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(Dix heures six minutes)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Regagnez vos sièges.
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Vous pouvez vous asseoir.
M. le ministre des Affaires internationales.
M. Gobeil: Mme la Présidente, je vous prie d'appeler
l'article 5 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 42 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 5 de notre
feuilleton, le ministre des Affaires internationales propose l'adoption du
principe du projet de loi 42, Loi sur le ministère des Affaires
internationales. M. le ministre des Affaires internationales.
M. Paul Gobeil
M. Gobeil: Mme la Présidente, l'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande
l'étude à l'Assemblée.
Mme la Présidente, le projet de loi 42 déposé
devant l'Assemblée nationale en juin dernier propose la création
du ministère des Affaires internationales en remplacement de deux
ministères, celui des Relations internationales et celui du Commerce
extérieur et du Développement économique. Ce projet de loi
traduit la volonté exprimée dans le discours inaugural du 8 mars
dernier, et je cite: "Le gouvernement croit fe moment venu de beaucoup mieux
planifier, organiser et diriger l'action extérieure du Québec,
autant dans sa dimension politique que dans celle des échanges d'ordre
économique, social et culturel."
Le premier ministre m'a confié la responsabilité de ce
ministère et j'ai accepté avec enthousiasme ce nouveau
défi parce que j'estime que les affaires internationales constituent
l'un des moyens les plus importants d'assurer le développement futur du
Québec. En abordant aujourd'hui l'étude de ce projet, je voudrais
regrouper mes observations autour de trois points.
Je voudrais signaler d'abord que le projet de loi 42 s'inscrit dans la
continuité des activités internationales que le Québec a
développées et des gestes historiques que les divers
gouvernements ont posés dans ce domaine, notamment depuis 1960.
En second lieu, j'estime que ce projet donnera une nouvelle impulsion
à nos relations internationales, grâce à une
cohérence et à une efficacité plus accrues.
Je terminerai en évoquant la façon dont nous pourrons
aborder, avec l'adoption de ce projet de loi et dans les meilleures conditions,
les défis que nous présente la situation internationale.
Mme la Présidente, l'activité internationale du
Québec repose sur une longue tradition. Il me semble important que les
Québécois d'aujourd'hui réalisent que le Québec a
été un acteur international depuis la naissance de la
Confédération. À cette époque déjà,
les questions d'immigration, d'agriculture et de commerce incitaient le
gouvernement à envoyer des représentants à
l'étranger. Le 30 octobre 1868, un an seulement après la
création de la Confédération, les
délégués du gouvernement fédéral, ceux du
Québec, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick réunis en
conférence, décidaient que, et je cite: "Outre les agences
européennes du Canada, chaque province pourra nommer des agents en
Europe ou ailleurs qu'elle jugera à propos de choisir et ces agents
seront dûment accrédités par le gouvernement
général."
Dès lors, le Québec enverra effectivement des
représentants en Grande-Bretagne, en France et en Belgique. Et c'est en
1882 que son premier représentant permanent s'installe en France. En
1909, le Parlement adopte une loi permettant au gouvernement d'affecter un
agent général en Grande-Bretagne et en Belgique sous
l'autorité du premier ministre. Abrogée en 1936, cette loi est
remplacée par une autre en 1940 permettant aux ministères des
Affaires municipales, du Commerce et de l'Industrie d'affecter à
l'étranger des agents généraux. Et, sous le gouvernement
Lesage, en 1961, une nouvelle loi remplaçant celle de 1940 place les
délégués généraux ou agents
généraux sous l'autorité du ministère de
l'Industrie et du Commerce jusqu'à ce qu'ils relèvent de la
juridiction du ministère des Affaires intergouvernementales
créé par une loi de 1967. En 1974, le gouvernement a
légiféré pour intégrer au ministère des
Affaires intergouvernementales les services qui s'étaient
développés dans divers ministères pour s'occuper de
coopération avec l'extérieur. Déjà, il s'agissait
là d'un effort visant à mieux intégrer les divers aspects
des activités internationales du gouvernement. Enfin, en novembre 1982,
une loi créait le ministère du Commerce extérieur.
Mme la Présidente, aujourd'hui l'importance d'intégrer les
différentes dimensions de l'activité internationale est devenue
évidente. Le projet de loi 42 qui s'inscrit dans une longue tradition de
gestes législatifs vient donner au gouvernement les moyens de s'occuper
de ses affaires internationales suivant les exigences actuelles. Ce bref regard
sur le passé permet de constater que malgré les diverses
difficultés rencontrées, que ce soient les guerres mondiales, les
crises économiques ou les ressources budgétaires limitées,
le gouvernement du Québec en est constamment revenu à
reconnaître la nécessité de s'occuper des affaires
internationales dans les domaines de sa compétence et d'avoir, à
cette
fin, des représentants à l'étranger.
On peut dire sans fausse prétention que le Québec a
joué dans ce domaine un rôle de pionnier, que ce soit pour des
raisons liées à l'immigration, à la sécurité
culturelle ou à son développement économique. Et d'autres
provinces canadiennes ont suivi en quelque sorte l'exemple du Québec et
ont développé leurs activités sur la scène
internationale.
Il n'est sans doute pas inutile de rappeler aujourd'hui ce que disait
devant cette Chambre, en 1967, le député libéral d'alors
de Vaudreuil-Soulanges, M. Paul Gérin-Lajoie, l'un de ceux qui ont le
mieux compris l'importance pour le Québec de développer ses
relations avec l'extérieur et qui a démontré que de telles
initiatives étaient parfaitement compatibles avec le cadre
fédéral canadien. Je cite l'honorable député Paul
Gérin-Lajoie: "Pour partager notre identité
québécoise et canadienne-française, nous nous sommes
autrefois repliés sur nous-mêmes. Pour l'épanouir, il nous
faut aujourd'hui nous ouvrir sur le monde." À ses yeux, le projet de loi
créant le ministère des Affaires intergouvernementales en 1967,
et je le cite à nouveau, "ne confère au Québec aucun
pouvoir nouveau dans les affaires internationales". Il ajoute: "Le fait de
reconnaître une personnalité internationale au Québec
n'offre aucun conflit avec le droit international. Il ne met nullement en cause
la participation du Québec à la Confédération
canadienne."
Mme la Présidente, à ma connaissance, cette thèse
du prolongement extérieur des compétences internes dans notre
système fédéral n'a été contestée par
personne dans cette Assemblée. On doit reconnaître aujourd'hui que
les faits ont d'ailleurs donné raison à la clairvoyance de notre
collègue. Il est incontestable que le dynamisme actuel des divers
milieux québécois doit beaucoup à l'ouverture sur le monde
et aux activités internationales que les gouvernements du Québec
ont développées au cours des dernières années.
J'ajouterais également que le Canada tout entier a
bénéficié de cette action du Québec, ne serait-ce
que par le rééquilibre de sa politique extérieure et par
le fait qu'il en est venu à accepter que notre collaboration pouvait
renforcer singulièrement ses propres moyens d'action. Certains y voient
même une bonne illustration de la souplesse de notre système
fédéral.
Mme la Présidente, aujourd'hui, la place et le rôle du
Québec dans les affaires internationales sont reconnus comme
légitimes et nécessaires. Trois faits parmi d'autres me semblent
illustrer cette reconnaissance. Depuis 1971, grâce à une
innovation dans le droit international, le Québec est devenu membre
d'une véritable organisation internationale. Il est, en effet, un
gouvernement participant au sein de l'Agence de coopération culturelle
et technique dont le Canada est par ailleurs partie à titre
d'État membre. La légitimité des relations directes et
privilégiées du Québec avec la France a été
reconnue publiquement par le premier ministre du Canada le 8 novembre 1984. Un
troisième exemple est fourni par l'entente intervenue entre Ottawa et
Québec, qui prévoit désormais que le premier ministre du
Québec participe à la Conférence des chefs d'État
et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage du français aux
côtés du premier ministre canadien et d'une quarantaine d'autres
partenaires. Le rôle qu'il y a joué, les diverses propositions
qu'il y a présentées ont été acceptées par
le sommet dont elles constituent certaines des décisions les plus
importantes.
Ce sont là, Mme la Présidente, des acquis précieux
pour tous. Je voudrais me réjouir avec vous de la
crédibilité que le Québec a acquise comme partenaire
international au cours des dernières années.
Dans le passé, cette Assemblée a tenu à souligner
son entier appui au principe de l'action internationale du Québec en
approuvant chaque fois à l'unanimité les lois successives qui en
ont régi l'organisation. Je souhaite que l'Assemblée nationale
reconnaisse de la même manière que le projet de loi 42 s'inscrit
dans la continuité et qu'il vient donner une nouvelle impulsion aux
activités internationales qui constituent plus que jamais une dimension
essentielle de notre développement. Mme la Présidente, nous
reconnaîtrons tous, je l'espère, que la continuité n'exclut
ni l'adaptation aux réalités actuelles ni le souci d'une
cohérence et d'une efficacité accrues.
Je ne voudrais pas présenter ici toute une série de
statistiques pour discuter de la place qu'occupe le Québec sur la
scène mondiale. Je voudrais simplement rappeler certains chiffres qui
permettront de mieux comprendre les intentions du gouvernement en
présentant le présent projet de loi. Le produit intérieur
brut du Québec se chiffrait à quelque 130 000 000 000 $ en 1987;
40 % proviennent des exportations hors de nos frontières dont 20 % en
dehors des frontières canadiennes. À titre de comparaison, les
États-Unis exportent 7 % de leur produit intérieur brut, le Japon
17 % et la France 24 %. C'est dire que sur ce plan, le Québec
réalise une performance remarquable puisqu'il se situe au 32e rang des
exportateurs mondiaux alors que sa population le place au 75e rang. Les
produits québécois sont exportés dans 145 pays.
Ces chiffres illustrent en même temps à quel point nous
devons poursuivre nos efforts pour conserver notre place dans un monde de plus
en plus concurrentiel. Le Canada lui-même perd du terrain puisqu'il est
passé en peu de temps du 4e au 8e rang des nations commerçantes.
Il faut bien voir que la concurrence internationale dans plusieurs secteurs se
fait de plus en plus vive. Ainsi, dans le secteur primaire, les entreprises
québécoises sont en concurrence avec celles de pays où
sont régulièrement mises en valeur les ressources naturelles plus
accessibles, plus exploitables et de façon plus économique. Dans
le secteur secondaire, elles doivent concur-
rencer non seulement avec les pays nouvellement industrialisés
qui bénéficient souvent d'une main-d'oeuvre à meilleur
marché mais également avec les pays fortement
industrialisés qui utilisent des technologies de pointe et qui ont
généralement un accès direct à des marchés
intérieurs importants. Dans le secteur tertiaire, le dynamisme de nos
entreprises est Hé notamment à leur capacité de
développer, d'acquérir et de transférer de nouvelles
technologies.
On constate qu'au cours des dernières années, la part des
services dans les échanges internationaux croit plus rapidement que
celle des biens. Les services représentent actuellement 32 % de tous les
échanges. L'échange des services est désormais inclus dans
les sujets de négociation du GATT. Cette évolution nous fournit
des indications importantes sur les nouvelles formes que prendront les
relations économiques internationales où désormais les
aspects financiers, technologiques et industriels vont prendre une importance
décisive.
Mme la Présidente, personne ne peut imaginer que le Québec
va rester à l'écart de ces tendances. D'ailleurs, sous
l'influence de ces différents facteurs, la structure des exportations du
Québec est en train d'évoluer, notamment en faveur des produits
finis non comestibles et des matières travaillées non
comestibles.
Le gouvernement est particulièrement sensible aux diverses
transformations qui affectent la scène internationale, par exemple, ta
formation en Europe et en Asie de grands ensembles, le resserrement de la
concurrence internationale, l'internationalisation des productions et des
échanges, l'évolution constante des réglementations
internationales, notamment au sein du GATT. Tous ces facteurs ont des
répercussions significatives sur l'économie, le
développement et le bien-être de notre collectivité. C'est
dans cette perspective que le gouvernement a affirmé, à plusieurs
reprises, son souci de renforcer l'ouverture du Québec sur
l'extérieur et de dynamiser ses relations internationales de
façon à promouvoir l'identité et la
spécificité de la société québécoise
et à maintenir son poids politique à l'égard des
décisions prises ailleurs et qui peuvent l'affecter. (10 h 20)
Mme la Présidente, devant la montée de plus en plus
remarquée d'une interdépendance généralisée,
le gouvernement considère que les intérêts du Québec
lui commandent de s'inscrire dans cette évolution des rapports
internationaux, notamment sur le plan économique. C'est ce qu'il l'a
conduit à collaborer étroitement avec le gouvernement
fédéral à la préparation et au déroulement
des récentes rondes de négociations commerciales
multilatérales et à appuyer fermement le projet d'accord sur la
libéralisation des échanges avec les États-Unis. Le
Québec doit, bien sûr, prendre en compte les
réalités extérieures qui influencent son
développement, mais c'est en cherchant à les concilier avec ses
intérêts et ses besoins qu'il pourra assurer son
développement selon ses propres orientations. C'est dans cette
perspective qu'il se doit d'intervenir sur les relations internationales pour
en faire un instrument adapté aux nécessités de son
développement.
Aujourd'hui, les relations internationales ont pris des formes
nouvelles. Elles touchent des domaines qui dépassent nettement la
perspective classique de fa diplomatie. La culture, les communications,
l'environnement, l'agriculture, l'énergie, les ressources naturelles, la
science, la technologie, le tourisme et les échanges économiques
revêtent une grande importance dans les relations actuelles entre les
pays.
Voilà autant de questions qui touchent directement les
compétences du Québec. Dans ce contexte, il est normal qu'au
cours des dernières années, plusieurs ministères et
organismes aient développé des activités internationales
qui prolongent en quelque sorte, sur le plan externe, le mandat qui leur a
été confié au Québec. Faute d'un cadre
approprié, ces nombreuses activités sectorielles n'ont pas
toujours été harmonisées de la meilleure façon, ce
qui a pu en diminuer l'efficacité. Le fait de dissocier le commerce
extérieur des relations internationales entraînait, bien
sûr, des doubles emplois. De façon plus fondamentale, il
provoquait une césure entre les préoccupations de nature
économique et celles de nature politique, culturelle et sociale. Or, on
ne saurait concevoir une stratégie efficace sans intégrer ces
différentes dimensions. Cette division des responsabilités
présentait par ailleurs des inconvénients sérieux à
l'égard de nos partenaires québécois et étrangers.
Voilà pourquoi, Mme la Présidente, dans un souci de
cohérence et d'efficacité, le gouvernement propose, par le projet
de loi 42, de clarifier les orientations et de réaménager les
structures administratives en conséquence.
Sur le plan des affaires internationales, ce projet de loi unifie
l'action extérieure du Québec sous une seule autorité qui
se voit confier le mandat principal de planifier, d'organiser et de diriger
toute l'action du gouvernement du Québec à l'étranger
ainsi que celle de ses ministères et organismes et d'élaborer, en
collaboration avec les ministères concernés, une politique en
matière d'affaires internationales devant favoriser le rayonnement du
Québec et son développement, notamment sur les plans commercial,
culturel, économique, politique et social.
Mme la Présidente, ce projet de loi prévoit que le
ministre des Affaires internationales est d'office le conseiller du
gouvernement, de ses ministères et organismes sur toute question ayant
trait aux affaires internationales et à titre de dépositaire des
originaux des ententes internationales et de copies conformes de toute autre
entente, il a la responsabilité d'établir un bureau des ententes
et de prescrire le mode d'enregistrement de ces ententes. Le ministre des
Affaires internationales a également le mandat de veiller
à ce que soit respectée la compétence
constitutionnelle du Québec dans la conduite des affaires
internationales.
Ce projet de loi prévoit, comme condition de validité de
toute entente internationale, qu'une telle entente doit être
signée par le ministre des Affaires internationales et être
approuvée par le gouvernement. Au chapitre de la représentation
du Québec à l'étranger, ce projet de loi attribue au
ministre des Affaires internationales la fonction d'assurer et de diriger la
représentation du Québec à l'étranger.
Le projet prévoit que le gouvernement peut établir
à l'étranger des délégations
générales, des délégations et toute autre forme
d'organisation permettant la représentation du Québec à
l'étranger et qu'en conséquence, il peut nommer, dans tout pays
qu'il désigne, le délégué général
pour représenter, sur le territoire qu'il indique, le Québec dans
tous les secteurs d'activité qui sont de sa compétence
constitutionnelle ou un délégué pour représenter,
sur le territoire qu'il indique, le Québec dans des secteurs
d'activité qu'il détermine.
Ce projet de loi donne au gouvernement le pouvoir de constituer un
comité présidé par le ministre des Affaires
internationales, chargé notamment de favoriser la collaboration entre
les ministères concernés, aux fins de l'élaboration par le
ministre d'une politique en matière d'affaires internationales et
d'analyser la programmation des activités à l'étranger du
gouvernement, de ses ministères et organismes et d'évaluer
annuellement les résultats de ces activités. J'ai l'intention,
Mme la Présidente, dans les semaines qui suivront l'entrée en
vigueur de la loi 42, de saisir le Conseil des ministres d'une proposition de
création de ce comité ministériel qui devra favoriser la
concertation politique nécessaire pour assurer la réussite d'une
stratégie internationale intégrée.
Ce projet de loi vient par ailleurs conférer au ministre de
l'Industrie et du Commerce la responsabilité du domaine de la
technologie et modifie en conséquence la désignation du ministre
et de son ministère. Ce projet de loi précise les fonctions du
ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et apporte
certaines modifications d'harmonisation à des dispositions de la Loi sur
le ministère du Conseil exécutif. Enfin, ce projet de loi
contient un bon nombre de modifications de concordance découlant de la
réforme proposée.
Pour remplir le mandat qui lui est confié, le ministre des
Affaires internationales doit s'organiser, en partie, sur de nouveaux
fondements qui se traduisent dans des structures différentes de celles
qui existaient auparavant. La politique internationale du Québec se
définit d'abord à partir de sa réalité interne et
de l'identification de ses intérêts sur la scène
internationale. Voilà pourquoi l'organisation du nouveau
ministère mettra en place une nouvelle Direction générale
des politiques et priorités qui sera chargée d'élaborer,
avec le concours actif des ministères et organismes, des milieux
québécois, ainsi qu'en collaboration avec les autres directions
générales, une politique d'affaires internationales qui
intègre les diverses composantes et qui propose des priorités
à privilégier.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de notre politique se fera suivant une
approche géographique. Voilà pourquoi les directions d'affaires
bilatérales sont structurées suivant un découpage
géographique. Chacune de ces directions sera associée à la
formulation des politiques et elle aura pour mandat essentiel de traduire ces
orientations dans une stratégie à l'égard de la
région dont elle a la charge. L'efficacité accrue viendra
notamment du fait que les programmes à réaliser
intégreront les dimensions culturelle, scientifique et économique
et que la responsabilité des directions ne se réduira pas
à une simple gestion de moyens. J'ajoute que la préoccupation des
résultats sera présente partout. Et notre réseau de
représentations à l'étranger constitue l'une des
composantes essentielles du ministère. Nous disposons là d'un
instrument qui nous aide à nous faire connaître à
l'étranger et à y réaliser des activités.
Ce réseau sera appelé à jouer un rôle de plus
en plus important dans l'élaboration de nos politiques en nous apportant
notamment la connaissance des réalités des pays avec lesquels
nous traitons. Ainsi, en proposant des orientations claires, en utilisant des
ressources disponibles au service de politiques cohérentes, en
développant un partenariat réel avec nos divers interlocuteurs,
ce qui implique des relations étroites et suivies avec tous les milieux
québécois intéressés et avec des partenaires
fédéraux, on peut espérer que les affaires internationales
du Québec connaîtront un nouveau développement et nous
permettront de mieux relever les défis redoutables des années qui
viennent.
Mme la Présidente, je voudrais souligner que ce projet de loi
représente sans aucun doute une amélioration notable des
structures administratives par rapport à la situation antérieure
en intégrant les préoccupations d'ordre économique,
culturel, politique et social et en évitant les doubles emplois. Il n'en
reste pas moins que son objectif principal consiste à reunir les
conditions pour assurer le développement des relations internationales
du Québec et en accroître les résultats.
Ce sont ces perspectives de développement que je voudrais
évoquer maintenant. Mme la Présidente, permettez-moi de le
répéter à nouveau afin que ne subsiste aucune
équivoque, c'est bien dans le but de s'assurer que toutes les dimensions
de l'activité internationale du Québec soient désormais
prises en compte dans une perspective intégrée que le projet de
loi confie au ministre des Affaires internationales la responsabilité de
planifier, d'organiser et de diriger l'action du gouvernement à
l'étranger, ainsi que celle de ses ministères et organismes,
et de coordonner leurs activités au Québec en
matière d'affaires internationales.
L'article 11 du projet de loi est clair, la politique d'affaires
internationales doit favoriser le rayonnement du Québec et son
développement, notamment sur les plans commercial, culturel,
économique, politique et social. Un gouvernement ne peut se permettre
d'ignorer l'interdépendance de ces différents facteurs. Dans le
contexte actuel, il ne peut non plus se permettre de procéder au coup
par coup. Pour être un partenaire crédible, il doit avoir une
politique claire, cohérente et connue de ceux avec qui il traite sur la
scène internationale. (10 h 30)
Mme la Présidente, l'entrée en vigueur du traité de
libre-échange avec les États-Unis nous offre une
opportunité considérable. De même, l'unification de
l'Europe en 1992 appelle de notre part une adaptation de nos relations avec les
pays de ce continent. Il faudra en même temps travailler à
développer nos relations avec les pays du continent asiatique qui
forment un pôle dont on n'a pas fini de mesurer l'influence. La mise en
place de ces grands ensembles ne nous permet plus d'adopter une approche
surtout fondée sur l'exportation de matières premières et
de produits avec peu de valeur ajoutée. Il faut d'abord nous
préoccuper activement de faire valoir nos points de vue dans
l'établissement des règles du jeu qui s'effectue au sein des
grands forums internationaux. Il faut également réaliser que la
dimension financière, les structures industrielles et les
impératifs du développement technologique nous conduisent
à devoir envisager ce que les participants au sommet du
développement technologique qui viennent de se réunir à
Montréal ont appelé des alliances stratégiques. Les
grandes firmes ont déjà réalisé cette
nécessité et sont bien équipées pour l'assurer. Les
petites et les moyennes entreprises, en revanche, auront besoin de toute notre
action pour situer leurs créneaux et occuper leur place dans un
marché international de plus en plus diversifié et
compétitif. Accords industriels, appuis à la recherche et au
développement, transfert de technologies du Québec vers
l'extérieur et de l'extérieur vers le Québec,
investissements étrangers, exportation de biens et services,
développement du tourisme, voilà divers aspects des affaires
économiques qui devront faire l'objet de choix stratégiques quant
à leur importance relative dans nos activités économiques
internationales.
Mme la Présidente, personne aujourd'hui ne prétend qu'il
s'agit là d'une tâche facile. Voilà pourquoi il faudra y
consacrer beaucoup d'efforts, en collaboration étroite avec l'ensemble
de nos partenaires. Pour réussir, II faudra réaliser en
même temps que les affaires économiques s'inscrivent dans un
ensemble de relations plus larges dont il faut tenir le plus grand compte.
Je voudrais aussi parler, après avoir passé ce pôie
économique, d'un deuxième pôle qui est lié en
quelque sorte au pôle économique et qui intéresse nos
échanges scientifiques internationaux. Le sommet sur la technologie
vient de rappeler toute l'importance de la science et du développement
technologique même pour les petits pays qui veulent tenir leur place dans
la compétition internationale et le cas de la Norvège et de la
Suède sont éloquents à cet égard.
Le développement des activités scientifiques et
technologiques au Québec dépend de mes collègues.
Toutefois, avec 1 % de la technologie mondiale, le Québec ne peut faire
reposer son développement sur ses seules recherches. Il doit s'engager
dans une collaboration internationale indispensable pour lui permettre d'avoir
accès aux grands courants scientifiques et d'accroître
progressivement son rôle dans ce domaine crucial. Et c'est l'un des
secteurs auquel nous devrons sans doute accorder une importance beaucoup plus
grande dans nos affaires internationales.
Un autre pôle qui deviendra de plus en plus important, Mme la
Présidente, est celui des industries de la culture et de la
communication. Il y a là un vaste champ d'activité où se
conjuguent les impératifs de notre spécificité culturelle
en même temps que des intérêts économiques
considérables. Et, dans ce domaine, il est évident que la taille
du Québec, son potentiel et ses ressources ne lui permettent pas de se
développer en vase clos. Voilà pourquoi le Québec a
proposé et obtenu que le Sommet des pays francophones retienne comme
prioritaire ce secteur où nous devons développer davantage le
travail en commun avec des pays francophones si nous voulons garder notre place
dans le monde.
Je voudrais d'ailleurs souligner à quel point ce domaine
d'activité est également important du point de vue
économique. Quand on sait que le marché intérieur des
médias aux États-Unis représente quelque 12 000 000 000 $,
quand on voit les grandes puissances financières se lancer dans
l'édification de puissants conglomérats, quand on voit l'Europe
se donner un plan média et envisager une sorte d'eurêka
audiovisuel, c'est-à-dire un grand programme visant à mobiliser
ses ressources de création, on réalise à quel point il y a
là des enjeux qui se posent à nous également. Et
voilà pourquoi nos activités dans ce domaine devraient non
seulement intéresser la francophonie mais également occuper une
place importante dans nos relations bilatérales.
Les ressources humaines pourraient aussi constituer un pôle
très majeur. La différence dans la compétition
internationale proviendra moins de la technologie que de la qualité de
nos resssources humaines. Mme la Présidente, le Québec doit se
tourner vers l'extérieur pour assumer désormais sa croissance
démographique. C'est là une responsabilité importante
qu'il nous faut assumer avec le plus grand soin puisqu'elle conditionne
largement ce que sera le Québec de demain.
Il y a également un autre aspect sur lequel
les affaires internationales peuvent contribuer au développement
de nos ressources humaines. C'est par des échanges universitaires
soutenus et des échanges de chercheurs universitaires et industriels et
des échanges de jeunes que notre développement et notre ouverture
sur le monde deviendront une réalité présente et
assumée dans tous les milieux du Québec.
Je tiens à vous dire que nous voulons associer l'ensemble de nos
partenaires québécois à l'élaboration et à
la mise en oeuvre de notre politique d'affaires internationales. Mon
ministère verra à prendre les dispositions pour établir
avec eux des relations suivies, et cela me permet de souligner en même
temps que les divers services de mon ministère sont évidemment au
service des organismes, institutions et entreprises du Québec qui
souhaitent relever le défi international.
Mme la Présidente, comme je viens de le dire, notre politique
d'affaires internationales doit se définir à partir de nos
intérêts. Elle doit aussi tenir compte des intérêts
de nos partenaires à l'extérieur du Québec. Le
Québec ne peut évidemment ignorer la politique extérieure
canadienne. Il peut d'ailleurs légitimement tenter de l'infléchir
dans le sens de ses intérêts et, dans les rapports avec nos
partenaires internationaux, nous devons développer une stratégie
d'ensemble et ne pas nous contenter d'opérations ponctuelles. La
géographie conditionne évidemment les rapports internationaux
même si les moyens modernes de communication ont aboli bien des
frontières. On comprend dès lors l'importance que
représentent nos relations avec les États-Unis, la
première puissance mondiale. 75 % de nos exportations à
l'étranger sont faites avec ce pays et, avec l'entrée en vigueur
du libre-échange, nos relations vont encore s'intensifier non seulement
sur le plan commercial, mais aussi sur les plans financier et industriel. Nous
devrons nous efforcer d'augmenter nos échanges scientifiques et notre
coopération en matière technologique.
Notre relation avec les États-Unis est trop importante pour se
limiter à sa dimension économique. Notre frontière commune
doit notamment nous inciter à développer des mécanismes de
concertation qui permettront de concilier nos intérêts, par
exemple dans le domaine de l'environnement, du transport, des ressources
hydriques et d'autres questions dont s'occupe déjà la
Conférence des premiers ministres et des gouverneurs. Nous le savons
bien, la perception que les divers milieux américains ont du
Québec joue un rôle important non seulement sur notre cote
financière, mais aussi sur les investissements. Il y a là un
effort considérable à fournir et pour lequel nous devons compter
d'abord sur nous-mêmes. Nos rapports avec les États-Unis touchent
également notre identité culturelle. Malgré la
disproportion entre notre population et celle de notre voisin, on ne peut
envisager dans ce domaine des relations sans réciprocité. Tout
cela ne peut se faire sans une politique bien intégrée et sans
une présence directe et active.
Avec la France, le Québec entretient des relations uniques
à plusieurs égards, langue commune, liens historiques,
interdépendance culturelle, intérêt partagé dans le
domaine de cette entreprise essentielle qu'est la francophonie, des rapports
qui commencent au niveau des premiers ministres et qui touchent tous les
milieux des deux sociétés. Il ne faut pas craindre de
reconnaître que le Québec doit, à l'appui de la France, une
grande partie de la place et du rôle qu'il a pu jouer sur la scène
internationale et de la crédibilité qu'il y a acquise. Il faut
veiller à préserver le caractère unique et
privilégié à cette relation directe et s'assurer qu'elle
s'exprime constamment dans de nouveaux programmes qui nous permettront de
relever en commun certains des défis les plus importants que nous devons
affronter.
Et l'Europe constituera après 1992 le plus grand marché et
l'un des plus riches de l'univers. Nous avons développé avec
plusieurs pays européens des relations parfois spéciales, comme
dans le cas de la Belgique, et parfois fondées sur une longue tradition,
comme avec la Grande-Bretagne. Le fait d'appartenir à la civilisation
occidentale permet des rapports plus faciles et devrait nous permettre de
bénéficier davantage de l'énorme potentiel scientifique,
technologique, culturel et économique que représentent les pays
européens. Au-delà des relations actuelles qui sont souvent
importantes, il nous faudra fournir des efforts considérables pour nous
assurer que nos relations avec les divers pays d'Europe constituent un axe
privilégié fondé sur un certain nombre de programmes
majeurs. Il faudra développer des collaborations concrètes avec
les grands programmes communs mis en place par les institutions
européennes de façon à mieux profiter des
opportunités qu'elles nous offrent. (10 h 40)
L'Asie représente aussi l'un des pôles du monde en
émergence. C'est déjà vrai pour le Japon qui est devenu
une puissance économique de premier plan. Ce sera vrai demain pour
d'autres pays de ce continent où se trouve concentrée la plus
grande partie de l'humanité et qui, de ce fait, joueront un rôle
majeur au début du XXIe siècle. Au-delà des relations
d'affaires qui ont déjà été amorcées avec
plusieurs de ces pays asiatiques, il nous faudra développer des
relations intégrant davantage divers aspects de nos
activités.
Au cours des dernières années, le Québec a
développé des relations suivies avec plusieurs pays d'Afrique,
notamment avec les pays francophones d'Afrique. Les difficultés que
traversent ces pays ne doivent pas nous faire oublier qu'ils sont nos
partenaires dans la francophonie dont l'avenir dépend en grande partie
de la contribution qu'ils y apporteront. Nous avons donc intérêt
à ce que. ces pays puissent se développer de la meilleure
façon possible.
Les liens que nous avons tissés avec les pays de ce continent, en
particulier grâce à des échanges d'universitaires constants
et à l'action de plusieurs de nos entreprises nous permettent
d'envisager de continuer de travailler avec ces pays en renforçant notre
collaboration avec les organismes fédéraux et les organismes
internationaux qui apportent leur aide au développement.
Nos rapports avec les pays du Moyen-Orient n'ont sans doute pas connu
les développements aussi importants qu'on aurait pu l'espérer de
part et d'autre. Nous serons attentifs à identifier et à saisir
les occasions qui pourraient se présenter dans cette région.
L'Amérique latine et les Caraïbes offrent pour le
Québec un intérêt particulier. Le fait que 22 pays de cette
région soient représentés de façon permanente
à Montréal illustre bien leur souci de développer des
rapports. On ne peut oublier d'ailleurs que le Mexique, qui fait partie du
continent nord-américain, envisage la libéralisation de ses
échanges avec les États-Unis. D'autres pays représentent
également un potentiel considérable, malgré certaines
difficultés qu'ils traversent aujourd'hui.
Mme la Présidente, j'ai déjà dit que le
Québec ne pouvait se désintéresser des grands forums
internationaux où s'établissent, pour ainsi dire, les
règles du jeu international. C'est le cas pour certains organismes
internationaux qui jouent un rôle de premier plan dans les affaires
internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire
international, le programme des Nations unies pour le développement,
l'OCDE ou l'Unesco. Et la tenue à Montréal, en décembre
prochain, d'une conférence ministérielle des pays participant aux
négociations du GATT illustre bien l'intérêt que nous
portons aux négociations commerciales qui se poursuivent dans ce cadre.
J'espère qu'elle permettra aux Québécois de mesurer
l'importance des enjeux qui s'y discutent.
Certaines organisations internationales permettent des discussions sur
des sujets communs, ainsi que je viens de le dire, et d'autres permettent
d'entreprendre des actions qui intéressent plusieurs pays et qui
dépassent ce qu'on peut faire dans le cadre bilatéral. C'est le
cas de la francophonie. Le Sommet du Québec a permis aux
Québécois de réaliser que le français est
utilisé par quelque 150 000 000 de personnes dans plus de 40 pays. Cela
nous permet de mieux nous comprendre, cela peut nous permettre de lancer
ensemble de grands projets comme TV5, comme une institution internationale des
télécommunications, comme des actions communes en matière
d'énergie ou d'agriculture, ou encore comme la mise en place de
réseaux de coopération scientifique entre les universités
de nos pays.
La francophonie ce n'est pas du folklore, mais c'est, pour le
Québec, comme le disait le premier ministre, une voie d'avenir. Il va de
soi que nous travaillerons au renforcement des institutions francophones
internationales auxquelles le gouvernement participe en tenant compte des
intérêts du Québec, ainsi que nous y invite le projet de
loi.
Le Québec s'est donné, au cours des dernières
années, un réseau important de représentations à
l'étranger. C'est à mes yeux un instrument essentiel du
dispositif qui nous permet de développer nos affaires internationales.
La configuration de ce réseau ou la structure de certaines
délégations pourront éventuellement être
modifiées pour mieux s'adapter aux réalités
présentes et aux objectifs poursuivis.
Je tiens à souligner que c'est dans une perspective de
développement et d'efficacité que nous avons l'intention de mieux
articuler son fonctionnement avec celui du ministère. Cela
m'amène à dire que j'ai déjà demandé qu'on
élabore une véritable politique des ressources humaines du
ministère. C'est évidemment en développant notre expertise
qu'on pourra accroître notre efficacité. L'un des moyens pour y
arriver devra nous permettre de faciliter des mouvements de personnel entre
notre ministère et les autres, ainsi qu'entre notre ministère et
les délégations.
Mme la Présidente, nous le savons tous, le Québec se situe
dans un environnement international qui connaît dans tous les domaines
des transformations rapides et profondes. Alors que jusqu'au milieu du XXe
siècle l'Europe constituait le centre du développement
économique et culturel avant que les États-Unis s'affirment comme
la première puissance mondiale, on se demande aujourd'hui si le bassin
du Pacifique ne représentera pas, au début du XXIe siècle,
le premier centre de la puissance économique.
Les États-Unis et le Japon sont entrés dans l'ère
postindustrielle, ce qui veut dire que la majeure partie de leurs
activités économiques se situe de plus en plus dans le secteur
tertiaire et dans la technologie de pointe. L'internationalisation du capital
et la révolution technologique des communications permettent aux banques
et aux grandes sociétés de déplacer leurs capitaux
à la recherche des taux les plus rémunérateurs sans que
les gouvernements soient toujours en mesure d'intervenir pour préserver
leurs intérêts.
Par ailleurs, on constate que dans les industries nouvelles l'importance
des matières premières diminue, d'où la chute de leur prix
non seulement à cause de la miniaturisation et des économies
d'énergie mais aussi en raison de révolution constante de la
technologie, des métaux et des matériaux.
En terminant, Mme la Présidente, si j'évoque à
nouveau les perspectives ouvertes par ces transformations de la scène
internationale, c'est pour souligner qu'une économie internationale
intégrée appelle, de la part des gouvernements, une action
résolue pour organiser l'interdépendance, d'autant que cette
interdépendance se manifeste dans la plupart des sphères
d'activité.
Le gouvernement du Québec, suivant ses moyens, doit assumer sa
part de responsabilité. Sa taille comme sa situation ont constamment
incité le Québec à se tourner vers l'extérieur.
Aujourd'hui, cette nécessité revêt de nouvelles formes et
appelle des efforts accrus.
Nous devons sans doute tirer tout le parti possible de nos ressources
naturelles dans les échanges internationaux mais nous devons
également avoir l'ambition d'occuper notre place dans les
créneaux du secteur secondaire et, bien sûr, du secteur tertiaire
qui connaît aujourd'hui des développements les plus rapides et les
plus prometteurs. Pour pouvoir occuper notre place dans l'avenir, i nous
faudra suivre de très près les évolutions qui ont cours
dans le monde et bien identifier les grands courants qui se dessinent dans les
différentes sphères d'activité.
