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(Quatorze heures sept minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes les députées et MM. les députés,
à l'ordre, s'il vous plaît!
Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir.
Si vous me permettez, nous allons maintenant procéder aux
affaires courantes.
À l'étape des déclarations ministérielles,
je vais reconnaître M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour une déclaration
ministérielle. M. le ministre.
Modifications à la politique de
sécurité du revenu
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, par cette déclaration
ministérielle, je veux faire part aux membres de cette Assemblée
des principales modifications apportées à la politique de
sécurité du revenu. Compte tenu du temps dont je dispose, ma
déclaration se limitera aux quatre changements les plus significatifs,
soit ceux qui touchent à l'allocation de disponibilité des
personnes aptes au travail, à la contribution alimentaire parentale,
à la question du logement et au programme d'aide à l'emploi.
M. le Président, commençons par l'allocation de
disponibilité. La politique de sécurité du revenu repose
en grande partie sur l'incitation au travail des personnes qui peuvent occuper
un emploi. Les personnes qui font appel à la sécurité du
revenu seront invitées à solliciter une participation à
divers programmes favorisant leur intégration au marché du
travail. Quiconque demandera de participer à ce genre de programme
bénéficiera d'une allocation additionnelle de 67 $ par mois,
allocation qui sera portée à 100 $ par mois s'il participe
réellement à un programme ou à une mesure d'aide à
l'emploi. Le ministère offrira ces mesures en priorité à
ceux qui demanderont d'y participer. Ces dispositions garantissent à
tout prestataire apte au travail qu'il ne subira aucune réduction des
barèmes actuels de l'aide sociale à moins qu'il ne refuse
d'envisager concrètement une participation active à un programme
destiné à améliorer son sort.
Cette modification représente une amélioration importante
par rapport à l'énoncé initial de la politique de
sécurité du revenu. En comparaison avec les prestations
mensuelles versées en 1988, on prévoyait en effet que toutes les
personnes aptes au travail recevraient, après l'année de
transition qui suit l'entrée en vigueur de la réforme, un
barème d'aide réduit de 67 $ par mois jusqu'à ce qu'elles
participent réellement à un programme d'actions positives. Pour
une personne seule, la prestation passait donc de 487 $ à 420 $ par
mois. Dorénavant, ce barème de base de 420 $ par mois ne
s'appliquera qu'à l'égard des personnes ayant refusé tout
effort de participation.
J'aborde maintenant la question de la contribution alimentaire
parentale. Selon la première version de la réforme de l'aide
sociale, les adultes considérés comme dépendants de leurs
parents se voyaient appliquer, pendant une période maximale de trois
ans, une réduction de leur prestation mensuelle proportionnelle à
l'aide qu'ils étaient présumés recevoir de leurs parents.
La contribution alimentaire parentale était d'au moins 100 $ par mois,
même pour ceux dont les parents dépendent de la
sécurité du revenu ou gagnent de faibles revenus. En vertu des
changements qu'a adoptés le Conseil des ministres, la contribution
alimentaire minimale de 100 $ par mois est abolie sans condition. Par
harmonisation avec le régime des prêts et bourses, une
contribution alimentaire sera présumée à l'égard
des personnes dépendantes de leurs parents, proportionnellement au
revenu de ces derniers.
Nous savons qu'un certain nombre de personnes sont en situation de
rupture avec leurs parents et qu'elles ne peuvent pas concrètement
recevoir la contribution alimentaire. J'annonce aujourd'hui que nous
travaillons à des mécanismes administratifs souples qui
permettront à ces personnes, lorsqu'elles en auront besoin, d'être
accueillies dans les plus brefs délais à la
sécurité du revenu. Nous envisageons aussi des outils
législatifs et administratifs qui autoriseraient ie ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à signifier aux
parents qui manquent à leurs obligations relatives à la
contribution alimentaire, qu'ils s'exposent à des recours comparables
à ceux qui sont entrepris dans le cas d'une personne qui néglige
de verser une pension alimentaire à son conjoint.
D'autre part, j'ai le plaisir d'annoncer, M. le Président, qu'une
aide additionnelle au logement sera offerte aux familles avec enfants mineurs
qui doivent consacrer au logement un montant dépassant certains seuils
variant entre 307 $ et 337 $ par mois selon la taille du ménage. Les
familles inscrites aux programmes de la sécurité du revenu et les
familles des travailleurs à faible revenu recevront une allocation
mensuelle correspondant à 75 % des dépassements de ces seuils
jusqu'à certaines limites supérieures. Cette aide
spécifique vise à compenser les dépenses
supplémentaires de logement occasionnées bien souvent par la
présence d'enfants dans les ménages. 45 400 familles
dépendantes de l'aide sociale et environ 6000 familles de travailleurs
à faible revenu bénéficieront d'une allocation-logement
pouvant atteindre 52 $ par mois. Plus de 70 % des bénéficiaires
de l'allocation-logement sont des familles monoparentales dont le chef est une
femme, dans la très grande majorité des cas.
J'aborde enfin la question de l'aide à l'emploi. Le gouvernement
a la responsabilité de
développer à l'intention des personnes aptes au travail
des programmes scuples destinés à favoriser leur
intégration au marché de l'emploi dans les plus brefs
délais.
Nous partageons avec Félix Leclerc la conviction que "la
meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer pour être
chômeur." Nous avons résolument l'intention de nous servir d'une
partie de l'énorme budget de l'aide sociale comme levier pour la
création d'emplois.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourbeau: Dans la foulée de la politique de
sécurité du revenu, le gouvernement lancera donc un programme
spécifique d'aide à l'emploi en vertu duquel il offrira aux
employeurs privés, aux municipalités, aux ministères du
gouvernement et aux organismes communautaires bien structurés une
subvention pouvant couvrir une partie importante du salaire d'un prestataire
engagé pour une période de six à dix-huit mois. Je tiens
à préciser, M. le Président, qu'il s'agit là de
véritables emplois offerts aux personnes aptes au travail. J'annoncerai
bientôt les détails de ce programme.
Voilà, M. le Président, les principales modifications
apportées à la politique de sécurité du revenu qui
font en sorte que la réforme de l'aide sociale est marquée au
coin de la cohérence, de l'équité, de l'incitation au
travail et de la générosité de nos concitoyens à
l'égard des personnes les plus démunies. Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci, M. le ministre. Des voix:
Bravo!
Le Président: En réponse à cette
déclaration ministérielle de M. le ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, je vais reconnaître Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, c'est bien à tort que,
depuis un an, le gouvernement usurpe le terme "réforme" pour
présenter ses projets successifs de coupures à l'aide sociale.
D'une annonce à l'autre, les coupures diminuent, mais la
véritable réforme est toujours absente. Comme dans bien d'autres
dossiers d'ailleurs, depuis trois ans, le gouvernement fait trembler en
annonçant le pire, puis il remet une partie de ce qu'il a
prétendu enlever et s'attend à en être remercié. Le
meilleur exemple est certainement la nouvelle allocation de
disponibilité. Le ministre dit et je le cite: Cette modification
représente une amélioration importante par rapport à
l'énoncé initial de la politique de sécurité du
revenu. Cette supposée amélioration n'est pourtant que le
maintien du barème déjà existant. Bravo, M. le ministre!
Le statu quo est pourtant fort décevant en regard de l'incapacité
dans laquelle se trouvent toujours les personnes assistées sociales de
conserver une partie substantielle de leurs éventuels gains de
travail.
Le ministre semble heureux d'avoir satisfait ses collègues
ministériels et son parti en colmatant temporairement leurs propres
critiques. Depuis deux mois, c'est comme si le gouvernement s'était
parié à lui-même dans ce dossier en faisant
complètement fi des sévères mises en garde et des
nombreuses critiques soulevées par des centaines d'associations
représentatives, de la Conférence des évêques
à la ville de Montréal, la semaine dernière, et, encore
hier, du Syndicat des fonctionnaires provinciaux. D'ailleurs, depuis sa
nomination, le ministre a voulu privatiser sa consultation en dénigrant
le processus de la commission parlementaire comme un spectacle auquel il ne
voulait pas se prêter. Le résultat est d'autant plus
décevant que le ministre n'a été à l'écoute
que des intérêts immédiats de sa propre formation
politique.
En matière de contribution alimentaire parentale, afin de
satisfaire la Commission jeunesse de son parti, le ministre annonce aujourd'hui
qu'il mettra en place des recours administratifs comparables à ceux
entrepris dans le cas d'une personne qui néglige de verser une pension
alimentaire à son conjoint. Voilà que la réforme vient
judiciariser les relations familiales.
Déjà très critiquées par les organismes
familiaux - le ministre délégué à la Famille le
sait d'ailleurs - comme étant abusives et autoritaires, les mesures
mises en place, les dispositions prévues à l'égard de la
pension alimentaire et contenues dans le projet de loi 37 seront donc
élargies aux relations parents-enfants-adultes. (14 h 20)
Ainsi donc - et je cite le ministre - le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pourra
dorénavant signifier aux parents qui manquent à leur obligation
relative à la contribution alimentaire qu'ils s'exposent à des
recours comparables à ceux qui sont entrepris dans le cas d'une personne
qui néglige de verser une pension à son conjoint. Un beau nid
à chicane en perspective et une belle politique familiale.
De plus, le ministre prétend se satisfaire d'ajuster la
contribution parentale qu'il maintient à l'aide sociale à celle
déjà fortement contestée qui existe dans le régime
des prêts et bourses aux étudiants. Pourtant, contrairement
à ceux et celles qui investissent dans un avenir meilleur en
acquérant un diplôme, l'aide sociale est un programme de dernier
recours, un programme de subsistance qui permet à un adulte de tout
juste faire face à ses besoins immédiats. Le gouvernement doit
respecter la dette d'honneur qu'il a contractée à l'égard
des moins de 30 ans à qui il a promis, il y a trois ans, la pleine
parité sur le programme d'aide sociale.
En matière d'allocation-logement, la mesure proposée
soulève de vives inquiétudes, notamment puisqu'elle peut se
transformer en une prime à la hausse des loyers beaucoup plus qu'en une
véritable mesure de logement social.
M. le Président, j'aimerais rappeler ce que les porte-parole de
la ville de Montréal qui sont chargés de l'administration du
programme d'aide sociale à Montréal disaient de la mesure de
coupure pour partage de logement qui est toujours maintenue dans le projet de
loi 37. La cohabitation, disaient les porte-parole de la ville, est une
condition facilitant la reprise en charge des assistés sociaux. Il est
inacceptable que, lorsque quelqu'un se donne...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Harel: ...les moyens de s'en sortir, cette personne soit
immédiatement pénalisée sur ses prestations.
J'aimerais également mettre en garde le ministre contre cette
nouvelle mesure qui n'est pas vraiment décrite mais qui est a peine
ébauchée à la toute fin de sa déclaration
ministérielle. Il faut veiller à ce qu'aucun programme, comme le
rappellait hier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, ne mène au
développement d'un bassin de main-d'oeuvre à bon marché,
au détriment du respect des lois du travail existantes et du principe
fondamental "à travail équivalent, salaire égal". M. le
Président, la subvention peut permettre à un employeur d'utiliser
de façon répétitive une main-d'oeuvre qui est mise
à pied au fur et à mesure que se termine la subvention, de
manière à faire remplacer les stagiaires par de nouveaux
subventionnés.'
Il faut certainement que le ministre réponde plus
sérieusement à l'échec retentissant que constitue le
programme APPORT présentement. Le gouvernement ne peut prétendre
faire adopter aveuglément, dans le cadre de la loi 37, les dispositions
du programme APPORT sans d'abord répondre aux questions sérieuses
que son échec soulève. Le ministre des Finances avait
invoqué, lors du discours sur le budget d'avril 1987, que ce programme
bénéficierait à 44 000 familles. Au moment où l'on
se parle, c'est à peine 16 000 familles des 44 000 supposées
familles bénéficiaires qui peuvent actuellement toucher une
allocation du programme APPORT. Ce programme est certainement un échec
retentissant pour le gouvernement qui avait aboli le programme
précédent pour cause d'inefficacité et qui avait
remplacé le programme du gouvernement précédent avec grand
fracas, lors du discours sur le budget du printemps 1987.
À peine 35 % de l'objectif des 44 000 familles sont atteints,
malgré, on le sait, l'impression de 1 000 000 de dépliants, plus
de 100 000 demandes d'information et plus de 50 000 formulaires d'inscription
envoyés. Ce programme est un échec, et le gouvernement doit
répondre de cet échec avant de le faire adopter. Alors, M. le
Président, en conclusion, il est évident que nous allons exiger
le dépôt de la réglementation. Simplement à se
rappeler que 39 pouvoirs réglementaires se retrouvent à l'article
90 du projet de loi 37 et cet engagement que le prédécesseur du
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a pris
en cette Chambre de déposer les règlements. Nous attendons que
cet engagement soit respecté par le ministre. Merci, M. le
Président.
Le Président: Je remercie, Mme la députée de
Maisonneuve. Pour son droit de réplique, M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. M. le ministre.
M. André Bourbeau (réplique)
M. Bourbeau: M. le Président, à entendre la
députée de Maisonneuve, il semble qu'il faudrait faire une
réforme de l'aide sociale, mais sans aucun changement. Dès qu'on
fait un changement, elle nous blâme de faire quelque chose. C'est bien
évident que, quand on fait une réforme, il faut changer des
choses.
Qu'est-ce que nous faisons avec la réforme que nous avons devant
nous? Nous faisons en sorte de venir en aide, d'une façon
privilégiée, à un groupe d'assistés sociaux qu'on
appelle les non employables ou, si vous voulez, les inaptes, un groupe
d'environ 100 000 familles dont l'état de santé physique ou
mentale est tellement détérioré qu'ils ne peuvent
absolument pas travailler. Pour ces gens-là, le gouvernement a
décidé de faire un effort particulier et spécial. Nous
faisons en sorte de suivre l'exemple de toutes les provinces canadiennes et de
la très grande majorité des pays industrialisés. Je
continue à ne pas comprendre pourquoi la députée de
Maisonneuve et l'Opposition d'ailleurs s'attardent toujours à s'opposer
à cette distinction que nous faisons entre les aptes et les inaptes,
puisque le Québec retarde à ce point de vue.
D'autre part, la réforme met fin à la distinction quant
à l'âge. On ne peut plus tolérer aujourd'hui, dans le
contexte des chartes des droits, de maintenir cette distinction artificielle
d'un traitement spécial pour les plus de 30 ans par rapport aux moins de
30 ans. Nous en avions d'ailleurs déjà fait un engagement
électoral. Nous nous étions également engagés
à introduire un mécanisme d'incitation au travail dans la
réforme, de sorte qu'il soit dorénavant plus rentable d'aller
travailler, même au salaire minimum, que de demeurer à l'aide
sociale, ce qui est le cas présentement d'une certaine clientèle
comme, par exemple, les couples avec deux enfants. Dans le système
actuel, c'est plus payant de rester chez soi bénéficiaire de
l'aide sociale que d'aller travailler. Il fallait donc que le gouvernement
fasse en sorte de mettre fin à ce manque d'incitation au travail.
Je tiens à dire à la députée de Maison-
neuve, contrairement à ce qu'elle a affirmé, que j'ai
consulté non seulement les instances de mon propre parti, mais
également la députée de Maisonneuve elle-même et les
leaders syndicaux; j'ai rencontré Nosseigneurs les évêques
et les dirigeants de la ville de Montréal. J'ai fait le tour du front
commun des assistés sociaux et de tous les groupes qui avaient quelque
chose à dire au sujet de la réforme. Je les ai consultés,
je les ai écoutés et j'en ai tenu compte dans mes
propositions.
Maintenant, je pourrais parler de certains sujets. Tout ce que je peux
dire, c'est qu'il m'apparaît que l'objection qu'on faisait à la
réforme, jusqu'à maintenant, surtout dans les milieux du front
commun des assistés sociaux, tenait à trois sujets.
Premièrement, l'incitation au travail qu'on disait trop négative.
Je pense qu'avec la mesure que j'ai introduite aujourd'hui, on fait
disparaître la pénalité négative, évidemment,
qui était imposée aux assistés sociaux en attente d'une
mesure d'employabilité.
Pour ce qui est de la contribution alimentaire parentale, je pense que
l'abolition de la contribution minimale, c'est vraiment un pas en avant parce
que cela enlève ce qu'il y avait d'un peu odieux, si je peux m'exprimer
ainsi, pour les familles pauvres, les familles déjà
bénéficiaires de l'aide sociale.
Finalement, la question du partage du logement. La proposition que nous
avons sur la table est une réponse exceptionnelle au problème du
logement des familles à faible revenu. En introduisant le programme
d'allocation-logement, nous répondons beaucoup mieux au problème
de logement des familles bénéficiaires de l'aide sociale qu'en
enlevant, par exemple, le partage du logement. C'est une réponse
ponctuelle qui vient en aide aux familles qui en ont le plus besoin,
spécialement aux familles monoparentales.
Bref, M. le Président, et je conclus sur cela, les
réponses que nous apportons aujourd'hui font en sorte que,
dorénavant, les oppositions qu'on apportait à la réforme
de la sécurité du revenu devraient, sinon tomber, du moins
être amoindries à ce point que, j'espère, toutes les
personnes raisonnables voudront maintenant se rallier à la
réforme et voter avec nous dans le meilleur intérêt des
assistés sociaux et de tous les Québécois. Je vous
remercie.
Le Président: Je vous remercie, M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Nous allons maintenant
procéder à la présentation de projets de loi. M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: Non, M. le Président.
Le Président: Dépôt de documents, M. le
ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation.
Rapport annuel de la Régie du logement
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. J'ai
l'honneur de vous présenter le rapport des activités de la
Régie du logement pour l'année budgétaire 1987-1988.
Le Président: Le document est maintenant
déposé. M. le ministre délégué aux
Forêts, toujours à l'étape du dépôt de
documents.
La forêt privée, un potentiel à
développer
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'un groupe de
travail. Ce rapport est intitulé. La forêt privée, un
potentiel à développer. Le groupe présidé par
le député de Beauce-Nord avait pour mandat d'analyser les
principes, les orientations et les programmes d'aide existant actuellement en
forêt privée. (14 h 30)
Le Président: M. le ministre, votre document est
maintenant déposé.
Dépôt de rapports de commissions, M. le président de
la commission du budget et de l'administration et député de
Vanier. M. le député de Vanier.
Vérification des engagements financiers
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé les 31 mars, 11 et 25 octobre ainsi que les 1er et 3
novembre 1988 afin de procéder à la vérification des
engagements financiers du ministère des Approvisionnements et Services,
du ministère du Revenu, des organismes relevant du ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation et du
ministre délégué à l'Administration et
président du Conseil du trésor pour la période couvrant
les mois d'août 1987 à août 1988.
Le Président: M. le député de Vanier, votre
rapport de commission est déposé. M. le président de la
commission des institutions et député de Taillon.
Étude détaillée des projets de
loi 33 et 72
M. Filion: Oui, M. le Président. Je voudrais
déposer deux rapports: celui de la commission qui a siégé
le 17 novembre 1988 afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 33, Loi modifiant le Code de
procédure civile concernant le recouvrement de pensions alimentaires
ainsi que le rapport de la commission qui a siégé le 17 novembre
1988 afin de procéder à l'étude détaillée du
projet de loi 72, Loi modifiant la Loi sur les jurés.
Le Président: M. le député de Taillon, vos
deux rapports de commission sont maintenant déposés. M. le
président de la commission de l'aménagement et des
équipements et député de Bertrand.
Étude détaillée du projet de loi
14
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, j'ai deux
rapports moi aussi. D'abord, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la
commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 17 novembre 1988 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi sur la
réorganisation municipale du territoire de la municipalité de la
Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent. Ce projet de loi a été
adopté avec amendement.
Étude détaillée du projet de loi
53
Aussi, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de
l'aménagement et des équipements qui a siégé le 17
novembre 1988 afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 53, Loi modifiant la Loi sur la
Communauté urbaine de Québec concernant la paroisse de
Saint-Dunstan-du-Lac-Beauport. Le projet de loi a été
adopté.
Le Président: M. le député, vos deux
rapports sont maintenant déposés. Est-ce qu'il y a d'autres
dépôts de rapports de commissions?
Dépôt de pétitions. M. le député de
Joliette et chef de l'Opposition.
M. le député de Bertrand, dépôt de
pétitions.
Empêcher la commercialisation du
dimanche
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président. Je
dépose l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 242 pétitionnaires des Travailleurs
unis de l'alimentation et du commerce des comtés de Bertrand, de Laporte
et de Châteauguay. L'intervention réclamée se lit comme
suit: Que l'Assemblée nationale du Québec légifère
rapidement dans le but d'empêcher la commercialisation du dimanche. Je
certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition.
Le Président: M. le député de Bertrand,
votre pétition est déposée.
M. le député de Saint-Jacques, toujours à
l'étape de dépôt de pétitions.
M. Boulerice: M. le Président, je dépose une
pétition adressée à l'Assemblée nationale par 902
pétitionnaires des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce
des comtés de Saint-Jacques, de Laprairie, de Marquette, de Mont-Royal
et de Richelieu. L'intervention réclamée se lit comme suit: Que
l'Assemblée nationale du Québec légifère rapidement
dans le but d'empêcher la commercialisation du dimanche. Je certifie que
cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la
pétition.
Le Président: Votre pétition est
déposée, M. le député de Saint-Jacques. Y a-t-il
d'autres dépôts de pétitions?
Cet après-midi, il n'y aura pas d'intervention portant sur une
violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
Avant de procéder à la période
régulière de questions, j'aimerais aviser tous les membres de
cette Assemblée que nous allons procéder à un vote qui a
été reporté mercredi dernier. Il s'agissait de la motion
de l'Opposition présentée par M. le député de
Bertrand.
Je suis prêt à reconnaître une première
principale cet après-midi à M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Libre-échange et emploi au
Québec
M. Chevrette: M. le Président, "Libre-échange et
emploi au Québec: les chiffres existent mais Bourassa ne veut pas jeter
d'huile sur le feu". C'est ce qu'on titrait la semaine dernière et ce
sont des paroles qu'on entendait de la bouche du ministre de l'Industrie et du
Commerce. Étant donné maintenant que la période de grande
neutralité du premier ministre, du ministre des Transports, de la
vice-première ministre et de la ministre de la Santé est
terminée, est-ce que le premier ministre peut nous dire ce matin quand
il rendra les chiffres publics, s'ils existent?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je suis très heureux de revoir le chef de
l'Opposition, de le trouver en pleine forme, sur un ton serein. Je n'ai pas pu
communiquer personnellement avec lui pour voir si tout avait bien
été, mais il semble bien et on en est tous très heureux.
On l'a manqué la semaine dernière. Non, très
sincèrement. Avec toutes mes excuses au député de
Lac-Saint-Jean.
M. le Président, je veux dire au chef de l'Opposition que sur
cette question-là, qui est une question importante, nous l'avons dit et
l'admettons, le ministre responsable fait des études depuis plusieurs
mois. J'ai énoncé, la semaine dernière, un
échéancier des rencontres qu'il y avait eu avec les
représentants des employeurs et les représentants des syndicats.
J'ai dit qu'à la mi-décembre, nous connaîtrions l'ensemble
des ajustements. Le premier ministre du Canada disait, il y a quelques instants
même, au cours d'une conférence de presse à Baie-Comeau,
que c'était pour lui une priorité majeu-
re. II est clair maintenant que la population canadienne s'est
prononcée sur la question du libre-échange. Donc, le
traité sera ratifié. Des deux côtés de la Chambre,
nous sommes d'accord avec cela.
Tantôt, en conférence de presse - le chef de l'Opposition a
dû m'écouter comme je l'ai moi-même écouté par
la suite - je donnais un exemple bien concret d'une entente qui a
été conclue et qui sera ratifiée dans les prochains jours
pour une nouvelle vente de 8 500 000 000 $ d'électricité à
l'État de New York. C'est important. Je comprends que le leader de
l'Opposition va m'interrompre, mais il sait combien c'est important pour moi de
bâtir cet énorme compte de banque dont les jeunes d'aujourd'hui
ont besoin pour commencer le prochain siècle. Alors, je suis heureux
d'annoncer qu'il y a un contrat de 8 500 000 000 $ qui s'ajoute aux 17 000 000
000 $ et aux autres qui ont déjà été
annoncés.
Alors, je veux dire au chef de l'Opposition que, dans ce contexte, le
libre-échange nous protège beaucoup mieux contre des taxes
à l'importation qui pourraient coûter très cher au
Québec. Cela dit, il y a des aspects, des périodes de transition.
Tantôt, j'écoutais le chef de l'Opposition et M. Parizeau qui
parlaient de la nécessité d'agir. Mais, je pose une question au
chef de l'Opposition ou je signale un aspect dans son argumentation. On parle
là de diminution de tarifs - le ministre pourra compléter - de
peut-être 1 % ou 2 % par année. Comment se fait-il que
l'Opposition n'a jamais posé de question sur l'impact de la hausse du
dollar canadien qui est autrement plus forte que ce qui est prévu dans
le traité de libre-échange? Depuis deux ans, il y a eu 20 %
d'augmentation des prix des exportations canadiennes. Vous n'avez jamais
posé de question là-dessus.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Bourassa: Vous avez le temps d'en poser, des questions.
Le Président: À l'ordre!
M. Bourassa: Alors, je dis au chef de l'Opposition que je veux le
rassurer. Encore une fois, il ne fait que son strict devoir. Je serais
étonné qu'il ne me pose pas des questions là-dessus
aujourd'hui. C'est la seule chose sur laquelle il peut poser des questions. Je
serais étonné. Je veux qu'il continue d'en poser, c'est
important. Mais je veux le rassurer sur la détermination du gouvernement
à protéger des travailleurs dans les cas où l'impact du
libre-échange pourrait avoir des effets.
Le Président: En additionnelle, M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, quel que soit le sujet sur
lequel on questionne, le premier ministre a le don de répondre sur autre
chose que sur le sujet dont on parle. Donc, il pourra toujours répondre
aux questions qu'il s'imaginait que nous devions lui poser. Et, à partir
de là, il va être heureux, il va se bidonner seul. Mais la
question était précise. Est-ce qu'il croit que le gouvernement du
Québec a une responsabilité dans la question des programmes de
transition? Est-ce qu'il croit que le gouvernement du Québec doit
participer? Est-ce qu'il croit qu'il est du devoir et du rôle essentiel
d'administrer tous ces programmes au niveau du Québec? Et à
combien estime-t-il la part du fédéral pour ces programmes de
transition? C'est la question fondamentale. Vous avez dit que des chiffres
existaient. Quand allez-vous les rendre publics? La question est aussi simple
que cela.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je m'excuse auprès du chef de l'Opposition.
J'admets que dans la réponse à sa première question, j'ai
pris un petit détour de quelque 8 500 000 000 $. Je veux simplement
admettre que son affirmation là-dessus... Je veux lui dire, encore une
fois, pour me référer à ce qu'il disait tantôt -
j'ai le droit de me servir de ses propos d'il y a quelques instants devant les
médias avec son chef, M. Parizeau, dont on manque toujours la
présence en cette Assemblée... (14 h 40)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Lorsque nous parlons de libre-échange, nous
ne parlons pas d'union douanière. Je veux dire que faire un lien entre
ça et l'indépendance du Québec, ce n'est pas
réaliste. On ne parie pas d'intégration et de marché
commun. Il n'y aura pas un Parlement nord-américain comme en Europe
où des députés québécois, canadiens et
américains seraient élus. Je veux simplement situer une
distinction bien nette entre un accord de nature pratique, limité
à des réductions de tarifs et quelques autres points, et une
intégration économique classique comme on en connaît dans
le marché commun européen.
Ceci dit, je dis au chef de l'Opposition qu'il aura toutes les
réponses. J'ai donné un échéancier. Il disait
lui-même, lors de sa conférence de presse: Est-ce que le
gouvernement va attendre le rapport de Grandpré? J'ai dit au chef de
l'Opposition qu'à la mi-décembre, nous aurons toute l'information
donnée. Le premier ministre du Canada vient de dire, quelques heures
après sa réélection qui était, à toutes fins
utiles, à l'intérieur du Parti conservateur, un
événement historique... Quelques heures à peine, sans
jouir de son rôle dans l'histoire, il annonce déjà que la
question des programmes de transition est une priorité majeure pour lui.
Je pense que le chef
de l'Opposition devrait être rassuré. Je peux lui
répéter tout l'échéancier. Peut-être que vous
pouvez faire l'interpellation vendredi... Je ne sais pas s'il est trop tard
pour faire l'interpellation là-dessus vendredi prochain. Je pense que le
ministre serait heureux d'être présent. Alors...
M. Gendron: Consentement. Une voix: Consentement. Le
Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. Bourassa:
On pourra donner...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre, en conclusion. M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'ai dit au chef de l'Opposition, pour ne pas lui
répéter tous les détails, qu'il y a eu des rencontres; 155
entreprises ont répondu, etc.... Je lui ai donné ça la
semaine dernière. Je l'ai donné aussi, je crois, lors d'une
conférence de presse. Je lui dis que nous aurons toutes les informations
et, avant la mise en application du traité pour les secteurs
affectés... Il ne faut quand même pas dramatiser. On sait que
chaque année, au Canada, des centaines de milliers d'emplois sont perdus
et des centaines de milliers sont créés, et au Québec,
selon des études - sous réserve de vérification - l'an
dernier, 100 000 nouveaux emplois se sont créés de plus que ceux
qui ont été perdus.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Gendron: Question de règlement pour la forme...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: ...je tiens à le signaler. Il est
peut-être bon de le communiquer au public. Il n'existe pas de
règlement pour les réponses du premier ministre. Cela fait
plusieurs fois que vous me le rappelez. Mais je voudrais vous rappeler que je
ne comprends toujours pas pourquoi, en cette Chambre, il y aurait un
règlement pour tous les autres parlementaires à la période
de questions et il n'y en aurait pas pour le premier ministre. Cela fait trois
fois que vous dites: En conclusion. Il recommence: Ce que je veux dire, c'est
ce que je vais vous dire, mais toujours à la fin de sa réponse.
S'il s'en tenait à la question posée, il pourrait commencer par
ce qu'il veut nous dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition,
comme c'est son rôle, a tendance à dramatiser cette question des
périodes de transition. C'est son rôle. C'est la seule
bouée de sauvetage. C'est l'équivalent, à toutes fins
utiles, d'une... Je les comprends. Ils ne peuvent pas... Ils sont d'accord avec
tout le reste, toutes les politiques du gouvernement. Je dis au chef de
l'Opposition que dans l'ensemble de ce qui se crée et de ce qui se perd
en emplois... Le Conseil économique du Canada disait que c'est environ 5
%. L'an dernier, par exemple, si 400 000 emplois ont été perdus,
500 000 ont été créés alors qu'on parle là
de peut-être 5 % du total. Et que le 1er janvier qui vient... Le chef de
l'Opposition disait lui-même, lors de sa conférence de presse, que
c'était le ou vers le 1er janvier. Lui-même admettait que
ça ne serait peut-être pas le 1er janvier. Il disait
lui-même que le 1er janvier qui vient, là où il y aura
baisse de tarifs, tous les secteurs, comme le disait le ministre de
l'Industrie, du Commerce, tous les secteurs ont accepté. Donc, on parle
sur une période...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...de cinq ans... Je termine, M. le
Président. On parle, sur une période de cinq ans ou de dix ans,
d'une baisse de tarifs de 1 %, peut-être 2 % dans un cas alors que le
dollar varie de 7 % à 8 % ces années-ci. J'espère que vous
comprenez. Le dollar varie de 7 % à 8 % pour les prix, et on parle de 1
%. Alors essayez de comprendre et vous allez être encore d'accord avec
nous.
Le Président: Si vous me le permettez, M. le chef de
l'Opposition. Pour répondre à la question de règlement
présentée par M. le leader de l'Opposition, tout à
l'heure, je dirai que la discrétion accordée au premier ministre,
je l'ai toujours accordée également au chef de l'Opposition et
j'ai l'intention de continuer.
M. Gendron: II pose des questions, il ne prend pas...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je vous ferai remarquer, M. le Président,
que je n'ai jamais trop trop abusé du temps pour les questions, mais,
cette fois-ci, je vais le faire.
Une voix: Bravo! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Je vais vous expliquer, M. le Président. Au
public, aux groupes de salariés, aux syndicats, à la petite et
moyenne entreprise qui n'est pas nécessairement prête à
faire face à la concurrence et qui devra s'adapter - on retrouve
cela même dans l'étude de Samson, Bélair, qui dit
qu'il faudra des programmes de transition y compris pour la petite et moyenne
entreprise - le premier ministre et son ministre nous disent que des chiffres
existent, que des études d'impact sont faites, mais chaque fois qu'on
lui posait une question avant les élections fédérales,
alors qu'il aurait pu profiter du momentum, comme l'a fait l'Ontario, au moment
où il aurait véritablement pu profiter de son rapport de forces,
je comprends qu'il ne le pouvait pas parce que, au moment où il se
pavanait en se disant pour le libre-échange, les trois-quarts de ses
ministres se pavanaient sur les scènes contre le libre-échange
avec les députés libéraux.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Cela a été le cas de son organisateur
en chef.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: Guy! Guy! Guy!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Au moment, M. le Président, où son
principal organisateur a mis la "big red machine" en marche dans
Québec-Est et Charlesbourg contre le libre-échange, il affichait
un grand air de neutralité et lançait des appels aux centrales
syndicales pour qu'elles soient très compréhensives devant la
situation. Il disait qu'il voulait être neutre et il lançait des
appels à la quiétude. M. le Président, j'en suis à
quelques minutes de ma conclusion.
Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Votre question.
M. Chevrette: M. le Président, je disais donc que la
pseudo neutralité du premier ministre...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: ...a laissé sous-entendre, pendant une
semaine, que tout existait, que tous ces chiffres étaient connus. Il se
donne jusqu'au 15 décembre...
Une voix: Cela n'a pas de bon sens.
M. Chevrette: Savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce
qu'ils ont commencé la semaine dernière à rédiger
des mémoires dans les onze ministères. Cela ne s'est pas fait
avant. Ils n'ont pas fait de demandes concrètes.
Le Président: Votre question.
M. Chevrette: Au moment où on se parle, ce ne sont que des
demi-vérités et même du contraire à la
vérité, M. le Président, qu'on nous sert...
Le Président: Votre question!
M. Chevrette: ...et je vais vous dire pourquoi en 30 secondes en
conclusion.
Le Président: Votre question! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Gendron: Prends ton temps, ça ne presse pas.
Le Président: Votre question, s'il vous plaît!
M. Chevrette: M. le Président, au mois de décembre
1987, je demandais au ministre de l'Industrie et du Commerce...
M. Gendron: Cela n'a pas de bon sens, mais c'est ça
niaiser.
M. Chevrette: ...est-ce que, avant de donner votre accord au
libre-échange, vous aurez préalablement réglé la
question du quantum de participation aux programmes de transition? Page 5217.
