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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Nous allons procéder aux
affaires courantes.
Déclarations ministérielles. Présentation de
projets de loi. Dépôt de documents.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: ...je vous demanderais, à ce moment-ci, de
reconnaître le ministre des Finances, s'il vous plaît.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, un message de son honneur le
lieutenant-gouverneur du Québec, signé de sa main.
Crédits supplémentaires n°
2,1988-1989
Le Président: Si vous me permettez. Message de son honneur
le lieutenant-gouverneur du Québec. "L'honorable lieutenant-gouverneur
de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale
les crédits supplémentaires n° 2 pour l'année
financière se terminant le 31 mars 1989, conformément aux
dispositions de l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867 et recommande
ces crédits à la considération de l'Assemblée." Ce
message est signé de la main de M. le lieutenant-gouverneur. J'aimerais
déposer ce document.
Maintenant, je vais reconnaître M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer les crédits supplémentaires n° 2 du budget
1988-1989.
Le Président: M. le ministre des Finances, vos
crédits supplémentaires sont maintenant déposés. M.
le leader du gouvernement.
Renvoi en commission plénière
M. Gratton:M le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: ...je voudrais faire motion pour que ces
crédits supplémentaires soient déférés
à la commission plénière qui en entreprendra
l'étude jeudi et vendredi de cette semaine.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce que
cette motion de déférence est adop- tée? Adopté?
Adopté.
Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?
Dépôt de rapports de commissions.
Dépôt de pétitions.
Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.
Avant de procéder à la période
régulière de questions et de réponses orales, j'avise
immédiatement les membres de cette Assemblée que nous allons
procéder au vote sur le rapport de la commission qui a
étudié le projet de loi 37. Il s'agit de six votes auxquels nous
devrons procéder ce matin, immédiatement après la
période de questions.
Je suis prêt à reconnaître la première
question principale. M. le député de Taillon, en principale.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Le point de vue du gouvernement sur l'affichage
commercial
M. Filion: Merci, M. le Président. Le représentant
du gouvernement du Québec dans l'instance Chaussures Brown's, à
savoir le Procureur général du Québec de l'époque,
le député de D'Arcy McGee, avançait des constatations de
faits importants justifiant de préserver l'unilinguisme français
dans l'affichage. Par exemple, à la page 51, le Procureur
général disait: "Ces considérations - il s'agissait ici de
l'étude des mots "linguistique", "sociologique" -conduisent le Procureur
général du Québec à conclure que la lecture de
l'état linguistique de la société québécoise
qui avait justifié l'adoption des mesures législatives
précédentes, justifie aujourd'hui le maintien de ces mesures,
puisque la situation sur le terrain n'a pas sensiblement évolué
de façon favorable au français."
Également, à la page 59 de son mémoire, le
Procureur général du Québec disait: "En effet,
l'empiétement que représenteraient ces dispositions sur les
droits individuels est relativement mineur, considérant les nombreux
assouplissements dont elles sont assorties et l'on ne peut certes pas conclure
que l'objectif visé par cette législation et
l'intérêt de la collectivité sont supplantés par
l'atteinte à ces droits. Ultime-ment, faut-il le rappeler, c'est la
survie d'une collectivité qui est en jeu." C'est toujours le Procureur
général du Québec, représentant du gouvernement du
Québec.
Or, je voudrais savoir du premier ministre comment le gouvernement du
Québec peut décemment tenir deux langages, selon qu'il se trouve
devant une instance judiciaire ou selon qu'il tente de justifier une
décision politique.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je crois qu'on avait
déjà répondu à ces questions-là. Le
député de Taillon avait déjà posé des
questions semblables au Procureur général. La cause avait
été présentée devant la Cour d'appel, des arguments
avaient été soumis devant la Cour d'appel. Il y a eu appel de la
décision pour les raisons que j'ai mentionnées hier, étant
donné qu'il y avait une cause parallèle, si je puis dire, sinon
semblable, parce que dans le cas de Singer, il s'agissait d'unilinguisme, alors
que dans le cas de Chaussures Brown's, il s'agissait du bilinguisme. Donc, le
Procureur général et ses associés ont poursuivi le
débat juridique sur cette question.
Pour ce qui a trait à la non-concordance que peut voir le
député de Taillon entre le programme du Parti libéral et
les positions défendues par le Procureur général, les
réponses ont été données là-dessus.
D'ailleurs, le député de Taillon lui-même a des
problèmes de concordance avec ce qu'il a dit dans le débat sur la
loi 142 lorsque la loi a été déposée et avec ce
qu'il fait maintenant avec sa loi 119. Le député de Taillon se
souvient de ses dénonciations virulentes vis-à-vis de la loi 142.
C'était presque une trahison de pouvoir permettre à la
minorité anglophone d'avoir des services sociaux et des services de
santé dans sa propre langue. Et, soudainement, il s'est converti; il ne
veut plus qu'on touche à la loi 142. Conversion bienvenue de ce
côté-ci de la Chambre. Je félicite le député
de Taillon de son ouverture vis-à-vis de cette question, de son
changement de point de vue et de son radicalisme plus modéré
vis-à-vis d'une loi humanitaire comme celle-là.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: M. le Président, je constate que le premier
ministre n'a aucun argument de fond contre le projet de loi 191
déposé par l'Opposition officielle. Au contraire, il adopte le
projet de loi.
Le Président: Votre question.
M. Filion: Ma question est la suivante et s'adresse au premier
ministre. Il s'agit d'arguments de fait, d'éléments de fait, de
constatations de fait et non pas de droits qui ont été plaides
par le Procureur général. Compte tenu de ces arguments de fait du
gouvernement du Québec, en date du mois d'août 1987 - cela ne fait
pas une décennie, une éternité - comment le premier
ministre peut-il envisager ce retour, ce pas en arrière que
constituerait le moindre retour au bilinguisme dans l'affichage?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je n'ai jamais
prétendu que le projet de loi 119 était totalement mauvais.
Des voix: 191.
M. Bourassa: 191, je renverse un chiffre.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: M. le Président, il y a une espèce de
contagion d'un côté à l'autre. Je veux dire que je n'ai
jamais dit au député de Taillon que tout son projet de loi
était condamnable. Il y a de bons éléments. Comme je l'ai
toujours dit, le hasard existe en politique parfois, pour le Parti
québécois. Je veux dire au député de Taillon que
j'ai donné les raisons qui justifient l'attitude du Procureur
général, mais le programme du parti, je l'ai mentionné
hier et je le mentionnerai probablement si le député de Taillon
est présent à la discussion sur les engagements financiers, si on
peut avoir un peu de temps. Je crois qu'on me dit que, selon la
procédure, on peut aborder tous les sujets. Je vois le chef de
l'Opposition qui s'apprête à le faire; il est le bienvenu.
Une voix:...
M. Bourassa: Oui, d'accord, je suis prêt. D'ailleurs,
contrairement à mon prédécesseur, M. Lévesque,
j'assiste à la commission des engagements financiers. Cela vous donne un
peu plus de temps pour discuter des questions. Je le fais parce que je trouve
que cela peut être utile pour l'Opposition d'entendre mes
réponses.
Ce que je dis au député de Taillon, c'est que je lui ai
donné tantôt les raisons qui ont justifié l'appel en Cour
suprême. Mais ceci ne change pas le programme du Parti libéral
d'avoir le français prioritaire, sans prohibition. C'est une
différence un peu mineure peut-être. Je ne le sais pas, avec
l'évolution que vous faites constamment d'un congrès à
l'autre, dans un sens ou dans un autre, il peut y avoir une évolution de
votre côté. Vous pouvez également assouplir votre position
là-dessus. On l'avait déjà annoncé. Donc,
peut-être qu'on pourrait faire un consensus dans l'Assemblée
nationale. Cela serait formidable si on s'entendait tous pour protéger
la culture française de la même façon en respectant les
droits individuels, M. le Président.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: M. le Président, je rappellerais au premier
ministre que M. Lévesque répondait aux questions en Chambre, de
sorte qu'il n'avait pas besoin d'aller en commission parlementaire.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le whip de l'Opposition, en additionnelle.
M. Brassard: Est-ce que le premier ministre
se rappelle aussi que sun gouvernement a piaïue avec vigueur que -
et je cite le mémoire du Procureur général - "dix ans
après l'entrée en vigueur de la Charte de la langue
française, les faits législatifs justifient toujours l'existence
de cette digue - c'est l'article 58 - destinée à maîtriser
le flot puissant de l'anglicisation en Amérique du Nord." Est-ce que le
premier ministre considère aussi que cet argument n'est plus valable, un
an plus tard, ou est-ce qu'il considère toujours que l'article 58
constitue une digue destinée à maîtriser le flot puissant
de l'anglicisation en Amérique du Nord?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'ai dit il y a quelques jours - le chef de
l'Opposition citait même l'article en question - je l'ai dit très
souvent mais je l'ai dit à un journaliste du Globe and Mail qui
était cité par le chef de l'Opposition que c'est évident -
et c'est pourquoi nous parlons dans notre programme du parti de français
prioritaire - que le bilinguisme intégral - et là-dessus il y a
unanimité dans le Parti libéral du Québec - à cause
de la force d'attraction de l'anglais en Amérique du Nord, pour des
raisons évidentes qu'on n'a pas besoin d'expliquer, pouvait constituer
une forme de menace d'anglicisation. C'est pourquoi, dans le Parti
libéral, nous avons dans notre programme le français prioritaire,
sans la prohibition que vous avez dans votre programme. Là, je pourrais
reprendre les paroles du député de Taillon, les paroles qu'il a
dites vendredi dernier, presque les larmes aux yeux, à propos de la
Déclaration universelle des droits de l'homme: qu'il fallait respecter
la liberté d'expression, la liberté d'association. Il fallait
faire rayonner cette liberté partout, dans tous les pays du monde. Au
Québec, nous sommes l'une des sociétés qui a cette
liberté d'expression. Une petite minorité de peuples seulement
possède cette liberté d'expression. M. le Président,
précisément parce que nous sommes conscients dans ce parti de
cette menace qui peut exister à cause du pouvoir d'attraction de la
langue dominante en Amérique du Nord, de la langue dominante dans le
domaine du commerce, sur le plan international, dans presque tous les
pays...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...nous optons pour un français prioritaire.
Je ne dis pas que c'est facile d'appliquer un français prioritaire sans
prohibition. Il y a différentes formules qui peuvent être
examinées. Tout le problème...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je termine. Tout le
problème est là, de notre côté: comment tout en
évitant un rétablissement ou un retour au bilinguisme
intégral? M. le Président, je termine...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: II n'y a presque pas de différence entre ce
que dit le député de Lac-Saint-Jean et ce que le programme du
Parti libéral propose.
Le Président: M. le whip de l'Opposition et
député de Lac-Saint-Jean.
Une voix: Ce n'est pas fort.
M. Brassard: M. le Président, quand le premier ministre
va-t-il mettre un terme au double langage qu'il pratique, un langage devant la
Cour suprême pour défendre l'article 58 intégralement et le
langage qu'il tient présentement pour défendre son programme du
français prioritaire? Ce n'est pas la même chose du tout,
ça. Quand le premier ministre va-t-il cesser le double langage qu'il
pratique depuis trois ans et qui fait en sorte que la situation du
français se dégrade constamment depuis trois ans? C'est ce que
son Procureur général a défendu devant la Cour
suprême.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je crois que le député de
Lac-Saint-Jean sait ce dont il parle quand il mentionne le double langage.
Une voix: II fait allusion à son parti.
M. Bourassa: On se souviendra des propos de son chef, M.
Parizeau, qui dénonçait, quelques jours avant le congrès,
assez durement et d'une façon un peu humiliante le député
de Lac-Saint-Jean qui trouvait que l'option n'était pas assez souple,
que l'élection référendaire se retrouvait dans le
programme du Parti québécois. D'ailleurs, le chef de l'Opposition
semble d'accord avec mol par son demi-sourire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, on se souviendra...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
À la question, M. le premier ministre. À la question!
M. Bourassa: On se souviendra des propos
de M. Parizeau qui condamnait les deux ou trois députés
qui en voulaient toujours plus pour ce qui a trait à la stratégie
électorale de la prochaine élection. Je dis au
député de Lac-Saint-Jean que, pour des raisons que j'ai
expliquées parce qu'il y avait un jugement de la Cour d'appel et qu'il
nous fallait en appeler de ce jugement, c'est évident, étant
donné le jugement qui était en appel également dans le cas
de Singer et dont nous aurons le résultat après demain matin. Le
député de Lac-Saint-Jean comprend très bien que, dans ce
cas-là, il a fallu, pour des raisons techniques et logiques, aller en
Cour suprême et plaider la cause. Mais ceci ne contredit pas le programme
du Parti libéral. (10 h 30)
Quant au double langage, vous l'avez fait vous-mêmes il y a
quelques jours alors que, comme parti, vous avez pris une attitude sur la
langue: français mur à mur, aucune exception. Et comme caucus,
trois jours après, vous avez dit le contraire. Ne parlez pas de double
langage, M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, loin de sourire aux propos
du premier ministre, je vous dirai que c'est plutôt attristant de
constater que le premier citoyen du Québec, à une question
précise, trouve le moyen de ridiculiser une question très
sérieuse à laquelle les citoyens du Québec sont en droit
d'attendre...
Des voix: Bravo!
M. Chevrette: Je vais reprendre ma question pour lui permettre
d'afficher au moins 30 secondes de sérieux...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Chevrette: ...à l'intérieur de la période
de questions.
M. le Président, on est habitués d'entendre le premier
ministre qui nous a répété à quatre reprises depuis
un certain temps: Vous le savez, les discours avant les élections sont
différents de ceux après les élections. Il l'a dit
à quatre reprises et on est conscients qu'il tient deux discours: un,
avant les élections, pour endormir l'électorat et un autre
après. C'est précisément pourquoi on lui demande comment
il peut soutenir en cette Chambre d'avoir plaidé que l'unilin-guisme
français était tellement important parce qu'il y allait de la
survie des Québécois francophones et, du même souffle,
parler de l'application éventuelle d'un programme qui accordait aux
anglophones du Québec l'affichage bilingue à toutes fins utiles?
Comment peut-il soutenir dans une plaidoirie devant la Cour suprême
l'importance pour la survie du français d'obtenir, de maintenir
l'affichage unilingue français? Peut-il, pour une fois, répondre
très sérieusement à cette ambiguïté qui
persiste?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je suis heureux de constater
ce matin que le chef de l'Opposition se sent apte à nous donner des
leçons de dignité. J'espère qu'il conservera cette
attitude lui-même dans les discours qu'il prononce
régulièrement, parfois sur un ton un peu bouillant et
mesuré à d'autres occasions, mais moins souvent.
Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est que j'ai
signalé le double langage. On nous reproche un double langage alors que
vous venez vous-même d'en donner un exemple particulièrement
éloquent par ce que vous avez voté au congrès, sur le plan
linguistique. D'ailleurs, cette volte-face qui a été faite par le
caucus par rapport aux résolutions du parti a été
notée par tous les éditorialistes. S'il vous plaît, ayez
quand même un minimum de décence intellectuelle et ne contestez
pas cette volte-face du projet 191 avec les résolutions qui ont
été adoptées au congrès; cette intolérance
qu'a dénoncée lui-même le député de Taillon
en parlant de l'intolérance vis-à-vis de son ami et ancien chef,
M. Pierre Marc Johnson, qui a été hué au congrès du
Parti québécois, il y a quelques jours. Il
dénonçait cette intolérance du Parti
québécois.
Le Président: S'il vous plaît.
M. Bourassa: M. le Président, cette intolérance
qu'on retrouvait aussi dans certaines résolutions. Il a voulu corriger -
et je l'en félicite - cette attitude du Parti
québécois.
Ce que je veux dire, c'est que j'ai répondu au chef de
l'Opposition. Nous l'avons fait il y a plusieurs mois. Il me semble qu'on ne
doit pas répéter quatre fois la même chose pour être
compris par le Parti québécois. Si vous voulez poursuivre la
discussion dans quelques minutes, je suis disponible.
Le Président: Je vais reconnaître la deuxième
question principale de ce matin à Mme la députée de
Maisonneuve.
Collaboration entre le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du
revenu et la Commission des droits
de la personne
Mme Harel: M. le Président, victime d'une attaque publique
injustifiable de la part du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, la Commission des droits de la personne
réagit publiquement. Les allégations d'une extrême
gravité que votre lettre contient, notamment que la commission aurait
agi avec
partialité et qu'elle aurait outrepassé ses fonctions
l'oblige aujourd'hui à vous répondre formellement, dit la
commission au ministre. Nous déplorons au plus haut point le
procès d'intention que contient votre lettre alors qu'il est du devoir
de notre organisme à titre de promoteur des principes contenus dans la
Charte des droits et libertés de rappeler aussi souvent que
nécessaire les droits fondamentaux garantis à toute personne, y
compris aux bénéficiaires de l'aide sociale.
La commission d'appel n'a pu encore obtenir réponse d'une lettre
envoyée par le président de la commission au ministre, le 7
octobre dernier, il y a deux mois, pour obtenir la désignation de
fonctionnaires. Alors, comment le ministre a-t-il pu sérieusement
blâmer la Commission des droits de la personne alors qu'il avait
négligé et qu'il néglige toujours de collaborer avec la
commission?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, lorsque j'ai
déploré l'intervention de la Commission des droits de la
personne, c'était non pas quant au fond qui portait, je le rappelle,
uniquement sur les visites à domicile, et non pas sur la
problématique de la réforme de l'aide sociale. Je l'ai fait parce
que la commission est intervenue d'une façon que nous avons
considérée comme étant politique, c'est-à-dire
qu'après avoir reçu de la députée de Maisonneuve
une demande d'enquêter sur des dossiers tournant autour des visites
à domicile, la commission a jugé bon de faire tout un spectacle
dans la presse pour déclarer qu'elle était saisie d'une demande
de Mme Harel, députée de Maisonneuve, et pour profiter de
l'occasion pour rendre un jugement, dès ce moment, sur l'enquête
qu'elle devait faire.
J'ai déploré cette attitude publique, cette espèce
de déclaration officielle qui, à mon sens, s'insérait au
moment où on étudiait la réforme de l'aide sociale d'une
façon plutôt malencontreuse dans l'actualité politique. M.
le Président, je rappelle que le Vérificateur
général nous fait des reproches d'avoir laissé
échapper 235 000 000 $ de payés en trop à l'aide sociale.
Nous tentons, avec des mesures de contrôle, d'arrêter cette
hémorragie de fonds publics. . Comme les tribunaux ont
déclaré que nous avions parfaitement le droit de faire des
visites à domicile, j"ai rappelé au président que je ne
cesserai pas de faire des visites à domicile, même si la
Commission des droits de la personne souhaiterait qu'on le fasse.
Le Président: Mme la députée de
Maison-neuve, en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, pourquoi le ministre
confond-il les trop-perçus administratifs publiquement le rôle
impartial et essentiel de la commission des droits dans la défense de la
dignité de la vie privée, de la réputation des personnes
assistées sociales visitées?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: Je reconnais parfaitement l'importance qu'a la
Commission des droits de la personne dans le système
québécois et je n'ai absolument pas l'intention de constester le
bien-fondé des interventions de la Commission des droits de la personne.
Ce n'est pas quant au fond que j'en ai, mais quant à la forme. Je pense
que la Commission des droits de la personne aurait intérêt
à faire ses enquêtes et à rendre publics ses avis
après avoir fait ses études et non pas avant.
Le Président: Mme la députée... En
additionnelle ou... M. le chef de l'Opposition, en principale.
M. Chevrette: Ma question s'adresse au premier ministre. Non.
Le Président: En additionnelle? M. Chevrette: En
additionnelle.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle. /
M. Chevrette: Étant donné que depuis quelques
jours, on a assisté à deux bâillons en l'espace de trois
jours, le premier ministre nous annonce, à toutes fins utiles, qu'il y a
également possibilité de restreindre le débat sur le plan
linguistique, on est rendu qu'un de ses ministres est sur le point de vouloir
bâillonner à toutes fins utiles des commissions, des structures
qui visent précisément la défense des droits individuels
dont vous vous targuez d'avoir le souci le plus constant. Est-ce que le premier
ministre considère que l'écart du ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu à l'endroit de la commission pour
le respect des droits et libertés individuels est acceptable dans une
société dont il se targue, à bon droit souvent, de
respecter les droits les plus fondamentaux?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne vois pas où est
l'écart du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu. Il a invoqué le jugement des tribunaux. J'ai entendu le
ministre... Je n'ai pas entendu les discussions avec la députée
de Maisonneuve dans les instants qui ont précédé la
question du chef de l'Opposition, mais je me souviens très bien d'avoir
entendu la réponse du ministre pour ce qui a trait à l'attitude
de la
commission québécoise des droits et libertés. Il a
référé à des jugements de tribunaux qui ont
interprété cette situation. Alors, je ne vois pas en quoi le
ministre pourrait être attaqué d'une façon légitime
par le Parti québécois ou par l'Opposition officielle. (10 h
40)
Le Président: Je suis prêt à
reconnaître... Alors, M. le député de Shefford, en
principale.
Les prestations d'aide sociale aux personnes demeurant
dans des coopératives ou des HLM
M. Paré: Merci, M. le Président. Par le projet de
loi 37, le gouvernement actuel nous montre son intransigeance et son peu de
souci d'aider les plus démunis en matière de logement. Il
pénalise, d'abord, ceux qui veulent partager leur logement afin de mieux
s'en sortir; ensuite, H se donne la possibilité de diminuer les
prestations d'aide sociale aux personnes qui vivent dans les HLM et dans les
coopératives d'habitation.
Est-ce que le ministre de la Main-d 'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est prêt aujourd'hui à prendre
l'engagement que les prestations des personnes sur l'aide sociale demeurant
dans les coopératives et dans les HLM ne seront pas diminuées,
comme le demande la Confédération québécoise des
coopératives d'habitation?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, on fait tout un plat avec la
question du partage du logement. J'aimerais rappeler au député de
Shefford et à tous les gens qui nous écoutent que le partage du
logement, c'est une notion qui existe dans la loi actuelle sur l'aide sociale.
Présentement, cette réduction de 85 $ est appliquée pour
les gens qui partagent un logement avec leur famille, avec leurs parents, pour
les parents avec les enfants.
Or, dans la réforme, nous ne faisons qu'étendre cette
notion à l'ensemble des assistés sociaux. Vous comprendrez, par
exemple, que c'est par mesure d'équité que nous faisons
ça. Si vous prenez un couple marié qui vit ensemble, la
prestation accordée à ce couple n'est pas la môme que
l'addition de deux prestations de personnes individuelles. La prestation d'un
couple est d'à peu près 200 $ par mois de moins, justement parce
que, sur le plan du logement, il y a des économies réelles
à partager un logement. Or, si dans la prestation d'un couple, nous
tenons compte de cette réalité du logement, il serait
inéquitable de ne pas en tenir compte pour deux assistés sociaux
qui partagent un logement et qui ne sont pas mariés. Si nous ne faisions
pas ça, ce serait inciter les couples à se séparer et
à aller vivre individuellement. Ce serait inéquitable pour les
couples mariés.
Le Président: M. le député de Shefford, en
additionnelle.
M. Paré: Oui, je repose ma question au ministre. Est-ce
que le ministre est prêt, aujourd'hui, à prendre l'engagement, tel
que l'a pris, il y a quelques semaines en cette Chambre, son
prédécesseur, l'actuel ministre des Affaires municipales et
responsable de l'Habitation, que les bénéficiaires de l'aide
sociale demeurant dans les coopératives et dans les HLM ne
connaîtront pas une diminution de leur prestation?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, le député de
Shefford sait fort bien que le dossier des HLM ne dépend pas du ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est un dossier
qui dépend du ministre des Affaires municipales. Les HLM
dépendent du ministre des Affaires municipales et responsable de
l'Habitation. Je n'ai donc pas d'instructions à donner à mon
collègue, le ministre responsable de l'Habitation. Si le
député veut savoir ce qui se passe de ce
côté-là, il n'a qu'à poser la question au ministre
titulaire du dossier.
Le Président: M. le député de Shefford, en
additionnelle.
M. Paré: Je vais être obligé de revenir
à ta charge et vous rappeler que vous êtes le ministre responsable
des prestations d'aide sociale.
Le Président: Votre question.
M. Paré: Savez-vous que dans le projet de loi 37, que vous
avez déposé et sur lequel vous nous imposez le bâillon, il
y a un article qui vous permet de diminuer les prestations d'aide sociale aux
bénéficiaires demeurant dans les coopératives et dans les
HLM? Êtes-vous prêt à modifier cet article pour ne pas
pénaliser ces gens-là?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai expliqué tout
à l'heure que le partage du logement, c'est un principe qui existe dans
la législation actuelle et que nous allons le reconduire dans la
nouvelle législation, en l'étendant à tous les
prestataires de l'aide sociale, parce que c'est une mesure juste et
équitable. D'autre part, je signale qu'en matière d'habitation,
nous introduisons une nouvelle formule qui est une réponse
exceptionnelle au problème d'habitation des familles avec enfants
mineurs, c'est-à-dire une allocation-logement qui permettra aux familles
pauvres qui consacrent une partie trop importante de leur revenu pour se loger
d'avoir accès à une alloca-
tion mensuelle.
Je signale, M. le Président, que 51 000 familles
québécoises, dont 70 % sont des familles monoparentales dont le
chef est une femme dans la plupart des cas, pourront bénéficier
de cette allocation-logement. C'est un apport important du gouvernement au
problème du logement, surtout chez les familles à faible
revenu.
Le Président: Mme la députée de
Maison-neuve, en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, le ministre peut-il au moins
reconnaître que deux personnes seules ou deux chefs de familles
monoparentales qui cohabitent ont au moins besoin de deux chambres plutôt
qu'une seule pour un couple, et comment peut-il justifier une diminution de 85
$ par mois pour chacune des personnes et qui élargit à 60 000
ménages la coupure de 85 $ par mois dont 10 000 familles
monoparentales?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: M. le Président, sur le plan des principes,
il est tout à fait équitable de traiter tous les groupes de la
même façon. Si nous avons un couple marié qui
évidemment cohabite, comme dans la plupart des cas, la prestation coupe
200 $ par rapport à deux personnes seules qui vivent ensemble. Si nous
avons un couple qui vit en situation de vie maritale mais qui n'est pas
marié, nous le traitons de la même façon qu'un couple
marié et vous le savez. Si nous avons deux personnes qui vivent
ensemble, que ce soit deux hommes ou deux femmes, donc qui ne sont pas en
situation de vie maritale, nous les traitons également de la même
façon sur le plan du logement en imposant le partage du logement, de
sorte que nous ne faisons aucune discrimination sur la base du logement, nous
traitons tous les gens de la même façon.
Ceci étant dit, considérant qu'il y a des problèmes
de logement spécialement pour les familles monoparentales, dans les
centres urbains surtout, nous avons mis sur pied ce programme
d'allocation-logement qui vient en aide à celles parmi ces familles qui
consacrent une trop grande partie de leur revenu pour se loger. Cela va
coûter plusieurs millions de dollars au gouvernement et cela vient en
aide surtout aux familles monoparentales, celles qui sont les plus mal prises
sur le plan du logement.
Le Président: Je reconnais la quatrième principale
à M. le leader de l'Opposition.
L'enseignement dispensé aux enfants de la
Cité écologique de l'ère du Verseau
M. Gendron: Oui. Le dossier préparé par
LeDevoir sur la Cité écologique de l'ère du
Verseau. aborde aujourd'hui le volet de l'enseignement dispensé aux
enfants de cette communauté. On y apprend qu'une quarantaine d'enfants,
plutôt que de se retrouver dans le réseau officiel de
l'éducation, suivent des apprentissages dans le cadre d'un projet
éducatif particulier préparé par la cité. Selon
l'article, très peu de temps serait consacré à
l'enseignement du français et des mathématiques, l'accent
étant mis sur ce qui est présenté comme des travaux
pratiques. Je veux savoir du ministre de l'Éducation s'il est en mesure
de nous dire si les enfants de la cité écologique sont
effectivement dispensés de l'obligation de fréquentation scolaire
dans la mesure où, selon la loi, ils reçoivent à la maison
un enseignement efficace, selon l'article 257 de la Loi sur l'instruction
publique, et de nous indiquer à quelle vérification le
ministère a procédé pour conclure que les enfants de la
cité écologique reçoivent un enseignement efficace parce
que, la seule raison pour être soustrait à l'obligation scolaire,
c'est de recevoir un enseignement efficace.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation et
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Des voix:...
M. Ryan: Dans ce cas-ci, c'est le ministre de
l'Éducation.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: M. le Président, voici un cas où je peux
vous donner l'assurance qu'il n'y a eu aucune pression sur moi de la part de
notre honorable ami, le député de Beauce-Sud.
Une voix:...
M. Ryan: Ha, ha, ha! C'est en guise d'introduction pour vous dire
comment les choses se passent. De fait, je n'ai pas été saisi de
ce problème en ma qualité de ministre de l'Éducation,
jusqu'à ce que les journaux en parlent ces jours derniers. Comme le
député d'Abitibi-Ouest le sait très bien, en vertu de la
Loi sur l'instruction publique, la responsabilité de l'instruction des
enfants sur le territoire d'une commission scolaire relève de la
compétence de la commission scolaire. La loi prévoit certains cas
où les parents pourront garder les enfants chez eux et leur donner ce
que le député appelait justement un enseignement efficace.
Jusqu'à maintenant, il y a eu des rapports entre les responsables de la
cité écologique et la commission scolaire de Victoriaville.
Jusqu'à récemment, la commission scolaire de Victoriaville
estimait que le projet éducatif de cet établissement pouvait
assurer raisonnablement qu'un enseignement efficace était donné.
Mais, devant les nouvelles qui ont paru dans les journaux ces
jours derniers, j'ai demandé que la direction régionale
fasse le point sur la situation. Ce matin même, au moment où nous
nous parlons, la directrice régionale du ministère de
l'Éducation est en contact, en rencontre même avec la direction de
la commission scolaire pour faire le point. Et j'ai demandé qu'on me
tienne informé de tous les éléments qui ressortiront de
l'entretien.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionelle. Je vais reconnaître M. le député d'Anjou,
pour une cinquième question principale. M. le député
d'Anjou. (10 h 50)
Vacance à la mairie d'Anjou Élection le
5 mars 1989
M. Larouche: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre des Affaires municipales et concerne le conseil municipal de la
ville d'Anjou. Comme on le sait, depuis le 7 novembre dernier, le conseil
municipal de cette ville, par ailleurs dynamique, est paralysé à
la suite de la démission du maire. On sait que les conseillers n'ont pu
s'entendre entre eux quant à la succession à la mairie afin que
se poursuive une vie démocratique normale au sein du conseil municipal.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelles sont ses intentions dans ce
dossier?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je
voudrais remercier dans un premier temps le député d'Anjou de sa
question qui témoigne de son intérêt particulier pour la
démocratie municipale. Comme l'a indiqué le député
d'Anjou, l'ex-maire de cette municipalité, M. Jean Corbeil, a
démissionné au début du mois de novembre dernier pour
réorienter sa carrière vers la politique fédérale.
Depuis cette réorientation de carrière de M. Corbeil, le poste de
maire de la ville d'Anjou est demeuré vacant. À compter de la
date de démission du maire, le conseil municipal avait, comme vous le
savez sans doute M. le Président, deux options devant lui.
Première option: déclencher des élections partielles dans
les quinze jours suivant la démission du maire Corbeil; deuxième
option: dans les 30 jours suivant cette démission, choisir un maire
parmi les conseillers, les membres du conseil municipal. Malheureusement, il
n'y a pas eu de consensus suffisant au conseil municipal.
M. le Président, en vertu de l'article 346 de la Loi sur les
élections et référendums dans les municipalités,
deux choix s'offrent présentement au ministre des Affaires municipales:
déclencher des élections partielles ou nommer un maire à
partir des personnes qui sont éligibles à ce poste dans la
municipalité. J'ai procédé, au cours des dernières
heures, aux consultations d'usage et j'annonce ce matin au député
d'Anjou et à la population d'Anjou, à tous ceux et à
toutes celles qui s'intéressent encore à la démocratie
municipale en cette Chambre, la tenue d'élections partielles au poste de
maire de ville d'Anjou, pour le 5 mars 1989.
Une voix: Très bien, très bien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En terminant, M. le
Président, vous me permettrez encore une fois de remercier le
député d'Anjou de son intérêt dans ce dossier et de
l'appui constant qu'il m'a accordé. Merci.
Le Président: M. le député de
Verchères, en principale.
Le dépotoir de pneus usés de
Saint-Amable appelé à disparaître
M. Charbonneau: M. le Président, le 23 novembre dernier,
le ministère de l'Environnement émettait une ordonnance pour
forcer la fermeture du dépotoir de pneus usés de Saint-Amable.
Et, on a appris, il y a quelques jours, que se prévalant de certaines
dispositions de la loi, on a interjeté appel auprès de la
Commission municipale et que l'ordonnance a été suspendue et le
dépotoir est encore en opération. La question que je voudrais
d'abord poser au ministre est la suivante: est-ce qu'il considère,
néanmoins et toujours, que le dépotoir de Saint-Amable
représente un risque sérieux et un danger immédiat pour la
population de la région?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: On est revenu aux pneus. Il a regonflé sa
chambre à air. Alors, je vais lui dire: Oui, c'est clair que le cas du
site de Saint-Amable doit être réglé définitivement
et que ce site doit être éliminé. C'est pourquoi on est
allé au Conseil des ministres avec un mémoire spécial pour
demander une subvention de 5 000 000 $. Si on n'avait pas pensé que
ça représentait un danger significatif, on ne l'aurait pas fait.
Il est clair, d'après toutes les actions que nous avons prises, que
c'est le cas. Donc, dès la fin de janvier ou février, la firme
Ani-Mat avec laquelle on négocie le contrat final va commencer ses
opérations pour déblayer ce site pour la première fois. Et
c'est un fait que dans deux ans le site de Saint-Amable n'existera plus dans
cette ville.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre - je suis content de sa
réponse - est conscient que, dans le fond, s'il avait fait ses devoirs
correctement, émis l'ordonnance, non pas en vertu de l'article 25 de la
Loi sur la qualité
de l'environnement mais en vertu de l'article 26, il n'y aurait pas eu
de droit d'appel, à moins que la Commission municipale n'en
décide autrement et que, à ce moment-ci, le dépotoir de
Saint-Amable, qu'il considère dangereux puisqu'il vient de nous le dire,
serait actuellement fermé?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Vous voyez, M. le Président, je ne marche pas
avec des si. On a des conseillers juridiques au ministère. Ils ont
travaillé toute cette question-là avec la plus grande prudence.
Je pourrais prendre avis de la question et demander au chef du service
juridique pourquoi il a émis une ordonnance en vertu d'un article
plutôt qu'un autre. Mais, en tout cas, cette question a été
fouillée avec beaucoup de soins. Ils ont pris les procédures qui
s'imposaient, ils ont émis une ordonnance. Cet article prévoit un
appel à la Commission municipale qui va siéger prochainement sur
cette question et qui va la régler. Il me semble que les
procédures suivies sont des procédures normales. La cause va
être entendue par les affaires municipales. Les quelques pneus
ajoutés là ne vont rien changer au problème de base.
Le Président: Je vais reconnaître, en
septième question principale, ce matin, Mme la députée de
Johnson.
Projet d'implantation d'un réacteur
nucléaire au CHUS
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet
d'implantation d'un réacteur nucléaire de dix mégawatts au
Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke inquiète la
population de notre région. Malgré l'opposition de la population,
des travailleurs, de la communauté scientifique, l'administration du
CHUS continue à vouloir acquérir ce réacteur qui en est
encore au stade de prototype. Au début de novembre, répondant aux
questions de la Coalition du CHUS, le ministre fédéral de
l'Énergie, M. Masse, laissait entendre que l'hôpital n'avait pas
encore demandé de permis pour l'obtention d'un réacteur. Ma
question s'adresse à la ministre de la Santé et des Services
sociaux. Dans un premier temps, est-ce que la ministre peut nous indiquer si le
CHUS a eu des discussions avec les autorités de son ministère
dans ce dossier? Dans un second temps, peut-elle nous dire si elle est d'accord
avec l'installation d'un tel réacteur nucléaire dans notre
région?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le Centre hospitalier
universitaire de Sherbrooke, Hennis in nensp an-dnlà d'un an narla de
l'installation de ce centre nucléaire pour production d'énergie.
Nous lui avons indiqué - ce sont, à mon avis, les seuls
pourparlers que nous avons eus - qu'il devrait d'abord se soumettre à
des audiences publiques du ministère de l'Environnement. C'est
probablement parce que ces audiences n'ont pas encore eu lieu et qu'on ne les
prévoit pas beaucoup avant un an - en tout cas assez tard l'an prochain
- qu'il n'y a pas eu de demande officielle qui nous a été
adressée, mais nous lui avons indiqué qu'avant de procéder
avec un tel équipement, il devrait se soumettre à des audiences
publiques du ministère de l'Environnement.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: Est-ce que, Mme la ministre, vous avez
été consultée par votre collègue de
l'Énergie et des Ressources qui, lui, avait déjà
exprimé des réserves, en juin dernier, quant à
l'utilisation par l'hôpital de ce réacteur qui est un gros
réacteur, beaucoup plus gros que pour les besoins prévus?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cette question-là
m'a été posée le printemps dernier, si ma mémoire
est bonne, et j'avais indiqué que c'était aussi une question qui
était de la responsabilité de mes deux collègues, d'une
part le ministre de l'Énergie et des Ressources et d'autre part le
ministre de l'Environnement. Tout ce que je peux vous indiquer, c'est qu'en mai
dernier, mon sous-ministre écrivait au Centre hospitalier universitaire
de Sherbrooke et nous indiquions, et je cite, M. le Président: "que
votre centre hospitalier ne procède à aucune entente, engagement
ou acceptation sur ce sujet avant d'en avoir reçu l'autorisation
officielle du ministère de la Santé et des Services sociaux".
Pour nous, ceci était conditionnel également à
l'approbation du ministère de l'Énergie et des Ressources et du
ministère de l'Environnement.
M. Charbonneau: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Verchères, en principale?
M. Charbonneau: En principale.
Le Président: M. le député de
Verchères, en principale.
Avocats demandés par le ministère de
l'Environnement
M. Charbonneau: Je voudrais poser une question au ministre de
l'Environnement. Est-ce qu'il est exact que, depuis plus de huit mois,
vous avez fait une demande à votre collègue du
ministère de la Justice et au Conseï du trésor pour avoir
des avocats additionnels et qu'à ce moment-ci, au moment où on se
parle, vous n'avez eu aucune réponse définitive du Conseil du
trésor et du ministère de la Justice?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Uncoln: C'est bien vrai que j'ai fait une demande. J'ai eu des
tractations d'abord avec l'ex-ministre de la Justice. Ensuite, nous avons eu
des négociations avancées entre les fonctionnaires seniors des
deux ministères, négociations qui ont abouti à une demande
formelle de notre ministère. Par la suite, nous avons eu deux rencontres
avec le ministre. Comme vous le savez, tous ces projets font partie de projets
de développement qui sont soumis au Conseil du trésor sous
l'enveloppe développement. Je vais laisser mon collègue
répondre à ce sujet, mais je sais qu'il y a une demande qui a
été faite au Conseil du trésor et qui va être
examinée en bonne et due forme lorsque les projets de
développement seront examinés. (11 heures)
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Une question additionnelle au ministre de la
Justice. Combien d'avocats vous ont été demandés par le
ministère de l'Environnement? Combien en avez-vous demandé au
Conseil du trésor et dans combien de temps aurons-nous une
réponse puisque la question a été posée au mois de
juin à l'Assemblée nationale et que votre
prédécesseur a été incapable de nous donner la
réponse?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: De fait, M. le Président, mon
collègue, le ministre de l'Environnement, a besoin de ressources
supplémentaires pour faire appliquer les dispositions concernant la
protection de l'environnement. J'ai eu l'occasion de le rencontrer à
plusieurs reprises, comme il l'a mentionné tout à l'heure, et le
dossier est actuellement au Conseil du trésor. Les sous-ministres se
sont aussi rencontrés et nous en sommes arrivés à une
situation qui paraîtrait adéquate étant donné les
exigences. Pour savoir exactement le nombre précis, je pourrais prendre
avis de votre question et vous revenir demain, si vous le voulez, avec de
l'information supplémentaire, hormis que mon collègue du Conseil
du trésor ait quelque chose à ajouter.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Au président du Conseil du trésor,
puisqu'il a agi rapidement après Saint-
Basile pour donner au ministre de l'Environnement des inspecteurs et des
enquêteurs comme il en avait demandé, qu'attend-il enfin pour
donner une réponse positive et les ressources nécessaires au
ministère de l'Environnement, au moment où on adopte une loi qui
prévoit des augmentations d'amendes et au moment où on a
donné au ministère de l'Environnement des enquêteurs et des
inspecteurs en nombre suffisant, paraft-il, pour enfin mener les enquêtes
et présenter les causes? Qui va faire les études juridiques et
qui va présenter les cas devant les tribunaux, s'il n'y a pas d'avocats
au ministère de l'Environnement? Quand allez-vous prendre le virage
écologique, vous aussi?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: M. le Président, je ne peux que
réitérer ce que le ministre de l'Environnement a dit très
justement, que c'est dans le cadre des demandes de développement des
différents ministères que des demandes de cette nature sont
examinées. Les ministères responsables sont en voie de constituer
leurs dossiers. La demande particulière du ministère de
l'Environnement n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour, elle le
sera incessamment.
Le Président: Fin de la période
régulière de questions et réponses orales.
Tel qu'annoncé précédemment, nous allons
procéder aux votes. Qu'on appelle les députés! M. le whip
du gouvernement! M. le whip de l'Opposition!
Si vous me le permettez, nous allons maintenant mettre aux voix le
rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant le
numéro 37, Loi sur la sécurité du revenu, ainsi que les
amendements transmis par M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et par Mme la députée de
Maisonneuve, conformément à l'article 254 du
règlement.
Mise aux voix des amendements du
ministre proposant la suppression de
certains articles du projet de loi 37
Comme je l'ai indiqué hier à l'étape de la prise en
considération, nous allons devoir procéder à six votes
successifs. Dans un premier temps, je mets d'abord aux voix les articles et les
intitulés dont M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu propose la suppression, à savoir les
articles 12, 45, 50, 125, 130 et la section I du chapitre III. Que ceux et
celles qui sont en faveur de ces amendements veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent),
Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Marx (D'Arcy McGee), Page
(Portneuf), Le-
vesque (Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme
Lavoie-Roux (L'Aca-die), MM. Bourbeau (Laporte), Rivard (Rosemont),
Séguin (Montmorency), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil
(Beauce-Sud), Mmes Gagnon-Tremblay (Saint-François), Robic (Bourassa),
MM. MacDo-nald (Robert Baldwin), Rémillard (Jean-Talon), Savoie
(Abitibi-Est), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté
(Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges),
Vallières (Richmond), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont),
Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau),
Vaillan-court (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Sa-guenay), Philibert
(Trois-Rivières), Blackburn (Roberval), Lefebvre (Frontenac), Mme
Dougher-ty (Jacques-Cartier), MM. Doyon (Louis-Hébert), Sirros
(Laurier), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé),
Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapé-dia), Mme
Pelchat (Vachon), MM. Polak (Sainte-Anne), Trudel (Bourget), Kehoe (Chapleau),
Ger-vais (L'Assomption), Baril (Rouyn-Noranda-Témis-camingue),
Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Iles),
Thérien (Rousseau), Tremblay (Iber-ville), Théorêt
(Vimont), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette
(Cham-plain), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah
(îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska),
Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Larouche (Anjou), Laporte
(Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bis-sonnet (Jeanne-Mance), Hains
(Saint-Henri), Houde (Berthier), Audet (Beauce-Nord), Leclerc (Taschereau),
Hétu (Labelle), Joiy (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier),
Marcil (Beauhar-nois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chau-veau), Mme
Legault (Deux-Montagnes), MM. Thu-ringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard
(Nicolet), Tremblay (Rimouski), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington
(Matane).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ces
amendements veuillent bien se lever!
Le Secrétaire: MM. Chevrette (Juliette), Gendron
(Abitibi-Ouest), Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Biais
(Terre-bonne), Garon (Lévis), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau
(Johnson), MM. Jolivet (Laviolette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion
(Taillon), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré (Shef-ford),
Boulerice (Saint-Jacques), Dufour (Jon-quière), Parent (Bertrand), Mme
Harel (Maison-neuve), M. Rochefort (Gouin).
Le Secrétaire: Pour: 86
Contre: 18
Abstentions: 0
Le Président: Les amendements que j'ai
énumérés précédemment sont
adoptés.
Mise aux voix des amendements proposés par la
députée de Maisonneuve
Nous allons procéder au deuxième vote. Je mets maintenant
aux voix les amendements proposés par Mme la députée de
Maisonneuve aux articles 1 et 2. Que ceux et celles qui sont pour ces
amendements veuillent bien se lever.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, pourrais-je suggérer
que nous inscrivions un vote inversé à celui qui vient
d'être pris?
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Nous sommes d'accord, M. le Président.
Le Président: Les amendements proposés par Mme la
députée de Maisonneuve aux articles 1 et 2 sont
rejetés.
Mise aux voix des autres amendements proposés
par le ministre
Je vais maintenant procéder au troisième vote. Je mets
maintenant aux voix les amendements proposés par M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aux articles 9, 11, 13,
15, 16, 17, 18, 20, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36 et 37;
l'amendement proposant que la section II du chapitre III devienne la section I
et l'amendement à l'article 44; l'amendement proposant que la section
III du chapitre III devienne la section II. Si vous me le permettez, je
continue: les amendements aux articles 47, 48, 49, 52, 53, 56, 59, 60, 61, 64,
66, 67, 68, 72, 74, 75, 76 et 78, 81, 82, 83, 90, 92, 94, 95, 96, 100, 102,
103, 104, 105, 110, 112, 115, 116, 117, 120, 122, 124, 126, 128, 129, 131 et
134, l'amendement proposant de remplacer...
Je suis obligé de respecter le règlement de cette
Assemblée et je me dois d'en faire la lecture. Alors, l'amendement
proposant de remplacer, partout où elle se trouve dans le texte anglais,
l'expression "work income supplément program for parents" par "parental
wage assistance program" et l'amendement proposant la renumérotation des
articles ajoutés, à savoir les articles 18.1, 22.1 et 34.1; le
nouvel intitulé inséré avant l'article 52; le nouvel
intitulé inséré avant les articles 56 et les articles
66.1, 106.1, 114.1, 114.2, 114.3, 121.1, 122.1, 123.1, 126.1 et enfin 128.1.
Que ceux et celles qui sont pour ces amendements veuillent bien se lever.
M. Gendron: M. le Président, j'ai une remarque à
faire. Cela montre combien c'est un peu ridicule, une telle procédure.
Au-delà de ça, vu que les critiques sont au courant de ce que
ça signifie plus que nous, ce que je suggère, c'est qu'on
adopte ce vote de la même façon qu'on l'a fait au premier
vote.
Le Président: Les amendements sont adoptés. Je vais
maintenant procéder au quatrième vote.
M. Gendron: Sur division.
Le Président: Oui, oui, ils sont adoptés sur
division. Oui, oui, vote inversé. M. le chef de l'Opposition, il
apparaît au Journal des débats que le premier vote a
été contesté. C'est l'inverse du premier vote. Je
comprends que c'est adopté sur division.
M. Gendron: M. le Président... Le Président:
Adopté sur division. M. Gendron: Non.
Mise aux voix des articles du projet de loi
Le Président: Cela va, cela va, adopté sur
division.
Je mets maintenant aux voix tous les articles du projet de loi 37 qui
n'ont pas été adoptés en commission et qui ne sont pas
amendés. Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever.
M. Gratton: M. le Président, je suggère qu'on les
adopte sur division par le même vote.
Le Président: Le quatrième vote est adopté
sur division. C'est comme le premier vote enregistré.
Alors, cinquième vote, si vous me le permettez. Je mets
maintenant aux voix tous les articles du projet de loi de 1 à 134, ainsi
que le titre et les sous-titres tels qu'ils apparaissent au projet de loi et au
rapport de la commission et tels qu'ils ont été amendés
par le vote précédent. Que ceux et celles qui sont pour ce
cinquième vote veuillent bien se lever.
M. Gratton: Le même vote.
Le Président: Le même vote. Adopté. Si vous
me le permettez, je suspends immédiatement, pour deux minutes seulement,
les travaux de cette Assemblée.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
(Reprise 11 h 17)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Je fais lecture du vote no 5. Que ceux et celles qui sont favorables au
contenu du cinquième vote que j'ai mis aux voix tout à l'heure
veuillent bien se lever.
M. Gendron: Est-ce que c'est le dernier vote, M. le
Président?
Le Président: Voulez-vous que je le reprenne, pour le
bénéfice de tout le monde étant donné que nous
avons suspendu?
M. Gendron: Non, non, mais est-ce que c'est le dernier vote?
Le Président: Non, ce n'est pas le dernier vote.
M. Chevrette: On ne sait plus trop sur quoi on vote.
Le Président: Ce n'est pas le dernier.
M. Gendron: Alors, si ce n'est pas le dernier, même
vote.
Le Président: Alors, adopté... M. Gendron:
Cela va.
Le Président: ...tel que le premier vote pris au tout
début. Adopté.
Mise aux voix du rapport de la commission
chargée de l'étude détaillée du projet de
loi
Le vote no 6, le dernier vote. Je mets enfin aux voix, tel que nous
venons de l'amender, le rapport de la commission des affaires sociales qui a
étudié en détail le projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu.
Que ceux et celles qui sont favorables veuillent bien se lever.
M. Gendron: Vote enregistré, M. le Président.
Le Président: Alors, que ceux et celles qui sont
favorables veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent),
Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Marx (D'Arcy McGee), Pagé
(Portneuf), Le-vesque (Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan
(Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Aca-die), MM. Bourbeau (Laporte), Rivard
(Rosemont), Séguin (Montmorency), Côté
(Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mmes Gagnon-Tremblay
(Saint-François), Robic (Bourassa), MM. MacDo-nald (Robert Baldwin),
Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Lincoln (Nelligan), French
(Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Picotte
(Maskinongé), Fortier (Outremont), Paradis (Brome-Missisquoi), Mme
Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Vaillan-court (Orford),
Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Philibert (Trois-Rivières),
Blackburn (Roberval), Lefebvre (Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier),
MM. Doyon (Louis-Hébert), Sirros (Laurier), Maciocia (Viger), Middlemiss
(Pontiac), Beaudin (Gaspé), Chagnon (Saint-Louis), Lemire
(Saint-Maurice), Paradis (Matapé-dia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Polak
(Sainte-Anne), Trudel (Bourget), Kehoe (Chapleau), Ger-vais (L'Assomption),
Baril (Rouyn-Noranda-Témis-camingue), Bélanger
(Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Iles), Thérien (Rousseau),
Tremblay (Iber-ville), Théorêt (Vimont), Mme Bleau (Groulx), M.
Bradet (Charlevoix), Mme Dionne (Kamouras-ka-Témiscouata), MM. Farrah
(îles-de-la-Made-leine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska),
Gauvin (Montmagny-L'lslet), Gobé (Lafontaine), Laporte (Sainte-Marie),
Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde
(Berthier), Audet (Beauce-Nord), Leclerc (Taschereau), Hétu (La belle),
Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil (Beauhar-nois),
Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chau-veau), Mme Legault (Deux-Montagnes),
MM. Thu-ringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet), Tremblay
(Rimouski), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington (Matane).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Chevrette (Jo-liette), Gendron
(Abitibi-Ouest), Perron (Duples-sis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Biais
(Terrebonne), Garon (Lévis), Charbonneau (Ver-chères), Mme Juneau
(Johnson), MM. Jolivet (La-violette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion
(Tail-lon), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré (Shefford),
Boulerice (Saint-Jacques), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme
Harel (Mai-sonneuve), M. Rochefort (Gouin).
Le Secrétaire: Pour: 84
Contre: 18
Abstentions: 0
Le Président: Le rapport de la commission des affaires
sociales, tel qu'amendé, qui a étudié en détail le
projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu, est
adopté.
Nous continuons maintenant les affaires courantes.
Motions sans préavis.
MM. les députés et Mmes les députées,
j'aimerais pouvoir faire l'appel des motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions.
M. le leader adjoint du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: M. le Président, j'avise l'Assemblée
qu'aujourd'hui après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de
15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la
salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'éducation poursuivra
l'étude détaillée des projets de loi suivants: 107, Loi
sur l'instruction publique et 106, Loi sur les élections scolaires.
Après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à
la salle du Conseil législatif, la commission de l'aménagement et
des équipements poursuivra l'étude détaillée du
projet de loi 90, Loi modifiant diverses dispositions législatives
concernant les finances des municipalités et des organismes
intermunicipaux.
De 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures,
à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission des
institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi
86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et
diverses dispositions législatives.
De 15 heures à 18 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'économie et du travail
procédera à l'étude détaillée des projets de
loi suivants et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi
97, Loi modifiant la Loi sur les sociétés de placements dans
l'entreprise québécoise; projet de loi 79, Loi modifiant la Loi
sur l'établissement par SIDBEC d'un complexe sidérurgique.
De 20 heures à 24 heures à la même salle, la
même commission poursuivra l'étude détaillée du
projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les forêts. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du
gouvernement. Si vous me le permettez, je vous avise que la commission des
institutions se réunira aujourd'hui, après les affaires courantes
jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, afin de
procéder à la vérification des engagements financiers
relevant de la compétence du premier ministre.
Ceci met fin aux avis touchant les travaux des commissions. Nous allons
donc passer maintenant aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée.
Il n'y en a pas. Si vous me le permettez, je vous avise que ce matin,
à 11 h 45, au cabinet du lieutenant-gouverneur, il y aura sanction de
projets de loi.
Cela dit, les affaires courantes sont maintenant terminées. Nous
allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, si vous voulez bien appeler
l'article 60 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 99 Adoption
La Vice-Présidente: À l'article 60 de notre
feuilleton, le ministre de l'Environnement propose l'adoption du projet de loi
99, Loi modifiant la
Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions
législatives. Je reconnais M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Mme la Présidente, je n'aurai pas
d'intervention à faire. J'aurais voulu proposer l'adoption du projet de
loi.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Environnement.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, nous agréons
à la présentation de la troisième lecture. Alors, nous
sommes d'accord.
La Vice-Présidente: Donc, je déclare le
débat terminé. Est-ce que le projet de loi 99, Loi modifiant la
Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions
législatives, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, l'article 59, s'il vous
plaît.
Projet de loi 89 Adoption
La Vice-Présidente: À l'article 59, le ministre du
Tourisme propose l'adoption du projet de loi 89, Loi modifiant la Loi sur
l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. M. le ministre
du Tourisme.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Très brièvement, Mme la
Présidente. On se rappellera que, lors de l'étude
détaillée de ce projet de loi 89, l'Opposition m'avait
demandé - et je m'étais engagé à le faire - de
vérifier si certaines sociétés d'État ou d'autres
organismes publics avalent, dans leur loi constitutive, des dispositions qui
les obligeaient à faire rapport de déclarations
d'intérêts de membres des conseils d'administration qui pouvaient
les mettre en conflit avec les intérêts de la
société d'État ou de l'organisme en question. J'ai donc
fait exécuter un repérage informatique par le ministère de
la Justice pour constater qu'aucune loi constituant une société
d'État ne prévolt que cette société doit mentionner
dans son rapport annuel les déclarations de conflit
d'intérêts de ses membres.
De plus, nous avons essayé de savoir si, sans obligation, les
sociétés pouvaient parfois, à leur gré, inclure
dans leur rapport annuel de telles mentions. Après vérification
d'une dizaine de rapports annuels de sociétés d'État, nous
avons constaté qu'aucune d'elles ne faisait de telles mentions.
Dans ces circonstances, j'ai donc agréé et donné
suite à une autre suggestion qui m'avait été faite par
l'Opposition, celle de faire prévoir dans les règlements de
l'Institut de tourisme et d'hôtellerie une disposition qui obligerait
l'institut à faire rapport au ministre responsable, c'est-à-dire
le ministre du Tourisme, de telles déclarations. J'ai
expédié une demande écrite en ce sens que je me permets de
lire pour que ce soit au dossier. Je l'ai fait parvenir à M. Pierre
Brodeur, président par intérim du conseil d'administration et
directeur général de l'institut. Elle se lit comme suit: "Pour
faire suite aux représentations effectuées lors de l'adoption du
principe du projet de loi 89, ainsi qu'au cours de la commission
plénière sur le sujet, j'aimerais qu'on apporte une modification
au projet de règlement no 1 de la Loi sur l'Institut de tourisme et
d'hôtellerie du Québec. Cette modification devrait prévoir
une disposition vous obligeant à me faire rapport lorsqu'un membre du
conseil d'administration vous avise par écrit, tel que la loi le
stipule, qu'il désire s'abstenir de participer à une
délibération afin d'éviter d'être en conflit
d'intérêts, tel que décrit à l'article 15 de la Loi
sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec". Salutations
d'usage, et j'ai signé comme ministre du Tourisme.
Mme la Présidente, je pense donc que cela pourra, tout au moins,
assurer que toute déclaration d'intérêts qui pourraient
entrer en conflit avec les intérêts de l'institut et d'un membre
du conseil d'administration devra obligatoirement être communiquée
au ministre du Tourisme qui pourra, à ce moment-là, en
répondre devant l'Assemblée nationale et à la population
en général. J'espère donc que cette disposition satisfera
l'Opposition et que nous pourrons ainsi adopter le projet de loi 89 qui, on se
le rappelle, vise à permettre qu'une personne qui a un
intérêt dans le domaine de l'hôtellerie, du tourisme ou de
la restauration puisse être président du conseil d'administration
puisqu'il s'agit maintenant d'un poste à temps partiel. (11 h 30)
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Tourisme. Mme
la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Mme la Présidente, il me fait plaisir de
voir que le ministre a pu répondre à nos préoccupations.
