tend à centraliser davantage le
système public d'enseignement et témoigne d'un sentiment de
méfiance de l'État à l'endroit de ses partenaires. Il doit
être révisé en profondeur...", et ainsi de suite. Ceci
était à la page 48 de leur mémoire. Toujours sur la
centralisation, parce qu'il faut s'appuyer sur des dires si on veut être
capable de prouver ce qu'on avance, cette fois-ci, c'est l'Association des
commissions scolaires protestantes du Québec. Elle dit entre autres,
à la page 29 de son mémoire: "...nous n'acceptons pas la
philosophie qui sous-tend le projet de loi, une philosophie de centralisation
qui placerait les écoles du Québec sous le tutelle du
ministère de l'Éducation du Québec." C'est à la
page 29.
Toujours dans le cadre de cette centralisation, que disait cette fois-ci
l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires?
M. le Président, c'est un groupe drôlement important, les
directeurs généraux des commissions scolaires. À la page
10 de leur mémoire, on lit: "Nous nous opposons fortement à cette
accumulation des pouvoirs du gouvernement et du ministre. Nous jugeons
impertinent que le ministre prenne occasion du projet de loi pour augmenter ses
pouvoirs réglementaires et, par là, son emprise sur le
système scolaire." C'est à la
page 10. (21 h 30)
Je citerai maintenant quelques extraits qui viennent aussi appuyer cette
dimension de centralisation, au niveau, par exemple, de l'Association des
institutions d'enseignement secondaire aux pages 9 et 10: "Le projet de loi 3
du précédent gouvernement, donc le projet de loi qui, à
toutes fins utiles, est celui qu'on veut modifier aujourd'hui, visait une plus
grande responsabilisation de l'école, tandis que le projet de loi 107
marque un net recul sur ce point."
Sur l'autre dimension, celle de la confes-sionnalité, M. le
Président, j'apporterai certains points qui viendront mettre en
lumière ce que les intervenants du milieu ont dit au ministre de
l'Éducation. La Centrale de l'enseignement du Québec,
communément appelée et mieux connue sous le nom de CEQ, que nous
disait-elle à ce sujet? À la page 4 de son mémoire, la CEQ
nous dit: "Force est de constater que le projet de loi 107 s'inscrit dans le
carcan de l'article 93 de la constitution de 1867 et que ni le gouvernement, ni
son ministre de l'Éducation ne manifestent de volonté de nous en
sortir. Il faut déplorer cette situation", nous disait-elle. Toujours le
même groupe, la Centrale de l'enseignement du Québec, nous dit que
"le projet de loi 107 - c'est à la page 39 du mémoire - ne
répond pas aux attentes de la centrale et des personnels qu'elle
représente et ne saurait être accepté par la CEQ à
moins que de profondes modifications ne lui soient apportées."
Que dire maintenant de l'Alliance des professeurs de Montréal?
Ces voix viennent s'ajouter les unes aux autres et toujours à propos de
la confessionnalité. Elle dit, pour sa part, à la page 9 du
mémoire: "Aussi, sommes-nous extrêmement déçus par
le projet de loi 107 qui implante des structures linguistiques dans le
Québec." Un peu plus loin, elle nous dit: "Nous demandons au
gouvernement de tout mettre en oeuvre pour mettre fin à cette anomalie,
c'est-à-dire de traiter les citoyens montréalais du XXe
siècle en sujets du XIXe siècle."
Enfin, M. le Président, la Coalition pour l'égalité
des droits en éducation disait, dans son mémoire, à la
page 14: "S'il peut comporter certaines améliorations par rapport
à la loi actuelle sur des aspects secondaires, nous estimons que, pour
l'essentiel, ce projet de loi est surtout rétrograde; il empire le statu
quo au lieu de le corriger. Nous sommes d'avis qu'il devrait être
retiré purement et simplement."
La Fédération des travailleurs et des travailleuses du
Québec, la FTQ, disait de son côté: "Nous avons
été très déçus de constater que le projet de
loi 107 n'offre pas de garanties suffisantes pour et va carrément
à l'encontre de l'application de ces grands principes que nous
considérons fondamentaux." C'était la position de la CEQ.