Voici ce que répondait ce cher ministre, à la page 5218, M. le
Président: "Je prends l'engagement, comme nous l'avons pris, que,
condition-nellement à l'adhésion du Québec à ce
traité de libre-échange, doivent exister des mesures et des
périodes de transition accompagnées des mesures
nécessaires pour permettre aux entreprises qui seront le plus
touchées de passer au travers et de demeurer compétitives". La
semaine passée, le premier ministre nous disait que c'était tout
juste en préparation. Qui dit la vérité, M. le
Président? Si le premier ministre a droit à 20 minutes pour
répondre en dehors des questions, je dois prendre au moins quelques
minutes pour le replacer dans le sujet.
Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre!
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: M. le Président, je n'ai quand même pas
pris 20 minutes. La période a commencé il y a quinze minutes.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre, vous avez la parole.
M. Bourassa: Toujours ce sens de la mesure qui fait défaut
à l'Opposition! Ce que j'ai dit tantôt... D'ailleurs, je ne suis
pas pour reprendre le préambule du chef de l'Opposition, il cite
l'Ontario et le libre-échange et je ne pense pas qu'aujourd'hui soit la
meilleure journée pour
citer l'Ontario. (14 h 50)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition ne comprend pas? Ce que je
dis au chef de l'Opposition, c'est que ce que je viens de mentionner, les
rencontres en septembre 1988, j'ai dit ça il y a exactement deux
semaines et la semaine dernière. Il n'y a pas de nouveau aujourd'hui.
J'ai dit simplement que tout était en marche: les négociations,
les discussions avec les travailleurs et les employeurs. Dans ma
réponse, il me semble que c'est pertinent... Si le chef de l'Opposition
peut m'écouter, je donne dans ma réponse le contexte où
ça s'exerce. Je lui dis que le taux de change a varié beaucoup
plus que les prévisions de réduction tarifaire. Il me semble que
c'est pertinent. Faites un petit effort pour comprendre la pertinence de ces
propos. Je donne le contexte où ça va se faire. Je dis que chaque
année il y a des centaines de milliers d'emplois qui sont perdus. Il y
en a es centaines de milliers et l'an dernier, 100 000 de plus au
Québec. C'est pour ça qu'on a eu 100 000 emplois. C'est
ça, la mobilité du marché de la main-d'oeuvre. Nous
assistons, au Canada, dans les sociétés industrielles, à
une mobilité sans précédent de la main-d'oeuvre. Le
libre-échange va l'accroître pour une partie très marginale
dans les premières années. Nous avons un grand nombre de
programmes pour y faire face. Nous en aurons d'autres pour faire face à
l'augmentation graduelle, en plus du milliard de dollars dépensé
par les deux gouvernements pour l'adaptation qui existe déjà.
Pour résumer, M. le Président, examinons donc la
portée réelle des changements, on va s'apercevoir qu'elle est
bien moindre que ce que nous avons connu avec le taux de change.
Deuxièmement, examinons les programmes déjà existants, un
grand nombre de programmes existants, des centaines de millions de dollars qui
sont affectés. Troisièmement, examinons les nouveaux programmes
qui sont en préparation pour s'ajouter aux programmes qui existent
déjà et qui vont évidemment régler le
problème à la grande satisfaction de l'ensemble de la population
et des travailleurs concernés et au grand découragement de
l'Opposition officielle.
Le Président: Je vais reconnaître la deuxième
question principale à M. le député de Ver-chères.
M. le député de Verchères.
Procédé Pyral pour la destruction des
BPC
M. Charbonneau: M. le Président, pour reprendre les
paroles du premier ministre, on va parler un peu de contexte. Si ça ne
vous dérange pas trop, on va changer de sujet. Nous allons parler
d'environnement, M. le Président. Hier, on apprenait qu'il y avait dans
l'air le projet d'un autre incinérateur de BPC au Québec,
ajouté à celui de la compagnie Sanivan, à Senneterre, et
ajouté également au projet des promoteurs du
procédé Pyral. On est actuellement devant au moins trois projets
de développement technologique à l'égard de la destruction
des BPC.
Le problème, c'est qu'on a devant nous une enquête du
Bureau des audiences publiques du Québec qui, d'une certaine
façon, gèle toute l'opération jusqu'à ce qu'on ait
évalué. Voilà le contexte.
La question que je voudrais poser aujourd'hui au ministre de
l'Environnement est la suivante: II y a déjà plus de deux ans, en
fait depuis le mois de juin 1985, le gouvernement du Québec a
favorisé le développement d'un de ces trois
procédés, en l'occurrence le procédé Pyral qui
avait été mis au point par des chercheurs de l'Université
de Sherbrooke. Ce procédé s'est avéré suffisamment
important et intéressant pour qu'Hydro-Québec s'y associe, dans
un premier temps, et pour qu'éventuellement une firme importante du
Québec, Lavalin, en arrive, après des évaluations,
à des conclusions fort intéressantes à l'égard de
ce procédé.
La question qu'on voudrait poser aujourd'hui au ministre de
l'Environnement, c'est: Pourquoi le ministère de l'Environnement
n'a-t-il pas soutenu efficacement les chercheurs de l'Université de
Sherbrooke pour que ce procédé soit développé et
qu'on ait en main actuellement, et déjà depuis un bon bout de
temps, une usine de destruction mobile qui, toutes proportions gardées,
quand on fait les comparaisons, compte tenu des évaluations qui ont
été faites, serait plus efficace au plan écologique et au
plan financier? Qu'est-ce qui permet d'expliquer qu'aujourd'hui, on se retrouve
en panne comme société alors que le ministère de
l'Environnement aurait pu soutenir le développement d'un
procédé technologique issu de la recherche de chercheurs
québécois?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, le procédé
Pyral a été appuyé par Hydro-Québec à la
suite d'une découverte d'un chercheur de l'Université de
Sherbrooke. Le ministère de l'Environnement a donné tout son
appui technique. J'ai cité des lettres, des mémos en public que
je pourrais déposer ici, des inspections qui ont été
faites sur le site par tous les gens du ministère. Nous avons
écrit au promoteur pour lui demander de déposer des avis et des
devis, de se soumettre à toutes les procédures du
ministère de l'Environnement pour qu'on puisse pousser le projet en
avant. Ce qui est arrivé, c'est que, pour ses propres raisons,
Hydro-Québec, qui était le financier du projet, a
décidé de ne plus investir de l'argent dans ce
procédé, à la suite d'une série de tests qui se
sont révélés négatifs. Hydro-Québec a pris
cette décision pour ses raisons à elle, parce qu'elle pensait
qu'elle
aurait à investir beaucoup trop d'argent là-dedans. Par la
suite, l'inventeur s'est retourné vers une compagnie américaine.
Le projet est en état embryonnaire maintenant. Ce n'est pas un projet
éprouvé.
Naturellement, nous nous réjouirons de tout projet qui peut
répondre aux critères d'élimination au Québec,
Pyral et tous les autres. C'est ça notre position.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: M. le Président, comment le ministre de
l'Environnement peut-il renvoyer la responsabilité de la situation a
Hydro-Québec alors que l'explication qui nous a été
donnée par Hydro-Québec, à plusieurs reprises, y compris
en commission parlementaire, c'est qu'à un moment donné, sont
intervenus des éléments de conjoncture, d'une part, qui
étaient, entre autres, une déclaration du ministre de
l'Environnement affirmant qu'il fallait privilégier une option
éprouvée?
Le Préskient: Question.
M. Charbonneau: J'étais toujours dans la forme
interrogative... Et, d'autre part, comment le ministre peut-H encore une fois
renvoyer la balle à Hydro-Québec, alors qu'Hydro-Québec a
expliqué que c'est à cause de la politique du gouvernement actuel
qui privilégie le faire faire par l'entreprise privée
plutôt que par la société d'État, qu'elle a
décidé, elle, de ne pas investir ce qu'il aurait fallu investir?
Comment le ministre de l'Environnement peut-il, devant ces deux explications
données par Hydro-Québec, renvoyer la balle à
Hydro-Québec, alors que de toute évidence, la
responsabilité doit revenir...
Le Président: Monsieur...
M. Charbonneau: ...sur les épaules du gouvernement du
Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: C'est complètement farfelu, comme d'habitude,
complètement farfelu. Tout d'abord, je pourrais déposer avec
grand plaisir tous les documents que j'ai déjà rendus publics en
conférence de presse. Deuxièmement, il y a eu des
déclarations formelles, le jour de la fameuse conférence
complètement farfelue du député de Verchères et de
son chef du Parti québécois, M. Parizeau, une conférence
complètement dénuée de sens où on a cité des
propos et de l'inventeur, le professeur Lalancette, et d'Hydro-Québec
niant formellement toutes les choses que vous dites. Hydro-Québec a
démenti formellement que la décision du ministère de
l'Environnement ait été la raison qui a poussé
Hydro-Québec de ne plus investir dans le procédé.
Plutôt, les tests qui avaient été faits démontraient
qu'Hydro-Québec pourrait investir des sommes beaucoup trop importantes
pour continuer ce procédé, et c'est Hydro-Québec, de son
propre chef qui a décidé ça.
Les déclarations des représentants d'Hydro-Québec,
je pourrais les déposer ici aussi. Je pourrais aussi déposer la
déclaration formelle...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: ...du professeur Lalancette disant que le ministre de
l'Environnement lui-même, donc, moi, ou le ministère de
l'Environnement n'avait empêché aucunement le
procédé Pyral. Cela avait été une décision
prise unilatéralement pour ses propres raisons par HydroQuébec.
De dire que c'est le ministère de l'Environnement qui devrait financer
tous les projets d'inventions concernant les BPC au Québec, c'est vivre
complètement en dehors de la réalité. Il y a quelque chose
comme six projets qui sont à l'étude aujourd'hui. Je peux bien
lui donner l'explication, autrement posez-moi d'autres questions.
Le Président: Oui, il va y avoir d'autres additionnelles.
M. le député de Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Qu'est-ce qui est si farfelu que ça fasse
dire au ministre de l'Environnement que celui qui vous parle est à
côté de la "track", alors que ce sont les porte-parole mêmes
d'Hydro-Québec qui ont indiqué que c'est à cause de la
politique du gouvernement actuei d'obliger la société
d'État à faire faire plutôt qu'à faire
elle-même un certain nombre de choses qui expliquent la situation? Est-ce
que c'est la politique actuelle du gouvernement à l'égard du
développement scientifique et de la recherche au Québec que de
laisser tomber des chercheurs québécois quand ils font des
découvertes intéressantes et de les obliger d'aller à
l'étranger pour se trouver du financement et de permettre à une
entreprise privée d'ici...
Le Président: Monsieur...
M. Charbonneau: ...de développer un produit
étranger? Est-ce que c'est ça la politique du gouvernement actuel
à l'égard de la recherche scientifique et du développement
technologique?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. M. le ministre
de l'Environnement. (15 heures)
M. Lincoln: M. le Président, j'espère que vous
allez me donner un peu de temps pour répondre. D'abord, aucune preuve
à l'appui. Il dit que c'est Hydro-Québec qui a dit ça.
Moi, je peux déposer des documents pour vous montrer
qu'Hydro-Québec a situé formellement le jour de
votre fameuse conférence de presse, lorsqu'ils ont
été interviewés par la télévision et la
radio à Sherbrooke, que c'était complètement faux. Je
pourrai vous déposer des procès-verbaux d'Hy-dro-Québec.
Si je ne le fais pas aujourd'hui, je vais mettre mes documents en place et je
les déposerai demain devant vous, encore une fois. Tout cela, c'est de
connaissance publique parce qu'on a fait une conférence de presse
où on a étalé tous ces documents. Je vais vous en citer
quelques-uns que j'ai avec moi aujourd'hui. Voici, par exemple, votre
déclaration, à savoir qu'on n'a pas appuyé Pyral.
Réunion avec Hydro-Québec au sujet de Pyral: un ingénieur
chimiste, un chimiste et un ingénieur du ministère de
l'Environnement; réunion encore avec Hydro-Québec, par un
chimiste; un autre chimiste, une autre réunion quelques mois
après, du 3 octobre 1985 au 6 mars 1986. En plus de quoi, nous recevons
une lettre qui dit au ministère de l'Environnement: "Je profite de
l'occasion pour remercier, au nom d'Hydro-Québec, les services que vos
spécialistes nous ont rendus jusqu'à maintenant - c'est en mars
1986 - dans le projet de développement d'une nouvelle technologie de
destruction des BPC. Les divers conseils techniques exprimés, les...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: ...échantillonnages effectués nous ont
déjà grandement facilité l'optimalisation de certaines
composantes de l'usine, de sorte à minimiser le rejet des contaminants
atmosphériques générés par le
procédé."
Donnez-moi un peu de temps, je vais déposer tous les documents et
détruire encore toutes les "folichonneries" que votre chef et
vous-même avez racontées.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: J'aimerais que le ministre dépose tous ces
documents parce qu'on se rendrait compte-Le Président: Un
instant, s'il vous plaît! M. le député de Verchères!
Je m'excuse, vous avez fait une demande, alors je dois interpeller la Chambre.
Vous avez fait une demande. Non, je m'excuse. Avant votre question, vous avez
fait une demande. Est-ce que le ministre peut déposer ces documents?
Est-ce qu'il y a consentement de cette Assemblée pour déposer le
document dont vous avez fait part à la Chambre, M. le ministre? M. le
ministre, est-ce que vous êtes d'accord pour déposer le
document?
M. Lincoln: Je suis entièrement d'accord pour
déposer le document, c'est moi qui l'a offert.
Le Président: Parfait.
M. Lincoln: J'ai dit: Laissez-moi mettre mes documents en place.
Ces documents, je les ai déposés à la conférence de
presse.
Le Président: Alors, document déposé. Si
vous voulez déposer le document, s'il vous plaît. À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Si je
comprends bien, M. le ministre, vous avez d'autres documents également,
en plus de celui dont vous avez fait lecture. M. le ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: J'ai dit, M. le Président, afin d'être
clair, pour la quatrième fois, que j'ai toutes sortes de documents, que
je vais les mettre en place et les déposer demain.
Le Président: Parfait.
M. Lincoln: C'est ça que je vais faire.
Le Président: Votre question en additionnelle, M. le
député de Verchières.
M. Charbonneau: N'est-il pas exact, dans la volumineuse
documentation que vous avez en votre possession, que c'est plutôt vers la
fin de décembre 1986, en fait vers la fin de 1986,
qu'Hydro-Québec, d'une part, et la compagnie Lavalin en sont
arrivées à des conclusions, à savoir que le
procédé en question était le meilleur
procédé et que les problèmes qu'on avait eus lors de
l'expérimentation avaient été résolus ou pouvaient
être facilement résolus, d'une part? Est-ce qu'il n'est pas exact
aussi, curieusement, de se rendre compte que quelques mois plus tard, au
printemps de 1987, la compagnie HydroQuébec, qui s'était
associée avec la compagnie Lavalin pour former un consortium qui
s'appelle Sogestan, ont amené avec eux la compagnie Sanivan? Est-ce que,
finalement, il n'est pas curieux - en troisième, M. le Président
- de retrouver, quelque temps plus tard, tout à coup, un abandon
d'Hydro-Québec et une curieuse association Lavalin-Sanivan pour
favoriser...
Le Président: Monsieur...
M. Charbonneau: ...le procédé concurrent qui avait
été dévalué par Lavalin?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. Vous
étiez en additionnelle, M. le député de Verchères.
M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, si le député de
Verchères a des questions à poser à HydroQuébec,
qu'il les lui pose. Je ne suis pas le président ni membre du conseil
d'administration d'Hydro-Québec. Ce n'est pas moi qui prends les
décisions pour Hydro-Québec. Tout ce que je peux lui dire, ce
sont les décisions que je prends
comme ministre de l'Environnement. Là, je vais citer, par
exemple, M. Michel Pelland à M. Jean-Marc Lalancette, qui est
l'inventeur de Pyral: "Maintenant, est-ce que vous avez l'impression,
puisqu'à un moment donné le ministre Lincoln a mis fin à
cette expérience Pyral, que le gouvernement du Québec ou le
gouvernement d'Ottawa est prêt à vous confier un contrat?" Il dit
bien: "D'une part, ce n'est pas le ministre qui a terminé le pilotage de
notre procédé. D'autre part, je n'ai aucune raison de penser,
devant une technologie qui fonctionne, qu'on pourrait bénéficier
des autorisations du gouvernement." Il dit de plus: "C'est plutôt une
réaction aux corporatives de recourir à des services plutôt
que de vouloir développer une technologie elle-même." Cela m'a
semblé être l'argument principal. C'est l'inventeur lui-même
qui déclare que ce n'est pas la raison que vous invoquez vous! Je vais
déposer tous les documents et détruire, encore une fois, toutes
les bêtises que vous avez dites, vous et votre chef, au fil des mois.
Le Président: Je vais reconnaître une
troisième principale, M. le leader de l'Opposition.
Subventions versées en trop au collège
Marie-Victorin
M. Gendron: À la suite des questions
répétées de l'Opposition sur de prétendues
irrégularités dans les procédures d'inscription au
collège privé Marie-Victorin, en mai dernier, le ministre a
chargé M. Gilles Pouliot de faire enquête à ce sujet. Hier,
comme par hasard, c'était probablement un temps propice pour rendre
public un rapport qui confirme nos prétentions à savoir que le
collège a reçu, seulement pour l'année 1987-1988, des
subventions auxquelles il n'avait pas droit pour plus de 1000 étudiants
et pour une modique somme de 3 000 000 $. Le rapport impute au collège
de très graves erreurs de jugement et d'interprétation des
règles. Ma question est la suivante: Le ministre peut-il confirmer son
intention de récupérer les sommes acquises frauduleusement?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation et
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, je soulignerai que le
rapporteur, M. Pouliot, n'a pas employé l'expression "frauduleusement"
dans son rapport, il s'en est bien gardé, parce qu'il a
étudié toute la situation. Il a établi clairement qu'un
problème d'interprétation se pose à propos des quelque
1000 étudiants dont a parlé le député
d'Abitibi-Ouest. J'ai dit hier, en conférence de presse, que je fais
vérifier présentement par les services juridiques du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science la
validité des conclusions auxquelles en est venu le mandataire que
j'avais désigné pour faire enquête. Si la validité
des conclusions de M. Pouliot est confirmée par les services juridiques
du ministère, il est évident que les sommes qui auraient pu
être touchées sans que ce soit justifié devront être
réclamées par le gouvernement. Je l'ai dit clairement et je le
répète devant toute la Chambre aujourd'hui.
Le Président: M. le leader de l'Opposition en
additionnelle.
M. Gendron: Comment le ministre peut-il nous expliquer que le
collège ait pu recevoir des subventions pour des élèves
inscrits à des programmes réguliers DEC (diplôme
d'études collégiales) alors qu'il est prouvé, selon le
rapport d'enquête, que ces élèves suivaient des cours de
culture personnelle en langue seconde et des cours de préparation
à la retraite et au bénévolat?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation et
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le
ministre.
M. Ryan: C'est justement ce qui fait l'objet d'un litige
actuellement entre le collège et l'enquêteur. L'enquêteur en
est venu à cette conclusion, le collège la nie. Ils s'appuient
tous les deux sur les mêmes textes qui étaient loin d'être
parfaits et qu'il faudra améliorer, autant le texte de la loi sur les
collèges que les règles budgétaires et les décrets
qui président à la définition du niveau des subventions
pour les établissements privés. Il faut qu'on règle
d'abord la question du bien-fondé des conclusions et ce, solidement.
Ensuite, on va passer à la deuxième partie de
l'opération.
Le Président: M. le leader de l'Opposition en
additionnelle.
M. Gendron: Est-ce que le ministre ne considère pas que,
si certaines personnes ont pu bénéficier de cours qui ne sont pas
à l'intérieur d'un programme en vue d'un diplôme
d'études collégiales, cela amène à conclure que des
personnes à l'emploi du collège Marie-Victorin auraient produit
de fausses déclarations de clientèle et qu'elles ont rendu
admissibles des élèves qui ne l'étaient pas?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation et
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Nous n'en sommes pas à ce stade dans les
conclusions. Je l'ai dit tantôt. Il faut vérifier d'abord si les
inscriptions qu'ils ont faites étaient conformes à la loi et aux
règlements. À ce moment-là, on n'aura pas de recours
contre eux. Si elles n'étaient pas conformes à la loi et aux
règlements, là, nous aviserons à la fois des
récupérations qu'il faudra envisager et d'autres mesures au
besoin.
Le Président: M. le leader de l'Opposition en
additionnelle.
M. Gendron: Dans quel délai le ministre pense-t-il
être en mesure de donner suite aux diverses conclusions très
précises du rapport Pouliot sur le collège privé
Marie-Victorin?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation et
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Les recommandations qui concernent le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science sont déjà
l'objet d'actions de la part des autorités du ministère. J'ai
demandé que ces recommandations soient l'objet d'un suivi
immédiat. Maintenant, je vous donne un exemple concret. M. Pouliot
recommande que, pour les inscriptions des étudiants dans les
collèges privés, on ait un formulaire uniforme qui émane
du ministère et non pas un formulaire propre à chaque
collège. Il faut au moins l'étudier, cette recommandation. Moi,
je ne peux pas décider du haut de ma grandeur aujourd'hui: c'est cela
qui va se faire parce que j'ai reçu une recommandation. Je vais
l'étudier avec mes fonctionnaires, je vais recueillir l'avis des
établissements concernés et s'il est possible d'en venir à
cette mesure, j'en serai très heureux. S'il y a des obstacles
insurmontables, on avisera, mais il y a une chose sûre, c'est qu'il faut
que certains contrôles soient resserrés pour que nous
évitions la répétition de malentendus comme celui dont
vous parle2. (15 h 10)
Le Président: Je vais reconnaître la
quatrième question principale cet après-midi à M. le
député de Lévis.
Solution au déficit d'exploitation de la
STCUM
M. Garon: M. le Président, comme le ministre des
Transports a dû se rendre compte que la machine électorale du
député de Charlesbourg n'était pas infaillible,
possiblement que le ministre des Transports maintenant est davantage capable
d'admettre que ses procédés comptables ne sont pas infaillibles
non plus. Le ministre des Transports pourrait-il reconnaître que la
solution qu'il a rendue publique la semaine dernière, afin de
résoudre la question du déficit de 35 000 000 $ selon la STCUM et
de 39 300 000 $ selon le ministère des Transports, ne règle pas
la question ni le problème?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
puisque le député de Lévis, dans son avant-propos qui
menait à une question tout autre que son avant-propos, a effleuré
les élections fédéra- les, vous me permettrez en tout
premier lieu de féliciter tous les organisateurs libéraux
provinciaux qui ont oeuvré à faire élire des
conservateurs. C'est signe que c'est une bonne organisation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Deuxièmement, M. le
Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À la question... À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): Quant à la question
du député de Lévis, il faut convenir que la solution qui a
été annoncée la semaine dernière au déficit
d'exploitation de la Société de transport en commun de la
Communauté urbaine de Montréal est une solution qui était
plus qu'honorable et plus que satisfaisante dans les circonstances et qu'elle
règle, à tout le moins pour la partie gouvernementale, dans
l'annonce que nous avons faite, à la fois des 17 700 000 $ et de
l'obligation de faire rapport au Conseil des ministres à la fin mars
1989... Quant aux effets financiers interréseaux, elle règle en
très large partie la situation financière de la STCUM.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Est-ce que le ministre reconnaît que le budget de
la STCUM n'est pas encore en équilibre, puisque les
sociétés de transport de Laval et de la rive-sud refusent de
rembourser les 12 000 000 $ que la STCUM a inscrits dans ses livres comme
comptes à payer pour les effets de débordement?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai
demandé des avis juridiques aux conseillers juridiques du
ministère quant à la décision qu'ont prise la
Communauté urbaine et la STCUM de facturer ou d'inscrire comme comptes
à recevoir les effets de débordement qu'elles évaluent
à 17 000 000 $. À ce moment-ci, il ne faut pas présumer
que le gouvernement du Québec accepte les 17 000 000 $ que la STCUM a
quantifiés en termes d'effets de débordement. Ce n'est pas une
acceptation de la part du ministère des Transports. Deuxièmement,
les avis préliminaires que j'ai reçus du contentieux du
ministère nous laissent entrevoir que la STCUM et la CUM ne peuvent pas
utiliser un tel procédé de manière légale.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Est-ce que le ministre se rend
compte que la solution qu'il a annoncée la semaine
dernière crée beaucoup d'insatisfaction dans la région de
Montréal et, encore une fois, plutôt que d'unir les
décisions du ministre divisent la région de Montréal,
puisque la présidente de la STRSM affirme qu'H y a deux poids, deux
mesures au ministère des Transports concernant l'aide au transport en
commun?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
c'est probablement une déclaration que Mme Gravel a faite sous le coup
de la nouvelle, sans être totalement informée de ce qui se
passait. Le gouvernement actuel a reconnu des besoins qui d'ailleurs sont en
construction à la STRSM, qui, jusqu'à maintenant, n'avaient pas
été reconnus, pour les mettre sur le même pied que la
STCUM, que la Commission de transport de la Communauté urbaine de
Québec. Que l'on vienne me dire aujourd'hui que de verser 17 700 000 $
additionnels pour la reconnaissance de besoins dans le transport de trains de
banlieue Montréal-Rigaud, pour l'ajout de services dans l'est de
Montréal, sur le plan de lignes d'autobus, que c'est créer de
lïnsastffaction, je vous dis tout simplement que c'est reconnaître
des besoins qui étaient là qui ont été mis à
l'enveloppe et c'est reconnaître que dans l'est de Montréal, la
STCUM avait un rattrapage extrêmement important à faire, compte
tenu de ce qu'elle a donné comme services dans le passé.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, qu'est-ce que le ministre des
Transports entend faire pour résoudre la question des effets de
débordement, c'est-à-dire l'utilisation du réseau de la
Société de transport de la Communauté urbaine de
Montréal par les résidents des banlieues, sans contribuer
à la partie des coûts qu'ils engendrent?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
depuis la commission parlementaire du mois d'août 1987, nous avons
réuni autour d'une même table, que je présidais, les
intervenants de la STCUM, les intervenants de la STL et les intervenants de la
STRSM et nous avons discuté. On est rendu aujourd'hui à pouvoir
évaluer les utilisateurs de l'une ou de l'autre des couronnes du
système de ITle de Montréal. Nous avons réussi à
identifier cela en termes de nombre. Là où nous ne nous sommes
pas entendus, c'est sur la méthode de calcul pour en arriver soit aux 17
000 000 $ que revendique la STCUM, soit au solde positif que revendique la STL
ou la STRSM. Là où nous sommes rendus, nous allons convoquer, au
mois de janvier, une table plus large d'intervenants puisque, sur la rive sud
de Montréal, il y a au moins sept municipalités qui sont
concernées, afin de discuter de cette structure légère qui
pourrait régler un ensemble de problèmes. Et je vous ferai
rapport à ce moment-là.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Johnson pour une cinquième question
principale.
Apport du secteur privé au parc du
Mont-Sainte-Anne
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Il semble que
l'ère de la privatisation ne soit pas encore terminée, même
si le ministre délégué à la Privatisation a
récemment remis son rapport. En effet, on pouvait apprendre, en lisant
le journal Les Affaires du 22 octobre dernier, que le ministre
délégué à la Privatisation caressait un autre
projet, celui de privatiser le parc du Mont-Sainte-Anne. On sait combien de
millions ont été investis par le gouvernement dans ce projet qui
constitue l'un des plus beaux joyaux du Québec, en termes de site
récréotou-ristique. Mais l'actuel ministre semble vouloir s'en
débarrasser comme s'il s'agissait d'une vulgaire peccadille. Le ministre
peut-il nous dire s'il est exact qu'il envisage de vendre le Mont-Sainte-Anne,
comme le prétend l'actuel promoteur du mont Saint-Sauveur, M. Jacques
Hébert?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Finances et à la Privatisation.
M. Fortier: M. le Président, nous avons conduit un
programme de privatisation d'une façon très raisonnable. J'ose
espérer que la députée va nous faire confiance pour
aborder ce dossier d'une façon très raisonnable également.
Ce que nous avons dit en public, c'est qu'H n'est pas question de vendre le
Mont-Sainte-Anne, loin de là. Mais nous avons l'intention d'examiner,
avec mon collègue responsable de la SEPAQ et responsable du
Mont-Sainte-Anne, si une collaboration du secteur privé ne pourrait pas
donner lieu à une collaboration efficace pour pouvoir utiliser les
ressources actuelles et, par une collaboration du secteur privé, donner
de meilleurs services à ceux qui utilisent déjà le
Mont-Sainte-Anne. Donc, il n'est pas question de privatiser comme on l'entend
d'une façon générale, mais bien de pouvoir compter sur une
certaine participation du secteur privé pour certains services.
Le Président: Mme la députée de Johnson, une
dernière question additionnelle.
Mme Juneau: Est-ce que le ministre du Loisir est d'accord avec
cette forme de coparti-cipation telle que décrite par le ministre?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche. M. le ministre.
M. Picotte: M. le Président, si Mme la
députée de Johnson prenait la peine d'examiner ce qui se passe au
Mont-Sainte-Anne, elle devrait déjà savoir que nous faisons appel
à cette formule. Nous avons fait appel au secteur privé pour
construire un magasin de sport avec une certaine période d'années
pour faire en sorte qu'on dispense de bons services et que, par la suite, cela
revienne à la SEPAQ. On y a fait appel pour les condos. Elle me demande
aujourd'hui quelque chose que nous utilisons déjà. Il faudrait se
parler ensemble pour déterminer tout ce qui se passe là. Je pense
qu'à ce moment-là, vous allez réaliser qu'il n'y a pas
lieu de poser votre question à qui que ce soit à
l'Assemblée nationale.
Le Président: Fin de la période
régulière de questions.
Nous allons maintenant passer au vote reporté. MM. les whips? (15
h 18 - 15 h 20)
Mise aux voix de la motion de l'Opposition
proposant que l'Assemblée exige la
fermeture
des magasins d'alimentation le dimanche
Le Président: M. le whip du gouvernement. MM. les
députés, je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le
député de Bertrand présentée en vertu de l'article
97 de notre règlement. Cette motion se lit comme suit: "Que
l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement
libéral la fermeture des magasins d'alimentation le dimanche, à
l'exception des commerces de dépannage de trois employés ou
moins, respectant ainsi la qualité de vie des personnes qui oeuvrent
dans ce secteur. "
Que ceux et celles qui sont en faveur de ladite motion veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire: MM. Chevrette (Joliette), Gendron
(Abitibi-Ouest), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Blais (Terrebonne), Garon
(Lévis), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau (Johnson), MM.
Jolivet (Laviolette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Godin
(Mercier), Mme-Vermette (Marie-Victorin), MM. Boulerice (Saint-Jacques),
Claveau (Ungava), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Harel
(Maisonneuve).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite
motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire: MM. Bourassa (Saint-Laurent), Gratton
(Gatineau), Saintonge (Laprairie), Marx (D'Arcy-McGee)...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Le Secrétaire:... Levesque (Bonaventure),
Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie),
MM. Bourbeau (Laporte), Rivard (Rosemont), Séguin (Montmorency),
Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mmes
Gagnon-Tremblay (Saint-François), Robic (Bourassa), MM. MacDonald
(Robert-Baldwin), Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est),
Vallerand (Crémazie), Lincoln (Nelligan), French (Westmount),
Côté (Charlesbourg), Johnson (Vaudreuil-Soulanges),
Vallières (Richmond), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont),
Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau),
Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Philibert (Trois-Rivières),
Blackburn (Roberval), Lefebvre (Frontenac), Doyon (Louis-Hébert), Mme
Trépanier (Dorion), MM. Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Cannon
(La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat
(Vachon), MM. Polak (Sainte-Anne), Trudel (Bourget), Kehoe (Chapleau), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides),
Bélisle (Mille-Îles), Tremblay (Iberville), Théorêt
(Vimont), Hamel (Sherbrooke), Mme Béfanger (Mégantic-Compton),
MM. Parent (Sauvé), Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden
(Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), MM. Després
(Limoilou), Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost),
Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine),
Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains
(Saint-Henri), Houde (Berthier), Audet (Beauce-Nord), Leclerc (Taschereau),
Hétu (Labelle), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil
(Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault
(Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet),
Tremblay (Rimouski), Latulippe (Chambly), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington
(Matane), M. Rochefort (Gouin).
Le Secrétaire: Pour: 17
Contre: 84
Abstentions: 0
Le Président: La motion est rejetée.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du
gouvernement.
À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais maintenant
reconnaître M. le leader adjoint du gouvernement pour les avis touchant
les travaux des commissions. M. le leader adjoint.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: Merci, M. le Président.
M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui,
après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures
à 22 heures, à la salle du Conseil législatif, et, demain,
le 23 novembre, de 10 heures à 13 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'éducation poursuivra
l'étude détaillée des projets de
loi suivants: projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique, et
projet de loi 106, Loi sur les élections scolaires.
Après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si
nécessaire, de 20 heures à 22 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des institutions procédera
à l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi
modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des
détenus.
J'avise également cette Assemblée que demain, de 10 heures
à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission
du budget et de l'administration procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 70, Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit ou, dès que le principe dudit
projet de loi aura été adopté demain matin. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du
gouvernement.
Ceci met fin aux avis touchant les travaux des commissions.
Nous allons donc passer... S'il vous plaît, avant de passer aux
renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je demanderais la
collaboration de cette Chambre afin que...
Nous allons donc passer aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée. Mme la députée de Marie-VIctorin.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée
Mme Vermette: Oui, Mme la Présidente, je suis toujours en
attente du complément de réponse de la ministre de la
Santé et des Services sociaux en ce qui concerne le transport
médical sur la rive sud de Montréal. On m'avait dit que j'aurais
mon complément de réponse la semaine dernière et je suis
toujours en attente. Compte tenu des circonstances et des gens très
vulnérables qui reçoivent des traitements de
chimiothérapie et d'hémodialyse et qui sont sans services
à l'heure actuelle, je trouve cela important. La ministre
démontrerait beaucoup de courtoisie envers cette population en me
donnant le complément de réponse. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais
reconnaître M. le leader du gouvernement. Est-ce que vous pouvez
répondre à Mme la députée de Marie-Victorin? (15 h
30)
M. Lefebvre: Je m'excuse, Mme la Présidente, est-ce que la
députée voudrait bien répéter sa question, s'il
vous plaît?
La Vice-Présidente: Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, M. le leader. C'est une question que je vous
ai posée la semaine dernière, à savoir si la ministre de
la Santé et des Services sociaux a le complément de
réponse qu'elle devait me fournir ces jours-ci? Je suis en attente
depuis plus de deux semaines maintenant. Compte tenu des circonstances
où les bénéficiaires sont actuellement sans ressource, et
ce sont des traitements en chimiothérapie et d'hémodialyse,
j'aimerais bien qu'on puisse réagir prestement dans ce dossier puisque
c'est important. Ce serait de toute courtoisie envers ces
bénéficiaires.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, pour répondre
à la question de Mme la députée de
Marie-Victorin, sauf erreur, je pense que la ministre sera en mesure de
répondre à sa question incessamment, probablement cette
semaine.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.