Depuis 30 ans, très nombreux sont nos jeunes, nos enseignants,
nos chercheurs et nos entrepreneurs qui ont eu l'occasion d'avoir une
connaissance personnelle et directe des réalités internationales
grâce, en grande partie, aux programmes de coopération et d'aide
mis en place par le gouvernement. Il faut poursuivre sur cette lancée,
développer nos connaissances des réalités internationales
et inventer de nouvelles formes qu'appellent les réalités
actuelles: un nouveau partenariat où chacun a un rôle à
jouer et trouve ses intérêts. En disant cela, je ne minimise
aucunement les lois de la concurrence. J'invoque simplement l'un des moyens les
plus importants qu'il nous faudra prendre pour tenir notre place dans la
nouvelle conjoncture internationale. Les développements qu'a connus le
Québec au cours des dernières années lui fournissent de
nombreux atouts pour envisager de développer un tel partenariat aussi
bien dans les domaines culturel, scientifique et social que dans les
activités économiques. C'est dans cette perspective que nous
devons nous donner un instrument à notre mesure, performant et qui nous
permette de susciter la collaboration de tous nos partenaires:
québécois, canadiens et étrangers. Je ne crains pas de
l'affirmer, Mme la Présidente, notre avenir est en grande partie
lié à la place que nous saurons nous tailler dans les divers
secteurs des affaires internationales.
Aujourd'hui, on entend souvent dire que les petites et les moyennes
entreprises dans la plupart des secteurs doivent souvent franchir les
frontières pour se développer. Pour y arriver, elles doivent
investir et travailler dans un contexte souvent difficile. Si cela est vrai
pour ces entreprises et pour la plupart de nos institutions, H va de soi que
pour le gouvernement les affaires internationales constituent aussi un champ
d'investissements nécessaire. Bien sûr, le gouvernement n'a pas le
même rôle qu'une institution de recherche ou une entreprise. Il
doit travailler à établir des règles du jeu qui respectent
les intérêts de la population, il doit développer une
expertise utile à ses ressortis- sants, il doit susciter les
collaborations dans le cadre de grandes orientations qui permettront aux
actions des uns et des autres d'obtenir de meilleurs résultats. Comme
tout investissement important, celui que nous consentirons aux affaires
internationales doit compter avec la durée pour pouvoir donner des
résultats appréciables. (10 h 50)
C'est avec l'ambition de voir cet investissement majeur porter des
fruits pour tous les Québécois et les Québécoises
et leur permettre d'assurer leur développement dans tous les domaines
que le gouvernement présente aujourd'hui le projet de loi soumis
à notre étude. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Affaires
internationales. Je vais maintenant céder la parole à M. le
député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
M. Jacquet Brassard
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Je pense que le
ministre a évidemment raison, comme il l'a indiqué, de rappeler
que le Québec n'a pas commencé aujourd'hui, ni même hier,
à jouer un rôle sur la scène internationale. On peut
rappeler qu'avec la Révolution tranquille, le Québec s'est
également préoccupé, en même temps que de jouer un
rôle actif sur la scène internationale, d'établir des
relations avec un certain nombre de gouvernements étrangers, de mettre
en place un réseau de délégations. C'est à la
même époque également, on se le rappellera, qu'à la
suite, je dirais, de controverses avec le gouvernement fédéral
sur le plan constitutionnel, le gouvernement québécois d'alors a
préparé la théorie constitutionnelle qui veut que le
Québec soit habilité sur le plan juridique à exercer au
plan international la compétence constitutionnelle qu'il possède
sur le plan interne.
Les juristes et les constitutionnalistes ont pris l'habitude de parler
à ce sujet de la doctrine Gérin-Lajoie, parce que c'était
M. Gérin-Lajoie qui avait préparé cette doctrine
constitutionnelle qui vaut toujours. Cette doctrine veut que le Québec,
ayant des compétences reconnues sur le plan constitutionnel, des
compétences internes, on admette que ça puisse avoir un
prolongement externe sur la scène internationale, dans le domaine des
relations internationales.
Je rappellerai également que le Parti québécois, au
moment où il était au pouvoir, a également
contribué à renforcer et à élargir le rôle
joué par le Québec sur la scène internationale. C'est nous
qui, on s'en rappellera, avons créé en 1983 le ministère
du Commerce extérieur et, en 1984, le ministère des Relations
internationales. C'est également nous - je pense qu'il est important de
le rappeler à l'occasion du débat sur le projet de loi 42, Mme la
Présiden-
te - qui avons convoqué en, 1983 un sommet tenu en 1984 sur la
politique extérieure du Québec, un sommet très
représentatif puisque tous les organismes et intervenants
intéressés aux relations internationales ou à la
coopération avec l'étranger avaient été
invités. Organismes à caractère économique ou
à caractère culturel, tous les intervenants s'étaient
regroupés autour d'une table et, à partir d'un document de
travail, avaient à l'occasion de ce sommet, identifié des pistes
d'actions et contribué, par la suite, à mettre au point un
énoncé de politiques ou de relations internationales qui avait
été rendu public en 1985. J'ai le document ici: "Le Québec
dans le monde ou le défi de l'interdépendance -
énoncé de politiques de relations internationales." Cela faisait
suite au sommet sur les relations internationales tenu en 1984. C'est au cours
de ce sommet, d'ailleurs, qu'un certain nombre de consensus s'étaient
dégagés. Entre autres, on avait tous convenu que le gouvernement
devait se donner des priorités en matière de relations
internationales et, également, qu'il devait, comme gouvernement, je
dirais d'une société distincte, pour employer une expression
maintenant à la mode, soutenir une action internationale, originale,
dynamique, concertée et articulée.
Donc, il y avait, en 1985, un énoncé de politique de
relations internationales et un énoncé fort articulé,
cohérent, complet, je dirais, où l'on retrouvait non seulement
les fondements de la politique internationale du Québec, mais
également le cadre de cette politique, c'est-à-dire ses
objectifs, ses priorités. D'ailleurs, il y a quatorze objectifs
prioritaires qui ont été retenus: les secteurs d'intervention,
les champs d'intervention, les régions d'intervention et, enfin, les
instruments et les moyens de la politique de relations internationales du
Québec. C'était donc un énoncé de politique qu'on
pouvait, je pense, qualifier de complet, d'articulé et qui couvrait tous
les volets qu'on retrouve dans une politique de relations internationales.
Donc, je pense que, sans se vanter, mais il convient de le signaler, le
Parti québécois a posé des jalons d'une véritable
politique des relations internationales pour le Québec,
représentative de l'ensemble des intérêts du Québec
et qui était fondée sur une approche globale du rôle du
Québec sur la scène internationale. L'État reconnaît
qu'une politique en matière de relations internationales constitue
désormais, du moins c'était le cas, un des volets fondamentaux de
sa démarche en matière de développement économique,
social et culturel, cela au bénéfice, bien sûr, du peuple
québécois.
Cette préoccupation en matière de relations
internationales, nous l'avions au moment où nous étions au
pouvoir. Nous l'avons toujours parce que... Je me permets de mentionner que,
dans notre proposition principale, qui deviendra par la suite, après le
congrès de novembre, notre programme du parti, on retrouve des principes
et des objectifs d'une politique en matière de relations internationales
fondée sur l'ouverture sur le monde, sur la libéralisation des
échanges mondiaux, sur l'instauration d'une paix durable, aussi sur la
reconnaissance du droit international, sur un meilleur équilibre
nord-sud et, également, sur le développement et la multiplication
des liens avec les pays francophones, de même que le soutien aux
minorités francophones canadiennes.
Je pense qu'on retrouvera dans le programme du parti une politique de
relations internationales là aussi complète et cohérente
avec des objectifs et des priorités. Je ne peux pas dire que ce soit le
cas pour ce qui est du Parti libéral. Son programme est plutôt
étriqué de ce côté-là. Il ne contient aucun
chapitre particulier sur les relations internationales. On y retrouve
simplement une vision des relations internationales qui est axée presque
uniquement sur la francophonie et l'absence de principes et de fondements sur
la place que doit occuper le Québec sur la scène internationale.
Ce n'est pas pour nous étonner, remarquez, parce que tous les
observateurs savent que pour le Parti québécois, le Québec
est un Etat, même si c'est un État fédéré, et
comme tout État, il se doit d'avoir une politique de relations
internationales et de jouer un rôle sur la scène internationale.
Cela a toujours été notre conviction comme formation politique.
Cela n'a pas toujours été le cas pour le Parti libéral.
Pour les libéraux, très souvent - plusieurs
événements passés sont là pour le démontrer
- le Québec est une province, même pour certains, comme les
autres. Pour beaucoup, les ambitions internationales du Québec
apparaissent comme des querelles de drapeau ou de tapis rouge sans beaucoup de
portée ni de signification. (11 heures)
Donc, je tenais à dire d'entrée de jeu que, comme
formation politique, nous nous sommes toujours préoccupés de
relations internationales, nous avons toujours été soucieux du
rôle et de la place du Québec sur la scène internationale,
et je pense que nous l'avons démontré au moment où nous
étions au pouvoir et même après également.
Le gouvernement nous propose la création d'un ministère
des Affaires internationales, mais on ne connaît pas sa conception et ses
orientations quant au rôle du Québec sur la scène
internationale. Est-ce que l'énoncé de politique de relations
internationales de 1985, rendu public à la fin de notre deuxième
mandat, est toujours valable? Est-ce que le gouvernement libéral va
continuer de s'en inspirer ou va s'en inspirer? On aimerait le savoir. Le
gouvernement y adhère-t-il toujours? Entend-il s'appuyer sur cet
énoncé de politique pour ses actions sur la scène
internationale? En d'autres termes, qu'entend faire le gouvernement avec
l'énoncé de politique qui avait été rendu public,
je pense, en juillet 1985? Est-ce que cet énoncé de politique,
qui est le fruit d'une concertation de tous les inter-
venants, qui a suivi un sommet sur les relations internationales, ira
à la poubelle ou est déjà à la poubelle? Je pense
que la question est pertinente. On peut présumer que le gouvernement
libéral rejette, a mis de côté, a mis sur les tablettes,
sinon à la poubelle, cet énoncé de politique de relations
internationales, puisqu'en 1987, le gouvernement confiait à des
consultants extérieurs le mandat de préparer un
énoncé de politique internationale. Cette étude avait
coûté, je pense, 35 000 $, cela avait été
vérifié à l'occasion de l'examen des engagements
financiers. On n'a jamais voulu déposer cet énoncé ou le
fruit de ce travail d'un consultant extérieur sur la politique des
relations internationales. Pourquoi? Je l'ignore. Il aurait été
cependant important de connaître le contenu de cet énoncé,
le fruit de ce travail d'analyse au moment de la création du
ministère des Affaires internationales. Cela nous aurait peut-être
donné une idée de ce qu'entend faire le gouvernement en
matière de relations internationales et de ce qu'est sa politique en
cette matière? Pour le moment, on l'ignore.
Donc, je pense que, quand on compare les deux gouvernements, on se rend
compte que, quant à nous, nous avions tenu un sommet public et nous
avions élaboré au grand jour une politique de relations
internationales en concertation avec les intervenants, alors que le
gouvernement libéral, jusqu'à maintenant, a fonctionné en
catimini ou en cachette. Il a demandé à des consultants
extérieurs de lui fournir un travail là-dessus; on ne le
connaît pas, on ne sait pas si un rapport a été
déposé au ministère à ce sujet. Je pense qu'il
serait urgent de connaître les orientations du gouvernement
libéral en matière de relations internationales et que cela
prenne la forme d'un énoncé de politique qui sera rendu public et
qui sera, je l'espère - je pense que c'est une hypothèse
intéressante - examiné par une commission parlementaire.
Là-dessus, je répète, Mme la Présidente,
est-ce que l'énoncé de politique rendu public en 1985 vaut
toujours ou est-ce que c'est l'énoncé secret, qu'on ne
connaît pas encore, qui a été élaboré par un
consultant extérieur en 1987? Est-ce que l'énoncé de
politique de relations internationales élaboré avec les
intervenants concernés et intéressés en 1985 vaut toujours
ou est-ce que c'est l'énoncé élaboré par un
consultant en 1987? Je pense qu'il est important qu'on le sache, il est
important que la population du Québec le sache et le sache rapidement.
Ce serait anormal, à mon avis, que le gouvernement, en matière de
relations internationales, fonctionne selon les humeurs ou les états
d'âme du ministre. Il faut une politique de relations internationales
connue, publique et assumée, évidemment, par le gouvernement.
Quant à nous, nous l'examinerons. Nous dirons si nous sommes en accord
ou en désaccord avec cette politique, globalement ou partiellement, mais
au moins le gouvernement en place aura une politique en matière de
relations Internationales connue, affichée, assumée par lui et
publique. Par conséquent, ça permettra aux intervenants et aussi
à l'Opposition de s'y référer quand le gouvernement agira
sur la scène internationale, posera des gestes ou des actions en
matière de relations internationales. Cela nous permettra de nous y
référer pour voir s'H y a concordance, adéquation avec la
politique connue en matière de relations internationales ou distorsion
et contradiction.
Parce que l'arrivée de l'ancien président du Conseil du
trésor à la tête du ministère des Affaires
internationales, je dois le dire, nous inquiète quelque peu; pas
uniquement nous mais également plusieurs observateurs en cette
matière. Nous sommes inquiets parce que, jusqu'à maintenant, la
vision, je dirais étriquée et affairiste, du nouveau titulaire du
ministère des Affaires internationales n'est pas de nature à
apaiser les craintes de l'Opposition et de tous ceux qui croient à la
présence et à l'action du Québec sur la scène
internationale. Quelle sorte de diplomatie veut nous léguer le
père de l'État Provigo"? Je pense que c'est important de le
savoir et les éléments connus à ce sujet à la suite
de déclarations qu'il a faites ne sont pas de nature à nous
rassurer. C'est une vision affairiste, un peu courte et un peu simpliste. Entre
autres, dans Le Devoir de septembre, on pouvait lire ce qui suit, de la
part du titulaire du ministère des Affaires internationales: "Les
maisons du Québec n'ont pas de raison d'être s'il ne s'y fait pas
de la "business" et cela inclut la délégation à Paris."
J'avoue que c'est là la manifestation d'une vision pour le moins
simpliste des relations internationales. Les maisons du Québec n'ont pas
de raison d'être s'il ne s'y fait pas de "business" et cela inclut la
délégation du Québec à Paris, nous dit le ministre
des Affaires internationales. Je dis que des déclarations comme
celles-là nous inquiètent et nous préoccupent et je dis
aussi que ça inquiète d'autres observateurs de l'action
internationale du Québec. Entre autres, le journaliste Gilles Lesage qui
s'intéresse à cette action internationale du Québec
écrivait ceci dans Le Devoir: "En apparence anodins, disait-il,
les propos de M. Gobeil laissent d'ailleurs entrevoir que le temps des
batifolages internationaux passe au second plan et que dorénavant on
sera sérieux. Foin des pelleteux de nuages et des poètes d'une
diplomatie surannée. Place aux comptables de Provigo et de Lavalin,
à ceux qui savent compter et ne s'enfargent pas dans les fleurs du
tapis, à l'Elysée ou ailleurs." (11 h 10)
Et M. Lesage poursuivait: "Je caricature à peine. Pour justifier
la nomination de M. Gobeil à ce poste névralgique, on explique
que, depuis le départ de Pierre Trudeau, Québec éprouve
moins de difficultés à tirer son épingle internationale.
À preuve, le Sommet de la francophonie et autres initiatives où
le Québec peut se faire
valoir à sa mesure dans le respect du régime
fédéral, d'où, estime M. Bourassa - c'est toujours M.
Lesage qui parle - l'utilité de faire moins de politique et de
diplomatie, donc de faire des affaires ou de la "business", pour employer
l'expression de M. Gobeil."
Je pense que M. Lesage a parfaitement raison. S'occuper d'affaires,
s'occuper d'exportations, d'investissements, je pense que c'est important sur
le plan international. A ceux qui prétendraient que, comme formation
politique, nous avons tendance à minimiser le rôle
économique du Québec et du ministère des Affaires
internationales sur la scène internationale, j'indiquerai simplement
que, dans l'énoncé de politique de relations internationales que
nous avions rendu public en 1985, parmi les objectifs prioritaires, il y avait
le développement des marchés extérieurs et l'organisation
de l'offre à l'exportation. Il y avait également le renforcement
de la structure industrielle par l'apport de capitaux étrangers et le
transfert technologique. Par conséquent, on ne peut pas nous accuser de
minimiser tout le volet économique de la mission internationale du
gouvernement du Québec. Nous avions conscience de son importance et
ça apparaissait très nettement et même de façon
prioritaire dans notre énoncé de politique en matière de
relations internationales. Mais ça ne se limite pas à ça,
la mission internationale d'un gouvernement.
La mission internationale d'un gouvernement, oui, c'est sans doute
chercher des investissements. Oui, c'est sans doute soutenir les exportations.
Oui, c'est sans doute prospecter de nouveaux marchés, ouvrir de nouveaux
marchés, mais c'est aussi, et c'est ce qu'on retrouvait, entre autres,
dans les objectifs d'une politique de relations internationales, assurer la
vitalité et la pertinence du français comme instrument de
progrès dans le monde et contribuer à l'essor de l'ère
francophone. Mais, c'est aussi favoriser les relations culturelles du
Québec avec la communauté internationale. Mais, c'est
également assumer la vocation continentale, nordique et maritime du
Québec. Mais, c'est également protéger l'espace
québécois des menaces environnementales exogènes. C'est
aussi ça la mission internationale d'un gouvernement. Mais c'est
également contribuer à la promotion des droits et libertés
fondamentales au plan international, et j'en passe. Je veux dire, Mme la
Présidente, que, oui, le volet économique ou la dimension
économique de fa mission internationale du Québec est importante,
mais ça ne doit pas se réduire à ça, ça ne
doit pas se limiter à ça. Il y a d'autres volets et il y a
d'autres dimensions qui sont tout aussi importants et qui doivent faire l'objet
de nos préoccupations et de notre attention.
Que le Québec fasse des affaires sur la scène
internationale, nous en sommes. Nous disons oui à cela. Nous l'avons
démontré dans le passé. Entre autres, c'est nous qui avons
créé le ministère du Commerce extérieur qui
n'existait pas auparavant et qui était essentiellement consacré
à la recherche de .nouveaux marchés et de nouveaux
investissements dans le monde. Mais il y a également toute une
série de volets de notre mission internationale dans le domaine de
l'éducation et dans le domaine des échanges. Dans le domaine des
échanges, je pense, par exemple, à l'Office
franco-québécois pour la jeunesse, dont les budgets sont en
réduction depuis quelques années. Je pense également
à la coopération. Je pense à la présence du
Québec au sein des instances internationales. Tous ces volets de la
mission internationale du Québec sont également importants et il
faut en tenir compte et les intégrer dans un énoncé de
politique globale en matière de relations internationales.
Il faut aussi maintenir les acquis, ça aussi c'est important.
Comme on vit dans un régime fédéral et que la
responsabilité des affaires étrangères est quand
même dévolue à l'État central, il faut quand
même le reconnaître, 9 faut se rendre compte que la vigilance
s'impose pour maintenir nos acquis sur la scène internationale. Il n'y a
rien de définitif, rien d'acquis et à tout moment nos positions
peuvent être contestées et on peut être forcé de
battre en retraite, de reculer.
Il y a un sujet bien important d'intérêt public
actuellement: la place du Québec dans les Jeux de la francophonie. Nous
avons réussi, sur le plan de la francophonie, en déployant
beaucoup d'efforts - quand je dis "nous", j'inclus tous les gouvernements qui
se sont succédé au Québec depuis les années
soixante, le gouvernement Lesage, le gouvernement Johnson, le gouvernement
Bourassa, le Québec - parfois après des batailles énormes
- à occuper une place particulière. Nous sommes reconnus comme
gouvernement participant au sein de l'Agence de coopération technique et
culturelle. Lors des deux sommets francophones qui ont eu lieu à la
suite d'un accord conclu d'ailleurs par Pierre Marc Johnson avant de quitter le
pouvoir, nous occupons aussi une place particulière au sein de la
francophonie.
Au sein des sommets francophones, nous sommes considérés
comme un gouvernement participant. Voilà que ces acquis sont
menacés par une décision du gouvernement fédéral
dans le cadre des Jeux de la francophonie, de faire en sorte que le Canada ne
soit représenté que par une seule délégation, ce
qui est évidemment inadmissible et inacceptable. J'incite le nouveau
ministre des Affaires internationales à jouer son rôle à ce
niveau-là et à faire en sorte que le Québec puisse avoir
sa propre délégation d'athlètes à l'occasion des
Jeux de la francophonie qui auront lieu en 1989 et à faire en sorte que
ce qui est inscrit dans les statuts de l'Agence de coopération
culturelle et technique, dans les statuts des Sommets de la francophonie,
c'est-à-dire que le Québec a une place en tant que gouvernement
participant, cela se traduise
concrètement dans le cadre de ces Jeux de la francophonie et
qu'on ait notre propre délégation.
Je vous signale d'ailleurs qu'en 1985, au moment où
j'étais ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, il y
avait eu des Jeux de l'amitié dans le cadre de la francophonie
également en Côte d'Ivoire. Le Québec y avait sa
délégation d'athlètes distincte. Ils ont
défilé dans le stade de façon distincte également,
avec le drapeau du Québec en tête. Je pense que c'est absolument
essentiel que la même chose se produise à l'occasion des Jeux de
la francophonie de 1989.
Tout ceci pour dire - je donnais ça comme exemple - qu'il faut
également consacrer des efforts et faire preuve de beaucoup de vigilance
pour maintenir les acquis. Il n'y a rien d'assuré dans ce domaine et
à tout moment on peut reculer, on peut perdre, suivant une
décision du gouvernement fédéral qui est quand même
le responsable constitutionnel des affaires étrangères au sein de
la Fédération canadienne.
Mme la Présidente, j'en profiterais pour aborder le dossier de la
capitale nationale et pour poser la question suivante: Quelle sorte de capitale
nationale entend nous laisser le nouveau ministre des Affaires internationales?
On pourrait même dire: Quelle sorte de capitale nationale entend nous
laisser le gouvernement libéral en place. (11 h 20)
Le gouvernement, depuis qu'il est en place, on peut le dire, de
façon générale, ratatine, rapetisse le rôle et le
statut de Québec comme capitale du Québec. Quelques manchettes
récentes: "Fuite à un rythme accéléré des
sièges sociaux de l'État vers la région de
Montréal. " "En deux ans la capitale a perdu un ministère et
quinze sièges sociaux. " "Il y a une espèce d'hémorragie
qui se poursuit depuis deux ou trois ans en termes de sièges sociaux et
de sièges de ministères vers Montréal. "
La ville de Québec est la capitale du Québec. Cela doit
signifier quelque chose. Cela doit vouloir dire que c'est non seulement le
siège du gouvernement, non seulement le siège du Parlement, mais
que c'est aussi le siège de l'administration publique, des
ministères et des organismes publics, des organismes
étatiques.
Pour Québec, être une capitale, ça doit signifier
quelque chose. Or, que s'est-il produit récemment à propos de la
création du ministère des Affaires internationales? Bien, je
rappelle les faits. Au début du mois d'août, le ministre nous
annonce la fusion des ministères du Commerce extérieur et des
Relations internationales et, en même temps qu'il nous annonce une
coupure de 120 postes au sein du nouveau ministère, il annonce que la
base des activités du sous-ministre aux affaires bilatérales sera
désormais fixée à Montréal avec, comme
conséquence, un déplacement de 45 fonctionnaires.
Évidemment, une pareille décision a provo- qué une
levée de protestations de plusieurs intervenants de la ville de
Québec, y compris l'Opposition officielle et également le Parti
québécois de la région de Québec, qui s'est
insurgé contre une pareille décision, un parei
déplacement, également les autorités de la ville de
Québec. Il y avait le maire de Québec, M. Pelletier, le recteur
de l'Université Laval, M. Gervais, le président de la
Communauté urbaine de Québec, M. Rivard, qui se sont
opposés farouchement à cette façon cavalière de la
part du ministre des Affaires internationales de rapetisser le rôle et le
statut de Québec comme capitale.
Le caucus des députés libéraux de la région
de Québec s'est également opposé à cette
décision et, enfin, le Syndicat de professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec qui a manifesté son opposition à un
pareil déplacement, à une décision semblable.
La position du syndicat de professionnels était d'ailleurs
très articulée, très logique également. Je me
permets d'ailleurs d'en citer quelques paragraphes parce que je pense que
ça constitue une critique excellente de la décision prise par le
ministre.
Je lis dans la lettre du Syndicat de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec: "Le projet de M. Gobeil de développer
dorénavant les relations bilatérales autres qu'avec la France
à partir de la métropole plutôt que de Québec pose
donc le problème de la capitale. " C'est ce que je disais au
début. C'est le problème de la capitale qui se pose avec une
telle décision. "Il nous apparaît qu'au-delà des postes
abolis et des déplacements prévisibles, les relations politiques
du gouvernement du Québec avec les autres pays doivent s'enclencher
à partir de la capitale, à partir de la ville de Québec. "
Là-dessus, nous sommes pleinement d'accord, quant à nous, avec
cette vision des choses. "Les ministres étrangers, leurs consuls et
sous-ministres doivent être reçus dans la capitale. " "Cette
décision, poursuit le syndicat des professionnels, quant à nous,
est incompatible avec le renforcement du rôle de coordination des
affaires internationales de tous les ministères confiés au
ministère de M. Gobeil, la très grande majorité de ces
ministères étant logée dans la capitale. Au surplus, on se
rappellera qu'en 1986, la commission d'étude sur la ville de
Québec, dans un rapport déposé au ministre des Affaires
municipales de l'époque, M. Bourbeau, recommandait entre autres que le
gouvernement du Québec accorde une priorité au coeur de la
capitale dans tous les regroupements futurs des ministères et organismes
liés plus directement aux fonctions législatives et executives de
l'État.
Je cite un dernier paragraphe de cette lettre signée par M.
Giroux, le président du Syndicat des professionnels du gouvernement du
Québec: "En matière de relations internationales, dit-il, les
contacts et les échanges, les rapports
d'État à État s'effectuent toujours à partir
de la capitale dans tous les pays du monde. Il semble légitime qu'une
telle pratique soit maintenue au gouvernement du Québec".
Là-dessus, nous sommes aussi en plein accord avec cette façon de
voir les choses. À la suite de ces protestations, c'est vrai que le
ministre a battu en retraite, qu'il est finalement revenu sur sa
décision et qu'il en est arrivé à un compromis qui n'a pas
donné satisfaction à tout le monde, il faut le dire, entre
autres, M. Rivard, le président de la Communauté urbaine de
Québec. Compromis qui consistait au lieu de déménager ou
de déplacer quatre directions générales, d'en
déplacer deux seulement, celle des États-Unis, et celle de
l'Europe, tout en maintenant, pour ce qui est des États-Unis, la
direction des affaires culturelles, politiques et sociales. Un compromis que le
caucus libéral de la région de Québec, je le signale, a
accepté à la suite des pressions qu'il a faites auprès du
ministre. Bon. Il est revenu en partie sur sa décision, mais une telle
façon de faire continue, quant à nous, de nous inquiéter
et de nous préoccuper parce que s'il n'y avait pas eu ces protestations
multiples, ce tollé, il est évident que le ministre ne serait pas
revenu sur sa décision et quatre directions générales de
son ministère auraient pris le chemin, auraient pris l'autoroute 20 pour
se rendre à Montréal, se seraient déplacées
à Montréal.
Donc, ça continue de nous inquiéter parce que nous pensons
quant à nous que le ministre ne fait pas preuve de contrition parfaite,
pour parler comme le petit catéchisme, et ne fait pas preuve non plus
d'un ferme propos de ne pas recommencer. Les intentions demeurent, nous
pensons, les intentions de déplacer les activités vers
Montréal, et je l'ai signalé tantôt, pas uniquement au
ministère des Affaires internationales mais, je pense, dans l'ensemble
du gouvernement du Québec qui a cette espèce de propension
à déplacer les activités des sièges sociaux des
ministères de Québec, de la capitale vers Montréal. Et,
nous disons cela tout de go, c'est tout à fait mauvais pour le
rôle et le statut de Québec en tant que capitale du
Québec.
Au contraire, il faut une volonté ferme, inébranlable de
renforcer, de consolider le rôle et le statut de capitale de la ville de
Québec. Ce n'est pas évident chez le gouvernement libéral.
Nous le disons très clairement. Je pense que c'est aussi visible. Ce
n'est pas évident mais il faudrait que ça le devienne. Il
faudrait qu'il y ait une volonté ferme, sans équivoque de
renforcer, de consolider et même d'accroître le rôle et le
statut de capitale de la ville de Québec. Comme le disait Raymond Giroux
dans Le Soleil, en posant la question, avec un point d'interrogation:
Québec, capitale ou gros village? Quant à nous ça ne doit
pas être un gros village. Ce doit être une vraie capitale avec tout
ce que cela implique, avec tout ce que cela comporte.
J'aborde la question des ressources humaines de ce ministère, de
même que la question du budget. Je constate qu'au départ, le
nouveau titulaire des Affaires internationales n'a pas pu abandonner son
couperet de président du Conseil du trésor. Son premier geste fut
de sabrer, de couper, de retrancher, de "tabletter" aussi, sans doute, puisque
le nouveau ministère, le nouvel organigramme, la réorganisation
du ministère prévoit la suppression de 125 cadres et
professionnels. C'est pas mal de monde. (11 h 30)
On nous présente aussi un nouvel organigramme
caractérisé, nous dit le ministre - il l'a
répété, tantôt, dans son discours - par une approche
géographique et quatre directions: Europe, États-Unis,
Amérique latine et le reste du monde, l'Afrique, l'Océanie, etc.
Pourquoi? Comment? Ce sont les questions qui surgissent à l'esprit de
ceux qui s'intéressent à cette question. Pourquoi une telle
réorganisation? Pourquoi une telle façon de réorganiser le
nouveau ministère? On ne le sait trop. Dans son communiqué du 2
août, le ministre affirme: "Cette proposition ou cette
réorganisation fait suite à une évaluation de nos
préoccupations et priorités qui se traduit par la mise au point
d'une structure nouvelle et adaptée dans un contexte de rigueur
administrative et de ressources financières limitées." Quelle
évaluation? C'est la question qui surgit tout de suite à
l'esprit. Quelle évaluation? Quelles préoccupations? Quelles
priorités? Mme la Présidente, l'organigramme de ministère
ou de n'importe quelle organisation n'est pas neutre; cela reflète
quelque chose, cela traduit une vision des choses. Cela traduit une
façon de voir les choses, cela suppose aussi une évaluation de
l'action passée. Un organigramme de ministère indique
également des priorités. Tout cela, on ne le sait pas.
Est-ce qu'il y a eu des études? On dit qu'il y a eu un groupe de
travail qui a procédé à cette réorganisation. Ces
personnes ont dû déterminer des objectifs, identifier des
priorités, évaluer l'action passée. Il doit y avoir une
étude à la base de cette réorganisation. Il serait
intéressant de la connaître. Cela nous permettrait, avant qu'on
puisse avoir droit à un énoncé complet de politiques en
matière de relations internationales, d'avoir une idée de la
vision des choses de ce gouvernement en cette matière.
Quand je dis qu'un organigramme n'est pas neutre, que cela
reflète une vision des choses, c'est vrai, je donne juste un exemple.
Dans l'organigramme... Prenons, par exemple, la Direction des affaires
francophones. C'est important pour le Québec. Dans l'organigramme du
ministère des Relations internationales, l'ancien, la Direction des
affaires francophones était en haut, tout à fait en haut, et
relevait directement du sous-ministre. C'est une façon d'indiquer, de
souligner, si on veut, l'importance qu'on accorde à cette direction:
c'était en haut, il y avait un petit pointillé et c'était
relié directement au sous-ministre en titre. Prenons le nouvel
organigramme. Où se trouve la Direction
des affaires francophones? En bas, ici. C'est une direction qui est en
bas de liste. C'est significatif. C'est la même chose pour la Direction
des organismes internationaux; là, on est dans la vraie diplomatie, pour
parler comme le titulaire du ministère. La Direction des organismes
internationaux était aussi en haut de l'organigramme, dans l'ancien
ministère; c'était tout près du sous-ministre et donc du
ministre. Dans le nouveau, la Direction des organismes internationaux, c'est en
bas. Des exemples pour dire qu'un organigramme, dans n'importe quelle
organisation, un ministère, une société d'État ou
une entreprise privée, cela a une signification. Cela indique les
priorités de l'organisation; cela reflète la vision des choses,
ses préoccupations et, également, son évaluation de
l'action passée. C'est cela qu'il faudrait savoir. C'est cela qu'il
serait important de connaître. On ne le sait pas. On a l'organigramme du
nouveau ministère, mais sur quoi s'est-on basé, sur quoi s'est-on
appuyé, sur quelle analyse s'est-on fondé? On ne le sait pas. Il
me semble que ce serait important de le savoir.
Quant au budget, ce serait aussi important de connaître exactement
les ressources dont disposera le nouveau ministère. Il y a une fusion
des ministères. Est-ce que l'on additionne les budgets des deux
ministères, le Commerce extérieur et les Relations
internationales? Comme certains services se retrouvent au ministère de
l'Industrie et du Commerce, combien est retranché du ministère du
Commerce extérieur qui va aller au ministère de l'Industrie et du
Commerce? Je pense qu'il serait peut-être important que, dans sa
réplique, le ministre nous indique réellement de quelles
ressources budgétaires va disposer le nouveau ministère.
Mme la Présidente, une dernière remarque sur le
réseau des délégations. On sait que depuis le début
des années soixante, comme je le signalais, au tout début, le
Québec a mis en place un réseau de représentation
permanente pour soutenir son action internationale dans des régions
d'intervention prioritaire. Ces délégations constituent des
moyens pour le Québec et son gouvernement d'atteindre les objectifs
fixés en matière de relations internationales. Le mandat de ces
délégations est diversifié et comporte plusieurs volets:
représentation des intérêts québécois
auprès des gouvernements étrangers, aide à l'exportation,
aide aux entrepreneurs, recherche d'investissements, appui à
l'organisation et au déroulement des missions ministérielles. Un
autre volet consiste évidemment à mieux faire connaître les
réalités québécoises à l'étranger.
C'est donc un mandat à volets multiples.
Quand on en arrive à la vision assez simpliste et affairiste du
ministre des Affaires internationales sur les délégations et sur
son ministère, là aussi cela nous inquiète. Je
répète la citation, elle est significative sinon savoureuse: "Les
maisons du Québec n'ont pas de raison d'être s'il ne s'y fait pas
de la "business" et cela inclut la délégation à Paris."
Cela a suscité de l'inquiétude et pas seulement chez nous, je le
répète. Gilles Lesage que je citais tout à l'heure
s'inquiétait de cette vision simpliste du rôle des
délégations. Paul-André Comeau, du Devoir aussi,
s'inquiète également de cette réduction du rôle et
de la place des délégations dans le monde. Je cite
Paul-André Comeau: "Les affaires internationales ne se limitent pas aux
seules affaires. Vouloir réduire à peu de choses ou minimiser
à outrance la dimension politique des affaires internationales, c'est
faire fausse route." Plus loin, il dit: 'M. Gobeil suscite une certaine crainte
en ce qui concerne l'avenir du réseau des antennes
québécoises à l'étranger. L'inquiétude se
nourrit de la diffusion à Québec d'un courant affairiste qui
écrête les perspectives et banalise toute vision d'avenir." Or, le
nouveau ministre l'a signalé à plusieurs reprises, 8 entend
examiner et analyser l'efficacité des différentes
délégations. Est-ce que son critère pour évaluer
l'efficacité sera de vérifier si les délégations
font suffisamment de "business"? Si c'est cela, il y a lieu de s'angoisser, Mme
la Présidente. (11 h 40)
II entend également - et là-dessus je m'interroge -
utiliser plus les services des ambassades canadiennes. Qu'est-ce que ça
signifie? Est-ce que cela veut dire qu'on va réduire le nombre des
délégations du Québec à l'étranger et qu'on
va les remplacer par quelques fonctionnaires logés dans les ambassades
canadiennes? On s'interroge là-dessus. Qu'est-ce que ça veut dire
"utiliser plus les ambassades"? Qu'est-ce que ça veut dire
"évaluer l'efficacité des délégations"? Il a mis
sur pied un groupe de travail présidé par M. Marcel Bergeron. Il
a indiqué que le rapport d'évaluation de ce groupe de travail
serait rendu public. Il l'a annoncé. Il a indiqué
également que ce rapport devrait être déposé
à son ministère - attendez voir - le 20 octobre. C'est ce qu'il
déclarait à M. Descôteaux le 1er octobre 1988. On est le
26. Donc, je présume que le ministre a actuellement en main le rapport
du groupe Bergeron sur l'évaluation de l'efficacité des
délégations, où on devait évaluer le
résultat des activités de chaque délégation dans le
réseau. Il devrait l'avoir en main. Je l'invite, dans sa
réplique, à nous dire si, oui ou non, il a en main le rapport
Bergeron sur l'évaluation des délégations, et si oui, je
l'incite fortement à le rendre public comme il l'a déclaré
aux médias à ce sujet-là. Cela nous permettra, d'abord, de
voir sur quels critères d'évaluation on s'est fondé pour
juger de l'efficacité des délégations. Cela nous permettra
aussi de connaître les résultats de chacune des
délégations. Et cela nous permettra évidemment aussi de
connaître les recommandations, parce que j'imagine que le groupe de
travail avait pour mandat aussi de faire des recommandations sur ce qu'il
convient de faire avec le réseau des délégations du
Québec dans le monde.