Si j'ai cité, concernant la centralisation et la
confessionnalité, les principaux intervenants du milieu, qu'ils soient
patronaux, syndicaux ou membres des structures des commissions scolaires,
c'était quand même pour démontrer quelque chose.
C'était, en fait, pour démontrer que ce que nous disons
aujourd'hui, c'est aussi l'écho de ce qui a été dit sur la
place publique, en commission parlementaire, dans les journaux et dans les
mémoires par toutes les voix, des messages très clairs qui ont
été envoyés au ministre.
Comment, aujourd'hui, le ministre de l'Éducation peut-il ne pas
remettre en question, de façon fondamentale, cette restructuration et le
projet de loi 107 tel qu'il le présente? Que le ministre veuille
apporter des modifications, il est clair qu'il va en apporter. Il nous a
laissé entendre qu'il y en aurait quelque 200 ou 250. Mais sur le fond,
sur cet aspect de la centralisation et de la confessionnalité, je ne
pense pas que le ministre ait l'intention de changer le fond. Dans ce
sens-là, cela m'inquiète. Je trouverais cela dommage qu'un
gouvernement, quel qu'il soit, fasse une réforme aussi importante que
celle de l'éducation sans essayer de faire consensus avec le millieu.
Dans ce sens-là... Je sais que ce n'est pas facile, je sais que le
ministre de l'Éducation a toute une commande sur les bras. Par contre,
quant à avoir pris trois ans, depuis qu'il est en poste comme ministre
de l'Éducation, pour être capable de cogiter et de sortir un
projet de loi comme le projet de loi 107, déposé en
décembre 1987, donc voilà tout près de 10 ou 11 mois, je
comprends mal pourquoi, face à cette consultation menée en
commission parlementaire, on n'en arrive pas tout simplement et
carrément avec le retrait ou des modifications profondes.
Est-ce que le ministre de l'Éducation est prêt à
modifier sur les grands thèmes et la grande approche qui est
proposée par la Centrale de l'enseignement, les différents
groupes et les différents intervenants du milieu? Que le ministre de
l'Éducation veuille se doter davantage de pouvoirs, je pense que tout
ministre dans tout gouvernement a le goût, un jour ou l'autre, d'avoir
plus de pouvoirs. Mais je dis au ministre aujourd'hui, que ce soit en
éducation ou ailleurs, que de vouloir se donner plus de pouvoirs est
certes une arme à deux tranchants. Et je comprends mal, même si
c'est dans la façon de faire du ministre de l'Éducation - et je
ne m'en prends pas à sa personne, je m'en prends plus à sa
façon d'agir habituellement, à la façon dont il s'est
comporté en vie politique au cours de ces années - de vouloir
être capable d'aller chercher davantage de pouvoirs pour être
capable d'avoir cette mainmise sur les commissions scolaires.
Je n'ai pas travaillé, M. le ministre, M. le Président,
dans le milieu scolaire, mais en tant qu'élu municipal j'ai beaucoup
côtoyé le milieu scolaire. Je peux vous dire que les structures,
qu'on veuille les modifier quelque peu... Mais c'est un peu comme si, dans le
projet de loi 107, le ministre des Affaires municipales voulait mettre une
espèce de mainmise sur les municipa-
lités en enlevant des pouvoirs. La façon dont je le
comprends, les structures au niveau municipal et au niveau scolaire sont des
structures importantes de décentralisation pour être capable de
répondre aux besoins sur le terrain. Et qu'on veuille aujourd'hui faire
un peu marche arrière et vouloir centraliser davantage,
c'est-à-dire donner plus de pouvoirs et plusieurs exemples sont
apportés... Encore là, ce n'est pas une constatation que j'ai
faite seulement en tant que député de l'Opposition; cela a
été beaucoup plus de regarder l'ensemble du débat, de
regarder ce que disent l'ensemble des intervenants et d'arriver aussi à
cette conclusion que le ministre fait fausse route et que le ministre est en
train de poser des gestes parce qu'il veut faire accepter cette loi-là
avant la fin de la présente session. Il a la détermination de le
faire. Mais s'il le fait dans le sens que le projet de loi est
présenté présentement, je pense que ce serait une grave
erreur. Je ne pense pas que le ministre de l'Éducation, pas plus que ses
collègues députés ministériels, aimerait voir qu'un
nouveau carcan, une nouvelle façon de faire, une réforme en
profondeur qui marquera la prochaine décennie ou les prochaines
décennies dans le domaine de l'éducation, soit quelque chose de
rétrograde.