Et je crois, comme il l'a exposé, que nous aurons le loisir de lui poser
les questions à cet effet, si jamais le fait se présente, lors de
l'étude des crédits du ministère du Tourisme. Nous
étions tout à fait d'accord avec le ministre pour choisir la
personne la plus compétente possible dans le domaine de
l'hôtellerie comme président du conseil d'administration. Mais
encore là, autant pour le nouveau président qui sera nommé
à ce poste, on demandait que cette personne ne soit pas susceptible
d'être en
conflit d'intérêts de quelque façon que ce soit ou
qu'on mette en doute sa réputation parce qu'il va de soi qu'il est
important pour cette personne de maintenir sa réputation quand on sait
que, généralement, les postes que ces gens occupent sont du
bénévolat. Donc, il ne faudrait pas imposer plus qu'il n'en faut
de mesures coerci-tives vis-à-vis de ces personnes.
Nous sommes satisfaits quant à la réponse du ministre sur
ce dossier. Évidemment, ce que nous trouvons un peu regrettable c'est
qu'au mois de juin, lorsqu'il a présenté son projet de loi, cela
aurait dû être fait tel que convenu à ce moment-là.
Il aurait pu être un peu plus prévisible puisqu'on connaissait
déjà la personne qu'on voulait nommer. Mais j'ose espérer
que dans l'avenir nous n'aurons pas toujours à faire des projets de loi
qui répondent à des objectifs ou à des impératifs
des personnes qu'on voudra nommer à des postes au conseil
d'administration. Compte tenu de cette situation-là, nous
espérons aussi que les personnes qui seront nommées au conseil
d'administration de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du
Québec répondront aux aspirations et aux attentes de l'ensemble
des gens du domaine de l'hôtellerie, favoriseront le rayonnement de
l'Institut de tourisme et d'hôtellerie et permettront justement que cette
réputation se fasse autant au Québec qu'intemationalement.
Mme la Présidente, je vous en remercie et j'ose souhaiter bonne
chance aux membres du conseil d'administration. Je les assure de la
collaboration de l'Opposition.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. Il n'y a pas de réplique? Le débat est
terminé. Est-ce que le projet de loi 89, Loi modifiant la Loi sur
l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, est
adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je vous prierais
maintenant d'appeler l'article 45 du feuilleton.
Projet de loi 37 Adoption
La Vice-Présidente: À l'article 45 de notre
feuilleton, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu propose l'adoption du projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu. Là-dessus, je suis prête
à vous reconnaître, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. André Bourbeau M. Bourbeau: Merci, Mme la
Présidente.
Depuis que le gouvernement a rendu public à l'automne 1987 le
document d'orientation intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu" beaucoup de choses ont été
dites à propos de la réforme de l'aide sociale. La politique de
sécurité du revenu a donné lieu à d'importants
débats marqués le plus souvent par la passion, l'analyse
partielle et diverses formes de partisanerie. Il fallait s'y attendre. À
chaque fois qu'un gouvernement veut modifier un tant soit peu un programme
social, il soulève inévitablement la suspicion et il
déclenche une certaine mobilisation des groupes sociaux. Au fil des ans,
notre régime démocratique a développé ce genre de
réflexes conditionnés.
Aujourd'hui, Mme la Présidente, nous franchissons le dernier pas
de la longue marche qui nous conduit à l'adoption de la nouvelle Loi sur
la sécurité du revenu. Il serait peut-être indiqué
de profiter de cette ultime étape de la troisième lecture du
projet de loi 37 pour décanter les principaux arguments invoqués
à l'encontre de la réforme de l'aide sociale. On pourrait ainsi
isoler les objections de leurs connotations émotives et
passionnées qui déforment la réalité et
prêtent à cette réforme des allures de croisade et de
guerre de tranchées. Je vous propose, Mme la Présidente, de
regarder un peu les griefs formulés à l'endroit de la politique
de sécurité du revenu et de voir si le projet de loi
amélioré par les derniers amendements justifie les critiques qui
nous sont adressées. Je tiens à ce que la
sérénité préside à ce débat parce que
les 555 000 personnes qui dépendent actuellement de l'aide sociale
doivent être rassurées sur la portée réelle de la
réforme et sur la nature des changements que le nouveau régime de
la sécurité du revenu introduit.
Je ne m'étonne pas outre mesure que certains groupes sociaux
soient plutôt insatisfaits de la réforme. L'aide sociale, c'est un
peu comme la santé ou l'éducation; théoriquement, les
besoins peuvent être illimités. Même si on doublait le
budget de l'aide sociale, il s'en trouverait encore pour dire que nous manquons
de compassion et de générosité. Je comprends ces
réactions et je souscris aux nobles idéaux qui, souvent, les
inspirent. La lutte à la pauvreté et le combat pour
l'intégration sociale des plus démunis représentent en
effet des causes louables et humainement valorisantes, auxquelles les
sociétés doivent consacrer le maximum d'efforts.
Évidemment, la mesure de cet effort relève de
l'appréciation personnelle et, donc, de la subjectivité. Comment
savoir si on est assez généreux? Deux éléments nous
ont guidés: d'abord, les besoins essentiels d'une personne seule ou
d'une famille que nous devons satisfaire afin d'éviter que ces
ménages ne sombrent dans la misère; d'autre part, la
nécessité de préserver l'incitation au travail. Il faut
éviter, en effet, que le nouveau régime de la
sécurité du revenu n'exerce un pouvoir d'attraction pour les
travailleurs à faible revenu ou encore pour les étu-
diants. S'il fallait, Mme la Présidente, que le nouveau
régime incite les gens à quitter le travail ou à cesser de
se chercher un emploi ou qu'il décourage les jeunes à
entreprendre ou à poursuivre des études postsecondaires, nous
aurions pour ainsi dire perverti la générosité sociale.
Sous prétexte de générosité, on n'a pas le droit de
rompre les grands équilibres de notre société.
Passons maintenant en revue, si vous le voulez bien, les plus
célèbres objections à la réforme de l'aide sociale.
On a dit d'abord que le nouveau régime de la sécurité du
revenu signifierait l'appauvrissement des clients de l'aide sociale. Le
gouvernement n'a pas entrepris la réforme de l'aide sociale pour
réaliser des économies sur le dos des pauvres. Au contraire, la
réforme coûte et coûtera plusieurs dizaines de millions de
dollars de plus à l'État. Cette simple constatation devrait
dissiper les intentions malveillantes qu'on nous prête. Et qui
bénéficiera des ressources additionnelles que nous injectons dans
le régime de la sécurité du revenu? En premier lieu, les
jeunes de moins de 30 ans qui seront enfin traités sur le même
pied que tout le monde et pour qui nous mettrons fin à la discrimination
qui les frappe injustement. Il y a aussi les personnes malades, les invalides
et les gens qui souffrent d'un handicap physique ou mental d'une certaine
gravité qui recevront dans le nouveau régime une prestation
correspondant mieux à leur état et aux contraintes
sévères auxquelles leur condition les soumet invariablement. (11
h 40)
Les familles avec enfants, en particulier les familles monoparentales,
verront ainsi leur sort s'améliorer dans la mesure où nous
tiendrons compte du coût du logement. Dans la détermination du
montant de l'aide sociale, contrairement à ce qui a été
véhiculé, les quelque 200 000 personnes aptes au travail ne
subiront pas de baisses généralisées de leurs prestations
mensuelles. Pour eux aussi, la réforme apporte une nouvelle lueur
d'espoir et elle représente un encouragement dans la voie de leur
indépendance et de leur réinsertion en emploi.
Le nouveau régime de la sécurité du revenu vient en
aide de façons diverses aux personnes aptes au travail. Il augmente, en
premier lieu, les exemptions pour gain de travail, c'est-à-dire les
revenus que peut percevoir un bénéficiaire sans que sa prestation
ne soit coupée. Ces exemptions passeront de 25 $ par mois à un
montant pouvant varier de 54 $ à 140 $ par mois selon que la personne
participe ou non à des programmes destinés à faciliter son
intégration à court ou à moyen terme au marché du
travail. Pour aider les personnes aptes au travail, nous allons aussi augmenter
significativement les budgets alloués aux programmes de scolarisation,
de formation professionnelle, d'apprentissage, de stages en milieu de travail,
de bons d'emploi et de travaux communautaires. Nous allons aussi diversifier
l'éventail des programmes de formation que les fonctionnaires appellent
les mesures de développement de l'employabililté afin de
satisfaire la demande de tous ceux qui souhaitent améliorer leurs
chances d'accéder ou de retourner au marché du travail. La
réforme prévoit, en outre, des majorations de prestations pour
tous les bénéficiaires qui participeront à de telles
activités.
Enfin, pour venir en aide aux personnes aptes au travail, nous avons la
ferme intention d'aller au-delà des programmes d'action positive. Nous
mettrons incessamment sur pied un vrai programme d'aide à l'emploi. Nous
répondons en cela à une autre critique adressée à
la réforme de l'aide sociale, selon laquelle nous ferions tourner en
rond les bénéficiaires dans des mesures de développement
de l'employabilité qui ne déboucheraient pas sur des emplois.
Avec le programme de subvention salariale, nous donnons un coup de pouce
additionnel aux personnes aptes au travail qui préfèrent
accéder à un emploi plutôt que de s'engager dans une
activité de formation.
Les emplois subventionnés permettront également
d'établir la jonction entre la formation et le marché de
l'emploi. Même si l'idée d'un programme d'aide à l'emploi
destiné aux prestataires de la sécurité du revenu a
été généralement bien accueillie par la population,
il fut dénoncé en termes assez virulents par certains groupes qui
y voient la constitution d'une réserve de main-d'oeuvre à bon
marché. Ces accusations relèvent, Mme la Présidente, de la
fantaisie la plus grotesque. Il faut réaliser que les personnes qui
occuperont un emploi subventionne en vertu du programme vont, pour la plupart,
quitter l'aide sociale. Ces personnes vont réellement quitter l'aide
sociale et elles deviendront des salariés de ces municipalités,
du ministère, de l'organisme communautaire ou de l'entreprise
privée qui les engageront. Ces personnes seront soumises aux conditions
de travail et aux taux de salaire prévalant à l'endroit où
elles seront engagées, compte tenu, bien sûr, de leurs
compétences. Il ne s'agira pas de travailleurs de deuxième
classe. Dans les cas où la personne aura besoin d'une période de
rattrapage ou d'acclimatation au marché de l'emploi, elle pourra
être considérée comme apprenti et toucher une
rémunération en conséquence qui ne pourra, de toute
façon, jamais être inférieure au taux du salaire minimum.
Il n'y a donc pas lieu de lancer des cris d'alarme à propos d'un
programme d'aide à l'emploi dont l'unique but est d'orienter les
prestataires de la sécurité du revenu aptes au travail vers le
marché du travail.
On nous prête également l'intention de profiter de ce
programme d'aide à l'emploi pouf généraliser les coupures
de prestations. Il est donc important de préciser ici les situations
où un bénéficiaire subira une réduction de sa
prestation.
Dans le nouveau régime de la sécurité du revenu,
les personnes qui ne manifesteront aucun intérêt à
améliorer leurs chances d'accéder un jour au marché du
travail recevront la prestation de base qui se situe à 420 $ par mois
pour une personne seule. Dans le régime actuel, cette personne
reçoit 487 $ par mois. Dès qu'il demandera de participer à
un programme de formation, à un stage, à des travaux
communautaires ou qu'il sollicitera un emploi, le bénéficiaire
sera assuré de maintenir le niveau actuel des prestations. S'il
participe réellement à de tels programmes, sa prestation passera
de 487 $ à 520 $ par mois. Au-delà de la structure des
barèmes, nous ne pouvons pas administrer de sanctions financières
aux personnes qui refusent de participer à un programme de
scolarisation, de formation ou d'acquisition d'habitudes de travail. Ces
pénalités ne sont pas autorisées en vertu du Régime
d'assistance publique du Canada, régime fédéral qui
défraie 50 % des dépenses de l'aide sociale des provinces. Mais
il en va tout autrement, cependant, pour les situations de refus d'occuper un
emploi. Les Législatures provinciales et les gouvernements de plusieurs
pays ont adopté des dispositions législatives qui leur permettent
de réduire ou d'annuler l'aide sociale lorsque la personne abandonne
sans raison valable un emploi qu'elle est capable d'occuper ou encore refuse un
emploi qui lui est offert. On a alors affaire à quelqu'un qui,
délibérément, décide de vivre aux crochets de
l'État.
L'actuelle Loi sur l'aide sociale du Québec prévoit que le
ministre peut réduire les prestations dans les situations de ce genre.
Les personnes qui refusent un emploi voient leur prestation mensuelle
réduite de 50 $ par mois pendant six mois. La réduction est
portée à 100 $ en cas de récidive pendant la même
période de six mois, et tout ça, dans le régime actuel. Je
tiens à préciser qu'il s'agit d'une infime minorité des
prestataires de la sécurité du revenu. Actuellement, environ 1600
personnes sont touchées par ces mesures, soit moins de 1 % des
bénéficiaires aptes au travail.
Dans le nouveau régime de la sécurité du revenu,
nous renforçons ces dispositions. Le prestataire qui refuse un emploi
subira une réduction de 100 $ par mois du montant de l'aide qui lui est
accordée et ce, pendant un an. Si, pendant cette période, il
refuse un deuxième emploi, sa prestation sera réduite d'un
montant additionnel de 100 $ par mois pendant douze mois. Nous prendrons toutes
les précautions d'usage afin que ces cas de refus correspondent à
des emplois que peut occuper le bénéficiaire et qui sont
situés à une distance raisonnable de son lieu de
résidence. Ces mesures ne s'adressent qu'aux personnes qui abusent du
système. Mme la Présidente, nous avons le devoir de leur
signifier que l'État ne peut pas subvenir à
perpétuité aux besoins des personnes en bonne santé qui
refusent un emploi rémunéré. Je signale enfin que nous
avons pris soin de ne pas pénaliser le conjoint et les enfants de ces
personnes dans l'administration des sanctions financières.
À propos des réductions de 85 $ par mois que nous
appliquerons aux bénéficiaires qui partagent le logement,
d'aucuns ont prétendu qu'il s'agissait d'une trouvaille qui nuirait
à l'entraide entre des gens mal pris. L'idée n'est pourtant pas
nouvelle. Dans le régime actuel, celui qui habite chez ses parents ou
chez l'un de ses enfants voit sa prestation mensuelle réduite de 85 $
par mois. Cette disposition s'applique même à l'égard des
personnes handicapées. Dorénavant, le critère du partage
du logement sera étendu à toutes les situations de cohabitation,
sauf lorsqu'une personne inapte au travail partage son logis. (11 h 50)
Demandons-nous, Mme la Présidente, si cette mesure soulève
des problèmes d'équité. Le partage du logement a pour
effet premier d'accorder le même traitement aux couples mariés
qu'aux conjoints de fait. Il est bien connu, en effet, que la prestation d'un
couple ne correspond pas à l'addition des prestations de deux
célibataires. Présentement, un écart de 200 $ par mois
sépare les montants alloués dans l'une et l'autre des situations.
Il me semble donc que l'équité serait plutôt mal servie si
on négligeait de tenir compte des économies réelles
occasionnées par la cohabitation. On ne serait pas très corect,
non plus, à l'égard des familles avec enfants qui devraient
consacrer au logement une part beaucoup plus substantielle de leurs ressources
que deux personnes qui cohabitent. C'est précisément par souci
d'équité que non seulement nous appliquons les dispositions
concernant le partage du logement, mais que nous augmentons par une allocation
au logement le montant d'aide accordée aux familles dont le coût
de logement dépasse la moyenne. Il m'apparaît donc que la boucle
est bouclée et que les griefs relatifs à l'iniquité ne
résistent pas à l'analyse ni à la véracité
des faits.
De la contribution alimentaire parentale imputée à
certains bénéficiaires pendant une période maximale de
trois ans, on a affirmé qu'elle serait inapplicable et qu'elle aurait
pour effet d'attiser les conflits familiaux. Pour ce qui est des
difficultés administratives de l'application du concept de la
contribution alimentaire parentale, je me contenterai de dire que le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science
gère cette donnée depuis longtemps et qu'il réussit
à l'administrer fort convenablement. Nous avons l'intention de nous
inspirer de l'expérience acquise au service des prêts et
bourses.
Quant aux conflits familiaux, si déplorables soient-ils, ils font
hélas partie de la réalité d'aujourd'hui pour une petite
minorité de familles. Il est pour le moins excessif de prédire
que ces situations conflictuelles vont se généraliser du simple
fait que l'État rappelle aux parents, par la politique de
sécurité du revenu, que leur responsabilité à
l'égard de leurs enfants peut
continuer après l'âge de 18 ans. Mais il ne faut pas
sous-eslimer pour autant l'importance, j'allais dire la gravité, de
certaines situations de rupture entre un jeune adulte et ses parents. Nous ne
devons pas abandonner à la rue, à titre d'exemple, le fils d'un
médecin en conflit avec son père, sous prétexte que ses
parents peuvent subvenir à ses besoins essentiels. Non, nous allons
accueillir cette personne à la sécurité du revenu. Mais
nous allons nous organiser, par ailleurs, pour que les parents paient sous une
autre forme la contribution alimentaire parentale que nous leur imputons. Il
n'est pas question d'inciter les gens à intenter des poursuites contre
leurs parents. Dans les cas extrêmes, nous prendrons les recours à
la place des personnes qui devraient normalement recevoir la contribution
alimentaire parentale. Enfin, il convient peut-être de souligner ici que
les dispositions du projet de loi sur la sécurité du revenu
relatives à la contribution alimentaire parentale touchent au plus 12
000 personnes qui n'ont pas terminé leurs études universitaires,
n'ont pas pendant deux ans vécu ailleurs que chez leurs parents et
subvenu seuls à leurs besoins, ne sont pas mariés ou ne vivent
pas maritalement et n'ont pas d'enfant.
La dernière crainte qu'on a voulu répandre à
l'égard de la politique de sécurité du revenu est qu'elle
serait implantée dans la bousculade et la précipitation.
J'affirme au contraire, Mme la Présidente, que nous accorderons à
la fois aux 336 000 ménages bénéficiaires et aux 2000
agents de l'aide sociale le temps nécessaire pour passer, de
façon harmonieuse, du régime actuel à celui de la
sécurité du revenu, c'est-à-dire le nouveau
régime.
J'aurai l'occasion, dans les prochains jours, de préciser les
modalités d'implantation de la réforme de l'aide sociale. Qu'il
me soit permis de dire immédiatement que, pendant au-delà d'un
an, les droits acquis des prestataires de l'aide sociale seront scrupuleusement
préservés. Cela signifie que, pendant toute l'année 1989
et même un peu au-delà, aucune personne inscrite à l'aide
sociale à une période donnée ne subira une
réduction de sa prestation à cause des éléments de
la nouvelle politique de sécurité du revenu; tout le monde aura
le temps de voir venir.
D'autre part, à compter de janvier prochain, tout le personnel du
ministère affecté à l'administration du régime de
l'aide sociale participera à des sessions de formation afin de pouvoir
comprendre et expliquer les concepts du régime de la
sécurité du revenu et ses modalités d'application
concrète. Ce n'est qu'après cette phase essentielle de la
formation du personnel que nous implanterons définitivement la nouvelle
politique de sécurité du revenu.
Non, Mme la Présidente, nous ne bousculerons pas les personnes
pour qui la sécurité du revenu représente, comme il se
doit d'ailleurs, l'aide de dernier recours. La politique de
sécurité du revenu change la dynamique de l'aide sociale en
misant sur la volonté et la capacité des milliers de
bénéficiaires aptes au travail d'occuper un emploi productif et
valorisant. Cette politique va initier ces personnes à développer
ou à maintenir des habitudes de travail, condition essentielle à
leur intégration sociale. Il est bien connu que la dépendance de
l'État, dès qu'elle dépasse quelques mois, comporte des
risques grandissants de dérapage social, allant de la perte de la
confiance en soi à l'enlisement progressif dans la passivité, en
passant par divers problèmes de comportement. L'immense majorité
des bénéficiaires aptes au travail tiennent résolument
à éviter cette pente glissante de la dépendance et
à sortir le plus rapidement possible d'un système qui peut
être indispensable à court terme, mais qui ne saurait constituer
pour eux un mode de vie.
Je suis impressionné par le courage de ces personnes qui
cherchent à reconquérir le marché du travail, qui puisent
dans leur dignité la force de s'inscrire à des activités
de formation, de recylage et d'apprentissage. C'est pour ces milliers de
personnes désireuses de faire oeuvre utile que le régime de ta
sécurité du revenu prévoit une intensification des
programmes de formation sous diverses formes et un programme spécifique
d'aide à l'emploi. Nous sommes de ceux qui croient fermement que, si
l'on peut aider les personnes aptes au travail en leur donnant le poisson par
lequel elles peuvent se nourrir, on peut les aider bien davantage en leur
montrant à pêcher ou en faisant en sorte qu'elles ne le
désapprennent pas. Le respect de la dignité des
bénéficiaires de la sécurité du revenu passe par
cette foi en leur capacité, par cette volonté de préserver
avant toute chose l'autonomie de ces personnes.
Voilà le sens premier et le défi de la réforme de
l'aide sociale. J'en appelle donc, Mme la Présidente, à la
mobilisation des forces actives de la société afin que la lutte
pour l'autonomie et la dignité des prestataires de la
sécurité du revenu devienne une préoccupation permanente
et qu'elle reflète le sens de la générosité dont la
société québécoise a donné tant d'exemples
dans le passé. Je sais bien qu'au cours de la dernière
année, sous l'effet du débordement des passions que le projet de
la réforme de l'aide sociale a provoqué, on a semé le
doute, la crainte et aussi, hélas, la méfiance. Maintenant que la
réforme est presque adoptée, il faut s'empresser de refaire les
semailles, parce que les prestataires méritent de récolter la
vérité, la sérénité et la confiance. En
effet, quand on analyse objectivement les appréhensions
véhiculées à l'égard de la politique de
sécurité du revenu, on se rend compte qu'elles sont fausses et
erronées, qu'elles s'appuient sur une version antérieure du
projet de politique et du projet de loi ou qu'elles sont carrément
excessives. (12 heures)
Rien dans cette réforme ne justifie la fureur des slogans qu'elle
semble avoir inspirée.
Au contraire, le nouveau régime de la sécurité du
revenu accroît substantiellement et sous des formes beaucoup plus
diversifiées l'aide accordée aux prestataires. Il renforce
indiscutablement l'équité du système et instaure une
dynamique nouvelle à l'aide sociale. C'est donc, Mme la
Présidente, avec fierté que je vous demande de soumettre à
l'approbation des membres de l'Assemblée nationale le projet de loi 37,
Loi sur la sécurité du revenu.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à
élaborer cette politique et à l'améliorer sous diverses
formes, de leur contribution positive à cette oeuvre sociale. Je me fais
leur porte-parole pour affirmer ici que, par cette politique de
sécurité du revenu, nous répondons à l'appel
pressant de nos concitoyens qui espèrent depuis longtemps que leur
gouvernement aura le courage d'adopter semblables politiques. Je vous remercie,
Mme la Présidente.
Une voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je reconnais
maintenant Mme la députée de Maison-neuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. En écoutant le
ministre, je me disais encore une fois qu'il devait vivre bien isolé
pour ne pas réaliser que la mobilisation des forces actives de la
société québécoise présentement se manifeste
contre le projet de loi 37. Au moment même où on se parle,
à cette heure-ci, à Montréal sont réunies des
centaines d'organisations qui recueillent de la nourriture pour nos concitoyens
les plus démunis et qui ont décidé de partager un repas
commun pour sensibiliser l'opinion publique à la réalité
de la pauvreté qui va évidemment aller en s'accroissant, compte
tenu des conditions qui seront faites à un très grand nombre
d'entre eux avec le projet de loi 37.
Les propos bienveillants du ministre arrivent malheureusement bien tard,
Mme la Présidente. Cette méfiance dont il a parlé, il doit
se rendre compte que c'est lui-même, son prédécesseur et
son gouvernement qui l'ont créée par des propos enflammés
sur les préjugés qu'une société entretient à
l'égard de ceux et celles qui ne réussissent pas à mettre
le pied dans la prospérité, envers ' ceux et celles qui ne sont
pas des gagnants. Cette méfiance vient des propos que le ministre
lui-même tenait immédiatement après sa nomination. J'ai
fait un petit recueil de tous ses propos, je les ai enregistrés et je
dois vous dire que ce n'était pas très édifiant.
Déjà, le prédécesseur du ministre, pendant
les deux années et demie qu'il a occupé le poste, n'a jamais,
à aucune occasion, parlé des personnes assistées sociales
comme étant d'abord des chômeurs et des chômeuses, mais n'en
avait parlé que pour laisser entendre qu'il y avait parmi eux et elles
des fraudeurs.
Mme la Présidente, le ministre qui vient nous expliquer ce matin
que son projet de loi est essentiellement un coup de main plutôt qu'un
coup de pied, comme le pensent 1668 organisations, en décomptant le
centre hospitalier Charies-LeMoyne, qui disent au ministre: Non, cette
réforme est dangereuse. Une réforme sans consensus social,
comment peut-on imaginer qu'elle peut apporter des fruits, qu'elle peut relever
le défi dont la société québécoise a
pourtant besoin à l'aube de l'an 2000?
Ces propos que le ministre tenait ont chauffé à blanc les
préjugés dans notre société. Jugez-en
vous-même. À l'émission "Autrement dit" du 13 septembre
1988, le ministre dit: Avec tout le respect qu'on doit à nosseigneurs
les évêques, je peux quand même dire que nous sommes en
période d'une certaine prospérité. Il y a des emplois
actuellement sur le marché du travail. On importe les Mexicains en avion
pour venir faire des travaux chez nous, ici. Il y a des travaux dans le
Québec.
Qu'est-ce que vous pensez qu'une personne normalement constituée
peut conclure des propos que le ministre tient à la
télévision? Si on en importe et qu'on est en pleine
période de prospérité et qu'il y en a ici, c'est que ce
sont des fainéants, des paresseux, des gens qui ne veulent pas
travailler.
Le journal Le Soleil, 9 septembre 1988: "Je suis loin
d'être convaincu qu'il n'y a pas d'emplois - dit le ministre. Les
employeurs ne savent pas, de façon générale, qu'ils
peuvent employer des assistés sociaux à bon compte - on est loin
des promesses qu'il nous a faites ce matin - en ce sens que l'État va
prendre à sa charge une bonne partie de la facture." On va examiner
quelles conséquences, quel impact négatif cela aura sur
l'ensemble de la main-d'oeuvre non qualifiée, non protégée
par des lois et des organisations du travail, et qui va se trouver en
concurrence. C'est un marché de concurrence de l'emploi que le ministre
va bientôt ouvrir, avec des emplois subventionnés - on y reviendra
- en convertissant la prestation en subventions à l'entreprise. Alors,
pour être embauché maintenant, il va falloir être
assisté social, sinon l'entreprise n'aura pas la subvention. Il y a 300
000 hommes et femmes dûment inscrits comme chômeurs et
chômeuses qui vont se trouver en concurrence avec les personnes aptes et
disponibles qui seront tenues d'occuper ces emplois pour lesquels l'entreprise
sera subventionnée.
Une autre fois, le 13 septembre, à la télévision,
le ministre disait: Écoutez, vous êtes comme moi au courant qu'il
y a des immigrés qui arrivent ici. Comment se fait-il qu'après
quelques mois à l'aide sociale, tout à coup, ils sont devenus
très à l'aise financièrement, eux qui ont commencé
leur vie au bas de l'échelle en faisant les tâches les plus
humbles? Je dis que
quelqu'un qui veut s'en sortir peut s'en sortir.
C'est le discours que le ministre tient depuis sa nomination, discours
qui chauffe à blanc les préjugés dans notre
société, préjugés qui, s'ils étaient le
moindrement repris par sa collègue ministre de l'Immigration, feraient
immédiatement l'objet d'une levée de boucliers dans notre
société. Et pourtant, on sait qu'il y a des
préjugés contre les nouveaux arrivants. On sait que certains de
nos concitoyens pensent que ceux qui arrivent viennent voler les jobs de ceux
qui sont déjà ici. Pensez-vous que l'Opposition ou le
gouvernement tente d'alimenter ces préjugés pour pouvoir essayer
de se justifier? On prend bien garde de ne pas tomber dans ce piège. Et
pourtant, depuis trois ans, autant de la part prédécesseur du
ministre que du ministre actuel, c'est malheureusement une campagne
systématique menée sur le thème: Ils profitent de nous.
Ces gens, au fond, profitent de nous. Il y a les vrais qui mériteraient
l'aide et il y a ceux qui ne la méritent pas. Alors, on va
séparer l'Ivraie du bon grain. Et c'est ce que le projet de loi 37
prétend faire.
Pour les vrais, remarquez que ce ne sera pas simple parce qu'il va
falloir un certificat médical attestant d'une santé physique ou
mentale altérée de façon significative, pour une
durée indéfinie ou vraisemblablement permanente, associée
à des caractéristiques socio-professionnelles faibles et ce, pour
ceux qui le méritent. Imaginez! Et comme le disait bien le ministre en
commission parlementaire, un travailleur de 58 ans, licencié à la
suite d'une fermeture, avec une deuxième année faible, ne pourra
pas se classer parmi ceux qui le méritent. Il ne sera pas dans la
catégorie des méritants, parce qu'il n'aura pas ce certificat
médical attestant d'une santé physique ou mentale
altérée de façon significative pour une durée
permanente ou indéfinie. (12 h 10)
Donc, ça c'est le bon grain, ceux qui vont pouvoir passer
à travers les mailles resserrées que le ministre et son
gouvernement ont assurées de façon bien étanche pour qu'il
y en ait le moins possible qui soient admissibles. Mme la Présidente,
nous avons déposé un amendement disant au ministre: Soyez
conséquent. Le premier ministre lui-même à CKAC, et repris
dans des communiqués qui émanent de son cabinet, déclare
que ça va profiter aux personnes qui souffrent d'un handicap. Alors,
nous avons dit au ministre: Acceptez notre amendement disant de compenser les
coûts supplémentaires qui résultent d'un handicap physique
ou mental et des limitations fonctionnelles qui surviennent à la suite
d'un handicap. Vous savez le sort qui a été fait à notre
amendement? Rejeté. Cela vaut pour les discours à la radio ou
dans les communiqués, mais ce n'est pas bon pour des projets de loi. Mme
la Présidente, il y a donc ceux ou celles qui le mériteraient et
ceux et celles qui ne le méritent pas.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que pour faire le bien, le ministre
n'avait absolument pas besoin de son projet de loi 37. Tout dans la loi
actuelle lui donne les pouvoirs réglementaires de relever les
prestations pour les catégories de personnes, notamment les moins de 30
ans et les personnes qui auraient des contraintes sévères
à l'emploi. Tout dans la loi actuelle permet au ministre de faire le
bien et de ne faire que le bien. C'est évidemment pour d'autres raisons
que le ministre a bousculé et précipité l'adoption du
projet de loi 37. Je rappelle, contrairement à ce qu'on imagine souvent,
que ça ne fait pas un an qu'on a le projet de loi 37 devant nous. Il a
été déposé au mois de mai dernier; pas avant ou
pendant la commission parlementaire, après la commission parlementaire
où les groupes ont été entendus. C'est par dizaines que
des organisations légitimes, sérieuses comme la Commission des
services juridiques, le Conseil du statut de la femme, la Commission des droits
de la personne, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux - j'y reviendrai -
qui sera chargé de l'application et qui signale au ministre
l'incohérence dans laquelle se trouvent actuellement ses
orientations.... L'ensemble de ces organisations ont été
obligées, aux mois de septembre et octobre, de déposer de
nouveaux avis différents des mémoires qu'elles avaient
déjà produits, puisque le projet de loi n'était pas le
même que le document du prédécesseur du ministre, M.
Paradis.
Donc, Mme la Présidente, le ministre n'avait pas besoin du projet
de loi pour aider les personnes en difficulté mais il en a besoin pour
faire le mal, pour introduire la contribution parentale, pour introduire un
recours alimentaire qui va dorénavant amener le tribunal à fixer
un montant de pension alimentaire qu'une famille va être tenue de verser
à son enfant adulte. Belle façon de judiciariser des relations
familiales, beau nid à chicanes! Le projet de loi 37 est
nécessaire pour exclure totalement du petit barème, qui a
soulevé tant de compassion quand l'Opposition était
libérale, 8000 personnes de moins de 30 ans qui ne recevront même
plus le petit barème et 4000 autres qui vont devoir vivre avec une
prestation diminuée.
Le ministre dit: Ce sont seulement 12 000. 12 000 sur 38 000, sur le
total de ceux qui recevaient le petit barème, c'est une personne sur
trois. Et, de plus, Mme la Présidente, H faut ajouter celles qui vont
voir dorénavant leur prestation diminuée de 85 $ par mois parce
qu'elles partagent un logement. Le ministre sait très bien que la ville
de Montréal chargée de l'application sur le territoire de
Montréal lui a fait part que c'était là une mesure qui
n'était pas socialement acceptable, que c'est une mesure qui va
décourager l'entraide. L'Association des hôpitaux est venue devant
la commission parlementaire nous expliquer que la très grande
majorité des personnes qui se présentent dans les urgences,
particulièrement les fins de semaine, sont des personnes qui souffrent
de solitude et d'isolement, qui font des crises d'angoisse -
cela existe - et qui s'en vont dans les urgences parce qu'elles
étouffent, parce qu'elles sont en train de vivre une situation qui a des
effets sur leur santé. L'Association des hôpitaux a dit au
ministre: II y a un coût qui sera payé, un coût
économique qui sera payé en raison de l'afflux dans les urgences,
des soins médicaux, des soins hospitaliers, de l'accroissement de la
solitude et de l'isolement dans notre société.
Mme la Présidente, le ministre a préféré la
voie puérile de la diversion en profitant des personnes les plus
démunies comme alibi pour justifier ce qu'il fait en introduisant le
projet de loi 37. Ce qui est le plus grave, évidemment, c'est d'avoir
alimenté à ce point les préjugés à
l'égard de ces personnes, comme si elles nous étaient
étrangères. Pour lui, ce sont des personnes dont il faut se
méfier, des personnes qui profitent de nous, des personnes qui ne
participent pas à notre prospérité parce que, dans le
fond, elles ne le veulent pas. Et c'est tellement facile, Mme la
Présidente, parce que c'est vrai que, pour une partie, une fraction
importante de notre société, ça va bien, ça va
même de mieux en mieux. La génération qui vient
considère qu'elle est encore mieux placée que celle qui l'a
précédée, et ainsi de suite. Il y a certainement 60 % de
la société québécoise qui vit dans un monde
où les choses vont de mieux en mieux et qui ne comprend pas qu'il n'en
soit pas ainsi pour tout le monde. Pourtant, Mme la Présidente, il y a
une fraction importante de nos concitoyens pour qui - et je pèse bien
mes mots - les choses vont de mal en pis, pour qui la situation se
détériore et pour qui l'état de pauvreté
s'aggrave.
Vous savez sans doute que depuis six ans, le revenu des familles avec
jeunes enfants n'a pas sensiblement augmenté malgré la
présence des deux conjoints sur le marché du travail. Le travail
des femmes et des hommes consiste actuellement à maintenir ce qu'un seul
revenu permettait de gagner il y a à peine cinq ou six ans. 54 % des
personnes pauvres travaillent, 54 % de celles qui sont sur le marché du
travail sont pauvres, c'est-à-dire que, parmi les pauvres, 54 %
travaillent. C'est important qu'on rappelle cette réalité d'un
marché du travail qui ne permet pas de satisfaire substantiellement aux
besoins de sa famille. Maintenant, le problème - et c'est
évidemment le problème de fond auquel un projet de loi aurait
dû d'abord s'attaquer - c'est celui d'un marché du travail
où vous avez beau travailler, mais où le salaire payé
n'est pas suffisant pour simplement payer votre logement, votre alimentation
minimale et vos frais de subsistance.
C'est évident que le problème est d'abord là. Avant
de parler de redistribution, le premier problème de notre
société, c'est la distribution et du travail et des revenus de
salaire. Je vous rappellerai une donnée dont on parle très peu et
jamais je n'ai entendu aucun des ministres qui se sont succédé
depuis trois ans en parler. Une majorité des bénéficiaires
de l'aide sociale, 61 % exactement, ne vient qu'une seule fois à l'aide
sociale. C'est vraiment l'aide dont on a besoin parce qu'on est licencié
d'une entreprise qui a fermé, parce qu'on est mis à pied d'un
département qui introduit des changements technologiques. 61 % des
personnes à l'aide sociale ne viennent qu'une seule fois et la
moitié d'entre elles, pour moins de douze mois. Parmi les personnes
aptes et disponibles, ces personnes qui ne sont pas méritantes et
à qui il faut donner un bon coup de pied pour qu'elles se mettent
à trouver de l'ouvrage dans un contexte où il y a toujours 10 %
de chômage, la moitié ont plus de six années continues
d'expérience de travail, le quart ont plus de 20 années continues
d'expérience de travail. Et ce n'est pas peu de choses, Mme la
Présidente, de constater que plus un travailleur a été
longtemps sur le marché du travail, plus c'est difficile pour lui de se
recycler et plus longtemps il reste sur l'aide sociale. (12 h 20)
Voyez-vous, le principal problème auquel le ministre ne fait
jamais allusion, lui qui est aussi ministre de la Main-d'Oeuvre, c'est que, de
plus en plus, la main-d'oeuvre n'est pas entièrement formée, n'a
pas la formation réelle requise par les nouvelles exigences des emplois
disponibles. Pour être col bleu, Mme la Présidente, il faut
maintenant savoir lire des plans et, pour être caissière, il faut
connaître les fonctions multiples de sa caisse enregistreuse
associée à un ordinateur. On sait très bien qu'on est dans
une situation où les emplois diminuent de façon substantielle
dans le secteur primaire, dans les secteurs des mines et de l'agriculture qui
n'exigeaient pas un très haut niveau de formation professionnelle et de
scolarité. Les emplois diminuent substantiellement également dans
le secteur secondaire. Pensons simplement à la fermeture des chantiers
navals au Québec; pensons également à la fermeture de bien
des entreprises dans le secteur de la fabrication. Pensons simplement à
la petite bande perforée qui, en une heure, fait le travail qu'un
métallo faisait en vingt heures.
L'accroissement des emplois dans notre société se fait
actuellement dans le secteur tertiaire. Qu'est-ce que le ministre offre aux 500
travailleurs du chantier naval de la Vickers, à Montréal? D'aller
travailler dans des services, à 58 ans de moyenne d'âge? Mme la
Présidente, le problème est là. Le défi est
considérable. Il consiste essentiellement à se responsabiliser en
matières de formation professionnelle et de plein emploi.
J'entendais le ministre nous citer la situation en Suède et
à Stockholm. On n'a qu'à penser qu'à Stockholm, le taux de
chômage est de 1,7 %. Quand on sera dans une situation comme
celle-là, le ministre pourra introduire ses mesures coercitives. Mais,
tant qu'on n'y est pas, ce que le ministre fait, c'est livrer de la
main-d'oeuvre comme un cheptel à des entreprises
sans que ces personnes puissent d'aucune façon avoir une
autonomie à l'égard du choix. Elles devront se laisser assujettir
aux conditions des milieux de travail dans lesquels elles se trouveront.
Pourquoi, à l'article 24 de son projet de loi, le ministre
entend-il exclure de la protection du Code du travail, de la Loi sur les normes
du travail, de la Loi sur les décrets de conventions collectives, de la
Loi sur la fonction publique, les personnes participant à des mesures de
soutien à l'emploi? À l'article 24, le ministre introduit un
amendement. Imaginez-vous, Mme la Présidente, que dorénavant, il
pourra - il ne se fait aucune obligation - dans le cas de certaines mesures,
obliger les employeurs à consulter l'association de salariés
légalement reconnue, non pas à s'entendre entre employeur et
syndicat sur la mesure d'introduction de nouveaux employés dans
l'entreprise, mais il pourra dire à l'employeur qu'il doit consulter
l'association de salariés légalement reconnue. Quand on sait que,
dans le secteur privé, à peine 20 % du secteur privé sont
protégés par la présence d'associations syndicales
légalement reconnues et que le ministre pourra simplement demander
à l'employeur de les consulter, tout en constatant que, dans 80 % des
cas, il n'y aura aucune mesure de ce genre, c'est grave, Mme la
Présidente.
On a assisté à une sorte de manipulation de l'opinion
publique. Imaginez-vous que le ministre prétend que le projet de loi est
pour remettre du monde à l'ouvrage. Alors, quel ouvrage? Où et
avec quelles personnes? Paraissait dans Le Nouvelliste un article qui a
inquiété. Quand le ministre veut identifier les causes de
l'appréhension, il n'a qu'à regarder le fonctionnement actuel des
centres Travail-Québec. Le Nouvelliste, le jeudi 24 novembre. Je
cite, Mme la Présidente. "Des bénéficiaires de l'aide
sociale jugés aptes au travail ont eu la surprise de recevoir en plus de
leur chèque mensuel, mais dans une enveloppe distincte, un avis
rédigé à la main leur demandant de faire des
démarches d'emploi. On a exigé jusqu'à dix
démarches." Et d'expliquer le centre Travail-Québec, ces avis
font partie du plan de relèvement. Ce sera évidemment sur une
grande échelle dorénavant avec le projet de loi 37.
Et d'expliquer une bénéficiaire. "Ils envoient ça
à tous ceux qui sont aptes au travail. Il faut trouver le nom de dix
employeurs au cours du mois."
Évidemment, chaque avis devait contenir à la fois le nom,
l'adresse et la signature de l'employeur. C'est un peu comme le professeur qui
renvoie son étudiant faire signer ses billets d'absence par ses parents.
Et je cite la prestataire: "On n'est pas capables de faire signer chaque
employeur parce que ce sont leurs secrétaires qui nous reçoivent.
Elles prennent les demandes et c'est tout. Elles disent qu'elles rappelleront.
Alors, les assistés sociaux ont juste le nom et l'adresse, pas la
signature de l'em- ployeur."
Et d'ajouter les représentants des groupes de personnes
assistées sociales dans la région de Trois-Rivières:
"Ça prend un secondaire V maintenant en plus d'une formation dans
quelque chose. S'il faut trouver dix employeurs par mois, ça fait 120
employeurs par année pour chaque personne apte au travail. Il n'y aura
jamais assez d'employeurs dans le Cap-de-la-Madeleine et pour ceux
évidemment du grand Trois-Rivières."
Mme la Présidente, c'est comme si le ministre imaginait qu'une
réforme, pourtant si essentielle... Je le dis avec toute la
sincérité dont je suis capable, à l'aube de l'an 2000,
oui, notre société est capable de solidarité. Cette
solidarité suppose une formidable corvée de l'ensemble de la
société pour se donner des objectifs de création
d'emplois, de partage du travail par des aménagements d'horaires de
travail différents. Mais ça suppose également une
formidable révolution tranquille, 25 ans plus tard, en matière de
formation professionnelle.
Le tiers des personnes qui bénéficient de l'aide sociale
ont des problèmes d'alphabétisation... J'ai personnellement
l'expérience d'un marchand de mon quartier sur la rue Ontario qui me
racontait avoir voulu engager des personnes, femmes d'un certain âge,
assistées sociales, mais qui avaient de la difficulté à
faire les simples calculs nécessaires pour établir les factures
de ventes.
Comprenez donc, Mme la Présidente, que pour le ministre, tout
ça n'existe pas. Comme le disait si bien la Commission des droits de la
personne sur le projet de loi 37: 'La perspective individualiste et
culpabilisante - parce que dorénavant le ministre n'a plus de
responsabilité à l'égard de la formation des personnes
dont je viens de parler. Ce sont elles qui doivent se culpabiliser d'avoir
vécu il y a plusieurs décennies, alors qu'une quatrième et
une cinquième année suffisaient - la perspective individualiste
et culpabilisante qu'adopte la réforme à l'égard de
l'intégration des prestataires au marché du travail, l'aspect
irréaliste de l'orientation retenue par le projet de loi, compte tenu de
la situation économique générale, du taux de chômage
élevé...".
La commission rappelle que cette difficulté à
accéder au travail rémunéré est d'autant plus
grande que les personnes assistées sociales subissent les effets de la
discrimination. Si le ministre avait vraiment voulu faire une véritable
réforme pour favoriser, faciliter l'intégration au marché
du travail... Mme la Présidente, qu'on me permette de signaler que le
ministre n'aurait pas pu faire pire que de dénigrer les personnes
assistées sociales comme il le fait systématiquement depuis sa
nomination et comme son gouvernement le fait systématiquement depuis
trois ans. Même des agents des centres Travail-Québec me
demandent: Comment voulez-vous maintenant qu'on puisse placer des personnes
assistées sociales après cette campagne de dénigrement
que le ministre responsable d'eux a faite dans l'ensemble de l'opinion
publique? Comment imaginer que les employeurs se précipitent à la
suite de cette campagne négative, avec évidemment l'impact
négatif qui est maintenant associé dès que quelqu'un dit
être assisté social. (12 h 30)
II n'y a pas que la Commission des droits de la personne,
évidemment. Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
chargé de l'application des dispositions en matière d'aide
sociale disait ceci au ministre très récemment, en date de
novembre 1988: L'absence de politique de sécurité du revenu
crédible et surtout l'inexistence d'une politique de plein emploi font
de la réforme de l'aide sociale proposée - ça, ce sont
ceux qui sont chargés de l'appliquer qui le disent au ministre - un
pis-aller visant à colmater les brèches, à diminuer les
coûts pour l'État, sans égard aux conséquences sur
les conditions de vie d'une partie importante de la population.
Il faut aussi comprendre, ajoute le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux, qu'à long terme, une telle réforme aura des impacts
sur les salariés, particulièrement dans les secteurs non
spécialisés, par la pression à la baisse exercée
sur les salaires. Et d'ajouter le Syndicat des fonctionnaires: II
apparaît impossible que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu - et ils sont bien placés pour le
savoir - puisse respecter les orientations proposées par la
réforme vers un encadrement-conseil réel et efficace dans un
contexte où le personnel est nettement insuffisant et où
l'organisation du travail est axée sur un très grand morcellement
des tâches. C'est en fait une assurance-quantité basée sur
des quotas à atteindre dans chaque dossier. Ce sont des contrôles
qui n'ont rien à voir avec la qualité. . Et d'ajouter le
syndicat, Mme la Présidente: Une personne considérée apte
au travail pourra rencontrer jusqu'à cinq intervenants ou intervenantes
différents. Imaginez-vous. C'est, non seulement
l'hypercatégorisation, c'est l'hyperbureaucratisation à la
Main-d'Oeuvre et à la Sécurité du revenu. C'est
évident que tout ça est extrêmement désolant, parce
que le projet de loi 37 ne s'attaque pas au coeur même de ce qui est
stratégique pour sortir les gens du piège de la
pauvreté.
J'ai entendu bon nombre de députés minis-triels dans cette
Chambre citer le livre blanc de Jacques Parizeau, du précédent
ministre des Finances, comme ayant inspiré l'actuel gouvernement dans sa
réforme. D'abord, il faut constater qu'ils l'ont lu de façon bien
sélective. Évidemment, je n'ai pas à rappeler que la
réforme qui était contenue dans le livre blanc coûtait 500
000 000 $ à 600 000 000 $, et c'était là
l'évaluation de l'ensemble des personnes impliquées dans le
dossier de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu.
Pourquoi? Parce que ce livre blanc reposait sur une intégration des
programmes de transfert et des programmes d'imposition. Cela a l'air
d'être du chinois, mais c'est simple. Il s'agit simplement de se rendre
compte que la marche à franchir est trop haute pour se sortir des
prestations d'aide sociale, quand on commence sur le marché du travail
à travailler dans un emploi mal rémunéré, surtout
quand on a charge de famille. C'est comme une échelle à laquelle
il manquerait plusieurs barreaux. Ce qu'on ferait, c'est qu'on tiendrait les
personnes dans les barreaux inférieurs sans jamais leur donner le coup
de pouce qui leur permettrait de monter, elles aussi, là où on
partage la prospérité.
J'ai simplement à rappeler que le livre blanc précisait et
je cite que "le virage, s'il doit avoir lieu ne saurait être entrepris
que graduellement et devrait tenir compte des conditions du marché du
travail et de la capacité des programmes de réinsertion
d'absorber les personnes qui veulent y participer". Deux conditions qui ne sont
pas remplies. On assiste à un détournement de livre blanc quand
certains, particulièrement le député de Taschereau,
viennent ici, en cette Chambre, prétendre que le gouvernement s'en est
inspiré. S'il s'en est inspiré, qu'il retarde l'adoption pour au
moins voir la nécessité de s'assurer des conditions du
marché du travail et de la capacité des programmes, des mesures
d'absorption.
Qu'en est-il à ce niveau-là, Mme la Présidente? Je
n'ai pas à vous rappeler que, malgré six années de
croissance continue, nous constatons toujours un taux de chômage de 9,5 %
ou 10 % au Québec. Pour retrouver une période de croissance comme
celle connue au cours des précédentes années, il faut
retourner à 1973, quinze ans auparavant, avec une croissance à
peu près équivalente, mais avec un taux de chômage de 6.7
%. Le gouvernement est content, il est satisfait, cela va bien. Plusieurs vont
certainement nous dire que ça va suffisamment bien pour qu'on continue
d'être contents. Qu'est-ce que ce sera quand ça va se mettre
à ralentir? Avec un taux de chômage, quand ça va bien, de
9,5 % ou 10 %, est-ce qu'on va finir par s'habituer à une sorte de
fatalité où, la prochaine fois, ça va être 12 % et,
après ça, 15 %? Qu'est-ce que vous voulez, il n'y a pas de jobs
pour tout le monde! Les petites jobs qu'il y a, on va obliger les gens à
tourner en rond pour se les partager année après année,
successivement, avec les programmes de conversion des prestations en
subventions à l'entreprise.
Voyons si les programmes, si les mesures sont de nature à pouvoir
absorber les personnes qui veulent y participer. Je pense bien que se poser la
question, c'est y répondre. Au printemps dernier, d'un coup de baguette
magique, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu voulait élargir à 200 000 ménages des mesures qu'il
n'avait pas été capable d'offrir à plus de 17 % des moins
de 30 ans. Il faut regarder simplement les tableaux statistiques des mesures
pour se rendre compte qu'en matière de travaux communautaires et de
stages en entre-
prise, entre 1985-1986 et 1986-1987, c'est la moitié moins de
mesures qui ont été offertes; en 1985-1986, 15 000 participants
dans les travaux communautaires, en 1986-1987, la moitié moins, autour
de 7700. Ce sont exactement les mêmes baisses pour les stages en
entreprise.
C'est un gouvernement qui a mis en place un scénario
irréaliste. Ces mesures d'employabi-lité étaient
pensées pour des jeunes de moins de 30 ans, sans expérience
d'emploi, pour leur offrir une possibilité de s'occuper; il s'agissait
de mesures occupationnelles. Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel
ça s'est passé: une crise économique où les taux
d'intérêt sont montés, au mois d'août 1982,
jusqu'à 21 %. Les mesures mises en place dans un plan d'urgence sont des
mesures occupationnelles d'employabilité - pas des emplois, comme le
ministre a confondu par la suite - pour des moins de 30 ans leur permettant
d'aller chercher la pleine prestation en y participant. Dans un scénario
irréaliste, on élargit cela aux plus de 30 ans, dont certains ont
plus de 20 années d'expérience continue sur le marché de
l'emploi, dont la majorité a plus de six années
d'expérience continue et a surtout besoin d'une vraie formation
professionnelle. On élargissait cela à ces personnes. Cela a
été tellement déconsidéré, au printemps
passé, cette façon magique de penser les choses, que le ministre,
quand il a été nommé, a été obligé de
mettre ça de côté, c'est évident, parce qu'il n'y a
pas un observateur le moindrement averti qui pouvait prendre au sérieux
ce que contenait le document de M. Paradis.
Le ministre est arrivé avec une mesure, abracadabra, dont il ne
nous a pas encore défini les modalités, mais que l'on sait
être du type de celles retenues par l'administration Reagan au
États-Unis dans le cadre d'un programme fédéral qui
s'appelle "Work and Training Program". C'est à peu près le
même genre de mesures. C'est un programme obligatoire de recherche
intensive d'emploi accompagné de pénalités pour les
bénéficiaires qui sont susceptibles - ce sont les termes
mêmes du programme de l'administration Reagan - de refuser de
coopérer. Ce programme, qui est là depuis des années, n'a
pas donné les résultats que l'administration Reagan
prétendait qu'il allait donner, bien au contraire. J'aurai l'occasion,
avant de terminer, de vous parler d'un vrai programme parce que cela existe.
(12 h 40)
Mme la Présidente, c'est important de savoir que cela n'existe
pas qu'ailleurs ou dans la tête de certains penseurs ou de certains
idéalistes. Cela existe, notamment, au Massachusetts, dans l'État
de M. Dukakis. Oui, cela existe suffisamment pour que le ministère
envoie une mission à Boston, qui a étudié, au mois de mai
dernier, l'ensemble de l'expérience et qui a conclu à son aspect
extrêmement positif. C'est ce genre de mesure que l'on attend au
Québec et que la société québécoise, que
l'opinion publique québécoise attend du gouvernement.
Mme la Présidente, qu'est-ce qui, dans le projet de loi 37,
crée une incitation positive au travail, à part les coups de pied
que le ministre va donner avec, maintenant, les articles où ses agents
vont imposer à des personnes bénéficiaires de participer
à une mesure, non pas que le bénéficiaire aura choisie,
mais que l'agent décidera pour lui? N'oublions pas que les agents auront
des quotas à respecter. Alors, quand une mesure sera
complétée, ils identifieront pour un bénéficiaire
une autre mesure dans laquelle il reste encore de la place, sans, pour autant,
s'assurer que c'est là une dynamique qui respecte la personne qui est
prestataire d'aide sociale.
En 1988, au moment même où, par exemple, en matière
d'éducation, de formation dans nos écoles, on laisse tomber la
relation autoritaire considérée comme rétrograde dans
l'apprentissage au profit de la conception que la personne doit devenir le
facteur dynamique de sa formation, le facteur de changement, que c'est la
personne qui est elle-même son propre facteur de changement, comment
peut-on imaginer que, par les dispositions autoritaires d'une loi,
dorénavant on imposera à des personnes une situation dans
laquelle elles pourraient être extrêmement mal à l'aise?
Mme la Présidente, je vais vous donner une définition du
dictionnaire qui est assez accablante. Je retrouvais la définition
suivante: "Personne qui n'avait pas de liberté personnelle
complète, frappée de diverses incapacités et assujettie
à certaines obligations". Alors, qui n'a pas de liberté
personnelle complète. Je vous rappelle qu'en vertu des articles 23 et 24
les mesures seront imposées sans que la personne puisse aller en
révision ou en appel. Ce n'est quand même pas peu de chose. C'est
la première fois qu'un droit de révision ou d'appel est
retiré en cette matière.
Dans le document du prédécesseur du ministre, le ministre
Paradis, il était question d'un contrat passé entre l'agent et le
bénéficiaire pour permettre à cette personne de se
réintégrer. Il n'en est plus question. Non seulement il n'en est
plus question, mais, dans ses amendements, le ministre ne se fait même
plus l'obligation d'informer les personnes de l'ensemble des programmes ou des
mesures qui peuvent être mises à leur disposition.
Dorénavant, ce sera: On a une mesure; on a de la place, tu y vas, veux
veux pas. Et cette définition: "Personne qui n'avait pas de
liberté personnelle complète, frappée de diverses
incapacités et assujettie à certaines obligations", c'est la
définition du mot "serf comme dans servage et servage comme dans
féodalité.
La situation actuelle est extrêmement inquiétante, d'autant
plus inquiétante que, sous prétexte de discours, de manipulation
de l'opinion publique, sous prétexte de mettre les gens à
l'ouvrage, lorsqu'on regarde les gains admissibles, c'est-à-dire les
revenus de travail qu'on permettra aux bénéficiaires de l'aide
sociale, on se rend
compte d'une incohérence inqualifiable.
Je vous donne quelques exemples, Mme la Présidente. Dans le
programme Soutien financier, on retrouvera des personnes qui ont de
sévères contraintes à l'emploi. En vertu du projet de loi
37, selon les tableaux préparés par le ministère, on
permettra à ces personnes des gains de travail mensuels de 100 $. Celles
qui ont de sévères contraintes à l'emploi pourront ajouter
100 $ par mois à leur prestation. Mais la personne de 58 ans qui a une
deuxième année forte, mais qui n'est pas considérée
comme ayant une santé physique ou mentale altérée de
façon indéfinie, cette personne qui sera considérée
comme non disponible, on lui permettra des gains de travail de 57 $ par mois,
soit 43 $ de moins que celle qui a de sévères contraintes
à l'emploi. Ce n'est pas peu de chose.
Un couple de 58 ans sans enfant qui se retrouverait aussi dans la
catégorie des non-disponibles pourra ajouter à sa prestation un
gain d'emploi mensuel de 40 $ par mois, soit 17 $ de moins qu'une personne
seule du même âge, dans la même catégorie, pour un
adulte de plus.