Je conclus, M. le Président j'allais dire
Mme la Présidente, je vois que la présidence a
changé de sexe...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: ... en disant ceci. En principe, nous sommes
d'accord sur le principe du projet de loi. Nous allons évidemment
l'examiner avec attention et sérieux en commission parlementaire, mais
nous sommes d'accord sur le principe du projet de loi. Il ne semble pas y
avoir, à première vue, d'entorses graves à l'orthodoxie,
si on veut, en matière de relations internationales. Cependant, je
conclus en rappelant qu'il est impérieux et urgent, comme nous l'avions
fait en 1985, que le gouvernement libéral se dote d'une politique en
matière de relations internationales, rende cette politique publique de
façon qu'on puisse s'y référer pour porter un jugement sur
les gestes et les actions qui seront posés par le gouvernement dans ce
domaine.
Deuxièmement, je rappelle au ministre son engagement à
rendre public le rapport Bergeron sur l'évaluation des
délégations du Québec à l'étranger. Il
devrait l'avoir reçu à moins qu'il n'y ait encore eu un retard.
Il devrait l'avoir en main et je l'incite à rendre public ce rapport sur
les délégations du Québec à l'étranger.
En terminant, M. le Président, j'ai bien écouté son
discours et j'incite le ministre à enrichir et à élargir
sa vision des choses en matière d'affaires internationales, à se
débarrasser, je dirais, de ses manies de président du Conseil du
trésor, il ne l'est plus, et à subir une métamorphose pour
qu'il devienne un véritable ministre des Affaires internationales du
Québec avec une vision large, cohérente, articulée et non
pas étriquée et simpliste, comme il nous en a donné des
exemples et des manifestations au début de son nouveau mandat. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître M.
le ministre délégué aux Affaires internationales.
M.AndréVallerand
M. Vallerand: Merci, M. le Président. Vous noterez, et je
le comprends, que l'Opposition a déjà accepté le principe
du projet de loi 42. Je dis bien que je les comprends parce que ce projet de
loi, à tout dire, vise a actualiser la mission du Québec sur la
scène internationale. Cette tentative d'actualisation n'est pas
gratuite. Elle s'inspire d'impératifs extrêmement importants.
Cette mission d'actualisation s'inspire, entre autres, de la
prolifération des marchés internationaux qui ne se limite pas
uniquement, doit-on dire, à des impératifs ou des
considérations d'échanges commerciaux, mais touche
également les dimensions politique, culturelle et sociale. Cette mission
d'actualisation s'inspire également et conséquemment des
priorités du gouvernement du Québec. Également, et de
façon tout aussi importante, notre tentative d'actualiser la mission du
Québec sur la scène internationale répond à des
impératifs au titre de nos clientèles respectives.
Également doit-on prendre en considération, M. le
Président, que le projet de loi incorpore des balises qui nous
permettent de croire que l'ensemble des considérations contenues dans le
projet de loi 42 tient pour acquis certaines réalisations du
Québec à l'échelle internationale. Entre autres, et. mon
collègue le ministre titulaire des Affaires internationales l'a
largement démontré, notre mission d'actualisation se balise
à partir d'un héritage.
L'héritage constitue pour nous la référence pour
mieux actionner nos politiques futures, héritage important à
partir duquel il est toujours difficile de situer historiquement une ligne de
démarcation. Mais les historiens au Québec s'entendent pour dire
qu'au début des années soixante, avec l'arrivée du Parti
libéral, s'est amorcé un développement de la
personnalité internationale du Québec à tous
égards: 1961, ouverture de la Délégation du Québec
à Paris; 1965 est témoin d'ententes importantes avec la France en
matière d'éducation, en matière culturelle, dans le
domaine de la formation professionnelle, des échanges industriels. Les
années subséquentes témoignent de la création de
l'Office franco-québécois pour la jeunesse, de l'accès du
Québec à un forum international extrêmement important qui
est l'Agence de coopération culturelle et technique, à titre de
gouvernement participant. Le développement d'une intention
internationale de créer un forum francophone, idée, M. le
Président, il est important de le noter, avancée par Paul
Gérin-Lajoie en 1965 qui en avait parlé au général
de Gaulle à deux reprises, idée qui a été reprise,
par la suite, par M. Senghor du Sénégal, par M. Diori, par M.
Bourguiba de la Tunisie. On connaît maintenant le résultat et
l'importance de ce forum francophone international et de la place qu'y joue le
gouvernement et le premier ministre, à titre de chef de ce gouvernement.
(11 h 50)
Voilà, un ensemble de mesures qui nous indiquent de quelle
façon devrait se façonner l'outil du Québec en
matière de développement de nos relations et de notre commerce
à l'échelle internationale. Non seulement ce projet de loi est
balisé à partir du respect de cet héritage historique,
mais il est également balisé en fonction des intentions
antérieures des différentes administrations gouvernementales pour
tenter de centraliser l'ensemble des moyens dont le Québec pouvait se
doter pour affiner son action sur la scène internationale:
création d'une commission interministérielle des Relations
extérieures en 1965: création du ministère des Affaires
intergouvernementales, subséquemment; création d'un Office du
commerce extérieur sous la responsabilité du ministère de
l'Industrie et du
Commerce, création de deux ministères, un des Relations
internationales et du Commerce extérieur et, finalement, la
création du ministère des Affaires internationales qui est un peu
la synthèse de l'ensemble de ces intentions pour tenter de concentrer
nos moyens à l'intérieur d'une dimension administrative et
politique, pour ajouter à la cohérence de notre action sur le
plan international et pour ajouter également à toute sa
synergie.
De quoi est faite cette concertation des moyens? Elle tire ses avantages
principalement en cherchant à rapprocher la dimension des relations
internationales de celle du commerce extérieur, non pas en la subjuguant
uniquement à des considérations économiques, mais
également à des impératifs d'ordre politique, culturel et
social. Elle fait en sorte que l'interaction des deux actions se rapproche du
résultat final, de sa finalité au titre d'un démarchage
visant l'apport économique, la recherche d'échanges culturels et,
également, le bénéfice de partages au plan de certaines
politiques sociales.
Également, et de façon tout aussi importante, cette
fusion, cette mise en commun des ressources des deux anciens ministères
substitue aux secteurs la région géographique, incorpore dans la
région géographique les considérations non seulement
économiques mais, également les fonctions culturelles, politiques
et sociales. Et d'avantage, M. le Président, cette réforme
administrative, cette concertation de nos moyens, ce raffinement de notre
action internationale veut continuer à prendre en considération
l'avantage comparatif de notre langue et de notre culture avec, notamment, la
France et les pays d'expression française à travers le monde.
À quoi peut servir tout ce cheminement visant la concertation de
nos moyens dans le respect de l'héritage de la personnalité
internationale du Québec? À mon avis, M. le Président,
deux considérations extrêmement importantes et qui me sont
très chères comme ministre délégué aux
Affaires internationales. D'abord, le profit que pourront en tirer les
entreprises du Québec. Ce n'est pas gratuit, M. le Président.
Nous sommes fiers de citer en exemple à travers le monde les grandes
réalisations économiques du Québec au cours des
dernières années par le biais, principalement, de ses entreprises
et par le biais, principalement, de nos petites et moyennes entreprises.
Ce qu'il faut constater, c'est que ce succès économique
s'est réalisé principalement à partir des
opportunités des marchés locaux régionaux et, à la
rigueur, nationaux. Très justement, M. le Président, parce que
lorsqu'on examine les exportations québécoises
manufacturières, à peine 7 % de ces dernières sont
véhiculées et effectuées par nos petites et moyennes
entreprises au Québec.
Donc, un besoin impératif pour nos entreprises d'accéder
à des marchés plurinationaux, compte tenu du fait que nos PME
représentent environ 95 % du profil entrepreneurial du Québec.
À mon avis, faciliter à ces entreprises des accès à
des marchés plurinationaux pour assurer la continuité de la
croissance économique au Québec est de première importance
dans les objectifs et les priorités du nouveau ministère des
Affaires internationales sans pour autant, M. le Président, et je le
répète, subjuguer, aliéner, considérer uniquement
les visées du nouveau ministère en fonction d'impératifs
économiques. Il n'en demeure pas moins que la continuité de notre
croissance économique passe inéluctablement par les
marchés plurinationaux.
Ce qui est encore plus important, M. le Président, c'est la
prolifération des marchés à l'échelle
internationale. Non seulement nos petites et moyennes entreprises du
Québec auront-elles à avoir une interaction sur des
marchés internationaux pour assurer leur survie et leur croissance mais
elles s'inséreront également dans un contexte mondial d'ouverture
et de plus grande concurrence.
On connaît, bien sûr, l'intégration sans cesse
croissante de l'Europe occidentale, de ce qu'il est convenu d'appeler
aujourd'hui l'Europe 92, l'acte unique, l'Europe des quatre libertés. On
pourra également prendre à témoin, dans la constitution de
ces espaces économiques, l'entente de libre-échange entre les
États-Unis et Israël. On pourra également prendre à
témoin l'association économique de libre-échange
européen. On pourra également prendre à témoin les
tendances d1 inter relations économiques du côté
du Sud et du Sud-Est, de l'Est et du Sud-Est asiatique, l'ouverture de la Chine
qui a décidé de se mettre à l'heure économique de
l'Occident, les relations économiques sans cesse plus intenses entre le
Japon et la Corée du Sud. Ces tendances nous permettent de croire que se
prolifère du côté de l'Est et du Sud-Est une
intégration relative des marchés qui se traduira par un espace
économique d'envergure dans les années à venir.
Évidemment, très actuellement et plus près de nous,
l'entente de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et
évidemment le profit que le Québec pourra en tirer.
En parlant des profits qu'on pourra tirer de l'avènement de ces
grands espaces économiques, qu'il me soit permis de tenter
brièvement de situer de quelle façon nous pourrons tirer le
maximum d'opportunités du résultat de ces grands ensembles, de
ces grands espaces économiques à l'intérieur desquels
circulent beaucoup plus librement autant les produits, les services, les
personnes que le capital.
Manifestement, sans l'ombre d'un doute, ces grands espaces
économiques de libre circulation faits de pays industrialisés
profiteront d'abord et avant tout aux pays qui sauront créer la
contrepartie d'espaces économiques similaires parce que les profits
qu'on peut anticiper de ces nouvelles régions économiques de
liberté, c'est par les investissements qu'ils se réaliseront,
c'est à partir d'échanges de technologies, c'est à
partir également d'actions conjointes. Ces pays n'ont plus comme
objectif de viser la maximisation de leurs exportations. Ces pays, dans la
création de ces espaces, savent très bien que les
bénéfices qu'ils pourront tirer seront dans la perspective de la
réciprocité. (12 heures)
Le danger, pour le Québec, le danger à la rigueur pour le
Canada, si on ne profite pas de ces espaces économiques, c'est qu'une
partie des investissements qui pourraient se réaliser sur notre
territoire dit canadien et québécois pourront être
attirés vers des espaces économiques comme ceux de l'Europe de
l'Ouest, parce que les entreprises qui décideront d'y investir pourront
profiter en toute liberté de marchés de plus de 320 000 000 de
personnes.
Il est inconcevable qu'en 1988, les entreprises du Québec
puissent avoir l'assurance de croître à l'intérieur de
marchés inférieurs à 100 000 000. Pourquoi la
référence de 100 000 000 de consommateurs? L'exemple de l'Europe
occidentale, l'exemple des États-Unis, l'exemple de la Chine, l'exemple
de l'Est et du Sud-Est asiatique, des régions internationales qui sont
à se doter d'ouvertures qui permettront à des entreprises, quelle
que soit leur origine, de profiter de marchés dépassant les 100
000 000 de consommateurs.
Dans cette perspective, M. le Président, dans la création
du nouveau ministère des Affaires internationales, par le projet de loi
42, il appartient au gouvernement, dans sa responsabilité, de
créer à l'intérieur de ce ministère des moyens qui
permettront à nos entreprises de tirer le maximum de profits de ces
nouvelles possibilités internationales. C'est essentiellement ce que
contient le projet de loi 42. Il est vrai et on doit l'admettre qu'à
l'intérieur d'un exercice comme celui de ce matin, un exercice de
deuxième lecture qui vise justement à faire la
démonstration du bien-fondé du projet de loi, que nous avons
l'intention de faire passer ce projet à loi, de faire certaines
démonstrations, mais la difficulté est toujours limitée au
facteur temps. Mon collègue, ministre titulaire des Affaires
internationales a fait une éloquente démonstration de la
pertinence du projet de loi 42.
Il m'appartenait, comme ministre délégué aux
Affaires internationales, de mettre en exergue, en relief, certaines dimensions
qui m'apparaissent, je ne dirais pas les plus importantes parce que ça
m'amènerait à qualifier de moins importantes certaines autres
dimensions que le facteur temps ne me permet pas de prendre en exemple, mais
des dimensions qui rejoignent des préoccupations de priorités
gouvernementales tirées d'une conjoncture internationale et de besoins
de nos clientèles économiques, politiques, culturelles et autres.
À mon avis, c'est l'avenue la plus raisonnable, la plus probante, la
plus réfléchie, la plus responsable, que notre gouvernement se
devait d'emprunter pour maximiser toutes les chances au profit des
clientèles visées, pour tirer profitablement notre épingle
du jeu de cette prolifération de la mondialisation des
échanges.
Cette préoccupation gouvernementale, je l'ai mentionné,
vise à assurer plus largement la croissance économique du
Québec. Puisque cette croissance est axée principalement sur le
rôle de l'entreprise, il nous faut donner à nos entreprises le
moyen d'accéder facilement à ces débouchés
internationaux.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi tend dans ce
qu'il recherche à actualiser la mission du Québec sur la
scène internationale à partir des impératifs que je vous
ai mentionnés. Dans la mesure où il se balise en fonction d'un
héritage historique pour mieux assurer l'avenir, à partir du
moment où son effort administratif se conjugue avec l'ensemble des
moyens disponibles pour affiner, rendre plus pointue notre action
internationale et dans la mesure également où cette action est
tournée vers les clientèles en fonction d'une conjoncture
internationale extrêmement vive, extrêmement ouverte et
extrêmement concurrentielle, nous croyons, l'Opposition le croit
également, que le projet de loi 42 est le projet de loi le plus
pertinent dans les circonstances pour le profit et le bénéfice de
l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Merci.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie de me
céder la parole sur un sujet qui a été ma
préoccupation et qui continue de l'être depuis le moment où
j'ai exercé, au nom de l'Opposition, le rôle de porte-parole aux
relations internationales.
Il y a eu un ministère du Commerce extérieur et du
Développement technologique avec un ministre titulaire, mais sans loi de
l'Assemblée nationale pour sanctionner le tout. On nous a annoncé
la création d'un ministère des Affaires internationales et
l'entrée en fonction fracassante d'un ministre avec tous les remous que
cela a suscités cinq mois avant que le projet soit soumis à
l'Assemblée nationale. Donc, manque de respect - c'est évident
encore là - de l'Assemblée nationale et nomination, à mon
point de vue, d'un boulier compteur comme ministre des Relations
internationales. Que de respect, encore là, M. le Président, pour
l'institution qu'est l'Assemblée nationale. Que de respect aussi quand
on a vu, lors de l'étude des crédits du ministère des
Relations internationales, des montants dépensés pour un
énoncé de politique internationale pour le Québec, dont on
n'a vu ni la couleur, ni le contenu, malgré les demandes
répétées de l'Opposition. On serait en droit de se poser
deux questions: Est-ce qu'il y a eu, effectivement, un tel dossier? Donc, s'il
y en a
eu un, pourquoi ne nous l'a-t-on pas remis? Ou une hypothèse qui
pourrait être validée, sans aucun doute, il s'agissait
peut-être d'un bonbon pour rendre moins amer le départ d'un
directeur de cabinet congédié par son ministre.
Entrée fracassante d'un ministre des Affaires internationales, on
a dit - mon collègue l'a cité tantôt - l'entrée du
ministre était celle d'un éléphant dans un magasin de
porcelaine. Effectivement, quand on se rappelle tous les remous
créés a l'intérieur de son propre ministère, quand
on se rappelle le tollé des autorités municipales de
Québec, de la communauté urbaine et de ses propres fonctionnaires
et l'insécurité généralisée qu'a
développée, à son entrée, ce ministre qui
d'ailleurs annonçait immédiatement certaines coupures de postes,
voulant sans doute justifier ses actions comme président du Conseil du
trésor et pratiquant, pour mieux se déculpabiliser, une
espèce d'automutilation.
Première déclaration du ministre, déclaration
encore là non pas uniquement fracassante, mais extrêmement
ratatinante: Maintenant, on va faire de la "business". Cela m'apparait un
raccourci aussi court que sa vision de la diplomatie et de la place d'une
société distincte dans le courant mondial. Est-ce qu'on va
bientôt assister à l'établissement de franchises qui vont
se nommer des "délégabec"? Au nom de la caricature,
au-delà de la caricature, dis-je, de ces "délégabec", la
question se pose: En écoutant cette rhétorique "gobeillienne"
qu'on a entendue tantôt, je pourrais imaginer le ministre prendre
peut-être le rôle de Lisa Minelli dans le fameux film "Cabaret" et
l'entendre chanter: "A mark, a yen or a pound, money makes the world go round",
parce que c'était l'essentiel de son discours, comme celui de son
collègue, le ministre délégué aux Affaires
internationales. (12 h 10)
Mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean, parlait
tantôt de la volonté du ministre d'utiliser mieux les ambassades.
Même l'Ontario, même la province voisine de l'Ontario a compris
qu'elle était mieux servie par elle-même en créant ses
propres délégations qu'en se servant des ambassades canadiennes
ni chair, ni poisson, notamment et surtout, lorsqu'il s'agit des
intérêts et de la spécificité du Québec. Il
ne faut pas avoir fait une très grande tournée des ambassades
canadiennes dans le monde pour se rendre compte que la réalité
québécoise n'est sans doute pas la réalité la plus
explicite et la mieux illustrée.
M. le Président, je pense qu'on doit se poser la question.
Quelles seront les actions d'un ministre des Affaires internationales d'un
gouvernement libéral? Il est tout à fait justifié d'avoir
des doutes et, d'ailleurs, plusieurs les ont illustrés dans les
journaux, que ce soient des éditorialistes ou même un ancien
sous-ministre des Relations internationales. Je vais prendre à titre
d'exemple les droits de la personne qui sont également sous la
juridiction du Québec, compte tenu de la démocratie qu'on y vit
et de la Charte des droits et libertés de la personne. Avec la
philosophie qui nous est communiquée par le ministre,
c'est-à-dire "business, business, business", nous devons nous
inquiéter des actions futures quand on se rappelle justement le silence
complice du premier ministre concernant Haïti et les paroles susurrantes
du ministre délégué quant au retour à la
démocratie au Chili. Ce gouvernement, qui se targue d'avoir
adopté une déclaration sur les relations interraciales, va-t-il
faire entendre sa voix quant à l'apartheid dénoncé par les
Québécois et dont le gouvernement devrait être le
porte-parole? Non, on va faire des affaires, et tant pis pour les cadavres!
Sans aucun doute, jamais ces sujets n'apparaîtront. L'ancien
résident de Jean-Talon et exministre des Relations internationales nous
a servi notamment en commission parlementaire: C'est Ottawa qui fait des
affaires étrangères, le Québec fait des relations
internationales. Subtilité très byzantine: Nous, nous ne faisons
pas de politique étrangère, nous, nous n'avons pas droit à
une pensée autonome, à une pensée qui nous est distincte,
à une pensée qui reflète nos aspirations profondes. Nous,
nous ferons de la "business" envers et contre tous et sans aucune philosophie
politique de ce que doit être l'ordre mondial.
Le ministre actuel et député de Verdun, au lieu de
proposer des changements de structures qui modifieront nos comportements,
aurait peut-être mieux fait de mettre ses culottes ou d'en prêter
au premier ministre et, dans l'accord du lac Meech que l'on vante si souvent,
obtenir les mêmes pouvoirs et attributions en relations internationales
qu'a obtenus la Communauté française de Belgique qui,
déjà, a une très large longueur d'avance sur nous dans ce
domaine.
Je ne vais pas nier l'importance de la dimension économique sur
le plan des relations internationales. D'ailleurs, les contrats de Canadair,
que va sans doute signer le premier ministre lors de son séjour officiel
en France au mois de janvier, ont été amorcés,
négociés sous notre administration qui était
également capable de faire des affaires, administration qui avait
été confiée à Mme Beaudoin, notre
déléguée générale qui, diplomate aussi et
non pas uniquement affairiste, avait pu ne pas se mettre à dos la plus
importante formation politique française, comme l'a malheureusement fait
son prédécesseur.
M. le Président, l'impact économique, ce n'est pas tout.
Il y a aussi tout ce volet de la coopération qui a drôlement son
importance lorsque le Québec adhère à cette francophonie
et lorsqu'on sait très bien qu'à l'intérieur de cette
francophonie, les pays dits industrialisés se comptent sur les doigts de
la main. L'Afrique est un pays où la coopération internationale
du Québec pourrait s'exercer. Et quand on a fait, M. le
Président, l'étude des engagements financiers
et des crédits de ce ministère, on a bien vu une baisse
des subsides à ces organismes. Et c'est tellement évident
qu'au-delà de l'écriture légaliste, donc acceptable, du
projet de loi qu'on nous présente, tout ce volet sera
complètement évacué avec la philosophie de boulier
compteur qui va maintenant présider les affaires Internationales du
Québec. À preuve, dans les deux discours, autant celui du
ministre que celui de son ministre délégué, un silence on
ne peut plus étonnant mais malheureusement on ne peut plus
éloquent sur l'Amérique latine qui est un continent en devenir et
un continent d'avenir.
D'autre part, M. le Président, notre place à l'Agence de
coopération culturelle et technique notamment, possiblement à la
présidence qui serait souhaitable, ne va pas se réaliser par un
carnet de commandes bien rempli mais bien par un effort diplomatique donc un
effort politique de la part d'un ministère des Affaires internationales,
voie que le ministre nous jure qu'il va poursuivre. Mais connaissant sa
philosophie, j'ai les plus profondes réserves, si ce ne sont pas les
inquiétudes les plus grandes.
La voie de l'avenir. Je pense que mon collègue a mis en relief
les voies de l'avenir. Il s'agit du programme politique du Parti libéral
quant aux relations internationales, qui est d'ailleurs d'une minceur
étonnante comme la philosophie qui articule ce projet de loi. Celle que
ma formation, le Parti québécois, contrairement à la
formation d'en face, a développée d'ailleurs dans des
comtés, dans des congrès régionaux et qui sera
officialisée très bientôt à la fin du mois de
novembre dans un congrès national... La voie de l'avenir aurait
été pour nous beaucoup plus le maintien d'un ministre du Commerce
extérieur comme cela existe dans la majorité des pays du monde,
un ministre des relations internationales puisque leur vision "provincialiste",
cette soumission inconditionnelle au grand frère d'Ottawa, frère
constitutionnel et non pas frère politique parce que le frère
politique me semble dans un état de santé très
précaire par le temps qui court, assassiné d'ailleurs presque
quotidiennement par les collègues provinciaux, donc on pourrait parler
de fratricide de leur part, c'aurait été le maintien d'un
ministère des Relations internationales et de donner peut-être un
peu plus de contenu au député de Crémazie et faire
également un ministre délégué à la
francophonie et à la coopération. Cela me serait apparu, M. le
Président, comme la voie d'avenir pour un Québec qui veut
exprimer sa propre pensée, aller selon sa propre philosophie et avoir
des comportements qui lui ressemblent en tant que société. Et je
vais, moi aussi, employer un mot si cher aux gens d'en face - je ne dis pas mes
amis d'en face, je dis aux gens d'en face - c'est-à-dire une
société distincte. (12 h 20)
Cette loi que le gouvernement libéral nous présente met en
péril 25 ans de diplomatie québécoise. Elle constitue une
vision - et je le répète - "provincialiste" de nos relations avec
le monde, une vision qui aurait dû être autre, puisqu'elle aurait
été légitime effectivement. Elle aurait été
légitime venant d'un peuple différent dans sa pensée,
différent dans ses attitudes et différent dans sa volonté.
Les plus récents sondages d'ailleurs nous l'indiquent, les
Québécois sont d'accord, dans une très large proportion,
au-delà de 60 %, que ce soit le Québec qui mène ses
affaires étrangères, ses relations extérieures, ses
relations internationales - peu importe le vocabulaire qu'on emploie - ses
affaires internationales. Mais il y a toujours cette espèce de
subjugation du pouvoir central, du pouvoir fédéral, dans chacun
des gestes posés par le gouvernement éminemment, mais non pas
étonnamment, provincialiste que nous avons en face de nous.
Je me permettrais, M. le Président, si vous me le permettez, de
lire certains extraits d'un texte qu'a signé M. Martin, dans Le
Devoir, au mois de mars de cette année. M. Martin est un ancien
sous-ministre des Relations internationales du Québec. C'est une
personnalité très connue au Québec, connue non pas
uniquement par la fonction qu'il a exercée qui, certes, était
prestigieuse, mais par sa pensée et sa connaissance de ce dossier. M.
Martin disait: "Une politique de relations internationales". Et, parlant de ce
dont mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean, parlait
tantôt, c'est-à-dire l'énoncé que nous avions fait,
nous, il disait: "Ce n'était pas dans une perspective souverainiste que,
lors du sommet sur le Québec dans le monde en 1984, un net consensus
s'est exprimé sur les orientations d'une politique de relations
internationales pour le Québec. Il y avait autour de la table - et
rappelons-nous - les représentants du Conseil du patronat du
Québec, de la Chambre de commerce du Québec et de l'Association
des manufacturiers canadiens aussi bien que des représentants des
syndicats, des universités, des organisations non gouvernementales
d'aide au gouvernement - les futurs parents pauvres du ministère des
Affaires internationales - de même que des représentants du
gouvernement fédéral. À l'unanimité, les
participants avaient appelé de leur voeu l'énoncé d'une
politique de relations internationales par le gouvernement du Québec, ce
qui fut fait sous la signature du ministre Bernard Landry en juin 1985." Et M.
Martin va plus loin: "Passer des relations aux affaires internationales, est-ce
seulement un recul symbolique? Si c'est le cas, on ne chicanerait pas un
gouvernement bien résolu à faire maison nette des personnes et
des choses qui menacent l'orthodoxie fédéraliste qui est la
sienne. Il y a plus. Ce sont les intérêts du peuple
québécois qui sont en cause. Pourquoi? Parce que la conduite
d'affaires sur le plan international exige une stratégie et donc une
politique de relations internationales. La question qui se pose est de savoir
si on va jeter le bébé avec l'eau du bain, comme dit si bien
l'exprès-
sion, si on va laisser tomber cette stratégie et les acquis
à cet égard." Et M. Martin d'ajouter: "S'oriente-t-on encore une
fois vers un recul sur ce terrain? Verra-t-on s'effriter un réseau de
relations patiemment construit depuis 25 ans, encore bien fragile à vrai
dire? Où se fera la réflexion sur les orientations de ces
relations au niveau des gouvernements, donc politique? Un ministère dont
le mandat essentiel sera de s'intéresser aux affaires pourra-t-il
remplir une tâche devant s'inspirer de larges considérations
politiques?"
M. le Président, je pense que, de nouveau, si la facture,
l'écriture légaliste de ce projet de loi peut, à
première vue, être acceptable, connaissant la philosophie qui
anime le titulaire de ce ministère maintenant, sa personnalité,
on est en droit de nourrir toutes les inquiétudes. Et ce n'est pas pour
rien, tantôt, que je vous parlais de l'hypothèse de voir des
"délégabec" remplacer les délégations
générales du Québec bientôt. Je vous le
répète, le projet de loi est d'une facture acceptable mais j'ai
bien l'impression que l'action sera différente des mots que la loi
contient. Il y a le vieux dicton qui dit: "Qui a bu boira". Donc, moi je dirai:
Qui "provincialise" et "affairise" "provincialisera" et "affairisera" une
fenêtre que nous nous étions ouverte, qui était un
instrument vital pour notre identité nationale au Québec et notre
place dans le monde qui, à mon point de vue, mérite de plus en
plus d'être amplifiée compte tenu de cette société
distincte, puisque vous appréciez le mot, à laquelle nous
tenons.
Donc, M. le Président, je pense qu'avant de procéder
à ce projet de loi - et là on pourrait voir dans quelle mesure le
ministre se sent sûr de ses énoncés - je l'inviterai et
j'irai même plus loin, je lui demanderai une commission parlementaire
où nous pourrons, et ça le fait rire... Une commission
parlementaire parce que naturellement c'est un gouvernement de "bunker"
où les décisions se prennent en catimini, sans aucune loi de
l'Assemblée nationale. Je le mets au défi. Est-il capable de
relever un défi, a-t-il le courage de relever un défi, de
convoquer une commission parlementaire où on pourra entendre ceux qui,
au Québec, sont préoccupés de relations internationales,
d'affaires internationales, de coopération internationale, M. le
ministre, et on pourra, après l'éclairage qui nous sera
donné, voir dans quelle mesure ce projet de loi pourrait être
adopté. Il pourrait aussi, rendez-moi grâce de vous l'avoir
offert, vous aider à avoir un énoncé de politique qu'on
n'a toujours pas quand, pourtant, des sommes ont été
dépensées là-dessus et on n'en a pas encore vu la couleur.
Donc, on pourrait être tenté de penser que ce n'était
qu'une fumisterie, qu'il n'y a pas eu ou qu'il y a peut-être eu,
potentiellement, détournement de fonds dans ce ministère. Je vous
lance donc le défi, M. le ministre, d'accepter cette commission
parlementaire où on pourra, de part et d'autre, avec des invités
prestigieux, confronter nos idées sur ce que doivent être le
Québec et les affaires internationales. La balle est dans votre camp,
monsieur, répondez-y. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Le ministre a eu
l'occasion tout à l'heure de vous exposer les perspectives globales du
gouvernement en présentant ce projet de loi. Je voudrais avoir
l'occasion, pendant quelques minutes, de vous exprimer les points de vue que le
ministre n'a pas eu le temps peut-être d'approfondir.
Je suis heureux de le faire, d'autant plus que les fonctions que
j'occupe maintenant me rappellent qu'il y a quelque 20 ans, j'étais au
ministère de l'Éducation, en 1965. À ce moment-là
le ministère de l'Éducation mettait en place les premières
ententes franco-québécoises dans le domaine de la
coopération, d'échanges d'étudiants et d'échanges
de professeurs. Que de chemin parcouru depuis ce temps-là M. le
Président. Nous sommes à l'orée d'un jour nouveau parce
que le gouvernement a décidé de se donner des instruments qu'il
juge nécessaires et essentiels pour atteindre les objectifs qu'il s'est
fixés.
J'entends l'Opposition dire que finalement, sur le texte, ils ont peu de
chicanes avec le ministre. On reconnaît que ce projet de loi est conforme
aux objectifs qui ont toujours été ceux du Québec. On
reconnaît que le Québec a le droit et le devoir, l'obligation de
se donner des instruments qui sont des instruments de 1988, des instruments
modernes qu'exige une cohérence dans l'action gouvernementale. On en est
réduit, du côté de l'Opposition, à faire des
procès d'intention. On dit: Oui, le texte est très beau, nous
sommes d'accord avec le texte, cependant, nous doutons de vos intentions, nous
ne croyons pas que vous agirez en conformité avec les textes que vous
nous soumettez. C'est là une façon de faire qui, bien qu'elle ne
soit pas nouvelle du côté de l'Opposition, est loin de leur faire
honneur. C'est une façon que je déplore, une façon qui
consiste, pour l'Opposition, à mettre constamment en doute les
intentions qui animent les membres du gouvernement. (12 h 30)
Je comprends que quand on vise à faire, comme ça
été le cas, et je le rappelle en souriant un peu, de la
Grande-Allée la rue des ambassades étrangères à
Québec, je conçois qu'on ne soit pas satisfait d'un projet de loi
semblable. Je me souviens trop bien que des penseurs du côté de ce
qui était à l'époque le gouvernement du Québec,
voyaient dans la Grande-Allée une réserve de résidences
cossues qui permettraient à des ambassades étrangères de
s'installer au Québec. Nous avons, fort heureusement,
dépassé cette époque. Nous en sommes rendus à faire
du Québec un partenaire conscient, un partenaire
utile, un partenaire qui veut jouer un rôle important qui lui
appartient dans le monde d'aujourd'hui.
Au moment de discuter du projet de loi 42 qui crée le
ministère des Affaires internationales, M. le Président, je ne
puis m'empêcher de souligner, comme je le disais, le chemin parcouru par
le Québec.
Cette ouverture au monde se traduit maintenant tout autant par des
échanges de connaissances que par la pénétration de
marchés nouveaux pour nos produits. Elle se manifeste notamment par
l'accueil à de nouveaux citoyens d'origines plus diverses que jamais
comme par la participation du chef du gouvernement du Québec au forum
des chefs d'État et de gouvernement de la francophonie.
Au cours des quelque 20 ans passés, nous avons multiplié
nos champs d'intervention et ce, dans toutes les régions du globe.
Traditionnellement, nous avons été écartelés entre
ce que j'appellerai notre "américanité" et nos liens avec
l'Europe de nos mères patries. Depuis quelques années, nous avons
dépassé le périmètre Paris-Londres-New York pour
porter la défense de nos intérêts sur tous les continents.
Le fait qu'il y ait maintenant des délégations du Québec
à Tokyo, à Hong Kong, à Mexico comme à Rome, la
présence de fonctionnaires québécois à Bangkok et
à Dakar, à Bogota et à Stockholm ne sont que le reflet de
cette réalité bâtie par nos ingénieurs au Maghreb ou
en Inde, par nos enseignants en Afrique, par nos scientifiques à
Shanghai, en Californie ou à Paris, par nos artistes sur les plus
grandes scènes du monde et par nos entrepreneurs sur les principaux
marchés des cinq continents.
Le réseau des délégations du Québec est, en
effet, un instrument que nous avons perfectionné et rodé au cours
des 20 dernières années pour promouvoir les intérêts
des Québécois partout dans le monde où leur densité
le justifiait. Il importe, maintenant, d'en accroître encore
l'efficacité en lui donnant une direction unique, une orientation
concertée. C'est là un des objectifs de la loi que nous examinons
aujourd'hui.
Pendant que la dissémination géographique de nos
intérêts suscitait la mise en place des instruments de relations
internationales du Québec, un autre phénomène apparaissait
qui allait accélérer le développement: la multiplication
des domaines d'intervention. Ce phénomène n'est pas propre au
Québec des 20 dernières années, il s'agit d'un courant
mondial de l'après-guerre auquel le Québec n'a pas
échappé.
Le domaine des relations internationales a, en effet, quitté les
seuls bureaux de diplomates et d'import-export pour prendre sa place dans
toutes les sphères d'activité. On imaginerait mal aujourd'hui une
institution financière qui prétendrait à l'excellence sans
disposer de correspondants sur les places de Tokyo, Londres ou New York, sans
participer à un des nombreux réseaux internationaux. De
même, quelle université pourrait aujourd'hui prétendre se
développer sans que ses chercheurs participent aux publications
américaines, allemandes ou françaises, sans connaître
l'état des travaux japonais ou californiens? Ce phénomène
est général et confronte, dans tous les pays, les gestionnaires
traditionnels des relations internationales.
Le Québec n'a, d'ailleurs, pas échappé à
cette multiplication des acteurs sur ta scène internationale. Pour s'en
faire une idée, on n'a qu'à songer à la diversité
des dossiers que traitent les délégations du Québec
à l'étranger: demandes d'information d'immigrants investisseurs
ou d'étudiants boursiers, missions de prospection technologique ou vente
de produits agroalimentaires, dossiers d'infrastructures ou financement de
banques mondiales, prospection d'investissement ou tournées artistiques,
"closing" d'un emprunt ou coproductions culturelles. Ce ne sont là que
quelques exemples.
Cette multiplicité des intérêts et des acteurs
constitue indéniablement un enrichissement de l'action internationale.
Il n'en reste pas moins que, pour éviter la dispersion et maximiser les
ressources, somme toute, modestes que le Québec y consacre, les efforts
de chacun doivent être harmonisés, des perspectives d'ensemble
doivent être dégagées et une direction commune
imprimée. C'est là, M. le Président, l'un des objectifs
essentiels du projet de loi 42, ainsi que l'a indiqué le ministre.
Nous pourrions prendre plusieurs minutes pour faire le tour de la
situation actuelle pour indiquer les chemins à explorer. Nous pourrions
regarder les réalisations acquises, mais une chose est sûre, c'est
que le projet de loi 42, qui est devant cette Assemblée actuellement
pour adoption en principe, est un projet de loi que même l'Opposition
s'accorde à voir comme bénéfique.