Là-dessus, je voudrais demander la collaboration de la Chambre. On a un
peu de difficulté à s'entendre. Donc, s'il vous plaît, que
les caucus se tiennent à l'extérieur. Nous avons des salons mis
à votre disposition. Veuillez vous en servir.
Si vous me permettez, aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée, j'aimerais vous informer que demain après-midi, lors
des affaires inscrites par les députés de l'Opposition, M y aura
une motion présentée par M. le député de Joliette
et chef de l'Opposition officielle en vertu de l'article 97 de notre
règlement. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée
nationale du Québec demande au gouvernement du Parti libéral de
respecter ses engagements électoraux à l'égard des jeunes,
de cesser de remettre en question l'autonomie financière des organismes
de jeunes et de fournir les moyens garantissant la qualité de vie des
jeunes adultes."
Cet avis étant donné, ceci met fin aux affaires courantes.
Nous allons donc passer aux affaires du jour. Là-dessus, je vais
maintenant reconnaître M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Je vous demanderais
d'appeler l'article 72 au feuilleton, s'il vous plaît.
La Vice-Présidente: À l'article 72 du feuilleton, le
député... S'il vous plaît! À l'article 72 du
feuilleton, le député de Gaspé propose l'adoption du
principe du projet de loi 228, Loi modifiant la Loi concernant le sanatorium
Ross. Là-dessus, je suis prête à reconnaître le
premier intervenant.
M. Lefebvre: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Étant donné qu'il me manque certains
renseignements relativement à l'article 72 du feuilleton que je viens
d'appeler, on y reviendra tout à l'heure et je vous demanderais
d'appeler l'article 22 plutôt.
La Vice-Présidente: Donc, il y a consentement pour
ajourner l'affaire concernant l'article 72 au feuilleton. Comme on l'avait
appelé, il faut l'ajourner. Consentement? Bon, il y a consentement.
Projet de loi 78 Adoption du principe
À l'article 22 du feuilleton, la ministre des Affaires
culturelles propose l'adoption du principe du projet de loi 78, Loi sur le
statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et
de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.
Là-dessus, je vais reconnaître Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, nous
sommes ici pour adopter le principe du projet de loi 78 sur le statut
professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.
Ce, projet de loi est la deuxième pièce législative
majeure qui s'adresse aux artistes et que j'ai le plaisir de proposer pour
adoption à l'Assemblée nationale. L'an dernier, à la
même époque, j'avais soumis un premier projet pour les artistes de
la scène, du disque et du cinéma et nous l'avions adopté
à l'unanimité le 17 décembre 1987.
Si je reviens à la charge cette année, c'est pour
répondre aux attentes des créateurs des secteurs non couverts par
la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes
de la scène, du disque et du cinéma.
Avant d'exposer les intentions du projet de loi et de présenter
les principales dispositions qu'il contient, vous me permettrez, Mme la
Présidente, de revenir sur les gestes que nous avons posés depuis
un an pour améliorer la situation des artistes dont, bien sûr, la
loi 90. Je voudrais ensuite expliquer les raisons qui ont motivé une
nouvelle intervention législative en faveur des artistes des arts
visuels, des métiers d'art et de la littérature et décrire
aussi les problèmes que le projet de loi 78 propose de
résoudre.
Mai 1986 a marqué en quelque sorte le point de départ d'un
long processus qui franchit aujourd'hui une autre étape majeure. Cette
date rappelle le moment historique où, pour la première fois, les
représentants de la population que nous sommes se mettaient à
l'écoute des besoins des artistes de toutes les disciplines dans le
cadre d'une commission parlementaire entièrement consacrée
à cette fin.
Nous avons été sensibilisés au défi
quotidien que relèvent les artistes, interprètes et
créateurs, dans l'exercice de leur métier sans statut reconnu et
sans cadre juridique sur lequel s'appuyer pour faire valoir leurs droits. Cette
commission parlementaire a provoqué une réflexion d'ensemble sur
la situation de l'artiste dans ses rapports avec l'État, dans ses
rapports avec la société, aussi avec ses pairs et avec tous les
autres intervenants culturels. La Conférence des associations de
créateurs et créatrices du Québec a su d'ailleurs fort
bien résumer les demandes en soulignant, dans la présentation de
son mémoire, que sa présence devant la commission parlementaire
ne visait qu'un seul objectif, tout compte fait: "Nous souhaitons que le
gouvernement du Québec reconnaisse théoriquement et pratiquement
un statut social, économique et juridique aux créatrices et aux
créateurs qui participent activement au développement de notre
société."
À la suite des travaux de cette commission parlementaire, nous
avons examiné en détail l'ensemble des questions que les artistes
ont soulevées et c'est cet examen qui nous a dicté de
procéder en deux étapes sur le plan législatif. Cependant,
plusieurs autres actions qui nous demandaient des mesures législatives
particulières ont été entreprises et
réalisées conformément à l'énoncé
d'orientations approuvées par le Conseil des ministres en
décembre 1986. Soulignons, entre autres, la révision
complète des programmes d'aide aux artistes, accompagnée d'une
hausse significative des crédits qui leur sont alloués.
L'accès aux programmes est maintenant simplifié. Les
artistes trouvent plus aisément le programme de bourses qui convient et
les critères sont mieux définis. La relève a
également été encouragée par un ajout de fonds de 5
000 000 $ cette année. Plusieurs mesures découlant des
recommandations de la commission parlementaire sont maintenant rodées et
produisent des résultats très intéressants. Je pense en
particulier aux programmes de sensibilisation des jeunes en milieu scolaire,
dont la mise en oeuvre s'est faite en étroite collaboration avec le
ministère de l'Éducation. Par cette mesure, en 1987-1988,
près de 20 000 élèves du primaire et du secondaire ont
été intéressés à la création
artistique en participant dans leurs classes à des activités
animées par des artistes. Le succès de cette mesure ne fait plus
de doute et en deux ans nous y aurons consacré 616 000 $.
D'autres mesures particulières sont aussi en application pour la
deuxième année, et les projets qu'elles soutiennent
démontrent les besoins importants qui étaient restés sans
réponse jusque-là, notamment sur le plan de la gestion de la
carrière, sur le plan de l'amélioration de la gestion des arts et
de la consolidation
des associations d'artistes. Pour les deux années d'application
de ces mesures, nous avons déboursé 714 500 $.
Je rappellerai également que le gouvernement a approuvé en
avril dernier la politique de gestion et d'acquisition de droits d'auteur que
je lui ai présentée. La mise en application de cette politique se
fera à compter de la prochaine année financière et devrait
permettre une saine gestion des droits du gouvernement sur les oeuvres qu'il
produit. Elle définit aussi une ligne de conduite cohérente et
respectueuse en ce qui concerne les droits d'auteur que le gouvernement
acquiert.
Tous ces gestes que nous avons posés sont des manifestations
tangibles d'une priorité que je m'étais fixée en prenant
la responsabilité du ministère des Affaires culturelles. Depuis
plus de trois ans, nous y avons travaillé sans relâche parce que
nous croyions qu'il était grand temps que les artistes puissent faire
valoir leurs droits et recevoir enfin de la société que nous
représentons toute la considération à laquellle ils
pouvaient s'attendre. Je ne peux passer sous silence, évidemment, le
travail législatif que nous avons accompli l'an dernier avec l'adoption
de la loi 90. Dans cette première phase, nous avons voulu
résoudre les problèmes importants auxquels les artistes de la
scène, du disque et du cinéma étaient confrontés.
(15 h 40)
Leur situation avait déjà fait l'objet d'études et
leur principale revendication était connue et circonscrite depuis 1984.
La solution juridique n'était pas évidente, cependant. Il a fallu
faire preuve d'imagination et de créativité pour y
répondre de façon adéquate et satisfaisante. Nous avons
innové et depuis, le Québec est cité en exemple quand il
s'agit du statut de l'artiste.
Avant l'adoption de la loi 90, le statut professionnel des artistes de
la scène, du disque et du cinéma était ambigu. La loi du
travail en vigueur, bien que théoriquement applicable, n'était en
fait d'aucun recours pour négocier et aussi conclure des ententes
collectives avec les producteurs. La pratique de négociation qui
s'était forgée au cours des 50 années
précédentes n'était soutenue par aucun cadre légal
en cas de difficulté. Seul le rapport de force faisait loi. Si une telle
situation prévalait, c'est que, dans les faits, ces artistes avaient et
ont encore une pratique professionnelle davantage assimilée à
celle des travailleurs autonomes qu'à celle des salariés.
Or, aucune assise juridique n'autorisait cette catégorie de
travailleurs à se doter collectivement d'un encadrement
négocié de leurs relations du travail. La loi 90 a statué
sur ce problème de fond. De plus, la reconnaissance juridique du statut
de travailleur autonome a permis au ministère du Revenu de s'appuyer sur
cette loi pour clarifier l'interprétation de la Loi sur les
impôts. Il reconnaît maintenant le droit des artistes
interprètes de déduire certaines dépenses liées
à l'exercice de leur métier en tant que travailleurs
autonomes.
Depuis le 1er novembre de cette année, la loi 90 est en vigueur
dans sa totalité. La Commission de reconnaissance des associations
d'artistes a été formée en avril dernier. Ses membres sont
à l'oeuvre et nous prévoyons, par le nouveau projet de loi,
élargir son mandat. Je reviendrai sur le sujet au moment d'aborder les
dispositions spécifiques contenues dans ce projet.
La situation des créateurs en arts visuels, en métiers
d'art et en littérature diffère substantiellement de celle que
vise la loi 90. Elle devrait donc être traitée
séparément puisque ces artistes sont des producteurs d'oeuvres
d'art ou d'oeuvres littéraires, et ce sont d'emblée des
travailleurs autonomes. Cependant, en l'absence de référence
législative précise et explicite, c'est leur reconnaissance en
tant qu'artistes professionnels qui pose des difficultés. Il n'existe
pas de cadre communément admis et agréé dans notre
société qui permette de distinguer l'artiste professionnel de
l'amateur, autrement dit qui permette de distinguer ceux qui voudraient vivre
de leur art de ceux qui s'y adonnent pour leur seul plaisir dans leurs moments
de loisir. Il est d'autant plus difficile de le faire que la plupart des
créateurs qui veulent en faire profession sont obligés d'exercer
un ou plusieurs autres métiers, non seulement pour gagner leur vie, mais
aussi pour soutenir leur création et leur carrière.
Il est extrêmement délicat de statuer sur une telle
problématique et aussi de faire en sorte que l'État ne s'immisce
pas dans la création. Bien que les associations professionnelles aient
un rôle à jouer à l'égard du professionnalisme de
leurs membres, il fallait éviter d'instituer un corporatisme de mauvais
aloi, absolu et même outrancier.
Qu'elle vienne de l'État ou de groupes corporatifs, toute
atteinte au droit fondamental de l'artiste de créer en toute
liberté est reprehensible II en va ainsi de sa liberté
d'adhérer à tout regroupement professionnel. Le jugement
esthétique sur les oeuvres ne doit pas entrer en ligne de compte dans
l'attribution du statut professionnel. Les critères doivent être
les plus objectifs possible et correspondre aux réalités de la
pratique professionnelle et non pas à la qualité de la
création.
Par ailleurs, les artistes, particulièrement les créateurs
en arts visuels, en métiers d'art, en littérature, souhaitent
compter sur des associations professionnelles fortes, bien outillées
pour les défendre et habilitées à régir certains
aspects de la pratique selon des règles claires, acceptées par
eux. Un des problèmes importants des associations existantes, dans le
domaine des arts visuels en particulier, c'est leur fragmentation. Ces
associations se sont développées davantage dans une perspective
de promotion des disciplines qu'elles représentent que dans l'optique
d'un rôle
accru de défense des intérêts sociaux, des
intérêts économiques et professionnels de leurs membres.
Prises une à une, elles ont des moyens relativement réduits,
d'autant plus qu'elles ne peuvent exiger des contributions
élevées des artistes qui en font partie, compte tenu de leurs
revenus très modestes.
Il est apparu que cette situation pouvait constituer un frein à
la mise sur pied de services consistants comme l'établissement de
caisses de retraite, de services, de perception, des recours juridiques ou
autres services d'assistance. Par contre, dans les domaines de l'art, les
regroupements où les artistes peuvent se retrouver pour discuter, pour
faire la promotion de leur discipline et pour organiser des activités
publiques sont souhaités. Le projet de loi a dû tenir compte de
cette réalité.
Les consultations que nous avons menées pour la
préparation du projet de loi ont été éclairantes
sur les différentes facettes de la pratique artistique. Outre la
question de reconnaissance du statut professionnel des créateurs et du
rôle que doivent tenir les associations, ce sont les problèmes
relatifs aux contrats entourant la diffusion des oeuvres qui ont retenu
l'attention. La source de ces difficultés c'est le
déséquilibre des forces en présence au moment de
formaliser une entente. À maintes reprises, on nous a souligné
des problèmes pénibles pour les artistes dont les oeuvres ont
été utilisées à des fins qu'ils n'avaient pas
prévues. Dans d'autres circonstances, des artistes ont vu leurs oeuvres
mises en dépôt ou en consignation, être aussi saisies ou
vendues à cause de difficultés financières du diffuseur
sans qu'ils puissent prouver leur droit de propriété sur ces
oeuvres.
Il faut bien préciser que les diffuseurs ne sont pas
forcément de mauvaise foi. Cependant, les contrats, s'ils existent, ne
sont pas suffisamment explicites pour protéger adéquatement
l'artiste et son oeuvre contre une utilisation non voulue. Trop souvent,
l'artiste et le diffuseur conviennent verbalement d'obligations minimales
réciproques et, lorsque surviennent des difficultés, aucun
recours n'est possible. Bien que des contrats types aient été
préparés par différentes associations, ils sont peu
utilisés. Souvent même, ce sont les artistes qui omettent de les
proposer aux diffuseurs par crainte d'essuyer un refus et de perdre une
occasion d'être publiés ou exposés. Sans contrat ou avec un
contrat inadéquat, les artistes ne peuvent non plus suivre les gestes
que posent les diffuseurs ni les transactions qu'ils font. Il arrive que les
compensations financières tardent à suivre ces transactions de
sorte que les artistes sont souvent les derniers servis, lorsqu'ils le
sont.
Tous ces problèmes que je viens d'évoquer
brièvement sont de nature tout à fait différente de ceux
qui se posaient aux artistes visés par la loi 90. La solution ne
réside pas dans la négociation collective de conditions
d'engagement, mais plutôt dans la signature de contrats individuels qui
protègent davantage les créateurs. Le statut professionnel
défini par la loi 90 ne convient pas non plus à ces
créateurs. La preuve de leur autonomie est facile à faire s'ils
peuvent d'abord établir qu'ils sont des artistes professionnels. En
fait, le cadre juridique qu'ils réclament se rapprocherait davantage des
lois sur les professions que de celles sur les relations du travail et les
organisations syndicales, en évitant toutefois de confier aux
organisations qui les représentent l'exclusivité de la
réglementation de la pratique et de la formation.
Les artistes de la scène, du disque et du cinéma ont
obtenu la reconnaissance dont ils avaient besoin pour s'intégrer plus
normalement aux mécanismes sociaux de notre société
occidentale. Les créateurs des arts visuels, des métiers d'art et
de la littérature ne doivent pas être laissés pour compte.
Ce n'est pas parce que la création artistique se fait dans l'isolement,
dans la solitude que les créateurs doivent être
marginalisés et exploités lorsqu'ils offrent leurs oeuvres d'art
au public. La création est une chose, la diffusion en est une autre.
C'est par elle que se tissent les liens étroits et sensibles entre un
artiste et la société dans laquelle il vit et qu'il alimente.
L'intervention législative possède des vertus, certes, mais elle
ne peut se substituer à la volonté d'une société
d'agir de façon équitable envers les artistes. Cette
volonté doit déjà être présente. Nous avons
acquis la certitude qu'au Québec elle existe et qu'elle soutient ce que
nous proposons, puisqu'il s'agit d'équité, bien sûr, mais
aussi de la reconnaissance pleine et entière de ceux et celles qui sont
les premiers artisans de l'expression de sa culture spécifique. (15 h
50)
Dans cette seconde étape législative sur le statut de
l'artiste, nous innovons une fois de plus. Nous avons fait un tour d'horizon
pour voir ce que d'autres Parlements avaient décrété et,
nulle part ailleurs, nous n'avons pu retrouver de formule qui allie dans une
même loi la reconnaissance du statut professionnel des créateurs,
celle de leurs associations professionnelles, sans porter préjudice
à l'artiste qui ne souhaite pas adhérer à de telles
associations, et des dispositions qui protègent les droits de ces
artistes dans leurs relations individuelles avec les diffuseurs.
Nous avons constaté que certaines lois portent et portaient soit
sur un ordre de problème, soit sur un autre. La réglementation du
domaine de l'édition et du droit d'auteur est celle qui est le plus
fréquemment utilisée pour disposer des questions contractuelles
entre les écrivains et les éditeurs. Ainsi, par exemple, de
nombreux pays européens ont fixé des limites aux cessions de
droit qu'un artiste peut consentir. Certains imposent des délais aux
éditeurs pour l'impression et la diffusion des oeuvres
littéraires et, encore, les obligent à rendre des comptes aux
artistes.
Cependant, nous avons constaté que les mesures relatives aux
contrats pour les oeuvres d'arts visuels et de métiers d'art sont
à peu près inexistantes. Au Canada, le domaine des relations
entre créateurs et diffuseurs relève à la fois de la
compétence législative du Parlement du Canada et de celle des
provinces. La constitution a en effet attribué aux premiers une
compétence exclusive en ce qui concerne le droit d'auteur - article 91,
paragraphe 23 - et aux secondes une compétence exclusive en
matière de contrat - article 92, paragraphe 13.
Le Parlement du Canada, comme on le sait, a déjà
exercé sa compétence constitutionnelle. Il a d'ailleurs
adopté l'an dernier des modifications importantes à la Loi sur le
droit d'auteur. Le projet de loi dont nous proposons l'adoption de principe
aujourd'hui ne porte pas sur le droit d'auteur. Il tient cependant compte de la
loi fédérale en cette matière dans le sens où il ne
contient rien d'inconciliable avec l'application de celle-ci. En fait, le
projet porte entièrement sur des matières qui sont du ressort
exclusif des provinces en vertu de notre constitution, qui concerne non pas la
création, mais les relations entre créateurs et les relations
individuelles et collectives portant sur les contrats entre les
créateurs et aussi les diffuseurs.
En fait, l'objet et le but véritable de notre projet n'est pas
d'étendre ou de restreindre la protection du droit d'auteur, mais
plutôt de protéger les titulaires du droit d'auteur dans leur
relation avec les tiers. Notre projet porte sur les personnes en cause, alors
que la loi fédérale porte sur les oeuvres. Par rapport à
la loi fédérale, notre intervention législative n'est pas
conflictuelle, mais plutôt complémentaire. L'espace que nous
occupons est vacant. Notre décision d'intervenir dans ce secteur tient
essentiellement et uniquement aux besoins exprimés par les artistes de
pouvoir contrôler plus étroitement l'exploitation de leurs oeuvres
et aussi d'en retirer les bénéfices qui leur reviennent. La
proposition que je soumets à l'étude de l'Assemblée
nationale se veut une réponse adaptée aux attentes des milieux de
la création artistique. Elle leur offre des leviers importants de
développement de leur pratique professionnelle sans interférer
avec l'acte de la création. C'est un projet de loi qui vise
l'équilibre et l'équité, sans bouleverser toutes les
pratiques actuelles.
Le projet de loi propose donc des bases de solution à trois
ordres de problèmes soulevés par les artistes des arts visuels,
des métiers d'art et de la littérature. Le premier est celui des
relations entre l'artiste professionnel et la société; le second
porte sur les relations individuelles entre un artiste et celui qui diffuse ses
oeuvres et le troisième touche la dimension de l'action collective des
artistes comme professionnels d'un domaine d'activité artistique.
Dans les domaines de création artistique où s'applique le
projet de loi, une des difficultés les plus importantes, et je le
répète, tient à l'absence d'un cadre juridique de
reconnaissance d'un statut professionnel de l'artiste. À défaut
d'un tel statut, l'artiste professionnel subit toutes les vexations que peut
présenter la non-reconnaissance de son activité professionnelle.
Pour pallier ce problème et pour éviter les dangers dont j'ai
traité, le projet de loi offre deux possibilités. D'une part, il
énonce les conditions fondamentales qui permettent d'accorder le statut
d'artiste professionnel et, d'autre part, il établit une
présomption quant au professionnalisme d'un artiste du fait qu'il soit
membre d'une association professionnelle reconnue.
C'est à la suite de nombreuses consultations auprès des
principaux intéressés que nous avons pu arrêter les
exigences que prévoit le projet de loi. Ces exigences offrent la
souplesse requise pour rejoindre tous les créateurs professionnels des
domaines visés et respectent aussi les lignes directrices de la
définition de l'artiste proposée par l'UNESCO. La première
de ces conditions repose d'abord sur la volonté de l'artiste de se faire
reconnaître en tant que professionnel. C'est la raison pour laquelle la
déclaration expresse de l'artiste est exigée. La deuxième
de ces conditions est celle de créer des oeuvres pour son propre compte,
condition fondée sur l'autonomie de la pratique. En troisième
lieu, il doit y avoir publication, présentation au public, mise en
marché et toute autre forme de diffusion, ou encore, dans les cas des
oeuvres d'arts visuels et de métiers d'art, les oeuvres doivent
être considérées comme telles par les pairs.
Toutes ces manifestations sont des preuves tangibles de la
reconnaissance publique de l'artiste et demeurent aussi des
éléments objectifs. La présomption établie en
faveur des membres des associations professionnelles reconnues suppose
cependant que, pour avoir obtenu cette reconnaissance, elles auront dû
faire la preuve que le règlement prévoit des conditions
d'admissibilité fondées sur l'autonomie et sur des exigences
professionnelles propres aux artistes du domaine.
Au chapitre des contrats, les dispositions du projet de loi couvrent
tous les artistes qui font affaire avec un diffuseur, qu'ils en soient à
la diffusion d'une première oeuvre, donc non reconnus encore comme
artistes professionnels, ou qu'ils soient des artistes bien établis. Le
projet de loi propose de traiter leurs relations contractuelles de la
même manière. C'est une question de justice fondamentale.
Selon les dispositions retenues, un contrat signé par les deux
parties serait désormais obligatoire, il devrait comporter
impérativement certains éléments prévus par la loi
dont le contenu devrait être convenu entre l'artiste et le diffuseur.
Nous avons choisi de n'indiquer que les points sur lesquels les parties seront
tenues de s'entendre, sans fixer de conditions minimales à respecter.
Ainsi, la nature du contrat serait clairement indiquée, de même
que les oeuvres qui
en font l'objet. De plus, le contrat devrait mentionner de façon
détaillée et précise les autorisations que l'artiste
accorde au diffuseur.
Compte tenu des problèmes dont les artistes nous ont fait part,
il nous a semblé nécessaire de faire apparaître au contrat
les limites de la cession de droit ou de l'octroi de licence. Dans ce dernier
cas, une clause spécifique devrait prévoir si l'artiste consent
que la licence qu'il accorde puisse être transférée
à un tiers. Pour éviter les mauvaises surprises, nous proposons
que le contrat fasse état de l'entente sur les compensations
monétaires que le diffuseur s'engage à verser à l'artiste
et sur les modalités de paiement.
Enfin, il est prévu que la convention mentionne la
périodicité selon laquelle le diffuseur rendra compte à
l'artiste des transactions portant sur les oeuvres qui sont couvertes par cette
convention. En plus des dispositions concernant le contenu obligatoire des
contrats, le projet de loi impose au diffuseur certaines contraintes afin
d'assurer la meilleure protection des artistes et de leurs oeuvres. Ainsi, pour
chaque contrat, le diffuseur devra tenir un compte spécial dans lequel
apparaîtront les transactions qu'il a faites et les paiements qu'il a
reçus. L'artiste pourra faire examiner ce compte au besoin. À
défaut de se conformer à cette obligation ou s'il inscrit des
données erronées, le diffuseur s'expose à une amende
pouvant atteindre 5000 $ et, s'il récidive dans les deux ans, à
une amende maximale de 10 000 $. Nous pensons qu'en agissant ainsi, l'artiste
pourra plus facilement savoir ce qu'il advient de son oeuvre et ainsi
réclamer la part qui lui revient.
Des amendes du même ordre sont aussi prévues pour le
diffuseur qui négligerait de tenir à jour, selon les
spécifications établies, le registre de oeuvres d'arts visuels ou
de métiers d'art qu'il a reçues en dépôt ou en
consignation et dont l'artiste est toujours le propriétaire. Les oeuvres
sont présumées se trouver provisoirement dans les espaces
loués par le diffuseur. Ces dispositions soustraient les oeuvres des
artistes aux dispositions de saisie de vente en cas de difficultés
financières du diffuseur. Le projet de loi interdit de donner en
garantie un droit obtenu de l'artiste sans son accord, pas plus qu'il ne le
permet pour une oeuvre à moins qu'elle n'ait été
publiée et largement diffusée et que l'artiste en ait un
exemplaire réservé. (16 heures)
Enfin, Mme la Présidente, les droits à
l'exclusivité que pourrait détenir un diffuseur sur les oeuvres
futures d'un artiste seraient limités dans le temps et soumis à
certaines conditions. Il nous semble injuste qu'un artiste réserve sa
production future à un diffuseur, sans condition et dans sa
totalité, le diffuseur étant libre d'en disposer comme il lui
convient. Et nous établissons, ici encore, un équilibre plus
équitable dans les relations contractuelles entre un artiste et un
diffuseur.
J'ai relevé antérieurement les principaux
éléments de la problématique relative aux associations
d'artistes. Pour assurer la prise en charge de la défense collective des
créateurs, le projet de loi 78 propose qu'une seule association par
domaine considéré puisse être reconnue compétente.
Cette disposition évite le morcellement des forces et devrait permettre
la mise en place ou la consolidation des structures de représentation
des artistes professionnels. Cependant, il est prévu qu'un regroupement
d'associations existantes puisse demander la reconnaissance, s'il remplit
certaines exigences sur le plan de l'organisation de ses statuts et
règlements et de ceux de ses composantes.
Ainsi donc, le projet établit un cadre juridique sur lequel les
associations d'artistes professionnels pourront dorénavant s'appuyer.
Elles auront, entre autres, un rôle important à jouer dans la
détermination des exigences professionnelles requises pour qu'un artiste
puisse être admis comme membre et dans la définition des
règles de déontologie. Elles seront en outre habilitées
à établir et à administrer des caisses de retraite,
à offrir des services d'assistance technique, à élaborer
aussi des contrats types pour le bénéfice de leurs membres et
à les négocier avec un diffuseur ou une association de diffuseurs
sur une base volontaire. Le projet prévoit également qu'elles
puissent recevoir des mandats en matière de perception de droits et de
recours au nom des artistes qu'elles représentent.
Les modalités de la reconnaissance de ces associations ou
regroupements d'associations sont similaires à celles qui sont
prévues par la loi 90. D'ailleurs, nous proposons d'élargir le
mandat de la Commission de reconnaissance des associations d'artistes
créée en vertu de cette loi, l'habilitant à exercer les
mêmes pouvoirs et les mêmes fonctions pour la reconnaissance des
associations des domaines des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature. Et c'est en ce sens que je proposerai en plus, lors de
l'étude en commission parlementaire, certains ajustements techniques
sous forme de papillons. Enfin, pour qu'elle puisse prendre en charge cette
nouvelle responsabilité, nous entendons augmenter son personnel et
accroître son budget de 134 000 $. Je parle toujours, Mme la
Présidente, de la Commission de reconnaissance.
En conclusion, je voudrais rappeler certains propos que je tenais, l'an
dernier, lorsque nous avons étudié le projet de loi sur le statut
professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène,
du disque et du cinéma. Ces propos sont aussi pertinents pour le projet
de loi que nous étudions aujourd'hui puisque, dans les deux cas, nous
sommes guidés par les mêmes objectifs fondamentaux en
matière d'intervention de l'État à l'égard des
artistes quel que soit leur secteur d'activité. Et je disais l'an
dernier: "On ne saurait exploiter quelque secteur que ce soit
sans se préoccuper d'assurer le bien-être et l'avenir des
artistes qui sont à l'origine de notre développement culturel. On
ne saurait exploiter le talent des créateurs et interprètes sans
se soucier de leur accorder les droits et les moyens de les faire respecter, et
sans développer un environnement propice à l'exercice de leur
discipline." Alors, Mme la Présidente, je propose l'adoption du principe
de ce projet de loi.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles. Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, au moment de nous
présenter le projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des
artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature
et sur leurs contrats avec les diffuseurs, la ministre évoquait
l'adoption de façon unanime, l'an dernier, du projet de loi 90. Je n'en
ai, Mme la Présidente, aucune gêne, tout au contraire. La
politique étant souvent conflictuelle, je me réjouirai des rares
moments où elle peut être consensuelle. Mme la Présidente,
tout le monde sait que les échanges de vues entre la ministre et le
"contre-ministre" étant souvent animés, quelquefois rudes et,
à l'occasion, un brin malicieux, je conviendrai, encore une fois, de
vivre le temps d'une paix pour la culture, comme j'aime à le
répéter si souvent.
Le projet de loi 78 que nous présente Mme la ministre des
Affaires culturelles a essentiellement pour objet, comme son nom l'indique
d'ailleurs, de reconnaître, moyennant certaines conditions, le statut
d'artistes professionnels aux artistes qui pratiquent un métier de
créateur dans les domaines des arts visuels, des métiers d'art et
de la littérature. Ce projet établit un cadre juridique pour la
reconnaissance, dans chacun des domaines visés, d'associations
d'artistes et de groupements d'associations. L'octroi de cette reconnaissance
sera fonction de certaines règles et conditions, notamment au chapitre
de la représentativité et de la régie interne des
associations. La responsabilité d'accorder cette reconnaissance
relèvera de la Commission de reconnaissance des associations d'artistes,
instituée par la Loi sur le statut professionnel et les conditions de
l'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma,
qui voit donc ses pouvoirs étendus à ce nouveau secteur.
Le projet de loi 78 porte aussi sur les contrats que les diffuseurs
concluent avec les artistes relativement à leur oeuvre. Ainsi, la
signature d'un contrat entre les parties devient obligatoire. Ce contrat devra
comporter certains éléments précis: nature, oeuvre
concernée, modalités de cession et transférabilité,
contrepartie monétaire due à l'artiste. Le projet introduit
l'arbitrage obligatoire en cas de différend sur l'interprétation
d'une clause de la convention. Le diffuseur devra, par ailleurs, tenir un
compte distinct pour chaque contrat conclu ainsi qu'un registre des oeuvres des
domaines des arts visuels et des métiers d'art dont il n'est pas
propriétaire. Le projet de loi prévoit enfin qu'une association
reconnue d'artistes professionnels pourra négocier et agréer avec
un diffuseur ou une association de diffuseurs, pour une période d'au
plus trois ans, une entente sur les conditions minimales de diffusion des
oeuvres des artistes qu'elle représente.
J'apporterai, Mme la Présidente, quelques commentaires
généraux. Le projet de loi 78 constitue en quelque sorte le
pendant de la loi 90 que nous avons adopté l'an dernier et auquel nous
avons mutuellement fait référence, mais pour régir cette
fois, avec les adaptations nécessaires, le statut professionnel des
artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature, comme l'indique d'ailleurs le titre du projet de loi. On se
rappelle que cette loi qui faisait elle-même suite aux audiences
publiques tenues au printemps 1987 sur le statut de l'artiste, est venue
établir un régime de négociations d'ententes collectives
dans les secteurs de la scène, du disque et du cinéma.
Ce régime s'appuie sur un mécanisme de reconnaissance des
associations d'artistes gérées par une Commission de
reconnaissance. Lors des débats ayant entouré l'adoption de cette
loi, qui vient d'ailleurs tout juste - le 1er novembre, je crois - d'entrer en
vigueur et dont nous n'avons encore pu mesurer l'efficacité des
retombées, l'Opposition avait vivement déploré qu'une
très large fraction des artistes - les peintres, les sculpteurs, les
photographes, les artisans de toutes sortes, les écrivains - ne se
trouvaient pas couverts et ne se voyaient donc pas reconnaître un statut
professionnel équivalent. Un an plus tard, la ministre complète
ses devoirs en présentant cette loi qui vise spécifiquement ces
catégories d'artistes. Nous nous en réjouissons, Mme la
Présidente. (16 h 10)
Autant l'Opposition s'était montrée favorable à
l'adoption de la loi 90, autant elle sera prête à concourir
à l'adoption de ce second volet puisque ce travail mérite
d'être achevé dans les meilleurs délais. Au sujet des
délais, l'Opposition déplore cependant que la ministre ait
attendu jusqu'à la limite permise par le règlement de cette
Assemblée pour déposer son projet de loi. S'il n'avait
qu'à être soumis pour étude détaillée en
commission parlementaire après l'adoption du principe, ça ne
poserait sans doute pas de problème. Mais comme il y aura au
préalable des consultations particulières auprès d'une
vingtaine d'organismes, l'échéancier devient très et
peut-être trop serré. Les intervenants concernés auront
donc eu à peine deux semaines pour analyser le projet, pour en discuter
avec leur instance. Il leur sera vraisemblablement assez difficile de
transmettre à la commission des mémoires aussi complets qu'ils
auraient pu l'être,
comme nous l'avons vu lors de cette commission tenue au printemps
1987.
Si la ministre avait déposé son projet à
l'ouverture de la session, cette consultation aurait pu se tenir dans des
conditions plus favorables. Malgré cette réserve, Mme la
Présidente, nous demeurons persuadés qu'elle saura fournir un
éclairage fort utile sur le contenu du projet de loi afin de le
bonifier. Déjà on nous annonce des papillons, peu de papillons
mais quelques papillons, me fait signe Mme la ministre des Affaires
culturelles. Donc, malgré cette réserve, nous demeurons
persuadés qu'elle saura fournir à cette commission un
éclairage fort utile sur le contenu du projet de loi afin de le bonifier
et qu'il réponde au mieux aux besoins et intérêts des
artistes et des diffuseurs qui oeuvrent dans le domaine des arts visuels, des
métiers d'art et de la littérature.
L'Opposition souscrit au principe de ce projet, d'une part, en ce qu'il
reconnaît le droit d'association des artistes et, d'autre part, en ce
qu'il leur offre une certaine protection au chapitre de la diffusion de leur
oeuvre. Contrairement au cas des artistes visés par la loi 90, il faut
cependant remarquer que cette protection passe ici beaucoup plus par un
encadrement assez strict des relations contractuelles à caractère
individuel que par l'instauration de régimes de négociation
collective. Ceci répond vraisemblablement davantage à la
réalité et aux besoins de ces artistes qui sont effectivement
engagés le plus souvent dans des relations individuelles avec les
diffuseurs.
