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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 13 décembre 1988 - Vol. 30 N° 78

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Nous allons procéder aux affaires courantes.

Déclarations ministérielles. Présentation de projets de loi. Dépôt de documents.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: ...je vous demanderais, à ce moment-ci, de reconnaître le ministre des Finances, s'il vous plaît.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, un message de son honneur le lieutenant-gouverneur du Québec, signé de sa main.

Crédits supplémentaires n° 2,1988-1989

Le Président: Si vous me permettez. Message de son honneur le lieutenant-gouverneur du Québec. "L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale les crédits supplémentaires n° 2 pour l'année financière se terminant le 31 mars 1989, conformément aux dispositions de l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867 et recommande ces crédits à la considération de l'Assemblée." Ce message est signé de la main de M. le lieutenant-gouverneur. J'aimerais déposer ce document.

Maintenant, je vais reconnaître M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer les crédits supplémentaires n° 2 du budget 1988-1989.

Le Président: M. le ministre des Finances, vos crédits supplémentaires sont maintenant déposés. M. le leader du gouvernement.

Renvoi en commission plénière

M. Gratton:M le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: ...je voudrais faire motion pour que ces crédits supplémentaires soient déférés à la commission plénière qui en entreprendra l'étude jeudi et vendredi de cette semaine.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce que cette motion de déférence est adop- tée? Adopté? Adopté.

Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?

Dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions.

Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.

Avant de procéder à la période régulière de questions et de réponses orales, j'avise immédiatement les membres de cette Assemblée que nous allons procéder au vote sur le rapport de la commission qui a étudié le projet de loi 37. Il s'agit de six votes auxquels nous devrons procéder ce matin, immédiatement après la période de questions.

Je suis prêt à reconnaître la première question principale. M. le député de Taillon, en principale.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Le point de vue du gouvernement sur l'affichage commercial

M. Filion: Merci, M. le Président. Le représentant du gouvernement du Québec dans l'instance Chaussures Brown's, à savoir le Procureur général du Québec de l'époque, le député de D'Arcy McGee, avançait des constatations de faits importants justifiant de préserver l'unilinguisme français dans l'affichage. Par exemple, à la page 51, le Procureur général disait: "Ces considérations - il s'agissait ici de l'étude des mots "linguistique", "sociologique" -conduisent le Procureur général du Québec à conclure que la lecture de l'état linguistique de la société québécoise qui avait justifié l'adoption des mesures législatives précédentes, justifie aujourd'hui le maintien de ces mesures, puisque la situation sur le terrain n'a pas sensiblement évolué de façon favorable au français."

Également, à la page 59 de son mémoire, le Procureur général du Québec disait: "En effet, l'empiétement que représenteraient ces dispositions sur les droits individuels est relativement mineur, considérant les nombreux assouplissements dont elles sont assorties et l'on ne peut certes pas conclure que l'objectif visé par cette législation et l'intérêt de la collectivité sont supplantés par l'atteinte à ces droits. Ultime-ment, faut-il le rappeler, c'est la survie d'une collectivité qui est en jeu." C'est toujours le Procureur général du Québec, représentant du gouvernement du Québec.

Or, je voudrais savoir du premier ministre comment le gouvernement du Québec peut décemment tenir deux langages, selon qu'il se trouve devant une instance judiciaire ou selon qu'il tente de justifier une décision politique.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois qu'on avait déjà répondu à ces questions-là. Le député de Taillon avait déjà posé des questions semblables au Procureur général. La cause avait été présentée devant la Cour d'appel, des arguments avaient été soumis devant la Cour d'appel. Il y a eu appel de la décision pour les raisons que j'ai mentionnées hier, étant donné qu'il y avait une cause parallèle, si je puis dire, sinon semblable, parce que dans le cas de Singer, il s'agissait d'unilinguisme, alors que dans le cas de Chaussures Brown's, il s'agissait du bilinguisme. Donc, le Procureur général et ses associés ont poursuivi le débat juridique sur cette question.

Pour ce qui a trait à la non-concordance que peut voir le député de Taillon entre le programme du Parti libéral et les positions défendues par le Procureur général, les réponses ont été données là-dessus. D'ailleurs, le député de Taillon lui-même a des problèmes de concordance avec ce qu'il a dit dans le débat sur la loi 142 lorsque la loi a été déposée et avec ce qu'il fait maintenant avec sa loi 119. Le député de Taillon se souvient de ses dénonciations virulentes vis-à-vis de la loi 142. C'était presque une trahison de pouvoir permettre à la minorité anglophone d'avoir des services sociaux et des services de santé dans sa propre langue. Et, soudainement, il s'est converti; il ne veut plus qu'on touche à la loi 142. Conversion bienvenue de ce côté-ci de la Chambre. Je félicite le député de Taillon de son ouverture vis-à-vis de cette question, de son changement de point de vue et de son radicalisme plus modéré vis-à-vis d'une loi humanitaire comme celle-là.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. Filion: M. le Président, je constate que le premier ministre n'a aucun argument de fond contre le projet de loi 191 déposé par l'Opposition officielle. Au contraire, il adopte le projet de loi.

Le Président: Votre question.

M. Filion: Ma question est la suivante et s'adresse au premier ministre. Il s'agit d'arguments de fait, d'éléments de fait, de constatations de fait et non pas de droits qui ont été plaides par le Procureur général. Compte tenu de ces arguments de fait du gouvernement du Québec, en date du mois d'août 1987 - cela ne fait pas une décennie, une éternité - comment le premier ministre peut-il envisager ce retour, ce pas en arrière que constituerait le moindre retour au bilinguisme dans l'affichage?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je n'ai jamais prétendu que le projet de loi 119 était totalement mauvais.

Des voix: 191.

M. Bourassa: 191, je renverse un chiffre.

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: M. le Président, il y a une espèce de contagion d'un côté à l'autre. Je veux dire que je n'ai jamais dit au député de Taillon que tout son projet de loi était condamnable. Il y a de bons éléments. Comme je l'ai toujours dit, le hasard existe en politique parfois, pour le Parti québécois. Je veux dire au député de Taillon que j'ai donné les raisons qui justifient l'attitude du Procureur général, mais le programme du parti, je l'ai mentionné hier et je le mentionnerai probablement si le député de Taillon est présent à la discussion sur les engagements financiers, si on peut avoir un peu de temps. Je crois qu'on me dit que, selon la procédure, on peut aborder tous les sujets. Je vois le chef de l'Opposition qui s'apprête à le faire; il est le bienvenu.

Une voix:...

M. Bourassa: Oui, d'accord, je suis prêt. D'ailleurs, contrairement à mon prédécesseur, M. Lévesque, j'assiste à la commission des engagements financiers. Cela vous donne un peu plus de temps pour discuter des questions. Je le fais parce que je trouve que cela peut être utile pour l'Opposition d'entendre mes réponses.

Ce que je dis au député de Taillon, c'est que je lui ai donné tantôt les raisons qui ont justifié l'appel en Cour suprême. Mais ceci ne change pas le programme du Parti libéral d'avoir le français prioritaire, sans prohibition. C'est une différence un peu mineure peut-être. Je ne le sais pas, avec l'évolution que vous faites constamment d'un congrès à l'autre, dans un sens ou dans un autre, il peut y avoir une évolution de votre côté. Vous pouvez également assouplir votre position là-dessus. On l'avait déjà annoncé. Donc, peut-être qu'on pourrait faire un consensus dans l'Assemblée nationale. Cela serait formidable si on s'entendait tous pour protéger la culture française de la même façon en respectant les droits individuels, M. le Président.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: M. le Président, je rappellerais au premier ministre que M. Lévesque répondait aux questions en Chambre, de sorte qu'il n'avait pas besoin d'aller en commission parlementaire.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Est-ce que le premier ministre

se rappelle aussi que sun gouvernement a piaïue avec vigueur que - et je cite le mémoire du Procureur général - "dix ans après l'entrée en vigueur de la Charte de la langue française, les faits législatifs justifient toujours l'existence de cette digue - c'est l'article 58 - destinée à maîtriser le flot puissant de l'anglicisation en Amérique du Nord." Est-ce que le premier ministre considère aussi que cet argument n'est plus valable, un an plus tard, ou est-ce qu'il considère toujours que l'article 58 constitue une digue destinée à maîtriser le flot puissant de l'anglicisation en Amérique du Nord?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'ai dit il y a quelques jours - le chef de l'Opposition citait même l'article en question - je l'ai dit très souvent mais je l'ai dit à un journaliste du Globe and Mail qui était cité par le chef de l'Opposition que c'est évident - et c'est pourquoi nous parlons dans notre programme du parti de français prioritaire - que le bilinguisme intégral - et là-dessus il y a unanimité dans le Parti libéral du Québec - à cause de la force d'attraction de l'anglais en Amérique du Nord, pour des raisons évidentes qu'on n'a pas besoin d'expliquer, pouvait constituer une forme de menace d'anglicisation. C'est pourquoi, dans le Parti libéral, nous avons dans notre programme le français prioritaire, sans la prohibition que vous avez dans votre programme. Là, je pourrais reprendre les paroles du député de Taillon, les paroles qu'il a dites vendredi dernier, presque les larmes aux yeux, à propos de la Déclaration universelle des droits de l'homme: qu'il fallait respecter la liberté d'expression, la liberté d'association. Il fallait faire rayonner cette liberté partout, dans tous les pays du monde. Au Québec, nous sommes l'une des sociétés qui a cette liberté d'expression. Une petite minorité de peuples seulement possède cette liberté d'expression. M. le Président, précisément parce que nous sommes conscients dans ce parti de cette menace qui peut exister à cause du pouvoir d'attraction de la langue dominante en Amérique du Nord, de la langue dominante dans le domaine du commerce, sur le plan international, dans presque tous les pays...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...nous optons pour un français prioritaire. Je ne dis pas que c'est facile d'appliquer un français prioritaire sans prohibition. Il y a différentes formules qui peuvent être examinées. Tout le problème...

Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je termine. Tout le problème est là, de notre côté: comment tout en évitant un rétablissement ou un retour au bilinguisme intégral? M. le Président, je termine...

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: II n'y a presque pas de différence entre ce que dit le député de Lac-Saint-Jean et ce que le programme du Parti libéral propose.

Le Président: M. le whip de l'Opposition et député de Lac-Saint-Jean.

Une voix: Ce n'est pas fort.

M. Brassard: M. le Président, quand le premier ministre va-t-il mettre un terme au double langage qu'il pratique, un langage devant la Cour suprême pour défendre l'article 58 intégralement et le langage qu'il tient présentement pour défendre son programme du français prioritaire? Ce n'est pas la même chose du tout, ça. Quand le premier ministre va-t-il cesser le double langage qu'il pratique depuis trois ans et qui fait en sorte que la situation du français se dégrade constamment depuis trois ans? C'est ce que son Procureur général a défendu devant la Cour suprême.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je crois que le député de Lac-Saint-Jean sait ce dont il parle quand il mentionne le double langage.

Une voix: II fait allusion à son parti.

M. Bourassa: On se souviendra des propos de son chef, M. Parizeau, qui dénonçait, quelques jours avant le congrès, assez durement et d'une façon un peu humiliante le député de Lac-Saint-Jean qui trouvait que l'option n'était pas assez souple, que l'élection référendaire se retrouvait dans le programme du Parti québécois. D'ailleurs, le chef de l'Opposition semble d'accord avec mol par son demi-sourire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: M. le Président, on se souviendra...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

À la question, M. le premier ministre. À la question!

M. Bourassa: On se souviendra des propos

de M. Parizeau qui condamnait les deux ou trois députés qui en voulaient toujours plus pour ce qui a trait à la stratégie électorale de la prochaine élection. Je dis au député de Lac-Saint-Jean que, pour des raisons que j'ai expliquées parce qu'il y avait un jugement de la Cour d'appel et qu'il nous fallait en appeler de ce jugement, c'est évident, étant donné le jugement qui était en appel également dans le cas de Singer et dont nous aurons le résultat après demain matin. Le député de Lac-Saint-Jean comprend très bien que, dans ce cas-là, il a fallu, pour des raisons techniques et logiques, aller en Cour suprême et plaider la cause. Mais ceci ne contredit pas le programme du Parti libéral. (10 h 30)

Quant au double langage, vous l'avez fait vous-mêmes il y a quelques jours alors que, comme parti, vous avez pris une attitude sur la langue: français mur à mur, aucune exception. Et comme caucus, trois jours après, vous avez dit le contraire. Ne parlez pas de double langage, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, loin de sourire aux propos du premier ministre, je vous dirai que c'est plutôt attristant de constater que le premier citoyen du Québec, à une question précise, trouve le moyen de ridiculiser une question très sérieuse à laquelle les citoyens du Québec sont en droit d'attendre...

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: Je vais reprendre ma question pour lui permettre d'afficher au moins 30 secondes de sérieux...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: ...à l'intérieur de la période de questions.

M. le Président, on est habitués d'entendre le premier ministre qui nous a répété à quatre reprises depuis un certain temps: Vous le savez, les discours avant les élections sont différents de ceux après les élections. Il l'a dit à quatre reprises et on est conscients qu'il tient deux discours: un, avant les élections, pour endormir l'électorat et un autre après. C'est précisément pourquoi on lui demande comment il peut soutenir en cette Chambre d'avoir plaidé que l'unilin-guisme français était tellement important parce qu'il y allait de la survie des Québécois francophones et, du même souffle, parler de l'application éventuelle d'un programme qui accordait aux anglophones du Québec l'affichage bilingue à toutes fins utiles? Comment peut-il soutenir dans une plaidoirie devant la Cour suprême l'importance pour la survie du français d'obtenir, de maintenir l'affichage unilingue français? Peut-il, pour une fois, répondre très sérieusement à cette ambiguïté qui persiste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je suis heureux de constater ce matin que le chef de l'Opposition se sent apte à nous donner des leçons de dignité. J'espère qu'il conservera cette attitude lui-même dans les discours qu'il prononce régulièrement, parfois sur un ton un peu bouillant et mesuré à d'autres occasions, mais moins souvent.

Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est que j'ai signalé le double langage. On nous reproche un double langage alors que vous venez vous-même d'en donner un exemple particulièrement éloquent par ce que vous avez voté au congrès, sur le plan linguistique. D'ailleurs, cette volte-face qui a été faite par le caucus par rapport aux résolutions du parti a été notée par tous les éditorialistes. S'il vous plaît, ayez quand même un minimum de décence intellectuelle et ne contestez pas cette volte-face du projet 191 avec les résolutions qui ont été adoptées au congrès; cette intolérance qu'a dénoncée lui-même le député de Taillon en parlant de l'intolérance vis-à-vis de son ami et ancien chef, M. Pierre Marc Johnson, qui a été hué au congrès du Parti québécois, il y a quelques jours. Il dénonçait cette intolérance du Parti québécois.

Le Président: S'il vous plaît.

M. Bourassa: M. le Président, cette intolérance qu'on retrouvait aussi dans certaines résolutions. Il a voulu corriger - et je l'en félicite - cette attitude du Parti québécois.

Ce que je veux dire, c'est que j'ai répondu au chef de l'Opposition. Nous l'avons fait il y a plusieurs mois. Il me semble qu'on ne doit pas répéter quatre fois la même chose pour être compris par le Parti québécois. Si vous voulez poursuivre la discussion dans quelques minutes, je suis disponible.

Le Président: Je vais reconnaître la deuxième question principale de ce matin à Mme la députée de Maisonneuve.

Collaboration entre le ministre de la

Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du

revenu et la Commission des droits

de la personne

Mme Harel: M. le Président, victime d'une attaque publique injustifiable de la part du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, la Commission des droits de la personne réagit publiquement. Les allégations d'une extrême gravité que votre lettre contient, notamment que la commission aurait agi avec

partialité et qu'elle aurait outrepassé ses fonctions l'oblige aujourd'hui à vous répondre formellement, dit la commission au ministre. Nous déplorons au plus haut point le procès d'intention que contient votre lettre alors qu'il est du devoir de notre organisme à titre de promoteur des principes contenus dans la Charte des droits et libertés de rappeler aussi souvent que nécessaire les droits fondamentaux garantis à toute personne, y compris aux bénéficiaires de l'aide sociale.

La commission d'appel n'a pu encore obtenir réponse d'une lettre envoyée par le président de la commission au ministre, le 7 octobre dernier, il y a deux mois, pour obtenir la désignation de fonctionnaires. Alors, comment le ministre a-t-il pu sérieusement blâmer la Commission des droits de la personne alors qu'il avait négligé et qu'il néglige toujours de collaborer avec la commission?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, lorsque j'ai déploré l'intervention de la Commission des droits de la personne, c'était non pas quant au fond qui portait, je le rappelle, uniquement sur les visites à domicile, et non pas sur la problématique de la réforme de l'aide sociale. Je l'ai fait parce que la commission est intervenue d'une façon que nous avons considérée comme étant politique, c'est-à-dire qu'après avoir reçu de la députée de Maisonneuve une demande d'enquêter sur des dossiers tournant autour des visites à domicile, la commission a jugé bon de faire tout un spectacle dans la presse pour déclarer qu'elle était saisie d'une demande de Mme Harel, députée de Maisonneuve, et pour profiter de l'occasion pour rendre un jugement, dès ce moment, sur l'enquête qu'elle devait faire.

J'ai déploré cette attitude publique, cette espèce de déclaration officielle qui, à mon sens, s'insérait au moment où on étudiait la réforme de l'aide sociale d'une façon plutôt malencontreuse dans l'actualité politique. M. le Président, je rappelle que le Vérificateur général nous fait des reproches d'avoir laissé échapper 235 000 000 $ de payés en trop à l'aide sociale. Nous tentons, avec des mesures de contrôle, d'arrêter cette hémorragie de fonds publics. . Comme les tribunaux ont déclaré que nous avions parfaitement le droit de faire des visites à domicile, j"ai rappelé au président que je ne cesserai pas de faire des visites à domicile, même si la Commission des droits de la personne souhaiterait qu'on le fasse.

Le Président: Mme la députée de Maison-neuve, en additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, pourquoi le ministre confond-il les trop-perçus administratifs publiquement le rôle impartial et essentiel de la commission des droits dans la défense de la dignité de la vie privée, de la réputation des personnes assistées sociales visitées?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: Je reconnais parfaitement l'importance qu'a la Commission des droits de la personne dans le système québécois et je n'ai absolument pas l'intention de constester le bien-fondé des interventions de la Commission des droits de la personne. Ce n'est pas quant au fond que j'en ai, mais quant à la forme. Je pense que la Commission des droits de la personne aurait intérêt à faire ses enquêtes et à rendre publics ses avis après avoir fait ses études et non pas avant.

Le Président: Mme la députée... En additionnelle ou... M. le chef de l'Opposition, en principale.

M. Chevrette: Ma question s'adresse au premier ministre. Non.

Le Président: En additionnelle? M. Chevrette: En additionnelle.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle. /

M. Chevrette: Étant donné que depuis quelques jours, on a assisté à deux bâillons en l'espace de trois jours, le premier ministre nous annonce, à toutes fins utiles, qu'il y a également possibilité de restreindre le débat sur le plan linguistique, on est rendu qu'un de ses ministres est sur le point de vouloir bâillonner à toutes fins utiles des commissions, des structures qui visent précisément la défense des droits individuels dont vous vous targuez d'avoir le souci le plus constant. Est-ce que le premier ministre considère que l'écart du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à l'endroit de la commission pour le respect des droits et libertés individuels est acceptable dans une société dont il se targue, à bon droit souvent, de respecter les droits les plus fondamentaux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je ne vois pas où est l'écart du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il a invoqué le jugement des tribunaux. J'ai entendu le ministre... Je n'ai pas entendu les discussions avec la députée de Maisonneuve dans les instants qui ont précédé la question du chef de l'Opposition, mais je me souviens très bien d'avoir entendu la réponse du ministre pour ce qui a trait à l'attitude de la

commission québécoise des droits et libertés. Il a référé à des jugements de tribunaux qui ont interprété cette situation. Alors, je ne vois pas en quoi le ministre pourrait être attaqué d'une façon légitime par le Parti québécois ou par l'Opposition officielle. (10 h 40)

Le Président: Je suis prêt à reconnaître... Alors, M. le député de Shefford, en principale.

Les prestations d'aide sociale aux personnes demeurant dans des coopératives ou des HLM

M. Paré: Merci, M. le Président. Par le projet de loi 37, le gouvernement actuel nous montre son intransigeance et son peu de souci d'aider les plus démunis en matière de logement. Il pénalise, d'abord, ceux qui veulent partager leur logement afin de mieux s'en sortir; ensuite, H se donne la possibilité de diminuer les prestations d'aide sociale aux personnes qui vivent dans les HLM et dans les coopératives d'habitation.

Est-ce que le ministre de la Main-d 'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est prêt aujourd'hui à prendre l'engagement que les prestations des personnes sur l'aide sociale demeurant dans les coopératives et dans les HLM ne seront pas diminuées, comme le demande la Confédération québécoise des coopératives d'habitation?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, on fait tout un plat avec la question du partage du logement. J'aimerais rappeler au député de Shefford et à tous les gens qui nous écoutent que le partage du logement, c'est une notion qui existe dans la loi actuelle sur l'aide sociale. Présentement, cette réduction de 85 $ est appliquée pour les gens qui partagent un logement avec leur famille, avec leurs parents, pour les parents avec les enfants.

Or, dans la réforme, nous ne faisons qu'étendre cette notion à l'ensemble des assistés sociaux. Vous comprendrez, par exemple, que c'est par mesure d'équité que nous faisons ça. Si vous prenez un couple marié qui vit ensemble, la prestation accordée à ce couple n'est pas la môme que l'addition de deux prestations de personnes individuelles. La prestation d'un couple est d'à peu près 200 $ par mois de moins, justement parce que, sur le plan du logement, il y a des économies réelles à partager un logement. Or, si dans la prestation d'un couple, nous tenons compte de cette réalité du logement, il serait inéquitable de ne pas en tenir compte pour deux assistés sociaux qui partagent un logement et qui ne sont pas mariés. Si nous ne faisions pas ça, ce serait inciter les couples à se séparer et à aller vivre individuellement. Ce serait inéquitable pour les couples mariés.

Le Président: M. le député de Shefford, en additionnelle.

M. Paré: Oui, je repose ma question au ministre. Est-ce que le ministre est prêt, aujourd'hui, à prendre l'engagement, tel que l'a pris, il y a quelques semaines en cette Chambre, son prédécesseur, l'actuel ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation, que les bénéficiaires de l'aide sociale demeurant dans les coopératives et dans les HLM ne connaîtront pas une diminution de leur prestation?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, le député de Shefford sait fort bien que le dossier des HLM ne dépend pas du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est un dossier qui dépend du ministre des Affaires municipales. Les HLM dépendent du ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation. Je n'ai donc pas d'instructions à donner à mon collègue, le ministre responsable de l'Habitation. Si le député veut savoir ce qui se passe de ce côté-là, il n'a qu'à poser la question au ministre titulaire du dossier.

Le Président: M. le député de Shefford, en additionnelle.

M. Paré: Je vais être obligé de revenir à ta charge et vous rappeler que vous êtes le ministre responsable des prestations d'aide sociale.

Le Président: Votre question.

M. Paré: Savez-vous que dans le projet de loi 37, que vous avez déposé et sur lequel vous nous imposez le bâillon, il y a un article qui vous permet de diminuer les prestations d'aide sociale aux bénéficiaires demeurant dans les coopératives et dans les HLM? Êtes-vous prêt à modifier cet article pour ne pas pénaliser ces gens-là?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai expliqué tout à l'heure que le partage du logement, c'est un principe qui existe dans la législation actuelle et que nous allons le reconduire dans la nouvelle législation, en l'étendant à tous les prestataires de l'aide sociale, parce que c'est une mesure juste et équitable. D'autre part, je signale qu'en matière d'habitation, nous introduisons une nouvelle formule qui est une réponse exceptionnelle au problème d'habitation des familles avec enfants mineurs, c'est-à-dire une allocation-logement qui permettra aux familles pauvres qui consacrent une partie trop importante de leur revenu pour se loger d'avoir accès à une alloca-

tion mensuelle.

Je signale, M. le Président, que 51 000 familles québécoises, dont 70 % sont des familles monoparentales dont le chef est une femme dans la plupart des cas, pourront bénéficier de cette allocation-logement. C'est un apport important du gouvernement au problème du logement, surtout chez les familles à faible revenu.

Le Président: Mme la députée de Maison-neuve, en additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, le ministre peut-il au moins reconnaître que deux personnes seules ou deux chefs de familles monoparentales qui cohabitent ont au moins besoin de deux chambres plutôt qu'une seule pour un couple, et comment peut-il justifier une diminution de 85 $ par mois pour chacune des personnes et qui élargit à 60 000 ménages la coupure de 85 $ par mois dont 10 000 familles monoparentales?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: M. le Président, sur le plan des principes, il est tout à fait équitable de traiter tous les groupes de la même façon. Si nous avons un couple marié qui évidemment cohabite, comme dans la plupart des cas, la prestation coupe 200 $ par rapport à deux personnes seules qui vivent ensemble. Si nous avons un couple qui vit en situation de vie maritale mais qui n'est pas marié, nous le traitons de la même façon qu'un couple marié et vous le savez. Si nous avons deux personnes qui vivent ensemble, que ce soit deux hommes ou deux femmes, donc qui ne sont pas en situation de vie maritale, nous les traitons également de la même façon sur le plan du logement en imposant le partage du logement, de sorte que nous ne faisons aucune discrimination sur la base du logement, nous traitons tous les gens de la même façon.

Ceci étant dit, considérant qu'il y a des problèmes de logement spécialement pour les familles monoparentales, dans les centres urbains surtout, nous avons mis sur pied ce programme d'allocation-logement qui vient en aide à celles parmi ces familles qui consacrent une trop grande partie de leur revenu pour se loger. Cela va coûter plusieurs millions de dollars au gouvernement et cela vient en aide surtout aux familles monoparentales, celles qui sont les plus mal prises sur le plan du logement.

Le Président: Je reconnais la quatrième principale à M. le leader de l'Opposition.

L'enseignement dispensé aux enfants de la Cité écologique de l'ère du Verseau

M. Gendron: Oui. Le dossier préparé par LeDevoir sur la Cité écologique de l'ère du Verseau. aborde aujourd'hui le volet de l'enseignement dispensé aux enfants de cette communauté. On y apprend qu'une quarantaine d'enfants, plutôt que de se retrouver dans le réseau officiel de l'éducation, suivent des apprentissages dans le cadre d'un projet éducatif particulier préparé par la cité. Selon l'article, très peu de temps serait consacré à l'enseignement du français et des mathématiques, l'accent étant mis sur ce qui est présenté comme des travaux pratiques. Je veux savoir du ministre de l'Éducation s'il est en mesure de nous dire si les enfants de la cité écologique sont effectivement dispensés de l'obligation de fréquentation scolaire dans la mesure où, selon la loi, ils reçoivent à la maison un enseignement efficace, selon l'article 257 de la Loi sur l'instruction publique, et de nous indiquer à quelle vérification le ministère a procédé pour conclure que les enfants de la cité écologique reçoivent un enseignement efficace parce que, la seule raison pour être soustrait à l'obligation scolaire, c'est de recevoir un enseignement efficace.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

Des voix:...

M. Ryan: Dans ce cas-ci, c'est le ministre de l'Éducation.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: M. le Président, voici un cas où je peux vous donner l'assurance qu'il n'y a eu aucune pression sur moi de la part de notre honorable ami, le député de Beauce-Sud.

Une voix:...

M. Ryan: Ha, ha, ha! C'est en guise d'introduction pour vous dire comment les choses se passent. De fait, je n'ai pas été saisi de ce problème en ma qualité de ministre de l'Éducation, jusqu'à ce que les journaux en parlent ces jours derniers. Comme le député d'Abitibi-Ouest le sait très bien, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, la responsabilité de l'instruction des enfants sur le territoire d'une commission scolaire relève de la compétence de la commission scolaire. La loi prévoit certains cas où les parents pourront garder les enfants chez eux et leur donner ce que le député appelait justement un enseignement efficace. Jusqu'à maintenant, il y a eu des rapports entre les responsables de la cité écologique et la commission scolaire de Victoriaville. Jusqu'à récemment, la commission scolaire de Victoriaville estimait que le projet éducatif de cet établissement pouvait assurer raisonnablement qu'un enseignement efficace était donné. Mais, devant les nouvelles qui ont paru dans les journaux ces

jours derniers, j'ai demandé que la direction régionale fasse le point sur la situation. Ce matin même, au moment où nous nous parlons, la directrice régionale du ministère de l'Éducation est en contact, en rencontre même avec la direction de la commission scolaire pour faire le point. Et j'ai demandé qu'on me tienne informé de tous les éléments qui ressortiront de l'entretien.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionelle. Je vais reconnaître M. le député d'Anjou, pour une cinquième question principale. M. le député d'Anjou. (10 h 50)

Vacance à la mairie d'Anjou Élection le 5 mars 1989

M. Larouche: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales et concerne le conseil municipal de la ville d'Anjou. Comme on le sait, depuis le 7 novembre dernier, le conseil municipal de cette ville, par ailleurs dynamique, est paralysé à la suite de la démission du maire. On sait que les conseillers n'ont pu s'entendre entre eux quant à la succession à la mairie afin que se poursuive une vie démocratique normale au sein du conseil municipal. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelles sont ses intentions dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je voudrais remercier dans un premier temps le député d'Anjou de sa question qui témoigne de son intérêt particulier pour la démocratie municipale. Comme l'a indiqué le député d'Anjou, l'ex-maire de cette municipalité, M. Jean Corbeil, a démissionné au début du mois de novembre dernier pour réorienter sa carrière vers la politique fédérale. Depuis cette réorientation de carrière de M. Corbeil, le poste de maire de la ville d'Anjou est demeuré vacant. À compter de la date de démission du maire, le conseil municipal avait, comme vous le savez sans doute M. le Président, deux options devant lui. Première option: déclencher des élections partielles dans les quinze jours suivant la démission du maire Corbeil; deuxième option: dans les 30 jours suivant cette démission, choisir un maire parmi les conseillers, les membres du conseil municipal. Malheureusement, il n'y a pas eu de consensus suffisant au conseil municipal.

M. le Président, en vertu de l'article 346 de la Loi sur les élections et référendums dans les municipalités, deux choix s'offrent présentement au ministre des Affaires municipales: déclencher des élections partielles ou nommer un maire à partir des personnes qui sont éligibles à ce poste dans la municipalité. J'ai procédé, au cours des dernières heures, aux consultations d'usage et j'annonce ce matin au député d'Anjou et à la population d'Anjou, à tous ceux et à toutes celles qui s'intéressent encore à la démocratie municipale en cette Chambre, la tenue d'élections partielles au poste de maire de ville d'Anjou, pour le 5 mars 1989.

Une voix: Très bien, très bien.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En terminant, M. le Président, vous me permettrez encore une fois de remercier le député d'Anjou de son intérêt dans ce dossier et de l'appui constant qu'il m'a accordé. Merci.

Le Président: M. le député de Verchères, en principale.

Le dépotoir de pneus usés de Saint-Amable appelé à disparaître

M. Charbonneau: M. le Président, le 23 novembre dernier, le ministère de l'Environnement émettait une ordonnance pour forcer la fermeture du dépotoir de pneus usés de Saint-Amable. Et, on a appris, il y a quelques jours, que se prévalant de certaines dispositions de la loi, on a interjeté appel auprès de la Commission municipale et que l'ordonnance a été suspendue et le dépotoir est encore en opération. La question que je voudrais d'abord poser au ministre est la suivante: est-ce qu'il considère, néanmoins et toujours, que le dépotoir de Saint-Amable représente un risque sérieux et un danger immédiat pour la population de la région?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: On est revenu aux pneus. Il a regonflé sa chambre à air. Alors, je vais lui dire: Oui, c'est clair que le cas du site de Saint-Amable doit être réglé définitivement et que ce site doit être éliminé. C'est pourquoi on est allé au Conseil des ministres avec un mémoire spécial pour demander une subvention de 5 000 000 $. Si on n'avait pas pensé que ça représentait un danger significatif, on ne l'aurait pas fait. Il est clair, d'après toutes les actions que nous avons prises, que c'est le cas. Donc, dès la fin de janvier ou février, la firme Ani-Mat avec laquelle on négocie le contrat final va commencer ses opérations pour déblayer ce site pour la première fois. Et c'est un fait que dans deux ans le site de Saint-Amable n'existera plus dans cette ville.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Est-ce que le ministre - je suis content de sa réponse - est conscient que, dans le fond, s'il avait fait ses devoirs correctement, émis l'ordonnance, non pas en vertu de l'article 25 de la Loi sur la qualité

de l'environnement mais en vertu de l'article 26, il n'y aurait pas eu de droit d'appel, à moins que la Commission municipale n'en décide autrement et que, à ce moment-ci, le dépotoir de Saint-Amable, qu'il considère dangereux puisqu'il vient de nous le dire, serait actuellement fermé?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Vous voyez, M. le Président, je ne marche pas avec des si. On a des conseillers juridiques au ministère. Ils ont travaillé toute cette question-là avec la plus grande prudence. Je pourrais prendre avis de la question et demander au chef du service juridique pourquoi il a émis une ordonnance en vertu d'un article plutôt qu'un autre. Mais, en tout cas, cette question a été fouillée avec beaucoup de soins. Ils ont pris les procédures qui s'imposaient, ils ont émis une ordonnance. Cet article prévoit un appel à la Commission municipale qui va siéger prochainement sur cette question et qui va la régler. Il me semble que les procédures suivies sont des procédures normales. La cause va être entendue par les affaires municipales. Les quelques pneus ajoutés là ne vont rien changer au problème de base.

Le Président: Je vais reconnaître, en septième question principale, ce matin, Mme la députée de Johnson.

Projet d'implantation d'un réacteur nucléaire au CHUS

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet d'implantation d'un réacteur nucléaire de dix mégawatts au Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke inquiète la population de notre région. Malgré l'opposition de la population, des travailleurs, de la communauté scientifique, l'administration du CHUS continue à vouloir acquérir ce réacteur qui en est encore au stade de prototype. Au début de novembre, répondant aux questions de la Coalition du CHUS, le ministre fédéral de l'Énergie, M. Masse, laissait entendre que l'hôpital n'avait pas encore demandé de permis pour l'obtention d'un réacteur. Ma question s'adresse à la ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans un premier temps, est-ce que la ministre peut nous indiquer si le CHUS a eu des discussions avec les autorités de son ministère dans ce dossier? Dans un second temps, peut-elle nous dire si elle est d'accord avec l'installation d'un tel réacteur nucléaire dans notre région?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Hennis in nensp an-dnlà d'un an narla de l'installation de ce centre nucléaire pour production d'énergie. Nous lui avons indiqué - ce sont, à mon avis, les seuls pourparlers que nous avons eus - qu'il devrait d'abord se soumettre à des audiences publiques du ministère de l'Environnement. C'est probablement parce que ces audiences n'ont pas encore eu lieu et qu'on ne les prévoit pas beaucoup avant un an - en tout cas assez tard l'an prochain - qu'il n'y a pas eu de demande officielle qui nous a été adressée, mais nous lui avons indiqué qu'avant de procéder avec un tel équipement, il devrait se soumettre à des audiences publiques du ministère de l'Environnement.

Le Président: Mme la députée de Johnson, en additionnelle.

Mme Juneau: Est-ce que, Mme la ministre, vous avez été consultée par votre collègue de l'Énergie et des Ressources qui, lui, avait déjà exprimé des réserves, en juin dernier, quant à l'utilisation par l'hôpital de ce réacteur qui est un gros réacteur, beaucoup plus gros que pour les besoins prévus?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cette question-là m'a été posée le printemps dernier, si ma mémoire est bonne, et j'avais indiqué que c'était aussi une question qui était de la responsabilité de mes deux collègues, d'une part le ministre de l'Énergie et des Ressources et d'autre part le ministre de l'Environnement. Tout ce que je peux vous indiquer, c'est qu'en mai dernier, mon sous-ministre écrivait au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke et nous indiquions, et je cite, M. le Président: "que votre centre hospitalier ne procède à aucune entente, engagement ou acceptation sur ce sujet avant d'en avoir reçu l'autorisation officielle du ministère de la Santé et des Services sociaux". Pour nous, ceci était conditionnel également à l'approbation du ministère de l'Énergie et des Ressources et du ministère de l'Environnement.

M. Charbonneau: M. le Président.

Le Président: M. le député de Verchères, en principale?

M. Charbonneau: En principale.

Le Président: M. le député de Verchères, en principale.

Avocats demandés par le ministère de l'Environnement

M. Charbonneau: Je voudrais poser une question au ministre de l'Environnement. Est-ce qu'il est exact que, depuis plus de huit mois,

vous avez fait une demande à votre collègue du ministère de la Justice et au Conseï du trésor pour avoir des avocats additionnels et qu'à ce moment-ci, au moment où on se parle, vous n'avez eu aucune réponse définitive du Conseil du trésor et du ministère de la Justice?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Uncoln: C'est bien vrai que j'ai fait une demande. J'ai eu des tractations d'abord avec l'ex-ministre de la Justice. Ensuite, nous avons eu des négociations avancées entre les fonctionnaires seniors des deux ministères, négociations qui ont abouti à une demande formelle de notre ministère. Par la suite, nous avons eu deux rencontres avec le ministre. Comme vous le savez, tous ces projets font partie de projets de développement qui sont soumis au Conseil du trésor sous l'enveloppe développement. Je vais laisser mon collègue répondre à ce sujet, mais je sais qu'il y a une demande qui a été faite au Conseil du trésor et qui va être examinée en bonne et due forme lorsque les projets de développement seront examinés. (11 heures)

Le Président: En additionnelle, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Une question additionnelle au ministre de la Justice. Combien d'avocats vous ont été demandés par le ministère de l'Environnement? Combien en avez-vous demandé au Conseil du trésor et dans combien de temps aurons-nous une réponse puisque la question a été posée au mois de juin à l'Assemblée nationale et que votre prédécesseur a été incapable de nous donner la réponse?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: De fait, M. le Président, mon collègue, le ministre de l'Environnement, a besoin de ressources supplémentaires pour faire appliquer les dispositions concernant la protection de l'environnement. J'ai eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises, comme il l'a mentionné tout à l'heure, et le dossier est actuellement au Conseil du trésor. Les sous-ministres se sont aussi rencontrés et nous en sommes arrivés à une situation qui paraîtrait adéquate étant donné les exigences. Pour savoir exactement le nombre précis, je pourrais prendre avis de votre question et vous revenir demain, si vous le voulez, avec de l'information supplémentaire, hormis que mon collègue du Conseil du trésor ait quelque chose à ajouter.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Au président du Conseil du trésor, puisqu'il a agi rapidement après Saint-

Basile pour donner au ministre de l'Environnement des inspecteurs et des enquêteurs comme il en avait demandé, qu'attend-il enfin pour donner une réponse positive et les ressources nécessaires au ministère de l'Environnement, au moment où on adopte une loi qui prévoit des augmentations d'amendes et au moment où on a donné au ministère de l'Environnement des enquêteurs et des inspecteurs en nombre suffisant, paraft-il, pour enfin mener les enquêtes et présenter les causes? Qui va faire les études juridiques et qui va présenter les cas devant les tribunaux, s'il n'y a pas d'avocats au ministère de l'Environnement? Quand allez-vous prendre le virage écologique, vous aussi?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: M. le Président, je ne peux que réitérer ce que le ministre de l'Environnement a dit très justement, que c'est dans le cadre des demandes de développement des différents ministères que des demandes de cette nature sont examinées. Les ministères responsables sont en voie de constituer leurs dossiers. La demande particulière du ministère de l'Environnement n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour, elle le sera incessamment.

Le Président: Fin de la période régulière de questions et réponses orales.

Tel qu'annoncé précédemment, nous allons procéder aux votes. Qu'on appelle les députés! M. le whip du gouvernement! M. le whip de l'Opposition!

Si vous me le permettez, nous allons maintenant mettre aux voix le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant le numéro 37, Loi sur la sécurité du revenu, ainsi que les amendements transmis par M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et par Mme la députée de Maisonneuve, conformément à l'article 254 du règlement.

Mise aux voix des amendements du

ministre proposant la suppression de

certains articles du projet de loi 37

Comme je l'ai indiqué hier à l'étape de la prise en considération, nous allons devoir procéder à six votes successifs. Dans un premier temps, je mets d'abord aux voix les articles et les intitulés dont M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu propose la suppression, à savoir les articles 12, 45, 50, 125, 130 et la section I du chapitre III. Que ceux et celles qui sont en faveur de ces amendements veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent), Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Marx (D'Arcy McGee), Page (Portneuf), Le-

vesque (Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Aca-die), MM. Bourbeau (Laporte), Rivard (Rosemont), Séguin (Montmorency), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mmes Gagnon-Tremblay (Saint-François), Robic (Bourassa), MM. MacDo-nald (Robert Baldwin), Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont), Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Vaillan-court (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Sa-guenay), Philibert (Trois-Rivières), Blackburn (Roberval), Lefebvre (Frontenac), Mme Dougher-ty (Jacques-Cartier), MM. Doyon (Louis-Hébert), Sirros (Laurier), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapé-dia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Polak (Sainte-Anne), Trudel (Bourget), Kehoe (Chapleau), Ger-vais (L'Assomption), Baril (Rouyn-Noranda-Témis-camingue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Iles), Thérien (Rousseau), Tremblay (Iber-ville), Théorêt (Vimont), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Brouillette (Cham-plain), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Larouche (Anjou), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bis-sonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier), Audet (Beauce-Nord), Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joiy (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil (Beauhar-nois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chau-veau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Thu-ringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington (Matane).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ces amendements veuillent bien se lever!

Le Secrétaire: MM. Chevrette (Juliette), Gendron (Abitibi-Ouest), Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Biais (Terre-bonne), Garon (Lévis), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (Laviolette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré (Shef-ford), Boulerice (Saint-Jacques), Dufour (Jon-quière), Parent (Bertrand), Mme Harel (Maison-neuve), M. Rochefort (Gouin).

Le Secrétaire: Pour: 86

Contre: 18

Abstentions: 0

Le Président: Les amendements que j'ai énumérés précédemment sont adoptés.

Mise aux voix des amendements proposés par la députée de Maisonneuve

Nous allons procéder au deuxième vote. Je mets maintenant aux voix les amendements proposés par Mme la députée de Maisonneuve aux articles 1 et 2. Que ceux et celles qui sont pour ces amendements veuillent bien se lever.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je suggérer que nous inscrivions un vote inversé à celui qui vient d'être pris?

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Nous sommes d'accord, M. le Président.

Le Président: Les amendements proposés par Mme la députée de Maisonneuve aux articles 1 et 2 sont rejetés.

Mise aux voix des autres amendements proposés par le ministre

Je vais maintenant procéder au troisième vote. Je mets maintenant aux voix les amendements proposés par M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aux articles 9, 11, 13, 15, 16, 17, 18, 20, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36 et 37; l'amendement proposant que la section II du chapitre III devienne la section I et l'amendement à l'article 44; l'amendement proposant que la section III du chapitre III devienne la section II. Si vous me le permettez, je continue: les amendements aux articles 47, 48, 49, 52, 53, 56, 59, 60, 61, 64, 66, 67, 68, 72, 74, 75, 76 et 78, 81, 82, 83, 90, 92, 94, 95, 96, 100, 102, 103, 104, 105, 110, 112, 115, 116, 117, 120, 122, 124, 126, 128, 129, 131 et 134, l'amendement proposant de remplacer...

Je suis obligé de respecter le règlement de cette Assemblée et je me dois d'en faire la lecture. Alors, l'amendement proposant de remplacer, partout où elle se trouve dans le texte anglais, l'expression "work income supplément program for parents" par "parental wage assistance program" et l'amendement proposant la renumérotation des articles ajoutés, à savoir les articles 18.1, 22.1 et 34.1; le nouvel intitulé inséré avant l'article 52; le nouvel intitulé inséré avant les articles 56 et les articles 66.1, 106.1, 114.1, 114.2, 114.3, 121.1, 122.1, 123.1, 126.1 et enfin 128.1. Que ceux et celles qui sont pour ces amendements veuillent bien se lever.

M. Gendron: M. le Président, j'ai une remarque à faire. Cela montre combien c'est un peu ridicule, une telle procédure. Au-delà de ça, vu que les critiques sont au courant de ce que

ça signifie plus que nous, ce que je suggère, c'est qu'on adopte ce vote de la même façon qu'on l'a fait au premier vote.

Le Président: Les amendements sont adoptés. Je vais maintenant procéder au quatrième vote.

M. Gendron: Sur division.

Le Président: Oui, oui, ils sont adoptés sur division. Oui, oui, vote inversé. M. le chef de l'Opposition, il apparaît au Journal des débats que le premier vote a été contesté. C'est l'inverse du premier vote. Je comprends que c'est adopté sur division.

M. Gendron: M. le Président... Le Président: Adopté sur division. M. Gendron: Non.

Mise aux voix des articles du projet de loi

Le Président: Cela va, cela va, adopté sur division.

Je mets maintenant aux voix tous les articles du projet de loi 37 qui n'ont pas été adoptés en commission et qui ne sont pas amendés. Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever.

M. Gratton: M. le Président, je suggère qu'on les adopte sur division par le même vote.

Le Président: Le quatrième vote est adopté sur division. C'est comme le premier vote enregistré.

Alors, cinquième vote, si vous me le permettez. Je mets maintenant aux voix tous les articles du projet de loi de 1 à 134, ainsi que le titre et les sous-titres tels qu'ils apparaissent au projet de loi et au rapport de la commission et tels qu'ils ont été amendés par le vote précédent. Que ceux et celles qui sont pour ce cinquième vote veuillent bien se lever.

M. Gratton: Le même vote.

Le Président: Le même vote. Adopté. Si vous me le permettez, je suspends immédiatement, pour deux minutes seulement, les travaux de cette Assemblée.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprise 11 h 17)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Je fais lecture du vote no 5. Que ceux et celles qui sont favorables au contenu du cinquième vote que j'ai mis aux voix tout à l'heure veuillent bien se lever.

M. Gendron: Est-ce que c'est le dernier vote, M. le Président?

Le Président: Voulez-vous que je le reprenne, pour le bénéfice de tout le monde étant donné que nous avons suspendu?

M. Gendron: Non, non, mais est-ce que c'est le dernier vote?

Le Président: Non, ce n'est pas le dernier vote.

M. Chevrette: On ne sait plus trop sur quoi on vote.

Le Président: Ce n'est pas le dernier.

M. Gendron: Alors, si ce n'est pas le dernier, même vote.

Le Président: Alors, adopté... M. Gendron: Cela va.

Le Président: ...tel que le premier vote pris au tout début. Adopté.

Mise aux voix du rapport de la commission chargée de l'étude détaillée du projet de loi

Le vote no 6, le dernier vote. Je mets enfin aux voix, tel que nous venons de l'amender, le rapport de la commission des affaires sociales qui a étudié en détail le projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu.

Que ceux et celles qui sont favorables veuillent bien se lever.

M. Gendron: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président: Alors, que ceux et celles qui sont favorables veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent), Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprai-rie), Marx (D'Arcy McGee), Pagé (Portneuf), Le-vesque (Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Aca-die), MM. Bourbeau (Laporte), Rivard (Rosemont), Séguin (Montmorency), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mmes Gagnon-Tremblay (Saint-François), Robic (Bourassa), MM. MacDo-nald (Robert Baldwin), Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont), Paradis (Brome-Missisquoi), Mme

Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Vaillan-court (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Philibert (Trois-Rivières), Blackburn (Roberval), Lefebvre (Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Doyon (Louis-Hébert), Sirros (Laurier), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapé-dia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Polak (Sainte-Anne), Trudel (Bourget), Kehoe (Chapleau), Ger-vais (L'Assomption), Baril (Rouyn-Noranda-Témis-camingue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Iles), Thérien (Rousseau), Tremblay (Iber-ville), Théorêt (Vimont), Mme Bleau (Groulx), M. Bradet (Charlevoix), Mme Dionne (Kamouras-ka-Témiscouata), MM. Farrah (îles-de-la-Made-leine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'lslet), Gobé (Lafontaine), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier), Audet (Beauce-Nord), Leclerc (Taschereau), Hétu (La belle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil (Beauhar-nois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chau-veau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Thu-ringer (Notre-Dame-de-Grâce), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Saint-Roch (Drummond), Mme Hovington (Matane).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Chevrette (Jo-liette), Gendron (Abitibi-Ouest), Perron (Duples-sis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Biais (Terrebonne), Garon (Lévis), Charbonneau (Ver-chères), Mme Juneau (Johnson), MM. Jolivet (La-violette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Tail-lon), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré (Shefford), Boulerice (Saint-Jacques), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Harel (Mai-sonneuve), M. Rochefort (Gouin).

Le Secrétaire: Pour: 84

Contre: 18

Abstentions: 0

Le Président: Le rapport de la commission des affaires sociales, tel qu'amendé, qui a étudié en détail le projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu, est adopté.

Nous continuons maintenant les affaires courantes.

Motions sans préavis.

MM. les députés et Mmes les députées, j'aimerais pouvoir faire l'appel des motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: M. le Président, j'avise l'Assemblée qu'aujourd'hui après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'éducation poursuivra l'étude détaillée des projets de loi suivants: 107, Loi sur l'instruction publique et 106, Loi sur les élections scolaires.

Après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 90, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances des municipalités et des organismes intermunicipaux.

De 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives.

De 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les sociétés de placements dans l'entreprise québécoise; projet de loi 79, Loi modifiant la Loi sur l'établissement par SIDBEC d'un complexe sidérurgique.

De 20 heures à 24 heures à la même salle, la même commission poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur les forêts. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Si vous me le permettez, je vous avise que la commission des institutions se réunira aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, afin de procéder à la vérification des engagements financiers relevant de la compétence du premier ministre.

Ceci met fin aux avis touchant les travaux des commissions. Nous allons donc passer maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Il n'y en a pas. Si vous me le permettez, je vous avise que ce matin, à 11 h 45, au cabinet du lieutenant-gouverneur, il y aura sanction de projets de loi.

Cela dit, les affaires courantes sont maintenant terminées. Nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, si vous voulez bien appeler l'article 60 du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 99 Adoption

La Vice-Présidente: À l'article 60 de notre feuilleton, le ministre de l'Environnement propose l'adoption du projet de loi 99, Loi modifiant la

Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives. Je reconnais M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Mme la Présidente, je n'aurai pas d'intervention à faire. J'aurais voulu proposer l'adoption du projet de loi.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Environnement.

M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Mme la Présidente, nous agréons à la présentation de la troisième lecture. Alors, nous sommes d'accord.

La Vice-Présidente: Donc, je déclare le débat terminé. Est-ce que le projet de loi 99, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, l'article 59, s'il vous plaît.