Dans les circonstances, M. le Président, je suis
extrêmement fier, en tant qu'adjoint parlementaire au ministre des
Affaires internationales, d'avoir pu dire quelques mots à ce sujet. Je
suis convaincu que les actions futures seront à la hauteur des espoirs
que nous mettons dans cette nouvelle direction que nous imprimons à la
dimension internationale du Québec et, M. le Président, je ne
peux faire autrement que souhaiter bonne chance et longue vie au nouveau
ministère des Affaires internationales.
Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître M.
le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, j'ai été surpris
d'entendre le député de Louis-Hébert constater qu'il
était heureux d'être un adjoint parlementaire. J'ai toujours
entendu dire qu'il voulait être ministre. Il vient de nous dire qu'il est
parfaitement heureux comme adjoint parlementaire, ce
matin. Cela veut dire que les gens de Louis-Hébert se sont
peut-être trompés lorsqu'ils ont voté pour le
député de Louis-Hébert parce qu'au cours de la
dernière campagne électorale il leur avait laissé entendre
qu'il pourrait être ministre des Affaires culturelles. Évidemment!
Mais là, la vérité est sortie du sac, je pense bien. Il a
été obligé de parler rapidement. Il était
pressé. Son temps était limité. On lui a dit: Cinq
minutes, tu en as assez. Au bout de cinq minutes, on lui a dit: Tu t'assois
parce que le député de Lévis doit avoir 20 minutes et
c'est plus important d'écouter le député de Lévis
qui va parler 20 minutes que le député de Louis-Hébert qui
va parler 5 minutes.
Le député de Louis-Hébert n'est pas un diplomate,
tout le monde le sait. Ses relations avec la ville de Québec ont
été à souhait marquées sous le sceau des relations
difficiles. C'est pourquoi il n'est pas à même de juger du contenu
d'un projet de loi. Ce projet de loi 42 est essentiellement l'équivalent
d'une boîte de conserve, si on veut, ou d'un emballage. Ce qu'il est
important de savoir dans le domaine des relations internationales, c'est la
vision du gouvernement, comment il voit les choses, comment il va se comporter
et non pas simplement juger en fonction de l'emballage. Un emballage, ça
peut emballer n'importe quoi. À ce moment-ci, dire qu'il y aura des
bureaux à l'étranger, ce n'est pas révélateur de ce
que feront ces bureaux. Cela ne fait pas partie du projet de loi actuellement.
Ce qu'on a dans le projet de loi actuellement, c'est un contenant.
Maintenant, quand on regarde ce qui s'est passé jusqu'à
maintenant sur le plan du contenu, vous avez remarqué, M. le
Président, que les députés libéraux se sont la
plupart du temps vantés de ce qui avait été fait par le
gouvernement précédent. Ils se sont vantés des maisons qui
ont été ouvertes un peu partout et des relations qui ont
été entretenues, qui ont été
développées avec les États-Unis, qui ont été
développées avec l'Amérique latine, qui ont
été développées avec l'Asie et tout ça a
été fait sous le gouvernement précédent.
Si on veut évaluer un peu l'action du gouvernement dans ce
domaine - ils sont là depuis trois ans, - on va parler un peu de leur
action. Dans le programme du Parti libéral, il est dit: "Maîtriser
l'avenir", mais, dans leurs discours, on parle beaucoup plus de gérer le
passé. Que dit le programme Maîtriser l'avenir? En prenant appui
sur le nouvel équilibre qui s'est établi à
l'intérieur de la société québécoise,
notamment aux plans linguistique, culturel, économique et social, un
gouvernement libéral veut assumer un rôle de leader à
l'égard des communautés francophones hors Québec,
soutenant ainsi leur lutte pour la défense de leurs droits et pour leur
développement. (12 h 40)
Qu'a-t-on constaté depuis que le Parti libéral est
là? M. le Président, ce qui s'est produit pour la première
fois dans l'histoire du Québec, c'est que le premier ministre du
Québec a été mis dehors par les francophones de deux
provinces différentes qui ont dit: On n'a pas besoin d'un mou comme
ça pour nous défendre. Dehors de la Saskatchewan et dehors de
l'Alber-ta. Et les communautés francophones dont il veut assumer le
leadership - imaginez-vous - maîtriser l'avenir, comme dans le programme
du Parti libéral, n'en veulent même pas parce qu'elles savent que
le premier ministre du Québec est incapable de défendre quoi que
ce soit.
Il n'est même pas capable de défendre les
intérêts du Québec qui passe, actuellement, pour une
province gavée, alors que c'est la province qui reçoit le moins
du gouvernement fédéral. Il aime mieux laisser l'impression qu'il
est gavé, alors que le Québec a été laissé
pour compte depuis qu'il est premier ministre. On l'a vu dans les relations -
et la revue de presse est là pour l'indiquer - quand il a voulu aller en
Saskatchewan, les gens ont dit: On ne veut pas vous voir, on n'est pas
intéressé à vous avoir, M. Bourassa, comme
défenseur des francophones de la Saskatchewan parce qu'on sait que vous
êtes trop mou. Il a été le premier, après avoir
parlé de la société distincte, du français,
à admettre, à accepter que le français soit, à
toutes fins utiles, rayé de la Saskatchewan après l'entente du
lac Meech. Voilà ce qu'a donné l'entente du lac Meech, c'est de
faire disparaître le français de la Saskatchewan dans les textes
légaux. Ce sont les francophones eux-mêmes qui ont dit: On ne veut
pas du premier ministre du Québec.
C'est la même chose en Alberta où les gens ont dit: On
n'est pas intéressé à avoir le premier ministre du
Québec pour nous défendre parce qu'il ne demande rien,
il ne veut rien pour nous. On est capables de se défendre tout seuls,
même si on n'est pas forts et si on n'est pas nombreux, on aime mieux se
défendre seuls que d'avoir un premier ministre du Québec qui ne
demande rien pour nous.
C'est cela, au fond, quand on regarde le contenu. Qu'est-ce que cela
veut dire quand le Parti libéral manifeste par une déclaration
d'intention qu'il veut assumer un rôle de leader à l'égard
des communautés francophones hors Québec? Gros leadership! Dans
l'Ouest, ils n'en veulent pas. Et, que je sache, dans une autre province
où est la plus grosse minorité française, au
Nouveau-Brunswick, quand le premier ministre du Nouveau-Brunswick dit au
premier ministre du Québec: On ne veut pas de votre entente du lac
Meech, on n'est pas intéressé parce que ce n'est pas bon, cela
fait un drôle de leader pour les francophones hors Québec, alors
que les francophones des principales provinces disent: On ne veut pas de la
défense du premier ministre du Québec parce qu'il est trop mou.
Vous voyez le contenu. On a beau avoir un bureau à Moncton, le
rôle de leader présenté dans le programme du Parti
libéral ne veut pas dire grand-chose.
Regardons également à qui le premier
ministre confie le ministère. À qui? Il a commencé
par le confier au député de Jean-Talon; les fonctionnaires,
à ce moment-là, n'avaient pas déménagé, mais
le premier qui a déménagé de Québec, c'est le
député de Jean-Talon lui-même. Il s'est gardé un
pied-à-terre à Québec, maintenant qu'il est davantage
résident de la ville de Montréal. Dans Jean-Talon, ils ont eu la
surprise de leur vie, de voir que leur député est maintenant
chambreur dans Jean-Talon. Sa famille et lui-même demeurent à
Montréal.
Une voix: C'est vrai.
M. Garon: Oui, c'était le premier, pas les
fonctionnaires... Le premier qui a commencé par déménager,
c'est le ministre lui-même. En même temps, on avait, à ce
moment-là, comme président du Conseil du trésor, le
nouveau ministre des Affaires internationales, M. Gobeil, au sujet duquel on
dit dans Le Devoir du 25 février 1988: Gobeil veut toujours des
hôpitaux privés, il ne prévoit pas de nouvelles
compressions et il ne croit pas aux relations internationales. C'est quelque
chose, ce n'est pas moi qui le dis. Ce n'est pas une invention du
député de Lévis, c'est dans Le Devoir du 25
février 1988, à la page 2: Gobeil ne croit pas aux relations
internationales.
Je m'excuse, M. le Président. Je sais que je n'ai pas le droit
d'appeler le député par son nom, mais je cite l'article et, comme
vous le voyez, c'est écrit ainsi, sous la signature de Donald Charette,
de la Presse canadienne. Cela fait une drôle de jambe à un
ministère quand on en confie la direction à quelqu'un qui n'y
croit pas, qui ne croit pas à cela.
On voit également avec le nouvel organigramme des Affaires
internationales, dans Le Soleil du mercredi 3 août 1988, que 125
cadres et professionnels de l'État verront leur poste aboli. Je dois
vous dire, M. le Président, que cela commence bien. Il est logique avec
sa déclaration du 25 février 1988, il dit: Ce ministère,
il faut le réduire. Et il le réduit parce que c'est sa
conception. Il veut réduire le ministère des Affaires
internationales parce qu'il n'y croit pas. Et toutes les déclarations
antérieures du nouveau titulaire du ministère des Affaires
internationales, constitué par le projet de loi 42, vont dans le sens de
quelqu'un qui ne croit pas aux affaires internationales.
M. le Président, vous comprendrez qu'on se trouve devant une
curieuse situation avec ce projet de loi qui est un contenant, mais dont tout
le contenu exprimé jusqu'à maintenant... Qu'il s'agisse des
relations avec les francophones hors Québec, qui est un volet important
des relations du Québec avec l'extérieur, ou de sa conception par
rapport à l'extérieur, aux pays étrangers, on nomme un
ministre qui ne croit pas à ce genre de relations.
Dans un autre secteur, un editorial du Soleil du 10 août
1988 dit que le ministre, une fois nommé, veut sortir les fonctionnaires
de
Québec à tel point que l'éditorialiste, Raymond
Giroux, dit de Québec: Capitale ou gros village. Il aurait pu dire
bourgade. Mais au moins, dans le temps des Indiens, quand Jacques Cartier est
arrivé il rencontrait des chefs à Québec. Maintenant, on
dit: Non! Le nouveau ministre qui sera responsable de ce ministère veut
faire en sorte de déplacer de la capitale le ministère des
Affaires internationales. Drôle de situation! Drôle de capitale
où les affaires internationales se feront a partir de l'extérieur
de la capitale; c'est anormal. C'est pourquoi j'ai dit que cela avait
commencé avec l'ancien titulaire d'un des deux ministères. Le
député de Jean-Talon lui-même, comme président, a
été le premier à se déplacer vers
l'extérieur, même à l'extérieur de son
comté.
M. le Président, on se retrouve devant une drôle de
situation où, en termes de contenu, le projet de loi ne dit rien. Aucune
élaboration de principe, aucune politique énoncée, aucune
orientation, mais tout simplement une élaboration où l'on dit
qu'il y aura des bureaux à des places et qu'on va fusionner deux
ministères, les Relations internationales et le Commerce
extérieur.
Le précédent gouvernement, lui, avait vu à mettre
en place un ministère du Commerce extérieur parce qu'il s'en
préoccupait. Et quand les gens nous parlent, par exemple, des
résultats, je peux leur en dire. Quand nous sommes arrivés au
pouvoir, en 1976, il y avait pour 400 000 000 $ d'exportations dans le secteur
agro-alimentaire et, en l'espace de quelques années, c'est passé
à 1 200 000 000 $. Cela a triplé en quelques années, parce
qu'on s'est occupé de faire des relations internationales et de faire
des affaires. Quand ces gens nous disent que c'est comme s'ils
commençaient, au contraire, un ministère du Commerce
extérieur a été mis en place pour mettre davantage
l'emphase sur les affaires. Ce gouvernement et ce premier ministre qui se
présentent comme affairistes ne s'occupent pas beaucoup de ces
questions-là.
C'est le gouvernement précédent qui a
développé des missions à l'étranger, missions
d'hommes d'affaires, missions pour conclure des ententes, missions pour signer
des accords qui ont fait qu'on a intensifié les relations avec les
États-Unis d'abord, nos voisins immédiats, et surtout avec les
États de la Nouvelle-Angleterre où on peut trouver à nos
portes, au fond, dix fois plus de population qu'il n'y en a dans tout le reste
du Canada. C'est un peu pourquoi, avant même qu'on parle de
libre-échange, le gouvernement précédent avait
accentué l'effort de commercialisation aux États-Unis en
établissant des relations avec les Américains d'une façon
beaucoup plus soutenue et les résultats ont été probants
immédiatement. Je peux vous dire qu'actuellement, depuis que le Parti
québécois a quitté le pouvoir, les exportations dans le
domaine agroalimentaire ont recommencé à stagner. Elles ont
recommencé à stagner comme
elles stagnaient entre 1970 et 1976. Et les accroissements se sont faits
sous le gouvernement précédent. (12 h 50)
M. le Président, je vous ferai remarquer que, pour la capitale,
pour Québec, le ministre titulaire représente un danger. Il a une
qualité, il a été franc. C'est pour cela qu'ils
l'appellent la hache, ils ne l'appellent pas le couteau, ni le scalpel. Il ne
cisaille pas ses décisions, il les bûche. Je dirais que cela a un
certain caractère de franchise qu'il faut noter. C'est plus direct.
Mais, en même temps, cela permet - et je pense que c'est ce qui est bon -
de connaître les intentions du ministre. Or, les intentions
annoncées par le ministre visent à déplacer de
Québec vers Montréal les fonctionnaires qui s'occupent des
affaires internationales, dans quelque domaine que ce soit.
C'est pourquoi même le compromis du ministre Gobeil ne
satisfaisait pas le président de la Communauté urbaine, M. Michel
Rivard, qui l'a dit le 30 août 1988. Le déménagement des
fonctionnaires vers Montréal, le compromis de Gobeil ne satisfait pas
Rivard. Pourquoi? Cela se passe, imaginez-vous, alors qu'il y a 16
députés du Parti libéral sur 17 dans la région de
Québec. Ils n'ont pas trouvé le moyen de dire: Ça fait! On
va maintenir le ministère des Relations internationales dans la capitale
comme ça se fait dans tous les pays du monde! À Ottawa, M. le
Président, est-ce que le gouvernement fédéral dit qu'il va
installer les Relations internationales à Toronto? Pourtant, la
région de Toronto est beaucoup plus populeuse que la région
d'Ottawa. Bien non, il fait comme tous les pays du monde. Le gouvernement
fédéral fait ses relations internationales à partir de la
capitale, Ottawa, et non pas à partir d'ailleurs.
Tous les pays du monde agissent de la même façon, sans
exception. Ils établissent leurs relations internationales à
partir de leur capitale parce qu'essentiellement les relations internationales
sont exprimées par l'État, l'État qui est la
personnalité juridique qui représente le peuple
québécois dans ses relations avec d'autres peuples. Il est
incroyable que tout ça ait pu se mettre en branle sans l'intervention
d'aucun député du Parti libéral de la région de
Québec, qui se manifestent principalement par leur silence.
On sait que le ministre est obligé de faire des compromis parce
que c'est sorti dans les journaux et qu'il y a eu une réaction. Mais, M.
le Président, ce n'est pas comme ça que les choses doivent se
faire. C'est un premier indicatif de ceux qui avaient dit que le nouveau
ministre serait un peu comme un éléphant dans de la porcelaine,
qu'il serait mal à l'aise dans un ministère de diplomates. C'est
pourquoi - j'imagine que le ministre n'a pas que des défauts, il a des
qualités - quand on lui avait confié la hache, apparemment il
était plus à son aise. Mais, maintenant qu'il n'est plus à
la hache, il a de la difficulté. C'est pourquoi tous ceux qui ont fait
des commentaires à ce moment-ci les ont faits dans le même sens,
pour indiquer que le gouvernement n'avait pas manifesté des intentions
vraiment de relations internationales ou d'affaires internationales accrues,
étendues, développées, puisque tous ceux qui ont
parlé jusqu'à maintenant ont parlé ou ont adopté
des attitudes dans le sens de réduire le secteur des affaires
internationales.
Je trouve ça bien suave d'entendre des députés
comme le député de Louis-Hébert ou encore le
député dont je ne connais pas le nom du comté qui a
parié avant le député de Saint-Jacques - c'est parce qu'il
ne parie pas assez souvent - qui a vanté un certain nombre de
réalisations, mais qui étaient toutes des réalisations qui
se sont passées antérieurement, sous le régime du Parti
québécois. Est-ce qu'il était au courant? Je ne le sais
pas, mais ï a établi qu'il y avait des choses qui s'étaient
faites au Québec, mais ce qui s'était fait, c'étaient des
choses qui avaient été faites entre 1976 et 1985.
M. le Président, puisque mon temps achève, je dis tout
simplement que le projet de loi est un contenant. Maintenant, il restera au
gouvernement à dire comment ça doit se faire, ce qu'il vise,
quelle est sa politique et comment I va la réaliser concrètement
avec des objectifs à réaliser. Jusqu'à maintenant, M. le
Président, rien dans ce projet de loi ne le laisse deviner, ne le laisse
percevoir et ne l'indique. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître M.
le ministre des Affaires Internationales pour l'exercice de son droit de
réplique. Je veux simplement m'enquérir si j'ai le consentement
pour que nous puissions dépasser 13 heures, le cas
échéant. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Garon: On m'a parié de deux minutes. Consentement pour
deux minutes.
Le Vice-Président: Deux minutes?
M. Garon: Oui, on m'a dit que c'était deux minutes.
Le Vice-Président: De quelques minutes?
M. Garon: Non. On m'a dit que c'était une allocution de
cinq minutes. Tout le monde a été minuté, le temps a
été discuté et on m'a parié de cinq minutes.
Le Vice-Président: D'accord. Allez-y pour cinq minutes, M.
le ministre des Affaires internationales.
M. Paul Gobeil (réplique)
M. Gobeil: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec grand intérêt les interventions en
deuxième lecture sur le projet de loi 42, que ce soit celle du
ministre délégué aux Affaires internationales, du
député de Louis-Hébert, du député de
Lac-Saint-Jean ou du député de Saint-Jacques. Quant à
l'intervention du député de Lévis, je dois dire que, comme
d'habitude, c'est très décevant de l'entendre parler. Il a
parlé de toutes sortes de choses, sauf d'à peu près ce qui
concernait le projet de loi sous étude aujourd'hui.
Une voix: II ne l'a pas lu.
M. Gobeil: II ne l'a pas lu, évidemment. Il nous dit que
ce projet de loi n'est pas bon, mais il ne l'a pas lu. Qu'il commence donc par
le lire. De toute façon, on connaît le député de
Lévis. Je pense que plus personne ne l'écoute. Sa
crédibilité, quant à moi, est tout à fait nulle.
C'est un grand comédien qui est le seul à se penser
drôle.
M. le Président, les interventions d'aujourd'hui me confirment la
conviction, la mienne et celle du gouvernement, que l'action extérieure
du Québec se doit d'être mieux planifiée, mieux
organisée et bien dirigée. C'est dans ce sens-là que nous
avons élaboré le projet de loi 42 dans ses dimensions politiques,
économiques, sociales et culturelles.
Je me réjouis de constater une très grande convergence de
vues sur l'importance, pour le gouvernement du Québec, d'oeuvrer
à assurer le rayonnement du Québec à l'étranger et
à développer son action dans les divers secteurs
d'activité touchés par les affaires internationales. Je suis fier
aussi de voir que la tradition d'unanimité est continuée pour ce
qui touche les sujets relatifs aux affaires internationales. Et le
député de Lac-Saint-Jean a été très
éloquent dans ce sens-là.
Je me réjouis également de constater qu'à toutes
fins utiles, si on exclut le député de Lévis - et ce n'est
pas surprenant parce qu'il n'est jamais d'accord sur absolument rien et surtout
pas avec ce sur quoi est d'accord sa formation politique - l'Opposition est
d'accord avec moi sur l'opportunité de conduire nos affaires
internationales selon une politique claire et très cohérente.
C'est, justement, le but de ce projet de loi 42, M. le Président.
On a évoqué, principalement le député de
Lac-Saint-Jean, un manque de politique. Je pense qu'il y a une politique, M. le
Président. Elle est là. Il s'agit, pour nous, de donner suite
à ce qui a été fait jusqu'à maintenant. On l'a
évoqué, je l'ai évoqué, le député de
Lac-Saint-Jean l'a évoqué, de grandes choses ont
été faites au niveau international jusqu'à maintenant.
Nous avons en place tous les éléments pour continuer à
augmenter le rayonnement du Québec à l'étranger et
établir des politiques en tenant compte de ce qui a été
fait jusqu'à maintenant, en tenant compte aussi des changements qui
surviennent, semaine après semaine, dans le domaine interna- tional.
C'est, justement, pour ça qu'au moment de la formation de ce
nouveau ministère des Affaires internationales nous avons aussi
incorporé à la structure administrative une direction des
politiques et des priorités qui, avec les autres intervenants, que ce
sort au Québec, au Canada, à l'étranger, entre les
directions du ministère et avec les autres ministères et
organismes, verra à établir une direction, une orientation, une
politique pour le ministère des Affaires internationales.
On m'a reproché certaines choses dans les discours que
l'Opposition a tenus ce matin. On a parlé, entre autres, du
déplacement de personnel. Laissez-moi rassurer l'Opposition. Deux
personnes de Québec seront déménagées à
Montréal et deux personnes de Montréal seront
déménagées à Québec et ceci, à leur
demande.
Une voix: C'est une autre "balloune."
M. Gobeil: C'est une autre "balloune", effectivement, M. le
Président, quand on dit que 45 fonctionnaires sont
déplacés, c'est absolument vrai, je n'ai jamais dit ça, il
n'a jamais été question de ça.
M. le Président, le 2 août, en conférence de presse,
nous avons émis publiquement des intentions pour ce qui touchait la
réorganisation de façon à recevoir les oppositions ou les
accords. Et nous ne l'avons pas fait en cachette, nous avons clairement,
démocratiquement exposé ce que nous avions l'intention de faire.
À la suite de diverses représentations que nous avons
écoutées avec intelligence, nous avons finalisé une
structure qui, croyons-nous, est la meilleure pour le moment pour favoriser le
rayonnement du Québec. S'il devait y avoir d'autres changements, M. le
Président, nous n'hésiterons pas à les faire parce que ce
qui est important, c'est un plus grand rayonnement du Québec à
l'étranger.
M. le Président, on m'a prêté des intentions. Le
député de Lac-Saint-Jean m'a dit que j'avais encore l'intention
de déménager. Je peux le rassurer que je n'ai aucune intention de
cet ordre. Nous ferons ce qui sera le meilleur pour - et je le
répète pour la quatrième fois - le rayonnement du
Québec à l'étranger.
Quant à la réorganisation sur le plan administratif, nous
avions un comité de fonctionnaires qui nous ont conseillés dans
ce domaine et je crois sincèrement que ces fonctionnaires sont beaucoup
plus en mesure que les membres de l'Opposition de déterminer, avec le
gouvernement en place, quelle est la meilleure structure pour une plus grande
efficacité. Je suis sûr qu'ils ont une bien meilleure
compétence que qui que ce soit parmi les députés de
l'Opposition.
Le rapport Bergeron - et le député de Lac-Saint-Jean me
l'a mentionné, n'est pas - je ne l'ai pas encore en main. Je l'aurai
tout prochainement, selon mes informations. Il me fera plaisir de le rendre
public. Quant à la déclaration
du député de Lac-Saint-Jean concernant les ambassades du
Canada, j'ai bien dit, oui, qu'on devait se servir des ambassades parce qu'il y
a là des services qui sont accessibles au Québec. Je pense que,
comme membre de la Fédération canadienne, membre du Canada, le
Québec se doit aussi de se servir des services pour lesquels il
paie.
Évidemment, M. le Président, on m'attaque. Cela fait
presque 36 mois que les députés de l'Opposition m'attaquent. On
attaque ma nomination comme ministre des Affaires internationales. Je suis
convaincu que, dans sa grande sagesse et avec la compétence que tous lui
reconnaissent, cette nomination, le premier ministre du Québec l'a vue
pour le plus grand intérêt du Québec. Si j'ai su passer du
domaine des affaires au domaine de la chose publique, si j'ai pu - la
population pourra en juger - faire une marque principalement au Conseil du
trésor jusqu'à maintenant, je pourrai, dis-je, passer aussi des
fonctions de président du Conseil du trésor à celles de
ministre des Affaires internationales et contribuer, avec une équipe en
place, avec mes collègues, ministres et députés, a
favoriser le rayonnement du Québec et à développer le
Québec dans le domaine international. C'est notre premier but et le
projet de loi 42, M. le Président, corrigera ce qui devait être
corrigé. Il nous permettra cette plus grande action du Québec au
niveau international. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant clos,
est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 42, Loi sur le
ministère des Affaires internationales, est adoptée?
M. Jolivet: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi i la commission des institutions
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi 42 à la commission des
institutions pour étude détaillée.
Le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: II est maintenant passé 13
heures, nous allons suspendre nos travaux qui reprendront cet après-midi
à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 4)
(Reprise à 15 h 7)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Présence du ministre de la Culture de
l'Alberta
Avant de procéder aux affaires courantes, j'ai le grand plaisir
de souligner la présence dans la tribune du ministre de la Culture de
l'Alberta, M. Creg Stevens. M. Stevens, vous êtes le bienvenu.
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article c . du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 45
Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le
ministre responsable de l'application des lois professionnelles présente
le projet de loi 45, Loi modifiant la Loi sur les agronomes. Je vais
reconnaître M. le leader du gouvernement à la place de M. le
ministre.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Oui. Au nom de mon collègue, M. le
Président, je voudrais indiquer que ce projet de loi vise à
assouplir la procédure applicable au changement de nom d'une section, en
pourvoyant à la désignation des sections par un règlement
de l'Ordre des agronomes du Québec.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte de se
saisir de ce projet de loi?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement,
toujours à l'étape de la présentation de projets de
loi.
M. Gratton: Article a, M. le Président.
Projet de loi 47
Le Président: À l'article a du feuilleton,
aujourd'hui, M. le ministre responsable de l'application des lois
professionnelles présente le projet de loi 47, Loi modifiant la Loi sur
les chimistes professionnels. M. le leader du gouvernement au nom du
ministre.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, ce projet de loi vise
à harmoniser la Loi sur les chimistes professionnels aux dispositions de
la Loi sur les règlements et du Code des professions relativement
à l'approbation et à l'entrée en vigueur des
règlements.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte de se
saisir du projet de loi 47?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Article f, M. le Président.
Projet de loi 52
Le Président: À l'article f du feuilleton, M. le
ministre responsable de l'application des lois professionnelles présente
le projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur l'optométrie. M. le leader
du gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, ce projet de loi vise
à harmoniser la Loi sur l'optométrie aux dispositions de la Loi
sur les règlements et du Code des professions relativement à
l'approbation et à l'entrée en vigueur des règlements.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte de se
saisir de ce projet de loi 52?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a
présentation d'autres projets de loi, M. le leader du gouvernement?
M. Gratton: Non, M. le Président.
Le Président: Nous allons maintenant procéder au
dépôt de documents. M. le ministre de la Justice.
Rapport annuel du Curateur public
M. Rémillard: M. le Président, il me fait plaisir
de déposer le rapport annuel 1987 du Curateur public.
Le Président: M. le ministre de la Justice, votre document
est maintenant déposé.
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
Rapport annuel de la Commission des normes du
travail
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1987-1988 de la Commission des normes du
travail.
Le Président: M. le ministre, votre rapport est
déposé. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de
documents?
Dépôt de rapports de commissions.
Dépôt de pétitions.
Cet après-midi, il n'y aura pas d'intervention portant sur une
violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait
personnel. Avant de procéder à la période de questions ou
de réponses orale, j'avise les membres de cette Assemblée qu'if y
aura un complément de réponse apporté par M. le ministre
de l'Environnement à M. le chef de l'Opposition officielle au sujet du
coût de la toile qui recouvrait l'entrepôt de BPC à
Saint-Basile-le-Grand, question posée hier par M. le chef de
l'Opposition officielle. Alors, nous allons maintenant procéder à
la période régulière de questions et je suis prêt
à reconnaître une première principale à Mme la
députée de...
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Mme Blackburn: Chicoutimi. Le Président:
...Chicoutimi.
Fin de la campagne de sensibilisation à la
violence conjugale
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. En février
dernier, le ministère de la Justice et le ministère de la
Santé et des Services sociaux lançaient au Québec une
vaste campagne de sensibilisation pour s'attaquer aux problèmes de la
violence conjugale. Les résultats de la première phase ont
été tels que les différents services juridiques, policiers
et sociaux se sont vus débordés, que certaines maisons
d'hébergement pour femmes violentées se sont vues dans
l'obligation de refuser jusqu'à deux femmes sur trois qui se
présentaient. Devant les résultats, je dirais
inespérés, de la campagne, les deux ministères auraient
décidé de ne pas réaliser la deuxième phase de la
campagne de sensibilisation. Ma question est la suivante, M. le
Président. Comment la ministre peut-elle justifier l'abandon de la
deuxième phase du programme de sensibilisation, alors qu'elle donne de
si bons résultats et alors qu'elle-même déclarait qu'il
s'agissait là d'un problème urgent auquel il fallait s'attaquer
en toute priorité?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il me fait plaisir de
répondre à cette première question de la nouvelle
porte-parole de l'Opposition en matière de santé et de services
sociaux. Il est exact que, l'an dernier, il y a eu une campagne pour
sensibiliser la population à la violence faite aux femmes, et nous avons
fait cette première campagne avec les résultats que la
députée a signalés. Il faut bien comprendre que le
ministère, chaque année, fait un choix des campagnes de
sensibilisation qu'il doit mener. Cette année, dans la foulée
d'autres priorités du ministère,
nous avons arrêté notre choix sur une autre
problématique dont la campagne doit débuter probablement en
janvier et février. Il s'agit, en fait, d'une campagne touchant les
handicapés intellectuels.
M. le Président, nous croyons que cette première campagne
a eu des effets extrêmement bénéfiques. Nous croyons que
cette année notre priorité doit se déplacer vers une autre
problématique très importante aussi du réseau de la
santé et des services sociaux.
Le Président: Mme la députée de Chicouti-mi,
en additionnelle. Mme la députée de Chicou-timi.
Mme Blackburn: M. le Président, comment comprendre que la
ministre, en dépit des résultats obtenus, ait cru bon de faire
une solide sensibilisation des femmes violentées et n'ait pas
réussi à dégager les sommes nécessaires pour venir
en aide à ces femmes? Comment peut-elle expliquer que sa seule solution
réside dans le fait d'abandonner le programme de sensibilisation.
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, vous comprendrez que je
souhaiterais, dans divers domaines, mener des campagnes de publicité par
les moyens électroniques ou les moyens de communication écrits.
On sait que ce sont des campagnes qui sont quand même coûteuses.
L'an dernier, de mémoire, je crois que cette première campagne
nous a coûté 600 000 $. Ce qu'il ne faut pas oublier et qui est
encore plus important, M. le Président, c'est que de 1986 à 1988,
nous avons augmenté les budgets pour les maisons d'hébergement
pour femmes battues de 104 %. M. le Président, je pense qu'il ne s'agit
pas d'un manque d'intérêt, mais il s'agit de procéder selon
des priorités qui sont retenues par mon ministère. On pourrait
aussi faire des campagnes de publicité, de promotion de la santé;
nous en faisons à l'occasion. Nous en faisons une présentement au
sujet des maladies transmises sexuellement. Nous ne pouvons pas multiplier ces
campagnes. Il faut aussi, je pense, de l'argent en service direct à la
population et, dans le cas des maisons d'hébergement pour femmes
battues, nous avons fourni une augmentation de 104 % pour les trois
dernières années.
Le Président: Mme la députée de Chicouti-mi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: M. le Président, comment la ministre
peut-elle accepter...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Blackburn: ...qu'à la suite de la sensibilisation
qu'on a faite au Québec auprès de ces femmes, les femmes qui ont
aujourd'hui le courage de dénoncer ces situations n'aient d'autre choix
que de retourner vivre dans leur milieu violent? Comment la ministre peut-elle
accepter cela?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est évident
qu'il pourrait y avoir davantage de ressources pour les femmes victimes de
violence. Personne ne conteste cela dans cette Chambre, mais je crois que les
efforts que nous avons fournis durant les trois dernières années
sont très significatifs, puisqu'il s'agit d'une augmentation très
significative. Je voudrais corriger le pourcentage que j'ai donné.
J'avais dit 104 %, c'est une augmentation de 99 %. En fait, c'est du simple au
double pour une période de trois ans. Je pense que ce sont là des
efforts extrêmement importants. Reste-t-il encore des besoins à
combler? Malheureusement, oui dans ce domaine comme dans d'autres.
Le Président: Mme la députée de Chicouti-mi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: M. le Président, ma question est claire et
simple. Les femmes qui ont dénoncé ces situations, à
quelle aide peuvent-elles s'attendre? Je parle de ces femmes, deux sur trois,
qui sont obligées de retourner chez elles faute de services? Qu'est-ce
que la ministre entend faire pour elles?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, la députée
de Chicoutimi peut répéter sa question à
satiété, si elle le veut. Lorsque nous avons hérité
du dossier, il y avait déjà eu des efforts de faits, moi, je suis
prête à reconnaître cela. Il y avait, à ce
moment-là, un budget de 6 000 000 $ pour les maisons
d'hébergement pour femmes battues. Au moment où je vous parle,
nous avons un budget de 12 000 000 $ et Mme la députée trouve que
ce n'est pas encore suffisant. L'an prochain, selon le plan triennal qui a
été prévu il y aura encore au-delà de 1 000 000 $
qui seront ajoutés pour les maisons d'hébergement pour femmes
battues. Il faudrait que la députée de Chicoutimi réalise
que ce sont des efforts plus que significatifs et qu'il y a d'autres domaines
dans lesquels il nous faut aussi intervenir. Je pense que nous avons fait,
à l'égard des femmes victimes de violence, des efforts
très considérables.
Le Président: Je vais reconnaître la deuxième
question principale cet après-midi à M. le député
de Lévis.
L'utilisation des lignosulfonates sur les
routes
M. Garon: En voulant rectifier des faits qu'ils
considéraient inexacts, les ministres des Transports et de
l'Environnement ont eux-mêmes déformé la
réalité. J'aimerais dire tout simplement, en préambule,
que, d'abord, lorsque le ministre des Transports dit que les lignosulfonates
sont étendus sur 4 % des routes non pavées, il mêle les
choux et les raves, puisque les produits servant d'abat-poussière sont
étendus sur 10 000 kilomètres de route au Québec. Cela ne
donne rien de parler des 30 000 kilomètres où il n'y a quasiment
pas de circulation et où on n'a pas besoin d'abat-poussière.
Alors, il faut parler de celles qui reçoivent de
l'abat-poussière. On est loin du 4 % en volume.
Quant au ministre de l'Environnement, il aurait intérêt
à relire l'étude du Dr Delisle; il se rendrait compte que les
titres bibliographiques ne s'arrêtent pas à 1977. Au contraire,
sur les treize titres cités, six sont postérieurs à cette
date. De même, il aurait intérêt à voir
l'étude aussi; des tests ont été faits sur des poissons
à partir d'échantillons de lignosulfonate utilisés par le
ministère des Transports, en 1987. Si le ministre n'a pas
l'étude, je peux lui en procurer une copie.
Ma première question s'adresse au ministre des Transports. Le
ministre ne reconnaît-il pas que près de la moitié, soit 44
% de la quantité des produits abat-poussière répandus par
le ministère des Transports en 1987 étaient composés de
lignosulfonates? Il s'agit d'environ 17 700 mètres cubes, ce qui
équivaut environ à 19 000 ou 20 000 tonnes métriques de
lignosulfonates étendues sur les routes de gravier du Québec.
Le Président: M. le ministre des Transports. (15 h 20)
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, on
rappelle ce qu'on a dit hier. C'est une expérience qui, dans un premier
temps, a été menée en Abitibi-Témiscamingue, en
1979, 1980, 1982, 1984 et 1986. Nous étions dans une situation de
monopole qui faisait en sorte que nous étions pris avec du calcium,
point, "period", à la ligne. En ce sens, 1987 et 1988 ont
été deux années d'expérience afin de
vérifier si effectivement le coût de ces produits et le rendement
de l'application de ces produits faisaient en sorte qu'on puisse avoir un
produit compétitif tout en ayant une préoccupation sur le plan
environnemental. C'est ce que nous avons fait au cours de l'année 1987
et au cours de l'année 1988. Et, lorsque le député de
Lévis s'attaque et s'attache uniquement aux résultats de 1987, je
lui dis qu'il lui manque la moitié de l'expérience qui est celle
de 1988 dont les résultats finaux seront disponibles au cours du mois de
novembre et que je les lui transmettrai, s'il le veut, afin de faire la
comparaison. À ce moment-là, on pourra discuter de
l'expérience de deux ans et pas uniquement de celle de 1987.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, il m'est difficile de me
référer à une étude qui n'est pas encore faite pour
1988. Est-ce que le ministre considère que l'utilisation de
lignosulfonates peut toujours être qualifiée d'expérience
lorsque son produit représente 44 % du volume des produits
abat-poussière étendus au Québec? 44 %, on n'est pas dans
quelques cuillerées.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: 44 %, près de 20 000 tonne,s par année en
1987 et en 1988, est-ce qu'on est toujours dans les expériences?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
comprends le député de Lévis de tenter à nouveau de
souffler dans la balloune. Il a paru très évident, dès
hier, que c'était une balloune qui était un peu gonflée,
un peu grosse pour ce qu'il était capable de supporter. Il faut revenir
véritablement à l'implication réelle. Nous avions un
produit qui n'avait pas de concurrence, un produit qui avait été
vérifié sur le plan régional, en Abitibi, à base
d'ammoniac celui-là, alors que celui de Reed est à base de
calcium. Et, lorsqu'on parle de lignosulfonate à base de calcium dans le
cas de Reed, dites-moi, dans certains cas, si le calcium n'est pas du calcium
pur dans le cas de l'épandage ailleurs. Cette
expérience-là, on l'a menée dans des territoires plus
propices, soit le sud du Québec, sur le plan du granulaire. Si vous ne
savez pas ce qu'est le granulaire, c'est la grosseur de la poussière qui
peut devenir un caillou. L'action du lignosulfonate fait que ça colle,
il y a moins de poussière qui lève. C'est ça
l'expérience qui a été menée.