L'obligation d'un contrat écrit auquel doit correspondre un
compte distinct nous apparaît donc valable de même que l'obligation
pour le diffuseur de tenir un registre relatif aux oeuvres des métiers
d'art et des arts visuels qu'il a en sa possession et dont il n'est pas
propriétaire afin d'éviter la saisie ou la vente de ces oeuvres
en cas d'insolvabilité ou de faillite comme, malheureusement, on a
dû le constater à quelques reprises.
Le projet de loi comporte aussi des dispositions ouvrant la voie
à la négociation d'ententes collectives fixant des conditions
minimales de diffusion des oeuvres des artistes représentés par
l'association reconnue. Nous y sommes favorables là aussi, Mme la
Présidente. Celles-ci sont par contre beaucoup moins explicites que ce
n'est le cas dans la loi 90. Celles-ci comportent en effet toute une
série de règles, de clauses qui viennent baliser le processus de
négociation pour prévoir notamment la désignation
éventuelle d'un médiateur, l'arbitrage facultatif par la
Commission de reconnaissance, la possibilité d'action concertée
pour amener l'une ou l'autre partie à conclure une entente,
l'interdiction de boycottage ou de moyens de pression pendant la durée
de l'entente. On ne retrouve rien de semblable dans le projet de loi 78, ce que
nous aurions souhaité. J'espère que ce seront les ailes des
papillons qu'on nous annonçait tantôt.
La négociation d'ententes collectives demeure donc sujette
à la bonne volonté des parties et, contrairement aux contrats
individuels, il n'y a rien qui encadre ou garantit la conclusion de telles
ententes entre une association reconnue de créateurs et un diffuseur ou
une association de diffuseurs. J'ajouterai, Mme la Présidente, d'autres
commentaires particuliers en ce qui concerne d'abord les dispositions relatives
à la reconnaissance des associations professionnelles. On constate
qu'elles sont largement semblables moyennant, bien entendu, quelques variantes
à celles de la loi 90 que nous avons adoptée l'an dernier.
Notamment, c'est le cas des articles relatifs aux modalités de
demandes et d'annulation de la reconnaissance. Au chapitre du droit à la
reconnaissance, le projet le relie à un critère de
représentativité selon lequel la reconnaissance serait
accordée à l'association qui, et je cite l'article de la loi,
"groupe le plus grand nombre d'artistes professionnels du domaine visé
et dont les membres sont le mieux répartis parmi le plus grand nombre de
pratiques artistiques". Alors que la loi 90 établit une exigence de
majorité, il s'agit ici plutôt de pluralité. Qu'est-ce qui
justifie ce traitement différent entre les divers groupes d'artistes?
Parce que la tradition d'association serait moins forte dans le secteur des
arts visuels, métiers d'art que les arts d'interprétation ou
parce qu'il y a davantage de morcellement des artistes en plusieurs
associations? C'est une interrogation que je pose. Nous voulons connaître
les justifications de la ministre à ce sujet, de même que nous
vérifierons auprès des associations existantes qui se
présenteront devant la commission de la culture la semaine prochaine, si
ce critère de représentativité leur convient. .
Le projet introduit aussi la possibilité d'accorder la
reconnaissance à une association formée d'associations
d'artistes. Ceci semble répondre à la réalité du
milieu. Nous retrouvons, par exemple, dans le domaine des arts visuels, le
Conseil de la sculpture du Québec, le Conseil des artistes peintres du
Québec, le Conseil des arts textiles du Québec, le Conseil de
l'estampe - dont d'ailleurs le code d'éthique fait école, si vous
me permettez l'expression, Mme la Présidente - l'Association des
photographes professionnels. Tous ces organismes pourraient donc se regrouper
en associations aux fins de reconnaissance.
Est-ce souhaitable? Est-ce utile, compte tenu des pratiques artistiques
très variées concernées par une telle
éventualité? Les premiers intéressés seront
à même de nous le dire au cours de cette commission.
L'interrogation là aussi, Mme la Présidente, se pose.
En ce qui concerne la question des contrats individuels dont la
signature est rendue obligatoire par le projet de loi, deux dispositions
méritent une attention particulière, à mon point de vue.
Il s'agit d'abord de l'article 36 qui
établit un mécanisme d'arbitrage obligatoire en cas de
différend sur l'interprétation d'un contrat intervenu entre
l'artiste et le diffuseur. Les parties doivent en effet, alors, désigner
un arbitre et se soumettre à la procédure d'arbitrage
établie dans le Code de procédure civile.
De même, nous nous interrogeons quant aux implications de
l'article 33, selon lequel, et je citerai de nouveau le texte de loi, "un
diffuseur ne peut sans le consentement de l'artiste, donner en garantie les
droits qu'il obtient de ce dernier ni consentir une sûreté sur
l'oeuvre de l'artiste à moins qu'elle ne fasse l'objet d'une publication
et d'une diffusion en plusieurs exemplaires, auquel cas, un exemplaire doit
être réservé à l'artiste'. Il sera donc
intéressant d'entendre les artistes tout comme les propriétaires
de galeries d'art à ce sujet.
Pour ce qui est des ententes collectives sur des conditions minimales de
diffusion, nous constatons que les dispositions sont très sommaires par
rapport à ce qui était prévu à la loi 90. Alors
que, dans cette dernière, une partie peut obliger l'autre partie
à entreprendre une négociation pour en arriver à la
conclusion d'une entente collective, c'est essentiellement facultatif et
tributaire du bon vouloir des deux parties dans le projet de loi 78 que nous
présente Mme la ministre des Affaires culturelles. (16 h 20)
S'ils le veulent, une association d'artistes et un diffuseur ou une
association de diffuseurs pourront négocier et agréer une entente
fixant les conditions minimales de diffusion des oeuvres d'artistes
représentés par cette association. Contrairement à la loi
90, rien ne vient ici encadrer le processus de négociation, et la
Commission de reconnaissance n'a pas juridiction sur ce sujet. Les intervenants
convoqués en consultations particulières nous diront si un tel
mécanisme aussi souple et non contraignant peut les satisfaire. La
parole sera donc à eux.
J'apporterai d'autres remarques également, Mme la
Présidente, qui serviront peut-être d'aide-mémoire à
Mme la députée, un aide-mémoire peut-être un peu
douloureux. Que voulez-vous? C'est elle qui assume ce ministère, ce
n'est malheureusement pas moi et je pense qu'il est de mon devoir d'apporter
ces remarques en aide-mémoire. L'octroi du statut professionnel aux
artistes, la reconnaissance de leurs associations, l'encadrement légal
de leurs activités par le biais d'ententes collectives ou de contrats
individuels sont autant de choses souhaitables et nécessaires. Je n'en
disconviens pas. Elles ne sont cependant pas, à elles seules,
suffisantes pour garantir des conditions socio-économiques
adéquates à nos artistes, l'épanouissement de leur
pratique artistique, le rayonnement de leur oeuvre et, par voie de
conséquence, le dynamisme de notre vie culturelle. Le statut de
l'artiste demeurera précaire et même troqué si
l'État n'assume pas ses responsabilités et n'accorde pas un
soutien tangible aux activités culturelles de toutes sortes, autant au
chapitre de la création, de la production que de la diffusion. À
cet égard, il nous faut, l'Opposition officielle, déclarer
à nouveau que le gouvernement libéral a renié sa promesse
électorale visant à consacrer 1 % du budget de l'État
à la culture. Aussitôt élu, ce gouvernement a
pratiqué de sévères compressions dans le budget du
ministère des Affaires culturelles. En dépit du redressement
budgétaire entrepris cette année, les crédits du
ministère des Affaires culturelles ne représentent que 0,7 % des
crédits totaux du gouvernement, comparativement à 0,67 % en
1985-1986. Il s'agit d'une progression de 0,1 % par année. Le 1 % global
et total du budget de l'État demeure donc bien loin. Il nous manque
encore 100 000 000 $, de sorte que la ministre parle maintenant d'un
délai supplémentaire de trois ans. Encore une promesse qui aura
servi pour deux élections.
Au-delà des budgets de soutien à la production culturelle,
il y a la question de l'accessibilité de cette production, des oeuvres
de toutes sortes pour le public, d'où l'importance de se doter
d'équipements culturels adéquats, de lieux de diffusion et de
rayonnement de l'activité artistique. On sait que ce gouvernement a
décrété, dès son arrivée au pouvoir, un
moratoire sur les équipements culturels. Ce moratoire, devenu
sélectif en cours de route, a retardé la réalisation ou la
réfection dans divers coins du Québec. Je pourrais citer en
exemple la Côte-Nord où il y a récemment eu un sommet
où on a laissé une population nombreuse très
insatisfaite.
Fort heureusement, Mme la Présidente - vous me permettrez cet
aparté - grâce à l'intervention du gouvernement
fédéral, un dossier qui me tenait tellement à coeur, celui
de La Licorne, a été enfin réalisé. J'ai
été cruellement déçu de l'absence de la ministre
lors de la conférence de presse qui annonçait "qu'après
trois ans d'efforts en commission parlementaire et dans cette Chambre, nous -
je dis "nous" puisqu'il s'agit d'un nous d'association avec mes amis de La
Licorne - avons enfin triomphé."
Non moins préccupante, Mme la Présidente, est la situation
des bibliothèques, aussi bien scolaires que publiques. Le Devoir
de ce matin était très éloquent. De nombreuses
données témoignent du retard du Québec à ce niveau:
financement, nombre de livres et de bibliothécaires,
accessibilité etc. Tout cela a été bien
démontré par le rapport Sauvageau. Plus d'un an après sa
publication, au-delà d'énoncés d'orientation très
vagues, rien n'a encore été fait pour y donner suite. Quant au
financement des bibliothèques publiques... Oui, Mme la
Présidente, je sais que le temps court et que je devrai bientôt
arriver à la conclusion... Quant au financement des bibliothèques
publiques, il se trouve aujourd'hui à un niveau inférieur en
dollars constants à celui de 1985-1986. Tout le milieu littéraire
québécois tirerait des bénéfices importants d'une
véritable politique de soutien aux bibliothèques, qui se fait
toujours attendre.
Autre volet très important encore en friche, Mme la
Présidente, celui de la fiscalité et de l'admissibilité
aux programmes de sécurité sociale. Sur le plan de la
fiscalité, le gouvernement a apporté quelques ajustements au
statut des artistes oeuvrant dans le domaine des arts d'interprétation
et en vertu desquels ils seront considérés, aux fins de
l'impôt, comme travailleurs autonomes. Mais tout ceci demeure
limité aux arts d'interprétation, Mme la Présidente. Vous
devez le constater comme moi, autant vous, dans votre circonscription de
Bellechasse, que moi dans ma circonscription de Saint-Jacques. Mais pourquoi,
Mme la Présidente, vos peintres dans Bellechasse comme mes peintres dans
Saint-Jacques, vos sculpteurs dans Bellechasse, les artisans du comté de
Bourassa, les écrivains du comté de Bourget - et Dieu seul sait
que lorsque je parle d'écriture, je touche le cour du
député de Bourget - pourquoi les peintres, les sculpteurs, les
artisans, les écrivains doivent-ils encore attendre? Il serait normal
que tous les artistes concernés par le projet de loi 78 que nous avons
devant nous aujourd'hui se voient reconnaître un statut fiscal
équivalent. N'est-ce pas, M. le député de Bourget, un
volet sur lequel vous serez sans doute intéressé de travailler de
concert, en étroite collaboration avec votre collègue de
Saint-Jacques, comme vous l'avez d'ailleurs si allègrement fait pour ce
qui est du projet de loi sur la Bibliothèque nationale du Québec?
Je vous remercie de cet appui, M. le député de Bourget.
Il y a aussi tout le problème de l'accessibilité à
l'assurance-chômage et je vous sais tous sensibles, sensible comme l'est
M. le député de Crémazie à des questions comme
celle-là. Nous aimerions savoir puisque le débat, encore
là, s'est conclu hier soir, où en sont les négociations
avec le gouvernement fédéral à ce sujet. Les gouvernements
passent. Ils peuvent peut-être se succéder à
eux-mêmes. Les fonctionnaires demeurent. Donc, la question se pose encore
à la ministre. Quant à l'accessibilité à
l'assurance-chômage, nous aimerions savoir où en sont les
négociations avec le gouvernement fédéral. La très
grande majorité des artistes demeurent, par ailleurs, exclus des
régimes de rentes et de la couverture de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Où en sont
rendus les démarches de la ministre à cet égard? Je lui
pose la question. En somme, un projet comme celui que nous discutons ne
constitue qu'un début. Il reste encore beaucoup à faire pour
assurer un revenu à nos artistes dont la très grande
majorité, Mme la Présidente - Mme la ministre le sait, du moins,
j'espère qu'elle le sait - ne gagne pas 10 000 $ par année.
Très souvent, ce sont malheureusement des femmes, encore. N'est-ce pas,
Mme ministre déléguée à la Condition
féminine? La grande majorité des artistes ne gagnent même
pas 10 000 $ par année et ce sont, pour une très grande partie,
sinon la majorité, des femmes. J'ai hâte de vous voir, madame,
vous porter au secours de ces femmes et travailler dans ce dossier à des
conditions de vie décentes pour ces artistes et à la protection
sociale à laquelle ils ont droit. (16 h 30)
En conclusion, Mme la Présidente, le projet de loi 78 constitue
un pas en avant significatif, en ce qu'il vient offrir aux artistes oeuvrant
dans le domaine des arts visuels et à ceux reliés aux
métiers d'art et à la littérature, qui ne sont pas
couverts actuellement par la loi 90, une reconnaissance professionnelle et un
encadrement légal. Nous acquiesçons donc, Mme la
Présidente, au principe de ce projet de loi que dépose Mme la
ministre des Affaires culturelles. Les consultations particulières que
nous aurons dans quelques jours permettront de vérifier auprès
des premiers intéressés - et c'est là le plus important -
s'il correspond à leurs attentes, si ces dispositions sont bien
adaptées à la réalité de leur pratique artistique
et si elles sont susceptibles de fournir un cadre plus approprié aux
relations contractuelles entre les artistes et les diffuseurs de leurs
oeuvres.
Mme la Présidente, c'étaient les commentaires que je
désirais apporter au projet de loi 78 en vous rappelant - et en le
rappelant à vous, je sais que je le rappelle à Mme la ministre
des Affaires culturelles - que l'Opposition, à l'exemple du projet de
loi 90 voté l'an dernier, apportera son concours. J'ose souhaiter, s'il
y a amendements, qu'ils seront consentis et que nous puissions revenir en
Chambre dans quelques jours, vers le 13 décembre, je pense, quelque
chose comme cela, au moment où Mme la ministre sera revenue d'Europe,
porteuse d'un dossier pour lequel je lui souhaite la meilleure des chances et
pour lequel elle a mon appui. J'étais d'ailleurs au
téléphone avec quelqu'un de Paris ce matin, désireux
encore là de voir ce dossier se développer pour le
bien-être du Québec. Donc, nous reviendrons le 13 décembre,
après la commission, pour l'adoption finale de ce projet de loi, au
moment où la ministre reviendra de son voyage à Paris, Bruxelles
et Rome. J'ose espérer que ce projet de loi, à l'exemple de la
loi 90, sera adopté là aussi à l'unanimité et que
nous aurons, permettez-moi de le répéter une dernière
fois... Je la vois sourire et je vous avoue que j'aime mieux la voir sourire
que la voir sévère, oui parce qu'elle est plus jolie quand elle
sourit que quand elle est sévère... Donc, je consens... Pardon?
Oui, je ne voudrais pas jouer dans les plates-bandes de votre ami, Mme la
ministre. Donc, j'espère qu'au retour, encore une fois, nous
l'adopterons à l'unanimité et que, de nouveau, nous aurons fait
pour la deuxième fois le temps d'une paix pour la culture.
Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. Je vais maintenant reconnaître M. le député
de Bourget.
M. Claude Trudel
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Le problème
avec le député de Saint-Jacques, c'est qu'on sait quand il
commence, mais on sait rarement non seulement quand il va finir mais comment il
va finir.
Une voix: Lui non plus. Lui non plus.
M. Trudel: C'est ce que j'allais ajouter, M. le
député.
M. le député de Saint-Jacques vous a dit, Mme la
Présidente, qu'il était d'accord, au nom de l'Opposition, avec le
projet de loi 78. Le contraire eût été non seulement
étonnant mais indécent, Mme la Présidente, dans la mesure
où voici un parti qui, au moment où il formait le gouvernement,
il y a déjà trois ans de cela, heureusement pour le
Québec, avait commandé un rapport sur l'ensemble de la question,
c'est-à-dire sur l'ensemble de la question du statut de l'artiste dont
nous abordons la deuxième partie, ainsi que mes deux
prédécesseurs l'on dit. Donc, dans ce gouvernement, le ministre
de l'époque, M. Clément Richard, avait commandé un rapport
qu'il s'était empressé de cacher tant ce rapport était
favorable à l'adoption d'un statut de l'artiste au Québec. Il a
fallu qu'un gouvernement libéral soit élu en décembre 1985
pour qu'enfin on puisse passer à l'action.
Étant à l'époque - pendant très peu de mois
- critique de l'Opposition en matière d'affaires culturelles, j'avais
discuté, pour ne pas dire négocié, avec l'Union des
artistes quelques lignes du programme politique du Parti libéral.
Dès notre entrée en fonction, Mme la ministre annonçait
son intention de tenir une commission parlementaire. On se souviendra que la
commission parlementaire, qui a remporté un très vif
succès, a été tenue en mai 1986 et a été
suivie, moins de 15 ou 17 mois plus tard, par le projet de loi 90 qui a
été adopté à l'unanimité, je dois le
souligner et le député de Saint-Jacques - qui a encore une fois
changé de côté - le soulignait lui aussi. Encore là,
il s'agissait pour l'Opposition de rester logique avec elle-même, ce
projet de loi lui tenant à coeur, paraît-il.
Mme la Présidente, je n'ai pas l'intention de parler très
longtemps cet après-midi, d'abord parce que vous allez me limiter
à 20 minutes que je n'ai pas l'intention de prendre de toute
façon. Je vais insister sur deux aspects du projet de loi 78 qui m'ont
paru susciter des craintes dans une partie de la population, entre guillemets,
des artistes, non pas des artistes de la scène bien sûr puisqu'ils
sont maintenant protégés, mais du côté de certains
producteurs et de certains créateurs. Mme la Présidente, vous
n'en serez pas étonnée, je vais m'arrêter surtout aux
dispositions qui concernent les contrats entre ce qu'on appelle, au chapitre
III du projet de loi, les artistes et les diffuseurs, les artistes com- prenant
à la fois les artistes peintres, les sculpteurs, les artistes des
métiers d'art et aussi les écrivains.
Dans le cadre de l'une des nombreuses manifestations du Salon du livre
de Montréal, j'avais l'occasion de participer, en fin de semaine,
à ce qu'on a convenu d'appeler le gala des éditeurs. Après
des galas dans à peu près tous les aspects du domaine des arts,
voici que les éditeurs se donnent une soirée bien a eux. Certains
éditeurs m'ont approché en me disant: Avec le projet de loi 78,
est-ce qu'on est en train d'assister au contrat type qui avait
été proposé par l'Union des écrivains? Je me suis
empressé de les rassurer et de leur dire: Non, ce n'est pas un contrat
type. Et, jusqu'à un certain point, tant pour les écrivains que
pour les éditeurs, encore une fois pour me limiter à ce que je
connais le mieux, il est heureux qu'on ne soit pas en présence d'un
contrat type.
Dans le projet de loi 78, par exemple, on est en présence des
dispositions minimales que devront comporter tous les contrats. Il est heureux
qu'on en arrive là. J'ai eu à conseiller - pas à titre
d'avocat que je suis à peine, puisque je ne pratique pas - au cours des
derniers 18 mois des amis qui avaient eu le bonheur de commettre quelques
écrits, qui un roman, qui un essai en sciences politiques. Je les envie
parce que j'ai hâte d'avoir le temps de faire la même chose qu'eux,
un jour. J'ai eu l'occasion de conseiller ces gens et de me placer, non plus
dans la position de l'éditeur que j'ai déjà
été, mais de l'écrivain que je désire devenir un
jour - enfin, quelqu'un qui écrit, non pas nécessairement un
romancier. (16 h 40)
II m'est venu à l'esprit qu'au moment où j'étais
éditeur, je défendais non pas une maison d'édition contre
un auteur ou un auteur en devenir, mais une conception, une partie d'une
industrie qui s'appelait la production technique par rapport à une autre
partie de l'industrie, une partie fondamentale de l'industrie qui s'appelait la
création, pour me rendre compte que, finalement, les créateurs
étaient plutôt mal protégés. Non pas que, comme
éditeur, je les aie "organisés", pour employer une expression
populaire. La maison que je dirigeais avait un contrat qui ressemblait
étrangement au contrat type de l'Union des écrivains. Donc, je
pense que, dans l'ensemble, les gens qui venaient chez nous étaient bien
protégés.
Alors pour me résumer, Mme la Présidente, le projet de loi
78 comporte, dans son article 30 à tout le moins - sûr lequel je
veux insister pendant quelques secondes, une minute ou deux - des dispositions
minimales qui sont drôlement importantes pour les écrivains, les
créateurs et qui se retrouveront maintenant dans les contrats entre un
diffuseur et un sculpteur ou un artiste peintre, par exemple. Ces dispositions
couvrent, évidemment ça va de soi, la nature du contrat et
l'oeuvre ou l'ensemble de
l'oeuvre qui en est l'objet. C'est-à-dire qu'à
l'intérieur du contrat ça devrait être
spécifié de façon claire. On devrait spécifier ce
dont on parle dans le contrat. Le contrat devra également couvrir - et
cela me paraît important - l'ensemble des autorisations que
l'écrivain, enfin l'artiste, le créateur aura accordées
à son diffuseur. Et, encore une fois, je tiens à le
préciser, il s'agit d'un minimum, le tout étant laissé,
bien sûr, à la discrétion des parties. Mais les deux
parties sauront exactement dans quoi elles s'engagent mutuellement, parce qu'un
contrat est quand même la rencontre de deux volontés, M. le
député de Taillon, si je me souviens bien de mon droit d'il y a
quelque 20 ans.
L'article 30 couvre également les questions - on en a
parlé tantôt - assez complexes dans certains cas, de
transférabilité ou non à un tiers d'une licence
accordée par un diffuseur. Il couvre également, ça va de
soi, la partie monétaire due à l'artiste. Et ce que j'aime bien
aussi, Mme la Présidente, dans ce projet de loi 78, ce qui reçoit
mon adhésion personnelle et enthousiaste, l'article 37, qui obligera le
diffuseur, quel qu'il soit - et je me permets de le lire - "...à tenir
dans ses livres un compte distinct dans lequel il inscrit dès
réception, en regard de chaque oeuvre ou de l'ensemble d'oeuvres qui en
est l'objet: 1° tout paiement reçu d'un tiers de même qu'une
indication permettant d'identifier ce dernier; 2° le nombre et le type de
toutes opérations faites correspondant aux paiements inscrits et le cas
échéant, le nombre d'exemplaires vendus." etc.
J'ai consulté non seulement des éditeurs, bien que surtout
des éditeurs, mais j'ai également consulté quelques amis
que j'ai - puisque le député de Saint-Jacques n'a toujours pas
regagné sa place, étant en grande conversation avec Mme la
ministre. Il lance des noms, à mon tour d'en lancer - dans le domaine
des galeries d'art, pour me rendre compte que voici un article qui, dans
l'ensemble, est tout à fait accepté. À première
lecture, il paraît extrêmement contraignant pour un éditeur
ou pour un diffuseur, quel qu'il soit. C'est évidemment un article
contraignant mais qu'on peut facilement rencontrer dans le domaine de
l'industrie culturelle et qui ne devrait pas, à mon avis et de l'avis
des gens que j'ai consultés depuis une dizaine de jours, rencontrer
d'opposition majeure, même pas d'opposition, soit dit en passant. Je
pense qu'on devra quand même prendre le temps d'expliquer, et la ministre
devra le prendre. Je le prendrai de mon côté. À l'occasion
de la commission parlementaire, on devra quand même prendre le temps
d'expliquer les tenants et aboutissants de cet article qui est peut-être
mal compris et qui va aussi loin que possible dans la protection des droits du
créateur, tout en ménageant et en reconnaissant que quand on
parle d'industrie culturelle au Québec on parle rarement de choses qui
sont grosses. Donc, on n'est pas en présence d'un article qui est
tatillon. On ne sera pas en présence, je ne le pense pas, du moins je le
souhaite et j'en suis convaincu, d'une réglementation à venir qui
sera elle-même tatillonne.
On aura l'occasion, Mme la Présidente, de discuter de tout cela
lors de la commission parlementaire de la semaine prochaine qui nous permettra
d'entendre tout près d'une vingtaine de groupes, à partir des
écrivains, des éditeurs pour parler de littérature, en
passant par les gens de la dramaturgie, de l'Association des traducteurs
littéraires, des photographes, le Conseil - le député le
disait tantôt - de la sculpture, le Conseil de l'estampe, bref, tout ce
qui bouge dans le bon sens du mot dans le domaine de la création
littéraire et de la création artistique.
Pour terminer, je soulignerai à mon tour - je suis le
troisième à le faire et je pense que mon collègue de
Taillon qui va intervenir tantôt sera le quatrième à le
souligner - que nous sommes en présence du deuxième volet d'une
réforme fondamentale au Québec, celle du statut de l'artiste.
L'an dernier, à peu près à cette époque-ci - je me
souviens que la commission parlementaire avait eu lieu le 3 décembre -
nous avions couvert les artistes de la scène, du disque et du
cinéma quelques heures ou quelques jours avant le 50e anniversaire de
l'Union des artistes. Cette année, nous complétons cette
réforme à laquelle nous nous étions engagés comme
parti au moment où nous étions dans l'Opposition et que nous
réalisons maintenant que nous sommes au gouvernement, en couvrant les
secteurs des arts visuels, des métiers d'art et, évidemment, de
la littérature.
Mme la Présidente, je suis personnellement très fier .de
cette réforme. Le parti que j'ai l'honneur de représenter
s'était engagé à faire cette réforme qui
était... Je vais prononcer un mot anglais en présence de mon ami,
le député de Taillon, qui me succède; je vois le ministre
responsable de l'application de la loi 101 s'énerver; par contre, le
ministre de l'Environnement sourit. Je pense que, dans cette Chambre, on a le
droit d'employer des mots anglais. Quand on dit qu'une réforme est due
depuis longtemps, on dit qu'elle est "long overdue", Mme la ministre. Si une
réforme était due depuis un certain moment au Québec,
c'est bien cette réforme-là.
En conclusion - ce que j'étais en train de faire de toute
façon, Mme la Présidente - je redis ma satisfaction devant le
dépôt du projet de loi 78. Je voterai bien sûr pour le
projet de loi 78. Il serait étonnant de voir le président de la
commission de la culture voter contre un tel projet, d'autant plus que
l'Opposition nous a déclaré durant environ 35 minutes - ce
qu'elle aurait pu prendre douze minutes à faire - son accord de principe
à l'adoption du projet de loi. Mme la Présidente, nous aurons
l'occasion d'en reparler la semaine prochaine lors de la commis-
sion parlementaire. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Bourget.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. C'est avec plaisir
que j'interviens cet après-midi sur le projet de loi 78. Je n'ai pas
l'intention de reprendre l'ensemble de ce qui a été dit par les
trois intervenants précédents, la ministre des Affaires
culturelles, le député de Saint-Jacques, porte-parole de
l'Opposition officielle, ainsi que le député de Bourget que nous
venons d'entendre. Il a été dit et redit qu'il s'agit là
d'une deuxième étape de la définition d'un cadre juridique
raisonnable et acceptable pour l'artiste, de façon
générale. Dans ce cas-ci, le projet de loi 78 vise, bien
sûr, les artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature.
Je voudrais plutôt faire, Mme la Présidente, à
l'occasion de ce discours de deuxième lecture, un rapide survol de
certains aspects du projet de loi sur lesquels je voudrais attirer l'attention
du parti ministériel pour possiblement aider, le cas
échéant, à le bonifier lors de l'étude en
commission parlementaire article par article. Je ne sais pas si j'aurai
l'occasion d'y assister, mais, du moins, les commentaires seront
enregistrés. Je l'ai dit, ce projet de loi vise une catégorie
spécifique d'artistes, puisque les artistes de la scène, du
cinéma et du disque ont déjà, par la loi 90 en vigueur,
sauf erreur, leur cadre juridique défini. Dans ce cas-ci, ce projet
établit un cadre juridique pour la reconnaissance d'associations
d'artistes ou de groupements d'associations. Il donne à la Commission de
reconnaissance, qui existe déjà, certains pouvoirs qui seront
étendus à ce secteur d'activité artistique. (16 h 50)
Mais là où le projet de loi devient intéressant,
c'est sur l'aspect contractuel, en particulier, Mme la Présidente, en ce
qui concerne les articles 29 et suivants du projet de loi. D'abord, ce que dit
essentiellement le projet de loi 29, c'est ceci: Dorénavant, entre les
peintres et leur galerie, entre les écrivains et leur maison
d'édition, entre les sculpteurs et leur producteur, il y a
nécessité d'un contrat écrit. Cela est particulier.
Pourquoi? Parce que nous vivons dans un régime de droit que nous
qualifions de "consensualiste", c'est-à-dire que lorsque deux parties
s'entendent, elles peuvent convenir de ce qu'elles veulent sans que ce soit
nécessaire de rédiger un contrat. Dans ce cas-ci, on formalise la
relation entre un artiste et son producteur, règle
générale.
C'est un choix important qui a été fait dans la loi. Cela
voudrait dire que dorénavant, il ne suffira pas de s'entendre, il va
falloir le mettre par écrit. D'ailleurs, l'article 32 va
extrêmement loin. Il nous dit que "le diffuseur ne peut invoquer une
condition, ni un engagement qui ne sont pas énoncés dans un
contrat écrit prenant effet conformément à l'article 31
."
Ce que je crains, et dans le sillage de ce que disait le
député de Bourget, c'est que ce contrat ne devienne un contrat
d'adhésion, c'est-à-dire qu'on ne donne pas le choix à
l'artiste d'en négocier les conditions. Telle maison d'édition a
recruté tel jeune écrivain et voilà. Il signe comme nous
le faisons quand nous allons acheter un billet de métro ou quand on va
conclure n'importe quel contrat courant qu'on appelle des contrats
d'adhésion. Mais pourquoi un contrat d'adhésion? Parce que,
essentiellement, à ce moment-là, une des parties se retrouve dans
une situation de rapport de forces de beaucoup inférieure à
l'autre partie et donc, généralement, ne négocie pas les
conditions du contrat comme elles devraient l'être.
C'est là ma crainte qui peut d'ailleurs aller suffisamment loin
pour créer, j'allais dire, la situation absolument inverse à
celle que pourrait rechercher la ministre. Règle générale,
il est extrêmement vrai de dire que beaucoup d'artistes au Québec
se font avoir. Il y a beaucoup de peintres qui se font avoir par des galeries,
qui se font demander des pourcentages absolument honteux. Beaucoup de jeunes
écrivains se font avoir par leur maison d'édition. Beaucoup de
sculpteurs, d'artistes se font avoir en général et c'est normal,
il faut le comprendre, l'artiste se concentre sur la création de
l'oeuvre. Sa formation administrative commerciale est
généralement beaucoup moindre que sa formation créatrice,
que son inspiration, que le développement de son talent
créateur.
Donc, on se retrouve dans une situation où il y a un
déséquilibre entre l'artiste et son producteur ou sa galerie, peu
importe, ou son distributeur.
Face à ce rapport de forces, le projet de loi a choisi de dire:
Écoutez, on va formaliser, ça prend un contrat. Mais est-ce que
ça va véritablement changer quelque chose? D'abord, on n'aura pas
réponse à ça demain matin, on n'aura pas réponse
à ça six mois après l'entrée en vigueur de la loi.
Cela va prendre un certain temps pour voir l'effet d'une disposition comme
celle-là. À première vue, et je le dis franchement, Mme la
ministre, autant je suis d'entrée de jeu sympathique à l'ensemble
de son projet de loi, autant je crains que ce contrat obligatoire ne devienne,
en fait, un contrat d'adhésion qui, lui, pourrait avoir l'effet inverse
à celui recherché, à savoir pourrait à long terme
jouer contre l'artiste plutôt que de le favoriser.
Peut-être que la ministre pourrait, dans sa réplique
tantôt, nous dire s'il existe des précédents, si ça
existe ailleurs. À première vue, pour mettre de côté
ce système de régime "consensualiste" je n'en suis pas sûr.
En bref, ce que je dis à la ministre, ce n'est pas que ce qu'elle fait
n'est pas bien, c'est que les effets de
son projet de loi devront être mesurés attentivement dans
les prochaines années.
Vous savez, on a instauré, notamment dans le contrat de
consommation, énormément de contrats semblables à celui
qu'instaure le projet de loi 78, et sans grand succès. Les contrats
deviennent des contrats signés de façon systématique,
automatique, par les individus qui n'ont pas le choix. Maintenant, il demeure
qu'en formalisant le contrat, on introduit des clauses drôlement
intéressantes. Notamment, l'article 31 qui dit que l'artiste n'est tenu
à l'exécution de ses obligations qu'à compter du moment
où il a reçu le contrat. C'est extrêmement
intéressant. L'article 32, extrêmement intéressant. On ne
peut pas invoquer une condition si elle n'est pas contenue dans le contrat.
C'est le diffuseur qui ne peut pas invoquer une condition. L'artiste, lui, le
peut.
Troisièmement, l'article 33, qui est rédigé d'une
façon, disons, qui ne pèche pas par excès de
simplicité. Bref, on y reviendra en commission parlementaire. L'article
35 également qui bénéficie à l'artiste. Bref, cela
a permis au projet de loi d'inclure toute une série de dispositions
visant à rétablir un certain équilibre entre l'artiste et
ce qu'on appelle, dans le projet de loi, le diffuseur. Deuxième et
dernier élément, Mme la Présidente, sur lequel je voudrais
attirer l'attention de la ministre et du parti ministériel. Là,
je voudrais que la ministre m'accorde peut-être son attention quelques
secondes, étant donné que je ne serai peut-être pas en
commission parlementaire. C'est ceci. Ce que dit son projet de loi, c'est que
la règle sera la procédure d'arbitrage. S'il y a un
différend entre le diffuseur et l'artiste, c'est un arbitre, ce ne sont
pas les tribunaux ordinaires.