Je pense que le ministre de l'Éducation a l'esprit suffisamment
ouvert pour être capable d'apporter en commission parlementaire des
modifications importantes qui vont changer le fond. Et c'est dans ce
sens-là, M. le Président, le voeu que j'exprime. L'état
dans lequel le projet de loi est présentement, c'est bien sûr
qu'il est carrément inacceptable et mon collègue et porte-parole
en matière d'éducation, le député d'Abitibi-Ouest,
l'a très bien démontré cet après-midi. Il a fait
une démonstration pendant tout près d'une heure sur le fond,
quant à la façon dont on est en train de s'orienter avec cette
réforme. Je porterai à l'attention des députés
ministériels de ne pas appuyer le ministre trop rapidement sans voir
comment, dans chacun de leur comté, dans chacune des régions du
Québec, ceci pourrait affecter et changer gravement, à mon avis,
le niveau décisionnel et finalement, je pense, notre qualité de
vie au cours des prochaines années autant pour les étudiants, que
les enseignants et les milieux de vie.
Dans ce sens-là, M. le Président, je conclus en disant que
j'espère que le ministre de l'Éducation va apporter des
modifications mais des modifications profondes non seulement en termes de
nombres - vous parlez de 200 ou 300 modifications - mais sur le fond, des
modifications majeures. Sinon ce sera carrément inacceptable. Je vous
remercie, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, sur une question d'agencement
de nos travaux. C'est un peu toujours la même histoire dans la
dernière intervention. Cela peut durer 20 minutes, 19, 21, 22 minutes.
Je demanderais tout de suite au leader adjoint du gouvernement s'il n'a pas
objection à ce qu'on n'interrompe pas la députée à
10 heures précises, sachant qu'il y en aura possiblement pour quelques
instants après 10 heures.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Jolivet: M. le Président, comme I m'a appelé le
leader adjoint du gouvernement, je vais lui dire oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
(21 h 40)
M. Jolivet: Mais je vais laisser la chance à Mme la
députée de Jacques-Cartier de terminer son intervention.
Le Vice-Président: Très bien. J'en prends bonne
note. Je cède, en conséquence, la parole à Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Le projet de loi
107 remplace l'actuelle Loi sur l'instruction publique, à l'exception
des dispositions qui touchent les élections scolaires et qui se
retrouvent dans un autre projet de loi portant le no 106. Le projet de loi
établit un cadre légal pour le fonctionnement du système
scolaire. Il établit les droits, les rôles ainsi que les
responsabilités des principaux partenaires du système scolaire, y
compris les élèves, les parents, les enseignants, les directeurs
d'école, les commissions scolaires, le ministre de l'Éducation et
le gouvernement. Il précise les structures et modalités qui
permettent l'exercice des pouvoirs respectifs.
Parmi les multiples objectifs du projet de loi, il y en a trois
d'importance particulière: donner aux écoles la capacité
de mieux répondre à la diversité évolutive de
cultures et de religions de la population québécoise; donner plus
de place aux parents dans le système scolaire; troisièmement,
établir éventuellement des commissions scolaires partout au
Québec, basées sur la langue anglaise ou française au lieu
de la confessionnalité catholique ou protestante.