Oui, elle a été étendue à une région
beaucoup plus grande pour pouvoir vérifier si, effectivement, on
était capable d'avoir un produit compétitif sur le plan des prix
et, en 1988, on a tendance à nous démontrer, en termes de
chiffres, qu'on a atteint cet objectif. L'autre préoc-coupation
étant celle de la qualité de l'environnement, ce produit a
été vérifié et analysé par plusieurs
personnes, et il n'est pas un produit toxique, il n'est un produit dangereux
que dans la mesure où il est employé avec quatre tonnes au
mètre carré, alors que nous avons employé un point cinq
tonne au mètre carré. Dans la mesure où il n'est pas
dangereux, il ne l'est pas. Mais parlez-moi donc des vertus du calcium, et on
pourra s'en reparler par la suite.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Je ne peux pas rétablir tous les points. Hier,
vous avez parlé de 30 kilomètres des cours d'eau, et
c'était plutôt 30 mètres, et aujourd'hui, vous pariez de
tonnes, alors que je parie de litres.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Garon: Mais, je vais poser une question. Je ne peux pas
rétablir tous les faits, parce que le ministre se fourvoie dans ses
mètres, dans les kilomètres... En tout cas! Le ministre peut-il
reconnaître que les lignosulfonates, même s'ils représentent
44 % du volume épandu en 1987, n'ont permis de traiter que 18 % des
kilomètres qui ont reçu des produits abat-poussière? Cela
en prend deux fois et demie plus.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il
est clair que lorsqu'un gars a été retiré au bâton,
quand il revient, il veut toujours essayer de faire oublier sa dernière
performance. Cela, c'est clair, et c'est le cas du député de
Lévis actuellement.
On n'a pas tenté de nier le résultat de l'étude de
1987, c'est clair, c'est une étude du ministère que vous avez
entre les mains. Ne vous en faites pas, celui qui vous l'a
expédiée, l'a expédiée a mon collègue de
l'Environnement, avec l'étude du Dr Delisle, et il me l'a
expédiée aussi, il me l'a remise. Alors, ce n'est une surprise
pour personne, et je l'avais vue moi-même au ministère. À
partir de 1988, on a apporté les correctifs nécessaires pour
être capables de faire la deuxième année sur le plan de
l'expérience. Vous me pariez de 1987 moi je vous parie de 1988 parce que
c'est la dernière année au plan des expériences. Je vous
ai dit que nous aurons la totalité de l'analyse en 1988 comme on l'a eue
en 1987. Je prendrai le soin de vous l'expédier moi-même pour que
le même individu ne vous l'expédie pas à ce tour-ci. Vous
pourrez comparer. À ce moment-là on se pariera des
résultats de 1988 qui sont fort différents de ceux de 1987.
Le Président: M. le député de Lévis
en additionnelle.
M. Garon: Est-ce que le ministre de l'Environnement
reconnaît qu'il a mal apprécié la valeur de l'étude
du Dr Delisle en disant que la recherche bibliographique de l'auteur
s'arrêtait à 1977 - ce qui est inexact - et en ne pariant pas de
l'existence des résultats des tests réalisés par le Dr
Delisle lui-même avec des truites arc-en-ciel?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, lorsque j'ai cité
l'étude du Dr Claude Delisle, pour dire que les références
s'arrêtaient en 1977 à part une référence du
Globe and Mail de 1987 et une lettre personnelle du Dr Brouzes en 1987,
je citais l'étude de novembre 1987. Il y a eu deux études.
À ce moment-là on ne m'avait pas communiqué l'étude
de septembre 1988. D'accord, ne vous excitez pas!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Uncoln: Et ça démontre que le Dr Delisle, dans
son étude de 1987, réalisait lui-même qu'il manquait
à sa bibliographie toutes les études des années 1980.
D'accord?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Uncoln: Ceci étant dit, je vais déposer ici une
étude de Mme Marie-Andrée Rousseau, du ministère de
l'Environnement, datant d'octobre 1986. Je vais citer un passage à la
page 20. Brièvement, M. le Président, si vous me permettez.
Souligné. "Le ministère de l'Environnement de l'Ontario indique
qu'il n'y a aucune raison valable de prohiber l'usage du tembid comme
abat-poussière. Tout comme l'Ontario et considérant le rapport de
Brochu 1984, annexe 4 - et vous pourrez tout le lire puisque vous êtes
maintenant spécialiste de l'abat-poussière...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lincoln:... "il semble que le lignosulfonate puisse être
un substitut acceptable au chlorure de calcium comme abat-poussière. "
Et c'est ça la conclusion à laquelle le ministère de
l'Environnement en est arrivé jusqu'à présent,
après des études qui ont commencé bien avant nous, qui ont
commencé en Abitibi-Témiscamingue et qui se sont poursuivies. En
1984, il y a eu un rapport du ministère qui a été
transmis...
Le Président: Conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln:... à la Direction régionale
d'Abitibi-Témiscamingue sous votre juridiction, à ce
moment-là, la juridiction de votre gouvernement, qui concluait cela. Si
vous avez d'autres questions, je vais vous répondre avec plaisir.
Une voix: Parfait.
M. Lincoln: Le nouveau spécialiste en lignosulfonates.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, une question additionnelle
à deux volets. Est-ce que le
ministre a autorisé le ministère des Transports à
effectuer l'épandage de 19 518 tonnes de ligno-sulfonates en 1987 et de
17 986 tonnes en 1988 sur les routes du Québec? Est-ce que le
ministère de l'Environnement assure un suivi à propos de
l'épandage de ces lignosulfonates ou si le ministère des
Transports est sur le pilote automatique?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je vais commencer par la deuxième question. Ce
sera très simple, la réponse est oui. De plus, le ministre de
l'Environnement et le ministre des Transports travaillent de concert sur cette
question. En 1989 dans la programmation, il y aura une étude tout
à fait détailllée des dernières évaluations
sur les abat-poussière en général au Québec,
incluant tout ce qui est utilisé aujourd'hui. Pour revenir à la
première question, faut-il l'autorisation du ministère de
l'Environnement pour le calcium, le sel, pour les lignosulfonates? La situation
au Québec, c'est qu'il faut la donner pour le sel, pour le calcium.
Aujourd'hui, on assure un suivi des produits; on fait des études sur les
produits. Rien n'a changé. C'est la même situation qui existait
auparavant au ministère de l'Environnement qui existe encore
aujourd'hui. C'est ça, la situation.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Non. Je voudrais tout simplement que le ministre
accepte, en vertu de l'article 214, de déposer l'étude qu'il a
citée sur la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
M. Lincoln: Excusez-moi. Ce n'est pas...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre, je vous ai accordé la parole.
M. Lincoln: Je l'ai citée; je la dépose.
L'étude de M. Brochu est annexée à l'étude
de
Mme Rousseau. Vous serez tout à fait disposés à la
lire.
Le Président: II y a consentement.
M. Lincoln: Cela s'est passé sous votre régime, en
1974.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement, votre
document est maintenant déposé avec le consentement de cette
Assemblée.
Toujours en additionnelle, M. le député de
Lévis?
M. Garon: Une dernière. (15 h 30)
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Lévis.
M. Garon: J'aimerais, M. le Président, que le ministre
réponde plus clairement. Est-ce qu'il assure un suivi des conditions
dans lesquelles se fait l'épandage par le ministère des
Transports et est-ce que le ministère de l'Environnement s'assure
également que les conditions minimales d'application auxquelles a
référé le ministre des Transports, hier, sont
également respectées et suivies par les municipalités qui
utilisent ce produit? parce qu'on se sert de l'argument que le ministère
des Transports les utilise pour en vendre aux municipalités qui en
achètent. Quel suivi est fait dans un cas comme dans l'autre?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je dirai ceci au
député de Lévis. La vérité est
évidente. Si le ministre de l'Environnement a pris la peine de faire
faire une étude par M. Brochu en 1984 et une autre étude par Mme
Rousseau en 1986, c'est naturellement qu'il s'intéresse à la
chose. Vous croyez que Mme Rousseau a pondu toutes ces affaires-là?
Naturellement, elle s'est inspirée de toutes les expériences qui
se font au Québec, c'est un suivi continuel. Je vous dis que, dans la
programmation 1989-1990, et ça c'est bien avant que vous commenciez
à découvrir le sujet, le ministre de l'Environnement avait
déjà dans sa programmation future une étude
détaillée sur toute l'évaluation complète de tous
les abat-poussière au Québec, pas juste les lignosulfonates, mais
tous les autres, le calcium et tout le reste. Donc, le ministre de
l'Environnement suit le dossier de près, fait des évaluations de
près, n'a pas besoin de demander des autorisations. Il suit les
critères d'utilisation qui sont utilisés par le ministère
des Transports. Nous avons la confirmation du ministère des Transports
que c'est utilisé ainsi. Voilà.
Le Président: Je vais reconnaître une
troisième question principale cet après-midi à M. le chef
de l'Opposition.
Entente de principe avec les techniciens
ambulanciers
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Le 22 septembre
dernier, le ministre délégué à la Famille, à
la Santé et aux Services sociaux annonçait la conclusion d'une
entente de principe entre le ministère de la Santé et le Syndicat
des techniciens ambulanciers. Une petite question. Est-ce qu'il pourrait me
dire en vertu de quelle loi il peut conclure lui-même une entente de
principe avec le Syndicat des techniciens ambulanciers?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Service sociaux.
M. Dutil: M. le Président, le chef de l'Opposition se
réfère sans doute au fait que les employeurs ont émis un
communiqué de presse le lendemain en mentionnant qu'ils n'avaient pas
été suffisamment consultés. J'ai tout de suite
répondu à ce moment-là que les employeurs qui sont les
propriétaires d'ambulances - on sait qu'il y en a 191 dans la province
de Québec qui sont des propriétaires d'ambulances et qui sont les
véritables employeurs des techniciens ambulanciers - étaient
à la table de négociation et ont suivi tout le processus
jusqu'à la toute fin, sauf quelques heures avant, ce qui les a fait
protester.
Quand on a parlé d'un accord de principe à la table de
négociation, il y avait accord de principe sur des mandats qui avaient
été acceptés non seulement par le gouvernement, mais par
les représentants des employeurs autour de la table.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je reprends ma question. En
vertu de quelle loi le ministre peut-il se substituer aux employeurs dans le
domaine du travail ambulancier?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: M. le Président, je viens de répondre au
chef de l'Opposition que nous ne nous substituons pas aux employeurs dans le
domaine de la négociation. Nous sommes à la table de
négociation, les employeurs y sont et les représentants des
syndiqués y sont aussi. Je ne dis pas qu'il s'agit là d'une
situation habituelle, je ne dis pas qu'il s'agit d'une situation facile. Le
chef de l'Opposition connaît très bien le dossier du secteur
ambulancier. Il a lui-même eu l'occasion d'aller négocier autour
d'une table à Montréal. En vertu de quelle loi? Il faudrait lui
poser la même question. Il a pu lui-même faire non pas une entente
de principe mais signer une quasi convention collective à
Montréal à cette occasion.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je vais essayer de
reformuler ma question pour aider le ministre à en arriver à
répondre à la question.
Est-ce en vertu de la loi 37 sur la fonction publique qu'il a
négocié ladite convention?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: M. le Président, je répète au chef
de l'Opposition que le gouvernement était présent à la
table de négociation mais que les négocia- teurs sont les
employeurs qui sont les propriétaires d'ambulances, qu'ils ont suivi
tout le processus avec nous et que le litige de fin de négociation,
à mon avis, est résorbé à toutes fins utiles.
M. Chevrette: Est-il exact, M. le Président...
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce que les propriétaires ambulanciers
sont bel et bien des corporations accréditées en vertu du Code du
travail?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: II y a plusieurs situations chez les
propriétaires ambulanciers. Certains ne sont pas incorporés,
certains travaillent... Puisqu'il y a de petites entreprises, comme on le sait,
certains propriétaires sont à la fois propriétaires et
techniciens ambulanciers et ne sont pas incorporés. J'ai vécu un
cas dernièrement d'ailleurs où il y avait un transfert de permis
à effectuer où ça posait une certaine difficulté.
Il y a d'autres situations où les employeurs sont incorporés,
selon la loi qui permet d'être incorporé pour une corporation
à but lucratif et il y a d'autres situations où il y a des
entreprises sans but lucratif qui sont incorporées. On en
dénombre au total environ une douzaine dans la province de
Québec. Comme on le voit, il y a une multitude de situations, mais tous
ces renseignements sont très bien connus du chef de l'Opposition, M. le
Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais permettre au
ministre de connaître son dossier aussi. Sont-ils
accrédités en vertu du Code du travail pour pouvoir conclure une
convention collective? Le type d'incorporation des employeurs, je connais
ça. Ce que je voudrais savoir, c'est si les salariés sont bel et
bien accrédités en vertu du Code du travail et qu'ils ne
négocient pas à ce moment-là en fonction de la loi 37. Si
vous me répondez à un début de question parce que
ça fait quatre questions que je vous pose et que je n'ai aucune
réponse...
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: M. le Président, l'accréditation des
techniciens ambulanciers est accordée en fonction de chaque entreprise,
en fonction du Code du travail. Ce sont les employés des entreprises.
Alors, quand il y a une demande d'accréditation, c'est en fonction de
cette
entreprise et non pas d'autres formules.
Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle, en
additionnelle.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais donc
demander au ministre, étant donné que les salariés sont
accrédités en fonction du Code du travail et qu'ils doivent
négocier avec leur employeur, comment peut-il s'être
substitué lui-même aux employeurs en vertu d'aucune loi puisque,
le 5 juillet dernier, il recevait une lettre de tous les propriétaires
ambulanciers de la région de Montréal disant qu'ils lui
défendaient de négocier pour et en leur nom, de ne pas nommer M.
Jean-François Munn comme négociateur parce que ce sont eux qui
sont accrédités en fonction du Code du travail? Comment peut-il
se substituer à tous les propriétaires ambulanciers de la
région de Montréal qui lui défendaient de négocier
pour et en leur nom et comment peut-il décider qu'il conclut une entente
avec les autres propriétaires disant qu'ils étalent à la
table, alors que l'ensemble des propriétaires ambulanciers, par la voix
de leur corporation, dénoncent cette entente parce qu'ils ne sont pas
d'accord avec le contenu? De quel droit s'est-il substitué à
l'employeur dans les circonstances?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. M. le
ministre.
M. Dutil: M. le Président, hormis toutes les lettres que
pourrait sortir le chef de l'Opposition, je rappelle que les employeurs ont
été présents, et ont suivi le processus de
négociation durant tout ce processus.
M. Chevrette: De son siège, est-ce que le ministre...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: ...prétend que les propriétaires
ambulanciers, propriétaires de Montréal touchant tout le
réservoir d'Urgences-santé étaient à la table de
négociation ou si leur porte-parole, qui est Me Guy Tremblay, ne l'a pas
avisé qu'aucun de ses propriétaires, à compter du 5
juillet, ne serait là et qu'il défendait au ministre de parler
pour et en leur nom?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: M. le Président, je pourrais sans doute
déposer une liste de toutes les rencontres qui ont eu lieu et où
étaient présents les propriétaires. Je pense que ça
pourrait être intéressant pour le chef de l'Opposition de
connaître ce fait. Je dois vous avouer qu'on a toutefois un
problème actuellement, celui de savoir qui représente les
propriétaires de Montréal, puisqu'un autre bureau d'avocats s'est
présenté avec un mandat de ces mêmes propriétaires,
qui n'est pas le même bureau d'avocats que celui de M. Tremblay.
Nous avons là un imbroglio qui, à mon point de vue, ne
relève pas de nous, mais relève des employeurs qui, en cours de
route, semblent vouloir changer de représentants.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, le ministre, qui est
porte-parole et porte-étendard de ce dossier, devrait savoir qu'il y a
un bureau d'avocats qui représente des employeurs dans les relations du
travail et un autre qui représente les employeurs dans
d'éventuelles ventes à des coopératives "backées"
par le ministre lui-même.
Le ministre sait-il que la SDC, sous sa recommandation, fournit des
prêts à des coopératives d'une centrale et refuse ces
mêmes prêts à des coopératives à se former
avec une autre centrale syndicale? Pourrait-il expliquer ça dans cette
Chambre? (15 h 40)
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: Je pense qu'il va falloir que le chef de l'Opposition
soit plus précis parce que ce n'est pas exact ce que j'entends.
D'accord?
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Je vais être plus précis, M. le
Président. Je croyais que le ministre était à la fine
pointe de son dossier. Le ministre est-il au courant que la SDC, la
Société de développement coopératif refuse de faire
des prêts à la FTQ qui a fait une demande expresse de former une
coopérative au lieu et place d'un monsieur à qui vous avez
enlevé le permis sur la rive sud et que c'est à la demande du
ministre actuel qu'il veut donner le monopole à la CSN?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
M. Dutil: M. le Président, je comprends le dossier, je
comprends à quoi fait référence maintenant le chef de
l'Opposition. Il parle d'un dossier où le ministère a
décidé d'enlever le permis à celui qui opérait
à la suite d'infractions qui avaient été commises et pour
lesquelles cette compagnie a été condamnée. Le litige est
le suivant: cette compagnie, qui s'est vu retirer ses permis, a demandé
que le ministère accepte une transaction ultérieurement à
l'avis de retrait de ses permis qui lui avait été donné,
que le ministère accepte une transaction versus soit une
coopérative, soit une autre personne qui est un de ses employés.
Le ministère est actuellement
en réflexion. Nous devons apporter une réponse
là-dessus. Il ne s'agit pas du tout, à ce moment-ci, de savoir si
la SDC ou un autre organisme refuse ou accepte des prêts. Nous n'en
sommes pas rendus là et de loin. Nous sommes à nous poser la
question s'il est justifié d'accepter ou non cette transaction.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, dernière question
additionnelle. Le ministre pourrait-il au moins, dans son propre dossier,
demander aux dirigeants de la Société de développement
coopératif, pourquoi d'abord ils répondent au nom du ministre
à la FTQ qui a des travailleurs syndiqués chez le monsieur
à qui vous enlevez les permis? Pourquoi la SDC invoque-t-elle
précisément les motifs du ministre pour dire: Non, nous allons
donner le tout à la CSN et il n'est pas question, même si vous
êtes des syndiqués de la FTQ, de vous former une
coopérative puisque le ministre a l'intention de tout donner à la
CSN?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. M. le
ministre.
M. Dutil: M. le Président, c'est la première fois
que j'entends une pareille déclaration. Je dois vous préciser
qu'à mon point de vue, cette demande de la FTQ de former une
coopérative pour ses employés est une nouveauté. Il semble
bien qu'à la FTQ on s'opposait à ce modèle qui existe
maintenant depuis un an dans la province de Québec. On parle d'ailleurs
de la Coopérative de la rive sud qui est ici en question. C'est à
la suite du retrait des permis, je le rappelle M. le Président, par le
ministère, à la suite de la condamnation du propriétaire
pour les motifs qui ont été rendus publics et qui sont connus,
qu'une initiative est apparue de la part de la FTQ, savoir de former une
coopérative alors que nous en sommes à nous poser la question
suivante au ministère: Est-ce que la transaction qui a été
faite à la toute dernière minute, qui a été
envisagée à la toute dernière minute doit être
acceptée par le ministère et est-ce que des permis que nous avons
annulés devront être transférés, non pas à
une coopérative puisque ce n'est pas une coopérative qui aurait
acheté mais un individu, et à cet individu est-ce qu'on doit
transférer, est-ce qu'on doit remettre les permis?
Le Président: Je vais reconnaître la
quatrième question principale, cet après-midi, à M. le
député de Bertrand. M. le député de Bertrand.
Recyclage d'huiles contaminées aux BPC
M. Parent (Bertrand): M. le Président, dans la
foulée de la saga sur les BPC, nous apprenions ce matin dans le journal
La Presse que Marc Levy, désormais de célèbre
réputation, qui est toujours au large, d'ailleurs, et toujours
introuvable, procédait depuis un certain temps au recyclage d'huiles
usées sur les BPC et ce, en les mélangeant à d'autres
huiles pour ensuite les réintroduire sur le marché. Ces
opérations étaient effectuées à l'usine de Lubrimax
à Saint-Lazare. Le ministre de l'Environnement peut-il nous dire s'il
était au courant de ces faits et gestes de cette entreprise Lubrimax et
depuis combien de temps?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je vais répondre
à cette question en deux volets. Tout d'abord, toute la question qui a
trait à l'enquête de la Sûreté du Québec, je
vais répéter exactement ce que je répétais
déjà. Aujourd'hui, à la suite de l'article de La
Presse, mon sous-ministre a fait une vérification au Bureau du
Procureur général. La question de tous les permis de M. Levy,
incluant la filiale Lubrimax où H y a un permis depuis 1981, est sujette
à une enquête de la Sûreté du Québec. Mais, ce
que je vais répondre au député, c'est que je suis
prêt à lui donner tous les détails possibles sur le cas de
Saint-Basile où il y a eu beaucoup d'actions de prises et sur Lubrimax,
concernant la santé et la sécurité publique. Donc, je suis
prêt à répondre à toutes les questions qu'il me
posera là-dessus.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre de l'Environnement
était au courant de ce qui se passait à Saint-Lazare? Si oui,
depuis quand?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je vais répondre
très clairement au député. Je n'ai pas envie d'entrer dans
toute l'affaire Lubrimax. Qui savait quoi? Quand les permis ont-ils
été émis? Comment cela a commencé? Comment cela a
évolué? Ce que je sais là-dessus, je ne le dirai pas.
Des voix: Ah! Ah!
M. Lincoln: Ce que je sais là-dessus, je ne le dirai pas
pour des raisons bien précises.
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Lincoln: Toute cette affaire est sujette à une
enquête de la Sûreté du Québec. Je pense, en plus de
la question...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, vous avez la parole.
M. Lincoln: D'accord. En plus, il y a nos règlements qui
sont très clairs, très très clairs, il y a aussi la
question de bon sens. Il y a une enquête qui a été
demandée à la Sûreté du Québec. Je pense que
du côté du député de Bertrand, de mon
côté comme du côté de tous les gens de cette Chambre,
on veut faire la lumière sur cette chose, sans aucune exception
possible. Je ne vais rien dire qui va porter préjudice à une
enquête. Nous voulons aboutir à des conclusions très
précises. Mais si le député de Bertrand veut savoir tout
ce qui a été fait par rapport à Lubrimax, pour apporter
des mesures afin d'assurer la sécurité et la santé
publique, afin de faire des échantillonnages par rapport aux BPC qui
pourraient se trouver sur le sol, je suis tout à fait disposé
à répondre à ces questions.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, je comprends mal
comment il se fait que le ministre refuse de répondre à une
simple question, à savoir s'il était au fait de ce qui se passait
à Saint-Lazare. Oui ou non, était-il au courant? Je ne vois pas
de quelle façon cela peut nuire au dossier et comment cela peut causer
préjudice à qui que ce soit. Est-ce que le ministre était
au courant de ce qui passait?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: C'est bien simple. Tout d'abord, le
député de Bertrand impute comme des faits ce qu'il a lu dans La
Presse; c'est pourquoi il y a une enquête, du reste. Il n'y a rien qui
est établi, il prend cela comme des faits, de l'argent comptant ou la
Bible. Je ne sais pas si c'est la Bible. La Sûreté du
Québec enquête sur la chose. Je répète que je ne
vais pas répondre à cette question spécifiquement. Si vous
me posez des questions par rapport aux mesures sur la santé publique,
sur tout ce qui a été fait par le ministère, sur les
mesures prises pour assurer la santé et la sécurité
publique, je suis tout à fait disposé à vous
répondre. Beaucoup de choses ont été faites, c'est tout. "
Le Président: M. le député de Bertrand, en nelle.
Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre de l'Environnement peut
nous dire si son ministère a procédé, au cours des trois
dernières années, a des vérifications en vertu de
l'article 10 du règlement sur les déchets dangereux, lequel
était en vigueur depuis le 15 octobre 1985? Est-ce que dans le cas de
Lubrimax, son ministère a fait les vérifications d'usage qui sont
incluses à l'article 10, lesquelles donnent le droit et même le
devoir au ministère de le faire?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: II y a eu des interventions du ministère et
c'est tout ce que je vais vous dire.
C'est tout! Il y a eu des interventions du ministère, c'est
tout.
Le Président: Alors, je vais reconnaître une
cinquième principale cet après-midi, M. le député
de Roberval.
M. Blackburn: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Contrats d'approvisionnement en bois proposés
aux industriels
M. Blackburn: Le Québec est une province qui regorge de
ressources naturelles.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Blackburn: Le milieu de la forêt est, entre autres,
générateur de plusieurs milliers d'emplois regroupés dans
des usines et autres paliers de production.
Une voix: On ne peut rien vous cacher.
M. Blackburn: Le secteur forestier constitue donc une
activité économique importante au Québec et primordiale
dans certaines régions, comme celles de la Côte-Nord et du
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
J'aimerais que le ministre délégué aux Forêts
nous indique ses intentions ou, à tout le moins, nous fasse état
de la situation en ce qui a trait aux allocations de bois aux compagnies,
compte tenu de l'appréhension de certaines régions quant au bois
qui serait coupé chez elles mais transformé ailleurs.
Une voix: Bonne question, une question intelligente.
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts. (15 h 50)
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je remercie M. le député de Roberval pour cette
question qui préoccupe évidemment beaucoup de personnes
soucieuses comme lui du développement régional. J'ai eu
l'occasion^ de m'exprimer sur ce sujet lundi soir à Sept-îles et
hier soir aux Escoumins. Avant le régime forestier, partout au
Québec, à l'exception de la Côte-Nord, le niveau de
l'aménagement, le niveau des coupes dépassait
les possibilités sur une base de rendement soutenue. C'est
évident que certaines usines de transformation localisées dans le
centre de la province ont besoin des approvisionnements en provenance de ces
régions. Afin d'assurer le fonctionnement normal de ces usines, on leur
accorde des approvisionnements. Sauf exception, l'ensemble de notre pays est
basé sur le transfert des ressources d'une région à
l'autre. Il en est ainsi au Québec, entre les régions du
Québec. L'effet multiplicateur de l'extraction des ressources naturelles
est transmis à l'ensemble des citoyens qui ont des droits égaux
quant aux services qu'ils reçoivent de l'État, soit pour la
santé, le bien-être social et l'éducation. Le bon sens,
l'équité et la loi obligent le ministre à satisfaire aux
besoins résiduels des entreprises forestières qui y ont droit. On
essaie évidemment de localiser le développement d'usines dans la
ou les régions...
Des voix:...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. ...où
H existe des surplus de possibilités...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...afin de
satisfaire les besoins résiduels des entreprises au moyen des contrats
d'approvisionnement et d'aménagement forestier qui sont en voie
d'être proposés aux industriels.
Le Président: La sixième question principale est
accordée à M. le député de Duplessis. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. J'aurais le goût
de poser quelques questions additionnelles au ministre
délégué aux Forêts, mais je vais passer à mon
propre dossier.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Duplessis, en principale.
Chasseurs québécois arrêtés
par des
gardes-chasse terre-neuviens dans la
zone 19, au Labrador
M. Perron: Alors, M. le Président, je vais attendre le
remaniement. Le 17 septembre dernier, quatre chasseurs québécois
ont été arrêtés par trois gardes-chasse
terre-neuviens et deux agents de la GRC sur le territoire
québécois de la zone 19 en Basse-Côte-Nord du golfe
Saint-Laurent dans le comté de Duplessis. Ils ont été
emprisonnés à Goose Bay, ont dû payer un cautionnement de
1000 $ pour en sortir et faire la promesse de se présenter devant un
tribunal terre-neuvien le 23 novembre prochain. Le 27 septembre, ces chasseurs
faisaient parvenir une lettre au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche demandant d'être défendus par le gouvernement du
Québec qui se doit d'assurer l'intégrité du territoire
québécois. Cette demande a été
réitérée par l'Opposition officielle le 12 octobre
dernier. Depuis lors, seul un accusé de réception laconique du
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche est parvenu aux quatre
chasseurs concernés. Ma question s'adresse au ministre de la Justice.
Est-ce que le ministre entend faire en sorte que les quatre chasseurs
québécois soient informés...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Votre question. M. le député de Duplessis, votre question au
ministre de la Justice.
M. Perron: M. le Président, nonobstant ce que fait la
garderie libérale...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perron: ...est-ce que le ministre de la Justice entend faire
en sorte que les quatre chasseurs québécois soient
informés du suivi qu'il donne à ce dossier ou va-t-H les laisser
pour compte?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rémillard: ...de fait, j'ai été
informé qu'une poursuite a été intentée par les
autorités de Terre-Neuve contre quatre chasseurs québécois
qui étaient dans la zone 19, au Labrador, et que des procédures
devraient avoir lieu le 23 novembre prochain. M. le Président, je
voudrais simplement souligner la grande complexité de ce dossier...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: ...qui implique des questions de
frontières. Je voudrais vous dire que, dans ce dossier...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rémillard: ...deux principes guident notre action. Dans
un premier temps, le respect de l'intégrité du territoire du
Québec, et, dans un deuxième temps, ce n'est pas à de
simples citoyens à faire les frais d'une bataille concernant des
frontières. Le cas est donc à l'étude à mon
ministère, en collaboration avec le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Le Président: M. le député de Duplessis, en
additionnelle. M. le député de Taillon, en addi-
tionnelle.
M. Filion: Le ministre de la Justice nous fait part des principes
qui le guident, mais les quatre chasseurs, eux, dûment munis de permis
délivrés par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, ont vécu et vivent encore des heures tourmentées.
Est-ce que le ministre...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
Filion: Est-ce que le ministre... Le Président: Allez!
M. Filion: Je rappellerais, pour la garderie libérale, que
ces gens se sont faits arrêter, M. le Président.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Taillon,
votre question.
M. Filion: Est-ce que le ministre de la Justice, au-delà
des principes qu'il vient d'énoncer, ne peut pas bien simplement nous
dire cet après-midi que le gouvernement du Québec prendra fait et
cause pour tous ces citoyens qui se retrouvent malgré eux partie
à une querelle avec le gouvernement terre-neuvien?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, je comprends
très bien le député de Taillon de me poser cette question
et de s'inquiéter de cette situation impliquant, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, quatre citoyens qui étaient
munis d'un permis de chasse du ministère québécois du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Ce que je peux lui dire aujourd'hui,
c'est qu'on suit cette situation de très près, que nous faisons
des vérifications et que, je répète le principe, il est
évident que nous ne laisserons pas de simples citoyens subir les
conséquences d'une querelle qui pourrait avoir lieu - je dis bien qui
pourrait avoir lieu - mais qu'il reste, bien sûr, à faire les
vérifications qui s'imposent.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Est-ce que le ministre pourrait garder à
l'esprit que ces chasseurs n'ont eu strictement aucune nouvelle du gouvernement
du Québec depuis l'incident, soit depuis plus d'un mois, et
également que son prédécesseur avait trouvé des
méthodes très expéditives pour permettre à certains
dossiers de recevoir une défense pleine et entière?
Une voix: Alliance Québec.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, dans ce dossier,
comme dans tous les autres dossiers qui me concernent comme Procureur
général, je dois dire qu'on procède avec le plus de
célérité possible. Dans ce dossier, je procède avec
mon collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Et je dois vous dire qu'à ma connaissance, le dossier suit son cours
toujours en respectant les principes que j'ai émis tout à l'heure
et en respectant les droits de ces quatre citoyens.
Le Président: Je vais reconnaître maintenant, en
principale, Mme la députée de Maison-neuve. Mme la
députée.
Réforme des régimes de retraite
privés
Mme Harel: M. le Président, après avoir
laissé traîner durant un an sur les tablettes la réforme
des régimes privés de retraite, le ministre Paradis
annonçait finalement, en mai 1987, le libellé d'un projet de loi
à être déposé pour la période des fêtes
de 1987. Puis sa collègue à la Condition féminine
annonçait, elle aussi, dans son plan d'action de 1987-1988, une
décision éminente sur la reconduction du projet de loi 58
déposé par Pauline Marois. Le journal La Presse, qui a
parlé lundi du scandale des fonds de retraite, rapportait: "La
régie a maintenant reçu la commande du ministre Bourbeau de
reprendre le boulot et de refaire une loi." M. le Président, est-ce
exact? Si oui, qu'est-ce qui est arrivé au projet de loi du ministre
Paradis? (16 heures)
Le Président: Avant de reconnaître M. le ministre de
la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, Mme la
députée de Maisonneuve - Mme la députée de
Maisonneuve, je m'adresse à vous - je vous demande de toujours
interpeller vos collègues par le titre ou la fonction qu'ils occupent,
et jamais par leur nom de famille. Vous avez mentionné deux fois "le
ministre Paradis". Alors j'aimerais qu'ici, en cette Chambre, on nomme
l'ex-ministre.
M. Gendron: M. le Président, je pense que de tout temps...
Ce que vous venez de dire est exact lorsqu'on s'adresse à un titulaire
mais pas quand on cite un article de journal. Je n'ai jamais vu... Elle citait
tel que cela a été rapporté dans le journal La Presse.
On parlait de la réforme Paradis, et de tout temps on a toujours
fait ici ce genre de citations-là. Surtout qu'elle avait donné
l'exemple pour...
Le Président: C'est un bon essai mais je ne l'accepte pas
à l'avenir. Quand on parle d'une réforme, ça va. Mais
quand on cite le titre d'un
ministre qui a occupé une fonction, j'aimerais qu'on
décrive le ministre par sa fonction. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président... Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Bourbeau: ...depuis quelques temps, à ma demande
expresse, la Régie des rentes s'affaire à préparer, en
collaboration d'ailleurs avec le ministère de la Justice, un projet de
loi sur les régimes supplémentaires de rentes. Ce projet de loi,
que j'entends présenter à l'Assemblée nationale dans les
meilleurs délais, matérialisera la réforme des pensions au
Québec et adaptera l'encadrement des régimes de retraite aux
nouvelles réalités socio-économiques.
Le Président: Mme la députée de Maison-neuve
en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, après trois
années perdues, pourquoi tout reprendre à zéro et ne pas
s'inspirer, comme l'Ontario l'a fait d'ailleurs, en copiant le projet de loi 58
déjà déposé en cette Chambre par Pauline Marois et
qui contenait 390 articles?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Encore une fois, Mme la députée
de Maisonneuve. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas compris qu'il y
avait une question. Tout ce que je peux dire à la députée
c'est que dès mon arrivée au ministère j'ai demandé
qu'on accélère les travaux préparatoires à la
présentation d'un projet de loi et je peux assurer qu'on va le faire
dans les meilleurs délais.
Le Président: Mme la députée de
Maison-neuve, en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, comment se fait-il que ces
travaux ne soient pas terminés, étant entendu que le projet de
loi devait être élaboré, rédigé pour la fin
de 1987, il y a un an? Comment le ministre peut-il expliquer les retards qui
ont été apportés dans ce dossier?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, tout ce que je peux dire
à la députée c'est que j'ai demandé, dès mon
arrivée au ministère, qu'on accélère les travaux
pour tenter que le projet de loi soit prêt dans les meilleurs
délais.
Le Président: Mme la députée de Maison-
neuve, en additionnelle.
Mme Harel: Sera-t-il prêt pour le 15 novembre, M. le
Président?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, la réponse est non.
Il n'est pas possible de pouvoir déposer un projet de loi pour le 15
novembre. Je vais voir s'il y a possibilité de le déposer d'ici
la fin de la présente session ou sinon, de toute façon, ça
pourra se faire au début de la prochaine.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
principale.
Maintien du niveau de l'exploration minière au
Québec
M. Claveau: Merci, M. le Président. Vous avez dû
remarquer, tout comme nous, que les gestes qui ont été
posés par le gouvernement libéral depuis 1986 sont en train de
tuer l'exploration minière au Québec.
Une voix: C'est vrai.
M. Claveau: En effet, alors qu'en 1987 on a atteint un niveau
record d'investissements de l'ordre de 600 000 000 $ dans l'exploration
minière, on s'en va cette année vers une des pires années
qu'ait connue le Québec en termes d'investissements dans l'exploration
minière. Et, au dire même de l'Association des prospecteurs du
Québec, on s'attend à des investissements globaux de l'ordre de
150 000 000 $ pour l'année 1988, soit au-delà de 400 000 000 $ de
moins qu'en 1987, c'est-à-dire l'année dernière. Vous
conviendrez qu'il y a là un problème. Alors ma question au
ministre délégué aux Mines: Quelles mesures d'urgence
entend-il prendre pour que le niveau d'exploration minière au
Québec soit maintenu et pour empêcher, à toutes fins
utiles, la mort de l'exploration minière au Québec?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et aux Affaires autochtones.