Il y a plusieurs problèmes à ça. Je vais donner un
exemple. Il m'est arrivé d'avoir ce cas où je devais agir par
voie d'injonction pour le compte d'un artiste qui se faisait pirater ses
oeuvres. Donc, on prend une procédure d'injonction et on s'en va devant
les tribunaux ordinaires. Ma question à la ministre est la suivante. En
faisant en sorte que la procédure d'arbitrage devienne la règle,
est-ce qu'on n'est pas en train d'enlever à l'artiste son recours pour
obtenir une réparation immédiate des injonctions, des mandamus,
des interdictions de faire, ou des injonctions de ne pas faire, etc.? Parce que
notre droit commun contient toute une série de mesures qu'on appelle
provisoires. On peut requérir des tribunaux, d'urgence, certains
remèdes, certaines mesures remédiatrices. En écartant les
recours devant les tribunaux, parce que son projet de loi dit bien qu'à
la demande d'une des parties, tout le litige s'en va devant un tribunal
d'arbitrage, qui, généralement, est utilisé dans les cas
où il n'y a pas de mesure provisoire... Les arbitres, c'est bon dans les
chicanes. Bombardier a livré 50 wagons à un pays africain, et il
y en a deux qui ne marchent pas. Bon, il y a un arbitre qui est saisi de
ça. Il prend deux ans pour régler ça. Tout le monde est
content parce que, dans le fond, il n'y a qu'un chiffre au bout qui sort de
là.
Mais, dans le cas d'un litige entre un diffuseur et l'artiste, il peut y
avoir besoin de mesures remédiatrices rapides. Qu'arrive-t-il dans ce
cas? Je comprends que la procédure d'arbitrage est plus souple, moins
coûteuse. Encore, c'est mon deuxième point, Mme la ministre,
faudra-t-il bâtir une catégorie d'arbitres qui connaîtront
un peu la gamme. C'est ça notre problème au Québec. On
veut favoriser l'arbitrage, mais on n'a pas d'arbitre. Notamment dans ce
cas-ci, n'y aurait-il pas lieu de discuter avec votre collègue, le
ministre de la Justice, pour mettre sur pied une banque de renseignements pour
les avocats désireux d'agir dans ce nouveau créneau qui sera
l'arbitrage artistique? On a peu d'avocats au Québec qui connaissent les
arts. Il y a peu de juges qui connaissent les arts et il n'y a pas d'arbitre,
à toutes fins utiles, dans ce secteur-là, au moment où on
se parle au Québec.
Si on veut que ce soit attirant pour les deux parties d'aller
régler leurs litiges, non pas devant un juge avec des procédures,
des frais d'avocats onéreux, mais si on veut les attirer dans un
arbitrage simple, il faudrait que les arbitres soient compétents. Si les
arbitres ne sont pas compétents, ce ne sera jamais attirant. Donc, ce
que je suggère, c'est qu'en collaboration avec le ministère de la
Justice, on commence à former une certaine banque d'arbitres en
matière artistique, parce que l'arbitrage ce n'est pas quelque chose de
simple. Que ce soit en matière artistique, en matière de
relations du travail, en matière d'affaires sociales ou
d'éducation, les arbitres ont besoin d'un bagage d'éducation et
de formation assez particulier. Bref, c'est ma deuxième remarque sur
cette question de l'arbitrage, on peut se poser une question: Est-ce que c'est
une formule qui est préférable à celle du recours devant
les tribunaux? (17 heures)
À mon avis tout à fait personnel, oui, la formule de
l'arbitrage est meilleure que la formule ordinaire. Quand c'est rendu devant
les tribunaux, c'est long et, comme je l'ai dit tantôt, c'est
coûteux, ça prend des avocats. Souvent, l'espèce
d'affrontement judiciaire a tendance à rendre encore plus aiguës -
exacerber, me souffle, à juste titre, le député de
Créma-zie - les tensions entre les parties. De cette façon,
souvent on se retrouve avec un jugement, mais deux parties qui sont, dans bien
des cas, insatisfaites l'une et l'autre. Avec un arbitrage, le climat est plus
détendu, les règles de procédure sont plus souples, les
frais sont moins élevés et souvent on en arrive à un
règlement avant la sentence de l'arbitre.
Donc, c'est mon opinion personnelle. C'est une solution qui s'applique
fort bien dans le domaine artistique, mais il faudrait être
assuré, pour que ça fonctionne autant en hiver qu'en
été, qu'il existe des arbitres dûment formés
qui sont prêts à entendre les litiges opposant un peintre avec sa
galerie ou encore un jeune écrivain qui vient de découvrir que la
clause 64 de son contrat d'édition fait en sorte que l'éditeur
avait le droit de traduire son livre dans toutes les langues et qu'il n'en
retire pas un bénéfice plus élevé que celui qui
était déjà prévu. Il y a plusieurs litiges qui sont
prévisibles dans ces secteurs.
En terminant, Mme la Présidente, je voudrais donc
renchérir sur cet accord qu'a consacré tantôt le
député de Saint-Jacques au projet de loi 78 qui vient dans la
foulée de la loi 90. Il s'agit là... De temps en temps, le
gouvernement fait de bons coups, il faut le dire. C'est plutôt rare, par
exemple. Je vois le député de Crémazie qui se
réjouit. On aimerait le faire plus souvent de notre côté,
mais ce gouvernement, sous la houlette d'un premier ministre qui a une grande
pelle pour tout pelleter en avant, nous avait habitués à peu
près à décider de la couleur de la margarine. Cela avait
pris quatre mois! Vous comprendrez que je n'étais pas surpris de voir
que lorsqu'est venu le temps de décider de l'heure d'ouverture et de
fermeture des commerces le dimanche, le gouvernement a décidé de
pelleter par en avant et de ne rien décider. C'était
déjà toute une décision pour eux.
Bref, en ces temps où le gouvernement libéral nous a
habitués en termes de menu parlementaire à un régime
minceur inégalé, je dois vous dire que le projet de loi 78 est le
bienvenu. Enfin, ça donne un petit peu une chance à l'Opposition
d'entrevoir que, dans certains secteurs, au moins ça bouge un petit
peu.
La ministre des Affaires culturelles, qui n'a pas eu de plus grand
succès dans son autre portefeuille en début de ce mandat... Mais,
on doit le dire, dans le secteur des affaires culturelles, avec ce projet de
loi, elle place encore une corde additionnelle à l'arc des artistes. En
ce sens-là, je pense que son initiative parlementaire doit être
remerciée et félicitée par l'Opposition. Je vous remercie,
Mme la Présidente.
Mme Lise Bacon (réplique)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taillon. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre des Affaires
culturelles, en réplique.
Mme Bacon: Mme la Présidente, je suis fort heureuse que le
député de Saint-Jacques ait un peu de renfort avec la
participation du député de Taillon. C'est vrai que pendant cette
période où nous étudierons le dossier du projet de loi 78,
nous aurons, je l'espère, ce temps d'une paix qui est si
nécessaire au dossier culturel.
Je ne reprendrai pas tous les arguments qu'a utilisés le
député de Saint-Jacques parce que, par moments, on
débordait largement du projet de loi 78, mais je pense que ce que nous
avons eu cet après-midi, comme participation des députés
de Saint-Jacques et de Taillon, concernant le projet de loi 78, nous devrons en
tenir compte à l'occasion de l'étude article par article de ce
projet de loi.
Le député a mentionné, cet après-midi, les
délais dans le dépôt de ce projet de loi. On doit lui dire
qu'il y a eu, quand même, énormément de consultations
faites auprès des groupes, auprès des associations, auprès
des artistes eux-mêmes. Nous avons aussi discuté avec le
groupe-conseil que nous avons mis sur pied, l'an dernier, afin de valider les
objectifs que nous nous étions fixés dans ce projet de loi et
pour que cela reflète vraiment les besoins du milieu. J'ai
déjà informé, la semaine dernière, le
député de mon voyage en Europe, du 2 au 10 décembre. Cela
explique, peut-être, que les auditions devront être faites avant ce
départ, pour qu'ensuite, dès mon retour, on reprenne avec lui
l'adoption, article par article, de ce projet de loi si important pour nos
artistes.
Nous avions, dès notre arrivée au pouvoir, Mme la
Présidente, établi les règles bien clairement. Nous
voulions que ces principes qui guident notre gouvernement à travers des
choix et des actions, reposent d'abord sur l'animation plutôt que sur
l'initiation. Par là, nous entendons redonner à l'état un
rôle plus cohérent et, aussi, moins dirigiste. Je pense que c'est
en étant plus sensibles aux besoins locaux, aux besoins
régionaux, plus efficaces au chapitre de l'accessibilité aux
différents services offerts aux Québécois, que nous
accomplirons ou que nous redonnerons à l'État un rôle plus
cohérent.
Nous avons tout mis en oeuvre au ministère des Affaires
culturelles afin d'assumer ce leadership si important et pour respecter,
reconnaître la liberté des artistes et des créateurs. En
même temps, en faisant cette preuve de maturité, nous voulions que
le devenir culturel repose aussi sur des bases solides. C'est pour cette raison
que nous avons toujours pris soin d'entretenir avec le milieu culturel un
dialogue franc, un dialogue serein et surtout un dialogue aussi efficace et que
nous avons voulu que le projet de loi que nous avons déposé et
dont nous voulons adopter le principe aujourd'hui, reflète bien les
désirs, les aspirations du milieu culturel.
Nous voulons absolument que les artistes viennent à nouveau
devant nous, viennent nous donner leurs impressions ou leurs recommandations
face à ce projet de loi. Nous avons voulu avoir ces trois jours
d'audition de mémoires pour que les gens viennent, tout simplement,
discuter avec nous du projet de loi, des différents articles qui le
composent.
Mme la Présidente, le député de Saint-Jacques
s'inquiète de l'adoption. Je dois lui dire que notre désir...
Comme il a démontré un esprit ouvert, un esprit de collaboration,
je pense que nous pourrons arriver à adopter ce projet de loi avant la
fin de cette présente session. Nous voulons aussi, par le fait
même, comme nous
l'avons fait l'an dernier, démontrer aux artistes que, cette
année, nous fermons cette boucle importante du dossier. À la
suite du dossier de ia loi 90, nous donnons à l'ensemble des artistes ce
statut, cette part dans la vie de cette société
québécoise qui est la nôtre. C'est vrai que c'est du droit
nouveau. C'est vrai qu'on ne peut pas se raccrocher à aucun autre projet
de loi, que ce soit ici au Québec, que ce soit au Canada, que ce soit
à l'étranger, puisque le Québec prend vraiment les devants
avec l'adoption de ce projet de loi. Nous devons être, peut-être,
encore plus exigeants quant à l'écriture du projet de loi,
exigeants aussi, quant aux gestes que nous poserons afin de donner le maximum
de possibilité ou de protection aux artistes. (17 h 10)
Si nous adoptons un projet de loi pour protéger les artistes en
arts visuels, en métiers d'art et en littérature, ce n'est pas
pour leur causer des problèmes. Au contraire, je pense que c'est pour
les aider davantage. Ces retombées d'un travail qui est créateur,
qui profite à l'ensemble de la société je pense, qu'il est
équitable, que les secteurs publics y apportent aussi leur contribution.
On ne saurait exploiter davantage un secteur si important de notre
société sans se préoccuper du bien-être et de
l'avenir des artistes qui sont à l'origine de notre développement
culturel. Je ne crois pas que l'État ait la mission, la
responsabilité de déterminer toutes les
éventualités quant à la portée de la loi pas plus
qu'il n'a à se substituer au rôle des artistes, des
interprètes, des créateurs en privilégiant par certains
moyens dont il dispose un mode d'expression, par exemple, telle vision du
monde, telle idéologie. Il ne faut pas confondre la mission et le statut
de l'artiste. Je crois que l'État a le devoir de faire en sorte que
l'artiste et créateur soit traité avec équité par
rapport aux autres citoyens. Je pense que ce n'est là que
reconnaître leur apport exceptionnel à l'édification de la
culture dans notre société. Cette loi est nécessaire, est
urgente dans le domaine du statut de nos artistes et je suis fière que
notre gouvernement ait posé les premiers jalons et que l'Opposition
fasse unanimité autour de ce projet de loi. Nous aurons l'occasion
d'entendre bientôt les différents groupes qui viendront nous
rencontrer et ensuite, Mme la Présidente, tenir compte de ce qu'ils
auront à nous dire pour l'adoption de ce projet de loi article par
article.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles. Le débat étant terminé, est-ce que le
principe du projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des
arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs
contrats avec les diffuseurs, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission de la culture
M. Gratton: Mme la Présidente, je voudrais faire motion
pour déférer le projet de loi à la commission de la
culture pour consultations particulières et étude
détaillée du projet de loi.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 72 du feuilleton pour que, avec le consentement
des membres de l'Assemblée, nous puissions procéder sans
débat, tant à l'adoption du principe qu'à l'adoption du
projet de loi 228, loi d'intérêt privé.
Projet de loi 228 Adoption du principe
La Vice-Présidente: Donc, à l'article 72 de notre
feuilleton, il s'agit d'un projet de loi privé présenté
par le député de Gaspé, qui porte le numéro 228 et
qui a trait à la Loi concernant le sanatorium Ross. Est-ce que le
principe du projet de loi 228, Loi modifiant la Loi concernant le sanatorium
Ross, est adopté?
Des voix: Adopté.
Adoption
La Vice-Présidente: Adopté. Est-ce que le projet de
loi 228, Loi modifiant la Loi concernant le sanatorium Ross, est
adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, après cet effort
d'efficacité, je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 16
où on risque que ce soit un peu plus long.
Projet de loi 70 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 16 de notre
feuilleton, le ministre délégué aux Finances et à
la Privatisation propose l'adoption du principe
du projet de loi 70, Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit. Je vais reconnaître M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: Merci, Mme la Présidente. L'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en
recommande l'étude à l'Assemblée.
Mme la Présidente, ce projet de loi sur les caisses
d'épargne et de crédit dont l'Assemblée nationale est
appelée à adopter le principe représente une étape
capitale dans la réforme des institutions financières du
Québec. Ce projet de loi devrait permettre au mouvement Desjardins
d'oeuvrer bientôt dans un cadre législatif plus souple et beaucoup
mieux adapté au Québec d'aujourd'hui et de demain. Ce projet de
loi correspond aux objectifs, aux principes directeurs et au plan d'action que
j'ai rendus publics en octobre 1987, il y a donc plus d'un an, dans le livre
blanc intitulé, "La Réforme des institutions financières
au Québec". Il est sans doute utile de rappeler que depuis le
dépôt de ce livre blanc, l'Assemblée nationale a
adopté, le 18 décembre 1987, la Loi sur les
sociétés de fiducie et les sociétés
d'épargne et que, le 28 mars 1988, nous avons conclu une entente avec le
gouvernement fédéral sur les valeurs mobilières,
préservant pleinement la juridiction du gouvernement du Québec en
ce domaine, malgré les acquisitions de firmes de courtage par des
banques à charte.
Le 29 mars dernier, j'ai déposé le rapport quinquennal sur
la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières, et des
modifications à cette loi seront proposées. J'ai également
publié, en avril dernier, un livre vert portant sur le
décloisonnement des intermédiaires de marchés. Ce document
a servi de base à une consultation générale tenue par la
commission parlementaire du budget et de l'administration, les 31 mai, 1er, 2
et 3 juin 1988. À la suite des travaux de cette commission, nous
préparons un mémoire qui sera soumis très prochainement au
Conseil des ministres dans le but de faire approuver les grands principes, les
grandes lignes de cette réforme tant attendue par tous les
intermédiaires. Le projet de loi devant éventuellement codifier
cette réforme suivra peu après. Il est donc fondamental de
considérer le projet de loi sur les caisses d'épargne et de
crédit dans la perspective d'ensemble de la réforme de nos
institutions financières.
Le Québec, comme vous le savez, Mme la Présidente, dispose
aujourd'hui d'un système financier efficace et dynamique capable de
remplir son rôle tout à fait indispensable dans la croissance de
notre économie et capable de répondre aux besoins de
sécurité et de protection financière de nos concitoyens.
Toutefois, nos institutions financières font face à deux
défis importants: la concurrence internationale, d'une part, et
Pentrepreneurship" local au Québec, d'autre part. L'internationalisation
des marchés place nos institutions financières dans une situation
de plus en plus compétitive. À ce sujet, j'ai déjà
fait état à plusieurs reprises de la nécessité pour
le Québec de favoriser le développement d'institutions
financières puissantes, bien armées pour résister à
la concurrence internationale.
De plus, les besoins financiers des entrepreneurs locaux sont en
croissance et doivent trouver une réponse rapide et accessible dans leur
milieu propre. Le décioisonnement des institutions et des
intermédiaires doit, par un encadrement législatif souple,
créer les conditions propices au renforcement de la taille, de la
diversification et de la distribution de notre système financier. Dans
cet esprit, la réforme des institutions financières au
Québec permet le décloisonnement par filiales tout en conservant
le caractère distincte des institutions reliées à une
activité principale. Nous désirons favoriser également -
et nous sommes, en ce domaine, à l'avant-garde des législations
canadiennes - la constitution de groupes financiers ayant des liens
commerciaux.
Après avoir brossé succinctement ce portrait d'ensemble de
la réforme de notre système financier, je voudrais, Mme la
Présidente, préciser comment le projet de loi s'inscrit dans
cette perspective. Mais je voudrais tout d'abord rappeler les grands traits de
l'évolution des caisses d'épargne et de crédit et de la
législation qui les gouverne, et brosser un tableau rapide du mouvement
Desjardins, qui regroupe la presque totalité de ces institutions et
représente un élément majeur de notre économie et
de notre société.
La première caisse populaire fut fondée à
Lévis en 1900 sans qu'aucune loi ne vienne encadrer son action. En 1901,
une deuxième caisse fut fondée à Lauzon. Il devint vite
évident qu'il était impossible d'asseoir la
crédibilité de ces caisses sans une loi qui établissait la
propriété des biens de la caisse et la responsabiité de
ses dirigeants. (17 h 20)
Considérant que les banques étaient de juridiction
fédérale et désireux d'étendre les caisses à
l'ensemble du Canada, M. Alphonse Desjardins, un fonctionnaire du gouvernement
fédéral, s'adressa au Parlement canadien, en 1903, pour obtenir
une loi régissant les caisses d'épargne et de crédit.
Après plusieurs démarches infructueuses, un projet de loi fut
finalement adopté par les Communes en 1908. Mais ce projet de loi fut
battu au Sénat par 19 voix contre 18. Ce Sénat, est-il utile de
le souligner, comprenait de nombreux représentants des banques, des
commerçants et des industriels qui voyaient d'un mauvais oeil
l'apparition de ces coopératives financières. Fait important
à noter, les opposants au projet de loi invoquaient surtout des
arguments constitutionnels. Les coopératives, soutenaient-ils, sont de
juridiction provinciale.
Pendant ce temps, à Québec, des amendements à la
Loi sur les syndicats coopératifs, votée en 1902, étaient
adoptés. Ils permettaient de couvrir les caisses d'épargne et de
crédit. Ces amendements, votés le 27 juin 1906, firent de la Loi
sur les syndicats coopératifs du Québec, la première loi
régissant les caisses populaires. Cette loi s'appliquera aux caisses
populaires pendant 57 ans. En effet, ce n'est qu'en 1963 que fut votée
une loi régissant spécifiquement les caisses populaires: la Loi
sur les caisses d'épargne et de crédit. Cette loi, pour reprendre
l'opinion du ministre responsable de l'époque, M. Lionel Bertrand, et du
chef de l'Opposition d'alors, M. Daniel Johnson, précisait de
façon claire, ordonnée et explicite les pouvoirs, les droits, les
attributions et le devoir des caisses populaires, de leurs
fédérations et de leurs organes administratifs. Ce "bill", comme
on appelait à l'époque un projet de loi, fut piloté en
commission plénière de l'Assemblée nationale par nul autre
que le premier ministre d'alors, M. Jean Lesage, et n'a subi, depuis son
adoption, que quelques modifications mineures.
Mme la Présidente, c'est un très grand honneur pour moi,
en tant que ministre responsable des institutions financières du
Québec, de vous présenter ce projet de loi 70 qui est en fait une
refonte complète de la loi de 1963. Comme vous le savez, le mouvement
Desjardins réclame avec insistance depuis des années la
révision de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.
La croissance phénoménale des caisses d'épargne et de
crédit, au cours des 25 dernières années, justifie
à elle seule l'intervention législative proposée par le
présent projet de loi. Les quelques chiffres qui suivent illustrent
l'évolution des caisses populaires au Québec.
En 1942, des actifs de 37 000 000 $ devenaient en 1963 1 000 000 000 $,
en 1973 4 400 000 000 $, en 1983 17 600 000 000 $ et en 1987 29 600 000 000 $,
alors que le nombre de membres passait de 161 818 en 1942, à 1 500 000
en 1963, 3 600 000 en 1973, 4 000 000 en 1983 et 4 200 000 en 1987. Comme on le
voit, il s'agit là d'une progression géométrique
très importante qui, de par le développement même des
caisses populaires, exige aujourd'hui une nouvelle loi.
De nos jours, le mouvement Desjardins, c'est 4 200 000 membres
répartis dans quelque 1400 caisses populaires présentes partout
au Québec, 28 000 employés et 18 000 dirigeants
bénévoles qui ont joué un rôle fort important tout
au long de son histoire et auxquels je désire rendre hommage. Le
mouvement Desjardins recueille à lui seul le tiers de tous les
dépôts reçus au Québec. Un dollar sur trois
déposés par les Québécois dans les institutions de
dépôt va chez Desjardins. Avec son actif de 34 000 000 000 $, le
mouvement Desjardins, si, en plus d'inclure les caisses, on y inclut
également les institutions complémentaires qui y sont
associées, est la sixième institution financière en
importance au Canada et le principal groupe financier canadien.
Le mouvement Desjardins, en plus de ses membres, de ses caisses et de
ses fédérations, regroupe en effet plusieurs institutions et
corporations d'importance comme le Groupe Desjardins assurance
générale, Assurance-vie Desjardins, La Sauvegarde, Fiducie
Desjardins, la Société d'investissement Desjardins, le
Crédit industriel Desjardins, la caisse centrale Desjardins du
Québec et plusieurs autres. Ce groupe financier dispose de tous les
atouts pour constituer un acteur régulier du système financier
d'aujourd'hui. Il est en mesure de faire face à la concurrence des
grandes institutions financières nationales et même
internationales. Mais, pour que ce groupe financier puisse vraiment jouer son
rôle, il lui faut un nouvel habit législatif. L'actuelle Loi sur
les caisses d'épargne et de crédit est, d'une part, trop
limitative dans les pouvoirs qu'elle accorde aux caisses et aux
fédérations et, d'autre part, elle ne prévoit pas les
dispositifs de réglementation et de contrôle qui conviennent
à une institution de cette envergure.
Il est donc impératif de réviser la loi de 1963. Trois
préoccupations majeures nous y incitent. Première
préoccupation: combler les lacunes de la loi actuelle. Depuis 1963,
l'encadrement législatif des caisses d'épargne et de
crédit n'a pas suivi le développement des structures du secteur
et l'accroissement de son poids relatif dans l'environnement économique
du Québec. Il y a un déphasage notable entre les deux. En dehors
de toute autre réforme, nombre de dispositions de la loi actuelle
doivent être actualisées pour conserver le caractère
normatif qu'elles avaient à l'origine, pour tenir compte du droit
nouveau introduit dans d'autres lois au Québec - je fais
référence, Mme la Présidente, au Code civil, au droit des
coopératives, au droit sur les assurances en particulier - et surtout
pour harmoniser cette législation selon les principes nouveaux qui
prévalent dans le secteur financier au Canada en matière de
décloisonnement et de réglementation. On constate notamment
aujourd'hui qu'on ne peut plus parler d'une simple relation membre-caisse mais
davantage, compte tenu de la diversité et de la complexité des
services financiers maintenant offerts, d'une relation membre-réseau. Ce
mode de relation remet en question le partage actuel de la
responsabilité des différents intervenants.
Deuxième préoccupation: protéger
l'intérêt public. Chaque jour, les caisses d'épargne et de
crédit reçoivent 50 % des nouveaux dépôts des
particuliers au Québec, accordent du crédit à des
centaines de milliers d'individus et d'entreprises agricoles, commerciales ou
industrielles et gèrent les paiements de 4 000 000 de comptes au
Québec. Il s'agit certes d'un secteur névralgique qui s'acquitte
d'une fonction indispensable dans une économie organisée et dont
la sécurité et la stabilité doivent être
assurées par un encadrement législatif approprié.
On constate en effet qu'au cours des dernières décennies
et, sans doute favorisées par l'introduction d'une assurance
étatique des dépôts, les institutions de dépôt
ont connu un tel accroissement de leur bilan que la discipline d'un
marché, la faillite, ne peut être, en aucun cas, la loi du
secteur, d'autant plus que c'est l'État, par le biais de
l'assurance-depôt, qui paierait la plus grande partie des frais d'une
telle éventualité; que la confiance repose sur la solidité
des institutions qui, elle-même est sous-jacente à la
qualité de l'administration, à la stabilité à court
et à long terme en ce qui a trait à la liquidité et
à la capitalisation en particulier et aux pratiques financières
commerciales; que la loi actuelle est dénuée de normes
financières adéquates concernant les prêts et placements,
la liquidité, la capitalisation et les conflits d'intérêts;
que les autorités de surveillance publiques ne possèdent pas
aujourd'hui tous les moyens d'intervention pour assumer pleinement leur
rôle de surveillance et de prévention, même dans un
système qui reconnaît l'autodiscipline et la répartition
des tâches au niveau des institutions financières
elles-mêmes et des professionnels externes; que le secteur des caisses
d'épargne et de crédit au Québec n'agit pas qu'en
qualité d'intermédiaire, mais étant lui-même
impliqué comme puissant holding dans le secteur financier, il agit aussi
en tant que preneur de risques. Cela peut créer des situations de
conflits d'intérêts ou de transactions entre parties
intéressées auxquelles les autorités de surveillance
doivent accorder une attention constante. (17 h 30)
Troisième préoccupation: normaliser la concurrence.
Partant du principe qu'une saine concurrence favorise de meilleurs services
à moindres coûts, d'où une efficacité accrue des
marchés financiers, il importe que toutes les institutions en mesure de
participer au marché puissent le faire dans les meilleures conditions
possible, d'où la nécessité d'harmoniser les lois
financières d'institutions du Québec au rythme des changements de
leurs concurrents.
C'est dans cette perspective que s'inscrit la réforme. Elle a
pour objectif notamment la modernisation des aspects corporatifs de la Loi sur
les caisses d'épargne et de crédit, de permettre aux caisses
d'exercer des pouvoirs additionnels en matière de crédit, de
formaliser l'autoréglementation actuellement existante et
d'accroître la surveillance externe, de préciser les normes
financières en matière de prêts et de placements, de
protéger le consommateur en promulguant des règles
appliquées à ses besoins, d'établir des règles
adéquates en matière de divulgation et de vérification, de
baliser le champ d'activité des caisses d'épargne et de
crédit comme entité et, en tant que réseau financier,
d'aider à résoudre le problème de sous-capitalisation du
secteur et, enfin, d'accorder des pouvoirs adéquats à
l'autorité de surveillance, l'Inspecteur général des
institutions finan- cières du Québec, chargé de par sa
fonction d'administrer la loi en vue d'assurer la protection du public.
Voilà, Mme la Présidente, les trois préoccupations
majeures qui nous incitent à corriger et à proposer ce nouveau
projet de loi.
Le mouvement Desjardins réclame des modifications à la loi
à laquelle sont assujetties ses institutions depuis de très
nombreuses années. Cependant, c'est en 1983 que fut remis au
gouvernement de l'époque un mémoire faisant état des
demandes précises de modifications à la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit. Ayant pris connaissance des besoins et
des demandes du mouvement Desjardins relativement à la loi à
laquelle ces institutions sont assujetties, le gouvernement entreprit alors la
rédaction d'un projet de loi. Il faut dire que, dès le
début des années quatre-vingt, le gouvernement du Québec
avait reconnu la nécessité de réviser la Loi sur les
caisses d'épargne et de crédit. C'est donc en 1984 que le
ministre responsable des Institutions financières compléta une
première esquisse de la révision envisagée.
Les consultations amorcées dès 1984 donnèrent lieu
à des échanges assez laborieux au cours desquels des conceptions
parfois opposées s'affrontèrent. Après une phase
d'accalmie durant la maladie et le décès de M. Blais,
regretté président du mouvement Desjardins, les dossiers furent
repris et des propositions de compromis furent dégagées qui,
soumises en consultations et publiées sous la forme d'un avant-projet de
loi en juin dernier, furent généralement acceptées par les
intervenants du mouvement Desjardins et par le public en général.
D'ailleurs, le président du mouvement Desjardins, M. Claude
Béland, dans un article qu'il signait dans le dernier numéro de
La Revue Desjardins, exprima sa satisfaction envers l'avant-projet de
loi en le démarquant du projet de 1983 dans les termes suivants, et je
cite: "L'avant-projet de loi de 1988 est fondamentalement différent de
celui de 1983 et nous avons exprimé notre satisfaction à cet
égard. Comment faire autrement, puisqu'il contient l'essentiel des
demandes formulées par les fédérations à travers
leur confédération?"
Mme la Présidente, j'aimerais souligner la collaboration
objective, efficace et professionnelle de l'Inspecteur général
des institutions financières, M. Jean-Marie Bouchard, et de ses
collaborateurs ainsi que des principaux intervenants tant au ministère
de la Justice que du Conseil exécutif dans la préparation de ce
projet de loi. Un travail aussi important, un projet de loi de quelque 500
à 600 articles, n'aurait pu voir le jour sans cette collaboration de
tous les instants. La commission parlementaire qui s'est tenue les 13, 14 et 15
septembre dernier a donné l'occasion d'entendre la présentation
de treize mémoires provenant d'horizons aussi variés que le
mouvement Desjardins - cela va de soi - le Service d'aide au consommateur, la
FTQ, l'Association des banquiers canadiens, l'Union des producteurs agricoles
et j'en passe. À la suite de
cette commission parlementaire, plusieurs des modifications
proposées furent retenues et incluses dans le projet de loi qui vous a
été présenté le 15 novembre dernier.
Ainsi, plusieurs recommandations contenues dans le mémoire de la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins et dans celui de la Fédération des caisses populaires
Desjardins de Montréal et de l'ouest du Québec ont
été retenues. À cet égard, il y a lieu de
souligner, sans que cette enumeration soit limitative, l'assouplissement des
exigences en matière de divulgation d'intérêt par les
dirigeants; la simplification et la libéralisation du régime de
réglementation des caisses, fédérations et
confédérations, le remboursement des parts permanentes
émises par les caisses à la retraite et à la
préretraite des détenteurs, l'octroi du pouvoir à une
fédération par l'entremise de sa réserve de stabilisation
de pourvoir au paiement d'intérêts sur les parts permanentes
émises par ses caisses affiliées, l'émission de parts
privilégiées et de parts sociales par les
fédérations, l'émission de parts sociales par la
confédération, l'extension du champ d'activité des
caisses, le retrait du pouvoir pour le gouvernement d'interdire à une
caisse l'exercice de certaines activités dont elle aurait
été préalablement autorisée à exercer,
l'élargissement des pouvoirs de placement des sociétés de
portefeuille de la confédération, la libéralisation des
règles relatives à la représentation des employés,
dont les directeurs généraux, au sein des différents
conseils ou comités des caisses et des fédérations.
À la suite des représentations faites par le service
d'aide aux consommateurs, le projet de loi a été modifié
pour introduire des dispositions relatives à la divulgation des frais de
service et à l'affichage des comptes inactifs d'une caisse. Le projet de
loi prévoit également l'obligation pour une caisse de traiter
adéquatement les plaintes provenant de ses membres avec
possibilité de révision par la fédération à
laquelle elle est affiliée.
Dans son mémoire, la Fédération des travailleurs du
Québec, la FTQ, a fait état de certaines imprécisions dans
l'avant-projet de loi, imprécisions susceptibles d'affecter les
relations du travail. Des corrections ont été apportées
dans le projet de loi. Pour sa part, l'UPA s'est inquiétée du
libellé des dispositions touchant la répartition des ristournes.
Des précisions ont également été apportées
à ce sujet. Les inquiétudes de la Chambre des notaires et de
l'Ordre des comptables agréés du Québec quant à
l'admissibilité de leurs membres à participer à la gestion
des caisses ont été considérées. Les commentaires
des représentants des comptables agréés en matière
de vérification ont également été pris en
considération. Quant aux commentaires de l'Association des banquiers
canadiens sur la fiscalité des caisses d'épargne et de
crédit, on comprendra aisément qu'il appartient au ministre des
Finances de préciser des suites à leur donner. Cependant, le
projet de loi retient une recommandation importante portant sur la divulgation
puisque, dorénavant, les fédérations et la
confédération seront tenues de publier annuellement dans des
quotidiens un résumé de leurs états financiers.
C'était là une demande de l'Association des banquiers
canadiens.
Donc, d'une façon générale, Mme la
Présidente, la refonte de la Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit, qui est proposée, donnera aux caisses d'épargne et
de crédit, notamment au mouvement Desjardins, l'encadrement
nécessaire à un groupe financier de dimension nationale
doté de pouvoirs et de moyens requis pour s'adapter aux conditions de la
concurrence d'aujourd'hui et capable de poursuivre son développement et
son expansion en fonction des besoins de ses membres et de ceux de
l'économie du Québec.
La refonte assurera la modernisation du cadre corporatif des caisses,
l'adaptation de l'encadrement financier et le renforcement des
mécanismes de contrôle et de surveillance par l'attribution de
pouvoirs appropriés aux fédérations, à la
confédération, à l'Inspecteur général des
institutions financières et au ministre chargé de l'application
de la loi. (17 h 40)
Le projet de loi introduit des mesures qui ont pour but de doter les 4
200 000 membres et les 18 000 dirigeants bénévoles du mouvement
Desjardins d'un régime corporatif inspiré des récentes
législations. Ainsi, à titre d'exemple, on peut évoquer
les changements suivants. Les résolutions écrites et
signées par tous les membres ont la même valeur que si elles
avaient été adoptées lors d'une assemblée. La tenue
obligatoire d'une assemblée spéciale des membres, à la
demande d'un dixième d'entre eux. Les réunions des membres des
conseils peuvent se faire notamment par téléphone. Aucun membre
ne peut être exclu ou suspendu, à moins d'avoir été
avisé par écrit motivé et avoir eu l'occasion de se faire
entendre. Afin d'assurer une meilleure représentation des membres au
sein du conseil d'administration, le territoire d'une caisse peut être
divisé en secteurs ayant droit d'élire un certain nombre
d'administrateurs. Le rapport annuel transmis aux membres devra comporter
désormais plus d'informations financières, notamment sur le
rendement de la participation d'une caisse au fonds d'investissement de la
fédération et sur le crédit accordé aux dirigeants
et aux personnes qui leur sont liées.
La responsabilité des dirigeants est clairement
énoncée et ceux-ci jouissent d'un régime de protection en
cas de poursuites judiciaires en vertu duquel la caisse,
fédération ou confédération doit assumer leur
défense et payer les dommages ou rembourser leurs dépenses dans
des circonstances déterminées. Toutefois, un dirigeant devra
assumer pleinement la responsabilité de ses actes lorsqu'il aura agi
contrairement à la loi et au règlement.