Projet de loi 89 Adoption

La Vice-Présidente: À l'article 59, le ministre du Tourisme propose l'adoption du projet de loi 89, Loi modifiant la Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. M. le ministre du Tourisme.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Très brièvement, Mme la Présidente. On se rappellera que, lors de l'étude détaillée de ce projet de loi 89, l'Opposition m'avait demandé - et je m'étais engagé à le faire - de vérifier si certaines sociétés d'État ou d'autres organismes publics avalent, dans leur loi constitutive, des dispositions qui les obligeaient à faire rapport de déclarations d'intérêts de membres des conseils d'administration qui pouvaient les mettre en conflit avec les intérêts de la société d'État ou de l'organisme en question. J'ai donc fait exécuter un repérage informatique par le ministère de la Justice pour constater qu'aucune loi constituant une société d'État ne prévolt que cette société doit mentionner dans son rapport annuel les déclarations de conflit d'intérêts de ses membres.

De plus, nous avons essayé de savoir si, sans obligation, les sociétés pouvaient parfois, à leur gré, inclure dans leur rapport annuel de telles mentions. Après vérification d'une dizaine de rapports annuels de sociétés d'État, nous avons constaté qu'aucune d'elles ne faisait de telles mentions.

Dans ces circonstances, j'ai donc agréé et donné suite à une autre suggestion qui m'avait été faite par l'Opposition, celle de faire prévoir dans les règlements de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie une disposition qui obligerait l'institut à faire rapport au ministre responsable, c'est-à-dire le ministre du Tourisme, de telles déclarations. J'ai expédié une demande écrite en ce sens que je me permets de lire pour que ce soit au dossier. Je l'ai fait parvenir à M. Pierre Brodeur, président par intérim du conseil d'administration et directeur général de l'institut. Elle se lit comme suit: "Pour faire suite aux représentations effectuées lors de l'adoption du principe du projet de loi 89, ainsi qu'au cours de la commission plénière sur le sujet, j'aimerais qu'on apporte une modification au projet de règlement no 1 de la Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. Cette modification devrait prévoir une disposition vous obligeant à me faire rapport lorsqu'un membre du conseil d'administration vous avise par écrit, tel que la loi le stipule, qu'il désire s'abstenir de participer à une délibération afin d'éviter d'être en conflit d'intérêts, tel que décrit à l'article 15 de la Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec". Salutations d'usage, et j'ai signé comme ministre du Tourisme.

Mme la Présidente, je pense donc que cela pourra, tout au moins, assurer que toute déclaration d'intérêts qui pourraient entrer en conflit avec les intérêts de l'institut et d'un membre du conseil d'administration devra obligatoirement être communiquée au ministre du Tourisme qui pourra, à ce moment-là, en répondre devant l'Assemblée nationale et à la population en général. J'espère donc que cette disposition satisfera l'Opposition et que nous pourrons ainsi adopter le projet de loi 89 qui, on se le rappelle, vise à permettre qu'une personne qui a un intérêt dans le domaine de l'hôtellerie, du tourisme ou de la restauration puisse être président du conseil d'administration puisqu'il s'agit maintenant d'un poste à temps partiel. (11 h 30)

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Tourisme. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Mme la Présidente, il me fait plaisir de voir que le ministre a pu répondre à nos préoccupations. Et je crois, comme il l'a exposé, que nous aurons le loisir de lui poser les questions à cet effet, si jamais le fait se présente, lors de l'étude des crédits du ministère du Tourisme. Nous étions tout à fait d'accord avec le ministre pour choisir la personne la plus compétente possible dans le domaine de l'hôtellerie comme président du conseil d'administration. Mais encore là, autant pour le nouveau président qui sera nommé à ce poste, on demandait que cette personne ne soit pas susceptible d'être en

conflit d'intérêts de quelque façon que ce soit ou qu'on mette en doute sa réputation parce qu'il va de soi qu'il est important pour cette personne de maintenir sa réputation quand on sait que, généralement, les postes que ces gens occupent sont du bénévolat. Donc, il ne faudrait pas imposer plus qu'il n'en faut de mesures coerci-tives vis-à-vis de ces personnes.

Nous sommes satisfaits quant à la réponse du ministre sur ce dossier. Évidemment, ce que nous trouvons un peu regrettable c'est qu'au mois de juin, lorsqu'il a présenté son projet de loi, cela aurait dû être fait tel que convenu à ce moment-là. Il aurait pu être un peu plus prévisible puisqu'on connaissait déjà la personne qu'on voulait nommer. Mais j'ose espérer que dans l'avenir nous n'aurons pas toujours à faire des projets de loi qui répondent à des objectifs ou à des impératifs des personnes qu'on voudra nommer à des postes au conseil d'administration. Compte tenu de cette situation-là, nous espérons aussi que les personnes qui seront nommées au conseil d'administration de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec répondront aux aspirations et aux attentes de l'ensemble des gens du domaine de l'hôtellerie, favoriseront le rayonnement de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie et permettront justement que cette réputation se fasse autant au Québec qu'intemationalement.

Mme la Présidente, je vous en remercie et j'ose souhaiter bonne chance aux membres du conseil d'administration. Je les assure de la collaboration de l'Opposition.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Il n'y a pas de réplique? Le débat est terminé. Est-ce que le projet de loi 89, Loi modifiant la Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je vous prierais maintenant d'appeler l'article 45 du feuilleton.

Projet de loi 37 Adoption

La Vice-Présidente: À l'article 45 de notre feuilleton, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu propose l'adoption du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. Là-dessus, je suis prête à vous reconnaître, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. André Bourbeau M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente.

Depuis que le gouvernement a rendu public à l'automne 1987 le document d'orientation intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu" beaucoup de choses ont été dites à propos de la réforme de l'aide sociale. La politique de sécurité du revenu a donné lieu à d'importants débats marqués le plus souvent par la passion, l'analyse partielle et diverses formes de partisanerie. Il fallait s'y attendre. À chaque fois qu'un gouvernement veut modifier un tant soit peu un programme social, il soulève inévitablement la suspicion et il déclenche une certaine mobilisation des groupes sociaux. Au fil des ans, notre régime démocratique a développé ce genre de réflexes conditionnés.

Aujourd'hui, Mme la Présidente, nous franchissons le dernier pas de la longue marche qui nous conduit à l'adoption de la nouvelle Loi sur la sécurité du revenu. Il serait peut-être indiqué de profiter de cette ultime étape de la troisième lecture du projet de loi 37 pour décanter les principaux arguments invoqués à l'encontre de la réforme de l'aide sociale. On pourrait ainsi isoler les objections de leurs connotations émotives et passionnées qui déforment la réalité et prêtent à cette réforme des allures de croisade et de guerre de tranchées. Je vous propose, Mme la Présidente, de regarder un peu les griefs formulés à l'endroit de la politique de sécurité du revenu et de voir si le projet de loi amélioré par les derniers amendements justifie les critiques qui nous sont adressées. Je tiens à ce que la sérénité préside à ce débat parce que les 555 000 personnes qui dépendent actuellement de l'aide sociale doivent être rassurées sur la portée réelle de la réforme et sur la nature des changements que le nouveau régime de la sécurité du revenu introduit.

Je ne m'étonne pas outre mesure que certains groupes sociaux soient plutôt insatisfaits de la réforme. L'aide sociale, c'est un peu comme la santé ou l'éducation; théoriquement, les besoins peuvent être illimités. Même si on doublait le budget de l'aide sociale, il s'en trouverait encore pour dire que nous manquons de compassion et de générosité. Je comprends ces réactions et je souscris aux nobles idéaux qui, souvent, les inspirent. La lutte à la pauvreté et le combat pour l'intégration sociale des plus démunis représentent en effet des causes louables et humainement valorisantes, auxquelles les sociétés doivent consacrer le maximum d'efforts.

Évidemment, la mesure de cet effort relève de l'appréciation personnelle et, donc, de la subjectivité. Comment savoir si on est assez généreux? Deux éléments nous ont guidés: d'abord, les besoins essentiels d'une personne seule ou d'une famille que nous devons satisfaire afin d'éviter que ces ménages ne sombrent dans la misère; d'autre part, la nécessité de préserver l'incitation au travail. Il faut éviter, en effet, que le nouveau régime de la sécurité du revenu n'exerce un pouvoir d'attraction pour les travailleurs à faible revenu ou encore pour les étu-

diants. S'il fallait, Mme la Présidente, que le nouveau régime incite les gens à quitter le travail ou à cesser de se chercher un emploi ou qu'il décourage les jeunes à entreprendre ou à poursuivre des études postsecondaires, nous aurions pour ainsi dire perverti la générosité sociale. Sous prétexte de générosité, on n'a pas le droit de rompre les grands équilibres de notre société.

Passons maintenant en revue, si vous le voulez bien, les plus célèbres objections à la réforme de l'aide sociale. On a dit d'abord que le nouveau régime de la sécurité du revenu signifierait l'appauvrissement des clients de l'aide sociale. Le gouvernement n'a pas entrepris la réforme de l'aide sociale pour réaliser des économies sur le dos des pauvres. Au contraire, la réforme coûte et coûtera plusieurs dizaines de millions de dollars de plus à l'État. Cette simple constatation devrait dissiper les intentions malveillantes qu'on nous prête. Et qui bénéficiera des ressources additionnelles que nous injectons dans le régime de la sécurité du revenu? En premier lieu, les jeunes de moins de 30 ans qui seront enfin traités sur le même pied que tout le monde et pour qui nous mettrons fin à la discrimination qui les frappe injustement. Il y a aussi les personnes malades, les invalides et les gens qui souffrent d'un handicap physique ou mental d'une certaine gravité qui recevront dans le nouveau régime une prestation correspondant mieux à leur état et aux contraintes sévères auxquelles leur condition les soumet invariablement. (11 h 40)

Les familles avec enfants, en particulier les familles monoparentales, verront ainsi leur sort s'améliorer dans la mesure où nous tiendrons compte du coût du logement. Dans la détermination du montant de l'aide sociale, contrairement à ce qui a été véhiculé, les quelque 200 000 personnes aptes au travail ne subiront pas de baisses généralisées de leurs prestations mensuelles. Pour eux aussi, la réforme apporte une nouvelle lueur d'espoir et elle représente un encouragement dans la voie de leur indépendance et de leur réinsertion en emploi.

Le nouveau régime de la sécurité du revenu vient en aide de façons diverses aux personnes aptes au travail. Il augmente, en premier lieu, les exemptions pour gain de travail, c'est-à-dire les revenus que peut percevoir un bénéficiaire sans que sa prestation ne soit coupée. Ces exemptions passeront de 25 $ par mois à un montant pouvant varier de 54 $ à 140 $ par mois selon que la personne participe ou non à des programmes destinés à faciliter son intégration à court ou à moyen terme au marché du travail. Pour aider les personnes aptes au travail, nous allons aussi augmenter significativement les budgets alloués aux programmes de scolarisation, de formation professionnelle, d'apprentissage, de stages en milieu de travail, de bons d'emploi et de travaux communautaires. Nous allons aussi diversifier l'éventail des programmes de formation que les fonctionnaires appellent les mesures de développement de l'employabililté afin de satisfaire la demande de tous ceux qui souhaitent améliorer leurs chances d'accéder ou de retourner au marché du travail. La réforme prévoit, en outre, des majorations de prestations pour tous les bénéficiaires qui participeront à de telles activités.

Enfin, pour venir en aide aux personnes aptes au travail, nous avons la ferme intention d'aller au-delà des programmes d'action positive. Nous mettrons incessamment sur pied un vrai programme d'aide à l'emploi. Nous répondons en cela à une autre critique adressée à la réforme de l'aide sociale, selon laquelle nous ferions tourner en rond les bénéficiaires dans des mesures de développement de l'employabilité qui ne déboucheraient pas sur des emplois. Avec le programme de subvention salariale, nous donnons un coup de pouce additionnel aux personnes aptes au travail qui préfèrent accéder à un emploi plutôt que de s'engager dans une activité de formation.

Les emplois subventionnés permettront également d'établir la jonction entre la formation et le marché de l'emploi. Même si l'idée d'un programme d'aide à l'emploi destiné aux prestataires de la sécurité du revenu a été généralement bien accueillie par la population, il fut dénoncé en termes assez virulents par certains groupes qui y voient la constitution d'une réserve de main-d'oeuvre à bon marché. Ces accusations relèvent, Mme la Présidente, de la fantaisie la plus grotesque. Il faut réaliser que les personnes qui occuperont un emploi subventionne en vertu du programme vont, pour la plupart, quitter l'aide sociale. Ces personnes vont réellement quitter l'aide sociale et elles deviendront des salariés de ces municipalités, du ministère, de l'organisme communautaire ou de l'entreprise privée qui les engageront. Ces personnes seront soumises aux conditions de travail et aux taux de salaire prévalant à l'endroit où elles seront engagées, compte tenu, bien sûr, de leurs compétences. Il ne s'agira pas de travailleurs de deuxième classe. Dans les cas où la personne aura besoin d'une période de rattrapage ou d'acclimatation au marché de l'emploi, elle pourra être considérée comme apprenti et toucher une rémunération en conséquence qui ne pourra, de toute façon, jamais être inférieure au taux du salaire minimum. Il n'y a donc pas lieu de lancer des cris d'alarme à propos d'un programme d'aide à l'emploi dont l'unique but est d'orienter les prestataires de la sécurité du revenu aptes au travail vers le marché du travail.

On nous prête également l'intention de profiter de ce programme d'aide à l'emploi pouf généraliser les coupures de prestations. Il est donc important de préciser ici les situations où un bénéficiaire subira une réduction de sa prestation.

Dans le nouveau régime de la sécurité du revenu, les personnes qui ne manifesteront aucun intérêt à améliorer leurs chances d'accéder un jour au marché du travail recevront la prestation de base qui se situe à 420 $ par mois pour une personne seule. Dans le régime actuel, cette personne reçoit 487 $ par mois. Dès qu'il demandera de participer à un programme de formation, à un stage, à des travaux communautaires ou qu'il sollicitera un emploi, le bénéficiaire sera assuré de maintenir le niveau actuel des prestations. S'il participe réellement à de tels programmes, sa prestation passera de 487 $ à 520 $ par mois. Au-delà de la structure des barèmes, nous ne pouvons pas administrer de sanctions financières aux personnes qui refusent de participer à un programme de scolarisation, de formation ou d'acquisition d'habitudes de travail. Ces pénalités ne sont pas autorisées en vertu du Régime d'assistance publique du Canada, régime fédéral qui défraie 50 % des dépenses de l'aide sociale des provinces. Mais il en va tout autrement, cependant, pour les situations de refus d'occuper un emploi. Les Législatures provinciales et les gouvernements de plusieurs pays ont adopté des dispositions législatives qui leur permettent de réduire ou d'annuler l'aide sociale lorsque la personne abandonne sans raison valable un emploi qu'elle est capable d'occuper ou encore refuse un emploi qui lui est offert. On a alors affaire à quelqu'un qui, délibérément, décide de vivre aux crochets de l'État.

L'actuelle Loi sur l'aide sociale du Québec prévoit que le ministre peut réduire les prestations dans les situations de ce genre. Les personnes qui refusent un emploi voient leur prestation mensuelle réduite de 50 $ par mois pendant six mois. La réduction est portée à 100 $ en cas de récidive pendant la même période de six mois, et tout ça, dans le régime actuel. Je tiens à préciser qu'il s'agit d'une infime minorité des prestataires de la sécurité du revenu. Actuellement, environ 1600 personnes sont touchées par ces mesures, soit moins de 1 % des bénéficiaires aptes au travail.

Dans le nouveau régime de la sécurité du revenu, nous renforçons ces dispositions. Le prestataire qui refuse un emploi subira une réduction de 100 $ par mois du montant de l'aide qui lui est accordée et ce, pendant un an. Si, pendant cette période, il refuse un deuxième emploi, sa prestation sera réduite d'un montant additionnel de 100 $ par mois pendant douze mois. Nous prendrons toutes les précautions d'usage afin que ces cas de refus correspondent à des emplois que peut occuper le bénéficiaire et qui sont situés à une distance raisonnable de son lieu de résidence. Ces mesures ne s'adressent qu'aux personnes qui abusent du système. Mme la Présidente, nous avons le devoir de leur signifier que l'État ne peut pas subvenir à perpétuité aux besoins des personnes en bonne santé qui refusent un emploi rémunéré. Je signale enfin que nous avons pris soin de ne pas pénaliser le conjoint et les enfants de ces personnes dans l'administration des sanctions financières.

À propos des réductions de 85 $ par mois que nous appliquerons aux bénéficiaires qui partagent le logement, d'aucuns ont prétendu qu'il s'agissait d'une trouvaille qui nuirait à l'entraide entre des gens mal pris. L'idée n'est pourtant pas nouvelle. Dans le régime actuel, celui qui habite chez ses parents ou chez l'un de ses enfants voit sa prestation mensuelle réduite de 85 $ par mois. Cette disposition s'applique même à l'égard des personnes handicapées. Dorénavant, le critère du partage du logement sera étendu à toutes les situations de cohabitation, sauf lorsqu'une personne inapte au travail partage son logis. (11 h 50)

Demandons-nous, Mme la Présidente, si cette mesure soulève des problèmes d'équité. Le partage du logement a pour effet premier d'accorder le même traitement aux couples mariés qu'aux conjoints de fait. Il est bien connu, en effet, que la prestation d'un couple ne correspond pas à l'addition des prestations de deux célibataires. Présentement, un écart de 200 $ par mois sépare les montants alloués dans l'une et l'autre des situations. Il me semble donc que l'équité serait plutôt mal servie si on négligeait de tenir compte des économies réelles occasionnées par la cohabitation. On ne serait pas très corect, non plus, à l'égard des familles avec enfants qui devraient consacrer au logement une part beaucoup plus substantielle de leurs ressources que deux personnes qui cohabitent. C'est précisément par souci d'équité que non seulement nous appliquons les dispositions concernant le partage du logement, mais que nous augmentons par une allocation au logement le montant d'aide accordée aux familles dont le coût de logement dépasse la moyenne. Il m'apparaît donc que la boucle est bouclée et que les griefs relatifs à l'iniquité ne résistent pas à l'analyse ni à la véracité des faits.

De la contribution alimentaire parentale imputée à certains bénéficiaires pendant une période maximale de trois ans, on a affirmé qu'elle serait inapplicable et qu'elle aurait pour effet d'attiser les conflits familiaux. Pour ce qui est des difficultés administratives de l'application du concept de la contribution alimentaire parentale, je me contenterai de dire que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science gère cette donnée depuis longtemps et qu'il réussit à l'administrer fort convenablement. Nous avons l'intention de nous inspirer de l'expérience acquise au service des prêts et bourses.

Quant aux conflits familiaux, si déplorables soient-ils, ils font hélas partie de la réalité d'aujourd'hui pour une petite minorité de familles. Il est pour le moins excessif de prédire que ces situations conflictuelles vont se généraliser du simple fait que l'État rappelle aux parents, par la politique de sécurité du revenu, que leur responsabilité à l'égard de leurs enfants peut

continuer après l'âge de 18 ans. Mais il ne faut pas sous-eslimer pour autant l'importance, j'allais dire la gravité, de certaines situations de rupture entre un jeune adulte et ses parents. Nous ne devons pas abandonner à la rue, à titre d'exemple, le fils d'un médecin en conflit avec son père, sous prétexte que ses parents peuvent subvenir à ses besoins essentiels. Non, nous allons accueillir cette personne à la sécurité du revenu. Mais nous allons nous organiser, par ailleurs, pour que les parents paient sous une autre forme la contribution alimentaire parentale que nous leur imputons. Il n'est pas question d'inciter les gens à intenter des poursuites contre leurs parents. Dans les cas extrêmes, nous prendrons les recours à la place des personnes qui devraient normalement recevoir la contribution alimentaire parentale. Enfin, il convient peut-être de souligner ici que les dispositions du projet de loi sur la sécurité du revenu relatives à la contribution alimentaire parentale touchent au plus 12 000 personnes qui n'ont pas terminé leurs études universitaires, n'ont pas pendant deux ans vécu ailleurs que chez leurs parents et subvenu seuls à leurs besoins, ne sont pas mariés ou ne vivent pas maritalement et n'ont pas d'enfant.

La dernière crainte qu'on a voulu répandre à l'égard de la politique de sécurité du revenu est qu'elle serait implantée dans la bousculade et la précipitation. J'affirme au contraire, Mme la Présidente, que nous accorderons à la fois aux 336 000 ménages bénéficiaires et aux 2000 agents de l'aide sociale le temps nécessaire pour passer, de façon harmonieuse, du régime actuel à celui de la sécurité du revenu, c'est-à-dire le nouveau régime.

J'aurai l'occasion, dans les prochains jours, de préciser les modalités d'implantation de la réforme de l'aide sociale. Qu'il me soit permis de dire immédiatement que, pendant au-delà d'un an, les droits acquis des prestataires de l'aide sociale seront scrupuleusement préservés. Cela signifie que, pendant toute l'année 1989 et même un peu au-delà, aucune personne inscrite à l'aide sociale à une période donnée ne subira une réduction de sa prestation à cause des éléments de la nouvelle politique de sécurité du revenu; tout le monde aura le temps de voir venir.

D'autre part, à compter de janvier prochain, tout le personnel du ministère affecté à l'administration du régime de l'aide sociale participera à des sessions de formation afin de pouvoir comprendre et expliquer les concepts du régime de la sécurité du revenu et ses modalités d'application concrète. Ce n'est qu'après cette phase essentielle de la formation du personnel que nous implanterons définitivement la nouvelle politique de sécurité du revenu.

Non, Mme la Présidente, nous ne bousculerons pas les personnes pour qui la sécurité du revenu représente, comme il se doit d'ailleurs, l'aide de dernier recours. La politique de sécurité du revenu change la dynamique de l'aide sociale en misant sur la volonté et la capacité des milliers de bénéficiaires aptes au travail d'occuper un emploi productif et valorisant. Cette politique va initier ces personnes à développer ou à maintenir des habitudes de travail, condition essentielle à leur intégration sociale. Il est bien connu que la dépendance de l'État, dès qu'elle dépasse quelques mois, comporte des risques grandissants de dérapage social, allant de la perte de la confiance en soi à l'enlisement progressif dans la passivité, en passant par divers problèmes de comportement. L'immense majorité des bénéficiaires aptes au travail tiennent résolument à éviter cette pente glissante de la dépendance et à sortir le plus rapidement possible d'un système qui peut être indispensable à court terme, mais qui ne saurait constituer pour eux un mode de vie.

Je suis impressionné par le courage de ces personnes qui cherchent à reconquérir le marché du travail, qui puisent dans leur dignité la force de s'inscrire à des activités de formation, de recylage et d'apprentissage. C'est pour ces milliers de personnes désireuses de faire oeuvre utile que le régime de ta sécurité du revenu prévoit une intensification des programmes de formation sous diverses formes et un programme spécifique d'aide à l'emploi. Nous sommes de ceux qui croient fermement que, si l'on peut aider les personnes aptes au travail en leur donnant le poisson par lequel elles peuvent se nourrir, on peut les aider bien davantage en leur montrant à pêcher ou en faisant en sorte qu'elles ne le désapprennent pas. Le respect de la dignité des bénéficiaires de la sécurité du revenu passe par cette foi en leur capacité, par cette volonté de préserver avant toute chose l'autonomie de ces personnes.

Voilà le sens premier et le défi de la réforme de l'aide sociale. J'en appelle donc, Mme la Présidente, à la mobilisation des forces actives de la société afin que la lutte pour l'autonomie et la dignité des prestataires de la sécurité du revenu devienne une préoccupation permanente et qu'elle reflète le sens de la générosité dont la société québécoise a donné tant d'exemples dans le passé. Je sais bien qu'au cours de la dernière année, sous l'effet du débordement des passions que le projet de la réforme de l'aide sociale a provoqué, on a semé le doute, la crainte et aussi, hélas, la méfiance. Maintenant que la réforme est presque adoptée, il faut s'empresser de refaire les semailles, parce que les prestataires méritent de récolter la vérité, la sérénité et la confiance. En effet, quand on analyse objectivement les appréhensions véhiculées à l'égard de la politique de sécurité du revenu, on se rend compte qu'elles sont fausses et erronées, qu'elles s'appuient sur une version antérieure du projet de politique et du projet de loi ou qu'elles sont carrément excessives. (12 heures)

Rien dans cette réforme ne justifie la fureur des slogans qu'elle semble avoir inspirée.

Au contraire, le nouveau régime de la sécurité du revenu accroît substantiellement et sous des formes beaucoup plus diversifiées l'aide accordée aux prestataires. Il renforce indiscutablement l'équité du système et instaure une dynamique nouvelle à l'aide sociale. C'est donc, Mme la Présidente, avec fierté que je vous demande de soumettre à l'approbation des membres de l'Assemblée nationale le projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu.

Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à élaborer cette politique et à l'améliorer sous diverses formes, de leur contribution positive à cette oeuvre sociale. Je me fais leur porte-parole pour affirmer ici que, par cette politique de sécurité du revenu, nous répondons à l'appel pressant de nos concitoyens qui espèrent depuis longtemps que leur gouvernement aura le courage d'adopter semblables politiques. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Une voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je reconnais maintenant Mme la députée de Maison-neuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. En écoutant le ministre, je me disais encore une fois qu'il devait vivre bien isolé pour ne pas réaliser que la mobilisation des forces actives de la société québécoise présentement se manifeste contre le projet de loi 37. Au moment même où on se parle, à cette heure-ci, à Montréal sont réunies des centaines d'organisations qui recueillent de la nourriture pour nos concitoyens les plus démunis et qui ont décidé de partager un repas commun pour sensibiliser l'opinion publique à la réalité de la pauvreté qui va évidemment aller en s'accroissant, compte tenu des conditions qui seront faites à un très grand nombre d'entre eux avec le projet de loi 37.

Les propos bienveillants du ministre arrivent malheureusement bien tard, Mme la Présidente. Cette méfiance dont il a parlé, il doit se rendre compte que c'est lui-même, son prédécesseur et son gouvernement qui l'ont créée par des propos enflammés sur les préjugés qu'une société entretient à l'égard de ceux et celles qui ne réussissent pas à mettre le pied dans la prospérité, envers ' ceux et celles qui ne sont pas des gagnants. Cette méfiance vient des propos que le ministre lui-même tenait immédiatement après sa nomination. J'ai fait un petit recueil de tous ses propos, je les ai enregistrés et je dois vous dire que ce n'était pas très édifiant.

Déjà, le prédécesseur du ministre, pendant les deux années et demie qu'il a occupé le poste, n'a jamais, à aucune occasion, parlé des personnes assistées sociales comme étant d'abord des chômeurs et des chômeuses, mais n'en avait parlé que pour laisser entendre qu'il y avait parmi eux et elles des fraudeurs.

Mme la Présidente, le ministre qui vient nous expliquer ce matin que son projet de loi est essentiellement un coup de main plutôt qu'un coup de pied, comme le pensent 1668 organisations, en décomptant le centre hospitalier Charies-LeMoyne, qui disent au ministre: Non, cette réforme est dangereuse. Une réforme sans consensus social, comment peut-on imaginer qu'elle peut apporter des fruits, qu'elle peut relever le défi dont la société québécoise a pourtant besoin à l'aube de l'an 2000?

Ces propos que le ministre tenait ont chauffé à blanc les préjugés dans notre société. Jugez-en vous-même. À l'émission "Autrement dit" du 13 septembre 1988, le ministre dit: Avec tout le respect qu'on doit à nosseigneurs les évêques, je peux quand même dire que nous sommes en période d'une certaine prospérité. Il y a des emplois actuellement sur le marché du travail. On importe les Mexicains en avion pour venir faire des travaux chez nous, ici. Il y a des travaux dans le Québec.

Qu'est-ce que vous pensez qu'une personne normalement constituée peut conclure des propos que le ministre tient à la télévision? Si on en importe et qu'on est en pleine période de prospérité et qu'il y en a ici, c'est que ce sont des fainéants, des paresseux, des gens qui ne veulent pas travailler.

Le journal Le Soleil, 9 septembre 1988: "Je suis loin d'être convaincu qu'il n'y a pas d'emplois - dit le ministre. Les employeurs ne savent pas, de façon générale, qu'ils peuvent employer des assistés sociaux à bon compte - on est loin des promesses qu'il nous a faites ce matin - en ce sens que l'État va prendre à sa charge une bonne partie de la facture." On va examiner quelles conséquences, quel impact négatif cela aura sur l'ensemble de la main-d'oeuvre non qualifiée, non protégée par des lois et des organisations du travail, et qui va se trouver en concurrence. C'est un marché de concurrence de l'emploi que le ministre va bientôt ouvrir, avec des emplois subventionnés - on y reviendra - en convertissant la prestation en subventions à l'entreprise. Alors, pour être embauché maintenant, il va falloir être assisté social, sinon l'entreprise n'aura pas la subvention. Il y a 300 000 hommes et femmes dûment inscrits comme chômeurs et chômeuses qui vont se trouver en concurrence avec les personnes aptes et disponibles qui seront tenues d'occuper ces emplois pour lesquels l'entreprise sera subventionnée.

Une autre fois, le 13 septembre, à la télévision, le ministre disait: Écoutez, vous êtes comme moi au courant qu'il y a des immigrés qui arrivent ici. Comment se fait-il qu'après quelques mois à l'aide sociale, tout à coup, ils sont devenus très à l'aise financièrement, eux qui ont commencé leur vie au bas de l'échelle en faisant les tâches les plus humbles? Je dis que

quelqu'un qui veut s'en sortir peut s'en sortir.

C'est le discours que le ministre tient depuis sa nomination, discours qui chauffe à blanc les préjugés dans notre société, préjugés qui, s'ils étaient le moindrement repris par sa collègue ministre de l'Immigration, feraient immédiatement l'objet d'une levée de boucliers dans notre société. Et pourtant, on sait qu'il y a des préjugés contre les nouveaux arrivants. On sait que certains de nos concitoyens pensent que ceux qui arrivent viennent voler les jobs de ceux qui sont déjà ici. Pensez-vous que l'Opposition ou le gouvernement tente d'alimenter ces préjugés pour pouvoir essayer de se justifier? On prend bien garde de ne pas tomber dans ce piège. Et pourtant, depuis trois ans, autant de la part prédécesseur du ministre que du ministre actuel, c'est malheureusement une campagne systématique menée sur le thème: Ils profitent de nous. Ces gens, au fond, profitent de nous. Il y a les vrais qui mériteraient l'aide et il y a ceux qui ne la méritent pas. Alors, on va séparer l'Ivraie du bon grain. Et c'est ce que le projet de loi 37 prétend faire.

Pour les vrais, remarquez que ce ne sera pas simple parce qu'il va falloir un certificat médical attestant d'une santé physique ou mentale altérée de façon significative, pour une durée indéfinie ou vraisemblablement permanente, associée à des caractéristiques socio-professionnelles faibles et ce, pour ceux qui le méritent. Imaginez! Et comme le disait bien le ministre en commission parlementaire, un travailleur de 58 ans, licencié à la suite d'une fermeture, avec une deuxième année faible, ne pourra pas se classer parmi ceux qui le méritent. Il ne sera pas dans la catégorie des méritants, parce qu'il n'aura pas ce certificat médical attestant d'une santé physique ou mentale altérée de façon significative pour une durée permanente ou indéfinie. (12 h 10)

Donc, ça c'est le bon grain, ceux qui vont pouvoir passer à travers les mailles resserrées que le ministre et son gouvernement ont assurées de façon bien étanche pour qu'il y en ait le moins possible qui soient admissibles. Mme la Présidente, nous avons déposé un amendement disant au ministre: Soyez conséquent. Le premier ministre lui-même à CKAC, et repris dans des communiqués qui émanent de son cabinet, déclare que ça va profiter aux personnes qui souffrent d'un handicap. Alors, nous avons dit au ministre: Acceptez notre amendement disant de compenser les coûts supplémentaires qui résultent d'un handicap physique ou mental et des limitations fonctionnelles qui surviennent à la suite d'un handicap. Vous savez le sort qui a été fait à notre amendement? Rejeté. Cela vaut pour les discours à la radio ou dans les communiqués, mais ce n'est pas bon pour des projets de loi. Mme la Présidente, il y a donc ceux ou celles qui le mériteraient et ceux et celles qui ne le méritent pas.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler que pour faire le bien, le ministre n'avait absolument pas besoin de son projet de loi 37. Tout dans la loi actuelle lui donne les pouvoirs réglementaires de relever les prestations pour les catégories de personnes, notamment les moins de 30 ans et les personnes qui auraient des contraintes sévères à l'emploi. Tout dans la loi actuelle permet au ministre de faire le bien et de ne faire que le bien. C'est évidemment pour d'autres raisons que le ministre a bousculé et précipité l'adoption du projet de loi 37. Je rappelle, contrairement à ce qu'on imagine souvent, que ça ne fait pas un an qu'on a le projet de loi 37 devant nous. Il a été déposé au mois de mai dernier; pas avant ou pendant la commission parlementaire, après la commission parlementaire où les groupes ont été entendus. C'est par dizaines que des organisations légitimes, sérieuses comme la Commission des services juridiques, le Conseil du statut de la femme, la Commission des droits de la personne, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux - j'y reviendrai - qui sera chargé de l'application et qui signale au ministre l'incohérence dans laquelle se trouvent actuellement ses orientations.... L'ensemble de ces organisations ont été obligées, aux mois de septembre et octobre, de déposer de nouveaux avis différents des mémoires qu'elles avaient déjà produits, puisque le projet de loi n'était pas le même que le document du prédécesseur du ministre, M. Paradis.

Donc, Mme la Présidente, le ministre n'avait pas besoin du projet de loi pour aider les personnes en difficulté mais il en a besoin pour faire le mal, pour introduire la contribution parentale, pour introduire un recours alimentaire qui va dorénavant amener le tribunal à fixer un montant de pension alimentaire qu'une famille va être tenue de verser à son enfant adulte. Belle façon de judiciariser des relations familiales, beau nid à chicanes! Le projet de loi 37 est nécessaire pour exclure totalement du petit barème, qui a soulevé tant de compassion quand l'Opposition était libérale, 8000 personnes de moins de 30 ans qui ne recevront même plus le petit barème et 4000 autres qui vont devoir vivre avec une prestation diminuée.

Le ministre dit: Ce sont seulement 12 000. 12 000 sur 38 000, sur le total de ceux qui recevaient le petit barème, c'est une personne sur trois. Et, de plus, Mme la Présidente, H faut ajouter celles qui vont voir dorénavant leur prestation diminuée de 85 $ par mois parce qu'elles partagent un logement. Le ministre sait très bien que la ville de Montréal chargée de l'application sur le territoire de Montréal lui a fait part que c'était là une mesure qui n'était pas socialement acceptable, que c'est une mesure qui va décourager l'entraide. L'Association des hôpitaux est venue devant la commission parlementaire nous expliquer que la très grande majorité des personnes qui se présentent dans les urgences, particulièrement les fins de semaine, sont des personnes qui souffrent de solitude et d'isolement, qui font des crises d'angoisse -

cela existe - et qui s'en vont dans les urgences parce qu'elles étouffent, parce qu'elles sont en train de vivre une situation qui a des effets sur leur santé. L'Association des hôpitaux a dit au ministre: II y a un coût qui sera payé, un coût économique qui sera payé en raison de l'afflux dans les urgences, des soins médicaux, des soins hospitaliers, de l'accroissement de la solitude et de l'isolement dans notre société.

Mme la Présidente, le ministre a préféré la voie puérile de la diversion en profitant des personnes les plus démunies comme alibi pour justifier ce qu'il fait en introduisant le projet de loi 37. Ce qui est le plus grave, évidemment, c'est d'avoir alimenté à ce point les préjugés à l'égard de ces personnes, comme si elles nous étaient étrangères. Pour lui, ce sont des personnes dont il faut se méfier, des personnes qui profitent de nous, des personnes qui ne participent pas à notre prospérité parce que, dans le fond, elles ne le veulent pas. Et c'est tellement facile, Mme la Présidente, parce que c'est vrai que, pour une partie, une fraction importante de notre société, ça va bien, ça va même de mieux en mieux. La génération qui vient considère qu'elle est encore mieux placée que celle qui l'a précédée, et ainsi de suite. Il y a certainement 60 % de la société québécoise qui vit dans un monde où les choses vont de mieux en mieux et qui ne comprend pas qu'il n'en soit pas ainsi pour tout le monde. Pourtant, Mme la Présidente, il y a une fraction importante de nos concitoyens pour qui - et je pèse bien mes mots - les choses vont de mal en pis, pour qui la situation se détériore et pour qui l'état de pauvreté s'aggrave.

Vous savez sans doute que depuis six ans, le revenu des familles avec jeunes enfants n'a pas sensiblement augmenté malgré la présence des deux conjoints sur le marché du travail. Le travail des femmes et des hommes consiste actuellement à maintenir ce qu'un seul revenu permettait de gagner il y a à peine cinq ou six ans. 54 % des personnes pauvres travaillent, 54 % de celles qui sont sur le marché du travail sont pauvres, c'est-à-dire que, parmi les pauvres, 54 % travaillent. C'est important qu'on rappelle cette réalité d'un marché du travail qui ne permet pas de satisfaire substantiellement aux besoins de sa famille. Maintenant, le problème - et c'est évidemment le problème de fond auquel un projet de loi aurait dû d'abord s'attaquer - c'est celui d'un marché du travail où vous avez beau travailler, mais où le salaire payé n'est pas suffisant pour simplement payer votre logement, votre alimentation minimale et vos frais de subsistance.

C'est évident que le problème est d'abord là. Avant de parler de redistribution, le premier problème de notre société, c'est la distribution et du travail et des revenus de salaire. Je vous rappellerai une donnée dont on parle très peu et jamais je n'ai entendu aucun des ministres qui se sont succédé depuis trois ans en parler. Une majorité des bénéficiaires de l'aide sociale, 61 % exactement, ne vient qu'une seule fois à l'aide sociale. C'est vraiment l'aide dont on a besoin parce qu'on est licencié d'une entreprise qui a fermé, parce qu'on est mis à pied d'un département qui introduit des changements technologiques. 61 % des personnes à l'aide sociale ne viennent qu'une seule fois et la moitié d'entre elles, pour moins de douze mois. Parmi les personnes aptes et disponibles, ces personnes qui ne sont pas méritantes et à qui il faut donner un bon coup de pied pour qu'elles se mettent à trouver de l'ouvrage dans un contexte où il y a toujours 10 % de chômage, la moitié ont plus de six années continues d'expérience de travail, le quart ont plus de 20 années continues d'expérience de travail. Et ce n'est pas peu de choses, Mme la Présidente, de constater que plus un travailleur a été longtemps sur le marché du travail, plus c'est difficile pour lui de se recycler et plus longtemps il reste sur l'aide sociale. (12 h 20)

Voyez-vous, le principal problème auquel le ministre ne fait jamais allusion, lui qui est aussi ministre de la Main-d'Oeuvre, c'est que, de plus en plus, la main-d'oeuvre n'est pas entièrement formée, n'a pas la formation réelle requise par les nouvelles exigences des emplois disponibles. Pour être col bleu, Mme la Présidente, il faut maintenant savoir lire des plans et, pour être caissière, il faut connaître les fonctions multiples de sa caisse enregistreuse associée à un ordinateur. On sait très bien qu'on est dans une situation où les emplois diminuent de façon substantielle dans le secteur primaire, dans les secteurs des mines et de l'agriculture qui n'exigeaient pas un très haut niveau de formation professionnelle et de scolarité. Les emplois diminuent substantiellement également dans le secteur secondaire. Pensons simplement à la fermeture des chantiers navals au Québec; pensons également à la fermeture de bien des entreprises dans le secteur de la fabrication. Pensons simplement à la petite bande perforée qui, en une heure, fait le travail qu'un métallo faisait en vingt heures.

L'accroissement des emplois dans notre société se fait actuellement dans le secteur tertiaire. Qu'est-ce que le ministre offre aux 500 travailleurs du chantier naval de la Vickers, à Montréal? D'aller travailler dans des services, à 58 ans de moyenne d'âge? Mme la Présidente, le problème est là. Le défi est considérable. Il consiste essentiellement à se responsabiliser en matières de formation professionnelle et de plein emploi.

J'entendais le ministre nous citer la situation en Suède et à Stockholm. On n'a qu'à penser qu'à Stockholm, le taux de chômage est de 1,7 %. Quand on sera dans une situation comme celle-là, le ministre pourra introduire ses mesures coercitives. Mais, tant qu'on n'y est pas, ce que le ministre fait, c'est livrer de la main-d'oeuvre comme un cheptel à des entreprises

sans que ces personnes puissent d'aucune façon avoir une autonomie à l'égard du choix. Elles devront se laisser assujettir aux conditions des milieux de travail dans lesquels elles se trouveront.

Pourquoi, à l'article 24 de son projet de loi, le ministre entend-il exclure de la protection du Code du travail, de la Loi sur les normes du travail, de la Loi sur les décrets de conventions collectives, de la Loi sur la fonction publique, les personnes participant à des mesures de soutien à l'emploi? À l'article 24, le ministre introduit un amendement. Imaginez-vous, Mme la Présidente, que dorénavant, il pourra - il ne se fait aucune obligation - dans le cas de certaines mesures, obliger les employeurs à consulter l'association de salariés légalement reconnue, non pas à s'entendre entre employeur et syndicat sur la mesure d'introduction de nouveaux employés dans l'entreprise, mais il pourra dire à l'employeur qu'il doit consulter l'association de salariés légalement reconnue. Quand on sait que, dans le secteur privé, à peine 20 % du secteur privé sont protégés par la présence d'associations syndicales légalement reconnues et que le ministre pourra simplement demander à l'employeur de les consulter, tout en constatant que, dans 80 % des cas, il n'y aura aucune mesure de ce genre, c'est grave, Mme la Présidente.

On a assisté à une sorte de manipulation de l'opinion publique. Imaginez-vous que le ministre prétend que le projet de loi est pour remettre du monde à l'ouvrage. Alors, quel ouvrage? Où et avec quelles personnes? Paraissait dans Le Nouvelliste un article qui a inquiété. Quand le ministre veut identifier les causes de l'appréhension, il n'a qu'à regarder le fonctionnement actuel des centres Travail-Québec. Le Nouvelliste, le jeudi 24 novembre. Je cite, Mme la Présidente. "Des bénéficiaires de l'aide sociale jugés aptes au travail ont eu la surprise de recevoir en plus de leur chèque mensuel, mais dans une enveloppe distincte, un avis rédigé à la main leur demandant de faire des démarches d'emploi. On a exigé jusqu'à dix démarches." Et d'expliquer le centre Travail-Québec, ces avis font partie du plan de relèvement. Ce sera évidemment sur une grande échelle dorénavant avec le projet de loi 37.

Et d'expliquer une bénéficiaire. "Ils envoient ça à tous ceux qui sont aptes au travail. Il faut trouver le nom de dix employeurs au cours du mois."

Évidemment, chaque avis devait contenir à la fois le nom, l'adresse et la signature de l'employeur. C'est un peu comme le professeur qui renvoie son étudiant faire signer ses billets d'absence par ses parents. Et je cite la prestataire: "On n'est pas capables de faire signer chaque employeur parce que ce sont leurs secrétaires qui nous reçoivent. Elles prennent les demandes et c'est tout. Elles disent qu'elles rappelleront. Alors, les assistés sociaux ont juste le nom et l'adresse, pas la signature de l'em- ployeur."

Et d'ajouter les représentants des groupes de personnes assistées sociales dans la région de Trois-Rivières: "Ça prend un secondaire V maintenant en plus d'une formation dans quelque chose. S'il faut trouver dix employeurs par mois, ça fait 120 employeurs par année pour chaque personne apte au travail. Il n'y aura jamais assez d'employeurs dans le Cap-de-la-Madeleine et pour ceux évidemment du grand Trois-Rivières."

Mme la Présidente, c'est comme si le ministre imaginait qu'une réforme, pourtant si essentielle... Je le dis avec toute la sincérité dont je suis capable, à l'aube de l'an 2000, oui, notre société est capable de solidarité. Cette solidarité suppose une formidable corvée de l'ensemble de la société pour se donner des objectifs de création d'emplois, de partage du travail par des aménagements d'horaires de travail différents. Mais ça suppose également une formidable révolution tranquille, 25 ans plus tard, en matière de formation professionnelle.

Le tiers des personnes qui bénéficient de l'aide sociale ont des problèmes d'alphabétisation... J'ai personnellement l'expérience d'un marchand de mon quartier sur la rue Ontario qui me racontait avoir voulu engager des personnes, femmes d'un certain âge, assistées sociales, mais qui avaient de la difficulté à faire les simples calculs nécessaires pour établir les factures de ventes.

Comprenez donc, Mme la Présidente, que pour le ministre, tout ça n'existe pas. Comme le disait si bien la Commission des droits de la personne sur le projet de loi 37: 'La perspective individualiste et culpabilisante - parce que dorénavant le ministre n'a plus de responsabilité à l'égard de la formation des personnes dont je viens de parler. Ce sont elles qui doivent se culpabiliser d'avoir vécu il y a plusieurs décennies, alors qu'une quatrième et une cinquième année suffisaient - la perspective individualiste et culpabilisante qu'adopte la réforme à l'égard de l'intégration des prestataires au marché du travail, l'aspect irréaliste de l'orientation retenue par le projet de loi, compte tenu de la situation économique générale, du taux de chômage élevé...".

La commission rappelle que cette difficulté à accéder au travail rémunéré est d'autant plus grande que les personnes assistées sociales subissent les effets de la discrimination. Si le ministre avait vraiment voulu faire une véritable réforme pour favoriser, faciliter l'intégration au marché du travail... Mme la Présidente, qu'on me permette de signaler que le ministre n'aurait pas pu faire pire que de dénigrer les personnes assistées sociales comme il le fait systématiquement depuis sa nomination et comme son gouvernement le fait systématiquement depuis trois ans. Même des agents des centres Travail-Québec me demandent: Comment voulez-vous maintenant qu'on puisse placer des personnes assistées sociales après cette campagne de dénigrement

que le ministre responsable d'eux a faite dans l'ensemble de l'opinion publique? Comment imaginer que les employeurs se précipitent à la suite de cette campagne négative, avec évidemment l'impact négatif qui est maintenant associé dès que quelqu'un dit être assisté social. (12 h 30)

II n'y a pas que la Commission des droits de la personne, évidemment. Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec chargé de l'application des dispositions en matière d'aide sociale disait ceci au ministre très récemment, en date de novembre 1988: L'absence de politique de sécurité du revenu crédible et surtout l'inexistence d'une politique de plein emploi font de la réforme de l'aide sociale proposée - ça, ce sont ceux qui sont chargés de l'appliquer qui le disent au ministre - un pis-aller visant à colmater les brèches, à diminuer les coûts pour l'État, sans égard aux conséquences sur les conditions de vie d'une partie importante de la population.

Il faut aussi comprendre, ajoute le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, qu'à long terme, une telle réforme aura des impacts sur les salariés, particulièrement dans les secteurs non spécialisés, par la pression à la baisse exercée sur les salaires. Et d'ajouter le Syndicat des fonctionnaires: II apparaît impossible que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu - et ils sont bien placés pour le savoir - puisse respecter les orientations proposées par la réforme vers un encadrement-conseil réel et efficace dans un contexte où le personnel est nettement insuffisant et où l'organisation du travail est axée sur un très grand morcellement des tâches. C'est en fait une assurance-quantité basée sur des quotas à atteindre dans chaque dossier. Ce sont des contrôles qui n'ont rien à voir avec la qualité. . Et d'ajouter le syndicat, Mme la Présidente: Une personne considérée apte au travail pourra rencontrer jusqu'à cinq intervenants ou intervenantes différents. Imaginez-vous. C'est, non seulement l'hypercatégorisation, c'est l'hyperbureaucratisation à la Main-d'Oeuvre et à la Sécurité du revenu. C'est évident que tout ça est extrêmement désolant, parce que le projet de loi 37 ne s'attaque pas au coeur même de ce qui est stratégique pour sortir les gens du piège de la pauvreté.

J'ai entendu bon nombre de députés minis-triels dans cette Chambre citer le livre blanc de Jacques Parizeau, du précédent ministre des Finances, comme ayant inspiré l'actuel gouvernement dans sa réforme. D'abord, il faut constater qu'ils l'ont lu de façon bien sélective. Évidemment, je n'ai pas à rappeler que la réforme qui était contenue dans le livre blanc coûtait 500 000 000 $ à 600 000 000 $, et c'était là l'évaluation de l'ensemble des personnes impliquées dans le dossier de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu. Pourquoi? Parce que ce livre blanc reposait sur une intégration des programmes de transfert et des programmes d'imposition. Cela a l'air d'être du chinois, mais c'est simple. Il s'agit simplement de se rendre compte que la marche à franchir est trop haute pour se sortir des prestations d'aide sociale, quand on commence sur le marché du travail à travailler dans un emploi mal rémunéré, surtout quand on a charge de famille. C'est comme une échelle à laquelle il manquerait plusieurs barreaux. Ce qu'on ferait, c'est qu'on tiendrait les personnes dans les barreaux inférieurs sans jamais leur donner le coup de pouce qui leur permettrait de monter, elles aussi, là où on partage la prospérité.

J'ai simplement à rappeler que le livre blanc précisait et je cite que "le virage, s'il doit avoir lieu ne saurait être entrepris que graduellement et devrait tenir compte des conditions du marché du travail et de la capacité des programmes de réinsertion d'absorber les personnes qui veulent y participer". Deux conditions qui ne sont pas remplies. On assiste à un détournement de livre blanc quand certains, particulièrement le député de Taschereau, viennent ici, en cette Chambre, prétendre que le gouvernement s'en est inspiré. S'il s'en est inspiré, qu'il retarde l'adoption pour au moins voir la nécessité de s'assurer des conditions du marché du travail et de la capacité des programmes, des mesures d'absorption.

Qu'en est-il à ce niveau-là, Mme la Présidente? Je n'ai pas à vous rappeler que, malgré six années de croissance continue, nous constatons toujours un taux de chômage de 9,5 % ou 10 % au Québec. Pour retrouver une période de croissance comme celle connue au cours des précédentes années, il faut retourner à 1973, quinze ans auparavant, avec une croissance à peu près équivalente, mais avec un taux de chômage de 6.7 %. Le gouvernement est content, il est satisfait, cela va bien. Plusieurs vont certainement nous dire que ça va suffisamment bien pour qu'on continue d'être contents. Qu'est-ce que ce sera quand ça va se mettre à ralentir? Avec un taux de chômage, quand ça va bien, de 9,5 % ou 10 %, est-ce qu'on va finir par s'habituer à une sorte de fatalité où, la prochaine fois, ça va être 12 % et, après ça, 15 %? Qu'est-ce que vous voulez, il n'y a pas de jobs pour tout le monde! Les petites jobs qu'il y a, on va obliger les gens à tourner en rond pour se les partager année après année, successivement, avec les programmes de conversion des prestations en subventions à l'entreprise.

