L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 22 novembre 1988 - Vol. 30 N° 65

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures sept minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mmes les députées et MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

Si vous me permettez, nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

À l'étape des déclarations ministérielles, je vais reconnaître M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour une déclaration ministérielle. M. le ministre.

Modifications à la politique de sécurité du revenu

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, par cette déclaration ministérielle, je veux faire part aux membres de cette Assemblée des principales modifications apportées à la politique de sécurité du revenu. Compte tenu du temps dont je dispose, ma déclaration se limitera aux quatre changements les plus significatifs, soit ceux qui touchent à l'allocation de disponibilité des personnes aptes au travail, à la contribution alimentaire parentale, à la question du logement et au programme d'aide à l'emploi.

M. le Président, commençons par l'allocation de disponibilité. La politique de sécurité du revenu repose en grande partie sur l'incitation au travail des personnes qui peuvent occuper un emploi. Les personnes qui font appel à la sécurité du revenu seront invitées à solliciter une participation à divers programmes favorisant leur intégration au marché du travail. Quiconque demandera de participer à ce genre de programme bénéficiera d'une allocation additionnelle de 67 $ par mois, allocation qui sera portée à 100 $ par mois s'il participe réellement à un programme ou à une mesure d'aide à l'emploi. Le ministère offrira ces mesures en priorité à ceux qui demanderont d'y participer. Ces dispositions garantissent à tout prestataire apte au travail qu'il ne subira aucune réduction des barèmes actuels de l'aide sociale à moins qu'il ne refuse d'envisager concrètement une participation active à un programme destiné à améliorer son sort.

Cette modification représente une amélioration importante par rapport à l'énoncé initial de la politique de sécurité du revenu. En comparaison avec les prestations mensuelles versées en 1988, on prévoyait en effet que toutes les personnes aptes au travail recevraient, après l'année de transition qui suit l'entrée en vigueur de la réforme, un barème d'aide réduit de 67 $ par mois jusqu'à ce qu'elles participent réellement à un programme d'actions positives. Pour une personne seule, la prestation passait donc de 487 $ à 420 $ par mois. Dorénavant, ce barème de base de 420 $ par mois ne s'appliquera qu'à l'égard des personnes ayant refusé tout effort de participation.

J'aborde maintenant la question de la contribution alimentaire parentale. Selon la première version de la réforme de l'aide sociale, les adultes considérés comme dépendants de leurs parents se voyaient appliquer, pendant une période maximale de trois ans, une réduction de leur prestation mensuelle proportionnelle à l'aide qu'ils étaient présumés recevoir de leurs parents. La contribution alimentaire parentale était d'au moins 100 $ par mois, même pour ceux dont les parents dépendent de la sécurité du revenu ou gagnent de faibles revenus. En vertu des changements qu'a adoptés le Conseil des ministres, la contribution alimentaire minimale de 100 $ par mois est abolie sans condition. Par harmonisation avec le régime des prêts et bourses, une contribution alimentaire sera présumée à l'égard des personnes dépendantes de leurs parents, proportionnellement au revenu de ces derniers.

Nous savons qu'un certain nombre de personnes sont en situation de rupture avec leurs parents et qu'elles ne peuvent pas concrètement recevoir la contribution alimentaire. J'annonce aujourd'hui que nous travaillons à des mécanismes administratifs souples qui permettront à ces personnes, lorsqu'elles en auront besoin, d'être accueillies dans les plus brefs délais à la sécurité du revenu. Nous envisageons aussi des outils législatifs et administratifs qui autoriseraient ie ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à signifier aux parents qui manquent à leurs obligations relatives à la contribution alimentaire, qu'ils s'exposent à des recours comparables à ceux qui sont entrepris dans le cas d'une personne qui néglige de verser une pension alimentaire à son conjoint.

D'autre part, j'ai le plaisir d'annoncer, M. le Président, qu'une aide additionnelle au logement sera offerte aux familles avec enfants mineurs qui doivent consacrer au logement un montant dépassant certains seuils variant entre 307 $ et 337 $ par mois selon la taille du ménage. Les familles inscrites aux programmes de la sécurité du revenu et les familles des travailleurs à faible revenu recevront une allocation mensuelle correspondant à 75 % des dépassements de ces seuils jusqu'à certaines limites supérieures. Cette aide spécifique vise à compenser les dépenses supplémentaires de logement occasionnées bien souvent par la présence d'enfants dans les ménages. 45 400 familles dépendantes de l'aide sociale et environ 6000 familles de travailleurs à faible revenu bénéficieront d'une allocation-logement pouvant atteindre 52 $ par mois. Plus de 70 % des bénéficiaires de l'allocation-logement sont des familles monoparentales dont le chef est une femme, dans la très grande majorité des cas.

J'aborde enfin la question de l'aide à l'emploi. Le gouvernement a la responsabilité de

développer à l'intention des personnes aptes au travail des programmes scuples destinés à favoriser leur intégration au marché de l'emploi dans les plus brefs délais.

Nous partageons avec Félix Leclerc la conviction que "la meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer pour être chômeur." Nous avons résolument l'intention de nous servir d'une partie de l'énorme budget de l'aide sociale comme levier pour la création d'emplois.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: Dans la foulée de la politique de sécurité du revenu, le gouvernement lancera donc un programme spécifique d'aide à l'emploi en vertu duquel il offrira aux employeurs privés, aux municipalités, aux ministères du gouvernement et aux organismes communautaires bien structurés une subvention pouvant couvrir une partie importante du salaire d'un prestataire engagé pour une période de six à dix-huit mois. Je tiens à préciser, M. le Président, qu'il s'agit là de véritables emplois offerts aux personnes aptes au travail. J'annoncerai bientôt les détails de ce programme.

Voilà, M. le Président, les principales modifications apportées à la politique de sécurité du revenu qui font en sorte que la réforme de l'aide sociale est marquée au coin de la cohérence, de l'équité, de l'incitation au travail et de la générosité de nos concitoyens à l'égard des personnes les plus démunies. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre. Des voix: Bravo!

Le Président: En réponse à cette déclaration ministérielle de M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je vais reconnaître Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, c'est bien à tort que, depuis un an, le gouvernement usurpe le terme "réforme" pour présenter ses projets successifs de coupures à l'aide sociale. D'une annonce à l'autre, les coupures diminuent, mais la véritable réforme est toujours absente. Comme dans bien d'autres dossiers d'ailleurs, depuis trois ans, le gouvernement fait trembler en annonçant le pire, puis il remet une partie de ce qu'il a prétendu enlever et s'attend à en être remercié. Le meilleur exemple est certainement la nouvelle allocation de disponibilité. Le ministre dit et je le cite: Cette modification représente une amélioration importante par rapport à l'énoncé initial de la politique de sécurité du revenu. Cette supposée amélioration n'est pourtant que le maintien du barème déjà existant. Bravo, M. le ministre! Le statu quo est pourtant fort décevant en regard de l'incapacité dans laquelle se trouvent toujours les personnes assistées sociales de conserver une partie substantielle de leurs éventuels gains de travail.

Le ministre semble heureux d'avoir satisfait ses collègues ministériels et son parti en colmatant temporairement leurs propres critiques. Depuis deux mois, c'est comme si le gouvernement s'était parié à lui-même dans ce dossier en faisant complètement fi des sévères mises en garde et des nombreuses critiques soulevées par des centaines d'associations représentatives, de la Conférence des évêques à la ville de Montréal, la semaine dernière, et, encore hier, du Syndicat des fonctionnaires provinciaux. D'ailleurs, depuis sa nomination, le ministre a voulu privatiser sa consultation en dénigrant le processus de la commission parlementaire comme un spectacle auquel il ne voulait pas se prêter. Le résultat est d'autant plus décevant que le ministre n'a été à l'écoute que des intérêts immédiats de sa propre formation politique.

En matière de contribution alimentaire parentale, afin de satisfaire la Commission jeunesse de son parti, le ministre annonce aujourd'hui qu'il mettra en place des recours administratifs comparables à ceux entrepris dans le cas d'une personne qui néglige de verser une pension alimentaire à son conjoint. Voilà que la réforme vient judiciariser les relations familiales.

Déjà très critiquées par les organismes familiaux - le ministre délégué à la Famille le sait d'ailleurs - comme étant abusives et autoritaires, les mesures mises en place, les dispositions prévues à l'égard de la pension alimentaire et contenues dans le projet de loi 37 seront donc élargies aux relations parents-enfants-adultes. (14 h 20)

Ainsi donc - et je cite le ministre - le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pourra dorénavant signifier aux parents qui manquent à leur obligation relative à la contribution alimentaire qu'ils s'exposent à des recours comparables à ceux qui sont entrepris dans le cas d'une personne qui néglige de verser une pension à son conjoint. Un beau nid à chicane en perspective et une belle politique familiale.

De plus, le ministre prétend se satisfaire d'ajuster la contribution parentale qu'il maintient à l'aide sociale à celle déjà fortement contestée qui existe dans le régime des prêts et bourses aux étudiants. Pourtant, contrairement à ceux et celles qui investissent dans un avenir meilleur en acquérant un diplôme, l'aide sociale est un programme de dernier recours, un programme de subsistance qui permet à un adulte de tout juste faire face à ses besoins immédiats. Le gouvernement doit respecter la dette d'honneur qu'il a contractée à l'égard des moins de 30 ans à qui il a promis, il y a trois ans, la pleine parité sur le programme d'aide sociale.

En matière d'allocation-logement, la mesure proposée soulève de vives inquiétudes, notamment puisqu'elle peut se transformer en une prime à la hausse des loyers beaucoup plus qu'en une véritable mesure de logement social.

M. le Président, j'aimerais rappeler ce que les porte-parole de la ville de Montréal qui sont chargés de l'administration du programme d'aide sociale à Montréal disaient de la mesure de coupure pour partage de logement qui est toujours maintenue dans le projet de loi 37. La cohabitation, disaient les porte-parole de la ville, est une condition facilitant la reprise en charge des assistés sociaux. Il est inacceptable que, lorsque quelqu'un se donne...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Harel: ...les moyens de s'en sortir, cette personne soit immédiatement pénalisée sur ses prestations.

J'aimerais également mettre en garde le ministre contre cette nouvelle mesure qui n'est pas vraiment décrite mais qui est a peine ébauchée à la toute fin de sa déclaration ministérielle. Il faut veiller à ce qu'aucun programme, comme le rappellait hier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, ne mène au développement d'un bassin de main-d'oeuvre à bon marché, au détriment du respect des lois du travail existantes et du principe fondamental "à travail équivalent, salaire égal". M. le Président, la subvention peut permettre à un employeur d'utiliser de façon répétitive une main-d'oeuvre qui est mise à pied au fur et à mesure que se termine la subvention, de manière à faire remplacer les stagiaires par de nouveaux subventionnés.'

Il faut certainement que le ministre réponde plus sérieusement à l'échec retentissant que constitue le programme APPORT présentement. Le gouvernement ne peut prétendre faire adopter aveuglément, dans le cadre de la loi 37, les dispositions du programme APPORT sans d'abord répondre aux questions sérieuses que son échec soulève. Le ministre des Finances avait invoqué, lors du discours sur le budget d'avril 1987, que ce programme bénéficierait à 44 000 familles. Au moment où l'on se parle, c'est à peine 16 000 familles des 44 000 supposées familles bénéficiaires qui peuvent actuellement toucher une allocation du programme APPORT. Ce programme est certainement un échec retentissant pour le gouvernement qui avait aboli le programme précédent pour cause d'inefficacité et qui avait remplacé le programme du gouvernement précédent avec grand fracas, lors du discours sur le budget du printemps 1987.

À peine 35 % de l'objectif des 44 000 familles sont atteints, malgré, on le sait, l'impression de 1 000 000 de dépliants, plus de 100 000 demandes d'information et plus de 50 000 formulaires d'inscription envoyés. Ce programme est un échec, et le gouvernement doit répondre de cet échec avant de le faire adopter. Alors, M. le Président, en conclusion, il est évident que nous allons exiger le dépôt de la réglementation. Simplement à se rappeler que 39 pouvoirs réglementaires se retrouvent à l'article 90 du projet de loi 37 et cet engagement que le prédécesseur du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a pris en cette Chambre de déposer les règlements. Nous attendons que cet engagement soit respecté par le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président: Je remercie, Mme la députée de Maisonneuve. Pour son droit de réplique, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. M. le ministre.

M. André Bourbeau (réplique)

M. Bourbeau: M. le Président, à entendre la députée de Maisonneuve, il semble qu'il faudrait faire une réforme de l'aide sociale, mais sans aucun changement. Dès qu'on fait un changement, elle nous blâme de faire quelque chose. C'est bien évident que, quand on fait une réforme, il faut changer des choses.

Qu'est-ce que nous faisons avec la réforme que nous avons devant nous? Nous faisons en sorte de venir en aide, d'une façon privilégiée, à un groupe d'assistés sociaux qu'on appelle les non employables ou, si vous voulez, les inaptes, un groupe d'environ 100 000 familles dont l'état de santé physique ou mentale est tellement détérioré qu'ils ne peuvent absolument pas travailler. Pour ces gens-là, le gouvernement a décidé de faire un effort particulier et spécial. Nous faisons en sorte de suivre l'exemple de toutes les provinces canadiennes et de la très grande majorité des pays industrialisés. Je continue à ne pas comprendre pourquoi la députée de Maisonneuve et l'Opposition d'ailleurs s'attardent toujours à s'opposer à cette distinction que nous faisons entre les aptes et les inaptes, puisque le Québec retarde à ce point de vue.

D'autre part, la réforme met fin à la distinction quant à l'âge. On ne peut plus tolérer aujourd'hui, dans le contexte des chartes des droits, de maintenir cette distinction artificielle d'un traitement spécial pour les plus de 30 ans par rapport aux moins de 30 ans. Nous en avions d'ailleurs déjà fait un engagement électoral. Nous nous étions également engagés à introduire un mécanisme d'incitation au travail dans la réforme, de sorte qu'il soit dorénavant plus rentable d'aller travailler, même au salaire minimum, que de demeurer à l'aide sociale, ce qui est le cas présentement d'une certaine clientèle comme, par exemple, les couples avec deux enfants. Dans le système actuel, c'est plus payant de rester chez soi bénéficiaire de l'aide sociale que d'aller travailler. Il fallait donc que le gouvernement fasse en sorte de mettre fin à ce manque d'incitation au travail.

Je tiens à dire à la députée de Maison-

neuve, contrairement à ce qu'elle a affirmé, que j'ai consulté non seulement les instances de mon propre parti, mais également la députée de Maisonneuve elle-même et les leaders syndicaux; j'ai rencontré Nosseigneurs les évêques et les dirigeants de la ville de Montréal. J'ai fait le tour du front commun des assistés sociaux et de tous les groupes qui avaient quelque chose à dire au sujet de la réforme. Je les ai consultés, je les ai écoutés et j'en ai tenu compte dans mes propositions.

Maintenant, je pourrais parler de certains sujets. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il m'apparaît que l'objection qu'on faisait à la réforme, jusqu'à maintenant, surtout dans les milieux du front commun des assistés sociaux, tenait à trois sujets. Premièrement, l'incitation au travail qu'on disait trop négative. Je pense qu'avec la mesure que j'ai introduite aujourd'hui, on fait disparaître la pénalité négative, évidemment, qui était imposée aux assistés sociaux en attente d'une mesure d'employabilité.

Pour ce qui est de la contribution alimentaire parentale, je pense que l'abolition de la contribution minimale, c'est vraiment un pas en avant parce que cela enlève ce qu'il y avait d'un peu odieux, si je peux m'exprimer ainsi, pour les familles pauvres, les familles déjà bénéficiaires de l'aide sociale.

Finalement, la question du partage du logement. La proposition que nous avons sur la table est une réponse exceptionnelle au problème du logement des familles à faible revenu. En introduisant le programme d'allocation-logement, nous répondons beaucoup mieux au problème de logement des familles bénéficiaires de l'aide sociale qu'en enlevant, par exemple, le partage du logement. C'est une réponse ponctuelle qui vient en aide aux familles qui en ont le plus besoin, spécialement aux familles monoparentales.

Bref, M. le Président, et je conclus sur cela, les réponses que nous apportons aujourd'hui font en sorte que, dorénavant, les oppositions qu'on apportait à la réforme de la sécurité du revenu devraient, sinon tomber, du moins être amoindries à ce point que, j'espère, toutes les personnes raisonnables voudront maintenant se rallier à la réforme et voter avec nous dans le meilleur intérêt des assistés sociaux et de tous les Québécois. Je vous remercie.

Le Président: Je vous remercie, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Nous allons maintenant procéder à la présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Non, M. le Président.

Le Président: Dépôt de documents, M. le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation.

Rapport annuel de la Régie du logement

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de vous présenter le rapport des activités de la Régie du logement pour l'année budgétaire 1987-1988.

Le Président: Le document est maintenant déposé. M. le ministre délégué aux Forêts, toujours à l'étape du dépôt de documents.

La forêt privée, un potentiel à développer

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'un groupe de travail. Ce rapport est intitulé. La forêt privée, un potentiel à développer. Le groupe présidé par le député de Beauce-Nord avait pour mandat d'analyser les principes, les orientations et les programmes d'aide existant actuellement en forêt privée. (14 h 30)

Le Président: M. le ministre, votre document est maintenant déposé.

Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission du budget et de l'administration et député de Vanier. M. le député de Vanier.

Vérification des engagements financiers

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé les 31 mars, 11 et 25 octobre ainsi que les 1er et 3 novembre 1988 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère des Approvisionnements et Services, du ministère du Revenu, des organismes relevant du ministre délégué aux Finances et à la Privatisation et du ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor pour la période couvrant les mois d'août 1987 à août 1988.

Le Président: M. le député de Vanier, votre rapport de commission est déposé. M. le président de la commission des institutions et député de Taillon.

Étude détaillée des projets de loi 33 et 72

M. Filion: Oui, M. le Président. Je voudrais déposer deux rapports: celui de la commission qui a siégé le 17 novembre 1988 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 33, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement de pensions alimentaires ainsi que le rapport de la commission qui a siégé le 17 novembre 1988 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 72, Loi modifiant la Loi sur les jurés.

Le Président: M. le député de Taillon, vos deux rapports de commission sont maintenant déposés. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Bertrand.

Étude détaillée du projet de loi 14

M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, j'ai deux rapports moi aussi. D'abord, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 17 novembre 1988 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi sur la réorganisation municipale du territoire de la municipalité de la Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent. Ce projet de loi a été adopté avec amendement.

Étude détaillée du projet de loi 53

Aussi, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 17 novembre 1988 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 53, Loi modifiant la Loi sur la Communauté urbaine de Québec concernant la paroisse de Saint-Dunstan-du-Lac-Beauport. Le projet de loi a été adopté.

Le Président: M. le député, vos deux rapports sont maintenant déposés. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de rapports de commissions?

Dépôt de pétitions. M. le député de Joliette et chef de l'Opposition.

M. le député de Bertrand, dépôt de pétitions.

Empêcher la commercialisation du dimanche

M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 242 pétitionnaires des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce des comtés de Bertrand, de Laporte et de Châteauguay. L'intervention réclamée se lit comme suit: Que l'Assemblée nationale du Québec légifère rapidement dans le but d'empêcher la commercialisation du dimanche. Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: M. le député de Bertrand, votre pétition est déposée.

M. le député de Saint-Jacques, toujours à l'étape de dépôt de pétitions.

M. Boulerice: M. le Président, je dépose une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 902 pétitionnaires des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce des comtés de Saint-Jacques, de Laprairie, de Marquette, de Mont-Royal et de Richelieu. L'intervention réclamée se lit comme suit: Que l'Assemblée nationale du Québec légifère rapidement dans le but d'empêcher la commercialisation du dimanche. Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Votre pétition est déposée, M. le député de Saint-Jacques. Y a-t-il d'autres dépôts de pétitions?

Cet après-midi, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Avant de procéder à la période régulière de questions, j'aimerais aviser tous les membres de cette Assemblée que nous allons procéder à un vote qui a été reporté mercredi dernier. Il s'agissait de la motion de l'Opposition présentée par M. le député de Bertrand.

Je suis prêt à reconnaître une première principale cet après-midi à M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Libre-échange et emploi au Québec

M. Chevrette: M. le Président, "Libre-échange et emploi au Québec: les chiffres existent mais Bourassa ne veut pas jeter d'huile sur le feu". C'est ce qu'on titrait la semaine dernière et ce sont des paroles qu'on entendait de la bouche du ministre de l'Industrie et du Commerce. Étant donné maintenant que la période de grande neutralité du premier ministre, du ministre des Transports, de la vice-première ministre et de la ministre de la Santé est terminée, est-ce que le premier ministre peut nous dire ce matin quand il rendra les chiffres publics, s'ils existent?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je suis très heureux de revoir le chef de l'Opposition, de le trouver en pleine forme, sur un ton serein. Je n'ai pas pu communiquer personnellement avec lui pour voir si tout avait bien été, mais il semble bien et on en est tous très heureux. On l'a manqué la semaine dernière. Non, très sincèrement. Avec toutes mes excuses au député de Lac-Saint-Jean.

M. le Président, je veux dire au chef de l'Opposition que sur cette question-là, qui est une question importante, nous l'avons dit et l'admettons, le ministre responsable fait des études depuis plusieurs mois. J'ai énoncé, la semaine dernière, un échéancier des rencontres qu'il y avait eu avec les représentants des employeurs et les représentants des syndicats. J'ai dit qu'à la mi-décembre, nous connaîtrions l'ensemble des ajustements. Le premier ministre du Canada disait, il y a quelques instants même, au cours d'une conférence de presse à Baie-Comeau, que c'était pour lui une priorité majeu-

re. II est clair maintenant que la population canadienne s'est prononcée sur la question du libre-échange. Donc, le traité sera ratifié. Des deux côtés de la Chambre, nous sommes d'accord avec cela.

Tantôt, en conférence de presse - le chef de l'Opposition a dû m'écouter comme je l'ai moi-même écouté par la suite - je donnais un exemple bien concret d'une entente qui a été conclue et qui sera ratifiée dans les prochains jours pour une nouvelle vente de 8 500 000 000 $ d'électricité à l'État de New York. C'est important. Je comprends que le leader de l'Opposition va m'interrompre, mais il sait combien c'est important pour moi de bâtir cet énorme compte de banque dont les jeunes d'aujourd'hui ont besoin pour commencer le prochain siècle. Alors, je suis heureux d'annoncer qu'il y a un contrat de 8 500 000 000 $ qui s'ajoute aux 17 000 000 000 $ et aux autres qui ont déjà été annoncés.

Alors, je veux dire au chef de l'Opposition que, dans ce contexte, le libre-échange nous protège beaucoup mieux contre des taxes à l'importation qui pourraient coûter très cher au Québec. Cela dit, il y a des aspects, des périodes de transition. Tantôt, j'écoutais le chef de l'Opposition et M. Parizeau qui parlaient de la nécessité d'agir. Mais, je pose une question au chef de l'Opposition ou je signale un aspect dans son argumentation. On parle là de diminution de tarifs - le ministre pourra compléter - de peut-être 1 % ou 2 % par année. Comment se fait-il que l'Opposition n'a jamais posé de question sur l'impact de la hausse du dollar canadien qui est autrement plus forte que ce qui est prévu dans le traité de libre-échange? Depuis deux ans, il y a eu 20 % d'augmentation des prix des exportations canadiennes. Vous n'avez jamais posé de question là-dessus.

Des voix:...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Bourassa: Vous avez le temps d'en poser, des questions.

Le Président: À l'ordre!

M. Bourassa: Alors, je dis au chef de l'Opposition que je veux le rassurer. Encore une fois, il ne fait que son strict devoir. Je serais étonné qu'il ne me pose pas des questions là-dessus aujourd'hui. C'est la seule chose sur laquelle il peut poser des questions. Je serais étonné. Je veux qu'il continue d'en poser, c'est important. Mais je veux le rassurer sur la détermination du gouvernement à protéger des travailleurs dans les cas où l'impact du libre-échange pourrait avoir des effets.

Le Président: En additionnelle, M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, quel que soit le sujet sur lequel on questionne, le premier ministre a le don de répondre sur autre chose que sur le sujet dont on parle. Donc, il pourra toujours répondre aux questions qu'il s'imaginait que nous devions lui poser. Et, à partir de là, il va être heureux, il va se bidonner seul. Mais la question était précise. Est-ce qu'il croit que le gouvernement du Québec a une responsabilité dans la question des programmes de transition? Est-ce qu'il croit que le gouvernement du Québec doit participer? Est-ce qu'il croit qu'il est du devoir et du rôle essentiel d'administrer tous ces programmes au niveau du Québec? Et à combien estime-t-il la part du fédéral pour ces programmes de transition? C'est la question fondamentale. Vous avez dit que des chiffres existaient. Quand allez-vous les rendre publics? La question est aussi simple que cela.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je m'excuse auprès du chef de l'Opposition. J'admets que dans la réponse à sa première question, j'ai pris un petit détour de quelque 8 500 000 000 $. Je veux simplement admettre que son affirmation là-dessus... Je veux lui dire, encore une fois, pour me référer à ce qu'il disait tantôt - j'ai le droit de me servir de ses propos d'il y a quelques instants devant les médias avec son chef, M. Parizeau, dont on manque toujours la présence en cette Assemblée... (14 h 40)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Lorsque nous parlons de libre-échange, nous ne parlons pas d'union douanière. Je veux dire que faire un lien entre ça et l'indépendance du Québec, ce n'est pas réaliste. On ne parie pas d'intégration et de marché commun. Il n'y aura pas un Parlement nord-américain comme en Europe où des députés québécois, canadiens et américains seraient élus. Je veux simplement situer une distinction bien nette entre un accord de nature pratique, limité à des réductions de tarifs et quelques autres points, et une intégration économique classique comme on en connaît dans le marché commun européen.

Ceci dit, je dis au chef de l'Opposition qu'il aura toutes les réponses. J'ai donné un échéancier. Il disait lui-même, lors de sa conférence de presse: Est-ce que le gouvernement va attendre le rapport de Grandpré? J'ai dit au chef de l'Opposition qu'à la mi-décembre, nous aurons toute l'information donnée. Le premier ministre du Canada vient de dire, quelques heures après sa réélection qui était, à toutes fins utiles, à l'intérieur du Parti conservateur, un événement historique... Quelques heures à peine, sans jouir de son rôle dans l'histoire, il annonce déjà que la question des programmes de transition est une priorité majeure pour lui. Je pense que le chef

de l'Opposition devrait être rassuré. Je peux lui répéter tout l'échéancier. Peut-être que vous pouvez faire l'interpellation vendredi... Je ne sais pas s'il est trop tard pour faire l'interpellation là-dessus vendredi prochain. Je pense que le ministre serait heureux d'être présent. Alors...

M. Gendron: Consentement. Une voix: Consentement. Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. Bourassa: On pourra donner...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre, en conclusion. M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'ai dit au chef de l'Opposition, pour ne pas lui répéter tous les détails, qu'il y a eu des rencontres; 155 entreprises ont répondu, etc.... Je lui ai donné ça la semaine dernière. Je l'ai donné aussi, je crois, lors d'une conférence de presse. Je lui dis que nous aurons toutes les informations et, avant la mise en application du traité pour les secteurs affectés... Il ne faut quand même pas dramatiser. On sait que chaque année, au Canada, des centaines de milliers d'emplois sont perdus et des centaines de milliers sont créés, et au Québec, selon des études - sous réserve de vérification - l'an dernier, 100 000 nouveaux emplois se sont créés de plus que ceux qui ont été perdus.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Question de règlement pour la forme...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: ...je tiens à le signaler. Il est peut-être bon de le communiquer au public. Il n'existe pas de règlement pour les réponses du premier ministre. Cela fait plusieurs fois que vous me le rappelez. Mais je voudrais vous rappeler que je ne comprends toujours pas pourquoi, en cette Chambre, il y aurait un règlement pour tous les autres parlementaires à la période de questions et il n'y en aurait pas pour le premier ministre. Cela fait trois fois que vous dites: En conclusion. Il recommence: Ce que je veux dire, c'est ce que je vais vous dire, mais toujours à la fin de sa réponse. S'il s'en tenait à la question posée, il pourrait commencer par ce qu'il veut nous dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition, comme c'est son rôle, a tendance à dramatiser cette question des périodes de transition. C'est son rôle. C'est la seule bouée de sauvetage. C'est l'équivalent, à toutes fins utiles, d'une... Je les comprends. Ils ne peuvent pas... Ils sont d'accord avec tout le reste, toutes les politiques du gouvernement. Je dis au chef de l'Opposition que dans l'ensemble de ce qui se crée et de ce qui se perd en emplois... Le Conseil économique du Canada disait que c'est environ 5 %. L'an dernier, par exemple, si 400 000 emplois ont été perdus, 500 000 ont été créés alors qu'on parle là de peut-être 5 % du total. Et que le 1er janvier qui vient... Le chef de l'Opposition disait lui-même, lors de sa conférence de presse, que c'était le ou vers le 1er janvier. Lui-même admettait que ça ne serait peut-être pas le 1er janvier. Il disait lui-même que le 1er janvier qui vient, là où il y aura baisse de tarifs, tous les secteurs, comme le disait le ministre de l'Industrie, du Commerce, tous les secteurs ont accepté. Donc, on parle sur une période...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...de cinq ans... Je termine, M. le Président. On parle, sur une période de cinq ans ou de dix ans, d'une baisse de tarifs de 1 %, peut-être 2 % dans un cas alors que le dollar varie de 7 % à 8 % ces années-ci. J'espère que vous comprenez. Le dollar varie de 7 % à 8 % pour les prix, et on parle de 1 %. Alors essayez de comprendre et vous allez être encore d'accord avec nous.

Le Président: Si vous me le permettez, M. le chef de l'Opposition. Pour répondre à la question de règlement présentée par M. le leader de l'Opposition, tout à l'heure, je dirai que la discrétion accordée au premier ministre, je l'ai toujours accordée également au chef de l'Opposition et j'ai l'intention de continuer.

M. Gendron: II pose des questions, il ne prend pas...

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je vous ferai remarquer, M. le Président, que je n'ai jamais trop trop abusé du temps pour les questions, mais, cette fois-ci, je vais le faire.

Une voix: Bravo! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je vais vous expliquer, M. le Président. Au public, aux groupes de salariés, aux syndicats, à la petite et moyenne entreprise qui n'est pas nécessairement prête à faire face à la concurrence et qui devra s'adapter - on retrouve

cela même dans l'étude de Samson, Bélair, qui dit qu'il faudra des programmes de transition y compris pour la petite et moyenne entreprise - le premier ministre et son ministre nous disent que des chiffres existent, que des études d'impact sont faites, mais chaque fois qu'on lui posait une question avant les élections fédérales, alors qu'il aurait pu profiter du momentum, comme l'a fait l'Ontario, au moment où il aurait véritablement pu profiter de son rapport de forces, je comprends qu'il ne le pouvait pas parce que, au moment où il se pavanait en se disant pour le libre-échange, les trois-quarts de ses ministres se pavanaient sur les scènes contre le libre-échange avec les députés libéraux.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Cela a été le cas de son organisateur en chef.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: Guy! Guy! Guy!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Au moment, M. le Président, où son principal organisateur a mis la "big red machine" en marche dans Québec-Est et Charlesbourg contre le libre-échange, il affichait un grand air de neutralité et lançait des appels aux centrales syndicales pour qu'elles soient très compréhensives devant la situation. Il disait qu'il voulait être neutre et il lançait des appels à la quiétude. M. le Président, j'en suis à quelques minutes de ma conclusion.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Votre question.

M. Chevrette: M. le Président, je disais donc que la pseudo neutralité du premier ministre...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: ...a laissé sous-entendre, pendant une semaine, que tout existait, que tous ces chiffres étaient connus. Il se donne jusqu'au 15 décembre...

Une voix: Cela n'a pas de bon sens.

M. Chevrette: Savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce qu'ils ont commencé la semaine dernière à rédiger des mémoires dans les onze ministères. Cela ne s'est pas fait avant. Ils n'ont pas fait de demandes concrètes.

Le Président: Votre question.

M. Chevrette: Au moment où on se parle, ce ne sont que des demi-vérités et même du contraire à la vérité, M. le Président, qu'on nous sert...

Le Président: Votre question!

M. Chevrette: ...et je vais vous dire pourquoi en 30 secondes en conclusion.

Le Président: Votre question! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Prends ton temps, ça ne presse pas.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît!

M. Chevrette: M. le Président, au mois de décembre 1987, je demandais au ministre de l'Industrie et du Commerce...

M. Gendron: Cela n'a pas de bon sens, mais c'est ça niaiser.

M. Chevrette: ...est-ce que, avant de donner votre accord au libre-échange, vous aurez préalablement réglé la question du quantum de participation aux programmes de transition? Page 5217. Voici ce que répondait ce cher ministre, à la page 5218, M. le Président: "Je prends l'engagement, comme nous l'avons pris, que, condition-nellement à l'adhésion du Québec à ce traité de libre-échange, doivent exister des mesures et des périodes de transition accompagnées des mesures nécessaires pour permettre aux entreprises qui seront le plus touchées de passer au travers et de demeurer compétitives". La semaine passée, le premier ministre nous disait que c'était tout juste en préparation. Qui dit la vérité, M. le Président? Si le premier ministre a droit à 20 minutes pour répondre en dehors des questions, je dois prendre au moins quelques minutes pour le replacer dans le sujet.

Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: M. le Président, je n'ai quand même pas pris 20 minutes. La période a commencé il y a quinze minutes.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre, vous avez la parole.

M. Bourassa: Toujours ce sens de la mesure qui fait défaut à l'Opposition! Ce que j'ai dit tantôt... D'ailleurs, je ne suis pas pour reprendre le préambule du chef de l'Opposition, il cite l'Ontario et le libre-échange et je ne pense pas qu'aujourd'hui soit la meilleure journée pour

citer l'Ontario. (14 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition ne comprend pas? Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que ce que je viens de mentionner, les rencontres en septembre 1988, j'ai dit ça il y a exactement deux semaines et la semaine dernière. Il n'y a pas de nouveau aujourd'hui. J'ai dit simplement que tout était en marche: les négociations, les discussions avec les travailleurs et les employeurs. Dans ma réponse, il me semble que c'est pertinent... Si le chef de l'Opposition peut m'écouter, je donne dans ma réponse le contexte où ça s'exerce. Je lui dis que le taux de change a varié beaucoup plus que les prévisions de réduction tarifaire. Il me semble que c'est pertinent. Faites un petit effort pour comprendre la pertinence de ces propos. Je donne le contexte où ça va se faire. Je dis que chaque année il y a des centaines de milliers d'emplois qui sont perdus. Il y en a es centaines de milliers et l'an dernier, 100 000 de plus au Québec. C'est pour ça qu'on a eu 100 000 emplois. C'est ça, la mobilité du marché de la main-d'oeuvre. Nous assistons, au Canada, dans les sociétés industrielles, à une mobilité sans précédent de la main-d'oeuvre. Le libre-échange va l'accroître pour une partie très marginale dans les premières années. Nous avons un grand nombre de programmes pour y faire face. Nous en aurons d'autres pour faire face à l'augmentation graduelle, en plus du milliard de dollars dépensé par les deux gouvernements pour l'adaptation qui existe déjà.

Pour résumer, M. le Président, examinons donc la portée réelle des changements, on va s'apercevoir qu'elle est bien moindre que ce que nous avons connu avec le taux de change. Deuxièmement, examinons les programmes déjà existants, un grand nombre de programmes existants, des centaines de millions de dollars qui sont affectés. Troisièmement, examinons les nouveaux programmes qui sont en préparation pour s'ajouter aux programmes qui existent déjà et qui vont évidemment régler le problème à la grande satisfaction de l'ensemble de la population et des travailleurs concernés et au grand découragement de l'Opposition officielle.

Le Président: Je vais reconnaître la deuxième question principale à M. le député de Ver-chères. M. le député de Verchères.

Procédé Pyral pour la destruction des BPC

M. Charbonneau: M. le Président, pour reprendre les paroles du premier ministre, on va parler un peu de contexte. Si ça ne vous dérange pas trop, on va changer de sujet. Nous allons parler d'environnement, M. le Président. Hier, on apprenait qu'il y avait dans l'air le projet d'un autre incinérateur de BPC au Québec, ajouté à celui de la compagnie Sanivan, à Senneterre, et ajouté également au projet des promoteurs du procédé Pyral. On est actuellement devant au moins trois projets de développement technologique à l'égard de la destruction des BPC.

Le problème, c'est qu'on a devant nous une enquête du Bureau des audiences publiques du Québec qui, d'une certaine façon, gèle toute l'opération jusqu'à ce qu'on ait évalué. Voilà le contexte.

La question que je voudrais poser aujourd'hui au ministre de l'Environnement est la suivante: II y a déjà plus de deux ans, en fait depuis le mois de juin 1985, le gouvernement du Québec a favorisé le développement d'un de ces trois procédés, en l'occurrence le procédé Pyral qui avait été mis au point par des chercheurs de l'Université de Sherbrooke. Ce procédé s'est avéré suffisamment important et intéressant pour qu'Hydro-Québec s'y associe, dans un premier temps, et pour qu'éventuellement une firme importante du Québec, Lavalin, en arrive, après des évaluations, à des conclusions fort intéressantes à l'égard de ce procédé.

La question qu'on voudrait poser aujourd'hui au ministre de l'Environnement, c'est: Pourquoi le ministère de l'Environnement n'a-t-il pas soutenu efficacement les chercheurs de l'Université de Sherbrooke pour que ce procédé soit développé et qu'on ait en main actuellement, et déjà depuis un bon bout de temps, une usine de destruction mobile qui, toutes proportions gardées, quand on fait les comparaisons, compte tenu des évaluations qui ont été faites, serait plus efficace au plan écologique et au plan financier? Qu'est-ce qui permet d'expliquer qu'aujourd'hui, on se retrouve en panne comme société alors que le ministère de l'Environnement aurait pu soutenir le développement d'un procédé technologique issu de la recherche de chercheurs québécois?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, le procédé Pyral a été appuyé par Hydro-Québec à la suite d'une découverte d'un chercheur de l'Université de Sherbrooke. Le ministère de l'Environnement a donné tout son appui technique. J'ai cité des lettres, des mémos en public que je pourrais déposer ici, des inspections qui ont été faites sur le site par tous les gens du ministère. Nous avons écrit au promoteur pour lui demander de déposer des avis et des devis, de se soumettre à toutes les procédures du ministère de l'Environnement pour qu'on puisse pousser le projet en avant. Ce qui est arrivé, c'est que, pour ses propres raisons, Hydro-Québec, qui était le financier du projet, a décidé de ne plus investir de l'argent dans ce procédé, à la suite d'une série de tests qui se sont révélés négatifs. Hydro-Québec a pris cette décision pour ses raisons à elle, parce qu'elle pensait qu'elle

aurait à investir beaucoup trop d'argent là-dedans. Par la suite, l'inventeur s'est retourné vers une compagnie américaine. Le projet est en état embryonnaire maintenant. Ce n'est pas un projet éprouvé.

Naturellement, nous nous réjouirons de tout projet qui peut répondre aux critères d'élimination au Québec, Pyral et tous les autres. C'est ça notre position.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: M. le Président, comment le ministre de l'Environnement peut-il renvoyer la responsabilité de la situation a Hydro-Québec alors que l'explication qui nous a été donnée par Hydro-Québec, à plusieurs reprises, y compris en commission parlementaire, c'est qu'à un moment donné, sont intervenus des éléments de conjoncture, d'une part, qui étaient, entre autres, une déclaration du ministre de l'Environnement affirmant qu'il fallait privilégier une option éprouvée?

Le Préskient: Question.

M. Charbonneau: J'étais toujours dans la forme interrogative... Et, d'autre part, comment le ministre peut-H encore une fois renvoyer la balle à Hydro-Québec, alors qu'Hydro-Québec a expliqué que c'est à cause de la politique du gouvernement actuel qui privilégie le faire faire par l'entreprise privée plutôt que par la société d'État, qu'elle a décidé, elle, de ne pas investir ce qu'il aurait fallu investir? Comment le ministre de l'Environnement peut-il, devant ces deux explications données par Hydro-Québec, renvoyer la balle à Hydro-Québec, alors que de toute évidence, la responsabilité doit revenir...

Le Président: Monsieur...

M. Charbonneau: ...sur les épaules du gouvernement du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: C'est complètement farfelu, comme d'habitude, complètement farfelu. Tout d'abord, je pourrais déposer avec grand plaisir tous les documents que j'ai déjà rendus publics en conférence de presse. Deuxièmement, il y a eu des déclarations formelles, le jour de la fameuse conférence complètement farfelue du député de Verchères et de son chef du Parti québécois, M. Parizeau, une conférence complètement dénuée de sens où on a cité des propos et de l'inventeur, le professeur Lalancette, et d'Hydro-Québec niant formellement toutes les choses que vous dites. Hydro-Québec a démenti formellement que la décision du ministère de l'Environnement ait été la raison qui a poussé Hydro-Québec de ne plus investir dans le procédé. Plutôt, les tests qui avaient été faits démontraient qu'Hydro-Québec pourrait investir des sommes beaucoup trop importantes pour continuer ce procédé, et c'est Hydro-Québec, de son propre chef qui a décidé ça.

Les déclarations des représentants d'Hydro-Québec, je pourrais les déposer ici aussi. Je pourrais aussi déposer la déclaration formelle...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: ...du professeur Lalancette disant que le ministre de l'Environnement lui-même, donc, moi, ou le ministère de l'Environnement n'avait empêché aucunement le procédé Pyral. Cela avait été une décision prise unilatéralement pour ses propres raisons par HydroQuébec. De dire que c'est le ministère de l'Environnement qui devrait financer tous les projets d'inventions concernant les BPC au Québec, c'est vivre complètement en dehors de la réalité. Il y a quelque chose comme six projets qui sont à l'étude aujourd'hui. Je peux bien lui donner l'explication, autrement posez-moi d'autres questions.

Le Président: Oui, il va y avoir d'autres additionnelles. M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Qu'est-ce qui est si farfelu que ça fasse dire au ministre de l'Environnement que celui qui vous parle est à côté de la "track", alors que ce sont les porte-parole mêmes d'Hydro-Québec qui ont indiqué que c'est à cause de la politique du gouvernement actuei d'obliger la société d'État à faire faire plutôt qu'à faire elle-même un certain nombre de choses qui expliquent la situation? Est-ce que c'est la politique actuelle du gouvernement à l'égard du développement scientifique et de la recherche au Québec que de laisser tomber des chercheurs québécois quand ils font des découvertes intéressantes et de les obliger d'aller à l'étranger pour se trouver du financement et de permettre à une entreprise privée d'ici...

Le Président: Monsieur...

M. Charbonneau: ...de développer un produit étranger? Est-ce que c'est ça la politique du gouvernement actuel à l'égard de la recherche scientifique et du développement technologique?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le ministre de l'Environnement. (15 heures)

M. Lincoln: M. le Président, j'espère que vous allez me donner un peu de temps pour répondre. D'abord, aucune preuve à l'appui. Il dit que c'est Hydro-Québec qui a dit ça. Moi, je peux déposer des documents pour vous montrer qu'Hydro-Québec a situé formellement le jour de

votre fameuse conférence de presse, lorsqu'ils ont été interviewés par la télévision et la radio à Sherbrooke, que c'était complètement faux. Je pourrai vous déposer des procès-verbaux d'Hy-dro-Québec. Si je ne le fais pas aujourd'hui, je vais mettre mes documents en place et je les déposerai demain devant vous, encore une fois. Tout cela, c'est de connaissance publique parce qu'on a fait une conférence de presse où on a étalé tous ces documents. Je vais vous en citer quelques-uns que j'ai avec moi aujourd'hui. Voici, par exemple, votre déclaration, à savoir qu'on n'a pas appuyé Pyral. Réunion avec Hydro-Québec au sujet de Pyral: un ingénieur chimiste, un chimiste et un ingénieur du ministère de l'Environnement; réunion encore avec Hydro-Québec, par un chimiste; un autre chimiste, une autre réunion quelques mois après, du 3 octobre 1985 au 6 mars 1986. En plus de quoi, nous recevons une lettre qui dit au ministère de l'Environnement: "Je profite de l'occasion pour remercier, au nom d'Hydro-Québec, les services que vos spécialistes nous ont rendus jusqu'à maintenant - c'est en mars 1986 - dans le projet de développement d'une nouvelle technologie de destruction des BPC. Les divers conseils techniques exprimés, les...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: ...échantillonnages effectués nous ont déjà grandement facilité l'optimalisation de certaines composantes de l'usine, de sorte à minimiser le rejet des contaminants atmosphériques générés par le procédé."

Donnez-moi un peu de temps, je vais déposer tous les documents et détruire encore toutes les "folichonneries" que votre chef et vous-même avez racontées.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: J'aimerais que le ministre dépose tous ces documents parce qu'on se rendrait compte-Le Président: Un instant, s'il vous plaît! M. le député de Verchères! Je m'excuse, vous avez fait une demande, alors je dois interpeller la Chambre. Vous avez fait une demande. Non, je m'excuse. Avant votre question, vous avez fait une demande. Est-ce que le ministre peut déposer ces documents? Est-ce qu'il y a consentement de cette Assemblée pour déposer le document dont vous avez fait part à la Chambre, M. le ministre? M. le ministre, est-ce que vous êtes d'accord pour déposer le document?

M. Lincoln: Je suis entièrement d'accord pour déposer le document, c'est moi qui l'a offert.

Le Président: Parfait.

M. Lincoln: J'ai dit: Laissez-moi mettre mes documents en place. Ces documents, je les ai déposés à la conférence de presse.

Le Président: Alors, document déposé. Si vous voulez déposer le document, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Si je comprends bien, M. le ministre, vous avez d'autres documents également, en plus de celui dont vous avez fait lecture. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: J'ai dit, M. le Président, afin d'être clair, pour la quatrième fois, que j'ai toutes sortes de documents, que je vais les mettre en place et les déposer demain.

Le Président: Parfait.

M. Lincoln: C'est ça que je vais faire.

Le Président: Votre question en additionnelle, M. le député de Verchières.

M. Charbonneau: N'est-il pas exact, dans la volumineuse documentation que vous avez en votre possession, que c'est plutôt vers la fin de décembre 1986, en fait vers la fin de 1986, qu'Hydro-Québec, d'une part, et la compagnie Lavalin en sont arrivées à des conclusions, à savoir que le procédé en question était le meilleur procédé et que les problèmes qu'on avait eus lors de l'expérimentation avaient été résolus ou pouvaient être facilement résolus, d'une part? Est-ce qu'il n'est pas exact aussi, curieusement, de se rendre compte que quelques mois plus tard, au printemps de 1987, la compagnie HydroQuébec, qui s'était associée avec la compagnie Lavalin pour former un consortium qui s'appelle Sogestan, ont amené avec eux la compagnie Sanivan? Est-ce que, finalement, il n'est pas curieux - en troisième, M. le Président - de retrouver, quelque temps plus tard, tout à coup, un abandon d'Hydro-Québec et une curieuse association Lavalin-Sanivan pour favoriser...

Le Président: Monsieur...

M. Charbonneau: ...le procédé concurrent qui avait été dévalué par Lavalin?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. Vous étiez en additionnelle, M. le député de Verchères. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, si le député de Verchères a des questions à poser à HydroQuébec, qu'il les lui pose. Je ne suis pas le président ni membre du conseil d'administration d'Hydro-Québec. Ce n'est pas moi qui prends les décisions pour Hydro-Québec. Tout ce que je peux lui dire, ce sont les décisions que je prends

comme ministre de l'Environnement. Là, je vais citer, par exemple, M. Michel Pelland à M. Jean-Marc Lalancette, qui est l'inventeur de Pyral: "Maintenant, est-ce que vous avez l'impression, puisqu'à un moment donné le ministre Lincoln a mis fin à cette expérience Pyral, que le gouvernement du Québec ou le gouvernement d'Ottawa est prêt à vous confier un contrat?" Il dit bien: "D'une part, ce n'est pas le ministre qui a terminé le pilotage de notre procédé. D'autre part, je n'ai aucune raison de penser, devant une technologie qui fonctionne, qu'on pourrait bénéficier des autorisations du gouvernement." Il dit de plus: "C'est plutôt une réaction aux corporatives de recourir à des services plutôt que de vouloir développer une technologie elle-même." Cela m'a semblé être l'argument principal. C'est l'inventeur lui-même qui déclare que ce n'est pas la raison que vous invoquez vous! Je vais déposer tous les documents et détruire, encore une fois, toutes les bêtises que vous avez dites, vous et votre chef, au fil des mois.

Le Président: Je vais reconnaître une troisième principale, M. le leader de l'Opposition.

Subventions versées en trop au collège Marie-Victorin

M. Gendron: À la suite des questions répétées de l'Opposition sur de prétendues irrégularités dans les procédures d'inscription au collège privé Marie-Victorin, en mai dernier, le ministre a chargé M. Gilles Pouliot de faire enquête à ce sujet. Hier, comme par hasard, c'était probablement un temps propice pour rendre public un rapport qui confirme nos prétentions à savoir que le collège a reçu, seulement pour l'année 1987-1988, des subventions auxquelles il n'avait pas droit pour plus de 1000 étudiants et pour une modique somme de 3 000 000 $. Le rapport impute au collège de très graves erreurs de jugement et d'interprétation des règles. Ma question est la suivante: Le ministre peut-il confirmer son intention de récupérer les sommes acquises frauduleusement?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, je soulignerai que le rapporteur, M. Pouliot, n'a pas employé l'expression "frauduleusement" dans son rapport, il s'en est bien gardé, parce qu'il a étudié toute la situation. Il a établi clairement qu'un problème d'interprétation se pose à propos des quelque 1000 étudiants dont a parlé le député d'Abitibi-Ouest. J'ai dit hier, en conférence de presse, que je fais vérifier présentement par les services juridiques du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science la validité des conclusions auxquelles en est venu le mandataire que j'avais désigné pour faire enquête. Si la validité des conclusions de M. Pouliot est confirmée par les services juridiques du ministère, il est évident que les sommes qui auraient pu être touchées sans que ce soit justifié devront être réclamées par le gouvernement. Je l'ai dit clairement et je le répète devant toute la Chambre aujourd'hui.

Le Président: M. le leader de l'Opposition en additionnelle.

M. Gendron: Comment le ministre peut-il nous expliquer que le collège ait pu recevoir des subventions pour des élèves inscrits à des programmes réguliers DEC (diplôme d'études collégiales) alors qu'il est prouvé, selon le rapport d'enquête, que ces élèves suivaient des cours de culture personnelle en langue seconde et des cours de préparation à la retraite et au bénévolat?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Ryan: C'est justement ce qui fait l'objet d'un litige actuellement entre le collège et l'enquêteur. L'enquêteur en est venu à cette conclusion, le collège la nie. Ils s'appuient tous les deux sur les mêmes textes qui étaient loin d'être parfaits et qu'il faudra améliorer, autant le texte de la loi sur les collèges que les règles budgétaires et les décrets qui président à la définition du niveau des subventions pour les établissements privés. Il faut qu'on règle d'abord la question du bien-fondé des conclusions et ce, solidement. Ensuite, on va passer à la deuxième partie de l'opération.

Le Président: M. le leader de l'Opposition en additionnelle.

M. Gendron: Est-ce que le ministre ne considère pas que, si certaines personnes ont pu bénéficier de cours qui ne sont pas à l'intérieur d'un programme en vue d'un diplôme d'études collégiales, cela amène à conclure que des personnes à l'emploi du collège Marie-Victorin auraient produit de fausses déclarations de clientèle et qu'elles ont rendu admissibles des élèves qui ne l'étaient pas?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Nous n'en sommes pas à ce stade dans les conclusions. Je l'ai dit tantôt. Il faut vérifier d'abord si les inscriptions qu'ils ont faites étaient conformes à la loi et aux règlements. À ce moment-là, on n'aura pas de recours contre eux. Si elles n'étaient pas conformes à la loi et aux règlements, là, nous aviserons à la fois des récupérations qu'il faudra envisager et d'autres mesures au besoin.

Le Président: M. le leader de l'Opposition en additionnelle.

M. Gendron: Dans quel délai le ministre pense-t-il être en mesure de donner suite aux diverses conclusions très précises du rapport Pouliot sur le collège privé Marie-Victorin?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Les recommandations qui concernent le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science sont déjà l'objet d'actions de la part des autorités du ministère. J'ai demandé que ces recommandations soient l'objet d'un suivi immédiat. Maintenant, je vous donne un exemple concret. M. Pouliot recommande que, pour les inscriptions des étudiants dans les collèges privés, on ait un formulaire uniforme qui émane du ministère et non pas un formulaire propre à chaque collège. Il faut au moins l'étudier, cette recommandation. Moi, je ne peux pas décider du haut de ma grandeur aujourd'hui: c'est cela qui va se faire parce que j'ai reçu une recommandation. Je vais l'étudier avec mes fonctionnaires, je vais recueillir l'avis des établissements concernés et s'il est possible d'en venir à cette mesure, j'en serai très heureux. S'il y a des obstacles insurmontables, on avisera, mais il y a une chose sûre, c'est qu'il faut que certains contrôles soient resserrés pour que nous évitions la répétition de malentendus comme celui dont vous parle2. (15 h 10)

Le Président: Je vais reconnaître la quatrième question principale cet après-midi à M. le député de Lévis.

Solution au déficit d'exploitation de la STCUM

M. Garon: M. le Président, comme le ministre des Transports a dû se rendre compte que la machine électorale du député de Charlesbourg n'était pas infaillible, possiblement que le ministre des Transports maintenant est davantage capable d'admettre que ses procédés comptables ne sont pas infaillibles non plus. Le ministre des Transports pourrait-il reconnaître que la solution qu'il a rendue publique la semaine dernière, afin de résoudre la question du déficit de 35 000 000 $ selon la STCUM et de 39 300 000 $ selon le ministère des Transports, ne règle pas la question ni le problème?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, puisque le député de Lévis, dans son avant-propos qui menait à une question tout autre que son avant-propos, a effleuré les élections fédéra- les, vous me permettrez en tout premier lieu de féliciter tous les organisateurs libéraux provinciaux qui ont oeuvré à faire élire des conservateurs. C'est signe que c'est une bonne organisation.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Deuxièmement, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À la question... À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg): Quant à la question du député de Lévis, il faut convenir que la solution qui a été annoncée la semaine dernière au déficit d'exploitation de la Société de transport en commun de la Communauté urbaine de Montréal est une solution qui était plus qu'honorable et plus que satisfaisante dans les circonstances et qu'elle règle, à tout le moins pour la partie gouvernementale, dans l'annonce que nous avons faite, à la fois des 17 700 000 $ et de l'obligation de faire rapport au Conseil des ministres à la fin mars 1989... Quant aux effets financiers interréseaux, elle règle en très large partie la situation financière de la STCUM.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Est-ce que le ministre reconnaît que le budget de la STCUM n'est pas encore en équilibre, puisque les sociétés de transport de Laval et de la rive-sud refusent de rembourser les 12 000 000 $ que la STCUM a inscrits dans ses livres comme comptes à payer pour les effets de débordement?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai demandé des avis juridiques aux conseillers juridiques du ministère quant à la décision qu'ont prise la Communauté urbaine et la STCUM de facturer ou d'inscrire comme comptes à recevoir les effets de débordement qu'elles évaluent à 17 000 000 $. À ce moment-ci, il ne faut pas présumer que le gouvernement du Québec accepte les 17 000 000 $ que la STCUM a quantifiés en termes d'effets de débordement. Ce n'est pas une acceptation de la part du ministère des Transports. Deuxièmement, les avis préliminaires que j'ai reçus du contentieux du ministère nous laissent entrevoir que la STCUM et la CUM ne peuvent pas utiliser un tel procédé de manière légale.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Est-ce que le ministre se rend

compte que la solution qu'il a annoncée la semaine dernière crée beaucoup d'insatisfaction dans la région de Montréal et, encore une fois, plutôt que d'unir les décisions du ministre divisent la région de Montréal, puisque la présidente de la STRSM affirme qu'H y a deux poids, deux mesures au ministère des Transports concernant l'aide au transport en commun?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, c'est probablement une déclaration que Mme Gravel a faite sous le coup de la nouvelle, sans être totalement informée de ce qui se passait. Le gouvernement actuel a reconnu des besoins qui d'ailleurs sont en construction à la STRSM, qui, jusqu'à maintenant, n'avaient pas été reconnus, pour les mettre sur le même pied que la STCUM, que la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. Que l'on vienne me dire aujourd'hui que de verser 17 700 000 $ additionnels pour la reconnaissance de besoins dans le transport de trains de banlieue Montréal-Rigaud, pour l'ajout de services dans l'est de Montréal, sur le plan de lignes d'autobus, que c'est créer de lïnsastffaction, je vous dis tout simplement que c'est reconnaître des besoins qui étaient là qui ont été mis à l'enveloppe et c'est reconnaître que dans l'est de Montréal, la STCUM avait un rattrapage extrêmement important à faire, compte tenu de ce qu'elle a donné comme services dans le passé.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, qu'est-ce que le ministre des Transports entend faire pour résoudre la question des effets de débordement, c'est-à-dire l'utilisation du réseau de la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal par les résidents des banlieues, sans contribuer à la partie des coûts qu'ils engendrent?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, depuis la commission parlementaire du mois d'août 1987, nous avons réuni autour d'une même table, que je présidais, les intervenants de la STCUM, les intervenants de la STL et les intervenants de la STRSM et nous avons discuté. On est rendu aujourd'hui à pouvoir évaluer les utilisateurs de l'une ou de l'autre des couronnes du système de ITle de Montréal. Nous avons réussi à identifier cela en termes de nombre. Là où nous ne nous sommes pas entendus, c'est sur la méthode de calcul pour en arriver soit aux 17 000 000 $ que revendique la STCUM, soit au solde positif que revendique la STL ou la STRSM. Là où nous sommes rendus, nous allons convoquer, au mois de janvier, une table plus large d'intervenants puisque, sur la rive sud de Montréal, il y a au moins sept municipalités qui sont concernées, afin de discuter de cette structure légère qui pourrait régler un ensemble de problèmes. Et je vous ferai rapport à ce moment-là.

Le Président: Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Johnson pour une cinquième question principale.

Apport du secteur privé au parc du Mont-Sainte-Anne

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Il semble que l'ère de la privatisation ne soit pas encore terminée, même si le ministre délégué à la Privatisation a récemment remis son rapport. En effet, on pouvait apprendre, en lisant le journal Les Affaires du 22 octobre dernier, que le ministre délégué à la Privatisation caressait un autre projet, celui de privatiser le parc du Mont-Sainte-Anne. On sait combien de millions ont été investis par le gouvernement dans ce projet qui constitue l'un des plus beaux joyaux du Québec, en termes de site récréotou-ristique. Mais l'actuel ministre semble vouloir s'en débarrasser comme s'il s'agissait d'une vulgaire peccadille. Le ministre peut-il nous dire s'il est exact qu'il envisage de vendre le Mont-Sainte-Anne, comme le prétend l'actuel promoteur du mont Saint-Sauveur, M. Jacques Hébert?

Le Président: M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: M. le Président, nous avons conduit un programme de privatisation d'une façon très raisonnable. J'ose espérer que la députée va nous faire confiance pour aborder ce dossier d'une façon très raisonnable également. Ce que nous avons dit en public, c'est qu'H n'est pas question de vendre le Mont-Sainte-Anne, loin de là. Mais nous avons l'intention d'examiner, avec mon collègue responsable de la SEPAQ et responsable du Mont-Sainte-Anne, si une collaboration du secteur privé ne pourrait pas donner lieu à une collaboration efficace pour pouvoir utiliser les ressources actuelles et, par une collaboration du secteur privé, donner de meilleurs services à ceux qui utilisent déjà le Mont-Sainte-Anne. Donc, il n'est pas question de privatiser comme on l'entend d'une façon générale, mais bien de pouvoir compter sur une certaine participation du secteur privé pour certains services.

Le Président: Mme la députée de Johnson, une dernière question additionnelle.

Mme Juneau: Est-ce que le ministre du Loisir est d'accord avec cette forme de coparti-cipation telle que décrite par le ministre?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. M. le ministre.

M. Picotte: M. le Président, si Mme la députée de Johnson prenait la peine d'examiner ce qui se passe au Mont-Sainte-Anne, elle devrait déjà savoir que nous faisons appel à cette formule. Nous avons fait appel au secteur privé pour construire un magasin de sport avec une certaine période d'années pour faire en sorte qu'on dispense de bons services et que, par la suite, cela revienne à la SEPAQ. On y a fait appel pour les condos. Elle me demande aujourd'hui quelque chose que nous utilisons déjà. Il faudrait se parler ensemble pour déterminer tout ce qui se passe là. Je pense qu'à ce moment-là, vous allez réaliser qu'il n'y a pas lieu de poser votre question à qui que ce soit à l'Assemblée nationale.

Le Président: Fin de la période régulière de questions.

Nous allons maintenant passer au vote reporté. MM. les whips? (15 h 18 - 15 h 20)

Mise aux voix de la motion de l'Opposition

proposant que l'Assemblée exige la fermeture

des magasins d'alimentation le dimanche

Le Président: M. le whip du gouvernement. MM. les députés, je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le député de Bertrand présentée en vertu de l'article 97 de notre règlement. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral la fermeture des magasins d'alimentation le dimanche, à l'exception des commerces de dépannage de trois employés ou moins, respectant ainsi la qualité de vie des personnes qui oeuvrent dans ce secteur. "

Que ceux et celles qui sont en faveur de ladite motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire: MM. Chevrette (Joliette), Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Blais (Terrebonne), Garon (Lévis), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (Laviolette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Godin (Mercier), Mme-Vermette (Marie-Victorin), MM. Boulerice (Saint-Jacques), Claveau (Ungava), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire: MM. Bourassa (Saint-Laurent), Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprairie), Marx (D'Arcy-McGee)...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Le Secrétaire:... Levesque (Bonaventure),

Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau (Laporte), Rivard (Rosemont), Séguin (Montmorency), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mmes Gagnon-Tremblay (Saint-François), Robic (Bourassa), MM. MacDonald (Robert-Baldwin), Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Vallerand (Crémazie), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont), Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Philibert (Trois-Rivières), Blackburn (Roberval), Lefebvre (Frontenac), Doyon (Louis-Hébert), Mme Trépanier (Dorion), MM. Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Polak (Sainte-Anne), Trudel (Bourget), Kehoe (Chapleau), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Îles), Tremblay (Iberville), Théorêt (Vimont), Hamel (Sherbrooke), Mme Béfanger (Mégantic-Compton), MM. Parent (Sauvé), Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), MM. Després (Limoilou), Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier), Audet (Beauce-Nord), Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil (Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Latulippe (Chambly), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington (Matane), M. Rochefort (Gouin).

Le Secrétaire: Pour: 17

Contre: 84

Abstentions: 0

Le Président: La motion est rejetée.

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais maintenant reconnaître M. le leader adjoint du gouvernement pour les avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle du Conseil législatif, et, demain, le 23 novembre, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'éducation poursuivra l'étude détaillée des projets de

loi suivants: projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique, et projet de loi 106, Loi sur les élections scolaires.

Après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus.

J'avise également cette Assemblée que demain, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi 70, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit ou, dès que le principe dudit projet de loi aura été adopté demain matin. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

Ceci met fin aux avis touchant les travaux des commissions.

Nous allons donc passer... S'il vous plaît, avant de passer aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je demanderais la collaboration de cette Chambre afin que...

Nous allons donc passer aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Mme la députée de Marie-VIctorin.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Mme Vermette: Oui, Mme la Présidente, je suis toujours en attente du complément de réponse de la ministre de la Santé et des Services sociaux en ce qui concerne le transport médical sur la rive sud de Montréal. On m'avait dit que j'aurais mon complément de réponse la semaine dernière et je suis toujours en attente. Compte tenu des circonstances et des gens très vulnérables qui reçoivent des traitements de chimiothérapie et d'hémodialyse et qui sont sans services à l'heure actuelle, je trouve cela important. La ministre démontrerait beaucoup de courtoisie envers cette population en me donnant le complément de réponse. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais reconnaître M. le leader du gouvernement. Est-ce que vous pouvez répondre à Mme la députée de Marie-Victorin? (15 h 30)

M. Lefebvre: Je m'excuse, Mme la Présidente, est-ce que la députée voudrait bien répéter sa question, s'il vous plaît?

La Vice-Présidente: Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, M. le leader. C'est une question que je vous ai posée la semaine dernière, à savoir si la ministre de la Santé et des Services sociaux a le complément de réponse qu'elle devait me fournir ces jours-ci? Je suis en attente depuis plus de deux semaines maintenant. Compte tenu des circonstances où les bénéficiaires sont actuellement sans ressource, et ce sont des traitements en chimiothérapie et d'hémodialyse, j'aimerais bien qu'on puisse réagir prestement dans ce dossier puisque c'est important. Ce serait de toute courtoisie envers ces bénéficiaires.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, pour répondre à la question de Mme la députée de

Marie-Victorin, sauf erreur, je pense que la ministre sera en mesure de répondre à sa question incessamment, probablement cette semaine.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Là-dessus, je voudrais demander la collaboration de la Chambre. On a un peu de difficulté à s'entendre. Donc, s'il vous plaît, que les caucus se tiennent à l'extérieur. Nous avons des salons mis à votre disposition. Veuillez vous en servir.

Si vous me permettez, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, j'aimerais vous informer que demain après-midi, lors des affaires inscrites par les députés de l'Opposition, M y aura une motion présentée par M. le député de Joliette et chef de l'Opposition officielle en vertu de l'article 97 de notre règlement. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement du Parti libéral de respecter ses engagements électoraux à l'égard des jeunes, de cesser de remettre en question l'autonomie financière des organismes de jeunes et de fournir les moyens garantissant la qualité de vie des jeunes adultes."

Cet avis étant donné, ceci met fin aux affaires courantes. Nous allons donc passer aux affaires du jour. Là-dessus, je vais maintenant reconnaître M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Je vous demanderais d'appeler l'article 72 au feuilleton, s'il vous plaît.