Les caisses demeurent essentiellement
vouées à faire fructifier l'épargne de leurs
membres en leur consentant du crédit. Ce pouvoir est élargi pour
couvrir toute forme de crédit. Elles pourront exercer des
activités financières connexes comme la vente d'obligations
gouvernementales, l'émission de cartes de paiement et de crédit,
certains services à caractère public, certains services
administratifs tels que service de gestion d'une caisse, de
télétrésorerie, de facturage, et ceux relatifs à
l'administration de régimes de retraite et, avec l'autorisation du
gouvernement, exercer toute autre activité si le gouvernement juge qu'il
y va de l'intérêt public et de celui de ses membres. De plus, le
mouvement pourra continuer à jouir du décloisonnement par le
biais de ses compagnies associées, de la même façon qu'il a
pu le faire jusqu'à maintenant.
En plus de pouvoir consentir du crédit aux entreprises sous forme
de prêt, de lettres de crédit ou de garantie, les caisses pourront
consacrer jusqu'à 2 % de leur actif au financement des entreprises
locales par voie d'acquisition d'actions ou de titres d'emprunt. Il ne leur
sera plus permis, toutefois, de contrôler ces entreprises. L'apport de ce
capital de risque sera un appui important, je crois, au développement de
plusieurs régions du Québec. Le développement des caisses
d'épargne et de crédit a toujours été limité
par les contraintes auxquelles elles étaient soumises pour
accroître leur capitalisation. L'accroissement du capital ne pouvait se
faire que par les trop-perçus générés par les
activités et versés à la réserve
générale. Tel que le mouvement le réclamait, la
réforme permettra aux caisses d'épargne et de crédit
d'émettre des parts permanentes et des parts privilégiées,
leur donnant ainsi accès aux sources de capitalisation externe dont
elles ont besoin pour leur développement.
Avec ces nouvelles possibilités de capitalisation, le projet de
loi établit des normes plus rigoureuses de capitalisation, assurant
ainsi une meilleure protection pour les déposants. Le niveau de
capitalisation requis sera comparable à celui qui est exigé des
autres institutions financières dans le pays. De plus, notons que les
exigences de capitalisation s'appuieront dorénavant sur la notion de
réseau, chaque fédération et ses caisses affiliées
constituant un réseau.
Compte tenu des exigences de plus en plus élevées pour les
institutions de dépôt dans le monde et des risques grandissants
sur les marchés financiers, la nouvelle loi exigera donc de Chaque
réseau, fédération, caisse affiliée et de chaque
caisse non affiliée une capitalisation égale à au moins 5
% de ses dettes. Les caisses d'épargne et de crédit s'entraident
financièrement par leur fédération respective et leur
fonds de sécurité. Ce vécu des caisses est reconnu dans le
projet de loi par l'introduction du concept garantie-réseau et base
d'endettement-réseau. Ce nouveau régime donne le pouvoir aux
fédérations de combler le déficit de leurs caisses, mais
soumet ces dernières au contrôle de la fédération en
ce qui concerne leur niveau de capitalisation.
Afin que les fédérations soient en mesure d'offrir cette
garantie, l'ensemble du capital d'une fédération et de ses
caisses affiliées doit être maintenu à un niveau
déterminé dans la loi. Ce régime permettra à une
caisse en état de sous-capitalisation de continuer ses
opérations, mais elle pourra se voir alors imposer un plan de
redressement par la fédération. Le réseau lui-même
est sujet au contrôle de la confédération et, le cas
échéant, de l'Inspecteur général des institutions
financières. En outre, le projet de loi prévoit qu'une
fédération en difficulté pourra recourir a la garantie
d'une autre fédération affiliée à une même
confédération et ce, avec l'autorisation de l'inspecteur
général.
Le nouveau projet de loi permet la constitution de
sociétés de portefeuille par une confédération pour
canaliser les investissements du groupe. Ces sociétés seront
spécialisées et sauront la nature des investissements qu'elles
peuvent effectuer. Le projet de loi permet la création de quatre types
de sociétés de portefeuille: une société de
portefeuille financière qui canalisera les investissements dans des
filiales financières, une autre société de portefeuille
dans des entreprises de services pour les membres du groupe, une
société de portefeuille immobilière et, enfin, une
société de portefeuille pour les investissements commerciaux et
industriels. Cette formule représente un changement structurel
important. La société de portefeuille financière, en
regroupant les investissements dans toutes les institutions financières,
permettra une meilleure coordination dans le développement des
activités financières du groupe, tout en assurant un meilleur
accès au marché financier. De plus, en plaçant
l'activité des sociétés commerciales et industrielles dans
la confédération, on fait en sorte que les
fédérations n'auront plus directement de liens commerciaux. Cette
nouvelle structure permet donc un meilleur contrôle des transactions
intéressées.
Les difficultés récentes de certaines institutions
financières ont mis en évidence les dangers que pourraient
présenter, pour la sécurité et la solvabilité des
institutions, les transactions avec des parties intéressées. Avec
le développement des réseaux financiers et l'accroissement des
liens commerciaux, les risques reliés aux transactions
intéressées sont susceptibles de s'accroître. D'ailleurs,
lors de la consultation de juin dernier sur le décloisonnement des
intermédiaires, plusieurs intervenants ont rappelé, à
juste titre, que le décloisonnement souhaité devrait être
encadré par des règles plus strictes touchant la
déontologie. Il devient donc important de renforcer les mesures de
contrôle à cet égard.
Le système préconisé se compose de plusieurs
éléments importants. Tout d'abord les structures de
contrôle interne ou les responsabilités seront partagées
entre la confédération, les fédérations, les
comités de déontologie, les
conseils de surveillance, le vérificateur et le conseil
d'administration. Un comité de déontologie construit au sein de
chaque fédération doit adopter des règles sur les
transactions intéressées et les conflits d'intérêts,
incluant la protection des renseignements à caractère
confidentiel. Ces règles doivent être conformes aux politiques de
la confédération. Elles sont approuvées par la
fédération et appliquées par le conseil de surveillance de
chaque caisse et chaque fédération. Les contrats de services
ainsi que les transferts d'actifs avec une personne intéressée
devront, de plus, être approuvés par le conseil d'administration.
Le vérificateur doit relever les manquements aux règles dont il
prend connaissance et donner un avis à l'inspecteur
général sur la qualité des méthodes de gestion
adoptées par le comité de déontologie et sur la
façon dont une caisse ou fédération s'y conforme.
Le projet de loi prévoit également une enumeration des
personnes qui, en fonction de leurs charges, de leur mandat et de leur
intérêt ou parce qu'elles sont liées à de telles
personnes ou encore, en fonction de la place qu'elles occupent dans un groupe,
peuvent influencer les décisions de l'institution dans leur propre
intérêt. Ce sont les personnes intéressées. (17 h
50)
II n'est absolument pas question, Mme la Présidente, de partir
une chasse aux sorcières. Il faut d'ailleurs se réjouir du
dévouement et du désintéressement de la très grande
majorité des milliers de bénévoles qui ont bâti le
mouvement Desjardins et qui continuent à le faire vivre.
Néanmoins, le législateur doit assumer ses responsabilités
et prendre les moyens pour neutraliser les situations de conflits
d'intérêts. Des principes et des pouvoirs réglementaires
viseront à protéger les tiers, notamment contre la divulgation
des renseignements confidentiels, les ventes liées et toute autre
situation où l'institution pourrait être en conflit entre son
intérêt ou celui d'une personne de son groupe et
l'intérêt de ses membres.
Le projet de loi met en place des sanctions d'ordre civil qui consistent
à faire annuler par un tribunal un contrat qui contrevient aux
règles, à la demande de tout intéressé ou de
l'inspecteur général. Il rend solidairement responsables les
dirigeants et membres de conseil pour les dommages subis consécutivement
à une contravention. Il prévoit des sanctions pénales sous
forme d'amendes. Il dresse une liste d'infractions et défend notamment
à un dirigeant de communiquer un renseignement confidentiel sauf dans la
mesure déterminée par les règles adoptées par le
comité de déontologie et par les règlements du
gouvernement.
Le projet de loi respecte l'identité corporative des caisses et
des fédérations et reconnaît le principe de
l'autoréglementation en conférant aux diverses instances des
pouvoirs de surveil- lance et de contrôle. Le conseil de surveillance est
maintenu. Son rôle est étendu en ce qu'il doit s'assurer que les
politiques et ordonnances des instances supérieures sont
appliquées et que les règles édictées par le
comité de déontologie sont respectées. Les
fédérations, en raison de la garantie réseau, ont des
pouvoirs étendus de réglementation et d'intervention. Notamment,
elles peuvent, lorsqu'elles jugent que la situation l'exige, intervenir dans la
gestion d'une caisse au moyen d'instructions écrites en lui ordonnant
d'adopter un plan de redressement. Elles peuvent adopter des règlements
applicables aux caisses sur les conditions et les limites du crédit, sur
la suffisance de leur base d'endettement et sur tout sujet de nature
financière et administrative. Elles ont le devoir d'inspecter et de
vérifier annuellement leurs caisses affiliées, si elles ne sont
pas affiliées à une confédération. Lorsqu'il y a
une confédération, cette responsabilité incombe à
celle-ci.
Une confédération peut intervenir auprès d'un
réseau fédération-caisses à la demande de
l'inspecteur général pour imposer un plan de redressement. Elle
peut, au lieu et place d'une fédération, appliquer un plan de
redressement qu'une fédération néglige d'appliquer. Elle
approuve certains règlements d'une fédération. Elle adopte
des règlements sur la constitution et la gestion des fonds
confiés à une fédération par les caisses sur la
suffisance de la réserve générale et des liquidités
d'une fédération et des caisses affiliées. Elle adopte
également des règlements directement applicables aux caisses sur
des sujets de nature administrative. Elle doit vérifier annuellement et
inspecter tous les 18 mois les caisses affiliées à ces.
fédérations, et ces dernières doivent être
inspectées annuellement.
Le gouvernement, par l'entremise de l'Inspecteur général
des institutions financières, conserve cependant son rôle
primordial de surveillance, de contrôle et d'intervention dans des
situations graves. Le projet de loi oblige les fédérations et les
caisses à des rapports annuels sur leur situation financière, les
transactions intéressées et tout autre sujet pertinent. De plus,
l'inspecteur général peut, en tout temps, demander toute
information qu'il juge utile et faire enquête, au besoin, dans une caisse
ou une fédération. L'inspecteur doit s'assurer que les
inspections annuelles et les vérifications financières sont
faites. Le projet de loi confère à l'inspecteur
général des pouvoirs d'intervention auprès d'une
fédération en difficultés financières ou en cas de
défaut d'une fédération ou de la
confédération de remplir une obligation établie par la
loi. Il peut notamment évaluer ou faire évaluer un
élément d'actif ou une garantie ayant déterminé une
valeur, imposer un plan de redressement, inspecter en tout temps une caisse,
fédération, confédération et même une
société de portefeuille filiale d'une confédération
opérant dans le secteur financier. Il possède un pouvoir
d'ordonnance qu'il peut exercer même envers les filiales de cette
société de portefeuille. Il a le pouvoir de demander une
injonction pour faire respecter la loi et celui de recommander au ministre la
mise en tutelle d'une caisse, fédération ou
confédération.
Dans le cas des caisses non affiliées, c'est l'inspecteur
général qui exerce les pouvoirs d'intervention qui sont autrement
exercés par les fédérations à l'endroit des caisses
qui leur sont affiliées. Le gouvernement conserve également un
pouvoir de réglementation pour les caisses et les
fédérations non affiliées pour répondre à
des situations d'urgence en cas de défaut ou d'insuffisance des
règlements établis par les fédérations ou la
confédération.
Le projet de loi autorisera une confédération
affiliée à une fédération constituée en
vertu d'une loi autre que québécoise et faisant affaires dans une
autre province canadienne. Cette affiliation comme membre auxiliaire permettra
à la confédération québécoise de fournir des
services, sans toutefois assumer des responsabilités financières
à l'égard des fédérations non
québécoises. Je crois qu'il s'agit là d'une ouverture fort
importante qui fera rayonner le mouvement québécois Desjardins
partout au Canada.
Voilà donc, Mme la Présidente, l'essentiel des
caractéristiques du projet de loi qui est soumis à l'approbation
de principe de cette Chambre. Je suis convaincu qu'il répond
parfaitement à l'intérêt public et que les principes qui en
ont guidé la rédaction sont clairs et fondamentaux. L'encadrement
législatif d'un mouvement de l'ampleur de Desjardins doit à la
fois faciliter le développement et le déploiement du mouvement,
assurer son statut fondamentalement coopératif, garantir la
cohérence de l'évolution et prévoir les mécanismes
de surveillance appropriés.
Je suis convaincu que ce projet de loi, qui constitue une étape
fort importante de notre développement collectif au Québec,
recevra, j'en suis sûr, en tant que Québécois, l'appui de
tous les députés de cette Chambre. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Je demande l'ajournement du débat, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député, est-ce que
vous voulez dire la suspension du débat jusqu'à 20 heures? Compte
tenu de l'heure, nous allons donc suspendre nos débats jusqu'à 20
heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 20 h 5)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plait!
L'Assemblée reprend ses travaux et nous poursuivons le débat sur
la motion d'adoption du principe du projet de loi 70, Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit présenté par M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation.
Lors de la suspension de nos travaux la parole était à M.
le député de Lévis pour l'intervention principale de
l'Opposition. M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je remarque que nous
commençons nos travaux avec environ cinq minutes de retard... Je le
remarque parce que le ministre, quand je suis en retard, aime à le
souligner. Je vous ferai remarquer, à ce moment-ci, que nous
commençons en retard parce que nous n'avions pas quorum du
côté du gouvernement. Il faut le souligner de part et d'autre pour
avoir les mêmes mesures d'équité à ce point de
vue.
M. le Président, le projet de loi 70, au fond, n'est pas
seulement en retard de cinq minutes, il est en retard de trois ans puisque tout
le monde sait qu'il y avait déjà un projet de loi qui avait
été discuté, lorsque les libéraux sont
arrivés au pouvoir. Il y avait déjà un projet de loi. Le
projet de loi sur les assurances avait été passé par le
précédent gouvernement et, en même temps, la Loi sur les
fiducies et la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit avaient
été préparées. Il restait au gouvernement à
faire les derniers ajustements ou les dernières écritures pour
présenter le projet de loi. C'est pourquoi, on remarque... Le ministre a
attendu trois ans pour présenter, non pas un projet de loi, mais un
avant-projet de loi. Finalement, le projet de loi a été
déposé il y a exactement une semaine, le 15 novembre 1988, parce
que le gouvernement, essentiellement, dans les projets de l'ancien gouvernement
qui étaient dans les tiroirs...
Si le projet de loi avait été présenté dans
les mois qui ont suivi le changement de gouvernement, M. le Président,
tout le monde aurait su que c'était un projet de loi du Parti
québécois. C'est pourquoi le gouvernement, comme pour beaucoup de
choses qu'il a mises en place depuis trois ans, a attendu pour avoir la
paternité d'un bébé qui était déjà
enfanté. Il a retardé indûment la naissance du produit. Et
c'est ce à quoi on a assisté dans de nombreux secteurs, à
tel point que, chaque fois qu'il y a une mesure, on dit que c'est la faute de
l'ancien gouvernement. Mais lorsque arrive la paternité des projets qui
sont vraiment les produits du travail de l'ancien gouvernement, là, on
remarque une certaine réticence à reconnaître la
paternité du produit et à rendre à César ce qui
appartient à César.
On peut comprendre, M. le Président,
l'impatience du mouvement Desjardins qui est prêt à bien
des compromis, comme on l'a vu de la part du président, parce qu'il veut
que ce projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit soit
vraiment adopté au cours de cette session. C'est pourquoi même le
président, dans une déclaration qu'on retrouvait dans le journal
de vendredi dernier, peu de temps après le dépôt du projet
de loi, se disait satisfait, même s'il y a un certain nombre de lacunes
dans le projet de loi. Il disait: Ce projet de loi, rappelons-le, était
réclamé depuis des années par Desjardins qui souhaitait
ainsi moderniser ses structures et élargir son champ d'activité.
J'aurai l'occasion de revenir sur les lacunes du projet de loi en y
référant au fur et à mesure de l'étude du principe
du projet de loi.
M. le Président, une des principales lacunes a été
la réserve du ministre à décloisonner au même rythme
pour les caisses populaires que pour les autres institutions
financières. Dans son livre blanc, le ministre indique qu'il veut faire
le décloisonnement des institutions financières, mais, lorsque
arrive la mise en oeuvre de ce décloisonnement, le ministre a des
réticences qu'il n'avait pas lorsqu'il a présenté son
livre blanc. C'est le cas notamment de l'offre des produits financiers
où le ministre n'est plus cohérent. C'est pourquoi
l'éditorialiste du Devoir mentionne que le ministre doit sortir
de la confusion parce qu'on ne sait plus combien de modèles de
décloisonnement il y aura maintenant au Québec parce que le livre
blanc tel que présenté par le ministre n'est pas mis en
oeuvre.
Croit-il toujours à son livre blanc sur la réforme des
institutions financières d'octobre 1987 qui envisageait l'offre de
produits financiers d'autres institutions? M. le Président, on ne le
sait plus. C'est pourquoi ce n'est pas sans raison que l'éditorialiste
du Devoir, qui est peut-être le seul journal qui n'a pas de
propriétaire comme les journaux en ont maintenant, comme le journal
La Presse, avec la finance de Power Corporation ou encore Le Soleil
avec la finance de Toronto et de Conrad Black... Au moins, dans Le
Devoir, on peut être d'accord ou ne pas être d'accord, mais on
sait que ce n'est pas la finance qui dicte les éditoriaux. On dit: "On
s'attendait que le gouvernement du Québec précise sa position
dans l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de
crédit. Le ministre des Finances et de la Privatisation, M. Pierre
Fortier, n'a pas voulu trancher de manière explicite. Il a
préféré maintenir les dispositions de la
législation en vigueur qui, dans son esprit, autorise déjà
le mouvement coopératif à offir d'autres services financiers dans
ses succursales locales."
Il continue la dissertation pour dire: "Dans une hypothèse comme
dans l'autre, toutefois, c'est le mouvement coopératif qui court les
plus grands risques parce qu'il devra affronter un autre débat et dans
des conditions que personne ne peut prévoir. À tout prendre, le
gouvernement ferait mieux de sortir tout de suite de la confusion et de
profiter du projet de loi pour définir clairement sa position." On sait
qu'il y a actuellement des choses devant les tribunaux. Justement, cette
discussion est devant les tribunaux. Pourquoi? L'éditorialiste continue:
"Les poursuites judiciaires entamées par les courtiers pourraient durer
très longtemps, assez pour permettre à Desjardins de consolider
son réseau de nouveaux services financiers. Il serait absurde alors de
laisser le mouvement coopératif s'engager à long terme dans un
tel développement sans lui fournir des garanties légales."
Ce n'est pas normal, M. le Président, qu'actuellement, tout le
mouvement coopératif des caisses d'épargne et de crédit
soit devant les tribunaux sur une question de savoir s'il peut ou non vendre de
l'assurance dans ses caisses - et ce procès peut durer longtemps - alors
qu'il y a un projet de loi concernant justement les pouvoirs des caisses
d'épargne et de crédit, que le gouvernement ne se branche pas
d'une façon claire. On dit: Oui, mais on pense que ça veut dire
ça. Alors que le rôle d'une loi n'est pas de dire on pense que, on
peut penser, on peut interpréter. C'est justement de dire les choses
clairement dans un projet de loi. C'est ça le but d'un projet de loi,
c'est de dire les choses clairement et non pas d'une façon sibylline,
obscure pour que les gens aillent se débattre devant les tribunaux. Je
comprends, M. le Président, que certaines personnes que vous connaissez
peuvent être heureuses parce que, comme avocats - je ne parle pas des
avocats de la Californie que l'on mange - mais, comme avocats, pourront faire
des heures de travail pour plaider ces questions alors que le gouvernement
aurait pu éviter ces débats juridiques inutiles parce que la
question aurait pu être tranchée de façon claire à
l'occasion de ce projet de loi.
C'est pourquoi, l'éditorialiste continue: "Québec ne doit
pas reculer par ailleurs en ce qui touche son pouvoir de contrôler
l'émergence de nouvelles activités dans les caisses." Il continue
en disant: "À ce chapitre, l'ensemble du mouvement coopératif
d'approuver dans les faits qu'il lui est possible d'être à la fois
gros et toujours coopératif." M. le Président, à ce
moment-ci, c'est à l'occasion d'un projet de loi que de faire en sorte
qu'il n'y ait pas de confusion. On se rend compte que le ministre qui a
annoncé... Et là, je vais vous lire son document à la page
68 intitulé: "La réforme des institutions financières au
Québec." C'est une façon au fond de reprendre à son compte
un peu les politiques qui ont été mises en place par l'ancien
ministre des Institutions financières, M. Parizeau, lorsqu'à la
page 68 le ministre dit: Objectifs et principes directeurs: quatrième
principe: permettre le développement de réseaux de distribution
de services financiers."
Qu'est-ce qu'il dit? Je vais vous lire la page, M. le Président,
pour voir à quel point
c'est clair dans le livre blanc. On verra après ça
à quel point les projets de loi, eux, ne sont pas clairs. "La
distribution, par l'entremise des succursales ou de ses intermédiaires
de toutes les institutions financières affiliées à un
même groupe, des services et produits offerts par chacune d'entre elles,
constitue des bénéfices importants du décloisonnement,
tant pour les institutions elles-mêmes que pour les usagers. Pour les
groupes financiers, le réseau de distribution commun permettra de
rentabiliser le réseau de succursales ou d'intermédiaires en
offrant, avec la même infrastructure, une gamme de services plus large.
Pour le consommateur, les succursales ou les intermédiaires appartenant
à un réseau peuvent offrir, en un même lieu, tous les
services requis. Cet avantage sera particulièrement évident dans
les régions éloignées où certains services
financiers sont rarement disponibles." On verra à quel point, dans
plusieurs centaines de municipalités du Québec, ce sont seulement
les caisses populaires, les caisses d'épargne et de crédit qui
offrent des services financiers. Le ministre continue dans son livre blanc:
"Plusieurs groupes financiers ont déjà pris des initiatives pour
développer de tels réseaux; mais, les possibilités restent
limitées dans le cadre de la réglementation actuelle,
conçue en fonction d'un secteur financier cloisonné.
Là, je vous lis le principal bout qui est concluant, quand le
ministre dit dans son livre blanc, toujours de 1987: "Les possibilités
de participer à un réseau ne seront pas réservées
qu'aux membres d'un groupe financier. Les institutions indépendantes
pourront, elles aussi, par ententes avec d'autres institutions, assurer une
distribution plus large de leurs produits et offrir à leur
clientèle les produits et services des institutions avec lesquelles
elles seront liées par des ententes." C'est exactement le pouvoir que
demandent les caisses populaires Desjardins parce qu'elles souhaitent pouvoir
justement bénéficier de ce décloisonnement, mais dans un
projet de loi clair, pas confus, pour lequel il ne sera pas nécessaire
d'aller devant le tribunaux, alors qu'on est justement au moment où on
précise, dans un projet de loi nouveau, quels seront, dans l'avenir, les
pouvoirs des caisses d'épargne et de crédit. À ce
moment-ci, c'est le moment où jamais de le dire d'une façon
claire. Quel sera, après l'adoption et l'entrée en vigueur de ce
projet de loi - sans doute au début de l'année 1989, parce que ce
projet de loi, normalement, devrait avoir passé les étapes avant
l'ajournement des fêtes, le 21 décembre prochain...
Le mouvement Desjardins ou les caisses d'épargne et de
crédit devraient pouvoir savoir d'une façon claire quels sont les
pouvoirs et les activités qu'elles peuvent exercer sur le plan financier
et si elles peuvent vraiment devenir ce qu'elles souhaitent être, des
coopératives de services financiers plutôt que seulement des
caisses d'épargne et de crédit. Pourquoi? Parce que, depuis des
années... Je me rappelle, M. le Président, au début des
années soixante-dix, alors que j'étais professeur à la
Faculté de droit de l'Université Laval dans le domaine des
institutions financières, j'invitais le président du mouvement
Desjardins, M. Alfred Rouleau, à venir discuter avec mes
étudiants des perspectives du mouvement Desjardins et de la pratique du
mouvement Desjardins dans le cadre d'une partie du cours portant sur les
caisses d'épargne et de crédit. M. Alfred Rouleau expliquait,
à ce moment-là, que ce que le mouvement Desjardins voulait
être, au fond, c'est un genre de centre d'achats financier où un
membre des caisses populaires pourrait venir et s'habiller complètement
sur le plan financier, pas seulement un magasin où il trouverait un
habit pour trouver à un autre endroit une paire de souliers et à
un autre endroit une paire de bas, mais où il pourrait s'habiller au
complet sur le plan financier et, à ce moment-là, rencontrer des
conseillers qui pourraient lui proposer toute la gamme des produits à
l'intérieur d'une caisse populaire.
C'est ce vers quoi s'est orienté graduellement le mouvement
Desjardins. On l'a vu avec la création de la Société de
fiducie du Québec, devenue récemment la Fiducie Desjardins, avec
différentes institutions d'assurances et différents types
d'entreprises qui ont commencé à constituer le réseau des
services financiers que voulait offrir le mouvement Desjardins à ses
membres. (20 h 20)
Aujourd'hui, c'est pourquoi on demande au ministre: Est-ce qu'il croit
toujours à ce décloisonnement? Je me rappelle le discours qu'il
n'a pas repris, il a changé les mots. Tout à l'heure, quand il a
parlé de créer des intervenants financiers puissants parce qu'il
craint la concurrence étrangère - il parle de la concurrence
étrangère que devront bientôt affronter nos institutions
financières - il disait vouloir créer des instruments, des
intervenants financiers puissants. Au moment du dépôt du livre
blanc, le ministre avait employé d'autres termes. Il nous disait qu'il
voulait développer des mammouths financiers. Mot exact, le mammouth,
c'est un des plus gros animaux qu'ait connus l'histoire de l'humanité.
Je lui avais dit à ce moment-là: Un mammouth, je ne suis pas
certain... La définition d'un mammouth, pour moi, c'est un animal
préhistorique disparu, faute d'avoir pu s'adapter à
l'environnement de son milieu. Je ne suis pas certain que c'est ce que je
souhaite pour les caisses populaires Desjardins. Je pense qu'elles doivent
être des institutions qui offrent la gamme des produits sans être
des mammouths.
D'ailleurs, lors de la commission parlementaire, j'ai demandé au
président du mouvement Desjardins, comment il voyait le mouvement
Desjardins? Certains aimeraient le définir comme
une grande corporation qui a des succursales. Le président du
mouvement Oesjardins a bien insisté pour dire: Nous sommes environ 1300
caisses populaires, caisses locales qui, en ce qui concerne chacune des
régions, se sont donné, pour assurer des services, une
fédération qui est l'émanation des caisses populaires
locales. Finalement, les fédérations régionales ont
constitué, elles, la Confédération des caisses populaires
qui a son siège social à Lévis, il disait bien à ce
moment-là qu'il s'agissait d'un mouvement démocratique
coopératif qui est l'émanation de la base et qui constitue un
grand ensemble. Je pense que là-dessus, il ne faut pas essayer de
critiquer le mouvement Desjardins parce qu'il a réussi à
correspondre aux besoins des gens.
Il y a des choses qui doivent être améliorées. Tout
le monde en convient. C'est pour cela qu'il y a un projet de loi. Lorsqu'on
pense à la concurrence étrangère, comme le pense le
ministre, je suis persuadé qu'il pense aux institutions japonaises
financières, par exemple. Je pense aux institutions américaines.
Je ne vois pas pourquoi, à ce moment-là, en faisant la Loi sur
les caisses d'épargne et de crédit, il a dit: Je vais vous
attacher un boulet à chacun des pieds pour être bien certain que
vous n'avancerez pas trop vite. Pourquoi ne pas leur donner la
possibilité justement de concurrencer les entreprises
étrangères? Je ne vois pas pourquoi, par exemple, il serait plus
sain pour un Québécois d'acheter une assurance d'une compagnie
américaine que d'en acheter une des assurances Desjardins qui sont des
assurances du Québec à l'heure justement, du libre-échange
où certains orateurs du Parti libéral pensent un peu être
des Alexandre le Grand de la finance en Amérique du Nord, alors que le
principal mouvement de rentes de services aux Québécois, lui, ne
pourra pas jouir des avantages dont les autres institutions financières
pourront bénéficier.
Justement, lorsque le Parti québécois a fait un
décloisonnement dans la Loi sur les assurances, il n'a pas tourné
autour du pot. Qu'est-ce qu'il a dit? Je vous cite la Loi sur les assurances de
1984, adoptée sous le gouvernement précédent. Qu'est-ce
que dit l'article 33.1 sur les pouvoirs des compagnies d'assurances? 'Toute
compagnie d'assurances constituée en vertu des lois du Québec
peut: e offrir en vente les produits d'une institution financière." On
n'a pas tourné autour du pot. On a dit: On pense que le
décloisonnement, cela doit vouloir dire d'offrir en vente les produits
d'une institution financière, et on l'a mis dans la loi d'une
façon très claire. Et on n'a pas dit aux compagnies d'assurances:
Vous irez devant les tribunaux voir si vous avez le droit ou si vous n'avez pas
le droit, vous demanderez au gouvernement. On est justement en train de faire
les lois qui vont régir le monde des institutions financières. Et
on a dit: On va le dire d'une façon claire. Vous aurez le droit
d'offrir en vente les produits d'une institution financière. C'est
clairement dit dans la Loi sur les assurances à laquelle se
référait le ministre, d'ailleurs. Le ministre, lui-même,
lorsqu'il établissait son livre blanc, savait qu'il prenait un peu comme
modèle la Loi sur les assurances qui était la première
grande loi de décloisonnement au Québec. C'est dit de
façon claire. Et lui-même, dans son projet de loi 74 sur les
sociétés de fiducie et les sociétés
d'épargne, à l'article 170, paragraphe 7, sous-paragraphe e,
qu'est-ce qu'il dit? "Toute société de fiducie du Québec -
je vais vous faire grâce de lire toutes les enumerations qui sont
là - peut: 7 offrir en vente les produits d'une institution
financière." Il reproduisait le même article qui avait
été introduit en 1984 dans la Loi sur les assurances pour les
sociétés de fiducie du Québec. Mais il s'est ravisé
en cours de route et il a fait retirer cet article lors du débat sur le
projet de loi, lorsque nous avons discuté le projet de loi article par
article. Il a fait disparaître ce paragraphe qui disait qu'une compagnie
de fiducie peut offrir en vente les produits d'une institution
financière en introduisant un nouveau terme dans le paragraphe
introductif 170 qui va créer une ambiguïté.
C'est pourquoi nous disons aussi que de la même façon que,
dans la Loi sur les assurances, le ministre n'a pas jugé bon d'enlever
le pouvoir d'offrir les produits d'une autre institution financière
alors qu'il le prévoyait dans les sociétés de fiducie puis
l'enlevait. Pourquoi maintenant ne pas le prévoir dans la Loi sur les
caisses d'épargne et de crédit, alors que cela a
été prévu dans la Loi sur les assurances, ce qui
arriverait à créer un décloisonnement différent
d'une institution à l'autre. Et on peut se demander si le ministre croit
toujours au décloisonnement. Je suis porté à penser que
oui. Mais est-il l'objet de pressions de ses propres députés, de
son caucus, de groupes d'intérêts influents qui font qu'il a
changé ou qu'il change d'idée en cours de route?
J'ai ici des extraits du commentaire qui a été fait par le
député de Mille-Îles lors de la commission parlementaire
qui étudiait l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et
de crédit. Et là je me suis demandé, au cours de cette
commission parlementaire, si celui qui parlait au nom du gouvernement
était le ministre ou le député de Mille-Îles qui
tenait des propos contraires à ceux du ministre. Je vais vous les citer,
M. le Président. Plutôt que d'interpréter, je vais vous
dire ce que le député de Mille-Îles disait. C'est
très intéressant d'entendre présentement le niveau
élevé de ce discours. "Je veux féliciter M. Boies pour le
contenu profond de ce qu'il nous dit parce que j'ai eu, moi aussi, l'impression
ce matin d'entendre un discours évangélique." Regardez les termes
qu'il emploie pour parler aux gens des caisses populaires. "Je ne sais pas si
c'est de la Caroline du Sud ou de la Caroline du Nord, mais je pense que
ça sonne. C'est trop. On en met trop. On est trop bon. On
est trop parfait. On est trop trop. C'est la politique ou la philosophie
du trop trop", dit le député de Mille-Îles. "Cela m'agace",
dit le député de Mille-Îles. "Dans ma vie personnelle, je
ne suis pas trop, trop. J'ai des défauts, j'ai un peu de qualités
mais c'est passable." Il pourrait nous laisser juger. Mais en tout cas, il ne
prend pas de chance. Le député de Mille-Îles dit: "Quand on
est trop bon, trop excellent, on est meilleur, on englobe toute la
société, on est presque le Québec. Mais c'est cela qu'on
nous a dit ce matin. On nous a dit qu'on était le Québec. Parce
qu'on est le Québec, on va imposer ce qu'on veut au gouvernement du
Québec." "L'impression que j'ai eue quand j'ai lu le texte de la
confédération - en parlant de la Confédération des
caisses populaires - c'est qu'on veut tout avoir mais on ne veut rien donner en
contrepartie." Je vous dirai tantôt le nombre de membres qu'il y a dans
les caisses populaires au Québec. Ce sont environ 4 000 000. Je vous
dirai le chiffre précis tantôt. C'est pas mal le Québec.
J'imagine que les enfants en bas de 10 ans n'ont pas beaucoup de comptes
encore. Et le ministre de la Famille qui est ici pourra dire combien il y en a
sur les 6 700 000 de population. On verra qu'il ne reste pas grand monde qui
n'est pas membre des caisses populaires au Québec. Et le
député de Mille-Iles continue. "Vous soulevez une question, M.
Boies, qui est la question la plus importante de la société
québécoise de l'an 2000. La question la plus importante n'est pas
de savoir si tel ou tel pouvoir va être accordé à telle ou
telle institution financière, mais c'est de savoir si l'Assemblée
nationale, et non le gouvernement, est capable de mettre une limite raisonnable
dans l'intérêt des citoyens du Québec à la
concentration du capital au Québec." Cela soulève des questions
par rapport à Provigo, par rapport au mouvement Desjardins, par rapport
a la Caisse de dépôt. "Le débat qu'on a
présentement, c'est de savoir si une petite poignée
d'intervenants et de décideurs vont décider de l'avenir
économique de 6 500 000 Québécois, si les petits
entrepreneurs ont encore leur place au Québec. Si les intervenants
économiques moyens ou de petite taille ont encore leur place. Je suis
d'un Desjardins avec de nouveaux pouvoirs, comme vous le dites, M. Boies, d'un
Desjardins qui s'ouvre sur des marchés extérieurs au
Québec et qui ne prend pas une partie de la tarte que des intervenants
économiques au Québec bouffent raisonnablement en rendant des
services qui n'ont jamais été décriés par aucun des
citoyens ou aucun des consommateurs au Québec. On est satisfaits de nos
courtiers en valeurs mobilières au Québec qui font un excellent
travail. On est satisfaits de nos courtiers d'assurances au Québec, de
nos compagnies d'assurances comme les Provinces unies ou les autres compagnies
québécoises. Le groupe Commerce rend d'excellents services; la
preuve même, c'est que le taux d'administration du 1 $ de prime est
d'environ 0,15 $ inférieur à celui qu'on retrouve à
l'Assurance générale Desjardins; il n'y a pas de problème
là", continue le député de Mille-Îles. (20 h 30)
Une voix: C'est toujours lui?