M. le Président, les opinions exprimées par les 97 groupes
que nous avons entendus à la commission permanente de l'éducation
gravitaient autour de quatre grandes questions: le rôle des parents, la
confessionnalité de l'école, les pouvoirs du ministre
vis-à-vis des pouvoirs des commissions scolaires et la création
des commissions scolaires linguistiques. Je suis heureuse que le projet de loi
sera amélioré de façon importante à la
lumière des recommandations faites
lors de la commission parlementaire. Dans le peu de temps qui m'est
alloué, j'aimerais commenter brièvement chacune des grandes
questions litigieuses.
Sur le rôle des parents, je veux dire ceci. Les parents sont les
premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Donc, ils
devraient jouer un rôle important dans le système scolaire. Leur
participation à l'école publique ainsi qu'au niveau de la
commission scolaire est essentielle pour enraciner les orientations et les
politiques du système dans les besoins réels de nos
élèves et de leurs familles. Les parents pourraient offrir un
enrichissement indispensable à la vie de l'école. Leurs avis et
opinions sur les orientations et les politiques de l'école et de
l'ensemble du système sont indispensables. Leurs enfants ne peuvent que
profiter de leur engagement à contribuer à l'amélioration
du système d'éducation.
Mais je suis convaincue que le rôle approprié des parents
n'est pas de gérer le système. La responsabilité de
gérer relève des directeurs d'école ainsi que des cadres
du système toujours guidés par les premiers responsables qui sont
les commissaires élus par l'ensemble des électeurs de leur
territoire.
De plus, en établissant dans la loi les structures de
participation des parents, il faut tenir compte de la disponibilité et
des capacités des parents qui pourraient varier grandement d'une
école à l'autre. Donc, il faut être réalistes et
flexibles à cet égard.
Pour toutes ces raisons, je suis heureuse de constater que les
amendements tendent à conserver le caractère obligatoire,
c'est-à-dire le maintien obligatoire du comité d'école, du
comité de parents ainsi que des deux parents siégeant à la
commission scolaire sans droit de vote. Cette dernière provision
représente le consensus de la Fédération des parents.
Le projet de loi prévoit une autre mesure que je considère
très positive: la désignation d'un troisième parent
commissaire comme représentant des parents de la langue minoritaire.
Cette provision s'applique évidemment aux commissions confessionnelles
dispensant l'éducation dans les deux langues.
En ce qui a trait au choix confessionnel des parents au niveau de
l'école, je crois que le projet de loi risque d'ouvrir la porte à
la possibilité de conflits malheureux résultant du processus de
décision à l'égard du statut confessionnel de
l'école. La situation pourrait être exacerbée par la
provision permettant à l'école d'intégrer dans son projet
éducatif les croyances ou valeurs religieuses d'une confession
particulière ou de plusieurs confessions et il est possible que
l'école ait ou n'ait pas de statut confessionnel.
À mon avis, le fait que le projet de loi oblige cette
intégration à se faire dans le respect des libertés de
conscience et de religion n'élimine pas un certain risque de conflits.
Si, par ailleurs, une commission scolaire décide de résoudre ses
problèmes en regroupant les élèves ayant choisi le
même projet éducatif, les dislocations en résultant
pourraient susciter la colère des parents des élèves
déplacés. Lors de l'étude article par article,
j'espère que nous trouverons des mesures pour réduire au minimum
la possibilité de tels événements malheureux.
J'aimerais maintenant dire un mot sur les élèves
handicapés ou en difficultés d'adaptation ou d'apprentissage.
Depuis longtemps les parents de ces élèves demandent un
renforcement de l'obligation imposée au système scolaire d'offrir
une éducation de qualité propice aux besoins particuliers de
leurs enfants. Je suis heureuse de vous dire que le projet de loi constitue un
pas en avant à cet égard. Le projet de loi crée un cadre
pour augmenter lïmputabilité de la commission scolaire à
l'égard des services aux élèves en difficultés. Il
est prévu que la commission scolaire doit adapter ses services
éducatifs aux besoins de cette clientèle. Chaque
élève handicapé ou en difficulté d'apprentissage
aura droit à un plan d'intervention spécialement conçu en
fonction de ses besoins et après consultation de ses parents. Il y aura,
dans chaque commission, un comité consultatif composé
majoritairement des parents mandatés pour donner leur avis à la
commission scolaire sur les normes d'organisation des services aux
élèves en difficulté.