Et on n'en est pas à une incohérence près, Mme la
Présidente. Dans la catégorie des chefs de famille, par exemple,
on va retrouver, pour une famille biparentale - donc, deux adultes avec un
enfant - la possibilité de gains de travail par mois de 50 $. On ne peut
même pas passer les journaux avec ce montant. Pour deux adultes et un
enfant, 50 $ par mois. Et, dans la même catégorie, une personne
seule aura droit à 73 $ par mois, soit 23 $ de moins pour un adulte et
un enfant de plus. Cette catégorie, c'est le tableau du piège de
la pauvreté. C'est comme cela qu'il faut l'intituler, parce que c'est
dans ce tableau qu'on retrouve la logique du système mis en place par le
projet de loi 37.
Quelle est cette logique? C'est celle que l'on dénonce. C'est
celle qu'il faut modifier dans le cadre d'une vraie réforme. Et c'est la
suivante: les besoins jugés essentiels comme le logement, l'alimentation
et le chauffage - il faut voir, avec le temps qu'il fait, que le chauffage et
l'électricité, c'est essentiel - les besoins essentiels, parce
que ce sont des besoins de subsistance reconnus par le ministère, ne
sont plus comblés pour toutes les catégories. Et les gains de
travail ne viennent que compenser pour les besoins de subsistance qui ne sont
pas comblés. Il faut - bien voir que ce sont des besoins de subsistance
vraiment minimaux. Et, au-delà de cette pitance, c'est fini, il n'y a
plus d'incitation au travail. Chaque dollar supplémentaire gagné
va être confisqué. C'est cela, la logique. C'est cela, le
système.
Et c'est en cela, mesdames et messieurs les parlementaires
ministériels, que la réforme s'éloigne du livre blanc du
ministre des Finances. Et c'est fondamental. Où est l'incitation
positive au travail? Gagne ta subsistance minimale, celle qu'on te
reconnaît dans des besoins essentiels et, après, c'est fini. Nous
disons que, dans l'intégration des programmes de transfert et
d'imposition, il faut maintenir la possibilité de conserver au moins 50
% des gains de travail, au moins 0,50 $ dans chaque dollar gagné, et
qu'il n'est pas pensable qu'on impose à 100 % les personnes les plus
démunies sans même rembourser les dépenses
occasionnées pour effectuer ce travail.
Quel système hypocrite! Et il ne va pas changer. Ce
système est hypocrite parce qu'il considère comme
fainéantes et paresseuses des personnes qui, si elles vont travailler,
vont perdre entièrement les gains qu'elles auraient pu obtenir. Alors,
pourquoi leur reprocher de ne pas aller aux pommes l'automne ou aux fraises
l'été ou de ne pas aller aux sucres? Pourquoi leur reprocher de
ne pas vouloir améliorer leur ordinaire? Si elles le font, Mme la
Présidente, elles auront des déplacements, elles auront des
coûts dont aucun ne sera remboursé et chaque dollar additionnel
gagné sera confisqué au-delà de la structure des
barèmes de subsistance que le ministère leur reconnaît dans
la définition des besoins essentiels. Quand je disais que la marche est
trop haute, qu'il manque des barreaux, c'est ça que je voulais dire, Mme
la Présidente. (12 h 50)
Évidemment, je ne voudrais pas terminer mon intervention sans
rapidement vous dire, Mme la Présidente, que cette manipulation qu'on
fait de l'opinion publique est issue en partie aussi des sondages. Cela fait
une semaine que les députés ministériels citent
abondamment un sondage CROP dont ils n'ont obtenu ni la méthodologie, ni
le questionnaire au complet. Et j'ai fait venir du Conseil du patronat... Parce
que c'est un des deux seuls groupes qui appuient le ministre, Alliance
Québec et le Conseil du patronat. J'imagine qu'il y en aura trois ou
quatre autres qui s'ajouteront d'ici une semaine. Evidemment, en regard des
1668 groupes qui s'opposent, c'est assez faible. C'est un poids assez
léger. Le Conseil du patronat a fait faire un sondage qui a
été publié le jour même du bâillon. Cela avait
peut-être été fait auparavant, mais, comme par hasard,
ça s'est retrouvé dans les nouvelles, sur telbec, sans qu'on ait
le sondage en main, au moment même du bâillon.
Je lisais la question et la posais à des personnes
assistées sociales. Le ministre ne sera pas surpris qu'elles aient
répondu oui à la façon dont la question était
formulée. La question était: L'objectif de cette réforme
est de favoriser le retour au travail des assistés sociaux aptes au
travail et d'augmenter les chèques de pension des assistés
inaptes au travail. Personnellement, êtes-vous pour ou contre un tel
projet de réforme? Mais, nous de l'Opposition, sommes les premiers
à dire oui. Et l'ensemble des personnes assistées sociales
répondent oui. Mais quelle manipulation de l'opinion! Où
sont-elles, les mesures favorisant le retour au travail? Certainement pas dans
la possibilité d'avoir des gains de travail. Certainement pas dans la
possibilité de se sortir du
piège de la pauvreté. Où sont-elles, les mesures
d'incitation au travail?
J'aimerais rappeler au ministre un sondage que son
prédécesseur avait fait faire par la maison SORECOM et qui nous
signalait une bien plus grande générosité de la part de
nos concitoyens du Québec. À la question: Si les assistés
sociaux peuvent gagner un certain revenu de travail sans se faire couper leur
aide sociale, le montant par mois de leurs prestations et de leurs revenus de
travail doit-il être égal, plus élevé ou moins
élevé que le salaire minimum? 83 % répondaient:
égal ou plus élevé, 56 % disaient égal, 27 %
disaient plus élevé, pour un total de 83 %.
Malheureusement, Mme la Présidente, je vais devoir conclure
à ce moment-ci pour rappeler au ministre que nous ne sommes pas à
l'étape ultime de nos travaux en matière d'aide sociale. Son
prédécesseur avait pris l'engagement de déposer la
réglementation plus abondante que le projet de loi lui-même. Je
vous rappelle qu'un seul article du projet de loi 90 contient 40 pouvoirs
réglementaires et qu'au total, en adoptant le projet de loi, le
gouvernement met le Parlement devant 67 inconnues, 67 barèmes,
prestations, conditions qui nous restent toujours inconnus à cause de
l'absence du dépôt de la réglementation.
Je voudrais dire au ministre que nous ne sommes pas à
l'étape ultime, bien au contraire. Nous pensons que la lutte aux
inégalités est bien mal engagée par ce projet de loi 37.
Nous pensons que la promotion de la justice sociale est bien mal engagée
par le gouvernement à l'égard des personnes les plus
démunies de notre société. Nous pensons que c'est une
grossière erreur de penser faire une réforme sans mettre à
contribution l'ensemble des forces vives d'une société. Il faut
des consensus dans une société pour qu'une réforme se
réalise parce qu'en soi n'importe quelle réforme, même la
meilleure, suscite des craintes de changement. Alors, vous comprenez que,
lorsque ces réformes sont de pseudo-réformes qui usurpent le mot
"réforme" pour introduire, évidemment, un retour en
arrière... Je vous rappelle que, nous qui avons à relever les
défis de l'an 2000, c'est avec des mesures des années cinquante
que nous abordons l'avenir. Mme la Présidente, c'est évident que
les mois qui viennent ne permettront pas au ministre de penser que les choses
sont réglées parce que la troisième lecture sera
adoptée par ce Parlement. Bien au contraire!
Nous ne voulons pas que le gouvernement se serve des personnes aptes et
disponibles comme de boucs émissaires pour essayer de couvrir son
absence de politique de plein emploi, pour essayer de justifier le taux de
chômage élevé qui se maintient, malgré six
années de croissance continue. Les chômeurs et les chômeuses
qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-chômage et qui
ont recours à l'aide sociale ne doivent pas devenir les boucs
émissaires du gouvernement. Nous devons beaucoup plus à nos
concitoyens. Nous devons un véritable soutien de formation
professionnelle, un véritable chantier dans tout le Québec
à ces centaines de milliers de personnes qui ne répondent plus
aux exigences nouvelles du marche de l'emploi. Nous leur devons notre appui,
notre soutien, notre engagement.
Le ministre sait très bien qu'en votant le projet de loi 37 il
ratifie l'échec cuisant d'une autre de ses stratégies, celle du
programme APPORT. 44 000 familles devaient en profiter; à peine 17 000
sont présentement inscrites depuis plusieurs mois et cela entre
maintenant à l'unité. Nous disons au gouvernement que notre
société est prête à convenir d'un véritable
contrat social en matière de sécurité du revenu, notamment
en ajustant de façon permanente le salaire minimum au salaire industriel
moyen.
Nous proposons au ministre et à son gouvernement de nous entendre
sur un minimum qui serait certainement à la convenance de notre
société, ce minimum étant de ne plus laisser la hausse du
salaire minimum à l'initiative ou à la discrétion des
gouvernements qui se succèdent. Nous aurions intérêt
à l'ajuster de façon permanente, comme un wagon qu'on ajuste
à une locomotive, au salaire industriel moyen, de manière que,
beau temps, mauvais temps, de façon permanente et
régulière, il le suive sans avoir toujours à supporter la
pression qui peut venir des milieux contraires à cette hausse. Nous
pensons qu'un ajustement permanent du salaire minimum s'impose. Nous proposons
au gouvernement que le taux du salaire minimum soit fixé à 45 %
du taux du salaire industriel moyen.
Nous proposons surtout de convenir qu'il doit y avoir une incitation
positive au travail et que cette incitation réside dans la
possibilité de conserver au moins 50 % de ses gains de travail. Nous
pensons que c'est vraiment là que la réforme s'impose. Nos
concitoyens sont prêts à envisager la possibilité pour ceux
et celles qui vont sur le marché du travail et qui sont
présentement, je vous le rappelle, à 300 $ par mois en
deçà du seuil de pauvreté... Un travailleur ou une
travailleuse au salaire minimum un revenu qui est à 300 $ de moins que
le seuil de pauvreté. Pourtant, ce salaire minimum est encore
imposé et, malgré la réforme du ministre des Finances, il
y a encore 100 $ et plus à être payés sur ce salaire
minimum qui est à 300 $ par mois, à près de 3500 $ par
année en deçà du seuil de pauvreté.
Nous disons que travailler dans notre société devrait au
moins équivaloir au seuil de pauvreté. Nous proposons au ministre
un pacte, un contrat par lequel nous ajusterions comme société le
salaire minimum au salaire industriel moyen et par lequel nous permettrions
à nos concitoyens d'aller occuper des emplois qui sont,
évidemment, souvent précaires, mal rémunérés
et mal protégés, mais pour lesquels il y aurait une
incitation.
Pourquoi prétendre à de l'altruisme chez ceux qui sont les
plus démunis quand aucun de ceux qui siègent dans cette
Assemblée ne le ferait que pour la satisfaction du devoir accompli? Il
faut voir dans quel contexte se négocient, se discutent les
augmentations de salaire chez les députés pour savoir que cela
les intéresse aussi. Pourquoi demander à nos concitoyens les plus
démunis cet altruisme qu'aucun de nous ne s'exige et qu'on n'exige de
personne d'autre de la société? Il faut que ça devienne
payant de travailler. C'est là que réside une véritable
réforme. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Maisonneuve. Oui, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: Mme la Présidente, je vous demanderais la
suspension du débat jusqu'à 15 heures.
La Vice-Présidente: Compte tenu de l'heure, nous allons
suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 14)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! Veuillez vous asseoir.
L'Assemblée nationale reprend ses travaux aux affaires du jour.
Nous allons poursuivre le débat sur la motion d'adoption du projet de
loi 37, Loi sur la sécurité du revenu, présenté par
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Je vais reconnaître, pour la première intervention cet
après-midi, Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Yolande D. Legault
Mme Legault: M. le Président, étant la seule femme
siégeant à la commission des affaires sociales, je me faisais un
devoir d'intervenir sur un sujet aussi humain que le débat portant sur
le projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. J'appuie ce
projet de loi parce qu'il défend de grands principes auxquels je crois
profondément. Une société évoluée doit,
à mon avis, se préoccuper des plus faibles. À cet effet,
ce projet de loi prône avant tout une plus grande équité
sociale. Cependant, trop de personnes confondent justice sociale avec
encouragement au laisser-aller.
Malgré toute la compassion et la lutte que nous devons
entreprendre contre ce fléau qu'est la pauvreté, il demeure quand
môme important de limiter les abus en revalorisant la notion de la
fierté du travail. Trop sou- vent, le travail est présenté
uniquement dans une perspective monétaire au lieu d'être
considéré en termes d'épanouissement personnel et
d'actualisation de la personne humaine. À cet effet, les tâches
manuelles m'apparaissent aussi équilibrantes, sinon plus que l'exercice
d'une fonction intellectuelle, selon les conditions de travail et sa
philosophie de la vie. En effet, notre société de consommation a
peut-être oublié que le paraître n'est pas tout et que les
valeurs du dépassement et de l'émulation sont également
importantes.
Nous avons négligé, en cours de route, que le travail peut
apporter à l'individu un sens à sa vie et aussi un but. Ici,
quand je parle du travail, je ne le conçois pas uniquement sous son
aspect compétitif, mais dans son sens le plus noble et le plus humain
possible. Malgré toutes les critiques véhiculées contre ce
projet de loi, il m'apparaît essentiel de ne pas se perdre dans les
détails, mais bien de canaliser ses énergies vers l'essentiel,
c'est-à-dire concentrer son action sur ceux et celles qui ont le plus
faible revenu et c'est ce qu'ont fait principalement les derniers
amendements.
Tout d'abord, j'aimerais, en tant que femme, aborder la question des
femmes. Si nous voulons pour l'avenir une société plus
équilibrée, nous devons laisser, même si cela semble aller
à contre-courant, le libre choix aux femmes ou aux hommes de rester
à la maison pendant quelques années afin d'éduquer leurs
enfants. Pour ce qui est de l'application, cette suggestion pourrait
revêtir différentes formes qui resteraient à
définir. Même si ces propos peuvent effrayer ou paraître
conservateurs, je demeure persuadée que, sur la base du terrain, un plus
grand nombre de personnes que l'on pense aimeraient avoir plus de
disponibilité.
Je parle en pensant plus particulièrement aux parents ayant des
enfants handicapés ou bien d'âge préscolaire. Je crois que,
loin de dénigrer ou bien de diminuer ces personnes, ces mesures
pourraient les revaloriser et mieux les respecter. Tout en demeurant
pragmatiques et réalistes, il ne faut pas avoir peur, comme
législateurs, de sortir des sentiers battus en mettant de l'avant des
solutions originales et créatives. Par exemple, le partage du temps de
travail m'apparaît une piste très intéressante à
envisager pour l'avenir. D'ailleurs, dans certains pays, ces projets
innovateurs ont déjà été expérimentés
avec grand succès. Mais, pour que réussisse ce nouveau virage
social et familial, il faut la collaboration et la sensibilisation de tous les
intervenants. L'entreprise privée ainsi que le secteur public doivent
conjuguer leurs forces et s'unir pour favoriser de telles mesures. Cela nous
amène inévitablement à repenser notre échelle de
valeurs comme société, si nous voulons à tout prix
éviter l'autodestruction.
Sous cet angle, M. le Président, toute politique de
sécurité du revenu clairvoyante se doit d'intégrer le
rôle parental, si nous voulons
préconiser une politique nataliste. Il faut mettre de
côté nos anciens schèmes de pensée du passé.
En tant que citoyens et politiciens, nous devons regarder vers l'avenir et
ajuster notre vision à l'ère de l'an 2000. J'irais même
encore plus loin en prédisant que la prochaine révolution sera
celle de l'invisible et de l'écologie.
En ce qui concerne les jeunes, malgré tout ce qu'on peut dire, un
grand pas a déjà été accompli dans le sens de la
parité aux moins de 30 ans. Cela dit, il faut quand même ne pas
perdre de vue notre objectif d'inciter les jeunes qui sont aptes à
réintégrer le marché du travail. Pour ce faire, nous
devons les inciter à étudier le plus longtemps possible afin de
les préparer aux grands défis technologiques qui les
attendent.
Nous sommes à l'aube de la signature d'un accord sur le
libre-échange avec les États-Unis. Plus que jamais, il devient
impératif de former nos jeunes au marché du travail. Ce virage
est nécessaire si nous voulons que le Québec demeure une
société compétitive sur le plan international, face
à son voisin américain.
Pour toutes ces raisons, nous devons tendre vers une politique de plein
emploi. Comme êtres humains, nous sommes souvent portés à
adopter des attitudes extrémistes et il n'est pas toujours facile de
trouver le juste équilibre entre la capacité de payer de
l'État et notre idéal de justice sociale qui doit nous animer
comme législateurs. Par conséquent, le programme de soutien
financier vise, avant tout, les clientèles les plus
défavorisées de notre société. Sans être
parfaits au chapitre des technicités, je crois fermement que les
amendements apportés au présent projet de loi sont valables. Il
est bien évident qu'il y a toujours place à la bonification et
à l'amélioration d'un projet de loi, et je crois que le ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu l'a parfaitement
compris et s'est montré particulièrement réceptif et
ouvert tout au long du cheminement de ce projet de loi.
Je voudrais également remercier tous les intervenants qui se sont
déplacés en commission parlementaire afin de nous faire part de
leur opinion. Je tiens également à remercier mes collègues
pour l'objectivité dont ils ont fait preuve tout au long de
l'étude de ce projet de loi. Cependant, en écoutant certains
mémoires de groupes de personnes en commission parlementaire, il ressort
qu'en ce qui concerne les problèmes que vivent les jeunes, je ne crois
pas que la solution relève uniquement du domaine pécuniaire. Bien
au contraire, on s'aperçoit rapidement que les causes de la
pauvreté dépendent des facteurs sociologiques et psychologiques
qui sont beaucoup plus globaux. Et ce n'est pas uniquement avec la hausse des
prestations que nous réglerons les vraies causes de tout ce malaise
social. Si nous nous limitons à ce genre d'intervention, nous risquons
de manquer le bateau en ne soignant que les effets de la maladie. Nous devons
donc nous pencher sur les causes profondes du chômage et de
l'incapacité de plusieurs jeunes de se trouver un emploi. Sur ce plan,
il ne faut surtout pas créer ou faire naître des illusions qui ne
pourraient entraîner que déception et amertume.
Si nous revenons à la base du problème, nous tournons
encore autour de la famille et de sa stabilité comme entité et
cellule de base de notre société. Nous, qui sommes à
l'heure de l'éclatement des familles, sommes peut-être en train de
payer la note de nos folies individuelles et collectives. Cela ne peut que nous
inciter à la réflexion et à un retour aux sources. Par
conséquent, les programmes doivent être conçus afin de
répondre davantage aux vrais besoins de nos concitoyens et concitoyennes
et de leur vécu. Par exemple, au lieu de payer uniquement les
médicaments, il serait également souhaitable de créer des
campagnes d'éducation et de sensibilisation à la santé par
le sport, l'alimentation naturelle et également par le traitement des
méthodes alternatives. Sur ce point, je crois que les jeunes font partie
de cette génération qui se montre très réceptive
à l'écologie, à l'environnement et à toute cette
nouvelle vision holistique de l'être humain.
Pour terminer, je tiens à réitérer mon appui
à ce projet de loi. Et pour conclure en cette fin de session, je vous
laisse sur cette pensée taoïste: "La perception de ce qui est petit
est le secret d'une bonne vue. La préservation de ce qui est faible, le
secret de la force." Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Oui, M. le Président, je demanderais
l'ajournement du débat relativement au projet de loi 37.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
du débat sur la motion d'adoption du projet de loi est adoptée?
On demande l'ajournement du débat sur la motion d'adoption du projet de
loi. L'ajournement du débat est adopté? Donc, adopté. M.
le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: On demandera l'adoption comme telle un peu plus
tard. Article 13 du feuilleton, M. le Président.
Projet de loi 85 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 13 du feuR-leton, M.
le ministre de la Justice propose maintenant l'adoption du principe du projet
de loi 85, Loi sur certains aspects du statut des juges municipaux. Je
cède donc la parole à M. le ministre de la Justice.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Le projet de
loi 85 qui est soumis à notre étude aujourd'hui en vue de son
adoption de principe et ayant trait à certains aspects du statut des
juges municipaux, vise à modifier le régime juridique applicable
à la nomination, à la rémunération et aux normes de
déontologie de nos juges municipaux.
Ce projet de loi, M. le Président, s'applique à tous les
juges municipaux, sauf ceux des cours municipales des villes de Laval,
Montréal et Québec qui sont visés par la Loi sur les
tribunaux judiciaires. Ces modifications permettront d'actualiser le statut des
juges municipaux en regard de celui des membres des autres tribunaux
judiciaires québécois et de clarifier notamment certaines
dispositions de la Loi sur les cités et villes.
Mentionnons, M. le Président, les dispositions sur le mode de
nomination et de destitution des juges, qui sera dorénavant analogue
à celui des juges de la Cour du Québec. La prestation du serment
et les règles de déontologie ont été
particularisées en fonction du double statut de juge et d'avocat. La
rémunération sera établie par décret du
gouvernement même si elle demeurera aux frais des
municipalités.
Pour bien comprendre l'objectif poursuivi par ce projet de loi, il faut
se rapporter à l'origine des cours municipales au Québec et les
situer dans le contexte juridique de l'époque. La première cour
municipale au Québec fut créée au début de la
deuxième moitié du XIXe siècle à l'occasion de
l'adoption, en 1851, par le Parlement du Canada-Uni, d'un acte révisant
la charte de la ville de Montréal. Cet acte a institué la Cour du
recorder de la cité de Montréal, l'ancêtre de la Cour
municipale actuelle de Montréal. Le Parlement du Canada-Uni justifia
alors l'établissement de cette cour dans le Bas-Canada en
édictant en préambule à l'article 79 de l'acte - et je
cite, M. le Président - "et attendu qu'il est expédient de
pourvoir à une manière sommaire et non dispendieuse de recouvrer
les dettes, amendes et pénalités et d'entendre et juger les
offenses."
La nouvelle cour était présidée par un recorder
choisi parmi les avocats ayant au moins cinq ans d'expérience. Leur
nomination par le gouvernement était faite sur la recommandation du
conseil municipal. Le recorder nommé était d'office juge de paix
et sa compétence s'étendait aux matières civiles et
pénales. La Cour du recorder était, en fait, inspirée des
institutions judiciaires anglaises que l'on retrouvait dès le XVI e
siècle. À l'époque, la pratique anglaise voulait
déjà que, dans les agglomérations urbaines, les juges de
paix soient remplacés par des juges professionnels choisis parmi les
avocats et payés par les municipalités. Ainsi, on voulait
justement s'assurer que le citoyen et la municipalité puissent
régler leurs différends de façon efficace, rapide et de
façon la moins coûteuse possible.
Au fil des années qui suivirent et ce jusqu'à l'adoption,
le 25 août 1903, de la Loi sur les cités et villes, plusieurs
autres villes ou cités se virent octroyer par charte spéciale le
droit de mettre sur pied une Cour du recorder. La plupart de ces lois
étaient calquées sur l'acte instituant la Cour du recorder de la
cité de Montréal. Peu de changements notables ont
été apportés jusqu'en 1903. Je tiens à souligner
qu'on accordait à la très grande majorité des recorders le
droit de continuer d'exercer la profession d'avocat. En 1903, le
législateur adopta la Loi sur les cités et villes. Elle
intégra l'ensemble des lois spéciales contenues dans les chartes
de cités ou de villes tout en maintenant les cours de recorder
créées en vertu de ces chartes. (15 h 30)
En définitive, la loi de 1903 innovait très peu dans le
domaine de la Cour du recorder. La loi actuelle sur les cités et villes
reprend essentiellement à ce sujet les dispositions de la loi de 1903.
En 1950, on permettait à un avocat d'être nommé juge
municipal après seulement trois années de pratique dans les
villes de moins de 10 000 personnes. En 1952, on changea les appellations
recorder et Cour du recorder par celle de juge municipal et Cour municipale.
Depuis 1968, M. le Président, on prévoit que
l'établissement ou l'abolition d'une cour municipale ne pourra
dorénavant se faire que par un règlement municipal
approuvé par le ministre des Affaires municipales et par le ministre de
la Justice.
Cela m'amène, M. le Président, à parler du statut
de juge municipal tout en soulignant que l'institution des cours municipales
répond toujours, comme en 1951, au besoin d'une justice qui soit
à la fois efficace, rapide, peu coûteuse et accessible et ce, tant
pour les autorités locales que pour les villes et les citoyens. En
effet, M. le Président, la structure actuelle des cours municipales
permet aux villes de maintenir leur cour municipale malgré le volume
parfois peu élevé des affaires qui y sont
référées. Cette structure permet de plus à un juge
municipal de tenir les audiences selon la disponibilité des citoyens et
même le soir. Le rôle des cours municipales s'inscrit donc
très bien dans la volonté de rendre plus accessible aux citoyens
l'administration de la justice. Par ailleurs, cette institution judiciaire qui
rend de précieux services à la communauté depuis 137 ans,
a récemment fait l'objet de jugements contradictoires soulevant
certaines incertitudes et ambiguïtés entourant le statut des juges
municipaux dans la législation actuelle.
Pour pallier à ces interrogations et surtout pour
préserver la stabilité du système des cours municipales,
le projet de loi introduit de nouvelles règles concernant la nomination,
la destitution, la rémunération et la déontologie
applicables aux juges municipaux.
Pour la nomination du juge municipal, la Loi sur les cités et
villes ne prévoit qu'une condition d'admissibilité, soit le
nombre d'années d'expérience à titre d'avocat en exercice.
Ce nombre est fixé à cinq ans, sauf pour les cités et
villes de moins de 10 000 personnes pour lesquelles il est de trois ans. Cette
condition régit, rappelons-le, les Juges municipaux au Québec,
à l'exception de ceux des cours municipales de Laval, Montréal et
Québec. Pour ces villes, des chartes respectives indiquent un nombre
minimal de dix années de pratique pour être nommé juge
municipal dans leur cour.
Ce critère de dix ans est d'ailleurs celui retenu dans la Loi sur
les tribunaux judiciaires. C'est le critère qui est applicable aux juges
de la Cour du Québec. La nomination d'un juge municipal se fart donc
actuellement par décret du gouvernement et, si le règlement sur
la procédure de sélection des personnes aptes à être
nommées juges pris en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires
s'applique aux cours municipales de Laval, de Montréal et de
Québec, il en est autrement pour les autres cours municipales où
nous devons constater l'absence de règles sur la procédure
à suivre lors de la nomination des juges municipaux.
Lors de l'entrée en fonction, l'article 615 de la Loi sur les
cités et villes prévoit que les juges municipaux doivent
prêter serment. Par ailleurs, la loi ne prescrit pas de formule
spécifique. On a pourvu à cette lacune. D'autre part, bien qu'il
existe un mécanisme de destitution prévu à la Loi sur les
tribunaux judiciaires, certaines ambiguïtés existent sur le
caractère obligatoire de cette procédure pour le
gouvernement.
Selon une certaine interprétation, le gouvernement pourrait
destituer un juge municipal sur simple décret et sans aucune
formalité. Même s'il n'y a pas eu de telle destitution depuis au
moins 30 ans, il nous semble préférable de clarifier la situation
pour prévoir des règles de destitution similaires à celles
des juges de la Cour du Québec.
Le projet de loi 85 contient, notamment aux articles 1, 2, 3 et 5, des
mesures de nature à bonifier le statut des juges et des cours
municipales du Québec. Il prévoit plus particulièrement
que le gouvernement continuera de nommer le juge municipal, mais qu'il devra le
choisir parmi les avocats ayant au moins dix années d'expérience.
Celui-ci devra s'inscrire à un concours de sélection similaire
à celui applicable aux autres juges de nomination provinciale
régie par le règlement sur la procédure de
sélection des personnes qui sont aptes à être
nommées juges.
De plus, l'article 2 prévoit expressément que le juge
municipal sera nommé durant bonne conduite et qu'il ne pourra être
destitué que conformément aux règles prévues
à la Loi sur les tribunaux judiciaires, c'est-à-dire à la
suite de rapports de la Cour d'appel. Enfin, l'article 5 du projet
prévoit que le juge municipal devra, avant d'entrer en fonction,
prêter un serment ou faire une affirmation solennelle similaire à
celui ou à celle auxquels sont tenus les autres juges de nomination
provinciale. Au niveau de la rémunération des juges municipaux,
la loi actuelle prévoit que le traitement des juges est fixé par
résolution du conseil et est payé par les municipalités.
L'exercice de ce pouvoir municipal n'est toutefois soumis à aucune
règle particulière si ce n'est l'article 8 de la Loi sur les
Cours municipales qui prévoit que le traitement d'un juge ne peut
être diminué à un montant moindre que le traitement annuel
qui lui a été attribué à la date de sa
nomination.
Pour préserver la sécurité financière de ces
juges, le projet de loi contient une disposition qui permettra à
l'avenir au gouvernement d'établir les barèmes de la
rémunération qui sera versée par les municipalités
à tout juge municipal, qu'il exerce ses fonctions à temps complet
ou à temps partiel. Cette disposition prévoit de plus que cette
rémunération ne pourra être réduite. Finalement, M.
le Président, le projet de loi prévoit l'ajout de certaines
règles de déontologie auxquelles seront soumis les juges
municipaux et, notamment, celles qui leur interdisent, même
indirectement, d'être partie à un contrat avec la
municipalité ou de la représenter devant une cour de justice. Ces
règles seront, en vertu de l'article 8 du projet,
intégrées au Code de déontologie. Le non respect de cette
règle par un juge municipal pourra faire l'objet d'une plainte au
Conseil de la magistrature qui fera enquête et pourra, le cas
échéant, recommander au ministère de la Justice et
Procureur général de présenter une requête pour une
seconde enquête par la Cour d'appel.
La destitution d'un juge ne pourra avoir lieu qu'à la suite d'un
rapport de la Cour d'appel. En conclusion, les différentes mesures
prévues au présent projet de loi 85 devraient consolider les
règles régissant le statut des juges municipaux. Ainsi, les Cours
municipales qui sont une partie importante de nos institutions judiciaires
continueront de rendre une justice qui se veut la plus accessible possible, la
moins dispendieuse et en fonction de nos principes qui guident une saine
administration de la justice pour tous les Québécois. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Nous allons poursuivre avec M. le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. À
moins que le député de Vanier ne veuille intervenir sur le projet
de loi...
Une voix: Ce bon nationaliste qui va quitter le Parti
libéral.
M. Filion: J'espère que le député de Vanier
va être aussi volubile à la réunion de son caucus,
lorsqu'il aura une minute et quarante-cinq secondes pour donner son point de
vue sur ce que s'apprête à faire le premier ministre en ce qui
concerne la loi 101.
Je vous remercie, M. le Président, de me reconnaître sur le
projet de loi 85 déposé par le ministre de la Justice. Ce projet
de loi, comme il l'a dit, vise essentiellement à modifier la Loi sur les
cités et villes, la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les
tribunaux judiciaires, afin de prévoir différentes mesures
concernant la nomination, la rémunération et autres conditions de
travail du juge municipal. Ce projet de loi qui est fort laconique dans ses
notes explicatives prévoit également de nouvelles règles
en ce qui a trait à la déontologie, ainsi qu'au serment et/ou
à l'affirmation solennelle que pourrait prêter le juge municipal.
(15 h 40)
Ce projet de loi est important en ce qui concerne cette justice souvent
oubliée et qui est la justice municipale. Pour beaucoup de citoyens et
de citoyennes qui nous écoutent présentement, le seul contact
qu'ils ont eu ou qu'ils auront avec la justice est souvent ce contact avec une
cour municipale qui siège le soir et qui aura à entendre une
plainte portée en vertu d'un règlement municipal ou une plainte
portée en vertu de la partie 24 du Code criminel, des accusations, si
l'on veut, sommaires, les moins graves de celles qui sont contenues au Code
criminel. Donc, il y a beaucoup de citoyens et de citoyennes pour qui la
justice, finalement, c'est la cour municipale, où ils se
présentent, encore une fois, à des heures qui sont
adaptées à leurs besoins. Ils y présentent, à ce
moment-là, leur point de vue d'une façon simple, dans une
atmosphère qui n'a pas le décorum des grandes salles d'assises de
la Cour supérieure ou même de la Cour d'appel, mais qui,
néanmoins, conserve ce cachet d'une justice qui est près des
citoyens et des citoyennes.
À mon point de vue, c'est quand même un acquis remarquable.
Les cours municipales n'existent pas partout dans les sociétés
occidentales. Ici, au Québec, elles se révèlent, à
mon sens, un actif, un plus et il est important de conserver ce
caractère de proximité de la population aux cours
municipales.
Le ministre a résumé tantôt l'historique des cours
municipales^, mais je pense qu'il est important d'y revenir. Étant
donné que ce projet de loi 85 vise à assurer des assises
légales, solides à ces cours municipales, c'est là le but
essentiel. Il convient de noter que la création de la première
cour municipale remonte - le ministre l'a souligné tantôt -
à 1851. Il s'agissait, à l'époque, de la Cour du recorder,
cour de Montréal, qui est devenue, par la suite, au fil des
années et des modifications à la charte, notamment de la ville de
Montréal, la Cour municipale de Montréal où i y a
là un volume de causes absolument ahuris- sant.
La Cour municipale de Montréal est probablement la cour la plus
active au Québec, bien que cette cour n'ait évidemment pas
juridiction en ce qui concerne les matières civiles et n'ait qu'une
juridiction bien partielle en ce qui concerne les accusations sommaires en
vertu du Code criminel. Alors, en 1851, sur recommandation du conseil
municipal, le recorder - c'est ainsi qu'on l'appelait - était
nommé durant bon plaisir. On verra un peu plus loin que cette notion de
bon plaisir s'est poursuivie au fil des années. Sa juridiction, à
l'époque, il est intéressant de le noter, s'étendait, non
seulement aux matières pénales, mais aux matières civiles
également. Plusieurs autres villes suivirent l'exemple de
Montréal. En 1903, avec l'adoption de la Loi sur les cités et
villes, plus particulièrement en vertu de l'article 555, on
conférait aux municipalités régies par la Loi sur les
cités et villes le pouvoir d'établir par règlement une
semblable cour de recorder, une cour d'archives. C'est en 1952, le ministre l'a
mentionné tantôt, qu'on a remplacé l'appellation de Cour du
recorder par Cour municipale.
En 1988, on compte pas moins de 130 cours municipales.
Évidemment, ce nombre exclut les cours municipales de Montréal,
de Laval et de Québec qui jouissent d'un statut qui est
déterminé par la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ce statut
spécial est notamment accordé en fonction du volume des
activités judiciaires qui sont regroupées dans ces trois
municipalités de Montréal, de Québec et de Laval. Donc,
tout ce qui a été dit par le ministre au sujet de ce projet de
loi 85 et tout ce que je dis moi-même ne s'applique qu'aux autres cours
municipales à l'exclusion des territoires de Montréal,
Québec et Laval. Si on exclut Montréal, Québec et Laval,
il y a au Québec précisément 400 municipalités sur
1474 qui sont desservies par une cour municipale. Bref, pour les
députés qui nous écoutent, il y a grosso modo un peu plus
d'un quart des municipalités qui ont une cour municipale et, donc,
environ 1000 municipalités qui n'ont pas ces cours municipales. Les
motifs qui ont été évoqués à toutes les
époques pour la création d'une cour municipale sont multiples.
J'ai mentionné tantôt la plus importante d'entre elles qui est
l'accessibilité des citoyens à un mode de justice rapide, peu
coûteux qui ne comporte pas le décorum trop formel des autres
cours. Il y a également un élément de proximité. Si
la Cour municipale est à l'intérieur de ces 400
municipalités, c'est plus facile pour le citoyen en revenant de son
travail en fin d'après-midi ou le soir de se déplacer et de se
présenter devant la Cour municipale, ce qui a l'énorme avantage
de faire en sorte que le citoyen ou la citoyenne qui a un
démêlé judiciaire n'est pas obligé de perdre une
journée de travail.
La Loi sur les cités et villes n'énonce aucun
critère particulier pour la création d'une cour municipale. Dans
les faits, il semble que
c'est strictement là une décision ministérielle du
ministre de la Justice qui soupèse l'opportunité de créer
ou non une cour municipale à tel endroit. La source du projet de loi est
évidemment une sérieuse remise en question de la part des
tribunaux judiciaires relativement à l'indépendance et à
l'impartialité des cours municipales. L'arrêt ou la jurisprudence
phare en cette matière, si l'on veut, est évidemment la
décision Valenter de la Cour suprême du Canada qui a établi
les normes et les critères nécessaires à assurer
l'indépendance et l'impartialité des juges, un arrêt qui
est souvent cité en droit administratif et qui, ici, a servi à
éclairer le législateur dans la prise de décisions
concernant certaines des dispositions législatives contenues dans le
projet de loi.
Évidemment, ce sont les chartes des droits et libertés qui
ont amené les contestations de la juridiction de certaines cours
municipales, en particulier l'article 11c de la charte canadienne et l'article
23 de la charte québécoise. Au Québec, on a connu
rapidement le dossier Robitaille contre la ville de Vanier où l'on
remettait en question le statut du juge. À ce moment-là, la Cour
supérieure avait rejeté la prétention des appelants. Il y
a également eu l'affaire Turcotte contre le Procureur
général du Québec. Il y a eu plusieurs autres
décisions à cette époque. Dans le dossier Braconnier, la
Cour supérieure elle-même s'est penchée récemment
sur le statut des juges municipaux, donc sur l'indépendance et
l'impartialité des juges municipaux. Le projet de loi vient donc offrir
à ces cours municipales une assise juridique valable à l'exercice
de la fonction de juge municipal. (15 h 50)
Comme je l'ai dit tantôt relativement à son contenu, vous
me permettrez, à la suite des propos du ministre, de reprendre certains
éléments de ce projet de loi. D'abord, en ce qui concerne
l'éligibilité des avocats à exercer cette fonction de juge
municipal, retenons que les notaires, pas plus ici que dans la Loi sur les
tribunaux judiciaires, n'auront droit de cité sur les bancs de juges. Il
n'y a pas de changement à ce chapitre, à la grande
déception de mon collègue d'en face qui a exercé cette
profession notariale. J'ai moi-même déjà eu l'occasion de
sensibiliser le ministre de la Justice de l'époque, je crois, et
peut-être le ministre de la Justice actuel à l'importance de
réviser cette exclusion des notaires de l'accession à la
magistrature. Je dois répéter au ministre de la Justice actuel
que je partage l'avis du bâtonnier actuel du Barreau du Québec
qui, lui également, verrait d'un bon oeil des modifications à nos
lois pour permettre aux notaires qui, on le sait, exercent dans un cadre
juridique, d'exercer cette fonction de juge. Et, puisqu'on parle de juges
municipaux, l'occasion aurait probablement été belle de faire en
sorte de permettre aux notaires d'accéder à ce métier de
juge municipal.
Donc, en ce qui concerne l'admissibilité des personnes à
être nommées juges, il n'y a aucun changement sur le métier
qu'elles doivent avoir exercé. Cependant, il y a un changement que vient
de souligner le ministre en ce qui concerne la durée d'exercice du
métier d'avocat nécessaire à la nomination de juge. Cette
durée actuelle est de cinq ans ou trois ans, selon le cas, et le projet
de loi stipule clairement à son article 3 que le juge municipal est
nommé parmi les avocats ayant exercé leur profession pendant au
moins dix ans. En réalité, je pense bien qu'à peu
près, sinon la totalité, du moins la presque totalité des
juges municipaux en exercice au Québec ont ces dix ans de pratique et
l'avaient si on parle de façon récente et contemporaine. Ceci
n'amènera aucune bousculade. De toute façon, les juges actuels
sont reconnus comme ayant été nommés en vertu de la
présente loi.
Une deuxième modification très importante consiste
à modifier la durée de la nomination. Aujourd'hui, dans
l'état actuel du droit, les juges municipaux sont nommés "durant
bon plaisir". Une formule qu'on connaît, bon plaisir du
lieutenant-gouverneur. Cela veut dire en pratique que le plaisir du
lieutenant-gouverneur s'exerçait pour les nommer et, en
réalité, dans la très grande majorité des cas, que
le bon plaisir se continuait jusqu'au moment où le juge n'était
plus apte, à cause de l'âge, à exercer son métier de
juge municipal. Le projet de loi est clair sur cet aspect comme sur les autres
et prévoit que cette notion de bon plaisir est modifiée pour
être remplacée par un concept semblable à celui qui existe
dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, à savoir que les juges
municipaux seront dorénavant nommés tant qu'ils auront bonne
conduite. En deux mots, tant qu'ils ne seront pas destitués. Et ce n'est
pas un simple décret du Conseil des ministres qui pourrait donc
destituer ou congédier un juge municipal. Dorénavant ce sera sa
conduite qui sera le critère de durée d'un juge municipal.
Une troisième modification d'importance est le fait que
maintenant, les juges municipaux seront soumis à un code de
déontologie enrichi, adapté à l'exercice de leur fonction
de juge municipal. Je dis "adapté" parce que le projet de loi tient
compte du fait que, par exemple, le juge municipal ne pourrait pas, directement
ou indirectement, accepter de représenter la municipalité sur le
territoire de laquelle il agit comme juge municipal. Donc, un code de
déontologie ou des règles de déontologie qui sont celles
de la Loi sur les tribunaux judiciaires, mais adaptées à leurs
fonctions municipales.
Une quatrième modification concerne la rémunération
des juges municipaux. Là-dessus, j'aurai quelques questions à
poser au ministre lors de l'étude détaillée du projet de
loi. Mais retenons, simplement pour les fins de nos propos en deuxième
lecture, que dorénavant - et c'est là une amélioration
importante du projet de loi - les juges municipaux seront choisis,
nommés à partir d'une procédure qui existe
déjà pour les
juges de la Cour du Québec, c'est-à-dire à partir
de la procédure du concours et de la sélection par jury. Il
s'agit là, à mon point de vue, M. le Président, d'une
disposition importante du projet de loi et d'une disposition tout à fait
souhaitable à l'intérieur du projet de loi 85.
Je l'ai dit tantôt, je poserai au ministre quelques questions
là-dessus lors de l'étude détaillée du projet de
loi. On peut d'ores et déjà souligner que cette procédure
est à peu près unique au Québec, en tout cas le
Québec a été la première province du Canada,
à se doter de cette procédure de sélection des juges. On
sait qu'au niveau fédéral, les juges des cours
supérieures, des cours d'appel et de la Cour suprême, sont
nommés à partir de l'expression pure et simple de la
volonté politique du pouvoir exécutif. Cette procédure de
sélection est importante parce que les juges qui sont nommés
à la suite de cette procédure de sélection
perçoivent bien que si le pouvoir exécutif a exercé un
certain choix, il n'en demeure pas moins qu'ils ont été reconnus
comme aptes à exercer cette fonction-là par un jury qui n'est pas
le pouvoir exécutif comme tel. On se souviendra du débat qui a eu
lieu au Québec pendant longtemps où l'on signalait que plusieurs
déploraient le fait que la nomination de juges était une
récompense politique. Eh bien, avec cette procédure de
sélection, le pouvoir exécutif se garde un certain
contrôle, se garde le mot final, mais l'exerce à partir de
l'éclairage fourni par un jury. C'est donc là une façon de
procéder qui est souhaitable et qui est étendue par le projet de
loi 85 à l'ensemble des juges municipaux qui seront nommés
après l'adoption de la présente loi.
Également, et c'est le sixième point, en ce qui concerne
le serment - c'est un point qui avait été soulevé par les
tribunaux qui ont eu à contrôler la légalité des
cours municipales - la prestation du serment, maintenant le projet de loi
prévoit une formule spécifique quant à la prestation de ce
serment. Enfin, en ce qui concerne la destitution, je l'ai mentionné
tantôt, la destitution du juge municipal qui pourrait se faire par simple
décret - cela n'a pas été exercé, nous a dit le
ministre tantôt, depuis une trentaine d'années - mais cette
destitution-là, dorénavant, devra suivre la procédure
déjà prévue à la Loi sur les tribunaux
judiciaires.
En terminant, M. le Président, vous aurez compris que
l'Opposition est prête à étudier ce projet de loi en
commission parlementaire, à procéder à l'étude
détaillée de ce projet de loi. Nous aurons, comme je l'ai
mentionné tantôt, plusieurs questions à poser au ministre,
notamment sur une partie des recommandations qui ont été faites
par le Barreau du Québec qui a fait connaître, en date du 12
décembre, son avis sur le projet de loi 85. Mais il est utile, je pense,
à ce stade-ci, de mentionner que ce projet de loi est en bonne partie -
je pense qu'il faut leur donner le mérite qui leur revient - dû
aux travaux d'un groupe d'étude qui a été formé par
le député de D'Arcy McGee, alors ministre de la Justice, un
groupe d'étude qui a fait le tour de la question des cours
municipales.
M. le Président, en terminant, nous sommes prêts à
adopter ce projet de loi à cette étape de la deuxième
lecture, et je vous remercie.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le ministre de la Justice pour l'exercice de son droit de
réplique. (16 heures)
M. Gil Rémillard (réplique)
M. Rémillard: Je retiens de l'intervention du
député de Taillon qu'il semble appuyer les grandes lignes qui
sous-tendent ce projet de loi 85. Je sais que nous pourrons étudier
certains points article par article, entre autres en ce qui regarde la
rémunération qui pourra se faire par décret
gouvernemental.
Il y a aussi la question du choix que nous faisons dans cette loi, soit
que les juges municipaux ne seront pas des juges à temps plein,
exclusivement juges municipaux, mais pourront aussi exercer leur profession
d'avocat. Le député de Taillon faisait allusion à une
lettre datée du 12 décembre que j'ai reçue hier
après-midi du Barreau du Québec qui, pour sa part, est favorable
à ce que les juges municipaux soient à temps plein, donc
exclusivement attachés à cette charge de juge municipal. C'est la
position qu'a soutenue Me Hébert qui représentait le Barreau dans
ce groupe de travail qui a fait un rapport tout à fait exceptionnel, M.
le Président, et je voudrais le souligner. Je voudrais les remercier
pour l'excellent travail qu'ils ont accompli. Ce groupe de travail a
étudié tous les aspects concernant les cours municipales. Et je
voudrais bien souligner que ce que nous apportons aujourd'hui avec ce projet de
loi 85, ce sont des précisions quant au statut de juge municipal.
Cependant, en ce qui regarde les cours municipales d'une façon
générale, nous reviendrons au printemps avec une loi-cadre.
Il y a des sujets que nous n'abordons pas comme ces municipalités
qui sont sous l'autorité du Code municipal et qui, selon nos lois
actuelles, n'ont pas la possibilité d'avoir des cours municipales. Cela
cause des situations difficiles dans bien des municipalités. J'aimerais
remédier à cette situation en permettannt à ces
municipalités, qui sont sous la juridiction du Code municipal, de
pouvoir avoir des cours municipales, elles aussi, pour faire appliquer leurs
règlements.
Nous reviendrons au printemps avec un projet de loi en ce sens, un
projet de loi-cadre sur l'ensemble des cours municipales. Cependant, pour le
moment, nous précisons le statut du juge municipal. Et je veux donc
remercier tous ceux qui ont participé à ce groupe de travail qui
a accompli un travail remarquable. Le projet de loi reprend les grandes
conclusions de ce rapport du groupe qui était présidé par
M. Jean Hétu; en étaient également membres, M. Gilles
Cadieux,
Me Louise Canac-Marquis, M. Louis Legault, M. Dennis Pakenham, M.
Patrick Théroux, M. Jean-Claude Hébert, M. Marc
Laperrière, Mme Jacqueline Monette, Mme Julienne Pelletier et M.
Pferre-E. Audet, secrétaire. Je tiens donc à les remercier. Ce
que nous retrouvons dans ce projet de loi, je tiens à le dire, sont les
grandes conclusions que nous retrouvons dans le rapport de ce groupe de
travail. Voilà, M. le Président, nous en discuterons plus
à fond lors de l'étude article par article du projet de loi.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 85, Loi sur
certains aspects du statut des juges municipaux, est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je fais motion pour
déférer le projet de loi 85 à la commission des
institutions pour étude détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler à nouveau l'article 45 du feuilleton, s'H vous
plaît.
Projet de loi 37 Reprise du débat sur
l'adoption
Le Vice-Président: À l'article 45 du feuilleton,
nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du
projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu,
présenté par M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Je vais reconnaître à ce
moment-ci, comme prochain intervenant, M. le député de
Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président.
Il me fart plaisir d'intervenir dans le débat sur le projet de
loi 37 puisqu'on est dans la phase finale de son adoption. M. le
Président, beaucoup de choses ont été dites sur le projet
de loi 37. Cependant, je remarquais ce qui se passait ce matin en Chambre,
alors qu'on a dû recourir à des mesures assez exceptionnelles,
c'est-à-dire que le président a dû appeler six votes pour
approuver des amendements déposés soit pas le ministre ou par ma
collègue, la députée de Maisonneuve. C'était un peu
aberrant de voir que les 122 députés de l'Assemblée
nationale ont dû être appelés à voter sur des
amendements. On sait que d'habitude, un projet de loi est adopté ou
rejeté dans son ensemble. De fait, la technicité à savoir
si tel ou tel amendement doit être adopté ou non se fait en
commission parlementaire.
Pourquoi a-t-on assisté à ce scénario? Pourquoi
a-t-on assisté à cette façon assez inusitée ici, en
Chambre, de procéder à six votes sur des modifications au projet
de loi 37? Ce n'est pas compliqué, M. le Président. Cela fait
suite à la décision du gouvernement, la décision du
ministre d'abord de mettre le bâillon sur la loi 37, c'est-à-dire
de ne pas aller plus loin en commission parlementaire, et ce, après
à peine sept jours de travail en commission parlementaire.
On l'a mentionné précédemment mais je tiens
à le répéter, je trouve que c'est une mesure tout à
fait inacceptable et que c'est passer outre le droit des parlementaires. Je
peux comprendre quand le gouvernement s'aperçoit, après des
semaines et des semaines en commission parlementaire, que l'on piétine,
qu'on décide de dire qu'on va prendre des procédures pour
accélérer. Mais, quand ça s'est produit la semaine
dernière, M. le Président, à deux semaines de la fin de la
présente session, que le gouvernement a décidé d'agir de
cette façon, c'est tout à fait incompréhensible, d'autant
plus que le ministre, dans ce dossier, à mon avis, n'a pas fait le
travail qu'il aurait dû faire, c'est-à-dire, dans un premier
temps, déposer les amendements quand c'était le temps en
commission parlementaire.
M. le Président, quand on a un projet de loi de 134 articles et
que l'on commence à discuter article 1, article 2, il y a des questions
qui se posent, il y a même plusieurs modifications qui sont
apportées. Je dois dire que dans le cas qui nous préoccupe, le
projet de loi 37, beaucoup d'amendements ont été apportés
dès le début. Mais le ministre a décidé de garder
en poche quelque 100 amendements à 134 articles qu'il n'a pas
dévoilés à la commission parlementaire. C'est le
scénario auquel on a dû assister ce matin, où ces
amendements n'ont pas été étudiés en commission
parlementaire. Un projet de loi de 134 articles, aussi important que la
réforme de l'aide sociale, on comprendra que c'est tout à fait
inadmissible, et encore plus parce qu'il y avait des règlements
accompagnant le projet de loi qui devaient être rendus publics.
Quand on prend connaissance de la loi, pratiquement à tous les
articles ou à tous les deux articles, du moins, on réfère
aux règlements qui vont être en vigueur, c'est-à-dire aux
règlements par lesquels on va définir ce qu'est
un conjoint de fait, ce qu'est ceci ou cela. Dans le cas qui nous
préoccupe, le ministre n'a jamais déposé les
amendements.
J'écoutais le ministre ce matin, en Chambre, qui disait:
Écoutez, tout le monde est d'accord avec nous pour qu'on procède
enfin à la réforme et qu'on adopte le projet de loi 37. Je pense
qu'on n'a pas précisément la même lecture de la situation
autant de ce que j'ai pu entendre que des commentaires de tous ceux qui sont
intervenus dans le dossier ou qui ont voulu intervenir. Et je ne me
réfère pas à il y a trois mois, deux mois, une semaine, je
me réfère aux journaux d'hier, le lundi 12 décembre, dans
Le Journal de Québec. On avait une liste de plusieurs centaines
de groupes et d'associations, plus précisément 1668 groupes qui
sont signataires d'une déclaration dans laquelle ils réclament le
retrait du projet de loi 37. Ce ne sont pas des groupes qui sont minoritaires.
On parle des ACEF, des CLSC, des associations dans tous les milieux qui sont
touchés.
Je comprends mal que le ministre, ou plutôt je comprends bien que
le ministre ait décidé de passer outre cela et de dire, comme le
premier ministre l'a dit en Chambre: Écoutez, un sondage récent a
été rendu public et dit que 94 % des gens sont d'accord avec
ça. Ma collègue, le députée de Maisonneuve, a
éclairci le point. Je tiens à préciser que le petit
sondage qui a été fait auprès du Conseil du patronat n'est
pas du tout, et particulièrement dans le projet de loi 37 où il
s'agit de changer les règles du jeu concernant les assistés
sociaux, représentatif, vous en conviendrez. (16 h 10)
II y a aussi une lettre qui a été publiée dans les
médias de la région de Québec dimanche et qui est
signée par des gens quand même assez importants: Mgr Jean-Guy
Hamelin, évêque de Rouyn-Noranda et président du
comité des affaires sociales de l'Assemblée des
évêques du Québec et par plusieurs dizaines d'autres
personnes, présidents ou présidentes d'associations ou de groupes
très importants au Québec. Comment se fait-il que tous ces gens
disent au ministre: Cela n'a pas de sens ce que vous mettez dans votre projet
de loi, la direction que vous prenez n'atteint pas du tout les objectifs
fixés?
On sait que ça fait longtemps, ça fait un an et plus, qu'a
commencé cette reforme de l'aide sociale et, finalement, moi, si
j'étais à la place du ministre, vous comprendrez que je ne serais
pas du tout fier du résultat, de ce qui sort de là, pas du tout
fier, parce que entre ce qu'on a tenu comme propos, entre la volonté qui
semblait vouloir se manifester d'apporter une réforme en profondeur et
ce qu'on apporte, M. le Président, dans les faits, dans l'application,
dans les détails... Tout ce qu'on a pu voir dans les articles de la loi
de même que dans les amendements dont on a pu prendre connaissance ces
derniers jours, ces dernières heures n'apporte pas, dans l'application,
dans l'applicabilité de la loi cette réforme à laquelle on
était en droit de s'attendre.
Qu'est-ce que ça va créer? Cela va créer une
situation pire que celle que nous avons actuellement. Pire dans le sens
suivant. Je pense que toute la notion des aptes et inaptes... Mais la question
des aptes au travail, c'est-à-dire les gens bénéficiaires
de l'aide sociale - et là ce n'est pas 10 000, 50 000 personnes - il
s'agit de tout près de 600 000 personnes, c'est 10 % ou tout près
de la population du Québec, incluant tout le monde. C'est du monde 600
000 personnes bénéficiaires de l'aide sociale. On leur dit:
Écoutez, voici la façon dont on a l'intention de procéder
dorénavant pour vous permettre d'avoir accès au marché du
travail. Là, dans mon livre à moi, le trou le plus béant,
c'est qu'on n'a pas mis sur pied - même si on dit qu'on va le faire, ce
n'est pas encore fait, on ne l'a pas fait depuis trois ans, on ne l'a pas fait
depuis la dernière année - de programmes d'adaptation pour
être vraiment capables d'aider les gens bénéficiaires de
l'aide sociale, des gens qui doivent actuellement se faire vivre pour toutes
sortes de raisons.
Il y en a plusieurs là-dedans qui sont des gens drôlement
valables. On en rencontre dans nos bureaux de comté. Mais on n'a pas mis
à la disposition de ces gens les outils pour qu'ils puissent avoir
accès à ces emplois. On sait que depuis les quatre, cinq, sept
dernières années, cela évolue, et cela change beaucoup
dans le monde du travail, dans l'industrie. Toutes les nouvelles
réformes tant au niveau des productions que de la façon dont on
fonctionne maintenant... Même au plan bureaucratique, on ne peut plus...
Une personne à 50 ans, 55 ans qui voudrait revenir dans le milieu du
travail et qui est bénéficiaire de l'aide sociale actuellement,
si elle n'est pas formée en conséquence, ne pourra jamais
accéder à un emploi.
Le problème est un problème d'offre et de demande et le
problème c'est qu'il y a beaucoup d'emplois, que les employeurs
cherchent actuellement, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de
possibilités pour des gens d'avoir des emplois. Il y en a des emplois.
L'économie va bien. Il y en a des possibilités. Pas besoin
d'aller loin. Seulement à ouvrir le journal La Presse, le samedi,
vous avez des cahiers complets de centaines et de milliers d'emplois. Comment
se fait-il qu'on n'est pas capable de les combler avec 10 % de chômage,
M. le Président? C'est une question fort simple. On n'est pas capable de
faire ce que j'appellerais le "match". On n'est pas capable de faire le
jumelage entre les emplois qui sont offerts et les gens qui sont actuellement
sans emploi. Parmi ces gens sans emploi, il y en a 600 000 qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale.
Si le gouvernement du Québec ne met pas sur pied, malgré
toute la réforme qu'il vient d'entreprendre des programmes d'aide
précis pour être capable de dire à ces gens: Voici, vous
allez passer de la formation que vous avez à telle
formation et on va pouvoir vous aider à retourner sur le
marché du travail, parce que vous allez avoir les qualifications... Le
problème, c'est que ces gens n'ont pas les outils nécessaires.