M. Garon: C'est toujours lui. Je vais vous le dire quand ce ne
sera plus lui, parce que je ne voudrais pas me faire prendre avec ce qu'a dit.
Il dit encore: "II faut peut-être se poser la véritable question
à savoir pourquoi le mouvement Desjardins veut tant entrer dans certains
secteurs. Je suis convaincu irrévocablement que c'est pour
accroître la capitalisation et prendre une certaine partie importante du
montant de primes versées au Québec, l'accaparer sans tenir
compte des conséquences auprès des autres intervenants
économiques dans ce qu'on appelle le grand mouvement, le mouvement
québécois, le mouvement Desjardins". Et il continue - je ne
passerai pas de bouts parce qu'il pourrait me reprocher d'en avoir
passé; je vais le dire tel quel - "J'aimerais voir au Québec, je
ne serais pas contre, d'autres mouvements coopératifs aussi importants
que Desjardins." C'est un peu contradictoire, M. le Président, parce
qu'il trouve Desjardins trop gros, mais il en voudrait encore d'autres qui
seraient aussi gros. Je ne comprends pas. Il poursuit: "J'aimerais voir une
autre confédération réunissant des coopérants qui
feraient une concurrence à Desjardins. Je serais pour cela et je
trouverais cela sain et excellent." "Quand on parle de surmonopoliser une
société, ajoute-t-il, et d'accorder trop de pouvoirs à une
institution qui a déjà d'énormes pouvoirs, M. Bois, je
fais référence à la page 13 de votre texte, je n'ai pas lu
le livre de l'économiste - il cite un nom ici et ça n'a pas l'air
d'être le bon nom - vous deviez me donner la référence
tantôt, mais je trouve qu'il a entièrement raison. Il y a des
conséquences à la surconcentration du capital. Il faut donc que
le gouvernement du Québec et que les partis politiques du Québec
réfléchissent très sérieusement à la
situation. Est-ce qu'on veut un Desjardins de 35 000 000 000 $, 50 000 000 000
$, 75 000 000 000 $, 90 000 000 000 $, 115 000 000 000 $ d'actifs? Est-ce qu'on
veut un concentré seulement au Québec? Avez-vous remarqué,
M. le Président, que, tantôt, c'est avec beaucoup de fierté
que le ministre énonçait - j'ai considéré qu'il
disait ça avec fierté - l'évolution des actifs du
mouvement Desjardins. Le député de Mille-Îles a l'air
à vouloir les rapetisser. Il faudrait savoir qui parle au nom du
gouvernement. Est-ce le ministre des institutions financières ou le
député de Mille-Îles? Est-ce qu'on veut plutôt
s'ouvrir à d'autres marchés extérieurs? Ce sont toutes ces
questions qui n'ont pas de réponses pour le moment. "Je vais vous avouer
que je suis très embarrassé par le texte de l'article 216 tel
qu'il
est écrit. Je pense aussi que Desjardins est embarrassé.
Ils nous ont dit ce matin qu'ils étaient embarrassés. Ils
préfèrent voir clairement les pouvoirs dans leur loi. Je pense
que le député de Lévis est embarrassé avec cela
aussi; il nous l'a dit hier: L'article 216 vous embarrasse aussi - en me
parlant. On se demande un peu où on doit se hancher dans tout le
débat. J'ai noté votre recommandation sur l'article 216, dit le
député libéral de Mille-Îles. Je comprends
qu'à un certain moment donné il faut réagir rapidement
à cause de certaines circonstances, surtout dans le domaine
économique, mais si, au cours des 25 dernières années, il
n'y a pas eu de révision en profondeur de la loi, je vous avoue que je
ne vois pas à court terme, malgré une révision d'une loi
au fédéral, des problèmes tellement importants qui
seraient causés au mouvement coopératif au Québec pour
que, du jour au lendemain, on ait à modifier les règles
fondamentales du jeu et les pouvoirs fondamentaux accordés à une
institution comme Desjardins."
Il dit: "Je partage votre point de vue à la page 5 qui dit que la
révision de la loi par une mécanique quinquennale est
possiblement suffisante. J'aimerais ajouter, M. Boies, que je voudrais
peut-être vous entendre pendant les courts moments qui nous restent,
parce que la question de la concentration du capital est très
intéressante." Regardez bien ce que dit le député de
Mille-Îles parce qu'il arrive à sa conclusion. Vous allez voir. Il
dit: "Présentement, les États-Unis, qui ont déjà
fait le débat sur le décloisonnement, sont à
l'époque de ne pas parler de décloisonnement. Ils parlent
maintenant de mettre des limites à la concentration du capital. Ils
prennent conscience présentement des conséquences néfastes
du décloisonnement qu'ils ont fait il y a quinze ans et,
présentement, ils sont en train de présenter au Sénat
américain et au Congrès des États-Unis des lois pour
limiter la concentration du capital."
M. le Président, c'est pour ça que je demande, quand le
député de Mille-Îles dit qu'aux États-Unis, on est
en train de reculer sur le décloisonnement... Ce n'est sûrement
pas avec les offres d'achat qu'on a vues récemment dans les journaux
qu'on est en train de reculer aux États-Unis. Mais, de toute
façon, le député de Mille-Îles dit que les
États-Unis sont en train de reculer et il a l'air à manifester de
façon très claire qu'il faudrait reculer sur le
décloisonnement. Le ministre a l'air à vouloir aller vers le
décloisonnement, mais, par ailleurs, on se rend compte que, dans ses
projets de loi, il recule. C'est pourquoi on se le demande, M. le
Président, à bon escient, et le mouvement Desjardins se le
demande aussi d'une certaine façon lorsqu'il dit: On n'a pas l'air
mûr pour certaines propositions. Alors, le gouvernement doit dire,
à un moment donné, s'il est encore d'accord ou s'il n'est plus
d'accord avec son livre blanc.
Dans le projet de loi 70 dont nous étudions le principe
aujourd'hui, M. le Président, on n'a pas inscrit, comme le demandait le
mouvement Desjardins, le pouvoir d'offrir des produits financiers. Si on
regarde les articles 213 et 214, on se rend compte que ces dispositions ne s'y
trouvent pas et on laisse ça à la discrétion du
gouvernement sur avis du ministre.
Je vais vous lire la disposition pour qu'on ne m'accuse pas d'inventer
quoi que ce soit. Je ne vous lirai pas les articles 213 et 214 parce que
ça prendrait trop de mon temps, mais les pouvoirs d'offrir des produits
financiers d'une autre institution ne sont pas mentionnés.
On dit à l'article 215: "Le gouvernement peut, après avoir
pris l'avis du ministre, autoriser une caisse, un groupe
déterminé de caisses ou l'ensemble des caisses régies par
la présente loi, à exercer toute autre activité qu'il
considère utile pour l'intérêt du public et des membres.
"Le gouvernement fait publier à la Gazette officielle du
Québec, au moins 45 jours avant la prise d'un décret à
cet effet, un avis indiquant son intention. Tout décret pris en
application du présent article entre en vigueur quinze jours
après sa publication à la Gazette officielle du Québec
ou à toute date ultérieure qu'il indique."
M. le Président, on est dans les pouvoirs des institutions
financières, on est dans les pouvoirs des caisses d'épargne et de
crédit. Le ministre, au lieu d'énoncer clairement comme ça
se trouve normalement dans une loi constitutive, une loi de base d'une
institution financière, ses pouvoirs d'action, le ministre dit que c'est
le gouvernement qui pourra autoriser une caisse à exercer toute autre
activité qu'il considère utile pour l'intérêt du
public et des membres.
M. le Président, pourquoi essentiellement? Parce que le ministre
et le gouvernement n'ont pas le courage des livres blancs qu'ils
présentent. Ils présentent des livres blancs, ils font croire aux
gens qu'ils veulent faire un décloisonnement urbi et orbi et, ensuite,
ils ne veulent pas le faire ou, en tout cas, ils reculent par rapport à
leur intention malgré le souhait des gens du milieu. Je parlerai tout
à l'heure et vous montrerai à quel point la Commission des
valeurs mobilières doit fonctionner dans un cadre donné parce que
le ministre, qui annonce des choses, ne livre pas la marchandise. Ce n'est pas
la première fois. À plusieurs reprises, le ministre nous annonce
des projets de loi. On en a un sur le carreau, qui est là depuis un an,
sur l'enregistrement des entreprises. On a adopté le principe ici en
Chambre, à l'unanimité. On est allés en commission
parlementaire pour étudier les modalités en recevant des
intervenants qui sont venus faire des représentations sur les
différents articles de la loi. Depuis ce temps, rien. Tout est
resté là. Le ministre ne bouge plus. Il avait même
autorisé des crédits pour préparer l'informatique, pour
pouvoir enregistrer sur informatique les renseignements que devraient fournir
les entreprises à son ministère, aux institutions
financières, auprès de l'Inspec-
teur général des institutions financières,
expliquant tous les avantages de ce projet de loi. Mais, maintenant, les freins
sont collés. On ne bouge plus par rapport à ce projet de loi. Par
rapport à celui-ci encore, les pouvoirs qui avaient été
énoncés dans le livre blanc n'y sont pas. Pourtant, le mouvement
Desjardins n'est pas un mouvement en culottes courtes. Le ministre parlait des
actifs de 37 000 000 $ en 1942, en 1963 de 1 000 000 000 $, en 1972, de 2 000
000 000 $, en 1976, de 7 000 000 000 $. Je ne vous dirai pas pourquoi, mais on
constatera que sous le gouvernement du Parti québécois, les
actifs du mouvement Desjardins sont quand même passés de 7 000 000
000 $ à 30 000 000 000 $, qu'ils sont, en 1987, de 34 000 000 000 $.
Seulement, dans la période où était le gouvernement
précédent, l'économie du Québec devait quand
même générer assez d'activités pour faire en sorte
que le mouvement Desjardins passe de 7 000 000 000 $ à 30 000 000 000 $,
de 1976 à 1985.
Un montant de 34 000 000 000 $, c'est considérable, M. le
Président. Mais, aujourd'hui, quand on fait le projet de loi, on ne veut
pas dire de façon claire quels sont les pouvoirs du mouvement
Desjardins. Quand on regarde la part de marché, crédit à
l'habitation, le mouvement Desjardins des caisses populaires au Québec
prête 43,8 % à l'habitation. Le mouvement Desjardins fait 43,8 %
des prêts à l'habitation. Le crédit agricole, 49,9 %,
presque 50 % du crédit agricole. Je peux vous dire que j'ai
été celui qui a mis en place la loi pour permettre aux
institutions privées d'intervenir avec la garantie du gouvernement dans
le secteur du prêt agricole. Rapidement, le mouvement Desjardins s'est
implanté et est devenu à lui seul le prêteur le plus
important avec 50 % des prêts agricoles au Québec. (20 h 40)
Pensez-vous que les cultivateurs s'en plaignent? Pensez-vous que les
cultivateurs sont malheureux parce que 50 % de leurs prêts sont
maintenant effectués par le mouvement Desjardins avec la garantie du
gouvernement? Je n'en ai pas entendu de plaintes, M. le Président. Il
s'agit d'un en-cours de plus de 1 000 000 000 $, tandis que, pour le
crédit à l'habitation, il s'agissait d'un en-cours de plus de 14
000 000 000 $. Et 31,3 % du crédit à la consommation, soit 4 675
000 000 $ au mois de mars 1988, était effectué par le mouvement
Desjardins. Pour le crédit commercial et industriel, 22,9 % - vous
savez, il y a plusieurs personnes qui pensent que les caisses populaires ne
font pas de crédit commercial et industriel - soit 5 205 000 000 $
étaient effectués par le mouvement Desjardins.
Quant à l'épargne personnelle, 38,6 % se trouvait aux
caisses populaires Desjardins avec 24 865 000 000 $. Est-ce qu'on peut dire que
ce n'est pas une institution de chez nous qui prend une part aussi importante
de services à la population? En termes de membres, est-ce que le
mouvement est représentatif? On se rend compte que les actifs - je le
disais tantôt - étaient rendus à 34 000 000 000 $. Le
nombre de membres? 4 239 602 membres au 31 décembre 1987. Vous savez,
quand on sait qu'il y a 6 700 000 Québécois en comptant tout le
monde, tous les enfants d'un jour jusqu'aux gens les plus âgés, de
ces 6 700 000 a peu près au Québec, 4 239 602 personnes sont
membres du mouvement Desjardins.
Nombre d'employés dans les caisses populaires et les caisses
d'économie, 23 968 employés. Si on compte tous les
employés du mouvement Desjardins, c'est 28 543. Le nombre de dirigeantes
ou de dirigeants élus dans les caisses populaires et d'économie,
les bénévoles qui ont été élus pour
participer à l'administration, 18 330 personnes. Surtout quand on
regarde la répartition dans le milieu, on se rend compte qu'il y a 675
municipalités au Québec où il y a comme seule institution
financière une caisse d'épargne et de crédit, une caisse
Desjardins. Il y a 675 municipalités au Québec où il n'y a
rien d'autre comme institution financière. Est-ce qu'on pense, à
ce moment-là, qu'on nuit à la population en permettant aux
caisses d'épargne et de crédit d'offrir des services à la
population?
Dans 279 municipalités, il y a une caisse et il y a un
concurrent. Dans 24 municipalités, il y a seulement les concurrents des
caisses. Il y a 24 municipalités où il n'y a pas de caisse. On se
rend compte donc de l'ampleur du mouvement. Quand on regarde, par exemple, les
points de service au Québec dans les différentes régions,
les caisses populaires ont 1626 points de service à elles seules, alors
que tous leurs concurrents ensemble en ont 1705. Vous remarquerez que les
concurrents des caisses se trouvent principalement dans la région de
Montréal où il y a 558 institutions du mouvement Desjardins,
alors qu'il y a 1154 concurrents. Dans le reste des régions, c'est
l'inverse. On se rend compte, par exemple, que, dans Lanaudière, il y a
15 concurrents et 51 caisses. Dans le centre du Québec, 75 concurrents,
168 caisses Desjardins. Dans la région de Québec, 221
concurrents, 394 caisses. Dans la région de la péninsule de la
Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, 19 concurrents, 45 caisses
Desjardins. Dans l'Estrie 66 concurrents, 92 caisses Desjardins. Dans le
Bas-Saint-Laurent, 22 concurrents, 92 caisses Desjardins. Dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, 47 concurrents, 84 caisses Desjardins. Dans l'Abitibi,
25 concurrents. 50 caisses Desjardins. Dans le Richelieu-Yamaska, 61
concurrents, 93 caisses Desjardins.
Ce qui veut dire, au fond, que, dans beaucoup de municipalités du
Québec, dans beaucoup de régions, le principal offreur de
services financiers, c'est la caisse populaire locale, la caisse populaire du
mouvement Desjardins. C'est pourquoi le fait de faire en sorte que cette caisse
puisse offrir différents services à la communauté, ce
n'est pas nuire à la population. Au contraire, c'est offrir une gamme de
services
à la population.
Il y a aussi la fierté qu'on éprouve comme
Québécois de cette réussite. Je le suis à double
titre parce qu'on a évoqué tout à l'heure que la
première caisse a été fondée à Lévis,
la deuxième à Lauzon, par le sénateur Desjardins, qui
n'était pas sénateur à ce moment-là, Alphonse
Desjardins, au fond, qui n'a pas copié les modèles qu'il y avait
ailleurs, mais qui a inventé un modèle à partir
d'institutions qui existaient en Europe. Il a eu le génie de mettre dans
la même institution ceux qui avaient des épargnes et ceux qui
avaient besoin de crédit pour libérer des prêteurs usuriers
du temps ceux qui manquaient d'argent.
Au début du XXe siècle, à la fin du XIXe
siècle, la fin des années dix-huit cent et le début des
années mil neuf cent, il y avait ce qu'on appelait les trusts, les
compagnies de finance, si vous voulez, les prêteurs usuriers des
villages. Cela faisait... On a vu le programme de Séraphin Poudrier qui
était le prêteur du village, et c'est de même que ça
se passait dans les villages, à ce moment-là; il y avait
plusieurs Séraphin qui prêtaient à des taux trop
élevés. Le sénateur Alphonse Desjardins a voulu
libérer les gens de l'emprise des trusts et des compagnies de finance,
de la haute finance. Il a créé son mouvement en ayant le
génie d'adapter l'institution aux besoins des Québécois,
pour faire en sorte que l'argent des épargnes des
Québécois serve à d'autres Québécois qui en
avaient besoin.
Qui aurait pu penser, lors de la création de la première
caisse, que les banques craindraient un jour que cette institution
québécoise, comme on a pu le constater lors de la commission
parlementaire sur l'avant-projet de loi, dans le rapport des banques... Elles
craignaient une concurrence trop forte des caisses populaires. Qui aurait pu
penser ça lorsque M. Desjardins, qui faisait rire de lui... Ne nous
racontons pas d'histoire. Au début, venant du coin, j'avais entendu
parler, en très bas âge, de cette institution. Les banques, au
début, se moquaient du mouvement Desjardins. On appelait les caisses des
"banques à 0,10 $", parce que les dépôts se faisaient sous
forme de 0,10 $ pour devenir membre. On se moquait de cette institution de
banque à 0,10 $, imaginez-vous. Aujourd'hui, il y a près de 50 %
des dépôts des Québécois qui se trouvent dans ces
institutions qui ont été bâties par les
Québécois et qui sont devenues un symbole de fierté et de
réussite des Québécois. Les Québécois, au
XIXe siècle, n'ont pas bâti de capitalistes. À
l'époque du XIXe siècle, alors qu'aux États-Unis on
bâtissait les grandes familles capitalistes, les Carnegie, les
Rockefeller, etc., nous nous spécialisions plutôt - je ne dis pas
ça d'une façon péjorative - en exerçant notre
dynamisme en envoyant des missionnaires un peu partout dans le monde.
Aujourd'hui, on se rend compte, par exemple, que ce soit en Afrique, en
Amérique du Sud... dans les différents pays, aujourd'hui, les
Québécois sont connus, le Québec est connu par ses
missionnaires qui, depuis plus de cent ans, oeuvrent un peu partout parce qu'il
y avait deux pays qui se faisaient concurrence à ce moment-là,
non, il n'était pas pays à ce moment-là, l'Irlande et le
Québec et c'étaient les plus grands pourvoyeurs de missionnaires
dans le monde.
Aujourd'hui, les Québécois sont respectés dans les
différents pays parce qu'ils ont aidé un peu partout, en Afrique,
en Amérique du Sud, par ces missionnaires, femmes ou hommes, à
créer tout un réseau d'écoles, de services de santé
qui ont été mis sur pied parce que des Québécois
ont cru au développement, à l'aide au tiers monde. En même
temps, ils faisaient chez eux, par les caisses populaires, la prise en main de
leurs affaires, non pas par des millionnaires, mais par des gens locaux qui
déposaient de petites sommes d'argent qui ont fructifié au cours
des années; elles sont devenues des montants plus importants pour sortir
de l'emprise des trusts et des compagnies de finance. Je sais, lorsque je dis
ça aujourd'hui, que les savants éditorialistes de La Presse
vont dire que je parle à la créditiste, comprenez-vous?, mais
je vais vous dire une chose...
Une voix: Cela vous a marqué!
M. Garon: Non, pas du tout, parce que je vous ferai remarquer que
le père Lévesque, dont on est si fiers, a été un
des propagandistes du crédit social des années trente. Je
n'étais pas là, je n'étais même pas au monde. Je
vais vous dire une chose: Pourquoi? Parce qu'il pensait justement qu'une des
révolutions qu'on pouvait faire au Québec, c'était de
mettre la finance au service de la population, ce qu'a réussi M.
Desjardins- dans des coopératives où il a réussi à
faire en sorte que les surplus d'épargne de ceux qui en avaient un peu
trop pourraient bénéficier à ceux qui n'en avaient pas
assez. C'est une réforme importante qu'on devrait tous être fiers
d'avoir réussie. Cela a fait boule de gomme, boule de neige, si on veut.
(20 h 50)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Ce rôle de Desjardins dans le
développement économique du Québec par l'aide au
développement des petites entreprises régionales. Qu'on regarde
aujourd'hui, par exemple, des entreprises différentes qui ont pris
Desjardins comme le modèle du développement. Aujourd'hui,
regardons nos épiciers locaux. Ils n'ont pas décidé de
faire comme les Américains: On va se vendre. On va se vendre à
une chaîne qui va devenir propriétaire des épiceries
locales et, ensuite, on mettra un gérant dans l'épicerie. Au
contraire, des épiciers détaillants se sont regroupés dans
des milliers d'épiceries, Métro, Provigo, IGA pour retrouver,
ici, un pouvoir d'achat important par l'entremise de regroupements d'achats,
mais en maintenant la propriété locale
au niveau local. Cela a été le génie
québécois. Cela ne s'est fait nulle part ailleurs dans le monde
selon un plan d'ensemble comme celui-là.
Aujourd'hui, dans le reste de l'Amérique du Nord, 70 % des
épiceries locales sont la propriété d'une grande
compagnie, d'une grande chaîne coopérative où il y a un
gérant local, alors qu'au Québec, c'est l'inverse. 70 % des
épiceries locales sont la propriété d'épiciers
locaux qui se sont regroupés dans de grands ensembles pour être
capables de mettre sur pied des pouvoirs d'achat assez considérables
pour faire concurrence aux grandes chaînes capitalistes. Cela, c'est le
génie québécois, le génie québécois
à son meilleur. Que ce soit dans les caisses Desjardins ou encore dans
les grands regroupements d'épiceries, dans les caisses d'entraide ou
dans les caisses d'établissement, au fond, on a réussi à
regrouper nos choses ensemble.
Ces exemples montrent qu'en réunissant de petites entreprises, on
peut devenir aussi importants que les gros, mais sans faire disparaître
l'entité qu'est la petite entreprise. Cela est un génie dont on
ne parie pas assez au Québec. On parle souvent qu'au Québec, on
n'est pas capable de faire ceci, on n'est pas capable de faire cela. Au
contraire, un des plus grands succès du Québec, c'est la reprise
en main de l'économie sans déposséder les gens qui sont
plus petits. C'est un génie qu'on a eu, un génie qui est
exportable, je dirais. C'est un grand service qu'on peut rendre dans le monde,
en Afrique ou en Amérique du Sud: faire que les gens deviennent
propriétaires chez eux en bâtissant des ensembles et que la
propriété soit répandue au niveau local avec des gens qui
vont l'exercer d'une façon plus efficace que celui qui fait du neuf
à cinq, même dans l'entreprise privée.
Le mouvement Desjardins, parce qu'il est entièrement
québécois, a soutenu et encouragé nombre de
Québécois dans leur entreprise. Quand vous regardez les caisses
populaires locales, elles ne prêtent pas à Eaton, elles ne
prêtent pas à Sears, elles prêtent aux entreprises locales.
Elles prêtent aux entreprises locales pour faire du développement
ou pour leur crédit à la consommation comme consommateurs, ou
encore pour l'habitation ou pour le développement d'entreprises locales.
Ces réussites québécoises montrent que les
Québécois ont leur mot à dire sur le plan
économique non seulement au Québec, mais partout dans le monde.
La réussite de Desjardins, en plus d'avoir réussi le mouvement
Desjardins, c'est d'avoir donné confiance aux Québécois.
La réussite de Desjardins démontre que la finance n'est plus,
aujourd'hui, l'apanage unique des grandes institutions financières
étrangères.
Autrefois, si on n'avait pas un nom anglais comme raison sociale, on
pensait que cela ne pouvait pas fonctionner. Desjardins a prouvé qu'avec
un nom local... Desjardins n'a pas marqué "from the gardens". II a
marqué Desjardins. Aujourd'hui, Desjardins, on sait que cela veut dire
qu'on est capable de concurrencer les grands d'ailleurs. Desjardins a
prouvé qu'on pouvait tirer notre épingle du jeu en matière
financière et il a ouvert la voie aux autres réussites
québécoises dans ce domaine que l'on peut dénombrer
aujourd'hui, qu'il s'agisse de La Laurentienne, qu'il s'agisse de la Mutuelle
des fonctionnaires, du groupe Commerce, etc. On pourrait nommer un grand nombre
de gens qui, par le principe de la mutualité, ont réussi à
faire au Québec une oeuvre extraordinaire. Desjardins, au fond, c'est un
modèle de gestion de nos propres affaires.
M. te Président, c'est pourquoi le projet de loi que nous
étudions aujourd'hui est aussi important. Important, également,
parce qu'il va faire la mise à jour des pouvoirs, de la structure, du
fonctionnement, des rapports entre les membres, entre les dirigeants, entre les
dirigeants et les membres, entre les officiers de la caisse avec les membres
dans leurs affaires avec la caisse, dans les conflits d'intérêts
possibles, etc. C'était un projet de loi important. La grande
institution financière qui recouvre l'ensemble du territoire
québécois sera gérée par cette loi. C'est cette loi
qui va décider de ce qu'elle peut faire ou de ce qu'elle ne peut pas
faire et ce que chacun de ceux qui font affaire avec la caisse Desjardins aura
le pouvoir de faire ou n'aura pas le pouvoir de faire.
C'est pourquoi je dis qu'il y a des faiblesses dans ce projet de loi. Je
vais les mentionner parce qu'on ne les étudiera pas lors de l'adoption
du principe du projet de loi. Je pense que tout le monde est d'accord pour que
le principe du projet de loi soit adopté. Tout le monde est d'accord sur
la mise à jour. On a assez dit au ministre qu'on attendait ce projet de
loi, qu'on aurait voulu l'adopter plus tôt, qu'il aurait dû
être présenté plus rapidement, qu'on est d'accord avec le
principe de la révision, de la refonte de la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit. Mais il y a des points qui
représentent des faiblesses et qu'il faudra étudier en commission
parlementaire.
Concernant l'offre des produits financiers, on ne donne pas les
mêmes pouvoirs à Desjardins que ceux consentis aux compagnies
d'assurances, je l'ai mentionné tout à l'heure. Le pouvoir
discrétionnaire du gouvernement sur avis du ministre pour consentir
l'autorisation de nouvelles activités, où cela va-t-il nous mener
dans quelques années, en termes de modèle de
décloisonnement pour chacun des grands secteurs: assurances, fiducie,
société de prêt et valeurs mobilières? Cette
façon de décloisonner est-elle acceptable pour les entreprises?
Auront-elles assez de garanties pour développer de nouveaux secteurs
d'activité? Seront-elles prêtes à consentir et à
investir des efforts au cours des années dans de nouveaux secteurs sur
la seule base d'une décision du gouvernement? Ce sont des questions
fondamentales concernant ce que pourront faire ou ne pas faire les caisses
d'épargne et de crédit. Il nous semble que les pouvoirs devraient
être indiqués dans la loi pour donner
toute l'assurance que donne une loi vis-à-vis d'une institution
financière aussi importante.
Quant à l'usage des immeubles, c'est aussi une question
importante quand on pense à faire un centre financier. Le libellé
de l'article 256, paragraphe 8, sous-paragraphe e, permet-il aux caisses de
louer leurs locaux, de les mettre à la disposition d'autres agents
advenant des ententes commerciales? Les filiales regroupées sous les
sociétés en portefeuille pourront-elles utiliser des locaux
appartenant à des caisses? Par exemple, un article récent dans le
journal Le Soleil parle des débats qu'il peut y avoir actuellement entre
la Commission des valeurs mobilières du Québec et le ministre. On
voit à quel point les retards peuvent causer des problèmes.
Le ministre est choqué parce que la Commission des valeurs
mobilières a agi et exige que le courtier en valeurs occupe des locaux
séparés, identifiés sous son nom, avec une
réglementation appropriée. Qu'on soit d'accord ou qu'on ne soit
pas d'accord, la Commission des valeurs mobilières s'est sentie
obligée d'agir parce que le ministre n'avait pas agi.
Le ministre avait dit que son projet de loi serait
présenté cet automne. Maintenant, on apprend qu'il sera
peut-être déposé au printemps 1989, peut-être
à l'automne 1989, peut-être jamais. Aujourd'hui, c'est de
l'insécurité que crée le ministre parce qu'if ne prend pas
d'actions assez rapidement, parce que cela tourne en rond et surtout parce que
le caucus du Parti libéral est divisé comme il l'est sur les
heures d'affaires du dimanche, comme il l'est sur l'aide sociale aux jeunes,
comme il l'est dans le domaine agricole, comme il l'est dans un paquet de
secteurs, avec un premier ministre qui me fait penser à un oeuf à
deux jaunes. Il ne sait pas lequel enfantera. Il ne sait pas quel jaune
fertiliser. Et on se retrouve devant l'indécision d'un gouvernement qui
ne sait pas où aller. Actuellement, cela fait des conflits entre la
Commission des valeurs mobilières et le ministre. (21 heures)
Parmi les éléments qui causent des problèmes, il y
a la question du double emploi du courtier. On préférerait,
dit-on, qu'il n'y ait pas d'employé qui puisse cumuler des permis. Ce
n'est pas ce qu'on dit dans le livre blanc sur les intermédiaires
financiers. Le ministre doit se hâter d'agir. Les lenteurs actuelles dans
un secteur qui est en pleine effervescence, non seulement au Québec,
mais au Canada et en Amérique du Nord, causent des lacunes, en termes de
développement. L'avance qu'on avait prise grâce à l'action
du gouvernemet précédent et du ministre des Finances et des
Institutions financières du temps est en train de se résorber
actuellement parce que le gouvernement actuel est trop lent. Et, entre autres,
on ne parlera plus tantôt de l'avance du Québec dans ce
secteur-là parce que le ministre tarde trop à prendre position,
à se brancher avec son gouvernement parce qu'il y a des
éléments de son caucus qui sont soumis à des pressions et
que le ministre, comme je le disais au début, doit traîner comme
des boulets à ses pieds. Maintenant, je dis que le ministre doit rester
station-naire parce que ses boulets sont trop pesants.
Contrainte également vis-à-vis des dirigeants
bénévoles. L'article 140 qu'il faudra regarder en commission
parlementaire. Est-ce que l'article 140 assure vraiment la
confidentialité de la liste des dirigeants, incluant leurs adresses? On
n'est pas sûr que c'est assuré, M. le Président. À
l'article 205, l'obligation de divulguer ses intérêts dans toute
entreprise d'au-delà de 10 %. Est-ce que cela aura un effet par rapport
aux dirigeants bénévoles? Il faudra regarder ça en
commission parlementaire. L'article 252 sur les contraintes imposées aux
dirigeants bénévoles vis-à-vis de l'obtention du
crédit ignore la réalité coopérative de la caisse
populaire. L'article 274, paragraphe 5°, sous-paragrahe e, en
présumant que le dirigeant est membre de sa caisse, son adresse
personnelle se trouve à être publique par le biais de cet article.
À l'article 303, paragraphe 5°, sous-paragraphe e, obligation de
divulguer dans le rapport annuel le montant global du crédit
accordé aux personnes liées aux dirigeants. Il faudra voir
l'implication de chacun des articles et de quelle façon on serait mieux
d'assurer les objectifs qui sont souhaitables pour éviter des conflits
d'intérêts et voir en même temps s'ils créent des
obligations qui sont raisonnables ou exorbitantes par rapport à la
pratique qui pourrait être mise en oeuvre par la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit. Est-ce que ces articles sont de nature
à encourager les membres à s'impliquer bénévolement
dans leur caisse, parce qu'il s'agit essentiellement de personnes
bénévoles qui sont impliquées dans le mouvement
Desjardins, dans le mouvement des caisses d'épargne et de
crédit?
Il s'agit d'un projet de loi important, M. le Président, je vous
le disais tantôt, 589 articles, 126 pages d'articles de loi qui ne se
lisent pas comme un roman policier et dans lesquels chaque mot compte. Parfois
la virgule à la bonne ou à la mauvaise place peut faire la
différence. Il s'agit d'un projet de loi important. C'est pourquoi nous
avions demandé que le ministre présente ce projet de loi le plus
rapidement possible. Et c'est pourquoi l'Opposition n'a pas l'intention, lors
de l'étude du principe de ce projet de loi, de retarder, au contraire.
Il y aura des intervenants, mais il ne s'agit pas de retarder le projet. Au
contraire, on souhaite que ce projet de loi puisse être adopté
avant Noël, à condition qu'on le fasse passer en priorité et
qu'on puisse le faire immédiatement. On est prêts à
travailler dessus dès demain matin, M. le Président. Je vous
remercie.
Le Vice-Président: Nous allons poursuivre ce débat
avec l'intervention de M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir d'intervenir ce soir sur le projet de loi 70. Comme l'a si bien
décrit mon collègue, le député de Lévis,
c'est un projet de loi important. Lorsqu'on parle de cette fameuse Loi sur les
caisses d'épargne et de crédit, on sait que c'est une loi qui est
attendue depuis longtemps.
Comme l'a aussi mentionné le député de
Lévis, je pense qu'on s'entend clairement sur le principe, M. le
Président. C'est quelque chose qui était demandé. C'est
quelque chose qui répond à un besoin. Mais là où
j'interviendrai principalement ce soir, c'est sur certains
éléments du contenu et, particulièrement, sur le fait que
ce qu'on retrouve aujourd'hui à l'intérieur du projet de loi tel
qu'il nous a été présenté ne correspond pas aux
demandes qui étaient faites par le mouvement Desjardins avant
l'avant-projet de loi, avant la commission parlementaire et qu'il ne correspond
pas à ce que s'attendait le mouvement et à placer le mouvement
Desjardins en concurrence avec l'ensemble du marché.
Le ministre responsable, le ministre qui est porteur de ce projet de
loi, M. le Président, a, depuis trois ans qu'il est à ce
ministère... Ce n'est pas parce qu'il y a eu dans ce cas-là des
modifications, des changements de ministère, on comprend que le ministre
délégué avait d'autres responsabilités ou d'autres
préoccupations en 1986. La première année de son mandat,
c'était d'abord et avant tout de faire de la privatisation. On
comprendra que, dans la deuxième année, il a
complété sa privatisation et il a compris qu'il fallait
arrêter. Mais il reste un fait. Et très souvent, sur plusieurs
projets de loi, on a reproché à l'ancien gouvernement d'avoir
fait les choses tout croche et de ne pas avoir fait tel ou tel genre de choses.