M. Savoie: M. le Président, de l'aveu même du
député d'Ungava, les montants d'exploration cette année
devraient se chiffrer aux environs de 150 000 000 $ à 200 000 000 $ ce
qui équivaut, à toutes fins utiles, au montant
dépensé en 1986 et ce qui dépasse largement le montant
investi en 1985. En conséquence, si on est en mesure de recevoir de 150
000 000 $ à 200 000 000 $, je trouve que le montant serait raisonnable.
Il est vrai que, par rapport à l'an passé, il y a eu une
réduction, une réduction importante. Mais, l'an passé
était une année exceptionnelle. Malgré ce fait,
malgré cette réduction et malgré que cette
réduction soit acceptée par l'ensemble de lin-
dustrie, nous surveillons de près l'évolution de la
structure et du financement par actions accréditives. De plus, je pense
que l'intérêt porté par le ministre des Finances, lors de
.sa visite à la Chambre de commerce de Val-d'Or au mois de septembre,
les déclarations que nous avons faites et notre engagement de supporter
et d'appuyer les actions accréditives prouvent, je crois, à
l'ensemble des intervenants du secteur de l'exploration, que notre gouvernement
entend surveiller cette situation de près et intervenir s'il y a
lieu.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Le ministre
délégué aux Mines maintient-il toujours que le niveau
d'investissement minimum raisonnable dans l'exploration minière devrait
être de l'ordre de 250 000 000 $ à 300 000 000 $, tel qu'il
l'avouait lui-même lors de l'étude des crédits de son
ministère le 28 avril dernier?
Une voix: II ne se rappelle plus...
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines.
M. Savoie: Évidemment, M. le Président, on cherche,
en utilisant les structures des actions accréditives, à atteindre
une activité dans le domaine de l'exploration, particulièrement
avec les "grass roots", qui se chiffrent entre 200 000 000 $ et 300 000 000 $.
On chiffrait la moyenne autour de 250 000 000 $. On surveille cette situation
et on espère que cela va se matérialiser. On souhaite que cette
activité génère ces montants-là.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle.
M. Claveau: Le ministre peut-il nous dire s'il sait, au moment
où on se parle, qu'il n'y a pratiquement pas eu d'émission
d'actions accréditives, que les entreprises en exploration
minière sont littéralement en train de crever et que c'est
à peine si on va atteindre les 150 000 000 $ cette année? Est-il
capable de démentir ces faits?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et responsable des Affaires autochtones.
M. Savoie: II est exact, M. le Président, qu'if y a une
grande inquiétude et qu'il y a un ralentissement par rapport à
l'an passé. Personne ne met cela en doute. Il faut comprendre aussi que
nous sommes intervenus à plusieurs reprises pour prendre le pouls. On
surveille la situation de très près. Toutefois, il y a des
éléments qu'on ne peut pas contrôler. Par exemple, le krach
du mois d'octobre 1987 a eu un impact très impor- tant sur le
financement par émission d'actions. Ces effets sont difficiles à
évaluer et à contrer. Toutefois, comme je l'ai souligné
dès ma première réponse, on surveille la situation de
près et, s'il y a lieu, nous poserons les gestes nécessaires.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle.
M. Claveau: On va demander au ministre s'il est prêt
à poser un geste en particulier. Est-ce que le ministre entend
intervenir auprès de la société Cambior,
société bien connue en cette Chambre, M. le Président,
afin de l'empêcher de donner ses priorités d'exploration aux
États-Unis plutôt qu'au Québec, tel que l'annonçait
lui-même dans un article de La Presse, hier, le
vice-président à l'exploration de Cambior, M. Boisson-neault, qui
disait qu'à partir de maintenant, Cambior, société
québécoise, allait axer ses priorités en exploration aux
États-Unis parce que cela coûte moins cher que de le faire au
Québec? Est-ce que le ministre entend intervenir là-dessus?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et responsable des Affaires autochtones.
M. Savoie: M. le Président, la question frise
l'absurdité. Il est vrai que Cambior a des activités à
l'extérieur du Québec. Par contre, prétendre qu'elle va
axer l'ensemble ou la principale partie de ses activités à
l'extérieur du Québec, c'est faux. Elle a
énormément d'activités au Québec. Cette
année, par exemple, nous avons assisté à une ouverture de
mine de Cambior. On sait qu'il y en a d'autres qui s'en viennent. Elle est
très active dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et
même à l'extérieur. Notre but n'est pas d'intervenir
auprès de cette société mais de la laisser battre de ses
propres ailes et, si elle veut implanter le drapeau québécois en
Californie, chapeau! c'est cela de plus.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître une
principale à Mme la députée de Marie-Victorin.
L'ouverture du centre hospitalier Anna-Laberge, dans
la région de Châteauguay
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Nous savons que le
centre hospitalier Anna-Laberge, dans la région de Châteauguay,
devait ouvrir ses portes en avril dernier. Or, six mois plus tard, l'ouverture
n'a toujours pas eu lieu. On dit qu'elle serait reportée au mois de
janvier 1989. Est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux
peut nous dire pourquoi l'ouverture a été reportée et la
date précise de l'ouverture de ce centre hospitalier?
Le Président: Mme la ministre de la Santé
et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y a, en fait, un
retard à l'ouverture du centre Anna-Laberge, mais ce n'est pas un retard
inhabituel dans la construction de centres hospitaliers aussi importants que
celui-là. Je ne peux pas, à ce moment-ci, lui donner de date
précise. Les dernières nouvelles que j'ai reçues, c'est
que le centre hospitalier pourrait fort probablement ouvrir ses portes en
décembre. Il y a eu plusieurs modifications aux devis et des raisons
habituelles qui souvent accompagnent ces très grands projets et je pense
que ce sont là les raisons pour lesquelles le centre hospitalier
Anna-Laberge n'est pas ouvert au moment où nous nous parlons. (16 h
10)
Le Président: Mme la députée de
Marie-Victorin, en additionnelle.
Mme Vermette: Mme la ministre, indépendamment des retards
face aux devis que vous avez mentionnés, ne pouvez-vous pas nous
confirmer que le report d'un an de l'ouverture du centre hospitalier fait
réaliser des économies pour le fonctionnement de l'ordre de 50
000 $ et qu'il s'agit du véritable motif du report de l'ouverture de
l'établissement, finalement?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont des retards de construction sur lesquels
je n'ai pas de contrôle. Tout ce que je peux dire, c'est que les budgets
de fonctionnement qui accompagnent normalement l'ouverture d'un nouvel
établissement étaient prévus. Il ne s'agit nullement de
vouloir réaliser des économies en retardant l'ouverture. Je pense
que c'est parce que la députée n'est pas familière avec le
processus habituel d'ouverture d'un établissement de cette
grandeur-là. Que veux-tu que je lui dise?
Le Président: Fin de la période
régulière de questions.
Tel qu'annoncé cet après-midi avant la période
régulière de questions, je vais maintenant accorder la parole
à M. le ministre de l'Environnement pour un complément de
réponse à la suite d'une question posée hier par M. le
chef de l'Opposition. Étant donné la flexibilité de notre
règlement et l'absence du chef de l'Opposition, j'accorderai une
question additionnelle à M. le député de Bertrand.
Réponse différée
Coût d'installation de la toile recouvrant l'entrepôt de
Saint-Basile
M. Lincoln: M. le Président, le chef de l'Opposition m'a
demandé hier le coût exact de la toile qui recouvre le site de
Saint-Basie-Je-Grand. A la suite de la décision prise au coeur de
l'accident de Saint-Basile-le-Grand d'entourer le site d'un recouvrement
quelconque pour empêcher que les BPC s'envolent en dehors du site, deux
soumissions ont été demandées par l'équipe de
coordination qui s'occupait du travail. L'une a été
demandée à Sanivan, qui faisait le travail sur place et l'autre
à Auvents Métro inc. La soumission de Sanivan était de 700
000 $. Celle d'Auvents Métro inc. était de 225 000 $. À la
suite de cela, la Société immobilière du Québec a
insisté pour que des pilotis, un genre de muret en béton soient
installés avant que la couverture soit mise. Ceci a presque
doublé le coût de l'édifice complet qui a finalement
coûté 570 000 $. C'est ma réponse.
Le Vice-Président: En question complémentaire, M.
le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, je voudrais juste
savoir si j'ai bien compris. C'est bel et bien 770 000 $?
M. Lincoln: Non, 570 000 $.
M. Parent (Bertrand): C'est 570 000 $. À la suite de la
réponse du ministre de l'Environnement, ma question est à savoir
s'il peut déposer en cette Chambre un rapport le plus complet possible
des coûts encourus, jusqu'à maintenant entre autres le montant
qu'il vient de nous dévoiler, 570 000 $ pour l'abri, et les autres frais
inhérents à l'accident écologique, en date du 26 octobre
1988. S'il pouvait nous déposer le plus rapidement possible le rapport
des coûts jusqu'à maintenant.
J'aimerais savoir aussi, à la suite de l'effondrement qui a eu
lieu en fin de semaine dernière, ce que le ministre ou le
ministère entend faire, puisque payer 570 000 $ pour un abri qui
s'effondre... Est-ce qu'on a des garanties, des possibilités de
poursuivre et est-ce qu'on va apporter des correctifs concernant les
événements de la fin de semaine dernière?
Le Vice-Président: Je vais donner la parole au ministre de
l'Environnement pour sa réponse. Je vous rappellerai, M. le
député de Bertrand, que le règlement prévoit une
question complémentaire. Dans ce cas-ci, il s'agit de deux et même
de trois volets. Disons que je vais permettre la réponse.
M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, d'abord, pour ce qui est des
coûts, il y a des coûts afférents au ministère de
l'Environnement naturellement et il y a des coûts afférents
à plusieurs ministères, à la protection civile et à
d'autres.
Je comprends que le député m'a demandé tous les
coûts afférents. Je vais prendre note de la question. Je vais en
discuter avec mes collé-
gues. Des chiffres ont été avancés au Conseil des
ministres. C'est sûr que ces chiffres sont publics. Je vais en parler au
président du Conseil du trésor. Je pense qu'il n'y a aucune
objection à rendre tous ces chiffres publics.
Quand? Il faudra que toutes ces sommes soient ajoutées, des
sommes ont été dépensées par plusieurs
ministères dans le cas de la situation d'urgence... Mais je prends bonne
note de votre question et je vais y revenir.
Pour ce qui est du toit, il faut vous expliquer que cette couverture et
le toit ont été installés sur place à la suite
d'une situtation de grande urgence, où il y avait des BPC qui
étaient enlevés du site, qui s'envolaient du site et qui avaient
touché des policiers et des résidents qui s'en plaignaient. Il
fallait agir d'urgence.
Je prends l'entière responsabilité dans cette situation.
J'ai été un de ceux du comité de coordination qui ont
donné l'assentiment au chef du comité de coordination, M.
Saint-Antoine, d'aller de l'avant pour recouvrir la chose, pour entourer le
site. C'était la recommandation de tous les experts sur place. À
la suite de ça, nous avons décidé de le couvrir
complètement pour obvier à toute possibilité que des BPC
s'échappent du site.
La situation est tout à fait différence aujourd'hui parce
que le problème principal, c'était la mousse qui avait
été utilisée pour éteindre le feu, qui provoquait
des particules de BPC qui s'envolaient autour du site. Cette mousse est
biodégradable. Aujourd'hui, elle s'est complètement
dégradée.
Depuis, il y a aussi eu le fait que la température a
complètement changé. Avec la température actuelle, le fait
que le toit n'y soit pas aujourd'hui ne nuira pas du tout aux
opérations. Il faut que les murs y soient et ils y sont. Même si
la couverture était restée comme elle était, on aurait eu
à enlever le toit à un moment donné pour que les crics et
les grues puissent travailler.
Donc, nous n'envisageons pas de faire des réparations. On va
laisser les murs comme ils sont. Les experts sur place nous disent que tout est
tout à fait "secure" dans les conditions actuelles. Je sais que vous
allez... Si vous me permettez de conclure...
Le Vice-Président: Un instant, M. le ministre. Je vais
demander la collaboration de la Chambre. La raison pour laquelle j'ai
indiqué au député de Bertrand que le règlement
permettait une seule question complémentaire, c'est qu'on avait à
ce moment-ci, au minimum, trois questions complémentaires. Donc, c'est
évident que le temps de réponse est consécutif. D'accord?
Alors, en conclusion, rapidement, M. le ministre de l'Environnement.
M. Gendron: M. le Président, une question de
règlement.
Le Vice-Président: Question de règlement.
M. Gendron: II ne peut pas y avoir trois ou quatre
règlements en cette Chambre. Un instant, M. le Président. Si vous
prenez la peine, à la question complémentaire, de vous lever
comme président et de signaler que la question additionnelle,
d'après vous, est trop longue, comment appelle-ton ça? On appelle
ça un rappel au règlement. Alors, si vous avez fait un rappel au
règlement, ce n'est pas après l'avoir fait que ça vous
soustrait à vos obligations de faire appliquer le règlement parce
que vous venez de faire un rappel au règlement.
C'est tellement vrai, je pense qu'il était rendu à sa
troisième ou quatrième minute. À peu près
personne...
Une voix: Une grande gueule. Des fois,' il ne parle pas et, des
fois, il parle trop.
Le Vice-Président: Je suis bien prêt à
entendre les représentations sur un rappel au règlement, mais je
vais demander la collaboration des gens de la Chambre. Il y a certaines
remarques que je ne tolérerai pas d'aucune façon même si la
personne s'arroge la parole inutilement et sans l'avoir demandée.
Allez-y, complétez votre intervention.
M. Gendron: M. le Président, je complète. Je dis
tout simplement que si un autre parlementaire se doit de recevoir un rappel au
règlement de la part de la présidence, ça s'adresse aux
deux côtés de la Chambre.
Le Vice-Président: Oui, très bien. M. le leader du
gouvernement, sur la même question. (16 h 20)
M. Gratton: Oui. Sur la question de règlement, je voudrais
presque dire que c'est probablement moi qui suis responsable de cette
situation, du fait que je ne me suis pas levé au moment où le
député posait sa question, puisque la question qu'il posait
était probablement irrecevable de toute façon. Il demande le
dépôt de documents, d'études. Bref, ce serait une question
qui devrait normalement être posée beaucoup plus au feuilleton
qu'à la période de questions orales. Mais le fait qu'on ait
accepté la question exige évidemment qu'on prenne le temps d'y
répondre, et c'est dans la nature même de la question. Et je pense
que vous avez tout à fait raison, M. le Président, d'exercer une
certaine discrétion à cet égard.
Le Vice-Président: Je pense que ça clôt le
sujet. Mon rappel au règlement tantôt était simplement pour
aviser M. le député de Bertrand que s'il avait trois questions
dans une, les réponses pouvaient être un peu plus longues. Je vous
demanderais de conclure rapidement, M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: En concluant, je voudrais dire au
député de Bertrand que lorsque la neige est tombée le 22
octobre, il faudrait expliquer qu'entre le 21 et le 31 octobre la
probabilité d'une chute de neige, comme il y a eu, de cinq
centimètres et plus était de 1 %. Cela a été
observé 4 fois sur 546 jours pendant les 60 dernières
années. C'est ce qui explique beaucoup de choses.
Le Vice-Président: Merci.
Il n'y a pas de vote reporté.
Aux motions sans préavis. Il n'y a pas de motion sans
préavis.
Aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader... MM. et
Mmes les députés, à l'ordre, s'il vous plaît!.
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du
gouvernement. Un instant, s'il vous plaît, M. le leader. Il y a une
pratique courante concernant le décorum et le respect du
règlement dans l'Assemblée. Je vais le rappeler à tout le
monde qui est toujours ici, même ceux qui veulent sortir. En aucun temps,
un député ne doit passer entre celui à qui j'ai
donné la parole et le président. En aucun temps, un
député ne doit passer entre la masse et le fauteuil du
président quand on est en session, quand on est en séance. Dans
le cas présent, j'ai demandé la collaboration des
députés. J'ai cédé la parole au leader qui est
debout pour adresser la parole et les députés passent devant sans
se soucier du décorum. Je vous demanderais de collaborer et de respecter
fondamentalement les prescriptions du règlement et du décorum
à l'Assemblée. M. leader adjoint du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: Oui, M. le Président. J'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui après les affaires courantes
jusqu'à 18 heures et de 20 h 30 à 22 h 30, de même que
demain de 9 heures à 12 heures, à la salle du Conseil
législatif, la sous-commission des institutions poursuivra sa
consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé:
Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des
obligations. Merci.
Le Vice-Président: Alors, il y a consentement pour la
dérogation quant aux heures de cette commission, M. le leader de
l'Opposition?
M. Gendron: Oui, il y a consentement. Je vais quand même
m'adresser... Est-ce que le leader adjoint du gouvernement vient d'indiquer
encore une fois qu'il n'y a pas de projet de loi étudié en
commission parlementaire?
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je viens de lire l'avis relativement aux travaux
d'aujourd'hui et de demain. Je répète ce qu'on a mentionné
tout à l'heure peut-être avec des détails additionnels.
Demain, en matinée, la sous-commission des institutions entendra l'avis
relativement à ce que j'ai donné tout à l'heure Loi
portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations.
Le leader de l'Opposition avait très bien compris, M. le
Président.
Le Vice-Président: Très bien. Renseignements sur
les travaux de l'Assemblée. Y a-t-il des questions?
M. Gendron: Non, M. le Président.
Le Vice-Président: II n'y a pas de question. Ceci met donc
fin à la période des affaires courantes.
Motion proposant que l'Assemblée
exige la mise sur pied d'une commission
d'enquête sur le sinistre survenu
à
Saint-Basile et sur la gestion
des déchets dangereux
Aux affaires du jour, puisque nous sommes mercredi, nous allons passer
aux affaires inscrites par les députés de l'Opposition et
débattre, à compter de maintenant, la motion
présentée par le député de Verchères en
vertu de l'article 97 du règlement, motion qui se lit comme suit: "Que
cette Assemblée exige que le gouvernement du Québec mette sur
pied une commission d'enquête dont le mandat serait premièrement
d'examiner les circonstances ayant permis qu'une catastrophe comme celle de
Saint-Basile-le-Grand ait pu survenir, deuxièmement d'examiner toute la
problématique de la gestion des déchets dangereux au
Québec et finalement de proposer les solutions qui permettraient au
gouvernement de tenir ses promesses à l'égard du virage
écologique."
Tel que le permet le règlement, cette motion du mercredi se
déroulera en deux séances consécutives du mercredi soit
aujourd'hui et mercredi de la semaine prochaine. Également, je tiens
à aviser qu'à la suite d'une réunion avec les leaders, il
a été convenu que le temps pour le débat de cet
après-midi se partagerait également entre les deux formations
politiques sans limite à l'intérieur de chacune des enveloppes
pour chaque formation politique. Je vais donc reconnaître, à ce
moment-ci, comme premier intervenant, M. le député de
Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Cette motion
du député de Verchères, je dois la débattre en
premier lieu parce qu'il est retenu auprès de sa mère qui est
gravement malade.
J'ai l'intention, cet après-midi, de vous faire part que la
motion que nous présentons est une motion, dans les circonstances, on ne
peut plus à point.
Les événements qui se sont passés le 23 août
dernier ont été jugés à droite et à gauche
par la population et par les médias. Beaucoup de choses ont
été dites sur les événements, l'accident
écologique de Saint-Basile. Dans cette motion que mon collègue le
député de Verchères, a présentée, nous
exigeons du gouvernement la mise sur pied d'une commission d'enquête
afin, premièrement, d'examiner les circonstances de la fameuse
catastrophe de Saint-Basile-le-Grand, deuxièmement, la
problématique de la gestion des déchets dangereux et, finalement,
les solutions qui permettraient au gouvernement de tenir ses promesses à
l'égard du virage écologique.
Je vous dirai, à la suite des événements qui se
sont passés depuis ce temps, particulièrement par ce qui a
été dévoilé dans le journal La Presse, hier
que ce sujet est on ne peut plus à jour.
D'abord, la gestion des déchets et la gestion des BPC. Le
ministre de l'Environnement... Je ne pense pas que cette motion vise à
faire le procès d'un individu, mais bel et bien à essayer de
faire toute la lumière sur cette question fort importante. Le
gouvernement actuel, par la voix de son ministre de l'Environnement, a, lors de
la campagne électorale, au début de son mandat en 1986 et depuis
ce temps, à plusieurs reprises en cette Chambre, assurément
laissé entendre très clairement - nous l'avons prouvé -
que la situation était bel et bien sous contrôle.
Je comprends très bien que le ministre de l'Environnement,
aujourd'hui, veuille bien essayer de dissiper quelque peu toute la
problématique autour du fameux dossier, autour de l'incident de
Saint-Basile. Je me sens d'autant plus à l'aise d'en parler que 60 % des
gens, évacués à la suite de l'incident de Saint-Basile, se
trouvaient à Sainte-Julie, dans le comté de Bertrand, dans mon
comté. J'ai eu à vivre, depuis le 23 août dernier, toutes
les péripéties, les événements, les
réunions, le traumatisme des gens, l'évacuation. Aujourd'hui, 26
octobre 1988, un peu plus de deux mois, en fait, après les
événements, on se rend compte que le problème, la
problématique causée aux citoyens concernés, que ce soit
à Saint-Basile, à Saint-Bruno ou à Sainte-Julie, n'est
toujours pas réglée.
Plus grave que cela, M. le Président. On se rend compte que
d'autres événements peuvent se passer parce qu'il y a encore
beaucoup de sites au Québec qui ne sont pas sous contrôle. Le
journal La Presse nous révélait des faits alarmants,
particulièrement quant à ce qui s'est passé à
Saint-Lazare ces dernières années et, peut-être encore plus
ces derniers mois. Je comprends mal aussi - je dois l'exprimer comme je le
ressens - que le ministre de l'Environnement nous ait dit en cette Chambre, la
semaine dernière, plus précisément mercredi dernier, qu'il
avait eu des instructions de la part des avocats, du contentieux du
ministère et qu'il ne voulait pas parler davantage sur les
événements de Saint-Basile parce qu'il y avait enquête.
Vous conviendrez avec moi que les députés en cette
Chambre, qu'ils soient députés ministériels ou
députés de l'Opposition - d'autant plus ceux de l'Opposition
puisque c'est leur rôle, de questionner sur les faits et gestes du
gouvernement - sont en droit de s'attendre à un minimum de
réponses de la part du ministre de l'Environnement. Le ministre a dit
lui-même et je le cite: "Vu qu'on m'a dit que j'avais une grande gueule,
j'ai décidé de me la fermer". Je trouve tout à fait
inadmissible qu'aujourd'hui, on n'ait plus de réponses. Le gouvernement
ne répond plus. Pas plus tard qu'il y a quelques minutes, je
questionnais le ministre sur un autre événement directement
relié, puisqu'il s'agit du même propriétaire qui a enfreint
la loi et les règlements, et le ministre de l'Environnement, encore
là, nous a dit: Écoutez, il y a des enquêtes, je ne peux
pas répondre à ces questions. (16 h 30)
M. le Président, vous conviendrez que, sans vouloir faire le
procès de qui que ce soit, on ne pourra pas, du côté du
gouvernement et du répondant du gouvernement, soit le ministre de
l'Environnement, se défiler indéfiniment de cette façon.
On ne peut pas un jour faire des reportages à la une dans les journaux
parce qu'on a décidé de parler, de se vider, de dire les choses
telles qu'elles sont et, le lendemain, parce que tous ces
événements se sont passés dans une période
où la Chambre ne siégeait pas... En Chambre, la semaine
dernière et cette semaine: refus de répondre de la part du
ministre parce qu'on lui a dit, on lui a demandé, on a même
exigé qu'il soit très prudent. Pour lui, la prudence, c'est: Je
ne dis plus un mot.
Ce qui est très grave dans ces événements, c'est
que l'Opposition a réclamé une commission d'enquête.
Pourquoi une commission d'enquête? Parce qu'on veut savoir ce qui s'est
passé et comment on en est arrivé à cette situation. Le
ministre de l'Environnement a annoncé la semaine dernière qu'il
donnait, un mandat au BAPE, au Bureau des audiences publiques sur
l'environnement, pour faire enquête et faire des recommandations quant
à l'avenir. Je suis persuadé, dans ce que j'ai pu lire concernant
le mandat du BAPE, que le Bureau des audiences publiques ne fera pas la
lumière sur le passé, mais va beaucoup plus établir la
situation actuelle et sûrement faire des recommandations quant à
l'avenir. Je ne dis pas que ce n'est pas une partie des éléments
importants, mais je dis que la préoccupation que nous avons, en tant que
parlementaires et représentants de la population, c'est de savoir
exactement ce qui s'est passé et comment il se fait qu'on se trouve dans
cette situation.
M. le Président, vous conviendrez qu'il est trop facile de dire:
II n'y a pas d'endroit qui
soit totalement sécuritaire. C'est ce que le ministre nous a dit
la semaine passée. On ne peut pas garantir cette chose-là. Mais
il y a des choses qui devaient être faites par le ministère.
La question que nous posons aujourd'hui et la motion que nous
présentons font en sorte d'interroger le ministre sur plusieurs points
afin que nous puissions savoir ce qui s'est passé. Nous continuons
à réclamer cette commission d'enquête sur les faits et
gestes. Il est faux de prétendre... Il va falloir que le ministre de
l'Environnement comprenne une fois pour toutes et arrête de dire que
c'est la faute de l'ancien gouvernement. Cela fait trois ans qu'il est au
pouvoir. Cela fait trois ans qu'il est là. Je ne dis pas que, si les
événements s'étaient passés sur une période
qui chevauchait les mois qui suivaient... On veut bien être
compréhensifs. Je veux bien comprendre que le ministre de
l'Environnement est un gars qui se veut le plus sincère et sympathique
possible, mais ce n'est pas sur cela qu'on en a. Il est répondant au nom
de son gouvernement et lorsqu'il dit: On a fait tout ce qu'on avait à
faire, je pense que le ministre erre. Nous l'avons démontré et
nous pouvons le dire aujourd'hui, le ministre est dans l'erreur.
Pourquoi? Simplement parce que, avant 1985, il n'y avait pas dans les
règlements suffisamment de moyens pour suivre de près ces
dépôts de BPC, ces dépôts dangereux pour la
santé et la sécurité publique. Au cours de 1985, le
prédécesseur du ministre de l'Environnement actuel avait mis en
branle ce qu'on appelait la réglementation par le décret 1000-85
du 29 mai 1985, qui est entré en vigueur le 15 octobre 1985, à la
toute fin du mandat du Parti québécois. Les outils étaient
mis en place pour enfin donner au ministère de l'Environnement le moyen
d'intervenir auprès des gens qui sont reliés à la question
des déchets dangereux, de leur entreposage et de toutes les mesures qui
doivent être prises. Le ministre de l'Environnement nous disait, ces
dernières semaines et depuis le 23 août dernier, depuis les
événements: Écoutez, on a fait tout ce qu'on avait
à faire. Je pourrai démontrer au cours des prochaines minutes que
c'est totalement faux, en me basant sur des faits très précis,
puisqu'il y a des articles très précis dans ce règlement,
entre autres l'article 106.
Comment se fait-il qu'aujourd'hui le ministre de l'Environnement ne
veuille plus répondre? Comment se fait-il que le ministre de
l'Environnement refuse de répondre au nom de son gouvernement? Je pense
que c'est brimer le Parlement. C'est brimer cette Assemblée. C'est
brimer tous les députés qui sont élus, qui ont le droit de
savoir, et ce n'est pas juste un droit de l'Opposition, mais je pense que c'est
un droit de cette Assemblée. Si l'Assemblée nationale ne peut pas
questionner et avoir des réponses de la part d'un ministre, je me
demande qui pourra le faire au Québec. On n'a pas le droit de se cacher
de la façon dont on le fait actuellement. Et c'est simple. C'est la
raison pour laquelle nous demandons une enquête publique, une
enquête qui va permettre de faire toute la lumière sur les
événements.
Dans le cas de Saint-Basile-le-Grand, M. le Président, on se
souviendra que le ministre de l'Environnement était très au
courant, contrairement à l'autre dossier qui est le dossier de
Saint-Lazare aujourd'hui, où le ministre n'a même pas voulu
répondre s'il était au courant. Je vous dirai que, dans le
dossier de Saint-Basile, H était au courant. En effet, en octobre 1986,
le ministre de l'Environnement faisait une réquisition auprès de
Marc Levy, ledit propriétaire, afin qu'il fasse respecter des conditions
minimales, disait-il, pour la reconduction de son permis. Alors, si le
propriétaire de l'entrepôt de Saint-Basile, Marc Levy, voulait
voir son permis reconduit en 1986 - première année qu'il
était au pouvoir - il devait se conformer à quelque chose comme
huit conditions minimales, disait le ministre. Et, dans ces
conditions-là, il y avait, entre autres, l'installation d'un
système d'alarme qui était relié par voie
téléphonique à un poste de garde, la pose d'une
clôture, et j'en saute.
Or, le propriétaire ne s'est pas conformé à toutes
ces normes. Dès 1986, le ministre, les gens au ministère avaient
demandé à Marc Levy de se conformer. Il ne s'est pas
conformé. Comment se fait-il qu'aujourd'hui, on puisse dire:
Écoutez, il avait encore son permis d'opérer? Comment se fait-il
que le ministère de l'Environnement du Québec... Et je pense que
c'est une question qui est bien au-dessus de la politique, c'est une question
de fait, c'est la question de savoir comment il se fait que cette entreprise,
et sûrement d'autres, peut-être une des autres que ce soit à
Shawinigan-Sud, que ce soit à Saint-Lazare qui sait? on apprendra
peut-être au cours des prochaines semaines qu'il y avait d'autres
dépôts... Mais comment se fait-il que le propriétaire, Marc
Levy, a pu conserver son certificat d'autorisation et continuer, à
fonctionner, et ce, finalement, par tolérance du ministère de
l'Environnement? Ce n'est pas moi qui le dit. Dans une déclaration -
parce qu'il y a eu beaucoup de journalistes qui se sont penchés sur la
question - le sous-ministre adjoint, M. Michel Gagnon, a confirmé
qu'effectivement, il n'y avait pas eu les inspections nécessaires. Il a
aussi confirmé de façon très précise que M. Levy ne
s'était pas conformé à la pose de la clôture.
Or, pourquoi - c'est une question fort simple à laquelle le
ministre de l'Environnement se doit de répondre aujourd'hui - cette
tolérance irresponsable vis-à-vis un cas comme celui-là?
Parce que c'est criminel. Finalement, on s'en est bien tiré parce qu'il
y a 8 % des BPC qui ont brûlé. Mais c'est une leçon
drôlement importante. Et, dans ce sens-là, M. le Président,
je me demande pourquoi on a été tolérant, on a
fermé les yeux? Que s'est-il passé exactement? Qui a donné
les autorisations pour qu'il soit capable de continuer?
Si le ministre à l'intérieur de son ministère, et
je sais que le ministère de l'Environnement n'est pas un
ministère facile... Je sais que le ministère de l'Environnement
est probablement un ministère qui demande énormément de
contrôle. Mais, après les événements qu'on a
vécus, je suis persuadé que l'actuel ministre de l'Environnement
n'a pas tous les contrôles à l'intérieur de son
ministère. Et dans ce sens, je pense qu'on aurait dû faire
appliquer dès 1986 les huit conditions minimales, dont la pose de la
clôture. Parce que cela a été démontré que,
s'il y avait eu une clôutre, il est très probable que les
événements ne seraient pas arrivés. (16 h 40)
Pourquoi le ministère de l'Environnement n'a-t-il pas aussi fait
inspecter l'entrepôt de Saint-Basile, et ce, pendant toute
l'année? On nous a même déclaré que pendant quatorze
mois, personne n'a vérifié si l'alarme fonctionnait, personne n'a
vérifié ce qui se passait. Cela a été dit par M.
Drouin, le chef des services municipaux à la Direction
générale de la Montérégie. Ce ne sont pas des
faits, et je comprends très bien... D'ailleurs, dans les heures et les
jours qui ont suivi les événements de Saint-Basile, je pense
qu'on a essayé d'être le plus coi possible, c'est-à-dire de
ne pas mettre davantage d'huile sur le feu parce que déjà la
situation était grave. Les jours ont passé, les semaines ont
passé et les réponses ne venaient pas. C'est dans ce
sens-là qu'aujourd'hui, après deux mois, je pense qu'il est tout
à fait légitime de réclamer ces faits et gestes.
Il est tout à fait légitime ici, en cette
Assemblée, de demander au gouvernement, de demander à son
répondeur, le ministre de l'Environnement, de répondre à
ces questions fort simples: Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? S'il y a eu de la
tolérance, s'il y a eu des passe-droits, s'il y a des gens qui n'ont pas
fait leur travail, le ministre verra à prendre des dispositions. Si ce
sont des instructions qui venaient d'en haut, du sous-ministre, du
sous-ministre adjoint, si c'était des décisions qui venaient du
ministre lui-même d'essayer de, mais que ça n'a pas
résulté, je dis: Le premier ministre fera aussi son travail. Je
ne suis pas prêt aujourd'hui à jeter le blâme sur telle
personne plus que telle autre. Je dis qu'on est en droit, M. le
Président, d'avoir des réponses à la suite des
événements de Saint-Basile parce que ce sont des
événements que je ne voudrais pas revivre. Et je suis
persuadé que le ministre de l'Environnement ne voudrait pas revivre
cette situation non plus.
Beaucoup de choses ont été dites. Beaucoup de choses ont
été avancées. Vous savez, on peut déformer les
paroles, les resituer dans un contexte, les remettre dans un autre contexte,
dire que ce n'est pas ce qu'on voulait dire, mais il reste un fait. Dans un
article, je pense, de La Presse dans lequel le ministre Lincoln
s'était confié, un article qui a fait la grande manchette, il y a
eu des déclarations qui m'ont renversé quelque peu parce que le
ministre a déclaré, et je vais le citer au texte: "C'est une
leçon que je prévoyais dans ma tête depuis longtemps,
a-t-il dit, hier, au cours d'une entrevue avec La Presse. J'étais
hanté par l'idée qu'un jour ou l'autre ces boîtes-là
ou ces entrepôts de BPC flambent ou qu'il arrive quelque chose de grave."
Je comprends le ministre de l'Environnement. Je l'ai suivi au cours des
événements presque au jour le jour. Je comprends qu'il ait le
goût de livrer des choses qu'il ressent en dedans. Vous savez, c'est
très grave, M. le Président, de dire que "je savais que ça
pouvait se produire" et de dire après "je pense qu'on a fait tout notre
possible". Et là on pousse un peu plus loin, on parle et on entend le
sous-ministre adjoint, M. Gagnon, nous dire: Écoutez, il y a des choses
qui auraient pu être faites. Il le précise
particulièrement. On aurait dû peut-être appliquer. Ce n'est
pas "on aurait dû peut-être appliquer", M. le Président. On
pouvait, on avait les outils nécessaires, et c'est ça que je ne
comprends pas et c'est là je pense qu'il y a un blâme
sévère. C'est un blâme sévère quant au
passé, mais encore plus important, il y a le présent et il y a
l'avenir. Là, s'il en arrive un autre semblable, je pense qu'il va
être trop tard pour dire: Écoutez, ça me hantait;
écoutez, j'avais peur.
Je comprends que c'est une situation qui n'est pas facile à
vivre, mais M. le Président, comment se fait-il qu'on avait les outils
nécessaires? Qu'on ne nous parle pas de l'ancien gouvernement; de toute
façon, il n'est plus là. Au moins on doit être
honnête en disant qu'eux ont adopté une réglementation qui,
par décret, a été mise en vigueur en octobre 1985 et qui
donnait, dès son arrivée au ministère... On avait
jugé à l'intérieur du ministère que,
définitivement, on se devait de donner des outils, des armes, un
décret pour être capable, au ministère de l'Environnement,
de réglementer ce domaine. Le ministre n'a pas utilisé les outils
qu'il avait et c'était des outils tout à fait corrects, tout
à fait légitimes, faciles à appliquer. La plus belle
preuve que ces outils étaient des outils pratiques et applicables c'est
que, quelques jours après les événements de Saint-Basile,
on a vu le ministre de l'Environnement immédiatement autoriser, par
l'article un tel et un tel de son règlement, qu'à Shawinigan-Sud
on puisse poser une clôture, installer des appareils sécuritaires,
un système d'alarme. Il ne doit pas attendre que le propriétaire
le fasse parce que si un propriétaire ne répond pas aux appels
qu'on lui fait et ce dans les mois et les années qui suivent, et si on
continue à fermer les yeux, à être tolérants, M. le
Président, je ne comprends pas que le gouvernement ou que le ministre
puisse dire avoir fait sa job.
On a appliqué le même règlement. On n'a pas
adopté de nouveau règlement. Dans les jours et les semaines qui
ont suivi, on n'a pas adopté un nouveau règlement. À
Shawinigan-Sud, on a
utilisé les articles du règlement en vigueur pour
être capable d'agir. C'est la preuve qu'on était capable d'agir,
qu'on avait les moyens d'agir. On ne l'a pas fait. Je comprends qu'on puisse
dire aujourd'hui qu'on aurait peut-être dû mais c'est grave
ça.