Ils ne seront jamais capables. Ils vont rester des assistés sociaux. Ce
sera l'État qui devra continuer. Malheureusement, je dois conclure, M.
le Président. Je vais vous référer à Marcel Adam du
journal La Presse ce matin, parce que le ministre disait: Trouvez-moi un
éditorialiste qui est contre ça. Marcel Adam dit qu'il est quand
même odieux que le gouvernement ait déposé une centaine
d'amendements à la fin des travaux et aussi qu'il ait mis la guillotine.
Il parie aussi de la question des règlements.
Tout ça pour vous dire, M. le Président, en ces quelques
minutes qui me sont accordées que le projet de loi 37, même s'il
va passer par la loi de la force, par la loi du nombre est quand même un
projet de loi qui est tout à fait inadmissible, selon nous, et si le
ministre, malgré tout, décide de passer outre, il devra en subir
les conséquences et porter l'odieux de cette loi. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Chambly.
M. Gérard Latulippe
M. Latulippe: M. le Président, je le répète
et nous ne le répéterons jamais assez, la réforme de
l'aide sociale est socialement souhaitable. Malheureusement, nous avons
assisté à une formidable tentative de désinformation de la
part de l'Opposition. Il est particulièrement dégradant que l'on
utilise les plus démunis de notre société afin de donner
la respiration artificielle à un parti politique, le Parti
québécois, dont personne ne veut plus. Il est
particulièrement inquiétant que l'Opposition tente de prendre en
otage les assistés sociaux, qu'elle attise leur inquiétude pour
des fins électoralistes.
Il est particulièrement inquiétant que l'on tente de
manipuler l'opinion publique en laissant croire que de nombreux organismes et
institutions, en particulier des secteurs public et parapublic, sont contre la
réforme. J'entendais, il y a quelques instants, le député
de Bertrand faire état de cette supposée longue liste de groupes
qui auraient signé une déclaration exigeant le retrait du projet
de loi 37. M. le député de Bertrand a probablement lu les
journaux, mais il n'a certainement pas vérifié à la source
la véracité de cette déclaration. Eh bien, dans ma
région - je m'adresse au député de Bertrand - il y a
l'hôpital Charles-LeMoyne qui est un des centres hospitaliers les plus
importants sur la rive sud de Montréal. Le nom du centre hospitalier
Charles-LeMoyne apparaît dans cette liste dont l'Opposition fait
grandement état et qui apparaît dans les médias
écrits aujourd'hui. Permettez-moi de vous lire ce que le directeur
général de l'hôpital Charles-LeMoyne écrivait cette
semaine, le 13 décembre, à propos de cette supposée
déclaration d'un groupe de signataires appartenant aux secteurs public
et parapublic, et je cite M. Montpetit: "La présente a pour but de vous
informer que l'hôpital Charles-LeMoyne n'a en aucun temps
étudié le projet de loi sur la réforme de l'aide sociale,
ni ne s'est prononcé de quelque façon que ce soit quant à
cedit projet de loi." Son nom apparaît dans cette fameuse liste à
laquelle l'Opposition fait état.
Une voix: C'est effrayant.
M. Latulippe: Supercherie, M. le Président. On tente de
manipuler les plus démunis de notre société, les
assistés sociaux, en faisant croire que les organismes et institutions
des secteurs public et parapublic ont étudié le projet de
réforme et se sont prononcés officiellement' comme organismes
contre le projet de réforme. Je le répète,
supercherie!
Je répète qu'il est aussi particulièrement
dégradant de faire de la démagogie sur le dos des
bénéficiaires de l'aide sociale en utilisant l'arme de la peur.
"Vos prestations seront coupées", clame la députée de
Maisonneuve. "Les jeunes sont victimes de discrimination", clame la
députée de Maisonneuve. "Les femmes, chefs de familles
monoparentales, sont oubliées, négligées,
méprisées", clame la députée de Maisonneuve. (16 h
20)
Je m'adresse à vous, les bénéficiaires de l'aide
sociale, qui avez peur ou qui avez eu peur à la suite des propos de
l'Opposition. Je m'adresse à vous, tout d'abord les jeunes, qui
commencez la vie au seuil de la pauvreté et qui souvent êtes
tentés par le désespoir. Le projet de réforme vous donne
à tous ceux qui acceptez de participer à une mesure
d'employabilité un taux de 487 $. Vous aviez 178 $
antérieurement. Vos prestations seront donc haussées
substantiellement. Je vous rappelle, les jeunes, que le chef du Parti
québécois, Jacques Parizeau, en 1984, recommandait le maintien de
la contribution parentale. Or, le projet de loi abolit cette contribution de
base de 100 $ par mois. Elle ne subsistera que pour les personnes
dépendantes, une contribution proportionnelle aux revenus de leurs
parents parce qu'il ne serait pas socialement acceptable d'abolir toute
contribution dans le cas où un jeune dépendant a des parents qui
a des revenus substantiels de 40 000 $, 50 000 $, 60 000 $ par année. Et
même malgré tout, lorsque les parents refusent, lorsque le jeune
est en rupture de famille, lorsque les parents sont introuvables, on pourra
toujours, selon le projet de loi actuel, faire en sorte que ce jeune soit
traité au même niveau que toute personne d'un âge plus
avancé.
Je m'adresse à vous, ceux et celles qui à cause de votre
état de santé ou à cause finalement de votre handicap,
êtes empêchés de participer à des mesures de
développement
d'employabilité, ceux que la réforme appelle les Inaptes.
Vous pourrez jouir de 100 000 $ de plus. J'entendais ce matin, Mme la
députée de Maison-neuve vous dire comment vous allez être
pénalisés par le projet de réforme. Vous êtes 100
000 personnes; c'est environ 100 000 000 $ de plus qui vous seront
accordés. Les personnes seules parmi vous, 78 000 personnes, sont dans
cette catégorie que l'on considère des inaptes au travail. Vous
aurez une augmentation de près de 100 $ par mois; de 487 $ votre
barème passera à 585 $ par mois.
Où est la campagne de peur de l'Opposition dans un cas semblable?
Je m'adresse à vous, les chefs d'une famille monoparentale que Mme la
députée de Maisonneuve a tenté de terroriser, vous, dont
le barème pour ceux qui ont un enfant, si on veut donner cet exemple,
passe de 662 $ à 720 $ pour ceux qui participent à des mesures
d'employabilité. Je m'adresse à vous qui êtes chef d'une
famille monoparentale dont l'enfant ne fréquente pas l'école et
vous qui avez, à ce moment-là, fait
délibérément le choix de rester avec cet enfant à
la maison. Votre barème passera de 662 $ à 690 $. Où est
la campagne de peur de l'Opposition dans un cas semblable?
Encore vous, madame, monsieur, chef d'une famille monoparentale, vos
frais de garde seront assumés: 10 $ par jour pour ceux qui participent
à un programme d'employabilité, 50 % pour ceux qui participent au
programme APPORT. Et c'est encore vous, les chefs de famille monoparentale qui
profiterez le plus du programme d'allocations au logement qui a
été spécialement conçu pour les familles avec
enfants. 52 000 familles pourront en profiter. Elles pourront recevoir un
chèque additionnel chaque mois pouvant aller jusqu'à 52 $ si vous
payez un taux de loyer qui est supérieur à un barème de
base. Pour ceux dont la composante loyer est importante, qui en particulier
sont des personnes chefs de famille monoparentale, ces personnes pourront jouir
d'une allocation additionnelle.
M. le Président, je suis convaincu que la réforme du
ministre André Bourbeau constitue un effort courageux et sérieux
pour aider les bénéficiaires de l'aide sociale à
réintégrer le marché du travail. Je suis convaincu que
l'immense majorité des personnes inscrites à l'aide sociale ne le
sont pas par goût. Je crois à la dignité de ceux ' et de
celles qui vivent de la sécurité du revenu. Il est
indécent que l'Opposition parle de travail forcé en rapport aux
mesures d'incitation au travail. Le ministre instaure des mesures pour aider la
réintégration des assistés sociaux au marché du
travail. Mais, en conclusion, il va falloir avant tout un effort collectif des
partenaires sociaux, des syndicats, du patronat et des organismes
communautaires pour atteindre l'objectif que nous souhaitons tous, que toute la
société québécoise souhaite, qu'on soit dans
l'Opposition ou au pouvoir, c'est-à-dire une réintégration
des assistés sociaux au marché du travail afin de leur redonner
la dignité à laquelle ils ont droit. Et c'est dans cet effort de
réintégration que réside le véritable projet de
société qui doit et peut prendre naissance à partir de la
réforme de l'aide sociale du ministre André Bourbeau.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: M. le Président, c'est avec grand
intérêt que j'ai écouté le discours du
député de Chambly. Je crois qu'il y a là des choses qu'il
faut rectifier. Le député de Chambly est le premier en cette
Chambre à parler de terreur, de faire peur et à donner des
exemples pour essayer de prouver que l'Opposition est à
côté de la coche. Il a cité un exemple. Il nous a dit: Le
centre hospitalier Charles-LeMoyne ne s'est pas prononcé
là-dessus, alors, la liste que nous clame l'Opposition, la liste des
appuis des 1668 organismes, tel qu'on le voyait, bien écrit, qui
demandaient le retrait du projet de loi 37, ce n'est pas vrai, cela n'existe
pas, c'est de la foutaise, ce sont des peurs de l'Opposition, des
émanations spirituelles de l'Opposition qui ne sont pas axées sur
la réalité.
M. le Président, vérifiez la liste mot par mot, nom par
nom. Le seul exemple qu'il a pu donner pour dire que ce n'était pas vrai
n'apparaît pas sur la liste. Le centre hospitalier Charles-LeMoyne n'y
est pas. Dans la liste des intervenants, des 57 groupes et individus qui ont
fait parvenir des télégrammes au premier ministre, le centre
hospitalier Charles-LeMoyne n'est pas là. On nous a donné un
exemple pour essayer de démontrer que ce n'était pas le cas et
c'est un exemple qui - ma foi - reste douteux. Après cela, on vient nous
dire que l'Opposition clame des choses qui ne sont pas réalistes. Qu'il
en amène, des exemples. Qu'il nous dénonce. Qu'il amène
des lettres semblables pour dire que les noms qui sont sur la liste, ce n'est
pas cela, pour que tout le monde se rétracte par rapport à ce
qu'il a avancé. Qu'il en donne, des noms, et non pas uniquement un
exemple qu'il a pris on ne sait où pour venir nous dire que ce n'est pas
vrai.
Est-ce qu'il va aussi venir dénoncer les signatures et dire que
ce n'est pas réaliste ou que ce n'est pas la réalité
lorsqu'on a une lettre écrite par l'ensemble des évêques du
Québec appuyés par toutes sortes d'associations? On peut donner
les noms: Mgr Jean-Guy Hamelin, Gérald Larose, Michel Rouleau, Yvette
Brunet, Gérald MacKenzie, Yves Vaillancourt, Jean-François
Robichaud, tous des gens qui représentent des groupes importants dans
notre société. Des conseillers municipaux, des
évêques et des représentants syndicaux qui ont
envoyé une lettre au premier ministre disant: Nous demandons le retrait
du projet de loi 37. Cela non
plus, ce ne sont pas des émanations de l'Opposition, ce ne sont
pas des inventions, des incantations qui ne seraient prises nulle part.
Mme la Présidente, actuellement, le gouvernement ne sait plus
derrière quoi se réfugier pour prétendre défendre
un projet de loi sur lequel il dit avoir l'appui de la population. Le ministre
sait très bien que son projet de loi n'a pas l'appui de la population.
C'est pour cela, d'ailleurs, qu'il s'est empressé de mettre le
bâillon, de passer tout de suite à l'adoption en troisième
lecture sans qu'on prenne le temps d'en discuter en Chambre. (16 h 30)
Dans une lettre signée par plusieurs députés
libéraux qui siègent actuellement à l'Assemblée
nationale, entre autres par le député de Chambly, on nous disait:
C'est catastrophique! C'est épouvantable! Imaginez-vous! On a
siégé 109 heures et entendu la présentation de 107
mémoires sur le projet de réforme de l'aide sociale. D'abord une
chose, Mme la Présidente. Si on a entendu 107 mémoires, c'est que
des gens qui avaient quelque chose à dire là-dessus et que,
probablement, ils n'étaient pas tous d'accord. Quand on est d'accord
avec une démarche, généralement, on laisse aller le
gouvernement, on laisse aller le ministre. On lui donne un coup de fil. On lui
dit: D'accord, c'est parfait! C'est beau! On n'a pas à faire de
représentations supplémentaires avec tout ce que ça
implique comme coûts, comme dépenses d'énergie et de temps
pour présenter des mémoires devant l'Assemblée nationale.
107 sont venus. Ce sont eux-mêmes qui le disent. Il y a toute une liste
de députés libéraux qui l'ont signée, y compris le
député de Chambly.
Et puis là, tout de suite après, ils se scandalisent
d'avoir siégé 109 heures; 109 heures pour 107 mémoires,
Mme la Présidente, c'est à peine une heure par intervention.
Est-ce que c'est scandaleux d'avoir pris une heure par intervenant, par groupe
intéressé à faire des revendications, à faire
valoir son point de vue devant le ministre? Est-ce qu'il y a là
scandale? Est-ce qu'il y a là matière à imposer un
bâillon? À justifier d'empêcher les parlementaires de parler
sur un projet de loi? Et on vient se scandaliser de la situation. On trouve
qu'on a pris trop de temps en prenant une heure par représentant. Une
heure) S'il avait fallu appliquer la même médecine en 1977 lors de
l'application de la loi 101, la Chambre n'aurait pas passé tout
l'été à siéger. C'est une procédure
antiparlementaire. Le ministre va rapidement. Il est pressé. Son
gouvernement est pressé de faire avancer un projet de loi antipopulaire,
qui compte peu d'appui dans la population. Plus ça va, plus les gens
sont contre. Et puis, on essaie de faire croire après ça que
c'est la faute de l'Opposition, l'Opposition qui brandit le spectre de la peur,
de la crainte.
Mais regardons-le, Mme la Présidente, le projet de loi, article
par article. Il y a des points là-dedans... Nous ne sommes pas les seuls
à avoir compris ce que ça représente. Tous ces
gens-là qui ont signé, qui ont fait des représentations au
ministre avaient quelque chose a dire, souhaitaient être entendus sans se
faire dire, après, qu'on avait pris trop de temps pour les entendre...
Généralement, quand on invite du monde à se
présenter en commission parlementaire, Mme la Présidente, ce
n'est pas pour leur dire: D'accord on est bien content de vous avoir entendus,
mais là, cela a été drôlement long et ça nous
a coûté cher. On doit procéder rapidement parce qu'on ne
peut pas se permettre de passer plus de temps avec vous. C'est tout simplement
ça que veut dire la lettre qui a été signée par
plusieurs députés libéraux, qui a été
publiée dans La Tribune du 2 décembre 1988 et sur laquelle le
député de Chambly a apposé sa signature. C'est ça
que ça veut dire. Cela veut dire: Bon, on a assez perdu de temps
à vous entendre, les "boys". La, c'est fini! C'est le temps qu'on
procède. On vous a entendus. On a pris 109 heures pour entendre 107
groupes, c'est beaucoup trop. Vous avez fini de chiâler, c'est assez.
Nous, comme gouvernement, sommes responsables et nous procédons, peu
importe ce que vous pensez.
Mme la Présidente, il est tout simplement normal, une fois qu'on
a entendu des groupes en commission parlementaire, qu'on prenne le temps,
après, entre parlementaires, de discuter de ces interventions-là,
d'aller à fond dans ce qu'ils voulaient dire. C'est la démarche
parlementaire normale, reconnue dans le fonctionnement de notre
société. Et on vient nous accuser aujourd'hui, alors que le
ministre, à la veille de faire déposer un bâillon ou
d'accepter que le gouvernement mette le bâillon sur le projet de foi, a
déposé une liasse d'une centaine d'amendements après
s'être assuré que personne de l'Opposition et probablement la
grande majorité de ses députés n'aient pas eu le temps de
les regarder... Il nous arrive avec ça et après, le
bâillon. Ils disent: Qu'est-ce que vous voulez? On a pris trop de temps
là-dessus. Bien non, on a pris trop de temps. 107 groupes sont venus
faire des revendications devant le gouvernement! C'est presque un record
historique. Et on se scandalise. On clame. On accuse l'Opposition de vouloir
retarder les travaux et de faire un travail malsain alors qu'on a passé
à peine 109 heures pour étudier un projet de loi d'une aussi
grande importance qui, tel que le disait le député de Chambly
lui-même au moment de signer cette lettre-là, affecte au moins 580
000 de nos concitoyens les plus démunis.
Cela vaut la peine de prendre plus de 109 heures pour parler du sort de
580 000 de nos concitoyens parmi les plus démunis! De quoi se scandai
ise-t-on? De quoi a-t-on peur dans ce gouvernement fantoche qui est
pressé de passer un projet de loi qui va mettre la guillotine, non pas
uniquement sur les parlementaires, mais sur bon nombre d'assistés
sociaux qui ont déjà
commencé, au moment où l'on se parie, à souffrir
des applications du projet de loi, avec tous ces boubous macoutes qui hantent
les rues du Québec depuis de nombreux mois, qui ont été
contestés par à peu près tout ce qu'il y avait
d'intervenants sociaux. Les seuls qui sont d'accord, ce sont ceux qui les ont
créés. Tout le monde est contre, mais ces gens-là
continuent à faire la sourde oreille. Et qu'on vienne se scandaliser
alors que le sort de 580 000 de nos concitoyens est en jeu au moment où
on se parie parce que la commission a siégé pendant 109 heures...
Et on viendra nous parier de logique après ça, on viendra nous
parler de responsabilités d'un gouvernement qui nous amène 100
amendements la veille du jour choisi pour mettre le bâillon sur un projet
de loi aussi fondamental. Après, le ministre s'amuse en Chambre à
nous faire des sourires et des courbettes en disant: L'Opposition, regardez-la,
elle est encore en train de s'exciter et de s'énerver. Bien, on a raison
de le faire et la population du Québec aussi a raison d'être
inquiète d'un comportement aussi peu respectueux de l'opinion publique,
tel que le comportement qu'adopte aujourd'hui le gouvernement en nous
présentant ce projet de loi en troisième lecture, alors que
l'ensemble des intervenants socio-économiques du Québec sont
contre. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Ungava.
M. le député de Dubuc.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci, Mme la Présidente. Je pensais qu'il y
avait des intervenants de l'autre côté.
Une voix:...
M. Desbiens: Non, ils ont reçu, semble-t-il, le message du
ministre ou du premier ministre de ne pas faire de vague, d'essayer de passer
ça en douce; l'image, donc, du gouvernement.
Mme la Présidente, à la toute dernière limite des
interventions possibles de l'Opposition pour essayer de représenter la
masse des citoyens qui vont être lésés par le projet de loi
37 sur le fameux, le- prétendu projet de réforme de l'aide
sociale, que défend maintenant... Après modifications à
deux ou trois reprises de ce projet de loi, après avoir, comme l'a si
bien souligné mon collègue d'Ungava, vu et reçu en
commission parlementaire au-delà de 100 mémoires, dont 90 % ou 95
% étaient opposés à ce projet de loi, le gouvernement
actuel et le ministre responsable l'imposent à l'Opposition. En
obligeant l'Opposition à se taire, ils essaient, par le fait même,
de faire taire aussi la population et tous les organismes, les centaines
d'organismes québécois qui ont cherché à faire
entendre raison au gouvernement. Comment en cette fin...
J'entendais le député de Chambly parier de mesures
dégradantes, d'interventions dégradantes de la part de
l'Opposition. Ce qu'il y a de plus dégradant, c'est justement la
façon dont le gouvernement actuel traite l'Assemblée nationale et
ses intervenants. C'est la façon surtout dont ce gouvernement traite
l'ensemble des personnes les plus démunies au Québec. C'est
ça qui est vraiment dégradant. Ce n'est pas le fait que
l'Opposition prenne la défense des groupes les plus démunis.
Mme la Présidente, j'ai choisi comme dernière intervention
sur ce projet de loi, puisque c'est la dernière et que le nombre de
minutes est très calculé, je pense qu'il n'y a pas de meilleure
façon d'intervenir que de faire la lecture de cette lettre qu'ont
envoyée, en désespoir de cause, qu'ont adressée au premier
ministre du Québec, M. Robert Bourassa, une liste d'intervenants, dont
l'évêque de Rouyn-Noranda, le président de la Centrale des
syndicats nationaux, l'Association des femmes autochtones, l'Association
québécoise pour la défense des retraités, la Ligue
des droits et libertés, l'Église unie du Canada, le Conseil
canadien d'action du statut de la femme, la Fédération des femmes
du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, et une
vingtaine de signataires par leur représentant. Je pense que la
meilleure façon d'intervenir à ce moment-ci, c'est de relire
cette lettre-là pour que cette dernière, qui a été
envoyée, comme je le disais, en désespoir de cause, au premier
ministre, reste, consignée au Journal des débats de
l'Assemblée nationale. (16 h 40)
Elle se lit ainsi, Mme la Présidente: "Nous nous adressons
à vous aujourd'hui pour vous demander de retirer le projet de loi 37.
Nous croyons, avec une partie importante de la population, que la
réforme de l'aide sociale proposée par votre gouvernement aura
pour principale conséquence d'appauvrir un grand nombre de personnes
assistées sociales et d'accroître les contrôles souvent
discriminatoires à l'égard de l'ensemble des
bénéficiaires. Bien que l'intention proclamée de la
réforme soit de sortir les personnes assistées sociales de la
trappe de la pauvreté, force nous est de constater que le programme
proposé par le projet de loi 37 ne correspond pas à cette
visée." Ce n'est pas moi qui parie, Mme la Présidente, je le
rappelle. C'est sous la signature d'une vingtaine de personnes
représentant des groupes autorisés. Il n'y a pas là-dedans
l'hôpital Charles quelque chose. "Non seulement l'établissement
d'un nouveau seuil de pauvreté permet-il de justifier la diminution des
barèmes d'aide, mais les personnes assistées sociales
jugées aptes au travail verront leur prestation de base
sérieusement réduite sans pourtant que votre gouvernement
s'engage au développement d'une politique de plein emploi ou qu'il
puisse garantir la mise en place de programmes d'employabilité
néces-
saires pour accueillir ces bénéficiaires. De plus, selon
le projet de loi, les prestataires qui travaillent dans un programme
d'intégration au travail ne seront pas protégés par les
lois régissant les conditions de travail."
J'interromps ici ma lecture, Mme la Présidente, pour vous
rappeler et rappeler au député de Chambly les conséquences
possibles d'un tel projet de loi. J'ai justement reçu, il y a une heure,
un appel téléphonique d'une concitoyenne du comté de Dubuc
qui a été congédiée avec cinq consoeurs de travail.
Pourquoi? Par manque de travail. Qu'est-ce que le patron lui a dit? Il lui a
dit: Je veux engager six assistés sociaux à 25 $ par semaine,
ça va être payant pour moi. Comment le ministre va-t-il faire?
Est-ce l'Opposition, M. le député de Chambly, qui apporte ces
conséquences-là? Ce sont les conséquences que cela a dans
le milieu. Il y a des patrons de petites entreprises qui sont prêts
à faire comme celui-là est en train de faire actuellement; il
vient de les congédier. Elles ont reçu leur cessation d'emploi
aujourd'hui, M. le député de Chambly, vous pouvez rire. Je
poursuis la lecture de la lettre, Mme la Présidente. "Par ailleurs, le
projet de loi introduit de nouveaux contrôles qui porteront atteinte
à la vie privée. Les personnes assistées sociales sont
déjà soumises à de multiples contrôles." Pensons aux
boubous macoutes. C'est une réflexion personnelle. Je poursuis la
lettre: "Faits et gestes de la vie privée peuvent être
requestionnés sous le moindre prétexte. Les femmes
assistées sociales déjà particulièrement
harcelées en vertu de la notion de vie maritale verront maintenant le
ministre de la Sécurité du revenu intervenir encore plus
directement dans leur vie, à un point tel que l'on a pu parler de mise
en tutelle des assistées sociales. "Certes, le projet de loi accorde en
théorie la parité aux jeunes de moins de 30 ans, mais diverses
mesures telles la contribution alimentaire des parents, la
pénalité pour le partage du logement viennent la restreindre
considérablement." Cela faisait suite à une promesse, à
des engagements du Parti libéral: la parité pour les moins de 30
ans. On comprend bien ce que voulait dire le premier ministre en Alberta,
l'autre jour, quand il disait: C'est normal qu'un gouvernement dise une chose
avant une élection et qu'il agisse différemment après
l'élection. Nietzsche, lui, disait: Ce qui distingue l'homme des autres
animaux, c'est qu'if est capable de faire des promesses.
Je poursuis la lecture de la lettre, Mme la Présidente. "Nous
croyons que le projet de loi 37 est contraire à plusieurs dispositions
de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec,
comme l'a d'ailleurs affirmé la Commission des droits de la personne. Le
gouvernement du Québec ne peut agir au mépris des droits garantis
à tous les citoyens du Québec." J'ajoute personnellement que
c'est la responsabilité de cette Assemblée nationale, des
élus de la popula- tion, qui sont les véritables
représentants de la population. Les députés
eux-mêmes qui ont à faire ce travail accordent bien plus parce
qu'on sait que, quant à moi, lorsque les ministres ont accepté la
charge de ministre, ils deviennent des fonctionnaires en titre.
Je poursuis la lettre, Mme la Présidente. "Un choix de
société s'évalue d'après le sort fait aux plus
pauvres. Nous ne pouvons accepter le choix de société que propose
le projet actuel de réforme de l'aide sociale. C'est pourquoi nous vous
demandons de retirer le projet de loi 37."
C'est la teneur complète et exacte de cette lettre,
signée, encore une fois, par une vingtaine d'associations. Tout comme
cette publicité et ces pétitions qui ont été remis
en de multiples exemplaires au gouvernement par des centaines de groupes de
partout au Québec. Le ministre peut bien prétendre avoir l'appui
de la population, oui, il a eu l'appui de la population pour des modifications
à l'aide sociale, mais il n'a jamais eu l'appui de la population pour
écraser les moins bien nantis de la société
québécoise.
Mme la Présidente, je terminerai en rappelant une dernière
fois, puisque c'est la dernière occasion qu'on a de le faire, vu le
bâillon que nous impose le gouvernement, le titre justement de cette
pétition qui a été remise, signée par des milliers
de Québécois. Attendu que le projet de loi 37 sur la
sécurité du revenu signifie un appauvrissement des personnes
assistées sociales, un accroissement de contrôle à tous les
égards, une atteinte à la dignité et à la vie
privée, une fausse parité pour les 18-30 ans, un
harcèlement en vertu de la notion de vie maritale et de la perception
des pensions alimentaires, une discrimination à l'égard de
l'ensemble des bénéficiaires, une absence de volonté
d'élaborer une politique de plein emploi, une possibilité de mise
en tutelle des personnes assistées sociales, un accroc à
plusieurs dispositions de la Charte des droits et libertés de la
personne, je ne demande plus évidemment, au nom de ces centaines de
groupes, au ministre de retirer son projet de loi 37. On sait que ce
gouvernement a fait son lit et il a choisi de réaliser cette
pensée de Victor Hugo pour ma collègue de Deux-Montagnes: C'est
de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Dubuc.
M. le député d'Ungava, sur une question de règlement.
M. Claveau: Sur une question de règlement, Mme ta
Présidente. Je voudrais rectifier un fait. C'est qu'après
vérification, effectivement l'hôpital Charles-LeMoyne
apparaît sur la liste des 1668...
La Vice-Présidente: Ce n'est pas une question de
règlement, M. le député d'Ungava. Un instant! Est-ce que
j'ai le consentement de la
Chambre pour pouvoir... Consentement. M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. Je voulais rectifier
parce qu'on me dit, après vérification, que l'hôpital
Charles-LeMoyne apparaît sur la liste. Par contre, le nom de
l'hôpital Charles-LeMoyne n'a jamais été publié sur
la partie des 235 ou 240 signataires qui a paru dans l'article du journal Le
Journal de Québec, le 12 décembre 1988.
S'il y a des erreurs éventuelles sur la liste de ceux qui ont
signé cette déclaration expédiée au premier
ministre du Québec, eh bien! à ce moment-là, ce n'est pas
à l'Opposition à se porter garante de l'authenticité de
ça. Nous travaillons sur ce qui a été publié et
effectivement rendu public. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu.
M. Bourbeau: Oui. Sur la même question de règlement
que celle soulevée par le député qui vient de nous
préciser que le nom de l'hôpital Charles-LeMoyne apparaît
sur la liste qui a été rendue publique et qu'a citée la
députée de Maisonneuve hier et qu'elle a citée encore
aujourd'hui dans son discours. Nous avons ici la lettre du directeur
général de l'hôpital Charles-LeMoyne. Celui-ci confirme que
jamais l'hôpital Charles-LeMoyne n'a fait l'étude du projet de loi
et qu'il ne s'est donc pas prononcé sur le projet de loi 37, ce qui
dément les propos du député.
La Vice-Présidente: Cela dit, M. le député
de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Compte tenu de la
rectification qui vient d'être apportée, il n'y a pas 1668 groupes
et organismes qui se sont opposés à la réforme du
gouvernement libéral en matière d'aide sociale. Il en reste donc
1667 et, du côté de ceux qui sont pour... Je pense qu'il est
important de donner le score. Du côté de ceux qui sont pour, si je
comprends bien, il en reste deux: le Conseil du patronat et le Beaver Club.
Peut-être l'hôpital Charles-LeMoyne, malgré que je vais
aller vérifier, M. le ministre, ce n'est pas tellement loin de mon
comté. Vous me dites que vous avez la lettre du directeur
général. Je prends votre parole.
Écoutez, Mme la Présidente, en dehors de l'importance de
donner le score exact aux gens d'en face en ce qui concerne la réforme
de l'aide sociale que le gouvernement libéral a amorcée
finalement à peu près durant la campagne électorale
lorsqu'il a offert une parité qu'il ne respecte pas toujours, je
voudrais simplement rappeler aux gens qui sont ici cet après-midi que
les hommes et les femmes qui sont députés faisaient
généralement d'autres sortes de travaux avant, avaient d'autres
métiers, d'autres professions. Généralement donc, nous qui
sommes ici, particulièrement des deux côtés de la Chambre,
nous avons des possibilités, des moyens. Certains ont même
été favorisés par, mon Dieu, le talent, la chance, les
occasions, les circonstances de la vie qui font qu'à peu près la
totalité des députés peuvent gagner leur vie. Ils sont
capables de se retrouver finalement dans le type de société
complexe dans lequel nous vivons, complexe quand vient le temps de se trouver
un emploi. (16 h 50)
II y a aussi une catégorie de citoyennes et de citoyens du
Québec que moi je vois, en tout cas, dans mon comté parce que
j'ai des proches dans mon quartier à Longueuil qui sont
particulièrement défavorisés. Je suis convaincu que les
gens d'en face et ceux qui placotent pendant que je parle reçoivent le
lundi dans leurs bureaux de comté des personnes qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale. Donc, assisté social dans
le sens où l'État vient les aider. À quoi? À
traverser une période difficile de leur vie. Là-dessus, les
statistiques sont importantes. Deux tiers - et on me corrigera, M. le ministre,
si je me trompe - des assistés sociaux, contrairement à la
croyance populaire, font appel à l'aide sociale une seule fois dans leur
vie et pour une période maximale de six ou huit mois. C'est ça la
réalité. La réalité, c'est qu'il y a des gens qui
se retrouvent parfois mal pris dans la vie et qui n'ont pas le talent du
ministre ou le talent du député de Frontenac ou, peut-être,
le talent du député de Dubuc - peu importe la partisane-rie - et
qui ont besoin de l'aide de l'État.
Or, précisément, à quoi sert l'État, sinon
à redistribuer, à donner à ceux qui sont moins
favorisés, moins bien nantis un peu de l'argent de ceux qui gagnent leur
vie d'une façon un peu plus facile. À quoi sert l'État
sinon à venir en aide aux gens les plus démunis dans la
société? En tout cas, moi, dans mon esprit, Mme la
Présidente, un État, un gouvernement qui se tient debout,
ça sert à soigner les gens qui sont malades, ça sert
à essayer de fournir un système d'éducation qui se tient
debout, ça sert aussi à aider les gens parmi nous qui sont les
plus mal pris. Cela s'appelle l'aide sociale. On ne peut pas faire une
réforme dans le secteur de l'aide sociale en ayant 1667 groupes et
organismes contre notre réforme. On ne peut pas faire une réforme
d'aide sociale en bâillonnant l'Opposition comme l'a fait le ministre. On
ne peut pas faire une réforme de ce secteur absolument vital parce que
c'est ça le chèque d'aide sociale à la fin du mois, dans
ce secteur absolument vital, en déposant 100 amendements comme le
ministre l'a fait ce matin et demander aux députés de voter sur
des amendements qu'ils ne connaissent pas.
Autant sur le fond du projet de loi que sur la forme,
c'est-à-dire la façon de procéder du ministre, sa
réforme de l'aide sociale est un échec lamentable pour lequel les
députés d'en face, les députés de ce
côté-ci seront appelés à
sensibiliser les lundis, les fins de semaine et les semaines qui
viennent. On en entendra parier longtemps, parce qu'on ne peut pas faire ce
type de réforme en mettant de côté l'avis de la Commission
des droits de la personne et, encore moins, en la traitant de la façon
dont le ministre l'a traitée. Il ne s'est même pas
rétracté, malgré l'opportunité que l'Opposition lui
ait offerte.
On ne peut pas, Mme la Présidente, sur le fond, opérer une
réforme semblable en écartant les éléments de
discrimination contenus dans le projet de loi. On ne peut pas faire une
réforme semblable en définissant conjoints de fait de la
façon dont le fait le ministre. Je pense que ce qui a été
dit en Chambre, cette semaine, est éloquent. Quand vient le temps de
donner ou de recevoir l'argent des contribuables, on emploie une
définition de conjoint de fait qui est différente.
Là-dessus, le ministre de la Justice, les gens d'en face semblaient
descendre des nues, descendre d'une autre planète. Ah oui, mais le
ministre des Transports a dit: Moi je suis prêt à harmoniser ma
loi avec les autres lois. On ne peut pas, toujours sur le fond, Mme la
Présidente, garder au niveau de ce projet de loi, les
éléments en ce qui concerne l'inaptitude au travail, la
contribution parentale également dans certains aspects, la protection
des lois du travail.
Là-dessus, j'insiste, Mme la Présidente. On a
donné, par la Loi sur les normes du travail, par le Code du travail, les
bases de ce que devraient être les conditions du travail décentes
au Québec, mais le ministre, pour les besoins de sa réforme de
l'aide sociale, met ça de côté. En ce qui concerne
l'abandon de l'aide de dernier recours, les articles 28 et 29 de son projet de
loi, remboursement des erreurs administratives, les mécanismes d'appel
et de révision qui sont inadéquats, insuffisants pour garantir le
droit à une audition juste et impartiale de ces citoyens...
Mme la Présidente, vous me faites signe que déjà
mon temps achève. Essentiellement, ce que je veux dire au ministre, ces
gens qui sont les plus défavorisés, 600 000 citoyens au
Québec, c'est énorme. On ne peut pas affecter leurs conditions
d'aide de l'État, alors que ce même gouvernement n'a pas fait
preuve du minimum de courage pour présenter une politique d'emploi. Le
problème des assistés sociaux, M. le ministre, vous devriez le
savoir mieux que quiconque. Ces gens veulent travailler, mais le chômage
est toujours à 10 % au Québec parce que, malgré la
période de vaches grasses, votre gouvernement n'a pas produit de
politique d'emploi qui se tienne debout. Là, on voudrait faire marcher
au pas les assistés sociaux et les assistées sociales, alors
qu'if n'y a pas, de l'autre côté, une politique d'emploi
véritable au Québec. Cela fait trois ans qu'ils sont au pouvoir,
en pleine période de croissance économique, et rien en ce qui
concerne l'emploi. A quoi sert la croissance économique du
Québec, si ça profite toujours aux mêmes?
La croissance économique du Québec devrait servir à
se doter d'une véritable politique d'emploi qui permette de donner
à chaque assisté social ce dont il a besoin, c'est-à-dire
un travail digne, valorisant, permanent, dans lequel il pourra s'exprimer,
comme nous, les députés, nous le faisons actuellement, et comme
également des millions de Québécois et de
Québécoises le font actuellement. C'est ce que veulent les
assistés sociaux et non pas une réforme d'aide sociale avec 100
amendements déposés le jour même de l'adoption. C'est ce
qui a obligé les assistés sociaux, ce matin, à poser un
geste qui n'est pas dans les règles du Parlement, à venir
utiliser leur dernier outil pour rappeler, dans une chanson que le ministre
devrait lire durant le temps des Fêtes, que nous ne pouvons pas, nous,
les plus favorisés ou en tout cas parmi les plus favorisés de la
société, traiter les gens démunis, autant sur le fond que
sur la forme, de, la façon dont le fait le gouvernement
libéral.
C'est pourquoi nous continuerons à nous opposer de ce
côté-ci, l'Opposition officielle, jusqu'à nos
dernières limites, jusqu'à nos derniers retranchements, à
l'intérieur de ce que permet le règlement, pour contester et nous
opposer vigoureusement à ce projet de réforme mal foutu du
ministre.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Taillon.
M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, j'ai toujours pensé
que, comme députés, nous devrions donner plus de temps pour ceux
qui sont moins fortunés que pour ceux qui sont plus fortunés.
Quand il s'agit d'adopter des lois pour exempter les gains de capitaux ou les
gens qui ont de l'argent, le gouvernement libéral a du temps en masse,
il ne manque pas de temps. Quand il s'agit d'enrichir les riches, le
gouvernement libéral a du temps en masse. Mais quand il s'agit de
débattre les questions qui concernent les gens qui sont moins
fortunés, le gouvernement a moins de temps. C'est la
caractéristique de ce parti dirigé par ce premier ministre,
l'homme sans doute le plus mou au Canada et que l'on a en guise de premier
ministre ici, mais il finira avant longtemps comme il a fini en 1976.
Actuellement, on constate qu'il est en train de s'établir le même
climat, sur le plan social et sur le plan de la langue, qu'il y avait en 1976,
quand il est parti. Il a senti l'obligation de partir en Europe un certain
temps pour que les gens ne se rappellent plus et qu'ils l'oublient. (17
heures)
C'est un gouvernement aussi hypocrite, vicieux, qui a réussi
à faire une définition incroyable de conjoints de fait.
Aujourd'hui, on reconnaîtra des gens comme vivant maritalement selon
certaines définitions qui seront différentes selon les projets de
loi. Trouvez-moi une société
au monde où on fait différents types de quasi-mariages si
l'on veut ou de reconnaissance de conjoints de fait. S'il s'agit que cela
rapporte de l'argent au gouvernement, pour ça, vous pouvez être
considérés comme étant mariés que vous n'aurez pas
eu le temps d'en avoir connaissance, mais s'il s'agit que le gouvernement paie,
là, vous pouvez vivre ensemble longtemps, n'ayez pas peur le
gouvernement va prendre son temps pour vous reconnaître. Dans cette loi
que ce gouvernement a bâclée, de ce gouvernement qui travaille
mal, il y a quatre définitions de conjoints de fait différentes
dans les 29 lois qui ont été déposées le 15
novembre dernier. Il y en a notamment deux qui sont incroyables: la loi 92 sur
l'assurance automobile et la loi concernant la sécurité du revenu
ou l'aide sociale.
Dans un cas, l'assurance automobile, pour être reconnus conjoints
de fait, il faut vivre maritalement ensemble pendant trois ans. Pourquoi? C'est
parce que le gouvernement doit payer aux conjoints. Alors, il souhaite qu'il y
ait le moins de conjoints possible. Alors, il dit que, pour reconnaître
un conjoint de fait, il faudra que les conjoints vivrent maritalement ensemble
pendant trois ans pour payer le moins possible et pour reconnaître le
moins possible des conjoints de fait. Mais quand il s'agit de l'aide sociale ou
de la sécurité du revenu, là, un an. Pourquoi? Afin qu'il
y ait quelqu'un qui s'occupe de l'autre conjoint le plus rapidenent possible.
S'il y a un conjoint qui peut être reconnu comme conjoint de fait et s'il
travaille, on va pouvoir se déba-rasser de l'assisté social.
Alors, un an c'est assez pour être conjoints de fait parce que,
là, c'est le gouvernement qui va pouvoir se débarrasser de gens
pour lesquels il devra assumer des obligations, mais, le plus vite il va
être considéré comme vivant comme personne mariée,
le plus vite il va pouvoir se retirer de l'aide à apporter. Alors, un
an, c'est suffisant! Mais pour l'assurance automobile ce sera trois ans.
On se demande pourquoi au Québec il y a un taux de
natalité qui est bas? Pourquoi actuellement on a le taux de
natalité à peu près le plus bas au monde? Demandez
à tous les gens capables d'avoir des enfants pourquoi? Ils vont vous
dire que c'est à cause de la grande insécurité. Et un de
ceux qui contribuent à cette insécurité, c'est le
gouvernement. Le gouvernement par ce genre de notions comme celles qu'il
introduit dans les lois où aujourd'hui, il y aura autant de
formée de conjoints de fait qu'il y aura de lois en fonction des
avantages que le gouvernement pourra en retirer. C'est quelque chose! Trouvez
cela dans une société ailleurs. Pourquoi? C'est parce que le
premier ministre est comme un oeuf à deux jaunes. Il ne sait jamais
lequel fertiliser, hein? C'est cela qu'on a comme premier ministre. On va le
voir encore avec la loi sur la langue française cette semaine. Pourquoi?
Il est incapable de se brancher concernant l'aide aux jeunes, incapable de se
brancher concernant le français, incapable de se brancher sur un
ensemble de lois. Et là, on se retrouve devant des lois à
moitié faites avec des gens qui ont peur de présenter leurs
amendements et qui ont peur de débattre leurs lois en commission
parlementaire et qui font des bâillons dans des régimes de
république de bananes.
Mme la Présidente, quand on voit un tel soulèvement de
gens contre un projet de loi, cela ne prend pas une 500 watts pour comprendre
que les gens au Québec ne sont pas favorables à ce projet de loi.
Ils ne sont pas favorables parce qu'ils sont préoccupés du sort
des gens qui sont les plus démunis dans leur société.
C'est une marque de civilisation dans une société de constater la
façon dont on traite ceux qui sont le moins fortunés. Il y en a
qui vont dire: Ah! Des paresseux. Moi, je vais vous dire une chose que j'ai
vécue comme député. Aux chantiers maritimes de
Lévis qui, normalement, embauchent entre 2000 et 2500 personnes,
à un moment donné, le travail est réduit à une
centaine de personnes. Il y a des gens qui ont reçu de
l'assurance-chômage pendant un an et après cela, plus
d'assurance-chômage, ils ont eu le bien-être social. Ces gens
pleuraient d'avoir le bien-être social parce qu'ils ne voulaient pas
être sur le bien-être social, ils voulaient travailler.
C'étaient des gens qui avaient les épaules larges comme ça
et qui voulaient avoir de l'emploi, mais à cause d'une absence de
travail pour des soudeurs, ils ne pouvaient pas avoir de travail. On va dire
après cela que ces gens-là ne voulaient pas travailler! Au
contraire. Moi, je les ai vus. Au contraire, j'ai vu que c'étaient des
gens qui voulaient travailler.
Il y a des gens qui, dans la vie, n'ont pas eu les mêmes chances.
J'ai passé dimanche après-midi avec une association de parents
uniques. J'ai vu plus de solidarité, plus de chaleur humaine qu'on en
voit dans les coeurs des gens fortunés qui ont juste le temps de penser
à eux-mêmes, des Narcisses qui se regardent dans le miroir et qui
se trouvent de leur goût. On en trouve parmi les ministres. Je dois vous
dire que j'ai trouvé plus de chaleur humaine chez les gens qui
s'occupaient des gens démunis et qui, dimanche, me disaient: Le jour de
Noël, on va avoir une journée d'accueil pour tous ceux qui sont
seuls. Des parents uniques disaient: Tous ceux qui sont seuls et qui ne savent
pas où aller le jour de Noël, on va les inviter à venir
passer la journée avec nous. Des repas vont être
préparés. On va mettre notre temps là-dedans.
C'étaient des gens qui en ont moins que les autres, dont une grande
partie sont sur le bien-être social, mais qui pensaient à des gens
qui pouvaient être plus malheureux qu'eux, alors que le gouvernement
essaie de rendre le sort le plus misérable possible à ceux qui
sont le moins fortunés dans notre société.
Ce n'est pas souvent que les évêques interviennent. On ne
les entend pas parler souvent aujourd'hui. Autrefois, ils en menaient large.
Mais aujourd'hui, ils préfèrent s'occuper
des besoins socio-économiques de la population et être plus
proches des gens démunis. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit? On voit les
évêques intervenir pour dire quoi? Que c'est un mauvais projet de
loi pour notre société. Et pourquoi le gouvernement veut-il
écarter ce débat alors que c'est un tollé de la part
d'associations qui sont contre ce projet de loi? Vous ne voyez pas beaucoup de
gens se prononcer en faveur.
Une voix: Le Conseil du patronat.
M. Garon: Le Conseil du patronat? On le sait bien, les riches
n'en ont jamais assez et les pauvres en ont toujours trop.
Une voix: Alliance Québec.
M. Garon: Alliance Québec a un régime fiscal
spécial pour faire de la recherche afin de préserver les
anglo-saxons en Amérique du Nord.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Mais l'Association des francophones de l'Ouest de
Montréal n'a pas le droit d'avoir un régime spécial sur le
plan fiscal. C'est le régime qu'on a en face de nous. Et le ministre qui
présente le projet de loi va parler de Hitler. C'est lui qui est Hitler
ici. C'est lui qui fait le bâillon. C'est lui qui brime le Parlement.
C'est lui qui est contre la véritable démocratie où
débattre les projets de loi, cela doit être fait à
l'Assemblée nationale. C'est avec des gens comme ça...
Tantôt, j'écoutais le député de Chambly qui
venait nous faire la morale. Imaginez-vous!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: II est le dernier qui devrait nous faire la morale en
cette Chambre. Ce n'est pas pour rien qu'il est rendu sur la dernière
banquette de l'Assemblée nationale.
Des voix: Hé! Wo là!
M. Garon: M. le Président, c'est la réalité.
Ce n'est pas moi qui l'ai faite.
Des voix:...
La Vice-Présidente: M. le député, je vous
demanderais de revenir à la pertinence du débat, à savoir
le projet de loi 37. Là-dessus, je reconnais qu'il reste une minute
à votre intervention.
M. Garon: Mme la Présidente, essentiellement, il s'agit
d'un projet de loi qui touche des centaines de milliers de personnes dans notre
société, qui mérite un véritable débat. Et
cela ne se fait pas par des discours de sépulcres blanchis, de gens qui
ne veulent pas voir la réalité en face. Ne vous trompez pas, le
gouvernement Bourassa a toujours eu de la difficulté à gouverner
dans des périodes faciles sur le plan économique. Mais on
commence à traverser une période difficile actuellement.
Une voix: Où, cela?
M. Garon: Vous savez, quand le taux d'escompte est rendu à
11 %, que le taux préférentiel est rendu à 12,5 %, que
dans l'immobilier la construction baisse de 27 % cette année, on
commence à entrer dans une période difficile. On verra comment ce
gouvernement va se comporter. Juste avant le début de la période
difficile, il commence à massacrer qui, en premier? Les gens les moins
fortunés de la société, par un projet de loi ignoble qu'il
ne veut même pas débattre en Chambre, qu'il ne veut même pas
faire passer par toutes les étapes que doit normalement passer un projet
de loi.
Mme la Présidente, c'est pourquoi nous devons nous battre le plus
possible avec les moyens que nous avons comme représentants de
l'Opposition qui représente, dans cette affaire, i'immense
majorité des groupes qui s'intéressent aux assistés
sociaux, à l'assistance sociale, pour combattre un projet de loi qui est
honteux.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Guy Bélanger
M. Bélanger: Mme la Présidente, j'ai
déjà eu pour le député de Lévis une certaine
admiration, comme beaucoup de gens. À l'époque où il
était à l'Agriculture, il a fait un certain nombre de choses
qu'on a trouvées intéressantes et qu'on approuvait. Et il le
faisait avec une certaine bonhomie, un certain comique. Il savait amuser en
même temps, ce qui avait l'heur de plaire et de détendre les
discours politiques, ce qui rendait la chose, ma foi, agréable. (17 h
10)
Mais, voilà, on vient d'avoir aujourd'hui l'exemple de ce qui
arrive au député de Lévis. Il n'amuse plus. Non seulement
il n'est plus drôle mais il en est rendu à des attaques basses. Il
mord n'importe quoi. Il mord n'importe qui de façon vicieuse. Il
devient, ma foi, carrément inacceptable dans ses interventions. Et on
tolère, et on tolère. Je trouve ça dommage, madame, qu'un
esprit aussi bien fait qui avait un début de carrière
intéressant en soit réduit à cette façon de
faire.
Des voix: Ha, ha ha!
M. Bélanger: Je la trouve malheureusement triste et
déplorable. C'est du mauvais comique. C'est du mauvais spectacle. Et je
ne vois pas en quoi cela peut aider la cause des assistés sociaux. Si
c'est ça défendre les assistés sociaux,
ma foi, je pense qu'il y a beaucoup de gens qui devraient
sérieusement repenser leurs orientations eu égard à ce
dossier-là.
Je voudrais, madame, corriger un certain nombres d'affirmations qui ont
été faites dans ce débat. Je suis un de ceux qui, depuis
le début, ont participé à toutes les auditions publiques,
107, qui ont duré 120 heures. Et, croyez-moi, contrairement à ce
que le député d'Ungava prétendait, d'abord c'est une heure
par intervention. Ce sont les règles et les façons de
procéder, un, et on s'entend avec l'Opposition pour établir ces
règles-là, au préalable. Donc c'est un consentement
unanime, un consentement de part et d'autre. Deux, 107 groupes. On en avait
invité plus de 120, je pense, mais certains groupes n'ont pas
jugé nécessaire de se présenter. Ils nous ont fait
parvenir des lettres expliquant leur point de vue. Et, à la suite de ces
120 heures d'audition fort enrichissantes, un nombre important de
députés, membres de ma formation politique, ont
décidé de remettre en question certaines dispositions de ce
projet de loi qui semblaient poser problème à des groupes de
personnes directement concernées par cette réforme.
Nous avons vérifié à nouveau ces aspects-là.
Nous avons rencontré le ministre. Nous avons rencontré aussi le
président du Conseil du trésor pour lui faire valoir nos points
de vue avec le ministre qui y avait adhéré. Nous avons
rencontré le ministre des Finances et le premier ministre. Et, avec
l'accord de tous ces gens-là, un nombre important d'amendements ont
été introduits dans le projet de loi. Or, quand le
député de Taillon dit qu'on ne les connaît pas, il fait
erreur. Nous avons travaillé directement à produire ces
amendements, madame. Donc, nous savons drôlement de quoi nous
parlons.
Un autre fait que je voudrais rectifier. D'ailleurs, le
député d'Ungava, tout à l'heure, a essayé
maladroitement de le corriger. Voyez-vous, j'ai la liste originale, ici, et le
nom de l'hôpital Charles-LeMoyne y est mentionné, Mme la
Présidente, et nous avons une lettre du directeur général
de l'hôpital Charles-LeMoyne qui nous dit textuellement: "La
présente a pour but de vous informer que l'hôpital Charles-LeMoyne
n'a, en aucun temps, étudié le projet de loi sur la
réforme de l'aide sociale ni ne s'est prononcé de quelque
façon que ce soit quant à cedit...
La Vice-Présidente: À l'ordre! Vous pouvez
continuer, M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Bélanger: Un petit tour dans le froid, M. Claveau? Cela
va vous faire du bien.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Bélanger: Respirez par le nez, ça va aller
mieux. Oui, soyons calmes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélanger: Soyons calmes! On va tout rectifier ce que
vous avez défait tout à l'heure.
Donc, "l'hôpital Charles-LeMoyne, dis-je, n'a en aucun temps
étudié le projet de loi sur la réforme de l'aide sociale
ni ne s'est prononcé de quelque façon que ce soit quant à
cedit projet de loi. Toute prétention à ce contraire serait donc
sans fondement."
Malheureusement, je n'ai pas de lettres venant d'autres organismes. J'ai
vérifié et on m'a donné la même réponse.
J'aurais aimé vous les déposer aussi et vous démontrer que
finalement... Il y a peut-être quelqu'un quelque part sur les 2000 et
quelques employés de l'hôpital qui a dit qu'il n'était pas
d'accord cela c'est possible, mais l'hôpital lui-même ne s'est
jamais prononcé. Donc, ce n'est pas un groupe. C'est peut-être une
personne.
Il y a des gens qui s'opposent à la réforme de l'aide
sociale, c'est bien évident, pour toutes sortes de raisons,
peut-être justifiées, peut-être à tort,
peut-être avec raison. J'ai rencontré des groupes
d'assistés sociaux dans mon comté. Certains étaient
très inquiets parce que, à la suite d'affirmations faites, par
les gens de votre formation, ils étaient sous l'impression que leurs
prestations seraient coupées ou qu'ils seraient exclus de l'aide sociale
ou qu'ils ne recevraient plus d'aide ou quoi que ce soit. On a examiné
leur cas en examinant le projet de loi; on a regardé comme il faut. Et
la grande majorité ont vu que leur situation serait
améliorée. Ils ont dit: Pourquoi ne nous dit-on pas ça?
Écoutez, c'est ça qu'on vous dit. C'est ce qu'on essaie de vous
dire. Mais il y a des gens qui se livrent à une désinformation de
façon systématique, sans connaître le dossier, qui
prétendent que nous ne le connaissons pas et qui, par la suite, viennent
mêler toutes les choses.
Je pense que le jugement final sera porté sur les bienfaits de
cette réforme non pas par vous, ni par moi, mais il le sera par le
bénéficiaire qui, le matin où il recevra son
chèque, recevra sa prestation craide sociale, saura si son sort a
été amélioré ou empiré, et là il
pourra porter un jugement sur qui, ici, l'a bien ou l'a mal servi. Et c'est
comme ça que les choses vont se passer.
Dans ce projet de réforme, il serait étonnant, en tout cas
à moins que je ne sois bien naÏÏ et, ma foi, c'est bien
possible, c'est fort possible même... Cela coûte cher pour faire en
sorte de couper les prestations des gens. À entendre la catastrophe
qu'on promettait, je me suis dit: Comment se fait-il qu'au Conseil du
trésor et au ministère des Finances on nous dise: Écoutez,
ce sont des dizaines et des dizaines de millions que vous nous demandez
d'ajouter, et que partout on nous dise que ça aura pour effet de couper
les prestations des gens? Il y a quelqu'un ici qui ne sait pas compter, qui
sait
juste calculer. Mais le calcul politique, ce n'est pas
l'arithmétique et, parfois, on confond les choses. Savoir calculer,
c'est une chose; savoir compter, c'en est une autre. Je pense qu'il faut savoir
compter et, là, on voit qu'il n'y a personne, dans cette réforme,
qui est pénalisé de quelque façon que ce soit, à
nulle part. Si jamais cela devait se produire, je pense que je serais un des
premiers à prendre position contre ceux qui ont présenté
ce projet de loi.
M. le député de Dubuc nous présentait tout à
l'heure une situation où, dans son comté, un employeur a dit: Je
vous congédie et je vais engager des assistés sociaux. Je suis
prêt à faire une chose avec vous. Un tel employeur, je trouve
ça indigne, et non seulement il va contre l'esprit de la réforme
de l'aide sociale, mais je sais que le ministre a l'intention de
procéder à beaucoup de vérifications dans ce sens et
à être très vigilant pour que de telles choses ne se
produisent pas. Il y a toujours eu de tout temps des profiteurs dans les
systèmes. Il y en aura peut-être encore. Mais je vous garantis
qu'on va surveiller avec toute la rigueur, toute la vigueur et toutes les
énergies dont il nous sera possible de disposer pour ce faire. Si vous
voulez nous aider, tous ensemble on peut faire en sorte que des gens qui
exploitent le système d'une façon aussi indue soient
pénalisés et soient dénoncés socialement. Je pense,
comme vous, qu'ils ne méritent pas d'être des industriels ou
d'avoir des bénéfices quelconques dans notre
société. Ils doivent, eux aussi, contribuer à aider les
gens les plus démunis de notre société.
Une dernière réplique et celle-là, Mme la
Présidente, je ne suis pas capable de l'éviter. C'est lorsque le
député de Lévis nous dit que parce que, dans le projet de
loi - parce que la loi n'est pas encore adoptée - il y a une
différence entre la situation de conjoint de fait qu'on définit
pour le bénéfice de l'aide sociale, et non pas pour le
bénéfice du Code civil, et les dispositions qu'il y a au
ministère des Transports où, pour d'autres raisons, on le met
d'une autre façon, il dit: C'est pour ça que la natalité
est si basse au Québec. Bien non! C'est eux autres qui étaient au
pouvoir. S'il y a un problème de dénatalité qui est
attribuable au gouvernement, attribuons-le à celui qui était
là pendant que ça s'est passé, pas à ceux qui font
des projets qui s'en viennent. Je n'ai jamais vu une loi avoir des effets
rétroactifs, surtout pas à ce niveau-là. Écoutez!
Mais quand on en est rendu à ce genre d'argument pour défendre
une position contre un projet de loi, je pense que c'est parce qu'on n'a plus
rien à dire et qu'on mériterait juste de se taire.
Mme la Présidente, je vous remercie de votre
attention.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laval-des-Rapides. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Le
député de Mille-Îles nous dit qu'il a joué, avec
d'autres députés de la partie ministérielle, le rôle
que n'a pas joué...
Une voix: Le député de Laval-des-Rapides,
madame.
Des voix: Laval-des-Rapides. Une voix: II n'est pas
rapide.