On peut au moins dire, dans le cas de la Loi sur les caisses d'épargne
et de crédit, si un mouvement a été enclenché par
le Parti québécois et particulièrement par le
président actuel du Parti québécois, je pense que ces
choses étaient faites dans le bon sens.
On espère que le ministre pourra se raviser, parce qu'on aura
l'occasion, en commission parlementaire, au cours des prochaines semaines,
d'adopter avant Noël ce projet de loi de quelque 600 articles et de faire
peut-être certains ajouts et d'y apporter des modifications importantes
sur lesquelles je reviendrai tantôt. Mais ce qu'on doit reprocher d'abord
et avant tout au gouvernement, après être d'accord sur le
principe, c'est la timidité du ministre responsable de ce projet de loi.
Cela ne va pas assez loin, M. le Président. On ne donne pas, j'en ai la
profonde conviction, les outils nécessaires pour permettre à
Desjardins de faire face à la concurrence.
On sait que, dans le cadre du libre-échange, dans le cadre de
l'évolution de l'économie nord-américaine, nos
institutions financières devront être à la fine pointe. Or,
on sait que le Québec a, au cours des dernières dix ou quinze
années, été au Canada le plus avant-gardiste en
matière de décloisonnement, d'ouverture d'esprit et de
capacité de donner aux consommateurs des outils que d'autres n'ont pas
ailleurs. Toute la notion du décloisonnement qui s'est fait dans le
domaine des assurances et qui se fait actuellement dans les institutions
financières, si on a eu une longueur d'avance, on est en train depuis
une couple d'années et présentement de perdre cette longueur
d'avance, parce que le ministre et le gouvernement n'ont pas agi assez
rapidement. Le ministre et le gouvernement, comme dans d'autres dossiers,
n'osent pas aller jusqu'où ils devraient aller. Le plus beau
parallèle qu'on puisse faire dans le contexte actuel, c'est
peut-être de comparer cela au dossier sur les heures d'affaires. D'un
côté, le gouvernement a dit: Oui, on y va. Le ministre de
l'Industrie, du Commerce disait: Oui, on s'en va par là; voici, on va
ouvrir le dimanche; voici le compromis. Et tout d'un coup, la pression arrive,
monte, on recule et on étudie. Commission parlementaire!
Dans ce projet de loi, dans cette refonte de la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit, le ministre a tous les outils en main; il
a entendu tous les intervenants. Quand les caisses populaires, quand le
mouvement Desjardins demande, preuve à l'appui, qu'on lui donne les
outils nécessaires, je pense que le ministre ne doit pas lui donner des
demi-mesures et surtout ne pas créer comme il le fait actuellement, tel
que déposé dans le projet de loi, des zones grises qui seront
sujettes à interprétation devant les tribunaux et qui
amèneront des litiges. Pourquoi n'allons-nous pas jusque là
où on doit aller? Peut-être le ministre nous répondra-t-il:
Écoutez, on ne peut pas tout donner. D'autres de ses collègues,
comme le député de Mille-Îles, diront: Écoutez,
ça n'a pas de bon sens ce que veut avoir le mouvement Desjardins pour ce
qu'il nous donne en retour. C'était tout a fait utopique. Je suis
content que le député de Lévis ait mentionné ces
propos-là, parce que j'étais en commission parlementaire lorsque
ça s'est produit et j'étais estomaqué. J'espère au
moins que le ministre pourra désavouer cela, parce que ça n'avait
pas de sens. Je comprends que le député de Mille-Îles
vienne d'un comté de la grande région de Montréal et qu'il
soit moins conscient de l'importance des caisses populaires, mais, M. le
Président, on ne va pas dire aux gens que le mouvement Desjardins
représente un petit groupe, une poignée de gens. 4 200 000 ou 4
300 000 Québécois en font partie, sont membres des caisses
populaires et, finalement, c'est la plus belle représentativité
qu'on ait au Québec. (21 h 10)
Les caisses populaires, le mouvement Desjardins, comme l'a aussi
mentionné mon collègue de Lévis, sont une réussite
québécoise. Dans ce sens-là, oui, il y a lieu d'être
fier. Mais, si on veut que le mouvement Desjardins continue
de faire la barbe entre guillemets aux grandes institutions
financières, si on veut qu'il continue à se mesurer aux grands de
ce monde, si on veut que le mouvement Desjardins et l'ensemble des institutions
financières qui se feront une excellente concurrence puissent être
à la hauteur dans un contexte de libre-échange, dans un contexte
où on se doit, de plus, d'être à la fine pointe, si on veut
que le mouvement Desjardins ait les outils nécessaires, il faut les lui
donner aujourd'hui. Dans ce sens-là, je pense que le ministre doit
laisser cet aspect de timidité qui se reflète à
l'intérieur du projet de loi en ne donnant pas suite à ce qui est
demandé, entre autres, par le mouvement Desjardins. J'apporterai
tantôt certains points de ce côté, plus
particulièrement, M. le Président, en ce qui regarde l'offre des
produits financiers.
Le mouvement Desjardins, comme le disait son président, M.
Béland, le 14 septembre dernier, est issu des entrailles du peuple
québécois. Au fil des ans, le mouvement des caisses Desjardins
est devenu un outil précieux pour le développement
économique.
M. le Président, un outil pour le développement
économique du Québec, ça veut dire beaucoup de choses. On
sait que dans tout près de 700, plus précisément 675
municipalités du Québec, la seule institution financière
qui s'y trouve, c'est le mouvement Desjardins. On doit réaliser que,
tout autour, il y a des commerces, des petites et moyennes entreprises, des
gens, des sociétaires qui ont besoin de la gamme d'outils
nécessaires, si ce n'est que le mouvement Desjardins soit capable, que
la caisse soit capable d'offrir des capitaux qu'elle n'offre pas actuellement
sous forme de capital de risques ou autrement. Ça me semble important,
mais plus large que ça. Que la caisse populaire puisse, dans certaines
régions du Québec, et c'est une réalité... La
problématique ne se pose pas de la même façon dans la
région de Montréal, entre les grands centres urbains et
l'ensemble des petites régions du Québec. Mais la
réalité du Québec, c'est qu'il y a environ 2 000 000 de
gens qui demeurent dans la région de Montréal, mais que les
autres - 4 000 000, 4 500 000 de citoyens - sont répartis dans toutes
les régions du Québec.
Dans ce sens, l'outil de développement économique par
excellence se trouve à être le mouvement Desjardins. La plus belle
preuve de ça, M. le Président, c'est qu'aujourd'hui les grandes
banques, les grandes institutions financières ont compris la force que
pouvait avoir Desjardins, ont compris déjà la force et la
compétition qu'elles avaient avec Desjardins. Puis, tout à coup,
il y a eu cette montée de boucliers de la part de ces gens, des
pressions certainement auprès du gouvernement, auprès du
ministre, de gens qui disent: écoutez, n'en donnez pas trop, ces gens
font nous faire de la compétition déloyale. On l'a vu avec la
question des assurances. On le voit avec toute cette dimension et cette
approche que veut avoir Desjardins d'offrir le carrefour financier, d'offrir le
centre d'achats, la panoplie des services qu'ils peuvent offrir aux
consommateurs. Pourquoi pas? De quoi a-t-on peur? Surtout de la part d'un
gouvernement qui, très souvent, s'est dit qu'il faut donner les outils,
qu'il faut laisser les gens se faire compétition entre eux parce qu'en
fin de compte... Je comprends qu'il faut avoir certaines balises, mais les
balises y sont déjà. Mais, en fin de compte, qui va en
bénéficier? Ce sont les consommateurs québécois.
Qui va bénéficier d'un réseau de caisses populaires, un
réseau de caisses d'épargne qui va être mieux doté,
qui va être capable de donner des meilleurs services? C'est finalement
l'ensemble des Québécois.
Déjà, l'ensemble des Québécois le favorise
par plus de 50 % de leurs économies, par tout près de 50 % de
leurs emprunt, que ce soit dans le domaine agricole ou autrement, parce que
ça répond déjà, la formule est bonne, les preuves
sont faites. C'est fantastique! Tout le monde applaudit, tout le monde le sait,
tout le monde le reconnaît, tout le monde crie bravo! Mais si on veut que
Desjardins continue à être un modèle dans notre
société et en inspire d'autres au chapitre des regroupements...
Certes le domaine alimentaire est un bel exemple. On a vu des gens se
regrouper. Dans le domaine de la quincaillerie, il y a le groupe Ro-Na. Y
a-t-il quelque chose de plus merveilleux que de voir 500 marchands se reprendre
en main et être capables d'avoir, par une formule de participation, des
pouvoirs d'achat pour mieux desservir le consommateur? Ce ne sont que quelques
exemples, M. le Président. Mais une chose est sûre, c'est que
Desjardins a fait subir à l'économie québécoise
toute une influence et tout un courant de pensée par son action et
l'action que le mouvement Desjardins a faite tout au cours des années et
particulièrement la croissance qu'il a connue depuis les dix
dernières années seulement. Des actifs de 35 000 000 000 $.
Qu'est-ce que ce sera en 1995, en l'an 2000, M. le Président? Ce sera
à la mesure où ils ont pris leur envol au cours de ces
dernières années, mais aussi à la mesure des outils que le
gouvernement voudra bien leur donner.
Je pense qu'il ne faut pas avoir peur d'oser aller donner ça
parce qu'on va vite s'apercevoir que la concurrence dans ce marché qui
est un marché très dur, qui est un marché des services
financiers, le marché aux consommateurs pour l'ensemble des services
à donner va se faire, les gens vont être plus aguerris. Tout le
monde va y gagner parce qu'au bout, ce sera le consommateur qui va être
de mieux en mieux servi. Ce que je comprends mal ou ce que je m'explique mal,
c'est pourquoi dans ce domaine, comme dans d'autres domaines, que ce soit le
dossier de la loi 101 sur l'affichage où on a une crainte et où
on repousse, on repousse parce qu'on a crainte de ne pas satisfaire des gens;
que ce soit dans le dossier sur l'aide sociale où on a
repoussé,
depuis un an et demi, une vraie réforme d'aide sociale - ce n'est
pas encore fart - que ce soit dans le dossier des heures d'affaires où
on devait trancher avant Noël... Nous voilà encore à
reporter en 1989 quelque part. Parce que le dossier est chaud, parce qu'il y a
beaucoup de pressions, parce qu'il y a surchauffe, le gouvernement ne veut pas
faire de vagues.
Dans ce cas, je dis au ministre et je sais qu'il a une approche
très ouverte quant à sa façon de voir le
décloisonnement, je sais qu'il a eu aussi d'excellents conseils
puisqu'il a retenu les services de M. Parizeau pendant quelque temps et ce au
cours de l'année 1987... Je ne lui en tiens pas rigueur. Il a su aller
chercher là où il y avait de l'expertise. Je sais que le
ministre, même s'il croit en cette possibilité de donner davantage
d'outils et d'aller vers le décloisonnement, il sait que c'est là
qu'est l'avenir... Ce que je lui dis aujourd'hui, ce que je lui rappelle
aujourd'hui, que ce soit au nom de l'Opposition, mais au nom de l'ensemble des
intervenants, et aussi au nom des caisses populaires, au nom du mouvement
Desjardins, le ministre doit aller plus loin. Le ministre se doit d'agir
déjà. On a attendu depuis trois ans déjà.
Je me souviens qu'en commission parlementaire, le député
de Lévis a demandé à plusieurs reprises au ministre: Quand
allez-vous arriver avec votre projet de loi définitif sur les caisses
d'épargne et de crédit? C'est quand? On espérait l'avoir
en juin dernier. On l'a à cette session-ci, mais il a été
déposé le 15 novembre, à la date limite. Là, on va
se retrouver quelques jours avant Noël à débattre les
derniers articles pour essayer de l'adopter avant Noël. Je ne sais pas
comment on va faire pour y arriver. Il a 600 articles, M. le Président.
Pourquoi, pourquoi, pourquoi? Tout ce que j'espère, c'est qu'il y aura
une ouverture d'esprit pour apporter des amendements.
Quand M. Béland nous disait, en septembre dernier, par rapport au
projet de loi et à l'avant-projet de loi qui étaient sur la
table: Bien que généralement satisfait, disait-il, de
l'avant-projet de loi, M. Béland a toutefois exprimé quelques
déceptions - mais elles sont importantes - et tenté d'obtenir des
précisions, premièrement, quant aux pouvoirs des caisses en
matière de décloisonnement des services financiers, quant aux
mécanismes prévus et exigences démesurées pour
éviter les conflits d'intérêts des dirigeants
bénévoles des caisses, quant à l'absence d'engagements
relativement aux avantages fiscaux pour favoriser la capitalisation des
caisses. Et, disait-il, il y a à peine 60 jours, M. le Président,
malheureusement, l'avant-projet de loi demeure imprécis et
nébuleux et, à l'intérieur du projet de loi, ça
demeure encore très imprécis et nébuleux quant au
rôle et aux pouvoirs que l'on désire confier au réseau des
caisses Desjardins en matière de décloisonnement. (21 h 20)
Le gouvernement doit continuer d'être avant-gardiste et permettre
au mouvement Desjardins de s'activer encore davantage dans l'offre des services
financiers à ses membres. Ce qu'il dit au ministre poliment:
Écoutez, on a une longueur d'avance. Continuons d'être
avant-gardistes. Continuons d'aller de l'avant et nous autres, on est des gens
qui voulons être très actifs, pro-actifs comme
société au Québec, comme mouvement au Québec. On
veut continuer d'être en avant. Donnez-nous les outils nécessaires
et ne nous laissez pas en plan quant au genre de services et à la gamme
des produits que nous pourrons offrir. C'est ça que le mouvement
Desjardins réclame, ce n'est pas quelque chose de compliqué.
Pourquoi y a-t-il eu recul graduel entre le livre blanc, entre la façon
que voyait le ministre il y a six mois ou un an ou deux, il y a eu une
évolution, mais une évolution négative, une crainte, une
peur, on ne sait quoi, des pressions. Ce qu'on dit au ministre aujourd'hui:
Rendez-vous à l'évidence, agissez; nous voulons que vous alliez
dans ce sens-là et nous allons tout faire pour vous donner notre
collaboration si vous allez dans ce sens-là. Je pense que cela est
important.
Le mouvement Desjardins, si on en est fier et si on veut qu'il continue
d'aller de l'avant, on devra le traduire à l'intérieur du projet
de loi 70 avec les amendements. Si on ne va pas dans ce sens-là, si on a
plutôt l'approche du député de Mille-Îles, là,
je peux comprendre. Il faudrait que le ministre nous dise si, à
l'intérieur du caucus ou parmi ses collègues ministres, il y a eu
beaucoup de réticences, là il faudra qu'il joue cartes sur table,
si c'est le problème, parce qu'on ne le sait pas. On doute, on peut
présumer, mais si ce qui a été traduit par quelques-uns de
ses collègues, du moins par le député de Mille-Îles
qu'on a pu entendre clairement et qu'on peut relire aujourd'hui, il faudrait
que le ministre nous le dise. Mais si ce n'est pas ça, si c'est lui qui
mène comme ça doit être à l'intérieur de
chacun des ministères, aujourd'hui, le ministre doit être capable
de mettre les points sur les "i", les barres sur les T. Le ministre devrait
être capable d'apporter, d'aller plus loin et de fournir le coffre
d'outils nécessaire aux caisses d'épargne et de crédit, au
mouvement Desjardins.
Dans ce sens-là, il nous fera plaisir d'apporter toute notre
collaboration. Si ça ne va pas dans ce sens-là, c'est bien
sûr que nous allons nous battre pour défendre les
intérêts auxquels nous croyons profondément. Nous allons
nous battre pour être capables d'obtenir ce que nous pensons, c'est que
ce que demande le mouvement Desjardins est raisonnable, légitime et
correct, surtout dans le contexte où la compétition au niveau
nord-américain et internationale a besoin de faire en sorte que le
génie québécois puisse continuer à se manifester.
Si les outils ne sont pas là, je regrette, on n'y pourra rien. Alors, la
responsabilité, et je termine là-dessus, je pense qu'elle est
maintenant entre les mains du mi-
nistre. Nous lui demandons d'agir dans ce sens-là. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: II n'y a pas d'autre intervention?
Alors, pour clore le débat, je vais céder la parole au ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation pour
l'exercice de son droit de réplique.
M. Pierre-C. Fortier (réplique)
M. Fortier: Merci, M. le Président. Ah oui, oui! Ils se
pensent en campagne électorale.
M. le Président, je remercie les députés de
Lévis et de Bertrand de leur offre de collaboration. Je crois que nous
partageons tous, en cette Chambre, je l'ai dit moi-même dans mon
allocution de présentation du projet de loi et les députés
de Lévis et de Bertrand, ainsi que tous ceux qui sont ici
présents et qui ne se sont pas exprimés, cette fierté que
nous avons, comme Québécois, d'une organisation financière
qui s'est bâtie, pierre sur pierre, à partir de 1900. Nous sommes
tous fiers parce que c'est un mouvement qui a pris beaucoup d'années
pour démarrer puisque le premier 1 000 000 000 $ d'actifs a pris 60 ans
à s'accumuler. En 1973, donc treize ans plus tard, le deuxième 1
000 000 000 $. Après cela, il y a eu une augmentation fulgurante. Et,
aujourd'hui, on se retrouve, comme je le disais tout à l'heure, avec le
principal groupe financier au Québec et la sixième institution
financière en importance au Canada.
Alors, j'ai une offre de collaboration des députés de
l'Opposition et il me fait plaisir de l'accepter parce qu'il s'agit d'un projet
de loi important, comme ils l'ont signalé, de quelque 589 articles. Le
député de Lévis nous disait qu'en tant que critique de
l'Opposition, il m'assurait de sa collaboration pour faire en sorte que ce
projet de loi soit adopté avant Noël. Alors, je l'en remercie, lui
et le député de Bertrand de leur collaboration. Je sais
qu'ensemble nous pourrons passer à travers cette brique quelque peu
technique et qui a demandé beaucoup de temps à être
préparée. J'imagine, d'ailleurs j'ai fait parvenir aux
députés de l'Opposition et aux députés
ministériels de la commission parlementaire ce qu'on appelle le "cahier
du ministre". Quand j'étais dans l'Opposition, rarement on m'a
envoyé le cahier du ministre. Nous ne l'avons jamais eu. Mais, dans un
esprit de collaboration, j'ai fait envoyer aux députés membres de
la commission parlementaire ce cahier du ministre qui donne les explications
pertinentes pour chacun des articles du projet de loi. Donc, cela facilitera
l'étude, permettra d'avoir un dialogue intelligent et de travailler dans
le meilleur intérêt du Québec.
Les deux députés qui se sont exprimés ont
soulevé quelques questions auxquelles j'aimerais apporter
réponse. Une question générale a été
posée: est-ce que le Québec est en retard dans sa modernisation
des lois en ce qui touche les institutions financières? Est-ce que le
Québec présentement est en retard par rapport à ce qui se
fait en Ontario, en Alberta, en Colombie britannique et au gouvernement
canadien? La réponse est non. Comme de raison, je ne fais pas reproche
à tous les députés de cette Chambre de ne pas lire le
Globe and Mail, mais, pour tous ceux qui s'intéressent aux
institutions financières, il est quasiment d'importance de lire le
Globe and Mail. Il y a, je crois, trois semaines, il y avait un "Report
on Québec". On disait très clairement que le Québec est
à l'avant-garde dans le décloisonnement de ses institutions
financières et que, présentement, il est le chef de file de ce
secteur. J'admets que M. Parizeau, en 1983, par son projet de loi sur les
assurances, avait posé un premier jalon, mais, depuis ce
temps-là, on a fait quand même beaucoup de chemin.
Le député de Lévis critiquait le ministre en
disant: II prend trop de temps à la préparation de ses projets de
loi. Il faut savoir que ces projets de loi, M. le Président, sont
très techniques et demandent d'autre part qu'on asseoit très
clairement les principes que l'on veut développer. Une fois que l'on
s'est entendu sur les principes, la rédaction d'un projet de loi comme
celui-là demande énormément de temps. Quand même,
nous avons fait des modifications importantes à la Loi sur les valeurs
mobilières. L'an dernier, nous avons adopté la Loi sur les
sociétés de fiducie et d'épargne, dont la vieille loi
datait de 1913. C'était une refonte complète de la loi. On l'a
faite ensemble. Cela a été adopté en décembre de
l'an dernier. Cette année, nous avons cette loi révisant
totalement la Loi sur les sociétés d'épargne et de
crédit, dont la vieille loi - enfin, 25 ans - datait de 1963. Ce fut une
excellente loi. Je crois que, pendant plusieurs années, cette loi a
rendu de très grands services au mouvement Desjardins et aux autres
caisses d'établissement, aux caisses d'épargne qui se sont
développées. Il est normal, étant donné
l'accroissement fulgurant des caisses, comme je l'ai dit tout à l'heure,
que nous en arrivions à des modifications importantes et à une
refonte totale de la loi.
Donc, je voudrais rassurer les députés de l'Opposition. Le
Québec est le fer de lance du décloisonnement au Canada et cela,
contrairement au gouvernement canadien qui, il y a quatre ans, avait
publié un livre bleu sur la réforme des institutions
financières fédérales. Le gouvernement canadien n'a pas
encore réussi à faire adopter un seul projet de loi
là-dessus. L'avant-projet de loi sur les fiducies est mort au
feuilleton. Les modifications à la Loi sur les banques ne sont pas
encore là. La loi sur les assurances fédérale date, je
crois, de 50 ans et les compagnies d'assurances à charte
fédérale se plaignent du fait que leur loi n'a pas
été modernisée. En 1983, le gouvernement
précédent a modernisé la Loi sur les
sociétés d'assurances. Nous avons l'an dernier modifié la
loi sur les sociétés de fiducie.
Nous avons l'an dernier également ou l'année d'avant
apporté des amendements importants à la Loi sur les valeurs
mobilières. Cette année, donc, un projet de loi extrêmement
important, la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.
Pour répondre à la question: Si le Québec est en
retard? la réponse est non. Je crois que nous avons exercé un
certain leadership. Dans la mesure où nous avons la collaboration des
députés de l'Opposition et du côté
ministériel pour étudier ces projets de loi techniques et que
nous le fassions ensemble, je crois qu'on peut faire de très grands
projets. (21 h 30)
La deuxième question qu'on a posée, c'est: si le projet de
loi était prêt en 1983, pourquoi cela a-t-il pris tant de temps
pour l'amener à l'Assemblée nationale? M. le Président,
j'aimerais tout simplement, à ce sujet, citer un article de M.
Béland dans La Revue Desjardins, numéro 5, qui a
été publiée récemment. M. Béland donne
exactement l'heure juste là-dessus. Le titre de l'article est "Cette loi
tant attendue". Il dit: "C'était en 1983. Nous soumettions au
gouvernement un mémoire contenant les demandes exprimées par le
réseau de nos caisses au fil des ans relativement au projet d'une
nouvelle loi. L'année suivante, on répondait à notre appel
en nous proposant un avant-projet de loi informel, décevant et
même menaçant sous plusieurs aspects." Il continue un peu plus
loin, en disant: "L'avant-projet de loi de 1988 est fondamentalement
différent de celui de 1983 et nous avons exprimé notre grande
satisfaction à cet égard."
Je ne veux pas en faire un cheval de bataille, mais de revenir avec la
théorie qu'un avant-projet de loi était prêt, que M.
Parizeau l'avait quasiment négocié et que tout ce que celui qui
vous parle avait à faire pour l'amener à l'Assemblée
nationale était de changer deux virgules et un point-virgule, c'est de
la fumisterie, vous le savez bien, M. le député de Lévis.
D'ailleurs, le président du mouvement Desjardins le dit très
clairement quand il dit que l'avant-projet de loi de 1983 était
complètement inacceptable pour le mouvement Desjardins.
Pour corriger le député de Bertrand, je ne suis pas le
ministre responsable des institutions financières depuis trois ans, mais
seulement depuis deux ans. Et, depuis deux ans, je peux vous dire que j'ai
travaillé à peu près continuellement sur ce projet de loi.
Il a fallu deux ans pour en arriver au résultat que nous avons. Donc, je
ne peux accepter ces critiques. Il fallait prendre le temps nécessaire
pour négocier des principes de base avec le mouvement Desjardins et pour
arriver à des résultats qui, je crois, sont très
intéressants.
D'ailleurs, dans une lettre que M. Béland me faisait parvenir le
21 novembre dernier, à la suite du dépôt du projet de loi
que je lui avais fait parvenir, il écrivait: "J'ai personnellement
vérifié auprès des dirigeants de chacune des
fédérations pour connaître leur degré de satis-
faction à l'égard de ce nouveau projet de loi. Ils conviennent
que le projet de loi contient l'essentiel des demandes qu'ils avaient
eux-mêmes unanimement formulées. Je remarque d'une façon
particulière que le projet de loi contient des demandes sur lesquelles
la fédération de Montréal et celle de l'Ouest du
Québec avaient insisté dans un mémoire particulier."
Je suis prêt à accepter les conseils de mes collaborateurs
d'en face. Je sais bien que, dans un projet de loi aussi important, il serait
tout à fait anormal que nous n'apportions pas certains petits
changements. Je peux dire que nous avons apporté des modifications
très importantes par rapport à l'avant-projet de loi de 1983. Je
peux vous en citer quelques-unes. D'une part, en 1983, le gouvernement
insistait pour contrôler chacune des caisses, indépendamment l'une
de l'autre, autrement dit, de la même façon qu'on contrôle
chaque fiducie, de la même façon que le gouvernement
fédéral contrôle chaque banque. Le gouvernement du temps
avait dit, en 1983: Nous voulons contrôler la santé
financière de chaque caisse. C'était inacceptable pour le
mouvement Desjardins qui disait: Nous, du mouvement Desjardins, lorsqu'une
caisse est en difficulté, nous ne la laissons jamais tomber, nous avons
- ce qu'ils appellent - une responsabilité réseau.
C'est ainsi que, lorsque j'ai repris le dossier il y a deux ans, j'ai
entamé des discussions avec M. Béland qui était le
représentant du président du temps et qui, par la suite, est
devenu lui-même président. Nous avons négocié ce
principe, en disant comme M. de Talleyrand disait: Si cela va sans dire, cela
va encore mieux en le disant. C'est ainsi que, dans le projet de loi, nous
reprenons la proposition du mouvement Desjardins qui disait: Nous avons une
responsabilité réseau. Dans le projet de loi, nous disons:
D'accord, si vous le désirez, au lieu que l'Inspecteur
général des institutions financières contrôle chaque
caisse isolément, nous allons accepter qu'il vérifie la
santé financière de chaque fédération
isolément, mais, à ce moment-là, il va y avoir certaines
responsabilités. Il faudra que les caisses acceptent que les
fédérations jouent un certain rôle et qu'une certaine
réglementation soit édictée par les
fédérations. Donc, si une caisse est en difficulté, la
fédération pourra intervenir et, à ce moment-là,
l'inspecteur général pourra se satisfaire de contrôler
chaque fédération plutôt que chaque caisse
isolément. C'est donc une modification extrêmement importante qui
est sous-jacente à ce principe nouveau dans l'avant-projet de loi.
Une autre modification importante touche à tout ce qui regarde la
capitalisation des caisses. Et, à ce sujet-là, une autre
modification que nous avons apportée - parce que ça n'existait
pas dans l'avant-projet de loi de 1983 - est la constitution de quatre holdings
au niveau de la confédération. Je n'entrerai pas dans les
difficultés techniques parce que, comme vous le
savez, dans le débat que j'avais engagé avec le
gouvernement fédéral sur ce qu'on appelle les liens
commerciaux... Ce qu'on appelle les liens commerciaux, c'est que normalement
les institutions financières n'ont pas le droit de devenir
propriétaires d'une compagnie faisant affaire dans le secteur commercial
ou industriel. Ce n'est pas le cas en France, ce n'est pas le cas en Allemagne,
ce n'est pas le cas au Japon. En Amérique du Nord, on a
développé, depuis la crise de 1929, le principe que pour"
sauvegarder la santé financière d'une institution
financière il ne fallait absolument pas qu'elle possède une
société dans le secteur commercial et industriel.
Notre point de vue était différent. C'était
également le point de vue défendu par le gouvernement
fédéral. Nous avons défendu le point de vue
différent en ce sens qu'il n'y a pas de mal à ce qu'une
institution financière puisse posséder une société
commerciale et industrielle à la condition que les conflits qui
pourraient se développer soient bien contrôlés. Et c'est la
raison pour laquelle, comme vous le savez tous - et comme vous le savez, M. le
Président - il y a 25 ans, je crois, le premier ministre Bertrand, sous
le gouvernement de l'Union Nationale, avait demandé au mouvement
Desjardins d'empêcher qu'une compagnie américaine achète
les gâteaux Vachon. Et c'est comme ça que le gouvernement du temps
avait supplié le mouvement Desjardins de créer ce qu'on appelle
un lien commercial, donc d'intervenir et de devenir propriétaire d'une
société commerciale. Donc, cela fait 25 ans que nous vivons au
Québec avec une institution financière qui a
développé des liens commerciaux sans que la santé
financière de cette institution soit pénalisée.
Mais comme il faut être prudent, nous avons suggéré
au mouvement Desjardins la création de ces quatre holdings au niveau de
la confédération et, en ce faisant, les liens commerciaux ne se
trouvent plus au niveau des caisses, les liens commerciaux ne se trouvent plus
au niveau des fédérations, mais uniquement au niveau de la
confédération. Et c'est donc là un changement
extrêmement important qui va permettre une meilleure capitalisation.
Une autre modification importante, M. le Président, c'est le fait
que nous avons modifié l'avant-projet de loi pour permettre à la
confédération du mouvement Desjardins de s'associer à des
fédérations d'autres provinces canadiennes. Et, encore là,
ce qui m'a surpris... Et c'est une suggestion que j'avais faite à M.
Béland à la suite de conversations. J'ai dit: Si vous le
désirez, nous pourrions mettre ces dispositions-là dans le projet
de loi. Après avoir rencontré des ministres des Institutions
financières d'autres provinces, que ce soit de l'Ontario, du Manitoba,
du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta et de la Colombie britannique, je peux vous
dire qu'ils ont une grande admiration pour Desjardins. Eux qui ont des caisses
populaires parfois en bonne situation financière comme les caisses
populaires de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick et d'autres provinces, ils
verraient quand même d'un très bon oeil que ces caisses populaires
puissent être associées au mouvement Desjardins pour
décupler leur capacité de développement.
Alors, M. le Président, comme vous le voyez, nous avons
apporté des modifications extrêmement importantes à
l'avant-projet de loi de 1983 et prétendre que celui qui vous parle n'a
eu qu'à changer le titre et quelques articles, c'est de la fumisterie.
Ce n'est pas exact et je crois que nous avons apporté des modifications
qui satisfont maintenant le mouvement Desjardins et qui satisfont la
majorité des dirigeants du mouvement Desjardins. Bien sûr, vous
allez entendre... Je suis sûr que dans les jours qui viennent certains
directeurs de caisses ou certaines personnes vont évoquer certains
problèmes. Je répondrai à ces critiques minimales qui
viendront qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi privé. Il s'agit d'un
projet de loi public. Il ne s'agit pas d'un projet de loi privé tel
qu'on les amène ici à l'Assemblée nationale. Il s'agit
d'un projet de loi public amené par le ministre qui vous parle,
approuvé par le gouvernement du Québec et qui devra être
adopté à l'Assemblée nationale. C'est donc un projet de
loi qui doit protéger le public tout en permettant au mouvement
Desjardins de se développer.
En ce qui concerne le décloisonnement, tout ce que je dirai bien
amicalement au député de Lévis, c'est que - et je le
démontrerai en commission parlementaire - les dispositions de la loi
telle qu'elle a été modifiée depuis l'avant-projet de loi
du printemps dernier permettent au mouvement Desjardins de se déployer,
d'une part, par les holdings dont je viens de parler parce qu'un de ces
holdings financiers pourra permettre au mouvement Desjardins d'acheter
même des banques, des fiducies et des compagnies d'assurances, non
seulement au Canada, mais aux États-Unis. En plus, les dispositions de
la loi sont telles que, comme c'était le cas dans le passé, ils
pourront continuer à vendre de l'assurance à l'intérieur
d'une caisse, pas plus et pas moins. Par ailleurs, la Commission des valeurs
mobilières s'apprête à adopter certaines instructions
générales qui permettront aux caisses, comme aux banques et aux
fiducies, de vendre des fonds communs de placement et même de placer
à l'intérieur d'une banque ou d'une caisse un représentant
d'un courtier en valeurs mobilières avec lequel elles sont
associées.
Comme vous le voyez, M. le Président, nous sommes loin du
cataclysme et de la stagnation dont parlaient les députés de
Bertrand et de Lévis. Je démontrerai, article par article, en
commission parlementaire que les dispositions qui sont là vont permettre
aux caisses populaires, au mouvement Desjardins, de se déployer avec une
meilleure capitalisation parce que c'est très important lorsqu'on
rencontre la concurrence internationale. Cela lui permettra de se
déployer,
mais avec des dispositions, de nouveaux pouvoirs et de nouvelles
capacités juridiques qui lui permettront de faire face à toute
concurrence.
M. le Président, je crois que ces remarques me permettent de
conclure et de dire que je suis tout à fait d'accord avec le
député de Lévis lorsqu'il chante sa fierté du
succès Desjardins. Il a parfaitement raison de dire que ce qui a fait ce
que le mouvement Desjardins est devenu, c'est l'éducation des
Québécois auxquels il a enseigné cette capacité de
contrôler nos finances. Je peux vous dire qu'en tant que ministre des
institutions financières c'est toujours avec beaucoup de fierté
que je représente le Québec parce que, il faut bien se le dire,
nous avons un statut particulier à l'intérieur du Canada. Nous
sommes la seule province canadienne avec autant d'institutions
financières à charte québécoise. Nous en avons pour
50 000 000 000 $...
Des voix: Bravo!
M. Fortier: ...et l'Ontario n'en a que pour 30 000 000 000 $,
quoique l'Ontario ait plusieurs institutions financières à charte
fédérale surtout. Mais nous contrôlons nos finances, et je
suis complètement d'accord avec le député de Lévis
qui dit que c'est un facteur collectif de développement
économique du Québec qui est extrêmement Important. Je veux
le remercier de sa collaboration et je remercie tous ceux qui sont
présents de leurs applaudissements parce que je sais que c'est un appui
au travail sérieux que nous faisons. Tous ensemble, nous ferons en sorte
que cette nouvelle loi permette au mouvement Desjardins d'atteindre
peut-être 100 000 000 000 $ d'actifs en l'an 2000 et que cela se fasse
dans le meilleur intérêt du Québec, de tous les
Québécois et de toutes les Québécoises. Je vous
remercie, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi
70, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Lefebvre: Oui, M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi 70 à la commission du budget et
de l'administration pour son étude détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je fais maintenant motion
pour ajourner les travaux à demain matin, 10 heures.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. En conséquence,
nos travaux sont ajournés à demain, le mercredi 23 novembre,
à 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 44)