La Vice-Présidente: À l'article 72 du feuilleton, le député... S'il vous plaît! À l'article 72 du feuilleton, le député de Gaspé propose l'adoption du principe du projet de loi 228, Loi modifiant la Loi concernant le sanatorium Ross. Là-dessus, je suis prête à reconnaître le premier intervenant.

M. Lefebvre: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Étant donné qu'il me manque certains renseignements relativement à l'article 72 du feuilleton que je viens d'appeler, on y reviendra tout à l'heure et je vous demanderais d'appeler l'article 22 plutôt.

La Vice-Présidente: Donc, il y a consentement pour ajourner l'affaire concernant l'article 72 au feuilleton. Comme on l'avait appelé, il faut l'ajourner. Consentement? Bon, il y a consentement.

Projet de loi 78 Adoption du principe

À l'article 22 du feuilleton, la ministre des Affaires culturelles propose l'adoption du principe du projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs. Là-dessus, je vais reconnaître Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, nous sommes ici pour adopter le principe du projet de loi 78 sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.

Ce, projet de loi est la deuxième pièce législative majeure qui s'adresse aux artistes et que j'ai le plaisir de proposer pour adoption à l'Assemblée nationale. L'an dernier, à la même époque, j'avais soumis un premier projet pour les artistes de la scène, du disque et du cinéma et nous l'avions adopté à l'unanimité le 17 décembre 1987.

Si je reviens à la charge cette année, c'est pour répondre aux attentes des créateurs des secteurs non couverts par la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma.

Avant d'exposer les intentions du projet de loi et de présenter les principales dispositions qu'il contient, vous me permettrez, Mme la Présidente, de revenir sur les gestes que nous avons posés depuis un an pour améliorer la situation des artistes dont, bien sûr, la loi 90. Je voudrais ensuite expliquer les raisons qui ont motivé une nouvelle intervention législative en faveur des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et décrire aussi les problèmes que le projet de loi 78 propose de résoudre.

Mai 1986 a marqué en quelque sorte le point de départ d'un long processus qui franchit aujourd'hui une autre étape majeure. Cette date rappelle le moment historique où, pour la première fois, les représentants de la population que nous sommes se mettaient à l'écoute des besoins des artistes de toutes les disciplines dans le cadre d'une commission parlementaire entièrement consacrée à cette fin.

Nous avons été sensibilisés au défi quotidien que relèvent les artistes, interprètes et créateurs, dans l'exercice de leur métier sans statut reconnu et sans cadre juridique sur lequel s'appuyer pour faire valoir leurs droits. Cette commission parlementaire a provoqué une réflexion d'ensemble sur la situation de l'artiste dans ses rapports avec l'État, dans ses rapports avec la société, aussi avec ses pairs et avec tous les autres intervenants culturels. La Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec a su d'ailleurs fort bien résumer les demandes en soulignant, dans la présentation de son mémoire, que sa présence devant la commission parlementaire ne visait qu'un seul objectif, tout compte fait: "Nous souhaitons que le gouvernement du Québec reconnaisse théoriquement et pratiquement un statut social, économique et juridique aux créatrices et aux créateurs qui participent activement au développement de notre société."

À la suite des travaux de cette commission parlementaire, nous avons examiné en détail l'ensemble des questions que les artistes ont soulevées et c'est cet examen qui nous a dicté de procéder en deux étapes sur le plan législatif. Cependant, plusieurs autres actions qui nous demandaient des mesures législatives particulières ont été entreprises et réalisées conformément à l'énoncé d'orientations approuvées par le Conseil des ministres en décembre 1986. Soulignons, entre autres, la révision complète des programmes d'aide aux artistes, accompagnée d'une hausse significative des crédits qui leur sont alloués.

L'accès aux programmes est maintenant simplifié. Les artistes trouvent plus aisément le programme de bourses qui convient et les critères sont mieux définis. La relève a également été encouragée par un ajout de fonds de 5 000 000 $ cette année. Plusieurs mesures découlant des recommandations de la commission parlementaire sont maintenant rodées et produisent des résultats très intéressants. Je pense en particulier aux programmes de sensibilisation des jeunes en milieu scolaire, dont la mise en oeuvre s'est faite en étroite collaboration avec le ministère de l'Éducation. Par cette mesure, en 1987-1988, près de 20 000 élèves du primaire et du secondaire ont été intéressés à la création artistique en participant dans leurs classes à des activités animées par des artistes. Le succès de cette mesure ne fait plus de doute et en deux ans nous y aurons consacré 616 000 $.

D'autres mesures particulières sont aussi en application pour la deuxième année, et les projets qu'elles soutiennent démontrent les besoins importants qui étaient restés sans réponse jusque-là, notamment sur le plan de la gestion de la carrière, sur le plan de l'amélioration de la gestion des arts et de la consolidation

des associations d'artistes. Pour les deux années d'application de ces mesures, nous avons déboursé 714 500 $.

Je rappellerai également que le gouvernement a approuvé en avril dernier la politique de gestion et d'acquisition de droits d'auteur que je lui ai présentée. La mise en application de cette politique se fera à compter de la prochaine année financière et devrait permettre une saine gestion des droits du gouvernement sur les oeuvres qu'il produit. Elle définit aussi une ligne de conduite cohérente et respectueuse en ce qui concerne les droits d'auteur que le gouvernement acquiert.

Tous ces gestes que nous avons posés sont des manifestations tangibles d'une priorité que je m'étais fixée en prenant la responsabilité du ministère des Affaires culturelles. Depuis plus de trois ans, nous y avons travaillé sans relâche parce que nous croyions qu'il était grand temps que les artistes puissent faire valoir leurs droits et recevoir enfin de la société que nous représentons toute la considération à laquellle ils pouvaient s'attendre. Je ne peux passer sous silence, évidemment, le travail législatif que nous avons accompli l'an dernier avec l'adoption de la loi 90. Dans cette première phase, nous avons voulu résoudre les problèmes importants auxquels les artistes de la scène, du disque et du cinéma étaient confrontés. (15 h 40)

Leur situation avait déjà fait l'objet d'études et leur principale revendication était connue et circonscrite depuis 1984. La solution juridique n'était pas évidente, cependant. Il a fallu faire preuve d'imagination et de créativité pour y répondre de façon adéquate et satisfaisante. Nous avons innové et depuis, le Québec est cité en exemple quand il s'agit du statut de l'artiste.

Avant l'adoption de la loi 90, le statut professionnel des artistes de la scène, du disque et du cinéma était ambigu. La loi du travail en vigueur, bien que théoriquement applicable, n'était en fait d'aucun recours pour négocier et aussi conclure des ententes collectives avec les producteurs. La pratique de négociation qui s'était forgée au cours des 50 années précédentes n'était soutenue par aucun cadre légal en cas de difficulté. Seul le rapport de force faisait loi. Si une telle situation prévalait, c'est que, dans les faits, ces artistes avaient et ont encore une pratique professionnelle davantage assimilée à celle des travailleurs autonomes qu'à celle des salariés.

Or, aucune assise juridique n'autorisait cette catégorie de travailleurs à se doter collectivement d'un encadrement négocié de leurs relations du travail. La loi 90 a statué sur ce problème de fond. De plus, la reconnaissance juridique du statut de travailleur autonome a permis au ministère du Revenu de s'appuyer sur cette loi pour clarifier l'interprétation de la Loi sur les impôts. Il reconnaît maintenant le droit des artistes interprètes de déduire certaines dépenses liées à l'exercice de leur métier en tant que travailleurs autonomes.

Depuis le 1er novembre de cette année, la loi 90 est en vigueur dans sa totalité. La Commission de reconnaissance des associations d'artistes a été formée en avril dernier. Ses membres sont à l'oeuvre et nous prévoyons, par le nouveau projet de loi, élargir son mandat. Je reviendrai sur le sujet au moment d'aborder les dispositions spécifiques contenues dans ce projet.

La situation des créateurs en arts visuels, en métiers d'art et en littérature diffère substantiellement de celle que vise la loi 90. Elle devrait donc être traitée séparément puisque ces artistes sont des producteurs d'oeuvres d'art ou d'oeuvres littéraires, et ce sont d'emblée des travailleurs autonomes. Cependant, en l'absence de référence législative précise et explicite, c'est leur reconnaissance en tant qu'artistes professionnels qui pose des difficultés. Il n'existe pas de cadre communément admis et agréé dans notre société qui permette de distinguer l'artiste professionnel de l'amateur, autrement dit qui permette de distinguer ceux qui voudraient vivre de leur art de ceux qui s'y adonnent pour leur seul plaisir dans leurs moments de loisir. Il est d'autant plus difficile de le faire que la plupart des créateurs qui veulent en faire profession sont obligés d'exercer un ou plusieurs autres métiers, non seulement pour gagner leur vie, mais aussi pour soutenir leur création et leur carrière.

Il est extrêmement délicat de statuer sur une telle problématique et aussi de faire en sorte que l'État ne s'immisce pas dans la création. Bien que les associations professionnelles aient un rôle à jouer à l'égard du professionnalisme de leurs membres, il fallait éviter d'instituer un corporatisme de mauvais aloi, absolu et même outrancier.

Qu'elle vienne de l'État ou de groupes corporatifs, toute atteinte au droit fondamental de l'artiste de créer en toute liberté est reprehensible II en va ainsi de sa liberté d'adhérer à tout regroupement professionnel. Le jugement esthétique sur les oeuvres ne doit pas entrer en ligne de compte dans l'attribution du statut professionnel. Les critères doivent être les plus objectifs possible et correspondre aux réalités de la pratique professionnelle et non pas à la qualité de la création.

Par ailleurs, les artistes, particulièrement les créateurs en arts visuels, en métiers d'art, en littérature, souhaitent compter sur des associations professionnelles fortes, bien outillées pour les défendre et habilitées à régir certains aspects de la pratique selon des règles claires, acceptées par eux. Un des problèmes importants des associations existantes, dans le domaine des arts visuels en particulier, c'est leur fragmentation. Ces associations se sont développées davantage dans une perspective de promotion des disciplines qu'elles représentent que dans l'optique d'un rôle

accru de défense des intérêts sociaux, des intérêts économiques et professionnels de leurs membres. Prises une à une, elles ont des moyens relativement réduits, d'autant plus qu'elles ne peuvent exiger des contributions élevées des artistes qui en font partie, compte tenu de leurs revenus très modestes.

Il est apparu que cette situation pouvait constituer un frein à la mise sur pied de services consistants comme l'établissement de caisses de retraite, de services, de perception, des recours juridiques ou autres services d'assistance. Par contre, dans les domaines de l'art, les regroupements où les artistes peuvent se retrouver pour discuter, pour faire la promotion de leur discipline et pour organiser des activités publiques sont souhaités. Le projet de loi a dû tenir compte de cette réalité.

Les consultations que nous avons menées pour la préparation du projet de loi ont été éclairantes sur les différentes facettes de la pratique artistique. Outre la question de reconnaissance du statut professionnel des créateurs et du rôle que doivent tenir les associations, ce sont les problèmes relatifs aux contrats entourant la diffusion des oeuvres qui ont retenu l'attention. La source de ces difficultés c'est le déséquilibre des forces en présence au moment de formaliser une entente. À maintes reprises, on nous a souligné des problèmes pénibles pour les artistes dont les oeuvres ont été utilisées à des fins qu'ils n'avaient pas prévues. Dans d'autres circonstances, des artistes ont vu leurs oeuvres mises en dépôt ou en consignation, être aussi saisies ou vendues à cause de difficultés financières du diffuseur sans qu'ils puissent prouver leur droit de propriété sur ces oeuvres.

Il faut bien préciser que les diffuseurs ne sont pas forcément de mauvaise foi. Cependant, les contrats, s'ils existent, ne sont pas suffisamment explicites pour protéger adéquatement l'artiste et son oeuvre contre une utilisation non voulue. Trop souvent, l'artiste et le diffuseur conviennent verbalement d'obligations minimales réciproques et, lorsque surviennent des difficultés, aucun recours n'est possible. Bien que des contrats types aient été préparés par différentes associations, ils sont peu utilisés. Souvent même, ce sont les artistes qui omettent de les proposer aux diffuseurs par crainte d'essuyer un refus et de perdre une occasion d'être publiés ou exposés. Sans contrat ou avec un contrat inadéquat, les artistes ne peuvent non plus suivre les gestes que posent les diffuseurs ni les transactions qu'ils font. Il arrive que les compensations financières tardent à suivre ces transactions de sorte que les artistes sont souvent les derniers servis, lorsqu'ils le sont.

Tous ces problèmes que je viens d'évoquer brièvement sont de nature tout à fait différente de ceux qui se posaient aux artistes visés par la loi 90. La solution ne réside pas dans la négociation collective de conditions d'engagement, mais plutôt dans la signature de contrats individuels qui protègent davantage les créateurs. Le statut professionnel défini par la loi 90 ne convient pas non plus à ces créateurs. La preuve de leur autonomie est facile à faire s'ils peuvent d'abord établir qu'ils sont des artistes professionnels. En fait, le cadre juridique qu'ils réclament se rapprocherait davantage des lois sur les professions que de celles sur les relations du travail et les organisations syndicales, en évitant toutefois de confier aux organisations qui les représentent l'exclusivité de la réglementation de la pratique et de la formation.

Les artistes de la scène, du disque et du cinéma ont obtenu la reconnaissance dont ils avaient besoin pour s'intégrer plus normalement aux mécanismes sociaux de notre société occidentale. Les créateurs des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature ne doivent pas être laissés pour compte. Ce n'est pas parce que la création artistique se fait dans l'isolement, dans la solitude que les créateurs doivent être marginalisés et exploités lorsqu'ils offrent leurs oeuvres d'art au public. La création est une chose, la diffusion en est une autre. C'est par elle que se tissent les liens étroits et sensibles entre un artiste et la société dans laquelle il vit et qu'il alimente. L'intervention législative possède des vertus, certes, mais elle ne peut se substituer à la volonté d'une société d'agir de façon équitable envers les artistes. Cette volonté doit déjà être présente. Nous avons acquis la certitude qu'au Québec elle existe et qu'elle soutient ce que nous proposons, puisqu'il s'agit d'équité, bien sûr, mais aussi de la reconnaissance pleine et entière de ceux et celles qui sont les premiers artisans de l'expression de sa culture spécifique. (15 h 50)

Dans cette seconde étape législative sur le statut de l'artiste, nous innovons une fois de plus. Nous avons fait un tour d'horizon pour voir ce que d'autres Parlements avaient décrété et, nulle part ailleurs, nous n'avons pu retrouver de formule qui allie dans une même loi la reconnaissance du statut professionnel des créateurs, celle de leurs associations professionnelles, sans porter préjudice à l'artiste qui ne souhaite pas adhérer à de telles associations, et des dispositions qui protègent les droits de ces artistes dans leurs relations individuelles avec les diffuseurs.

Nous avons constaté que certaines lois portent et portaient soit sur un ordre de problème, soit sur un autre. La réglementation du domaine de l'édition et du droit d'auteur est celle qui est le plus fréquemment utilisée pour disposer des questions contractuelles entre les écrivains et les éditeurs. Ainsi, par exemple, de nombreux pays européens ont fixé des limites aux cessions de droit qu'un artiste peut consentir. Certains imposent des délais aux éditeurs pour l'impression et la diffusion des oeuvres littéraires et, encore, les obligent à rendre des comptes aux artistes.

Cependant, nous avons constaté que les mesures relatives aux contrats pour les oeuvres d'arts visuels et de métiers d'art sont à peu près inexistantes. Au Canada, le domaine des relations entre créateurs et diffuseurs relève à la fois de la compétence législative du Parlement du Canada et de celle des provinces. La constitution a en effet attribué aux premiers une compétence exclusive en ce qui concerne le droit d'auteur - article 91, paragraphe 23 - et aux secondes une compétence exclusive en matière de contrat - article 92, paragraphe 13.

Le Parlement du Canada, comme on le sait, a déjà exercé sa compétence constitutionnelle. Il a d'ailleurs adopté l'an dernier des modifications importantes à la Loi sur le droit d'auteur. Le projet de loi dont nous proposons l'adoption de principe aujourd'hui ne porte pas sur le droit d'auteur. Il tient cependant compte de la loi fédérale en cette matière dans le sens où il ne contient rien d'inconciliable avec l'application de celle-ci. En fait, le projet porte entièrement sur des matières qui sont du ressort exclusif des provinces en vertu de notre constitution, qui concerne non pas la création, mais les relations entre créateurs et les relations individuelles et collectives portant sur les contrats entre les créateurs et aussi les diffuseurs.

En fait, l'objet et le but véritable de notre projet n'est pas d'étendre ou de restreindre la protection du droit d'auteur, mais plutôt de protéger les titulaires du droit d'auteur dans leur relation avec les tiers. Notre projet porte sur les personnes en cause, alors que la loi fédérale porte sur les oeuvres. Par rapport à la loi fédérale, notre intervention législative n'est pas conflictuelle, mais plutôt complémentaire. L'espace que nous occupons est vacant. Notre décision d'intervenir dans ce secteur tient essentiellement et uniquement aux besoins exprimés par les artistes de pouvoir contrôler plus étroitement l'exploitation de leurs oeuvres et aussi d'en retirer les bénéfices qui leur reviennent. La proposition que je soumets à l'étude de l'Assemblée nationale se veut une réponse adaptée aux attentes des milieux de la création artistique. Elle leur offre des leviers importants de développement de leur pratique professionnelle sans interférer avec l'acte de la création. C'est un projet de loi qui vise l'équilibre et l'équité, sans bouleverser toutes les pratiques actuelles.

Le projet de loi propose donc des bases de solution à trois ordres de problèmes soulevés par les artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature. Le premier est celui des relations entre l'artiste professionnel et la société; le second porte sur les relations individuelles entre un artiste et celui qui diffuse ses oeuvres et le troisième touche la dimension de l'action collective des artistes comme professionnels d'un domaine d'activité artistique.

Dans les domaines de création artistique où s'applique le projet de loi, une des difficultés les plus importantes, et je le répète, tient à l'absence d'un cadre juridique de reconnaissance d'un statut professionnel de l'artiste. À défaut d'un tel statut, l'artiste professionnel subit toutes les vexations que peut présenter la non-reconnaissance de son activité professionnelle. Pour pallier ce problème et pour éviter les dangers dont j'ai traité, le projet de loi offre deux possibilités. D'une part, il énonce les conditions fondamentales qui permettent d'accorder le statut d'artiste professionnel et, d'autre part, il établit une présomption quant au professionnalisme d'un artiste du fait qu'il soit membre d'une association professionnelle reconnue.

C'est à la suite de nombreuses consultations auprès des principaux intéressés que nous avons pu arrêter les exigences que prévoit le projet de loi. Ces exigences offrent la souplesse requise pour rejoindre tous les créateurs professionnels des domaines visés et respectent aussi les lignes directrices de la définition de l'artiste proposée par l'UNESCO. La première de ces conditions repose d'abord sur la volonté de l'artiste de se faire reconnaître en tant que professionnel. C'est la raison pour laquelle la déclaration expresse de l'artiste est exigée. La deuxième de ces conditions est celle de créer des oeuvres pour son propre compte, condition fondée sur l'autonomie de la pratique. En troisième lieu, il doit y avoir publication, présentation au public, mise en marché et toute autre forme de diffusion, ou encore, dans les cas des oeuvres d'arts visuels et de métiers d'art, les oeuvres doivent être considérées comme telles par les pairs.

Toutes ces manifestations sont des preuves tangibles de la reconnaissance publique de l'artiste et demeurent aussi des éléments objectifs. La présomption établie en faveur des membres des associations professionnelles reconnues suppose cependant que, pour avoir obtenu cette reconnaissance, elles auront dû faire la preuve que le règlement prévoit des conditions d'admissibilité fondées sur l'autonomie et sur des exigences professionnelles propres aux artistes du domaine.

Au chapitre des contrats, les dispositions du projet de loi couvrent tous les artistes qui font affaire avec un diffuseur, qu'ils en soient à la diffusion d'une première oeuvre, donc non reconnus encore comme artistes professionnels, ou qu'ils soient des artistes bien établis. Le projet de loi propose de traiter leurs relations contractuelles de la même manière. C'est une question de justice fondamentale.

Selon les dispositions retenues, un contrat signé par les deux parties serait désormais obligatoire, il devrait comporter impérativement certains éléments prévus par la loi dont le contenu devrait être convenu entre l'artiste et le diffuseur. Nous avons choisi de n'indiquer que les points sur lesquels les parties seront tenues de s'entendre, sans fixer de conditions minimales à respecter. Ainsi, la nature du contrat serait clairement indiquée, de même que les oeuvres qui

en font l'objet. De plus, le contrat devrait mentionner de façon détaillée et précise les autorisations que l'artiste accorde au diffuseur.

Compte tenu des problèmes dont les artistes nous ont fait part, il nous a semblé nécessaire de faire apparaître au contrat les limites de la cession de droit ou de l'octroi de licence. Dans ce dernier cas, une clause spécifique devrait prévoir si l'artiste consent que la licence qu'il accorde puisse être transférée à un tiers. Pour éviter les mauvaises surprises, nous proposons que le contrat fasse état de l'entente sur les compensations monétaires que le diffuseur s'engage à verser à l'artiste et sur les modalités de paiement.

Enfin, il est prévu que la convention mentionne la périodicité selon laquelle le diffuseur rendra compte à l'artiste des transactions portant sur les oeuvres qui sont couvertes par cette convention. En plus des dispositions concernant le contenu obligatoire des contrats, le projet de loi impose au diffuseur certaines contraintes afin d'assurer la meilleure protection des artistes et de leurs oeuvres. Ainsi, pour chaque contrat, le diffuseur devra tenir un compte spécial dans lequel apparaîtront les transactions qu'il a faites et les paiements qu'il a reçus. L'artiste pourra faire examiner ce compte au besoin. À défaut de se conformer à cette obligation ou s'il inscrit des données erronées, le diffuseur s'expose à une amende pouvant atteindre 5000 $ et, s'il récidive dans les deux ans, à une amende maximale de 10 000 $. Nous pensons qu'en agissant ainsi, l'artiste pourra plus facilement savoir ce qu'il advient de son oeuvre et ainsi réclamer la part qui lui revient.

Des amendes du même ordre sont aussi prévues pour le diffuseur qui négligerait de tenir à jour, selon les spécifications établies, le registre de oeuvres d'arts visuels ou de métiers d'art qu'il a reçues en dépôt ou en consignation et dont l'artiste est toujours le propriétaire. Les oeuvres sont présumées se trouver provisoirement dans les espaces loués par le diffuseur. Ces dispositions soustraient les oeuvres des artistes aux dispositions de saisie de vente en cas de difficultés financières du diffuseur. Le projet de loi interdit de donner en garantie un droit obtenu de l'artiste sans son accord, pas plus qu'il ne le permet pour une oeuvre à moins qu'elle n'ait été publiée et largement diffusée et que l'artiste en ait un exemplaire réservé. (16 heures)

Enfin, Mme la Présidente, les droits à l'exclusivité que pourrait détenir un diffuseur sur les oeuvres futures d'un artiste seraient limités dans le temps et soumis à certaines conditions. Il nous semble injuste qu'un artiste réserve sa production future à un diffuseur, sans condition et dans sa totalité, le diffuseur étant libre d'en disposer comme il lui convient. Et nous établissons, ici encore, un équilibre plus équitable dans les relations contractuelles entre un artiste et un diffuseur.

J'ai relevé antérieurement les principaux éléments de la problématique relative aux associations d'artistes. Pour assurer la prise en charge de la défense collective des créateurs, le projet de loi 78 propose qu'une seule association par domaine considéré puisse être reconnue compétente. Cette disposition évite le morcellement des forces et devrait permettre la mise en place ou la consolidation des structures de représentation des artistes professionnels. Cependant, il est prévu qu'un regroupement d'associations existantes puisse demander la reconnaissance, s'il remplit certaines exigences sur le plan de l'organisation de ses statuts et règlements et de ceux de ses composantes.

Ainsi donc, le projet établit un cadre juridique sur lequel les associations d'artistes professionnels pourront dorénavant s'appuyer. Elles auront, entre autres, un rôle important à jouer dans la détermination des exigences professionnelles requises pour qu'un artiste puisse être admis comme membre et dans la définition des règles de déontologie. Elles seront en outre habilitées à établir et à administrer des caisses de retraite, à offrir des services d'assistance technique, à élaborer aussi des contrats types pour le bénéfice de leurs membres et à les négocier avec un diffuseur ou une association de diffuseurs sur une base volontaire. Le projet prévoit également qu'elles puissent recevoir des mandats en matière de perception de droits et de recours au nom des artistes qu'elles représentent.

Les modalités de la reconnaissance de ces associations ou regroupements d'associations sont similaires à celles qui sont prévues par la loi 90. D'ailleurs, nous proposons d'élargir le mandat de la Commission de reconnaissance des associations d'artistes créée en vertu de cette loi, l'habilitant à exercer les mêmes pouvoirs et les mêmes fonctions pour la reconnaissance des associations des domaines des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature. Et c'est en ce sens que je proposerai en plus, lors de l'étude en commission parlementaire, certains ajustements techniques sous forme de papillons. Enfin, pour qu'elle puisse prendre en charge cette nouvelle responsabilité, nous entendons augmenter son personnel et accroître son budget de 134 000 $. Je parle toujours, Mme la Présidente, de la Commission de reconnaissance.

En conclusion, je voudrais rappeler certains propos que je tenais, l'an dernier, lorsque nous avons étudié le projet de loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Ces propos sont aussi pertinents pour le projet de loi que nous étudions aujourd'hui puisque, dans les deux cas, nous sommes guidés par les mêmes objectifs fondamentaux en matière d'intervention de l'État à l'égard des artistes quel que soit leur secteur d'activité. Et je disais l'an dernier: "On ne saurait exploiter quelque secteur que ce soit

sans se préoccuper d'assurer le bien-être et l'avenir des artistes qui sont à l'origine de notre développement culturel. On ne saurait exploiter le talent des créateurs et interprètes sans se soucier de leur accorder les droits et les moyens de les faire respecter, et sans développer un environnement propice à l'exercice de leur discipline." Alors, Mme la Présidente, je propose l'adoption du principe de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, au moment de nous présenter le projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs, la ministre évoquait l'adoption de façon unanime, l'an dernier, du projet de loi 90. Je n'en ai, Mme la Présidente, aucune gêne, tout au contraire. La politique étant souvent conflictuelle, je me réjouirai des rares moments où elle peut être consensuelle. Mme la Présidente, tout le monde sait que les échanges de vues entre la ministre et le "contre-ministre" étant souvent animés, quelquefois rudes et, à l'occasion, un brin malicieux, je conviendrai, encore une fois, de vivre le temps d'une paix pour la culture, comme j'aime à le répéter si souvent.

Le projet de loi 78 que nous présente Mme la ministre des Affaires culturelles a essentiellement pour objet, comme son nom l'indique d'ailleurs, de reconnaître, moyennant certaines conditions, le statut d'artistes professionnels aux artistes qui pratiquent un métier de créateur dans les domaines des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature. Ce projet établit un cadre juridique pour la reconnaissance, dans chacun des domaines visés, d'associations d'artistes et de groupements d'associations. L'octroi de cette reconnaissance sera fonction de certaines règles et conditions, notamment au chapitre de la représentativité et de la régie interne des associations. La responsabilité d'accorder cette reconnaissance relèvera de la Commission de reconnaissance des associations d'artistes, instituée par la Loi sur le statut professionnel et les conditions de l'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma, qui voit donc ses pouvoirs étendus à ce nouveau secteur.

Le projet de loi 78 porte aussi sur les contrats que les diffuseurs concluent avec les artistes relativement à leur oeuvre. Ainsi, la signature d'un contrat entre les parties devient obligatoire. Ce contrat devra comporter certains éléments précis: nature, oeuvre concernée, modalités de cession et transférabilité, contrepartie monétaire due à l'artiste. Le projet introduit l'arbitrage obligatoire en cas de différend sur l'interprétation d'une clause de la convention. Le diffuseur devra, par ailleurs, tenir un compte distinct pour chaque contrat conclu ainsi qu'un registre des oeuvres des domaines des arts visuels et des métiers d'art dont il n'est pas propriétaire. Le projet de loi prévoit enfin qu'une association reconnue d'artistes professionnels pourra négocier et agréer avec un diffuseur ou une association de diffuseurs, pour une période d'au plus trois ans, une entente sur les conditions minimales de diffusion des oeuvres des artistes qu'elle représente.

J'apporterai, Mme la Présidente, quelques commentaires généraux. Le projet de loi 78 constitue en quelque sorte le pendant de la loi 90 que nous avons adopté l'an dernier et auquel nous avons mutuellement fait référence, mais pour régir cette fois, avec les adaptations nécessaires, le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature, comme l'indique d'ailleurs le titre du projet de loi. On se rappelle que cette loi qui faisait elle-même suite aux audiences publiques tenues au printemps 1987 sur le statut de l'artiste, est venue établir un régime de négociations d'ententes collectives dans les secteurs de la scène, du disque et du cinéma.

Ce régime s'appuie sur un mécanisme de reconnaissance des associations d'artistes gérées par une Commission de reconnaissance. Lors des débats ayant entouré l'adoption de cette loi, qui vient d'ailleurs tout juste - le 1er novembre, je crois - d'entrer en vigueur et dont nous n'avons encore pu mesurer l'efficacité des retombées, l'Opposition avait vivement déploré qu'une très large fraction des artistes - les peintres, les sculpteurs, les photographes, les artisans de toutes sortes, les écrivains - ne se trouvaient pas couverts et ne se voyaient donc pas reconnaître un statut professionnel équivalent. Un an plus tard, la ministre complète ses devoirs en présentant cette loi qui vise spécifiquement ces catégories d'artistes. Nous nous en réjouissons, Mme la Présidente. (16 h 10)

Autant l'Opposition s'était montrée favorable à l'adoption de la loi 90, autant elle sera prête à concourir à l'adoption de ce second volet puisque ce travail mérite d'être achevé dans les meilleurs délais. Au sujet des délais, l'Opposition déplore cependant que la ministre ait attendu jusqu'à la limite permise par le règlement de cette Assemblée pour déposer son projet de loi. S'il n'avait qu'à être soumis pour étude détaillée en commission parlementaire après l'adoption du principe, ça ne poserait sans doute pas de problème. Mais comme il y aura au préalable des consultations particulières auprès d'une vingtaine d'organismes, l'échéancier devient très et peut-être trop serré. Les intervenants concernés auront donc eu à peine deux semaines pour analyser le projet, pour en discuter avec leur instance. Il leur sera vraisemblablement assez difficile de transmettre à la commission des mémoires aussi complets qu'ils auraient pu l'être,

comme nous l'avons vu lors de cette commission tenue au printemps 1987.

Si la ministre avait déposé son projet à l'ouverture de la session, cette consultation aurait pu se tenir dans des conditions plus favorables. Malgré cette réserve, Mme la Présidente, nous demeurons persuadés qu'elle saura fournir un éclairage fort utile sur le contenu du projet de loi afin de le bonifier. Déjà on nous annonce des papillons, peu de papillons mais quelques papillons, me fait signe Mme la ministre des Affaires culturelles. Donc, malgré cette réserve, nous demeurons persuadés qu'elle saura fournir à cette commission un éclairage fort utile sur le contenu du projet de loi afin de le bonifier et qu'il réponde au mieux aux besoins et intérêts des artistes et des diffuseurs qui oeuvrent dans le domaine des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature.

L'Opposition souscrit au principe de ce projet, d'une part, en ce qu'il reconnaît le droit d'association des artistes et, d'autre part, en ce qu'il leur offre une certaine protection au chapitre de la diffusion de leur oeuvre. Contrairement au cas des artistes visés par la loi 90, il faut cependant remarquer que cette protection passe ici beaucoup plus par un encadrement assez strict des relations contractuelles à caractère individuel que par l'instauration de régimes de négociation collective. Ceci répond vraisemblablement davantage à la réalité et aux besoins de ces artistes qui sont effectivement engagés le plus souvent dans des relations individuelles avec les diffuseurs.

L'obligation d'un contrat écrit auquel doit correspondre un compte distinct nous apparaît donc valable de même que l'obligation pour le diffuseur de tenir un registre relatif aux oeuvres des métiers d'art et des arts visuels qu'il a en sa possession et dont il n'est pas propriétaire afin d'éviter la saisie ou la vente de ces oeuvres en cas d'insolvabilité ou de faillite comme, malheureusement, on a dû le constater à quelques reprises.

Le projet de loi comporte aussi des dispositions ouvrant la voie à la négociation d'ententes collectives fixant des conditions minimales de diffusion des oeuvres des artistes représentés par l'association reconnue. Nous y sommes favorables là aussi, Mme la Présidente. Celles-ci sont par contre beaucoup moins explicites que ce n'est le cas dans la loi 90. Celles-ci comportent en effet toute une série de règles, de clauses qui viennent baliser le processus de négociation pour prévoir notamment la désignation éventuelle d'un médiateur, l'arbitrage facultatif par la Commission de reconnaissance, la possibilité d'action concertée pour amener l'une ou l'autre partie à conclure une entente, l'interdiction de boycottage ou de moyens de pression pendant la durée de l'entente. On ne retrouve rien de semblable dans le projet de loi 78, ce que nous aurions souhaité. J'espère que ce seront les ailes des papillons qu'on nous annonçait tantôt.