Voyons si les programmes, si les mesures sont de nature à pouvoir absorber les personnes qui veulent y participer. Je pense bien que se poser la question, c'est y répondre. Au printemps dernier, d'un coup de baguette magique, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu voulait élargir à 200 000 ménages des mesures qu'il n'avait pas été capable d'offrir à plus de 17 % des moins de 30 ans. Il faut regarder simplement les tableaux statistiques des mesures pour se rendre compte qu'en matière de travaux communautaires et de stages en entre-

prise, entre 1985-1986 et 1986-1987, c'est la moitié moins de mesures qui ont été offertes; en 1985-1986, 15 000 participants dans les travaux communautaires, en 1986-1987, la moitié moins, autour de 7700. Ce sont exactement les mêmes baisses pour les stages en entreprise.

C'est un gouvernement qui a mis en place un scénario irréaliste. Ces mesures d'employabi-lité étaient pensées pour des jeunes de moins de 30 ans, sans expérience d'emploi, pour leur offrir une possibilité de s'occuper; il s'agissait de mesures occupationnelles. Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel ça s'est passé: une crise économique où les taux d'intérêt sont montés, au mois d'août 1982, jusqu'à 21 %. Les mesures mises en place dans un plan d'urgence sont des mesures occupationnelles d'employabilité - pas des emplois, comme le ministre a confondu par la suite - pour des moins de 30 ans leur permettant d'aller chercher la pleine prestation en y participant. Dans un scénario irréaliste, on élargit cela aux plus de 30 ans, dont certains ont plus de 20 années d'expérience continue sur le marché de l'emploi, dont la majorité a plus de six années d'expérience continue et a surtout besoin d'une vraie formation professionnelle. On élargissait cela à ces personnes. Cela a été tellement déconsidéré, au printemps passé, cette façon magique de penser les choses, que le ministre, quand il a été nommé, a été obligé de mettre ça de côté, c'est évident, parce qu'il n'y a pas un observateur le moindrement averti qui pouvait prendre au sérieux ce que contenait le document de M. Paradis.

Le ministre est arrivé avec une mesure, abracadabra, dont il ne nous a pas encore défini les modalités, mais que l'on sait être du type de celles retenues par l'administration Reagan au États-Unis dans le cadre d'un programme fédéral qui s'appelle "Work and Training Program". C'est à peu près le même genre de mesures. C'est un programme obligatoire de recherche intensive d'emploi accompagné de pénalités pour les bénéficiaires qui sont susceptibles - ce sont les termes mêmes du programme de l'administration Reagan - de refuser de coopérer. Ce programme, qui est là depuis des années, n'a pas donné les résultats que l'administration Reagan prétendait qu'il allait donner, bien au contraire. J'aurai l'occasion, avant de terminer, de vous parler d'un vrai programme parce que cela existe. (12 h 40)

Mme la Présidente, c'est important de savoir que cela n'existe pas qu'ailleurs ou dans la tête de certains penseurs ou de certains idéalistes. Cela existe, notamment, au Massachusetts, dans l'État de M. Dukakis. Oui, cela existe suffisamment pour que le ministère envoie une mission à Boston, qui a étudié, au mois de mai dernier, l'ensemble de l'expérience et qui a conclu à son aspect extrêmement positif. C'est ce genre de mesure que l'on attend au Québec et que la société québécoise, que l'opinion publique québécoise attend du gouvernement.

Mme la Présidente, qu'est-ce qui, dans le projet de loi 37, crée une incitation positive au travail, à part les coups de pied que le ministre va donner avec, maintenant, les articles où ses agents vont imposer à des personnes bénéficiaires de participer à une mesure, non pas que le bénéficiaire aura choisie, mais que l'agent décidera pour lui? N'oublions pas que les agents auront des quotas à respecter. Alors, quand une mesure sera complétée, ils identifieront pour un bénéficiaire une autre mesure dans laquelle il reste encore de la place, sans, pour autant, s'assurer que c'est là une dynamique qui respecte la personne qui est prestataire d'aide sociale.

En 1988, au moment même où, par exemple, en matière d'éducation, de formation dans nos écoles, on laisse tomber la relation autoritaire considérée comme rétrograde dans l'apprentissage au profit de la conception que la personne doit devenir le facteur dynamique de sa formation, le facteur de changement, que c'est la personne qui est elle-même son propre facteur de changement, comment peut-on imaginer que, par les dispositions autoritaires d'une loi, dorénavant on imposera à des personnes une situation dans laquelle elles pourraient être extrêmement mal à l'aise?

Mme la Présidente, je vais vous donner une définition du dictionnaire qui est assez accablante. Je retrouvais la définition suivante: "Personne qui n'avait pas de liberté personnelle complète, frappée de diverses incapacités et assujettie à certaines obligations". Alors, qui n'a pas de liberté personnelle complète. Je vous rappelle qu'en vertu des articles 23 et 24 les mesures seront imposées sans que la personne puisse aller en révision ou en appel. Ce n'est quand même pas peu de chose. C'est la première fois qu'un droit de révision ou d'appel est retiré en cette matière.

Dans le document du prédécesseur du ministre, le ministre Paradis, il était question d'un contrat passé entre l'agent et le bénéficiaire pour permettre à cette personne de se réintégrer. Il n'en est plus question. Non seulement il n'en est plus question, mais, dans ses amendements, le ministre ne se fait même plus l'obligation d'informer les personnes de l'ensemble des programmes ou des mesures qui peuvent être mises à leur disposition. Dorénavant, ce sera: On a une mesure; on a de la place, tu y vas, veux veux pas. Et cette définition: "Personne qui n'avait pas de liberté personnelle complète, frappée de diverses incapacités et assujettie à certaines obligations", c'est la définition du mot "serf comme dans servage et servage comme dans féodalité.

La situation actuelle est extrêmement inquiétante, d'autant plus inquiétante que, sous prétexte de discours, de manipulation de l'opinion publique, sous prétexte de mettre les gens à l'ouvrage, lorsqu'on regarde les gains admissibles, c'est-à-dire les revenus de travail qu'on permettra aux bénéficiaires de l'aide sociale, on se rend

compte d'une incohérence inqualifiable.

Je vous donne quelques exemples, Mme la Présidente. Dans le programme Soutien financier, on retrouvera des personnes qui ont de sévères contraintes à l'emploi. En vertu du projet de loi 37, selon les tableaux préparés par le ministère, on permettra à ces personnes des gains de travail mensuels de 100 $. Celles qui ont de sévères contraintes à l'emploi pourront ajouter 100 $ par mois à leur prestation. Mais la personne de 58 ans qui a une deuxième année forte, mais qui n'est pas considérée comme ayant une santé physique ou mentale altérée de façon indéfinie, cette personne qui sera considérée comme non disponible, on lui permettra des gains de travail de 57 $ par mois, soit 43 $ de moins que celle qui a de sévères contraintes à l'emploi. Ce n'est pas peu de chose.

Un couple de 58 ans sans enfant qui se retrouverait aussi dans la catégorie des non-disponibles pourra ajouter à sa prestation un gain d'emploi mensuel de 40 $ par mois, soit 17 $ de moins qu'une personne seule du même âge, dans la même catégorie, pour un adulte de plus.

Et on n'en est pas à une incohérence près, Mme la Présidente. Dans la catégorie des chefs de famille, par exemple, on va retrouver, pour une famille biparentale - donc, deux adultes avec un enfant - la possibilité de gains de travail par mois de 50 $. On ne peut même pas passer les journaux avec ce montant. Pour deux adultes et un enfant, 50 $ par mois. Et, dans la même catégorie, une personne seule aura droit à 73 $ par mois, soit 23 $ de moins pour un adulte et un enfant de plus. Cette catégorie, c'est le tableau du piège de la pauvreté. C'est comme cela qu'il faut l'intituler, parce que c'est dans ce tableau qu'on retrouve la logique du système mis en place par le projet de loi 37.

Quelle est cette logique? C'est celle que l'on dénonce. C'est celle qu'il faut modifier dans le cadre d'une vraie réforme. Et c'est la suivante: les besoins jugés essentiels comme le logement, l'alimentation et le chauffage - il faut voir, avec le temps qu'il fait, que le chauffage et l'électricité, c'est essentiel - les besoins essentiels, parce que ce sont des besoins de subsistance reconnus par le ministère, ne sont plus comblés pour toutes les catégories. Et les gains de travail ne viennent que compenser pour les besoins de subsistance qui ne sont pas comblés. Il faut - bien voir que ce sont des besoins de subsistance vraiment minimaux. Et, au-delà de cette pitance, c'est fini, il n'y a plus d'incitation au travail. Chaque dollar supplémentaire gagné va être confisqué. C'est cela, la logique. C'est cela, le système.

Et c'est en cela, mesdames et messieurs les parlementaires ministériels, que la réforme s'éloigne du livre blanc du ministre des Finances. Et c'est fondamental. Où est l'incitation positive au travail? Gagne ta subsistance minimale, celle qu'on te reconnaît dans des besoins essentiels et, après, c'est fini. Nous disons que, dans l'intégration des programmes de transfert et d'imposition, il faut maintenir la possibilité de conserver au moins 50 % des gains de travail, au moins 0,50 $ dans chaque dollar gagné, et qu'il n'est pas pensable qu'on impose à 100 % les personnes les plus démunies sans même rembourser les dépenses occasionnées pour effectuer ce travail.

Quel système hypocrite! Et il ne va pas changer. Ce système est hypocrite parce qu'il considère comme fainéantes et paresseuses des personnes qui, si elles vont travailler, vont perdre entièrement les gains qu'elles auraient pu obtenir. Alors, pourquoi leur reprocher de ne pas aller aux pommes l'automne ou aux fraises l'été ou de ne pas aller aux sucres? Pourquoi leur reprocher de ne pas vouloir améliorer leur ordinaire? Si elles le font, Mme la Présidente, elles auront des déplacements, elles auront des coûts dont aucun ne sera remboursé et chaque dollar additionnel gagné sera confisqué au-delà de la structure des barèmes de subsistance que le ministère leur reconnaît dans la définition des besoins essentiels. Quand je disais que la marche est trop haute, qu'il manque des barreaux, c'est ça que je voulais dire, Mme la Présidente. (12 h 50)

Évidemment, je ne voudrais pas terminer mon intervention sans rapidement vous dire, Mme la Présidente, que cette manipulation qu'on fait de l'opinion publique est issue en partie aussi des sondages. Cela fait une semaine que les députés ministériels citent abondamment un sondage CROP dont ils n'ont obtenu ni la méthodologie, ni le questionnaire au complet. Et j'ai fait venir du Conseil du patronat... Parce que c'est un des deux seuls groupes qui appuient le ministre, Alliance Québec et le Conseil du patronat. J'imagine qu'il y en aura trois ou quatre autres qui s'ajouteront d'ici une semaine. Evidemment, en regard des 1668 groupes qui s'opposent, c'est assez faible. C'est un poids assez léger. Le Conseil du patronat a fait faire un sondage qui a été publié le jour même du bâillon. Cela avait peut-être été fait auparavant, mais, comme par hasard, ça s'est retrouvé dans les nouvelles, sur telbec, sans qu'on ait le sondage en main, au moment même du bâillon.

Je lisais la question et la posais à des personnes assistées sociales. Le ministre ne sera pas surpris qu'elles aient répondu oui à la façon dont la question était formulée. La question était: L'objectif de cette réforme est de favoriser le retour au travail des assistés sociaux aptes au travail et d'augmenter les chèques de pension des assistés inaptes au travail. Personnellement, êtes-vous pour ou contre un tel projet de réforme? Mais, nous de l'Opposition, sommes les premiers à dire oui. Et l'ensemble des personnes assistées sociales répondent oui. Mais quelle manipulation de l'opinion! Où sont-elles, les mesures favorisant le retour au travail? Certainement pas dans la possibilité d'avoir des gains de travail. Certainement pas dans la possibilité de se sortir du

piège de la pauvreté. Où sont-elles, les mesures d'incitation au travail?

J'aimerais rappeler au ministre un sondage que son prédécesseur avait fait faire par la maison SORECOM et qui nous signalait une bien plus grande générosité de la part de nos concitoyens du Québec. À la question: Si les assistés sociaux peuvent gagner un certain revenu de travail sans se faire couper leur aide sociale, le montant par mois de leurs prestations et de leurs revenus de travail doit-il être égal, plus élevé ou moins élevé que le salaire minimum? 83 % répondaient: égal ou plus élevé, 56 % disaient égal, 27 % disaient plus élevé, pour un total de 83 %.

Malheureusement, Mme la Présidente, je vais devoir conclure à ce moment-ci pour rappeler au ministre que nous ne sommes pas à l'étape ultime de nos travaux en matière d'aide sociale. Son prédécesseur avait pris l'engagement de déposer la réglementation plus abondante que le projet de loi lui-même. Je vous rappelle qu'un seul article du projet de loi 90 contient 40 pouvoirs réglementaires et qu'au total, en adoptant le projet de loi, le gouvernement met le Parlement devant 67 inconnues, 67 barèmes, prestations, conditions qui nous restent toujours inconnus à cause de l'absence du dépôt de la réglementation.

Je voudrais dire au ministre que nous ne sommes pas à l'étape ultime, bien au contraire. Nous pensons que la lutte aux inégalités est bien mal engagée par ce projet de loi 37. Nous pensons que la promotion de la justice sociale est bien mal engagée par le gouvernement à l'égard des personnes les plus démunies de notre société. Nous pensons que c'est une grossière erreur de penser faire une réforme sans mettre à contribution l'ensemble des forces vives d'une société. Il faut des consensus dans une société pour qu'une réforme se réalise parce qu'en soi n'importe quelle réforme, même la meilleure, suscite des craintes de changement. Alors, vous comprenez que, lorsque ces réformes sont de pseudo-réformes qui usurpent le mot "réforme" pour introduire, évidemment, un retour en arrière... Je vous rappelle que, nous qui avons à relever les défis de l'an 2000, c'est avec des mesures des années cinquante que nous abordons l'avenir. Mme la Présidente, c'est évident que les mois qui viennent ne permettront pas au ministre de penser que les choses sont réglées parce que la troisième lecture sera adoptée par ce Parlement. Bien au contraire!

Nous ne voulons pas que le gouvernement se serve des personnes aptes et disponibles comme de boucs émissaires pour essayer de couvrir son absence de politique de plein emploi, pour essayer de justifier le taux de chômage élevé qui se maintient, malgré six années de croissance continue. Les chômeurs et les chômeuses qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-chômage et qui ont recours à l'aide sociale ne doivent pas devenir les boucs émissaires du gouvernement. Nous devons beaucoup plus à nos concitoyens. Nous devons un véritable soutien de formation professionnelle, un véritable chantier dans tout le Québec à ces centaines de milliers de personnes qui ne répondent plus aux exigences nouvelles du marche de l'emploi. Nous leur devons notre appui, notre soutien, notre engagement.

Le ministre sait très bien qu'en votant le projet de loi 37 il ratifie l'échec cuisant d'une autre de ses stratégies, celle du programme APPORT. 44 000 familles devaient en profiter; à peine 17 000 sont présentement inscrites depuis plusieurs mois et cela entre maintenant à l'unité. Nous disons au gouvernement que notre société est prête à convenir d'un véritable contrat social en matière de sécurité du revenu, notamment en ajustant de façon permanente le salaire minimum au salaire industriel moyen.

Nous proposons au ministre et à son gouvernement de nous entendre sur un minimum qui serait certainement à la convenance de notre société, ce minimum étant de ne plus laisser la hausse du salaire minimum à l'initiative ou à la discrétion des gouvernements qui se succèdent. Nous aurions intérêt à l'ajuster de façon permanente, comme un wagon qu'on ajuste à une locomotive, au salaire industriel moyen, de manière que, beau temps, mauvais temps, de façon permanente et régulière, il le suive sans avoir toujours à supporter la pression qui peut venir des milieux contraires à cette hausse. Nous pensons qu'un ajustement permanent du salaire minimum s'impose. Nous proposons au gouvernement que le taux du salaire minimum soit fixé à 45 % du taux du salaire industriel moyen.

Nous proposons surtout de convenir qu'il doit y avoir une incitation positive au travail et que cette incitation réside dans la possibilité de conserver au moins 50 % de ses gains de travail. Nous pensons que c'est vraiment là que la réforme s'impose. Nos concitoyens sont prêts à envisager la possibilité pour ceux et celles qui vont sur le marché du travail et qui sont présentement, je vous le rappelle, à 300 $ par mois en deçà du seuil de pauvreté... Un travailleur ou une travailleuse au salaire minimum un revenu qui est à 300 $ de moins que le seuil de pauvreté. Pourtant, ce salaire minimum est encore imposé et, malgré la réforme du ministre des Finances, il y a encore 100 $ et plus à être payés sur ce salaire minimum qui est à 300 $ par mois, à près de 3500 $ par année en deçà du seuil de pauvreté.

Nous disons que travailler dans notre société devrait au moins équivaloir au seuil de pauvreté. Nous proposons au ministre un pacte, un contrat par lequel nous ajusterions comme société le salaire minimum au salaire industriel moyen et par lequel nous permettrions à nos concitoyens d'aller occuper des emplois qui sont, évidemment, souvent précaires, mal rémunérés et mal protégés, mais pour lesquels il y aurait une incitation.

Pourquoi prétendre à de l'altruisme chez ceux qui sont les plus démunis quand aucun de ceux qui siègent dans cette Assemblée ne le ferait que pour la satisfaction du devoir accompli? Il faut voir dans quel contexte se négocient, se discutent les augmentations de salaire chez les députés pour savoir que cela les intéresse aussi. Pourquoi demander à nos concitoyens les plus démunis cet altruisme qu'aucun de nous ne s'exige et qu'on n'exige de personne d'autre de la société? Il faut que ça devienne payant de travailler. C'est là que réside une véritable réforme. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Oui, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: Mme la Présidente, je vous demanderais la suspension du débat jusqu'à 15 heures.

La Vice-Présidente: Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 14)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.

L'Assemblée nationale reprend ses travaux aux affaires du jour. Nous allons poursuivre le débat sur la motion d'adoption du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu, présenté par M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je vais reconnaître, pour la première intervention cet après-midi, Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Yolande D. Legault

Mme Legault: M. le Président, étant la seule femme siégeant à la commission des affaires sociales, je me faisais un devoir d'intervenir sur un sujet aussi humain que le débat portant sur le projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. J'appuie ce projet de loi parce qu'il défend de grands principes auxquels je crois profondément. Une société évoluée doit, à mon avis, se préoccuper des plus faibles. À cet effet, ce projet de loi prône avant tout une plus grande équité sociale. Cependant, trop de personnes confondent justice sociale avec encouragement au laisser-aller.

Malgré toute la compassion et la lutte que nous devons entreprendre contre ce fléau qu'est la pauvreté, il demeure quand môme important de limiter les abus en revalorisant la notion de la fierté du travail. Trop sou- vent, le travail est présenté uniquement dans une perspective monétaire au lieu d'être considéré en termes d'épanouissement personnel et d'actualisation de la personne humaine. À cet effet, les tâches manuelles m'apparaissent aussi équilibrantes, sinon plus que l'exercice d'une fonction intellectuelle, selon les conditions de travail et sa philosophie de la vie. En effet, notre société de consommation a peut-être oublié que le paraître n'est pas tout et que les valeurs du dépassement et de l'émulation sont également importantes.

Nous avons négligé, en cours de route, que le travail peut apporter à l'individu un sens à sa vie et aussi un but. Ici, quand je parle du travail, je ne le conçois pas uniquement sous son aspect compétitif, mais dans son sens le plus noble et le plus humain possible. Malgré toutes les critiques véhiculées contre ce projet de loi, il m'apparaît essentiel de ne pas se perdre dans les détails, mais bien de canaliser ses énergies vers l'essentiel, c'est-à-dire concentrer son action sur ceux et celles qui ont le plus faible revenu et c'est ce qu'ont fait principalement les derniers amendements.

Tout d'abord, j'aimerais, en tant que femme, aborder la question des femmes. Si nous voulons pour l'avenir une société plus équilibrée, nous devons laisser, même si cela semble aller à contre-courant, le libre choix aux femmes ou aux hommes de rester à la maison pendant quelques années afin d'éduquer leurs enfants. Pour ce qui est de l'application, cette suggestion pourrait revêtir différentes formes qui resteraient à définir. Même si ces propos peuvent effrayer ou paraître conservateurs, je demeure persuadée que, sur la base du terrain, un plus grand nombre de personnes que l'on pense aimeraient avoir plus de disponibilité.

Je parle en pensant plus particulièrement aux parents ayant des enfants handicapés ou bien d'âge préscolaire. Je crois que, loin de dénigrer ou bien de diminuer ces personnes, ces mesures pourraient les revaloriser et mieux les respecter. Tout en demeurant pragmatiques et réalistes, il ne faut pas avoir peur, comme législateurs, de sortir des sentiers battus en mettant de l'avant des solutions originales et créatives. Par exemple, le partage du temps de travail m'apparaît une piste très intéressante à envisager pour l'avenir. D'ailleurs, dans certains pays, ces projets innovateurs ont déjà été expérimentés avec grand succès. Mais, pour que réussisse ce nouveau virage social et familial, il faut la collaboration et la sensibilisation de tous les intervenants. L'entreprise privée ainsi que le secteur public doivent conjuguer leurs forces et s'unir pour favoriser de telles mesures. Cela nous amène inévitablement à repenser notre échelle de valeurs comme société, si nous voulons à tout prix éviter l'autodestruction.

Sous cet angle, M. le Président, toute politique de sécurité du revenu clairvoyante se doit d'intégrer le rôle parental, si nous voulons

préconiser une politique nataliste. Il faut mettre de côté nos anciens schèmes de pensée du passé. En tant que citoyens et politiciens, nous devons regarder vers l'avenir et ajuster notre vision à l'ère de l'an 2000. J'irais même encore plus loin en prédisant que la prochaine révolution sera celle de l'invisible et de l'écologie.

En ce qui concerne les jeunes, malgré tout ce qu'on peut dire, un grand pas a déjà été accompli dans le sens de la parité aux moins de 30 ans. Cela dit, il faut quand même ne pas perdre de vue notre objectif d'inciter les jeunes qui sont aptes à réintégrer le marché du travail. Pour ce faire, nous devons les inciter à étudier le plus longtemps possible afin de les préparer aux grands défis technologiques qui les attendent.

Nous sommes à l'aube de la signature d'un accord sur le libre-échange avec les États-Unis. Plus que jamais, il devient impératif de former nos jeunes au marché du travail. Ce virage est nécessaire si nous voulons que le Québec demeure une société compétitive sur le plan international, face à son voisin américain.

Pour toutes ces raisons, nous devons tendre vers une politique de plein emploi. Comme êtres humains, nous sommes souvent portés à adopter des attitudes extrémistes et il n'est pas toujours facile de trouver le juste équilibre entre la capacité de payer de l'État et notre idéal de justice sociale qui doit nous animer comme législateurs. Par conséquent, le programme de soutien financier vise, avant tout, les clientèles les plus défavorisées de notre société. Sans être parfaits au chapitre des technicités, je crois fermement que les amendements apportés au présent projet de loi sont valables. Il est bien évident qu'il y a toujours place à la bonification et à l'amélioration d'un projet de loi, et je crois que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu l'a parfaitement compris et s'est montré particulièrement réceptif et ouvert tout au long du cheminement de ce projet de loi.

Je voudrais également remercier tous les intervenants qui se sont déplacés en commission parlementaire afin de nous faire part de leur opinion. Je tiens également à remercier mes collègues pour l'objectivité dont ils ont fait preuve tout au long de l'étude de ce projet de loi. Cependant, en écoutant certains mémoires de groupes de personnes en commission parlementaire, il ressort qu'en ce qui concerne les problèmes que vivent les jeunes, je ne crois pas que la solution relève uniquement du domaine pécuniaire. Bien au contraire, on s'aperçoit rapidement que les causes de la pauvreté dépendent des facteurs sociologiques et psychologiques qui sont beaucoup plus globaux. Et ce n'est pas uniquement avec la hausse des prestations que nous réglerons les vraies causes de tout ce malaise social. Si nous nous limitons à ce genre d'intervention, nous risquons de manquer le bateau en ne soignant que les effets de la maladie. Nous devons donc nous pencher sur les causes profondes du chômage et de l'incapacité de plusieurs jeunes de se trouver un emploi. Sur ce plan, il ne faut surtout pas créer ou faire naître des illusions qui ne pourraient entraîner que déception et amertume.

Si nous revenons à la base du problème, nous tournons encore autour de la famille et de sa stabilité comme entité et cellule de base de notre société. Nous, qui sommes à l'heure de l'éclatement des familles, sommes peut-être en train de payer la note de nos folies individuelles et collectives. Cela ne peut que nous inciter à la réflexion et à un retour aux sources. Par conséquent, les programmes doivent être conçus afin de répondre davantage aux vrais besoins de nos concitoyens et concitoyennes et de leur vécu. Par exemple, au lieu de payer uniquement les médicaments, il serait également souhaitable de créer des campagnes d'éducation et de sensibilisation à la santé par le sport, l'alimentation naturelle et également par le traitement des méthodes alternatives. Sur ce point, je crois que les jeunes font partie de cette génération qui se montre très réceptive à l'écologie, à l'environnement et à toute cette nouvelle vision holistique de l'être humain.

Pour terminer, je tiens à réitérer mon appui à ce projet de loi. Et pour conclure en cette fin de session, je vous laisse sur cette pensée taoïste: "La perception de ce qui est petit est le secret d'une bonne vue. La préservation de ce qui est faible, le secret de la force." Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, je demanderais l'ajournement du débat relativement au projet de loi 37.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement du débat sur la motion d'adoption du projet de loi est adoptée? On demande l'ajournement du débat sur la motion d'adoption du projet de loi. L'ajournement du débat est adopté? Donc, adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: On demandera l'adoption comme telle un peu plus tard. Article 13 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 85 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 13 du feuR-leton, M. le ministre de la Justice propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi sur certains aspects du statut des juges municipaux. Je cède donc la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Le projet de loi 85 qui est soumis à notre étude aujourd'hui en vue de son adoption de principe et ayant trait à certains aspects du statut des juges municipaux, vise à modifier le régime juridique applicable à la nomination, à la rémunération et aux normes de déontologie de nos juges municipaux.

Ce projet de loi, M. le Président, s'applique à tous les juges municipaux, sauf ceux des cours municipales des villes de Laval, Montréal et Québec qui sont visés par la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ces modifications permettront d'actualiser le statut des juges municipaux en regard de celui des membres des autres tribunaux judiciaires québécois et de clarifier notamment certaines dispositions de la Loi sur les cités et villes.

Mentionnons, M. le Président, les dispositions sur le mode de nomination et de destitution des juges, qui sera dorénavant analogue à celui des juges de la Cour du Québec. La prestation du serment et les règles de déontologie ont été particularisées en fonction du double statut de juge et d'avocat. La rémunération sera établie par décret du gouvernement même si elle demeurera aux frais des municipalités.

Pour bien comprendre l'objectif poursuivi par ce projet de loi, il faut se rapporter à l'origine des cours municipales au Québec et les situer dans le contexte juridique de l'époque. La première cour municipale au Québec fut créée au début de la deuxième moitié du XIXe siècle à l'occasion de l'adoption, en 1851, par le Parlement du Canada-Uni, d'un acte révisant la charte de la ville de Montréal. Cet acte a institué la Cour du recorder de la cité de Montréal, l'ancêtre de la Cour municipale actuelle de Montréal. Le Parlement du Canada-Uni justifia alors l'établissement de cette cour dans le Bas-Canada en édictant en préambule à l'article 79 de l'acte - et je cite, M. le Président - "et attendu qu'il est expédient de pourvoir à une manière sommaire et non dispendieuse de recouvrer les dettes, amendes et pénalités et d'entendre et juger les offenses."

La nouvelle cour était présidée par un recorder choisi parmi les avocats ayant au moins cinq ans d'expérience. Leur nomination par le gouvernement était faite sur la recommandation du conseil municipal. Le recorder nommé était d'office juge de paix et sa compétence s'étendait aux matières civiles et pénales. La Cour du recorder était, en fait, inspirée des institutions judiciaires anglaises que l'on retrouvait dès le XVI e siècle. À l'époque, la pratique anglaise voulait déjà que, dans les agglomérations urbaines, les juges de paix soient remplacés par des juges professionnels choisis parmi les avocats et payés par les municipalités. Ainsi, on voulait justement s'assurer que le citoyen et la municipalité puissent régler leurs différends de façon efficace, rapide et de façon la moins coûteuse possible.

Au fil des années qui suivirent et ce jusqu'à l'adoption, le 25 août 1903, de la Loi sur les cités et villes, plusieurs autres villes ou cités se virent octroyer par charte spéciale le droit de mettre sur pied une Cour du recorder. La plupart de ces lois étaient calquées sur l'acte instituant la Cour du recorder de la cité de Montréal. Peu de changements notables ont été apportés jusqu'en 1903. Je tiens à souligner qu'on accordait à la très grande majorité des recorders le droit de continuer d'exercer la profession d'avocat. En 1903, le législateur adopta la Loi sur les cités et villes. Elle intégra l'ensemble des lois spéciales contenues dans les chartes de cités ou de villes tout en maintenant les cours de recorder créées en vertu de ces chartes. (15 h 30)

En définitive, la loi de 1903 innovait très peu dans le domaine de la Cour du recorder. La loi actuelle sur les cités et villes reprend essentiellement à ce sujet les dispositions de la loi de 1903. En 1950, on permettait à un avocat d'être nommé juge municipal après seulement trois années de pratique dans les villes de moins de 10 000 personnes. En 1952, on changea les appellations recorder et Cour du recorder par celle de juge municipal et Cour municipale. Depuis 1968, M. le Président, on prévoit que l'établissement ou l'abolition d'une cour municipale ne pourra dorénavant se faire que par un règlement municipal approuvé par le ministre des Affaires municipales et par le ministre de la Justice.

Cela m'amène, M. le Président, à parler du statut de juge municipal tout en soulignant que l'institution des cours municipales répond toujours, comme en 1951, au besoin d'une justice qui soit à la fois efficace, rapide, peu coûteuse et accessible et ce, tant pour les autorités locales que pour les villes et les citoyens. En effet, M. le Président, la structure actuelle des cours municipales permet aux villes de maintenir leur cour municipale malgré le volume parfois peu élevé des affaires qui y sont référées. Cette structure permet de plus à un juge municipal de tenir les audiences selon la disponibilité des citoyens et même le soir. Le rôle des cours municipales s'inscrit donc très bien dans la volonté de rendre plus accessible aux citoyens l'administration de la justice. Par ailleurs, cette institution judiciaire qui rend de précieux services à la communauté depuis 137 ans, a récemment fait l'objet de jugements contradictoires soulevant certaines incertitudes et ambiguïtés entourant le statut des juges municipaux dans la législation actuelle.

Pour pallier à ces interrogations et surtout pour préserver la stabilité du système des cours municipales, le projet de loi introduit de nouvelles règles concernant la nomination, la destitution, la rémunération et la déontologie applicables aux juges municipaux.

Pour la nomination du juge municipal, la Loi sur les cités et villes ne prévoit qu'une condition d'admissibilité, soit le nombre d'années d'expérience à titre d'avocat en exercice. Ce nombre est fixé à cinq ans, sauf pour les cités et villes de moins de 10 000 personnes pour lesquelles il est de trois ans. Cette condition régit, rappelons-le, les Juges municipaux au Québec, à l'exception de ceux des cours municipales de Laval, Montréal et Québec. Pour ces villes, des chartes respectives indiquent un nombre minimal de dix années de pratique pour être nommé juge municipal dans leur cour.

Ce critère de dix ans est d'ailleurs celui retenu dans la Loi sur les tribunaux judiciaires. C'est le critère qui est applicable aux juges de la Cour du Québec. La nomination d'un juge municipal se fart donc actuellement par décret du gouvernement et, si le règlement sur la procédure de sélection des personnes aptes à être nommées juges pris en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires s'applique aux cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec, il en est autrement pour les autres cours municipales où nous devons constater l'absence de règles sur la procédure à suivre lors de la nomination des juges municipaux.

Lors de l'entrée en fonction, l'article 615 de la Loi sur les cités et villes prévoit que les juges municipaux doivent prêter serment. Par ailleurs, la loi ne prescrit pas de formule spécifique. On a pourvu à cette lacune. D'autre part, bien qu'il existe un mécanisme de destitution prévu à la Loi sur les tribunaux judiciaires, certaines ambiguïtés existent sur le caractère obligatoire de cette procédure pour le gouvernement.

Selon une certaine interprétation, le gouvernement pourrait destituer un juge municipal sur simple décret et sans aucune formalité. Même s'il n'y a pas eu de telle destitution depuis au moins 30 ans, il nous semble préférable de clarifier la situation pour prévoir des règles de destitution similaires à celles des juges de la Cour du Québec.

Le projet de loi 85 contient, notamment aux articles 1, 2, 3 et 5, des mesures de nature à bonifier le statut des juges et des cours municipales du Québec. Il prévoit plus particulièrement que le gouvernement continuera de nommer le juge municipal, mais qu'il devra le choisir parmi les avocats ayant au moins dix années d'expérience. Celui-ci devra s'inscrire à un concours de sélection similaire à celui applicable aux autres juges de nomination provinciale régie par le règlement sur la procédure de sélection des personnes qui sont aptes à être nommées juges.

De plus, l'article 2 prévoit expressément que le juge municipal sera nommé durant bonne conduite et qu'il ne pourra être destitué que conformément aux règles prévues à la Loi sur les tribunaux judiciaires, c'est-à-dire à la suite de rapports de la Cour d'appel. Enfin, l'article 5 du projet prévoit que le juge municipal devra, avant d'entrer en fonction, prêter un serment ou faire une affirmation solennelle similaire à celui ou à celle auxquels sont tenus les autres juges de nomination provinciale. Au niveau de la rémunération des juges municipaux, la loi actuelle prévoit que le traitement des juges est fixé par résolution du conseil et est payé par les municipalités. L'exercice de ce pouvoir municipal n'est toutefois soumis à aucune règle particulière si ce n'est l'article 8 de la Loi sur les Cours municipales qui prévoit que le traitement d'un juge ne peut être diminué à un montant moindre que le traitement annuel qui lui a été attribué à la date de sa nomination.

Pour préserver la sécurité financière de ces juges, le projet de loi contient une disposition qui permettra à l'avenir au gouvernement d'établir les barèmes de la rémunération qui sera versée par les municipalités à tout juge municipal, qu'il exerce ses fonctions à temps complet ou à temps partiel. Cette disposition prévoit de plus que cette rémunération ne pourra être réduite. Finalement, M. le Président, le projet de loi prévoit l'ajout de certaines règles de déontologie auxquelles seront soumis les juges municipaux et, notamment, celles qui leur interdisent, même indirectement, d'être partie à un contrat avec la municipalité ou de la représenter devant une cour de justice. Ces règles seront, en vertu de l'article 8 du projet, intégrées au Code de déontologie. Le non respect de cette règle par un juge municipal pourra faire l'objet d'une plainte au Conseil de la magistrature qui fera enquête et pourra, le cas échéant, recommander au ministère de la Justice et Procureur général de présenter une requête pour une seconde enquête par la Cour d'appel.

La destitution d'un juge ne pourra avoir lieu qu'à la suite d'un rapport de la Cour d'appel. En conclusion, les différentes mesures prévues au présent projet de loi 85 devraient consolider les règles régissant le statut des juges municipaux. Ainsi, les Cours municipales qui sont une partie importante de nos institutions judiciaires continueront de rendre une justice qui se veut la plus accessible possible, la moins dispendieuse et en fonction de nos principes qui guident une saine administration de la justice pour tous les Québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Nous allons poursuivre avec M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. À moins que le député de Vanier ne veuille intervenir sur le projet de loi...

Une voix: Ce bon nationaliste qui va quitter le Parti libéral.

M. Filion: J'espère que le député de Vanier va être aussi volubile à la réunion de son caucus, lorsqu'il aura une minute et quarante-cinq secondes pour donner son point de vue sur ce que s'apprête à faire le premier ministre en ce qui concerne la loi 101.

Je vous remercie, M. le Président, de me reconnaître sur le projet de loi 85 déposé par le ministre de la Justice. Ce projet de loi, comme il l'a dit, vise essentiellement à modifier la Loi sur les cités et villes, la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires, afin de prévoir différentes mesures concernant la nomination, la rémunération et autres conditions de travail du juge municipal. Ce projet de loi qui est fort laconique dans ses notes explicatives prévoit également de nouvelles règles en ce qui a trait à la déontologie, ainsi qu'au serment et/ou à l'affirmation solennelle que pourrait prêter le juge municipal. (15 h 40)

Ce projet de loi est important en ce qui concerne cette justice souvent oubliée et qui est la justice municipale. Pour beaucoup de citoyens et de citoyennes qui nous écoutent présentement, le seul contact qu'ils ont eu ou qu'ils auront avec la justice est souvent ce contact avec une cour municipale qui siège le soir et qui aura à entendre une plainte portée en vertu d'un règlement municipal ou une plainte portée en vertu de la partie 24 du Code criminel, des accusations, si l'on veut, sommaires, les moins graves de celles qui sont contenues au Code criminel. Donc, il y a beaucoup de citoyens et de citoyennes pour qui la justice, finalement, c'est la cour municipale, où ils se présentent, encore une fois, à des heures qui sont adaptées à leurs besoins. Ils y présentent, à ce moment-là, leur point de vue d'une façon simple, dans une atmosphère qui n'a pas le décorum des grandes salles d'assises de la Cour supérieure ou même de la Cour d'appel, mais qui, néanmoins, conserve ce cachet d'une justice qui est près des citoyens et des citoyennes.

À mon point de vue, c'est quand même un acquis remarquable. Les cours municipales n'existent pas partout dans les sociétés occidentales. Ici, au Québec, elles se révèlent, à mon sens, un actif, un plus et il est important de conserver ce caractère de proximité de la population aux cours municipales.

Le ministre a résumé tantôt l'historique des cours municipales^, mais je pense qu'il est important d'y revenir. Étant donné que ce projet de loi 85 vise à assurer des assises légales, solides à ces cours municipales, c'est là le but essentiel. Il convient de noter que la création de la première cour municipale remonte - le ministre l'a souligné tantôt - à 1851. Il s'agissait, à l'époque, de la Cour du recorder, cour de Montréal, qui est devenue, par la suite, au fil des années et des modifications à la charte, notamment de la ville de Montréal, la Cour municipale de Montréal où i y a là un volume de causes absolument ahuris- sant.

La Cour municipale de Montréal est probablement la cour la plus active au Québec, bien que cette cour n'ait évidemment pas juridiction en ce qui concerne les matières civiles et n'ait qu'une juridiction bien partielle en ce qui concerne les accusations sommaires en vertu du Code criminel. Alors, en 1851, sur recommandation du conseil municipal, le recorder - c'est ainsi qu'on l'appelait - était nommé durant bon plaisir. On verra un peu plus loin que cette notion de bon plaisir s'est poursuivie au fil des années. Sa juridiction, à l'époque, il est intéressant de le noter, s'étendait, non seulement aux matières pénales, mais aux matières civiles également. Plusieurs autres villes suivirent l'exemple de Montréal. En 1903, avec l'adoption de la Loi sur les cités et villes, plus particulièrement en vertu de l'article 555, on conférait aux municipalités régies par la Loi sur les cités et villes le pouvoir d'établir par règlement une semblable cour de recorder, une cour d'archives. C'est en 1952, le ministre l'a mentionné tantôt, qu'on a remplacé l'appellation de Cour du recorder par Cour municipale.

En 1988, on compte pas moins de 130 cours municipales. Évidemment, ce nombre exclut les cours municipales de Montréal, de Laval et de Québec qui jouissent d'un statut qui est déterminé par la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ce statut spécial est notamment accordé en fonction du volume des activités judiciaires qui sont regroupées dans ces trois municipalités de Montréal, de Québec et de Laval. Donc, tout ce qui a été dit par le ministre au sujet de ce projet de loi 85 et tout ce que je dis moi-même ne s'applique qu'aux autres cours municipales à l'exclusion des territoires de Montréal, Québec et Laval. Si on exclut Montréal, Québec et Laval, il y a au Québec précisément 400 municipalités sur 1474 qui sont desservies par une cour municipale. Bref, pour les députés qui nous écoutent, il y a grosso modo un peu plus d'un quart des municipalités qui ont une cour municipale et, donc, environ 1000 municipalités qui n'ont pas ces cours municipales. Les motifs qui ont été évoqués à toutes les époques pour la création d'une cour municipale sont multiples. J'ai mentionné tantôt la plus importante d'entre elles qui est l'accessibilité des citoyens à un mode de justice rapide, peu coûteux qui ne comporte pas le décorum trop formel des autres cours. Il y a également un élément de proximité. Si la Cour municipale est à l'intérieur de ces 400 municipalités, c'est plus facile pour le citoyen en revenant de son travail en fin d'après-midi ou le soir de se déplacer et de se présenter devant la Cour municipale, ce qui a l'énorme avantage de faire en sorte que le citoyen ou la citoyenne qui a un démêlé judiciaire n'est pas obligé de perdre une journée de travail.

La Loi sur les cités et villes n'énonce aucun critère particulier pour la création d'une cour municipale. Dans les faits, il semble que

c'est strictement là une décision ministérielle du ministre de la Justice qui soupèse l'opportunité de créer ou non une cour municipale à tel endroit. La source du projet de loi est évidemment une sérieuse remise en question de la part des tribunaux judiciaires relativement à l'indépendance et à l'impartialité des cours municipales. L'arrêt ou la jurisprudence phare en cette matière, si l'on veut, est évidemment la décision Valenter de la Cour suprême du Canada qui a établi les normes et les critères nécessaires à assurer l'indépendance et l'impartialité des juges, un arrêt qui est souvent cité en droit administratif et qui, ici, a servi à éclairer le législateur dans la prise de décisions concernant certaines des dispositions législatives contenues dans le projet de loi.

Évidemment, ce sont les chartes des droits et libertés qui ont amené les contestations de la juridiction de certaines cours municipales, en particulier l'article 11c de la charte canadienne et l'article 23 de la charte québécoise. Au Québec, on a connu rapidement le dossier Robitaille contre la ville de Vanier où l'on remettait en question le statut du juge. À ce moment-là, la Cour supérieure avait rejeté la prétention des appelants. Il y a également eu l'affaire Turcotte contre le Procureur général du Québec. Il y a eu plusieurs autres décisions à cette époque. Dans le dossier Braconnier, la Cour supérieure elle-même s'est penchée récemment sur le statut des juges municipaux, donc sur l'indépendance et l'impartialité des juges municipaux. Le projet de loi vient donc offrir à ces cours municipales une assise juridique valable à l'exercice de la fonction de juge municipal. (15 h 50)

Comme je l'ai dit tantôt relativement à son contenu, vous me permettrez, à la suite des propos du ministre, de reprendre certains éléments de ce projet de loi. D'abord, en ce qui concerne l'éligibilité des avocats à exercer cette fonction de juge municipal, retenons que les notaires, pas plus ici que dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, n'auront droit de cité sur les bancs de juges. Il n'y a pas de changement à ce chapitre, à la grande déception de mon collègue d'en face qui a exercé cette profession notariale. J'ai moi-même déjà eu l'occasion de sensibiliser le ministre de la Justice de l'époque, je crois, et peut-être le ministre de la Justice actuel à l'importance de réviser cette exclusion des notaires de l'accession à la magistrature. Je dois répéter au ministre de la Justice actuel que je partage l'avis du bâtonnier actuel du Barreau du Québec qui, lui également, verrait d'un bon oeil des modifications à nos lois pour permettre aux notaires qui, on le sait, exercent dans un cadre juridique, d'exercer cette fonction de juge. Et, puisqu'on parle de juges municipaux, l'occasion aurait probablement été belle de faire en sorte de permettre aux notaires d'accéder à ce métier de juge municipal.

Donc, en ce qui concerne l'admissibilité des personnes à être nommées juges, il n'y a aucun changement sur le métier qu'elles doivent avoir exercé. Cependant, il y a un changement que vient de souligner le ministre en ce qui concerne la durée d'exercice du métier d'avocat nécessaire à la nomination de juge. Cette durée actuelle est de cinq ans ou trois ans, selon le cas, et le projet de loi stipule clairement à son article 3 que le juge municipal est nommé parmi les avocats ayant exercé leur profession pendant au moins dix ans. En réalité, je pense bien qu'à peu près, sinon la totalité, du moins la presque totalité des juges municipaux en exercice au Québec ont ces dix ans de pratique et l'avaient si on parle de façon récente et contemporaine. Ceci n'amènera aucune bousculade. De toute façon, les juges actuels sont reconnus comme ayant été nommés en vertu de la présente loi.

Une deuxième modification très importante consiste à modifier la durée de la nomination. Aujourd'hui, dans l'état actuel du droit, les juges municipaux sont nommés "durant bon plaisir". Une formule qu'on connaît, bon plaisir du lieutenant-gouverneur. Cela veut dire en pratique que le plaisir du lieutenant-gouverneur s'exerçait pour les nommer et, en réalité, dans la très grande majorité des cas, que le bon plaisir se continuait jusqu'au moment où le juge n'était plus apte, à cause de l'âge, à exercer son métier de juge municipal. Le projet de loi est clair sur cet aspect comme sur les autres et prévoit que cette notion de bon plaisir est modifiée pour être remplacée par un concept semblable à celui qui existe dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, à savoir que les juges municipaux seront dorénavant nommés tant qu'ils auront bonne conduite. En deux mots, tant qu'ils ne seront pas destitués. Et ce n'est pas un simple décret du Conseil des ministres qui pourrait donc destituer ou congédier un juge municipal. Dorénavant ce sera sa conduite qui sera le critère de durée d'un juge municipal.

Une troisième modification d'importance est le fait que maintenant, les juges municipaux seront soumis à un code de déontologie enrichi, adapté à l'exercice de leur fonction de juge municipal. Je dis "adapté" parce que le projet de loi tient compte du fait que, par exemple, le juge municipal ne pourrait pas, directement ou indirectement, accepter de représenter la municipalité sur le territoire de laquelle il agit comme juge municipal. Donc, un code de déontologie ou des règles de déontologie qui sont celles de la Loi sur les tribunaux judiciaires, mais adaptées à leurs fonctions municipales.

Une quatrième modification concerne la rémunération des juges municipaux. Là-dessus, j'aurai quelques questions à poser au ministre lors de l'étude détaillée du projet de loi. Mais retenons, simplement pour les fins de nos propos en deuxième lecture, que dorénavant - et c'est là une amélioration importante du projet de loi - les juges municipaux seront choisis, nommés à partir d'une procédure qui existe déjà pour les

juges de la Cour du Québec, c'est-à-dire à partir de la procédure du concours et de la sélection par jury. Il s'agit là, à mon point de vue, M. le Président, d'une disposition importante du projet de loi et d'une disposition tout à fait souhaitable à l'intérieur du projet de loi 85.

Je l'ai dit tantôt, je poserai au ministre quelques questions là-dessus lors de l'étude détaillée du projet de loi. On peut d'ores et déjà souligner que cette procédure est à peu près unique au Québec, en tout cas le Québec a été la première province du Canada, à se doter de cette procédure de sélection des juges. On sait qu'au niveau fédéral, les juges des cours supérieures, des cours d'appel et de la Cour suprême, sont nommés à partir de l'expression pure et simple de la volonté politique du pouvoir exécutif. Cette procédure de sélection est importante parce que les juges qui sont nommés à la suite de cette procédure de sélection perçoivent bien que si le pouvoir exécutif a exercé un certain choix, il n'en demeure pas moins qu'ils ont été reconnus comme aptes à exercer cette fonction-là par un jury qui n'est pas le pouvoir exécutif comme tel. On se souviendra du débat qui a eu lieu au Québec pendant longtemps où l'on signalait que plusieurs déploraient le fait que la nomination de juges était une récompense politique. Eh bien, avec cette procédure de sélection, le pouvoir exécutif se garde un certain contrôle, se garde le mot final, mais l'exerce à partir de l'éclairage fourni par un jury. C'est donc là une façon de procéder qui est souhaitable et qui est étendue par le projet de loi 85 à l'ensemble des juges municipaux qui seront nommés après l'adoption de la présente loi.

Également, et c'est le sixième point, en ce qui concerne le serment - c'est un point qui avait été soulevé par les tribunaux qui ont eu à contrôler la légalité des cours municipales - la prestation du serment, maintenant le projet de loi prévoit une formule spécifique quant à la prestation de ce serment. Enfin, en ce qui concerne la destitution, je l'ai mentionné tantôt, la destitution du juge municipal qui pourrait se faire par simple décret - cela n'a pas été exercé, nous a dit le ministre tantôt, depuis une trentaine d'années - mais cette destitution-là, dorénavant, devra suivre la procédure déjà prévue à la Loi sur les tribunaux judiciaires.

En terminant, M. le Président, vous aurez compris que l'Opposition est prête à étudier ce projet de loi en commission parlementaire, à procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi. Nous aurons, comme je l'ai mentionné tantôt, plusieurs questions à poser au ministre, notamment sur une partie des recommandations qui ont été faites par le Barreau du Québec qui a fait connaître, en date du 12 décembre, son avis sur le projet de loi 85. Mais il est utile, je pense, à ce stade-ci, de mentionner que ce projet de loi est en bonne partie - je pense qu'il faut leur donner le mérite qui leur revient - dû aux travaux d'un groupe d'étude qui a été formé par le député de D'Arcy McGee, alors ministre de la Justice, un groupe d'étude qui a fait le tour de la question des cours municipales.

M. le Président, en terminant, nous sommes prêts à adopter ce projet de loi à cette étape de la deuxième lecture, et je vous remercie.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Justice pour l'exercice de son droit de réplique. (16 heures)

M. Gil Rémillard (réplique)

M. Rémillard: Je retiens de l'intervention du député de Taillon qu'il semble appuyer les grandes lignes qui sous-tendent ce projet de loi 85. Je sais que nous pourrons étudier certains points article par article, entre autres en ce qui regarde la rémunération qui pourra se faire par décret gouvernemental.

Il y a aussi la question du choix que nous faisons dans cette loi, soit que les juges municipaux ne seront pas des juges à temps plein, exclusivement juges municipaux, mais pourront aussi exercer leur profession d'avocat. Le député de Taillon faisait allusion à une lettre datée du 12 décembre que j'ai reçue hier après-midi du Barreau du Québec qui, pour sa part, est favorable à ce que les juges municipaux soient à temps plein, donc exclusivement attachés à cette charge de juge municipal. C'est la position qu'a soutenue Me Hébert qui représentait le Barreau dans ce groupe de travail qui a fait un rapport tout à fait exceptionnel, M. le Président, et je voudrais le souligner. Je voudrais les remercier pour l'excellent travail qu'ils ont accompli. Ce groupe de travail a étudié tous les aspects concernant les cours municipales. Et je voudrais bien souligner que ce que nous apportons aujourd'hui avec ce projet de loi 85, ce sont des précisions quant au statut de juge municipal. Cependant, en ce qui regarde les cours municipales d'une façon générale, nous reviendrons au printemps avec une loi-cadre.