Mme Blackburn: De Laval-des-Rapides. Cela ne me semblait pas plus
brillant, mais quand même.
Une voix: Rendez-moi ce qui me revient. Des voix: Ha, ha,
ha!
La Vice-Présidente: À l'ordre! Vous pouvez
continuer, Mme la députée de Chicoutimi.
Une voix:...
Mme Blackburn: Non, ça ne me dérange pas. Mme la
Présidente, le député de Mille-Îles, tout à
l'heure, nous disait que les députés...
Des voix: De Laval-des-Rapides. Mme Blackburn: De
Laval-des-Rapides.
Une voix: Mille-îles, c'est juste à
côté, par exemple.
Une voix: C'est du pareil au même. Ils ne parlent pas
souvent ni l'un ni l'autre.
Une voix: C'est du pareil au même. Bonnet blanc et blanc
bonnet.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
Mme Blackburn: II nous disait tout à l'heure, Mme la
Présidente, que les députés ministériels avaient
joué le rôle qu'aurait dû jouer l'Opposition. Si tel est le
cas, il n'y a pas lieu de s'en vanter si on considère les
résultats. Je n'irais pas pavoiser. Et ça démontre on ne
peut mieux, Mme la Présidente, qu'on a beau avoir... On peut lui
prêter de bonnes Intentions, rien ne remplace un solide travail en
commission parlementaire et fait soigneusement par le parti de l'Opposition.
C'est ça. Quand on essaie de jouer, pour faire plaisir à la
galerie, le rôle à la fois de gouvernement et d'Opposition,
ça donne les résultats qu'on connaît. (17 h 20)
Mme la Présidente, ce gouvernement fait comme si le chômage
était la responsabilité des assistés sociaux. Ce
gouvernement fait comme si
les assistés sociaux étaient responsables du chômage
et non pas le chômage responsable de la croissance du nombre de personnes
qui se retrouvent assistées sociales. C'est ce qu'il y a
d'indécent dans ce document. Tout à l'heure, en arrière du
trône, j'entendais un député de la partie
ministérielle dire: Écoutez, le plein emploi, c'est une autre
question. Ce n'est pas une autre question, c'est la même question. C'est
là qu'est le problème. Comment parler de réinsérer
les assistés sociaux sur le marché du travail, alors qu'on n'a
pas de politique d'emploi? Je pense que l'exemple pertinent a été
démontré tout à l'heure par le dépoté de
Dubuc qui nous a rappelé que des petites entreprises sont
déjà en train de congédier du personnel pour engager des
assistés sociaux à 4,50 $ l'heure. C'est ce que cela va
créer. Cela va créer du "cheap labour", de l'esclavagisme. On est
revenu au temps où on pouvait acheter du personnel beau, bon, pas cher,
à 4,50 $ l'heure.
Mme la Présidente, le projet de loi du ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aura réussi le
douteux privilège d'avoir réalisé un
précédent, c'est-à-dire réunir le plus grand nombre
d'organismes, de personnes soucieuses du bien des plus démunis au
Québec, réunir un nombre incalculable de personnes et de groupes
contre son projet de loi. On ne parie pas de l'Opposition. On parle de
personnes, et non les moindres, qui, dans la société, estiment
que ce gouvernement fait une erreur en adoptant un tel projet de loi qui vient
humilier les personnes qui le sont déjà. J'ai reçu
à mon bureau, il y a trois ou quatre semaines, un monsieur d'une
soixantaine d'années. En 1982, il a perdu son emploi où il avait
été durant exactement 36 ans. L'entreprise a fermé et il
s'est retrouvé sur le chômage en pleine crise économique.
Cela faisait six ans pendant lesquels il n'avait réussi qu'à
travailler six mois. Il est sur le bien-être - il pleurait - non pas
parce qu'il ne veut pas travailler, mais parce que des emplois, if n'y en a
pas.
Mme la Présidente, ce projet, selon le député de
Laval-des-Rapides, ne porte préjudice à personne. Vous allez me
permettre de parler d'un programme. Mes collègues ont longuement
parlé sur d'autres questions. Je vais vous parler du programme APPORT.
Le programme APPORT, en fait, vient remplacer le programme SUPRET. Il faut se
rappeler que le programme SUPRET était destiné aux familles
monoparentales à faibles revenus et aux personnes seules. On sait qu'au
Québec, la pauvreté touche de façon
particulièrement criante les personnes seules. Le programme APPORT aura
réussi à évincer de cet accès à un
supplément du revenu 8000 personnes seules. Cela veut dire que 8000
personnes qui vivent dans l'indigence, qui travaillent, mais qui ont des
revenus insuffisants, seront privées d'un supplément de revenu.
Si c'est là pour avantager tout le monde, je ne sais pas compter.
Il reste donc, pour le programme APPORT, 17 000 familles à
faibles revenus qui pourront aller chercher un supplément de revenu. Il
s'est présenté à mon bureau une dame qui m'a dit: C'est
tellement compliqué, je savais que l'échéance pour
présenter mon dossier pour déclarer mes revenus du mois
d'août, c'était le 10 décembre. Elle m'a dit: J'ai pris la
formule, je l'ai remplie, il me manquait un document, je l'ai indiqué
sur ma formule, sauf qu'il fallait que je la dépose avant le 10
septembre. Je leur ai dit: Je vous la fournirai après, lettre à
l'appui. Son dossier a été rejeté. Elle a essayé
d'aller en appel et on lui a dit: Non, votre dossier était incomplet.
Elle leur a dit: Mais vous m'avez dit de le présenter même s'il
manquait une pièce, quitte à la fournir après. Il n'y a
rien eu à faire. C'est ça te programme APPORT.
M. le Président, vous allez me permettre de vous lire une lettre
qui m'est adressée et que j'ai reçue le 29 novembre dernier.
"Madame, à première vue, j'ai trouvé l'idée du
programme APPORT intéressante et très appropriée, surtout
pour les familles monoparentales. Je me suis dit: Enfin un programme
adapté à nos besoins! Je l'ai réellement pensé
jusqu'où jour où j'ai dû y avoir recours. Ce
jour-là, j'ai vu que ceux qui l'avaient conçu, malgré leur
bon vouloir, n'avaient jamais été confrontés aux
problèmes de fins de mois restreintes. Vous voulez savoir ce que
j'entends par des fins de mois restreintes. Le meilleur moyen de vous
l'expliquer, c'est, je crois, de vous présenter mon budget. Revenus: 679
$ par mois, ce qui comprend mes revenus de travail et la différence du
bien-être; dépenses en garderie, 125 $ par mois; loyer, 300 $;
repas de travail, 45 $ par mois - elle ne fait sûrement pas d'abus
gastronomiques - entretien, nettoyage de costumes, etc., 10 $ par mois -
là aussi, on voit qu'elle ne fait pas d'abus - ce qui fait un total
approximatif de 480 $ par mois de dépenses. Dans cela, les
dépenses courantes telle l'épicerie, le vêtement, ne sont
pas incluses. De plus, je dois aller dans des laveries car je n'ai pas de
meuble. À ce rythme, je ne suis pas près d'en avoir. "Quand je me
suis informée auprès du bureau APPORT de Chicoutimi, ils m'ont
dit de remplir une formule qu'ils m'ont retournée pour d'autres
renseignements. Ensuite, ils m'ont fait venir au bureau de Jonquière
pour avoir encore d'autres renseignements pour ensuite me dire que je n'avais
pas droit au programme car j'avais des revenus trop bas." Tenez-vous bien,
c'est supposé ajouter aux revenus mais, pour elle, ses revenus
étaient trop bas pour avoir droit à un supplément de
revenu. "Lorsque vous aurez des revenus plus élevés, m'ont-ils
dit, rappelez et vous n'aurez pas a remplir d'autre formulaire. Un mois
après, je téléphone et on me répond que je dois
remplir un autre formulaire et y joindre mes preuves d'emploi, ce que je fais.
Deux jours plus tard, ils me retournent mon formulaire en me disant que je dois
fournir des extraits de naissance. Je les
ai donc rappelés et ils m'ont dit qu'il fallait encore qu'ils
retournent la formule et de m'at-tendre à avoir un chèque en
décembre - Remarquez que ce dont elle parle, c'est en octobre - car les
demandes d'octobre n'ont pas encore été traitées. C'est un
cas. Que dois-je faire? Quêter tout simplement, travailler ou continuer
d'espérer de l'aide? "Veuillez agréer, Mme la
députée, l'expression de mes sentiments distingués." Et
c'est signé Mme Gemma Bouchard.
Mme la Présidente, parmi les programmes supposément les
plus intéressants, supposément capables de subvenir, de venir en
aide aux personnes qui travaillent mais qui demandent à avoir un revenu
décent, on a tellement compliqué les formulaires, on a rendu les
démarches si difficiles, si complexes, si inaccessibles, si
onéreuses au point de vue du temps et des déplacements, que
c'est, somme toute, un programme qui sera inapplicable. Et on nous dit que
c'est parmi les programmes généreux et intéressants pour
maintenir l'intérêt au travail. Si on appelle ce programme un
programme intéressant, on n'a qu'à se pencher d'une façon
un peu plus attentive sur ce que nous dit cette dame pour constater qu'encore
une fois c'est de la fumisterie et que ce gouvernement n'a jamais eu vraiment
l'intention d'investir dans les suppléments de revenu pour les
travailleurs.
Mme la Présidente, ce projet de loi demeurera sans doute un
projet de loi parmi les plus odieux que l'Assemblée nationale aura
adoptés. Odieux parce qu'il fait porter sur les assistés sociaux
la responsabilité de la conjoncture économique qui fait qu'on n'a
pas d'emplois, la responsabilité de cette paresse du gouvernement qui ne
s'est pas donné de politique de plein emploi. On aurait pu endosser la
démarche du gouvernement s'il s'était d'abord et au
préalable doté d'une solide politique d'emploi. Ensuite, on
aurait pu inviter les assistés sociaux à intégrer le
marché du travail. Ce n'est pas ça. On les rend responsables de
la situation économique et on fait peser sur eux le poids et la
responsabilité du chômage au Québec. C'est
profondément méprisable, un gouvernement qui a aussi peu de souci
à l'endroit des plus démunis de la société. Merci,
madame.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Chicoutimi. M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, M. Lesage du journal
Le Devoir que j'aime bien, va peut-être dire que je ne
m'embarrasse pas, encore une fois, des nuances. Mais s'il faisait avec moi et
bien d'autres députés ici, en cette Chambre, la tournée
des foyers de certains de mes concitoyens, il s'apercevrait qu'une petite
nuance dans un projet de loi peut faire toute la différence dans la vie
des individus qui sont mes concitoyens. (17 h 30)
Mme la Présidente, j'ai toujours la fierté d'être de
cette institution, depuis le 2 décembre 1985, mais je n'ai jamais vu
autant de mépris de la part d'un gouvernement, autant d'un mépris
de l'institution comme telle qu'un mépris de la population comme telle.
Je n'ai jamais vu arriver dans un Parlement, depuis que je m'intéresse
à la politique - j'ai quand même 42 ans, ça fait un petit
bout de temps - de législation aussi broche à foin que
celle-là. Le ministre de l'Éducation dépose un projet de
loi où il y a autant d'amendements qu'il y a d'articles. La ministre des
Affaires sociales fait la même chose avant lui. Et là, on a le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité de l'emploi qui
nous apporte un projet de loi qui... Du revenu... Enfin, avec lui, est-ce qu'on
va pouvoir parler de revenu pour certaines classes de notre
société? Pas d'emploi, pas de' revenu. Un ministre qui nous
apporte un projet de loi avec pratiquement autant d'amendements lui aussi que
d'articles, qui les cache et qui ne veut absolument pas qu'on en discute.
Ce ministre est responsable de l'expulsion de centaines de mes
concitoyens dans le centre sud et dans le secteur du plateau Mont-Royal, parce
qu'il était ministre de l'Habitation et qu'il a laissé commencer
le stampede de la spéculation immobilière à
Montréal, ce qui fait qu'il y a des quartiers maintenant où ce
n'est plus possible d'habiter. On l'a nommé ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu. C'est la même chose que si on
avait nommé Dracula président de la Croix-Rouge. Je n'ai jamais
vu, Mme la Présidente, je n'ai jamais vu autant d'acharnement de la part
d'un gouvernement envers les plus démunis de notre
société. Lui, en particulier. Je n'ai jamais entendu un discours
aussi vicieux envers des êtres humains pour essayer de faire croire que
ce sont des parasites...
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Boulerice: ... des profiteurs, des voleurs, alors qu'on sait
fort bien que c'est faux. Je côtoie ces gens quotidiennement dans ma
circonscription. Ces gens qui n'ont pas d'emploi, en voudraient. Vous qui les
traitez de parasites, j'aimerais ça que vous les voyiez. Ce sont ces
gens qui pratiquent la plus grande des solidarités et 95 % des
bénévoles qui travaillent à l'entraide d'autres de leurs
concitoyens ce sont ces gens-là. Ce n'est pas vrai qu'ils ont les deux
pieds sur la bavette du poêle et qu'ils regardent la TV avec un coke ou
une bouteille de bière. Ce n'est pas vrai. Mais c'est le discours
vicieux que vous avez depuis le début là-dessus. C'est
inacceptable. Pourquoi cet acharnement? Pardon? Il y a une voix discordante
dans le choeur de l'Armée rouge, Mme la Présidente.
Une voix: Laval-des-Rapides.
M. Boulerice: Ah Laval-des-Rapides, naturellement. Il est dans
Laval et il va disparaître rapidement à la prochaine
élection.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre!
À l'ordre!
M. Boulerice: Je me serais attendu, Mme la Présidente,
à plus de sensibilité de la part d'un parti politique dont les
membres - et je n'en suis pas jaloux pour eux - ont une relative situation
financière, ils sont bien d'avoir un minimum de compassion, de justice
et de conscience sociale. Mais ce n'est malheureusement pas le cas dans toutes
les lois sociales. Qu'on se rappelle, d'ailleurs, l'abolition du
deuxième examen dentaire pour les enfants. Belle conscience sociale de
ce gouvernement, Mme la Présidente. Belle conscience! Discours
méprisant, humiliant, ratatinant, rabaissant envers cette
catégorie de population qui malheureusement n'a pas choisi d'être
comme ça. Je n'ai jamais rencontré un assisté social qui
soit venu se péter les bretelles à mon bureau en me disant: Je
suis assisté social, je suis assez bien, je suis content, mosus que
c'est le "fun". Jamais, j'en ai rencontré.
Ils sont prêts à travailler, mais il n'y en a pas
d'emplois. Ce gouvernement ne crée pas d'emplois. En plus du discours
vicieux qui est tenu face à cette catégorie de la population, ne
voilà-t-il pas que se forme à l'intérieur de leur propre
caucus, comme l'avait souligné tantôt ma collègue, une
pseudo Opposition. On voit apparaître l'ineffable député de
Sainte-Anne éprouver de grandes réserves. Oui. On voit le
député de Sainte-Marie, oui. Le député de
Sainte-Marie, Mme la Présidente, coïncé - et je lis un
article des Nouvelles de l'Est - coïncé entre la
solidarité ministérielle, les organismes sociaux et ses
commettants. Le député de Sainte-Marie est visiblement mal
à l'aise. C'est la deuxième fois qu'il convoque tous les journaux
locaux de sa circonscription pour un sujet spécifique, le premier
étant lors de l'étude du projet visant à lever le
moratoire sur la conversion des logements en condominiums. "Ironiquement, le
ministre qui dirigeait ce dossier à l'époque, André
Bourbeau - je lis l'article - est le même sur lequel Robert Bourassa
compte pour mener à bon port la réforme amorcée par Pierre
Paradis." Eh voila! Son malaise va, Mme la Présidente... Donc, sur le
volet APPORT, si on lui insuffle une certaine vitalité que
lui-même n'a pas d'ailleurs dans ses positions, je ne m'y opposerais pas,
mais son problème, c'est le programme APTE et c'est là-dessus que
l'Opposition met le focus. Voyons, Mme la Présidente!
Voyons, Mme la Présidente! Un peu de courage face à 30 %
de la population du centre-sud et du Plateau-Mont-Royal qui sont en
difficulté. Oui, ce sont deux beaux coins de Montréal, où
il y a de belles réussites. Je pense qu'on doit tous en être fiers
et il faut les encourager, les stimuler, mais, malheureusement, il y a encore
30 % de notre population qui vit ces difficultés, autant sur les rues
Marquette et Parthenais qu'il peut y en avoir sur Logan, sur Gascon comme il
peut y en avoir sur Berry et on va les laisser tomber, ces gens-là. On
va avoir un malaise, oui, mais, demain matin, M. le député de
Sainte-Marie va se lever pour voter avec son gouvernement. La seule chose que
je lui demande, ce n'est pas d'aller se cacher aux toilettes au moment du vote,
c'est de se lever avec l'Opposition et de voter contre ce projet de loi. Qu'il
soit donc responsable du mandat que lui ont donné les gens de son
comté, de les défendre contre un projet de loi qui est inique.
Qu'il mette ses culottes, comme on dit en bon québécois. Je n'ai
jamais eu peur, au nom de ladite solidarité ministérielle,
d'être en désaccord avec mon propre gouvernement. J'ai
déjà occupé le bureau de mon prédécesseur
parce que je n'étais pas d'accord avec une décision de mon
gouvernement. C'est ça, la liberté d'expression. C'est ça,
sa première loyauté, celle de ses concitoyens. Va-t-il avoir le
courage de le faire? Aura-t-il la... - mais je n'emploierai pas le mot parce
qu'il n'est pas parlementaire - l'absence de courage?
Je pense que là-dessus, 1668 organismes, qui ne sont pas
même pas..., 1667... De toute façon, c'est unique au
Québec, autant d'organismes qui se sont prononcés contre un
projet de loi et ce ne sont pas des deux de pique qui se prononcent contre
ça: l'hôpital Notre-Dame, le plus grand centre hospitalier au
Québec, en plein coeur du centre-sud; c'est le conseil d'administration,
il y a de vos collègues, des libéraux qui siègent à
ce conseil d'administration, mais des libéraux qui ont du coeur, par
exemple, car il y en a qui ont du coeur. Alors, vous devriez peut-être
les écouter au lieu d'écouter uniquement ceux du St. James Club.
Vous devriez peut-être écouter ceux-là, cela vous ferait
peut-être du bien dans vos projets de loi. Des organismes qui ne sont pas
des deux de pique, tous les curés des paroisses du centre-sud et du
Plateau-Mont-Royal sont violemment opposés à ce projet de loi.
Cela fait l'unanimité, à l'exception de deux.
Vous me demandez de conclure parce qu'on ne me donne que dix minutes sur
un projet de loi qui va porter atteinte à la dignité, au
bien-être, à la vie même de plusieurs centaines de milliers
de mes compatriotes. Mme la Présidente, je vais voter contre ce projet
de loi et je donne rendez-vous au député de Sainte-Marie, aux
prochaines élections, où il devra s'expliquer devant la
population de ses gestes dans l'habitation, quant aux coupures pour les soins
dentaires et quant au projet de loi 37 qu'il va appuyer de façon
robotique...
La Vice-Présidente: En conclusion.
M. Boulerice: ...et mécanique, demain, Mme la
Présidente. Je lui donne rendez-vous et les
citoyens de Sainte-Marie et de Saint-Jacques jugeront de qui a
défendu leurs intérêts. Ils ont déjà
d'ailleurs cette impression-là maintenant, ifs te savent. Je vous
remercie. (17 h 40)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente. Au moment où
nous aboutissons à la fin de ce processus qui, normalement, est un
processus un peu plus long que celui qu'on connaît, compte tenu de la
décision du gouvernement de nous "bulldozer" comme on emploie dans le
langage parlementaire, je me serais attendu de la part de mes collègues,
les députés des comtés de Saint-Maurice, de
Trois-Rivières, de Maskinongé, d'Arthabaska, de Nicolet, de
Drummond et de Champlain, compte tenu des manifestations qu'ils ont eues dans
chacun de leur milieu de la part de personnes qui, malheureusement, doivent
vivre des prestations de l'aide sociale, à un petit discours, en cette
Assemblée nationale, pour prendre la défense justement des gens
à qui ils ont dit, lorsqu'ils sont venus dans leur bureau ou lorsqu'ils
les ont rencontrés dans la rue, dans certains cas, oui, devant un
ministre qui était intransigeant, qui devait remplir une promesse
électorale de donner la parité de l'aide sociale à des
jeunes de 18 à 30 ans.
Oui, je me serais attendu qu'ils disent: M. le ministre, cela n'a pas de
bon sens! Je me serais aussi attendu, lorsque le dossier est passé entre
les mains du ministre actuel, qu'ils nous répètent la même
chose et qu'ils nous indiquent à ce moment-là, oui, mesdames et
messieurs, je sais que nous avions une promesse électorale que,
malheureusement, le ministre dans sa décision au lieu d'utiliser la loi
actuelle qui lui permet de faire des changements quant aux montants d'argent
à être donnés à des personnes à l'aide
sociale, que ce ministre a décidé de procéder autrement.
Ce ministre a décidé, pour les personnes de 18 à 65 ans,
de donner les mêmes règles à tout le monde,
c'est-à-dire d'obliger le monde dans certains cas, comme il le
présente, sans donner des garanties quant à l'emploi disponible
et sans aucune politique de plein emploi, et dire aux gens: Vous allez devoir
vous trouver de l'ouvrage. Vous allez devoir retourner aux études. Vous
allez devoir faire des travaux communautaires. Vous allez devoir poser des
gestes, mais vous allez devoir faire, d'une certaine façon, comme on le
dit dans notre langage des gens qui négocient, le fardeau de la preuve.
Vous allez démontrer que vous avez fait tous les efforts
nécessaires sinon, oh! malheur! danger! vous allez avoir des
difficultés parce qu'on va avoir à diminuer votre aide
sociale.
On va avoir des personnes âgées entre 45 et 55 ans qui
essaient de se trouver de l'emploi, qui se trouvent devant des employeurs qui
leur disent: Un instant! Allez au centre de main-d'oeuvre. Un instant! Allez
voir le centre d'emploi. On va se trouver devant des gens de 45 à 55 ans
qui, malheureusement, vont se trouver dans des conditions difficiles, des
femmes ou des hommes oui vont avoir à répondre à quelqu'un
qui dit: Ecoute, as-tu fait tous les efforts mon "chum"? Madame, as-tu fait
tous les efforts? Si tu n'as pas fait tous les efforts, là,
écoute, je pense qu'on va corriger le montant d'argent que tu
reçois parce que tu n'as pas fait tous les efforts. On va obliger des
personnes de 45 à 55 ans, pour remplir une promesse électorale
aux 18-30 ans, alors que la loi actuelle permettait au ministre de le faire
sans avoir besoin de faire une réforme comme celle qu'il présente
sur le dos de tout l'ensemble en leur faisant quasiment la guerre, en passant,
en les accusant de tous les péchés d'Israël, en leur disant
qu'ils sont des paresseux, des parasites et des personnes qui ne veulent pas
travailler. Au Canada, le Québec a un taux de chômage de 10 % par
rapport à 5 % en Ontario, et il y a près de trois fois plus de
chômage à Montréal qu'à Toronto. Et on va dire: Ha,
ha! Cela va très bien, Mme la marquise!
L'an passé, mon collègue, le député de
Trois-Rivières, applaudissait. Des hommes et des femmes étaient
mis à pied lors de la fermeture de Philipps, à
Trois-Rivières. Le député de Trois-Rivières
applaudissait à tout rompre parce qu'on lui avait fait accroire -
écoutez bien les mots: fait accroire, Mme la Présidente - qu'une
compagnie appelée Novatech engageait tout ce beau monde. On se retrouve
un an et demi après: tout ce beau monde est au chômage et sur le
point d'être à l'aide sociale. Que répond le ministre? Bien
voyons donc! Un nouveau programme est en place, le PATA, Programme d'aide aux
travailleurs âgés. Mme la Présidente, savez-vous ce que
cela veut dire? Cela veut dire que ces personnes... J'ai mis au défi le
député de Trois-Rivières de venir avec moi. Il n'a
aucunement répondu à mon invitation d'aller rencontrer ces hommes
et ces femmes et leur dire: Écoutez, messieurs et mesdames,
désormais, compte tenu de l'emploi non disponible, parce que ce que vous
faisiez... Ce n'est pas faisable à Norsk-Hydro, de l'autre
côté, pour ces femmes. Ce ne sont pas des emplois disponibles
à l'aluminerie de Bécan-cour, même si on annonce 550 000
000 $ d'investissement pour 200 emplois. Ce n'est pas pour ces personnes.
Où va-t-on donner à ces personnes la chance de trouver de
l'emploi? Il n'y en a pas, Mme la Présidente.
Dans certains cas, ce sont des femmes avec enfants, des familles
monoparentales. Il faut leur dire: Écoutez, parce que vous ne faites pas
ceci ou que vous ne faites pas cela, c'est bien dommage, l'aide vous sera
coupée. Parce que vous voulez vous occuper des enfants que vous avez
à charge, c'est bien dommage, il y aura des coupures.
On est donc devant le fait que ce n'est pas seulement nous qui demandons
le retrait de ce
projet de loi. Ce sont aussi des gens qui ont écrit une lettre au
premier ministre, M. Bourassa, et qui ont pour nom Mgr Jean-Guy Hamelin,
Gérald Larose, Michel Rouleau, Yvette Brunet, Gérald MacKenzie,
Yves Vaillancourt, Bernard Robichaud, etc. J'en nommerais amplement. Ce sont
des gens qui disent: "Nous croyons que le projet de loi 37 est contraire
à plusieurs dispositions de la Charte des droits et libertés de
la personne, comme l'a d'ailleurs affirmé la Commission des droits de la
personne. Le gouvernement du Québec ne peut agir au mépris des
droits garantis à tous les citoyens du Québec. Un choix de
société s'évalue d'après le sort fait aux pauvres.
Nous ne pouvons accepter le choix de société que propose le
projet actuel de réforme de l'aide sociale, c'est pourquoi nous vous
demandons de retirer le projet de loi 37." Est-ce que c'est clair, ça,
Mme la Présidente? Est-ce que ce sont des gens farfelus? Est-ce que ce
sont des gens qui n'ont pas de conscience sociale?
Mme la Présidente, vous remarquez donc que ces personnes -
j'aurais pu toutes les nommer - indiquent au gouvernement qu'il fait fausse
route, qu'il se prépare des lendemains dangereux, qu'il se
prépare des lendemains difficiles pour des personnes en
difficulté. C'est un gouvernment qui a décidé de
respecter, semblerait-il, une promesse électorale au mépris de
toutes les autres. C'est une répartition du même montant d'argent,
mais même dans certains cas, c'est une diminution des montants d'argent
pour ces personnes qui ont la malchance d'être sur l'aide sociale
à une occasion dans leur vie et pas comme on essaie de le faire croire,
à savoir qu'ils sont tous là, continuellement, de père en
fils, de mère en fille. Ce sont des gens qui n'ont pas le choix et qui,
dans certaines circonstances... Par exemple, ce citoyen de ma circonscription
qui travaillait chez Philipps et qui, à 52 ans, se cherche de l'emploi.
S'il n'en trouve pas actuellement, il va devoir, si ça continue, vivre
sur l'assistance sociale parce que le député de
Trois-Rivières a applaudi à la fermeture de l'usine. C'est
ça qu'on se dit. Pour lui, pour cette personne-là c'est correct,
il n'y a pas de problème. Qu'il vive de l'aide sociale et s'il ne trouve
pas d'emploi, "just too bad" comme on dit dans le coin. On verra
peut-être à une coupure, à une diminution du montant. C'est
ça qu'on prépare, Mme la Présidente. Jamais je
n'accepterai, comme député du comté de Laviolette, que
ça soit ça. Jamais. Je vais faire en sorte, finalement, que...
Comme député, j'utiliserai tous les moyens qui me sont
donnés y inclus le dernier vote qui nous sera donné. Je me
permettrai, au moment où l'on se parle, Mme la Présidente, de
refuser ce projet de loi tel qu'il nous est présenté. Merci, Mme
la Présidente. (17 h 50)
M. Chevrette: Mme la Présidente... Non, non c'est... Vous
reconnaissez celui qui est debout, en premier.
M. Lefebvre: Non, non, madame, l'alternance.
La Vice-Présidente: II est de pratique dans cette Chambre, M. le
chef de l'Opposition qu'il y ait alternance, également. Je vais lire
l'article, si vous me le permettez. Article 23: "Le député qui
désire faire une intervention doit se lever et demander la parole au
président." Mais cet article-là... Il y a l'article 33 de notre
règlement qui spécifie bien que celui qui veut avoir la parole
doit se lever. Mais il y a une coutume en cette Chambre également qui
dit qu'on doit respecter l'alternance entre les groupes
représentés. Et si je respecte l'alternance c'est M. le
député de Sainte-Marie..
M. Chevrette: Question de règlement, Mme la
Présidente. J'aurais une clarification à vous demander. Qui s'est
levé le premier, d'abord? Est-ce qu'on doit d'abord appliquer le
règlement? Est-ce que c'est un député? C'est parce que
j'ai remarqué depuis quelque temps, Mme la Présidente... Cela n'a
pas commencé avec vous. S'il vous plaît! Cela n'a pas
commencé avec vous, Mme la Présidente. Cela a commencé
à la période de questions depuis quelque temps en cette Chambre,
mes collègues vont en témoigner, à croire que c'est la
présidence qui "callerait les shuts". C'est rendu que c'est elle qui
déciderait à qui elle donne la parole dans une formation
politique. Le règlement est formel. C'est celui qui se lève le
premier. Vous n'êtes pas obligé d'aller le lever de sa chaise pour
qu'il se lève, parce qu'il y a là une stratégie
parlementaire. La stratégie doit être élaborée avant
que le droit de parole se demande, c'est évident. En l'occurrence, je
trouve très drôle que la présidente se lève de son
siège, Mme la Présidente, vous me permettrez de dire: C'est au
moins drôle. Vous lisez le seul article de règlement qui dit que
c'est celui qui se lève qui doit avoir la parole, et après...
M. Lefebvre: Mme la Présidente, question de
règlement.
M. Chevrette: Je suis sur une question de règlement.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je vais commencer par
finir d'entendre la question de règlement de M. le leader et je vous
reconnaîtrai sur la même question de règlement. J'ai reconnu
M. le chef de l'Opposition. M. le chef de l'Opposition.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur la question de
règlement soulevée par le chef de l'Opposition, je peux soulever
une autre question de règlement. C'est reconnu depuis longtemps. Vous
avez rendu une décision...
La Vice-Présidente: Si vous me le permettez...
Des voix:...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! J'aimerais
bien...
Une voix: Votre décision est rendue, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! J'aimerais
avoir la collaboration de cette Chambre. Si tout le monde crie après
moi, c'est sûr qu'à un moment donné, je ne suis plus
capable d'avoir le contrôle. Donc, là-dessus, je vous demanderais
de finir d'entendre l'intervention du chef de l'Opposition. Par la suite, M. le
leader adjoint du gouvernement, je vous reconnaîtrai sur la question de
règlement. M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je vous
répète les événements tels qu'ils se sont produits.
Dans un premier temps, je vous ai demandé de me faire part de l'article
du règlement sur lequel vous vous basiez pour reconnaître
l'intervenant, et le seul article que vous avez lu, c'est l'article 23, en
disant: C'est le député qui se lève et qui demande la
parole. Je vous demande: Qui s'est levé le premier? Vous savez
pertinemment bien, parce que je vous regardais au même moment, Mme la
Présidente, parce que d'autres, non pas celui qui vous a demandé
la parole pour la formation ministérielle... C'est le
député de Fabre qui vous indiquait que ça devait
être un type de sa formation, et il va en témoigner, je pense
qu'il est assez honnête intellectuellement pour le reconnaître. Ce
n'est sûrement pas à lui de vous indiquer. Ce n'est pas à
un député. Ce n'est même pas au leader du gouvernement - je
m'excuse, Mme la Présidente, c'est important - ce n'est même pas
au leader du gouvernement de vous indiquer qui doit parler. Ce n'est pas de
même qu'il va être nommé ministre, Mme la
Présidente.
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Lequel?
M. Chevrette: Le député de Laval-des-RapkJes.
Des voix: Ah! Ah!
M. Chevrette: Je vous disais donc, Mme la
Présidente... Une voix: Question de règlement, Mme
la
Présidente. Je ne vois pas pourquoi le chef de
l'Opposition...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Je demande la...
Une voix: La règle de l'alternance, il la connaît.
Ce n'est pas d'aujourd'hui. Voyons donc!
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Compte tenu de
ce qui se passe en cette Chambre, je suspends les travaux pendant quelques
instants.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise à 17 h 58)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez vous asseoir.
Je suis prête à rendre ma décision. Je vais
m'appuyer sur une jurisprudence établie en 1979 concernant la même
question. Cette décision se lit comme suit: "Au sujet de l'ordre des
intervenants dans un débat, la règle générale est
établie par l'article 33: le premier qui se lève en s'adressant
au président se voit accorder le droit de parole. Cependant, le
président respecte une rotation entre les différentes formations
politiques au début du débat. Par la suite, selon une tradition
maintenant établie, le principe de l'alternance entre en jeu: un opinant
pour, un opinant contre."
Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20
heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 11)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez prendre votre siège.
Nous allons reprendre nos travaux. Effectivement, nous allons reprendre
le débat sur l'adoption du projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu. Là-dessus, je suis prête
à reconnaître le premier intervenant M. le député de
Sainte-Marie.
M. Michel Laporte
M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. J'interviens ce soir
sur un projet de loi que je qualifierais de majeur pour le gouvernement et plus
particulièrement sur les effets qu'il peut produire dans le comté
que je représente, le comté de Sainte-Marie.
Ce projet de loi, comme il l'indique, le projet de loi 37, est une
réforme et, de par sa définition, vient changer l'ensemble des
dispositions, en en introduisant de nouvelles, qui concernent les gens qui
bénéficient actuellement de l'aide sociale.
Avant d'entendre certains intervenants,
avant l'ajournement des travaux à 18 heures, telle n'était
pas mon intention de politiser le débat ou, à tout le moins, de
ne pas sortir des arguments qui seraient hors du contexte du projet de loi 37.
Malheureusement, j'ai été à même d'entendre et
d'être assis passivement à écouter un des intervenants qui
a parlé ici en Chambre, le député de Saint-Jacques, dire
des choses que je qualifierais d'absolument innommables, pour prendre un terme
très poli, et surtout essayer d'une certaine façon de faire la
morale à celui qui vous parle.
Je trouve particulier pour le député de Saint-Jacques, que
je qualifierais de député voyageur, situé entre quelques
voyages au Chili en passant par la France, en revenant par l'Europe et en se
bousculant un peu à Hafti, d'essayer de venir me dire que le
député de Sainte-Marie n'a pas de suivi du projet de loi 37 et
n'a pas fait l'ensemble des revendications qu'il avait à faire
concernant ce projet de loi.
Je trouve particulier aussi que le député de Saint-Jacques
qui, à ma connaissance - et les membres de la commission seront
là pour en témoigner par la suite et surtout pour le confirmer -
a été omniprésent à l'ensemble des travaux que la
commission a effectués tant en entendant les 125 mémoires des
groupes concernés que dernièrement, en consacrant au-delà
de 40 heures à l'étude article par article du projet de
loi...
Je ne voudrais certainement pas dire, comme Gilles Lesage le disait dans
Le Devoir du 7 octobre 1988 en parlant du député de
Saint-Jacques. Il soulignait: "Le député péquiste
André Boulerice, que le souci des nuances n'a jamais
étouffé." Ce n'est pas moi qui l'ai dit, Mme la
Présidente, c'est un journaliste qui a mentionné cette petite
anecdote en faisant suite à une déclaration qu'il avait faite. Le
député de Saint-Jacques devrait toutefois me remercier de
l'opportunité que je lui ai offerte de citer quelques statistiques dans
son discours, statistiques qui sont reproduites dans le journal local et que
j'ai moi-même livrées aux journalistes. Cela prouve qu'il lit les
journaux locaux et qu'il s'appuie sur des recommandations ou plutôt sur
des statistiques que j'ai fournies moi-même, afin de donner une base un
tant soit peu crédible à l'argumentation qu'il nous sert.
C'est certain que je trouve aussi très particulier - je
reviendrai au projet de loi 37 un peu plus tard - que l'ancien président
de Montréal centre puisse argumenter aujourd'hui, et je suis
persuadé qu'il n'a pas réfléchi un seul instant aux propos
qu'il a tenus, concernant justement le problème qui a existé sur
le plateau Mont-Royal, concernant la levée du moratoire.
L'échappatoire qui existait depuis 1982 à l'intérieur de
ça et que le gouvernement dont il faisait partie... Le
député de Saint-Jacques, alors qu'il était
président de Montréal centre, je n'en ai jamais entendu parler.
J'ai essayé d'éplucher les journaux locaux de mon secteur pour
essayer de voir une déclaration qui traitait un tant soit peu de ce
sujet, des quelque 5000 à 10 000 familles déplacées et qui
assortaient de cette échappatoire de 1982, nulle part on en
retrouve.
Il en discutait, d'ailleurs, lors du départ qu'on pourrait dire
précipité de l'ancien chef du Parti québécois, M.
Pierre Marc Johnson. Il soulignait: Que voulez-vous que je fasse, je suis un
gars de parti. Il essaie aujourd'hui non pas de rabâter - ce n'est pas un
beau terme - mais de déchirer sa chemise en disant qu'il est à la
défense de tout. Je pourrais dire plus particulièrement qu'il est
contre tout. J'ai pris le défi, moi, comme député de
Sainte-Marie d'y aller sur le moyen et sur le long terme et de dire, en fin de
compte, que ce que je représente, ce sont les intérêts des
citoyens du comté de Sainte-Marie, des gens que je côtoie
régulièrement depuis ma naissance et dont je suis fier
d'être le représentant.
D'ailleurs, une des phrases que j'avais choisies pour débuter mon
discours sur le projet de loi 37 était de souligner que la
réforme de l'aide sociale doit être une préoccupation
constante qui doit devenir de façon permanente une constante
préoccupation. D'entrée de jeu, l'on se doit de souligner que les
personnes bénéficiaires de l'aide sociale sont des gens dignes,
autonomes et respectueux et faisant partie intégrante de notre
société. Il n'existe pas plus de fraudeurs à l'aide
sociale que dans d'autres sphères d'activité. Je pense, Mme la
Présidente, que cet énoncé nous resitue continuellement
dans le débat. Qu'on soit d'un côté de la Chambre ou de
l'autre côté de la Chambre, on doit conserver cette
prémisse.
Mme la Présidente, vous m'indiquez un chiffre qui me fait
pratiquement frémir sur le délai qui me reste pour discuter de ce
projet de loi très important pour mon comté. Pour faire le plus
brièvement possible, je dois indiquer que dans mon comté,
effectivement, il y a 4364 ménages sur l'aide sociale, dont 27 % ont
moins de 30 ans, 38 % ont de 30 à 44 ans, 28 % ont de 45 à 59 ans
et 8 % ont 60 ans et plus. De ce nombre, 63 % sont sur l'aide sociale depuis
plus de deux ans et, enfin, 81 % de l'ensemble des bénéficiaires
de mon comté n'ont pas terminé leur cours secondaire.
Il est certes important de mentionner que c'est un défi difficile
d'apporter des éléments ou une réforme visant les
individus et d'avoir des objectifs qu'ils devront atteindre, mais c'est un
processus continu comme j'ai pu l'exprimer. On a dit qu'en 1963, il y a eu le
rapport Boucher qui proposait une unification des droits des assistés
sociaux; en 1966, il y a eu l'instauration du Régime d'assistance
publique du Canada; en 1969, il y a eu l'adoption de la Loi sur l'aide sociale
qui, en novembre 1970, a été appliquée; en 1976, il y a eu
le plafonnement de l'aide sociale pour maintenir un écart avec le
salaire minimum; en 1979, il y a eu ce qu'on appelle le programme
SUPRET - il me fait plaisir de voir le député de
Saint-Jacques entrer en Chambre - en mars 1976... La clientèle avec ce
qu'on a aujourd'hui a passablement évolué...
La Vice-Présidente: À l'ordre! À
l'ordre!
M. La porte: ...pour nous amener au constat de la réforme
qu'on a actuellement.
Assurément, Mme la Présidente, on pourrait parler du
programme Soutien financier où on reconnaît l'obligation de
pourvoir aux besoins essentiels des personnes inaptes, soit tout près de
100 000 personnes sur l'aide sociale. Le programme se veut un peu plus
généreux pour elles.
J'aimerais, tout en y allant plus rapidement, souligner quelques
articles parus dans La Presse et aussi dans le livre blanc sur la
réforme de la fiscalité des particuliers. On titrait, dans La
Presse du mercredi 15 mai 1985, une date que plusieurs retiendront, citant
Mme Marois: "Les assistés sociaux devraient être
répertoriés en fonction des groupes distincts, ceux qui sont
inaptes au travail, ceux qui sont aptes au travail et ceux qui participent
à des mesures de réinsertion." Est-ce que le député
de Saint-Jacques, à ce moment-là, est intervenu bravement et
brillamment afin de rétorquer à cette application que Mme Marois
avait expliquée? On ne l'a jamais entendu.
Dans le livre blanc, Mme la Présidente...
M. Boulerice: Question de privilège, Mme la
Présidente. M. le...
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Jacques, vous aurez toute la possibilité d'intervenir après
l'intervention, mais durant l'intervention, il n'y a pas de question de
règlement. Là-dessus, M. le député de Sainte-Marie,
vous pouvez poursuivre. (20 h 20)
M. La porte: Je vous remercie, madame, de reconnaître mon
droit de parole. J'aimerais terminer en citant peut-être, à la
page 24 du livre blanc: "On peut d'ailleurs se demander dans quelle mesure il
était opportun, à la fin des années soixante, de vouloir
incorporer les personnes aptes et les personnes Inaptes dans les mêmes
structures de prestation. Je veux souligner que c'est un processus continu,
qu'il nous faudra toujours être vigilant concernant les droits des
assistés sociaux et souligner aussi plus particulièrement que ces
gens-là ont des droits aussi assurément, en fonction de
l'ensemble de la majorité. Merci, Mme la Présidente.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Sainte-Marie. M. le député de Saint-Jacques sur une question de
règlement!
M. Boulerice: M. le député de Sainte-Marie m'a
effectivement posé une question. J'aimerais lui répondre qu'il
pourrait étendre sa culture, lire les procès-verbaux du
conseil...
M. Bourbeau: Une question de règlement.
La Vice-Présidente: Une question de règlement, M.
le ministre.
M. Bourbeau: Le député de Saint-Jacques n'a pas
à faire de déclaration en cette Chambre, vous le savez fort bien,
Mme la Présidente. S'1 veut faire une question de règlement, il
n'a qu'à se lever et citer l'article du règlement. Il est en
train de faire une espèce de déclaration...
La Vice-Présidente: Je vais régler le dossier. Il
ne s'agit pas d'une question de. règlement, M. le député
de Saint-Jacques. Là-dessus, Je suis prête à
reconnaître le prochain intervenant qui est M. le député de
Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le projet de
loi 37 est en soi un projet de loi d'une extrême importance. Et la
fébrilité avec laquelle le ministre responsable joue au leader
parlementaire prouve qu'il se sent excessivement au fond de l'os touché
par nos interventions.
Félix Leclerc disait: "Entre la chair et l'os, je sens
s'installer la colère." On sent que le ministre, par les interventions
que nous faisons, sent un vide entre la chair et l'os et que la
coiè commence à trouver lieu de refuge entre la chair qu'il
a et l'os qui lui pend au bout du nez, si cette loi passe.
Il est d'extrême importance de dire en cette Chambre que, dans
tous les grands dossiers du Québec, autant les dossiers linguistiques,
les dossiers du plein emploi, les dossiers du développement
économique que les dossiers généraux de soutien des moins
bien nantis et des défavorisés, il n'y a pas de politique
générale installée par ce gouvernement depuis qu'il est
élu. De façon générale, on donne aux
néophytes du pouvoir un certain laps de temps pour s'acclimater aux
nouvelles responsabilités qui leur incombent lorsqu'ils prennent le
pouvoir. Après trois ans, je ne crois pas qu'on puisse, de façon
rationnelle, décente, explicable et compréhenslve, jouer aux
néophytes du pouvoir. Pourquoi arnVe-t-on ici dans un braquage de
l'ensemble des Intervenants dans le domaine des affaires sociales contre le
projet de loi 37? Parce qu'à la base, toutes les philosophies qui se
doivent de gouverner un État ont été atrophiées et
coupées sur le socle de la compréhension. Ce sont des gens qui
gouvernent jour après jour.
Du côté des affaires sociales, j'ai entendu les gens de mon
côté faire plusieurs interventions. Tous ont parlé de
l'ensemble des Inter-
venants du domaine des affaires sociales, de 1666 groupes, associations,
qui se sont rebellés contre ce projet de loi 37. Il est possible que, de
temps à autre, une association ou un groupe ait tort. Mais il est
impossible que tous les groupes aient tort en même temps. C'est
impossible. Il n'est pas possible de dire, comme la mère éblouie
qui regarde le régiment passer et qui voit, dans les 3000 soldats qui
sont là, son fils qui, au lieu de faire droite, fait gauche: Le seul qui
a le pas, c'est mon fils. C'est impossible, Mme la Présidente. Alors,
actuellement, le ministre regarde tous les gens qui sont dans le
régiment de la défense des gens défavorisés au
Québec; autour de lui, il y a 98 autres députés qui
regardent le ministre se promener dans son régiment et qui disent: II
n'y a que le ministre qui a le pas.
Les exemples sont toujours boiteux, surtout quand on parle de pas. Mais
je crois que le ministre, dans son projet de loi, fait le pied-bot. Il
n'écoute pas les intervenants qui font régiment, 1666
associations qui disent au ministre: Le projet de loi 37 est inacceptable,
à la première lecture. Il est répugnant, à la
deuxième et il vaut d'être aboli à la troisième
lecture. Et le ministre est là, il dit: Que l'Opposition s'en contente,
c'est la philosophie momentanée de mon parti! Mme la Présidente,
je suis ahuri de voir l'irrespect que l'on fait des intervenants. Que l'on
blâme des gens dits et qualifiés, par le gouvernement actuel,
d'extrême-gauche dès qu'ils ne sont pas dans la grosse association
de la droite épaisse, je le comprends. Mais qu'on vienne dire que
même l'association des évêques et des religieux s'oppose de
façon totale, sans aucune restriction, à ce que
l'Assemblée vote ce projet de loi... Ah bien là... Et que le
ministre reste coi, j'en suis éberlué!
Mme la Présidente, vous savez pertinemment que dans une
société qui se respecte il y a... Et le peuple
québécois a dans son sein les associations qu'il faut pour
défendre les droits primaires de toutes les couches de la
société. Un degré de satisfaction à
l'intérieur d'une population est facile à obtenir lorsque l'on
protège ceux qui sont les mieux nantis. Au Québec, de
façon générale, Mme la Présidente - parce que nous,
les députés, nous faisons partie des gens un peu
privilégiés - il y en a entre 75 % et 80 % qui sont
privilégiés, qui sont dans la classe moyenne ou qui sont dans la
classe supérieure. Il y en a 15 % à 20 %, disons, qui ont des
problèmes momentanés ou permanents. C'est facile d'avoir un gros
degré de satisfaction dans les sondages lorsque notre philosophie n'est
là que pour protéger les 80 % qui sont bien nantis et qui sont
heureux dans le système dans lequel nous vivons. Mais ce n'est pas
là qu'on regarde la colonne, l'épine dorsale,
l'échiné d'une philosophie qui doit diriger un pays, un
territoire et une nation et un peuple! Le degré de civilisation de
quelqu'un qui gouverne, c'est la façon dont il traite les personnes
moins bien nanties ou les gens momentanément dépourvus des
pouvoirs de bien agir. Et il s'agit, en l'occurrence, des personnes
âgées, des personnes qui, momentanément, se retrouvent sans
emploi et des personnes qui, par déficience ou par défaut
physique, ne peuvent accomplir des tâches excessivement productives pour
la société. Eh bien, Mme la Présidente, on reconnaît
la valeur de la civilisation et de la compréhension d'un gouvernement
à la façon dont il traite ces gens-là.
C'est aberrant qu'avec tous les gens qui s'opposent à ce projet
de loi... Et même si on ne s'opposait pas au projet lui-même... Mme
la Présidente, vous me dites qu'il me reste deux minutes. C'est sur
ça que je vais conclure.
Durant la campagne électorale de 1985, le Parti libéral a
dit qu'il donnerait la parité aux jeunes de 18 à 30 ans.
J'entends des échos qui disent: C'est ce qu'on fait. Quand on a promis
la parité aux jeunes de 18 à 30 ans, on n'a pas mis de
restrictions, on n'a pas mis de conditions. On a dit qu'on donnerait aux jeunes
de 18 à 30 ans la même chose que les gens de 30 ans et plus. Ce
n'est pas ce qu'on fait. On diminue tout le monde. On trouve des restrictions
dans tous les groupes de la société afin que le budget
s'équilibre. On rencontre un jeune étudiant et on lui dit: Tu as
fini tes études maintenant; tu n'as pas d'emploi parce qu'on n'a pas de
politique d'emploi; on ne te trouvera pas d'emploi, on n'a pas de politique
d'emploi, va-t-en sur le bien-être social. (20 h 30)
Écoutez, Mme la Présidente, on ne peut pas dire
continuellement qu'on peut bourrer le monde comme ça dans une campagne
électorale, arriver au pouvoir après et faire le contraire. On ne
peut pas dire à un jeune homme: Bourre, beau gosse; on te bourrera tant
qu'on voudra. Ce n'est pas possible de bourrer le monde de cette façon.
C'est ce qu'on dit, Mme la Présidente. C'est impossible, ça ne
résiste pas à l'analyse. Et le premier ministre lui-même
disait: Le discours avant une élection et le discours après n'est
pas le même. On le voit encore dans ce projet de loi. Pour être
franc, Mme la Présidente, c'est la même chose du côté
linguistique. Je vois des gens arriver en Chambre qui regardent le
côté linguistique. Le programme dit que tout sera bilingue. C'est
impossible au Québec que l'affichage soit bilingue, parce qu'il y a un
certain respect d'une majorité. On est 83 % au Québec qui parlons
français dans nos familles et on veut que ça demeure ainsi.
Pour être franc, Mme la Présidente, ce gouvernement n'a pas
de politique linguistique, pas de politique de développement de
l'emploi, pas de politique de développement économique et aucune
conscience sociale pour protéger les démunis. Le projet de loi 37
en est la manifestation extérieure. C'est pour ça que l'ensemble
de la population s'y oppose. Que le ministre se le tienne pour dit, nous allons
voter contre ce projet de loi avec fierté parce que les démunis,
les gens qui ont des problèmes, nous voulons les
soutenir parce que c'est un signe évident de civilisation surtout
à l'époque où nous vivons. Mme la Présidente, je
vous remercie beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne.
M. Chevrette: ...l'alternance que j'attendais, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition.
M. Bourbeau: Entente, pas dans... Bon! M. Guy
Chevrette
M. Chevrette: Mme la Présidente, après avoir
écouté très attentivement le député de
Laval-des-Rapides et Mme la députée de Deux-Montagnes, je me suis
dit qu'il était important que j'unisse ma voix à celle de mes
collègues, puisque je pense que l'honnêteté intellectuelle
a sa place dans ce genre de débat, et qu'on doit dire aux gens que cette
réforme comporte de nets reculs et des diminutions au-delà de ce
qui s'est dit. Je prends, par exemple, entre autres, l'argumentaire que nous a
fourni le député de Laval-des-Rapides, qui est venu dire en cette
Chambre que ce projet de loi était une nette amélioration.
Je vais vous parler un peu de la nette amélioration, Mme la
Présidente, en prenant l'exemple d'un jeune qui se verra potentiellement
offrir une augmentation à la base. Mais, en lui donnant d'une main, on
lui arrache de l'autre. Il faudrait lui dire à ce jeune. Prenez un jeune
qui vit dans le partage du logement, il aura droit à 52 $ au maximum
dorénavant, alors qu'il pouvait aller chercher plus du double. C'est une
coupure extrêmement majeure. Le jeune qu'on va envoyer travailler dans un
milieu, dont la santé ne lui permet même pas, au premier coup
d'oeil, 100 $ de moins, premier refus. Bien sûr, ils vont lui dire: Va
donc en appel, va donc t'amuser devant les tribunaux d'appel. Mais il va
automatiquement retomber. Je ne suis pas sûr qu'il ne retombera pas en
bas, Mme la Présidente, qu'on ne le diminue pas à un point
inférieur à ce qu'il était à part ça. Mais
ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, on a promis la parité et il faut
leur donner l'illusion de la parité. C'est ce que vous avez dit aux
jeunes. Vous leur avez dit que vous leur donneriez la parité sans pour
autant les diminuer. Vous ne leur avez pas dit que n'importe quel employeur
pouvait faire appel à un nombre x en disant: Envoyez-moi donc une
demi-douzaine d'assistés sociaux.
Sont-ils capables ou non de remplir les fonctions? Cela n'a pas
d'importance. Envoyez-moi-z-en une demi-douzaine. Le gars les fait travailler
trois ou quatre heures, puis il dit: Ces deux-là ne font pas l'affaire;
allez-vous-en. 100 $ de moins, ce n'est pas grave. Premier refus. Le gros
bidonnage. Le ministre se tape sur la bedaine en disant: Voici, on est en train
d'épurer nos listes. Et il rigole.
C'est le danger d'une telle réforme, M. le Président, que
le gouvernement soit en train de sombrer carrément dans l'illusionnisme
vis-à-vis de ces gens-là. Je vous avoue que cela ne joue pas
à moyen terme. À court terme, cela peut être très
rentable. C'est vrai qu'au Québec, comme partout, d'ailleurs, on n'aime
pas payer des impôts. Effectivement. Si vous allez dire à la
population: Ce serait bon qu'on leur serre la vis à ces assistés
sociaux-là, je n'en connais pas beaucoup qui vont être d'accord
avec vous. Quand tu es contribuable, salarié moyen, et que tu penses que
tu peux faire un gain de paiement d'impôt... Vous allez aller chercher
l'assentiment de la population, je n'en disconviens pas. Je sais que,
même parmi mes proches, il y a des gens qui diraient: Oui, mais,
Chevrette, comment peux-tu t'opposer à ça? On risque de payer un
peu moins d'impôt. Oui, c'est vrai. Mais ce n'est pas ça notre
rôle. On a été élus pour faire un partage
équitable de la richesse collective. On a été élus
pour essayer d'en donner aux moins bien nantis. On a été
élus pour proposer des choses correctes. Toute votre politique est
axée sur l'employabilité. L'employabilité a fait ses
preuves à 17,5 %, vous le savez.
On a le double du chômage de l'Ontario. Où allez-vous
créer les emplois? Vous n'avez aucun programme de création
d'emplois. Vous avez axé toute votre politique sur le plan de
développement économique et de l'emploi, sur la libre
concurrence. Vous faites du "surf" parce que l'économie va bien.
L'économie va tellement bien qu'on est revenu au double du chômage
de l'Ontario alors qu'en pleine crise économique, quand on pensait
à des programmes de création d'emplois, on avait réussi
à détruire temporairement cette image du double chômage de
l'Ontario. Et vous dites à tous les jeunes assistés sociaux: Si
tu veux avoir la parité il va falloir que tu acceptes les jobs sinon on
va te couper, indépendamment de la job. Cela, Mme la Présidente,
c'est leurrer les gens, il faudrait que vous disiez aux gens que c'est
ça que vous proposez. Il faudrait que vous disiez aux gens combien
ça va vous rapporter. Quand tu as 9 % de chômage et que le
lendemain matin tu prends tous les assistés sociaux et tu essaies de
leur faire remplir des emplois qu'ils ne sont pas capables de remplir, vous le
savez très bien. Tu peux avoir 9 % de chômeurs. À plus
forte raison, tu as moins d'emplois à leur offrir. Plus tu as de
chômeurs, comment voulez-vous offrir des emplois? Ils sont beaucoup plus
pour se les partager. Vous le savez.
Comment pouvez-vous baser toute une réforme sur
l'employabilité avec 9 % de chômeurs? Comment, pouvez-vous
décemment vous considérer honnêtes vis-à-vis de ces
gens? Pensez-y 30 secondes. Pensez donc si un des vôtres était
touché. C'est facile de dire que ce
sont tous des bandits et des voleurs. Ce n'est pas vrai. Vous le savez.
Malheureusement, c'est l'image que plusieurs charrient dans une telle
conjoncture. Oui, oui. Ne dites pas le contraire. Parce qu'on prend un ou deux
cas exceptionnels, on prend deux ou trois cas exceptionnels et on essaie de
faire dire que tout le monde est pareil. Ce n'est pas vrai. Il ne faudrait pas
faire comme le député de Sainte-Marie, avoir un discours dans son
comté, se cacher. Il n'était pas au vote ce matin quand on a
adopté les amendements.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À
l'ordre!
M. Chevrette: Puis il est intervenu parce que tous les
députés de son groupe étaient allés le voir. Le
ministre est parti de sa place pour aller dire au député de
Sainte-Marie: Interviens parce que le député de Saint-Jacques
vient de parler de toi.
Écoutez, Mme la Présidente, on l'a vu faire, de nos yeux
vu, en cette Chambre. On est allé lui dire: Vas-y, interviens parce que
tu baisses. C'est ça. J'ai vu le ministre, et je le mets au défi
de dire qu'il n'est pas allé le voir. Je mets au défi le ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de dire qu'il
n'est pas allé voir le député de Sainte-Marie pour lui
dire d'intervenir. Je l'ai vu de mes yeux vu avant le souper.