La négociation d'ententes collectives demeure donc sujette à la bonne volonté des parties et, contrairement aux contrats individuels, il n'y a rien qui encadre ou garantit la conclusion de telles ententes entre une association reconnue de créateurs et un diffuseur ou une association de diffuseurs. J'ajouterai, Mme la Présidente, d'autres commentaires particuliers en ce qui concerne d'abord les dispositions relatives à la reconnaissance des associations professionnelles. On constate qu'elles sont largement semblables moyennant, bien entendu, quelques variantes à celles de la loi 90 que nous avons adoptée l'an dernier.

Notamment, c'est le cas des articles relatifs aux modalités de demandes et d'annulation de la reconnaissance. Au chapitre du droit à la reconnaissance, le projet le relie à un critère de représentativité selon lequel la reconnaissance serait accordée à l'association qui, et je cite l'article de la loi, "groupe le plus grand nombre d'artistes professionnels du domaine visé et dont les membres sont le mieux répartis parmi le plus grand nombre de pratiques artistiques". Alors que la loi 90 établit une exigence de majorité, il s'agit ici plutôt de pluralité. Qu'est-ce qui justifie ce traitement différent entre les divers groupes d'artistes? Parce que la tradition d'association serait moins forte dans le secteur des arts visuels, métiers d'art que les arts d'interprétation ou parce qu'il y a davantage de morcellement des artistes en plusieurs associations? C'est une interrogation que je pose. Nous voulons connaître les justifications de la ministre à ce sujet, de même que nous vérifierons auprès des associations existantes qui se présenteront devant la commission de la culture la semaine prochaine, si ce critère de représentativité leur convient. .

Le projet introduit aussi la possibilité d'accorder la reconnaissance à une association formée d'associations d'artistes. Ceci semble répondre à la réalité du milieu. Nous retrouvons, par exemple, dans le domaine des arts visuels, le Conseil de la sculpture du Québec, le Conseil des artistes peintres du Québec, le Conseil des arts textiles du Québec, le Conseil de l'estampe - dont d'ailleurs le code d'éthique fait école, si vous me permettez l'expression, Mme la Présidente - l'Association des photographes professionnels. Tous ces organismes pourraient donc se regrouper en associations aux fins de reconnaissance.

Est-ce souhaitable? Est-ce utile, compte tenu des pratiques artistiques très variées concernées par une telle éventualité? Les premiers intéressés seront à même de nous le dire au cours de cette commission. L'interrogation là aussi, Mme la Présidente, se pose.

En ce qui concerne la question des contrats individuels dont la signature est rendue obligatoire par le projet de loi, deux dispositions méritent une attention particulière, à mon point de vue. Il s'agit d'abord de l'article 36 qui

établit un mécanisme d'arbitrage obligatoire en cas de différend sur l'interprétation d'un contrat intervenu entre l'artiste et le diffuseur. Les parties doivent en effet, alors, désigner un arbitre et se soumettre à la procédure d'arbitrage établie dans le Code de procédure civile.

De même, nous nous interrogeons quant aux implications de l'article 33, selon lequel, et je citerai de nouveau le texte de loi, "un diffuseur ne peut sans le consentement de l'artiste, donner en garantie les droits qu'il obtient de ce dernier ni consentir une sûreté sur l'oeuvre de l'artiste à moins qu'elle ne fasse l'objet d'une publication et d'une diffusion en plusieurs exemplaires, auquel cas, un exemplaire doit être réservé à l'artiste'. Il sera donc intéressant d'entendre les artistes tout comme les propriétaires de galeries d'art à ce sujet.

Pour ce qui est des ententes collectives sur des conditions minimales de diffusion, nous constatons que les dispositions sont très sommaires par rapport à ce qui était prévu à la loi 90. Alors que, dans cette dernière, une partie peut obliger l'autre partie à entreprendre une négociation pour en arriver à la conclusion d'une entente collective, c'est essentiellement facultatif et tributaire du bon vouloir des deux parties dans le projet de loi 78 que nous présente Mme la ministre des Affaires culturelles. (16 h 20)

S'ils le veulent, une association d'artistes et un diffuseur ou une association de diffuseurs pourront négocier et agréer une entente fixant les conditions minimales de diffusion des oeuvres d'artistes représentés par cette association. Contrairement à la loi 90, rien ne vient ici encadrer le processus de négociation, et la Commission de reconnaissance n'a pas juridiction sur ce sujet. Les intervenants convoqués en consultations particulières nous diront si un tel mécanisme aussi souple et non contraignant peut les satisfaire. La parole sera donc à eux.

J'apporterai d'autres remarques également, Mme la Présidente, qui serviront peut-être d'aide-mémoire à Mme la députée, un aide-mémoire peut-être un peu douloureux. Que voulez-vous? C'est elle qui assume ce ministère, ce n'est malheureusement pas moi et je pense qu'il est de mon devoir d'apporter ces remarques en aide-mémoire. L'octroi du statut professionnel aux artistes, la reconnaissance de leurs associations, l'encadrement légal de leurs activités par le biais d'ententes collectives ou de contrats individuels sont autant de choses souhaitables et nécessaires. Je n'en disconviens pas. Elles ne sont cependant pas, à elles seules, suffisantes pour garantir des conditions socio-économiques adéquates à nos artistes, l'épanouissement de leur pratique artistique, le rayonnement de leur oeuvre et, par voie de conséquence, le dynamisme de notre vie culturelle. Le statut de l'artiste demeurera précaire et même troqué si l'État n'assume pas ses responsabilités et n'accorde pas un soutien tangible aux activités culturelles de toutes sortes, autant au chapitre de la création, de la production que de la diffusion. À cet égard, il nous faut, l'Opposition officielle, déclarer à nouveau que le gouvernement libéral a renié sa promesse électorale visant à consacrer 1 % du budget de l'État à la culture. Aussitôt élu, ce gouvernement a pratiqué de sévères compressions dans le budget du ministère des Affaires culturelles. En dépit du redressement budgétaire entrepris cette année, les crédits du ministère des Affaires culturelles ne représentent que 0,7 % des crédits totaux du gouvernement, comparativement à 0,67 % en 1985-1986. Il s'agit d'une progression de 0,1 % par année. Le 1 % global et total du budget de l'État demeure donc bien loin. Il nous manque encore 100 000 000 $, de sorte que la ministre parle maintenant d'un délai supplémentaire de trois ans. Encore une promesse qui aura servi pour deux élections.

Au-delà des budgets de soutien à la production culturelle, il y a la question de l'accessibilité de cette production, des oeuvres de toutes sortes pour le public, d'où l'importance de se doter d'équipements culturels adéquats, de lieux de diffusion et de rayonnement de l'activité artistique. On sait que ce gouvernement a décrété, dès son arrivée au pouvoir, un moratoire sur les équipements culturels. Ce moratoire, devenu sélectif en cours de route, a retardé la réalisation ou la réfection dans divers coins du Québec. Je pourrais citer en exemple la Côte-Nord où il y a récemment eu un sommet où on a laissé une population nombreuse très insatisfaite.

Fort heureusement, Mme la Présidente - vous me permettrez cet aparté - grâce à l'intervention du gouvernement fédéral, un dossier qui me tenait tellement à coeur, celui de La Licorne, a été enfin réalisé. J'ai été cruellement déçu de l'absence de la ministre lors de la conférence de presse qui annonçait "qu'après trois ans d'efforts en commission parlementaire et dans cette Chambre, nous - je dis "nous" puisqu'il s'agit d'un nous d'association avec mes amis de La Licorne - avons enfin triomphé."

Non moins préccupante, Mme la Présidente, est la situation des bibliothèques, aussi bien scolaires que publiques. Le Devoir de ce matin était très éloquent. De nombreuses données témoignent du retard du Québec à ce niveau: financement, nombre de livres et de bibliothécaires, accessibilité etc. Tout cela a été bien démontré par le rapport Sauvageau. Plus d'un an après sa publication, au-delà d'énoncés d'orientation très vagues, rien n'a encore été fait pour y donner suite. Quant au financement des bibliothèques publiques... Oui, Mme la Présidente, je sais que le temps court et que je devrai bientôt arriver à la conclusion... Quant au financement des bibliothèques publiques, il se trouve aujourd'hui à un niveau inférieur en dollars constants à celui de 1985-1986. Tout le milieu littéraire québécois tirerait des bénéfices importants d'une véritable politique de soutien aux bibliothèques, qui se fait toujours attendre.

Autre volet très important encore en friche, Mme la Présidente, celui de la fiscalité et de l'admissibilité aux programmes de sécurité sociale. Sur le plan de la fiscalité, le gouvernement a apporté quelques ajustements au statut des artistes oeuvrant dans le domaine des arts d'interprétation et en vertu desquels ils seront considérés, aux fins de l'impôt, comme travailleurs autonomes. Mais tout ceci demeure limité aux arts d'interprétation, Mme la Présidente. Vous devez le constater comme moi, autant vous, dans votre circonscription de Bellechasse, que moi dans ma circonscription de Saint-Jacques. Mais pourquoi, Mme la Présidente, vos peintres dans Bellechasse comme mes peintres dans Saint-Jacques, vos sculpteurs dans Bellechasse, les artisans du comté de Bourassa, les écrivains du comté de Bourget - et Dieu seul sait que lorsque je parle d'écriture, je touche le cour du député de Bourget - pourquoi les peintres, les sculpteurs, les artisans, les écrivains doivent-ils encore attendre? Il serait normal que tous les artistes concernés par le projet de loi 78 que nous avons devant nous aujourd'hui se voient reconnaître un statut fiscal équivalent. N'est-ce pas, M. le député de Bourget, un volet sur lequel vous serez sans doute intéressé de travailler de concert, en étroite collaboration avec votre collègue de Saint-Jacques, comme vous l'avez d'ailleurs si allègrement fait pour ce qui est du projet de loi sur la Bibliothèque nationale du Québec? Je vous remercie de cet appui, M. le député de Bourget.

Il y a aussi tout le problème de l'accessibilité à l'assurance-chômage et je vous sais tous sensibles, sensible comme l'est M. le député de Crémazie à des questions comme celle-là. Nous aimerions savoir puisque le débat, encore là, s'est conclu hier soir, où en sont les négociations avec le gouvernement fédéral à ce sujet. Les gouvernements passent. Ils peuvent peut-être se succéder à eux-mêmes. Les fonctionnaires demeurent. Donc, la question se pose encore à la ministre. Quant à l'accessibilité à l'assurance-chômage, nous aimerions savoir où en sont les négociations avec le gouvernement fédéral. La très grande majorité des artistes demeurent, par ailleurs, exclus des régimes de rentes et de la couverture de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Où en sont rendus les démarches de la ministre à cet égard? Je lui pose la question. En somme, un projet comme celui que nous discutons ne constitue qu'un début. Il reste encore beaucoup à faire pour assurer un revenu à nos artistes dont la très grande majorité, Mme la Présidente - Mme la ministre le sait, du moins, j'espère qu'elle le sait - ne gagne pas 10 000 $ par année. Très souvent, ce sont malheureusement des femmes, encore. N'est-ce pas, Mme ministre déléguée à la Condition féminine? La grande majorité des artistes ne gagnent même pas 10 000 $ par année et ce sont, pour une très grande partie, sinon la majorité, des femmes. J'ai hâte de vous voir, madame, vous porter au secours de ces femmes et travailler dans ce dossier à des conditions de vie décentes pour ces artistes et à la protection sociale à laquelle ils ont droit. (16 h 30)

En conclusion, Mme la Présidente, le projet de loi 78 constitue un pas en avant significatif, en ce qu'il vient offrir aux artistes oeuvrant dans le domaine des arts visuels et à ceux reliés aux métiers d'art et à la littérature, qui ne sont pas couverts actuellement par la loi 90, une reconnaissance professionnelle et un encadrement légal. Nous acquiesçons donc, Mme la Présidente, au principe de ce projet de loi que dépose Mme la ministre des Affaires culturelles. Les consultations particulières que nous aurons dans quelques jours permettront de vérifier auprès des premiers intéressés - et c'est là le plus important - s'il correspond à leurs attentes, si ces dispositions sont bien adaptées à la réalité de leur pratique artistique et si elles sont susceptibles de fournir un cadre plus approprié aux relations contractuelles entre les artistes et les diffuseurs de leurs oeuvres.

Mme la Présidente, c'étaient les commentaires que je désirais apporter au projet de loi 78 en vous rappelant - et en le rappelant à vous, je sais que je le rappelle à Mme la ministre des Affaires culturelles - que l'Opposition, à l'exemple du projet de loi 90 voté l'an dernier, apportera son concours. J'ose souhaiter, s'il y a amendements, qu'ils seront consentis et que nous puissions revenir en Chambre dans quelques jours, vers le 13 décembre, je pense, quelque chose comme cela, au moment où Mme la ministre sera revenue d'Europe, porteuse d'un dossier pour lequel je lui souhaite la meilleure des chances et pour lequel elle a mon appui. J'étais d'ailleurs au téléphone avec quelqu'un de Paris ce matin, désireux encore là de voir ce dossier se développer pour le bien-être du Québec. Donc, nous reviendrons le 13 décembre, après la commission, pour l'adoption finale de ce projet de loi, au moment où la ministre reviendra de son voyage à Paris, Bruxelles et Rome. J'ose espérer que ce projet de loi, à l'exemple de la loi 90, sera adopté là aussi à l'unanimité et que nous aurons, permettez-moi de le répéter une dernière fois... Je la vois sourire et je vous avoue que j'aime mieux la voir sourire que la voir sévère, oui parce qu'elle est plus jolie quand elle sourit que quand elle est sévère... Donc, je consens... Pardon? Oui, je ne voudrais pas jouer dans les plates-bandes de votre ami, Mme la ministre. Donc, j'espère qu'au retour, encore une fois, nous l'adopterons à l'unanimité et que, de nouveau, nous aurons fait pour la deuxième fois le temps d'une paix pour la culture.

Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Jacques. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Bourget.

M. Claude Trudel

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Le problème avec le député de Saint-Jacques, c'est qu'on sait quand il commence, mais on sait rarement non seulement quand il va finir mais comment il va finir.

Une voix: Lui non plus. Lui non plus.

M. Trudel: C'est ce que j'allais ajouter, M. le député.

M. le député de Saint-Jacques vous a dit, Mme la Présidente, qu'il était d'accord, au nom de l'Opposition, avec le projet de loi 78. Le contraire eût été non seulement étonnant mais indécent, Mme la Présidente, dans la mesure où voici un parti qui, au moment où il formait le gouvernement, il y a déjà trois ans de cela, heureusement pour le Québec, avait commandé un rapport sur l'ensemble de la question, c'est-à-dire sur l'ensemble de la question du statut de l'artiste dont nous abordons la deuxième partie, ainsi que mes deux prédécesseurs l'on dit. Donc, dans ce gouvernement, le ministre de l'époque, M. Clément Richard, avait commandé un rapport qu'il s'était empressé de cacher tant ce rapport était favorable à l'adoption d'un statut de l'artiste au Québec. Il a fallu qu'un gouvernement libéral soit élu en décembre 1985 pour qu'enfin on puisse passer à l'action.

Étant à l'époque - pendant très peu de mois - critique de l'Opposition en matière d'affaires culturelles, j'avais discuté, pour ne pas dire négocié, avec l'Union des artistes quelques lignes du programme politique du Parti libéral. Dès notre entrée en fonction, Mme la ministre annonçait son intention de tenir une commission parlementaire. On se souviendra que la commission parlementaire, qui a remporté un très vif succès, a été tenue en mai 1986 et a été suivie, moins de 15 ou 17 mois plus tard, par le projet de loi 90 qui a été adopté à l'unanimité, je dois le souligner et le député de Saint-Jacques - qui a encore une fois changé de côté - le soulignait lui aussi. Encore là, il s'agissait pour l'Opposition de rester logique avec elle-même, ce projet de loi lui tenant à coeur, paraît-il.

Mme la Présidente, je n'ai pas l'intention de parler très longtemps cet après-midi, d'abord parce que vous allez me limiter à 20 minutes que je n'ai pas l'intention de prendre de toute façon. Je vais insister sur deux aspects du projet de loi 78 qui m'ont paru susciter des craintes dans une partie de la population, entre guillemets, des artistes, non pas des artistes de la scène bien sûr puisqu'ils sont maintenant protégés, mais du côté de certains producteurs et de certains créateurs. Mme la Présidente, vous n'en serez pas étonnée, je vais m'arrêter surtout aux dispositions qui concernent les contrats entre ce qu'on appelle, au chapitre III du projet de loi, les artistes et les diffuseurs, les artistes com- prenant à la fois les artistes peintres, les sculpteurs, les artistes des métiers d'art et aussi les écrivains.

Dans le cadre de l'une des nombreuses manifestations du Salon du livre de Montréal, j'avais l'occasion de participer, en fin de semaine, à ce qu'on a convenu d'appeler le gala des éditeurs. Après des galas dans à peu près tous les aspects du domaine des arts, voici que les éditeurs se donnent une soirée bien a eux. Certains éditeurs m'ont approché en me disant: Avec le projet de loi 78, est-ce qu'on est en train d'assister au contrat type qui avait été proposé par l'Union des écrivains? Je me suis empressé de les rassurer et de leur dire: Non, ce n'est pas un contrat type. Et, jusqu'à un certain point, tant pour les écrivains que pour les éditeurs, encore une fois pour me limiter à ce que je connais le mieux, il est heureux qu'on ne soit pas en présence d'un contrat type.

Dans le projet de loi 78, par exemple, on est en présence des dispositions minimales que devront comporter tous les contrats. Il est heureux qu'on en arrive là. J'ai eu à conseiller - pas à titre d'avocat que je suis à peine, puisque je ne pratique pas - au cours des derniers 18 mois des amis qui avaient eu le bonheur de commettre quelques écrits, qui un roman, qui un essai en sciences politiques. Je les envie parce que j'ai hâte d'avoir le temps de faire la même chose qu'eux, un jour. J'ai eu l'occasion de conseiller ces gens et de me placer, non plus dans la position de l'éditeur que j'ai déjà été, mais de l'écrivain que je désire devenir un jour - enfin, quelqu'un qui écrit, non pas nécessairement un romancier. (16 h 40)

II m'est venu à l'esprit qu'au moment où j'étais éditeur, je défendais non pas une maison d'édition contre un auteur ou un auteur en devenir, mais une conception, une partie d'une industrie qui s'appelait la production technique par rapport à une autre partie de l'industrie, une partie fondamentale de l'industrie qui s'appelait la création, pour me rendre compte que, finalement, les créateurs étaient plutôt mal protégés. Non pas que, comme éditeur, je les aie "organisés", pour employer une expression populaire. La maison que je dirigeais avait un contrat qui ressemblait étrangement au contrat type de l'Union des écrivains. Donc, je pense que, dans l'ensemble, les gens qui venaient chez nous étaient bien protégés.

Alors pour me résumer, Mme la Présidente, le projet de loi 78 comporte, dans son article 30 à tout le moins - sûr lequel je veux insister pendant quelques secondes, une minute ou deux - des dispositions minimales qui sont drôlement importantes pour les écrivains, les créateurs et qui se retrouveront maintenant dans les contrats entre un diffuseur et un sculpteur ou un artiste peintre, par exemple. Ces dispositions couvrent, évidemment ça va de soi, la nature du contrat et l'oeuvre ou l'ensemble de

l'oeuvre qui en est l'objet. C'est-à-dire qu'à l'intérieur du contrat ça devrait être spécifié de façon claire. On devrait spécifier ce dont on parle dans le contrat. Le contrat devra également couvrir - et cela me paraît important - l'ensemble des autorisations que l'écrivain, enfin l'artiste, le créateur aura accordées à son diffuseur. Et, encore une fois, je tiens à le préciser, il s'agit d'un minimum, le tout étant laissé, bien sûr, à la discrétion des parties. Mais les deux parties sauront exactement dans quoi elles s'engagent mutuellement, parce qu'un contrat est quand même la rencontre de deux volontés, M. le député de Taillon, si je me souviens bien de mon droit d'il y a quelque 20 ans.

L'article 30 couvre également les questions - on en a parlé tantôt - assez complexes dans certains cas, de transférabilité ou non à un tiers d'une licence accordée par un diffuseur. Il couvre également, ça va de soi, la partie monétaire due à l'artiste. Et ce que j'aime bien aussi, Mme la Présidente, dans ce projet de loi 78, ce qui reçoit mon adhésion personnelle et enthousiaste, l'article 37, qui obligera le diffuseur, quel qu'il soit - et je me permets de le lire - "...à tenir dans ses livres un compte distinct dans lequel il inscrit dès réception, en regard de chaque oeuvre ou de l'ensemble d'oeuvres qui en est l'objet: 1° tout paiement reçu d'un tiers de même qu'une indication permettant d'identifier ce dernier; 2° le nombre et le type de toutes opérations faites correspondant aux paiements inscrits et le cas échéant, le nombre d'exemplaires vendus." etc.

J'ai consulté non seulement des éditeurs, bien que surtout des éditeurs, mais j'ai également consulté quelques amis que j'ai - puisque le député de Saint-Jacques n'a toujours pas regagné sa place, étant en grande conversation avec Mme la ministre. Il lance des noms, à mon tour d'en lancer - dans le domaine des galeries d'art, pour me rendre compte que voici un article qui, dans l'ensemble, est tout à fait accepté. À première lecture, il paraît extrêmement contraignant pour un éditeur ou pour un diffuseur, quel qu'il soit. C'est évidemment un article contraignant mais qu'on peut facilement rencontrer dans le domaine de l'industrie culturelle et qui ne devrait pas, à mon avis et de l'avis des gens que j'ai consultés depuis une dizaine de jours, rencontrer d'opposition majeure, même pas d'opposition, soit dit en passant. Je pense qu'on devra quand même prendre le temps d'expliquer, et la ministre devra le prendre. Je le prendrai de mon côté. À l'occasion de la commission parlementaire, on devra quand même prendre le temps d'expliquer les tenants et aboutissants de cet article qui est peut-être mal compris et qui va aussi loin que possible dans la protection des droits du créateur, tout en ménageant et en reconnaissant que quand on parle d'industrie culturelle au Québec on parle rarement de choses qui sont grosses. Donc, on n'est pas en présence d'un article qui est tatillon. On ne sera pas en présence, je ne le pense pas, du moins je le souhaite et j'en suis convaincu, d'une réglementation à venir qui sera elle-même tatillonne.

On aura l'occasion, Mme la Présidente, de discuter de tout cela lors de la commission parlementaire de la semaine prochaine qui nous permettra d'entendre tout près d'une vingtaine de groupes, à partir des écrivains, des éditeurs pour parler de littérature, en passant par les gens de la dramaturgie, de l'Association des traducteurs littéraires, des photographes, le Conseil - le député le disait tantôt - de la sculpture, le Conseil de l'estampe, bref, tout ce qui bouge dans le bon sens du mot dans le domaine de la création littéraire et de la création artistique.

Pour terminer, je soulignerai à mon tour - je suis le troisième à le faire et je pense que mon collègue de Taillon qui va intervenir tantôt sera le quatrième à le souligner - que nous sommes en présence du deuxième volet d'une réforme fondamentale au Québec, celle du statut de l'artiste. L'an dernier, à peu près à cette époque-ci - je me souviens que la commission parlementaire avait eu lieu le 3 décembre - nous avions couvert les artistes de la scène, du disque et du cinéma quelques heures ou quelques jours avant le 50e anniversaire de l'Union des artistes. Cette année, nous complétons cette réforme à laquelle nous nous étions engagés comme parti au moment où nous étions dans l'Opposition et que nous réalisons maintenant que nous sommes au gouvernement, en couvrant les secteurs des arts visuels, des métiers d'art et, évidemment, de la littérature.

Mme la Présidente, je suis personnellement très fier .de cette réforme. Le parti que j'ai l'honneur de représenter s'était engagé à faire cette réforme qui était... Je vais prononcer un mot anglais en présence de mon ami, le député de Taillon, qui me succède; je vois le ministre responsable de l'application de la loi 101 s'énerver; par contre, le ministre de l'Environnement sourit. Je pense que, dans cette Chambre, on a le droit d'employer des mots anglais. Quand on dit qu'une réforme est due depuis longtemps, on dit qu'elle est "long overdue", Mme la ministre. Si une réforme était due depuis un certain moment au Québec, c'est bien cette réforme-là.

En conclusion - ce que j'étais en train de faire de toute façon, Mme la Présidente - je redis ma satisfaction devant le dépôt du projet de loi 78. Je voterai bien sûr pour le projet de loi 78. Il serait étonnant de voir le président de la commission de la culture voter contre un tel projet, d'autant plus que l'Opposition nous a déclaré durant environ 35 minutes - ce qu'elle aurait pu prendre douze minutes à faire - son accord de principe à l'adoption du projet de loi. Mme la Présidente, nous aurons l'occasion d'en reparler la semaine prochaine lors de la commis-

sion parlementaire. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Bourget.

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. C'est avec plaisir que j'interviens cet après-midi sur le projet de loi 78. Je n'ai pas l'intention de reprendre l'ensemble de ce qui a été dit par les trois intervenants précédents, la ministre des Affaires culturelles, le député de Saint-Jacques, porte-parole de l'Opposition officielle, ainsi que le député de Bourget que nous venons d'entendre. Il a été dit et redit qu'il s'agit là d'une deuxième étape de la définition d'un cadre juridique raisonnable et acceptable pour l'artiste, de façon générale. Dans ce cas-ci, le projet de loi 78 vise, bien sûr, les artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature.

Je voudrais plutôt faire, Mme la Présidente, à l'occasion de ce discours de deuxième lecture, un rapide survol de certains aspects du projet de loi sur lesquels je voudrais attirer l'attention du parti ministériel pour possiblement aider, le cas échéant, à le bonifier lors de l'étude en commission parlementaire article par article. Je ne sais pas si j'aurai l'occasion d'y assister, mais, du moins, les commentaires seront enregistrés. Je l'ai dit, ce projet de loi vise une catégorie spécifique d'artistes, puisque les artistes de la scène, du cinéma et du disque ont déjà, par la loi 90 en vigueur, sauf erreur, leur cadre juridique défini. Dans ce cas-ci, ce projet établit un cadre juridique pour la reconnaissance d'associations d'artistes ou de groupements d'associations. Il donne à la Commission de reconnaissance, qui existe déjà, certains pouvoirs qui seront étendus à ce secteur d'activité artistique. (16 h 50)

Mais là où le projet de loi devient intéressant, c'est sur l'aspect contractuel, en particulier, Mme la Présidente, en ce qui concerne les articles 29 et suivants du projet de loi. D'abord, ce que dit essentiellement le projet de loi 29, c'est ceci: Dorénavant, entre les peintres et leur galerie, entre les écrivains et leur maison d'édition, entre les sculpteurs et leur producteur, il y a nécessité d'un contrat écrit. Cela est particulier. Pourquoi? Parce que nous vivons dans un régime de droit que nous qualifions de "consensualiste", c'est-à-dire que lorsque deux parties s'entendent, elles peuvent convenir de ce qu'elles veulent sans que ce soit nécessaire de rédiger un contrat. Dans ce cas-ci, on formalise la relation entre un artiste et son producteur, règle générale.

C'est un choix important qui a été fait dans la loi. Cela voudrait dire que dorénavant, il ne suffira pas de s'entendre, il va falloir le mettre par écrit. D'ailleurs, l'article 32 va extrêmement loin. Il nous dit que "le diffuseur ne peut invoquer une condition, ni un engagement qui ne sont pas énoncés dans un contrat écrit prenant effet conformément à l'article 31 ."

Ce que je crains, et dans le sillage de ce que disait le député de Bourget, c'est que ce contrat ne devienne un contrat d'adhésion, c'est-à-dire qu'on ne donne pas le choix à l'artiste d'en négocier les conditions. Telle maison d'édition a recruté tel jeune écrivain et voilà. Il signe comme nous le faisons quand nous allons acheter un billet de métro ou quand on va conclure n'importe quel contrat courant qu'on appelle des contrats d'adhésion. Mais pourquoi un contrat d'adhésion? Parce que, essentiellement, à ce moment-là, une des parties se retrouve dans une situation de rapport de forces de beaucoup inférieure à l'autre partie et donc, généralement, ne négocie pas les conditions du contrat comme elles devraient l'être.

C'est là ma crainte qui peut d'ailleurs aller suffisamment loin pour créer, j'allais dire, la situation absolument inverse à celle que pourrait rechercher la ministre. Règle générale, il est extrêmement vrai de dire que beaucoup d'artistes au Québec se font avoir. Il y a beaucoup de peintres qui se font avoir par des galeries, qui se font demander des pourcentages absolument honteux. Beaucoup de jeunes écrivains se font avoir par leur maison d'édition. Beaucoup de sculpteurs, d'artistes se font avoir en général et c'est normal, il faut le comprendre, l'artiste se concentre sur la création de l'oeuvre. Sa formation administrative commerciale est généralement beaucoup moindre que sa formation créatrice, que son inspiration, que le développement de son talent créateur.

Donc, on se retrouve dans une situation où il y a un déséquilibre entre l'artiste et son producteur ou sa galerie, peu importe, ou son distributeur.

Face à ce rapport de forces, le projet de loi a choisi de dire: Écoutez, on va formaliser, ça prend un contrat. Mais est-ce que ça va véritablement changer quelque chose? D'abord, on n'aura pas réponse à ça demain matin, on n'aura pas réponse à ça six mois après l'entrée en vigueur de la loi. Cela va prendre un certain temps pour voir l'effet d'une disposition comme celle-là. À première vue, et je le dis franchement, Mme la ministre, autant je suis d'entrée de jeu sympathique à l'ensemble de son projet de loi, autant je crains que ce contrat obligatoire ne devienne, en fait, un contrat d'adhésion qui, lui, pourrait avoir l'effet inverse à celui recherché, à savoir pourrait à long terme jouer contre l'artiste plutôt que de le favoriser.

Peut-être que la ministre pourrait, dans sa réplique tantôt, nous dire s'il existe des précédents, si ça existe ailleurs. À première vue, pour mettre de côté ce système de régime "consensualiste" je n'en suis pas sûr. En bref, ce que je dis à la ministre, ce n'est pas que ce qu'elle fait n'est pas bien, c'est que les effets de

son projet de loi devront être mesurés attentivement dans les prochaines années.

Vous savez, on a instauré, notamment dans le contrat de consommation, énormément de contrats semblables à celui qu'instaure le projet de loi 78, et sans grand succès. Les contrats deviennent des contrats signés de façon systématique, automatique, par les individus qui n'ont pas le choix. Maintenant, il demeure qu'en formalisant le contrat, on introduit des clauses drôlement intéressantes. Notamment, l'article 31 qui dit que l'artiste n'est tenu à l'exécution de ses obligations qu'à compter du moment où il a reçu le contrat. C'est extrêmement intéressant. L'article 32, extrêmement intéressant. On ne peut pas invoquer une condition si elle n'est pas contenue dans le contrat. C'est le diffuseur qui ne peut pas invoquer une condition. L'artiste, lui, le peut.

Troisièmement, l'article 33, qui est rédigé d'une façon, disons, qui ne pèche pas par excès de simplicité. Bref, on y reviendra en commission parlementaire. L'article 35 également qui bénéficie à l'artiste. Bref, cela a permis au projet de loi d'inclure toute une série de dispositions visant à rétablir un certain équilibre entre l'artiste et ce qu'on appelle, dans le projet de loi, le diffuseur. Deuxième et dernier élément, Mme la Présidente, sur lequel je voudrais attirer l'attention de la ministre et du parti ministériel. Là, je voudrais que la ministre m'accorde peut-être son attention quelques secondes, étant donné que je ne serai peut-être pas en commission parlementaire. C'est ceci. Ce que dit son projet de loi, c'est que la règle sera la procédure d'arbitrage. S'il y a un différend entre le diffuseur et l'artiste, c'est un arbitre, ce ne sont pas les tribunaux ordinaires.

Il y a plusieurs problèmes à ça. Je vais donner un exemple. Il m'est arrivé d'avoir ce cas où je devais agir par voie d'injonction pour le compte d'un artiste qui se faisait pirater ses oeuvres. Donc, on prend une procédure d'injonction et on s'en va devant les tribunaux ordinaires. Ma question à la ministre est la suivante. En faisant en sorte que la procédure d'arbitrage devienne la règle, est-ce qu'on n'est pas en train d'enlever à l'artiste son recours pour obtenir une réparation immédiate des injonctions, des mandamus, des interdictions de faire, ou des injonctions de ne pas faire, etc.? Parce que notre droit commun contient toute une série de mesures qu'on appelle provisoires. On peut requérir des tribunaux, d'urgence, certains remèdes, certaines mesures remédiatrices. En écartant les recours devant les tribunaux, parce que son projet de loi dit bien qu'à la demande d'une des parties, tout le litige s'en va devant un tribunal d'arbitrage, qui, généralement, est utilisé dans les cas où il n'y a pas de mesure provisoire... Les arbitres, c'est bon dans les chicanes. Bombardier a livré 50 wagons à un pays africain, et il y en a deux qui ne marchent pas. Bon, il y a un arbitre qui est saisi de ça. Il prend deux ans pour régler ça. Tout le monde est content parce que, dans le fond, il n'y a qu'un chiffre au bout qui sort de là.