Il y a des sujets que nous n'abordons pas comme ces municipalités qui sont sous l'autorité du Code municipal et qui, selon nos lois actuelles, n'ont pas la possibilité d'avoir des cours municipales. Cela cause des situations difficiles dans bien des municipalités. J'aimerais remédier à cette situation en permettannt à ces municipalités, qui sont sous la juridiction du Code municipal, de pouvoir avoir des cours municipales, elles aussi, pour faire appliquer leurs règlements.

Nous reviendrons au printemps avec un projet de loi en ce sens, un projet de loi-cadre sur l'ensemble des cours municipales. Cependant, pour le moment, nous précisons le statut du juge municipal. Et je veux donc remercier tous ceux qui ont participé à ce groupe de travail qui a accompli un travail remarquable. Le projet de loi reprend les grandes conclusions de ce rapport du groupe qui était présidé par M. Jean Hétu; en étaient également membres, M. Gilles Cadieux,

Me Louise Canac-Marquis, M. Louis Legault, M. Dennis Pakenham, M. Patrick Théroux, M. Jean-Claude Hébert, M. Marc Laperrière, Mme Jacqueline Monette, Mme Julienne Pelletier et M. Pferre-E. Audet, secrétaire. Je tiens donc à les remercier. Ce que nous retrouvons dans ce projet de loi, je tiens à le dire, sont les grandes conclusions que nous retrouvons dans le rapport de ce groupe de travail. Voilà, M. le Président, nous en discuterons plus à fond lors de l'étude article par article du projet de loi.

Le Vice-Président: Le débat étant terminé à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 85, Loi sur certains aspects du statut des juges municipaux, est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je fais motion pour déférer le projet de loi 85 à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais d'appeler à nouveau l'article 45 du feuilleton, s'H vous plaît.

Projet de loi 37 Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président: À l'article 45 du feuilleton, nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu, présenté par M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je vais reconnaître à ce moment-ci, comme prochain intervenant, M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président.

Il me fart plaisir d'intervenir dans le débat sur le projet de loi 37 puisqu'on est dans la phase finale de son adoption. M. le Président, beaucoup de choses ont été dites sur le projet de loi 37. Cependant, je remarquais ce qui se passait ce matin en Chambre, alors qu'on a dû recourir à des mesures assez exceptionnelles, c'est-à-dire que le président a dû appeler six votes pour approuver des amendements déposés soit pas le ministre ou par ma collègue, la députée de Maisonneuve. C'était un peu aberrant de voir que les 122 députés de l'Assemblée nationale ont dû être appelés à voter sur des amendements. On sait que d'habitude, un projet de loi est adopté ou rejeté dans son ensemble. De fait, la technicité à savoir si tel ou tel amendement doit être adopté ou non se fait en commission parlementaire.

Pourquoi a-t-on assisté à ce scénario? Pourquoi a-t-on assisté à cette façon assez inusitée ici, en Chambre, de procéder à six votes sur des modifications au projet de loi 37? Ce n'est pas compliqué, M. le Président. Cela fait suite à la décision du gouvernement, la décision du ministre d'abord de mettre le bâillon sur la loi 37, c'est-à-dire de ne pas aller plus loin en commission parlementaire, et ce, après à peine sept jours de travail en commission parlementaire.

On l'a mentionné précédemment mais je tiens à le répéter, je trouve que c'est une mesure tout à fait inacceptable et que c'est passer outre le droit des parlementaires. Je peux comprendre quand le gouvernement s'aperçoit, après des semaines et des semaines en commission parlementaire, que l'on piétine, qu'on décide de dire qu'on va prendre des procédures pour accélérer. Mais, quand ça s'est produit la semaine dernière, M. le Président, à deux semaines de la fin de la présente session, que le gouvernement a décidé d'agir de cette façon, c'est tout à fait incompréhensible, d'autant plus que le ministre, dans ce dossier, à mon avis, n'a pas fait le travail qu'il aurait dû faire, c'est-à-dire, dans un premier temps, déposer les amendements quand c'était le temps en commission parlementaire.

M. le Président, quand on a un projet de loi de 134 articles et que l'on commence à discuter article 1, article 2, il y a des questions qui se posent, il y a même plusieurs modifications qui sont apportées. Je dois dire que dans le cas qui nous préoccupe, le projet de loi 37, beaucoup d'amendements ont été apportés dès le début. Mais le ministre a décidé de garder en poche quelque 100 amendements à 134 articles qu'il n'a pas dévoilés à la commission parlementaire. C'est le scénario auquel on a dû assister ce matin, où ces amendements n'ont pas été étudiés en commission parlementaire. Un projet de loi de 134 articles, aussi important que la réforme de l'aide sociale, on comprendra que c'est tout à fait inadmissible, et encore plus parce qu'il y avait des règlements accompagnant le projet de loi qui devaient être rendus publics.

Quand on prend connaissance de la loi, pratiquement à tous les articles ou à tous les deux articles, du moins, on réfère aux règlements qui vont être en vigueur, c'est-à-dire aux règlements par lesquels on va définir ce qu'est

un conjoint de fait, ce qu'est ceci ou cela. Dans le cas qui nous préoccupe, le ministre n'a jamais déposé les amendements.

J'écoutais le ministre ce matin, en Chambre, qui disait: Écoutez, tout le monde est d'accord avec nous pour qu'on procède enfin à la réforme et qu'on adopte le projet de loi 37. Je pense qu'on n'a pas précisément la même lecture de la situation autant de ce que j'ai pu entendre que des commentaires de tous ceux qui sont intervenus dans le dossier ou qui ont voulu intervenir. Et je ne me réfère pas à il y a trois mois, deux mois, une semaine, je me réfère aux journaux d'hier, le lundi 12 décembre, dans Le Journal de Québec. On avait une liste de plusieurs centaines de groupes et d'associations, plus précisément 1668 groupes qui sont signataires d'une déclaration dans laquelle ils réclament le retrait du projet de loi 37. Ce ne sont pas des groupes qui sont minoritaires. On parle des ACEF, des CLSC, des associations dans tous les milieux qui sont touchés.

Je comprends mal que le ministre, ou plutôt je comprends bien que le ministre ait décidé de passer outre cela et de dire, comme le premier ministre l'a dit en Chambre: Écoutez, un sondage récent a été rendu public et dit que 94 % des gens sont d'accord avec ça. Ma collègue, le députée de Maisonneuve, a éclairci le point. Je tiens à préciser que le petit sondage qui a été fait auprès du Conseil du patronat n'est pas du tout, et particulièrement dans le projet de loi 37 où il s'agit de changer les règles du jeu concernant les assistés sociaux, représentatif, vous en conviendrez. (16 h 10)

II y a aussi une lettre qui a été publiée dans les médias de la région de Québec dimanche et qui est signée par des gens quand même assez importants: Mgr Jean-Guy Hamelin, évêque de Rouyn-Noranda et président du comité des affaires sociales de l'Assemblée des évêques du Québec et par plusieurs dizaines d'autres personnes, présidents ou présidentes d'associations ou de groupes très importants au Québec. Comment se fait-il que tous ces gens disent au ministre: Cela n'a pas de sens ce que vous mettez dans votre projet de loi, la direction que vous prenez n'atteint pas du tout les objectifs fixés?

On sait que ça fait longtemps, ça fait un an et plus, qu'a commencé cette reforme de l'aide sociale et, finalement, moi, si j'étais à la place du ministre, vous comprendrez que je ne serais pas du tout fier du résultat, de ce qui sort de là, pas du tout fier, parce que entre ce qu'on a tenu comme propos, entre la volonté qui semblait vouloir se manifester d'apporter une réforme en profondeur et ce qu'on apporte, M. le Président, dans les faits, dans l'application, dans les détails... Tout ce qu'on a pu voir dans les articles de la loi de même que dans les amendements dont on a pu prendre connaissance ces derniers jours, ces dernières heures n'apporte pas, dans l'application, dans l'applicabilité de la loi cette réforme à laquelle on était en droit de s'attendre.

Qu'est-ce que ça va créer? Cela va créer une situation pire que celle que nous avons actuellement. Pire dans le sens suivant. Je pense que toute la notion des aptes et inaptes... Mais la question des aptes au travail, c'est-à-dire les gens bénéficiaires de l'aide sociale - et là ce n'est pas 10 000, 50 000 personnes - il s'agit de tout près de 600 000 personnes, c'est 10 % ou tout près de la population du Québec, incluant tout le monde. C'est du monde 600 000 personnes bénéficiaires de l'aide sociale. On leur dit: Écoutez, voici la façon dont on a l'intention de procéder dorénavant pour vous permettre d'avoir accès au marché du travail. Là, dans mon livre à moi, le trou le plus béant, c'est qu'on n'a pas mis sur pied - même si on dit qu'on va le faire, ce n'est pas encore fait, on ne l'a pas fait depuis trois ans, on ne l'a pas fait depuis la dernière année - de programmes d'adaptation pour être vraiment capables d'aider les gens bénéficiaires de l'aide sociale, des gens qui doivent actuellement se faire vivre pour toutes sortes de raisons.

Il y en a plusieurs là-dedans qui sont des gens drôlement valables. On en rencontre dans nos bureaux de comté. Mais on n'a pas mis à la disposition de ces gens les outils pour qu'ils puissent avoir accès à ces emplois. On sait que depuis les quatre, cinq, sept dernières années, cela évolue, et cela change beaucoup dans le monde du travail, dans l'industrie. Toutes les nouvelles réformes tant au niveau des productions que de la façon dont on fonctionne maintenant... Même au plan bureaucratique, on ne peut plus... Une personne à 50 ans, 55 ans qui voudrait revenir dans le milieu du travail et qui est bénéficiaire de l'aide sociale actuellement, si elle n'est pas formée en conséquence, ne pourra jamais accéder à un emploi.

Le problème est un problème d'offre et de demande et le problème c'est qu'il y a beaucoup d'emplois, que les employeurs cherchent actuellement, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de possibilités pour des gens d'avoir des emplois. Il y en a des emplois. L'économie va bien. Il y en a des possibilités. Pas besoin d'aller loin. Seulement à ouvrir le journal La Presse, le samedi, vous avez des cahiers complets de centaines et de milliers d'emplois. Comment se fait-il qu'on n'est pas capable de les combler avec 10 % de chômage, M. le Président? C'est une question fort simple. On n'est pas capable de faire ce que j'appellerais le "match". On n'est pas capable de faire le jumelage entre les emplois qui sont offerts et les gens qui sont actuellement sans emploi. Parmi ces gens sans emploi, il y en a 600 000 qui sont bénéficiaires de l'aide sociale.

Si le gouvernement du Québec ne met pas sur pied, malgré toute la réforme qu'il vient d'entreprendre des programmes d'aide précis pour être capable de dire à ces gens: Voici, vous allez passer de la formation que vous avez à telle

formation et on va pouvoir vous aider à retourner sur le marché du travail, parce que vous allez avoir les qualifications... Le problème, c'est que ces gens n'ont pas les outils nécessaires. Ils ne seront jamais capables. Ils vont rester des assistés sociaux. Ce sera l'État qui devra continuer. Malheureusement, je dois conclure, M. le Président. Je vais vous référer à Marcel Adam du journal La Presse ce matin, parce que le ministre disait: Trouvez-moi un éditorialiste qui est contre ça. Marcel Adam dit qu'il est quand même odieux que le gouvernement ait déposé une centaine d'amendements à la fin des travaux et aussi qu'il ait mis la guillotine. Il parie aussi de la question des règlements.

Tout ça pour vous dire, M. le Président, en ces quelques minutes qui me sont accordées que le projet de loi 37, même s'il va passer par la loi de la force, par la loi du nombre est quand même un projet de loi qui est tout à fait inadmissible, selon nous, et si le ministre, malgré tout, décide de passer outre, il devra en subir les conséquences et porter l'odieux de cette loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le député de Chambly.

M. Gérard Latulippe

M. Latulippe: M. le Président, je le répète et nous ne le répéterons jamais assez, la réforme de l'aide sociale est socialement souhaitable. Malheureusement, nous avons assisté à une formidable tentative de désinformation de la part de l'Opposition. Il est particulièrement dégradant que l'on utilise les plus démunis de notre société afin de donner la respiration artificielle à un parti politique, le Parti québécois, dont personne ne veut plus. Il est particulièrement inquiétant que l'Opposition tente de prendre en otage les assistés sociaux, qu'elle attise leur inquiétude pour des fins électoralistes.

Il est particulièrement inquiétant que l'on tente de manipuler l'opinion publique en laissant croire que de nombreux organismes et institutions, en particulier des secteurs public et parapublic, sont contre la réforme. J'entendais, il y a quelques instants, le député de Bertrand faire état de cette supposée longue liste de groupes qui auraient signé une déclaration exigeant le retrait du projet de loi 37. M. le député de Bertrand a probablement lu les journaux, mais il n'a certainement pas vérifié à la source la véracité de cette déclaration. Eh bien, dans ma région - je m'adresse au député de Bertrand - il y a l'hôpital Charles-LeMoyne qui est un des centres hospitaliers les plus importants sur la rive sud de Montréal. Le nom du centre hospitalier Charles-LeMoyne apparaît dans cette liste dont l'Opposition fait grandement état et qui apparaît dans les médias écrits aujourd'hui. Permettez-moi de vous lire ce que le directeur général de l'hôpital Charles-LeMoyne écrivait cette semaine, le 13 décembre, à propos de cette supposée déclaration d'un groupe de signataires appartenant aux secteurs public et parapublic, et je cite M. Montpetit: "La présente a pour but de vous informer que l'hôpital Charles-LeMoyne n'a en aucun temps étudié le projet de loi sur la réforme de l'aide sociale, ni ne s'est prononcé de quelque façon que ce soit quant à cedit projet de loi." Son nom apparaît dans cette fameuse liste à laquelle l'Opposition fait état.

Une voix: C'est effrayant.

M. Latulippe: Supercherie, M. le Président. On tente de manipuler les plus démunis de notre société, les assistés sociaux, en faisant croire que les organismes et institutions des secteurs public et parapublic ont étudié le projet de réforme et se sont prononcés officiellement' comme organismes contre le projet de réforme. Je le répète, supercherie!

Je répète qu'il est aussi particulièrement dégradant de faire de la démagogie sur le dos des bénéficiaires de l'aide sociale en utilisant l'arme de la peur. "Vos prestations seront coupées", clame la députée de Maisonneuve. "Les jeunes sont victimes de discrimination", clame la députée de Maisonneuve. "Les femmes, chefs de familles monoparentales, sont oubliées, négligées, méprisées", clame la députée de Maisonneuve. (16 h 20)

Je m'adresse à vous, les bénéficiaires de l'aide sociale, qui avez peur ou qui avez eu peur à la suite des propos de l'Opposition. Je m'adresse à vous, tout d'abord les jeunes, qui commencez la vie au seuil de la pauvreté et qui souvent êtes tentés par le désespoir. Le projet de réforme vous donne à tous ceux qui acceptez de participer à une mesure d'employabilité un taux de 487 $. Vous aviez 178 $ antérieurement. Vos prestations seront donc haussées substantiellement. Je vous rappelle, les jeunes, que le chef du Parti québécois, Jacques Parizeau, en 1984, recommandait le maintien de la contribution parentale. Or, le projet de loi abolit cette contribution de base de 100 $ par mois. Elle ne subsistera que pour les personnes dépendantes, une contribution proportionnelle aux revenus de leurs parents parce qu'il ne serait pas socialement acceptable d'abolir toute contribution dans le cas où un jeune dépendant a des parents qui a des revenus substantiels de 40 000 $, 50 000 $, 60 000 $ par année. Et même malgré tout, lorsque les parents refusent, lorsque le jeune est en rupture de famille, lorsque les parents sont introuvables, on pourra toujours, selon le projet de loi actuel, faire en sorte que ce jeune soit traité au même niveau que toute personne d'un âge plus avancé.

Je m'adresse à vous, ceux et celles qui à cause de votre état de santé ou à cause finalement de votre handicap, êtes empêchés de participer à des mesures de développement

d'employabilité, ceux que la réforme appelle les Inaptes. Vous pourrez jouir de 100 000 $ de plus. J'entendais ce matin, Mme la députée de Maison-neuve vous dire comment vous allez être pénalisés par le projet de réforme. Vous êtes 100 000 personnes; c'est environ 100 000 000 $ de plus qui vous seront accordés. Les personnes seules parmi vous, 78 000 personnes, sont dans cette catégorie que l'on considère des inaptes au travail. Vous aurez une augmentation de près de 100 $ par mois; de 487 $ votre barème passera à 585 $ par mois.

Où est la campagne de peur de l'Opposition dans un cas semblable? Je m'adresse à vous, les chefs d'une famille monoparentale que Mme la députée de Maisonneuve a tenté de terroriser, vous, dont le barème pour ceux qui ont un enfant, si on veut donner cet exemple, passe de 662 $ à 720 $ pour ceux qui participent à des mesures d'employabilité. Je m'adresse à vous qui êtes chef d'une famille monoparentale dont l'enfant ne fréquente pas l'école et vous qui avez, à ce moment-là, fait délibérément le choix de rester avec cet enfant à la maison. Votre barème passera de 662 $ à 690 $. Où est la campagne de peur de l'Opposition dans un cas semblable?

Encore vous, madame, monsieur, chef d'une famille monoparentale, vos frais de garde seront assumés: 10 $ par jour pour ceux qui participent à un programme d'employabilité, 50 % pour ceux qui participent au programme APPORT. Et c'est encore vous, les chefs de famille monoparentale qui profiterez le plus du programme d'allocations au logement qui a été spécialement conçu pour les familles avec enfants. 52 000 familles pourront en profiter. Elles pourront recevoir un chèque additionnel chaque mois pouvant aller jusqu'à 52 $ si vous payez un taux de loyer qui est supérieur à un barème de base. Pour ceux dont la composante loyer est importante, qui en particulier sont des personnes chefs de famille monoparentale, ces personnes pourront jouir d'une allocation additionnelle.

M. le Président, je suis convaincu que la réforme du ministre André Bourbeau constitue un effort courageux et sérieux pour aider les bénéficiaires de l'aide sociale à réintégrer le marché du travail. Je suis convaincu que l'immense majorité des personnes inscrites à l'aide sociale ne le sont pas par goût. Je crois à la dignité de ceux ' et de celles qui vivent de la sécurité du revenu. Il est indécent que l'Opposition parle de travail forcé en rapport aux mesures d'incitation au travail. Le ministre instaure des mesures pour aider la réintégration des assistés sociaux au marché du travail. Mais, en conclusion, il va falloir avant tout un effort collectif des partenaires sociaux, des syndicats, du patronat et des organismes communautaires pour atteindre l'objectif que nous souhaitons tous, que toute la société québécoise souhaite, qu'on soit dans l'Opposition ou au pouvoir, c'est-à-dire une réintégration des assistés sociaux au marché du travail afin de leur redonner la dignité à laquelle ils ont droit. Et c'est dans cet effort de réintégration que réside le véritable projet de société qui doit et peut prendre naissance à partir de la réforme de l'aide sociale du ministre André Bourbeau.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: M. le Président, c'est avec grand intérêt que j'ai écouté le discours du député de Chambly. Je crois qu'il y a là des choses qu'il faut rectifier. Le député de Chambly est le premier en cette Chambre à parler de terreur, de faire peur et à donner des exemples pour essayer de prouver que l'Opposition est à côté de la coche. Il a cité un exemple. Il nous a dit: Le centre hospitalier Charles-LeMoyne ne s'est pas prononcé là-dessus, alors, la liste que nous clame l'Opposition, la liste des appuis des 1668 organismes, tel qu'on le voyait, bien écrit, qui demandaient le retrait du projet de loi 37, ce n'est pas vrai, cela n'existe pas, c'est de la foutaise, ce sont des peurs de l'Opposition, des émanations spirituelles de l'Opposition qui ne sont pas axées sur la réalité.

M. le Président, vérifiez la liste mot par mot, nom par nom. Le seul exemple qu'il a pu donner pour dire que ce n'était pas vrai n'apparaît pas sur la liste. Le centre hospitalier Charles-LeMoyne n'y est pas. Dans la liste des intervenants, des 57 groupes et individus qui ont fait parvenir des télégrammes au premier ministre, le centre hospitalier Charles-LeMoyne n'est pas là. On nous a donné un exemple pour essayer de démontrer que ce n'était pas le cas et c'est un exemple qui - ma foi - reste douteux. Après cela, on vient nous dire que l'Opposition clame des choses qui ne sont pas réalistes. Qu'il en amène, des exemples. Qu'il nous dénonce. Qu'il amène des lettres semblables pour dire que les noms qui sont sur la liste, ce n'est pas cela, pour que tout le monde se rétracte par rapport à ce qu'il a avancé. Qu'il en donne, des noms, et non pas uniquement un exemple qu'il a pris on ne sait où pour venir nous dire que ce n'est pas vrai.

Est-ce qu'il va aussi venir dénoncer les signatures et dire que ce n'est pas réaliste ou que ce n'est pas la réalité lorsqu'on a une lettre écrite par l'ensemble des évêques du Québec appuyés par toutes sortes d'associations? On peut donner les noms: Mgr Jean-Guy Hamelin, Gérald Larose, Michel Rouleau, Yvette Brunet, Gérald MacKenzie, Yves Vaillancourt, Jean-François Robichaud, tous des gens qui représentent des groupes importants dans notre société. Des conseillers municipaux, des évêques et des représentants syndicaux qui ont envoyé une lettre au premier ministre disant: Nous demandons le retrait du projet de loi 37. Cela non

plus, ce ne sont pas des émanations de l'Opposition, ce ne sont pas des inventions, des incantations qui ne seraient prises nulle part.

Mme la Présidente, actuellement, le gouvernement ne sait plus derrière quoi se réfugier pour prétendre défendre un projet de loi sur lequel il dit avoir l'appui de la population. Le ministre sait très bien que son projet de loi n'a pas l'appui de la population. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'il s'est empressé de mettre le bâillon, de passer tout de suite à l'adoption en troisième lecture sans qu'on prenne le temps d'en discuter en Chambre. (16 h 30)

Dans une lettre signée par plusieurs députés libéraux qui siègent actuellement à l'Assemblée nationale, entre autres par le député de Chambly, on nous disait: C'est catastrophique! C'est épouvantable! Imaginez-vous! On a siégé 109 heures et entendu la présentation de 107 mémoires sur le projet de réforme de l'aide sociale. D'abord une chose, Mme la Présidente. Si on a entendu 107 mémoires, c'est que des gens qui avaient quelque chose à dire là-dessus et que, probablement, ils n'étaient pas tous d'accord. Quand on est d'accord avec une démarche, généralement, on laisse aller le gouvernement, on laisse aller le ministre. On lui donne un coup de fil. On lui dit: D'accord, c'est parfait! C'est beau! On n'a pas à faire de représentations supplémentaires avec tout ce que ça implique comme coûts, comme dépenses d'énergie et de temps pour présenter des mémoires devant l'Assemblée nationale. 107 sont venus. Ce sont eux-mêmes qui le disent. Il y a toute une liste de députés libéraux qui l'ont signée, y compris le député de Chambly.

Et puis là, tout de suite après, ils se scandalisent d'avoir siégé 109 heures; 109 heures pour 107 mémoires, Mme la Présidente, c'est à peine une heure par intervention. Est-ce que c'est scandaleux d'avoir pris une heure par intervenant, par groupe intéressé à faire des revendications, à faire valoir son point de vue devant le ministre? Est-ce qu'il y a là scandale? Est-ce qu'il y a là matière à imposer un bâillon? À justifier d'empêcher les parlementaires de parler sur un projet de loi? Et on vient se scandaliser de la situation. On trouve qu'on a pris trop de temps en prenant une heure par représentant. Une heure) S'il avait fallu appliquer la même médecine en 1977 lors de l'application de la loi 101, la Chambre n'aurait pas passé tout l'été à siéger. C'est une procédure antiparlementaire. Le ministre va rapidement. Il est pressé. Son gouvernement est pressé de faire avancer un projet de loi antipopulaire, qui compte peu d'appui dans la population. Plus ça va, plus les gens sont contre. Et puis, on essaie de faire croire après ça que c'est la faute de l'Opposition, l'Opposition qui brandit le spectre de la peur, de la crainte.

Mais regardons-le, Mme la Présidente, le projet de loi, article par article. Il y a des points là-dedans... Nous ne sommes pas les seuls à avoir compris ce que ça représente. Tous ces gens-là qui ont signé, qui ont fait des représentations au ministre avaient quelque chose a dire, souhaitaient être entendus sans se faire dire, après, qu'on avait pris trop de temps pour les entendre... Généralement, quand on invite du monde à se présenter en commission parlementaire, Mme la Présidente, ce n'est pas pour leur dire: D'accord on est bien content de vous avoir entendus, mais là, cela a été drôlement long et ça nous a coûté cher. On doit procéder rapidement parce qu'on ne peut pas se permettre de passer plus de temps avec vous. C'est tout simplement ça que veut dire la lettre qui a été signée par plusieurs députés libéraux, qui a été publiée dans La Tribune du 2 décembre 1988 et sur laquelle le député de Chambly a apposé sa signature. C'est ça que ça veut dire. Cela veut dire: Bon, on a assez perdu de temps à vous entendre, les "boys". La, c'est fini! C'est le temps qu'on procède. On vous a entendus. On a pris 109 heures pour entendre 107 groupes, c'est beaucoup trop. Vous avez fini de chiâler, c'est assez. Nous, comme gouvernement, sommes responsables et nous procédons, peu importe ce que vous pensez.

Mme la Présidente, il est tout simplement normal, une fois qu'on a entendu des groupes en commission parlementaire, qu'on prenne le temps, après, entre parlementaires, de discuter de ces interventions-là, d'aller à fond dans ce qu'ils voulaient dire. C'est la démarche parlementaire normale, reconnue dans le fonctionnement de notre société. Et on vient nous accuser aujourd'hui, alors que le ministre, à la veille de faire déposer un bâillon ou d'accepter que le gouvernement mette le bâillon sur le projet de foi, a déposé une liasse d'une centaine d'amendements après s'être assuré que personne de l'Opposition et probablement la grande majorité de ses députés n'aient pas eu le temps de les regarder... Il nous arrive avec ça et après, le bâillon. Ils disent: Qu'est-ce que vous voulez? On a pris trop de temps là-dessus. Bien non, on a pris trop de temps. 107 groupes sont venus faire des revendications devant le gouvernement! C'est presque un record historique. Et on se scandalise. On clame. On accuse l'Opposition de vouloir retarder les travaux et de faire un travail malsain alors qu'on a passé à peine 109 heures pour étudier un projet de loi d'une aussi grande importance qui, tel que le disait le député de Chambly lui-même au moment de signer cette lettre-là, affecte au moins 580 000 de nos concitoyens les plus démunis.

Cela vaut la peine de prendre plus de 109 heures pour parler du sort de 580 000 de nos concitoyens parmi les plus démunis! De quoi se scandai ise-t-on? De quoi a-t-on peur dans ce gouvernement fantoche qui est pressé de passer un projet de loi qui va mettre la guillotine, non pas uniquement sur les parlementaires, mais sur bon nombre d'assistés sociaux qui ont déjà

commencé, au moment où l'on se parie, à souffrir des applications du projet de loi, avec tous ces boubous macoutes qui hantent les rues du Québec depuis de nombreux mois, qui ont été contestés par à peu près tout ce qu'il y avait d'intervenants sociaux. Les seuls qui sont d'accord, ce sont ceux qui les ont créés. Tout le monde est contre, mais ces gens-là continuent à faire la sourde oreille. Et qu'on vienne se scandaliser alors que le sort de 580 000 de nos concitoyens est en jeu au moment où on se parie parce que la commission a siégé pendant 109 heures... Et on viendra nous parier de logique après ça, on viendra nous parler de responsabilités d'un gouvernement qui nous amène 100 amendements la veille du jour choisi pour mettre le bâillon sur un projet de loi aussi fondamental. Après, le ministre s'amuse en Chambre à nous faire des sourires et des courbettes en disant: L'Opposition, regardez-la, elle est encore en train de s'exciter et de s'énerver. Bien, on a raison de le faire et la population du Québec aussi a raison d'être inquiète d'un comportement aussi peu respectueux de l'opinion publique, tel que le comportement qu'adopte aujourd'hui le gouvernement en nous présentant ce projet de loi en troisième lecture, alors que l'ensemble des intervenants socio-économiques du Québec sont contre. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député d'Ungava.

M. le député de Dubuc.

M. Hubert Desbiens

M. Desbiens: Merci, Mme la Présidente. Je pensais qu'il y avait des intervenants de l'autre côté.

Une voix:...

M. Desbiens: Non, ils ont reçu, semble-t-il, le message du ministre ou du premier ministre de ne pas faire de vague, d'essayer de passer ça en douce; l'image, donc, du gouvernement.

Mme la Présidente, à la toute dernière limite des interventions possibles de l'Opposition pour essayer de représenter la masse des citoyens qui vont être lésés par le projet de loi 37 sur le fameux, le- prétendu projet de réforme de l'aide sociale, que défend maintenant... Après modifications à deux ou trois reprises de ce projet de loi, après avoir, comme l'a si bien souligné mon collègue d'Ungava, vu et reçu en commission parlementaire au-delà de 100 mémoires, dont 90 % ou 95 % étaient opposés à ce projet de loi, le gouvernement actuel et le ministre responsable l'imposent à l'Opposition. En obligeant l'Opposition à se taire, ils essaient, par le fait même, de faire taire aussi la population et tous les organismes, les centaines d'organismes québécois qui ont cherché à faire entendre raison au gouvernement. Comment en cette fin...

J'entendais le député de Chambly parier de mesures dégradantes, d'interventions dégradantes de la part de l'Opposition. Ce qu'il y a de plus dégradant, c'est justement la façon dont le gouvernement actuel traite l'Assemblée nationale et ses intervenants. C'est la façon surtout dont ce gouvernement traite l'ensemble des personnes les plus démunies au Québec. C'est ça qui est vraiment dégradant. Ce n'est pas le fait que l'Opposition prenne la défense des groupes les plus démunis.

Mme la Présidente, j'ai choisi comme dernière intervention sur ce projet de loi, puisque c'est la dernière et que le nombre de minutes est très calculé, je pense qu'il n'y a pas de meilleure façon d'intervenir que de faire la lecture de cette lettre qu'ont envoyée, en désespoir de cause, qu'ont adressée au premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, une liste d'intervenants, dont l'évêque de Rouyn-Noranda, le président de la Centrale des syndicats nationaux, l'Association des femmes autochtones, l'Association québécoise pour la défense des retraités, la Ligue des droits et libertés, l'Église unie du Canada, le Conseil canadien d'action du statut de la femme, la Fédération des femmes du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, et une vingtaine de signataires par leur représentant. Je pense que la meilleure façon d'intervenir à ce moment-ci, c'est de relire cette lettre-là pour que cette dernière, qui a été envoyée, comme je le disais, en désespoir de cause, au premier ministre, reste, consignée au Journal des débats de l'Assemblée nationale. (16 h 40)

Elle se lit ainsi, Mme la Présidente: "Nous nous adressons à vous aujourd'hui pour vous demander de retirer le projet de loi 37. Nous croyons, avec une partie importante de la population, que la réforme de l'aide sociale proposée par votre gouvernement aura pour principale conséquence d'appauvrir un grand nombre de personnes assistées sociales et d'accroître les contrôles souvent discriminatoires à l'égard de l'ensemble des bénéficiaires. Bien que l'intention proclamée de la réforme soit de sortir les personnes assistées sociales de la trappe de la pauvreté, force nous est de constater que le programme proposé par le projet de loi 37 ne correspond pas à cette visée." Ce n'est pas moi qui parie, Mme la Présidente, je le rappelle. C'est sous la signature d'une vingtaine de personnes représentant des groupes autorisés. Il n'y a pas là-dedans l'hôpital Charles quelque chose. "Non seulement l'établissement d'un nouveau seuil de pauvreté permet-il de justifier la diminution des barèmes d'aide, mais les personnes assistées sociales jugées aptes au travail verront leur prestation de base sérieusement réduite sans pourtant que votre gouvernement s'engage au développement d'une politique de plein emploi ou qu'il puisse garantir la mise en place de programmes d'employabilité néces-

saires pour accueillir ces bénéficiaires. De plus, selon le projet de loi, les prestataires qui travaillent dans un programme d'intégration au travail ne seront pas protégés par les lois régissant les conditions de travail."

J'interromps ici ma lecture, Mme la Présidente, pour vous rappeler et rappeler au député de Chambly les conséquences possibles d'un tel projet de loi. J'ai justement reçu, il y a une heure, un appel téléphonique d'une concitoyenne du comté de Dubuc qui a été congédiée avec cinq consoeurs de travail. Pourquoi? Par manque de travail. Qu'est-ce que le patron lui a dit? Il lui a dit: Je veux engager six assistés sociaux à 25 $ par semaine, ça va être payant pour moi. Comment le ministre va-t-il faire? Est-ce l'Opposition, M. le député de Chambly, qui apporte ces conséquences-là? Ce sont les conséquences que cela a dans le milieu. Il y a des patrons de petites entreprises qui sont prêts à faire comme celui-là est en train de faire actuellement; il vient de les congédier. Elles ont reçu leur cessation d'emploi aujourd'hui, M. le député de Chambly, vous pouvez rire. Je poursuis la lecture de la lettre, Mme la Présidente. "Par ailleurs, le projet de loi introduit de nouveaux contrôles qui porteront atteinte à la vie privée. Les personnes assistées sociales sont déjà soumises à de multiples contrôles." Pensons aux boubous macoutes. C'est une réflexion personnelle. Je poursuis la lettre: "Faits et gestes de la vie privée peuvent être requestionnés sous le moindre prétexte. Les femmes assistées sociales déjà particulièrement harcelées en vertu de la notion de vie maritale verront maintenant le ministre de la Sécurité du revenu intervenir encore plus directement dans leur vie, à un point tel que l'on a pu parler de mise en tutelle des assistées sociales. "Certes, le projet de loi accorde en théorie la parité aux jeunes de moins de 30 ans, mais diverses mesures telles la contribution alimentaire des parents, la pénalité pour le partage du logement viennent la restreindre considérablement." Cela faisait suite à une promesse, à des engagements du Parti libéral: la parité pour les moins de 30 ans. On comprend bien ce que voulait dire le premier ministre en Alberta, l'autre jour, quand il disait: C'est normal qu'un gouvernement dise une chose avant une élection et qu'il agisse différemment après l'élection. Nietzsche, lui, disait: Ce qui distingue l'homme des autres animaux, c'est qu'if est capable de faire des promesses.

Je poursuis la lecture de la lettre, Mme la Présidente. "Nous croyons que le projet de loi 37 est contraire à plusieurs dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, comme l'a d'ailleurs affirmé la Commission des droits de la personne. Le gouvernement du Québec ne peut agir au mépris des droits garantis à tous les citoyens du Québec." J'ajoute personnellement que c'est la responsabilité de cette Assemblée nationale, des élus de la popula- tion, qui sont les véritables représentants de la population. Les députés eux-mêmes qui ont à faire ce travail accordent bien plus parce qu'on sait que, quant à moi, lorsque les ministres ont accepté la charge de ministre, ils deviennent des fonctionnaires en titre.

Je poursuis la lettre, Mme la Présidente. "Un choix de société s'évalue d'après le sort fait aux plus pauvres. Nous ne pouvons accepter le choix de société que propose le projet actuel de réforme de l'aide sociale. C'est pourquoi nous vous demandons de retirer le projet de loi 37."

C'est la teneur complète et exacte de cette lettre, signée, encore une fois, par une vingtaine d'associations. Tout comme cette publicité et ces pétitions qui ont été remis en de multiples exemplaires au gouvernement par des centaines de groupes de partout au Québec. Le ministre peut bien prétendre avoir l'appui de la population, oui, il a eu l'appui de la population pour des modifications à l'aide sociale, mais il n'a jamais eu l'appui de la population pour écraser les moins bien nantis de la société québécoise.

Mme la Présidente, je terminerai en rappelant une dernière fois, puisque c'est la dernière occasion qu'on a de le faire, vu le bâillon que nous impose le gouvernement, le titre justement de cette pétition qui a été remise, signée par des milliers de Québécois. Attendu que le projet de loi 37 sur la sécurité du revenu signifie un appauvrissement des personnes assistées sociales, un accroissement de contrôle à tous les égards, une atteinte à la dignité et à la vie privée, une fausse parité pour les 18-30 ans, un harcèlement en vertu de la notion de vie maritale et de la perception des pensions alimentaires, une discrimination à l'égard de l'ensemble des bénéficiaires, une absence de volonté d'élaborer une politique de plein emploi, une possibilité de mise en tutelle des personnes assistées sociales, un accroc à plusieurs dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, je ne demande plus évidemment, au nom de ces centaines de groupes, au ministre de retirer son projet de loi 37. On sait que ce gouvernement a fait son lit et il a choisi de réaliser cette pensée de Victor Hugo pour ma collègue de Deux-Montagnes: C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Dubuc. M. le député d'Ungava, sur une question de règlement.

M. Claveau: Sur une question de règlement, Mme ta Présidente. Je voudrais rectifier un fait. C'est qu'après vérification, effectivement l'hôpital Charles-LeMoyne apparaît sur la liste des 1668...

La Vice-Présidente: Ce n'est pas une question de règlement, M. le député d'Ungava. Un instant! Est-ce que j'ai le consentement de la

Chambre pour pouvoir... Consentement. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. Je voulais rectifier parce qu'on me dit, après vérification, que l'hôpital Charles-LeMoyne apparaît sur la liste. Par contre, le nom de l'hôpital Charles-LeMoyne n'a jamais été publié sur la partie des 235 ou 240 signataires qui a paru dans l'article du journal Le Journal de Québec, le 12 décembre 1988.

S'il y a des erreurs éventuelles sur la liste de ceux qui ont signé cette déclaration expédiée au premier ministre du Québec, eh bien! à ce moment-là, ce n'est pas à l'Opposition à se porter garante de l'authenticité de ça. Nous travaillons sur ce qui a été publié et effectivement rendu public. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Bourbeau: Oui. Sur la même question de règlement que celle soulevée par le député qui vient de nous préciser que le nom de l'hôpital Charles-LeMoyne apparaît sur la liste qui a été rendue publique et qu'a citée la députée de Maisonneuve hier et qu'elle a citée encore aujourd'hui dans son discours. Nous avons ici la lettre du directeur général de l'hôpital Charles-LeMoyne. Celui-ci confirme que jamais l'hôpital Charles-LeMoyne n'a fait l'étude du projet de loi et qu'il ne s'est donc pas prononcé sur le projet de loi 37, ce qui dément les propos du député.

La Vice-Présidente: Cela dit, M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Compte tenu de la rectification qui vient d'être apportée, il n'y a pas 1668 groupes et organismes qui se sont opposés à la réforme du gouvernement libéral en matière d'aide sociale. Il en reste donc 1667 et, du côté de ceux qui sont pour... Je pense qu'il est important de donner le score. Du côté de ceux qui sont pour, si je comprends bien, il en reste deux: le Conseil du patronat et le Beaver Club. Peut-être l'hôpital Charles-LeMoyne, malgré que je vais aller vérifier, M. le ministre, ce n'est pas tellement loin de mon comté. Vous me dites que vous avez la lettre du directeur général. Je prends votre parole.

Écoutez, Mme la Présidente, en dehors de l'importance de donner le score exact aux gens d'en face en ce qui concerne la réforme de l'aide sociale que le gouvernement libéral a amorcée finalement à peu près durant la campagne électorale lorsqu'il a offert une parité qu'il ne respecte pas toujours, je voudrais simplement rappeler aux gens qui sont ici cet après-midi que les hommes et les femmes qui sont députés faisaient généralement d'autres sortes de travaux avant, avaient d'autres métiers, d'autres professions. Généralement donc, nous qui sommes ici, particulièrement des deux côtés de la Chambre, nous avons des possibilités, des moyens. Certains ont même été favorisés par, mon Dieu, le talent, la chance, les occasions, les circonstances de la vie qui font qu'à peu près la totalité des députés peuvent gagner leur vie. Ils sont capables de se retrouver finalement dans le type de société complexe dans lequel nous vivons, complexe quand vient le temps de se trouver un emploi. (16 h 50)

II y a aussi une catégorie de citoyennes et de citoyens du Québec que moi je vois, en tout cas, dans mon comté parce que j'ai des proches dans mon quartier à Longueuil qui sont particulièrement défavorisés. Je suis convaincu que les gens d'en face et ceux qui placotent pendant que je parle reçoivent le lundi dans leurs bureaux de comté des personnes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. Donc, assisté social dans le sens où l'État vient les aider. À quoi? À traverser une période difficile de leur vie. Là-dessus, les statistiques sont importantes. Deux tiers - et on me corrigera, M. le ministre, si je me trompe - des assistés sociaux, contrairement à la croyance populaire, font appel à l'aide sociale une seule fois dans leur vie et pour une période maximale de six ou huit mois. C'est ça la réalité. La réalité, c'est qu'il y a des gens qui se retrouvent parfois mal pris dans la vie et qui n'ont pas le talent du ministre ou le talent du député de Frontenac ou, peut-être, le talent du député de Dubuc - peu importe la partisane-rie - et qui ont besoin de l'aide de l'État.

Or, précisément, à quoi sert l'État, sinon à redistribuer, à donner à ceux qui sont moins favorisés, moins bien nantis un peu de l'argent de ceux qui gagnent leur vie d'une façon un peu plus facile. À quoi sert l'État sinon à venir en aide aux gens les plus démunis dans la société? En tout cas, moi, dans mon esprit, Mme la Présidente, un État, un gouvernement qui se tient debout, ça sert à soigner les gens qui sont malades, ça sert à essayer de fournir un système d'éducation qui se tient debout, ça sert aussi à aider les gens parmi nous qui sont les plus mal pris. Cela s'appelle l'aide sociale. On ne peut pas faire une réforme dans le secteur de l'aide sociale en ayant 1667 groupes et organismes contre notre réforme. On ne peut pas faire une réforme d'aide sociale en bâillonnant l'Opposition comme l'a fait le ministre. On ne peut pas faire une réforme de ce secteur absolument vital parce que c'est ça le chèque d'aide sociale à la fin du mois, dans ce secteur absolument vital, en déposant 100 amendements comme le ministre l'a fait ce matin et demander aux députés de voter sur des amendements qu'ils ne connaissent pas.

Autant sur le fond du projet de loi que sur la forme, c'est-à-dire la façon de procéder du ministre, sa réforme de l'aide sociale est un échec lamentable pour lequel les députés d'en face, les députés de ce côté-ci seront appelés à

sensibiliser les lundis, les fins de semaine et les semaines qui viennent. On en entendra parier longtemps, parce qu'on ne peut pas faire ce type de réforme en mettant de côté l'avis de la Commission des droits de la personne et, encore moins, en la traitant de la façon dont le ministre l'a traitée. Il ne s'est même pas rétracté, malgré l'opportunité que l'Opposition lui ait offerte.

On ne peut pas, Mme la Présidente, sur le fond, opérer une réforme semblable en écartant les éléments de discrimination contenus dans le projet de loi. On ne peut pas faire une réforme semblable en définissant conjoints de fait de la façon dont le fait le ministre. Je pense que ce qui a été dit en Chambre, cette semaine, est éloquent. Quand vient le temps de donner ou de recevoir l'argent des contribuables, on emploie une définition de conjoint de fait qui est différente. Là-dessus, le ministre de la Justice, les gens d'en face semblaient descendre des nues, descendre d'une autre planète. Ah oui, mais le ministre des Transports a dit: Moi je suis prêt à harmoniser ma loi avec les autres lois. On ne peut pas, toujours sur le fond, Mme la Présidente, garder au niveau de ce projet de loi, les éléments en ce qui concerne l'inaptitude au travail, la contribution parentale également dans certains aspects, la protection des lois du travail.

Là-dessus, j'insiste, Mme la Présidente. On a donné, par la Loi sur les normes du travail, par le Code du travail, les bases de ce que devraient être les conditions du travail décentes au Québec, mais le ministre, pour les besoins de sa réforme de l'aide sociale, met ça de côté. En ce qui concerne l'abandon de l'aide de dernier recours, les articles 28 et 29 de son projet de loi, remboursement des erreurs administratives, les mécanismes d'appel et de révision qui sont inadéquats, insuffisants pour garantir le droit à une audition juste et impartiale de ces citoyens...

Mme la Présidente, vous me faites signe que déjà mon temps achève. Essentiellement, ce que je veux dire au ministre, ces gens qui sont les plus défavorisés, 600 000 citoyens au Québec, c'est énorme. On ne peut pas affecter leurs conditions d'aide de l'État, alors que ce même gouvernement n'a pas fait preuve du minimum de courage pour présenter une politique d'emploi. Le problème des assistés sociaux, M. le ministre, vous devriez le savoir mieux que quiconque. Ces gens veulent travailler, mais le chômage est toujours à 10 % au Québec parce que, malgré la période de vaches grasses, votre gouvernement n'a pas produit de politique d'emploi qui se tienne debout. Là, on voudrait faire marcher au pas les assistés sociaux et les assistées sociales, alors qu'if n'y a pas, de l'autre côté, une politique d'emploi véritable au Québec. Cela fait trois ans qu'ils sont au pouvoir, en pleine période de croissance économique, et rien en ce qui concerne l'emploi. A quoi sert la croissance économique du Québec, si ça profite toujours aux mêmes?

La croissance économique du Québec devrait servir à se doter d'une véritable politique d'emploi qui permette de donner à chaque assisté social ce dont il a besoin, c'est-à-dire un travail digne, valorisant, permanent, dans lequel il pourra s'exprimer, comme nous, les députés, nous le faisons actuellement, et comme également des millions de Québécois et de Québécoises le font actuellement. C'est ce que veulent les assistés sociaux et non pas une réforme d'aide sociale avec 100 amendements déposés le jour même de l'adoption. C'est ce qui a obligé les assistés sociaux, ce matin, à poser un geste qui n'est pas dans les règles du Parlement, à venir utiliser leur dernier outil pour rappeler, dans une chanson que le ministre devrait lire durant le temps des Fêtes, que nous ne pouvons pas, nous, les plus favorisés ou en tout cas parmi les plus favorisés de la société, traiter les gens démunis, autant sur le fond que sur la forme, de, la façon dont le fait le gouvernement libéral.

C'est pourquoi nous continuerons à nous opposer de ce côté-ci, l'Opposition officielle, jusqu'à nos dernières limites, jusqu'à nos derniers retranchements, à l'intérieur de ce que permet le règlement, pour contester et nous opposer vigoureusement à ce projet de réforme mal foutu du ministre.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Taillon. M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, j'ai toujours pensé que, comme députés, nous devrions donner plus de temps pour ceux qui sont moins fortunés que pour ceux qui sont plus fortunés. Quand il s'agit d'adopter des lois pour exempter les gains de capitaux ou les gens qui ont de l'argent, le gouvernement libéral a du temps en masse, il ne manque pas de temps. Quand il s'agit d'enrichir les riches, le gouvernement libéral a du temps en masse. Mais quand il s'agit de débattre les questions qui concernent les gens qui sont moins fortunés, le gouvernement a moins de temps. C'est la caractéristique de ce parti dirigé par ce premier ministre, l'homme sans doute le plus mou au Canada et que l'on a en guise de premier ministre ici, mais il finira avant longtemps comme il a fini en 1976. Actuellement, on constate qu'il est en train de s'établir le même climat, sur le plan social et sur le plan de la langue, qu'il y avait en 1976, quand il est parti. Il a senti l'obligation de partir en Europe un certain temps pour que les gens ne se rappellent plus et qu'ils l'oublient. (17 heures)

C'est un gouvernement aussi hypocrite, vicieux, qui a réussi à faire une définition incroyable de conjoints de fait. Aujourd'hui, on reconnaîtra des gens comme vivant maritalement selon certaines définitions qui seront différentes selon les projets de loi. Trouvez-moi une société

au monde où on fait différents types de quasi-mariages si l'on veut ou de reconnaissance de conjoints de fait. S'il s'agit que cela rapporte de l'argent au gouvernement, pour ça, vous pouvez être considérés comme étant mariés que vous n'aurez pas eu le temps d'en avoir connaissance, mais s'il s'agit que le gouvernement paie, là, vous pouvez vivre ensemble longtemps, n'ayez pas peur le gouvernement va prendre son temps pour vous reconnaître. Dans cette loi que ce gouvernement a bâclée, de ce gouvernement qui travaille mal, il y a quatre définitions de conjoints de fait différentes dans les 29 lois qui ont été déposées le 15 novembre dernier. Il y en a notamment deux qui sont incroyables: la loi 92 sur l'assurance automobile et la loi concernant la sécurité du revenu ou l'aide sociale.

Dans un cas, l'assurance automobile, pour être reconnus conjoints de fait, il faut vivre maritalement ensemble pendant trois ans. Pourquoi? C'est parce que le gouvernement doit payer aux conjoints. Alors, il souhaite qu'il y ait le moins de conjoints possible. Alors, il dit que, pour reconnaître un conjoint de fait, il faudra que les conjoints vivrent maritalement ensemble pendant trois ans pour payer le moins possible et pour reconnaître le moins possible des conjoints de fait. Mais quand il s'agit de l'aide sociale ou de la sécurité du revenu, là, un an. Pourquoi? Afin qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe de l'autre conjoint le plus rapidenent possible. S'il y a un conjoint qui peut être reconnu comme conjoint de fait et s'il travaille, on va pouvoir se déba-rasser de l'assisté social. Alors, un an c'est assez pour être conjoints de fait parce que, là, c'est le gouvernement qui va pouvoir se débarrasser de gens pour lesquels il devra assumer des obligations, mais, le plus vite il va être considéré comme vivant comme personne mariée, le plus vite il va pouvoir se retirer de l'aide à apporter. Alors, un an, c'est suffisant! Mais pour l'assurance automobile ce sera trois ans.

On se demande pourquoi au Québec il y a un taux de natalité qui est bas? Pourquoi actuellement on a le taux de natalité à peu près le plus bas au monde? Demandez à tous les gens capables d'avoir des enfants pourquoi? Ils vont vous dire que c'est à cause de la grande insécurité. Et un de ceux qui contribuent à cette insécurité, c'est le gouvernement. Le gouvernement par ce genre de notions comme celles qu'il introduit dans les lois où aujourd'hui, il y aura autant de formée de conjoints de fait qu'il y aura de lois en fonction des avantages que le gouvernement pourra en retirer. C'est quelque chose! Trouvez cela dans une société ailleurs. Pourquoi? C'est parce que le premier ministre est comme un oeuf à deux jaunes. Il ne sait jamais lequel fertiliser, hein? C'est cela qu'on a comme premier ministre. On va le voir encore avec la loi sur la langue française cette semaine. Pourquoi? Il est incapable de se brancher concernant l'aide aux jeunes, incapable de se brancher concernant le français, incapable de se brancher sur un ensemble de lois. Et là, on se retrouve devant des lois à moitié faites avec des gens qui ont peur de présenter leurs amendements et qui ont peur de débattre leurs lois en commission parlementaire et qui font des bâillons dans des régimes de république de bananes.