Mme la Présidente, je pourrais continuer. Avez-vous dit aux gens
qu'on tiendra compte du fait qu'ils vivent en HLM dans leurs prestations d'aide
sociale? Vous ne leur avez pas dit. Vous allez les couper. Pourtant,
l'ex-ministre avait dit qu'il prenait l'engagement. Ce matin, jamais le
ministre n'a répondu à cette question du critique de
l'Opposition. Non seulement il n'a pas répondu à la question mais
il ne semblait pas la comprendre. Ou, s'il la comprenait, il n'y
répondait pas délibérément. Avez-vous dit ça
à ces gens? Ah! Le député de Richelieu va y
répondre, imaginez-vous! Il a de la misère à se mettre sur
la "map" juste par ses questions. Il doit être capable de présumer
ce qu'un autre va répondre. (20 h 40)
Imaginez-vous. Mme la Présidente, j'avais le goût de faire
une farce, je vais m'abstenir. Je voudrais regarder, par exemple, trois
incohérences avant de terminer. Les jeunes libéraux sont venus
témoigner devant la commission. Ils ont parlé au ministre du
temps et l'actuel ministre a épousé d'ailleurs cet amendement, il
a dit: Les jeunes devraient avoir le droit de poursuivre leurs parents. Le
gouvernement a trouvé ça extrêmement brillant. Judiciariser
les rapports entre enfants et parents. C'est dans votre projet de loi. Le
dites-vous aux gens? Le dites-vous que c'est une mesure de la réforme de
l'aide sociale? Vous acceptez ça? Des ex-enseignants ou des
extravailleurs sociaux acceptent qu'on judiciarise les rapports entre enfants
et parents, qu'on permette aux enfants de poursuivre les parents. Vous acceptez
ça vous autres. Je trouve ça inacceptable. Est-ce qu'on accepte
que pour être conjoint de fait, quand c'est l'aide sociale, il faut
mettre seulement un an? Oui, parce que si on met trois ans comme dans
l'assurance-automo-bile... Inscrivons un an, quand ils auront vécu
ensemble un an à l'aide sociale, il faudra qu'on puisse les couper. On
va pouvoir enlever au moins 15 000, 20 000 couples. À
l'assurance-automobile c'est moins pire trois ans. Il y a moins de monde.
Mme la Présidente, c'est ça votre philosophie sociale:
couper le maximum de monde, prendre le maximum de mesures pour couper le
maximum de familles. C'est ça? Je regarde le ministre
délégué à la Famille qui est ici, est-ce qu'il
accepte ça, lui, la notion de conjoint de fait d'un an à l'aide
sociale, chez les moins bien nantis et trois ans à
l'assurance-automobile? Je suis convaincu qu'ils n'ont pas consulté le
ministre délégué à la Famille avant. Il ne pourrait
pas adhérer à une telle politique, c'est impossible, c'est
impensable. C'est une façon claire et nette de concevoir une
responsabilité sociale en fonction du portefeuille, et non pas en
fonction des convictions. Pourtant, c'est le rôle de l'État de
faire le partage de la richesse collective.
Je termine en vous disant que la notion d'inapte contenue dans la loi 37
rendra dorénavant aussi difficile pour un individu du bien-être
social, bénéficiaire de l'aide sociale avec des pitances
minimales d'obtenir son statut d'inapte. Mme la Présidente, ce sont les
notions de la notion d'invalidité que l'on retrouve maintenant dans la
loi.
La notion d'invalidité, pour ceux qui travaillent à leur
bureaux de comté, vous en faites du bureau de comté, vous en avez
eu des petits cas d'invalidité, pensez-y 30 secondes. Il faut quasiment
que le gars soit mort ou que la femme soit morte, bon Dieu, pour toucher une
invalidité. Vous le savez. Vous introduisez dans la Loi sur l'aide
sociale cette notion d'inapte qui correspond à de l'invalidité.
Encore une fois pour pénaliser davantage du monde qui ne touche à
peu près rien. C'est là, Mme la Présidente, cette vision
erronée, faussée de ce que c'est et ne profitez pas... Je supplie
le ministre et son gouvernement de ne pas profiter de conjonctures où il
est très facile... Oui, Mme la Présidente, mais je vous ai vue
demander à trois reprises à mon prédécesseur ou au
deuxième avant de conclure... Je finis en 30 secondes en vous disant
ceci: Je supplie le ministre et son gouvernement de ne pas abuser de la
conjoncture qui fait en sorte qu'on puisse facilement mettre le grappin sur les
moins bien nantis.
Au contraire, c'est dans ces périodes de prospérité
économique que l'État devrait être le plus ouvert sur le
plan social, pour ces gens.
La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. M.
le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, en
réplique.
M. André Bourbeau (réplique)
M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Nous arrivons
maintenant à la toute dernière étape, aux derniers moments
de ce débat sur la réforme de l'aide sociale et sur le projet de
loi sur la sécurité du revenu. Avant de passer à la partie
la plus sérieuse de cette allocution, je ne peux passer sous silence ma
tristesse d'entendre des propos semblables à ceux que vient de nous
tenir celui que l'on appelle le chef de l'Opposition. C'est vraiment
attristant, Mme la Présidente, de voir dans un parlement comme celui-ci
quelqu'un qui est censé être une personne responsable, qui est
censé diriger une formation politique, tenir des propos aussi
irresponsables, aussi incohérents, aussi exagérés, aussi
dénudés de mesure et qui dénotent une totale
incompréhension ou ignorance du projet de loi que nous avons devant
nous.
Mme la Présidente, je reconnais que certaines personnes ou
certains groupes peuvent ne pas être d'accord avec la réforme que
nous proposons, même si la grande majorité des
Québécois y sont favorables. On ne peut quand même pas
passer sous silence des déclarations comme celles qu'on vient
d'entendre, par exemple, à savoir que nous avons une description, une
désignation de l'inaptitude qui colle sur la notion d'invalidité.
C'est faux. Seront admis comme inaptes au travail ceux qui ont de
sévères contraintes à l'emploi. Cela devra, au
départ, être des gens qui ont une certaine condition
médicale. Ils devront se munir d'un certificat médical. À
partir de là, nous tiendrons également compte des circonstances
autres, comme, par exemple, ce qu'on appelle une condition psychosociale ou des
phénomènes socioprofessionnels, de sorte que si une personne a un
certain problème médical, mais plutôt léger, il sera
quand même possible d'admettre cette personne au programme Soutien
financier, qui est le programme de ceux qu'on appelle les inaptes, si, en plus
de la certaine condition médicale, il y a une condition
socioprofessionnelle telle que, par exemple, un âge assez avancé,
un manque évident de scolarisation ou un manque d'expérience de
travail. Ces facteurs, on en tiendra compte également, en plus de la
situation médicale, de sorte qu'il est totalement faux d'affirmer qu'il
faudra être invalide pour être admis au programme Soutien
financier. Non seulement c'est une exagération, c'est une
fausseté absolue.
Deuxièmement, le député de Joliette,
malheureusement chef de l'Opposition, a également traité des
conjoints de fait d'une façon erronée encore. Mme la
Présidente, c'est vrai que nous traitons les conjoints de fait à
l'aide sociale comme des conjoints légalement mariés,
c'est-à-dire que nous ne faisons pas de distinction. À partir du
moment où un couple vit en situation maritale, nous les traitons
exactement sur le même pied que ceux qui sont mariés, par exemple,
à l'église ou à la mairie. Si nous ne le faisions pas, ce
serait totalement inéquitable envers les gens qui vivent dans des
situations légales de mariage. Imaginez-vous le cas d'un couple qui,
vivant en situation de vie maritale, ferait en sorte que la femme pourrait
aller à l'aide sociale pendant que son conjoint travaille et gagne un
salaire. Qu'est-ce que je pourrais répondre au couple marié qui
demeure tout près et à l'égard de qui la femme ne peut pas
aller à l'aide sociale? On pourrait avoir deux couples voisins, sur le
même palier de la même maison, et un couple serait limité au
salaire du mari parce que ce serait un couple marié dans une situation
traditionnelle, alors que l'autre couple, vivant en situation de vie maritale,
pourrait voir la femme aller s'abreuver à l'aide sociale parce que ces
gens-là ne sont pas mariés. Pourtant, ce sont des gens qui ont
des enfants, qui vivent exactement de la même façon.
Ce serait inéquitable, absolument inéquitable pour les
gens qui ont eu le bonheur ou le malheur de se marier à l'église
et ce serait une attraction terrible à faire en sorte d'inciter les
couples mariés à se séparer pour permettre à la
femme séparée d'aller à l'aide sociale. On pourrait,
après ça, voir les mêmes gens se remettre en ménage,
en situation de conjoints de fait, ce qui deviendrait proprement aberrant.
Donc, vous avez compris comme moi que nous devons traiter tous les gens
à l'aide sociale sur le même pied. Quand nous avons des gens qui
vivent en situation de vie maritale, nous leur appliquons exactement les
mêmes règles. (20 h 50)
Du côté de l'Opposition, on nous a affirmé qu'il y
avait un nombre incalculable d'associations qui s'opposent à la
réforme de l'aide sociale. On nous a remis une liste. Dans cette liste,
on a l'impression de regarder un bottin téléphonique. On a pris
probablement le premier organisme sur une page du bottin. On prend par exemple
un centre d'accueil de Chandler, et là, on a listé tous les
centres d'accueil du Québec. Évidemment, il y en a un nombre
incalculable. On prend un centre communautaire et on liste tous les centres
communautaires qu'il peut y avoir dans la province. Les CLSC, on a
réussi à aligner à peu près tous les CLSC du
Québec, toutes les associations de locataires. On prend des centres de
femmes, tous les centres de femmes, etc. Les centres hospitaliers, tous les
hôpitaux du Québec sont listés. Mme la Présidente,
ce n'est tout simplement pas sérieux. J'ai mis au défi
l'Opposition de nous produire la preuve que ces organismes-là ont
vraiment signifié leur opposition à la réforme de l'aide
sociale. C'est une chose que d'écrire un nom sur une liste, c'est une
autre chose de nous prouver que chacun de ces organismes a réuni son
conseil d'administration et a fait voter une résolution à la
majorité des membres indiquant l'opposition à la réforme
de l'aide sociale, il est évident que l'Opposition ne l'a pas fait, sans
quoi elle nous
aurait produit les documents justificatifs qui prouvent que ces
organismes-là se sont vraiment déclarés contre la
réforme de l'aide sociale.
Comment pourraient-ils faire la preuve que ces organismes-là sont
majoritairement contre la réforme de l'aide sociale quand on sait
qu'au-delà de 90 % des Québécois, par sondage, ont
indiqué leur appui à la réforme de l'aide sociale? Ils ne
pourraient jamais trouver une majorité de membres d'un conseil
d'administration qui voteraient pour une résolution indiquant que
l'organisme est contre la réforme de l'aide sociale.
Mme la Présidente, sans faire aucune sollicitation, nous avons
tout de même obtenu certains témoignages. On en a fait état
un peu plus tôt. Dans la liste des hôpitaux faisant partie des 1660
présumés organismes qui s'opposent à la réforme de
l'aide sociale, il y a entre autres l'hôpital Charles-LeMoyne,
situé comme par hasard dans le beau comté de Laporte que j'ai
l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale. On l'a
dit un peu plus tôt, mais je répète que j'ai ici une lettre
de l'hôpital Charles-LeMoyne, sur la papeterie de l'organisme,
signée par le directeur général qui indique qu'en aucune
façon, cet hôpital-là ne s'oppose à la
réforme de l'aide sociale puisqu'on n'en a même pas discuté
à aucune réunion du conseil d'administration. On indique que
toute prétention à ce contraire serait sans fondement.
Voilà une preuve, Mme la Présidente, que le document qu'on nous
présente est sans fondement. Je reçois, sans l'avoir aucument
sollicitée, ici, une lettre d'un organisme qui s'appelle le Syndicat des
producteurs de bois, Outaouais-Laurentides. Laissez-moi vous la citer. Cela
indique qu'un organisme ici, le Syndicat des producteurs de bois
Outaouais-Laurentides, représentant 13 500 propriétaires de
boisés dont 4500 sont membres adoptait unani-ment à son
assemblée annuelle tenue a Papineau-ville, le 27 avril 1988, une
résolution d'appui en ce qui a trait à la réforme de
l'aide sociale. "Nos producteurs connaissent depuis déjà un bon
moment un problème de main-d'oeuvre sylvicole vieillissante et une
relève qui se fait attendre et est souvent inexpérimentée.
Je crois qu'avec des bons programmes appropriés aux secteurs des
forêts privés des ouvertures pour les travailleurs sytvicoles
seront créées."
Mme la Présidente, voici une lettre qui nous arrive
spontanément d'un organisme syndical qui nous déclare son appui
à la réforme de l'aide sociale. Si on avait fait le quart de la
moitié des efforts de l'Opposition pour obtenir des lettres semblables,
on pourrait en empiler ici des milliers et des milliers. Je n'irai pas plus
loin pour vous dire que cette réforme de l'aide sociale est importante;
elle est essentielle même. Vous savez qu'il y a une vingtaine
d'années quand on a mis sur pied la Loi sur l'aide sociale, la
société du Québec était totalement
différente de ce qu'elle est aujourd'hui. À cette époque,
on avait à l'aide sociale une très grande majorité des
gens qui étaient inaptes au travail, des gens malades dont l'état
de santé ne leur permettait pas de travailler. Et, à ce
moment-là, la société québécoise avait un
concept familial beaucoup plus unifié que maintenant. Or, aujourd'hui,
20 ans après, la société a changé. Elle a
changé. Nous pouvons, entre autres, aujourd'hui, voir le
phénomène des familles monoparentales, phénomène
qui existait très peu, il y a 20 ans.
A l'aide sociale, depuis quelques années, nous avons vu
l'arrivée d'un nombre incalculable de gens aptes au travail,
c'est-à-dire de gens qui sont en parfaite santé et capables de
travailler. Or, si la société québécoise a
évolué depuis 20 ans, la Loi sur l'aide sociale, elle, n'avait
pas évolué. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a
jugé utile et important de modifier la loi pour qu'elle reflète
la société d'aujourd'hui.
Dans cette loi, nous avons suivi certains grands principes. Il faut se
souvenir, par exemple, que l'aide sociale est un système de dernier
recours. Ce n'est pas un endroit où l'on vient frapper quand on manque
d'argent pour boucler la semaine ou le mois. C'est vraiment un endroit
où l'on vient frapper quand on a épuisé tous les recours
possibles et impossibles, quand on a frappé à toutes les portes
et quand il ne reste plus rien que l'aide sociale. Nous ramassons les gens qui
sont rendus au fond du tonneau, et c'est cela le but. La société
québécoise ne laisse tomber personne. Il n'y a aucun
Québécois qui ne sera pas accueilli à l'aide sociale s'il
est dans le dénuement. Je tiens à le dire pour qu'on le sache,
l'aide sociale est là pour aider ceux qui n'ont rien d'autre. Nous avons
l'intention de continuer à garder ce filet de sécurité qui
est là pour tous ceux qui en ont besoin.
Lors de la dernière élection provinciale, lorsque nous
avons proposé le programme du Parti libéral, nous nous sommes
engagés à réformer l'aide sociale, et nous nous sommes
engagés à le faire selon une façon que nous avons
annoncée à la population. Nous avons dit: Nous allons mettre fin
à la distinction fondée sur l'âge qui faisait que, depuis
toujours, à l'aide sociale on traitait différemment les gens de
moins de 30 ans et ceux de plus de 30 ans. À ceux qui avaient moins de
30 ans, on donnait un barème extrêmement réduit. À
titre d'exemple, une personne seule, à l'aide sociale, reçoit
présentement 178 $ par mois, ce qui, vous en conviendrez, est nettement
insuffisant pour permettre de subvenir aux besoins les plus primaires. Nous
avons dit: Lors de la réforme, nous allons abolir cette distinction
fondée sur l'âge et traiter tout le monde de la même
façon, ceux qui ont moins de 30 ans comme ceux qui ont plus de 30 ans.
C'est ce que prévoit le projet de loi que nous avons devant nous.
Nous avons également décidé d'instaurer dans le
nouveau régime une nouvelle distinction, celle-là fondée
sur l'aptitude ou l'inaptitude au travail. Nous allons classer les gens en
aptes ou
inaptes, c'est-à-dire des gens qui ne peuvent pas travailler
parce que leur condition physique ou mentale est
détériorée d'une façon significative, en plus des
problèmes socio-professionnels qu'ils pourraient avoir. L'Opposition
nous a fait un plat de cette volonté d'instaurer cette distinction entre
les inaptes et les aptes. Pourtant, tous les pays industrialisés font
cette distinction. Toutes les provinces canadiennes traitent mieux leurs
assistés sociaux inaptes au travail, et c'est normal qu'il en soit ainsi
parce que ces gens sont les plus mal pris de la société.
Imaginez-vous, en plus d'être totalement démunis
financièrement, ces gens ont des problèmes de santé
physique ou mentale, ou des problèmes socioprofessionnels qui les
empêchent de pouvoir garder un emploi. Nous avons donc, c'est
évident, un devoir additionnel envers eux, et c'est pour cela qu'avec la
réforme que nous proposons, nous allons augmenter d'une façon
substantielle les prestations de ceux qui sont dans cette classe
d'assistés sociaux qu'on appelle les inaptes au travail.
Finalement, le troisième pilier de la réforme, c'est
l'incitation au travail, bien sûr. Il faut que, dorénavant, on
comprenne qu'il doit être plus payant d'aller travailler, même au
salaire minimum que de rester à l'aide sociale. Il est arrivé au
cours des dernières années que les revenus qu'on pouvait retirer
de l'aide sociale, devenaient plus payants que le salaire minimum. Pas
surprenant qu'au cours des trois ou quatre dernières années,
entre les années 1983 et 1985, on ait vu l'arrivée à
l'aide sociale d'environ 200 000 personnes, justement parce que, entre autres,
c'était plus payant de rester à l'aide sociale que d'aller
travailler, surtout, en tout cas, pour un père de famille avec deux
enfants. (21 heures)
Mme la Présidente, cette réforme que nous proposons a de
grands avantages. Premièrement, elle va, comme je l'ai dit, permettre
aux jeunes de moins de 30 ans d'avoir le même barème que ceux qui
ont plus de 30 ans. Elle va permettre aux inaptes, ceux qui ont des
problèmes sérieux de santé d'obtenir un barème
beaucoup plus élevé et elle va également permettre
d'inciter sérieusement au travail ceux qui sont aptes au travail et
capables de travailler.
On a parlé du partage du logement. On a prétendu que le
partage du logement, c'était une calamité. Mais pourtant, Mme la
Présidente, le partage du logement existe présentement à
l'aide sociale. Nous n'inventons rien avec le partage du logement. On
l'applique présentement à l'égard des assistés
sociaux qui demeurent dans leur famille ou à l'égard des parents
qui demeurent chez leurs enfants. Et le seul amendement que nous faisons
à ce principe-là, c'est que nous étendons le partage du
logement à la totalité de la clientèle de l'aide
sociale.
On a parlé également de la contribution alimentaire
parentale. Pourquoi demandons-nous aux parents de faire un petit effort avant
que les enfants puissent venir à l'aide sociale? Nous estimons, comme
d'ailleurs dans le régime des prêts et bourses, que nous devons -
étant donné que le système d'aide sociale est un
système de dernier recours - demander aux jeunes qui se
présentent à l'aide sociale d'aller premièrement frapper
à la porte des parents. Nous estimons que, lorsque les enfants
atteignent l'âge de 18 ans, la responsabilité des parents ne se
termine pas nécessairement à ce moment-là. Si les enfants
ont le critère de dépendance prévu dans la loi et que les
parents ont des revenus suffisants, c'est à la porte des parents qu'ils
doivent aller frapper prioritairement. Et si les parents ont des revenus
suffisants, ils doivent s'occuper de leurs enfants à l'aide sociale
comme dans le système des prêts et bourses pour les
étudiants. Maintenant, si jamais des cas exceptionnels se
présentaient où des enfants de, familles à l'aise
étaient en rupture avec leur famille, nous avons prévu, Mme la
Présidente, de les accueillir quand même à l'aide sociale
et nous prendrons les dispositions pour faire comprendre aux parents leurs
responsabilités.
Vous m'indiquez, Mme la Présidente, qu'il me reste deux minutes.
Je vais tenter d'accélérer autant que possible. Vous savez, Mme
la Présidente, qu'une des innovations que nous avons proposées
c'est le programme de subventions salariales, c'est-à-dire que nous
allons utiliser une partie de l'énorme budget que nous avons à
l'aide sociale pour inciter les employeurs, qu'ils soient publics ou
privés, à permettre à des assistés sociaux de
s'insérer en emploi. Cela pourra être des municipalités,
ça pourra être des ministères du gouvernement, ça
pourra être des organismes communautaires comme ça pourra
être l'entreprise privée. L'employeur sera incité à
engager des assistés sociaux. Ce ne sera pas, Mme la Présidente,
comme on a tenté de le faire croire du côté de
l'Opposition, d'une façon démagogique. Ce ne seront pas des
employés rémunérés comme des esclaves. Nous allons
nous assurer que ces emplois-là soient des emplois de bonne
qualité et rémunérés à des taux convenables.
Et je pense que c'est rendre service aux assistés sociaux que de leur
permettre d'acquérir de l'expérience en emploi. Vous savez que 40
% seulement des assistés sociaux ont de l'expérience de travail.
Et, comme disait Félix Leclerc "la meilleure façon de tuer un
homme, c'est de le payer pour ne rien faire". Nous pensons que si nous donnons
la chance à un assisté social de commencer à travailler
une fois dans sa vie, de prendre des habitudes de travail, de prendre confiance
en lui, possiblement qu'il prendra le goût du travail et finira par s'en
sortir.
Mme la Présidente, je termine là-dessus. Nous sommes
à la fin d'un débat épuisant. La réforme de l'aide
sociale constitue une étape importante dans l'évolution de la vie
sociale au Québec. Je dis que le gouvernement, en passant cette
réforme, a rempli ses engagements. Mon
prédécesseur a fait un excellent travail dans cette
réforme-là et je tiens à rendre hommage aux
députés qui ont siégé à la commission. Et,
quant à moi, et je termine là-dessus, Mme la Présidente...
Je vous signale que vous avez accordé au chef de l'Opposition
tantôt une minute. Alors je demande, Mme la Présidente, le
même privilège étant donné que le débat a
duré très longtemps.
Quant à moi, je suis convaincu, en mon âme et conscience,
que cette réforme-là constitue une amélioration
significative par rapport au système qui existe présentement.
Cette réforme va apporter plus de justice et plus d'équité
envers les jeunes, envers les inaptes, envers les familles monoparentales.
Cette réforme va apporter plus de cohérence et certainement plus
d'espoir pour ceux qui, étant aptes au travail, se retrouvent
temporairement à la sécurité du revenu. Ces gens-là
peuvent espérer qu'avec l'aide de l'État, ils pourront
bientôt, j'espère, se trouver un emploi et retrouver la confiance
en eux et le goût du travail. Ils retrouveront, j'espère, aussi
leur dignité d'êtres humains fiers de quitter un état de
dépendance pour subvenir dorénavant à leurs besoins. Mme
la Présidente, l'autonomie des individus par le travail, voilà le
vrai objectif que nous recherchons, voilà ce qu'est rendre la
liberté aux individus et voilà la vraie réforme de l'aide
sociale que nous proposons aux Québécois. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Cette réplique
termine le débat.
Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Vote enregistré, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Vote enregistré?
M. Lefebvre: Et reporté, Mme la Présidente,
à demain, aux affaires courantes.
La Vice-Présidente: Consentement? Consentement. Le vote
sera donc reporté à demain, aux affaires courantes.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. L'article 44 du
feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 34
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: À l'article 44 du feuilleton,
le ministre délégué à la Famille, à la
Santé et aux Services sociaux propose l'adoption du rapport de la
commission des affaires sociales qui a procédé à
l'étude détaillée du projet de loi 34, Loi modifiant la
Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres
dispositions législatives, ainsi que les amendements qui ont
été transmis en vertu de l'article 252 de notre
règlement.
Avant de vous reconnaître, M. le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux, j'aimerais vous faire part que, conformément
à l'article 253 de notre règlement, le président a
convoqué, à 16 h 30 aujourd'hui, une réunion avec les
leaders parlementaires pour l'organisation de la mise aux voix des amendements
proposés au projet de loi 34.
Premièrement, sont déclarés recevables tous les
amendements proposés par M. le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. Le
débat se déroulera conformément à l'article 253,
les temps de parole étant ceux prévus pour une motion de forme et
le ministre pouvant intervenir au plus cinq minutes après chaque
discours.
À la fin du débat, il sera procédé à
la mise aux voix dans l'ordre suivant. Tout d'abord, seront mis aux voix les
articles dont M. le ministre propose la suppression, à savoir les
articles 149.16, 149.18, 149.19, 149.20 et 149.29 introduits par l'article 2 du
projet de loi et l'article 20. Seront ensuite mis aux voix les amendements
proposés par M. le ministre aux articles 149.6, 149.9, 149.17, 149.27,
149.28, 149.30 et 149.32 introduits par l'article 2 du projet de loi, aux
articles 3, 4, 6, 7, 13, 14, 15, 16, 17 et 22, ainsi qu'aux titres respectifs
de la section VI.I et la sous-section 2 de la section VI.I introduits par
l'article 2 du projet de loi. Troisièmement, seront par la suite mis aux
voix les nouveaux articles proposés par M. le ministre, à savoir
les articles 149.26.1, 149.30.1, 149.32.1, 149.32.2 et 149.32.3 introduits par
l'article 2 du projet de loi, et les articles 6.1, 6.2, 7.1, 12.1, 12.2, 21.1,
21.2 et 21.3. Quatrièmement, seront ensuite mis aux voix tous les
articles du projet de loi 34 qui n'ont pas été adoptés en
commission et qui ne sont pas amendés. Seront, par la suite, mis aux
voix tous les articles, tous les intitulés et le titre du projet de loi
ainsi que le projet de loi lui-même, tels qu'ils ont été
amendés par les votes précédents. Sera enfin mis aux voix,
tel qu'amendés, le rapport de la commission des affaires sociales qui a
étudié en détail le projet de loi 34, Loi modifiant la Loi
sur les services de santé et les services sociaux et d'autres
dispositions législatives.
Cela étant dit, je suis prête à vous
reconnaître, M. le ministre délégué à la
Famille, à la Santé et aux Services sociaux. (21 h 10)
M. Robert Dutil
M. Dutil: Merci, Mme la Présidente. Ce soir, plusieurs
amendements seront amenés et débattus. Il est malheureux que nous
en soyons arrivés à devoir, à la suite d'une motion de
clôture, approuver de la façon dont nous devons le faire
maintenant les divers amendements.
Je voudrais mentionner toutefois que la plupart des amendements qui sont
devant nous ce soir ont déjà été transmis à
l'Opposition. Bien que notre débat ait duré 80 heures ou tout
près et que nous n'ayons franchi que l'étape du premier article
et d'une partie du deuxième article, toutefois, dès la reprise de
nos travaux cet automne, j'avais transmis à l'Opposition, pour faciliter
notre travail, les divers amendements que nous avions l'intention de
débattre s'il nous avait été donné l'occasion de le
faire. Toutefois, étant donné l'opposition systématique de
l'Opposition dont j'ai fait la preuve, je pense, lorsque nous en avons
débattu à la motion de clôture, preuve qui a
été corroborée par le fait, entre autres, qu'ayant
avisé l'Opposition que j'approuvais l'un de leurs amendements et que
nous allions voter pour, elle a quand même continué à faire
son opposition systématique.
Donc, Mme la Présidente, après 80 heures de débat,
II était devenu évident que l'Opposition ne souhaitait pas que ce
projet de loi soit adopté et que le travail en commission était
devenu impossible. Nous arrivons ici avec des amendements connus de
l'Opposition, des amendements que l'Opposition aurait pu débattre, mais
qu'elle a certainement lus et sur lesquels elle a des opionions qu'elle pourra
émettre, bien sûr, ce soir. Toutefois, trois amendements, d'ordre
plutôt technique quant à deux d'entre eux, et l'un un peu plus
fondamental dont je vais parler, sont apportés ce soir, et je vais, pour
la compréhension de notre débat et pour la bonne
compréhension particulièrement de l'Opposition, en discuter.
D'abord, à l'article 149.26.1, nous introduisons un pouvoir de
directive qui se lit comme suit: "Le ministre peut dans le cadre des
responsabilités et des pouvoirs qu'il lui sont confiés donner
à la corporation des directives portant sur les objectifs et
l'orientation de cette corporation dans l'exécution des fonctions qui
lui sont confiées par la loi. Ces directives doivent, au
préalable, être approuvées par le gouvernement. Les
directives données en vertu du présent article lient les
corporations et elles doivent être déposées dans les quinze
jours de leur approbation devant l'Assemblée nationale si elle
siège ou dans les quinze jours de la reprise des travaux. "Les tiers ne
sont pas tenus de voir à l'application du présent article qui ne
peut être invoqué par eux ou contre eux." Alors, un groupe en
particulier, l'Association des hôpitaux du Québec, nous avait
demandé d'introduire ce genre d'article pour diverses raisons. Il existe
de nombreux exemples de précédents de ce genre de pouvoir de
directive que l'on retrouve, par exemple, à l'Office des personnes
handicapées, à l'Office des services de garde à l'enfance,
à la Société immobilière du Québec, à
la Société des établissements de plein air du
Québec, à la Société de développement
industriel du Québec et à la Société des alcools du
Québec. Il ne s'agit pas ici, Mme la Présidente, de faire une
liste exhaustive, mais de bien démontrer que nous n'introduisons pas une
nouveauté et qu'il ne s'agit pas d'un précédent, mais bien
d'une formule qui existe ailleurs et qui peut s'avérer
nécessaire, tel que nous l'avait recommandé l'Association des
hôpitaux du Québec.
Un second article est ajouté à ceux que nous avions
transmis à l'Opposition à titre d'amendement. Il s'agit de
l'article 12.2, qui est une formule de transition pour la nomination du premier
conseil d'administration. Selon l'article 149.7.1, adopté en commission,
le directeur général de la corporation est nommé par le
gouvernement après consultation des autres membres de la corporation. Il
est nécessaire de prévoir que certains membres du conseil
d'administration visé, soit ceux des groupes visés aux
paragraphes 6, 6.1 et 7 de l'article 149.6, pourront être choisis parmi
les groupes équivalents à ceux mentionnés au projet de
loi.
En effet, les groupes mentionnés à ces paragraphes
n'existeront véritablement que lorsque tous les contrats auront
été signés et que les transferts de services
d'intervention médicale d'urgence et des salariés auront
été effectués. Pour effectuer ces transferts, la
corporation doit pouvoir fonctionner avec son plein conseil d'administration.
Avec le premier alinéa de l'article 12.2, la corporation pourra
démarrer complètement. Le deuxième alinéa
prévoit la situation où un membre nommé
conformément au premier alinéa n'aurait plus la qualité
nécessaire, à la suite du transfert des services et des
salariés et de la signature des contrats, pour être
désigné en fonction des paragraphes 6, 6.1 et 7 de l'article
149.6. Il cessera dans ce cas d'être membre du conseil
d'administration.
Quant au troisième alinéa, il prévoit une
limitation des délais pour la désignation par les
intéressés des premiers membres du conseil d'administration de la
corporation, et ceci, bien évidemment, afin d'éviter des
délais indus et préjudiciables pour la nomination de son premier
directeur général. Une demande sera adressée aux groupes
concernés, lesquels auront un délai de 30 jours, soit pour
désigner leurs représentants, soit pour effectuer les
consultations prévues à l'article 149.6. Seuls les membres ainsi
nommés devront être consultés pour la nomination du premier
directeur général.
Mme la Présidente, je viens de vous donner l'explication de ce
texte dont je n'ai pas fait la lecture mais, avec les explications que je viens
de donner et les références que je viens de mentionner, il
apparaît bien clair qu'il s'agit, à toutes fins utiles, d'une
formule de transition quant à la nomination du premier conseil
d'administration et des adaptations qui sont nécessaires aux fins de
notre projet de loi.
Une autre modification a été apportée aux articles
21, 21.1 et 21.2 concernant diverses mesures. Le nouvel article 21.1 reprend ce
que l'on retrouvait antérieurement à l'article 149.19, soit les
normes applicables pour la conclusion des
premiers contrats à Montréal.
Le nouvel article 21.2 prévoit que tous les premiers contrats
signés avec des titulaires de permis à Montréal doivent
entrer en vigueur à la même date. Sont reprises, à cet
article, les dispositions relatives à l'effet des contrats au 1er avril
1988 et à la révocation des permis au jour de l'entrée en
vigueur des contrats. La date du 1er avril 1988 est celle qui suit la date de
l'expiration des derniers contrats signés à Montréal par
les exploitants de services d'ambulance. Les dispositions relatives à la
révocation des permis se retrouvaient, dans le projet de loi initia:,
à l'article 149.19.
Le nouvel article 21.3 prévoit une indemnité payable du
fait de la révocation des permis. Celle-ci est fixée par le
ministre ou, en cas de désaccord, par un conseil d'arbitrage. Ce sont
des choses qui étaient déjà connues dans les articles que
nous avions transmis à l'Opposition. Les frais de ce conseil, sauf les
témoins et les procureurs, sont à la charge du gouvernement.
Cette partie était également connue de l'Opposition par la
transmission que j'avais faite.
Toutefois, les règles d'arbitrage du Code de procédure
civile s'appliquent à cet arbitrage, sauf celles qui sont manifestement
inconciliables ou inappropriées qui ont été exclues. Mme
la Présidente, ce texte n'apparaissait pas. C'était un ajout tout
à fait technique qui fait que les articles 940.2, 940.3, 940.5, 941.1
à 942.5, 942.7 à 943.2, 944.1 à 944.9, 945, 945.1, 945.3
à 945.8 du Code de procédure civile, s'appliquent au conseil
d'arbitrage en faisant les adaptations nécessaires et sous
réserve d'incompatibilité avec les dispositions du présent
article.
Voilà, Mme la Présidente, trois amendements qui n'avaient
pas été transmis à l'Opposition et sur lesquels je voulais
apporter certaines explications. (21 h 20)
Quant aux autres amendements, je pense qu'il est important de rappeler
les grands objectifs de cette loi pour Montréal. La loi détache
Urgences-santé du Conseil régional de la santé et des
services sociaux de Montréal. Cette décision, cette position a
amené toutes sortes d'interprétations dont l'une, entre autres,
est tout à fait fausse et qui serait une critique sur le travail fait
par le conseil régional. Ce n'est pas du tout le cas et loin de
là.
On sait que les conseils régionaux n'ont pas pour vocation,
règle générale, de maintenir des services. Leur travail
s'effectue plutôt au niveau des grands objectifs de planification et non
pas au plan opérationnel. Toutefois, l'ancien gouvernement avait
jugé bon, pour établir Urgences-santé, de le rattacher,
à ce moment-là, au CRSSS de Montréal. On s'est rapidement
rendu compte qu'Urgences-santé a pris des proportions
considérables, a occupé une partie considérable des
ressources. Il s'agissait là d'énergies qui étaient
véritablement consacrées à des opérations
d'urgence, à des opérations qui, n'étant pas partie de son
véritable mandat, pouvaient avoir pour effet de distraire le CRSSS de
Montréal de son premier objectif. Et ce, d'autant plus que la
deuxième partie de la loi, le deuxième objectif de la loi, quant
à Montréal, était d'intégrer les techniciens
ambulanciers à la nouvelle corporation. Nous venions, par ce fait,
grossir encore davantage ce qu'est Urgences-santé. Donc il devenait
encore plus évident qu'il fallait détacher Urgences-santé
du Conseil régional de la santé et des services sociaux de
Montréal.
Quant à cette deuxième partie, l'intégration des
techniciens ambulanciers à la nouvelle corporation sans but lucratif que
nous formons, qui intègre ceux qui travaillaient à
Urgences-santé et qui intégrera également les techniciens
ambulanciers, cela a fait, évidemment, l'objet de nombreux
débats, de nombreuses discussions, de bien des divergences d'opinions.
Pour nous, Mme la Présidente, il s'agissait entre autres - je dis bien
entre autres, ce n'est pas le seul objectif, loin de là -
d'établir un lien d'emploi. Quand Urgences-santé a
été créé, on s'est rapidement aperçu que
l'organisme intervenait de plus en plus auprès des employés des
propriétaires d'ambulances, auprès des techniciens ambulanciers.
Cela a créé des situations parfois extrêmement difficiles,
parfois extrêmement tendues, parfois extrêmement
pénibles.
L'un des reproches de la plupart des propriétaires de
Montréal à l'égard du projet de loi initial était
justement que la création éventuelle de centrales de coordination
dans les régions centrales qui ne seraient pas sous l'autorité
des propriétaires, pouvait créer justement le même
problème, soit le bris du lien d'emploi. Nous avons réglé
le problème par les amendements que j'avais transmis à
l'Opposition, mais que nous n'avons malheureusement pas discutés. Je
pense qu'ils sont à la satisfaction des propriétaires
ambulanciers et de leur argumentation, à savoir qu'Urgences-santé
à Montréal avait amené un phénomène
prévu à l'origine et dont je ne veux pas accuser l'Opposition. Je
pense que l'objectif d'avoir une centrale de coordination à
Montréal était un bon objectif. C'est une chose qui existe dans
les grandes villes, et cela a eu pour effet, entre autres, de diminuer les
temps réponses et de s'assurer que le service était
amélioré sur le plan de la qualité pour les citoyens.
C'était peut-être imprévisible, à ce
moment-là. Je ne veux pas, comme je l'ai mentionné, juger
l'ancien gouvernement, le gouvernement passé là-dessus. Quoi
qu'il en soit, on connaît les conséquences aujourd'hui et c'est
une des raisons pour lesquelles nous avons décidé
d'intégrer les techniciens ambulanciers à la nouvelle
corporation. Nous ajoutons également un point qui a fait l'objet de
longues heures de débat en commission parlementaire et qui concerne
l'indemnisation des propriétaires de Montréal pour la
révocation des permis. Quant à l'indemnisation, je pense qu'elle
se fait d'une façon correcte. Le gouvernement
pourra déterminer le prix, bien sûr, mais la partie
patronale, les employeurs, pourra demander l'arbitrage. Elle obtiendra, de
facto, si elle le demande, un arbitrage objectif selon les procédures
que j'ai mentionnées tout à l'heure, selon la formule bien
connue: le choix d'un arbitre par le gouvernement, celui d'un arbitre par les
employeurs et le choix de l'arbitre principal par ces deux arbitres. La
décision sera exécutoire.
Je pense sincèrement que cette formule rend justice aux
propriétaires de Montréal qui voient le système se
modifier. La plus grande critique vient de ceux qui ne veulent plus être
dans le système. Pourquoi n'étatisez-vous pas tout? Pourquoi ne
prenez-vous pas les véhicules? J'ai répondu à cette
question à maintes reprises et je vais le faire une fois de plus, ce
soir, Mme la Présidente, pour que l'on se comprenne bien.
Quant aux véhicules - les véhicules représentent le
tiers de l'opération - on peut penser qu'ils ne sont qu'une petite
partie qui ne représente que 5 % ou 7 %, pour ceux qui ne connaissent
pas le dossier, qui ne sont pas familiers avec ces réalités; on
peut penser que ce n'est qu'un petit pourcentage des coûts
envisagés, des coûts engendrés par le service ambulancier.
On peut penser que ce n'est qu'un petit pourcentage du travail et des
préoccupations d'un service ambulancier. En région, le coût
d'un véhicule et l'entretien représentent tout près de la
moitié, ce que nous laissons au privé, de l'exploitation d'une
ambulance.
À Montréal, puisque les ambulances sont utilisées
d'une façon plus fréquente, ça représente environ
le tiers du coût d'exploitation. Au gouvernement, nous estimons qu'il est
possible et souhaitable que cette location de véhicules et de services
attachés aux véhicules demeurent dans l'entreprise privée.
Si la loi avait acheté l'ensemble de l'exploitation des ambulances, il
nous aurait été extrêmement difficile de
réenvisager, par la suite, de retourner les véhicules entre les
mains d'entreprises privées.
Quant aux régions, à la suite de débats qui ont
été menés au printemps dernier, à la suite de
l'argumentation qui avait été présentée par les
gens des régions et à la volonté du gouvernement de
maintenir le système privé en région, le système de
propriétaires privés des ambulances en région, le
gouvernement a décidé de maintenir le système de permis.
Le gouvernement a décidé de ne pas soumettre ces entreprises aux
soumissions publiques, d'une façon régulière.
Je veux préciser davantage ce deuxième point, celui des
soumissions publiques qui est une façon tout à fait normale de
procéder, quand le gouvernement donne des contrats. Dans le secteur
particulier des ambulances, ce n'était pas la façon de
procéder et nous avons renoncé à ce que ce soit cette
façon de procéder pour la raison suivante. Les
propriétaires d'ambulances ont évoqué qu'ils pourraient se
retrouver devant des soumissionnaires qui soumissionneraient à trop bon
marché et éventuellement, on pourrait se retrouver -
scénario auquel j'ai de la difficulté à adhérer,
mais qui faisait véritablement unanimité chez les
propriétaires d'ambulances des régions - face à des
faillites dans ce secteur. Donc, l'État serait obligé de
reprendre, à la suite de ces faillites, le service d'ambulance, ce qui
ne serait pas dans la volonté de l'État. Nous n'avons pas la
volonté, nous ne voulons pas que l'entreprise privée disparaisse
du secteur des services ambulanciers, nous voulons, nous souhaitons qu'elle
demeure.
À la suite de cet argument, nous avons décidé de
continuer le système actuel, c'est-à-dire que,
périodiquement, nous négocions avec les propriétaires
d'ambulances, mais si nous ne parvenons pas à nous entendre,
évidemment, le gouvernement a toujours le loisir de
décréter les tarifs, plutôt que d'aller aux soumissions
publiques.
Quant aux centrales de coordination des appels sous le contrôle
des propriétaires, j'ai également adhéré à
cette argumentation. Dans l'un des amendements qui ont été
transmis à l'Opposition, d'ailleurs qui avaient déjà
été transmis au printemps dernier, les centrales de coordination
seront offertes, en priorité, à un regroupement
représentatif de propriétaires privés. Nous avons mis le
mot "représentatif pour éviter d'avoir le mot "unanimité".
Il est évident que, dans une région, il est possible qu'un
propriétaire ou l'autre ne souhaite pas faire partie de la centrale de
coordination comme propriétaire, mais évidemment y adhère
comme membre, comme soumis aux appels de la centrale de coordination, ou ne
veuille pas, pour des raisons qui lui appartiennent, participer à cette
centrale de coordination. Nous voulons éviter que, pour une raison de
manque d'unanimité, nous allions à une procédure
différente qui amènerait une centrale de coordination qui serait
en dehors du contrôle des propriétaires privés, brisant le
lien d'emploi et risquant de recréer ce qui s'est passé à
Montréal à cet effet. (21 h 30)
Toutefois, je tiens à mentionner que quant aux centrales de
coordination, nous souhaitons vivement que les propriétaires en
région s'entendent entre eux le plus rapidement possible et que dans un
délai que nous avons prévu, d'environ trois ans, on puisse
retrouver, adapté aux régions, en fonction des besoins des
régions et en tenant compte d'une foule de contraintes... Il ne s'agit
pas de faire un modèle unique, il ne s'agit pas d'imposer un tapis mur
à mur, il s'agit d'avoir un minimum de coordination d'appels dans des
régions pour éviter des situations très déplorables
quant au service.
Et j'en mentionne quelques-unes. ''Découverture" de zones. Par
exemple, actuellement une zone qui n'est couverte que par une ambulance
pourrait se retrouver en situation de ''découverture" parce que
l'ambulance est partie sur un interétablissements et que personne
d'autre, aucune autre ambulance ne sait qu'il n'y a plus
d'ambulance dans ce secteur-là et qu'un appel pourrait se voir
retardé d'une façon considérable, anormale et dangereuse
pour la santé des citoyens.
Ce sont des choses qui risquent de se produire et qui, probablement, se
produisent à l'occasion dans les régions et que nous voulons
éviter. Une centrale de coordination permet, dans ce genre de
situations-là, de savoir que cette ambulance est sur un
interétablissements ou qu'elle est partie sur un transport qui risque
d'être assez long et de déplacer des ambulanciers un peu plus
près de la zone de façon à ce qu'il y ait un minimum de
couverture pendant cette période et de façon que le temps de
réponse si nécessaire, s'il y a un appel d'ambulance, soit le
plus court possible et que les citoyens en besoin, quant à ce service
tout à fait essentiel, on le comprendra, puissent l'obtenir
rapidement.
C'est l'essentiel du projet de loi, Mme la Présidente, qui a
malheureusement fait un débat de 80 heures pour un article et demi,
alors que c'est un projet de loi qui ne contenait que 24 articles. J'aurais
souhaite que nous puissions faire le débat en long et en large à
la commission parlementaire. Cela n'a malheureusement pas été le
cas. Cette loi fait partie de la réforme que nous avons annoncée.
Elle n'est pas toute la réforme, contrairement à ce qu'on a voulu
laisser entendre de l'autre côté, mais elle fait partie de la
réforme. Les autres aspects de la réforme, je les
répète parce qu'ils sont très importants pour les
régions puisque en termes d'argent, la majorité des montants
iront en région, là où les besoins sont le plus criants.
Et je me réfère à la stabilité de l'emploi,
c'est-à-dire de donner suffisamment de salaires et de conditions de
travail à des employés en région pour qu'ils soient
intéressés à gagner leur vie dans ce métier, qu'ils
soient . intéressés à aller chercher la formation
adéquate pour exercer ce métier et que nous n'ayons pas le
roulement de personnel que nous avons actuellement en région parce que,
évidemment, quand tu es en disponibilité à 1 $ l'heure, tu
dois gagner ta vie dans un autre emploi et que, de faire de l'ambulance pendant
plusieurs années en disponibilité le soir et les fins de semaine,
cela devient difficile puisque cela n'est pas ton gagne-pain, et que,
évidemment, les gens changent et ils décident de ne plus en
faire, et on se retrouve avec des personnes remplies de bonne volonté et
pleine de courage qui vont chercher le minimum de formation, ce qui nous
apparaît aujourd'hui inadéquat.
On pense aujourd'hui que la formation doit être rehaussée,
et si nous rehaussons la formation dans les régions, on pense que les
personnes requises doivent avoir la formation adéquate pour le faire.
Ces deux points-là font partie de la réforme et ils seront
bientôt mis en place de même que les contrats à budget qui
vont avoir pour effet, dans les régions, de changer le processus. Au
lieu de payer les propriétaires d'ambulances au transport, donc, avec un
degré d'incertitude relativement considérable et qui ne tient pas
compte malheureusement du service que l'on doit accorder, même dans les
régions où la densité de la population est plus faible, ce
que nous souhaitons avoir, c'est le service le plus égal possible dans
les régions et il est nécessaire pour cela de changer
également le mode de tarification des propriétaires pour faire en
sorte que ces gens-là soient intéressés à continuer
dans le système, qu'ils soient intéressés à
s'améliorer dans le système et qu'ifs soient donc placés
dans des conditions correctes et relativement confortables pour pouvoir offrir
la qualité de service auquel a droit l'ensemble des citoyens du
Québec dans le domaine des ambulances. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux. Je vais maintenant reconnaître M. le chef de
l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez
de rappeler un peu quels sont les principaux motifs pour lesquels l'Opposition
a lutté farouchement contre ce projet de loi. Et, bien sûr, avec
la motion de clôture, vous comprendrez que le poids du nombre jouera dans
quelques heures. Il n'en demeure pas moins que c'est avec beaucoup de
conviction et par rapport à des principes fondamentaux que nous avons
mené une lutte sans merci, il faut le dire, et c'est le rôle de
l'Opposition quand elle ne se sent pas d'accord avec un projet de loi, quand
elle est convaincue que le projet de loi n'est pas bon, de faire valoir les
côtés négatifs du projet de loi parce que, si personne ne
le dit, cela risque précisément d'arriver à des
culs-de-sac, à des projets de loi qui n'ont ni queue ni tête. Cela
n'a pas de bon sens. Pourquoi, d'abord? Le premier principe fondamental sur
lequel nous avons développé la conviction d'être contre ce
projet de loi, c'est d'abord qu'on crée au Québec deux
catégories de salariés. À Montréal, parce que c'est
plus gros, dorénavant, on aura, à toutes fins utiles, des
fonctionnaires du système ambulancier, des fonctionnaires de l'OSBL, des
fonctionnaires du parapublic, mais ce seront des salariés qui ne
relèveront pas d'un employeur, comme c'était le cas. Ils
pouvaient relever d'une dizaine, d'une quinzaine d'employeurs différents
sur IHe de Montréal. Dorénavant, ce seront des salariés de
l'État. Je pense que personne ne peut nier cela.
Par la création de l'OSBL, cet organisme sans but lucratif, on
les fait passer de salariés à l'emploi des propriétaires
privés, à salariés à l'emploi de l'office sans but
lucratif. C'est exactement cela. Cela devient des salariés du secteur
parapubiic, sans aucun lien d'emploi avec leur employeur. Ceux du monde rural,
du monde régional, en dehors de la grande région
métropo-
litaine, ce sont des salariés syndiqués qui
relèvent d'un employeur, qui ont un lien d'emploi avec un employeur,
mais on dit: Ce n'est pas pareil. À mon point de vue, ce n'est pas
correct, dans un système de santé universel, où
l'équité doit primer, dit-on, qu'on ait deux types de
salariés; un type de salarié qui pourrait être mis dehors
en tout temps par un employeur quand cela dépasse les cadres de
Montréal, et un type de salarié du parapublic, qui, à
toutes fins utiles est un employé d'État, d'une façon
indirecte parce que c'est l'État qui, en fin de compte, subventionne
l'ensemble des OSBL. À notre point de vue, c'est inadmissible et
inacceptable. On s'est battu contre cela parce qu'on ne veut pas qu'il y ait
deux classes de salariés dans le même système de soins
préhospitaliers, dans le même système de transport
ambulancier.
Le deuxième principe qui nous a amenés à lutter
fort, même si on admet qu'en cours de route, il y a eu des gains de faits
dans la loi par rapport à des amendements déposés en juin,
à des amendements déposés cet automne et à certains
autres déposés par le ministre alors que l'Opposition avait
annoncé des amendements, c'est la qualité des services. À
mon point de vue, toute cette loi... Je suis convaincu que le ministre ne
pourra jamais le dire, mais je vais le dire à sa place. Je demeure
convaincu que cette loi ne serait pas venue en Chambre, que cette loi n'aurait
jamais été déposée, si le premier objectif qui
servait dans les notes explicatives du ministre avait été
l'amélioration des services préhospitaliers et des services
ambulanciers au Québec. Jamais cette loi ne serait venue parce que - je
vais vous le dire et c'est fort simple - vous n'aviez pas de problème en
province. Si bien que Mme la ministre de la Santé et des Services
sociaux, après deux mois, ne savait même pas qu'il y avait une
grève à la ville de La Baie, dans le domaine
préhospitalier et dans les soins ambulanciers. Venez-vous me dire que
c'est l'amélioration de la qualité des services ambulanciers en
région qui vous a amenés à légiférer? Non.
Ce qui vous a amenés à légiférer, vous ne le dirai
pas, mais c'est parce que vous appréhendiez des problèmes
à Montréal.
Mme la Présidente, regardons donc les faits froidement. Le
député de Drummond, le député de Fabre et le
député de Saint-Hyacinthe ont des services ambulanciers dans leur
région. Des gens honnêtes y travaillent, des gens qu'ils
connaissent bien. Y avait-il des problèmes chez eux? Non, non,
c'était correct. Et, malgré qu'ils étaient payés
moins cher qu'à Montréal, vous n'aviez pas trop de
problèmes dans vos milieux. Ils ne roulaient pas en KKK, mais ils se
contentaient de ce qu'ils avaient. Et il y avait un respect mutuel entre
employeurs et employés. Donc, ce ne peut pas être ces
gens-là qui ont amené le gouvernement à
légiférer dans le domaine des services ambulanciers. Ce n'est pas
vrai, c'est faux. (21 h 40)
Je sais que ces gens-là m'appuient quand j'affirme ces
choses-là. Ils ne peuvent pas aller à rencontre de ce que je dis.
Qu'est-ce qui les amène là? C'est un syndicat puissant à
Montréal qui a annoncé d'éventuels problèmes. La
pression, la trouille! Et là, cela a commencé. Excusez-moi, Mme
la Présidente, mais ma conviction profonde, c'est qu'on ne fait que
déplacer le mal. On ne fait que retarder une échéance. On
ne règle rien.
Si cela avait été la qualité des services, on
n'aurait pas mis une cenne sur le territoire montréalais parce qu'il se
dépensait déjà - croyez-le ou pas et vérifiez dans
vos milieux - plus de 30 000 000 $ en services ambulanciers sur le territoire
de l'île de Montréal, 30 000 000 $ et vous le savez. On le sait.
On a créé Urgences-santé. Ne venez pas dire qu'on ne le
sait pas. Je le sais comment ça fonctionne. Est-ce là qu'il y
avait besoin de qualité dans les services ambulanciers? À
Montréal? Avec au-delà de 80 ambulances? Avec un réseau de
centres hospitaliers juifs, anglophones, francophones, tout près? 80
ambulances pour desservir la population sur un petit territoire qui n'a
même pas 20 milles de diamètre, et c'est là que vous aviez
des problèmes ambulanciers? Non, non, de grâce! Ne mordez pas au
seul argument des députés de Montréal! Arrivez en ville,
ceux de Montréal! Ce n'est pas parce qu'on n'est pas à
Montréal qu'on est épais! Ce n'est pas parce qu'on vit à
Montréal...
Je vois le député de Thetford qui a un territoire assez
vaste, la députée de Mégantic-Compton qui a un territoire
extrêmement grand, l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent,
la Gaspésie, la Côte-Nord... Où devait-on améliorer
la qualité des services ambulanciers au Québec? Sur le territoire
de Montréal? Mon oeil! Vous savez qu'il y a des citoyens qui doivent se
déplacer pendant une heure, une heure et demie pour être plus
proches d'un centre hospitalier, vous le savez. Et il y a une seule ambulance.
Si elle est partie avec un malade et qu'il y en a un autre qui se blesse,
qu'est-ce qui arrive? Qui va transporter cette personne-là? On n'a
même pas, comme on appelle communément en bon "canayen", un
"spare" pour descendre le deuxième accidenté. En pleine ville
d'Alma, une petite fille à bicyclette qui a été
frappée par un automobiliste a été couchée sur
l'asphalte pendant une demi-heure. Vous ne voyez pas ça en ville.
Pourtant, toute la question portait sur l'amélioration des
services de soins préhospitaliers et ambulanciers. Mais c'est pour
Montréal. L'OSBL, c'est pour qui? Ce n'est pas pour la région de
Mull-Outaouais où les services sont très déficients. Ce
n'est pas pour la région Laurentides-Lanaudière où on ne
charge à peu près rien. Ce n'est pas pour le parc de la 117 entre
Mont-Laurier et l'Abitibi, non, non, non.
Vous avez essayé de nous faire croire que toute cette
réforme-là était axée pour améliorer nos
services. En quoi est-ce que ça va ajouter
des véhicules pour dépanner notre monde? Le seul
côté positif - et je vais le dire, je suis assez honnête
intellectuellement pour le dire - c'est les heures de cours. Mais encore,
saviez-vous que le ministre n'a pas encore en main une décision du
Conseil du trésor? Il ne l'a pas. Il ne l'a pas sa décision. Les
16 et 17 novembre dernier, il est allé jaser au Trésor. Mais il
n'a pas sa décision. Il ne l'a pas encore. S'il l'a, ça ne fait
pas longtemps certain, parce qu'il ne l'avait pas la semaine passée. Au
moment où il a mis le bâillon, le ministre n'avait pas la
décision. Au moment où il a déposé la motion de
clôture, il n'avait même pas sa décision encore. Est-ce que
c'est une décision graduée? Il la fera connaître. Mais au
moment où il a présenté la motion de clôture, je
savais personnellement qu'il n'avait pas la décision du Conseil du
trésor. Il pouvait bien se péter les bretelles et dire:
Écoutez, on s'en va vers le perfectionnement, mais il n'avait pas une
cenne dans ses poches au moment où il disait ça de son
siège. Et je le savais. Bien sûr, vous ne nous croyez pas quand on
parle mais lui, il pourra le dire. Il a cinq minutes après mon discours
pour vous dire que c'est vrai. Il l'a peut-être obtenu ce matin, mais il
ne l'avait pas à ce moment-là. Qu'on ne vienne pas me faire
accroire ça. Et vous allez me faire accroire que c'est ça, la
vérité dont on parle? Non. Je dis qu'on s'est battus pour ce
deuxième principe parce que l'égalité des services...
Je demeure et vous devriez demeurer convaincus, tous ceux qui sont en
dehors du territoire montréalais, que le gros de l'argent devait se
mettre sur les salaires à l'extérieur de Montréal, sur les
conditions de travail à l'extérieur de Montréal et sur
l'amélioration de la quantité des services à
l'extérieur de Montréal. Ça, c'est ma conviction profonde
et je suis convaincu qu'un tant soit peu ceux qui travaillent dans les
régions, vous partagez énormément mon point de vue. Je
comprends que, par solidarité ministérielle, vous n'avez pas le
droit de le dire, et je suis convaincu que vous le pensez. Et je lis sur la
face de certains hommes et certaines femmes en cette Chambre qu'il y a une
approbation tacite de ce que je dis. Vous ne pouvez pas faire autrement. Ce
n'est pas parce qu'on est citoyen en dehors d'une grande ville, qu'on est issu
d'un petit village qu'on n'a pas droit à des services de qualité,
surtout quand nos taxes et nos impôts sont de même nature et de
même calibre. *Et c'est là que j'aurais cru le ministre et
j'aurais cru le gouvernement s'ils nous avaient dit qu'ils s'enlignaient vers
le principe de l'équité et de l'égalité dans les
services. Là, j'aurais marché. Là, j'aurais appuyé
le ministre à part ça. C'est la deuxième raison pour
laquelle j'étais fondamentalement contre et ce n'est pas
réglé par le projet de loi, malheureusement.