Mais, dans le cas d'un litige entre un diffuseur et l'artiste, il peut y avoir besoin de mesures remédiatrices rapides. Qu'arrive-t-il dans ce cas? Je comprends que la procédure d'arbitrage est plus souple, moins coûteuse. Encore, c'est mon deuxième point, Mme la ministre, faudra-t-il bâtir une catégorie d'arbitres qui connaîtront un peu la gamme. C'est ça notre problème au Québec. On veut favoriser l'arbitrage, mais on n'a pas d'arbitre. Notamment dans ce cas-ci, n'y aurait-il pas lieu de discuter avec votre collègue, le ministre de la Justice, pour mettre sur pied une banque de renseignements pour les avocats désireux d'agir dans ce nouveau créneau qui sera l'arbitrage artistique? On a peu d'avocats au Québec qui connaissent les arts. Il y a peu de juges qui connaissent les arts et il n'y a pas d'arbitre, à toutes fins utiles, dans ce secteur-là, au moment où on se parle au Québec.

Si on veut que ce soit attirant pour les deux parties d'aller régler leurs litiges, non pas devant un juge avec des procédures, des frais d'avocats onéreux, mais si on veut les attirer dans un arbitrage simple, il faudrait que les arbitres soient compétents. Si les arbitres ne sont pas compétents, ce ne sera jamais attirant. Donc, ce que je suggère, c'est qu'en collaboration avec le ministère de la Justice, on commence à former une certaine banque d'arbitres en matière artistique, parce que l'arbitrage ce n'est pas quelque chose de simple. Que ce soit en matière artistique, en matière de relations du travail, en matière d'affaires sociales ou d'éducation, les arbitres ont besoin d'un bagage d'éducation et de formation assez particulier. Bref, c'est ma deuxième remarque sur cette question de l'arbitrage, on peut se poser une question: Est-ce que c'est une formule qui est préférable à celle du recours devant les tribunaux? (17 heures)

À mon avis tout à fait personnel, oui, la formule de l'arbitrage est meilleure que la formule ordinaire. Quand c'est rendu devant les tribunaux, c'est long et, comme je l'ai dit tantôt, c'est coûteux, ça prend des avocats. Souvent, l'espèce d'affrontement judiciaire a tendance à rendre encore plus aiguës - exacerber, me souffle, à juste titre, le député de Créma-zie - les tensions entre les parties. De cette façon, souvent on se retrouve avec un jugement, mais deux parties qui sont, dans bien des cas, insatisfaites l'une et l'autre. Avec un arbitrage, le climat est plus détendu, les règles de procédure sont plus souples, les frais sont moins élevés et souvent on en arrive à un règlement avant la sentence de l'arbitre.

Donc, c'est mon opinion personnelle. C'est une solution qui s'applique fort bien dans le domaine artistique, mais il faudrait être assuré, pour que ça fonctionne autant en hiver qu'en

été, qu'il existe des arbitres dûment formés qui sont prêts à entendre les litiges opposant un peintre avec sa galerie ou encore un jeune écrivain qui vient de découvrir que la clause 64 de son contrat d'édition fait en sorte que l'éditeur avait le droit de traduire son livre dans toutes les langues et qu'il n'en retire pas un bénéfice plus élevé que celui qui était déjà prévu. Il y a plusieurs litiges qui sont prévisibles dans ces secteurs.

En terminant, Mme la Présidente, je voudrais donc renchérir sur cet accord qu'a consacré tantôt le député de Saint-Jacques au projet de loi 78 qui vient dans la foulée de la loi 90. Il s'agit là... De temps en temps, le gouvernement fait de bons coups, il faut le dire. C'est plutôt rare, par exemple. Je vois le député de Crémazie qui se réjouit. On aimerait le faire plus souvent de notre côté, mais ce gouvernement, sous la houlette d'un premier ministre qui a une grande pelle pour tout pelleter en avant, nous avait habitués à peu près à décider de la couleur de la margarine. Cela avait pris quatre mois! Vous comprendrez que je n'étais pas surpris de voir que lorsqu'est venu le temps de décider de l'heure d'ouverture et de fermeture des commerces le dimanche, le gouvernement a décidé de pelleter par en avant et de ne rien décider. C'était déjà toute une décision pour eux.

Bref, en ces temps où le gouvernement libéral nous a habitués en termes de menu parlementaire à un régime minceur inégalé, je dois vous dire que le projet de loi 78 est le bienvenu. Enfin, ça donne un petit peu une chance à l'Opposition d'entrevoir que, dans certains secteurs, au moins ça bouge un petit peu.

La ministre des Affaires culturelles, qui n'a pas eu de plus grand succès dans son autre portefeuille en début de ce mandat... Mais, on doit le dire, dans le secteur des affaires culturelles, avec ce projet de loi, elle place encore une corde additionnelle à l'arc des artistes. En ce sens-là, je pense que son initiative parlementaire doit être remerciée et félicitée par l'Opposition. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Mme Lise Bacon (réplique)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Taillon. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre des Affaires culturelles, en réplique.

Mme Bacon: Mme la Présidente, je suis fort heureuse que le député de Saint-Jacques ait un peu de renfort avec la participation du député de Taillon. C'est vrai que pendant cette période où nous étudierons le dossier du projet de loi 78, nous aurons, je l'espère, ce temps d'une paix qui est si nécessaire au dossier culturel.

Je ne reprendrai pas tous les arguments qu'a utilisés le député de Saint-Jacques parce que, par moments, on débordait largement du projet de loi 78, mais je pense que ce que nous avons eu cet après-midi, comme participation des députés de Saint-Jacques et de Taillon, concernant le projet de loi 78, nous devrons en tenir compte à l'occasion de l'étude article par article de ce projet de loi.

Le député a mentionné, cet après-midi, les délais dans le dépôt de ce projet de loi. On doit lui dire qu'il y a eu, quand même, énormément de consultations faites auprès des groupes, auprès des associations, auprès des artistes eux-mêmes. Nous avons aussi discuté avec le groupe-conseil que nous avons mis sur pied, l'an dernier, afin de valider les objectifs que nous nous étions fixés dans ce projet de loi et pour que cela reflète vraiment les besoins du milieu. J'ai déjà informé, la semaine dernière, le député de mon voyage en Europe, du 2 au 10 décembre. Cela explique, peut-être, que les auditions devront être faites avant ce départ, pour qu'ensuite, dès mon retour, on reprenne avec lui l'adoption, article par article, de ce projet de loi si important pour nos artistes.

Nous avions, dès notre arrivée au pouvoir, Mme la Présidente, établi les règles bien clairement. Nous voulions que ces principes qui guident notre gouvernement à travers des choix et des actions, reposent d'abord sur l'animation plutôt que sur l'initiation. Par là, nous entendons redonner à l'état un rôle plus cohérent et, aussi, moins dirigiste. Je pense que c'est en étant plus sensibles aux besoins locaux, aux besoins régionaux, plus efficaces au chapitre de l'accessibilité aux différents services offerts aux Québécois, que nous accomplirons ou que nous redonnerons à l'État un rôle plus cohérent.

Nous avons tout mis en oeuvre au ministère des Affaires culturelles afin d'assumer ce leadership si important et pour respecter, reconnaître la liberté des artistes et des créateurs. En même temps, en faisant cette preuve de maturité, nous voulions que le devenir culturel repose aussi sur des bases solides. C'est pour cette raison que nous avons toujours pris soin d'entretenir avec le milieu culturel un dialogue franc, un dialogue serein et surtout un dialogue aussi efficace et que nous avons voulu que le projet de loi que nous avons déposé et dont nous voulons adopter le principe aujourd'hui, reflète bien les désirs, les aspirations du milieu culturel.

Nous voulons absolument que les artistes viennent à nouveau devant nous, viennent nous donner leurs impressions ou leurs recommandations face à ce projet de loi. Nous avons voulu avoir ces trois jours d'audition de mémoires pour que les gens viennent, tout simplement, discuter avec nous du projet de loi, des différents articles qui le composent.

Mme la Présidente, le député de Saint-Jacques s'inquiète de l'adoption. Je dois lui dire que notre désir... Comme il a démontré un esprit ouvert, un esprit de collaboration, je pense que nous pourrons arriver à adopter ce projet de loi avant la fin de cette présente session. Nous voulons aussi, par le fait même, comme nous

l'avons fait l'an dernier, démontrer aux artistes que, cette année, nous fermons cette boucle importante du dossier. À la suite du dossier de ia loi 90, nous donnons à l'ensemble des artistes ce statut, cette part dans la vie de cette société québécoise qui est la nôtre. C'est vrai que c'est du droit nouveau. C'est vrai qu'on ne peut pas se raccrocher à aucun autre projet de loi, que ce soit ici au Québec, que ce soit au Canada, que ce soit à l'étranger, puisque le Québec prend vraiment les devants avec l'adoption de ce projet de loi. Nous devons être, peut-être, encore plus exigeants quant à l'écriture du projet de loi, exigeants aussi, quant aux gestes que nous poserons afin de donner le maximum de possibilité ou de protection aux artistes. (17 h 10)

Si nous adoptons un projet de loi pour protéger les artistes en arts visuels, en métiers d'art et en littérature, ce n'est pas pour leur causer des problèmes. Au contraire, je pense que c'est pour les aider davantage. Ces retombées d'un travail qui est créateur, qui profite à l'ensemble de la société je pense, qu'il est équitable, que les secteurs publics y apportent aussi leur contribution. On ne saurait exploiter davantage un secteur si important de notre société sans se préoccuper du bien-être et de l'avenir des artistes qui sont à l'origine de notre développement culturel. Je ne crois pas que l'État ait la mission, la responsabilité de déterminer toutes les éventualités quant à la portée de la loi pas plus qu'il n'a à se substituer au rôle des artistes, des interprètes, des créateurs en privilégiant par certains moyens dont il dispose un mode d'expression, par exemple, telle vision du monde, telle idéologie. Il ne faut pas confondre la mission et le statut de l'artiste. Je crois que l'État a le devoir de faire en sorte que l'artiste et créateur soit traité avec équité par rapport aux autres citoyens. Je pense que ce n'est là que reconnaître leur apport exceptionnel à l'édification de la culture dans notre société. Cette loi est nécessaire, est urgente dans le domaine du statut de nos artistes et je suis fière que notre gouvernement ait posé les premiers jalons et que l'Opposition fasse unanimité autour de ce projet de loi. Nous aurons l'occasion d'entendre bientôt les différents groupes qui viendront nous rencontrer et ensuite, Mme la Présidente, tenir compte de ce qu'ils auront à nous dire pour l'adoption de ce projet de loi article par article.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles. Le débat étant terminé, est-ce que le principe du projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de la culture

M. Gratton: Mme la Présidente, je voudrais faire motion pour déférer le projet de loi à la commission de la culture pour consultations particulières et étude détaillée du projet de loi.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 72 du feuilleton pour que, avec le consentement des membres de l'Assemblée, nous puissions procéder sans débat, tant à l'adoption du principe qu'à l'adoption du projet de loi 228, loi d'intérêt privé.

Projet de loi 228 Adoption du principe

La Vice-Présidente: Donc, à l'article 72 de notre feuilleton, il s'agit d'un projet de loi privé présenté par le député de Gaspé, qui porte le numéro 228 et qui a trait à la Loi concernant le sanatorium Ross. Est-ce que le principe du projet de loi 228, Loi modifiant la Loi concernant le sanatorium Ross, est adopté?

Des voix: Adopté.

Adoption

La Vice-Présidente: Adopté. Est-ce que le projet de loi 228, Loi modifiant la Loi concernant le sanatorium Ross, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, après cet effort d'efficacité, je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 16 où on risque que ce soit un peu plus long.

Projet de loi 70 Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 16 de notre feuilleton, le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation propose l'adoption du principe

du projet de loi 70, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Je vais reconnaître M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Merci, Mme la Présidente. L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Mme la Présidente, ce projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit dont l'Assemblée nationale est appelée à adopter le principe représente une étape capitale dans la réforme des institutions financières du Québec. Ce projet de loi devrait permettre au mouvement Desjardins d'oeuvrer bientôt dans un cadre législatif plus souple et beaucoup mieux adapté au Québec d'aujourd'hui et de demain. Ce projet de loi correspond aux objectifs, aux principes directeurs et au plan d'action que j'ai rendus publics en octobre 1987, il y a donc plus d'un an, dans le livre blanc intitulé, "La Réforme des institutions financières au Québec". Il est sans doute utile de rappeler que depuis le dépôt de ce livre blanc, l'Assemblée nationale a adopté, le 18 décembre 1987, la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne et que, le 28 mars 1988, nous avons conclu une entente avec le gouvernement fédéral sur les valeurs mobilières, préservant pleinement la juridiction du gouvernement du Québec en ce domaine, malgré les acquisitions de firmes de courtage par des banques à charte.

Le 29 mars dernier, j'ai déposé le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières, et des modifications à cette loi seront proposées. J'ai également publié, en avril dernier, un livre vert portant sur le décloisonnement des intermédiaires de marchés. Ce document a servi de base à une consultation générale tenue par la commission parlementaire du budget et de l'administration, les 31 mai, 1er, 2 et 3 juin 1988. À la suite des travaux de cette commission, nous préparons un mémoire qui sera soumis très prochainement au Conseil des ministres dans le but de faire approuver les grands principes, les grandes lignes de cette réforme tant attendue par tous les intermédiaires. Le projet de loi devant éventuellement codifier cette réforme suivra peu après. Il est donc fondamental de considérer le projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit dans la perspective d'ensemble de la réforme de nos institutions financières.

Le Québec, comme vous le savez, Mme la Présidente, dispose aujourd'hui d'un système financier efficace et dynamique capable de remplir son rôle tout à fait indispensable dans la croissance de notre économie et capable de répondre aux besoins de sécurité et de protection financière de nos concitoyens. Toutefois, nos institutions financières font face à deux défis importants: la concurrence internationale, d'une part, et Pentrepreneurship" local au Québec, d'autre part. L'internationalisation des marchés place nos institutions financières dans une situation de plus en plus compétitive. À ce sujet, j'ai déjà fait état à plusieurs reprises de la nécessité pour le Québec de favoriser le développement d'institutions financières puissantes, bien armées pour résister à la concurrence internationale.

De plus, les besoins financiers des entrepreneurs locaux sont en croissance et doivent trouver une réponse rapide et accessible dans leur milieu propre. Le décioisonnement des institutions et des intermédiaires doit, par un encadrement législatif souple, créer les conditions propices au renforcement de la taille, de la diversification et de la distribution de notre système financier. Dans cet esprit, la réforme des institutions financières au Québec permet le décloisonnement par filiales tout en conservant le caractère distincte des institutions reliées à une activité principale. Nous désirons favoriser également - et nous sommes, en ce domaine, à l'avant-garde des législations canadiennes - la constitution de groupes financiers ayant des liens commerciaux.

Après avoir brossé succinctement ce portrait d'ensemble de la réforme de notre système financier, je voudrais, Mme la Présidente, préciser comment le projet de loi s'inscrit dans cette perspective. Mais je voudrais tout d'abord rappeler les grands traits de l'évolution des caisses d'épargne et de crédit et de la législation qui les gouverne, et brosser un tableau rapide du mouvement Desjardins, qui regroupe la presque totalité de ces institutions et représente un élément majeur de notre économie et de notre société.

La première caisse populaire fut fondée à Lévis en 1900 sans qu'aucune loi ne vienne encadrer son action. En 1901, une deuxième caisse fut fondée à Lauzon. Il devint vite évident qu'il était impossible d'asseoir la crédibilité de ces caisses sans une loi qui établissait la propriété des biens de la caisse et la responsabiité de ses dirigeants. (17 h 20)

Considérant que les banques étaient de juridiction fédérale et désireux d'étendre les caisses à l'ensemble du Canada, M. Alphonse Desjardins, un fonctionnaire du gouvernement fédéral, s'adressa au Parlement canadien, en 1903, pour obtenir une loi régissant les caisses d'épargne et de crédit. Après plusieurs démarches infructueuses, un projet de loi fut finalement adopté par les Communes en 1908. Mais ce projet de loi fut battu au Sénat par 19 voix contre 18. Ce Sénat, est-il utile de le souligner, comprenait de nombreux représentants des banques, des commerçants et des industriels qui voyaient d'un mauvais oeil l'apparition de ces coopératives financières. Fait important à noter, les opposants au projet de loi invoquaient surtout des arguments constitutionnels. Les coopératives, soutenaient-ils, sont de juridiction provinciale.

Pendant ce temps, à Québec, des amendements à la Loi sur les syndicats coopératifs, votée en 1902, étaient adoptés. Ils permettaient de couvrir les caisses d'épargne et de crédit. Ces amendements, votés le 27 juin 1906, firent de la Loi sur les syndicats coopératifs du Québec, la première loi régissant les caisses populaires. Cette loi s'appliquera aux caisses populaires pendant 57 ans. En effet, ce n'est qu'en 1963 que fut votée une loi régissant spécifiquement les caisses populaires: la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Cette loi, pour reprendre l'opinion du ministre responsable de l'époque, M. Lionel Bertrand, et du chef de l'Opposition d'alors, M. Daniel Johnson, précisait de façon claire, ordonnée et explicite les pouvoirs, les droits, les attributions et le devoir des caisses populaires, de leurs fédérations et de leurs organes administratifs. Ce "bill", comme on appelait à l'époque un projet de loi, fut piloté en commission plénière de l'Assemblée nationale par nul autre que le premier ministre d'alors, M. Jean Lesage, et n'a subi, depuis son adoption, que quelques modifications mineures.

Mme la Présidente, c'est un très grand honneur pour moi, en tant que ministre responsable des institutions financières du Québec, de vous présenter ce projet de loi 70 qui est en fait une refonte complète de la loi de 1963. Comme vous le savez, le mouvement Desjardins réclame avec insistance depuis des années la révision de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. La croissance phénoménale des caisses d'épargne et de crédit, au cours des 25 dernières années, justifie à elle seule l'intervention législative proposée par le présent projet de loi. Les quelques chiffres qui suivent illustrent l'évolution des caisses populaires au Québec.

En 1942, des actifs de 37 000 000 $ devenaient en 1963 1 000 000 000 $, en 1973 4 400 000 000 $, en 1983 17 600 000 000 $ et en 1987 29 600 000 000 $, alors que le nombre de membres passait de 161 818 en 1942, à 1 500 000 en 1963, 3 600 000 en 1973, 4 000 000 en 1983 et 4 200 000 en 1987. Comme on le voit, il s'agit là d'une progression géométrique très importante qui, de par le développement même des caisses populaires, exige aujourd'hui une nouvelle loi.

De nos jours, le mouvement Desjardins, c'est 4 200 000 membres répartis dans quelque 1400 caisses populaires présentes partout au Québec, 28 000 employés et 18 000 dirigeants bénévoles qui ont joué un rôle fort important tout au long de son histoire et auxquels je désire rendre hommage. Le mouvement Desjardins recueille à lui seul le tiers de tous les dépôts reçus au Québec. Un dollar sur trois déposés par les Québécois dans les institutions de dépôt va chez Desjardins. Avec son actif de 34 000 000 000 $, le mouvement Desjardins, si, en plus d'inclure les caisses, on y inclut également les institutions complémentaires qui y sont associées, est la sixième institution financière en importance au Canada et le principal groupe financier canadien.

Le mouvement Desjardins, en plus de ses membres, de ses caisses et de ses fédérations, regroupe en effet plusieurs institutions et corporations d'importance comme le Groupe Desjardins assurance générale, Assurance-vie Desjardins, La Sauvegarde, Fiducie Desjardins, la Société d'investissement Desjardins, le Crédit industriel Desjardins, la caisse centrale Desjardins du Québec et plusieurs autres. Ce groupe financier dispose de tous les atouts pour constituer un acteur régulier du système financier d'aujourd'hui. Il est en mesure de faire face à la concurrence des grandes institutions financières nationales et même internationales. Mais, pour que ce groupe financier puisse vraiment jouer son rôle, il lui faut un nouvel habit législatif. L'actuelle Loi sur les caisses d'épargne et de crédit est, d'une part, trop limitative dans les pouvoirs qu'elle accorde aux caisses et aux fédérations et, d'autre part, elle ne prévoit pas les dispositifs de réglementation et de contrôle qui conviennent à une institution de cette envergure.

Il est donc impératif de réviser la loi de 1963. Trois préoccupations majeures nous y incitent. Première préoccupation: combler les lacunes de la loi actuelle. Depuis 1963, l'encadrement législatif des caisses d'épargne et de crédit n'a pas suivi le développement des structures du secteur et l'accroissement de son poids relatif dans l'environnement économique du Québec. Il y a un déphasage notable entre les deux. En dehors de toute autre réforme, nombre de dispositions de la loi actuelle doivent être actualisées pour conserver le caractère normatif qu'elles avaient à l'origine, pour tenir compte du droit nouveau introduit dans d'autres lois au Québec - je fais référence, Mme la Présidente, au Code civil, au droit des coopératives, au droit sur les assurances en particulier - et surtout pour harmoniser cette législation selon les principes nouveaux qui prévalent dans le secteur financier au Canada en matière de décloisonnement et de réglementation. On constate notamment aujourd'hui qu'on ne peut plus parler d'une simple relation membre-caisse mais davantage, compte tenu de la diversité et de la complexité des services financiers maintenant offerts, d'une relation membre-réseau. Ce mode de relation remet en question le partage actuel de la responsabilité des différents intervenants.

Deuxième préoccupation: protéger l'intérêt public. Chaque jour, les caisses d'épargne et de crédit reçoivent 50 % des nouveaux dépôts des particuliers au Québec, accordent du crédit à des centaines de milliers d'individus et d'entreprises agricoles, commerciales ou industrielles et gèrent les paiements de 4 000 000 de comptes au Québec. Il s'agit certes d'un secteur névralgique qui s'acquitte d'une fonction indispensable dans une économie organisée et dont la sécurité et la stabilité doivent être assurées par un encadrement législatif approprié.

On constate en effet qu'au cours des dernières décennies et, sans doute favorisées par l'introduction d'une assurance étatique des dépôts, les institutions de dépôt ont connu un tel accroissement de leur bilan que la discipline d'un marché, la faillite, ne peut être, en aucun cas, la loi du secteur, d'autant plus que c'est l'État, par le biais de l'assurance-depôt, qui paierait la plus grande partie des frais d'une telle éventualité; que la confiance repose sur la solidité des institutions qui, elle-même est sous-jacente à la qualité de l'administration, à la stabilité à court et à long terme en ce qui a trait à la liquidité et à la capitalisation en particulier et aux pratiques financières commerciales; que la loi actuelle est dénuée de normes financières adéquates concernant les prêts et placements, la liquidité, la capitalisation et les conflits d'intérêts; que les autorités de surveillance publiques ne possèdent pas aujourd'hui tous les moyens d'intervention pour assumer pleinement leur rôle de surveillance et de prévention, même dans un système qui reconnaît l'autodiscipline et la répartition des tâches au niveau des institutions financières elles-mêmes et des professionnels externes; que le secteur des caisses d'épargne et de crédit au Québec n'agit pas qu'en qualité d'intermédiaire, mais étant lui-même impliqué comme puissant holding dans le secteur financier, il agit aussi en tant que preneur de risques. Cela peut créer des situations de conflits d'intérêts ou de transactions entre parties intéressées auxquelles les autorités de surveillance doivent accorder une attention constante. (17 h 30)

Troisième préoccupation: normaliser la concurrence. Partant du principe qu'une saine concurrence favorise de meilleurs services à moindres coûts, d'où une efficacité accrue des marchés financiers, il importe que toutes les institutions en mesure de participer au marché puissent le faire dans les meilleures conditions possible, d'où la nécessité d'harmoniser les lois financières d'institutions du Québec au rythme des changements de leurs concurrents.

C'est dans cette perspective que s'inscrit la réforme. Elle a pour objectif notamment la modernisation des aspects corporatifs de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, de permettre aux caisses d'exercer des pouvoirs additionnels en matière de crédit, de formaliser l'autoréglementation actuellement existante et d'accroître la surveillance externe, de préciser les normes financières en matière de prêts et de placements, de protéger le consommateur en promulguant des règles appliquées à ses besoins, d'établir des règles adéquates en matière de divulgation et de vérification, de baliser le champ d'activité des caisses d'épargne et de crédit comme entité et, en tant que réseau financier, d'aider à résoudre le problème de sous-capitalisation du secteur et, enfin, d'accorder des pouvoirs adéquats à l'autorité de surveillance, l'Inspecteur général des institutions finan- cières du Québec, chargé de par sa fonction d'administrer la loi en vue d'assurer la protection du public. Voilà, Mme la Présidente, les trois préoccupations majeures qui nous incitent à corriger et à proposer ce nouveau projet de loi.

Le mouvement Desjardins réclame des modifications à la loi à laquelle sont assujetties ses institutions depuis de très nombreuses années. Cependant, c'est en 1983 que fut remis au gouvernement de l'époque un mémoire faisant état des demandes précises de modifications à la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Ayant pris connaissance des besoins et des demandes du mouvement Desjardins relativement à la loi à laquelle ces institutions sont assujetties, le gouvernement entreprit alors la rédaction d'un projet de loi. Il faut dire que, dès le début des années quatre-vingt, le gouvernement du Québec avait reconnu la nécessité de réviser la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. C'est donc en 1984 que le ministre responsable des Institutions financières compléta une première esquisse de la révision envisagée.

Les consultations amorcées dès 1984 donnèrent lieu à des échanges assez laborieux au cours desquels des conceptions parfois opposées s'affrontèrent. Après une phase d'accalmie durant la maladie et le décès de M. Blais, regretté président du mouvement Desjardins, les dossiers furent repris et des propositions de compromis furent dégagées qui, soumises en consultations et publiées sous la forme d'un avant-projet de loi en juin dernier, furent généralement acceptées par les intervenants du mouvement Desjardins et par le public en général. D'ailleurs, le président du mouvement Desjardins, M. Claude Béland, dans un article qu'il signait dans le dernier numéro de La Revue Desjardins, exprima sa satisfaction envers l'avant-projet de loi en le démarquant du projet de 1983 dans les termes suivants, et je cite: "L'avant-projet de loi de 1988 est fondamentalement différent de celui de 1983 et nous avons exprimé notre satisfaction à cet égard. Comment faire autrement, puisqu'il contient l'essentiel des demandes formulées par les fédérations à travers leur confédération?"

Mme la Présidente, j'aimerais souligner la collaboration objective, efficace et professionnelle de l'Inspecteur général des institutions financières, M. Jean-Marie Bouchard, et de ses collaborateurs ainsi que des principaux intervenants tant au ministère de la Justice que du Conseil exécutif dans la préparation de ce projet de loi. Un travail aussi important, un projet de loi de quelque 500 à 600 articles, n'aurait pu voir le jour sans cette collaboration de tous les instants. La commission parlementaire qui s'est tenue les 13, 14 et 15 septembre dernier a donné l'occasion d'entendre la présentation de treize mémoires provenant d'horizons aussi variés que le mouvement Desjardins - cela va de soi - le Service d'aide au consommateur, la FTQ, l'Association des banquiers canadiens, l'Union des producteurs agricoles et j'en passe. À la suite de

cette commission parlementaire, plusieurs des modifications proposées furent retenues et incluses dans le projet de loi qui vous a été présenté le 15 novembre dernier.

Ainsi, plusieurs recommandations contenues dans le mémoire de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins et dans celui de la Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'ouest du Québec ont été retenues. À cet égard, il y a lieu de souligner, sans que cette enumeration soit limitative, l'assouplissement des exigences en matière de divulgation d'intérêt par les dirigeants; la simplification et la libéralisation du régime de réglementation des caisses, fédérations et confédérations, le remboursement des parts permanentes émises par les caisses à la retraite et à la préretraite des détenteurs, l'octroi du pouvoir à une fédération par l'entremise de sa réserve de stabilisation de pourvoir au paiement d'intérêts sur les parts permanentes émises par ses caisses affiliées, l'émission de parts privilégiées et de parts sociales par les fédérations, l'émission de parts sociales par la confédération, l'extension du champ d'activité des caisses, le retrait du pouvoir pour le gouvernement d'interdire à une caisse l'exercice de certaines activités dont elle aurait été préalablement autorisée à exercer, l'élargissement des pouvoirs de placement des sociétés de portefeuille de la confédération, la libéralisation des règles relatives à la représentation des employés, dont les directeurs généraux, au sein des différents conseils ou comités des caisses et des fédérations.

À la suite des représentations faites par le service d'aide aux consommateurs, le projet de loi a été modifié pour introduire des dispositions relatives à la divulgation des frais de service et à l'affichage des comptes inactifs d'une caisse. Le projet de loi prévoit également l'obligation pour une caisse de traiter adéquatement les plaintes provenant de ses membres avec possibilité de révision par la fédération à laquelle elle est affiliée.

Dans son mémoire, la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ, a fait état de certaines imprécisions dans l'avant-projet de loi, imprécisions susceptibles d'affecter les relations du travail. Des corrections ont été apportées dans le projet de loi. Pour sa part, l'UPA s'est inquiétée du libellé des dispositions touchant la répartition des ristournes. Des précisions ont également été apportées à ce sujet. Les inquiétudes de la Chambre des notaires et de l'Ordre des comptables agréés du Québec quant à l'admissibilité de leurs membres à participer à la gestion des caisses ont été considérées. Les commentaires des représentants des comptables agréés en matière de vérification ont également été pris en considération. Quant aux commentaires de l'Association des banquiers canadiens sur la fiscalité des caisses d'épargne et de crédit, on comprendra aisément qu'il appartient au ministre des Finances de préciser des suites à leur donner. Cependant, le projet de loi retient une recommandation importante portant sur la divulgation puisque, dorénavant, les fédérations et la confédération seront tenues de publier annuellement dans des quotidiens un résumé de leurs états financiers. C'était là une demande de l'Association des banquiers canadiens.

Donc, d'une façon générale, Mme la Présidente, la refonte de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, qui est proposée, donnera aux caisses d'épargne et de crédit, notamment au mouvement Desjardins, l'encadrement nécessaire à un groupe financier de dimension nationale doté de pouvoirs et de moyens requis pour s'adapter aux conditions de la concurrence d'aujourd'hui et capable de poursuivre son développement et son expansion en fonction des besoins de ses membres et de ceux de l'économie du Québec.

La refonte assurera la modernisation du cadre corporatif des caisses, l'adaptation de l'encadrement financier et le renforcement des mécanismes de contrôle et de surveillance par l'attribution de pouvoirs appropriés aux fédérations, à la confédération, à l'Inspecteur général des institutions financières et au ministre chargé de l'application de la loi. (17 h 40)

Le projet de loi introduit des mesures qui ont pour but de doter les 4 200 000 membres et les 18 000 dirigeants bénévoles du mouvement Desjardins d'un régime corporatif inspiré des récentes législations. Ainsi, à titre d'exemple, on peut évoquer les changements suivants. Les résolutions écrites et signées par tous les membres ont la même valeur que si elles avaient été adoptées lors d'une assemblée. La tenue obligatoire d'une assemblée spéciale des membres, à la demande d'un dixième d'entre eux. Les réunions des membres des conseils peuvent se faire notamment par téléphone. Aucun membre ne peut être exclu ou suspendu, à moins d'avoir été avisé par écrit motivé et avoir eu l'occasion de se faire entendre. Afin d'assurer une meilleure représentation des membres au sein du conseil d'administration, le territoire d'une caisse peut être divisé en secteurs ayant droit d'élire un certain nombre d'administrateurs. Le rapport annuel transmis aux membres devra comporter désormais plus d'informations financières, notamment sur le rendement de la participation d'une caisse au fonds d'investissement de la fédération et sur le crédit accordé aux dirigeants et aux personnes qui leur sont liées.

La responsabilité des dirigeants est clairement énoncée et ceux-ci jouissent d'un régime de protection en cas de poursuites judiciaires en vertu duquel la caisse, fédération ou confédération doit assumer leur défense et payer les dommages ou rembourser leurs dépenses dans des circonstances déterminées. Toutefois, un dirigeant devra assumer pleinement la responsabilité de ses actes lorsqu'il aura agi contrairement à la loi et au règlement.

Les caisses demeurent essentiellement

vouées à faire fructifier l'épargne de leurs membres en leur consentant du crédit. Ce pouvoir est élargi pour couvrir toute forme de crédit. Elles pourront exercer des activités financières connexes comme la vente d'obligations gouvernementales, l'émission de cartes de paiement et de crédit, certains services à caractère public, certains services administratifs tels que service de gestion d'une caisse, de télétrésorerie, de facturage, et ceux relatifs à l'administration de régimes de retraite et, avec l'autorisation du gouvernement, exercer toute autre activité si le gouvernement juge qu'il y va de l'intérêt public et de celui de ses membres. De plus, le mouvement pourra continuer à jouir du décloisonnement par le biais de ses compagnies associées, de la même façon qu'il a pu le faire jusqu'à maintenant.