J'ai été particulièrement heureuse de voir dans les
amendements que les commissions scolaires pourront remplacer un programme
d'études établi par le ministre, par un programme d'études
local dans le cas d'un élève ou d'une catégorie
d'élèves incapables de profiter des programmes
réguliers.
De la même façon, les amendements ouvrent la
possibilité d'enrichir le programme en ajoutant un nombre
supérieur à celui prévu au régime
pédagogique. L'ouverture à plus de flexibilité des
programmes ainsi que la reconnaissance de l'importance d'individualiser
davantage l'éducation, signifient pour moi un gain important pour la
qualité de l'éducation, surtout pour nos enfants ayant des
besoins particuliers.
Malgré ces développements dans le projet de loi,
j'aimerais souligner, au nom de tous les parents des élèves en
difficulté, que les améliorations comprises dans le projet de loi
ne constituent qu'une partie d'une réforme globale longuement
demandée. Pour assurer ces services de qualité à la
population croissante d'élèves à risque, une
réforme globale s'impose. Les règles budgétaires, la
convention collective, le régime pédagogique et la formation de
nos enseignants sont tous des éléments déterminants pour
la livraison de services de qualité. (21 h 50)
Quant aux pouvoirs du ministre et du gouvernement vis-à-vis de
ceux des commissions scolaires, j'aimerais dire ceci. Presque tous les groupes
que nous avons entendus ont souligné leur préoccupation à
l'égard des pouvoirs accor-
dés au ministre par le projet de loi. Je suis encouragée
par les améliorations importantes proposées par le ministre
à cet égard. En tant qu'ancienne présidente d'une
grande commission scolaire, je suis très sensible aux dangers de
surbureaucratiser et de surcentraliser le système d'éducation. Je
suis convaincue, si on veut rendre les commissions scolaires responsables,
qu'il faut leur donner des responsabilités. Un gouvernement qui a
tendance à garder la main haute risque d'encourager
l'irresponsabilité. De plus, un système scolaire, par sa nature,
doit servir la base et non l'inverse. Tout l'appareil du ministère de
l'Éducation, ainsi que l'appareil des commissions scolaires, sont
là pour servir les meilleurs intérêts de nos jeunes et de
leurs familles. Il est essentiel que l'appareil local ait le plus de latitude
possible afin qu'il puisse agir de façon responsable, en essayant
toujours de répondre aux besoins importants de sa clientèle,
selon son propre jugement.
Ce principe est le fondement même de notre système
démocratique de l'éducation. Quand il s'agit du système
scolaire, les besoins de la base sont trop importants pour se permettre de les
sacrifier à la tendance de tout gouvernement de rendre la base
dépendante de leur générosité.
À cet égard, M. le Président, j'aimerais souligner
les propos du ministre cet après-midi à l'égard de la
faible marge de taxation accordée aux commissions scolaires. Le ministre
a dit: Avec la très faible marge de taxation qui leur est
accordée depuis l'adoption de la loi 57 en 1979, les commissions
scolaires doivent dépendre des subventions gouvernementales pour plus de
91 % de leurs revenus. Au nom d'un meilleur équilibre, il est permis de
souhaiter que l'on en vienne un jour à un partage qui tiendrait
davantage compte du rôle très important dévolu aux
commissions scolaires.
La quatrième question qui a suscité un débat
important aux audiences de la commission parlementaire est la restructuration
des commissions scolaires sur une base linguistique. La réforme
proposée a été reçue plus favorablement du
côté francophone que du côté anglophone. Parmi les
groupes francophones qui s'opposent à la réforme, la
déconfessionnalisation des commissions scolaires est perçue comme
une attaque contre les valeurs chrétiennes de notre
société.
Par contre, à l'autre pôle, nous avons entendu plusieurs
groupes, notamment la CEO, le Mouvement laïque et la Commission des droits
de la personne, qui considèrent que le fait de permettre des
écoles confessionnelles est nettement discriminatoire.