La troisième raison, les normes de qualité. Quelqu'un qui
voulait intellectuellement être honnête, qu'est-ce qu'il faisait?
\\ prenait ie projet de loi 34 et il lisait les notes explicatives. Je sais que
mes collègues vont vous en parler tantôt. On lisait les notes
explicatives et c'était marqué, Mme la Présidente: Pour
amélioration de la qualité des services. Prenez les articles de 1
à 34 ou 40. Il n'y avait pas un article sur les normes de
qualité. Ce sont précisément les discours de l'Opposition
qui ont amené le ministre à dire: II faut bien que je mette un
mot ici et là dans les clauses. Il ne parlait que de transport. Les
normes de qualité, ce sont les médecins qui sont venus en parler.
Ce sont les infirmières qui sont venues en parler durant la commission
parlementaire. Ce sont les CRSSS qui en ont parlé. Mais personne ne
parlait de la qualité des services. Les notes explicatives avaient l'air
un peu connes, effectivement, puisqu'on parlait exclusivement des normes de
qualité dans les notes explicatives et il n'y avait pas un article qui
fixait des normes minimales de qualité.
Là-dessus, vous me permettrez de répéter ce que
j'ai dit la semaine dernière, Mme la Présidente, jeudi et
vendredi dernier, sur la qualité je suis inquiet et je demande au
ministre d'être d'une clairvoyance là-dessus et de suivre à
la lettre non seulement le contenu législatif - ce peut être
secondaire - mais ce qui va se passer dans les faits parce qu'on sait
très bien que, là où il n'y a pas d'ordre professionnel,
là où il n'y a pas de code de déontologie, là
où il n'y a pas ce statut légal en vertu d'une loi sur les
professions, c'est souvent via les conventions collectives, et vous en savez
quelque chose, qu'on décrète la qualité ou les exigences
de base. J'insiste là-dessus et je pense que le ministre doit comprendre
ça dans un esprit constructif, ce que je lui dis. Le ministre ne peut
pas accepter, en aucun temps, que ce soit une convention collective qui
décide ce qui arrive en cas de faute lourde.
Quand j'ai vu un projet de lettre d'entente dans une convention
où il n'y avait aucun droit pour le ministère de soustraire ou de
suspendre une carte de compétence, moi personnellement, comme
député élu représentatif d'une population,
ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, j'étais inquiet.
Ce n'est pas vrai qu'on a le droit - et je prends à témoin Mme la
ministre de la Santé et des Services sociaux qui occupe les fonctions
que j'ai occupées - dans les cas de faute lourde, de ne pas se donner le
privilège instantané d'arrêter tout individu de poser des
gestes dans le domaine de la santé et des services sociaux. On ne
permettrait même pas à un médecin, en cas de faute lourde,
de poser un geste additionnel. On ne permettrait même pas, dans les
professions libérales, tel le notariat, le droit, d'exercer des
fonctions quand il y a faute professionnelle ou faute lourde. Et on permettrait
à des techniciens de la santé n'importe quel geste, on ne se
donnerait pas la prérogative en cas de faute lourde ou faute
professionnelle d'enlever une carte de compétence.
Je ne peux pas accepter ça en termes de responsabilité, et
je suis sûr que Mme la ministre de la Santé et des Services
sociaux partage mon point de vue là-dessus. On ne le peut pas. Ce serait
une concession d'un devoir fondamental qui nous est dévolu comme
ministre de la Santé et des Services sociaux en vertu de la loi
même du ministère, selon laquelle on est responsable de la
santé publique. C'est évident qu'on ne peut pas faire ça.
Je ne dis pas que c'est le ministre qui a fricoté ça. Mais, quand
je l'ai vu dans le texte qui émanait du ministère, vous
comprendrez que, lorsqu'on a un peu le sens des responsabilités, on a
même le devoir de le dire. C'est dans cet esprit-là que je l'ai
dit, et je pense que le ministre l'a compris à part ça. On ne
peut tolérer n'importe quoi dans ce secteur-là, ce n'est pas
vrai. On ne permettrait même pas ça dans des domaines autres que
la santé, encore bien moins quand tu joues avec la santé, avec la
vie du monde. Voyons! Cela n'a pas de bon sens. (21 h 50)
Dans le domaine de la qualité, je suis très Inquiet, Mme
la Présidente, parce que, dans les conventions collectives, on
établit des différences entre les travailleurs CSN et les
travailleurs FTQ. Prenez-le dans un sens constructif, regardez juste la clause
qui permet à un technicien ambulancier de prendre un lunch. Non, non,
mais regardez-le. Vous êtes pris. Pourquoi la CSN? Je les nomme. Je sais
qu'il serait peut-être préférable que je ne les nomme pas,
mais je suis assez honnête pour dire que cela n'a pas d'allure. La FTQ
dit: Ils ont négocié. Et je trouve ça responsable.
Quand tu as seulement une ambulance dans une région, si tu dis qu'ils
ont le droit d'aller prendre un lunch, vous savez que quinze minutes - bien
sûr, le député de Fabre m'a indiqué quinze minutes -
mais savez-vous que quinze minutes peuvent faire toute la différence
dans la survie d'un individu? Il le sait à pan" ça. Pourquoi les
gars ou les filles de la FTQ ont-ils le devoir de faire le voyage
instantanément? Pourquoi le travailleur de la CSN n'aurait-il pas cette
même obligation? Je ne comprends pas ça. Et vous allez me parler
de la qualité? Non, je ne mords pas à ça. Je n'embarque
pas là-dedans. Au-delà de tous les préjugés
favorables qu'on peut avoir envers les travailleurs, écoutez, on joue
avec la vie du monde. Si c'était un des vôtres, comment
réagiriez-vous? Feriez-vous venir une corporation qui... Ah! Elle, c'est
sûr qu'elle va venir tout de suite, elle n'a pas les quinze minutes dans
la convention. Aïe! Aïe!
Une voix: Aïe!
M. Chevrette: On ne rit pas avec ça. Non, non, le ministre
peut s'amuser, mais on ne rit pas de ça et on ne joue pas avec
ça, même pas sur le territoire montréalais où on
s'enfarge dans les ambulances comparativement à nos milieux. Il ne
comprends pas ça, lui. On le fera venir dans nos milieux et il
réalisera qu'il ne faut pas niaiser avec ces choses-là, jamais de
sa vie, même pas deux minutes. À plus forte raison quand on est
ministre, on devrait avoir le sens des responsabilités beaucoup plus
aiguisé que celui qu'il vient de nous démontrer.
M. le Président, c'est la troisième raison pour laquelle
j'indiquais que les normes de qualité étaient indispensables. Et,
je crois toujours fondamentalement qu'ils ne sont pas assez serrés au
sujet de l'établissement dans un texte législatif pour assurer
aux concitoyens québécois des normes de qualité
d'envergure véritablement responsable.
Le quatrième point, et non pas le moindre, celui qui est
peut-être plus ressorti et auquel je ne m'attendais absolument pas, c'est
le droit de propriété. Cela a pris du temps, vous en conviendrez
avec moi, à convaincre le ministre et l'équipe gouvernementale
que, le droit de propriété, ça existait et que, lorsque
vous changez la nature de la propriété, surtout pour un
gouvernement qui se dit être en faveur de la privatisation et qui s'en va
vers une étatisation un peu déguisée et par la bande, vous
admettrez que c'était difficile à comprendre et que c'est encore
difficile à comprendre. Le ministre vient d'insérer une notion
d'indemnisation avec une formule d'arbitrage, dit-il, qu'il a amendée
techniquement à part ça. Qu'est-ce que ça vaut? L'histoire
nous le dira, mais je demeure profondément convaincu que le droit de
propriété, c'est un droit inaliénable et fondamental. S'il
y a un droit qui a toujours été reconnu dans le temps, ça
a été le droit de propriété. Cela ne veut pas dire
que tu n'es pas contre certaines étatisations quand tu dis ça.
Cela ne veut pas dire que tu n'es pas contre certaines privatisations, si
c'était l'étatisation. Non, pas du tout. Cela veut dire, le
respect du droit de propriété, que tu reconnais à
l'individu qui a formé sa propre compagnie, qui a oeuvré dans
cela, qui a mis labeur, qui a mis argent, qui est devenu le détenteur ou
le propriétaire d'actifs, tu lui reconnais le droit - si jamais tu
touches à ce droit, à cette portion qu'il s'est donnée -
tu lui reconnais le droit à une expropriation juste et équitable
selon les règles en usage.
Je vous ai donné des exemples là-dessus. Le
ministère des Transports empiète sur cinq pieds de terrain chez
vous. Il fournit un évaluateur professionnel, un notaire, un avocat pour
plaider. C'est le gouvernement qui paie. C'est la même chose à
Hydro-Québec si elle empiète sur vos terrains. Puis, s'il y a des
gens qui ont formé une petite compagnie familiale; la femme travaille,
tient les livres, bien souvent, le mari fait certains voyages et ils ont un ou
deux employés. Ils ont bâti une petite compagnie. Et on les
tasserait sans pouvoir exprès d'expropriation, sans avoir les
mêmes droits qu'un propriétaire foncier a quand le
ministère des Transports lui enlève cinq pieds. Je ne le prenais
pas, je ne le prends toujours pas. Je prétends qu'on devrait lire noir
sur blanc, à l'intérieur de la législation,
le droit à l'expropriation pure et simple comme on le retrouve
dans toutes les législations.
C'est M. Bourassa lui-même, en 1974, qui a introduit cette
nouvelle Loi sur l'expropriation après avoir exproprié à
peu près tout ce qui bougeait pour les futurs tracés de routes.
Ils ont adopté une loi et vous la lirez pour votre gouverne. Et on ne
reconnaîtrait pas à ces individus le droit correct de
l'entière expropriation. Personnellement, je ne trouve pas ça
correct. Je le dis comme je le pense. Je suis surpris qu'on n'accepte pas
d'introduire cette notion claire, nette, sans ambiguïté. À
ce moment-là, on a tout respecté correctement. On a joué
les étapes. C'est le droit d'un gouvernement de changer d'idée et
de dire je ne suis plus pour la privatisation, je suis pour
l'étatisation. C'est correct. Je respecte ça. J'ai droit à
une politique, un point de vue politique différent, mais ça ne
donne pas le droit pour autant à ce même gouvernement, qui a le
droit de changer de politique, d'empiéter sur les droits les plus
fondamentaux, par exemple. Cela, c'est différent. C'est ça que
j'ai défendu d'arrache-pied, je le sais, mais honnêtement je
pense, parce que je crois fondamentalement à cela.
Quant au droit de propriété, une centrale pourra bien me
dire: Chevrette, qu'est-ce que tu penses? Tu travailles contre nous parce que
tu défends un "boss". Je ne défends pas les "boss". Je
défends le droit de propriété. Cela pourrait être le
droit de propriété d'une coopérative formée de
travailleurs que je défendrais. Cela vaut la même chose. Les
mêmes principes s'appliquent. Je défends le droit de
propriété. Si la CSN a payé 105 000 $ par permis pour
acheter Lépine-Cloutier, 19 ambulances dont 11 font l'objet de
renouvellement le 1er mars, donc, à toutes fins utiles, finies, bien il
y a au moins une valeur extrêmement forte rattachée aux permis. Si
le gouvernement disait dorénavant: plus de permis et ça revient
à l'État, le gouvernement devrait payer autant la CSN parce que
c'est la propriété d'une collectivité, mais que ça
appartienne à une coopérative ou à un employeur, c'est un
droit de propriété. C'est ça que j'ai défendu
fondamentalement. Je n'ai pas essayé de mettre en opposition le droit de
propriété. Le droit de propriété, ça peut
appartenir à un, ça peut appartenir à plusieurs, une
compagnie peut être propriétaire, un individu seul peut être
propriétaire et une coopérative peut être
propriétaire. Mais c'est le droit de propriété et ce qui
s'y rattachait que je défendais et que je défends toujours.
Je dis au ministre: Personnellement, je verrais introduire, et je serais
toujours prêt à un consentement qui introduirait la
véritable notion d'expropriation selon les règles en usage. C'est
ça fondamentalement que j'ai défendu. Ce n'est pas autre
chose.
M. le Président, je crains aussi beaucoup, dans nos milieux
ruraux en particulier - je le dis comme je le pense - qu'on se dirige d'une
façon indirecte, à toutes fins utiles, vers une
étatisation déguisée. Je vais m'expliquer. Cela a
été difficile pour les propriétaires, et le ministre doit
en savoir quelque chose. J'espère qu'on lui fait des rapports. Cela a
été difficile pour les petits propriétaires de convaincre
certains syndicats qu'ils avaient le droit de chauffer leur propre
véhicule. (22 heures)
L'objectif de départ était: Dorénavant, tu es
propriétaire d'une ambulance, engage du monde et administre ton affaire.
Lorsqu'un individu, comme dans la région d'Huberdeau dans les
Laurentides, un peu en Abitibi, est propriétaire d'un seul
véhicule ou de deux véhicules, que fait-il? Bien souvent, c'est
lui qui conduit et il a un employé. Bien souvent, c'est grâce au
fait qu'il conduit et qu'il se paie un salaire qu'il a réussi à
avoir ce commerce. Cela a été très difficile. J'ai
même vu des clauses de conventions assez drôles merci. Ce n'est pas
pour rien que je dis au ministre de porter une attention bien spéciale.
J'ai vu des clauses de conventions qui disaient ceci: Le propriétaire
devra nous demander la permission, s'il vend son commerce. Je prends le cas de
mon cousin à Huberdeau qui décide de vendre son ambulance; si le
propriétaire n'a pas le droit de la conduire, qu'est-ce que ça
lui donne d'acheter un camion, parce que c'est en conduisant son camion qu'il
se paie un salaire? Il faudrait quasiment qu'il obtienne la permission de Mario
Cotton, imaginez-vous! Faut-il le faire en affaires? Ne faut-il pas aller assez
loin pour essayer de subordonner de telles transactions? Je suis convaincu que
ceux qui ont été en affaires le moindrement n'accepteraient
-même pas ça. Et il y a eu des négociations
extrêmement sévères là-dessus. C'est ça que
je défendais, pour ceux qui ne le sauraient pas encore. C'est ça
que l'Opposition défendait. On n'a pas toujours l'élégance
dans la bataille, mais je peux vous dire que fondamentalement c'étaient
ces principes qui étaient défendus. Je ne vous dirai pas que
personnellement j'aurais plié sur certains points, mais sur ces quatre
points majeurs que j'ai mentionnés, non.
Je vais me répéter, M. le Président, mais je
voudrais au moins faire le résumé de ce que j'avance.
Étant un bonhomme issu d'une région du Québec, payant des
taxes au même niveau que les citoyens des grandes villes, que
Montréal ou Québec, je vous dis personnellement que, comme
député d'une région de petits centres semi-ruraux,
semi-urbains, je n'accepterai jamais que l'on crée deux classes de
salariés. Étant issu d'une région, d'un milieu semi-rural,
semi-urbain, je n'accepterai jamais qu'on ait deux types de qualité de
services préhospitaliers ou ambulanciers. Les gens de Terrebonne, de
Lachenaie, de Mascouche, de Saint-Esprit, de Saint-Donat ou de Joliette ont le
droit à une qualité identique de services préhospitaliers
et de soins ambulanciers, parce qu'ils sont déjà
défavorisés par les distances. On va me faire croire, M. le
Président,
qu'on fait un projet de loi pour eux. Jamais de la vie. C'est parce
qu'on craint Montréal. Vous savez qu'on dit dans bien des milieux que la
crainte est le commencement de la sagesse. Mais, quand tu crains et que tu n'es
pas vite, vite, c'est souvent dans l'inverse que tu tombes. Tu sombres dans le
ridicule. Cela me fait peur énormément parce que j'examine le
projet de loi et ce n'est pas vrai qu'on parle d'égalité de
services. Moi, ce n'est pas vrai que je vais l'accepter.
Les citoyens de Joliette, je vais les défendre à mort,
qu'importe ce qu'ils penseront de moi de l'autre côté. Ils ont
droit à la même qualité de services que les gens de
Montréal. Ce n'est pas vrai non plus qu'on va accepter un projet de loi
qui ne fixe pas de normes de qualité et qui confie à toutes fins
utiles, par convention collective, le soin au RETAQ d'auto-censurer les gestes
professionnels. Je ne l'accepte pas. L'État n'accepte même pas,
dans les professions, qu'un individu soit absolument libre de poser les gestes
qu'il veut; même qu'en cas de faute lourde on le suspend. J'ai vu des
enseignants se faire révoquer leur diplôme pour une faute lourde.
J'ai vu des médecins se faire révoquer leur diplôme. J'ai
vu des avocats se faire suspendre du Barreau, ne plus avoir le droit de
pratiquer. Dans le cas du RETAQ, on n'a pas le droit de suspendre les cadres.
Cela n'a pas de bon sens. Je n'accepte pas ça. Le droit de
propriété, je pense en avoir fait une démonstration sans
équivoque, M. le Président, c'est fondamental.
Ce sont les quatre principes que j'ai voulu défendre. Je les ai
défendus avec beaucoup de ferveur. Je vais continuer à le faire.
Il reste encore la troisième lecture. Je pense que le ministre doit
absolument porter une attention extrêmement grande aux gestes qui se
poseront. Les conventions ne sont pas signées. Il y a une demande de
conciliation devant lui. Il s'est même offert, je pense, comme arbitre ou
du moins comme observateur. SI tel est le cas, je demanderais au ministre
d'être extrêmement prudent, parce qu'on ne joue pas sur la
mécanique; on joue avec la santé du monde. Et s'il y a quelque
chose, M. le ministre, pour laquelle on doit être très vigilant,
c'est bien la santé du monde. Parfois, une petite concession banale peut
avoir l'air de rien aux yeux de ceux qui discutent d'une convention, mais elle
peut représenter tout, pour la survie d'un individu. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux, pour une réplique d'un maximum de cinq
minutes.
M. Robert Dutil
M. Dutil: M. le Président, très rapidement, sur les
arguments du chef de l'Opposition, qui se ressemblent et qui nous avaient
été présentés en long et en large durant la
commission parlementaire, je voudrais toutefois reprendre celui de la
qualité du service en région. Je veux le reprendre parce que la
qualité de service du système ambulancier dans l'ensemble de la
province de Québec n'est pas une question nouvelle, c'est une question
qui existait lorsque le chef de l'Opposition lui-même était
ministre de la Santé et des Services sociaux, et il avait beaucoup de
problèmes avec ce service. C'est certainement une question qui lui
tenait à coeur, j'imagine, à cette époque-là
également, il y a à peine quatre ans.
À l'époque, il y a eu un rehaussement de la formation
requise pour les techniciens ambulanciers. L'un des aspects de la
qualité, l'un des aspects de la réforme, c'est le rehaussement de
la formation des techniciens ambulanciers, la stabilisation d'emploi; il y a la
coordination des appels et d'autres aussi. L'un de ceux-là, la
formation, quant à Montréal, à la suite de pressions qui
ont été faites du temps où le député de
Joliette, le chef de l'Opposition, était ministre de la Santé et
des Services sociaux... Il a rehaussé les critères de formation
de Montréal à 350 heures. Bravo! Excellent! Fantastique! On
améliore la qualité des services, éventuellement, mais
cela n'a été qu'à Montréal. C'est 150 heures en
province; 350 heures à Montréal et 150 heures en province. Je
n'ai que cinq minutes, je pourrais reprendre chacun des arguments que vient de
nous servir le chef de l'Opposition et les démolir de la même
façon. Il n'a pas lui-même fait ce qu'il préconise quant
à la qualité des services en région et il vient nous faire
des reproches ici. Notre réforme n'est pas dans la loi quant à
cet aspect de la formation, mais la décision gouvernementale, c'est 825
heures à Montréal et 825 heures partout en province.
Les centrales de coordination, quand est-ce que le chef de l'Opposition
a parlé de ça pour les régions quand il était
ministre de la Santé et des Services sociaux? Bien non! À
Montréal, ça brassait, on s'occupait de Montréal; on
essaie de s'occuper que les techniciens ambulanciers ne soient plus
habillés en Père Noël. On brasse l'affaire, on contente tout
le monde et on leur donne le rapport Marais. À Montréal! En
province, en région, 1 $ l'heure en disponibilité; rien en
région, pas d'argent pour les appels, pas un cent pour les monsieurs et
madames qui, 24 heures par jour, sont en disponibilité pour
répondre à des appels. C'est un scandale. C'est ça qu'on
va régler dans notre réforme. C'est un scandale que l'Opposition,
à l'époque, ne se soit jamais occupée de
rémunérer au moins les gens qui répondaient à des
appels chez eux. Bien non, ils étaient chez eux, le
téléphone était là, ils étaient en
disponibilité, c'était gratuit, c'est parfait, on ne s'occupe pas
de ça, le problème est réglé. C'est ça qui
s'est passé. Pas de coordination d'appels, pas de
rémunération pour les appels, la disponibilité à 1
$ l'heure...
Le Vice-Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Dutil: ...pas de formation en région, roulement du
personnel, on ne s'occupe pas de ça. Il n'y avait pas de pression en
région, on ne s'en occupe pas.
Ce soir, on parle du projet de loi. La réforme, ce n'est pas que
la loi, il y a le contrat à budget. Il y a des décisions à
prendre qui se finalisent. On verra. Je pense que notre gouvernement sera
jugé, quant à la qualité des services dans le transport
préhospitalier d'urgence, comme ayant été un grand
réformateur qui a tenu compte non seulement des pressions dans le
centre-ville de Montréal, mais aussi des véritables besoins de
l'ensemble de la population du Québec quant à une réforme
globale qui va permettre un service de qualité sur tout le territoire du
Québec. Merci. (22 h 10)
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le député de Fabre.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. Je vais essayer de me
départir de toute agressivité afin d'intervenir sur le projet de
loi qui modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux
et d'autres dispositions législatives. Finalement, après 78
heures et 44 minutes on en arrive à une conclusion. On avait
réussi dans cette longue période à passer à travers
deux articles. Compte tenu du fait qu'on s'est aperçu que le chef de
l'Opposition, qui était le critique en la matière, continuait de
- je n'aime pas le mot - tataouiner, de manquer de sérieux avec les
objectifs du projet de loi comme tel, on a décidé de mettre le
bâillon. Mais je reprends ce que le député de Joliette
lui-même avait déjà suggéré en date du 18
juin 1988 sous la plume de Normand Girard, et je cite: II n'est pas question
qu'on leur donne la loi. Ils vont essayer de nous faire porter l'odieux de la
non-adoption de la loi mais, s'ils avaient voulu la faire adopter, ils
n'avaient qu'à recourir à la motion de clôture.
C'était à l'autre session, M. le Président. Alors,
aujourd'hui je pense qu'ils n'étaient pas mieux disposés. On a
tout simplement servi à cette Opposition non sérieuse ce à
quoi elle s'attendait, ce qu'elle voulait voir se réaliser.
Vous savez, quand on est en commission parlementaire pendant de si
nombreuses heures, qu'on a subir ce que cette Opposition non sérieuse
nous sert et qu'on entend des gens qui sont en commission parlementaire qui
donnent toutes sortes de titres, toutes sortes de quolibets au chef de
l'Opposition... Il y en a un qui l'a appelé le chevalier de la virgule
et du tréma. Je ne sais pas si cela peut refléter un peu ce qu'on
a eu à vivre, mais c'est pour vous montrer que, quand on veut s'enfarger
dans les fleurs du tapis, c'est facile, c'est facile de tomber dans la
technicité. On sait que c'est un ancien pédago- gue, mais il
s'est converti et il est devenu démagogue! Alors, on se devait d'agir
comme on l'a fait et de le laisser avec ses points-virgules et ses
trémas et d'y mettre un point final.
Je pense qu'il faut regarder le sérieux du projet de loi et
regarder qui cela peut impliquer et quoi cela peut impliquer. Je pense qu'il
faut souligner pour le bénéfice de la population qu'il y avait
trois parties dans la négociation. Il n'y avait pas simplement les
propriétaires et les techniciens, il y avait aussi la population. C'est
ce sur quoi nous avons orienté toute notre action,
considéré nécessairement les propriétaires et les
techniciens, mais aussi nous voulions être certains que la population
bénéficie des services auxquels elle avait droit. On avait tout
de même quatre possibilités dans notre approche, on avait un
éventail de quatre pistes, quatre solutions: ou on demeurait avec le
statu quo, ou on allait vers la municipalisation, ou on allait vers les
organismes sans but lucratif, ou on allait vers la nationalisation. Alors,
aujourd'hui, je pense qu'on sait exactement l'orientation qu'on s'est
donnée en tant que gouvernement, on a décidé de former
pour la grande région de Montréal, ce qui touche Montréal,
Laval, un organisme sans but lucratif qui aura comme mandat d'organiser le
service, de coordonner le transport ambulancier sur tout le territoire du
conseil de la santé et des services sociaux de la région de
Montréal et sur le territoire, comme je l'expliquais.
Qu'est-ce que cet organisme fait et qu'est-ce qu'il a? Il a le pouvoir
de conclure des contrats de location de véhicules, des contrats de
services pour la région de Montréal et le Grand Montréal
pendant qu'en région ce qu'on peut appeler les organismes de soutien
pour faire le même travail... À la demande du ministre, le CRSSS
doit identifier les besoins et préparer un plan d'action par lequel il
jugera des besoins à couvrir; on pourra alors se référer
à un organisme ou à un centre hospitalier qui jouera le
même rôle que l'organisme sans but lucratif.
Il est important de souligner que, tantôt, pour démontrer
la raison de son non-appui à un tel projet de loi, le
député de Joliette a parlé de la qualité des
services. J'aimerais y revenir, à la qualité des services.
Lorsque le député de Joliette mentionnait que quinze minutes,
c'était important, il avait raison. De ce côté-ci de la
Chambre, nous avons réalisé aussi que c'était important.
Le ministre a continué à faire son devoir et à
négocier avec les intéressés pour faire en sorte qu'on
respecte ces quinze minutes et qu'on ne crée pas de périodes
où il n'y aurait pas de service. M. le ministre me confirmait que, dans
des conditions particulières, dans des conditions où la
sécurité ou la vie d'une personne serait en danger, on n'aurait
pas à s'inquiéter; cela aussi, c'est réglé.
Dans les grandes régions, quand on avait les pompiers volontaires
- au fond, c'était cela - quand on avait des gens en
disponibilité, qui se devaient continuellement d'être sur le
qui-
vive et d'attendre la cloche au cas où il y aurait une urgence,
ces gens étaient considérés comme des gens - excusez
l'expression - sur le "stand-by". On attendait de façon continue. On ne
souhaitait pas que cela sonne mais, si cela sonnait, on était
obligé de se préparer en vitesse et, à mon sens, la
qualité du service ne pouvait pas être garantie. Pourquoi? Parce
qu'on ne pouvait persuader ces gens du sérieux de l'emploi, même
s'ils étaient pleins de bonne volonté, sachant qu'ils sont
appelés, qu'ils ne sont pas appelés, qu'ils sont en attente,
qu'ils n'ont pas de cours de formation... Au fond, c'est à peu
près ce sur quoi c'était basé, 150 heures de formation
pour confier sa sécurité, peut-être sa vie dans un temps
d'intervention qui se voulait court, qui se voulait rapide. On se devait
d'aller avec les moyens du bord.
M. le Président, si on y met un peu de bonne volonté,
à peu près tout le monde peut prendre quelqu'un et le placer dans
une ambulance. Mais de là à être capable de l'assister, de
lui donner les premiers soins et de faire en sorte d'au moins garantir cet
appui auquel les gens s'attendent... C'est vrai que c'est important d'avoir des
gens qualifiés et d'être capable de répondre à toute
vitesse. Quand on parle de centrales de coordination, quand on parle de
formation, c'est ce à quoi nous faisons référence. Quand
on considère que dans le passé cela existait, mais que
c'était toujours le minimum qu'on exigeait, aujourd'hui, je pense
qu'avec la nouvelle loi on corrige à peu près toutes ces lacunes.
Il faut quand même être conscients des responsabilités qu'on
a, sachant que, dans la province de Québec, l'an passé, il y a eu
pratiquement 400 000 appels. Je ne crois pas qu'en tant que gouvernement
responsable on puisse imaginer un scénario de non-qualité, de
non-respect de ce à quoi les gens sont en droit de s'attendre, surtout
avec un si grand nombre d'appels. On sait aussi que la première heure
est toujours la plus importante dans les cas d'accidents graves, cela a
été prouvé. On nous a parié de la première
heure qui est l'heure en or, "the golden hour", pour ceux qui sont familiers
avec les expressions du milieu. Soyez assurés qu'au niveau de
l'ambulance on y croit. On espère sincèrement que ce qu'on met de
l'avant sera éprouvé, comme c'est ce qu'on recherchait comme
objectif. Avec le sérieux, autant de l'OSBL de la grande région
de Montréal et de Laval que les autres centres de coordination qui
seront mandatés par les CRSSS des régions, je ne pense pas qu'on
puisse aller vers un service défaillant. Je demanderais au
député de Joliette d'essayer d'être moins rancunier et de
mettre de côté la vengeance qu'il peut avoir, car il se souvient
sans doute de 1984. À ce moment-là, il pourra sûrement
accepter avec nous de telles modifications et de tels avantages. Merci, M. le
Président. (22 h 20)
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme
la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne l_ Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. En terminant, le
député de Fabre dit d'abord être fier de cette loi et
penser qu'on se dirige vers un service qui ne sera pas défaillant.
À sa place, j'en douterais sérieusement du moment où la
présente loi est en train de créer un monopole dans la
région de Montréal, monopole qui met la population de la
région de Montréal à la merci des pressions syndicales
éventuelles. Et je pense que personne de ce côté de la
Chambre n'ignore que d'ici peu ce monopole sera la réalité dans
la région de Montréal et pourra, effectivement, avoir des effets
plus que négatifs.
Il faut peut-être ajouter également que ce monopole ne
frappera pas que la région dé Montréal puisque
déjà le RETAQ est en train d'acquérir des ambulances dans
ma région, dans la ville de Chicoutimi, et il est en négociation
pour établir chez nous également un monopole. M. le
Président, la loi 34, qui peut être intéressante... On le
verra à l'exercice, quoique j'en doute. Ce que je me demande, c'est
comment N se fait que ce gouvernement ait décidé que l'urgence,
c'était de régler les ambulances. Est-ce que l'urgence, M. le
Président, ne se retrouvait pas plutôt dans les services d'urgence
engorgés dans la grande région de Montréal? Est-ce que les
urgences ne se trouvaient pas plutôt dans le manque de lits en soins de
courte durée dans les hôpitaux de Montréal? Est-ce que
l'urgence ne se trouvait pas dans l'ajout de ressources pour le maintien
à domicile de manière à diminuer l'affluence dans les
urgences à Montréal? Est-ce qu'un ensemble de mesures qui,
effectivement, coûtent des sous, ce n'était pas là
l'urgence qui aurait eu des effets réels sur la demande en services
ambulanciers?
La ministre et le ministre délégué ont
décidé que, pour une raison qui leur appartient, l'urgence
était à Montréal. Et là le député de
Fabre nous dit et le ministre nous dit: C'est une réforme globale sur
tout le territoire du Québec. Mais, à la lecture du projet de
loi, on réalise qu'il y a des urgences moins urgentes que les autres.
Et, comme par hasard, il se trouve que les urgences en région sont moins
urgentes que si vous êtes à Montréal, même si la
qualité des services en région est drôlement plus
détériorée; les temps d'intervention sont beaucoup plus
longs qu'à Montréal. Évidemment, l'urgence, c'était
d'intervenir à Montréal!
Pourquoi intervenir à Montréal? Parce que c'était
plus urgent qu'en région? Non. Parce qu'il y a un syndicalisme là
qui a fait ses preuves, qui a fait des grèves illégales, qui a
exercé des pressions indues, qui a pris la population en otage et qui a
réussi à convaincre ce gouvernement qu'il n'y avait pas d'autre
voie que celle
que le RETAQ lui traçait. Et c'est pour ça que l'urgence
d'intervenir a été établie à Montréal
plutôt qu'en région.
La leçon est importante pour les régions. On est en train
de se demander s'il ne faudra pas engager, je ne sais pas, dans nos
régions, pour faire défendre nos droits, quelque chose qui ait la
stature du président du RETAQ, chez nous. Parce que cela a
été une job de bras qui s'est faite à Montréal et
le résultat est clair. Le résultat est patent pour ces
gens-là. Ils vont avoir un monopole dans le transport ambulancier. Ils
vont pouvoir prendre la population en otage. On va peut-être travailler
à améliorer la qualité des services à
Montréal, mais pour les régions il n'y a pas d'argent, il n'y a
pas d'échéancier.
Vous savez, la qualité de vie en région c'est toujours un
peu moins important que si vous êtes à Montréal. Il y a
quelques semaines j'interrogeais la ministre sur des équipements dans
les hôpitaux en région, en radiologie en particulier. Et la
ministre répondait: Oui, mais comment parler des équipements en
région alors qu'à Montréal les équipements sont
désuets? Elle ne s'inquiétait pas de la qualité des
équipements en région. Elle nous disait en réponse aux
besoins des régions: Oui, mais on a des besoins très grands
à Montréal. Les équipements sont désuets. Elle
oubliait qu'en région il n'y a pas de danger qu'ils soient
désuets, il n'y en a pas. Il n'y en a pas en région.
M. le Président, une réforme globale qui touche tout le
territoire du Québec, mais dont on ne connaît pas les
échéanciers quant à l'application, et le ministre ne nous
a pas dit quand l'argent arriverait pour donner aux régions une
qualité de services comparable.
En ce qui concerne la qualité des services d'urgence
préhospitaliers, on le sait, la ministre le sait, les intervenants
connaissent la situation, les quelques minutes qui suivent une crise cardiaque
sont cruciales quant à la capacité de rétablissement du
patient, sur ses chances de s'en sortir ou de mourir. C'est primordial.
L'efficacité des services ambulanciers a des effets directs sur la
capacité des personnes de s'en remettre, de se remettre d'un choc, d'une
urgence, par exemple. La diligence, l'efficacité, les délais et
la qualité des services préhospitaliers sont déterminants
dans les chances de succès des interventions en centre hospitalier, et
là-dessus if y a peu de choses. D'ailleurs, ce n'est pas l'Opprisition
qui le dit. C'est le Conseil régional de la santé et des services
sociaux du Montréal métropolitain qui est venu en commission
parlementaire déplorer le fait qu'on ne se soit pas attardés
davantage à relever la qualité des services
préhospitaliers en matière d'urgence.
M. le Président, la qualité des services en région
laisse souvent et malheureusement ce gouvernement indifférent. Je dirais
que ce n'est pas nouveau, ce n'est pas surprenant que ça se passe dans
le domaine de la santé puisque tous les secteurs d'activité
subissent à peu près le même sort. Si vous êtes en
région, le fardeau de la preuve appartient aux régionaux. Si vous
êtes à Montréal et qu'il y a passablement de pression qui
s'exerce, le fardeau de la preuve appartient davantage aux fonctionnaires, et
la ministre aussi en sait quelque chose. Elle est l'objet de nombreuses
pressions. Il est évident qu'il n'y a pas de commune mesure entre la
pression qu'on est capables d'exercer sur la ministre dans une région
comme la mienne, dans une région comme celle de l'Est du Québec
ou de l'Abitibi-Témis-camingue et celle dont la région de
Montréal est capable. Il me semble que la responsabilité d'un
gouvernement, c'est précisément de venir en aide à ceux
qui ont moins de pouvoirs, à ceux qui sont silencieux, à ceux qui
ne peuvent pas utiliser la pression du grand nombre pour faire
reconnaître et défendre leurs droits. Il est évident que,
chaque fois qu'on va comparer les besoins, est-ce que je sais, de l'Institut de
cardiologie de Montréal avec une petite unité d'intervention en
cardiologie de l'hôpital de Chicoutimi... C'est bien évident que
l'hôpital de Chicoutimi a moins de pouvoir de pression; il y a moins de
patients. C'est bien évident, sauf que, si on continue à laisser
se détériorer la qualité des services en région,
c'est le droit de ces personnes qu'on nie. C'est toujours la même chose.
Si vous êtes en région et que vous avez le moindrement besoin d'un
service spécialisé, vous êtes obligé de vous
déplacer en direction des grands centres, avec la conséquence que
ça vous coûte de l'argent de vos poches alors que vous payez avec
vos impôts les services qui sont offerts dans les grands centres.
Cette loi est tout à fait conforme à ce qu'on fait dans
tous les autres secteurs d'activité. L'urgence était-elle
à Montréal, l'urgence était-elle dans les services
ambulanciers ou, plutôt, n'était-elle pas dans les services
d'urgence, dans la qualité des urgences, l'urgence n'était-elle
pas dans les régions où, la ministre le sait - d'ailleurs, il y a
un député qui l'a souligné tout à l'heure - la
carence de la qualité des services ambulanciers est réelle,
où les temps d'intervention sont plus longs, et pas seulement en raison
des distances, mais en raison de la disponibilité des
équipements? C'est là qu'il fallait intervenir d'urgence et,
pourtant, ce n'est pas là qu'on est intervenu. ~~
M. le Président, la ministre aurait dû choisir d'investir
davantage pour désengorger les urgences. Le désengorgement des
urgences a des effets directs sur le nombre d'appels aux services ambulanciers.
N'importe qui comprend ça. Si vous êtes soigné dans votre
centre d'accueil, dans votre CLSC, dans des hôpitaux de jour, si on a un
peu plus de place dans les centres d'hébergement, c'est autant de
personnes dans le maintien à domicile, c'est autant de personnes qui,
soignées chez elles ou dans ces centres-là, ne feront pas appel
à des services ambulanciers. Il me semble que, chaque fois qu'on examine
cette question-là, on prend la question à l'envers. La
vraie solution n'était-elle pas dans une meilleure organisation
des services d'urgence dans la grande région de Montréal, et
l'urgence, s'il y en avait une, n'était-elle pas dans une meilleure
organisation des services ambulanciers dans les régions? Je vous
remercie, M. le Président. (22 h 30)
Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme
le ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Vous me
permettrez de prendre quelques instants pour corriger les affirmations
erronées que la députée de Chicoutimi vient de faire. Je
pense que je n'ai pas la réputation d'être agressive, même
envers les membres de l'Opposition. Je sais qu'elle a un rôle à
jouer et qu'il est important qu'elle le joue. Mais, M. le Président, la
surprise que j'ai, c'est de voir la députée de Chicoutimi, que je
croyais une personne rigoureuse, se permettre, dans le domaine de ta
santé et des services sociaux, de dire à peu près
n'importe quoi, fondé sur rien et, le plus souvent, de faire des
témoignages erronés. La meilleure preuve, c'est qu'elle a tout
mélangé: le transport ambulancier avec le désengorgement
des urgences. M. le Président, ce sont deux choses
différentes.
On sait aussi que la députée de Chicoutimi a brandi
pendant un certain temps - là, ça diminue un peu - la question du
gouvernement qui voulait privatiser la santé. Elle a posé
plusieurs questions là-dessus, n'ayant jamais rien à l'appui,
mais en brandissant une espèce de spectre pour faire peur à la
population et surtout pour tenter d'alerter les syndicats. Depuis quelque
temps, elle a pris un autre cheval de bataille qui n'a pas plus de fondement,
celui de dire: Ce gouvernement défavorise les régions. Ce
gouvernement ne pense qu'à Montréal. D'ailleurs, elle n'est pas
la seule à transmettre ce message-là du côté de
l'Opposition. Ce gouvernement oublie les régions.
M. le Président, je puis vous dire que, dans le domaine de la
santé et des services sociaux, ce sont des témoignages constants
que nous recevons des régions disant que, pour une fois, le
ministère de la Santé et des Services sociaux a non seulement une
vision, mais un souci constant de rééquilibrer les ressources, ce
qu'on appelle l'équité interrégionale. Comme preuve, si on
pense aux hôpitaux, quand je suis arrivée au ministère, les
trois priorités que j'ai retenues dans le monde hospitalier - on sait
que c'est un monde qui demande beaucoup de services et que les besoins sont
là - ont été de remettre sur un pied un peu décent
trois hôpitaux de régions éloignées: le centre
hospitalier de l'Archipel, aux îles-de-la-Madeleine - ça, c'est
dans la région de Montréal, M. le Président? -
l'hôpital de Pontiac - je n'ose pas dire que c'était un taudis,
mais pas loin - et l'hôpital de Blanc-Sablon, dans le comté de
Duplessis, qui avait aussi été oublié par l'ancien
gouvernement. C'étaient les trois priorités retenues par ce
gouvernement et par mon ministère depuis que je suis à la
direction. Et on vient me dire que c'est la région de Montréal
qui est favorisée. M. le Président, on ne peut pas dire n'importe
quoi parce qu'on est dans l'Opposition. Je vois le député de
Bertrand. Je vais lui rendre témoignage. Il ne dit pas n'importe quoi;
en général, c'est rigoureux. Mais, depuis que j'écoute la
députée de Chicoutimi faire le genre d'affirmations qu'elle fait,
honnêtement, j'en suis fort surprise.
Tout à l'heure, le député de Joliette a, lui aussi,
fait valoir: Moi, je viens de la région de Joliette, j'ai à coeur
les services dans les régions. Je dois vous dire que, lorsque le dossier
des ambulances a été confie au ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux,
le député de Beauce-Sud, la première réflexion
qu'il a eue a été de dire: Ce dossier me tient beaucoup à
coeur parce que je trouve que les services en région sont tellement
défavorisés par rapport à ceux des grands centres comme
Montréal et Québec. C'est, justement, son désir de
corriger les inégalités, les inéquités qui
existaient vis-à-vis des régions par rapport à la
région de Montréal, qui l'a surtout motivé à
accepter un dossier aussi difficile que celui du transport ambulancier. Le
ministre délégué à la Santé et aux Services
sociaux a réfuté, tout à l'heure, certains des arguments
du chef de l'Opposition, le député de Joliette. Mais je pense
qu'il est important de rappeler que c'est vrai qu'il y avait des
inéquités en région par rapport à la qualité
du transport ambulancier.
Ce que le ministre délégué propose dans sa loi,
c'est, justement, de rehausser la formation pour les ambulanciers qui
travaillent en région. C'est également d'assurer une
stabilité de l'emploi pour être sûr qu'on aura un personnel
de qualité. Quand vous avez un roulement important de personnel, parce
qu'il est mal rémunéré, parce que l'organisation de son
travail est défaillante, vous ne pouvez pas assurer une qualité
de services. Que fait également le ministre délégué
à la Santé et aux Services sociaux? C'est un rehaussement des
équipements, c'est un rehaussement des ambulances et cet ensemble de
facteurs: meilleure formation, plus grande stabilité de l'emploi,
rehaussement des équipements et des ambulances, sont des conditions
essentielles et fondamentales pour qu'on ne parle pas en vain d'une meilleure
qualité des services ambulanciers dans les régions. Je pense
qu'à ce titre les régions seront redevables au ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux
d'avoir d'abord pensé à elles.
M. le Président, en terminant, je voudrais simplement ajouter
ceci sur certaines autres affirmations qui sont faites constamment de l'autre
côté de la Chambre, par exemple, en disant que l'on piétine
les droits de propriété.
Est-il nécessaire de rappeler que le ministre a, justement, cet
automne, apporté des amendements pour permettre qu'une indemnité
soit versée pour révocation de permis aux propriétaires
d'ambulances qui le désiraient et également que cette
indemnité peut faire l'objet d'un arbitrage? Je pense qu'on ne peut plus
parler d'une expropriation qui ne respecte pas les droits de
propriété. On peut peut-être le redire, mais je pense que
tel n'est plus le cas.
On a parlé de la qualité des services. Je pense que j'ai
expliqué, comme l'ont d'ailleurs fait à plusieurs reprises
quelques-uns de mes collègues, ce souci d'améliorer cette
qualité non seulement dans les régions, à cause de cette
disparité entre ce qui existait dans les régions et ce qui
existait dans les deux grandes villes de Montréal et de Québec,
mais également dans la région de Montréal, par le fait que
nous allons maintenant avoir un organisme à but non lucratif de qui vont
relever les techniciens ambulanciers qui vont recevoir désormais, comme
dans les régions, une formation de 825 heures, alors que ce qu'on avait
réussi à faire à Montréal, c'était
l'augmenter à 325 heures et la laisser à 150 heures dans les
régions. Maintenant, pour les deux, ce seront 825 heures de formation.
On pourra également permettre un meilleur encadrement au point de vue
médical à tous les techniciens ambulanciers. On pourra
peut-être permettre aussi davantage la délégation
d'actes.
En résumé, M. le Président, les efforts du ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux
ont toujours été faits dans la perspective d'améliorer la
qualité des services. Ceci ne veut pas dire qu'il n'y aura plus jamais
de problème dans les ambulances. Il faut avoir travaillé le
moindrement dans la santé et les services sociaux pour savoir que c'est
un domaine fragile, sensible, où il y a souvent des tensions. Le
ministre ne promet pas que ce soit le paradis demain, mais je pense qu'il a
fait des efforts plus que significatifs pour améliorer la qualité
des services ambulanciers et préhospitaliers pour l'ensemble de la
population du Québec, en particulier pour les régions
éloignées. Je pense qu'à ce titre il mérite toute
notre reconnaissance, M. le Président.
Le Vice-Président: Nous allons poursuivre le débat
avec l'intervention de M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Je dirai,
d'abord, que je comprends très bien Mme la ministre de venir un peu
à la rescousse du ministre délégué pour apporter
certaines précisions. Au cours des prochaines minutes, j'essaierai
d'apporter aussi des éclaircissements quant au fameux projet de loi 34.
(22 h 40)
Vous comprendrez qu'au 13 décembre, alors qu'il est près
de 23 heures, on a à intervenir sur ce projet de loi parce que le
ministre a décidé d'une certaine procédure qui est une
procédure de bâillon, une procédure qui consiste à
apporter des modifications à la dernière minute. Est-on
conscient, M. le Président, que le projet de loi 34 dont il est question
ce soir a 59 articles? À la suite des quelque 44 amendements
déposés par le ministre pas plus tard qu'hier, on a maintenant
quelque 116 amendements sur un projet de loi de 59 articles. Alors, M. le
Président, vous comprendrez que, si le devoir et le travail du ministre
avaient été bien faits, on ne se retrouverait pas avec autant
d'amendements.
On ne se retrouverait pas, non plus, le soir d'un 13 décembre,
à discuter à la vapeur d'un projet de loi aussi important que
celui du transport ambulancier dont il est question dans le projet de loi 34.
J'ai bien écouté, en début de soirée, le ministre
dans son intervention. J'ai bien écouté ses propos à la
suite des nouveaux amendements qu'il a tenté d'expliquer non seulement
au chef de l'Opposition, mais à l'ensemble de mes collègues de
cette Assemblée. Je me suis dit: De deux choses: ou bien le ministre ne
sait pas où il s'en va ou bien il est naïf. Tout ce qui s'est
passé avec ce projet de loi - et je le dis avec toute la conviction que
je peux avoir - depuis juin dernier m'amène à être
convaincu que le ministre a été des plus naïfs, qu'il s'est
fait avoir complètement.
Il n'est peut-être pas trop tard pour corriger le tir sur certains
points. Il s'est fait avoir parce que des pressions indues, au cours des mois
de novembre et décembre, l'ont amené à procéder
toute vapeur parce que ça faisait trois semaines que le projet de loi
n'avait pas été appelé en commission parlementaire. C'est
une coutume assez inhabituelle. Habituellement, on siège en commission
parlementaire jour et nuit et, quand on n'en vient pas à bout, là
on met le bâillon. Vous conviendrez que, depuis la mi-novembre, à
ce que je sache, on n'a pas appelé en commission parlementaire le projet
de loi 34. Tout d'un coup, on déclenche le bâillon,
c'est-à-dire que le gouvernement décide de passer outre à
toutes les lois, suspend les règlements faits pour que cette
Assemblée, pour que la commission et tout le monde puissent
étudier en profondeur chaque article. Parce qu'en commission
parlementaire le travail des parlementaires est important. Ce n'est pas vrai
que c'est ici, à l'Assemblée, que le ministre va nous livrer ici
et là, à cinq minutes d'intervalle, des parties d'explications
qui vont nous donner un projet de loi solide.
D'ailleurs, les amendements qui ont été apportés en
commission parlementaire, au début des travaux ont permis d'apporter des
modifications importantes.
Dans ce sens, je suis inquiet. Je suis d'autant plus inquiet quand je
constate qui est derrière quoi. Le RETAQ, M. le Président, vous
conviendrez qu'il a une réputation. Je ne parle
pas nécessairement de son président qui est un homme bien
connu, mais je parle de l'ensemble des actions et des faits et gestes qui se
sont produits au cours des dernières années. À
témoin, le 2 décembre 1987 - ça fait un an - le
président, le porte-parole, M. Mario Cotton, a envoyé une lettre
à Mme Thérèse Lavoie-Roux et à l'honorable Robert
Dutil, ministre délégué à la Santé et aux
Services sociaux, et dans cette lettre il se permettait, il se plaisait
à rappeler ceci: Vous vous souviendrez qu'à telle époque
il s'est passé telle chose et que des moyens de pression ont
été amenés. Nous avons désigné tel
porte-parole. Nous avons refusé de faire telle chose. Des moyens de
pression ont été amenés.
Le Vice-Président: M. le député de Bertrand,
M. le député d'Ungava sur un rappel au règlement.
M. Claveau: Sans vouloir interrompre mon collègue,
étant donné l'importance du sujet, je demande le quorum, s'il
vous plaît.
Le Vice-Président: Je constate, M. le député
d'Ungava, que nous avons quorum. Vous pouvez poursuivre.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Alors, le
RETAQ, au cours des dernières années, s'est bâti une
réputation qui fait en sorte qu'aujourd'hui on est en droit de douter
que sa façon de procéder dans ce dossier n'est nulle autre chose
qu'une façon de mettre des pressions. Dans ce sens-là, on doit se
rendre compte qu'actuellement, dans la grande région de Montréal,
100 % du contrôle ambulancier seront entre les mains du groupe de M.
Cotton, c'est-à-dire du groupe représenté par la CSN. Cela
m'inquiète d'autant plus, comme en faisait part le chef de l'Opposition
précédemment, qu'il y a eu, qu'il y a et qu'il y aura dans
l'application de la prochaine convention des mesures qui sont totalement
discordantes selon que ceux qui travailleront aux soins ambulanciers, pour les
services d'ambulance, seront membres de la CSN ou de la FTQ.
Peu importe qu'on vienne nous dire aujourd'hui: Le ministre a pris des
mesures, il a fait en sorte que... Moi, je suis inquiet. Je ne suis pas
rassuré. Au contraire, j'ai la conviction qu'il y a danger - s'il n'y a
pas de danger, que le ministre non seulement le dise, mais qu'il apporte des
preuves - au niveau de la qualité du service à laquelle on est en
droit de s'attendre. Bien sûr, je suis de la grande région de
Montréal et j'aimerais qu'on puisse continuer à avoir une
qualité de services. Je ne voudrais pas que parents, amis ou n'importe
qui se ramassent, demain matin, avec des syndiqués à la CSN qui
ont décidé de prendre leurs quinze minutes ou leur demi-heure,
peu importe, leur heure de lunch, leur café, et qui ne répondent
pas à un appel parce que ça fait partie de la convention, pendant
que leurs collègues, qui font le même genre de travail, mais qui
sont membres de la FTQ, se doivent de le faire. Non pas que j'aie à
défendre un syndicat ou un autre, mais ce que je me dis, c'est
qu'effectivement il semble y avoir de concocté, tout autour de l'entente
qui est intervenue, autour de la CSN, autour du RETAQ, quelque chose qui fait
en sorte que le ministre n'a pas les mains libres. Le projet de loi 34,
à plusieurs égards, ne pourra pas apporter toute la
sécurité aux gens concernés, c'est-à-dire les
citoyens de la grande région de Montréal et que dire des autres
dans les régions.
La députée de Chicoutimi mentionnait tantôt, et
à juste titre, sa préoccupation pour les régions. Ce qui
s'est passé, ce qui se passe dans la région de Montréal
est, à toutes fins utiles, une forme indirecte d'étatisation. Si
on se ramasse avec des problèmes parce qu'on a un seul employeur, que
tout est dans les mains d'une seule personne avec une situation de monopole,
qu'est-ce qui va arriver dans six mois ou dans un an? Je ne le souhaite pas au
ministre, mais ce qui va arriver, c'est qu'ils n'auront nul autre choix que
d'intervenir, c'est-à-dire de prendre le contrôle et que
l'État soit le maître d'oeuvre dans le domaine ambulancier.
Le ministre l'a dit dans son préambule en début de
soirée: On n'est pas intéressé. Je comprends qu'il n'est
pas intéressé, mais ce que je dis, c'est que l'ensemble des
mesures qui sont prises dans le projet de loi 34, c'est un peu, pour moi, le
principe du bras dans le tordeur, c'est-à-dire qu'il se place dans une
situation vulnérable. Si ça ne fonctionne pas dans les mains de
ceux à qui on remet le contrôle du service ambulancier, on se
ramassera dans une situation vulnérable parce qu'on n'aura pas à
négocier avec une, deux ou trois personnes pour être capable
d'offrir un service qui se tient. Il y en aura un seul, il y aura une situation
de monopole. On sait que dans une telle situation-Ce sont des services
essentiels. Il ne s'agit pas de services de voirie, de services d'autobus, il
s'agit de services ambulanciers. Quand on appelle une ambulance, c'est parce
qu'il y a urgence et qu'il y a quelqu'un qui est possiblement entre la vie et
la mort. Dans ce sens-là, je trouve inacceptable, sur le plan du
principe, que le ministre et son gouvernement se placent dans une situation
vulnérable par rapport à des services de santé face
à une situation de monopole.
M. le Président, même si le ministre nous dit aujourd'hui:
Écoutez, j'ai la situation bien en main, moi, je me permets de lui
rappeler, si tel est le cas: M. le ministre, vous pouvez passer la loi ce soir,
demain, peu importe, quand vous voulez, vous avez la force du nombre, mais
attention, avec la responsabilité ministérielle, la
responsabilité d'un gouvernement, s'il arrive des pépins dans les
services ambulanciers, vous aurez à en porter l'odieux. J'espère
que je me trompe, mais, après avoir étudié le dossier et
avoir suivi
de très près le débat, parce que cela me touche et
que cela touche des citoyens dans la grande région de Montréal,
je dis au ministre: II y a sûrement des précautions à
prendre. Ce n'est pas trop. Si vous pensez en avoir, ajoutez des bretelles aux
ceintures. Mais, actuellement, je pense qu'il y a quelqu'un qui rit dans sa
barbe et ce n'est certainement pas le gouvernement du Québec, mais c'est
peut-être beaucoup plus les gens du RETAQ. Je trouve cela dommage.
Malheureusement, le projet de loi 34, même si on est contre, sera
adopté par la force du nombre. Ce n'est pas cela qui est important. Ce
qui est important, c'est que le gouvernement s'assure de prendre les
responsabilités et qu'on ne ramasse pas les dégâts dans les
mois et les années à venir. Je vous remercie, M. le
Président. (22 h 50)
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. À mon
tour d'ajouter ma voix à celle des autres députés de
l'Opposition qui tentent de ramener le ministre et le gouvernement à
l'ordre en ce qui concerne le projet de loi 34. Vous savez, M. le
Président, le gouvernement libéral a pris quatre mois pour
décider de la couleur de la margarine. Cela fait six mois qu'il
étudie la question des heures d'ouverture des commerces. Il vient de
décider de prendre six autres mois.
Ce que le ministre délégué à la Famille,
à la Santé et aux Services sociaux tente de faire admettre, avec
la collaboration du leader qui nous a apporté la motion de guillotine,
c'est qu'après une couple de dizaines d'heures il considère son
projet de loi comme étant suffisant. Imaginez-vous! Imaginez-vous
régler la question des ambulances, surtout de la façon dont le
fait le ministre, en vendant à la RETAQ une bonne partie de la
responsabilité de ce qu'il adviendra dans l'avenir dans la région
de Montréal, et non pas, comme le disait le député de
Bertrand, la responsabilité de grenailles, mais la responsabilité
du transport.
En général, la responsabilité des ambulances est,
quand même, une responsabilité fondamentale, parce que c'est une
clientèle qui a besoin de soins urgents. Or, le ministre
considère que son projet de loi a suffisamment été
étudié. Déjà, on peut se rendre compte de la
disproportion par les exemples que je donne. Bien sûr, cinq mois pour
décider de la couleur de la margarine, c'est beaucoup trop. Mais, pour
un gouvernement, qui cherche toujours à pelleter par en avant, ce n'est
pas surprenant. D'autant plus que j'ai appris qu'ils ont changé,
d'ailleurs, par décret, ladite couleur de la margarine quelques mois
plus tard.
Mais, en ce qui concerne les ambulances, on apporte 44 amendements, en
plus de ceux qui ont déjà été apportés en
commission parlementaire, et on impose le bâillon, la guillotine, pour
empêcher l'Opposition de faire son travail, travail pourtant grandement
productif qui visait à bonifier un projet de loi qui, dès le
départ, était mal foutu, mal conçu, parce que le ministre
a mal compris le rôle qu'il avait à jouer là-dedans.