En plus de pouvoir consentir du crédit aux entreprises sous forme de prêt, de lettres de crédit ou de garantie, les caisses pourront consacrer jusqu'à 2 % de leur actif au financement des entreprises locales par voie d'acquisition d'actions ou de titres d'emprunt. Il ne leur sera plus permis, toutefois, de contrôler ces entreprises. L'apport de ce capital de risque sera un appui important, je crois, au développement de plusieurs régions du Québec. Le développement des caisses d'épargne et de crédit a toujours été limité par les contraintes auxquelles elles étaient soumises pour accroître leur capitalisation. L'accroissement du capital ne pouvait se faire que par les trop-perçus générés par les activités et versés à la réserve générale. Tel que le mouvement le réclamait, la réforme permettra aux caisses d'épargne et de crédit d'émettre des parts permanentes et des parts privilégiées, leur donnant ainsi accès aux sources de capitalisation externe dont elles ont besoin pour leur développement.

Avec ces nouvelles possibilités de capitalisation, le projet de loi établit des normes plus rigoureuses de capitalisation, assurant ainsi une meilleure protection pour les déposants. Le niveau de capitalisation requis sera comparable à celui qui est exigé des autres institutions financières dans le pays. De plus, notons que les exigences de capitalisation s'appuieront dorénavant sur la notion de réseau, chaque fédération et ses caisses affiliées constituant un réseau.

Compte tenu des exigences de plus en plus élevées pour les institutions de dépôt dans le monde et des risques grandissants sur les marchés financiers, la nouvelle loi exigera donc de Chaque réseau, fédération, caisse affiliée et de chaque caisse non affiliée une capitalisation égale à au moins 5 % de ses dettes. Les caisses d'épargne et de crédit s'entraident financièrement par leur fédération respective et leur fonds de sécurité. Ce vécu des caisses est reconnu dans le projet de loi par l'introduction du concept garantie-réseau et base d'endettement-réseau. Ce nouveau régime donne le pouvoir aux fédérations de combler le déficit de leurs caisses, mais soumet ces dernières au contrôle de la fédération en ce qui concerne leur niveau de capitalisation.

Afin que les fédérations soient en mesure d'offrir cette garantie, l'ensemble du capital d'une fédération et de ses caisses affiliées doit être maintenu à un niveau déterminé dans la loi. Ce régime permettra à une caisse en état de sous-capitalisation de continuer ses opérations, mais elle pourra se voir alors imposer un plan de redressement par la fédération. Le réseau lui-même est sujet au contrôle de la confédération et, le cas échéant, de l'Inspecteur général des institutions financières. En outre, le projet de loi prévoit qu'une fédération en difficulté pourra recourir a la garantie d'une autre fédération affiliée à une même confédération et ce, avec l'autorisation de l'inspecteur général.

Le nouveau projet de loi permet la constitution de sociétés de portefeuille par une confédération pour canaliser les investissements du groupe. Ces sociétés seront spécialisées et sauront la nature des investissements qu'elles peuvent effectuer. Le projet de loi permet la création de quatre types de sociétés de portefeuille: une société de portefeuille financière qui canalisera les investissements dans des filiales financières, une autre société de portefeuille dans des entreprises de services pour les membres du groupe, une société de portefeuille immobilière et, enfin, une société de portefeuille pour les investissements commerciaux et industriels. Cette formule représente un changement structurel important. La société de portefeuille financière, en regroupant les investissements dans toutes les institutions financières, permettra une meilleure coordination dans le développement des activités financières du groupe, tout en assurant un meilleur accès au marché financier. De plus, en plaçant l'activité des sociétés commerciales et industrielles dans la confédération, on fait en sorte que les fédérations n'auront plus directement de liens commerciaux. Cette nouvelle structure permet donc un meilleur contrôle des transactions intéressées.

Les difficultés récentes de certaines institutions financières ont mis en évidence les dangers que pourraient présenter, pour la sécurité et la solvabilité des institutions, les transactions avec des parties intéressées. Avec le développement des réseaux financiers et l'accroissement des liens commerciaux, les risques reliés aux transactions intéressées sont susceptibles de s'accroître. D'ailleurs, lors de la consultation de juin dernier sur le décloisonnement des intermédiaires, plusieurs intervenants ont rappelé, à juste titre, que le décloisonnement souhaité devrait être encadré par des règles plus strictes touchant la déontologie. Il devient donc important de renforcer les mesures de contrôle à cet égard.

Le système préconisé se compose de plusieurs éléments importants. Tout d'abord les structures de contrôle interne ou les responsabilités seront partagées entre la confédération, les fédérations, les comités de déontologie, les

conseils de surveillance, le vérificateur et le conseil d'administration. Un comité de déontologie construit au sein de chaque fédération doit adopter des règles sur les transactions intéressées et les conflits d'intérêts, incluant la protection des renseignements à caractère confidentiel. Ces règles doivent être conformes aux politiques de la confédération. Elles sont approuvées par la fédération et appliquées par le conseil de surveillance de chaque caisse et chaque fédération. Les contrats de services ainsi que les transferts d'actifs avec une personne intéressée devront, de plus, être approuvés par le conseil d'administration. Le vérificateur doit relever les manquements aux règles dont il prend connaissance et donner un avis à l'inspecteur général sur la qualité des méthodes de gestion adoptées par le comité de déontologie et sur la façon dont une caisse ou fédération s'y conforme.

Le projet de loi prévoit également une enumeration des personnes qui, en fonction de leurs charges, de leur mandat et de leur intérêt ou parce qu'elles sont liées à de telles personnes ou encore, en fonction de la place qu'elles occupent dans un groupe, peuvent influencer les décisions de l'institution dans leur propre intérêt. Ce sont les personnes intéressées. (17 h 50)

II n'est absolument pas question, Mme la Présidente, de partir une chasse aux sorcières. Il faut d'ailleurs se réjouir du dévouement et du désintéressement de la très grande majorité des milliers de bénévoles qui ont bâti le mouvement Desjardins et qui continuent à le faire vivre. Néanmoins, le législateur doit assumer ses responsabilités et prendre les moyens pour neutraliser les situations de conflits d'intérêts. Des principes et des pouvoirs réglementaires viseront à protéger les tiers, notamment contre la divulgation des renseignements confidentiels, les ventes liées et toute autre situation où l'institution pourrait être en conflit entre son intérêt ou celui d'une personne de son groupe et l'intérêt de ses membres.

Le projet de loi met en place des sanctions d'ordre civil qui consistent à faire annuler par un tribunal un contrat qui contrevient aux règles, à la demande de tout intéressé ou de l'inspecteur général. Il rend solidairement responsables les dirigeants et membres de conseil pour les dommages subis consécutivement à une contravention. Il prévoit des sanctions pénales sous forme d'amendes. Il dresse une liste d'infractions et défend notamment à un dirigeant de communiquer un renseignement confidentiel sauf dans la mesure déterminée par les règles adoptées par le comité de déontologie et par les règlements du gouvernement.

Le projet de loi respecte l'identité corporative des caisses et des fédérations et reconnaît le principe de l'autoréglementation en conférant aux diverses instances des pouvoirs de surveil- lance et de contrôle. Le conseil de surveillance est maintenu. Son rôle est étendu en ce qu'il doit s'assurer que les politiques et ordonnances des instances supérieures sont appliquées et que les règles édictées par le comité de déontologie sont respectées. Les fédérations, en raison de la garantie réseau, ont des pouvoirs étendus de réglementation et d'intervention. Notamment, elles peuvent, lorsqu'elles jugent que la situation l'exige, intervenir dans la gestion d'une caisse au moyen d'instructions écrites en lui ordonnant d'adopter un plan de redressement. Elles peuvent adopter des règlements applicables aux caisses sur les conditions et les limites du crédit, sur la suffisance de leur base d'endettement et sur tout sujet de nature financière et administrative. Elles ont le devoir d'inspecter et de vérifier annuellement leurs caisses affiliées, si elles ne sont pas affiliées à une confédération. Lorsqu'il y a une confédération, cette responsabilité incombe à celle-ci.

Une confédération peut intervenir auprès d'un réseau fédération-caisses à la demande de l'inspecteur général pour imposer un plan de redressement. Elle peut, au lieu et place d'une fédération, appliquer un plan de redressement qu'une fédération néglige d'appliquer. Elle approuve certains règlements d'une fédération. Elle adopte des règlements sur la constitution et la gestion des fonds confiés à une fédération par les caisses sur la suffisance de la réserve générale et des liquidités d'une fédération et des caisses affiliées. Elle adopte également des règlements directement applicables aux caisses sur des sujets de nature administrative. Elle doit vérifier annuellement et inspecter tous les 18 mois les caisses affiliées à ces. fédérations, et ces dernières doivent être inspectées annuellement.

Le gouvernement, par l'entremise de l'Inspecteur général des institutions financières, conserve cependant son rôle primordial de surveillance, de contrôle et d'intervention dans des situations graves. Le projet de loi oblige les fédérations et les caisses à des rapports annuels sur leur situation financière, les transactions intéressées et tout autre sujet pertinent. De plus, l'inspecteur général peut, en tout temps, demander toute information qu'il juge utile et faire enquête, au besoin, dans une caisse ou une fédération. L'inspecteur doit s'assurer que les inspections annuelles et les vérifications financières sont faites. Le projet de loi confère à l'inspecteur général des pouvoirs d'intervention auprès d'une fédération en difficultés financières ou en cas de défaut d'une fédération ou de la confédération de remplir une obligation établie par la loi. Il peut notamment évaluer ou faire évaluer un élément d'actif ou une garantie ayant déterminé une valeur, imposer un plan de redressement, inspecter en tout temps une caisse, fédération, confédération et même une société de portefeuille filiale d'une confédération opérant dans le secteur financier. Il possède un pouvoir

d'ordonnance qu'il peut exercer même envers les filiales de cette société de portefeuille. Il a le pouvoir de demander une injonction pour faire respecter la loi et celui de recommander au ministre la mise en tutelle d'une caisse, fédération ou confédération.

Dans le cas des caisses non affiliées, c'est l'inspecteur général qui exerce les pouvoirs d'intervention qui sont autrement exercés par les fédérations à l'endroit des caisses qui leur sont affiliées. Le gouvernement conserve également un pouvoir de réglementation pour les caisses et les fédérations non affiliées pour répondre à des situations d'urgence en cas de défaut ou d'insuffisance des règlements établis par les fédérations ou la confédération.

Le projet de loi autorisera une confédération affiliée à une fédération constituée en vertu d'une loi autre que québécoise et faisant affaires dans une autre province canadienne. Cette affiliation comme membre auxiliaire permettra à la confédération québécoise de fournir des services, sans toutefois assumer des responsabilités financières à l'égard des fédérations non québécoises. Je crois qu'il s'agit là d'une ouverture fort importante qui fera rayonner le mouvement québécois Desjardins partout au Canada.

Voilà donc, Mme la Présidente, l'essentiel des caractéristiques du projet de loi qui est soumis à l'approbation de principe de cette Chambre. Je suis convaincu qu'il répond parfaitement à l'intérêt public et que les principes qui en ont guidé la rédaction sont clairs et fondamentaux. L'encadrement législatif d'un mouvement de l'ampleur de Desjardins doit à la fois faciliter le développement et le déploiement du mouvement, assurer son statut fondamentalement coopératif, garantir la cohérence de l'évolution et prévoir les mécanismes de surveillance appropriés.

Je suis convaincu que ce projet de loi, qui constitue une étape fort importante de notre développement collectif au Québec, recevra, j'en suis sûr, en tant que Québécois, l'appui de tous les députés de cette Chambre. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation. M. le député de Lévis.

M. Garon: Je demande l'ajournement du débat, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député, est-ce que vous voulez dire la suspension du débat jusqu'à 20 heures? Compte tenu de l'heure, nous allons donc suspendre nos débats jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plait! L'Assemblée reprend ses travaux et nous poursuivons le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 70, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit présenté par M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

Lors de la suspension de nos travaux la parole était à M. le député de Lévis pour l'intervention principale de l'Opposition. M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je remarque que nous commençons nos travaux avec environ cinq minutes de retard... Je le remarque parce que le ministre, quand je suis en retard, aime à le souligner. Je vous ferai remarquer, à ce moment-ci, que nous commençons en retard parce que nous n'avions pas quorum du côté du gouvernement. Il faut le souligner de part et d'autre pour avoir les mêmes mesures d'équité à ce point de vue.

M. le Président, le projet de loi 70, au fond, n'est pas seulement en retard de cinq minutes, il est en retard de trois ans puisque tout le monde sait qu'il y avait déjà un projet de loi qui avait été discuté, lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir. Il y avait déjà un projet de loi. Le projet de loi sur les assurances avait été passé par le précédent gouvernement et, en même temps, la Loi sur les fiducies et la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit avaient été préparées. Il restait au gouvernement à faire les derniers ajustements ou les dernières écritures pour présenter le projet de loi. C'est pourquoi, on remarque... Le ministre a attendu trois ans pour présenter, non pas un projet de loi, mais un avant-projet de loi. Finalement, le projet de loi a été déposé il y a exactement une semaine, le 15 novembre 1988, parce que le gouvernement, essentiellement, dans les projets de l'ancien gouvernement qui étaient dans les tiroirs...

Si le projet de loi avait été présenté dans les mois qui ont suivi le changement de gouvernement, M. le Président, tout le monde aurait su que c'était un projet de loi du Parti québécois. C'est pourquoi le gouvernement, comme pour beaucoup de choses qu'il a mises en place depuis trois ans, a attendu pour avoir la paternité d'un bébé qui était déjà enfanté. Il a retardé indûment la naissance du produit. Et c'est ce à quoi on a assisté dans de nombreux secteurs, à tel point que, chaque fois qu'il y a une mesure, on dit que c'est la faute de l'ancien gouvernement. Mais lorsque arrive la paternité des projets qui sont vraiment les produits du travail de l'ancien gouvernement, là, on remarque une certaine réticence à reconnaître la paternité du produit et à rendre à César ce qui appartient à César.

On peut comprendre, M. le Président,

l'impatience du mouvement Desjardins qui est prêt à bien des compromis, comme on l'a vu de la part du président, parce qu'il veut que ce projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit soit vraiment adopté au cours de cette session. C'est pourquoi même le président, dans une déclaration qu'on retrouvait dans le journal de vendredi dernier, peu de temps après le dépôt du projet de loi, se disait satisfait, même s'il y a un certain nombre de lacunes dans le projet de loi. Il disait: Ce projet de loi, rappelons-le, était réclamé depuis des années par Desjardins qui souhaitait ainsi moderniser ses structures et élargir son champ d'activité. J'aurai l'occasion de revenir sur les lacunes du projet de loi en y référant au fur et à mesure de l'étude du principe du projet de loi.

M. le Président, une des principales lacunes a été la réserve du ministre à décloisonner au même rythme pour les caisses populaires que pour les autres institutions financières. Dans son livre blanc, le ministre indique qu'il veut faire le décloisonnement des institutions financières, mais, lorsque arrive la mise en oeuvre de ce décloisonnement, le ministre a des réticences qu'il n'avait pas lorsqu'il a présenté son livre blanc. C'est le cas notamment de l'offre des produits financiers où le ministre n'est plus cohérent. C'est pourquoi l'éditorialiste du Devoir mentionne que le ministre doit sortir de la confusion parce qu'on ne sait plus combien de modèles de décloisonnement il y aura maintenant au Québec parce que le livre blanc tel que présenté par le ministre n'est pas mis en oeuvre.

Croit-il toujours à son livre blanc sur la réforme des institutions financières d'octobre 1987 qui envisageait l'offre de produits financiers d'autres institutions? M. le Président, on ne le sait plus. C'est pourquoi ce n'est pas sans raison que l'éditorialiste du Devoir, qui est peut-être le seul journal qui n'a pas de propriétaire comme les journaux en ont maintenant, comme le journal La Presse, avec la finance de Power Corporation ou encore Le Soleil avec la finance de Toronto et de Conrad Black... Au moins, dans Le Devoir, on peut être d'accord ou ne pas être d'accord, mais on sait que ce n'est pas la finance qui dicte les éditoriaux. On dit: "On s'attendait que le gouvernement du Québec précise sa position dans l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Le ministre des Finances et de la Privatisation, M. Pierre Fortier, n'a pas voulu trancher de manière explicite. Il a préféré maintenir les dispositions de la législation en vigueur qui, dans son esprit, autorise déjà le mouvement coopératif à offir d'autres services financiers dans ses succursales locales."

Il continue la dissertation pour dire: "Dans une hypothèse comme dans l'autre, toutefois, c'est le mouvement coopératif qui court les plus grands risques parce qu'il devra affronter un autre débat et dans des conditions que personne ne peut prévoir. À tout prendre, le gouvernement ferait mieux de sortir tout de suite de la confusion et de profiter du projet de loi pour définir clairement sa position." On sait qu'il y a actuellement des choses devant les tribunaux. Justement, cette discussion est devant les tribunaux. Pourquoi? L'éditorialiste continue: "Les poursuites judiciaires entamées par les courtiers pourraient durer très longtemps, assez pour permettre à Desjardins de consolider son réseau de nouveaux services financiers. Il serait absurde alors de laisser le mouvement coopératif s'engager à long terme dans un tel développement sans lui fournir des garanties légales."

Ce n'est pas normal, M. le Président, qu'actuellement, tout le mouvement coopératif des caisses d'épargne et de crédit soit devant les tribunaux sur une question de savoir s'il peut ou non vendre de l'assurance dans ses caisses - et ce procès peut durer longtemps - alors qu'il y a un projet de loi concernant justement les pouvoirs des caisses d'épargne et de crédit, que le gouvernement ne se branche pas d'une façon claire. On dit: Oui, mais on pense que ça veut dire ça. Alors que le rôle d'une loi n'est pas de dire on pense que, on peut penser, on peut interpréter. C'est justement de dire les choses clairement dans un projet de loi. C'est ça le but d'un projet de loi, c'est de dire les choses clairement et non pas d'une façon sibylline, obscure pour que les gens aillent se débattre devant les tribunaux. Je comprends, M. le Président, que certaines personnes que vous connaissez peuvent être heureuses parce que, comme avocats - je ne parle pas des avocats de la Californie que l'on mange - mais, comme avocats, pourront faire des heures de travail pour plaider ces questions alors que le gouvernement aurait pu éviter ces débats juridiques inutiles parce que la question aurait pu être tranchée de façon claire à l'occasion de ce projet de loi.

C'est pourquoi, l'éditorialiste continue: "Québec ne doit pas reculer par ailleurs en ce qui touche son pouvoir de contrôler l'émergence de nouvelles activités dans les caisses." Il continue en disant: "À ce chapitre, l'ensemble du mouvement coopératif d'approuver dans les faits qu'il lui est possible d'être à la fois gros et toujours coopératif." M. le Président, à ce moment-ci, c'est à l'occasion d'un projet de loi que de faire en sorte qu'il n'y ait pas de confusion. On se rend compte que le ministre qui a annoncé... Et là, je vais vous lire son document à la page 68 intitulé: "La réforme des institutions financières au Québec." C'est une façon au fond de reprendre à son compte un peu les politiques qui ont été mises en place par l'ancien ministre des Institutions financières, M. Parizeau, lorsqu'à la page 68 le ministre dit: Objectifs et principes directeurs: quatrième principe: permettre le développement de réseaux de distribution de services financiers."

Qu'est-ce qu'il dit? Je vais vous lire la page, M. le Président, pour voir à quel point

c'est clair dans le livre blanc. On verra après ça à quel point les projets de loi, eux, ne sont pas clairs. "La distribution, par l'entremise des succursales ou de ses intermédiaires de toutes les institutions financières affiliées à un même groupe, des services et produits offerts par chacune d'entre elles, constitue des bénéfices importants du décloisonnement, tant pour les institutions elles-mêmes que pour les usagers. Pour les groupes financiers, le réseau de distribution commun permettra de rentabiliser le réseau de succursales ou d'intermédiaires en offrant, avec la même infrastructure, une gamme de services plus large. Pour le consommateur, les succursales ou les intermédiaires appartenant à un réseau peuvent offrir, en un même lieu, tous les services requis. Cet avantage sera particulièrement évident dans les régions éloignées où certains services financiers sont rarement disponibles." On verra à quel point, dans plusieurs centaines de municipalités du Québec, ce sont seulement les caisses populaires, les caisses d'épargne et de crédit qui offrent des services financiers. Le ministre continue dans son livre blanc: "Plusieurs groupes financiers ont déjà pris des initiatives pour développer de tels réseaux; mais, les possibilités restent limitées dans le cadre de la réglementation actuelle, conçue en fonction d'un secteur financier cloisonné.

Là, je vous lis le principal bout qui est concluant, quand le ministre dit dans son livre blanc, toujours de 1987: "Les possibilités de participer à un réseau ne seront pas réservées qu'aux membres d'un groupe financier. Les institutions indépendantes pourront, elles aussi, par ententes avec d'autres institutions, assurer une distribution plus large de leurs produits et offrir à leur clientèle les produits et services des institutions avec lesquelles elles seront liées par des ententes." C'est exactement le pouvoir que demandent les caisses populaires Desjardins parce qu'elles souhaitent pouvoir justement bénéficier de ce décloisonnement, mais dans un projet de loi clair, pas confus, pour lequel il ne sera pas nécessaire d'aller devant le tribunaux, alors qu'on est justement au moment où on précise, dans un projet de loi nouveau, quels seront, dans l'avenir, les pouvoirs des caisses d'épargne et de crédit. À ce moment-ci, c'est le moment où jamais de le dire d'une façon claire. Quel sera, après l'adoption et l'entrée en vigueur de ce projet de loi - sans doute au début de l'année 1989, parce que ce projet de loi, normalement, devrait avoir passé les étapes avant l'ajournement des fêtes, le 21 décembre prochain...

Le mouvement Desjardins ou les caisses d'épargne et de crédit devraient pouvoir savoir d'une façon claire quels sont les pouvoirs et les activités qu'elles peuvent exercer sur le plan financier et si elles peuvent vraiment devenir ce qu'elles souhaitent être, des coopératives de services financiers plutôt que seulement des caisses d'épargne et de crédit. Pourquoi? Parce que, depuis des années... Je me rappelle, M. le Président, au début des années soixante-dix, alors que j'étais professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval dans le domaine des institutions financières, j'invitais le président du mouvement Desjardins, M. Alfred Rouleau, à venir discuter avec mes étudiants des perspectives du mouvement Desjardins et de la pratique du mouvement Desjardins dans le cadre d'une partie du cours portant sur les caisses d'épargne et de crédit. M. Alfred Rouleau expliquait, à ce moment-là, que ce que le mouvement Desjardins voulait être, au fond, c'est un genre de centre d'achats financier où un membre des caisses populaires pourrait venir et s'habiller complètement sur le plan financier, pas seulement un magasin où il trouverait un habit pour trouver à un autre endroit une paire de souliers et à un autre endroit une paire de bas, mais où il pourrait s'habiller au complet sur le plan financier et, à ce moment-là, rencontrer des conseillers qui pourraient lui proposer toute la gamme des produits à l'intérieur d'une caisse populaire.

C'est ce vers quoi s'est orienté graduellement le mouvement Desjardins. On l'a vu avec la création de la Société de fiducie du Québec, devenue récemment la Fiducie Desjardins, avec différentes institutions d'assurances et différents types d'entreprises qui ont commencé à constituer le réseau des services financiers que voulait offrir le mouvement Desjardins à ses membres. (20 h 20)

Aujourd'hui, c'est pourquoi on demande au ministre: Est-ce qu'il croit toujours à ce décloisonnement? Je me rappelle le discours qu'il n'a pas repris, il a changé les mots. Tout à l'heure, quand il a parlé de créer des intervenants financiers puissants parce qu'il craint la concurrence étrangère - il parle de la concurrence étrangère que devront bientôt affronter nos institutions financières - il disait vouloir créer des instruments, des intervenants financiers puissants. Au moment du dépôt du livre blanc, le ministre avait employé d'autres termes. Il nous disait qu'il voulait développer des mammouths financiers. Mot exact, le mammouth, c'est un des plus gros animaux qu'ait connus l'histoire de l'humanité. Je lui avais dit à ce moment-là: Un mammouth, je ne suis pas certain... La définition d'un mammouth, pour moi, c'est un animal préhistorique disparu, faute d'avoir pu s'adapter à l'environnement de son milieu. Je ne suis pas certain que c'est ce que je souhaite pour les caisses populaires Desjardins. Je pense qu'elles doivent être des institutions qui offrent la gamme des produits sans être des mammouths.

D'ailleurs, lors de la commission parlementaire, j'ai demandé au président du mouvement Desjardins, comment il voyait le mouvement Desjardins? Certains aimeraient le définir comme

une grande corporation qui a des succursales. Le président du mouvement Oesjardins a bien insisté pour dire: Nous sommes environ 1300 caisses populaires, caisses locales qui, en ce qui concerne chacune des régions, se sont donné, pour assurer des services, une fédération qui est l'émanation des caisses populaires locales. Finalement, les fédérations régionales ont constitué, elles, la Confédération des caisses populaires qui a son siège social à Lévis, il disait bien à ce moment-là qu'il s'agissait d'un mouvement démocratique coopératif qui est l'émanation de la base et qui constitue un grand ensemble. Je pense que là-dessus, il ne faut pas essayer de critiquer le mouvement Desjardins parce qu'il a réussi à correspondre aux besoins des gens.

Il y a des choses qui doivent être améliorées. Tout le monde en convient. C'est pour cela qu'il y a un projet de loi. Lorsqu'on pense à la concurrence étrangère, comme le pense le ministre, je suis persuadé qu'il pense aux institutions japonaises financières, par exemple. Je pense aux institutions américaines. Je ne vois pas pourquoi, à ce moment-là, en faisant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, il a dit: Je vais vous attacher un boulet à chacun des pieds pour être bien certain que vous n'avancerez pas trop vite. Pourquoi ne pas leur donner la possibilité justement de concurrencer les entreprises étrangères? Je ne vois pas pourquoi, par exemple, il serait plus sain pour un Québécois d'acheter une assurance d'une compagnie américaine que d'en acheter une des assurances Desjardins qui sont des assurances du Québec à l'heure justement, du libre-échange où certains orateurs du Parti libéral pensent un peu être des Alexandre le Grand de la finance en Amérique du Nord, alors que le principal mouvement de rentes de services aux Québécois, lui, ne pourra pas jouir des avantages dont les autres institutions financières pourront bénéficier.

Justement, lorsque le Parti québécois a fait un décloisonnement dans la Loi sur les assurances, il n'a pas tourné autour du pot. Qu'est-ce qu'il a dit? Je vous cite la Loi sur les assurances de 1984, adoptée sous le gouvernement précédent. Qu'est-ce que dit l'article 33.1 sur les pouvoirs des compagnies d'assurances? 'Toute compagnie d'assurances constituée en vertu des lois du Québec peut: e offrir en vente les produits d'une institution financière." On n'a pas tourné autour du pot. On a dit: On pense que le décloisonnement, cela doit vouloir dire d'offrir en vente les produits d'une institution financière, et on l'a mis dans la loi d'une façon très claire. Et on n'a pas dit aux compagnies d'assurances: Vous irez devant les tribunaux voir si vous avez le droit ou si vous n'avez pas le droit, vous demanderez au gouvernement. On est justement en train de faire les lois qui vont régir le monde des institutions financières. Et on a dit: On va le dire d'une façon claire. Vous aurez le droit d'offrir en vente les produits d'une institution financière. C'est clairement dit dans la Loi sur les assurances à laquelle se référait le ministre, d'ailleurs. Le ministre, lui-même, lorsqu'il établissait son livre blanc, savait qu'il prenait un peu comme modèle la Loi sur les assurances qui était la première grande loi de décloisonnement au Québec. C'est dit de façon claire. Et lui-même, dans son projet de loi 74 sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, à l'article 170, paragraphe 7, sous-paragraphe e, qu'est-ce qu'il dit? "Toute société de fiducie du Québec - je vais vous faire grâce de lire toutes les enumerations qui sont là - peut: 7 offrir en vente les produits d'une institution financière." Il reproduisait le même article qui avait été introduit en 1984 dans la Loi sur les assurances pour les sociétés de fiducie du Québec. Mais il s'est ravisé en cours de route et il a fait retirer cet article lors du débat sur le projet de loi, lorsque nous avons discuté le projet de loi article par article. Il a fait disparaître ce paragraphe qui disait qu'une compagnie de fiducie peut offrir en vente les produits d'une institution financière en introduisant un nouveau terme dans le paragraphe introductif 170 qui va créer une ambiguïté.

C'est pourquoi nous disons aussi que de la même façon que, dans la Loi sur les assurances, le ministre n'a pas jugé bon d'enlever le pouvoir d'offrir les produits d'une autre institution financière alors qu'il le prévoyait dans les sociétés de fiducie puis l'enlevait. Pourquoi maintenant ne pas le prévoir dans la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, alors que cela a été prévu dans la Loi sur les assurances, ce qui arriverait à créer un décloisonnement différent d'une institution à l'autre. Et on peut se demander si le ministre croit toujours au décloisonnement. Je suis porté à penser que oui. Mais est-il l'objet de pressions de ses propres députés, de son caucus, de groupes d'intérêts influents qui font qu'il a changé ou qu'il change d'idée en cours de route?

J'ai ici des extraits du commentaire qui a été fait par le député de Mille-Îles lors de la commission parlementaire qui étudiait l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Et là je me suis demandé, au cours de cette commission parlementaire, si celui qui parlait au nom du gouvernement était le ministre ou le député de Mille-Îles qui tenait des propos contraires à ceux du ministre. Je vais vous les citer, M. le Président. Plutôt que d'interpréter, je vais vous dire ce que le député de Mille-Îles disait. C'est très intéressant d'entendre présentement le niveau élevé de ce discours. "Je veux féliciter M. Boies pour le contenu profond de ce qu'il nous dit parce que j'ai eu, moi aussi, l'impression ce matin d'entendre un discours évangélique." Regardez les termes qu'il emploie pour parler aux gens des caisses populaires. "Je ne sais pas si c'est de la Caroline du Sud ou de la Caroline du Nord, mais je pense que ça sonne. C'est trop. On en met trop. On est trop bon. On

est trop parfait. On est trop trop. C'est la politique ou la philosophie du trop trop", dit le député de Mille-Îles. "Cela m'agace", dit le député de Mille-Îles. "Dans ma vie personnelle, je ne suis pas trop, trop. J'ai des défauts, j'ai un peu de qualités mais c'est passable." Il pourrait nous laisser juger. Mais en tout cas, il ne prend pas de chance. Le député de Mille-Îles dit: "Quand on est trop bon, trop excellent, on est meilleur, on englobe toute la société, on est presque le Québec. Mais c'est cela qu'on nous a dit ce matin. On nous a dit qu'on était le Québec. Parce qu'on est le Québec, on va imposer ce qu'on veut au gouvernement du Québec." "L'impression que j'ai eue quand j'ai lu le texte de la confédération - en parlant de la Confédération des caisses populaires - c'est qu'on veut tout avoir mais on ne veut rien donner en contrepartie." Je vous dirai tantôt le nombre de membres qu'il y a dans les caisses populaires au Québec. Ce sont environ 4 000 000. Je vous dirai le chiffre précis tantôt. C'est pas mal le Québec. J'imagine que les enfants en bas de 10 ans n'ont pas beaucoup de comptes encore. Et le ministre de la Famille qui est ici pourra dire combien il y en a sur les 6 700 000 de population. On verra qu'il ne reste pas grand monde qui n'est pas membre des caisses populaires au Québec. Et le député de Mille-Iles continue. "Vous soulevez une question, M. Boies, qui est la question la plus importante de la société québécoise de l'an 2000. La question la plus importante n'est pas de savoir si tel ou tel pouvoir va être accordé à telle ou telle institution financière, mais c'est de savoir si l'Assemblée nationale, et non le gouvernement, est capable de mettre une limite raisonnable dans l'intérêt des citoyens du Québec à la concentration du capital au Québec." Cela soulève des questions par rapport à Provigo, par rapport au mouvement Desjardins, par rapport a la Caisse de dépôt. "Le débat qu'on a présentement, c'est de savoir si une petite poignée d'intervenants et de décideurs vont décider de l'avenir économique de 6 500 000 Québécois, si les petits entrepreneurs ont encore leur place au Québec. Si les intervenants économiques moyens ou de petite taille ont encore leur place. Je suis d'un Desjardins avec de nouveaux pouvoirs, comme vous le dites, M. Boies, d'un Desjardins qui s'ouvre sur des marchés extérieurs au Québec et qui ne prend pas une partie de la tarte que des intervenants économiques au Québec bouffent raisonnablement en rendant des services qui n'ont jamais été décriés par aucun des citoyens ou aucun des consommateurs au Québec. On est satisfaits de nos courtiers en valeurs mobilières au Québec qui font un excellent travail. On est satisfaits de nos courtiers d'assurances au Québec, de nos compagnies d'assurances comme les Provinces unies ou les autres compagnies québécoises. Le groupe Commerce rend d'excellents services; la preuve même, c'est que le taux d'administration du 1 $ de prime est d'environ 0,15 $ inférieur à celui qu'on retrouve à l'Assurance générale Desjardins; il n'y a pas de problème là", continue le député de Mille-Îles. (20 h 30)

Une voix: C'est toujours lui?