Mme la Présidente, quand on voit un tel soulèvement de gens contre un projet de loi, cela ne prend pas une 500 watts pour comprendre que les gens au Québec ne sont pas favorables à ce projet de loi. Ils ne sont pas favorables parce qu'ils sont préoccupés du sort des gens qui sont les plus démunis dans leur société. C'est une marque de civilisation dans une société de constater la façon dont on traite ceux qui sont le moins fortunés. Il y en a qui vont dire: Ah! Des paresseux. Moi, je vais vous dire une chose que j'ai vécue comme député. Aux chantiers maritimes de Lévis qui, normalement, embauchent entre 2000 et 2500 personnes, à un moment donné, le travail est réduit à une centaine de personnes. Il y a des gens qui ont reçu de l'assurance-chômage pendant un an et après cela, plus d'assurance-chômage, ils ont eu le bien-être social. Ces gens pleuraient d'avoir le bien-être social parce qu'ils ne voulaient pas être sur le bien-être social, ils voulaient travailler. C'étaient des gens qui avaient les épaules larges comme ça et qui voulaient avoir de l'emploi, mais à cause d'une absence de travail pour des soudeurs, ils ne pouvaient pas avoir de travail. On va dire après cela que ces gens-là ne voulaient pas travailler! Au contraire. Moi, je les ai vus. Au contraire, j'ai vu que c'étaient des gens qui voulaient travailler.

Il y a des gens qui, dans la vie, n'ont pas eu les mêmes chances. J'ai passé dimanche après-midi avec une association de parents uniques. J'ai vu plus de solidarité, plus de chaleur humaine qu'on en voit dans les coeurs des gens fortunés qui ont juste le temps de penser à eux-mêmes, des Narcisses qui se regardent dans le miroir et qui se trouvent de leur goût. On en trouve parmi les ministres. Je dois vous dire que j'ai trouvé plus de chaleur humaine chez les gens qui s'occupaient des gens démunis et qui, dimanche, me disaient: Le jour de Noël, on va avoir une journée d'accueil pour tous ceux qui sont seuls. Des parents uniques disaient: Tous ceux qui sont seuls et qui ne savent pas où aller le jour de Noël, on va les inviter à venir passer la journée avec nous. Des repas vont être préparés. On va mettre notre temps là-dedans. C'étaient des gens qui en ont moins que les autres, dont une grande partie sont sur le bien-être social, mais qui pensaient à des gens qui pouvaient être plus malheureux qu'eux, alors que le gouvernement essaie de rendre le sort le plus misérable possible à ceux qui sont le moins fortunés dans notre société.

Ce n'est pas souvent que les évêques interviennent. On ne les entend pas parler souvent aujourd'hui. Autrefois, ils en menaient large. Mais aujourd'hui, ils préfèrent s'occuper

des besoins socio-économiques de la population et être plus proches des gens démunis. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit? On voit les évêques intervenir pour dire quoi? Que c'est un mauvais projet de loi pour notre société. Et pourquoi le gouvernement veut-il écarter ce débat alors que c'est un tollé de la part d'associations qui sont contre ce projet de loi? Vous ne voyez pas beaucoup de gens se prononcer en faveur.

Une voix: Le Conseil du patronat.

M. Garon: Le Conseil du patronat? On le sait bien, les riches n'en ont jamais assez et les pauvres en ont toujours trop.

Une voix: Alliance Québec.

M. Garon: Alliance Québec a un régime fiscal spécial pour faire de la recherche afin de préserver les anglo-saxons en Amérique du Nord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Mais l'Association des francophones de l'Ouest de Montréal n'a pas le droit d'avoir un régime spécial sur le plan fiscal. C'est le régime qu'on a en face de nous. Et le ministre qui présente le projet de loi va parler de Hitler. C'est lui qui est Hitler ici. C'est lui qui fait le bâillon. C'est lui qui brime le Parlement. C'est lui qui est contre la véritable démocratie où débattre les projets de loi, cela doit être fait à l'Assemblée nationale. C'est avec des gens comme ça...

Tantôt, j'écoutais le député de Chambly qui venait nous faire la morale. Imaginez-vous!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: II est le dernier qui devrait nous faire la morale en cette Chambre. Ce n'est pas pour rien qu'il est rendu sur la dernière banquette de l'Assemblée nationale.

Des voix: Hé! Wo là!

M. Garon: M. le Président, c'est la réalité. Ce n'est pas moi qui l'ai faite.

Des voix:...

La Vice-Présidente: M. le député, je vous demanderais de revenir à la pertinence du débat, à savoir le projet de loi 37. Là-dessus, je reconnais qu'il reste une minute à votre intervention.

M. Garon: Mme la Présidente, essentiellement, il s'agit d'un projet de loi qui touche des centaines de milliers de personnes dans notre société, qui mérite un véritable débat. Et cela ne se fait pas par des discours de sépulcres blanchis, de gens qui ne veulent pas voir la réalité en face. Ne vous trompez pas, le gouvernement Bourassa a toujours eu de la difficulté à gouverner dans des périodes faciles sur le plan économique. Mais on commence à traverser une période difficile actuellement.

Une voix: Où, cela?

M. Garon: Vous savez, quand le taux d'escompte est rendu à 11 %, que le taux préférentiel est rendu à 12,5 %, que dans l'immobilier la construction baisse de 27 % cette année, on commence à entrer dans une période difficile. On verra comment ce gouvernement va se comporter. Juste avant le début de la période difficile, il commence à massacrer qui, en premier? Les gens les moins fortunés de la société, par un projet de loi ignoble qu'il ne veut même pas débattre en Chambre, qu'il ne veut même pas faire passer par toutes les étapes que doit normalement passer un projet de loi.

Mme la Présidente, c'est pourquoi nous devons nous battre le plus possible avec les moyens que nous avons comme représentants de l'Opposition qui représente, dans cette affaire, i'immense majorité des groupes qui s'intéressent aux assistés sociaux, à l'assistance sociale, pour combattre un projet de loi qui est honteux.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lévis. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Guy Bélanger

M. Bélanger: Mme la Présidente, j'ai déjà eu pour le député de Lévis une certaine admiration, comme beaucoup de gens. À l'époque où il était à l'Agriculture, il a fait un certain nombre de choses qu'on a trouvées intéressantes et qu'on approuvait. Et il le faisait avec une certaine bonhomie, un certain comique. Il savait amuser en même temps, ce qui avait l'heur de plaire et de détendre les discours politiques, ce qui rendait la chose, ma foi, agréable. (17 h 10)

Mais, voilà, on vient d'avoir aujourd'hui l'exemple de ce qui arrive au député de Lévis. Il n'amuse plus. Non seulement il n'est plus drôle mais il en est rendu à des attaques basses. Il mord n'importe quoi. Il mord n'importe qui de façon vicieuse. Il devient, ma foi, carrément inacceptable dans ses interventions. Et on tolère, et on tolère. Je trouve ça dommage, madame, qu'un esprit aussi bien fait qui avait un début de carrière intéressant en soit réduit à cette façon de faire.

Des voix: Ha, ha ha!

M. Bélanger: Je la trouve malheureusement triste et déplorable. C'est du mauvais comique. C'est du mauvais spectacle. Et je ne vois pas en quoi cela peut aider la cause des assistés sociaux. Si c'est ça défendre les assistés sociaux,

ma foi, je pense qu'il y a beaucoup de gens qui devraient sérieusement repenser leurs orientations eu égard à ce dossier-là.

Je voudrais, madame, corriger un certain nombres d'affirmations qui ont été faites dans ce débat. Je suis un de ceux qui, depuis le début, ont participé à toutes les auditions publiques, 107, qui ont duré 120 heures. Et, croyez-moi, contrairement à ce que le député d'Ungava prétendait, d'abord c'est une heure par intervention. Ce sont les règles et les façons de procéder, un, et on s'entend avec l'Opposition pour établir ces règles-là, au préalable. Donc c'est un consentement unanime, un consentement de part et d'autre. Deux, 107 groupes. On en avait invité plus de 120, je pense, mais certains groupes n'ont pas jugé nécessaire de se présenter. Ils nous ont fait parvenir des lettres expliquant leur point de vue. Et, à la suite de ces 120 heures d'audition fort enrichissantes, un nombre important de députés, membres de ma formation politique, ont décidé de remettre en question certaines dispositions de ce projet de loi qui semblaient poser problème à des groupes de personnes directement concernées par cette réforme.

Nous avons vérifié à nouveau ces aspects-là. Nous avons rencontré le ministre. Nous avons rencontré aussi le président du Conseil du trésor pour lui faire valoir nos points de vue avec le ministre qui y avait adhéré. Nous avons rencontré le ministre des Finances et le premier ministre. Et, avec l'accord de tous ces gens-là, un nombre important d'amendements ont été introduits dans le projet de loi. Or, quand le député de Taillon dit qu'on ne les connaît pas, il fait erreur. Nous avons travaillé directement à produire ces amendements, madame. Donc, nous savons drôlement de quoi nous parlons.

Un autre fait que je voudrais rectifier. D'ailleurs, le député d'Ungava, tout à l'heure, a essayé maladroitement de le corriger. Voyez-vous, j'ai la liste originale, ici, et le nom de l'hôpital Charles-LeMoyne y est mentionné, Mme la Présidente, et nous avons une lettre du directeur général de l'hôpital Charles-LeMoyne qui nous dit textuellement: "La présente a pour but de vous informer que l'hôpital Charles-LeMoyne n'a, en aucun temps, étudié le projet de loi sur la réforme de l'aide sociale ni ne s'est prononcé de quelque façon que ce soit quant à cedit...

La Vice-Présidente: À l'ordre! Vous pouvez continuer, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Bélanger: Un petit tour dans le froid, M. Claveau? Cela va vous faire du bien.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Bélanger: Respirez par le nez, ça va aller mieux. Oui, soyons calmes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Soyons calmes! On va tout rectifier ce que vous avez défait tout à l'heure.

Donc, "l'hôpital Charles-LeMoyne, dis-je, n'a en aucun temps étudié le projet de loi sur la réforme de l'aide sociale ni ne s'est prononcé de quelque façon que ce soit quant à cedit projet de loi. Toute prétention à ce contraire serait donc sans fondement."

Malheureusement, je n'ai pas de lettres venant d'autres organismes. J'ai vérifié et on m'a donné la même réponse. J'aurais aimé vous les déposer aussi et vous démontrer que finalement... Il y a peut-être quelqu'un quelque part sur les 2000 et quelques employés de l'hôpital qui a dit qu'il n'était pas d'accord cela c'est possible, mais l'hôpital lui-même ne s'est jamais prononcé. Donc, ce n'est pas un groupe. C'est peut-être une personne.

Il y a des gens qui s'opposent à la réforme de l'aide sociale, c'est bien évident, pour toutes sortes de raisons, peut-être justifiées, peut-être à tort, peut-être avec raison. J'ai rencontré des groupes d'assistés sociaux dans mon comté. Certains étaient très inquiets parce que, à la suite d'affirmations faites, par les gens de votre formation, ils étaient sous l'impression que leurs prestations seraient coupées ou qu'ils seraient exclus de l'aide sociale ou qu'ils ne recevraient plus d'aide ou quoi que ce soit. On a examiné leur cas en examinant le projet de loi; on a regardé comme il faut. Et la grande majorité ont vu que leur situation serait améliorée. Ils ont dit: Pourquoi ne nous dit-on pas ça? Écoutez, c'est ça qu'on vous dit. C'est ce qu'on essaie de vous dire. Mais il y a des gens qui se livrent à une désinformation de façon systématique, sans connaître le dossier, qui prétendent que nous ne le connaissons pas et qui, par la suite, viennent mêler toutes les choses.

Je pense que le jugement final sera porté sur les bienfaits de cette réforme non pas par vous, ni par moi, mais il le sera par le bénéficiaire qui, le matin où il recevra son chèque, recevra sa prestation craide sociale, saura si son sort a été amélioré ou empiré, et là il pourra porter un jugement sur qui, ici, l'a bien ou l'a mal servi. Et c'est comme ça que les choses vont se passer.

Dans ce projet de réforme, il serait étonnant, en tout cas à moins que je ne sois bien naÏÏ et, ma foi, c'est bien possible, c'est fort possible même... Cela coûte cher pour faire en sorte de couper les prestations des gens. À entendre la catastrophe qu'on promettait, je me suis dit: Comment se fait-il qu'au Conseil du trésor et au ministère des Finances on nous dise: Écoutez, ce sont des dizaines et des dizaines de millions que vous nous demandez d'ajouter, et que partout on nous dise que ça aura pour effet de couper les prestations des gens? Il y a quelqu'un ici qui ne sait pas compter, qui sait

juste calculer. Mais le calcul politique, ce n'est pas l'arithmétique et, parfois, on confond les choses. Savoir calculer, c'est une chose; savoir compter, c'en est une autre. Je pense qu'il faut savoir compter et, là, on voit qu'il n'y a personne, dans cette réforme, qui est pénalisé de quelque façon que ce soit, à nulle part. Si jamais cela devait se produire, je pense que je serais un des premiers à prendre position contre ceux qui ont présenté ce projet de loi.

M. le député de Dubuc nous présentait tout à l'heure une situation où, dans son comté, un employeur a dit: Je vous congédie et je vais engager des assistés sociaux. Je suis prêt à faire une chose avec vous. Un tel employeur, je trouve ça indigne, et non seulement il va contre l'esprit de la réforme de l'aide sociale, mais je sais que le ministre a l'intention de procéder à beaucoup de vérifications dans ce sens et à être très vigilant pour que de telles choses ne se produisent pas. Il y a toujours eu de tout temps des profiteurs dans les systèmes. Il y en aura peut-être encore. Mais je vous garantis qu'on va surveiller avec toute la rigueur, toute la vigueur et toutes les énergies dont il nous sera possible de disposer pour ce faire. Si vous voulez nous aider, tous ensemble on peut faire en sorte que des gens qui exploitent le système d'une façon aussi indue soient pénalisés et soient dénoncés socialement. Je pense, comme vous, qu'ils ne méritent pas d'être des industriels ou d'avoir des bénéfices quelconques dans notre société. Ils doivent, eux aussi, contribuer à aider les gens les plus démunis de notre société.

Une dernière réplique et celle-là, Mme la Présidente, je ne suis pas capable de l'éviter. C'est lorsque le député de Lévis nous dit que parce que, dans le projet de loi - parce que la loi n'est pas encore adoptée - il y a une différence entre la situation de conjoint de fait qu'on définit pour le bénéfice de l'aide sociale, et non pas pour le bénéfice du Code civil, et les dispositions qu'il y a au ministère des Transports où, pour d'autres raisons, on le met d'une autre façon, il dit: C'est pour ça que la natalité est si basse au Québec. Bien non! C'est eux autres qui étaient au pouvoir. S'il y a un problème de dénatalité qui est attribuable au gouvernement, attribuons-le à celui qui était là pendant que ça s'est passé, pas à ceux qui font des projets qui s'en viennent. Je n'ai jamais vu une loi avoir des effets rétroactifs, surtout pas à ce niveau-là. Écoutez! Mais quand on en est rendu à ce genre d'argument pour défendre une position contre un projet de loi, je pense que c'est parce qu'on n'a plus rien à dire et qu'on mériterait juste de se taire.

Mme la Présidente, je vous remercie de votre attention.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Le député de Mille-Îles nous dit qu'il a joué, avec d'autres députés de la partie ministérielle, le rôle que n'a pas joué...

Une voix: Le député de Laval-des-Rapides, madame.

Des voix: Laval-des-Rapides. Une voix: II n'est pas rapide.

Mme Blackburn: De Laval-des-Rapides. Cela ne me semblait pas plus brillant, mais quand même.

Une voix: Rendez-moi ce qui me revient. Des voix: Ha, ha, ha!

La Vice-Présidente: À l'ordre! Vous pouvez continuer, Mme la députée de Chicoutimi.

Une voix:...

Mme Blackburn: Non, ça ne me dérange pas. Mme la Présidente, le député de Mille-Îles, tout à l'heure, nous disait que les députés...

Des voix: De Laval-des-Rapides. Mme Blackburn: De Laval-des-Rapides.

Une voix: Mille-îles, c'est juste à côté, par exemple.

Une voix: C'est du pareil au même. Ils ne parlent pas souvent ni l'un ni l'autre.

Une voix: C'est du pareil au même. Bonnet blanc et blanc bonnet.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

Mme Blackburn: II nous disait tout à l'heure, Mme la Présidente, que les députés ministériels avaient joué le rôle qu'aurait dû jouer l'Opposition. Si tel est le cas, il n'y a pas lieu de s'en vanter si on considère les résultats. Je n'irais pas pavoiser. Et ça démontre on ne peut mieux, Mme la Présidente, qu'on a beau avoir... On peut lui prêter de bonnes Intentions, rien ne remplace un solide travail en commission parlementaire et fait soigneusement par le parti de l'Opposition. C'est ça. Quand on essaie de jouer, pour faire plaisir à la galerie, le rôle à la fois de gouvernement et d'Opposition, ça donne les résultats qu'on connaît. (17 h 20)

Mme la Présidente, ce gouvernement fait comme si le chômage était la responsabilité des assistés sociaux. Ce gouvernement fait comme si

les assistés sociaux étaient responsables du chômage et non pas le chômage responsable de la croissance du nombre de personnes qui se retrouvent assistées sociales. C'est ce qu'il y a d'indécent dans ce document. Tout à l'heure, en arrière du trône, j'entendais un député de la partie ministérielle dire: Écoutez, le plein emploi, c'est une autre question. Ce n'est pas une autre question, c'est la même question. C'est là qu'est le problème. Comment parler de réinsérer les assistés sociaux sur le marché du travail, alors qu'on n'a pas de politique d'emploi? Je pense que l'exemple pertinent a été démontré tout à l'heure par le dépoté de Dubuc qui nous a rappelé que des petites entreprises sont déjà en train de congédier du personnel pour engager des assistés sociaux à 4,50 $ l'heure. C'est ce que cela va créer. Cela va créer du "cheap labour", de l'esclavagisme. On est revenu au temps où on pouvait acheter du personnel beau, bon, pas cher, à 4,50 $ l'heure.

Mme la Présidente, le projet de loi du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aura réussi le douteux privilège d'avoir réalisé un précédent, c'est-à-dire réunir le plus grand nombre d'organismes, de personnes soucieuses du bien des plus démunis au Québec, réunir un nombre incalculable de personnes et de groupes contre son projet de loi. On ne parie pas de l'Opposition. On parle de personnes, et non les moindres, qui, dans la société, estiment que ce gouvernement fait une erreur en adoptant un tel projet de loi qui vient humilier les personnes qui le sont déjà. J'ai reçu à mon bureau, il y a trois ou quatre semaines, un monsieur d'une soixantaine d'années. En 1982, il a perdu son emploi où il avait été durant exactement 36 ans. L'entreprise a fermé et il s'est retrouvé sur le chômage en pleine crise économique. Cela faisait six ans pendant lesquels il n'avait réussi qu'à travailler six mois. Il est sur le bien-être - il pleurait - non pas parce qu'il ne veut pas travailler, mais parce que des emplois, if n'y en a pas.

Mme la Présidente, ce projet, selon le député de Laval-des-Rapides, ne porte préjudice à personne. Vous allez me permettre de parler d'un programme. Mes collègues ont longuement parlé sur d'autres questions. Je vais vous parler du programme APPORT. Le programme APPORT, en fait, vient remplacer le programme SUPRET. Il faut se rappeler que le programme SUPRET était destiné aux familles monoparentales à faibles revenus et aux personnes seules. On sait qu'au Québec, la pauvreté touche de façon particulièrement criante les personnes seules. Le programme APPORT aura réussi à évincer de cet accès à un supplément du revenu 8000 personnes seules. Cela veut dire que 8000 personnes qui vivent dans l'indigence, qui travaillent, mais qui ont des revenus insuffisants, seront privées d'un supplément de revenu. Si c'est là pour avantager tout le monde, je ne sais pas compter.

Il reste donc, pour le programme APPORT, 17 000 familles à faibles revenus qui pourront aller chercher un supplément de revenu. Il s'est présenté à mon bureau une dame qui m'a dit: C'est tellement compliqué, je savais que l'échéance pour présenter mon dossier pour déclarer mes revenus du mois d'août, c'était le 10 décembre. Elle m'a dit: J'ai pris la formule, je l'ai remplie, il me manquait un document, je l'ai indiqué sur ma formule, sauf qu'il fallait que je la dépose avant le 10 septembre. Je leur ai dit: Je vous la fournirai après, lettre à l'appui. Son dossier a été rejeté. Elle a essayé d'aller en appel et on lui a dit: Non, votre dossier était incomplet. Elle leur a dit: Mais vous m'avez dit de le présenter même s'il manquait une pièce, quitte à la fournir après. Il n'y a rien eu à faire. C'est ça te programme APPORT.

M. le Président, vous allez me permettre de vous lire une lettre qui m'est adressée et que j'ai reçue le 29 novembre dernier. "Madame, à première vue, j'ai trouvé l'idée du programme APPORT intéressante et très appropriée, surtout pour les familles monoparentales. Je me suis dit: Enfin un programme adapté à nos besoins! Je l'ai réellement pensé jusqu'où jour où j'ai dû y avoir recours. Ce jour-là, j'ai vu que ceux qui l'avaient conçu, malgré leur bon vouloir, n'avaient jamais été confrontés aux problèmes de fins de mois restreintes. Vous voulez savoir ce que j'entends par des fins de mois restreintes. Le meilleur moyen de vous l'expliquer, c'est, je crois, de vous présenter mon budget. Revenus: 679 $ par mois, ce qui comprend mes revenus de travail et la différence du bien-être; dépenses en garderie, 125 $ par mois; loyer, 300 $; repas de travail, 45 $ par mois - elle ne fait sûrement pas d'abus gastronomiques - entretien, nettoyage de costumes, etc., 10 $ par mois - là aussi, on voit qu'elle ne fait pas d'abus - ce qui fait un total approximatif de 480 $ par mois de dépenses. Dans cela, les dépenses courantes telle l'épicerie, le vêtement, ne sont pas incluses. De plus, je dois aller dans des laveries car je n'ai pas de meuble. À ce rythme, je ne suis pas près d'en avoir. "Quand je me suis informée auprès du bureau APPORT de Chicoutimi, ils m'ont dit de remplir une formule qu'ils m'ont retournée pour d'autres renseignements. Ensuite, ils m'ont fait venir au bureau de Jonquière pour avoir encore d'autres renseignements pour ensuite me dire que je n'avais pas droit au programme car j'avais des revenus trop bas." Tenez-vous bien, c'est supposé ajouter aux revenus mais, pour elle, ses revenus étaient trop bas pour avoir droit à un supplément de revenu. "Lorsque vous aurez des revenus plus élevés, m'ont-ils dit, rappelez et vous n'aurez pas a remplir d'autre formulaire. Un mois après, je téléphone et on me répond que je dois remplir un autre formulaire et y joindre mes preuves d'emploi, ce que je fais. Deux jours plus tard, ils me retournent mon formulaire en me disant que je dois fournir des extraits de naissance. Je les

ai donc rappelés et ils m'ont dit qu'il fallait encore qu'ils retournent la formule et de m'at-tendre à avoir un chèque en décembre - Remarquez que ce dont elle parle, c'est en octobre - car les demandes d'octobre n'ont pas encore été traitées. C'est un cas. Que dois-je faire? Quêter tout simplement, travailler ou continuer d'espérer de l'aide? "Veuillez agréer, Mme la députée, l'expression de mes sentiments distingués." Et c'est signé Mme Gemma Bouchard.

Mme la Présidente, parmi les programmes supposément les plus intéressants, supposément capables de subvenir, de venir en aide aux personnes qui travaillent mais qui demandent à avoir un revenu décent, on a tellement compliqué les formulaires, on a rendu les démarches si difficiles, si complexes, si inaccessibles, si onéreuses au point de vue du temps et des déplacements, que c'est, somme toute, un programme qui sera inapplicable. Et on nous dit que c'est parmi les programmes généreux et intéressants pour maintenir l'intérêt au travail. Si on appelle ce programme un programme intéressant, on n'a qu'à se pencher d'une façon un peu plus attentive sur ce que nous dit cette dame pour constater qu'encore une fois c'est de la fumisterie et que ce gouvernement n'a jamais eu vraiment l'intention d'investir dans les suppléments de revenu pour les travailleurs.

Mme la Présidente, ce projet de loi demeurera sans doute un projet de loi parmi les plus odieux que l'Assemblée nationale aura adoptés. Odieux parce qu'il fait porter sur les assistés sociaux la responsabilité de la conjoncture économique qui fait qu'on n'a pas d'emplois, la responsabilité de cette paresse du gouvernement qui ne s'est pas donné de politique de plein emploi. On aurait pu endosser la démarche du gouvernement s'il s'était d'abord et au préalable doté d'une solide politique d'emploi. Ensuite, on aurait pu inviter les assistés sociaux à intégrer le marché du travail. Ce n'est pas ça. On les rend responsables de la situation économique et on fait peser sur eux le poids et la responsabilité du chômage au Québec. C'est profondément méprisable, un gouvernement qui a aussi peu de souci à l'endroit des plus démunis de la société. Merci, madame.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, M. Lesage du journal Le Devoir que j'aime bien, va peut-être dire que je ne m'embarrasse pas, encore une fois, des nuances. Mais s'il faisait avec moi et bien d'autres députés ici, en cette Chambre, la tournée des foyers de certains de mes concitoyens, il s'apercevrait qu'une petite nuance dans un projet de loi peut faire toute la différence dans la vie des individus qui sont mes concitoyens. (17 h 30)

Mme la Présidente, j'ai toujours la fierté d'être de cette institution, depuis le 2 décembre 1985, mais je n'ai jamais vu autant de mépris de la part d'un gouvernement, autant d'un mépris de l'institution comme telle qu'un mépris de la population comme telle. Je n'ai jamais vu arriver dans un Parlement, depuis que je m'intéresse à la politique - j'ai quand même 42 ans, ça fait un petit bout de temps - de législation aussi broche à foin que celle-là. Le ministre de l'Éducation dépose un projet de loi où il y a autant d'amendements qu'il y a d'articles. La ministre des Affaires sociales fait la même chose avant lui. Et là, on a le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité de l'emploi qui nous apporte un projet de loi qui... Du revenu... Enfin, avec lui, est-ce qu'on va pouvoir parler de revenu pour certaines classes de notre société? Pas d'emploi, pas de' revenu. Un ministre qui nous apporte un projet de loi avec pratiquement autant d'amendements lui aussi que d'articles, qui les cache et qui ne veut absolument pas qu'on en discute.

Ce ministre est responsable de l'expulsion de centaines de mes concitoyens dans le centre sud et dans le secteur du plateau Mont-Royal, parce qu'il était ministre de l'Habitation et qu'il a laissé commencer le stampede de la spéculation immobilière à Montréal, ce qui fait qu'il y a des quartiers maintenant où ce n'est plus possible d'habiter. On l'a nommé ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. C'est la même chose que si on avait nommé Dracula président de la Croix-Rouge. Je n'ai jamais vu, Mme la Présidente, je n'ai jamais vu autant d'acharnement de la part d'un gouvernement envers les plus démunis de notre société. Lui, en particulier. Je n'ai jamais entendu un discours aussi vicieux envers des êtres humains pour essayer de faire croire que ce sont des parasites...

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Boulerice: ... des profiteurs, des voleurs, alors qu'on sait fort bien que c'est faux. Je côtoie ces gens quotidiennement dans ma circonscription. Ces gens qui n'ont pas d'emploi, en voudraient. Vous qui les traitez de parasites, j'aimerais ça que vous les voyiez. Ce sont ces gens qui pratiquent la plus grande des solidarités et 95 % des bénévoles qui travaillent à l'entraide d'autres de leurs concitoyens ce sont ces gens-là. Ce n'est pas vrai qu'ils ont les deux pieds sur la bavette du poêle et qu'ils regardent la TV avec un coke ou une bouteille de bière. Ce n'est pas vrai. Mais c'est le discours vicieux que vous avez depuis le début là-dessus. C'est inacceptable. Pourquoi cet acharnement? Pardon? Il y a une voix discordante dans le choeur de l'Armée rouge, Mme la Présidente.

Une voix: Laval-des-Rapides.

M. Boulerice: Ah Laval-des-Rapides, naturellement. Il est dans Laval et il va disparaître rapidement à la prochaine élection.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Boulerice: Je me serais attendu, Mme la Présidente, à plus de sensibilité de la part d'un parti politique dont les membres - et je n'en suis pas jaloux pour eux - ont une relative situation financière, ils sont bien d'avoir un minimum de compassion, de justice et de conscience sociale. Mais ce n'est malheureusement pas le cas dans toutes les lois sociales. Qu'on se rappelle, d'ailleurs, l'abolition du deuxième examen dentaire pour les enfants. Belle conscience sociale de ce gouvernement, Mme la Présidente. Belle conscience! Discours méprisant, humiliant, ratatinant, rabaissant envers cette catégorie de population qui malheureusement n'a pas choisi d'être comme ça. Je n'ai jamais rencontré un assisté social qui soit venu se péter les bretelles à mon bureau en me disant: Je suis assisté social, je suis assez bien, je suis content, mosus que c'est le "fun". Jamais, j'en ai rencontré.

Ils sont prêts à travailler, mais il n'y en a pas d'emplois. Ce gouvernement ne crée pas d'emplois. En plus du discours vicieux qui est tenu face à cette catégorie de la population, ne voilà-t-il pas que se forme à l'intérieur de leur propre caucus, comme l'avait souligné tantôt ma collègue, une pseudo Opposition. On voit apparaître l'ineffable député de Sainte-Anne éprouver de grandes réserves. Oui. On voit le député de Sainte-Marie, oui. Le député de Sainte-Marie, Mme la Présidente, coïncé - et je lis un article des Nouvelles de l'Est - coïncé entre la solidarité ministérielle, les organismes sociaux et ses commettants. Le député de Sainte-Marie est visiblement mal à l'aise. C'est la deuxième fois qu'il convoque tous les journaux locaux de sa circonscription pour un sujet spécifique, le premier étant lors de l'étude du projet visant à lever le moratoire sur la conversion des logements en condominiums. "Ironiquement, le ministre qui dirigeait ce dossier à l'époque, André Bourbeau - je lis l'article - est le même sur lequel Robert Bourassa compte pour mener à bon port la réforme amorcée par Pierre Paradis." Eh voila! Son malaise va, Mme la Présidente... Donc, sur le volet APPORT, si on lui insuffle une certaine vitalité que lui-même n'a pas d'ailleurs dans ses positions, je ne m'y opposerais pas, mais son problème, c'est le programme APTE et c'est là-dessus que l'Opposition met le focus. Voyons, Mme la Présidente!

Voyons, Mme la Présidente! Un peu de courage face à 30 % de la population du centre-sud et du Plateau-Mont-Royal qui sont en difficulté. Oui, ce sont deux beaux coins de Montréal, où il y a de belles réussites. Je pense qu'on doit tous en être fiers et il faut les encourager, les stimuler, mais, malheureusement, il y a encore 30 % de notre population qui vit ces difficultés, autant sur les rues Marquette et Parthenais qu'il peut y en avoir sur Logan, sur Gascon comme il peut y en avoir sur Berry et on va les laisser tomber, ces gens-là. On va avoir un malaise, oui, mais, demain matin, M. le député de Sainte-Marie va se lever pour voter avec son gouvernement. La seule chose que je lui demande, ce n'est pas d'aller se cacher aux toilettes au moment du vote, c'est de se lever avec l'Opposition et de voter contre ce projet de loi. Qu'il soit donc responsable du mandat que lui ont donné les gens de son comté, de les défendre contre un projet de loi qui est inique. Qu'il mette ses culottes, comme on dit en bon québécois. Je n'ai jamais eu peur, au nom de ladite solidarité ministérielle, d'être en désaccord avec mon propre gouvernement. J'ai déjà occupé le bureau de mon prédécesseur parce que je n'étais pas d'accord avec une décision de mon gouvernement. C'est ça, la liberté d'expression. C'est ça, sa première loyauté, celle de ses concitoyens. Va-t-il avoir le courage de le faire? Aura-t-il la... - mais je n'emploierai pas le mot parce qu'il n'est pas parlementaire - l'absence de courage?

Je pense que là-dessus, 1668 organismes, qui ne sont pas même pas..., 1667... De toute façon, c'est unique au Québec, autant d'organismes qui se sont prononcés contre un projet de loi et ce ne sont pas des deux de pique qui se prononcent contre ça: l'hôpital Notre-Dame, le plus grand centre hospitalier au Québec, en plein coeur du centre-sud; c'est le conseil d'administration, il y a de vos collègues, des libéraux qui siègent à ce conseil d'administration, mais des libéraux qui ont du coeur, par exemple, car il y en a qui ont du coeur. Alors, vous devriez peut-être les écouter au lieu d'écouter uniquement ceux du St. James Club. Vous devriez peut-être écouter ceux-là, cela vous ferait peut-être du bien dans vos projets de loi. Des organismes qui ne sont pas des deux de pique, tous les curés des paroisses du centre-sud et du Plateau-Mont-Royal sont violemment opposés à ce projet de loi. Cela fait l'unanimité, à l'exception de deux.

Vous me demandez de conclure parce qu'on ne me donne que dix minutes sur un projet de loi qui va porter atteinte à la dignité, au bien-être, à la vie même de plusieurs centaines de milliers de mes compatriotes. Mme la Présidente, je vais voter contre ce projet de loi et je donne rendez-vous au député de Sainte-Marie, aux prochaines élections, où il devra s'expliquer devant la population de ses gestes dans l'habitation, quant aux coupures pour les soins dentaires et quant au projet de loi 37 qu'il va appuyer de façon robotique...

La Vice-Présidente: En conclusion.

M. Boulerice: ...et mécanique, demain, Mme la Présidente. Je lui donne rendez-vous et les

citoyens de Sainte-Marie et de Saint-Jacques jugeront de qui a défendu leurs intérêts. Ils ont déjà d'ailleurs cette impression-là maintenant, ifs te savent. Je vous remercie. (17 h 40)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Jacques. M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente. Au moment où nous aboutissons à la fin de ce processus qui, normalement, est un processus un peu plus long que celui qu'on connaît, compte tenu de la décision du gouvernement de nous "bulldozer" comme on emploie dans le langage parlementaire, je me serais attendu de la part de mes collègues, les députés des comtés de Saint-Maurice, de Trois-Rivières, de Maskinongé, d'Arthabaska, de Nicolet, de Drummond et de Champlain, compte tenu des manifestations qu'ils ont eues dans chacun de leur milieu de la part de personnes qui, malheureusement, doivent vivre des prestations de l'aide sociale, à un petit discours, en cette Assemblée nationale, pour prendre la défense justement des gens à qui ils ont dit, lorsqu'ils sont venus dans leur bureau ou lorsqu'ils les ont rencontrés dans la rue, dans certains cas, oui, devant un ministre qui était intransigeant, qui devait remplir une promesse électorale de donner la parité de l'aide sociale à des jeunes de 18 à 30 ans.

Oui, je me serais attendu qu'ils disent: M. le ministre, cela n'a pas de bon sens! Je me serais aussi attendu, lorsque le dossier est passé entre les mains du ministre actuel, qu'ils nous répètent la même chose et qu'ils nous indiquent à ce moment-là, oui, mesdames et messieurs, je sais que nous avions une promesse électorale que, malheureusement, le ministre dans sa décision au lieu d'utiliser la loi actuelle qui lui permet de faire des changements quant aux montants d'argent à être donnés à des personnes à l'aide sociale, que ce ministre a décidé de procéder autrement. Ce ministre a décidé, pour les personnes de 18 à 65 ans, de donner les mêmes règles à tout le monde, c'est-à-dire d'obliger le monde dans certains cas, comme il le présente, sans donner des garanties quant à l'emploi disponible et sans aucune politique de plein emploi, et dire aux gens: Vous allez devoir vous trouver de l'ouvrage. Vous allez devoir retourner aux études. Vous allez devoir faire des travaux communautaires. Vous allez devoir poser des gestes, mais vous allez devoir faire, d'une certaine façon, comme on le dit dans notre langage des gens qui négocient, le fardeau de la preuve. Vous allez démontrer que vous avez fait tous les efforts nécessaires sinon, oh! malheur! danger! vous allez avoir des difficultés parce qu'on va avoir à diminuer votre aide sociale.

On va avoir des personnes âgées entre 45 et 55 ans qui essaient de se trouver de l'emploi, qui se trouvent devant des employeurs qui leur disent: Un instant! Allez au centre de main-d'oeuvre. Un instant! Allez voir le centre d'emploi. On va se trouver devant des gens de 45 à 55 ans qui, malheureusement, vont se trouver dans des conditions difficiles, des femmes ou des hommes oui vont avoir à répondre à quelqu'un qui dit: Ecoute, as-tu fait tous les efforts mon "chum"? Madame, as-tu fait tous les efforts? Si tu n'as pas fait tous les efforts, là, écoute, je pense qu'on va corriger le montant d'argent que tu reçois parce que tu n'as pas fait tous les efforts. On va obliger des personnes de 45 à 55 ans, pour remplir une promesse électorale aux 18-30 ans, alors que la loi actuelle permettait au ministre de le faire sans avoir besoin de faire une réforme comme celle qu'il présente sur le dos de tout l'ensemble en leur faisant quasiment la guerre, en passant, en les accusant de tous les péchés d'Israël, en leur disant qu'ils sont des paresseux, des parasites et des personnes qui ne veulent pas travailler. Au Canada, le Québec a un taux de chômage de 10 % par rapport à 5 % en Ontario, et il y a près de trois fois plus de chômage à Montréal qu'à Toronto. Et on va dire: Ha, ha! Cela va très bien, Mme la marquise!

L'an passé, mon collègue, le député de Trois-Rivières, applaudissait. Des hommes et des femmes étaient mis à pied lors de la fermeture de Philipps, à Trois-Rivières. Le député de Trois-Rivières applaudissait à tout rompre parce qu'on lui avait fait accroire - écoutez bien les mots: fait accroire, Mme la Présidente - qu'une compagnie appelée Novatech engageait tout ce beau monde. On se retrouve un an et demi après: tout ce beau monde est au chômage et sur le point d'être à l'aide sociale. Que répond le ministre? Bien voyons donc! Un nouveau programme est en place, le PATA, Programme d'aide aux travailleurs âgés. Mme la Présidente, savez-vous ce que cela veut dire? Cela veut dire que ces personnes... J'ai mis au défi le député de Trois-Rivières de venir avec moi. Il n'a aucunement répondu à mon invitation d'aller rencontrer ces hommes et ces femmes et leur dire: Écoutez, messieurs et mesdames, désormais, compte tenu de l'emploi non disponible, parce que ce que vous faisiez... Ce n'est pas faisable à Norsk-Hydro, de l'autre côté, pour ces femmes. Ce ne sont pas des emplois disponibles à l'aluminerie de Bécan-cour, même si on annonce 550 000 000 $ d'investissement pour 200 emplois. Ce n'est pas pour ces personnes. Où va-t-on donner à ces personnes la chance de trouver de l'emploi? Il n'y en a pas, Mme la Présidente.

Dans certains cas, ce sont des femmes avec enfants, des familles monoparentales. Il faut leur dire: Écoutez, parce que vous ne faites pas ceci ou que vous ne faites pas cela, c'est bien dommage, l'aide vous sera coupée. Parce que vous voulez vous occuper des enfants que vous avez à charge, c'est bien dommage, il y aura des coupures.

On est donc devant le fait que ce n'est pas seulement nous qui demandons le retrait de ce

projet de loi. Ce sont aussi des gens qui ont écrit une lettre au premier ministre, M. Bourassa, et qui ont pour nom Mgr Jean-Guy Hamelin, Gérald Larose, Michel Rouleau, Yvette Brunet, Gérald MacKenzie, Yves Vaillancourt, Bernard Robichaud, etc. J'en nommerais amplement. Ce sont des gens qui disent: "Nous croyons que le projet de loi 37 est contraire à plusieurs dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, comme l'a d'ailleurs affirmé la Commission des droits de la personne. Le gouvernement du Québec ne peut agir au mépris des droits garantis à tous les citoyens du Québec. Un choix de société s'évalue d'après le sort fait aux pauvres. Nous ne pouvons accepter le choix de société que propose le projet actuel de réforme de l'aide sociale, c'est pourquoi nous vous demandons de retirer le projet de loi 37." Est-ce que c'est clair, ça, Mme la Présidente? Est-ce que ce sont des gens farfelus? Est-ce que ce sont des gens qui n'ont pas de conscience sociale?

Mme la Présidente, vous remarquez donc que ces personnes - j'aurais pu toutes les nommer - indiquent au gouvernement qu'il fait fausse route, qu'il se prépare des lendemains dangereux, qu'il se prépare des lendemains difficiles pour des personnes en difficulté. C'est un gouvernment qui a décidé de respecter, semblerait-il, une promesse électorale au mépris de toutes les autres. C'est une répartition du même montant d'argent, mais même dans certains cas, c'est une diminution des montants d'argent pour ces personnes qui ont la malchance d'être sur l'aide sociale à une occasion dans leur vie et pas comme on essaie de le faire croire, à savoir qu'ils sont tous là, continuellement, de père en fils, de mère en fille. Ce sont des gens qui n'ont pas le choix et qui, dans certaines circonstances... Par exemple, ce citoyen de ma circonscription qui travaillait chez Philipps et qui, à 52 ans, se cherche de l'emploi. S'il n'en trouve pas actuellement, il va devoir, si ça continue, vivre sur l'assistance sociale parce que le député de Trois-Rivières a applaudi à la fermeture de l'usine. C'est ça qu'on se dit. Pour lui, pour cette personne-là c'est correct, il n'y a pas de problème. Qu'il vive de l'aide sociale et s'il ne trouve pas d'emploi, "just too bad" comme on dit dans le coin. On verra peut-être à une coupure, à une diminution du montant. C'est ça qu'on prépare, Mme la Présidente. Jamais je n'accepterai, comme député du comté de Laviolette, que ça soit ça. Jamais. Je vais faire en sorte, finalement, que... Comme député, j'utiliserai tous les moyens qui me sont donnés y inclus le dernier vote qui nous sera donné. Je me permettrai, au moment où l'on se parle, Mme la Présidente, de refuser ce projet de loi tel qu'il nous est présenté. Merci, Mme la Présidente. (17 h 50)

M. Chevrette: Mme la Présidente... Non, non c'est... Vous reconnaissez celui qui est debout, en premier.

M. Lefebvre: Non, non, madame, l'alternance.

La Vice-Présidente: II est de pratique dans cette Chambre, M. le chef de l'Opposition qu'il y ait alternance, également. Je vais lire l'article, si vous me le permettez. Article 23: "Le député qui désire faire une intervention doit se lever et demander la parole au président." Mais cet article-là... Il y a l'article 33 de notre règlement qui spécifie bien que celui qui veut avoir la parole doit se lever. Mais il y a une coutume en cette Chambre également qui dit qu'on doit respecter l'alternance entre les groupes représentés. Et si je respecte l'alternance c'est M. le député de Sainte-Marie..

M. Chevrette: Question de règlement, Mme la Présidente. J'aurais une clarification à vous demander. Qui s'est levé le premier, d'abord? Est-ce qu'on doit d'abord appliquer le règlement? Est-ce que c'est un député? C'est parce que j'ai remarqué depuis quelque temps, Mme la Présidente... Cela n'a pas commencé avec vous. S'il vous plaît! Cela n'a pas commencé avec vous, Mme la Présidente. Cela a commencé à la période de questions depuis quelque temps en cette Chambre, mes collègues vont en témoigner, à croire que c'est la présidence qui "callerait les shuts". C'est rendu que c'est elle qui déciderait à qui elle donne la parole dans une formation politique. Le règlement est formel. C'est celui qui se lève le premier. Vous n'êtes pas obligé d'aller le lever de sa chaise pour qu'il se lève, parce qu'il y a là une stratégie parlementaire. La stratégie doit être élaborée avant que le droit de parole se demande, c'est évident. En l'occurrence, je trouve très drôle que la présidente se lève de son siège, Mme la Présidente, vous me permettrez de dire: C'est au moins drôle. Vous lisez le seul article de règlement qui dit que c'est celui qui se lève qui doit avoir la parole, et après...

M. Lefebvre: Mme la Présidente, question de règlement.

M. Chevrette: Je suis sur une question de règlement.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je vais commencer par finir d'entendre la question de règlement de M. le leader et je vous reconnaîtrai sur la même question de règlement. J'ai reconnu M. le chef de l'Opposition. M. le chef de l'Opposition.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur la question de règlement soulevée par le chef de l'Opposition, je peux soulever une autre question de règlement. C'est reconnu depuis longtemps. Vous avez rendu une décision...

La Vice-Présidente: Si vous me le permettez...

Des voix:...

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! J'aimerais bien...

Une voix: Votre décision est rendue, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! J'aimerais avoir la collaboration de cette Chambre. Si tout le monde crie après moi, c'est sûr qu'à un moment donné, je ne suis plus capable d'avoir le contrôle. Donc, là-dessus, je vous demanderais de finir d'entendre l'intervention du chef de l'Opposition. Par la suite, M. le leader adjoint du gouvernement, je vous reconnaîtrai sur la question de règlement. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Je vous répète les événements tels qu'ils se sont produits. Dans un premier temps, je vous ai demandé de me faire part de l'article du règlement sur lequel vous vous basiez pour reconnaître l'intervenant, et le seul article que vous avez lu, c'est l'article 23, en disant: C'est le député qui se lève et qui demande la parole. Je vous demande: Qui s'est levé le premier? Vous savez pertinemment bien, parce que je vous regardais au même moment, Mme la Présidente, parce que d'autres, non pas celui qui vous a demandé la parole pour la formation ministérielle... C'est le député de Fabre qui vous indiquait que ça devait être un type de sa formation, et il va en témoigner, je pense qu'il est assez honnête intellectuellement pour le reconnaître. Ce n'est sûrement pas à lui de vous indiquer. Ce n'est pas à un député. Ce n'est même pas au leader du gouvernement - je m'excuse, Mme la Présidente, c'est important - ce n'est même pas au leader du gouvernement de vous indiquer qui doit parler. Ce n'est pas de même qu'il va être nommé ministre, Mme la Présidente.

Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Lequel?

M. Chevrette: Le député de Laval-des-RapkJes.

Des voix: Ah! Ah!

M. Chevrette: Je vous disais donc, Mme la

Présidente... Une voix: Question de règlement, Mme la

Présidente. Je ne vois pas pourquoi le chef de l'Opposition...

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je demande la...

Une voix: La règle de l'alternance, il la connaît. Ce n'est pas d'aujourd'hui. Voyons donc!

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Compte tenu de ce qui se passe en cette Chambre, je suspends les travaux pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 17 h 58)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Je suis prête à rendre ma décision. Je vais m'appuyer sur une jurisprudence établie en 1979 concernant la même question. Cette décision se lit comme suit: "Au sujet de l'ordre des intervenants dans un débat, la règle générale est établie par l'article 33: le premier qui se lève en s'adressant au président se voit accorder le droit de parole. Cependant, le président respecte une rotation entre les différentes formations politiques au début du débat. Par la suite, selon une tradition maintenant établie, le principe de l'alternance entre en jeu: un opinant pour, un opinant contre."

Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 11)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre votre siège.

Nous allons reprendre nos travaux. Effectivement, nous allons reprendre le débat sur l'adoption du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. Là-dessus, je suis prête à reconnaître le premier intervenant M. le député de Sainte-Marie.

M. Michel Laporte

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. J'interviens ce soir sur un projet de loi que je qualifierais de majeur pour le gouvernement et plus particulièrement sur les effets qu'il peut produire dans le comté que je représente, le comté de Sainte-Marie.

Ce projet de loi, comme il l'indique, le projet de loi 37, est une réforme et, de par sa définition, vient changer l'ensemble des dispositions, en en introduisant de nouvelles, qui concernent les gens qui bénéficient actuellement de l'aide sociale.

Avant d'entendre certains intervenants,

avant l'ajournement des travaux à 18 heures, telle n'était pas mon intention de politiser le débat ou, à tout le moins, de ne pas sortir des arguments qui seraient hors du contexte du projet de loi 37. Malheureusement, j'ai été à même d'entendre et d'être assis passivement à écouter un des intervenants qui a parlé ici en Chambre, le député de Saint-Jacques, dire des choses que je qualifierais d'absolument innommables, pour prendre un terme très poli, et surtout essayer d'une certaine façon de faire la morale à celui qui vous parle.

Je trouve particulier pour le député de Saint-Jacques, que je qualifierais de député voyageur, situé entre quelques voyages au Chili en passant par la France, en revenant par l'Europe et en se bousculant un peu à Hafti, d'essayer de venir me dire que le député de Sainte-Marie n'a pas de suivi du projet de loi 37 et n'a pas fait l'ensemble des revendications qu'il avait à faire concernant ce projet de loi.

Je trouve particulier aussi que le député de Saint-Jacques qui, à ma connaissance - et les membres de la commission seront là pour en témoigner par la suite et surtout pour le confirmer - a été omniprésent à l'ensemble des travaux que la commission a effectués tant en entendant les 125 mémoires des groupes concernés que dernièrement, en consacrant au-delà de 40 heures à l'étude article par article du projet de loi...

Je ne voudrais certainement pas dire, comme Gilles Lesage le disait dans Le Devoir du 7 octobre 1988 en parlant du député de Saint-Jacques. Il soulignait: "Le député péquiste André Boulerice, que le souci des nuances n'a jamais étouffé." Ce n'est pas moi qui l'ai dit, Mme la Présidente, c'est un journaliste qui a mentionné cette petite anecdote en faisant suite à une déclaration qu'il avait faite. Le député de Saint-Jacques devrait toutefois me remercier de l'opportunité que je lui ai offerte de citer quelques statistiques dans son discours, statistiques qui sont reproduites dans le journal local et que j'ai moi-même livrées aux journalistes. Cela prouve qu'il lit les journaux locaux et qu'il s'appuie sur des recommandations ou plutôt sur des statistiques que j'ai fournies moi-même, afin de donner une base un tant soit peu crédible à l'argumentation qu'il nous sert.