Qu'on regarde les autres règlements dans le système dans
lequel nous vivons, je ne parle pas seulement d'environnement, il y a d'autres
domaines où on fait appliquer les règlements, où on fait
appliquer la loi à la lettre. En vertu de la loi concernant la conduite
dangereuse, il y a des gens qui perdent leur permis pour une première
offense, parce que c'est très grave. C'est une loi qui a des dents,
parce que c'est grave pour la sécurité publique. Si, demain
matin, quelqu'un se fait prendre en état d'ébriété
au volant de sa voiture, vous savez à quel point la loi est
sévère. J'avais à mon bureau, la semaine passée, un
citoyen qui a perdu son permis. Il était conducteur de camion. Il
n'avait jamais eu d'offense, il s'est fait prendre un soir et c'est fini. Non
seulement il perd son permis, mais il perd sa job. C'est parce que la loi est
là, parce qu'on l'applique et parce que c'est grave s'il arrive un
événement.
C'est exactement le même phénomène qui se passe dans
la question de l'environnement avec les entrepôts de BPC et de
matières dangereuses. C'est exactement la même situation et on a
été tolérant. Si, aujourd'hui, on dit qu'on n'a pas agi,
qu'on aurait peut-être dû agir et si, une autre journée, on
nous dit qu'on a pris tous les moyens nécessaires, on tient deux
langages. Si nous, si moi en tant que porte-parole de l'Opposition, ne suis pas
en mesure de porter tous ces jugements à savoir exactement qui est
coupable de quoi, tout au moins que le gouvernement et le ministre se rendent
à la demande que nous faisons d'avoir une commission
d'enquête.
Bien sûr, comme je l'ai dit tantôt et je le
répète, le volet que couvrira le mandat du BAPE sera
sûrement intéressant, en partie, quant aux recommandations pour le
futur, mais cela ne nous donnera pas l'analyse exhaustive des faits et gestes,
à savoir qui n'a pas appliqué le règlement, qui a fait
qu'il y a eu négligence très grave.
Quand aujourd'hui même, en cette Chambre, je pose des questions au
ministre de l'Environnement sur un autre cas relié et qu'il ne veut pas
me répondre, je trouve ça méprisant, je suis obligé
de le dire, M. le Président. Je comprends qu'il a des instructions,
qu'il ne veut pas parler, mais là, il y a une limite. Il faudra à
un moment donné qu'on sache exactement ce qui s'est passé
à Saint-Lazare, à Shawinigan-Sud, à Saint-Basile-le-Grand
et ce qui se passe dans les centaines pour ne pas dire les milliers de
dépôts de BPC qu'on a ici, au Québec. Il ne faut pas
attendre qu'arrive un autre événement.
Je vous parlerai de façon connexe, d'un autre dossier, celui des
pneus de Saint-Amable.
Le ministre sait que là aussi il y a une bombe à
retardement. Il sait exactement de quoi il s'agit. Il ne pourra pas plaider
l'ignorance. J'ai demandé que le ministre vienne voir les lieux. En
1986, il est venu; en 1987, il y est retourné et en 1988, on est en
train de poser des clôtures pour avoir des mesures sécuritaires et
le problème n'est pas réglé pour autant. Mais, au moins,
on aura des mesures sécuritaires. Cela fait deux ans qu'on les demande.
Cela a bougé avec les événements de Saint-Basile. C'est
inacceptable. Comment peut-on nous dire aujourd'hui que ce dossier sera
traité mais que ça prendra du temps? Je n'accepte plus ces
réponses, M. le Président, dans le cas du dossier des pneus de
Saint-Amable, un dossier très dangereux. Il y a plusieurs de ces
dépôts au Québec, mais celui-là est sûrement
le plus gros. Je dis qu'il y a un danger imminent, qu'il faut agir rapidement
et le ministre sait exactement de quoi il s'agit. On ne pourra pas plaider
ignorance, tantôt, s'il y a un autre événement, une autre
catastrophe écologique. Si ça brûle à Saint-Amable
pendant un an, les experts disent qu'il y aura de la fumée, des
retombées toxiques. On pourrait voir quel état
écologique... (16 h 50)
II y a eu un petit feu de 5000 pneus, il y a un an, au lieu de 3 000
000, 5 000 000, 10 000 000 disons 5 000 000. Il y en a 5000 qui ont
brûlé. Cela a brûlé pendant des heures. Cela s'est
passé à Saint-Amable. Des gens de Brossard ont eu des dommages
sur leur voiture et des couches d'huile se sont déposées à
certains endroits.
C'est grave, M. le Président. Ce n'est pas une question de cent
et de piastres. Je ne dis pas qu'il faut payer n'importe quel prix pour
n'importe quoi. Ce que je dis, par exemple, c'est que si le ministre de
l'Environnement n'a pas eu les outils sur le plan financier au cours des
dernières années, c'est une autre chose. Je pense que c'est
exactement le cas. Il n'avait pas les budgets nécessaires parce que,
à l'intérieur du gouvernement, on n'avait pas jugé,
même si ça faisait partie des priorités... Le ministre de
l'Environnement n'avait pas les outils nécessaires. J'espère
qu'il va les avoir aujourd'hui. Quand on pense seulement aux
événements de Saint-Basile, combien de millions de dollars cela
va coûter? Seulement pour la toile, le ministre nous confirmait 570 000 $
aujourd'hui. C'était juste pour préserver. Il a fallu le faire.
On pourra voir si ça valait la peine ou non, mais peu importe Ce sont
des millions de dollars.
Dans le cas des pneus de Saint-Amable, le ministre doit annoncer sous
peu, devait annoncer l'an passé une gestion des pneus. La gestion des
déchets dangereux dans le cas des BPC, la gestion des déchets des
pneus, voilà des priorités où il faut agir. Cela a
traîné au cours des années. Le ministre est le premier
à dire: Écoutez, vous n'avez pas fait ceci, vous n'avez pas fait
cela dans le passé. Je veux bien, mais
c'est lui qui est au pouvoir et il n'est pas là depuis six mois,
mais depuis trois ans. J'espère que dans son premier mandat il va
être capable de livrer la marchandise, particulièrement dans le
dossier des BPC, particulièrement dans le dossier des pneus de
Saint-Amable.
Il y a d'autres dossiers, mais on ne parie que de ceux-là. Ce
sont des dossiers que je connais bien. Ce sont des dossiers que le ministre
connaît très bien maintenant. Il y a deux ou trois semaines, le 15
octobre, dans La Presse, on lisait: Ce qui manque pour recycler les
vieux pneus à Saint-Amable, c'est l'argent. Ce n'est pas moi qui le dis.
C'est M. Martin Turgeon, responsable du dossier à la direction,
récupération du recyclage. Lui-même nous confirme que
maintenant on a les solutions. Il y a un an, un an et demi, deux ans, les
solutions n'étaient pas trouvées, la technologie n'était
pas trouvée ou était en voie de l'être par Petro-Sun. Il y
a eu des problèmes. Ils ont fait faillite. Le résultat net, c'est
qu'aujourd'hui - et je suis sûr que le ministre a eu une dizaine ou une
quinzaine de propositions - le ministre peut agir parce qu'il existe des
solutions, mais il manque d'argent.
Quand on fait des choix de société et quand on fait des
choix de gouvernement, il faut être capable de prendre cet argent et de
convaincre d'autres ministres, de convaincre le président du Conseil du
trésor que c'est important parce que la journée où
ça saute, la journée où on se retrouve dans une situation
comme celle de Saint-Basile, là il n'y a plus de problème,
l'argent est là pour les inspecteurs, l'argent est là pour mettre
les toiles, l'argent est là. On a de l'argent.
Administrer le Québec, ce n'est pas seulement être capable
de dire qu'on va avoir des beaux états financiers à la fin. Je
veux bien qu'on améliore le déficit. Bravo! Tout gouvernement qui
peut réduire son déficit, tant mieux! Mais pas au prix de couper
dans les services, pas au prix de ne pas donner ce qu'il y a de
nécessaire pour être capable de parer à des
problèmes graves dans notre société.
C'est sûr qu'on peut avoir 100 000 000 $ de plus à la fin
de l'année si on coupe dans le budget de l'assainissement des eaux, ou
dans d'autres dossiers dans le domaine écologique, dans le domaine de
l'environnement. Mais, à la fin, qu'est-ce qui est le plus important?
Est-ce juste de montrer un portrait amélioré des dépenses
publiques, un portrait amélioré du Québec, et d'un autre
côté, de se retrouver avec des problèmes?
M. le Président, ce que je dis au gouvernement, ce que je dis
à son porte-parole, le ministre de l'Environnement: il va falloir que,
sur la question des budgets, le gouvernement, le ministre ait les outils
nécessaires pour arriver à ses fins. Ce que je dis aussi au
gouvernement concernant l'avenir, c'est qu'il va falloir que la fameuse
politique de gestion des vieux pneus, puisqu'on en parie, soit
déposée dès cet automne parce qu'elle est reliée au
problème des pneus déjà existants. Elle est aussi
reliée au problème des pneus à venir parce qu'il y a 4 000
000 ou 5 000 000 de vieux pneus par année qui apparaissent dans le
décor et on ne sait pas quoi en faire et on les accumule.
Il va falloir aussi et surtout, et c'était le but de notre motion
du mercredi, de notre motion présentée par mon collègue le
député de Verchères, qui était une motion qui
regardait les événements concernant l'environnement et, plus
particulièrement, Saint-Basile - que le ministre de l'Environnement
rende compte sous une forme quelconque. Nous avons demandé, nous avons
proposé, nous suggérons, nous réitérons au ministre
de l'Environnement qu'il y ait une commission d'enquête pour faire toute
la lumière.
Quand le ministre nous dit: Je n'ai rien à vous cacher, je vais
tout vous donner, je pense qu'il est de bonne foi. Mais je ne suis pas
sûr s'il n'y a pas d'autre monde autour de lui, au-dessus de lui,
à côté de lui, qui pense autrement que le ministre. Nous,
on ne peut pas marcher juste avec la bonne foi du ministre parce que, toutes
les fois que le ministre s'est étiré le cou, il n'a pas toujours
été capable de livrer la marchandise. Dans ce sens, je pense que
c'est grave parce qu'il répond pour et au nom de son gouvernement. Quand
on répond pour et au nom du gouvernement et qu'on demande de faire toute
la lumière, il est important qu'on ait toute la lumière sur cette
affaire pour qu'une fois pour toutes on sache ce qui s'est passé,
comment il se fait qu'on fonctionnait à Saint-Basile sans permis,
comment il se fait qu'on n'a pas fait l'inspection comme on devait faire.
Bien sûr que si la réponse est de dire qu'on n'avait pas
les inspecteurs au ministère, que si la réponse est de dire qu'on
ne peut pas être partout en même temps, c'est bien sûr que si
la réponse est de dire que tout ne peut pas être
entièrement sécuritaire, comme disait le ministre en cette
Chambre... Oui, mais il y a un minimum. Quand en 1986, au mois de mars ou
avril, le ministre de l'Environnement dictait huit conditions minimales
à Marc Levy à Saint-Basile, c'est parce qu'il jugeait que
c'étaient des conditions minimales. Comment se fait-il que 24 mois plus
tard, à cette période-là, en 1988, il y en a une ou deux
de ces conditions, particulièrement la pose de la clôture ou le
système d'alarme qui ne fonctionnait pas. Comment ça se fait?
Comment ça se fait qu'on vient de découvrir à
Saint-Lazare... Imaginez-vous, tout le monde est à la chasse aux
sorcières depuis les événements du 23 août, les
journalistes, tout le monde qui , ont le goût de faire de la sensation,
et je le déplore, mais c'est rendu que tous les gens qui ont le
goût de faire de la sensation sont là capables d'aller chercher
là où il y a des dépôts, là où il y a
des ci et où il y a des ça.
Toutes les semaines, on nous arrive avec un
nouveau dossier. Ce que ça fait, M. le Président,
ça place le gouvernement dans une situation où le ministre est
placé actuellement, c'est de dire: Écoutez, toutes ces choses
sont interreliées, je ne peux plus parler. Quant à cela, on ne
pourra pas s'en tenir à ça, et je pense que le ministre de
l'Environnement devra se rendre, comme je le disais tantôt, à
notre demande. S'fl ne veut pas se rendre à notre demande, qu'il prenne
d'autres moyens de personnes indépendantes qui vont être capables
de faire toute la lumière sur cet événement. Vous savez,
il y a des événements beaucoup moins graves que ça qui
sont arrivés au cours de la dernière décennie et qui ont
coûté la vie à beaucoup de gens, ont coûté la
tête à beaucoup de monde, ont fait perdre la
crédibilité à des gouvernements, ont fait perdre de la
crédibilité à des ministres.
Mais, dans le cas de Saint-Basile, M. le Président, on n'a pas
d'autre choix. Ce n'est pas le ministre lui-même, ni les gens à
l'intérieur de son ministère, ni te BAPE, qui pourrait faire
toute la lumière sur les événements passés et nous
dire ce qui est arrivé dans ce cas-là. Je trouve tout à
fait inconcevable le discours que nous tient maintenant le ministre de
l'Environnement qui est un discours pour dire. Je n'a) plus la permission de
parler. Combien de temps ça va durer? Tant qu'il va y avoir des
enquêtes? Cela veut donc dire qu'on va fermer le dossier et qu'on ne dira
pas un mot. C'est bien sûr que, quand les événements se
sont passés le 23 août dernier, on n'était pas ici en
Chambre. On ne pouvait pas, à part aller dans des conférences de
presse... Mais, des conférences de presse, souvent ça se fait
à sens unique. Nous autres, on en fait une et on déplore telle
situation, on dénonce telle situation. Le ministre répond par
cette voie et on se parle par la voie des journaux.
S'H y a une tribune, s'il y a un endroit où on se retrouve et
où on est capable de se parler face à face, on est capable de
s'interroger en se respectant, on est capable de se répondre parce que
là il doit y avoir un dialogue, et non pas un monologue, c'est bien
l'Assemblée nationale. Et si, en tant que député, le
député de Nelligan, si en tant que ministre, le ministre de
l'Environnement daigne bien donner suite à notre demande qui est tout
à fait légitime et qui, de toute façon, fait aussi partie
de ce que la population veut savoir... La population veut avoir le coeur net
dans les événements qui se sont passés. (17 heures)
Je terminerai, M. le Président, en vous disant que d'autres
collègues, au cours de la journée d'aujourd'hui ainsi que
mercredi prochain, interviendront sur d'autres volets concernant cette motion
qui touche les aspects de Saint-BasHe, l'ensemble du dossier environnemental,
et qui demandent des gestes très précis au gouvernement.
J'espère que nous aurons, au cours de cet exercice, des
éléments de réponse comme le ministre est capable d'en
faire lorsqu'il veut en faire et qu'au-dessus des instructions qui sont
passées, sans nuire à personne, on sera capable de se parler
franchement. C'est la seule façon que nous, de l'Opposition, on va
être capables de faire notre travail. C'est la seule pour que les
citoyens et les citoyennes du Québec, qui ont droit à un respect
minimum, de savoir ce qui se passe lors d'événements comme
ceux-là. J'espère que le ministre de l'Environnement sera capable
de répondre à ce que nous demandons, soit une commission
d'enquête soit une formule dans laquelle on puisse avoir toute la
lumière sur les événements du 23 août dernier. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
ministre de l'Environnement.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, j'ai entendu le député
de Bertrand, sur la motion qu'a déposée l'Opposition, dire ceci:
Ce que nous ne cherchons pas, disait-il, c'est une chasse aux sorcières.
Nous voulons dialoguer. Nous voulons un dialogue constructrf. Nous voulons
chercher la lumière. Pourtant, aujourd'hui même, pas plus tard
qu'aujourd'hui, le député de Bertrand me posait des questions sur
un cas qui avait fait le sujet d'une manchette dans le journal La Presse.
Lorsque je lui ai dit: Ce sujet est sous enquête à la
Sûreté du Québec afin que celle-ci fasse toute la
lumière là-dessus, je suis prêt à vous donner toutes
les informations que vous voulez par rapport aux mesures qui ont
été prises depuis l'incident de Saint-Basile pour assurer la
santé et la sécurité publique, il ne m'a même pas
posé une question. Il n'était pas intéressé aux
mesures pour protéger la santé et la sécurité
publique à partir du cas de Saint-Basile. Ce n'était pas cela qui
l'intéressait. Tout ce qui l'intéressait, c'était d'entrer
dans le passé pour essayer de faire du "magouillage" politique et de
prouver, à tort ou à raison, d'une façon ou d'une autre,
que: Oui, c'est vous qui êtes le responsable, etc. C'est le dialogue.
Si le député de Bertrand et sa formation cherchaient
vraiment quelque chose de positif, c'est un peu étonnant, M. le
député, qu'aujourd'hui, lorsque vous en aviez la chance, vous
n'ayez même pas profité de l'occasion pour me poser une question
additionnelle sur les mesures prises par rapport à la santé et
à la sécurité publique. Je parie aussi souvent que vous
à des Québécois et des Québécoises. Hier
soir, j'étais à une assemblée publique où H y en
avait beaucoup: 300. L'autre jour... Plusieurs fois paf semaine,
j'en rencontre. Tout le monde me dit la même chose: On ne veut pas aller
à la chasse aux sorcières. Tout ce qu'on veut, c'est qu'on prenne
une leçon de ce qui s'est passé et qu'on rectifie la situation.
C'est la leçon importante de tout cela.
Pourquoi croyez-vous qu'à la suite de
l'incident de Saint-Basile, votre formation politique a
fait des conférences de presse avec de gros mots? Première
conférence de presse, les gens qui cherchent un dialogue m'accusaient
d'être un gros menteur. Qu'est-ce qui est arrivé? La presse n'a
rien fait de cela. La presse ne s'est même pas intéressée
à la chose parce qu'elle savait que ce n'était pas vrai. Elle
savait que ce n'était pas ce que le public cherchait. Une
deuxième conférence de presse de la part de votre formation
politique: cette fois-ci, ce n'est pas le député de l'Opposition
responsable de l'environnement, mais non, il fallait que ce soit le chef du
parti qui s'en mêle. Toute une affaire complètement folichonne
avec toutes sortes de petits remous tortueux pour aller prouver que,
ssupposément, il y avait quelque chose de malodorant, qu'on avait
favorisé une compagnie sans montrer qu'une compagnie allait profiter
à qui, ils n'ont jamais réussi à le dire. Tout cela
était tellement monté en tête d'épingle pour semer
une espèce de doute et, en plus, donner à entendre que le
ministre de l'Environnement est un gros menteur, lui ou les membres du
gouvernement, sans aucune preuve à l'appui, en plus d'être de gros
menteurs, qu'ils ont quelque part dans le décor favorisé une
compagnie afin de se graisser les poches.
C'était cela, la conclusion. Il y avait des odeurs
partout, mais jamais aucune preuve. Je n'ai jamais vu la moindre petite preuve
à l'appui. Et ce sont eux, les gens qui viennent vous dire aujourd'hui:
On cherche un dialogue. Drôle de dialogue que celui qui commence en
traitant une personne de menteur, en disant quelques jours après: Vous
n'êtes pas seulement menteur, vous avez grenouillé pour aller
chercher de l'argent ou quelque avantage de la situation! Si ce n'est pas cela
faire la chasse aux sorcières, je ne sais pas ce que c'est.
J'entendais le député de Bertrand dire: II
faudra suggérer d'autres moyens, des personnes indépendantes pour
faire la lumière. À moins de tomber des nues, il me semble que le
Procureur général du Québec, que le Solliciteur
général et que la Sûreté du Québec sont des
personnes indépendantes. Que je sache, chaque fois qu'il y a une
enquête sur un sujet, ce sont ces mêmes gens qui doivent
enquêter. Là il n'y a pas seulement une enquête. Une
première enquête, celle du commissaire aux incendies, a
été décrétée par le gouvernement du
Québec par le Solliciteur général qui mandatait, quelques
jours après, le commissaire aux incendies pour faire une enquête.
Ensuite, il y a eu une enquête de la Sûreté du Québec
sur la responsabilité criminelle parce qu'on allègue qu'il y a eu
responsabilité criminelle dans l'incendie. Troisièmement, le
sous-ministre de l'Environnement, lui-même, a demandé au
Solliciteur général de faire enquête sur tous les faits et
gestes, depuis le premier permis donné à l'entreprise
jusqu'à ce jour. Est-ce que cela vous intéresse qu'on fasse la
lumière ou si, à court terme, cela vous intéresse de faire
un petit show politique pour démontrer que c'est moi qui suis
responsable, que vous étiez complètement hors du décor,
qu'il n'y avait aucun problème pour vous, vous, les saints, les saintes
nitouches? Je ne crois pas, M. le député de Bertrand, que la
vertu a des monopoles, que la vérité a des monopoles, qu'un parti
ou un autre a un monopole sur la vertu. Je n'ai pas envie de me mêler de
cette affaire, de ce que vous avez fait par rapport aux BPC. Je vous garantis
que votre administration aussi est bien loin d'avoir été claire
dans cette affaire. Il faut vous demander qui a coupé les rubans avec M.
Lévy dans le passé. Est-ce que c'est moi, Lincoln? Est-ce que
c'est moi qui suis allé le découvrir? Est-ce que c'est moi qui ai
permis l'entrepôt de Saint-Basile ou celui de Shawinigan? Est-ce que
c'est moi qui ai commencé toute la situation, l'héritage que nous
avons eu, l'hypothèque extraordinaire qu'on nous a laissée?
Après cela, c'est très joli de dire: On l'a
lancé, c'est nous qui avons fait le règlement sur les
déchets dangereux. Est-ce que vous connaissez l'historique du
règlement sur les déchets dangereux? Est-ce que vous savez
pourquoi le règlement sur les déchets dangereux a
été produit? C'est à la suite d'une catastrophe en
Ontario, à Kenora; c'est cela, c'est arrivé à toute
vitesse. Vous pouvez parier, vous, les spécialistes qui avez mis ce
règlement en place! Savez-vous que si vous vous serviez du
règlement en place - je l'ai dit et personne ne me contredit - que
même la clôture de Saint-Basile n'existerait pas? Regardez le
règlement sur les déchets dangereux, regardez les dispositions
sur l'entreposage et vous verrez que les entrepôts existants, dont
Saint-Basile, sont exempts de je ne sais combien de clauses du guide
d'entreposage qui découle du règlement sur les déchets
dangereux. Vous voulez savoir lesquelles? Je vais vous les citer: "Les lieux
d'entreposage existants ne sont pas soumis aux articles 2. 6, 3. 1. 1 à
3. 1. 6 - c'est-à-dire 3. 1. 1, 3. 1. 2, 3. 1. 4, 3. 1. 5 et 3. 1. 6-3.
2. 2, 4. 3, 4. 4, 4. 5, 4. 6, 4. 7, 4. 10, 5. 1, 5. 2, 5. 3, 5. 4, 5. 5, 5. 6,
5. 12 et 5. 13 de ce guide. "
Votre façon de vous disculper de toute
responsabilité, vous, ies purs et les durs, c'est de dire: Vous
êtes là, on vous a donné un règlement sur les
déchets dangereux, c'est le document magique qui aurait dû vous
permettre de tout régler. Nous, on a passé dix ans là mais
on n'a pas pu régler. On a attendu jusqu'au dernier jour de notre
pouvoir pour produire le fameux règlement, à toute vitesse et en
catastrophe, mais ce règlement devrait vous permettre d'agir. Mais lisez
le règlement, dites-moi combien de choses... M. le député
de Verchères me dit: II aurait fallu un gardiennage permanent. Ce n'est
pas prévu dans le règlement. Il me dit: II aurait fallu une
clôture. Ce n'est pas prévu dans ce règlement. Il me dit
qu'il aurait fallu des extincteurs automatiques. Ce n'est pas prévu dans
le règlement. (17 h 10)
Savez-vous ce que vous avez fait pour les BPC au Québec pendant
10 ans? Avez-vous eu une politique sur les BPC? Qui a déposé la
première politique sur l'élimination des BPC au Québec?
C'est ce gouvernement qui a produit, pour la première fois au
Québec, un entrepôt qu'on peut appeler un entrepôt
technologiquement moderne, sécuritaire à 100 %. C'est nous. Le
seul qui existe au Québec est à Senneterre. C'est un fait. Le
fait est que personne n'a le monopole de la vertu dans cette question. Je parle
bien souvent à mes collègues des autres provinces, celui de
l'Alberta, celui de l'Ontario, celui de la Colombie britannique et les autres
au Canada. Et tout le monde admet que c'est une situation complexe au possible.
Le problème qu'on vit, c'est que personne ne veut des BPC et des
déchets dangereux dans sa cour. Et c'est sûr que les technologies
d'élimination existent. C'est sûr que les moyens technologiques
existent. C'est sûr qu'on pourrait mettre tout cela en place demain
matin, mais personne n'en veut chez eux. On n'a qu'à voir ce qui est
arrivé avec le cas de Senneterre.
Donc, nous pouvons dire au moins que nous avons fait quelque chose. On
avait fait quelque chose de significatif. Peut-être que ce n'était
pas assez. Et je suis assez franc pour reconnaître que ce n'était
peut-être pas assez. Je suis assez franc pour le reconnaître.
Encore une fois, je le reconnais ici. Vous citez l'article de M. André
Noël, de La Presse. D'accord. Ce que j'ai dit et redis ici, chaque
ministre de l'Environnement, s'il ne va pas se coucher le soir hanté par
le fait que demain matin une catastrophe peut se produire, ce n'est pas un bon
ministre de l'Environnement. Oui, je le reconnais. Oui, je vais me coucher ce
soir sachant qu'au Québec il y a quelque chose comme 3000 sites de
déchets dangereux et que n'importe quel jour un site de chlore, un site
de calcium, un site de déchets dangereux peut exploser dans la nature.
C'est sûr que cela peut arriver. On m'a accusé d'être un
menteur parce que j'ai dit ici à l'Assemblée nationale que nous
avions rendu le site de Saint-Basile sécuritaire. C'est clair que
lorsque je pariais de ça, je parlais relativement à ce que
c'était.
Je peux vous lire la lettre d'un témoin à La Presse
qui disait: "M. Latulippe - et il voulait parler du député de
Chambly - voulait me montrer l'état lamentable des équipements de
l'entrepôt à Saint-Basile, vitres cassées, portes
entrouvertes, panneaux métalliques éventrés, barils
corrodés. Le lieu était sans surveillance et sans protection et
apparemment sans alarme. " Vous reconnaissez vous-même que j'ai
émis un avis d'ordonnance avec huit correctifs. Au moins, il faut
reconnaître que lorsque nous avons pris l'entrepôt - et je
répète afin que vous n'oubliiez pas - avec des vitres
cassées, des portes entrouvertes, des panneaux métalliques
éventrés, des barils corrodés et que c'était
sûrement mieux. Nous avons fait rectifier toutes les lignes de barils.
Nous avons fait améliorer l'entrepôt. Il n'y avait pas de vitres
cassées. Il n'y avait pas de fenêtres cassées. Il n'y avait
pas de portes cassées. Il y avait une alarme anti-intrusion. Il y avait
une alarme de feu. Il y avait une dizaine de détecteurs dans
l'entrepôt.
Pour ce qui est de la clôture - et là vous
répétez la clôture - je peux vous dire que des gens de mon
cabinet sont allés voir personnellement à la municipalité
dès 1986. Il y avait un litige juridique. La municipalité avait -
je cherche le mot, excusez-moi - pris possession du terrain qui entourait
l'entrepôt par expropriation - c'est le mot, "exproprier". Et là,
on se trouvait dans un litige juridique que la municipalité
possédait la terre parce qu'elle ne voulait pas de clôture
là pour stopper l'entrée de ses camions dans son garage. C'est
ça le problème et c'est pourquoi une clôture n'a pas
été faite. Mais pourtant nous avions exigé une
clôture.
J'ai regardé dans le dossier. Savez-vous combien de personnes se
sont plaintes de l'entrepôt de Saint-Basile dans votre région? Je
n'ai pas vu votre nom, M. le député de Bertrand. J'ai vu celui du
député de Chambly qui parle de ça depuis longtemps. J'ai
vu aussi celui du Cercle des fermières de la région. Ce sont les
deux seules plaintes formulées depuis que nous sommes là. Et
avant la chose, est-ce qu'une fois le député de Verchères
a élevé la voix lui qui est tellement pur, qui est tellement
fort, qui est tellement "sanctimonieux", est-ce qu'il a élevé une
fois la voix? Est-ce que le député Tremblay, qui était le
député de Chambly à ce moment-là a
élevé la voix une fois? Je peux vous dire que plusieurs fois
à l'Assemblée nationale, j'ai posé des questions à
M. Léger qui était alors ministre de l'Environnement, que Mme
Bacon a posé des questions à M. Ouellette qui était alors
ministre de l'Environnement et que nous avons dit: II faut à tout prix
faire des choses. Il n'y a pas une seule petite chose qui a été
faite. Mais, seulement, c'est facile de dire, puisque vous vous avez eu la
chance de passer à travers, que puisque c'est arrivé durant notre
administration, on est responsables de tous les maux au Québec.
Je vais vous dire que les Québécois et les
Québécoises - je ne suis pas né ici, mais j'ai appris
à les connaître autant que vous - ils ne sont pas dupes. C'est un
peuple sage. C'est un peuple de bon sens. J'en rencontre tous les jours, bien
souvent. Personne ne m'a dit: Écoutez, on va aller vous mettre au
pilori. Tout ce qui les intéresse, c'est qu'on tire une leçon de
ça. Tout le monde est chagriné que ce soit arrivé. J'ai
vécu parmi ces gens-là. J'ai vu les familles dans les
écoles. Je le regrette beaucoup.
Je regrette beaucoup tout ce qui s'est passé. En même
temps, je veux dire: Parce qu'il y a eu un incendie à Saint-Basile et
que tous les correctifs qui auraient probablement pu être apportés
n'avaient pas été apportés, c'est vous qui êtes les
responsables; pendant dix ans, vous
avez toléré une situation que vous avez même
commencée. Ce n'est pas moi qui ai mis les BPC à Saint-Basile. Ce
n'est pas moi qui ai mis les BPC à Shawinigan-Sud. Ce n'est pas moi qui
ai fait des déclarations, comme celles que M. Léger a faites, en
réponse à toutes mes questions me disant: Ah oui, tout ça
va être réglé par nous. Pendant dix ans, vous n'avez rien
fait. Maintenant, vous voulez vous réfugier derrière le
règlement des déchets dangereux comme la solution ultime. En
novembre 1985 ou octobre 1985, vous avez produit ce document qui n'aurait rien
eu comme effet à Saint-Basile comme correctif. Là, vous me dites
que, parce que c'est comme ça, vous auriez dû avoir tout fait,
tout aurait dû être réglé, H n'aurait pas dû y
avoir de pyromane, rien n'aurait dû se passer. On aurait dû
même se servir de ça sans doute pour forcer une clôture
là où, légalement, nous ne pouvions pas le faire à
cause de la juridiction de la municipalité. Si vous voulez avoir plus de
détails là-dessus, je vous en donnerai.
Les moyens que nous prenons justement, ce sont trois enquêtes qui
se font maintenant par des gens indépendants. D'après tous les
systèmes du Québec, nous avons suivi exactement ce que vous avez
fait. Lorsqu'on fait enquête, on se sert du Solliciteur
général, on se sert de la Sûreté du Québec.
C'est comme ça qu'on fait des enquêtes. Nous, nous nous rattachons
à cela. Nous croyons que ce sont des gens honorables qui vont faire une
enquête tout à fait indépendante. On ne perd rien pour
attendre. Éventuellement, il y aura des conclusions. Ces conclusions,
c'est sûr que ça va devenir des sujets publics. S'ils disent:
C'est vous, Lincoln, qui êtes le responsable, à ce
moment-là j'accepterai le verdict. Je n'ai pas peur des verdicts. Je
n'ai pas peur des verdicts populaires. Je suis prêt à me tenir
debout. Il y aura des constatations. Il y aura des conclusions. "Fine!" On n'a
rien à cacher ici. Mais ce dont je n'ai pas envie, c'est une
espèce de commission parlementaire ou quoi, où vous allez faire
votre petit show politique. Tout ce que ça va faire, ce sont des chasses
aux sorcières et ne rien corriger à ce qui se passe.
C'est pourquoi nous avons demandé une enquête du BAPE. Le
BAPE, c'est l'instrument le plus crédible qui soit. C'est un instrument
idéal. Il est rattaché justement au milieu environnemental. Il y
a des environnementalistes qui m'ont suggéré dès le
début: Amenez le BAPE là. Nous avons regardé toutes les
options possibles. Nous sommes arrivés à la conclusion que seul
un instrument comme le BAPE qui est en dehors de tout soupçon, qui est
crédible par-dessus tout, qui n'est pas un instrument politique, va
pouvoir regarder cette question avec la plus grande objectivité
possible. Il va se pencher sur toute la nature du sujet qui est devant nous
aujourd'hui.
Il faut admettre que des choses ont changé depuis Saint-Basile.
Il faudrait être aveugle et il faudrait être sourd pour ne pas le
réaliser. Saint-Basile a changé les circonstances. Il y a une
émotivité dans toute cette question, et avec raison, dans le
public. Le public demande maintenant des correctifs pour l'avenir. Je sais
qu'on nous dit: Vous auriez peut-être pu présenter la
réglementation amendée que vous avez présentée sur
le règlement des déchets dangereux avant Saint-Basile. D'accord.
Mais, au moins, donnez-nous le crédit d'avoir fait quelque chose
aussitôt que la leçon a été servie. Et c'est une
leçon pas seulement pour nous et pour moi, c'est une leçon pour
nous tous. Quiconque se dit au-dessus des leçons, quiconque se dit
au-dessus des fautes, quiconque se dit au-dessus des accidents, quiconque se
dit tellement fin que rien ne lui arrivera jamais, à ce moment-là
il ne prendra jamais de correctifs ou ne posera jamais de gestes qui seront
positifs pour la société.
Je suis prêt à reconnaître, bien loin d'être
parfait, qu'il y a beaucoup de choses à faire au ministère. En
même temps, je n'ai pas envie d'aller faire une bagarre sur ce que vous
avez fait par rapport à Saint-Basile ou sur ce que vous n'avez pas fait,
ou sur les autres sites de déchets dangereux au Québec. Il y
aurait tellement de choses à dire. Et sur ce que nous avons fait et ce
que nous n'avons pas fait, là aussi, il y aurait des choses à
dire, je l'avoue. Je ne pense pas que c'est ça que le public veut. Je ne
pense pas que les gens qui nous écoutent veuillent cela. (17 h 20)
Vous avez parlé, par exemple, du cas de Saint-Amable pour
expliquer notre manque d'action. M. le député de Bertrand, soyons
"fair", soyons honnêtes avec nous-mêmes. Encore une fois, dans le
cas de Saint-Amable il y a 3 500 000 pneus. Est-ce Lincoln qui les a mis
là? Est-ce le gouvernement libéral qui les a transportés
là? Ces pneus-là n'arrivent pas dans le décor du ciel,
ça s'est accumulé là pendant des années et des
années. Au contraire, il faut admettre que la première fois
qu'une action s'est prise par rapport à Saint-Amable ça n'a pas
été sur l'instigation du député qui vous a
précédé dans votre comté ou du député
de Verchères ou du député de Chambly. Je ne me souviens
pas qu'ils aient jamais soulevé la question de Saint-Amable. Je ne me
souviens pas qu'ils se soient tracassés de ça du temps qu'ils
étaient au gouvernement. Je ne me souviens pas que M. Ouellet ou M.
Léger en aient jamais parlé ici. Saint-Amable n'est pas né
d'un jour à l'autre. C'est la première fois qu'il y a une
esquisse de solution et je reconnais votre implication, votre contribution dans
le dossier. Je la salue très sincèrement. Vous vous êtes
impliqué là-dedans de façon active depuis que vous
êtes député et je vous en félicite. Vous m'avez
talonné là-dessus avec raison et je l'admets bien franchement.
Ensemble, votre travail, le mien, celui du ministre Ciaccia ont provoqué
une solution à ce dossier, pour la première fois. Le cas de
PetroSun est arrivé; pour régler ce dossier une technologie est
née, appuyée par
l'argent du gouvernement du Québec, ce gouvernement du
Québec. Une somme de 450 000 $ a été versée. C'est
malheureux qu'il y ait eu une faillite. On n'aurait jamais cru qu'une compagnie
appuyée par une grande société québécoise
aurait fait faillite mais c'est ce qui est arrivé.
Depuis, si on s'était arrêté, si on avait
cessé de travailler, là vous auriez pu avoir des arguments. Mais
en fait, on a pris des actions et à court terme et à long terme.
Les actions à court terme vous les connaissez. On a mis un gardiennage
permanent. Nous sommes en train de nettoyer l'emprise de la rue William. Nous
sommes en train de travailler pour faire des couvre-feux, nous sommes en train
de travailler avec la municipalité pour rendre "secure" le secteur de la
maison de M. Mireault, etc.