M. Garon: C'est toujours lui. Je vais vous le dire quand ce ne sera plus lui, parce que je ne voudrais pas me faire prendre avec ce qu'a dit. Il dit encore: "II faut peut-être se poser la véritable question à savoir pourquoi le mouvement Desjardins veut tant entrer dans certains secteurs. Je suis convaincu irrévocablement que c'est pour accroître la capitalisation et prendre une certaine partie importante du montant de primes versées au Québec, l'accaparer sans tenir compte des conséquences auprès des autres intervenants économiques dans ce qu'on appelle le grand mouvement, le mouvement québécois, le mouvement Desjardins". Et il continue - je ne passerai pas de bouts parce qu'il pourrait me reprocher d'en avoir passé; je vais le dire tel quel - "J'aimerais voir au Québec, je ne serais pas contre, d'autres mouvements coopératifs aussi importants que Desjardins." C'est un peu contradictoire, M. le Président, parce qu'il trouve Desjardins trop gros, mais il en voudrait encore d'autres qui seraient aussi gros. Je ne comprends pas. Il poursuit: "J'aimerais voir une autre confédération réunissant des coopérants qui feraient une concurrence à Desjardins. Je serais pour cela et je trouverais cela sain et excellent." "Quand on parle de surmonopoliser une société, ajoute-t-il, et d'accorder trop de pouvoirs à une institution qui a déjà d'énormes pouvoirs, M. Bois, je fais référence à la page 13 de votre texte, je n'ai pas lu le livre de l'économiste - il cite un nom ici et ça n'a pas l'air d'être le bon nom - vous deviez me donner la référence tantôt, mais je trouve qu'il a entièrement raison. Il y a des conséquences à la surconcentration du capital. Il faut donc que le gouvernement du Québec et que les partis politiques du Québec réfléchissent très sérieusement à la situation. Est-ce qu'on veut un Desjardins de 35 000 000 000 $, 50 000 000 000 $, 75 000 000 000 $, 90 000 000 000 $, 115 000 000 000 $ d'actifs? Est-ce qu'on veut un concentré seulement au Québec? Avez-vous remarqué, M. le Président, que, tantôt, c'est avec beaucoup de fierté que le ministre énonçait - j'ai considéré qu'il disait ça avec fierté - l'évolution des actifs du mouvement Desjardins. Le député de Mille-Îles a l'air à vouloir les rapetisser. Il faudrait savoir qui parle au nom du gouvernement. Est-ce le ministre des institutions financières ou le député de Mille-Îles? Est-ce qu'on veut plutôt s'ouvrir à d'autres marchés extérieurs? Ce sont toutes ces questions qui n'ont pas de réponses pour le moment. "Je vais vous avouer que je suis très embarrassé par le texte de l'article 216 tel qu'il

est écrit. Je pense aussi que Desjardins est embarrassé. Ils nous ont dit ce matin qu'ils étaient embarrassés. Ils préfèrent voir clairement les pouvoirs dans leur loi. Je pense que le député de Lévis est embarrassé avec cela aussi; il nous l'a dit hier: L'article 216 vous embarrasse aussi - en me parlant. On se demande un peu où on doit se hancher dans tout le débat. J'ai noté votre recommandation sur l'article 216, dit le député libéral de Mille-Îles. Je comprends qu'à un certain moment donné il faut réagir rapidement à cause de certaines circonstances, surtout dans le domaine économique, mais si, au cours des 25 dernières années, il n'y a pas eu de révision en profondeur de la loi, je vous avoue que je ne vois pas à court terme, malgré une révision d'une loi au fédéral, des problèmes tellement importants qui seraient causés au mouvement coopératif au Québec pour que, du jour au lendemain, on ait à modifier les règles fondamentales du jeu et les pouvoirs fondamentaux accordés à une institution comme Desjardins."

Il dit: "Je partage votre point de vue à la page 5 qui dit que la révision de la loi par une mécanique quinquennale est possiblement suffisante. J'aimerais ajouter, M. Boies, que je voudrais peut-être vous entendre pendant les courts moments qui nous restent, parce que la question de la concentration du capital est très intéressante." Regardez bien ce que dit le député de Mille-Îles parce qu'il arrive à sa conclusion. Vous allez voir. Il dit: "Présentement, les États-Unis, qui ont déjà fait le débat sur le décloisonnement, sont à l'époque de ne pas parler de décloisonnement. Ils parlent maintenant de mettre des limites à la concentration du capital. Ils prennent conscience présentement des conséquences néfastes du décloisonnement qu'ils ont fait il y a quinze ans et, présentement, ils sont en train de présenter au Sénat américain et au Congrès des États-Unis des lois pour limiter la concentration du capital."

M. le Président, c'est pour ça que je demande, quand le député de Mille-Îles dit qu'aux États-Unis, on est en train de reculer sur le décloisonnement... Ce n'est sûrement pas avec les offres d'achat qu'on a vues récemment dans les journaux qu'on est en train de reculer aux États-Unis. Mais, de toute façon, le député de Mille-Îles dit que les États-Unis sont en train de reculer et il a l'air à manifester de façon très claire qu'il faudrait reculer sur le décloisonnement. Le ministre a l'air à vouloir aller vers le décloisonnement, mais, par ailleurs, on se rend compte que, dans ses projets de loi, il recule. C'est pourquoi on se le demande, M. le Président, à bon escient, et le mouvement Desjardins se le demande aussi d'une certaine façon lorsqu'il dit: On n'a pas l'air mûr pour certaines propositions. Alors, le gouvernement doit dire, à un moment donné, s'il est encore d'accord ou s'il n'est plus d'accord avec son livre blanc.

Dans le projet de loi 70 dont nous étudions le principe aujourd'hui, M. le Président, on n'a pas inscrit, comme le demandait le mouvement Desjardins, le pouvoir d'offrir des produits financiers. Si on regarde les articles 213 et 214, on se rend compte que ces dispositions ne s'y trouvent pas et on laisse ça à la discrétion du gouvernement sur avis du ministre.

Je vais vous lire la disposition pour qu'on ne m'accuse pas d'inventer quoi que ce soit. Je ne vous lirai pas les articles 213 et 214 parce que ça prendrait trop de mon temps, mais les pouvoirs d'offrir des produits financiers d'une autre institution ne sont pas mentionnés.

On dit à l'article 215: "Le gouvernement peut, après avoir pris l'avis du ministre, autoriser une caisse, un groupe déterminé de caisses ou l'ensemble des caisses régies par la présente loi, à exercer toute autre activité qu'il considère utile pour l'intérêt du public et des membres. "Le gouvernement fait publier à la Gazette officielle du Québec, au moins 45 jours avant la prise d'un décret à cet effet, un avis indiquant son intention. Tout décret pris en application du présent article entre en vigueur quinze jours après sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute date ultérieure qu'il indique."

M. le Président, on est dans les pouvoirs des institutions financières, on est dans les pouvoirs des caisses d'épargne et de crédit. Le ministre, au lieu d'énoncer clairement comme ça se trouve normalement dans une loi constitutive, une loi de base d'une institution financière, ses pouvoirs d'action, le ministre dit que c'est le gouvernement qui pourra autoriser une caisse à exercer toute autre activité qu'il considère utile pour l'intérêt du public et des membres.

M. le Président, pourquoi essentiellement? Parce que le ministre et le gouvernement n'ont pas le courage des livres blancs qu'ils présentent. Ils présentent des livres blancs, ils font croire aux gens qu'ils veulent faire un décloisonnement urbi et orbi et, ensuite, ils ne veulent pas le faire ou, en tout cas, ils reculent par rapport à leur intention malgré le souhait des gens du milieu. Je parlerai tout à l'heure et vous montrerai à quel point la Commission des valeurs mobilières doit fonctionner dans un cadre donné parce que le ministre, qui annonce des choses, ne livre pas la marchandise. Ce n'est pas la première fois. À plusieurs reprises, le ministre nous annonce des projets de loi. On en a un sur le carreau, qui est là depuis un an, sur l'enregistrement des entreprises. On a adopté le principe ici en Chambre, à l'unanimité. On est allés en commission parlementaire pour étudier les modalités en recevant des intervenants qui sont venus faire des représentations sur les différents articles de la loi. Depuis ce temps, rien. Tout est resté là. Le ministre ne bouge plus. Il avait même autorisé des crédits pour préparer l'informatique, pour pouvoir enregistrer sur informatique les renseignements que devraient fournir les entreprises à son ministère, aux institutions financières, auprès de l'Inspec-

teur général des institutions financières, expliquant tous les avantages de ce projet de loi. Mais, maintenant, les freins sont collés. On ne bouge plus par rapport à ce projet de loi. Par rapport à celui-ci encore, les pouvoirs qui avaient été énoncés dans le livre blanc n'y sont pas. Pourtant, le mouvement Desjardins n'est pas un mouvement en culottes courtes. Le ministre parlait des actifs de 37 000 000 $ en 1942, en 1963 de 1 000 000 000 $, en 1972, de 2 000 000 000 $, en 1976, de 7 000 000 000 $. Je ne vous dirai pas pourquoi, mais on constatera que sous le gouvernement du Parti québécois, les actifs du mouvement Desjardins sont quand même passés de 7 000 000 000 $ à 30 000 000 000 $, qu'ils sont, en 1987, de 34 000 000 000 $. Seulement, dans la période où était le gouvernement précédent, l'économie du Québec devait quand même générer assez d'activités pour faire en sorte que le mouvement Desjardins passe de 7 000 000 000 $ à 30 000 000 000 $, de 1976 à 1985.

Un montant de 34 000 000 000 $, c'est considérable, M. le Président. Mais, aujourd'hui, quand on fait le projet de loi, on ne veut pas dire de façon claire quels sont les pouvoirs du mouvement Desjardins. Quand on regarde la part de marché, crédit à l'habitation, le mouvement Desjardins des caisses populaires au Québec prête 43,8 % à l'habitation. Le mouvement Desjardins fait 43,8 % des prêts à l'habitation. Le crédit agricole, 49,9 %, presque 50 % du crédit agricole. Je peux vous dire que j'ai été celui qui a mis en place la loi pour permettre aux institutions privées d'intervenir avec la garantie du gouvernement dans le secteur du prêt agricole. Rapidement, le mouvement Desjardins s'est implanté et est devenu à lui seul le prêteur le plus important avec 50 % des prêts agricoles au Québec. (20 h 40)

Pensez-vous que les cultivateurs s'en plaignent? Pensez-vous que les cultivateurs sont malheureux parce que 50 % de leurs prêts sont maintenant effectués par le mouvement Desjardins avec la garantie du gouvernement? Je n'en ai pas entendu de plaintes, M. le Président. Il s'agit d'un en-cours de plus de 1 000 000 000 $, tandis que, pour le crédit à l'habitation, il s'agissait d'un en-cours de plus de 14 000 000 000 $. Et 31,3 % du crédit à la consommation, soit 4 675 000 000 $ au mois de mars 1988, était effectué par le mouvement Desjardins. Pour le crédit commercial et industriel, 22,9 % - vous savez, il y a plusieurs personnes qui pensent que les caisses populaires ne font pas de crédit commercial et industriel - soit 5 205 000 000 $ étaient effectués par le mouvement Desjardins.

Quant à l'épargne personnelle, 38,6 % se trouvait aux caisses populaires Desjardins avec 24 865 000 000 $. Est-ce qu'on peut dire que ce n'est pas une institution de chez nous qui prend une part aussi importante de services à la population? En termes de membres, est-ce que le mouvement est représentatif? On se rend compte que les actifs - je le disais tantôt - étaient rendus à 34 000 000 000 $. Le nombre de membres? 4 239 602 membres au 31 décembre 1987. Vous savez, quand on sait qu'il y a 6 700 000 Québécois en comptant tout le monde, tous les enfants d'un jour jusqu'aux gens les plus âgés, de ces 6 700 000 a peu près au Québec, 4 239 602 personnes sont membres du mouvement Desjardins.

Nombre d'employés dans les caisses populaires et les caisses d'économie, 23 968 employés. Si on compte tous les employés du mouvement Desjardins, c'est 28 543. Le nombre de dirigeantes ou de dirigeants élus dans les caisses populaires et d'économie, les bénévoles qui ont été élus pour participer à l'administration, 18 330 personnes. Surtout quand on regarde la répartition dans le milieu, on se rend compte qu'il y a 675 municipalités au Québec où il y a comme seule institution financière une caisse d'épargne et de crédit, une caisse Desjardins. Il y a 675 municipalités au Québec où il n'y a rien d'autre comme institution financière. Est-ce qu'on pense, à ce moment-là, qu'on nuit à la population en permettant aux caisses d'épargne et de crédit d'offrir des services à la population?

Dans 279 municipalités, il y a une caisse et il y a un concurrent. Dans 24 municipalités, il y a seulement les concurrents des caisses. Il y a 24 municipalités où il n'y a pas de caisse. On se rend compte donc de l'ampleur du mouvement. Quand on regarde, par exemple, les points de service au Québec dans les différentes régions, les caisses populaires ont 1626 points de service à elles seules, alors que tous leurs concurrents ensemble en ont 1705. Vous remarquerez que les concurrents des caisses se trouvent principalement dans la région de Montréal où il y a 558 institutions du mouvement Desjardins, alors qu'il y a 1154 concurrents. Dans le reste des régions, c'est l'inverse. On se rend compte, par exemple, que, dans Lanaudière, il y a 15 concurrents et 51 caisses. Dans le centre du Québec, 75 concurrents, 168 caisses Desjardins. Dans la région de Québec, 221 concurrents, 394 caisses. Dans la région de la péninsule de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, 19 concurrents, 45 caisses Desjardins. Dans l'Estrie 66 concurrents, 92 caisses Desjardins. Dans le Bas-Saint-Laurent, 22 concurrents, 92 caisses Desjardins. Dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, 47 concurrents, 84 caisses Desjardins. Dans l'Abitibi, 25 concurrents. 50 caisses Desjardins. Dans le Richelieu-Yamaska, 61 concurrents, 93 caisses Desjardins.

Ce qui veut dire, au fond, que, dans beaucoup de municipalités du Québec, dans beaucoup de régions, le principal offreur de services financiers, c'est la caisse populaire locale, la caisse populaire du mouvement Desjardins. C'est pourquoi le fait de faire en sorte que cette caisse puisse offrir différents services à la communauté, ce n'est pas nuire à la population. Au contraire, c'est offrir une gamme de services

à la population.

Il y a aussi la fierté qu'on éprouve comme Québécois de cette réussite. Je le suis à double titre parce qu'on a évoqué tout à l'heure que la première caisse a été fondée à Lévis, la deuxième à Lauzon, par le sénateur Desjardins, qui n'était pas sénateur à ce moment-là, Alphonse Desjardins, au fond, qui n'a pas copié les modèles qu'il y avait ailleurs, mais qui a inventé un modèle à partir d'institutions qui existaient en Europe. Il a eu le génie de mettre dans la même institution ceux qui avaient des épargnes et ceux qui avaient besoin de crédit pour libérer des prêteurs usuriers du temps ceux qui manquaient d'argent.

Au début du XXe siècle, à la fin du XIXe siècle, la fin des années dix-huit cent et le début des années mil neuf cent, il y avait ce qu'on appelait les trusts, les compagnies de finance, si vous voulez, les prêteurs usuriers des villages. Cela faisait... On a vu le programme de Séraphin Poudrier qui était le prêteur du village, et c'est de même que ça se passait dans les villages, à ce moment-là; il y avait plusieurs Séraphin qui prêtaient à des taux trop élevés. Le sénateur Alphonse Desjardins a voulu libérer les gens de l'emprise des trusts et des compagnies de finance, de la haute finance. Il a créé son mouvement en ayant le génie d'adapter l'institution aux besoins des Québécois, pour faire en sorte que l'argent des épargnes des Québécois serve à d'autres Québécois qui en avaient besoin.

Qui aurait pu penser, lors de la création de la première caisse, que les banques craindraient un jour que cette institution québécoise, comme on a pu le constater lors de la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, dans le rapport des banques... Elles craignaient une concurrence trop forte des caisses populaires. Qui aurait pu penser ça lorsque M. Desjardins, qui faisait rire de lui... Ne nous racontons pas d'histoire. Au début, venant du coin, j'avais entendu parler, en très bas âge, de cette institution. Les banques, au début, se moquaient du mouvement Desjardins. On appelait les caisses des "banques à 0,10 $", parce que les dépôts se faisaient sous forme de 0,10 $ pour devenir membre. On se moquait de cette institution de banque à 0,10 $, imaginez-vous. Aujourd'hui, il y a près de 50 % des dépôts des Québécois qui se trouvent dans ces institutions qui ont été bâties par les Québécois et qui sont devenues un symbole de fierté et de réussite des Québécois. Les Québécois, au XIXe siècle, n'ont pas bâti de capitalistes. À l'époque du XIXe siècle, alors qu'aux États-Unis on bâtissait les grandes familles capitalistes, les Carnegie, les Rockefeller, etc., nous nous spécialisions plutôt - je ne dis pas ça d'une façon péjorative - en exerçant notre dynamisme en envoyant des missionnaires un peu partout dans le monde. Aujourd'hui, on se rend compte, par exemple, que ce soit en Afrique, en Amérique du Sud... dans les différents pays, aujourd'hui, les Québécois sont connus, le Québec est connu par ses missionnaires qui, depuis plus de cent ans, oeuvrent un peu partout parce qu'il y avait deux pays qui se faisaient concurrence à ce moment-là, non, il n'était pas pays à ce moment-là, l'Irlande et le Québec et c'étaient les plus grands pourvoyeurs de missionnaires dans le monde.

Aujourd'hui, les Québécois sont respectés dans les différents pays parce qu'ils ont aidé un peu partout, en Afrique, en Amérique du Sud, par ces missionnaires, femmes ou hommes, à créer tout un réseau d'écoles, de services de santé qui ont été mis sur pied parce que des Québécois ont cru au développement, à l'aide au tiers monde. En même temps, ils faisaient chez eux, par les caisses populaires, la prise en main de leurs affaires, non pas par des millionnaires, mais par des gens locaux qui déposaient de petites sommes d'argent qui ont fructifié au cours des années; elles sont devenues des montants plus importants pour sortir de l'emprise des trusts et des compagnies de finance. Je sais, lorsque je dis ça aujourd'hui, que les savants éditorialistes de La Presse vont dire que je parle à la créditiste, comprenez-vous?, mais je vais vous dire une chose...

Une voix: Cela vous a marqué!

M. Garon: Non, pas du tout, parce que je vous ferai remarquer que le père Lévesque, dont on est si fiers, a été un des propagandistes du crédit social des années trente. Je n'étais pas là, je n'étais même pas au monde. Je vais vous dire une chose: Pourquoi? Parce qu'il pensait justement qu'une des révolutions qu'on pouvait faire au Québec, c'était de mettre la finance au service de la population, ce qu'a réussi M. Desjardins- dans des coopératives où il a réussi à faire en sorte que les surplus d'épargne de ceux qui en avaient un peu trop pourraient bénéficier à ceux qui n'en avaient pas assez. C'est une réforme importante qu'on devrait tous être fiers d'avoir réussie. Cela a fait boule de gomme, boule de neige, si on veut. (20 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Ce rôle de Desjardins dans le développement économique du Québec par l'aide au développement des petites entreprises régionales. Qu'on regarde aujourd'hui, par exemple, des entreprises différentes qui ont pris Desjardins comme le modèle du développement. Aujourd'hui, regardons nos épiciers locaux. Ils n'ont pas décidé de faire comme les Américains: On va se vendre. On va se vendre à une chaîne qui va devenir propriétaire des épiceries locales et, ensuite, on mettra un gérant dans l'épicerie. Au contraire, des épiciers détaillants se sont regroupés dans des milliers d'épiceries, Métro, Provigo, IGA pour retrouver, ici, un pouvoir d'achat important par l'entremise de regroupements d'achats, mais en maintenant la propriété locale

au niveau local. Cela a été le génie québécois. Cela ne s'est fait nulle part ailleurs dans le monde selon un plan d'ensemble comme celui-là.

Aujourd'hui, dans le reste de l'Amérique du Nord, 70 % des épiceries locales sont la propriété d'une grande compagnie, d'une grande chaîne coopérative où il y a un gérant local, alors qu'au Québec, c'est l'inverse. 70 % des épiceries locales sont la propriété d'épiciers locaux qui se sont regroupés dans de grands ensembles pour être capables de mettre sur pied des pouvoirs d'achat assez considérables pour faire concurrence aux grandes chaînes capitalistes. Cela, c'est le génie québécois, le génie québécois à son meilleur. Que ce soit dans les caisses Desjardins ou encore dans les grands regroupements d'épiceries, dans les caisses d'entraide ou dans les caisses d'établissement, au fond, on a réussi à regrouper nos choses ensemble.

Ces exemples montrent qu'en réunissant de petites entreprises, on peut devenir aussi importants que les gros, mais sans faire disparaître l'entité qu'est la petite entreprise. Cela est un génie dont on ne parie pas assez au Québec. On parle souvent qu'au Québec, on n'est pas capable de faire ceci, on n'est pas capable de faire cela. Au contraire, un des plus grands succès du Québec, c'est la reprise en main de l'économie sans déposséder les gens qui sont plus petits. C'est un génie qu'on a eu, un génie qui est exportable, je dirais. C'est un grand service qu'on peut rendre dans le monde, en Afrique ou en Amérique du Sud: faire que les gens deviennent propriétaires chez eux en bâtissant des ensembles et que la propriété soit répandue au niveau local avec des gens qui vont l'exercer d'une façon plus efficace que celui qui fait du neuf à cinq, même dans l'entreprise privée.

Le mouvement Desjardins, parce qu'il est entièrement québécois, a soutenu et encouragé nombre de Québécois dans leur entreprise. Quand vous regardez les caisses populaires locales, elles ne prêtent pas à Eaton, elles ne prêtent pas à Sears, elles prêtent aux entreprises locales. Elles prêtent aux entreprises locales pour faire du développement ou pour leur crédit à la consommation comme consommateurs, ou encore pour l'habitation ou pour le développement d'entreprises locales. Ces réussites québécoises montrent que les Québécois ont leur mot à dire sur le plan économique non seulement au Québec, mais partout dans le monde. La réussite de Desjardins, en plus d'avoir réussi le mouvement Desjardins, c'est d'avoir donné confiance aux Québécois. La réussite de Desjardins démontre que la finance n'est plus, aujourd'hui, l'apanage unique des grandes institutions financières étrangères.

Autrefois, si on n'avait pas un nom anglais comme raison sociale, on pensait que cela ne pouvait pas fonctionner. Desjardins a prouvé qu'avec un nom local... Desjardins n'a pas marqué "from the gardens". II a marqué Desjardins. Aujourd'hui, Desjardins, on sait que cela veut dire qu'on est capable de concurrencer les grands d'ailleurs. Desjardins a prouvé qu'on pouvait tirer notre épingle du jeu en matière financière et il a ouvert la voie aux autres réussites québécoises dans ce domaine que l'on peut dénombrer aujourd'hui, qu'il s'agisse de La Laurentienne, qu'il s'agisse de la Mutuelle des fonctionnaires, du groupe Commerce, etc. On pourrait nommer un grand nombre de gens qui, par le principe de la mutualité, ont réussi à faire au Québec une oeuvre extraordinaire. Desjardins, au fond, c'est un modèle de gestion de nos propres affaires.

M. te Président, c'est pourquoi le projet de loi que nous étudions aujourd'hui est aussi important. Important, également, parce qu'il va faire la mise à jour des pouvoirs, de la structure, du fonctionnement, des rapports entre les membres, entre les dirigeants, entre les dirigeants et les membres, entre les officiers de la caisse avec les membres dans leurs affaires avec la caisse, dans les conflits d'intérêts possibles, etc. C'était un projet de loi important. La grande institution financière qui recouvre l'ensemble du territoire québécois sera gérée par cette loi. C'est cette loi qui va décider de ce qu'elle peut faire ou de ce qu'elle ne peut pas faire et ce que chacun de ceux qui font affaire avec la caisse Desjardins aura le pouvoir de faire ou n'aura pas le pouvoir de faire.

C'est pourquoi je dis qu'il y a des faiblesses dans ce projet de loi. Je vais les mentionner parce qu'on ne les étudiera pas lors de l'adoption du principe du projet de loi. Je pense que tout le monde est d'accord pour que le principe du projet de loi soit adopté. Tout le monde est d'accord sur la mise à jour. On a assez dit au ministre qu'on attendait ce projet de loi, qu'on aurait voulu l'adopter plus tôt, qu'il aurait dû être présenté plus rapidement, qu'on est d'accord avec le principe de la révision, de la refonte de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Mais il y a des points qui représentent des faiblesses et qu'il faudra étudier en commission parlementaire.

Concernant l'offre des produits financiers, on ne donne pas les mêmes pouvoirs à Desjardins que ceux consentis aux compagnies d'assurances, je l'ai mentionné tout à l'heure. Le pouvoir discrétionnaire du gouvernement sur avis du ministre pour consentir l'autorisation de nouvelles activités, où cela va-t-il nous mener dans quelques années, en termes de modèle de décloisonnement pour chacun des grands secteurs: assurances, fiducie, société de prêt et valeurs mobilières? Cette façon de décloisonner est-elle acceptable pour les entreprises? Auront-elles assez de garanties pour développer de nouveaux secteurs d'activité? Seront-elles prêtes à consentir et à investir des efforts au cours des années dans de nouveaux secteurs sur la seule base d'une décision du gouvernement? Ce sont des questions fondamentales concernant ce que pourront faire ou ne pas faire les caisses d'épargne et de crédit. Il nous semble que les pouvoirs devraient être indiqués dans la loi pour donner

toute l'assurance que donne une loi vis-à-vis d'une institution financière aussi importante.

Quant à l'usage des immeubles, c'est aussi une question importante quand on pense à faire un centre financier. Le libellé de l'article 256, paragraphe 8, sous-paragraphe e, permet-il aux caisses de louer leurs locaux, de les mettre à la disposition d'autres agents advenant des ententes commerciales? Les filiales regroupées sous les sociétés en portefeuille pourront-elles utiliser des locaux appartenant à des caisses? Par exemple, un article récent dans le journal Le Soleil parle des débats qu'il peut y avoir actuellement entre la Commission des valeurs mobilières du Québec et le ministre. On voit à quel point les retards peuvent causer des problèmes.

Le ministre est choqué parce que la Commission des valeurs mobilières a agi et exige que le courtier en valeurs occupe des locaux séparés, identifiés sous son nom, avec une réglementation appropriée. Qu'on soit d'accord ou qu'on ne soit pas d'accord, la Commission des valeurs mobilières s'est sentie obligée d'agir parce que le ministre n'avait pas agi.

Le ministre avait dit que son projet de loi serait présenté cet automne. Maintenant, on apprend qu'il sera peut-être déposé au printemps 1989, peut-être à l'automne 1989, peut-être jamais. Aujourd'hui, c'est de l'insécurité que crée le ministre parce qu'if ne prend pas d'actions assez rapidement, parce que cela tourne en rond et surtout parce que le caucus du Parti libéral est divisé comme il l'est sur les heures d'affaires du dimanche, comme il l'est sur l'aide sociale aux jeunes, comme il l'est dans le domaine agricole, comme il l'est dans un paquet de secteurs, avec un premier ministre qui me fait penser à un oeuf à deux jaunes. Il ne sait pas lequel enfantera. Il ne sait pas quel jaune fertiliser. Et on se retrouve devant l'indécision d'un gouvernement qui ne sait pas où aller. Actuellement, cela fait des conflits entre la Commission des valeurs mobilières et le ministre. (21 heures)

Parmi les éléments qui causent des problèmes, il y a la question du double emploi du courtier. On préférerait, dit-on, qu'il n'y ait pas d'employé qui puisse cumuler des permis. Ce n'est pas ce qu'on dit dans le livre blanc sur les intermédiaires financiers. Le ministre doit se hâter d'agir. Les lenteurs actuelles dans un secteur qui est en pleine effervescence, non seulement au Québec, mais au Canada et en Amérique du Nord, causent des lacunes, en termes de développement. L'avance qu'on avait prise grâce à l'action du gouvernemet précédent et du ministre des Finances et des Institutions financières du temps est en train de se résorber actuellement parce que le gouvernement actuel est trop lent. Et, entre autres, on ne parlera plus tantôt de l'avance du Québec dans ce secteur-là parce que le ministre tarde trop à prendre position, à se brancher avec son gouvernement parce qu'il y a des éléments de son caucus qui sont soumis à des pressions et que le ministre, comme je le disais au début, doit traîner comme des boulets à ses pieds. Maintenant, je dis que le ministre doit rester station-naire parce que ses boulets sont trop pesants.

Contrainte également vis-à-vis des dirigeants bénévoles. L'article 140 qu'il faudra regarder en commission parlementaire. Est-ce que l'article 140 assure vraiment la confidentialité de la liste des dirigeants, incluant leurs adresses? On n'est pas sûr que c'est assuré, M. le Président. À l'article 205, l'obligation de divulguer ses intérêts dans toute entreprise d'au-delà de 10 %. Est-ce que cela aura un effet par rapport aux dirigeants bénévoles? Il faudra regarder ça en commission parlementaire. L'article 252 sur les contraintes imposées aux dirigeants bénévoles vis-à-vis de l'obtention du crédit ignore la réalité coopérative de la caisse populaire. L'article 274, paragraphe 5°, sous-paragrahe e, en présumant que le dirigeant est membre de sa caisse, son adresse personnelle se trouve à être publique par le biais de cet article. À l'article 303, paragraphe 5°, sous-paragraphe e, obligation de divulguer dans le rapport annuel le montant global du crédit accordé aux personnes liées aux dirigeants. Il faudra voir l'implication de chacun des articles et de quelle façon on serait mieux d'assurer les objectifs qui sont souhaitables pour éviter des conflits d'intérêts et voir en même temps s'ils créent des obligations qui sont raisonnables ou exorbitantes par rapport à la pratique qui pourrait être mise en oeuvre par la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Est-ce que ces articles sont de nature à encourager les membres à s'impliquer bénévolement dans leur caisse, parce qu'il s'agit essentiellement de personnes bénévoles qui sont impliquées dans le mouvement Desjardins, dans le mouvement des caisses d'épargne et de crédit?

Il s'agit d'un projet de loi important, M. le Président, je vous le disais tantôt, 589 articles, 126 pages d'articles de loi qui ne se lisent pas comme un roman policier et dans lesquels chaque mot compte. Parfois la virgule à la bonne ou à la mauvaise place peut faire la différence. Il s'agit d'un projet de loi important. C'est pourquoi nous avions demandé que le ministre présente ce projet de loi le plus rapidement possible. Et c'est pourquoi l'Opposition n'a pas l'intention, lors de l'étude du principe de ce projet de loi, de retarder, au contraire. Il y aura des intervenants, mais il ne s'agit pas de retarder le projet. Au contraire, on souhaite que ce projet de loi puisse être adopté avant Noël, à condition qu'on le fasse passer en priorité et qu'on puisse le faire immédiatement. On est prêts à travailler dessus dès demain matin, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Nous allons poursuivre ce débat avec l'intervention de M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir ce soir sur le projet de loi 70. Comme l'a si bien décrit mon collègue, le député de Lévis, c'est un projet de loi important. Lorsqu'on parle de cette fameuse Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, on sait que c'est une loi qui est attendue depuis longtemps.

Comme l'a aussi mentionné le député de Lévis, je pense qu'on s'entend clairement sur le principe, M. le Président. C'est quelque chose qui était demandé. C'est quelque chose qui répond à un besoin. Mais là où j'interviendrai principalement ce soir, c'est sur certains éléments du contenu et, particulièrement, sur le fait que ce qu'on retrouve aujourd'hui à l'intérieur du projet de loi tel qu'il nous a été présenté ne correspond pas aux demandes qui étaient faites par le mouvement Desjardins avant l'avant-projet de loi, avant la commission parlementaire et qu'il ne correspond pas à ce que s'attendait le mouvement et à placer le mouvement Desjardins en concurrence avec l'ensemble du marché.

Le ministre responsable, le ministre qui est porteur de ce projet de loi, M. le Président, a, depuis trois ans qu'il est à ce ministère... Ce n'est pas parce qu'il y a eu dans ce cas-là des modifications, des changements de ministère, on comprend que le ministre délégué avait d'autres responsabilités ou d'autres préoccupations en 1986. La première année de son mandat, c'était d'abord et avant tout de faire de la privatisation. On comprendra que, dans la deuxième année, il a complété sa privatisation et il a compris qu'il fallait arrêter. Mais il reste un fait. Et très souvent, sur plusieurs projets de loi, on a reproché à l'ancien gouvernement d'avoir fait les choses tout croche et de ne pas avoir fait tel ou tel genre de choses. On peut au moins dire, dans le cas de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, si un mouvement a été enclenché par le Parti québécois et particulièrement par le président actuel du Parti québécois, je pense que ces choses étaient faites dans le bon sens.