C'est certain que je trouve aussi très particulier - je reviendrai au projet de loi 37 un peu plus tard - que l'ancien président de Montréal centre puisse argumenter aujourd'hui, et je suis persuadé qu'il n'a pas réfléchi un seul instant aux propos qu'il a tenus, concernant justement le problème qui a existé sur le plateau Mont-Royal, concernant la levée du moratoire. L'échappatoire qui existait depuis 1982 à l'intérieur de ça et que le gouvernement dont il faisait partie... Le député de Saint-Jacques, alors qu'il était président de Montréal centre, je n'en ai jamais entendu parler. J'ai essayé d'éplucher les journaux locaux de mon secteur pour essayer de voir une déclaration qui traitait un tant soit peu de ce sujet, des quelque 5000 à 10 000 familles déplacées et qui assortaient de cette échappatoire de 1982, nulle part on en retrouve.

Il en discutait, d'ailleurs, lors du départ qu'on pourrait dire précipité de l'ancien chef du Parti québécois, M. Pierre Marc Johnson. Il soulignait: Que voulez-vous que je fasse, je suis un gars de parti. Il essaie aujourd'hui non pas de rabâter - ce n'est pas un beau terme - mais de déchirer sa chemise en disant qu'il est à la défense de tout. Je pourrais dire plus particulièrement qu'il est contre tout. J'ai pris le défi, moi, comme député de Sainte-Marie d'y aller sur le moyen et sur le long terme et de dire, en fin de compte, que ce que je représente, ce sont les intérêts des citoyens du comté de Sainte-Marie, des gens que je côtoie régulièrement depuis ma naissance et dont je suis fier d'être le représentant.

D'ailleurs, une des phrases que j'avais choisies pour débuter mon discours sur le projet de loi 37 était de souligner que la réforme de l'aide sociale doit être une préoccupation constante qui doit devenir de façon permanente une constante préoccupation. D'entrée de jeu, l'on se doit de souligner que les personnes bénéficiaires de l'aide sociale sont des gens dignes, autonomes et respectueux et faisant partie intégrante de notre société. Il n'existe pas plus de fraudeurs à l'aide sociale que dans d'autres sphères d'activité. Je pense, Mme la Présidente, que cet énoncé nous resitue continuellement dans le débat. Qu'on soit d'un côté de la Chambre ou de l'autre côté de la Chambre, on doit conserver cette prémisse.

Mme la Présidente, vous m'indiquez un chiffre qui me fait pratiquement frémir sur le délai qui me reste pour discuter de ce projet de loi très important pour mon comté. Pour faire le plus brièvement possible, je dois indiquer que dans mon comté, effectivement, il y a 4364 ménages sur l'aide sociale, dont 27 % ont moins de 30 ans, 38 % ont de 30 à 44 ans, 28 % ont de 45 à 59 ans et 8 % ont 60 ans et plus. De ce nombre, 63 % sont sur l'aide sociale depuis plus de deux ans et, enfin, 81 % de l'ensemble des bénéficiaires de mon comté n'ont pas terminé leur cours secondaire.

Il est certes important de mentionner que c'est un défi difficile d'apporter des éléments ou une réforme visant les individus et d'avoir des objectifs qu'ils devront atteindre, mais c'est un processus continu comme j'ai pu l'exprimer. On a dit qu'en 1963, il y a eu le rapport Boucher qui proposait une unification des droits des assistés sociaux; en 1966, il y a eu l'instauration du Régime d'assistance publique du Canada; en 1969, il y a eu l'adoption de la Loi sur l'aide sociale qui, en novembre 1970, a été appliquée; en 1976, il y a eu le plafonnement de l'aide sociale pour maintenir un écart avec le salaire minimum; en 1979, il y a eu ce qu'on appelle le programme

SUPRET - il me fait plaisir de voir le député de Saint-Jacques entrer en Chambre - en mars 1976... La clientèle avec ce qu'on a aujourd'hui a passablement évolué...

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre!

M. La porte: ...pour nous amener au constat de la réforme qu'on a actuellement.

Assurément, Mme la Présidente, on pourrait parler du programme Soutien financier où on reconnaît l'obligation de pourvoir aux besoins essentiels des personnes inaptes, soit tout près de 100 000 personnes sur l'aide sociale. Le programme se veut un peu plus généreux pour elles.

J'aimerais, tout en y allant plus rapidement, souligner quelques articles parus dans La Presse et aussi dans le livre blanc sur la réforme de la fiscalité des particuliers. On titrait, dans La Presse du mercredi 15 mai 1985, une date que plusieurs retiendront, citant Mme Marois: "Les assistés sociaux devraient être répertoriés en fonction des groupes distincts, ceux qui sont inaptes au travail, ceux qui sont aptes au travail et ceux qui participent à des mesures de réinsertion." Est-ce que le député de Saint-Jacques, à ce moment-là, est intervenu bravement et brillamment afin de rétorquer à cette application que Mme Marois avait expliquée? On ne l'a jamais entendu.

Dans le livre blanc, Mme la Présidente...

M. Boulerice: Question de privilège, Mme la Présidente. M. le...

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Jacques, vous aurez toute la possibilité d'intervenir après l'intervention, mais durant l'intervention, il n'y a pas de question de règlement. Là-dessus, M. le député de Sainte-Marie, vous pouvez poursuivre. (20 h 20)

M. La porte: Je vous remercie, madame, de reconnaître mon droit de parole. J'aimerais terminer en citant peut-être, à la page 24 du livre blanc: "On peut d'ailleurs se demander dans quelle mesure il était opportun, à la fin des années soixante, de vouloir incorporer les personnes aptes et les personnes Inaptes dans les mêmes structures de prestation. Je veux souligner que c'est un processus continu, qu'il nous faudra toujours être vigilant concernant les droits des assistés sociaux et souligner aussi plus particulièrement que ces gens-là ont des droits aussi assurément, en fonction de l'ensemble de la majorité. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Sainte-Marie. M. le député de Saint-Jacques sur une question de règlement!

M. Boulerice: M. le député de Sainte-Marie m'a effectivement posé une question. J'aimerais lui répondre qu'il pourrait étendre sa culture, lire les procès-verbaux du conseil...

M. Bourbeau: Une question de règlement.

La Vice-Présidente: Une question de règlement, M. le ministre.

M. Bourbeau: Le député de Saint-Jacques n'a pas à faire de déclaration en cette Chambre, vous le savez fort bien, Mme la Présidente. S'1 veut faire une question de règlement, il n'a qu'à se lever et citer l'article du règlement. Il est en train de faire une espèce de déclaration...

La Vice-Présidente: Je vais régler le dossier. Il ne s'agit pas d'une question de. règlement, M. le député de Saint-Jacques. Là-dessus, Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant qui est M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le projet de loi 37 est en soi un projet de loi d'une extrême importance. Et la fébrilité avec laquelle le ministre responsable joue au leader parlementaire prouve qu'il se sent excessivement au fond de l'os touché par nos interventions.

Félix Leclerc disait: "Entre la chair et l'os, je sens s'installer la colère." On sent que le ministre, par les interventions que nous faisons, sent un vide entre la chair et l'os et que la coièœ commence à trouver lieu de refuge entre la chair qu'il a et l'os qui lui pend au bout du nez, si cette loi passe.

Il est d'extrême importance de dire en cette Chambre que, dans tous les grands dossiers du Québec, autant les dossiers linguistiques, les dossiers du plein emploi, les dossiers du développement économique que les dossiers généraux de soutien des moins bien nantis et des défavorisés, il n'y a pas de politique générale installée par ce gouvernement depuis qu'il est élu. De façon générale, on donne aux néophytes du pouvoir un certain laps de temps pour s'acclimater aux nouvelles responsabilités qui leur incombent lorsqu'ils prennent le pouvoir. Après trois ans, je ne crois pas qu'on puisse, de façon rationnelle, décente, explicable et compréhenslve, jouer aux néophytes du pouvoir. Pourquoi arnVe-t-on ici dans un braquage de l'ensemble des Intervenants dans le domaine des affaires sociales contre le projet de loi 37? Parce qu'à la base, toutes les philosophies qui se doivent de gouverner un État ont été atrophiées et coupées sur le socle de la compréhension. Ce sont des gens qui gouvernent jour après jour.

Du côté des affaires sociales, j'ai entendu les gens de mon côté faire plusieurs interventions. Tous ont parlé de l'ensemble des Inter-

venants du domaine des affaires sociales, de 1666 groupes, associations, qui se sont rebellés contre ce projet de loi 37. Il est possible que, de temps à autre, une association ou un groupe ait tort. Mais il est impossible que tous les groupes aient tort en même temps. C'est impossible. Il n'est pas possible de dire, comme la mère éblouie qui regarde le régiment passer et qui voit, dans les 3000 soldats qui sont là, son fils qui, au lieu de faire droite, fait gauche: Le seul qui a le pas, c'est mon fils. C'est impossible, Mme la Présidente. Alors, actuellement, le ministre regarde tous les gens qui sont dans le régiment de la défense des gens défavorisés au Québec; autour de lui, il y a 98 autres députés qui regardent le ministre se promener dans son régiment et qui disent: II n'y a que le ministre qui a le pas.

Les exemples sont toujours boiteux, surtout quand on parle de pas. Mais je crois que le ministre, dans son projet de loi, fait le pied-bot. Il n'écoute pas les intervenants qui font régiment, 1666 associations qui disent au ministre: Le projet de loi 37 est inacceptable, à la première lecture. Il est répugnant, à la deuxième et il vaut d'être aboli à la troisième lecture. Et le ministre est là, il dit: Que l'Opposition s'en contente, c'est la philosophie momentanée de mon parti! Mme la Présidente, je suis ahuri de voir l'irrespect que l'on fait des intervenants. Que l'on blâme des gens dits et qualifiés, par le gouvernement actuel, d'extrême-gauche dès qu'ils ne sont pas dans la grosse association de la droite épaisse, je le comprends. Mais qu'on vienne dire que même l'association des évêques et des religieux s'oppose de façon totale, sans aucune restriction, à ce que l'Assemblée vote ce projet de loi... Ah bien là... Et que le ministre reste coi, j'en suis éberlué!

Mme la Présidente, vous savez pertinemment que dans une société qui se respecte il y a... Et le peuple québécois a dans son sein les associations qu'il faut pour défendre les droits primaires de toutes les couches de la société. Un degré de satisfaction à l'intérieur d'une population est facile à obtenir lorsque l'on protège ceux qui sont les mieux nantis. Au Québec, de façon générale, Mme la Présidente - parce que nous, les députés, nous faisons partie des gens un peu privilégiés - il y en a entre 75 % et 80 % qui sont privilégiés, qui sont dans la classe moyenne ou qui sont dans la classe supérieure. Il y en a 15 % à 20 %, disons, qui ont des problèmes momentanés ou permanents. C'est facile d'avoir un gros degré de satisfaction dans les sondages lorsque notre philosophie n'est là que pour protéger les 80 % qui sont bien nantis et qui sont heureux dans le système dans lequel nous vivons. Mais ce n'est pas là qu'on regarde la colonne, l'épine dorsale, l'échiné d'une philosophie qui doit diriger un pays, un territoire et une nation et un peuple! Le degré de civilisation de quelqu'un qui gouverne, c'est la façon dont il traite les personnes moins bien nanties ou les gens momentanément dépourvus des pouvoirs de bien agir. Et il s'agit, en l'occurrence, des personnes âgées, des personnes qui, momentanément, se retrouvent sans emploi et des personnes qui, par déficience ou par défaut physique, ne peuvent accomplir des tâches excessivement productives pour la société. Eh bien, Mme la Présidente, on reconnaît la valeur de la civilisation et de la compréhension d'un gouvernement à la façon dont il traite ces gens-là.

C'est aberrant qu'avec tous les gens qui s'opposent à ce projet de loi... Et même si on ne s'opposait pas au projet lui-même... Mme la Présidente, vous me dites qu'il me reste deux minutes. C'est sur ça que je vais conclure.

Durant la campagne électorale de 1985, le Parti libéral a dit qu'il donnerait la parité aux jeunes de 18 à 30 ans. J'entends des échos qui disent: C'est ce qu'on fait. Quand on a promis la parité aux jeunes de 18 à 30 ans, on n'a pas mis de restrictions, on n'a pas mis de conditions. On a dit qu'on donnerait aux jeunes de 18 à 30 ans la même chose que les gens de 30 ans et plus. Ce n'est pas ce qu'on fait. On diminue tout le monde. On trouve des restrictions dans tous les groupes de la société afin que le budget s'équilibre. On rencontre un jeune étudiant et on lui dit: Tu as fini tes études maintenant; tu n'as pas d'emploi parce qu'on n'a pas de politique d'emploi; on ne te trouvera pas d'emploi, on n'a pas de politique d'emploi, va-t-en sur le bien-être social. (20 h 30)

Écoutez, Mme la Présidente, on ne peut pas dire continuellement qu'on peut bourrer le monde comme ça dans une campagne électorale, arriver au pouvoir après et faire le contraire. On ne peut pas dire à un jeune homme: Bourre, beau gosse; on te bourrera tant qu'on voudra. Ce n'est pas possible de bourrer le monde de cette façon. C'est ce qu'on dit, Mme la Présidente. C'est impossible, ça ne résiste pas à l'analyse. Et le premier ministre lui-même disait: Le discours avant une élection et le discours après n'est pas le même. On le voit encore dans ce projet de loi. Pour être franc, Mme la Présidente, c'est la même chose du côté linguistique. Je vois des gens arriver en Chambre qui regardent le côté linguistique. Le programme dit que tout sera bilingue. C'est impossible au Québec que l'affichage soit bilingue, parce qu'il y a un certain respect d'une majorité. On est 83 % au Québec qui parlons français dans nos familles et on veut que ça demeure ainsi.

Pour être franc, Mme la Présidente, ce gouvernement n'a pas de politique linguistique, pas de politique de développement de l'emploi, pas de politique de développement économique et aucune conscience sociale pour protéger les démunis. Le projet de loi 37 en est la manifestation extérieure. C'est pour ça que l'ensemble de la population s'y oppose. Que le ministre se le tienne pour dit, nous allons voter contre ce projet de loi avec fierté parce que les démunis, les gens qui ont des problèmes, nous voulons les

soutenir parce que c'est un signe évident de civilisation surtout à l'époque où nous vivons. Mme la Présidente, je vous remercie beaucoup.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Terrebonne.

M. Chevrette: ...l'alternance que j'attendais, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition.

M. Bourbeau: Entente, pas dans... Bon! M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Mme la Présidente, après avoir écouté très attentivement le député de Laval-des-Rapides et Mme la députée de Deux-Montagnes, je me suis dit qu'il était important que j'unisse ma voix à celle de mes collègues, puisque je pense que l'honnêteté intellectuelle a sa place dans ce genre de débat, et qu'on doit dire aux gens que cette réforme comporte de nets reculs et des diminutions au-delà de ce qui s'est dit. Je prends, par exemple, entre autres, l'argumentaire que nous a fourni le député de Laval-des-Rapides, qui est venu dire en cette Chambre que ce projet de loi était une nette amélioration.

Je vais vous parler un peu de la nette amélioration, Mme la Présidente, en prenant l'exemple d'un jeune qui se verra potentiellement offrir une augmentation à la base. Mais, en lui donnant d'une main, on lui arrache de l'autre. Il faudrait lui dire à ce jeune. Prenez un jeune qui vit dans le partage du logement, il aura droit à 52 $ au maximum dorénavant, alors qu'il pouvait aller chercher plus du double. C'est une coupure extrêmement majeure. Le jeune qu'on va envoyer travailler dans un milieu, dont la santé ne lui permet même pas, au premier coup d'oeil, 100 $ de moins, premier refus. Bien sûr, ils vont lui dire: Va donc en appel, va donc t'amuser devant les tribunaux d'appel. Mais il va automatiquement retomber. Je ne suis pas sûr qu'il ne retombera pas en bas, Mme la Présidente, qu'on ne le diminue pas à un point inférieur à ce qu'il était à part ça. Mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, on a promis la parité et il faut leur donner l'illusion de la parité. C'est ce que vous avez dit aux jeunes. Vous leur avez dit que vous leur donneriez la parité sans pour autant les diminuer. Vous ne leur avez pas dit que n'importe quel employeur pouvait faire appel à un nombre x en disant: Envoyez-moi donc une demi-douzaine d'assistés sociaux.

Sont-ils capables ou non de remplir les fonctions? Cela n'a pas d'importance. Envoyez-moi-z-en une demi-douzaine. Le gars les fait travailler trois ou quatre heures, puis il dit: Ces deux-là ne font pas l'affaire; allez-vous-en. 100 $ de moins, ce n'est pas grave. Premier refus. Le gros bidonnage. Le ministre se tape sur la bedaine en disant: Voici, on est en train d'épurer nos listes. Et il rigole.

C'est le danger d'une telle réforme, M. le Président, que le gouvernement soit en train de sombrer carrément dans l'illusionnisme vis-à-vis de ces gens-là. Je vous avoue que cela ne joue pas à moyen terme. À court terme, cela peut être très rentable. C'est vrai qu'au Québec, comme partout, d'ailleurs, on n'aime pas payer des impôts. Effectivement. Si vous allez dire à la population: Ce serait bon qu'on leur serre la vis à ces assistés sociaux-là, je n'en connais pas beaucoup qui vont être d'accord avec vous. Quand tu es contribuable, salarié moyen, et que tu penses que tu peux faire un gain de paiement d'impôt... Vous allez aller chercher l'assentiment de la population, je n'en disconviens pas. Je sais que, même parmi mes proches, il y a des gens qui diraient: Oui, mais, Chevrette, comment peux-tu t'opposer à ça? On risque de payer un peu moins d'impôt. Oui, c'est vrai. Mais ce n'est pas ça notre rôle. On a été élus pour faire un partage équitable de la richesse collective. On a été élus pour essayer d'en donner aux moins bien nantis. On a été élus pour proposer des choses correctes. Toute votre politique est axée sur l'employabilité. L'employabilité a fait ses preuves à 17,5 %, vous le savez.

On a le double du chômage de l'Ontario. Où allez-vous créer les emplois? Vous n'avez aucun programme de création d'emplois. Vous avez axé toute votre politique sur le plan de développement économique et de l'emploi, sur la libre concurrence. Vous faites du "surf" parce que l'économie va bien. L'économie va tellement bien qu'on est revenu au double du chômage de l'Ontario alors qu'en pleine crise économique, quand on pensait à des programmes de création d'emplois, on avait réussi à détruire temporairement cette image du double chômage de l'Ontario. Et vous dites à tous les jeunes assistés sociaux: Si tu veux avoir la parité il va falloir que tu acceptes les jobs sinon on va te couper, indépendamment de la job. Cela, Mme la Présidente, c'est leurrer les gens, il faudrait que vous disiez aux gens que c'est ça que vous proposez. Il faudrait que vous disiez aux gens combien ça va vous rapporter. Quand tu as 9 % de chômage et que le lendemain matin tu prends tous les assistés sociaux et tu essaies de leur faire remplir des emplois qu'ils ne sont pas capables de remplir, vous le savez très bien. Tu peux avoir 9 % de chômeurs. À plus forte raison, tu as moins d'emplois à leur offrir. Plus tu as de chômeurs, comment voulez-vous offrir des emplois? Ils sont beaucoup plus pour se les partager. Vous le savez.

Comment pouvez-vous baser toute une réforme sur l'employabilité avec 9 % de chômeurs? Comment, pouvez-vous décemment vous considérer honnêtes vis-à-vis de ces gens? Pensez-y 30 secondes. Pensez donc si un des vôtres était touché. C'est facile de dire que ce

sont tous des bandits et des voleurs. Ce n'est pas vrai. Vous le savez. Malheureusement, c'est l'image que plusieurs charrient dans une telle conjoncture. Oui, oui. Ne dites pas le contraire. Parce qu'on prend un ou deux cas exceptionnels, on prend deux ou trois cas exceptionnels et on essaie de faire dire que tout le monde est pareil. Ce n'est pas vrai. Il ne faudrait pas faire comme le député de Sainte-Marie, avoir un discours dans son comté, se cacher. Il n'était pas au vote ce matin quand on a adopté les amendements.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre!

M. Chevrette: Puis il est intervenu parce que tous les députés de son groupe étaient allés le voir. Le ministre est parti de sa place pour aller dire au député de Sainte-Marie: Interviens parce que le député de Saint-Jacques vient de parler de toi.

Écoutez, Mme la Présidente, on l'a vu faire, de nos yeux vu, en cette Chambre. On est allé lui dire: Vas-y, interviens parce que tu baisses. C'est ça. J'ai vu le ministre, et je le mets au défi de dire qu'il n'est pas allé le voir. Je mets au défi le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de dire qu'il n'est pas allé voir le député de Sainte-Marie pour lui dire d'intervenir. Je l'ai vu de mes yeux vu avant le souper.

Mme la Présidente, je pourrais continuer. Avez-vous dit aux gens qu'on tiendra compte du fait qu'ils vivent en HLM dans leurs prestations d'aide sociale? Vous ne leur avez pas dit. Vous allez les couper. Pourtant, l'ex-ministre avait dit qu'il prenait l'engagement. Ce matin, jamais le ministre n'a répondu à cette question du critique de l'Opposition. Non seulement il n'a pas répondu à la question mais il ne semblait pas la comprendre. Ou, s'il la comprenait, il n'y répondait pas délibérément. Avez-vous dit ça à ces gens? Ah! Le député de Richelieu va y répondre, imaginez-vous! Il a de la misère à se mettre sur la "map" juste par ses questions. Il doit être capable de présumer ce qu'un autre va répondre. (20 h 40)

Imaginez-vous. Mme la Présidente, j'avais le goût de faire une farce, je vais m'abstenir. Je voudrais regarder, par exemple, trois incohérences avant de terminer. Les jeunes libéraux sont venus témoigner devant la commission. Ils ont parlé au ministre du temps et l'actuel ministre a épousé d'ailleurs cet amendement, il a dit: Les jeunes devraient avoir le droit de poursuivre leurs parents. Le gouvernement a trouvé ça extrêmement brillant. Judiciariser les rapports entre enfants et parents. C'est dans votre projet de loi. Le dites-vous aux gens? Le dites-vous que c'est une mesure de la réforme de l'aide sociale? Vous acceptez ça? Des ex-enseignants ou des extravailleurs sociaux acceptent qu'on judiciarise les rapports entre enfants et parents, qu'on permette aux enfants de poursuivre les parents. Vous acceptez ça vous autres. Je trouve ça inacceptable. Est-ce qu'on accepte que pour être conjoint de fait, quand c'est l'aide sociale, il faut mettre seulement un an? Oui, parce que si on met trois ans comme dans l'assurance-automo-bile... Inscrivons un an, quand ils auront vécu ensemble un an à l'aide sociale, il faudra qu'on puisse les couper. On va pouvoir enlever au moins 15 000, 20 000 couples. À l'assurance-automobile c'est moins pire trois ans. Il y a moins de monde.

Mme la Présidente, c'est ça votre philosophie sociale: couper le maximum de monde, prendre le maximum de mesures pour couper le maximum de familles. C'est ça? Je regarde le ministre délégué à la Famille qui est ici, est-ce qu'il accepte ça, lui, la notion de conjoint de fait d'un an à l'aide sociale, chez les moins bien nantis et trois ans à l'assurance-automobile? Je suis convaincu qu'ils n'ont pas consulté le ministre délégué à la Famille avant. Il ne pourrait pas adhérer à une telle politique, c'est impossible, c'est impensable. C'est une façon claire et nette de concevoir une responsabilité sociale en fonction du portefeuille, et non pas en fonction des convictions. Pourtant, c'est le rôle de l'État de faire le partage de la richesse collective.

Je termine en vous disant que la notion d'inapte contenue dans la loi 37 rendra dorénavant aussi difficile pour un individu du bien-être social, bénéficiaire de l'aide sociale avec des pitances minimales d'obtenir son statut d'inapte. Mme la Présidente, ce sont les notions de la notion d'invalidité que l'on retrouve maintenant dans la loi.

La notion d'invalidité, pour ceux qui travaillent à leur bureaux de comté, vous en faites du bureau de comté, vous en avez eu des petits cas d'invalidité, pensez-y 30 secondes. Il faut quasiment que le gars soit mort ou que la femme soit morte, bon Dieu, pour toucher une invalidité. Vous le savez. Vous introduisez dans la Loi sur l'aide sociale cette notion d'inapte qui correspond à de l'invalidité. Encore une fois pour pénaliser davantage du monde qui ne touche à peu près rien. C'est là, Mme la Présidente, cette vision erronée, faussée de ce que c'est et ne profitez pas... Je supplie le ministre et son gouvernement de ne pas profiter de conjonctures où il est très facile... Oui, Mme la Présidente, mais je vous ai vue demander à trois reprises à mon prédécesseur ou au deuxième avant de conclure... Je finis en 30 secondes en vous disant ceci: Je supplie le ministre et son gouvernement de ne pas abuser de la conjoncture qui fait en sorte qu'on puisse facilement mettre le grappin sur les moins bien nantis.

Au contraire, c'est dans ces périodes de prospérité économique que l'État devrait être le plus ouvert sur le plan social, pour ces gens.

La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, en réplique.

M. André Bourbeau (réplique)

M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Nous arrivons maintenant à la toute dernière étape, aux derniers moments de ce débat sur la réforme de l'aide sociale et sur le projet de loi sur la sécurité du revenu. Avant de passer à la partie la plus sérieuse de cette allocution, je ne peux passer sous silence ma tristesse d'entendre des propos semblables à ceux que vient de nous tenir celui que l'on appelle le chef de l'Opposition. C'est vraiment attristant, Mme la Présidente, de voir dans un parlement comme celui-ci quelqu'un qui est censé être une personne responsable, qui est censé diriger une formation politique, tenir des propos aussi irresponsables, aussi incohérents, aussi exagérés, aussi dénudés de mesure et qui dénotent une totale incompréhension ou ignorance du projet de loi que nous avons devant nous.

Mme la Présidente, je reconnais que certaines personnes ou certains groupes peuvent ne pas être d'accord avec la réforme que nous proposons, même si la grande majorité des Québécois y sont favorables. On ne peut quand même pas passer sous silence des déclarations comme celles qu'on vient d'entendre, par exemple, à savoir que nous avons une description, une désignation de l'inaptitude qui colle sur la notion d'invalidité. C'est faux. Seront admis comme inaptes au travail ceux qui ont de sévères contraintes à l'emploi. Cela devra, au départ, être des gens qui ont une certaine condition médicale. Ils devront se munir d'un certificat médical. À partir de là, nous tiendrons également compte des circonstances autres, comme, par exemple, ce qu'on appelle une condition psychosociale ou des phénomènes socioprofessionnels, de sorte que si une personne a un certain problème médical, mais plutôt léger, il sera quand même possible d'admettre cette personne au programme Soutien financier, qui est le programme de ceux qu'on appelle les inaptes, si, en plus de la certaine condition médicale, il y a une condition socioprofessionnelle telle que, par exemple, un âge assez avancé, un manque évident de scolarisation ou un manque d'expérience de travail. Ces facteurs, on en tiendra compte également, en plus de la situation médicale, de sorte qu'il est totalement faux d'affirmer qu'il faudra être invalide pour être admis au programme Soutien financier. Non seulement c'est une exagération, c'est une fausseté absolue.

Deuxièmement, le député de Joliette, malheureusement chef de l'Opposition, a également traité des conjoints de fait d'une façon erronée encore. Mme la Présidente, c'est vrai que nous traitons les conjoints de fait à l'aide sociale comme des conjoints légalement mariés, c'est-à-dire que nous ne faisons pas de distinction. À partir du moment où un couple vit en situation maritale, nous les traitons exactement sur le même pied que ceux qui sont mariés, par exemple, à l'église ou à la mairie. Si nous ne le faisions pas, ce serait totalement inéquitable envers les gens qui vivent dans des situations légales de mariage. Imaginez-vous le cas d'un couple qui, vivant en situation de vie maritale, ferait en sorte que la femme pourrait aller à l'aide sociale pendant que son conjoint travaille et gagne un salaire. Qu'est-ce que je pourrais répondre au couple marié qui demeure tout près et à l'égard de qui la femme ne peut pas aller à l'aide sociale? On pourrait avoir deux couples voisins, sur le même palier de la même maison, et un couple serait limité au salaire du mari parce que ce serait un couple marié dans une situation traditionnelle, alors que l'autre couple, vivant en situation de vie maritale, pourrait voir la femme aller s'abreuver à l'aide sociale parce que ces gens-là ne sont pas mariés. Pourtant, ce sont des gens qui ont des enfants, qui vivent exactement de la même façon.

Ce serait inéquitable, absolument inéquitable pour les gens qui ont eu le bonheur ou le malheur de se marier à l'église et ce serait une attraction terrible à faire en sorte d'inciter les couples mariés à se séparer pour permettre à la femme séparée d'aller à l'aide sociale. On pourrait, après ça, voir les mêmes gens se remettre en ménage, en situation de conjoints de fait, ce qui deviendrait proprement aberrant. Donc, vous avez compris comme moi que nous devons traiter tous les gens à l'aide sociale sur le même pied. Quand nous avons des gens qui vivent en situation de vie maritale, nous leur appliquons exactement les mêmes règles. (20 h 50)

Du côté de l'Opposition, on nous a affirmé qu'il y avait un nombre incalculable d'associations qui s'opposent à la réforme de l'aide sociale. On nous a remis une liste. Dans cette liste, on a l'impression de regarder un bottin téléphonique. On a pris probablement le premier organisme sur une page du bottin. On prend par exemple un centre d'accueil de Chandler, et là, on a listé tous les centres d'accueil du Québec. Évidemment, il y en a un nombre incalculable. On prend un centre communautaire et on liste tous les centres communautaires qu'il peut y avoir dans la province. Les CLSC, on a réussi à aligner à peu près tous les CLSC du Québec, toutes les associations de locataires. On prend des centres de femmes, tous les centres de femmes, etc. Les centres hospitaliers, tous les hôpitaux du Québec sont listés. Mme la Présidente, ce n'est tout simplement pas sérieux. J'ai mis au défi l'Opposition de nous produire la preuve que ces organismes-là ont vraiment signifié leur opposition à la réforme de l'aide sociale. C'est une chose que d'écrire un nom sur une liste, c'est une autre chose de nous prouver que chacun de ces organismes a réuni son conseil d'administration et a fait voter une résolution à la majorité des membres indiquant l'opposition à la réforme de l'aide sociale, il est évident que l'Opposition ne l'a pas fait, sans quoi elle nous

aurait produit les documents justificatifs qui prouvent que ces organismes-là se sont vraiment déclarés contre la réforme de l'aide sociale.

Comment pourraient-ils faire la preuve que ces organismes-là sont majoritairement contre la réforme de l'aide sociale quand on sait qu'au-delà de 90 % des Québécois, par sondage, ont indiqué leur appui à la réforme de l'aide sociale? Ils ne pourraient jamais trouver une majorité de membres d'un conseil d'administration qui voteraient pour une résolution indiquant que l'organisme est contre la réforme de l'aide sociale.

Mme la Présidente, sans faire aucune sollicitation, nous avons tout de même obtenu certains témoignages. On en a fait état un peu plus tôt. Dans la liste des hôpitaux faisant partie des 1660 présumés organismes qui s'opposent à la réforme de l'aide sociale, il y a entre autres l'hôpital Charles-LeMoyne, situé comme par hasard dans le beau comté de Laporte que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale. On l'a dit un peu plus tôt, mais je répète que j'ai ici une lettre de l'hôpital Charles-LeMoyne, sur la papeterie de l'organisme, signée par le directeur général qui indique qu'en aucune façon, cet hôpital-là ne s'oppose à la réforme de l'aide sociale puisqu'on n'en a même pas discuté à aucune réunion du conseil d'administration. On indique que toute prétention à ce contraire serait sans fondement. Voilà une preuve, Mme la Présidente, que le document qu'on nous présente est sans fondement. Je reçois, sans l'avoir aucument sollicitée, ici, une lettre d'un organisme qui s'appelle le Syndicat des producteurs de bois, Outaouais-Laurentides. Laissez-moi vous la citer. Cela indique qu'un organisme ici, le Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides, représentant 13 500 propriétaires de boisés dont 4500 sont membres adoptait unani-ment à son assemblée annuelle tenue a Papineau-ville, le 27 avril 1988, une résolution d'appui en ce qui a trait à la réforme de l'aide sociale. "Nos producteurs connaissent depuis déjà un bon moment un problème de main-d'oeuvre sylvicole vieillissante et une relève qui se fait attendre et est souvent inexpérimentée. Je crois qu'avec des bons programmes appropriés aux secteurs des forêts privés des ouvertures pour les travailleurs sytvicoles seront créées."

Mme la Présidente, voici une lettre qui nous arrive spontanément d'un organisme syndical qui nous déclare son appui à la réforme de l'aide sociale. Si on avait fait le quart de la moitié des efforts de l'Opposition pour obtenir des lettres semblables, on pourrait en empiler ici des milliers et des milliers. Je n'irai pas plus loin pour vous dire que cette réforme de l'aide sociale est importante; elle est essentielle même. Vous savez qu'il y a une vingtaine d'années quand on a mis sur pied la Loi sur l'aide sociale, la société du Québec était totalement différente de ce qu'elle est aujourd'hui. À cette époque, on avait à l'aide sociale une très grande majorité des gens qui étaient inaptes au travail, des gens malades dont l'état de santé ne leur permettait pas de travailler. Et, à ce moment-là, la société québécoise avait un concept familial beaucoup plus unifié que maintenant. Or, aujourd'hui, 20 ans après, la société a changé. Elle a changé. Nous pouvons, entre autres, aujourd'hui, voir le phénomène des familles monoparentales, phénomène qui existait très peu, il y a 20 ans.

A l'aide sociale, depuis quelques années, nous avons vu l'arrivée d'un nombre incalculable de gens aptes au travail, c'est-à-dire de gens qui sont en parfaite santé et capables de travailler. Or, si la société québécoise a évolué depuis 20 ans, la Loi sur l'aide sociale, elle, n'avait pas évolué. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a jugé utile et important de modifier la loi pour qu'elle reflète la société d'aujourd'hui.

Dans cette loi, nous avons suivi certains grands principes. Il faut se souvenir, par exemple, que l'aide sociale est un système de dernier recours. Ce n'est pas un endroit où l'on vient frapper quand on manque d'argent pour boucler la semaine ou le mois. C'est vraiment un endroit où l'on vient frapper quand on a épuisé tous les recours possibles et impossibles, quand on a frappé à toutes les portes et quand il ne reste plus rien que l'aide sociale. Nous ramassons les gens qui sont rendus au fond du tonneau, et c'est cela le but. La société québécoise ne laisse tomber personne. Il n'y a aucun Québécois qui ne sera pas accueilli à l'aide sociale s'il est dans le dénuement. Je tiens à le dire pour qu'on le sache, l'aide sociale est là pour aider ceux qui n'ont rien d'autre. Nous avons l'intention de continuer à garder ce filet de sécurité qui est là pour tous ceux qui en ont besoin.

Lors de la dernière élection provinciale, lorsque nous avons proposé le programme du Parti libéral, nous nous sommes engagés à réformer l'aide sociale, et nous nous sommes engagés à le faire selon une façon que nous avons annoncée à la population. Nous avons dit: Nous allons mettre fin à la distinction fondée sur l'âge qui faisait que, depuis toujours, à l'aide sociale on traitait différemment les gens de moins de 30 ans et ceux de plus de 30 ans. À ceux qui avaient moins de 30 ans, on donnait un barème extrêmement réduit. À titre d'exemple, une personne seule, à l'aide sociale, reçoit présentement 178 $ par mois, ce qui, vous en conviendrez, est nettement insuffisant pour permettre de subvenir aux besoins les plus primaires. Nous avons dit: Lors de la réforme, nous allons abolir cette distinction fondée sur l'âge et traiter tout le monde de la même façon, ceux qui ont moins de 30 ans comme ceux qui ont plus de 30 ans. C'est ce que prévoit le projet de loi que nous avons devant nous.

Nous avons également décidé d'instaurer dans le nouveau régime une nouvelle distinction, celle-là fondée sur l'aptitude ou l'inaptitude au travail. Nous allons classer les gens en aptes ou

inaptes, c'est-à-dire des gens qui ne peuvent pas travailler parce que leur condition physique ou mentale est détériorée d'une façon significative, en plus des problèmes socio-professionnels qu'ils pourraient avoir. L'Opposition nous a fait un plat de cette volonté d'instaurer cette distinction entre les inaptes et les aptes. Pourtant, tous les pays industrialisés font cette distinction. Toutes les provinces canadiennes traitent mieux leurs assistés sociaux inaptes au travail, et c'est normal qu'il en soit ainsi parce que ces gens sont les plus mal pris de la société. Imaginez-vous, en plus d'être totalement démunis financièrement, ces gens ont des problèmes de santé physique ou mentale, ou des problèmes socioprofessionnels qui les empêchent de pouvoir garder un emploi. Nous avons donc, c'est évident, un devoir additionnel envers eux, et c'est pour cela qu'avec la réforme que nous proposons, nous allons augmenter d'une façon substantielle les prestations de ceux qui sont dans cette classe d'assistés sociaux qu'on appelle les inaptes au travail.

Finalement, le troisième pilier de la réforme, c'est l'incitation au travail, bien sûr. Il faut que, dorénavant, on comprenne qu'il doit être plus payant d'aller travailler, même au salaire minimum que de rester à l'aide sociale. Il est arrivé au cours des dernières années que les revenus qu'on pouvait retirer de l'aide sociale, devenaient plus payants que le salaire minimum. Pas surprenant qu'au cours des trois ou quatre dernières années, entre les années 1983 et 1985, on ait vu l'arrivée à l'aide sociale d'environ 200 000 personnes, justement parce que, entre autres, c'était plus payant de rester à l'aide sociale que d'aller travailler, surtout, en tout cas, pour un père de famille avec deux enfants. (21 heures)

Mme la Présidente, cette réforme que nous proposons a de grands avantages. Premièrement, elle va, comme je l'ai dit, permettre aux jeunes de moins de 30 ans d'avoir le même barème que ceux qui ont plus de 30 ans. Elle va permettre aux inaptes, ceux qui ont des problèmes sérieux de santé d'obtenir un barème beaucoup plus élevé et elle va également permettre d'inciter sérieusement au travail ceux qui sont aptes au travail et capables de travailler.

On a parlé du partage du logement. On a prétendu que le partage du logement, c'était une calamité. Mais pourtant, Mme la Présidente, le partage du logement existe présentement à l'aide sociale. Nous n'inventons rien avec le partage du logement. On l'applique présentement à l'égard des assistés sociaux qui demeurent dans leur famille ou à l'égard des parents qui demeurent chez leurs enfants. Et le seul amendement que nous faisons à ce principe-là, c'est que nous étendons le partage du logement à la totalité de la clientèle de l'aide sociale.

On a parlé également de la contribution alimentaire parentale. Pourquoi demandons-nous aux parents de faire un petit effort avant que les enfants puissent venir à l'aide sociale? Nous estimons, comme d'ailleurs dans le régime des prêts et bourses, que nous devons - étant donné que le système d'aide sociale est un système de dernier recours - demander aux jeunes qui se présentent à l'aide sociale d'aller premièrement frapper à la porte des parents. Nous estimons que, lorsque les enfants atteignent l'âge de 18 ans, la responsabilité des parents ne se termine pas nécessairement à ce moment-là. Si les enfants ont le critère de dépendance prévu dans la loi et que les parents ont des revenus suffisants, c'est à la porte des parents qu'ils doivent aller frapper prioritairement. Et si les parents ont des revenus suffisants, ils doivent s'occuper de leurs enfants à l'aide sociale comme dans le système des prêts et bourses pour les étudiants. Maintenant, si jamais des cas exceptionnels se présentaient où des enfants de, familles à l'aise étaient en rupture avec leur famille, nous avons prévu, Mme la Présidente, de les accueillir quand même à l'aide sociale et nous prendrons les dispositions pour faire comprendre aux parents leurs responsabilités.

Vous m'indiquez, Mme la Présidente, qu'il me reste deux minutes. Je vais tenter d'accélérer autant que possible. Vous savez, Mme la Présidente, qu'une des innovations que nous avons proposées c'est le programme de subventions salariales, c'est-à-dire que nous allons utiliser une partie de l'énorme budget que nous avons à l'aide sociale pour inciter les employeurs, qu'ils soient publics ou privés, à permettre à des assistés sociaux de s'insérer en emploi. Cela pourra être des municipalités, ça pourra être des ministères du gouvernement, ça pourra être des organismes communautaires comme ça pourra être l'entreprise privée. L'employeur sera incité à engager des assistés sociaux. Ce ne sera pas, Mme la Présidente, comme on a tenté de le faire croire du côté de l'Opposition, d'une façon démagogique. Ce ne seront pas des employés rémunérés comme des esclaves. Nous allons nous assurer que ces emplois-là soient des emplois de bonne qualité et rémunérés à des taux convenables. Et je pense que c'est rendre service aux assistés sociaux que de leur permettre d'acquérir de l'expérience en emploi. Vous savez que 40 % seulement des assistés sociaux ont de l'expérience de travail. Et, comme disait Félix Leclerc "la meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer pour ne rien faire". Nous pensons que si nous donnons la chance à un assisté social de commencer à travailler une fois dans sa vie, de prendre des habitudes de travail, de prendre confiance en lui, possiblement qu'il prendra le goût du travail et finira par s'en sortir.

Mme la Présidente, je termine là-dessus. Nous sommes à la fin d'un débat épuisant. La réforme de l'aide sociale constitue une étape importante dans l'évolution de la vie sociale au Québec. Je dis que le gouvernement, en passant cette réforme, a rempli ses engagements. Mon

prédécesseur a fait un excellent travail dans cette réforme-là et je tiens à rendre hommage aux députés qui ont siégé à la commission. Et, quant à moi, et je termine là-dessus, Mme la Présidente... Je vous signale que vous avez accordé au chef de l'Opposition tantôt une minute. Alors je demande, Mme la Présidente, le même privilège étant donné que le débat a duré très longtemps.

Quant à moi, je suis convaincu, en mon âme et conscience, que cette réforme-là constitue une amélioration significative par rapport au système qui existe présentement. Cette réforme va apporter plus de justice et plus d'équité envers les jeunes, envers les inaptes, envers les familles monoparentales. Cette réforme va apporter plus de cohérence et certainement plus d'espoir pour ceux qui, étant aptes au travail, se retrouvent temporairement à la sécurité du revenu. Ces gens-là peuvent espérer qu'avec l'aide de l'État, ils pourront bientôt, j'espère, se trouver un emploi et retrouver la confiance en eux et le goût du travail. Ils retrouveront, j'espère, aussi leur dignité d'êtres humains fiers de quitter un état de dépendance pour subvenir dorénavant à leurs besoins. Mme la Présidente, l'autonomie des individus par le travail, voilà le vrai objectif que nous recherchons, voilà ce qu'est rendre la liberté aux individus et voilà la vraie réforme de l'aide sociale que nous proposons aux Québécois. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Cette réplique termine le débat.

Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Vote enregistré, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Vote enregistré?

M. Lefebvre: Et reporté, Mme la Présidente, à demain, aux affaires courantes.

La Vice-Présidente: Consentement? Consentement. Le vote sera donc reporté à demain, aux affaires courantes.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. L'article 44 du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 34

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: À l'article 44 du feuilleton, le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux propose l'adoption du rapport de la commission des affaires sociales qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives, ainsi que les amendements qui ont été transmis en vertu de l'article 252 de notre règlement.

Avant de vous reconnaître, M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux, j'aimerais vous faire part que, conformément à l'article 253 de notre règlement, le président a convoqué, à 16 h 30 aujourd'hui, une réunion avec les leaders parlementaires pour l'organisation de la mise aux voix des amendements proposés au projet de loi 34.

Premièrement, sont déclarés recevables tous les amendements proposés par M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. Le débat se déroulera conformément à l'article 253, les temps de parole étant ceux prévus pour une motion de forme et le ministre pouvant intervenir au plus cinq minutes après chaque discours.

À la fin du débat, il sera procédé à la mise aux voix dans l'ordre suivant. Tout d'abord, seront mis aux voix les articles dont M. le ministre propose la suppression, à savoir les articles 149.16, 149.18, 149.19, 149.20 et 149.29 introduits par l'article 2 du projet de loi et l'article 20. Seront ensuite mis aux voix les amendements proposés par M. le ministre aux articles 149.6, 149.9, 149.17, 149.27, 149.28, 149.30 et 149.32 introduits par l'article 2 du projet de loi, aux articles 3, 4, 6, 7, 13, 14, 15, 16, 17 et 22, ainsi qu'aux titres respectifs de la section VI.I et la sous-section 2 de la section VI.I introduits par l'article 2 du projet de loi. Troisièmement, seront par la suite mis aux voix les nouveaux articles proposés par M. le ministre, à savoir les articles 149.26.1, 149.30.1, 149.32.1, 149.32.2 et 149.32.3 introduits par l'article 2 du projet de loi, et les articles 6.1, 6.2, 7.1, 12.1, 12.2, 21.1, 21.2 et 21.3. Quatrièmement, seront ensuite mis aux voix tous les articles du projet de loi 34 qui n'ont pas été adoptés en commission et qui ne sont pas amendés. Seront, par la suite, mis aux voix tous les articles, tous les intitulés et le titre du projet de loi ainsi que le projet de loi lui-même, tels qu'ils ont été amendés par les votes précédents. Sera enfin mis aux voix, tel qu'amendés, le rapport de la commission des affaires sociales qui a étudié en détail le projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Cela étant dit, je suis prête à vous reconnaître, M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. (21 h 10)

M. Robert Dutil

M. Dutil: Merci, Mme la Présidente. Ce soir, plusieurs amendements seront amenés et débattus. Il est malheureux que nous en soyons arrivés à devoir, à la suite d'une motion de clôture, approuver de la façon dont nous devons le faire maintenant les divers amendements.

Je voudrais mentionner toutefois que la plupart des amendements qui sont devant nous ce soir ont déjà été transmis à l'Opposition. Bien que notre débat ait duré 80 heures ou tout près et que nous n'ayons franchi que l'étape du premier article et d'une partie du deuxième article, toutefois, dès la reprise de nos travaux cet automne, j'avais transmis à l'Opposition, pour faciliter notre travail, les divers amendements que nous avions l'intention de débattre s'il nous avait été donné l'occasion de le faire. Toutefois, étant donné l'opposition systématique de l'Opposition dont j'ai fait la preuve, je pense, lorsque nous en avons débattu à la motion de clôture, preuve qui a été corroborée par le fait, entre autres, qu'ayant avisé l'Opposition que j'approuvais l'un de leurs amendements et que nous allions voter pour, elle a quand même continué à faire son opposition systématique.

Donc, Mme la Présidente, après 80 heures de débat, II était devenu évident que l'Opposition ne souhaitait pas que ce projet de loi soit adopté et que le travail en commission était devenu impossible. Nous arrivons ici avec des amendements connus de l'Opposition, des amendements que l'Opposition aurait pu débattre, mais qu'elle a certainement lus et sur lesquels elle a des opionions qu'elle pourra émettre, bien sûr, ce soir. Toutefois, trois amendements, d'ordre plutôt technique quant à deux d'entre eux, et l'un un peu plus fondamental dont je vais parler, sont apportés ce soir, et je vais, pour la compréhension de notre débat et pour la bonne compréhension particulièrement de l'Opposition, en discuter.

D'abord, à l'article 149.26.1, nous introduisons un pouvoir de directive qui se lit comme suit: "Le ministre peut dans le cadre des responsabilités et des pouvoirs qu'il lui sont confiés donner à la corporation des directives portant sur les objectifs et l'orientation de cette corporation dans l'exécution des fonctions qui lui sont confiées par la loi. Ces directives doivent, au préalable, être approuvées par le gouvernement. Les directives données en vertu du présent article lient les corporations et elles doivent être déposées dans les quinze jours de leur approbation devant l'Assemblée nationale si elle siège ou dans les quinze jours de la reprise des travaux. "Les tiers ne sont pas tenus de voir à l'application du présent article qui ne peut être invoqué par eux ou contre eux." Alors, un groupe en particulier, l'Association des hôpitaux du Québec, nous avait demandé d'introduire ce genre d'article pour diverses raisons. Il existe de nombreux exemples de précédents de ce genre de pouvoir de directive que l'on retrouve, par exemple, à l'Office des personnes handicapées, à l'Office des services de garde à l'enfance, à la Société immobilière du Québec, à la Société des établissements de plein air du Québec, à la Société de développement industriel du Québec et à la Société des alcools du Québec. Il ne s'agit pas ici, Mme la Présidente, de faire une liste exhaustive, mais de bien démontrer que nous n'introduisons pas une nouveauté et qu'il ne s'agit pas d'un précédent, mais bien d'une formule qui existe ailleurs et qui peut s'avérer nécessaire, tel que nous l'avait recommandé l'Association des hôpitaux du Québec.

Un second article est ajouté à ceux que nous avions transmis à l'Opposition à titre d'amendement. Il s'agit de l'article 12.2, qui est une formule de transition pour la nomination du premier conseil d'administration. Selon l'article 149.7.1, adopté en commission, le directeur général de la corporation est nommé par le gouvernement après consultation des autres membres de la corporation. Il est nécessaire de prévoir que certains membres du conseil d'administration visé, soit ceux des groupes visés aux paragraphes 6, 6.1 et 7 de l'article 149.6, pourront être choisis parmi les groupes équivalents à ceux mentionnés au projet de loi.

En effet, les groupes mentionnés à ces paragraphes n'existeront véritablement que lorsque tous les contrats auront été signés et que les transferts de services d'intervention médicale d'urgence et des salariés auront été effectués. Pour effectuer ces transferts, la corporation doit pouvoir fonctionner avec son plein conseil d'administration. Avec le premier alinéa de l'article 12.2, la corporation pourra démarrer complètement. Le deuxième alinéa prévoit la situation où un membre nommé conformément au premier alinéa n'aurait plus la qualité nécessaire, à la suite du transfert des services et des salariés et de la signature des contrats, pour être désigné en fonction des paragraphes 6, 6.1 et 7 de l'article 149.6. Il cessera dans ce cas d'être membre du conseil d'administration.

Quant au troisième alinéa, il prévoit une limitation des délais pour la désignation par les intéressés des premiers membres du conseil d'administration de la corporation, et ceci, bien évidemment, afin d'éviter des délais indus et préjudiciables pour la nomination de son premier directeur général. Une demande sera adressée aux groupes concernés, lesquels auront un délai de 30 jours, soit pour désigner leurs représentants, soit pour effectuer les consultations prévues à l'article 149.6. Seuls les membres ainsi nommés devront être consultés pour la nomination du premier directeur général.

Mme la Présidente, je viens de vous donner l'explication de ce texte dont je n'ai pas fait la lecture mais, avec les explications que je viens de donner et les références que je viens de mentionner, il apparaît bien clair qu'il s'agit, à toutes fins utiles, d'une formule de transition quant à la nomination du premier conseil d'administration et des adaptations qui sont nécessaires aux fins de notre projet de loi.

Une autre modification a été apportée aux articles 21, 21.1 et 21.2 concernant diverses mesures. Le nouvel article 21.1 reprend ce que l'on retrouvait antérieurement à l'article 149.19, soit les normes applicables pour la conclusion des

premiers contrats à Montréal.