À long terme je pense que nous avons rencontré 26
compagnies récemment pour leur demander de nous produire des
technologies et des alternatives. À l'heure où je vous parle un
mémoire a été envoyé au Conseil des ministres - et
qui va passer là bientôt j'espère - où on va aller
chercher les appuis pour arriver à une solution à ce
problème. Mais en même temps qu'on arrivera à une solution
au problème de Saint-Amable, je vous donne l'engagement, comme je l'ai
donné au comité de citoyens, que d'ici très prochainement
on trouvera une solution à ce problème. Je réalise toutes
les implications de Saint-Amable et tout le danger potentiel que ça pose
mais, en même temps, il faut aussi songer aux correctifs à long
terme parce que si on ne faisait que régler le problème de
Saint-Amable - il y a 4 000 000 à 5 000 000 de pneus qui s'accumulent
chaque année au Québec - tout ce qu'on va faire c'est de rester
en place parce que aussitôt qu'on aura libéré le site de
Saint-Amable et ça prendra deux ou trois ans, il y aura encore d'autres
pneus qui s'accumuleront, si ce n'est là, ailleurs dans le
décor.
Il faut une solution à long terme. C'est pourquoi nous
étudions très activement une solution qui permettra le recyclage
des pneus ou un système d'utilisation des pneus ou de
déchi-quetage qui fera que graduellement, avec des sommes que nous
allons chercher en consigne et là il faut impliquer toutes les nouvelles
voitures, tous les concessionnaires d'automobiles, ce n'est pas une affaire qui
se fait comme ça, à ce moment-là, on va essayer de trouver
une solution à long terme. Ce n'est pas facile. On parle à
l'État de New York, à l'Ontario, au Manitoba, à l'Alberta,
tout le monde a le même problème. La seule juridiction qui
commence à régler un peu ce problème c'est l'État
du Wisconsin. Nous sommes en contact régulier avec l'État du
Wisconsin pour apprendre d'eux, pour prendre leur modèle et essayer de
l'implanter ici. On est en train de travailler activement là-dessus.
Je pourrais peut-être vous demander, puisque vous nous dites que
nous n'avons rien fait durant trois ans: pendant les dix ans auparavant, est-ce
que le problème n'était pas là, est- ce que les pneus ne
s'accumulaient pas pendant tout ce temps-là? Qu'est-ce qu'on a fait?
Tout ça ne se fait pas très facilement.
Vous parlez de la gestion des déchets. On a fait un pas immense
en avant dans la gestion des déchets. Bientôt, par
résolution formelle de toutes ces compagnies, nous mettrons en place -
en deux rencontres la chose a été ratifiée deux fois par
toutes ces compagnies - un fonds de 100 000 000 $ pour la gestion des
déchets solides au Québec, qui permettra un recyclage et une
récupération à l'échelle du Québec.
Déjà des communautés sont en train de se mettre en place
pour ce grand programme de déchets. Pour ce qui est des déchets
dangereux, par exemple, en addition aux déchets solides, là aussi
des choses se font.
Nous avons commencé depuis Saint-Basile. J'avoue que cela a
commencé à partir de Saint-Basile. Cela avait commencé de
façon embryonnaire mais, là, c'est de façon active avec
110 nouveaux inspecteurs, 40 investigateurs environ. Nous avons commencé
l'inspection de tous les sites de BPC de plus de deux tonnes dès la fin
de septembre. Les 52 sites ont été inspectés.
Bientôt, on va rendre publics tous les correctifs que nous avons
demandés et toute la situation de ces 52 sites. Nous sommes
présentement en train d'inspecter tous les autres sites de moins de deux
tonnes et ce, d'ici à la fin de novembre, d'après
l'échéanchier qui a été dressé. Ensuite,
tous les déchets dangereux seront inspectés d'ici le printemps.
C'est là un grand pas en avant.
Je sais que vous pourrez dire que nous n'avons pas assez de moyens. Vous
n'êtes pas les seuls à le dire. Le député de Chambly
l'a dit, les membres de notre formation l'ont dit, les jeunes libéraux,
les congrès libéraux l'ont dit. C'est une constatation tout
à fait vraie. Je l'admets moi-même.
En même temps, j'ai beaucoup fait le point. Aussi longtemps que
nous aurons un programme d'assainissement des eaux qui va impliquer quelque
chose comme près de 300 000 000 $ et rien pour le service de la dette et
que cet argent augmentera à chaque année à cause de
l'ampleur du programme, on aura toujours un problème de fond.
Malgré tout, il faut admettre qu'il y a des pas en avant. Nous avons
débuté cette année, par exemple, le programme
d'assainissement agricole. Nous avons été chercher 488 000 000 $
pour cela. Nous avons commencé le programme des pesticides. Là
aussi, on a eu plusieurs millions de dollars. Nous débutons cette
année ou au début de l'année prochaine le programme
d'assainissement industriel. Là aussi, ce sont quelques millions de
dollars pour le début de l'entreprise. Cela va être beaucoup plus
que ça au fil du temps. Donc, beaucoup de choses se font.
Avant de parler de cet aspect, vous avez parlé du ralentissement
du programme d'assainissement des eaux. Je mets au défi n'importe quel
membre de l'Opposition de me démontrer par des
faits et des chiffres qu'il y a eu un ralentissement dans le programme
d'assainissement des eaux. La programmation des trois années courantes
est la plus forte qu'on ait jamais eue au Québec: 1 400 000 000 $, 467
000 000 $ par année. Maintenant, la seule différence avec le
programme antérieur, c'est qu'on respecte nos budgets. On a un budget de
467 000 000 $ et on le respecte.
Pour la dernière année du programme triennal, soit
1984-1985, il y avait un budget de 450 000 000 $ et on a dépensé,
juste avant l'élection, plus de 720 000 000 $. On a
défoncé le budget de 40 % avec le résultat qu'aujourd'hui,
on retrouve dans le décor quelque chose comme 32 usines qui ont dû
être corrigées pour une raison ou une autre. Certaines usines sont
complètement déficientes, parce qu'elles avaient
été bâties à la vapeur, sans planification
précise. Le comité Dagenais, qui a été
institué dès 1986, a apporté des correctifs que nous avons
tous suivis. Aujourd'hui, le programme d'assainissement des eaux - et vous
demanderez ça au président du Conseil du trésor ou
à n'importe quel membre du Conseil du trésor - on peut vous en
donner les chiffres au dollar près. Cela ne s'est jamais produit avant.
Avant, nous avions des dépassements de 40 %, de 60 %, de 100 %, de 300 %
dans certains projets. Cela n'existe plus.
Aujourd'hui, on fait des études beaucoup plus approfondies des
projets. Cela prend un peu plus de temps mais, au moins, les usines vont rester
dans le décor et seront solides pour l'avenir, les usines
fonctionneront. C'est ça que nous voulons.
Je pense qu'il me reste quelques minutes, Mme la Présidente?
La Vice-Présidente: II vous reste une vingtaine de
minutes, M. le ministre.
M. Lincoln: Ah! C'est bon. Dans le temps qu'il me reste, j'aurais
voulu parler de certaines choses positives, parce que je sais qu'il y a trois
sujets dans votre motion: Le sujet de Saint-Basile, qui a pris le plus gros de
votre temps, celui de la commission d'enquête à laquelle vous avez
fait une allusion très partielle et les budgets du ministère de
l'Environnement, que vous avez touchés de façon très
aléatoire.
Je vais parler du côté positif des choses, parce que je
pense que les gens qui nous écoutent commencent à réaliser
de plus en plus ce qui se passe au Québec. Je pense que les gens qui
nous écoutent commencent à réaliser que l'environnement
bouge. Peut-être que nous n'avons pas un budget suffisant,
peut-être que nous n'avons pas un effectif suffisant, peut-être que
ça ne vient pas aussi vite qu'on le voudrait, mais en même temps,
dans les circonstances que nous vivons, c'est vrai qu'il faut partager une
tranche de budget global connu et que ce n'est pas très facile de
changer ça d'un jour à l'autre, mais ça s'en vient.
(17 h 30)
Dans toutes ces circonstances, il faut voir ce qui a été
fait au Québec depuis quelques années. Je vais essayer de faire
une esquisse de ces choses parce que je pense que le côté positif
ne ressort jamais. Il faut l'accentuer. Tout d'abord, au ministère de
l'Environnement, au cours des dix premières années, on n'avait
aucune politique, aucun objectif, aucune priorité située
clairement. C'est pourquoi on s'attaquait comme des pompiers de l'environnement
dans toutes les directions à boucher des trous à droite et
à gauche. C'est ça qu'était le ministère.
C'était un ministère de pompiers autour d'un programme central
qui était le programme d'assainissement des eaux. C'est ce que
c'était.
Il y avait d'autres choses qui se faisaient, mais principalement
c'était le programme d'assainissement des eaux et des actions de
pompiers. Là, on est arrivé dans cette situation où il
fallait donner à ce ministère une vocation, une direction, un
grand objectif. On a décidé que le ministère devrait tout
d'abord être un ministère de conservation parce que si on ne
change pas le ministère de l'Environnement en un ministère de
conservation, au lieu d'être un ministère de restauration et de
pompiers, on ne gagnera jamais la bataille.
Il faut changer l'accent, changer les mentalités et si
nous-mêmes nous ne donnons pas l'exemple, jamais ça ne va arriver.
La première chose que nous avons faite, cela a été de
produire ceci. Le CAP, un nouveau CAP environnemental, on a appelé cela:
La conservation, agent de progrès. Cela a été une
politique de l'environnement. On a situé deux grands objectifs. D'abord,
la continuation et la pérennité des écosystèmes, la
préservation permanente dans le temps des écosystèmes qui
font vivre l'environnement et qui nous font vivre tous. Deuxièmement, la
préservation, l'amélioration et la protection de la santé
humaine. Donc, la protection des écosystèmes pour assurer d'abord
la santé humaine. Ces deux grands objectifs se relient autour de
dix-sept champs d'action, dix-sept grandes priorités qui sont inscrites.
On peut mesurer nos actions. Les priorités sont là et en
regardant les dix-sept priorités, on peut voir ce que nous faisons et ce
que nous ne faisons pas.
Systématiquement, nous nous attaquons à ces
priorités depuis quelque temps. Nous avons dit d'abord: Pour lancer
cette grande politique de conservation, il faudra d'abord se situer là
où nous sommes parce qu'on ne peut pas mesurer les actions de ce
ministère qui a maintenant décidé de pratiquer la gestion
par résultat. Nous n'allons pas faire de gestion par résultat
possible si nous ne connaissons pas le point de départ. Donc, le point
de départ a été, comme on l'a souligné dans le CAP
environnemental, de produire un bilan de l'environnement au Québec. Le
bilan de l'environnement au Québec a été le premier bilan
de l'environnement qu'aucune province au Canada n'a produit. C'est un docu-
ment magistral. C'est un document Important qui situe tous les faits de
l'environnement au Québec. À partir de ce bilan, on pourra
mesurer toutes les actions que nous allons prendre par rapport aux dix-sept
priorités que nous avons situées.
A partir de ce bilan global, nous allons produire des bilans sectoriels.
Bientôt, on va sortir un bilan sur l'eau potable. Ensuite, il va y avoir
des bilans sur des secteurs prioritaires et précis qui sont
situés dans le document de politique du ministère de
l'Environnement. Pour ajouter au travail du CAP environnemental, nous avons
publié des documents afférents. Par exemple, un calendrier des
activités administratives du ministère, la
délégation des pouvoirs, les tables de concertation, une
politique de gestion par résultat, afin que tous les gens dans le
ministère sachent exactement où ce ministère se dirige
dans l'avenir. Il n'y a pas un employé du ministère aujourd'hui
qui ne sait où il se dirige.
Avant de lancer cette politique, nous avons fait une consultation dans
tout le Québec. Nous sommes allés dans toutes les régions
du Québec rencontrer des citoyens, des environnementalis-tes, des
municipalités, des hommes d'affaires, des gens de la
sécurité publique, et tous les intervenants de la
société pour discuter avec eux le cadre de la politique que nous
voudrions implanter au Québec. C'est le fruit d'un consensus social,
populaire de la communauté au Québec. À partir de
ça, à partir du bilan environnemental, combien de choses dont
nous pourrions parler qui n'existaient pas avant. La Loi sur les pesticides.
Toutes ces années que vous avez été au pouvoir, vous nous
en avez parlé. Qui a amené la Loi sur les pesticides? C'est nous.
Savez-vous que bientôt, M. le député de Bertrand, il y aura
48 000 personnes - il y en a déjà plusieurs milliers qui ont
commencé - dans le secteur urbain, pour ce qui est du secteur des gazons
urbains, etc., dans le secteur forestier, dans le secteur municipal et surtout
dans le secteur agricole... Il y aura des milliers de personnes, 48 000 en
tout, qui vont suivre des cours afin de se donner une connaissance par rapport
à l'application des pesticides. De ce nombre, il y aura 36 000
agriculteurs. Des cours seront donnés, après une organisation
concertée entre le ministère de l'Éducation, le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
et le ministère de l'Agriculture. Tous les intervenants ont
participé à cela. Bientôt, il y aura 48 000 personnes, qui
se servent actuellement de pesticides, qui vont en utiliser de moins en moins
parce qu'ils seront beaucoup plus connaissants. L'idée, c'est d'en
utiliser le moins possible.
En même temps, nous avons commencé une recherche sur des
produits alternatifs, les biopesticides. Là aussi, cela a
été un mouvement concerté, collectif, où le
mouvement universitaire, l'industrie privée, les intervenants
parapublics et publics se sont tous mis ensemble pour faire une recherche dans
les domaines urbains, de la foresterie et de l'agriculture afin de trouver des
produits alternatifs pour que, de moins en moins, au Québec, on utilise
des pesticides.
Notre Loi sur les pesticides, c'est une loi d'avant-garde. Elle se place
bien à l'avant de toutes celles que les autres provinces ont eues. Je
sais qu'elles les ont eues bien avant; l'Ontario, c'est 40 ans avant nous. Mais
on a profité des modèles, on a profité des
expériences pour faire quelque chose dont nous sommes très fiers
aujourd'hui. On dit: Les pesticides, le moins possible.
La loi sur les non-fumeurs. Cela aussi était sur les tablettes.
On parlait beaucoup. Chaque fois que je rencontrais le ministre Léger,
lors de l'étude des crédits, je lui demandais: Où est
votre fameuse loi sur les non-fumeurs? Je sais que certaines personnes vont
dire: Ah bien oui - comme je pense que le député de Lévis
me l'a déjà dit - mais ce n'est jamais appliqué.
Peut-être que ce n'est pas appliqué avec autant
d'efficacité que cela pourrait l'être, c'est un territoire
immense, mais, tout de même, I y a aujourd'hui quelque chose comme 38
milieux publics qui observent la loi sur les non-fumeurs, au moins à un
certain taux, parfois à 60 %, parfois à 70 % et parfois à
100 %, comme dans notre ministère.
Aujourd'hui, il y a des municipalités et des DSC qui ont
commencé des programmes autour de la loi 84. Et je pourrais vous citer
des quantités d'exemples, où Hs ont commencé à se
greffer à la loi 84. Il y a eu des municipalités qui ont
apporté des réglementations complémentaires pour aller
plus loin que la loi sur les non-fumeurs. Dans certaines municipalités,
aidées par les DSC, on est en train de bâtir des modèles.
Nous espérons bientôt élargir cela dans tout le
Québec. Pour la première fois, le Québec a perdu sa place
de champion des fumeurs au Canada. Maintenant, nous sommes deuxième
champion. J'espère que, bientôt, on sera troisième et
quatrième. C'est une coincidence heureuse que ce soit arrivé
après la loi 84.
Avant, nous n'avions pas de politique sur les terrains contaminés
au Québec, pour le recyclage des terrains contaminés. Là
aussi, le député de Verchères m'a dit: Cela ne va pas
assez loin. Cela va plus loin que ce l'était. C'est sûr. On est
aussi la première province avec une politique sur les terrains
contaminés.
Le domaine des plages publiques, la première année, je me
suis fait casser la figure là-dessus. J'ai fait une politique de dire:
On va rendre cela aux municipalités. Il y a eu un tollé public.
Je l'ai admis publiquement. J'ai fait fausse route. On a reculé. On est
reparti. On a pris des équipes de jeunes qu'on a entraînés.
Chaque année, on va prendre des jeunes des universités et des
collèges. On les entraîne depuis mai jusqu'à la saison
balnéaire. Et, le programme des plages est maintenant un programme qui
fait la
fierté du ministère, de ces jeunes. On a commencé
avec quelque chose comme 300 ou 350 plages. Maintenant, on en inspecte 600. Je
reçois des commentaires de partout, de l'implication de ces jeunes, qui,
aujourd'hui, se servent de ce programme pour démontrer l'implication de
la jeunesse, la juxtaposition de la jeunesse avec l'environnement.
Vous parliez, par exemple, de la gestion des déchets. Mais la
gestion intégrée des déchets, cela a été le
produit d'une grande consultation. Comme je vous le disais, bientôt nous
allons lancer un programme de recyclage et de récupération dans
tout le Québec, qui sera financé par l'industrie qui produit des
produits polluants, des produits d'emballage, des produits d'alimentation.
C'est elle-même, volontairement, qui va faire les frais afin que nous
ayons des sommes immenses, 100 000 000 $ sur sept ans, 14 300 000 $ par an,
afin de subventionner les plus petites municipalités pour qu'elles se
donnent des équipements pour faire un programme de recyclage partout au
Québec. (17 h 40)
Nous avons produit un répertoire de l'éducation
environnementale. Dans les écoles, nous faisons de plus en plus un
travail de sensibilisation parce que c'est là que le travail commence.
Je vais vous donner un seul exemple, le programme 3R. Le fonds 3R, c'est un
fonds non seulement créé par le ministère de
l'Environnement qui l'impose à des gens, mais un fonds coopératif
composé du ministère de l'Environnement, d'organismes
parapublics, le Canadien national, la Centrale de l'éducation du
Québec, un syndicat, des mouvements environnementaux qui se sont joints
pour former un fonds de 1 000 000 $. Avec ce fonds, nous avons commencé
à enseigner et à pratiquer le recyclage dans les écoles du
Québec. La première année, quelque chose comme 7000
étudiants; la deuxième année, 37 000 étudiants;
cette année, 75 000 étudiants vont pratiquer le recyclage et la
récupération dans les écoles et le mouvement va
s'agrandissant.
L'autre jour, j'étais dans une école où on a
commencé une caravane de la récupération. Ces mêmes
étudiants, qui ont commencé dans une école centrale,
à Victoriaville, le mouvement de récupération et de
recyclage, vont aller en caravane expliquer à tous les gens du
Québec, dans toutes les municipalités ce qu'est le recyclage dans
leurs propres mots, montrant le recyclage du papier, du plastique, de
l'aluminium et du verre par des exemples. Ce sont des jeunes de nos
écoles qui ont fait eux-mêmes l'expérience qui vont aller
montrer aux aînés ce qu'il faut faire. Je trouve cela vivifiant au
possible, ce travail de sensibilisation dans les écoles,
d'éducation des gens afin d'économiser nos arbres, de faire du
recyclage de plus en plus.
Vous parliez de l'assainissement urbain, c'est le seul qu'on faisait
auparavant. Maintenant, nous avons l'assainissement agricole parce qu'on ne
peut pas nettoyer l'eau urbaine sans nettoyer l'eau agricole. On ne peut pas
nettoyer l'eau urbaine et l'eau agricole sans nettoyer l'eau industrielle,
parce que les trois se rencontrent, l'eau est commune. On ne peut pas faire de
frontières dans l'eau. C'est pourquoi nous avons lancé le
programme d'assainissement agricole qui se greffe au programme d'assainissement
urbain.
Tout à l'heure, je quitte pour aller au Conseil des ministres
parler de l'assainissement industriel. Nous allons entreprendre un programme de
stratégie d'assainissement industriel qui sera vaste. Il va toucher 5 %
des entreprises, soit, mais 5 % des entreprises industrielles
québécoises qui produisent 80 % de la pollution industrielle au
Québec: le secteur de l'aluminerie, le secteur de la métallurgie,
le secteur des pâtes et papiers et le secteur de l'exploration
minière. Nous allons, en l'espace de dix ans, assainir l'industrie du
Québec à 75 %. C'est un programme qui va converger vers celui de
l'assainissement des eaux urbaines et celui de l'assainissement des eaux
agricoles. Greffé à cela, nous avons lancé le plan
d'action Saint-Laurent afin que, dans la même convergence, en dix
années, le Saint-Laurent soit nettoyé, revalorisé et que
son utilisation soit rendue au public du Québec. Le plan d'action
Saint-Laurent, c'est une conséquence du mouvement de l'environnement et
de l'économie, le rapport Brundtland, rapport de la Commission mondiale
sur l'environnement et l'économie dans lequel nous sommes
impliqués au plus haut niveau. Le rapport canadien sur l'environnement
et l'économie est reconnu dans le monde d'aujourd'hui comme un rapport
d'étape des plus importants. Au Québec, nous avons
créé la première table ronde environnement-économie
qui va commencer à dessiner un plan d'action
environnement-économie pour l'avenir. Et le plan d'action Saint-Laurent
est le projet démonstrateur environnement et économie.
Nous avons produit au Québec une contribution à la grande
conférence sur la stratégie mondiale de la conservation. À
l'heure où nous nous parlons, le Conseil de la conservation et de
{'environnement voyage dans sept régions du Québec pour expliquer
le programme de stratégie de conservation du Québec pour les
années 1990 afin d'obtenir un consensus, un consensus populaire, un
consensus qui va refléter toutes les préoccupations des
Québécois.
Le public ne veut pas de chasse aux sorcières. Il ne veut pas
trouver de gros menteurs, de gros voleurs. Ce n'est pas cela. Il sait que ni
vous, ni moi ne sommes de gros menteurs. Il sait que ni vous, ni moi ne sommes
de gros voleurs. Le public veut que l'environnement s'assainisse au
Québec. Le public veut qu'on mette l'accent sur la conservation de nos
ressources. Le public veut que nous changions nos attitudes au Québec et
que l'environnement devienne une réalité de tous les jours, pas
une réalité de vent de politique et de coupage de ruban. Je pense
que le public veut des convictions profondes en matière
d'environnement.
C'est ce que nous ressentons à tous les jours. On peut rigoler du
virage écologique que notre parti a pris ou n'a pas pris. Je crois qu'il
est réel. Quand, demain ou après-demain, je vais aller à
un congrès de notre parti, je sais qu'il y aura des milliers de jeunes
qui seront présents et qui croient de façon farouche et
irréversible que l'environnement est là pour rester au
Québec, quel que soit le gouvernement. Je suis très très
heureux que dans ce gouvernement-ci, nous prenions de plus en plus le chemin
vers un environnement d'avenir, une économie environnementale, quoi
qu'on dise. Je ne pense pas que les motions négatives vont y changer
quelque chose. On est dans un courant irréversible de conservation et le
public est à 100 % avec nous là-dessus. Merci, M. le
Président.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Environnement. Avant de vous reconnaître, M. le député
d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition, j'aimerais vous rappeler qu'il reste
onze minutes à votre formation politique. M. le
député.
M. François Gendron
M. Gendron: Je suis au courant. Mme la Présidente, je
voudrais au moins prendre deux phrases pour situer le débat. J'ai
écouté attentivement le ministre de l'Environnement. C'est
toujours un peu surprenant qu'il se comporte comme quelqu'un de traqué
et d'attaqué dans le domaine de l'environnement alors que la motion n'a
rien à y voir. Je ne sais pas s'il est inquiet de son gouvernement ou
s'il se sent mal. La motion est très claire, Mme la Présidente.
Le problème ici, c'est que, souvent, il n'y a pas beaucoup de gens qui
s'occupent de ce qu'on est sensé faire. La motion dit: "que cette
Assemblée exige que le gouvernement du Québec mette sur pied une
commission d'enquête dont le mandat serait premièrement d'examiner
les circonstances ayant permis qu'une catastrophe comme celle de Saint-Basile
ait pu survenir". C'est clair. C'est un fait qui est arrivé. Ce n'est
pas un discours épistolaire d'un ministre qui dit: Regardez-moi. Je sais
que les choses changent. Cela n'a pas pas de bon sens toutes les
contradictions. Il a dit au moins à 25 reprises - c'est ça qui
est un peu difficile - et je le cite. "Je ne crois pas que la vertu ait un
monopole. Cela ne donne rien de dire: Nous on est beau, on est fin dans le
domaine de l'environnement et vous vous n'avez rien fait. ' À dix
reprises il a dit: 'Regardez tout ce que nous avons fait. ' Comment voulez-vous
le suivre? Cela n'a rien à voir avec la motion.
Je vais essayer, au moins pendant les neuf minutes qui me restent, de
parier de la motion. Est-ce que, oui ou non, il y a eu quelque chose de
spécial à Saint-Basile-le-Grand? La réponse est oui.
Est-ce qu'il y a des gens qui ont posé des questions qui justifieraient
une enquête publique? La réponse est oui. Pourquoi n'autori-
se-t-il pas l'enquête publique? Qu'a-t-il à cacher? Si
l'enquête publique se fait et qu'on dit qu'il n'y a personne qui a fait
comme ce gouvernement-là, que jamais on n'a eu un ministre aussi
responsable, aussi qualifié, bien, on vous applaudira pendant une
semaine, debout sur nos pupitres. Une semaine de temps, ce sera la fête
du ministre de l'Environnement qui est le plus grand, le plus beau, le plus
extraordinaire. Mais on n'est pas des enfants, Mme la Présidente. Il me
semble...
Des voix: Bravo!
M. Gendron: Alors, je retire ce que je viens de dire. Je pensais
qu'on n'était pas des enfants. Voyez ce que les enfants viennent de
faire. Mme la Présidente, c'est évident que ça aurait
été simple de nous dire trois phrases au moins, à savoir
pourquoi il prétend qu'l n'y a pas lieu de tenir une enquête sur
les événements de Saint-Basile-le-Grand. Est-ce que c'est vrai ou
si ce n'est pas vrai? Ce n'est pas une question d'être plus beau et plus
fin que lui. Est-ce que c'est vrai qu'il n'y avait pas eu d'enquête
depuis un an? Aucune enquête depuis un an sur un site
délabré. C'est vrai, c'est lui-même qui disait ça
tantôt. Le site de Saint-Basile était probablement le site le plus
mal en point, et il nous a décrit ça dans un moulin de paroles,
les portes toutes défaites, plus de toit, les barils qui coulaient. Bien
oui! Qu'est-ce qu'il dit? Il dit ce qu'on dit. Il y avait des problèmes.
Pendant un an, les bras croisés, pas d'inspection, pas d'enquête.
Y a-t-il moyen de faire la lumière? Juste ce petit bout-là.
Deuxièmement, pourquoi ne pas avoir réclamé un
nouvel inventaire en vertu du règlement sur les déchets dangereux
en vigueur depuis octobre 1985? Est-ce que, oui ou non, il y avait un
règlement qui lui permettait de faire sa job? Réponse: Oui.
L'a-t-il fait? Non. On ne dit pas: II est un ci, il est un ça et il ne
se passe rien dans le domaine de l'environnement. On lui dit: M. le ministre,
vous aviez un comportement douteux dans Saint-Basile. C'est de ça qu'on
parle. On demande une enquête sur Saint-Basle. C'est là que
quelque chose est arrivé. Ce n'est pas compliqué, ça. Pas
un mot. Pas un mot pour justifier pourquoi il n'autorise pas une enquête
publique. Ce ne sont pas des questions inventées par celui qui vous
parie. Ce sont des questions que tout le monde s'est posées.
Après que le ministère eut refusé de renouveler les permis
de Marc Levy pour ses entrepôts de Saint-Basle et de Shawinigan, pourquoi
les dépôts financiers jusqu'alors exigés du
propriétaire ont-ils cessé? Pourquoi? Il n'a pas la
réponse. Je ne l'ai pas. C'est ça le but d'une enquête
publique. C'est de faire la lumière, pas sur 45 minutes de placotage,
même s'iI est bon. Il était bon son piacotage, du beau piacotage:
II se passe des choses au Québec; H y a des gens qui voient qu'un arbre,
c'est beau; c'est Important, le culte de l'arbre. Bien
oui! On n'a jamais nié ça. La motion du
député de Verchères, malheureusement absent pour des
raisons qu'on a expliquées, ne porte absolument pas sur la beauté
de l'arbre, des pelouses, de l'écologie et de l'environnement. Cela n'a
rien à voir. C'est une motion qui réclame une enquête parce
qu'il y a un paquet de questions sans réponses. Je viens d'en illustrer
quatre. Pas un mot là-dessus du ministre de l'Environnement. (17 h
50)
En conférence de presse, à un moment donné, la FTQ
pouvait dire: Le problème fondamental ne réside pas dans la
sévérité des normes, mais dans la volonté de les
faire respecter? Or, dans le présent cas, ce qui a donné lieu
à ce qui est arrivé à Saint-Basile-le-Grand, c'est
évident que les normes n'ont pas été respectées.
C'est pour ça qu'on veut faire une enquête, pour faire la
lumière sur quelque chose de déplorable qui est arrivé et
que, pour aucune considération, on ne veut pas que ça se
reproduise. Pensez-vous que je poserais ces questions si le même ministre
n'avait pas dit: Je le savais, moi? Pensez-vous qu'il faut être brillant,
hein? Après que c'est arrivé: "je le savais que ça
arriverait". Comment se fait-il qu'il ne répond pas à ça
comme ministre? Pourquoi ne nous dit-il pas qu'il le savait? Cela fait quand
même un petit bout de temps que je fonctionne ici et quand je
prétends que je sais quelque chose, j'ai des raisons. J'ai des raisons.
S'il savait que ça arriverait, c'est parce que, premièrement, il
a été négligent; deuxièmement, ça n'avait
pas de bon sens ce qui se passait; troisièmement, il n'avait pas les
moyens de faire ce qu'il souhaitait, ce qui aurait dû être fait,
soit des inspections, soit que des enquêteurs obligent M. Levy à
se conformer à des choses que le ministre de l'Environnement, grand,
noble, je le reconnais, qui fait beaucoup...
Mais là, on n'est plus à la petite école. Il est
quand même membre d'un gouvernement. Il est membre d'un gouvernement et
il a une responsabilité ministérielle. C'est donc dans sa
responsabilité ministérielle, comme un paquet
d'éditorialistes l'ont dit. On ne peut pas prendre le ministre de
l'Environnement comme un cas isolé et dire: C'est dommage parce que
individuellement de temps en temps il s'occupe de ça. Ce n'est pas
ça. Il est membre d'un gouvernement et le gouvernement a
été négligent et irresponsable, et on lui dit: Assume tes
responsabilités, fais une enquête là-dessus et dis-nous
qu'on est dans les patates. Que l'enquête prouve qu'on est dans les
patates, qu'on a tort, qu'on se trompe, que toutes nos questions sont
farfelues. Mais ce n'est pas ça, il y a tellement de bonnes questions
là-dedans.
Je pourrais continuer pendant toute la motion de mercredi prochain mais
j'ai onze minutes, alors j'ai un problème. Et je ne veux pas uniquement
parler de Saint-Basile même si la question porte sur Saint-Basile. On
veut dire également: Examinez toute la problématique de la
gestion des déchets dangereux. Il aurait pu nous en dire un mot, il n'a
pas dit un mot là-dessus. Il nous a parlé de l'arbre et des
beautés de l'écologie et qu'il se passait des affaires dans
l'environnement. Bien sûr. Que les jeunes avaient une
préoccupation, qu'il y avait un changement de mentalité. On n'a
jamais dit le contraire, Mme la Présidente. Cela n'a rien à voir
avec ce qu'on veut discuter. J'aurais aimé qu'il me dise quelques mots
sur Senneterre en Abitibi-Témiscamingue. C'est juste ça que je
veux aborder dans les quelques minutes qui me restent. Pensez-vous qu'on le
trouve aussi beau et fin qu'il se déclare, le ministre de
l'Environnement? Pensez-vous qu'il a assumé ses responsabilités
d'un type sérieux dans le dossier de Senneterre en sachant très
bien qu'en donnant un permis pour un entrepôt, alors que tout est
organisé, non seulement pour avoir un entrepôt mais
également une usine de traitement...
I! est venu nous dire: Écoutez, l'usine de traitement, il n'est
pas question de ça, les amis, il va y avoir des audiences publiques
avant de donner les autorisations. Je vous dis que c'est brillant, ça!
Pourquoi fait-on un entrepôt, Mme la Présidente? Pour entreposer
des BPC. Après que l'entrepôt est plein, qu'est-ce qu'on fait? On
les met sur le toit, on les met sous une tente qui se déchire, qui
coûte 550 000 000 $ pour rien?
Lors d'une émission dimanche, le ministre de l'Environnement
avouait: Dans le fond, toute l'histoire de la toile et de la tente
c'était un beau show pour faire accroire à la population qu'il
s'occupait de ça. Il l'a dit que ça ne valait pas cinq cents. La
preuve, elle est toute déchirée, ils ne la reconstruiront pas et
ils ne s'en occupent plus. C'est juste 500 000 $, ce sont des gens qui
équilibrent les colonnes, de bons comptables. C'est pas grave 500 000 $,
on équilibre les colonnes nous autres. Bon!
Je reviens à Senneterre. Si le ministre avait assumé ses
responsabilités en Abitibi-Témiscamingue, il aurait dit aux gens:
Je reconnais que, comme ministre, la logique me demande de considérer ce
projet comme un projet intégré. Un projet intégré,
ça veut dire que, quand tu fais un entrepôt et que tu le remplis
de BPC, ça te prend une usine de traitement qui va éliminer les
déchets. Mais ça va ensemble ça! Et pensez-vous qu'il ne
le sait pas, Mme la Présidente? Il le sait. Toutes les lignes
souterraines, tout le circuit d'approvisionnement, toute la question des eaux
que ça prend pour traiter les BPC dans une usine de traitement, c'est
tout installé. Il n'y a pas eu d'audience. Il nous avait dit: Dès
qu'ils vont faire bouger un peu le petit doigt pour faire quelque chose, je
vous garantis que je vais les surveiller. Mais ça ne semble pas
l'inquiéter. C'est Sanivan, Selenco, Noranda, les amis, les "chums" du
régime, campagnes de financement, ça va ensemble. Oui, oui, on
n'a pas peur des mots, ça va ensemble. Et je donnerai quelques exemples
plus précis sur les campagnes de financement
dans quelques semaines. Je vous l'ai dit, d'ailleurs, là-dessus
que je n'ai jamais vu quelqu'un du Parti québécois, qui a
financé le Parti québécois, et qu'à un moment
donné on a entendu dire que son "char* a sauté et qu'il a
sauté avec le 'char*. Je n'ai jamais entendu ça. Cela arrive
à des gens associés au Parti libéral. Oui, oui. Je dis
ça. Et des soupers à tant du couvert, qui ne finissent plus, on
n'a pas ces problèmes.
Mais si je reviens sur Senneterre...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Continuez, M. le député.
M. Gendron: Si je reviens sur Senneterre, Mme la
Présidente, il est clair que le ministre de l'Environnement savait que
ce sont deux projets qui vont ensemble. En conséquence, je serais
d'accord pour lui donner tous les mérites mais on dit ici: faire
enquête sur des situations comme Saint-Basile-le-Grand qui ont eu comme
conséquence, effectivement, d'inquiéter toute la population sur
la gestion et l'avenir des BPC. Dans notre région, la population s'est
élevée, heureusement, et je l'en félicite. Il y a eu un
front commun anti-BPC. On a fait une grosse manifestation à Val d'Or. On
a gagné ce qu'on réclamait depuis des mois. La preuve, il a fait
une déclaration ministérielle il y a deux semaines en disant:
Oui, il y aura effectivement une enquête du BAPE, ce qu'on lui demandait
depuis le début. Donc, on ne devait pas être dans l'erreur tant
que ça. C'est plus de ça que j'aurais aimé que le ministre
nous parle aujourd'hui. Je reconnais qu'heureusement il y a une
préoccupation collective qui a changé dans le domaine de
l'environnement. C'est heureux qu'il en soit ainsi. C'était urgent que,
collectivement, comme société, on soit davantage
préoccupés des questions environnementales comme il était
aussi et il est toujours urgent de faire la lumière sur une situation
qui s'est produite et qui n'a pas de bon sens, une situation qui n'a pas un
brin de bon sens. C'est ça qu'on aurait demandé qu'il
éclaircisse.
Ma conclusion, Mme la Présidente, c'est que si le ministre de
l'Environnement m'avait donné dans son discours de 47 minutes deux,
trois, dix ou quinze bonnes raisons pour ne pas donner suite à une
enquête qui aurait fait la lumière, je lui aurais levé mon
chapeau et j'aurais dit: M. le ministre, vous avez peut-être raison de
dire qu'on fait de la politique, qu'on fait ceci et qu'on fait cela. Pas un mot
pour justifier l'enquête.
Conclusion, je pense... On va d'ailleurs continuer la semaine prochaine
là-dessus. Ce qu'on voulait établir comme preuve, Mme la
Présidente, c'est que de notre côté il est manifeste que si
ces gens n'avaient rien à cacher ils appuieraient notre motion visant
à tenir une enquête publique pour faire toute la lumière
sur cette question. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député et
leader de l'Opposition. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour
ajourner le débat sur la motion de l'Opposition à mercredi
prochain.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle
adoptée?
M. Gendron: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. Compte tenu de l'heure,
nous allons donc ajourner nos travaux à demain, 14 heures.
(Fin de la séance à 17 h 59)