On espère que le ministre pourra se raviser, parce qu'on aura l'occasion, en commission parlementaire, au cours des prochaines semaines, d'adopter avant Noël ce projet de loi de quelque 600 articles et de faire peut-être certains ajouts et d'y apporter des modifications importantes sur lesquelles je reviendrai tantôt. Mais ce qu'on doit reprocher d'abord et avant tout au gouvernement, après être d'accord sur le principe, c'est la timidité du ministre responsable de ce projet de loi. Cela ne va pas assez loin, M. le Président. On ne donne pas, j'en ai la profonde conviction, les outils nécessaires pour permettre à Desjardins de faire face à la concurrence.

On sait que, dans le cadre du libre-échange, dans le cadre de l'évolution de l'économie nord-américaine, nos institutions financières devront être à la fine pointe. Or, on sait que le Québec a, au cours des dernières dix ou quinze années, été au Canada le plus avant-gardiste en matière de décloisonnement, d'ouverture d'esprit et de capacité de donner aux consommateurs des outils que d'autres n'ont pas ailleurs. Toute la notion du décloisonnement qui s'est fait dans le domaine des assurances et qui se fait actuellement dans les institutions financières, si on a eu une longueur d'avance, on est en train depuis une couple d'années et présentement de perdre cette longueur d'avance, parce que le ministre et le gouvernement n'ont pas agi assez rapidement. Le ministre et le gouvernement, comme dans d'autres dossiers, n'osent pas aller jusqu'où ils devraient aller. Le plus beau parallèle qu'on puisse faire dans le contexte actuel, c'est peut-être de comparer cela au dossier sur les heures d'affaires. D'un côté, le gouvernement a dit: Oui, on y va. Le ministre de l'Industrie, du Commerce disait: Oui, on s'en va par là; voici, on va ouvrir le dimanche; voici le compromis. Et tout d'un coup, la pression arrive, monte, on recule et on étudie. Commission parlementaire!

Dans ce projet de loi, dans cette refonte de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, le ministre a tous les outils en main; il a entendu tous les intervenants. Quand les caisses populaires, quand le mouvement Desjardins demande, preuve à l'appui, qu'on lui donne les outils nécessaires, je pense que le ministre ne doit pas lui donner des demi-mesures et surtout ne pas créer comme il le fait actuellement, tel que déposé dans le projet de loi, des zones grises qui seront sujettes à interprétation devant les tribunaux et qui amèneront des litiges. Pourquoi n'allons-nous pas jusque là où on doit aller? Peut-être le ministre nous répondra-t-il: Écoutez, on ne peut pas tout donner. D'autres de ses collègues, comme le député de Mille-Îles, diront: Écoutez, ça n'a pas de bon sens ce que veut avoir le mouvement Desjardins pour ce qu'il nous donne en retour. C'était tout a fait utopique. Je suis content que le député de Lévis ait mentionné ces propos-là, parce que j'étais en commission parlementaire lorsque ça s'est produit et j'étais estomaqué. J'espère au moins que le ministre pourra désavouer cela, parce que ça n'avait pas de sens. Je comprends que le député de Mille-Îles vienne d'un comté de la grande région de Montréal et qu'il soit moins conscient de l'importance des caisses populaires, mais, M. le Président, on ne va pas dire aux gens que le mouvement Desjardins représente un petit groupe, une poignée de gens. 4 200 000 ou 4 300 000 Québécois en font partie, sont membres des caisses populaires et, finalement, c'est la plus belle représentativité qu'on ait au Québec. (21 h 10)

Les caisses populaires, le mouvement Desjardins, comme l'a aussi mentionné mon collègue de Lévis, sont une réussite québécoise. Dans ce sens-là, oui, il y a lieu d'être fier. Mais, si on veut que le mouvement Desjardins continue

de faire la barbe entre guillemets aux grandes institutions financières, si on veut qu'il continue à se mesurer aux grands de ce monde, si on veut que le mouvement Desjardins et l'ensemble des institutions financières qui se feront une excellente concurrence puissent être à la hauteur dans un contexte de libre-échange, dans un contexte où on se doit, de plus, d'être à la fine pointe, si on veut que le mouvement Desjardins ait les outils nécessaires, il faut les lui donner aujourd'hui. Dans ce sens-là, je pense que le ministre doit laisser cet aspect de timidité qui se reflète à l'intérieur du projet de loi en ne donnant pas suite à ce qui est demandé, entre autres, par le mouvement Desjardins. J'apporterai tantôt certains points de ce côté, plus particulièrement, M. le Président, en ce qui regarde l'offre des produits financiers.

Le mouvement Desjardins, comme le disait son président, M. Béland, le 14 septembre dernier, est issu des entrailles du peuple québécois. Au fil des ans, le mouvement des caisses Desjardins est devenu un outil précieux pour le développement économique.

M. le Président, un outil pour le développement économique du Québec, ça veut dire beaucoup de choses. On sait que dans tout près de 700, plus précisément 675 municipalités du Québec, la seule institution financière qui s'y trouve, c'est le mouvement Desjardins. On doit réaliser que, tout autour, il y a des commerces, des petites et moyennes entreprises, des gens, des sociétaires qui ont besoin de la gamme d'outils nécessaires, si ce n'est que le mouvement Desjardins soit capable, que la caisse soit capable d'offrir des capitaux qu'elle n'offre pas actuellement sous forme de capital de risques ou autrement. Ça me semble important, mais plus large que ça. Que la caisse populaire puisse, dans certaines régions du Québec, et c'est une réalité... La problématique ne se pose pas de la même façon dans la région de Montréal, entre les grands centres urbains et l'ensemble des petites régions du Québec. Mais la réalité du Québec, c'est qu'il y a environ 2 000 000 de gens qui demeurent dans la région de Montréal, mais que les autres - 4 000 000, 4 500 000 de citoyens - sont répartis dans toutes les régions du Québec.

Dans ce sens, l'outil de développement économique par excellence se trouve à être le mouvement Desjardins. La plus belle preuve de ça, M. le Président, c'est qu'aujourd'hui les grandes banques, les grandes institutions financières ont compris la force que pouvait avoir Desjardins, ont compris déjà la force et la compétition qu'elles avaient avec Desjardins. Puis, tout à coup, il y a eu cette montée de boucliers de la part de ces gens, des pressions certainement auprès du gouvernement, auprès du ministre, de gens qui disent: écoutez, n'en donnez pas trop, ces gens font nous faire de la compétition déloyale. On l'a vu avec la question des assurances. On le voit avec toute cette dimension et cette approche que veut avoir Desjardins d'offrir le carrefour financier, d'offrir le centre d'achats, la panoplie des services qu'ils peuvent offrir aux consommateurs. Pourquoi pas? De quoi a-t-on peur? Surtout de la part d'un gouvernement qui, très souvent, s'est dit qu'il faut donner les outils, qu'il faut laisser les gens se faire compétition entre eux parce qu'en fin de compte... Je comprends qu'il faut avoir certaines balises, mais les balises y sont déjà. Mais, en fin de compte, qui va en bénéficier? Ce sont les consommateurs québécois. Qui va bénéficier d'un réseau de caisses populaires, un réseau de caisses d'épargne qui va être mieux doté, qui va être capable de donner des meilleurs services? C'est finalement l'ensemble des Québécois.

Déjà, l'ensemble des Québécois le favorise par plus de 50 % de leurs économies, par tout près de 50 % de leurs emprunt, que ce soit dans le domaine agricole ou autrement, parce que ça répond déjà, la formule est bonne, les preuves sont faites. C'est fantastique! Tout le monde applaudit, tout le monde le sait, tout le monde le reconnaît, tout le monde crie bravo! Mais si on veut que Desjardins continue à être un modèle dans notre société et en inspire d'autres au chapitre des regroupements... Certes le domaine alimentaire est un bel exemple. On a vu des gens se regrouper. Dans le domaine de la quincaillerie, il y a le groupe Ro-Na. Y a-t-il quelque chose de plus merveilleux que de voir 500 marchands se reprendre en main et être capables d'avoir, par une formule de participation, des pouvoirs d'achat pour mieux desservir le consommateur? Ce ne sont que quelques exemples, M. le Président. Mais une chose est sûre, c'est que Desjardins a fait subir à l'économie québécoise toute une influence et tout un courant de pensée par son action et l'action que le mouvement Desjardins a faite tout au cours des années et particulièrement la croissance qu'il a connue depuis les dix dernières années seulement. Des actifs de 35 000 000 000 $. Qu'est-ce que ce sera en 1995, en l'an 2000, M. le Président? Ce sera à la mesure où ils ont pris leur envol au cours de ces dernières années, mais aussi à la mesure des outils que le gouvernement voudra bien leur donner.

Je pense qu'il ne faut pas avoir peur d'oser aller donner ça parce qu'on va vite s'apercevoir que la concurrence dans ce marché qui est un marché très dur, qui est un marché des services financiers, le marché aux consommateurs pour l'ensemble des services à donner va se faire, les gens vont être plus aguerris. Tout le monde va y gagner parce qu'au bout, ce sera le consommateur qui va être de mieux en mieux servi. Ce que je comprends mal ou ce que je m'explique mal, c'est pourquoi dans ce domaine, comme dans d'autres domaines, que ce soit le dossier de la loi 101 sur l'affichage où on a une crainte et où on repousse, on repousse parce qu'on a crainte de ne pas satisfaire des gens; que ce soit dans le dossier sur l'aide sociale où on a repoussé,

depuis un an et demi, une vraie réforme d'aide sociale - ce n'est pas encore fart - que ce soit dans le dossier des heures d'affaires où on devait trancher avant Noël... Nous voilà encore à reporter en 1989 quelque part. Parce que le dossier est chaud, parce qu'il y a beaucoup de pressions, parce qu'il y a surchauffe, le gouvernement ne veut pas faire de vagues.

Dans ce cas, je dis au ministre et je sais qu'il a une approche très ouverte quant à sa façon de voir le décloisonnement, je sais qu'il a eu aussi d'excellents conseils puisqu'il a retenu les services de M. Parizeau pendant quelque temps et ce au cours de l'année 1987... Je ne lui en tiens pas rigueur. Il a su aller chercher là où il y avait de l'expertise. Je sais que le ministre, même s'il croit en cette possibilité de donner davantage d'outils et d'aller vers le décloisonnement, il sait que c'est là qu'est l'avenir... Ce que je lui dis aujourd'hui, ce que je lui rappelle aujourd'hui, que ce soit au nom de l'Opposition, mais au nom de l'ensemble des intervenants, et aussi au nom des caisses populaires, au nom du mouvement Desjardins, le ministre doit aller plus loin. Le ministre se doit d'agir déjà. On a attendu depuis trois ans déjà.

Je me souviens qu'en commission parlementaire, le député de Lévis a demandé à plusieurs reprises au ministre: Quand allez-vous arriver avec votre projet de loi définitif sur les caisses d'épargne et de crédit? C'est quand? On espérait l'avoir en juin dernier. On l'a à cette session-ci, mais il a été déposé le 15 novembre, à la date limite. Là, on va se retrouver quelques jours avant Noël à débattre les derniers articles pour essayer de l'adopter avant Noël. Je ne sais pas comment on va faire pour y arriver. Il a 600 articles, M. le Président. Pourquoi, pourquoi, pourquoi? Tout ce que j'espère, c'est qu'il y aura une ouverture d'esprit pour apporter des amendements.

Quand M. Béland nous disait, en septembre dernier, par rapport au projet de loi et à l'avant-projet de loi qui étaient sur la table: Bien que généralement satisfait, disait-il, de l'avant-projet de loi, M. Béland a toutefois exprimé quelques déceptions - mais elles sont importantes - et tenté d'obtenir des précisions, premièrement, quant aux pouvoirs des caisses en matière de décloisonnement des services financiers, quant aux mécanismes prévus et exigences démesurées pour éviter les conflits d'intérêts des dirigeants bénévoles des caisses, quant à l'absence d'engagements relativement aux avantages fiscaux pour favoriser la capitalisation des caisses. Et, disait-il, il y a à peine 60 jours, M. le Président, malheureusement, l'avant-projet de loi demeure imprécis et nébuleux et, à l'intérieur du projet de loi, ça demeure encore très imprécis et nébuleux quant au rôle et aux pouvoirs que l'on désire confier au réseau des caisses Desjardins en matière de décloisonnement. (21 h 20)

Le gouvernement doit continuer d'être avant-gardiste et permettre au mouvement Desjardins de s'activer encore davantage dans l'offre des services financiers à ses membres. Ce qu'il dit au ministre poliment: Écoutez, on a une longueur d'avance. Continuons d'être avant-gardistes. Continuons d'aller de l'avant et nous autres, on est des gens qui voulons être très actifs, pro-actifs comme société au Québec, comme mouvement au Québec. On veut continuer d'être en avant. Donnez-nous les outils nécessaires et ne nous laissez pas en plan quant au genre de services et à la gamme des produits que nous pourrons offrir. C'est ça que le mouvement Desjardins réclame, ce n'est pas quelque chose de compliqué. Pourquoi y a-t-il eu recul graduel entre le livre blanc, entre la façon que voyait le ministre il y a six mois ou un an ou deux, il y a eu une évolution, mais une évolution négative, une crainte, une peur, on ne sait quoi, des pressions. Ce qu'on dit au ministre aujourd'hui: Rendez-vous à l'évidence, agissez; nous voulons que vous alliez dans ce sens-là et nous allons tout faire pour vous donner notre collaboration si vous allez dans ce sens-là. Je pense que cela est important.

Le mouvement Desjardins, si on en est fier et si on veut qu'il continue d'aller de l'avant, on devra le traduire à l'intérieur du projet de loi 70 avec les amendements. Si on ne va pas dans ce sens-là, si on a plutôt l'approche du député de Mille-Îles, là, je peux comprendre. Il faudrait que le ministre nous dise si, à l'intérieur du caucus ou parmi ses collègues ministres, il y a eu beaucoup de réticences, là il faudra qu'il joue cartes sur table, si c'est le problème, parce qu'on ne le sait pas. On doute, on peut présumer, mais si ce qui a été traduit par quelques-uns de ses collègues, du moins par le député de Mille-Îles qu'on a pu entendre clairement et qu'on peut relire aujourd'hui, il faudrait que le ministre nous le dise. Mais si ce n'est pas ça, si c'est lui qui mène comme ça doit être à l'intérieur de chacun des ministères, aujourd'hui, le ministre doit être capable de mettre les points sur les "i", les barres sur les T. Le ministre devrait être capable d'apporter, d'aller plus loin et de fournir le coffre d'outils nécessaire aux caisses d'épargne et de crédit, au mouvement Desjardins.

Dans ce sens-là, il nous fera plaisir d'apporter toute notre collaboration. Si ça ne va pas dans ce sens-là, c'est bien sûr que nous allons nous battre pour défendre les intérêts auxquels nous croyons profondément. Nous allons nous battre pour être capables d'obtenir ce que nous pensons, c'est que ce que demande le mouvement Desjardins est raisonnable, légitime et correct, surtout dans le contexte où la compétition au niveau nord-américain et internationale a besoin de faire en sorte que le génie québécois puisse continuer à se manifester. Si les outils ne sont pas là, je regrette, on n'y pourra rien. Alors, la responsabilité, et je termine là-dessus, je pense qu'elle est maintenant entre les mains du mi-

nistre. Nous lui demandons d'agir dans ce sens-là. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: II n'y a pas d'autre intervention? Alors, pour clore le débat, je vais céder la parole au ministre délégué aux Finances et à la Privatisation pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Pierre-C. Fortier (réplique)

M. Fortier: Merci, M. le Président. Ah oui, oui! Ils se pensent en campagne électorale.

M. le Président, je remercie les députés de Lévis et de Bertrand de leur offre de collaboration. Je crois que nous partageons tous, en cette Chambre, je l'ai dit moi-même dans mon allocution de présentation du projet de loi et les députés de Lévis et de Bertrand, ainsi que tous ceux qui sont ici présents et qui ne se sont pas exprimés, cette fierté que nous avons, comme Québécois, d'une organisation financière qui s'est bâtie, pierre sur pierre, à partir de 1900. Nous sommes tous fiers parce que c'est un mouvement qui a pris beaucoup d'années pour démarrer puisque le premier 1 000 000 000 $ d'actifs a pris 60 ans à s'accumuler. En 1973, donc treize ans plus tard, le deuxième 1 000 000 000 $. Après cela, il y a eu une augmentation fulgurante. Et, aujourd'hui, on se retrouve, comme je le disais tout à l'heure, avec le principal groupe financier au Québec et la sixième institution financière en importance au Canada.

Alors, j'ai une offre de collaboration des députés de l'Opposition et il me fait plaisir de l'accepter parce qu'il s'agit d'un projet de loi important, comme ils l'ont signalé, de quelque 589 articles. Le député de Lévis nous disait qu'en tant que critique de l'Opposition, il m'assurait de sa collaboration pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté avant Noël. Alors, je l'en remercie, lui et le député de Bertrand de leur collaboration. Je sais qu'ensemble nous pourrons passer à travers cette brique quelque peu technique et qui a demandé beaucoup de temps à être préparée. J'imagine, d'ailleurs j'ai fait parvenir aux députés de l'Opposition et aux députés ministériels de la commission parlementaire ce qu'on appelle le "cahier du ministre". Quand j'étais dans l'Opposition, rarement on m'a envoyé le cahier du ministre. Nous ne l'avons jamais eu. Mais, dans un esprit de collaboration, j'ai fait envoyer aux députés membres de la commission parlementaire ce cahier du ministre qui donne les explications pertinentes pour chacun des articles du projet de loi. Donc, cela facilitera l'étude, permettra d'avoir un dialogue intelligent et de travailler dans le meilleur intérêt du Québec.

Les deux députés qui se sont exprimés ont soulevé quelques questions auxquelles j'aimerais apporter réponse. Une question générale a été posée: est-ce que le Québec est en retard dans sa modernisation des lois en ce qui touche les institutions financières? Est-ce que le Québec présentement est en retard par rapport à ce qui se fait en Ontario, en Alberta, en Colombie britannique et au gouvernement canadien? La réponse est non. Comme de raison, je ne fais pas reproche à tous les députés de cette Chambre de ne pas lire le Globe and Mail, mais, pour tous ceux qui s'intéressent aux institutions financières, il est quasiment d'importance de lire le Globe and Mail. Il y a, je crois, trois semaines, il y avait un "Report on Québec". On disait très clairement que le Québec est à l'avant-garde dans le décloisonnement de ses institutions financières et que, présentement, il est le chef de file de ce secteur. J'admets que M. Parizeau, en 1983, par son projet de loi sur les assurances, avait posé un premier jalon, mais, depuis ce temps-là, on a fait quand même beaucoup de chemin.

Le député de Lévis critiquait le ministre en disant: II prend trop de temps à la préparation de ses projets de loi. Il faut savoir que ces projets de loi, M. le Président, sont très techniques et demandent d'autre part qu'on asseoit très clairement les principes que l'on veut développer. Une fois que l'on s'est entendu sur les principes, la rédaction d'un projet de loi comme celui-là demande énormément de temps. Quand même, nous avons fait des modifications importantes à la Loi sur les valeurs mobilières. L'an dernier, nous avons adopté la Loi sur les sociétés de fiducie et d'épargne, dont la vieille loi datait de 1913. C'était une refonte complète de la loi. On l'a faite ensemble. Cela a été adopté en décembre de l'an dernier. Cette année, nous avons cette loi révisant totalement la Loi sur les sociétés d'épargne et de crédit, dont la vieille loi - enfin, 25 ans - datait de 1963. Ce fut une excellente loi. Je crois que, pendant plusieurs années, cette loi a rendu de très grands services au mouvement Desjardins et aux autres caisses d'établissement, aux caisses d'épargne qui se sont développées. Il est normal, étant donné l'accroissement fulgurant des caisses, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous en arrivions à des modifications importantes et à une refonte totale de la loi.

Donc, je voudrais rassurer les députés de l'Opposition. Le Québec est le fer de lance du décloisonnement au Canada et cela, contrairement au gouvernement canadien qui, il y a quatre ans, avait publié un livre bleu sur la réforme des institutions financières fédérales. Le gouvernement canadien n'a pas encore réussi à faire adopter un seul projet de loi là-dessus. L'avant-projet de loi sur les fiducies est mort au feuilleton. Les modifications à la Loi sur les banques ne sont pas encore là. La loi sur les assurances fédérale date, je crois, de 50 ans et les compagnies d'assurances à charte fédérale se plaignent du fait que leur loi n'a pas été modernisée. En 1983, le gouvernement précédent a modernisé la Loi sur les sociétés d'assurances. Nous avons l'an dernier modifié la loi sur les sociétés de fiducie.

Nous avons l'an dernier également ou l'année d'avant apporté des amendements importants à la Loi sur les valeurs mobilières. Cette année, donc, un projet de loi extrêmement important, la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Pour répondre à la question: Si le Québec est en retard? la réponse est non. Je crois que nous avons exercé un certain leadership. Dans la mesure où nous avons la collaboration des députés de l'Opposition et du côté ministériel pour étudier ces projets de loi techniques et que nous le fassions ensemble, je crois qu'on peut faire de très grands projets. (21 h 30)

La deuxième question qu'on a posée, c'est: si le projet de loi était prêt en 1983, pourquoi cela a-t-il pris tant de temps pour l'amener à l'Assemblée nationale? M. le Président, j'aimerais tout simplement, à ce sujet, citer un article de M. Béland dans La Revue Desjardins, numéro 5, qui a été publiée récemment. M. Béland donne exactement l'heure juste là-dessus. Le titre de l'article est "Cette loi tant attendue". Il dit: "C'était en 1983. Nous soumettions au gouvernement un mémoire contenant les demandes exprimées par le réseau de nos caisses au fil des ans relativement au projet d'une nouvelle loi. L'année suivante, on répondait à notre appel en nous proposant un avant-projet de loi informel, décevant et même menaçant sous plusieurs aspects." Il continue un peu plus loin, en disant: "L'avant-projet de loi de 1988 est fondamentalement différent de celui de 1983 et nous avons exprimé notre grande satisfaction à cet égard."

Je ne veux pas en faire un cheval de bataille, mais de revenir avec la théorie qu'un avant-projet de loi était prêt, que M. Parizeau l'avait quasiment négocié et que tout ce que celui qui vous parle avait à faire pour l'amener à l'Assemblée nationale était de changer deux virgules et un point-virgule, c'est de la fumisterie, vous le savez bien, M. le député de Lévis. D'ailleurs, le président du mouvement Desjardins le dit très clairement quand il dit que l'avant-projet de loi de 1983 était complètement inacceptable pour le mouvement Desjardins.

Pour corriger le député de Bertrand, je ne suis pas le ministre responsable des institutions financières depuis trois ans, mais seulement depuis deux ans. Et, depuis deux ans, je peux vous dire que j'ai travaillé à peu près continuellement sur ce projet de loi. Il a fallu deux ans pour en arriver au résultat que nous avons. Donc, je ne peux accepter ces critiques. Il fallait prendre le temps nécessaire pour négocier des principes de base avec le mouvement Desjardins et pour arriver à des résultats qui, je crois, sont très intéressants.

D'ailleurs, dans une lettre que M. Béland me faisait parvenir le 21 novembre dernier, à la suite du dépôt du projet de loi que je lui avais fait parvenir, il écrivait: "J'ai personnellement vérifié auprès des dirigeants de chacune des fédérations pour connaître leur degré de satis- faction à l'égard de ce nouveau projet de loi. Ils conviennent que le projet de loi contient l'essentiel des demandes qu'ils avaient eux-mêmes unanimement formulées. Je remarque d'une façon particulière que le projet de loi contient des demandes sur lesquelles la fédération de Montréal et celle de l'Ouest du Québec avaient insisté dans un mémoire particulier."

Je suis prêt à accepter les conseils de mes collaborateurs d'en face. Je sais bien que, dans un projet de loi aussi important, il serait tout à fait anormal que nous n'apportions pas certains petits changements. Je peux dire que nous avons apporté des modifications très importantes par rapport à l'avant-projet de loi de 1983. Je peux vous en citer quelques-unes. D'une part, en 1983, le gouvernement insistait pour contrôler chacune des caisses, indépendamment l'une de l'autre, autrement dit, de la même façon qu'on contrôle chaque fiducie, de la même façon que le gouvernement fédéral contrôle chaque banque. Le gouvernement du temps avait dit, en 1983: Nous voulons contrôler la santé financière de chaque caisse. C'était inacceptable pour le mouvement Desjardins qui disait: Nous, du mouvement Desjardins, lorsqu'une caisse est en difficulté, nous ne la laissons jamais tomber, nous avons - ce qu'ils appellent - une responsabilité réseau.

C'est ainsi que, lorsque j'ai repris le dossier il y a deux ans, j'ai entamé des discussions avec M. Béland qui était le représentant du président du temps et qui, par la suite, est devenu lui-même président. Nous avons négocié ce principe, en disant comme M. de Talleyrand disait: Si cela va sans dire, cela va encore mieux en le disant. C'est ainsi que, dans le projet de loi, nous reprenons la proposition du mouvement Desjardins qui disait: Nous avons une responsabilité réseau. Dans le projet de loi, nous disons: D'accord, si vous le désirez, au lieu que l'Inspecteur général des institutions financières contrôle chaque caisse isolément, nous allons accepter qu'il vérifie la santé financière de chaque fédération isolément, mais, à ce moment-là, il va y avoir certaines responsabilités. Il faudra que les caisses acceptent que les fédérations jouent un certain rôle et qu'une certaine réglementation soit édictée par les fédérations. Donc, si une caisse est en difficulté, la fédération pourra intervenir et, à ce moment-là, l'inspecteur général pourra se satisfaire de contrôler chaque fédération plutôt que chaque caisse isolément. C'est donc une modification extrêmement importante qui est sous-jacente à ce principe nouveau dans l'avant-projet de loi.

Une autre modification importante touche à tout ce qui regarde la capitalisation des caisses. Et, à ce sujet-là, une autre modification que nous avons apportée - parce que ça n'existait pas dans l'avant-projet de loi de 1983 - est la constitution de quatre holdings au niveau de la confédération. Je n'entrerai pas dans les difficultés techniques parce que, comme vous le

savez, dans le débat que j'avais engagé avec le gouvernement fédéral sur ce qu'on appelle les liens commerciaux... Ce qu'on appelle les liens commerciaux, c'est que normalement les institutions financières n'ont pas le droit de devenir propriétaires d'une compagnie faisant affaire dans le secteur commercial ou industriel. Ce n'est pas le cas en France, ce n'est pas le cas en Allemagne, ce n'est pas le cas au Japon. En Amérique du Nord, on a développé, depuis la crise de 1929, le principe que pour" sauvegarder la santé financière d'une institution financière il ne fallait absolument pas qu'elle possède une société dans le secteur commercial et industriel.

Notre point de vue était différent. C'était également le point de vue défendu par le gouvernement fédéral. Nous avons défendu le point de vue différent en ce sens qu'il n'y a pas de mal à ce qu'une institution financière puisse posséder une société commerciale et industrielle à la condition que les conflits qui pourraient se développer soient bien contrôlés. Et c'est la raison pour laquelle, comme vous le savez tous - et comme vous le savez, M. le Président - il y a 25 ans, je crois, le premier ministre Bertrand, sous le gouvernement de l'Union Nationale, avait demandé au mouvement Desjardins d'empêcher qu'une compagnie américaine achète les gâteaux Vachon. Et c'est comme ça que le gouvernement du temps avait supplié le mouvement Desjardins de créer ce qu'on appelle un lien commercial, donc d'intervenir et de devenir propriétaire d'une société commerciale. Donc, cela fait 25 ans que nous vivons au Québec avec une institution financière qui a développé des liens commerciaux sans que la santé financière de cette institution soit pénalisée.

Mais comme il faut être prudent, nous avons suggéré au mouvement Desjardins la création de ces quatre holdings au niveau de la confédération et, en ce faisant, les liens commerciaux ne se trouvent plus au niveau des caisses, les liens commerciaux ne se trouvent plus au niveau des fédérations, mais uniquement au niveau de la confédération. Et c'est donc là un changement extrêmement important qui va permettre une meilleure capitalisation.

Une autre modification importante, M. le Président, c'est le fait que nous avons modifié l'avant-projet de loi pour permettre à la confédération du mouvement Desjardins de s'associer à des fédérations d'autres provinces canadiennes. Et, encore là, ce qui m'a surpris... Et c'est une suggestion que j'avais faite à M. Béland à la suite de conversations. J'ai dit: Si vous le désirez, nous pourrions mettre ces dispositions-là dans le projet de loi. Après avoir rencontré des ministres des Institutions financières d'autres provinces, que ce soit de l'Ontario, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta et de la Colombie britannique, je peux vous dire qu'ils ont une grande admiration pour Desjardins. Eux qui ont des caisses populaires parfois en bonne situation financière comme les caisses populaires de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick et d'autres provinces, ils verraient quand même d'un très bon oeil que ces caisses populaires puissent être associées au mouvement Desjardins pour décupler leur capacité de développement.

Alors, M. le Président, comme vous le voyez, nous avons apporté des modifications extrêmement importantes à l'avant-projet de loi de 1983 et prétendre que celui qui vous parle n'a eu qu'à changer le titre et quelques articles, c'est de la fumisterie. Ce n'est pas exact et je crois que nous avons apporté des modifications qui satisfont maintenant le mouvement Desjardins et qui satisfont la majorité des dirigeants du mouvement Desjardins. Bien sûr, vous allez entendre... Je suis sûr que dans les jours qui viennent certains directeurs de caisses ou certaines personnes vont évoquer certains problèmes. Je répondrai à ces critiques minimales qui viendront qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi privé. Il s'agit d'un projet de loi public. Il ne s'agit pas d'un projet de loi privé tel qu'on les amène ici à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un projet de loi public amené par le ministre qui vous parle, approuvé par le gouvernement du Québec et qui devra être adopté à l'Assemblée nationale. C'est donc un projet de loi qui doit protéger le public tout en permettant au mouvement Desjardins de se développer.

En ce qui concerne le décloisonnement, tout ce que je dirai bien amicalement au député de Lévis, c'est que - et je le démontrerai en commission parlementaire - les dispositions de la loi telle qu'elle a été modifiée depuis l'avant-projet de loi du printemps dernier permettent au mouvement Desjardins de se déployer, d'une part, par les holdings dont je viens de parler parce qu'un de ces holdings financiers pourra permettre au mouvement Desjardins d'acheter même des banques, des fiducies et des compagnies d'assurances, non seulement au Canada, mais aux États-Unis. En plus, les dispositions de la loi sont telles que, comme c'était le cas dans le passé, ils pourront continuer à vendre de l'assurance à l'intérieur d'une caisse, pas plus et pas moins. Par ailleurs, la Commission des valeurs mobilières s'apprête à adopter certaines instructions générales qui permettront aux caisses, comme aux banques et aux fiducies, de vendre des fonds communs de placement et même de placer à l'intérieur d'une banque ou d'une caisse un représentant d'un courtier en valeurs mobilières avec lequel elles sont associées.

Comme vous le voyez, M. le Président, nous sommes loin du cataclysme et de la stagnation dont parlaient les députés de Bertrand et de Lévis. Je démontrerai, article par article, en commission parlementaire que les dispositions qui sont là vont permettre aux caisses populaires, au mouvement Desjardins, de se déployer avec une meilleure capitalisation parce que c'est très important lorsqu'on rencontre la concurrence internationale. Cela lui permettra de se déployer,

mais avec des dispositions, de nouveaux pouvoirs et de nouvelles capacités juridiques qui lui permettront de faire face à toute concurrence.

M. le Président, je crois que ces remarques me permettent de conclure et de dire que je suis tout à fait d'accord avec le député de Lévis lorsqu'il chante sa fierté du succès Desjardins. Il a parfaitement raison de dire que ce qui a fait ce que le mouvement Desjardins est devenu, c'est l'éducation des Québécois auxquels il a enseigné cette capacité de contrôler nos finances. Je peux vous dire qu'en tant que ministre des institutions financières c'est toujours avec beaucoup de fierté que je représente le Québec parce que, il faut bien se le dire, nous avons un statut particulier à l'intérieur du Canada. Nous sommes la seule province canadienne avec autant d'institutions financières à charte québécoise. Nous en avons pour 50 000 000 000 $...

Des voix: Bravo!

M. Fortier: ...et l'Ontario n'en a que pour 30 000 000 000 $, quoique l'Ontario ait plusieurs institutions financières à charte fédérale surtout. Mais nous contrôlons nos finances, et je suis complètement d'accord avec le député de Lévis qui dit que c'est un facteur collectif de développement économique du Québec qui est extrêmement Important. Je veux le remercier de sa collaboration et je remercie tous ceux qui sont présents de leurs applaudissements parce que je sais que c'est un appui au travail sérieux que nous faisons. Tous ensemble, nous ferons en sorte que cette nouvelle loi permette au mouvement Desjardins d'atteindre peut-être 100 000 000 000 $ d'actifs en l'an 2000 et que cela se fasse dans le meilleur intérêt du Québec, de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Le débat étant terminé, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 70, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi 70 à la commission du budget et de l'administration pour son étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je fais maintenant motion pour ajourner les travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. En conséquence, nos travaux sont ajournés à demain, le mercredi 23 novembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 44)

Document(s) associé(s) à la séance