Le nouvel article 21.2 prévoit que tous les premiers contrats signés avec des titulaires de permis à Montréal doivent entrer en vigueur à la même date. Sont reprises, à cet article, les dispositions relatives à l'effet des contrats au 1er avril 1988 et à la révocation des permis au jour de l'entrée en vigueur des contrats. La date du 1er avril 1988 est celle qui suit la date de l'expiration des derniers contrats signés à Montréal par les exploitants de services d'ambulance. Les dispositions relatives à la révocation des permis se retrouvaient, dans le projet de loi initia:, à l'article 149.19.

Le nouvel article 21.3 prévoit une indemnité payable du fait de la révocation des permis. Celle-ci est fixée par le ministre ou, en cas de désaccord, par un conseil d'arbitrage. Ce sont des choses qui étaient déjà connues dans les articles que nous avions transmis à l'Opposition. Les frais de ce conseil, sauf les témoins et les procureurs, sont à la charge du gouvernement. Cette partie était également connue de l'Opposition par la transmission que j'avais faite.

Toutefois, les règles d'arbitrage du Code de procédure civile s'appliquent à cet arbitrage, sauf celles qui sont manifestement inconciliables ou inappropriées qui ont été exclues. Mme la Présidente, ce texte n'apparaissait pas. C'était un ajout tout à fait technique qui fait que les articles 940.2, 940.3, 940.5, 941.1 à 942.5, 942.7 à 943.2, 944.1 à 944.9, 945, 945.1, 945.3 à 945.8 du Code de procédure civile, s'appliquent au conseil d'arbitrage en faisant les adaptations nécessaires et sous réserve d'incompatibilité avec les dispositions du présent article.

Voilà, Mme la Présidente, trois amendements qui n'avaient pas été transmis à l'Opposition et sur lesquels je voulais apporter certaines explications. (21 h 20)

Quant aux autres amendements, je pense qu'il est important de rappeler les grands objectifs de cette loi pour Montréal. La loi détache Urgences-santé du Conseil régional de la santé et des services sociaux de Montréal. Cette décision, cette position a amené toutes sortes d'interprétations dont l'une, entre autres, est tout à fait fausse et qui serait une critique sur le travail fait par le conseil régional. Ce n'est pas du tout le cas et loin de là.

On sait que les conseils régionaux n'ont pas pour vocation, règle générale, de maintenir des services. Leur travail s'effectue plutôt au niveau des grands objectifs de planification et non pas au plan opérationnel. Toutefois, l'ancien gouvernement avait jugé bon, pour établir Urgences-santé, de le rattacher, à ce moment-là, au CRSSS de Montréal. On s'est rapidement rendu compte qu'Urgences-santé a pris des proportions considérables, a occupé une partie considérable des ressources. Il s'agissait là d'énergies qui étaient véritablement consacrées à des opérations d'urgence, à des opérations qui, n'étant pas partie de son véritable mandat, pouvaient avoir pour effet de distraire le CRSSS de Montréal de son premier objectif. Et ce, d'autant plus que la deuxième partie de la loi, le deuxième objectif de la loi, quant à Montréal, était d'intégrer les techniciens ambulanciers à la nouvelle corporation. Nous venions, par ce fait, grossir encore davantage ce qu'est Urgences-santé. Donc il devenait encore plus évident qu'il fallait détacher Urgences-santé du Conseil régional de la santé et des services sociaux de Montréal.

Quant à cette deuxième partie, l'intégration des techniciens ambulanciers à la nouvelle corporation sans but lucratif que nous formons, qui intègre ceux qui travaillaient à Urgences-santé et qui intégrera également les techniciens ambulanciers, cela a fait, évidemment, l'objet de nombreux débats, de nombreuses discussions, de bien des divergences d'opinions. Pour nous, Mme la Présidente, il s'agissait entre autres - je dis bien entre autres, ce n'est pas le seul objectif, loin de là - d'établir un lien d'emploi. Quand Urgences-santé a été créé, on s'est rapidement aperçu que l'organisme intervenait de plus en plus auprès des employés des propriétaires d'ambulances, auprès des techniciens ambulanciers. Cela a créé des situations parfois extrêmement difficiles, parfois extrêmement tendues, parfois extrêmement pénibles.

L'un des reproches de la plupart des propriétaires de Montréal à l'égard du projet de loi initial était justement que la création éventuelle de centrales de coordination dans les régions centrales qui ne seraient pas sous l'autorité des propriétaires, pouvait créer justement le même problème, soit le bris du lien d'emploi. Nous avons réglé le problème par les amendements que j'avais transmis à l'Opposition, mais que nous n'avons malheureusement pas discutés. Je pense qu'ils sont à la satisfaction des propriétaires ambulanciers et de leur argumentation, à savoir qu'Urgences-santé à Montréal avait amené un phénomène prévu à l'origine et dont je ne veux pas accuser l'Opposition. Je pense que l'objectif d'avoir une centrale de coordination à Montréal était un bon objectif. C'est une chose qui existe dans les grandes villes, et cela a eu pour effet, entre autres, de diminuer les temps réponses et de s'assurer que le service était amélioré sur le plan de la qualité pour les citoyens.

C'était peut-être imprévisible, à ce moment-là. Je ne veux pas, comme je l'ai mentionné, juger l'ancien gouvernement, le gouvernement passé là-dessus. Quoi qu'il en soit, on connaît les conséquences aujourd'hui et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons décidé d'intégrer les techniciens ambulanciers à la nouvelle corporation. Nous ajoutons également un point qui a fait l'objet de longues heures de débat en commission parlementaire et qui concerne l'indemnisation des propriétaires de Montréal pour la révocation des permis. Quant à l'indemnisation, je pense qu'elle se fait d'une façon correcte. Le gouvernement

pourra déterminer le prix, bien sûr, mais la partie patronale, les employeurs, pourra demander l'arbitrage. Elle obtiendra, de facto, si elle le demande, un arbitrage objectif selon les procédures que j'ai mentionnées tout à l'heure, selon la formule bien connue: le choix d'un arbitre par le gouvernement, celui d'un arbitre par les employeurs et le choix de l'arbitre principal par ces deux arbitres. La décision sera exécutoire.

Je pense sincèrement que cette formule rend justice aux propriétaires de Montréal qui voient le système se modifier. La plus grande critique vient de ceux qui ne veulent plus être dans le système. Pourquoi n'étatisez-vous pas tout? Pourquoi ne prenez-vous pas les véhicules? J'ai répondu à cette question à maintes reprises et je vais le faire une fois de plus, ce soir, Mme la Présidente, pour que l'on se comprenne bien.

Quant aux véhicules - les véhicules représentent le tiers de l'opération - on peut penser qu'ils ne sont qu'une petite partie qui ne représente que 5 % ou 7 %, pour ceux qui ne connaissent pas le dossier, qui ne sont pas familiers avec ces réalités; on peut penser que ce n'est qu'un petit pourcentage des coûts envisagés, des coûts engendrés par le service ambulancier. On peut penser que ce n'est qu'un petit pourcentage du travail et des préoccupations d'un service ambulancier. En région, le coût d'un véhicule et l'entretien représentent tout près de la moitié, ce que nous laissons au privé, de l'exploitation d'une ambulance.

À Montréal, puisque les ambulances sont utilisées d'une façon plus fréquente, ça représente environ le tiers du coût d'exploitation. Au gouvernement, nous estimons qu'il est possible et souhaitable que cette location de véhicules et de services attachés aux véhicules demeurent dans l'entreprise privée. Si la loi avait acheté l'ensemble de l'exploitation des ambulances, il nous aurait été extrêmement difficile de réenvisager, par la suite, de retourner les véhicules entre les mains d'entreprises privées.

Quant aux régions, à la suite de débats qui ont été menés au printemps dernier, à la suite de l'argumentation qui avait été présentée par les gens des régions et à la volonté du gouvernement de maintenir le système privé en région, le système de propriétaires privés des ambulances en région, le gouvernement a décidé de maintenir le système de permis. Le gouvernement a décidé de ne pas soumettre ces entreprises aux soumissions publiques, d'une façon régulière.

Je veux préciser davantage ce deuxième point, celui des soumissions publiques qui est une façon tout à fait normale de procéder, quand le gouvernement donne des contrats. Dans le secteur particulier des ambulances, ce n'était pas la façon de procéder et nous avons renoncé à ce que ce soit cette façon de procéder pour la raison suivante. Les propriétaires d'ambulances ont évoqué qu'ils pourraient se retrouver devant des soumissionnaires qui soumissionneraient à trop bon marché et éventuellement, on pourrait se retrouver - scénario auquel j'ai de la difficulté à adhérer, mais qui faisait véritablement unanimité chez les propriétaires d'ambulances des régions - face à des faillites dans ce secteur. Donc, l'État serait obligé de reprendre, à la suite de ces faillites, le service d'ambulance, ce qui ne serait pas dans la volonté de l'État. Nous n'avons pas la volonté, nous ne voulons pas que l'entreprise privée disparaisse du secteur des services ambulanciers, nous voulons, nous souhaitons qu'elle demeure.

À la suite de cet argument, nous avons décidé de continuer le système actuel, c'est-à-dire que, périodiquement, nous négocions avec les propriétaires d'ambulances, mais si nous ne parvenons pas à nous entendre, évidemment, le gouvernement a toujours le loisir de décréter les tarifs, plutôt que d'aller aux soumissions publiques.

Quant aux centrales de coordination des appels sous le contrôle des propriétaires, j'ai également adhéré à cette argumentation. Dans l'un des amendements qui ont été transmis à l'Opposition, d'ailleurs qui avaient déjà été transmis au printemps dernier, les centrales de coordination seront offertes, en priorité, à un regroupement représentatif de propriétaires privés. Nous avons mis le mot "représentatif pour éviter d'avoir le mot "unanimité". Il est évident que, dans une région, il est possible qu'un propriétaire ou l'autre ne souhaite pas faire partie de la centrale de coordination comme propriétaire, mais évidemment y adhère comme membre, comme soumis aux appels de la centrale de coordination, ou ne veuille pas, pour des raisons qui lui appartiennent, participer à cette centrale de coordination. Nous voulons éviter que, pour une raison de manque d'unanimité, nous allions à une procédure différente qui amènerait une centrale de coordination qui serait en dehors du contrôle des propriétaires privés, brisant le lien d'emploi et risquant de recréer ce qui s'est passé à Montréal à cet effet. (21 h 30)

Toutefois, je tiens à mentionner que quant aux centrales de coordination, nous souhaitons vivement que les propriétaires en région s'entendent entre eux le plus rapidement possible et que dans un délai que nous avons prévu, d'environ trois ans, on puisse retrouver, adapté aux régions, en fonction des besoins des régions et en tenant compte d'une foule de contraintes... Il ne s'agit pas de faire un modèle unique, il ne s'agit pas d'imposer un tapis mur à mur, il s'agit d'avoir un minimum de coordination d'appels dans des régions pour éviter des situations très déplorables quant au service.

Et j'en mentionne quelques-unes. ''Découverture" de zones. Par exemple, actuellement une zone qui n'est couverte que par une ambulance pourrait se retrouver en situation de ''découverture" parce que l'ambulance est partie sur un interétablissements et que personne d'autre, aucune autre ambulance ne sait qu'il n'y a plus

d'ambulance dans ce secteur-là et qu'un appel pourrait se voir retardé d'une façon considérable, anormale et dangereuse pour la santé des citoyens.

Ce sont des choses qui risquent de se produire et qui, probablement, se produisent à l'occasion dans les régions et que nous voulons éviter. Une centrale de coordination permet, dans ce genre de situations-là, de savoir que cette ambulance est sur un interétablissements ou qu'elle est partie sur un transport qui risque d'être assez long et de déplacer des ambulanciers un peu plus près de la zone de façon à ce qu'il y ait un minimum de couverture pendant cette période et de façon que le temps de réponse si nécessaire, s'il y a un appel d'ambulance, soit le plus court possible et que les citoyens en besoin, quant à ce service tout à fait essentiel, on le comprendra, puissent l'obtenir rapidement.

C'est l'essentiel du projet de loi, Mme la Présidente, qui a malheureusement fait un débat de 80 heures pour un article et demi, alors que c'est un projet de loi qui ne contenait que 24 articles. J'aurais souhaite que nous puissions faire le débat en long et en large à la commission parlementaire. Cela n'a malheureusement pas été le cas. Cette loi fait partie de la réforme que nous avons annoncée. Elle n'est pas toute la réforme, contrairement à ce qu'on a voulu laisser entendre de l'autre côté, mais elle fait partie de la réforme. Les autres aspects de la réforme, je les répète parce qu'ils sont très importants pour les régions puisque en termes d'argent, la majorité des montants iront en région, là où les besoins sont le plus criants. Et je me réfère à la stabilité de l'emploi, c'est-à-dire de donner suffisamment de salaires et de conditions de travail à des employés en région pour qu'ils soient intéressés à gagner leur vie dans ce métier, qu'ils soient . intéressés à aller chercher la formation adéquate pour exercer ce métier et que nous n'ayons pas le roulement de personnel que nous avons actuellement en région parce que, évidemment, quand tu es en disponibilité à 1 $ l'heure, tu dois gagner ta vie dans un autre emploi et que, de faire de l'ambulance pendant plusieurs années en disponibilité le soir et les fins de semaine, cela devient difficile puisque cela n'est pas ton gagne-pain, et que, évidemment, les gens changent et ils décident de ne plus en faire, et on se retrouve avec des personnes remplies de bonne volonté et pleine de courage qui vont chercher le minimum de formation, ce qui nous apparaît aujourd'hui inadéquat.

On pense aujourd'hui que la formation doit être rehaussée, et si nous rehaussons la formation dans les régions, on pense que les personnes requises doivent avoir la formation adéquate pour le faire. Ces deux points-là font partie de la réforme et ils seront bientôt mis en place de même que les contrats à budget qui vont avoir pour effet, dans les régions, de changer le processus. Au lieu de payer les propriétaires d'ambulances au transport, donc, avec un degré d'incertitude relativement considérable et qui ne tient pas compte malheureusement du service que l'on doit accorder, même dans les régions où la densité de la population est plus faible, ce que nous souhaitons avoir, c'est le service le plus égal possible dans les régions et il est nécessaire pour cela de changer également le mode de tarification des propriétaires pour faire en sorte que ces gens-là soient intéressés à continuer dans le système, qu'ils soient intéressés à s'améliorer dans le système et qu'ifs soient donc placés dans des conditions correctes et relativement confortables pour pouvoir offrir la qualité de service auquel a droit l'ensemble des citoyens du Québec dans le domaine des ambulances. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux. Je vais maintenant reconnaître M. le chef de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez de rappeler un peu quels sont les principaux motifs pour lesquels l'Opposition a lutté farouchement contre ce projet de loi. Et, bien sûr, avec la motion de clôture, vous comprendrez que le poids du nombre jouera dans quelques heures. Il n'en demeure pas moins que c'est avec beaucoup de conviction et par rapport à des principes fondamentaux que nous avons mené une lutte sans merci, il faut le dire, et c'est le rôle de l'Opposition quand elle ne se sent pas d'accord avec un projet de loi, quand elle est convaincue que le projet de loi n'est pas bon, de faire valoir les côtés négatifs du projet de loi parce que, si personne ne le dit, cela risque précisément d'arriver à des culs-de-sac, à des projets de loi qui n'ont ni queue ni tête. Cela n'a pas de bon sens. Pourquoi, d'abord? Le premier principe fondamental sur lequel nous avons développé la conviction d'être contre ce projet de loi, c'est d'abord qu'on crée au Québec deux catégories de salariés. À Montréal, parce que c'est plus gros, dorénavant, on aura, à toutes fins utiles, des fonctionnaires du système ambulancier, des fonctionnaires de l'OSBL, des fonctionnaires du parapublic, mais ce seront des salariés qui ne relèveront pas d'un employeur, comme c'était le cas. Ils pouvaient relever d'une dizaine, d'une quinzaine d'employeurs différents sur IHe de Montréal. Dorénavant, ce seront des salariés de l'État. Je pense que personne ne peut nier cela.

Par la création de l'OSBL, cet organisme sans but lucratif, on les fait passer de salariés à l'emploi des propriétaires privés, à salariés à l'emploi de l'office sans but lucratif. C'est exactement cela. Cela devient des salariés du secteur parapubiic, sans aucun lien d'emploi avec leur employeur. Ceux du monde rural, du monde régional, en dehors de la grande région métropo-

litaine, ce sont des salariés syndiqués qui relèvent d'un employeur, qui ont un lien d'emploi avec un employeur, mais on dit: Ce n'est pas pareil. À mon point de vue, ce n'est pas correct, dans un système de santé universel, où l'équité doit primer, dit-on, qu'on ait deux types de salariés; un type de salarié qui pourrait être mis dehors en tout temps par un employeur quand cela dépasse les cadres de Montréal, et un type de salarié du parapublic, qui, à toutes fins utiles est un employé d'État, d'une façon indirecte parce que c'est l'État qui, en fin de compte, subventionne l'ensemble des OSBL. À notre point de vue, c'est inadmissible et inacceptable. On s'est battu contre cela parce qu'on ne veut pas qu'il y ait deux classes de salariés dans le même système de soins préhospitaliers, dans le même système de transport ambulancier.

Le deuxième principe qui nous a amenés à lutter fort, même si on admet qu'en cours de route, il y a eu des gains de faits dans la loi par rapport à des amendements déposés en juin, à des amendements déposés cet automne et à certains autres déposés par le ministre alors que l'Opposition avait annoncé des amendements, c'est la qualité des services. À mon point de vue, toute cette loi... Je suis convaincu que le ministre ne pourra jamais le dire, mais je vais le dire à sa place. Je demeure convaincu que cette loi ne serait pas venue en Chambre, que cette loi n'aurait jamais été déposée, si le premier objectif qui servait dans les notes explicatives du ministre avait été l'amélioration des services préhospitaliers et des services ambulanciers au Québec. Jamais cette loi ne serait venue parce que - je vais vous le dire et c'est fort simple - vous n'aviez pas de problème en province. Si bien que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, après deux mois, ne savait même pas qu'il y avait une grève à la ville de La Baie, dans le domaine préhospitalier et dans les soins ambulanciers. Venez-vous me dire que c'est l'amélioration de la qualité des services ambulanciers en région qui vous a amenés à légiférer? Non. Ce qui vous a amenés à légiférer, vous ne le dirai pas, mais c'est parce que vous appréhendiez des problèmes à Montréal.

Mme la Présidente, regardons donc les faits froidement. Le député de Drummond, le député de Fabre et le député de Saint-Hyacinthe ont des services ambulanciers dans leur région. Des gens honnêtes y travaillent, des gens qu'ils connaissent bien. Y avait-il des problèmes chez eux? Non, non, c'était correct. Et, malgré qu'ils étaient payés moins cher qu'à Montréal, vous n'aviez pas trop de problèmes dans vos milieux. Ils ne roulaient pas en KKK, mais ils se contentaient de ce qu'ils avaient. Et il y avait un respect mutuel entre employeurs et employés. Donc, ce ne peut pas être ces gens-là qui ont amené le gouvernement à légiférer dans le domaine des services ambulanciers. Ce n'est pas vrai, c'est faux. (21 h 40)

Je sais que ces gens-là m'appuient quand j'affirme ces choses-là. Ils ne peuvent pas aller à rencontre de ce que je dis. Qu'est-ce qui les amène là? C'est un syndicat puissant à Montréal qui a annoncé d'éventuels problèmes. La pression, la trouille! Et là, cela a commencé. Excusez-moi, Mme la Présidente, mais ma conviction profonde, c'est qu'on ne fait que déplacer le mal. On ne fait que retarder une échéance. On ne règle rien.

Si cela avait été la qualité des services, on n'aurait pas mis une cenne sur le territoire montréalais parce qu'il se dépensait déjà - croyez-le ou pas et vérifiez dans vos milieux - plus de 30 000 000 $ en services ambulanciers sur le territoire de l'île de Montréal, 30 000 000 $ et vous le savez. On le sait. On a créé Urgences-santé. Ne venez pas dire qu'on ne le sait pas. Je le sais comment ça fonctionne. Est-ce là qu'il y avait besoin de qualité dans les services ambulanciers? À Montréal? Avec au-delà de 80 ambulances? Avec un réseau de centres hospitaliers juifs, anglophones, francophones, tout près? 80 ambulances pour desservir la population sur un petit territoire qui n'a même pas 20 milles de diamètre, et c'est là que vous aviez des problèmes ambulanciers? Non, non, de grâce! Ne mordez pas au seul argument des députés de Montréal! Arrivez en ville, ceux de Montréal! Ce n'est pas parce qu'on n'est pas à Montréal qu'on est épais! Ce n'est pas parce qu'on vit à Montréal...

Je vois le député de Thetford qui a un territoire assez vaste, la députée de Mégantic-Compton qui a un territoire extrêmement grand, l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord... Où devait-on améliorer la qualité des services ambulanciers au Québec? Sur le territoire de Montréal? Mon oeil! Vous savez qu'il y a des citoyens qui doivent se déplacer pendant une heure, une heure et demie pour être plus proches d'un centre hospitalier, vous le savez. Et il y a une seule ambulance. Si elle est partie avec un malade et qu'il y en a un autre qui se blesse, qu'est-ce qui arrive? Qui va transporter cette personne-là? On n'a même pas, comme on appelle communément en bon "canayen", un "spare" pour descendre le deuxième accidenté. En pleine ville d'Alma, une petite fille à bicyclette qui a été frappée par un automobiliste a été couchée sur l'asphalte pendant une demi-heure. Vous ne voyez pas ça en ville.

Pourtant, toute la question portait sur l'amélioration des services de soins préhospitaliers et ambulanciers. Mais c'est pour Montréal. L'OSBL, c'est pour qui? Ce n'est pas pour la région de Mull-Outaouais où les services sont très déficients. Ce n'est pas pour la région Laurentides-Lanaudière où on ne charge à peu près rien. Ce n'est pas pour le parc de la 117 entre Mont-Laurier et l'Abitibi, non, non, non.

Vous avez essayé de nous faire croire que toute cette réforme-là était axée pour améliorer nos services. En quoi est-ce que ça va ajouter

des véhicules pour dépanner notre monde? Le seul côté positif - et je vais le dire, je suis assez honnête intellectuellement pour le dire - c'est les heures de cours. Mais encore, saviez-vous que le ministre n'a pas encore en main une décision du Conseil du trésor? Il ne l'a pas. Il ne l'a pas sa décision. Les 16 et 17 novembre dernier, il est allé jaser au Trésor. Mais il n'a pas sa décision. Il ne l'a pas encore. S'il l'a, ça ne fait pas longtemps certain, parce qu'il ne l'avait pas la semaine passée. Au moment où il a mis le bâillon, le ministre n'avait pas la décision. Au moment où il a déposé la motion de clôture, il n'avait même pas sa décision encore. Est-ce que c'est une décision graduée? Il la fera connaître. Mais au moment où il a présenté la motion de clôture, je savais personnellement qu'il n'avait pas la décision du Conseil du trésor. Il pouvait bien se péter les bretelles et dire: Écoutez, on s'en va vers le perfectionnement, mais il n'avait pas une cenne dans ses poches au moment où il disait ça de son siège. Et je le savais. Bien sûr, vous ne nous croyez pas quand on parle mais lui, il pourra le dire. Il a cinq minutes après mon discours pour vous dire que c'est vrai. Il l'a peut-être obtenu ce matin, mais il ne l'avait pas à ce moment-là. Qu'on ne vienne pas me faire accroire ça. Et vous allez me faire accroire que c'est ça, la vérité dont on parle? Non. Je dis qu'on s'est battus pour ce deuxième principe parce que l'égalité des services...

Je demeure et vous devriez demeurer convaincus, tous ceux qui sont en dehors du territoire montréalais, que le gros de l'argent devait se mettre sur les salaires à l'extérieur de Montréal, sur les conditions de travail à l'extérieur de Montréal et sur l'amélioration de la quantité des services à l'extérieur de Montréal. Ça, c'est ma conviction profonde et je suis convaincu qu'un tant soit peu ceux qui travaillent dans les régions, vous partagez énormément mon point de vue. Je comprends que, par solidarité ministérielle, vous n'avez pas le droit de le dire, et je suis convaincu que vous le pensez. Et je lis sur la face de certains hommes et certaines femmes en cette Chambre qu'il y a une approbation tacite de ce que je dis. Vous ne pouvez pas faire autrement. Ce n'est pas parce qu'on est citoyen en dehors d'une grande ville, qu'on est issu d'un petit village qu'on n'a pas droit à des services de qualité, surtout quand nos taxes et nos impôts sont de même nature et de même calibre. *Et c'est là que j'aurais cru le ministre et j'aurais cru le gouvernement s'ils nous avaient dit qu'ils s'enlignaient vers le principe de l'équité et de l'égalité dans les services. Là, j'aurais marché. Là, j'aurais appuyé le ministre à part ça. C'est la deuxième raison pour laquelle j'étais fondamentalement contre et ce n'est pas réglé par le projet de loi, malheureusement.

La troisième raison, les normes de qualité. Quelqu'un qui voulait intellectuellement être honnête, qu'est-ce qu'il faisait? \\ prenait ie projet de loi 34 et il lisait les notes explicatives. Je sais que mes collègues vont vous en parler tantôt. On lisait les notes explicatives et c'était marqué, Mme la Présidente: Pour amélioration de la qualité des services. Prenez les articles de 1 à 34 ou 40. Il n'y avait pas un article sur les normes de qualité. Ce sont précisément les discours de l'Opposition qui ont amené le ministre à dire: II faut bien que je mette un mot ici et là dans les clauses. Il ne parlait que de transport. Les normes de qualité, ce sont les médecins qui sont venus en parler. Ce sont les infirmières qui sont venues en parler durant la commission parlementaire. Ce sont les CRSSS qui en ont parlé. Mais personne ne parlait de la qualité des services. Les notes explicatives avaient l'air un peu connes, effectivement, puisqu'on parlait exclusivement des normes de qualité dans les notes explicatives et il n'y avait pas un article qui fixait des normes minimales de qualité.

Là-dessus, vous me permettrez de répéter ce que j'ai dit la semaine dernière, Mme la Présidente, jeudi et vendredi dernier, sur la qualité je suis inquiet et je demande au ministre d'être d'une clairvoyance là-dessus et de suivre à la lettre non seulement le contenu législatif - ce peut être secondaire - mais ce qui va se passer dans les faits parce qu'on sait très bien que, là où il n'y a pas d'ordre professionnel, là où il n'y a pas de code de déontologie, là où il n'y a pas ce statut légal en vertu d'une loi sur les professions, c'est souvent via les conventions collectives, et vous en savez quelque chose, qu'on décrète la qualité ou les exigences de base. J'insiste là-dessus et je pense que le ministre doit comprendre ça dans un esprit constructif, ce que je lui dis. Le ministre ne peut pas accepter, en aucun temps, que ce soit une convention collective qui décide ce qui arrive en cas de faute lourde.

Quand j'ai vu un projet de lettre d'entente dans une convention où il n'y avait aucun droit pour le ministère de soustraire ou de suspendre une carte de compétence, moi personnellement, comme député élu représentatif d'une population, ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, j'étais inquiet. Ce n'est pas vrai qu'on a le droit - et je prends à témoin Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux qui occupe les fonctions que j'ai occupées - dans les cas de faute lourde, de ne pas se donner le privilège instantané d'arrêter tout individu de poser des gestes dans le domaine de la santé et des services sociaux. On ne permettrait même pas à un médecin, en cas de faute lourde, de poser un geste additionnel. On ne permettrait même pas, dans les professions libérales, tel le notariat, le droit, d'exercer des fonctions quand il y a faute professionnelle ou faute lourde. Et on permettrait à des techniciens de la santé n'importe quel geste, on ne se donnerait pas la prérogative en cas de faute lourde ou faute professionnelle d'enlever une carte de compétence.

Je ne peux pas accepter ça en termes de responsabilité, et je suis sûr que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux partage mon point de vue là-dessus. On ne le peut pas. Ce serait une concession d'un devoir fondamental qui nous est dévolu comme ministre de la Santé et des Services sociaux en vertu de la loi même du ministère, selon laquelle on est responsable de la santé publique. C'est évident qu'on ne peut pas faire ça. Je ne dis pas que c'est le ministre qui a fricoté ça. Mais, quand je l'ai vu dans le texte qui émanait du ministère, vous comprendrez que, lorsqu'on a un peu le sens des responsabilités, on a même le devoir de le dire. C'est dans cet esprit-là que je l'ai dit, et je pense que le ministre l'a compris à part ça. On ne peut tolérer n'importe quoi dans ce secteur-là, ce n'est pas vrai. On ne permettrait même pas ça dans des domaines autres que la santé, encore bien moins quand tu joues avec la santé, avec la vie du monde. Voyons! Cela n'a pas de bon sens. (21 h 50)

Dans le domaine de la qualité, je suis très Inquiet, Mme la Présidente, parce que, dans les conventions collectives, on établit des différences entre les travailleurs CSN et les travailleurs FTQ. Prenez-le dans un sens constructif, regardez juste la clause qui permet à un technicien ambulancier de prendre un lunch. Non, non, mais regardez-le. Vous êtes pris. Pourquoi la CSN? Je les nomme. Je sais qu'il serait peut-être préférable que je ne les nomme pas, mais je suis assez honnête pour dire que cela n'a pas d'allure. La FTQ dit: Ils ont négocié. Et je trouve ça responsable. Quand tu as seulement une ambulance dans une région, si tu dis qu'ils ont le droit d'aller prendre un lunch, vous savez que quinze minutes - bien sûr, le député de Fabre m'a indiqué quinze minutes - mais savez-vous que quinze minutes peuvent faire toute la différence dans la survie d'un individu? Il le sait à pan" ça. Pourquoi les gars ou les filles de la FTQ ont-ils le devoir de faire le voyage instantanément? Pourquoi le travailleur de la CSN n'aurait-il pas cette même obligation? Je ne comprends pas ça. Et vous allez me parler de la qualité? Non, je ne mords pas à ça. Je n'embarque pas là-dedans. Au-delà de tous les préjugés favorables qu'on peut avoir envers les travailleurs, écoutez, on joue avec la vie du monde. Si c'était un des vôtres, comment réagiriez-vous? Feriez-vous venir une corporation qui... Ah! Elle, c'est sûr qu'elle va venir tout de suite, elle n'a pas les quinze minutes dans la convention. Aïe! Aïe!

Une voix: Aïe!

M. Chevrette: On ne rit pas avec ça. Non, non, le ministre peut s'amuser, mais on ne rit pas de ça et on ne joue pas avec ça, même pas sur le territoire montréalais où on s'enfarge dans les ambulances comparativement à nos milieux. Il ne comprends pas ça, lui. On le fera venir dans nos milieux et il réalisera qu'il ne faut pas niaiser avec ces choses-là, jamais de sa vie, même pas deux minutes. À plus forte raison quand on est ministre, on devrait avoir le sens des responsabilités beaucoup plus aiguisé que celui qu'il vient de nous démontrer.

M. le Président, c'est la troisième raison pour laquelle j'indiquais que les normes de qualité étaient indispensables. Et, je crois toujours fondamentalement qu'ils ne sont pas assez serrés au sujet de l'établissement dans un texte législatif pour assurer aux concitoyens québécois des normes de qualité d'envergure véritablement responsable.

Le quatrième point, et non pas le moindre, celui qui est peut-être plus ressorti et auquel je ne m'attendais absolument pas, c'est le droit de propriété. Cela a pris du temps, vous en conviendrez avec moi, à convaincre le ministre et l'équipe gouvernementale que, le droit de propriété, ça existait et que, lorsque vous changez la nature de la propriété, surtout pour un gouvernement qui se dit être en faveur de la privatisation et qui s'en va vers une étatisation un peu déguisée et par la bande, vous admettrez que c'était difficile à comprendre et que c'est encore difficile à comprendre. Le ministre vient d'insérer une notion d'indemnisation avec une formule d'arbitrage, dit-il, qu'il a amendée techniquement à part ça. Qu'est-ce que ça vaut? L'histoire nous le dira, mais je demeure profondément convaincu que le droit de propriété, c'est un droit inaliénable et fondamental. S'il y a un droit qui a toujours été reconnu dans le temps, ça a été le droit de propriété. Cela ne veut pas dire que tu n'es pas contre certaines étatisations quand tu dis ça. Cela ne veut pas dire que tu n'es pas contre certaines privatisations, si c'était l'étatisation. Non, pas du tout. Cela veut dire, le respect du droit de propriété, que tu reconnais à l'individu qui a formé sa propre compagnie, qui a oeuvré dans cela, qui a mis labeur, qui a mis argent, qui est devenu le détenteur ou le propriétaire d'actifs, tu lui reconnais le droit - si jamais tu touches à ce droit, à cette portion qu'il s'est donnée - tu lui reconnais le droit à une expropriation juste et équitable selon les règles en usage.

Je vous ai donné des exemples là-dessus. Le ministère des Transports empiète sur cinq pieds de terrain chez vous. Il fournit un évaluateur professionnel, un notaire, un avocat pour plaider. C'est le gouvernement qui paie. C'est la même chose à Hydro-Québec si elle empiète sur vos terrains. Puis, s'il y a des gens qui ont formé une petite compagnie familiale; la femme travaille, tient les livres, bien souvent, le mari fait certains voyages et ils ont un ou deux employés. Ils ont bâti une petite compagnie. Et on les tasserait sans pouvoir exprès d'expropriation, sans avoir les mêmes droits qu'un propriétaire foncier a quand le ministère des Transports lui enlève cinq pieds. Je ne le prenais pas, je ne le prends toujours pas. Je prétends qu'on devrait lire noir sur blanc, à l'intérieur de la législation,

le droit à l'expropriation pure et simple comme on le retrouve dans toutes les législations.

C'est M. Bourassa lui-même, en 1974, qui a introduit cette nouvelle Loi sur l'expropriation après avoir exproprié à peu près tout ce qui bougeait pour les futurs tracés de routes. Ils ont adopté une loi et vous la lirez pour votre gouverne. Et on ne reconnaîtrait pas à ces individus le droit correct de l'entière expropriation. Personnellement, je ne trouve pas ça correct. Je le dis comme je le pense. Je suis surpris qu'on n'accepte pas d'introduire cette notion claire, nette, sans ambiguïté. À ce moment-là, on a tout respecté correctement. On a joué les étapes. C'est le droit d'un gouvernement de changer d'idée et de dire je ne suis plus pour la privatisation, je suis pour l'étatisation. C'est correct. Je respecte ça. J'ai droit à une politique, un point de vue politique différent, mais ça ne donne pas le droit pour autant à ce même gouvernement, qui a le droit de changer de politique, d'empiéter sur les droits les plus fondamentaux, par exemple. Cela, c'est différent. C'est ça que j'ai défendu d'arrache-pied, je le sais, mais honnêtement je pense, parce que je crois fondamentalement à cela.

Quant au droit de propriété, une centrale pourra bien me dire: Chevrette, qu'est-ce que tu penses? Tu travailles contre nous parce que tu défends un "boss". Je ne défends pas les "boss". Je défends le droit de propriété. Cela pourrait être le droit de propriété d'une coopérative formée de travailleurs que je défendrais. Cela vaut la même chose. Les mêmes principes s'appliquent. Je défends le droit de propriété. Si la CSN a payé 105 000 $ par permis pour acheter Lépine-Cloutier, 19 ambulances dont 11 font l'objet de renouvellement le 1er mars, donc, à toutes fins utiles, finies, bien il y a au moins une valeur extrêmement forte rattachée aux permis. Si le gouvernement disait dorénavant: plus de permis et ça revient à l'État, le gouvernement devrait payer autant la CSN parce que c'est la propriété d'une collectivité, mais que ça appartienne à une coopérative ou à un employeur, c'est un droit de propriété. C'est ça que j'ai défendu fondamentalement. Je n'ai pas essayé de mettre en opposition le droit de propriété. Le droit de propriété, ça peut appartenir à un, ça peut appartenir à plusieurs, une compagnie peut être propriétaire, un individu seul peut être propriétaire et une coopérative peut être propriétaire. Mais c'est le droit de propriété et ce qui s'y rattachait que je défendais et que je défends toujours.

Je dis au ministre: Personnellement, je verrais introduire, et je serais toujours prêt à un consentement qui introduirait la véritable notion d'expropriation selon les règles en usage. C'est ça fondamentalement que j'ai défendu. Ce n'est pas autre chose.

M. le Président, je crains aussi beaucoup, dans nos milieux ruraux en particulier - je le dis comme je le pense - qu'on se dirige d'une façon indirecte, à toutes fins utiles, vers une étatisation déguisée. Je vais m'expliquer. Cela a été difficile pour les propriétaires, et le ministre doit en savoir quelque chose. J'espère qu'on lui fait des rapports. Cela a été difficile pour les petits propriétaires de convaincre certains syndicats qu'ils avaient le droit de chauffer leur propre véhicule. (22 heures)

L'objectif de départ était: Dorénavant, tu es propriétaire d'une ambulance, engage du monde et administre ton affaire. Lorsqu'un individu, comme dans la région d'Huberdeau dans les Laurentides, un peu en Abitibi, est propriétaire d'un seul véhicule ou de deux véhicules, que fait-il? Bien souvent, c'est lui qui conduit et il a un employé. Bien souvent, c'est grâce au fait qu'il conduit et qu'il se paie un salaire qu'il a réussi à avoir ce commerce. Cela a été très difficile. J'ai même vu des clauses de conventions assez drôles merci. Ce n'est pas pour rien que je dis au ministre de porter une attention bien spéciale. J'ai vu des clauses de conventions qui disaient ceci: Le propriétaire devra nous demander la permission, s'il vend son commerce. Je prends le cas de mon cousin à Huberdeau qui décide de vendre son ambulance; si le propriétaire n'a pas le droit de la conduire, qu'est-ce que ça lui donne d'acheter un camion, parce que c'est en conduisant son camion qu'il se paie un salaire? Il faudrait quasiment qu'il obtienne la permission de Mario Cotton, imaginez-vous! Faut-il le faire en affaires? Ne faut-il pas aller assez loin pour essayer de subordonner de telles transactions? Je suis convaincu que ceux qui ont été en affaires le moindrement n'accepteraient -même pas ça. Et il y a eu des négociations extrêmement sévères là-dessus. C'est ça que je défendais, pour ceux qui ne le sauraient pas encore. C'est ça que l'Opposition défendait. On n'a pas toujours l'élégance dans la bataille, mais je peux vous dire que fondamentalement c'étaient ces principes qui étaient défendus. Je ne vous dirai pas que personnellement j'aurais plié sur certains points, mais sur ces quatre points majeurs que j'ai mentionnés, non.

Je vais me répéter, M. le Président, mais je voudrais au moins faire le résumé de ce que j'avance. Étant un bonhomme issu d'une région du Québec, payant des taxes au même niveau que les citoyens des grandes villes, que Montréal ou Québec, je vous dis personnellement que, comme député d'une région de petits centres semi-ruraux, semi-urbains, je n'accepterai jamais que l'on crée deux classes de salariés. Étant issu d'une région, d'un milieu semi-rural, semi-urbain, je n'accepterai jamais qu'on ait deux types de qualité de services préhospitaliers ou ambulanciers. Les gens de Terrebonne, de Lachenaie, de Mascouche, de Saint-Esprit, de Saint-Donat ou de Joliette ont le droit à une qualité identique de services préhospitaliers et de soins ambulanciers, parce qu'ils sont déjà défavorisés par les distances. On va me faire croire, M. le Président,

qu'on fait un projet de loi pour eux. Jamais de la vie. C'est parce qu'on craint Montréal. Vous savez qu'on dit dans bien des milieux que la crainte est le commencement de la sagesse. Mais, quand tu crains et que tu n'es pas vite, vite, c'est souvent dans l'inverse que tu tombes. Tu sombres dans le ridicule. Cela me fait peur énormément parce que j'examine le projet de loi et ce n'est pas vrai qu'on parle d'égalité de services. Moi, ce n'est pas vrai que je vais l'accepter.

Les citoyens de Joliette, je vais les défendre à mort, qu'importe ce qu'ils penseront de moi de l'autre côté. Ils ont droit à la même qualité de services que les gens de Montréal. Ce n'est pas vrai non plus qu'on va accepter un projet de loi qui ne fixe pas de normes de qualité et qui confie à toutes fins utiles, par convention collective, le soin au RETAQ d'auto-censurer les gestes professionnels. Je ne l'accepte pas. L'État n'accepte même pas, dans les professions, qu'un individu soit absolument libre de poser les gestes qu'il veut; même qu'en cas de faute lourde on le suspend. J'ai vu des enseignants se faire révoquer leur diplôme pour une faute lourde. J'ai vu des médecins se faire révoquer leur diplôme. J'ai vu des avocats se faire suspendre du Barreau, ne plus avoir le droit de pratiquer. Dans le cas du RETAQ, on n'a pas le droit de suspendre les cadres. Cela n'a pas de bon sens. Je n'accepte pas ça. Le droit de propriété, je pense en avoir fait une démonstration sans équivoque, M. le Président, c'est fondamental.

Ce sont les quatre principes que j'ai voulu défendre. Je les ai défendus avec beaucoup de ferveur. Je vais continuer à le faire. Il reste encore la troisième lecture. Je pense que le ministre doit absolument porter une attention extrêmement grande aux gestes qui se poseront. Les conventions ne sont pas signées. Il y a une demande de conciliation devant lui. Il s'est même offert, je pense, comme arbitre ou du moins comme observateur. SI tel est le cas, je demanderais au ministre d'être extrêmement prudent, parce qu'on ne joue pas sur la mécanique; on joue avec la santé du monde. Et s'il y a quelque chose, M. le ministre, pour laquelle on doit être très vigilant, c'est bien la santé du monde. Parfois, une petite concession banale peut avoir l'air de rien aux yeux de ceux qui discutent d'une convention, mais elle peut représenter tout, pour la survie d'un individu. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux, pour une réplique d'un maximum de cinq minutes.

M. Robert Dutil

M. Dutil: M. le Président, très rapidement, sur les arguments du chef de l'Opposition, qui se ressemblent et qui nous avaient été présentés en long et en large durant la commission parlementaire, je voudrais toutefois reprendre celui de la qualité du service en région. Je veux le reprendre parce que la qualité de service du système ambulancier dans l'ensemble de la province de Québec n'est pas une question nouvelle, c'est une question qui existait lorsque le chef de l'Opposition lui-même était ministre de la Santé et des Services sociaux, et il avait beaucoup de problèmes avec ce service. C'est certainement une question qui lui tenait à coeur, j'imagine, à cette époque-là également, il y a à peine quatre ans.

À l'époque, il y a eu un rehaussement de la formation requise pour les techniciens ambulanciers. L'un des aspects de la qualité, l'un des aspects de la réforme, c'est le rehaussement de la formation des techniciens ambulanciers, la stabilisation d'emploi; il y a la coordination des appels et d'autres aussi. L'un de ceux-là, la formation, quant à Montréal, à la suite de pressions qui ont été faites du temps où le député de Joliette, le chef de l'Opposition, était ministre de la Santé et des Services sociaux... Il a rehaussé les critères de formation de Montréal à 350 heures. Bravo! Excellent! Fantastique! On améliore la qualité des services, éventuellement, mais cela n'a été qu'à Montréal. C'est 150 heures en province; 350 heures à Montréal et 150 heures en province. Je n'ai que cinq minutes, je pourrais reprendre chacun des arguments que vient de nous servir le chef de l'Opposition et les démolir de la même façon. Il n'a pas lui-même fait ce qu'il préconise quant à la qualité des services en région et il vient nous faire des reproches ici. Notre réforme n'est pas dans la loi quant à cet aspect de la formation, mais la décision gouvernementale, c'est 825 heures à Montréal et 825 heures partout en province.

Les centrales de coordination, quand est-ce que le chef de l'Opposition a parlé de ça pour les régions quand il était ministre de la Santé et des Services sociaux? Bien non! À Montréal, ça brassait, on s'occupait de Montréal; on essaie de s'occuper que les techniciens ambulanciers ne soient plus habillés en Père Noël. On brasse l'affaire, on contente tout le monde et on leur donne le rapport Marais. À Montréal! En province, en région, 1 $ l'heure en disponibilité; rien en région, pas d'argent pour les appels, pas un cent pour les monsieurs et madames qui, 24 heures par jour, sont en disponibilité pour répondre à des appels. C'est un scandale. C'est ça qu'on va régler dans notre réforme. C'est un scandale que l'Opposition, à l'époque, ne se soit jamais occupée de rémunérer au moins les gens qui répondaient à des appels chez eux. Bien non, ils étaient chez eux, le téléphone était là, ils étaient en disponibilité, c'était gratuit, c'est parfait, on ne s'occupe pas de ça, le problème est réglé. C'est ça qui s'est passé. Pas de coordination d'appels, pas de rémunération pour les appels, la disponibilité à 1 $ l'heure...

Le Vice-Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Dutil: ...pas de formation en région, roulement du personnel, on ne s'occupe pas de ça. Il n'y avait pas de pression en région, on ne s'en occupe pas.

Ce soir, on parle du projet de loi. La réforme, ce n'est pas que la loi, il y a le contrat à budget. Il y a des décisions à prendre qui se finalisent. On verra. Je pense que notre gouvernement sera jugé, quant à la qualité des services dans le transport préhospitalier d'urgence, comme ayant été un grand réformateur qui a tenu compte non seulement des pressions dans le centre-ville de Montréal, mais aussi des véritables besoins de l'ensemble de la population du Québec quant à une réforme globale qui va permettre un service de qualité sur tout le territoire du Québec. Merci. (22 h 10)

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Fabre.

M. Jean A. Joly

M. Joly: Merci, M. le Président. Je vais essayer de me départir de toute agressivité afin d'intervenir sur le projet de loi qui modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives. Finalement, après 78 heures et 44 minutes on en arrive à une conclusion. On avait réussi dans cette longue période à passer à travers deux articles. Compte tenu du fait qu'on s'est aperçu que le chef de l'Opposition, qui était le critique en la matière, continuait de - je n'aime pas le mot - tataouiner, de manquer de sérieux avec les objectifs du projet de loi comme tel, on a décidé de mettre le bâillon. Mais je reprends ce que le député de Joliette lui-même avait déjà suggéré en date du 18 juin 1988 sous la plume de Normand Girard, et je cite: II n'est pas question qu'on leur donne la loi. Ils vont essayer de nous faire porter l'odieux de la non-adoption de la loi mais, s'ils avaient voulu la faire adopter, ils n'avaient qu'à recourir à la motion de clôture.

C'était à l'autre session, M. le Président. Alors, aujourd'hui je pense qu'ils n'étaient pas mieux disposés. On a tout simplement servi à cette Opposition non sérieuse ce à quoi elle s'attendait, ce qu'elle voulait voir se réaliser.

Vous savez, quand on est en commission parlementaire pendant de si nombreuses heures, qu'on a subir ce que cette Opposition non sérieuse nous sert et qu'on entend des gens qui sont en commission parlementaire qui donnent toutes sortes de titres, toutes sortes de quolibets au chef de l'Opposition... Il y en a un qui l'a appelé le chevalier de la virgule et du tréma. Je ne sais pas si cela peut refléter un peu ce qu'on a eu à vivre, mais c'est pour vous montrer que, quand on veut s'enfarger dans les fleurs du tapis, c'est facile, c'est facile de tomber dans la technicité. On sait que c'est un ancien pédago- gue, mais il s'est converti et il est devenu démagogue! Alors, on se devait d'agir comme on l'a fait et de le laisser avec ses points-virgules et ses trémas et d'y mettre un point final.

Je pense qu'il faut regarder le sérieux du projet de loi et regarder qui cela peut impliquer et quoi cela peut impliquer. Je pense qu'il faut souligner pour le bénéfice de la population qu'il y avait trois parties dans la négociation. Il n'y avait pas simplement les propriétaires et les techniciens, il y avait aussi la population. C'est ce sur quoi nous avons orienté toute notre action, considéré nécessairement les propriétaires et les techniciens, mais aussi nous voulions être certains que la population bénéficie des services auxquels elle avait droit. On avait tout de même quatre possibilités dans notre approche, on avait un éventail de quatre pistes, quatre solutions: ou on demeurait avec le statu quo, ou on allait vers la municipalisation, ou on allait vers les organismes sans but lucratif, ou on allait vers la nationalisation. Alors, aujourd'hui, je pense qu'on sait exactement l'orientation qu'on s'est donnée en tant que gouvernement, on a décidé de former pour la grande région de Montréal, ce qui touche Montréal, Laval, un organisme sans but lucratif qui aura comme mandat d'organiser le service, de coordonner le transport ambulancier sur tout le territoire du conseil de la santé et des services sociaux de la région de Montréal et sur le territoire, comme je l'expliquais.

Qu'est-ce que cet organisme fait et qu'est-ce qu'il a? Il a le pouvoir de conclure des contrats de location de véhicules, des contrats de services pour la région de Montréal et le Grand Montréal pendant qu'en région ce qu'on peut appeler les organismes de soutien pour faire le même travail... À la demande du ministre, le CRSSS doit identifier les besoins et préparer un plan d'action par lequel il jugera des besoins à couvrir; on pourra alors se référer à un organisme ou à un centre hospitalier qui jouera le même rôle que l'organisme sans but lucratif.

Il est important de souligner que, tantôt, pour démontrer la raison de son non-appui à un tel projet de loi, le député de Joliette a parlé de la qualité des services. J'aimerais y revenir, à la qualité des services. Lorsque le député de Joliette mentionnait que quinze minutes, c'était important, il avait raison. De ce côté-ci de la Chambre, nous avons réalisé aussi que c'était important. Le ministre a continué à faire son devoir et à négocier avec les intéressés pour faire en sorte qu'on respecte ces quinze minutes et qu'on ne crée pas de périodes où il n'y aurait pas de service. M. le ministre me confirmait que, dans des conditions particulières, dans des conditions où la sécurité ou la vie d'une personne serait en danger, on n'aurait pas à s'inquiéter; cela aussi, c'est réglé.

Dans les grandes régions, quand on avait les pompiers volontaires - au fond, c'était cela - quand on avait des gens en disponibilité, qui se devaient continuellement d'être sur le qui-

vive et d'attendre la cloche au cas où il y aurait une urgence, ces gens étaient considérés comme des gens - excusez l'expression - sur le "stand-by". On attendait de façon continue. On ne souhaitait pas que cela sonne mais, si cela sonnait, on était obligé de se préparer en vitesse et, à mon sens, la qualité du service ne pouvait pas être garantie. Pourquoi? Parce qu'on ne pouvait persuader ces gens du sérieux de l'emploi, même s'ils étaient pleins de bonne volonté, sachant qu'ils sont appelés, qu'ils ne sont pas appelés, qu'ils sont en attente, qu'ils n'ont pas de cours de formation... Au fond, c'est à peu près ce sur quoi c'était basé, 150 heures de formation pour confier sa sécurité, peut-être sa vie dans un temps d'intervention qui se voulait court, qui se voulait rapide. On se devait d'aller avec les moyens du bord.