À tel point d'ailleurs - je tiens à insister là-dessus -
que, lorsqu'est venu le temps d'aller chercher les ambulances et les permis, le
gouvernement libéral, grand champion de l'entreprise privée,
grand champion de la propriété privée, a
décidé d'indemniser, de procéder à l'expropriation
- pour cela, il y a eu des amendements d'apportés - mais en oubliant que
cette expropriation devait concerner à la fois le permis et le
véhicule. Vous savez, un permis d'ambulance ne peut pas aller sans un
véhicule ambulancier. Je pense que c'est le gros bons sens qui nous
l'indique. Mais le gouvernement libéral, de l'autre côté, a
passé complètement à côté de cette
évidence, de cette vérité. Il a donc exproprié en
négligeant d'accorder à la valeur du bien exproprié toute
la plénitude que cela méritait.
Finalement, l'Opposition dit depuis des mois au ministre et au
gouvernement que le projet de loi 34 est mal foutu. En ce qui concerne le
contrôle de la qualité des services, il n'a pas les
éléments nécessaires pour garantir à la population
les services ambulanciers auxquels elle a droit et ce, pas uniquement à
Montréal, mais partout. Dans ce sens, je voudrais rappeler à la
ministre de la Santé et des Services sociaux, qui, tantôt, se
faisait le grand défenseur de services adéquats d'ambulance dans
la région de Montréal, que c'est le gouvernement du Parti
québécois qui a instauré le premier le Centre de
coordination des urgences-santé à Montréal et qu'on n'a
pas attendu que le gouvernement libéral agisse dans ce sens. Celui-ci a
passé six ans à côté du problème parce que,
en 1976, quand le gouvernement du Parti québécois a pris le
pouvoir, il n'existait même pas de coordination des urgences dans la
grande région de Montréal. Dans ce sens, vous me permettrez de
rappeler à la ministre de la Santé et des Services sociaux qu'on
n'a pas de leçon à recevoir, de ce côté-ci de la
Chambre, du gouvernement du Parti libéral.
Deuxièmement, M. le Président, je voudrais souligner
certains éléments qui peuvent peut-être passer
inaperçus, mais qui valent la peine d'être relevés. Par
exemple, en ce qui concerne la composition du conseil d'administration de la
nouvelle corporation, l'Opposition a réussi, on le sait, en commission
parlementaire, à faire accepter par le ministre certains amendements au
sujet de la composition du conseil d'administration, qui contribueront à
donner un peu plus de crédibilité au conseil d'administration.
C'est ainsi que le nombre de membres a été porté de neuf
à onze pour que soient ajoutés un représentant des
propriétaires d'ambulances et un représentant également de
la ville de Laval. Au cas où on l'ignorerait, en Beauce ou ailleurs au
Québec, la
ville de Laval fait un petit peu partie de la grande région
métropolitaine, comme la rive sud de Montréal, d'ailleurs.
De plus, des restrictions ont été faites pour que les
membres soient nommés après consultation des
propriétaires, des associations concernées ou encore choisis par
un nombre restreint et désigné de personnes. Nous avons donc
obtenu que les trois membres salariés de la corporation soient
désignés comme un représentant des techniciens
ambulanciers, une infirmière et une autre salariée de la
corporation. Parce que, dans ce secteur-là de la santé et des
services sociaux - le député de Laval-des-Rapides devrait s'en
souvenir - on ne peut pas construire des services valables sans la
collaboration de toutes les personnes concernées. Un service d'ambulance
comme un service d'urgence, ça implique des ambulanciers, bien
sûr, qui conduisent le véhicule, mais ça implique aussi des
gens qui reçoivent des appels et qui sont en mesure d'effectuer le
filtrage de ces appels qui s'impose pour déterminer si, oui ou non,
c'est une urgence. Cela implique également une solide organisation. Cela
implique aussi, bien sûr, des médecins.
Tout ça, M. le Président, on a tenté de le rappeler
au ministre délégué, mais, malheureusement, il a, comme
dans tout le reste, passé complètement à côté
du bateau, de sorte qu'on a une loi actuellement qui risque potentiellement de
causer - on ne se le souhaite pas - plus de dommages que d'avantages.
Là-dessus, ce sera la responsabilité du gouvernement, la
responsabilité du ministre au premier chef. C'est lui qui pilote ce
dossier et on peut dire, d'ailleurs, à cause de ce qu'on voit en
Chambre, que c'est à peu près le seul dossier où on a vu
le commencement d'un début de politique.
Malheureusement, il a complètement passé à
côté du bateau comme, d'ailleurs, en témoigne le fait que
le RETAQ dispose actuellement d'un pouvoir énorme, mais énorme,
concernant les ambulances à Montréal, et ça
m'apparaît malsain. Il me semble que le pouvoir dans ce secteur devrait
être mieux distribué entre toutes les classes de gens qui
travaillent dans ce secteur au lieu de le concentrer entre les mains de M.
Cotton et des autres personnes autour du RETAQ. On n'a pas le droit, je pense,
M. le Président, comme ministre responsable, de concentrer ainsi le
pouvoir en faisant fi des autres intervenants. Cela m'apparaîl, en tout
cas, quant à moi, primaire qu'il faut respecter tous les intervenants,
distribuer les pouvoirs et les capacités pour faire en sorte qu'il y ait
un certain rapport de forces intelligent entre tous ces intervenants et non pas
concentrer le pouvoir pour faire en sorte que, si une personne n'est pas
satisfaite ou si sept ou huit personnes ne sont pas satisfaites, on puisse
bloquer tout le service ambulancier dans la région de
Montréal.
Mais, et je termine là-dessus puisque vous m'indiquez qu'il ne me
reste qu'une minute, il ne faut pas se surprendre qu'on nous impose le
bâillon sur la loi des ambulances. Le gouvernement, c'est clair, cherche
à faire maison nette avant le dépôt d'une loi sur le plan
linguistique, avant le dépôt d'une loi dont nous n'aurions que
quelques heures pour débattre du contenu. (23 heures)
À force de réagir par la peur, ce gouvernement a choisi de
bâillonner l'Opposition, d'empêcher l'Opposition de bonifier le
projet de loi du gouvernement, ce qui causera finalement, à moyen ou
à long terme - on ne l'espère pas mais le projet de loi est
tellement mal fignolé qu'on ne peut que le conclure logiquement - donc
conduire à des désavantages, non seulement pour la population
montréalaise, mais pour l'ensemble de la population
québécoise. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenait M. le
député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion de
participer à la presque totalité des travaux qui ont eu cours
tout au long de l'étude en commission parlementaire du projet de loi
34.
Je peux vous dire que ce furent des travaux difficiles dans la mesure
où, du côté du ministre responsable du dossier, il
était tout à fait évident qu'il n'était pas
question pour lui de faire quelque compromis que ce soit avec l'Opposition.
Quand j'entendais tout à l'heure le député de Fabre
fustiger le chef de l'Opposition en utilisant à son égard des
propos qui sont à la limite du parlementarisme pour le moins, alors que
ce même député - pour rester poli je vais utiliser des
termes les plus neutres possible - a été pour le moins distrait
et discret lors de l'étude article par article du projet de loi... Je ne
l'ai pas beaucoup entendu intervenir pour nous livrer sa propre pensée.
Certes, il était là, mais il brillait par sa distraction,
s'occupant de toutes sortes de choses excepté du texte du projet de loi.
Sa discrétion a été des plus totales et des plus
complètes. Il fallait au ministre un peu de tapisserie pour justifier
son quorum. C'est le seul et unique rôle qu'a joué le
député de Fabre tout au long de cette commission
parlementaire.
Quand on nous dit, encore une fois, en s'exclamant, qu'on a
malheureusement pris 65 heures de la commission parlementaire pour
étudier le projet de loi sur les ambulances, 65 heures, M. le
Président. Encore là, on nous impose un bâillon
après à peine 65 heures de travail en commission. Au
départ, il y avait 59 articles. Le projet de loi comprenait 59 articles.
Et on nous accuse d'avoir travaillé 65 heures là-dessus. Le
ministre avait tellement bien fait son travail, le ministre connaissait
tellement bien son dossier que sur 59 articles, nous allons avoir en tout et
partout, à la fin, lors de l'adoption du projet de loi, 116 amendements
qui ont tous été
proposés par le ministre lui-même, étant
donné que, dans son esprit, aucun amendement provenant de l'Opposition
ne pouvait être acceptable. On a 116 amendements pour un projet de loi de
59 articles. Et on va nous dire que le ministre avait fait du travail
sérieux. Ce n'est pas surprenant, M. le Président, dans la mesure
où, des 16 groupes qui avaient fait valoir leur point de vue, qui
s'étaient présentés en commission parlementaire au moment
où le ministre a déposé son projet de loi, seulement un
avait appuyé le ministre, alors que les 15 autres sur 16 avaient
demandé au ministre de retirer son projet de loi ou de le modifier
fondamentalement. 15 sur 16. Et, à l'instar de son collègue
responsable de la loi sur les assistés sociaux, le ministre continue
à prétendre qu'il a l'appui de la majorité de la
population et que tout le monde est d'accord avec lui.
Je ne sais pas quand ces gens vont finir par comprendre qu'avoir la
population d'accord avec nous ne veut pas dire être nous-mêmes
d'accord avec nos idées. Il y a plus que ça pour avoir l'appui de
la population. Quand 15 groupes sur 16 viennent vous dire: M. le ministre,
attention, vous faites fausse route, ce n'est pas ça, retirez votre
projet de loi ou amendez-le de façon substantielle si vous voulez
arriver à vos fins, que 15 sur 16 le disent, le ministre se retourne
après ta consultation et dit: Bon, vous voyez, les gens sont d'accord
avec nous. À quoi servent les consultations dans des conditions
semblables? Dites-le-moi M. le Président, si vous en êtes capable.
Mais à quoi cela sert-il de demander à des gens de
dépenser efforts, énergie, temps et argent pour se
présenter devant une commission parlementaire et expliquer un point de
vue, si on en fait fi complètement, si on ne se donne même pas la
peine de les écouter. C'est terrible. C'est une approche
inacceptable.
M. le Président, nous l'avons dit à maintes reprises au
ministre. Il sait, j'en suis convaincu pour avoir passé suffisamment de
temps avec lui en commission parlementaire, dans quel bourbier il s'embarque
avec ce projet de loi. Déjà tout est en place dans la grande
région de Montréal pour lui permettre de comprendre qu'il a pieds
et mains liés dans une structure qui, finalement, ne donnera pas les
résultats escomptés. C'est clair. Il n'y a rien de plus simple
à comprendre. Comment voulez-vous que cette structure puisse
fonctionner? Les employés, les ambulanciers vont travailler
dorénavant pour cette corporation, dans une structure publique ou
parapublique, alors que les ambulances qu'ils vont opérer
n'appartiendront pas à la structure elle-même, n'appartiendront
pas à la corporation, elles vont appartenir, par le biais d'une
structure coopérative, aux employés qui vont être
salariés de la corporation. Comment voulez-vous que ça fonctionne
longtemps? En disant ça, je n'accuse personne en particulier. Je ne fais
qu'essayer d'imaginer comment on peut bâtir une structure sociale, une
structure de service qui soit économiquement rentable et socialement
acceptable à partir d'un principe semblable? Imaginez-vous, par exemple,
un entrepreneur qui prendrait un contrat avec une entreprise, quelle qu'elle
soit, qui devrait avoir le personnel de cette entreprise sur sa propre liste de
paie, comme ses propres employés, mais dont les équipements
appartiendraient, sous une forme coopérative, à ces
employés? C'est ça qui s'en vient dans la structure.
Le ministre sait très bien qu'au moment de négocier ou de
vouloir imposer quelque directive que ce soit, la société va
toujours devoir tenir compte que, n'étant pas propriétaire de
l'équipement, elle a affaire quand même à des
salariés qui, eux, sont propriétaires des équipements. Ces
employés vont pouvoir utiliser ces équipements à
volonté comme moyen de pression pour faire fléchir la compagnie
ou l'entreprise ou la corporation. C'est la structure dans laquelle on
s'embarque actuellement. En faisant ça, je ne fais aucun procès
d'intention à qui que ce soit. Je ne fais qu'observer ce qui risque de
se passer dans une structure semblable. Je ne fais qu'une photographie d'une
situation dans laquelle le ministre s'embarque. Il ferait ça dans
n'importe quel secteur que ce ne serait pas plus acceptable. N'importe quel
ministre nous amènerait à une structure parapublique de la sorte,
que ce ne serait pas acceptable.
Déjà, dans le domaine public, lorsqu'un employé de
l'État prête ou loue des services qui appartiennent à
l'État lui-même, on considère qu'il est en conflit
d'intérêt. On dit: Ce n'est pas possible, il y a un conflit
d'intérêt. Un employé de l'État ne peut pas,
à moins que ce ne soit fait dans certaines conditions bien
spécifiques, louer, prêter ou vendre des services à son
employeur alors que dans la structure que le ministre est en train de mettre en
place actuellement, c'est exactement ce qu'il fait. Des employés de
l'OSBL vont être propriétaires, sous forme coopérative, des
équipements qu'ils vont louer à cette même OSBL
Ce qui n'est pas acceptable pour l'ensemble des autres
sociétés d'État ou pour ('ensemble des services
dispensés par le gouvernement devient légalement acceptable, par
le biais de la loi 34, dans le domaine des services ambulanciers de la grande
région de Montréal. Vous croyez que l'Opposition va laisser
passer ça aussi facilement? Vous croyez que personne n'a vu venir le
bateau, que personne ne s'est rendu compte de ce qui se passait? (23 h 10)
Le ministre essaie encore, au moment où on se parte, de faire
croire à la population que ce n'est pas ça qui va arriver. C'est
déjà commencé. Les coopératives en question ont
déjà fait l'acquisition d'un pourcentage important des ambulances
dans la région de Montréal. Elles ont commencé à en
acquérir aussi sous forme de coopérative à Québec,
à Chicoutimi et à Trois-
Rivières, ou, si ce n'est pas encore fait, on est en train de le
faire. Il y a des offres d'achat qui sont déposées. C'est vers
cette structure qu'on s'aligne. Est-ce qu'on est en train d'ouvrir un nouveau
principe dans l'administration des fonds publics, dans fa mesure où,
à partir de maintenant, tout employé de l'État ou tout
employé d'un hôpital ou tout employé d'une corporation
proche des structures étatiques va pouvoir louer, vendre à
l'État ses propres services ou des équipements qui lui
appartiennent pour faire son travail? Il y a là une aberration
fondamentale, il y a un problème inhérent à la structure
même de cette loi qui fait en sorte que c'est inacceptable pour à
peu près tout le monde, excepté pour le ministre qui n'a pas vu
venir le coup et pour ceux qui sont directement impliqués, pour qui
ça fait nécessairement l'affaire.
M. le Président, en conclusion, il est loin d'être
évident que c'est en mettant en place des structures semblables qu'on va
améliorer les services ambulanciers dans la région de
Montréal. Je ne veux pas parier pour ailleurs, dans les régions,
il m'aurait fallu beaucoup plus de temps pour le faire, mais ce n'est pas
nécessairement évident que c'est comme ça qu'on va
améliorer les services ambulanciers d'une façon précise
dans la région de Montréal en ce qui regarde la mise en place de
cette corporation par le biais de la loi 34. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Montmagny-L'lslet.
M. Real Gauvin
M. Gauvin: M. le Président, j'interviens aujourd'hui dans
le cadre du débat sur le projet de loi 34 intitulé Loi modifiant
la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres
dispositions législatives, présenté par le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux, le député de Beauce-Sud, avec l'intention
de montrer l'apport positif de ce projet de loi pour le Québec et,
notamment, pour les régions. Vous conviendrez que le domaine de la
santé publique est d'une importance vitale pour les
Québécois et les Québécoises. En
conséquence, le présent gouvernement, par le projet de loi 34, se
propose de fournir à la population des services adéquats pour
assurer son bien-être en matière de santé.
J'ai pensé présenter un court historique de
l'évolution des services ambulanciers, dans un premier temps, pour
ensuite insister sur la pertinence dudit projet de loi en regard des besoins
exprimés. Finalement, j'insisterai sur les bénéfices qu'en
retireront les régions.
Depuis les 25 dernières années, le transport ambulancier
au Québec a connu de profonds changements. À la toute fin des
années soixante, il n'existait aucune réglementation sur le
transport ambulancier, aucun contrôle de qualité et le ntveau de
service était évidemment très bas. Les services variaient
d'une région à l'autre, selon la rentabilité des
activités et la conscience professionnelle qu'avait l'exploitant des
besoins de la population à desservir. Encore faut-il dire que cette
situation prévalait un peu partout au Canada, et même aux
États-Unis. Il n'est pas étonnant que la Commission royale
d'enquête sur les services de santé ait conclu, en 1964, que
l'absence de législation encadrant les services rendus par le personnel
ambulancier semblait être une des principales failles dans l'ensemble des
services de santé en général.
De son côté, la commission Tanguay-Nepveu dégageait
les grands principes directeurs, telles la qualité,
l'accessibilité géographique et financière et la
complémentarité des services. Ces principes allaient servir de
guide et de cadre de référence aux démarches
ultérieures visant à l'amélioration des services
ambulanciers.
La première loi à traiter des services ambulanciers
était adoptée en 1972. Il s'agissait de la Loi sur la protection
de la santé publique qui apportait un premier encadrement aux services
ambulanciers. C'est le 1er février 1976 qu'était acceptée
la première réglementation touchant les services ambulanciers.
Elle fixait les conditions minimales pour l'obtention d'un permis de service
d'ambulances et les normes minimales des véhicules et des
équipements, les qualifications requises d'un exploitant, d'un
préposé et d'un conducteur, de même que certaines
règles de fonctionnement.
En 1977, on révisait les zones des services ambulanciers pour
qu'à partir d'un point de service d'ambulance on puisse rejoindre toutes
les parties du territoire dans un délai maximum de trente minutes
à compter d'un moment d'appel. Cette même année, on mettait
de l'avant, pour la première fois, la gratuité du transport des
malades entre les établissements tandis que le CRSSS obtenait le mandat
d'assurer la responsabilité de l'application des politiques
d'accessibilité des services ambulanciers. En 1969, les personnes
âgées bénéficiaient enfin de la gratuité du
transport ambulancier. C'est en 1980 que l'on adoptait un système
à tarification unique pour l'ensemble de la province, basé sur
les coûts assumés par les détenteurs de permis, le tout
ramené par la prise en charge par kilomètre parcouru par le
patient.
En 1984, un protocole d'entente était signé entre la
Corporation des services ambulanciers du Québec et le ministère,
établissant ainsi les paramètres financiers devant permettre aux
entreprises d'atteindre un seuil de rentabilité minimale et assurer un
meilleur revenu aux ambulanciers, donc, une meilleure stabilisation de
l'emploi. De plus, une prime de disponibilité était
établie pour les ambulanciers travaillant sur les véhicules
ambulances dans les zones subventionnées. Toutefois, l'année 1984
fut très difficile pour le Québec. Les négociations entre
le gouvernement d'alors et les syndiqués furent des plus tendues au
point où le ministre de la Santé
et des Services sociaux, M. Guy Chevrette, a dû négocier sa
propre loi et établir par décret la continuité des
services et les conditions de travail des ambulanciers de la région de
Montréal, puisque les techniciens ambulanciers ne respectaient pas...
Cela a eu pour effet de créer deux systèmes d'ambulanciers au
Québec: un pour Montréal et un autre pour la province.
On entend aujourd'hui corriger cette situation. Ceci dit, M. le
Président, il faut préciser que le transport ambulancier est
devenu en 1988 une véritable industrie comptant plus de 188 entreprises
où oeuvrent plus de 2300 employés. Compte tenu de l'attention
qu'accorde le présent gouvernement du Québec à la
problématique de la santé, il convient de rappeler que les
personnes âgées représentent une clientèle
importante pour lesdits services ambulanciers. Leur nombre a crû de 32 %
entre 1981 et 1985. De plus, les personnes de 65 ans et plus constituent la
clientèle majoritaire dans une proportion de 52 %. Voilà qui
mérite toute notre attention si l'on considère la
périlleuse situation démographique à laquelle nous sommes
tous confrontés; d'où la nécessité d'avoir des
services ambulanciers aptes à répondre aux besoins des
clientèles observées.
On ne peut passer sous silence la primauté du facteur temps et la
qualité des soins prodigués. C'est d'ailleurs l'objet du projet
de loi 34 et ceci est encore plus pertinent pour la population vivant hors des
grands centres urbains où la stabilisation de l'emploi et les
qualifications du personnel ambulancier peuvent faire la différence
entre la vie et la mort pour le patient traité. La réorganisation
proposée par le ministre délégué à la
Famille, à la Santé et aux Services sociaux vise explicitement
à améliorer la qualité du service, la stabilisation de la
main-d'oeuvre en région, et l'amélioration des systèmes de
contrôle et de la rationalisation des services et des coûts. (23 h
20)
Concrètement, cela signifie l'augmentation de la formation des
techniciens ambulanciers à 825 heures, d'une rémunération
différente en région, afin de stabiliser l'emploi, la
création de centrales de coordination des appels et la mise en place de
normes et standards plus élevés pour l'équipement et les
véhicules.
M. le Président, je crois que le présent projet de loi
favorise grandement les régions, non seulement par une meilleure
formation des techniciens ambulanciers, mais aussi en permettant à la
main-d'oeuvre locale de faire carrière dans le domaine, en
établissant un horaire précis garantissant un revenu
décent et des conditions de travail respectables pour garder ces gens
dans les régions.
De plus, la mise sur pied de centrales de coordination permettra de
diminuer le temps de réponse en région, car actuellement, il
arrive des situations où, en raison des transferts
interétablissements, une zone se retrouve parfois plusieurs heures sans
service ambulancier, ce qui est inconcevable. Les citoyens en région ont
droit à un meilleur service et c'est la raison d'être des
centrales de coordination.
M. le Président, permettez-moi d'ajouter un détail
important. La population des régions pourra bénéficier de
l'accès à un numéro unique, soit le 911. Étant
moi-même d'une région, je comprends très bien
l'efficacité et l'utilité d'un tel numéro de
téléphone. Avec un numéro unique, la population se sentira
davantage sécurisée en tout point du territoire où elle
évolue. En un temps où la santé est une des grandes
priorités des Québécois et des Québécoises,
il est rassurant de voir le présent gouvernement assumer pleinement ses
responsabilités en matière de services ambulanciers. Entre
autres, il est important que le projet de loi 34 soit adopté le plus
tôt possible dans l'intérêt de tous. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. J'écoutais
mon collègue et je trouvais intéressant l'historique qui a
été fait. Je trouvais cependant qu'il manquait quelque chose.
Dans le fond, il manquait ce qui aurait dû être fait au
départ, c'est-à-dire au moment où on s'est rendu compte,
il y a déjà un certain temps, que tout ce qui avait
été fait au cours des dernières années
n'était pas suffisant. Pour assurer un service ambulancier de
qualité d'un bout à l'autre du Québec, il aurait fallu
faire le point, de telle sorte que l'ensemble des intervenants puissent venir
s'exprimer et que, à la fois par les propriétaires et par les
gens qui travaillent dans le milieu et aussi par les usagers et les organismes
qui interviennent dans le secteur de la santé, on puisse avoir un
portrait assez exact de la situation.
M. le Président, on n'a pas l'impression que cet exercice a
été fait. On a plutôt l'impression que, finalement, on se
retrouve actuellement avec un projet de loi que l'on va nous rentrer de force
dans la gorge et que l'on va adopter avec la majorité écrasante
parlementaire du gouvernement, parce qu'il y a un rapport de force qui s'est
exercé dans le milieu du travail, dans le monde du travail, dans les
relations du travail de cette industrie, si on peut utiliser cette
expression-là. Le gouvernement a été, à un moment
donné, pris dans l'engrenage, a mis le bras dans le tordeur et il s'est
rendu compte qu'il ne pouvait plus l'en sortir et il s'est retrouvé
finalement piégé à devoir supporter et à succomber
aux pressions et aux revendications d'un groupe bien organisé qui n'a
pas hésité à utiliser toutes sortes de tactiques pas
toujours très catholiques pour imposer son point de vue et sa
façon de voir les choses.
Quand je dis cela, je ne dis pas nécessairement que le RETAQ ou
que les gens de la CSN ont tous les blâmes et que les
propriétaires ambulanciers n'en ont aucun. J'ai appris depuis un bon
bout de temps déjà que dans la vie, il n'y a pas grand noir et
blanc; il y a bien plus de gris qu'autre chose, avec des teintes de gris, et
que dans ce dossier-là comme ailleurs, les blâmes et les torts ne
sont pas tous d'un côté. Sauf que, sans vouloir blâmer
totalement une partie ou l'autre, ce que je constate, c'est qu'on n'a pas fait
la lumière et qu'on n'a pas été chercher une
évaluation et une analyse correctes du dossier qui auraient permis
à des profanes, à des gens qui ne sont pas des
spécialistes de la question, comme moi et bien d'autres
députés, ici, dans cette Chambre... Au nombre de projets de loi
et de questions qu'on a à aborder dans une session parlementaire, il n'y
a pas un citoyen qui va penser et s'imaginer que son député est
un spécialiste dans tous les domaines, sauf que son député
doit voter et se prononcer, au meilleur de sa connaissance.
Dans ce sens, ce qui a manqué dans ce dossier pour les
députés, pour l'opinion publique et pour les intervenants, y
compris les gens du gouvernement, c'est un constat de situation, une analyse de
la situation qui aurait partagé les teintes de gris et nous aurait
amenés à mieux comprendre les problèmes issus de ce qu'on
vit et de ce qui a été mis en place au cours des dernières
années et, d'une certaine façon, à nous sortir ou à
éviter d'entrer dans cette dynamique de chantage et de menaces qui a
prévalu tout au long de cette étude.
On n'a qu'à se rappeler, au mois de juin dernier, quand on a
réussi, comme Opposition, à forcer le gouvernement à
suspendre l'adoption de son projet de loi et à le retarder
jusqu'à cet automne, quelle a été la première
réaction des travailleurs concernés de la CSN. Cela a
été des menaces avant et cela a été des menaces
depuis. Cela a été des menaces encore récemment si le
gouvernement ne faisait pas adopter, faisait d'autres concessions ou retardait,
encore une fois, son projet de loi parce qu'il n'était pas encore
prêt, H n'était pas encore au point. Encore là,
c'était des menaces et on peut se demander: Est-ce que c'est une
façon correcte, acceptable de légiférer et d'entreprendre
une réforme en profondeur d'un secteur important. On ne parle pas de
n'importe quoi. On parle du transport ambulancier. On parle du transport
ambulancier dans les situations d'urgence. On parle de la vie de milliers de
personnes à travers le Québec qui, chaque année, est en
cause par les services qui sont rendus.
Dans ce sens, on doit déplorer - on l'a fait avec toute la
vigueur qu'on pouvait - la façon dont le gouvernement s'est
laissé piéger et la façon dont le gouvernement nous est
arrivé avec une solution qui, au lieu de répondre à la
problématique et aux problèmes qui existent dans ce milieu,
n'arrive à répondre que partiellement parce que, d'abord, le
projet de loi est conçu pour faire l'affaire d'un groupe en particulier.
Il faut le faire! Les champions du libéralisme économique et de
l'entreprise privée qui sont rendus à étatiser par la
bande au profit de la CSN.
Ce n'est pas n'importe qui qui fait ça, c'est le Parti
libéral. Et dans quelle optique? Dans l'optique d'une étatisation
déguisée qui ne donne même pas justice à
l'égard des compensations aux propriétaires d'ambulances. Encore
la, je ne dis pas que les propriétaires d'ambulances sont blancs comme
neige dans tous ces problèmes qu'on a eus au cours des dernières
années dans le dossier du service ambulancier au Québec. Mais il
est évident que c'est dangereux de créer ce type de
précédent en adoptant un projet de loi qui fait en sorte que les
gens sont quasiment forcés de sortir du domaine de l'industrie et sont
mal compensés sinon, dans certains cas, peu compensés pour le
temps, les énergies et les investissements qu'ils ont mis.
Dans ce sens, M. le Président, on crée un
précédent qui, un jour ou l'autre, servira à d'autres
groupes dans la société pour interpeller le gouvernement et dire:
Écoutez, vous l'avez fait dans le cas des services ambulanciers,
pourquoi ne le feriez-vous pas pour nous? Quand on légifère, on
doit souvent se demander - presque toujours, d'ailleurs - quels comportements
on va créer, quels appétits on va susciter, quelles
réactions on va susciter dans l'avenir et quels types de
précédents on va créer qui vont faire en sorte que, dans
l'avenir, on va avoir ouvert une porte et les gens décideront d'entrer
à l'intérieur en ne se demandant pas si les conséquences
ne sont pas plus lourdes qu'on ne le souhaitait au départ et qu'on ne
l'avait anticipé. (23 h 30)
Un bon exemple de ça, c'est l'attitude du gouvernement dans le
dossier qu'il a eu à négocier avec deux groupes de travailleurs,
où il a eu à intervenir dans des négociations où
une partie des gens concernés sont syndiqués avec la FTQ et
l'autre partie, avec la CSN. Quel est le résultat? Le résultat,
c'est finalement deux régimes de relations du travail
complètement différents. Je le disais l'autre jour et je le redis
ce soir pour ceux qui n'étaient pas à l'écoute de notre
débat. Je prends une série de dossiers ou de questions qui sont
concernés: les horaires, la disponibilité des techniciens, la
libération pour assignation du lendemain à la cour, les
poursuites civiles contre l'employé, les congés annuels, les
congés sans traitement, les déménagements,
l'assurance-salaire, les congés sans traitement à traitement
différé, le paiement des repas hors des zones de fonctionnement,
l'entretien des véhicules, la formation, le transport durant les
périodes de repas.
Concernant toutes ces questions, M. le Président, ce qui est
aberrant, c'est de constater que le gouvernement a permis et accepté
qu'il y ait des avantages plus importants toujours
consentis au même groupe de travailleurs, alors que l'autre groupe
doit se contenter de moins. Ce ne sont pas des conventions collectives qui ont
été négociées à cinq ans d'intervalle! Ce ne
sont pas des conventions collectives qui concernent des secteurs
différents! Ce sont deux conventions collectives qui ont
été négociées à peu près au
même moment ou dans la même période, qui s'adressent
à la même catégorie, au même type de personnel.
Quelle est la logique du gouvernement, lui qui s'apprête à
entreprendre une nouvelle ronde de négociations dans les secteurs public
et parapublic. S'imagine-t-il que cela ne lui sera pas mis sur le nez?
S'imagine-t-il que cela ne va pas créer des précédents?
S'imagine-t-il qu'un jour ou l'autre, des gens ne diront pas: Écoutez,
ce que vous avez fait là en faveur de tel groupe, on veut que vous le
fassiez pour nous. Le gouvernement s'imagine-t-il que les gens de la FTQ vont
accepter cela sans rien dire et qu'ils ne vont pas demander une
réouverture de leur convention collective et les mêmes avantages
pour eux que ceux qu'on a donnés à leurs collègues de la
CSN?
On pourrait prendre bien d'autres exemples. Plusieurs de mes
collègues sont intervenus et d'autres vont intervenir aussi pour montrer
comment, M. le Président, le gouvernement n'a pas fait ses devoirs. On
n'a pas fait l'analyse sérieuse qui aurait dû être faite. On
s'est laissé piéger dans une dynamique de menaces, on a
accepté de légiférer sous la menace. On a accepté
de suspendre des règles parlementaires pour faire en sorte que le temps
requis à l'étude détaillée, exhaustive, à
l'évaluation objective des points de vue soit escamoté. Pourquoi
encore une fois? Parce qu'on avait peur, on avait crainte des
conséquences et de la réaction d'une catégorie des gens
concernés. Je pense que, quand un gouvernement accepte ce genre
d'attitude, quand un gouvernement accepte de se faire piéger dans ce
genre de situation et qu'il le fait délibérément, il se
prépare des lendemains très douloureux pour lui et pour
l'ensemble de la société. Pour lui, ce n'est pas très
grave finalement; les gouvernements passent et les gens seront jugés.
Mais ce qui est plus dangereux et plus inacceptable, c'est que c'est pour
l'ensemble de la société. Je ne suis pas convaincu, M. le
Président, que, dans son for intérieur, le ministre soit
satisfait de son travail.
M. le Président, je conclus en disant: Non seulement je ne suis
pas convaincu que le ministre, dans son for intérieur, soit satisfait de
son travail, mais je suis sûr, par ailleurs, que la majorité de
ses collègues l'appuient actuellement par solidarité, mais qu'ils
sont convaincus plutôt du contraire; ils sont convaincus qu'un jour ou
l'autre ils vont se retrouver avec des problèmes et un jour ou l'autre
ils vont devoir dire au ministre: Si tu avais pris le temps de faire le travail
correctement, si tu avais pris le temps de faire les choses correctement et de
faire les analyses qui s'imposent et, surtout, si tu ne t'étais pas
laissé impressionner par un groupe de travailleurs, peut-être
qu'on n'en serait pas là. J'espère que ce ne sera pas le constat
qu'on fera dans quelque temps, mais j'ai bien l'impression qu'on sera
obligé de faire ce constat-là avant longtemps. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Effectivement, une
fois de plus nous devons nous prononcer sur un projet de loi que nous nous
sommes vu imposer, nous, de l'Opposition, puisque nous n'avons pas pu faire
entièrement la discussion que nous aurions aimé poursuivre,
compte tenu des nombreux amendements qui ont été apportés
en commission parlementaire et qui nous auraient probablement permis
d'établir un certain consensus qui aurait été favorable
dans le domaine du transport ambulancier. Il y va même de la
sécurité de l'ensemble de la population québécoise
dans le domaine de la santé. Vous savez que c'est un sujet très
fragile, où les gens se sentent insécures très facilement
lorsqu'on parle de leur santé ou lorsqu'on parle d'un véhicule
pour qu'ils soient transportés le plus rapidement possible pour recevoir
des soins que leur état de santé requiert. Je comprends que la
population soit un peu fébrile et s'interroge sur les discussions que
nous avons de chaque côté de la Chambre sur ce sujet important
pour ces gens qui doivent subir les discussions et les décisions que
nous prendrons finalement. Ils devront malheureusement assumer soit un bon
service ou un service de plus ou moins bonne qualité ou plus ou moins
douteux. Ils seront, dans l'avenir obligés aussi de subir les
règles du jeu établies par un monopole qu'on est en train de
créer de toutes pièces, c'est-à-dire que l'employeur est
la même personne et la même entité que l'employé. Ces
gens en plus de gérer l'entreprise, seront aussi leurs propres patrons.
Ils prendront aussi les décisions et les orientations sur le
réseau de transport ambulancier au niveau de la province de
Québec.
On est en train de créer un modèle, à mon avis,
dangereux pour l'ensemble des différentes régions. Actuellement,
il y a un problème de taille dans les régions du Québec.
Les distances sont très variables d'un endroit à l'autre et les
centres de services de santé sont à différentes distances.
Cela ne permet pas toujours de donner dans les délais les plus rapides
les soins que requièrent les personnes accidentées ou qui ont
besoin d'être rapidement transportées à un centre
hospitalier ou un établissement de santé, quels que soient les
services qu'ils donnent à la population.
Je trouve cela dangereux, actuellement, qu'on soit en train, pour gagner
une forme de paix syndicale, de passer à côté des
véritables
problèmes du service de transport ambulancier. Il faut dire que,
au-delà du transport, des négociations en ce qui concerne ce
qu'il adviendra de la tôle, des ambulances, il faut aussi s'arrêter
à tous les soins préhospitaliers et à tout ce que comporte
le transport ambulancier. Il faut savoir quelle clientèle on doit
véhiculer, à quels Impératifs cela répond, les
distances sont très importantes, la qualité des soins, la
rapidité des soins, la bonne orientation et aussi une intervention
rapide. Ce sont des critères importants et on doit se fier à des
personnes qui sont en place et qui doivent avoir une présence d'esprit,
une présence au niveau de la décision qui fait qu'on intervienne
avec les meilleurs moyens possible, compte tenu des situations et de la
gravité de l'état des personnes qui requièrent le service.
Mais, actuellement, on passe à côté avec ce projet de loi
puisque c'est cette nouvelle corporation qui va gérer ces prises de
décision, qui va être partie prenante de ces décisions,
alors qu'avant on avait un personnel infirmier qui était
compétent, formé pour répondre à ce genre de
service. On ne sait pas trop ce qui va arriver dans l'avenir. Cela met en cause
la qualité des soins, des interventions et des personnes qui devront
répondre à ces interventions. C'est, à mon avis, un
problème de taille qui reste sans réponse, malheureusement. (23 h
40)
Nous n'avons pas pu, en commission parlementaire, faire
entièrement la lumière sur tous ces aspects et rassurer la
population à savoir si elle recevra toujours ce service de
qualité qui était antérieurement entre les mains
d'Urgences-santé et qui maintenant sera entre les mains de la nouvelle
corporation qu'on appelle l'OSBL, et qui sera contrôlée par le
syndicat qui s'appelle le RETAQ. C'est la nouvelle orientation qu'ont prise le
ministre et le gouvernement, de faire dorénavant du RETAQ, l'organisme
syndical qui défend les intérêts des employés
syndiqués dans le service d'Urgences-santé, les nouveaux
propriétaires et négociateurs avec le gouvernement. Ils devront
négocier avec leur ancien patron le nombre d'ambulances dont ils auront
besoin pour répondre aux besoins de la population à
Montréal.
Alors, on est en train de régler actuellement le problème
da Montréal et, de ce fait, nous sommes aussi en train d'étatiser
le service ambulancier à Montréal, puisqu'on donne la permission
au syndicat de racheter les permis des anciens propriétaires qui, de
plus en plus, ont de la difficulté avec leurs fins de mois, parce qu'ils
doivent subir des moyens de pression scandaleux - il ne faut pas avoir peur de
certains mots - de la pari de certains syndiqués, de sorte que certains
propriétaires, actuellement, ont des problèmes financiers.
Mais les mêmes personnes qui sont les instigateurs de ces
problèmes pour les propriétaires d'ambulances, peu de temps
après, se retournent, rachètent ces mêmes permis, devien-
nent ainsi les propriétaires et maintenant peuvent prendre les
décisions à leur convenance, pour faire en sorte que, petit
à petit, l'ensemble du réseau de transport ambulancier à
Montréal, sort les différentes ambulances, sort
complètement entre les mains des nouveaux propriétaires,
contrôlé par le RETAQ, c'est-à-dire par l'OSBL, la nouvelle
corporation.
Donc, à brève échéance, nous aurons un
service d'ambulance contrôlé par le syndicat, puisqu'il deviendra
propriétaire. Et c'est cette façon de faire les choses que nous
remettons en cause, cette façon de négocier peu habituelle, de
sorte qu'on met de côté les propriétaires et qu'on donne
toute la place au syndicat. Et même plus, on répond d'une
façon sans borne à leurs pressions, à leur arrogance,
parce qu'il y a eu arrogance. Il faut se rappeler qu'au mois de juin, lorsque
nous étions en commission parlementaire, la salle était
continuellement envahie par les représentants syndiqués, et ces
gens nous avaient bien avertis qu'ils débrayeraient comme moyen de
pression. Et on a eu droit au mois de juin à une démonstration de
ce qu'ils sont capables de faire, c'est-à-dire un débrayage sur
l'ensemble du territoire de Montréal, parce que ces gens avaient
décidé que la façon de procéder devait aller dans
le sens décidé, c'est-à-dire le sens du RETAQ et de la
nouvelle corporation.
Et, nous, nous disons: Attention, c'est un danger pour la population
montréalaise. On risque de créer un monopole et ces gens,
lorsqu'ils auront à affronter un gouvernement qui s'oppose à des
négociations qui ne vont pas nécessairement dans le sens
convoité par les syndiqués, pourront, à ce
moment-là, faire une pression inacceptable, prendre la population de
Montréal en otage, et l'ensemble du système ambulancier sera
complètement paralysé. C'est la qualité des soins qui sera
mise en cause pour l'ensemble de la population de Montréal.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant pour la
prochaine intervention, M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, je vais contredire notre
collègue, le député de Fabre, qui disait tantôt
qu'il retiendrait son agressivité. Moi, j'ai décidé
qu'aujourd'hui c'était ma journée nationale d'agressivité
contre ce gouvernement. Il y a déjà eu une première
victime, ce matin, qui a été le ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu. Ce gouvernement nous avait dit qu'il
était pour légiférer mieux et moins. Ah! Cela pour le
moins, M. le Président, je peux vous dire qu'ils ont réussi cent
milles a l'heure. Mieux, là il y a un ralenti. Je ne pense pas qu'ils
ont dépassé la vitesse légale permise au
Québec.
Le ministre délégué a déposé 44
amende-
ments, il y a à peine quelques heures, qui s'ajoutent à
ceux qui avaient déjà été soumis en commission
parlementaire. Donc, sur un projet de loi de 59 articles, il y a 116
amendements. Ce matin, je donnais l'exemple du ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu qui dépose un projet de loi avec
autant d'amendements qu'il y a d'articles dans le projet de loi. On a connu
cela avec le ministre de l'Éducation, c'est pour cela qu'on est en
commission parlementaire et que ça ne finit plus par finir. Il
dépose un projet de loi qui a à peu près
l'épaisseur de ma feuille de papier et une brique d'amendements
où il y a, je ne sais pas, trois fois, quatre fois et peut-être
cinq fois plus d'amendements - je pense qu'on l'a envoyée dans une
caisse à mon bureau - que le projet de loi comme tel peut en contenir.
On a connu cela avec la patronne du ministre, la ministre de la Santé et
des Services sociaux qui nous avait présenté l'an dernier un
projet de loi elle aussi qui contenait autant d'amendements par après
qu'il y avait d'articles. Y a-t-il quelqu'un, dans cette salle - comme on
posait la question: Y a-t-il un pilote dans l'avion? - y a-t-il un
législateur de l'autre côté qui sait
légiférer? Qu'il se lève, une fois pour toutes, et qu'on
sache si oui ou non il y en a un. J'ai bien l'impression que, pour ce qui est
de légiférer moins, cela a été réussi, mais
comme législateur et dans le sens de déposer une loi qui se
tient, plus broche à foin que le gouvernement actuel, je pense que c'est
difficile à battre.
C'est quoi le problème du transport ambulancier dans la
région de Montréal? J'ai été au conseil
d'administration du centre hospitalier Saint-Luc à Montréal,
c'est un hôpital universitaire de grande renommée et sans aucun
doute un hôpital des plus importants au Québec; il y a Notre-Dame,
tout à côté, où j'ai d'excellentes relations avec
les membres du conseil et le personnel et il n'y a jamais eu de problème
avec le transport ambulancier. Je n'ai jamais eu de discussions sur cela. Je
n'ai jamais éprouvé le moindre problème. Le
problème des urgences, de l'engorgement des urgences, Je suis bien
d'accord avec vous, mais l'engorgement des urgences, cela n'a jamais
été la faute des ambulances, ni des ambulanciers comme tels. Mais
où est-il le problème des ambulances à Montréal? Je
ne sais pas qui a trouvé ce malaise. Je ne sais pas si le malaise est
identifiable à quelqu'un qui est malaisé à vivre, mais je
n'ai jamais senti de malaise. En tout cas, à moins que le conseil
d'administration de l'hôpital dont je faisais partie ait
été composé d'aveugles, de sourds, d'inconscients, et ce
n'était pas le cas, au contraire. Je pense qu'il y avait des personnes
vraiment respectables dans cela. Je n'ai jamais constaté de malaise en
ce qui a trait au transport ambulancier à Montréal. Cela
fonctionnait très bien avec Urgences-santé. Le seul
problème qu'il y ait eu malheureusement, cela a été les
grèves illégales qui ont été faites à
l'occasion et qui terrori- saient la population. Le seul malaise qu'on ait vu a
été celui où, ne respectant pas tellement l'esprit de la
loi, M. Cotton faisait distribuer des dépliants publicitaires durant la
campagne à l'élection partielle dans le comté d'Anjou.
À part cela, je n'ai jamais connu de problème avec le transport
ambulancier dans la région de Montréal. Je ne sais vraiment pas
ce qui se passe sur cela. L'Opposition, forcément, est contre ce projet
de loi qui ne vient absolument rien régler et, tout au contraire, il
s'en va tout droit vers un monopole. (23 h 50)
Je lisais, dans l'édition du samedi 10 décembre, du
journal Les Affaires, un article de M. Gagné qui est fort
intéressant. M. le Président, vous me permettrez de vous en citer
quelques extraits: "Ambulances: Tout droit vers le monopole "...en
métropole. Je pense qu'il n'y a pas de lapsus en disant cela. "Il y a
une semaine, la coopérative des techniciens ambulanciers de
Montréal a offert d'acheter tous les véhicules des derniers
propriétaires privés d'ambulances de Montréal." On sait
effectivement qu'avec un prêt consenti sans intérêt, plus
celui de la CSN, on a réussi certaines choses, d'accord. Mais M.
Gagné disait: "Quand on sait que ce dernier n'a reculé - quand il
parlait de ce dernier, il parlait de M. Cotton, du syndicat, donc du premier en
fin de compte - devant aucun moyen de pression dans le passé, y compris
les grèves illégales, pour faire plier le gouvernement, il y a de
quoi s'inquiéter. Or, c'est exactement vers un monopole du RETAQ dans
les principales villes du Québec que nous mènent les ministres
Thérèse Lavoie-Roux et Robert Dutil... Partisan avoué de
l'étatisation, Mario Cotton s'est fait coopérateur pour les
besoins de la cause. C'est une vocation tardive - comme le disait M.
Gagné - M. Coton ayant déjà avoué publiquement que
la formule coopérative n'était pas une solution à long
terme. "Une fois que les propriétaires seront disparus, le RETAQ
utilisera sa situation de monopole pour étirer à souhait le
gouvernement. Et que ce dernier ne se rebiffe pas, car il recevra vite les
clés des ambulances...". Bord en bord de la tête, pour employer
une expression populaire. C'est bien ce qui va arriver. "Le Québec sera
alors forcé de reprendre les véhicules après avoir mis les
techniciens sur sa liste de paye comme le propose d'ailleurs le projet de loi
34 que le ministre a déposé. Alors, au nom de la justice la plus
élémentaire, Québec doit demander à une firme
externe de vérifier les chiffres des uns et des autres." M. Gagné
concluait en disant: "Ce délai permettrait aussi de repenser le funeste
projet de loi 34 - parce que cela ressemble bien plus à un corbillard
qu'à une ambulance, à mon point de vue - ce délai
permettrait aussi de repenser - je répète ce que M. Gagné
disait - le funeste projet de loi 34 dont le principal mérite est de
satisfaire la CSN."
Je suis bien d'accord pour satisfaire la CSN. J'ai bien des "chums"
là-dedans. Je ne suis pas d'accord pour les satisfaire sur n'importe
quoi et n'importe comment, etc. "En effet, ce n'est pas du transport
ambulancier dont se plaignent les citoyens", c'est là-dessus que je
reviens et c'est ce que je vous disais tantôt alors que je vous pariais
de mon expérience de trois ans au conseil d'administration d'un
hôpital extrêmement prestigieux de Montréal, l'hôpital
Saint-Luc. "En effet, ce n'est pas du transport ambulancier dont se plaignent
les citoyens. C'est au contraire des services d'urgence insuffisants et du
manque de place dans les hôpitaux. Allez donc comprendre - il terminait
là-dessus - l'entêtement du gouvernement dans ce dossier!"
M. le Président, c'est là effectivement la grande
question. C'est connu que le gouvernement du premier ministre actuel a toujours
été un gouvernement de panique, de réaction. On l'a vu, il
y a la Cour suprême qui rendra son jugement, et le bunker est en
état de siège. C'est juste s'il n'y a pas les barbelés
alentour, tellement le climat est à la panique. Et je vois le leader
adjoint du gouvernement qui m'indique qu'effectivement je ne suis pas loin de
la vérité en disant cela. Donc, cela a toujours été
un gouvernement de réactions, mais de réactions par contre
complètement Incontrôlées. Le projet de loi est un
remède de cheval pour une simple petite grippe qui pouvait exister
à Montréal. Le problème de la cité - je parle de
Montréal, je vous le répète - c'était l'engorgement
des hôpitaux. Ce n'était pas le problème ambulancier comme
tel, mais il n'y a rien là-dedans qui nous parle de la
qualité.
Comme l'a dit mon collègue et mon chef d'ailleurs, le
député de Jollette, ancien ministre de la Santé et des
Services sociaux, qu'est-ce qui va se passer à Chicoutimi? Qu'est-ce qui
va se passer dans les grandes régions? Qu'est-ce qui va se passer dans
les circonscriptions éloignées, justement comme la vôtre,
M. le leader adjoint? La circonscription de Frontenac, on l'a dit tantôt
à juste titre, a une étendue...
Une voix: Ce n'est pas une région
éloignée.
M. Boulerice: Bien, pas une région
éloignée... Vous n'êtes quand même pas à deux
minutes de Saint-Luc. Alors, l'Hôtel-Dieu de Québec, ce n'est pas
à votre porte. Donc, je pense que le commentaire qu'il faut faire au
sujet de ce projet de loi, c'est de s'interroger sur la pertinence de laisser
s'installer un monopole qui n'est pas uniquement syndical, mais aussi des
services de transport ambulancier dans plusieurs régions du
Québec. Non seulement le gouvernement laisse s'installer ce monopole,
mais l'encourage par la société de développement.
A Montréal, les informations qu'on a nous indiquent que la
coopérative fonctionne à perte, donc, le taux de
productivité est inférieur et les coûts fixes et variables
sont plus élevés que dans le cas des exploitants privés.
Alors, dans quelle situation allons-nous nous trouver? Eh bien, même si
ça semblait peut-être fait sur un ton badin, je vous le dis, ce
n'est pas une ambulance, c'est un corbillard que le ministre essaie de faire
rouler sur la route. Cela ne réglera absolument rien aux
problèmes de fond, comme tels. Le ministre va être malheureusement
la première victime de son projet de loi.
En conclusion, je dois vous avouer que c'est détestable, vous ne
m'accordez que dix minutes pour discuter sur des projets de loi de cette
importance, comme vous l'avez fait ce matin, lors de l'étude de la
réforme de la sécurité sociale. Donc, Je pense que le
ministre, s'il devait être tant soit peu raisonnable, retirerait ce
projet de loi, referait ses classes. C'est un grand garçon; je pense
qu'il est capable de dialoguer et d'imposer son autorité face à
un leader qui est M. Cotton. Je pense qu'il est capable de se tenir debout, ce
ministre, de reprendre ça, M. le Président...
Je sais que le temps file. Nous approchons de minuit et c'est pour
ça que je dis au ministre, effectivement: Nous apprenons... Il est 23 h
55, M. le ministre, vous avez encore le temps de refaire ce projet de loi et
d'arriver avec quelque chose qui va viser essentiellement la qualité des
services comme tels, mais non pas les boîtes, comme c'est proposé
dans le projet de loi, et que la population va voir une amélioration de
la qualité des soins de santé. C'est une loi qui, en
définitive, ne vient rien régler.
Le transport ambulancier, quant à la métropole,
s'exerçait - je vous le répète - dans (es meilleures
conditions grâce à Urgences-santé et pour, une rare fois,
je n'entends pas les gens de l'autre côté dire: C'est la faute de
l'ancien gouvernement. Mais c'est heureusement notre faute, car nous avons
créé Urgences-santé et ça fonctionnait bien, M. le
Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le ministre délégué à la Famille,
à la Santé et aux Services sociaux pour une intervention de cinq
minutes, au maximum.
M. Robert Dutil
M. Dutil: M. le Président, je suis très heureux, ce
soir, que l'Opposition ne conteste pas mon droit de réplique, comme cela
a été le cas l'autre jour. Votre décision quant à
la motion de clôture, à savoir que le droit de réplique
appartenait au leader, je l'ai respectée. J'aurais souhaité, en
demandant le consentement des députés de l'Opposition la
dernière fois, qu'ils me permettent tout de même de m'expri-mer,
après les avoir entendus sur la motion de clôture pendant
plusieurs heures. Ils m'ont refusé ce consentement, me bâillonnant
une deuxième fois en autant de minutes, sauf que, ce soir, j'ai
un droit de réplique qui est bien légitime, mais sur
lequel je n'ai pas grand-chose à redire pour la raison suivante: Les
députés de l'Opposition qui sont intervenus, ce soir, n'ont pas
parlé du projet de loi. Ils ont plutôt parlé de la
commission parlementaire, du fait qu'ils avaient discuté
raisonnablement, semble-t-il, ce que je n'ai pas vu, du fait qu'ils
souhaitaient faire un travail sérieux en commission parlementaire, ce
que je n'ai pas vu, et ainsi de suite. Ils ont surtout parlé des
à-côtés du projet de loi, des difficultés dans les
relations du travail et de tout. Alors, c'est évident que je ne peux pas
leur reprocher cela. Plusieurs députés sont moins familiers avec
le projet de loi, du côté de l'Opposition; ils n'ont pas eu
à intervenir. Mais je terminerai cette soirée en rappelant
quelques éléments fondamentaux du projet de loi.
Le projet de loi dit ceci: Urgences-santé du CRSSS de
Montréal. C'est une décision que nous avons prise, parce que nous
considérons que le CRSSS de Montréal a d'abord et avant tout pour
mandat de s'occuper d'orientation et de planification, comme tous les CRSSS du
Québec, décision d'autant plus légitimée
qu'Urgences-santé avait pris une ampleur considérable et occupait
une bonne partie de la gestion, et décision d'autant plus
légitimée que nous avions décidé également
d'intégrer les techniciens ambulanciers de Montréal à la
nouvelle corporation, ce qui a pour effet de grossir encore les
opérations du service préhospitalier d'urgence.
Cette deuxième décision, quant à
l'intégration des techniciens ambulanciers, M. le Président, nous
l'avons prise parce que, depuis qu'a été créée
Urgences-santé, il s'est établi une espèce de bris de lien
d'emploi, une intervention d'un troisième intervenant, qui était
Urgences-santé, auprès des employés et des
propriétaires d'ambulances. Cela a amené des difficultés
qui auraient pu être prévues par l'Opposition, mais je ne veux pas
leur en faire le reproche, ils ne l'ont pas vu. Le système s'est
développé avec ce ménage à trois très
difficile à manoeuvrer, avec les conséquences qu'on a connues,
avec les difficultés que le chef de l'Opposition a lui-même
connues lorsqu'il était ministre de la Santé et des Services
sociaux et qu'il a eu à travailler au dossier des ambulances. Il a vu
qu'il y avait des frictions énormes et il a pris des décisions
qui, à ce moment-là, n'ont malheureusement pas corrigé le
système parce qu'à l'époque où M. le
député de Joliette était ministre de la Santé et
des Services sociaux, il faut se le rappeler, il n'était pas en position
de faire une réforme de l'ampleur de celle que l'on fait. Pour faire une
réforme comme celle que nous avons annoncée, cela prend un
gouvernement qui s'entend et qui ne s'obstine pas sur les virgules quant
à son programme; cela prend un gouvernement qui a une solidité et
qui est capable, de longue haleine, de faire une réforme d'importance du
service ambulancier. D'importance, parce que nous allons nous occuper des
régions, ce que n'a pas fait le chef de l'Opposition. Le chef de
l'Opposition a essayé de régler tant bien que mal
Montréal, mais il ne s'est pas occupé des régions. Nous,
nous allons nous en occuper, non seulement par le projet de loi quant aux
centrales de coordination, mais par les autres dossiers qui concernent la
réforme et que j'ai mentionnés: la stabilisation de l'emploi,
c'en est un, le rehaussement de la formation, c'en est un autre, le
rehaussement des standards des véhicules, c'en est un autre, le
rehaussement des standards des équipements, c'en est un autre.
Alors, voyez-vous, M. le Président, en cinq minutes je suis
capable de vous résumer une loi nécessaire, une loi qui aurait
dû être faite il y a plusieurs années, une loi qui va
permettre de rétablir un certain équilibre, recréer un
lien d'emploi à Montréal et éliminer certainement une
foule de tensions, une loi qui va permettre aussi au gouvernement,
éventuellement, d'établir des centrales de coordination en
province, mais cette fois-ci sous l'autorité d'un regroupement
représentatif de propriétaires, évitant en province de
faire ce qui a été fait à Montréal à
l'époque, de briser le lien d'emploi.
Alors, M. le Président, je recommande fortement à
l'Assemblée nationale d'adopter, dès ce soir si possible, le
rapport de la commission, de telle sorte que nous puissions, demain, en arriver
à l'adoption de la loi d'une façon définitive et donc
mettre en application cette réforme nécessaire pour la
qualité du service des soins préhospitaliers d'urgence en
province et à Montréal. Merci.
Le Vice-Président: Le débat est maintenant
terminé sur la prise en considération du rapport de la commission
des affaires sociales et des amendements proposés au projet de loi 34,
Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres
dispositions législatives. Est-ce que l'Assemblée est maintenant
prête à se prononcer? M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Je demande le vote enregistré, M. le
Président.
Le Vice-Président: Donc, vote par appel nominal.
M. Lefebvre: Oui, vote par appel nominal. Je fais motion pour le
reporter à la prochaine séance, aux affaires courantes.
Le Vice-Président: Très bien, il y aura donc vote
par appel nominal sur cette prise en considération du rapport, vote qui
aura lieu à la prochaine période des affaires courantes. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour ajourner
les travaux au 14 décembre, à 10 heures.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. En conséquence,
les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés au mercredi 14
décembre, à 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 5)