Parmi les groupes anglophones, l'idée des commissions scolaires
linguistiques est favorisée surtout par ceux qui, dans les
régions, ont subi une baisse de population au point où la
survivance de leurs écoles ainsi que de leur communauté demande
qu'ils se regroupent, anglo-catholiques et anglo-protestants ensemble dans des
écoles communes. Cette tendance est mani- feste depuis plusieurs
années. Les anglo-catholiques qui constituent de petites
minorités dans leurs commissions scolaires catholiques majoritairement
francophones fréquentent souvent par entente les commissions scolaires
protestantes majoritairement anglophones. Des arrangements ont
été faits pour qu'ils reçoivent l'éducation
religieuse et morale catholique. Néanmoins, les anglo-catholiques n'ont
pas le droit de siéger comme commissaires aux conseils protestants. La
création d'une commission scolaire linguistique dans ces territoires
réglerait le problème de représentation et créerait
des masses critiques d'anglophones suffisant à soutenir une
éducation de qualité.
Quant aux anglo-catholiques et anglo-protestants dans la région
métropolitaine de Montréal, la problématique de la
réforme est perçue différemment malgré la baisse
dramatique de la clientèle, subie par la communauté anglophone
depuis dix ans. Il n'y a pas de consensus sur la réforme des structures.
Le débat est fort complexe et va bien au-delà du simple
désir de survivre comme communauté linguistique. Les
éléments du débat sont multiples et interreliés. Il
y a d'abord la question constitutionnelle. Même les groupes qui sont
favorables à la réforme demandent que les garanties linguistiques
soient insérées dans la constitution comme condition de leur
acceptation.
La question de la sécurité d'emploi préoccupe les
enseignants et les administrateurs protestants qui ne voient pas l'avantage des
commissions scolaires linguistiques tant que la majorité des
anglo-catholiques insistera sur son droit d'avoir un personnel uniquement
catholique et un programme d'éducation intégralement catholique
dans ses écoles. De plus, les protestants s'inquiètent des
tiraillements qui pourraient résulter des multiples choix confessionnels
possibles dans chaque école anglaise, supposément pour tout le
monde.
Il semble que les anglo-catholiques soient divisés sur la
réforme. Personnellement, je crois que le choix idéal pour les
anglo-catholiques serait d'avoir leur propre commission scolaire, mais ils sont
frustrés par le débat qui a maintenant duré presque vingt
ans sur cette question. Donc, ils ont décidé d'opter
majoritairement pour des commissions scolaires linguistiques à la
condition qu'ils puissent sauvegarder une éducation catholique et avec
l'espoir, préférablement, de garanties linguistiques
constitutionnelles.
Il est évident que la perspective de la surimposition des
commissions linguistiques sur des commissions scolaires confessionnelles
pourrait causer un morcellement malheureux des ressources scolaires pour ne
rien dire de la confusion des parents face à la multiplicité de
choix de l'école. Heureusement, avant de procéder avec cette
réforme, il est de l'intention du ministre que la portée
constitutionnelle de la réforme soit clarifiée par la Cour
d'appel.
En conclusion, je persiste à croire que les
réalités démographiques dans les régions
rurales et les réalités dans la région
métropolitaine de Montréal commandent des solutions
différentes en ce qui concerne le problème de restructuration. Je
crois que les objectifs de la réforme pourraient être atteints en
respectant les valeurs et les espoirs des deux grands groupes linguistiques.
Procéder dans la région métropolitaine en dépit des
convictions et des craintes profondes d'un bon nombre de nos citoyens serait
contre l'objectif que nous cherchons tous ensemble. Je parle d'un
système de qualité qui vise le développement optimum de
notre plus importante ressource: nos enfants. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je demanderais
l'ajournement du débat.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
du débat est adoptée?
M. Johnson: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. En conséquence,
puisque nous sommes arrivés à 22 heures, l'Assemblée va
maintenant ajourner ses travaux qui reprendront demain, le mercredi 26 octobre,
à 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 1)