M. le Président, si on y met un peu de bonne volonté, à peu près tout le monde peut prendre quelqu'un et le placer dans une ambulance. Mais de là à être capable de l'assister, de lui donner les premiers soins et de faire en sorte d'au moins garantir cet appui auquel les gens s'attendent... C'est vrai que c'est important d'avoir des gens qualifiés et d'être capable de répondre à toute vitesse. Quand on parle de centrales de coordination, quand on parle de formation, c'est ce à quoi nous faisons référence. Quand on considère que dans le passé cela existait, mais que c'était toujours le minimum qu'on exigeait, aujourd'hui, je pense qu'avec la nouvelle loi on corrige à peu près toutes ces lacunes. Il faut quand même être conscients des responsabilités qu'on a, sachant que, dans la province de Québec, l'an passé, il y a eu pratiquement 400 000 appels. Je ne crois pas qu'en tant que gouvernement responsable on puisse imaginer un scénario de non-qualité, de non-respect de ce à quoi les gens sont en droit de s'attendre, surtout avec un si grand nombre d'appels. On sait aussi que la première heure est toujours la plus importante dans les cas d'accidents graves, cela a été prouvé. On nous a parié de la première heure qui est l'heure en or, "the golden hour", pour ceux qui sont familiers avec les expressions du milieu. Soyez assurés qu'au niveau de l'ambulance on y croit. On espère sincèrement que ce qu'on met de l'avant sera éprouvé, comme c'est ce qu'on recherchait comme objectif. Avec le sérieux, autant de l'OSBL de la grande région de Montréal et de Laval que les autres centres de coordination qui seront mandatés par les CRSSS des régions, je ne pense pas qu'on puisse aller vers un service défaillant. Je demanderais au député de Joliette d'essayer d'être moins rancunier et de mettre de côté la vengeance qu'il peut avoir, car il se souvient sans doute de 1984. À ce moment-là, il pourra sûrement accepter avec nous de telles modifications et de tels avantages. Merci, M. le Président. (22 h 20)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne l_ Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. En terminant, le député de Fabre dit d'abord être fier de cette loi et penser qu'on se dirige vers un service qui ne sera pas défaillant. À sa place, j'en douterais sérieusement du moment où la présente loi est en train de créer un monopole dans la région de Montréal, monopole qui met la population de la région de Montréal à la merci des pressions syndicales éventuelles. Et je pense que personne de ce côté de la Chambre n'ignore que d'ici peu ce monopole sera la réalité dans la région de Montréal et pourra, effectivement, avoir des effets plus que négatifs.

Il faut peut-être ajouter également que ce monopole ne frappera pas que la région dé Montréal puisque déjà le RETAQ est en train d'acquérir des ambulances dans ma région, dans la ville de Chicoutimi, et il est en négociation pour établir chez nous également un monopole. M. le Président, la loi 34, qui peut être intéressante... On le verra à l'exercice, quoique j'en doute. Ce que je me demande, c'est comment N se fait que ce gouvernement ait décidé que l'urgence, c'était de régler les ambulances. Est-ce que l'urgence, M. le Président, ne se retrouvait pas plutôt dans les services d'urgence engorgés dans la grande région de Montréal? Est-ce que les urgences ne se trouvaient pas plutôt dans le manque de lits en soins de courte durée dans les hôpitaux de Montréal? Est-ce que l'urgence ne se trouvait pas dans l'ajout de ressources pour le maintien à domicile de manière à diminuer l'affluence dans les urgences à Montréal? Est-ce qu'un ensemble de mesures qui, effectivement, coûtent des sous, ce n'était pas là l'urgence qui aurait eu des effets réels sur la demande en services ambulanciers?

La ministre et le ministre délégué ont décidé que, pour une raison qui leur appartient, l'urgence était à Montréal. Et là le député de Fabre nous dit et le ministre nous dit: C'est une réforme globale sur tout le territoire du Québec. Mais, à la lecture du projet de loi, on réalise qu'il y a des urgences moins urgentes que les autres. Et, comme par hasard, il se trouve que les urgences en région sont moins urgentes que si vous êtes à Montréal, même si la qualité des services en région est drôlement plus détériorée; les temps d'intervention sont beaucoup plus longs qu'à Montréal. Évidemment, l'urgence, c'était d'intervenir à Montréal!

Pourquoi intervenir à Montréal? Parce que c'était plus urgent qu'en région? Non. Parce qu'il y a un syndicalisme là qui a fait ses preuves, qui a fait des grèves illégales, qui a exercé des pressions indues, qui a pris la population en otage et qui a réussi à convaincre ce gouvernement qu'il n'y avait pas d'autre voie que celle

que le RETAQ lui traçait. Et c'est pour ça que l'urgence d'intervenir a été établie à Montréal plutôt qu'en région.

La leçon est importante pour les régions. On est en train de se demander s'il ne faudra pas engager, je ne sais pas, dans nos régions, pour faire défendre nos droits, quelque chose qui ait la stature du président du RETAQ, chez nous. Parce que cela a été une job de bras qui s'est faite à Montréal et le résultat est clair. Le résultat est patent pour ces gens-là. Ils vont avoir un monopole dans le transport ambulancier. Ils vont pouvoir prendre la population en otage. On va peut-être travailler à améliorer la qualité des services à Montréal, mais pour les régions il n'y a pas d'argent, il n'y a pas d'échéancier.

Vous savez, la qualité de vie en région c'est toujours un peu moins important que si vous êtes à Montréal. Il y a quelques semaines j'interrogeais la ministre sur des équipements dans les hôpitaux en région, en radiologie en particulier. Et la ministre répondait: Oui, mais comment parler des équipements en région alors qu'à Montréal les équipements sont désuets? Elle ne s'inquiétait pas de la qualité des équipements en région. Elle nous disait en réponse aux besoins des régions: Oui, mais on a des besoins très grands à Montréal. Les équipements sont désuets. Elle oubliait qu'en région il n'y a pas de danger qu'ils soient désuets, il n'y en a pas. Il n'y en a pas en région.

M. le Président, une réforme globale qui touche tout le territoire du Québec, mais dont on ne connaît pas les échéanciers quant à l'application, et le ministre ne nous a pas dit quand l'argent arriverait pour donner aux régions une qualité de services comparable.

En ce qui concerne la qualité des services d'urgence préhospitaliers, on le sait, la ministre le sait, les intervenants connaissent la situation, les quelques minutes qui suivent une crise cardiaque sont cruciales quant à la capacité de rétablissement du patient, sur ses chances de s'en sortir ou de mourir. C'est primordial. L'efficacité des services ambulanciers a des effets directs sur la capacité des personnes de s'en remettre, de se remettre d'un choc, d'une urgence, par exemple. La diligence, l'efficacité, les délais et la qualité des services préhospitaliers sont déterminants dans les chances de succès des interventions en centre hospitalier, et là-dessus if y a peu de choses. D'ailleurs, ce n'est pas l'Opprisition qui le dit. C'est le Conseil régional de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain qui est venu en commission parlementaire déplorer le fait qu'on ne se soit pas attardés davantage à relever la qualité des services préhospitaliers en matière d'urgence.

M. le Président, la qualité des services en région laisse souvent et malheureusement ce gouvernement indifférent. Je dirais que ce n'est pas nouveau, ce n'est pas surprenant que ça se passe dans le domaine de la santé puisque tous les secteurs d'activité subissent à peu près le même sort. Si vous êtes en région, le fardeau de la preuve appartient aux régionaux. Si vous êtes à Montréal et qu'il y a passablement de pression qui s'exerce, le fardeau de la preuve appartient davantage aux fonctionnaires, et la ministre aussi en sait quelque chose. Elle est l'objet de nombreuses pressions. Il est évident qu'il n'y a pas de commune mesure entre la pression qu'on est capables d'exercer sur la ministre dans une région comme la mienne, dans une région comme celle de l'Est du Québec ou de l'Abitibi-Témis-camingue et celle dont la région de Montréal est capable. Il me semble que la responsabilité d'un gouvernement, c'est précisément de venir en aide à ceux qui ont moins de pouvoirs, à ceux qui sont silencieux, à ceux qui ne peuvent pas utiliser la pression du grand nombre pour faire reconnaître et défendre leurs droits. Il est évident que, chaque fois qu'on va comparer les besoins, est-ce que je sais, de l'Institut de cardiologie de Montréal avec une petite unité d'intervention en cardiologie de l'hôpital de Chicoutimi... C'est bien évident que l'hôpital de Chicoutimi a moins de pouvoir de pression; il y a moins de patients. C'est bien évident, sauf que, si on continue à laisser se détériorer la qualité des services en région, c'est le droit de ces personnes qu'on nie. C'est toujours la même chose. Si vous êtes en région et que vous avez le moindrement besoin d'un service spécialisé, vous êtes obligé de vous déplacer en direction des grands centres, avec la conséquence que ça vous coûte de l'argent de vos poches alors que vous payez avec vos impôts les services qui sont offerts dans les grands centres.

Cette loi est tout à fait conforme à ce qu'on fait dans tous les autres secteurs d'activité. L'urgence était-elle à Montréal, l'urgence était-elle dans les services ambulanciers ou, plutôt, n'était-elle pas dans les services d'urgence, dans la qualité des urgences, l'urgence n'était-elle pas dans les régions où, la ministre le sait - d'ailleurs, il y a un député qui l'a souligné tout à l'heure - la carence de la qualité des services ambulanciers est réelle, où les temps d'intervention sont plus longs, et pas seulement en raison des distances, mais en raison de la disponibilité des équipements? C'est là qu'il fallait intervenir d'urgence et, pourtant, ce n'est pas là qu'on est intervenu. ~~

M. le Président, la ministre aurait dû choisir d'investir davantage pour désengorger les urgences. Le désengorgement des urgences a des effets directs sur le nombre d'appels aux services ambulanciers. N'importe qui comprend ça. Si vous êtes soigné dans votre centre d'accueil, dans votre CLSC, dans des hôpitaux de jour, si on a un peu plus de place dans les centres d'hébergement, c'est autant de personnes dans le maintien à domicile, c'est autant de personnes qui, soignées chez elles ou dans ces centres-là, ne feront pas appel à des services ambulanciers. Il me semble que, chaque fois qu'on examine cette question-là, on prend la question à l'envers. La

vraie solution n'était-elle pas dans une meilleure organisation des services d'urgence dans la grande région de Montréal, et l'urgence, s'il y en avait une, n'était-elle pas dans une meilleure organisation des services ambulanciers dans les régions? Je vous remercie, M. le Président. (22 h 30)

Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de prendre quelques instants pour corriger les affirmations erronées que la députée de Chicoutimi vient de faire. Je pense que je n'ai pas la réputation d'être agressive, même envers les membres de l'Opposition. Je sais qu'elle a un rôle à jouer et qu'il est important qu'elle le joue. Mais, M. le Président, la surprise que j'ai, c'est de voir la députée de Chicoutimi, que je croyais une personne rigoureuse, se permettre, dans le domaine de ta santé et des services sociaux, de dire à peu près n'importe quoi, fondé sur rien et, le plus souvent, de faire des témoignages erronés. La meilleure preuve, c'est qu'elle a tout mélangé: le transport ambulancier avec le désengorgement des urgences. M. le Président, ce sont deux choses différentes.

On sait aussi que la députée de Chicoutimi a brandi pendant un certain temps - là, ça diminue un peu - la question du gouvernement qui voulait privatiser la santé. Elle a posé plusieurs questions là-dessus, n'ayant jamais rien à l'appui, mais en brandissant une espèce de spectre pour faire peur à la population et surtout pour tenter d'alerter les syndicats. Depuis quelque temps, elle a pris un autre cheval de bataille qui n'a pas plus de fondement, celui de dire: Ce gouvernement défavorise les régions. Ce gouvernement ne pense qu'à Montréal. D'ailleurs, elle n'est pas la seule à transmettre ce message-là du côté de l'Opposition. Ce gouvernement oublie les régions.

M. le Président, je puis vous dire que, dans le domaine de la santé et des services sociaux, ce sont des témoignages constants que nous recevons des régions disant que, pour une fois, le ministère de la Santé et des Services sociaux a non seulement une vision, mais un souci constant de rééquilibrer les ressources, ce qu'on appelle l'équité interrégionale. Comme preuve, si on pense aux hôpitaux, quand je suis arrivée au ministère, les trois priorités que j'ai retenues dans le monde hospitalier - on sait que c'est un monde qui demande beaucoup de services et que les besoins sont là - ont été de remettre sur un pied un peu décent trois hôpitaux de régions éloignées: le centre hospitalier de l'Archipel, aux îles-de-la-Madeleine - ça, c'est dans la région de Montréal, M. le Président? - l'hôpital de Pontiac - je n'ose pas dire que c'était un taudis, mais pas loin - et l'hôpital de Blanc-Sablon, dans le comté de Duplessis, qui avait aussi été oublié par l'ancien gouvernement. C'étaient les trois priorités retenues par ce gouvernement et par mon ministère depuis que je suis à la direction. Et on vient me dire que c'est la région de Montréal qui est favorisée. M. le Président, on ne peut pas dire n'importe quoi parce qu'on est dans l'Opposition. Je vois le député de Bertrand. Je vais lui rendre témoignage. Il ne dit pas n'importe quoi; en général, c'est rigoureux. Mais, depuis que j'écoute la députée de Chicoutimi faire le genre d'affirmations qu'elle fait, honnêtement, j'en suis fort surprise.

Tout à l'heure, le député de Joliette a, lui aussi, fait valoir: Moi, je viens de la région de Joliette, j'ai à coeur les services dans les régions. Je dois vous dire que, lorsque le dossier des ambulances a été confie au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, le député de Beauce-Sud, la première réflexion qu'il a eue a été de dire: Ce dossier me tient beaucoup à coeur parce que je trouve que les services en région sont tellement défavorisés par rapport à ceux des grands centres comme Montréal et Québec. C'est, justement, son désir de corriger les inégalités, les inéquités qui existaient vis-à-vis des régions par rapport à la région de Montréal, qui l'a surtout motivé à accepter un dossier aussi difficile que celui du transport ambulancier. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux a réfuté, tout à l'heure, certains des arguments du chef de l'Opposition, le député de Joliette. Mais je pense qu'il est important de rappeler que c'est vrai qu'il y avait des inéquités en région par rapport à la qualité du transport ambulancier.

Ce que le ministre délégué propose dans sa loi, c'est, justement, de rehausser la formation pour les ambulanciers qui travaillent en région. C'est également d'assurer une stabilité de l'emploi pour être sûr qu'on aura un personnel de qualité. Quand vous avez un roulement important de personnel, parce qu'il est mal rémunéré, parce que l'organisation de son travail est défaillante, vous ne pouvez pas assurer une qualité de services. Que fait également le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux? C'est un rehaussement des équipements, c'est un rehaussement des ambulances et cet ensemble de facteurs: meilleure formation, plus grande stabilité de l'emploi, rehaussement des équipements et des ambulances, sont des conditions essentielles et fondamentales pour qu'on ne parle pas en vain d'une meilleure qualité des services ambulanciers dans les régions. Je pense qu'à ce titre les régions seront redevables au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux d'avoir d'abord pensé à elles.

M. le Président, en terminant, je voudrais simplement ajouter ceci sur certaines autres affirmations qui sont faites constamment de l'autre côté de la Chambre, par exemple, en disant que l'on piétine les droits de propriété.

Est-il nécessaire de rappeler que le ministre a, justement, cet automne, apporté des amendements pour permettre qu'une indemnité soit versée pour révocation de permis aux propriétaires d'ambulances qui le désiraient et également que cette indemnité peut faire l'objet d'un arbitrage? Je pense qu'on ne peut plus parler d'une expropriation qui ne respecte pas les droits de propriété. On peut peut-être le redire, mais je pense que tel n'est plus le cas.

On a parlé de la qualité des services. Je pense que j'ai expliqué, comme l'ont d'ailleurs fait à plusieurs reprises quelques-uns de mes collègues, ce souci d'améliorer cette qualité non seulement dans les régions, à cause de cette disparité entre ce qui existait dans les régions et ce qui existait dans les deux grandes villes de Montréal et de Québec, mais également dans la région de Montréal, par le fait que nous allons maintenant avoir un organisme à but non lucratif de qui vont relever les techniciens ambulanciers qui vont recevoir désormais, comme dans les régions, une formation de 825 heures, alors que ce qu'on avait réussi à faire à Montréal, c'était l'augmenter à 325 heures et la laisser à 150 heures dans les régions. Maintenant, pour les deux, ce seront 825 heures de formation. On pourra également permettre un meilleur encadrement au point de vue médical à tous les techniciens ambulanciers. On pourra peut-être permettre aussi davantage la délégation d'actes.

En résumé, M. le Président, les efforts du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux ont toujours été faits dans la perspective d'améliorer la qualité des services. Ceci ne veut pas dire qu'il n'y aura plus jamais de problème dans les ambulances. Il faut avoir travaillé le moindrement dans la santé et les services sociaux pour savoir que c'est un domaine fragile, sensible, où il y a souvent des tensions. Le ministre ne promet pas que ce soit le paradis demain, mais je pense qu'il a fait des efforts plus que significatifs pour améliorer la qualité des services ambulanciers et préhospitaliers pour l'ensemble de la population du Québec, en particulier pour les régions éloignées. Je pense qu'à ce titre il mérite toute notre reconnaissance, M. le Président.

Le Vice-Président: Nous allons poursuivre le débat avec l'intervention de M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Je dirai, d'abord, que je comprends très bien Mme la ministre de venir un peu à la rescousse du ministre délégué pour apporter certaines précisions. Au cours des prochaines minutes, j'essaierai d'apporter aussi des éclaircissements quant au fameux projet de loi 34. (22 h 40)

Vous comprendrez qu'au 13 décembre, alors qu'il est près de 23 heures, on a à intervenir sur ce projet de loi parce que le ministre a décidé d'une certaine procédure qui est une procédure de bâillon, une procédure qui consiste à apporter des modifications à la dernière minute. Est-on conscient, M. le Président, que le projet de loi 34 dont il est question ce soir a 59 articles? À la suite des quelque 44 amendements déposés par le ministre pas plus tard qu'hier, on a maintenant quelque 116 amendements sur un projet de loi de 59 articles. Alors, M. le Président, vous comprendrez que, si le devoir et le travail du ministre avaient été bien faits, on ne se retrouverait pas avec autant d'amendements.

On ne se retrouverait pas, non plus, le soir d'un 13 décembre, à discuter à la vapeur d'un projet de loi aussi important que celui du transport ambulancier dont il est question dans le projet de loi 34. J'ai bien écouté, en début de soirée, le ministre dans son intervention. J'ai bien écouté ses propos à la suite des nouveaux amendements qu'il a tenté d'expliquer non seulement au chef de l'Opposition, mais à l'ensemble de mes collègues de cette Assemblée. Je me suis dit: De deux choses: ou bien le ministre ne sait pas où il s'en va ou bien il est naïf. Tout ce qui s'est passé avec ce projet de loi - et je le dis avec toute la conviction que je peux avoir - depuis juin dernier m'amène à être convaincu que le ministre a été des plus naïfs, qu'il s'est fait avoir complètement.

Il n'est peut-être pas trop tard pour corriger le tir sur certains points. Il s'est fait avoir parce que des pressions indues, au cours des mois de novembre et décembre, l'ont amené à procéder toute vapeur parce que ça faisait trois semaines que le projet de loi n'avait pas été appelé en commission parlementaire. C'est une coutume assez inhabituelle. Habituellement, on siège en commission parlementaire jour et nuit et, quand on n'en vient pas à bout, là on met le bâillon. Vous conviendrez que, depuis la mi-novembre, à ce que je sache, on n'a pas appelé en commission parlementaire le projet de loi 34. Tout d'un coup, on déclenche le bâillon, c'est-à-dire que le gouvernement décide de passer outre à toutes les lois, suspend les règlements faits pour que cette Assemblée, pour que la commission et tout le monde puissent étudier en profondeur chaque article. Parce qu'en commission parlementaire le travail des parlementaires est important. Ce n'est pas vrai que c'est ici, à l'Assemblée, que le ministre va nous livrer ici et là, à cinq minutes d'intervalle, des parties d'explications qui vont nous donner un projet de loi solide.

D'ailleurs, les amendements qui ont été apportés en commission parlementaire, au début des travaux ont permis d'apporter des modifications importantes.

Dans ce sens, je suis inquiet. Je suis d'autant plus inquiet quand je constate qui est derrière quoi. Le RETAQ, M. le Président, vous conviendrez qu'il a une réputation. Je ne parle

pas nécessairement de son président qui est un homme bien connu, mais je parle de l'ensemble des actions et des faits et gestes qui se sont produits au cours des dernières années. À témoin, le 2 décembre 1987 - ça fait un an - le président, le porte-parole, M. Mario Cotton, a envoyé une lettre à Mme Thérèse Lavoie-Roux et à l'honorable Robert Dutil, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, et dans cette lettre il se permettait, il se plaisait à rappeler ceci: Vous vous souviendrez qu'à telle époque il s'est passé telle chose et que des moyens de pression ont été amenés. Nous avons désigné tel porte-parole. Nous avons refusé de faire telle chose. Des moyens de pression ont été amenés.

Le Vice-Président: M. le député de Bertrand, M. le député d'Ungava sur un rappel au règlement.

M. Claveau: Sans vouloir interrompre mon collègue, étant donné l'importance du sujet, je demande le quorum, s'il vous plaît.

Le Vice-Président: Je constate, M. le député d'Ungava, que nous avons quorum. Vous pouvez poursuivre.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Alors, le RETAQ, au cours des dernières années, s'est bâti une réputation qui fait en sorte qu'aujourd'hui on est en droit de douter que sa façon de procéder dans ce dossier n'est nulle autre chose qu'une façon de mettre des pressions. Dans ce sens-là, on doit se rendre compte qu'actuellement, dans la grande région de Montréal, 100 % du contrôle ambulancier seront entre les mains du groupe de M. Cotton, c'est-à-dire du groupe représenté par la CSN. Cela m'inquiète d'autant plus, comme en faisait part le chef de l'Opposition précédemment, qu'il y a eu, qu'il y a et qu'il y aura dans l'application de la prochaine convention des mesures qui sont totalement discordantes selon que ceux qui travailleront aux soins ambulanciers, pour les services d'ambulance, seront membres de la CSN ou de la FTQ.

Peu importe qu'on vienne nous dire aujourd'hui: Le ministre a pris des mesures, il a fait en sorte que... Moi, je suis inquiet. Je ne suis pas rassuré. Au contraire, j'ai la conviction qu'il y a danger - s'il n'y a pas de danger, que le ministre non seulement le dise, mais qu'il apporte des preuves - au niveau de la qualité du service à laquelle on est en droit de s'attendre. Bien sûr, je suis de la grande région de Montréal et j'aimerais qu'on puisse continuer à avoir une qualité de services. Je ne voudrais pas que parents, amis ou n'importe qui se ramassent, demain matin, avec des syndiqués à la CSN qui ont décidé de prendre leurs quinze minutes ou leur demi-heure, peu importe, leur heure de lunch, leur café, et qui ne répondent pas à un appel parce que ça fait partie de la convention, pendant que leurs collègues, qui font le même genre de travail, mais qui sont membres de la FTQ, se doivent de le faire. Non pas que j'aie à défendre un syndicat ou un autre, mais ce que je me dis, c'est qu'effectivement il semble y avoir de concocté, tout autour de l'entente qui est intervenue, autour de la CSN, autour du RETAQ, quelque chose qui fait en sorte que le ministre n'a pas les mains libres. Le projet de loi 34, à plusieurs égards, ne pourra pas apporter toute la sécurité aux gens concernés, c'est-à-dire les citoyens de la grande région de Montréal et que dire des autres dans les régions.

La députée de Chicoutimi mentionnait tantôt, et à juste titre, sa préoccupation pour les régions. Ce qui s'est passé, ce qui se passe dans la région de Montréal est, à toutes fins utiles, une forme indirecte d'étatisation. Si on se ramasse avec des problèmes parce qu'on a un seul employeur, que tout est dans les mains d'une seule personne avec une situation de monopole, qu'est-ce qui va arriver dans six mois ou dans un an? Je ne le souhaite pas au ministre, mais ce qui va arriver, c'est qu'ils n'auront nul autre choix que d'intervenir, c'est-à-dire de prendre le contrôle et que l'État soit le maître d'oeuvre dans le domaine ambulancier.

Le ministre l'a dit dans son préambule en début de soirée: On n'est pas intéressé. Je comprends qu'il n'est pas intéressé, mais ce que je dis, c'est que l'ensemble des mesures qui sont prises dans le projet de loi 34, c'est un peu, pour moi, le principe du bras dans le tordeur, c'est-à-dire qu'il se place dans une situation vulnérable. Si ça ne fonctionne pas dans les mains de ceux à qui on remet le contrôle du service ambulancier, on se ramassera dans une situation vulnérable parce qu'on n'aura pas à négocier avec une, deux ou trois personnes pour être capable d'offrir un service qui se tient. Il y en aura un seul, il y aura une situation de monopole. On sait que dans une telle situation-Ce sont des services essentiels. Il ne s'agit pas de services de voirie, de services d'autobus, il s'agit de services ambulanciers. Quand on appelle une ambulance, c'est parce qu'il y a urgence et qu'il y a quelqu'un qui est possiblement entre la vie et la mort. Dans ce sens-là, je trouve inacceptable, sur le plan du principe, que le ministre et son gouvernement se placent dans une situation vulnérable par rapport à des services de santé face à une situation de monopole.

M. le Président, même si le ministre nous dit aujourd'hui: Écoutez, j'ai la situation bien en main, moi, je me permets de lui rappeler, si tel est le cas: M. le ministre, vous pouvez passer la loi ce soir, demain, peu importe, quand vous voulez, vous avez la force du nombre, mais attention, avec la responsabilité ministérielle, la responsabilité d'un gouvernement, s'il arrive des pépins dans les services ambulanciers, vous aurez à en porter l'odieux. J'espère que je me trompe, mais, après avoir étudié le dossier et avoir suivi

de très près le débat, parce que cela me touche et que cela touche des citoyens dans la grande région de Montréal, je dis au ministre: II y a sûrement des précautions à prendre. Ce n'est pas trop. Si vous pensez en avoir, ajoutez des bretelles aux ceintures. Mais, actuellement, je pense qu'il y a quelqu'un qui rit dans sa barbe et ce n'est certainement pas le gouvernement du Québec, mais c'est peut-être beaucoup plus les gens du RETAQ. Je trouve cela dommage.

Malheureusement, le projet de loi 34, même si on est contre, sera adopté par la force du nombre. Ce n'est pas cela qui est important. Ce qui est important, c'est que le gouvernement s'assure de prendre les responsabilités et qu'on ne ramasse pas les dégâts dans les mois et les années à venir. Je vous remercie, M. le Président. (22 h 50)

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. À mon tour d'ajouter ma voix à celle des autres députés de l'Opposition qui tentent de ramener le ministre et le gouvernement à l'ordre en ce qui concerne le projet de loi 34. Vous savez, M. le Président, le gouvernement libéral a pris quatre mois pour décider de la couleur de la margarine. Cela fait six mois qu'il étudie la question des heures d'ouverture des commerces. Il vient de décider de prendre six autres mois.

Ce que le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux tente de faire admettre, avec la collaboration du leader qui nous a apporté la motion de guillotine, c'est qu'après une couple de dizaines d'heures il considère son projet de loi comme étant suffisant. Imaginez-vous! Imaginez-vous régler la question des ambulances, surtout de la façon dont le fait le ministre, en vendant à la RETAQ une bonne partie de la responsabilité de ce qu'il adviendra dans l'avenir dans la région de Montréal, et non pas, comme le disait le député de Bertrand, la responsabilité de grenailles, mais la responsabilité du transport.

En général, la responsabilité des ambulances est, quand même, une responsabilité fondamentale, parce que c'est une clientèle qui a besoin de soins urgents. Or, le ministre considère que son projet de loi a suffisamment été étudié. Déjà, on peut se rendre compte de la disproportion par les exemples que je donne. Bien sûr, cinq mois pour décider de la couleur de la margarine, c'est beaucoup trop. Mais, pour un gouvernement, qui cherche toujours à pelleter par en avant, ce n'est pas surprenant. D'autant plus que j'ai appris qu'ils ont changé, d'ailleurs, par décret, ladite couleur de la margarine quelques mois plus tard.

Mais, en ce qui concerne les ambulances, on apporte 44 amendements, en plus de ceux qui ont déjà été apportés en commission parlementaire, et on impose le bâillon, la guillotine, pour empêcher l'Opposition de faire son travail, travail pourtant grandement productif qui visait à bonifier un projet de loi qui, dès le départ, était mal foutu, mal conçu, parce que le ministre a mal compris le rôle qu'il avait à jouer là-dedans. À tel point d'ailleurs - je tiens à insister là-dessus - que, lorsqu'est venu le temps d'aller chercher les ambulances et les permis, le gouvernement libéral, grand champion de l'entreprise privée, grand champion de la propriété privée, a décidé d'indemniser, de procéder à l'expropriation - pour cela, il y a eu des amendements d'apportés - mais en oubliant que cette expropriation devait concerner à la fois le permis et le véhicule. Vous savez, un permis d'ambulance ne peut pas aller sans un véhicule ambulancier. Je pense que c'est le gros bons sens qui nous l'indique. Mais le gouvernement libéral, de l'autre côté, a passé complètement à côté de cette évidence, de cette vérité. Il a donc exproprié en négligeant d'accorder à la valeur du bien exproprié toute la plénitude que cela méritait.

Finalement, l'Opposition dit depuis des mois au ministre et au gouvernement que le projet de loi 34 est mal foutu. En ce qui concerne le contrôle de la qualité des services, il n'a pas les éléments nécessaires pour garantir à la population les services ambulanciers auxquels elle a droit et ce, pas uniquement à Montréal, mais partout. Dans ce sens, je voudrais rappeler à la ministre de la Santé et des Services sociaux, qui, tantôt, se faisait le grand défenseur de services adéquats d'ambulance dans la région de Montréal, que c'est le gouvernement du Parti québécois qui a instauré le premier le Centre de coordination des urgences-santé à Montréal et qu'on n'a pas attendu que le gouvernement libéral agisse dans ce sens. Celui-ci a passé six ans à côté du problème parce que, en 1976, quand le gouvernement du Parti québécois a pris le pouvoir, il n'existait même pas de coordination des urgences dans la grande région de Montréal. Dans ce sens, vous me permettrez de rappeler à la ministre de la Santé et des Services sociaux qu'on n'a pas de leçon à recevoir, de ce côté-ci de la Chambre, du gouvernement du Parti libéral.

Deuxièmement, M. le Président, je voudrais souligner certains éléments qui peuvent peut-être passer inaperçus, mais qui valent la peine d'être relevés. Par exemple, en ce qui concerne la composition du conseil d'administration de la nouvelle corporation, l'Opposition a réussi, on le sait, en commission parlementaire, à faire accepter par le ministre certains amendements au sujet de la composition du conseil d'administration, qui contribueront à donner un peu plus de crédibilité au conseil d'administration. C'est ainsi que le nombre de membres a été porté de neuf à onze pour que soient ajoutés un représentant des propriétaires d'ambulances et un représentant également de la ville de Laval. Au cas où on l'ignorerait, en Beauce ou ailleurs au Québec, la

ville de Laval fait un petit peu partie de la grande région métropolitaine, comme la rive sud de Montréal, d'ailleurs.

De plus, des restrictions ont été faites pour que les membres soient nommés après consultation des propriétaires, des associations concernées ou encore choisis par un nombre restreint et désigné de personnes. Nous avons donc obtenu que les trois membres salariés de la corporation soient désignés comme un représentant des techniciens ambulanciers, une infirmière et une autre salariée de la corporation. Parce que, dans ce secteur-là de la santé et des services sociaux - le député de Laval-des-Rapides devrait s'en souvenir - on ne peut pas construire des services valables sans la collaboration de toutes les personnes concernées. Un service d'ambulance comme un service d'urgence, ça implique des ambulanciers, bien sûr, qui conduisent le véhicule, mais ça implique aussi des gens qui reçoivent des appels et qui sont en mesure d'effectuer le filtrage de ces appels qui s'impose pour déterminer si, oui ou non, c'est une urgence. Cela implique également une solide organisation. Cela implique aussi, bien sûr, des médecins.

Tout ça, M. le Président, on a tenté de le rappeler au ministre délégué, mais, malheureusement, il a, comme dans tout le reste, passé complètement à côté du bateau, de sorte qu'on a une loi actuellement qui risque potentiellement de causer - on ne se le souhaite pas - plus de dommages que d'avantages. Là-dessus, ce sera la responsabilité du gouvernement, la responsabilité du ministre au premier chef. C'est lui qui pilote ce dossier et on peut dire, d'ailleurs, à cause de ce qu'on voit en Chambre, que c'est à peu près le seul dossier où on a vu le commencement d'un début de politique.

Malheureusement, il a complètement passé à côté du bateau comme, d'ailleurs, en témoigne le fait que le RETAQ dispose actuellement d'un pouvoir énorme, mais énorme, concernant les ambulances à Montréal, et ça m'apparaît malsain. Il me semble que le pouvoir dans ce secteur devrait être mieux distribué entre toutes les classes de gens qui travaillent dans ce secteur au lieu de le concentrer entre les mains de M. Cotton et des autres personnes autour du RETAQ. On n'a pas le droit, je pense, M. le Président, comme ministre responsable, de concentrer ainsi le pouvoir en faisant fi des autres intervenants. Cela m'apparaîl, en tout cas, quant à moi, primaire qu'il faut respecter tous les intervenants, distribuer les pouvoirs et les capacités pour faire en sorte qu'il y ait un certain rapport de forces intelligent entre tous ces intervenants et non pas concentrer le pouvoir pour faire en sorte que, si une personne n'est pas satisfaite ou si sept ou huit personnes ne sont pas satisfaites, on puisse bloquer tout le service ambulancier dans la région de Montréal.

Mais, et je termine là-dessus puisque vous m'indiquez qu'il ne me reste qu'une minute, il ne faut pas se surprendre qu'on nous impose le bâillon sur la loi des ambulances. Le gouvernement, c'est clair, cherche à faire maison nette avant le dépôt d'une loi sur le plan linguistique, avant le dépôt d'une loi dont nous n'aurions que quelques heures pour débattre du contenu. (23 heures)

À force de réagir par la peur, ce gouvernement a choisi de bâillonner l'Opposition, d'empêcher l'Opposition de bonifier le projet de loi du gouvernement, ce qui causera finalement, à moyen ou à long terme - on ne l'espère pas mais le projet de loi est tellement mal fignolé qu'on ne peut que le conclure logiquement - donc conduire à des désavantages, non seulement pour la population montréalaise, mais pour l'ensemble de la population québécoise. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenait M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion de participer à la presque totalité des travaux qui ont eu cours tout au long de l'étude en commission parlementaire du projet de loi 34.

Je peux vous dire que ce furent des travaux difficiles dans la mesure où, du côté du ministre responsable du dossier, il était tout à fait évident qu'il n'était pas question pour lui de faire quelque compromis que ce soit avec l'Opposition. Quand j'entendais tout à l'heure le député de Fabre fustiger le chef de l'Opposition en utilisant à son égard des propos qui sont à la limite du parlementarisme pour le moins, alors que ce même député - pour rester poli je vais utiliser des termes les plus neutres possible - a été pour le moins distrait et discret lors de l'étude article par article du projet de loi... Je ne l'ai pas beaucoup entendu intervenir pour nous livrer sa propre pensée. Certes, il était là, mais il brillait par sa distraction, s'occupant de toutes sortes de choses excepté du texte du projet de loi. Sa discrétion a été des plus totales et des plus complètes. Il fallait au ministre un peu de tapisserie pour justifier son quorum. C'est le seul et unique rôle qu'a joué le député de Fabre tout au long de cette commission parlementaire.

Quand on nous dit, encore une fois, en s'exclamant, qu'on a malheureusement pris 65 heures de la commission parlementaire pour étudier le projet de loi sur les ambulances, 65 heures, M. le Président. Encore là, on nous impose un bâillon après à peine 65 heures de travail en commission. Au départ, il y avait 59 articles. Le projet de loi comprenait 59 articles. Et on nous accuse d'avoir travaillé 65 heures là-dessus. Le ministre avait tellement bien fait son travail, le ministre connaissait tellement bien son dossier que sur 59 articles, nous allons avoir en tout et partout, à la fin, lors de l'adoption du projet de loi, 116 amendements qui ont tous été

proposés par le ministre lui-même, étant donné que, dans son esprit, aucun amendement provenant de l'Opposition ne pouvait être acceptable. On a 116 amendements pour un projet de loi de 59 articles. Et on va nous dire que le ministre avait fait du travail sérieux. Ce n'est pas surprenant, M. le Président, dans la mesure où, des 16 groupes qui avaient fait valoir leur point de vue, qui s'étaient présentés en commission parlementaire au moment où le ministre a déposé son projet de loi, seulement un avait appuyé le ministre, alors que les 15 autres sur 16 avaient demandé au ministre de retirer son projet de loi ou de le modifier fondamentalement. 15 sur 16. Et, à l'instar de son collègue responsable de la loi sur les assistés sociaux, le ministre continue à prétendre qu'il a l'appui de la majorité de la population et que tout le monde est d'accord avec lui.

Je ne sais pas quand ces gens vont finir par comprendre qu'avoir la population d'accord avec nous ne veut pas dire être nous-mêmes d'accord avec nos idées. Il y a plus que ça pour avoir l'appui de la population. Quand 15 groupes sur 16 viennent vous dire: M. le ministre, attention, vous faites fausse route, ce n'est pas ça, retirez votre projet de loi ou amendez-le de façon substantielle si vous voulez arriver à vos fins, que 15 sur 16 le disent, le ministre se retourne après ta consultation et dit: Bon, vous voyez, les gens sont d'accord avec nous. À quoi servent les consultations dans des conditions semblables? Dites-le-moi M. le Président, si vous en êtes capable. Mais à quoi cela sert-il de demander à des gens de dépenser efforts, énergie, temps et argent pour se présenter devant une commission parlementaire et expliquer un point de vue, si on en fait fi complètement, si on ne se donne même pas la peine de les écouter. C'est terrible. C'est une approche inacceptable.

M. le Président, nous l'avons dit à maintes reprises au ministre. Il sait, j'en suis convaincu pour avoir passé suffisamment de temps avec lui en commission parlementaire, dans quel bourbier il s'embarque avec ce projet de loi. Déjà tout est en place dans la grande région de Montréal pour lui permettre de comprendre qu'il a pieds et mains liés dans une structure qui, finalement, ne donnera pas les résultats escomptés. C'est clair. Il n'y a rien de plus simple à comprendre. Comment voulez-vous que cette structure puisse fonctionner? Les employés, les ambulanciers vont travailler dorénavant pour cette corporation, dans une structure publique ou parapublique, alors que les ambulances qu'ils vont opérer n'appartiendront pas à la structure elle-même, n'appartiendront pas à la corporation, elles vont appartenir, par le biais d'une structure coopérative, aux employés qui vont être salariés de la corporation. Comment voulez-vous que ça fonctionne longtemps? En disant ça, je n'accuse personne en particulier. Je ne fais qu'essayer d'imaginer comment on peut bâtir une structure sociale, une structure de service qui soit économiquement rentable et socialement acceptable à partir d'un principe semblable? Imaginez-vous, par exemple, un entrepreneur qui prendrait un contrat avec une entreprise, quelle qu'elle soit, qui devrait avoir le personnel de cette entreprise sur sa propre liste de paie, comme ses propres employés, mais dont les équipements appartiendraient, sous une forme coopérative, à ces employés? C'est ça qui s'en vient dans la structure.

Le ministre sait très bien qu'au moment de négocier ou de vouloir imposer quelque directive que ce soit, la société va toujours devoir tenir compte que, n'étant pas propriétaire de l'équipement, elle a affaire quand même à des salariés qui, eux, sont propriétaires des équipements. Ces employés vont pouvoir utiliser ces équipements à volonté comme moyen de pression pour faire fléchir la compagnie ou l'entreprise ou la corporation. C'est la structure dans laquelle on s'embarque actuellement. En faisant ça, je ne fais aucun procès d'intention à qui que ce soit. Je ne fais qu'observer ce qui risque de se passer dans une structure semblable. Je ne fais qu'une photographie d'une situation dans laquelle le ministre s'embarque. Il ferait ça dans n'importe quel secteur que ce ne serait pas plus acceptable. N'importe quel ministre nous amènerait à une structure parapublique de la sorte, que ce ne serait pas acceptable.

Déjà, dans le domaine public, lorsqu'un employé de l'État prête ou loue des services qui appartiennent à l'État lui-même, on considère qu'il est en conflit d'intérêt. On dit: Ce n'est pas possible, il y a un conflit d'intérêt. Un employé de l'État ne peut pas, à moins que ce ne soit fait dans certaines conditions bien spécifiques, louer, prêter ou vendre des services à son employeur alors que dans la structure que le ministre est en train de mettre en place actuellement, c'est exactement ce qu'il fait. Des employés de l'OSBL vont être propriétaires, sous forme coopérative, des équipements qu'ils vont louer à cette même OSBL

Ce qui n'est pas acceptable pour l'ensemble des autres sociétés d'État ou pour ('ensemble des services dispensés par le gouvernement devient légalement acceptable, par le biais de la loi 34, dans le domaine des services ambulanciers de la grande région de Montréal. Vous croyez que l'Opposition va laisser passer ça aussi facilement? Vous croyez que personne n'a vu venir le bateau, que personne ne s'est rendu compte de ce qui se passait? (23 h 10)

Le ministre essaie encore, au moment où on se parte, de faire croire à la population que ce n'est pas ça qui va arriver. C'est déjà commencé. Les coopératives en question ont déjà fait l'acquisition d'un pourcentage important des ambulances dans la région de Montréal. Elles ont commencé à en acquérir aussi sous forme de coopérative à Québec, à Chicoutimi et à Trois-

Rivières, ou, si ce n'est pas encore fait, on est en train de le faire. Il y a des offres d'achat qui sont déposées. C'est vers cette structure qu'on s'aligne. Est-ce qu'on est en train d'ouvrir un nouveau principe dans l'administration des fonds publics, dans fa mesure où, à partir de maintenant, tout employé de l'État ou tout employé d'un hôpital ou tout employé d'une corporation proche des structures étatiques va pouvoir louer, vendre à l'État ses propres services ou des équipements qui lui appartiennent pour faire son travail? Il y a là une aberration fondamentale, il y a un problème inhérent à la structure même de cette loi qui fait en sorte que c'est inacceptable pour à peu près tout le monde, excepté pour le ministre qui n'a pas vu venir le coup et pour ceux qui sont directement impliqués, pour qui ça fait nécessairement l'affaire.

M. le Président, en conclusion, il est loin d'être évident que c'est en mettant en place des structures semblables qu'on va améliorer les services ambulanciers dans la région de Montréal. Je ne veux pas parier pour ailleurs, dans les régions, il m'aurait fallu beaucoup plus de temps pour le faire, mais ce n'est pas nécessairement évident que c'est comme ça qu'on va améliorer les services ambulanciers d'une façon précise dans la région de Montréal en ce qui regarde la mise en place de cette corporation par le biais de la loi 34. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Montmagny-L'lslet.

M. Real Gauvin

M. Gauvin: M. le Président, j'interviens aujourd'hui dans le cadre du débat sur le projet de loi 34 intitulé Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives, présenté par le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux, le député de Beauce-Sud, avec l'intention de montrer l'apport positif de ce projet de loi pour le Québec et, notamment, pour les régions. Vous conviendrez que le domaine de la santé publique est d'une importance vitale pour les Québécois et les Québécoises. En conséquence, le présent gouvernement, par le projet de loi 34, se propose de fournir à la population des services adéquats pour assurer son bien-être en matière de santé.

J'ai pensé présenter un court historique de l'évolution des services ambulanciers, dans un premier temps, pour ensuite insister sur la pertinence dudit projet de loi en regard des besoins exprimés. Finalement, j'insisterai sur les bénéfices qu'en retireront les régions.

Depuis les 25 dernières années, le transport ambulancier au Québec a connu de profonds changements. À la toute fin des années soixante, il n'existait aucune réglementation sur le transport ambulancier, aucun contrôle de qualité et le ntveau de service était évidemment très bas. Les services variaient d'une région à l'autre, selon la rentabilité des activités et la conscience professionnelle qu'avait l'exploitant des besoins de la population à desservir. Encore faut-il dire que cette situation prévalait un peu partout au Canada, et même aux États-Unis. Il n'est pas étonnant que la Commission royale d'enquête sur les services de santé ait conclu, en 1964, que l'absence de législation encadrant les services rendus par le personnel ambulancier semblait être une des principales failles dans l'ensemble des services de santé en général.

De son côté, la commission Tanguay-Nepveu dégageait les grands principes directeurs, telles la qualité, l'accessibilité géographique et financière et la complémentarité des services. Ces principes allaient servir de guide et de cadre de référence aux démarches ultérieures visant à l'amélioration des services ambulanciers.

La première loi à traiter des services ambulanciers était adoptée en 1972. Il s'agissait de la Loi sur la protection de la santé publique qui apportait un premier encadrement aux services ambulanciers. C'est le 1er février 1976 qu'était acceptée la première réglementation touchant les services ambulanciers. Elle fixait les conditions minimales pour l'obtention d'un permis de service d'ambulances et les normes minimales des véhicules et des équipements, les qualifications requises d'un exploitant, d'un préposé et d'un conducteur, de même que certaines règles de fonctionnement.

En 1977, on révisait les zones des services ambulanciers pour qu'à partir d'un point de service d'ambulance on puisse rejoindre toutes les parties du territoire dans un délai maximum de trente minutes à compter d'un moment d'appel. Cette même année, on mettait de l'avant, pour la première fois, la gratuité du transport des malades entre les établissements tandis que le CRSSS obtenait le mandat d'assurer la responsabilité de l'application des politiques d'accessibilité des services ambulanciers. En 1969, les personnes âgées bénéficiaient enfin de la gratuité du transport ambulancier. C'est en 1980 que l'on adoptait un système à tarification unique pour l'ensemble de la province, basé sur les coûts assumés par les détenteurs de permis, le tout ramené par la prise en charge par kilomètre parcouru par le patient.

En 1984, un protocole d'entente était signé entre la Corporation des services ambulanciers du Québec et le ministère, établissant ainsi les paramètres financiers devant permettre aux entreprises d'atteindre un seuil de rentabilité minimale et assurer un meilleur revenu aux ambulanciers, donc, une meilleure stabilisation de l'emploi. De plus, une prime de disponibilité était établie pour les ambulanciers travaillant sur les véhicules ambulances dans les zones subventionnées. Toutefois, l'année 1984 fut très difficile pour le Québec. Les négociations entre le gouvernement d'alors et les syndiqués furent des plus tendues au point où le ministre de la Santé

et des Services sociaux, M. Guy Chevrette, a dû négocier sa propre loi et établir par décret la continuité des services et les conditions de travail des ambulanciers de la région de Montréal, puisque les techniciens ambulanciers ne respectaient pas... Cela a eu pour effet de créer deux systèmes d'ambulanciers au Québec: un pour Montréal et un autre pour la province.

On entend aujourd'hui corriger cette situation. Ceci dit, M. le Président, il faut préciser que le transport ambulancier est devenu en 1988 une véritable industrie comptant plus de 188 entreprises où oeuvrent plus de 2300 employés. Compte tenu de l'attention qu'accorde le présent gouvernement du Québec à la problématique de la santé, il convient de rappeler que les personnes âgées représentent une clientèle importante pour lesdits services ambulanciers. Leur nombre a crû de 32 % entre 1981 et 1985. De plus, les personnes de 65 ans et plus constituent la clientèle majoritaire dans une proportion de 52 %. Voilà qui mérite toute notre attention si l'on considère la périlleuse situation démographique à laquelle nous sommes tous confrontés; d'où la nécessité d'avoir des services ambulanciers aptes à répondre aux besoins des clientèles observées.

On ne peut passer sous silence la primauté du facteur temps et la qualité des soins prodigués. C'est d'ailleurs l'objet du projet de loi 34 et ceci est encore plus pertinent pour la population vivant hors des grands centres urbains où la stabilisation de l'emploi et les qualifications du personnel ambulancier peuvent faire la différence entre la vie et la mort pour le patient traité. La réorganisation proposée par le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux vise explicitement à améliorer la qualité du service, la stabilisation de la main-d'oeuvre en région, et l'amélioration des systèmes de contrôle et de la rationalisation des services et des coûts. (23 h 20)

Concrètement, cela signifie l'augmentation de la formation des techniciens ambulanciers à 825 heures, d'une rémunération différente en région, afin de stabiliser l'emploi, la création de centrales de coordination des appels et la mise en place de normes et standards plus élevés pour l'équipement et les véhicules.

M. le Président, je crois que le présent projet de loi favorise grandement les régions, non seulement par une meilleure formation des techniciens ambulanciers, mais aussi en permettant à la main-d'oeuvre locale de faire carrière dans le domaine, en établissant un horaire précis garantissant un revenu décent et des conditions de travail respectables pour garder ces gens dans les régions.

De plus, la mise sur pied de centrales de coordination permettra de diminuer le temps de réponse en région, car actuellement, il arrive des situations où, en raison des transferts interétablissements, une zone se retrouve parfois plusieurs heures sans service ambulancier, ce qui est inconcevable. Les citoyens en région ont droit à un meilleur service et c'est la raison d'être des centrales de coordination.

M. le Président, permettez-moi d'ajouter un détail important. La population des régions pourra bénéficier de l'accès à un numéro unique, soit le 911. Étant moi-même d'une région, je comprends très bien l'efficacité et l'utilité d'un tel numéro de téléphone. Avec un numéro unique, la population se sentira davantage sécurisée en tout point du territoire où elle évolue. En un temps où la santé est une des grandes priorités des Québécois et des Québécoises, il est rassurant de voir le présent gouvernement assumer pleinement ses responsabilités en matière de services ambulanciers. Entre autres, il est important que le projet de loi 34 soit adopté le plus tôt possible dans l'intérêt de tous. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. J'écoutais mon collègue et je trouvais intéressant l'historique qui a été fait. Je trouvais cependant qu'il manquait quelque chose. Dans le fond, il manquait ce qui aurait dû être fait au départ, c'est-à-dire au moment où on s'est rendu compte, il y a déjà un certain temps, que tout ce qui avait été fait au cours des dernières années n'était pas suffisant. Pour assurer un service ambulancier de qualité d'un bout à l'autre du Québec, il aurait fallu faire le point, de telle sorte que l'ensemble des intervenants puissent venir s'exprimer et que, à la fois par les propriétaires et par les gens qui travaillent dans le milieu et aussi par les usagers et les organismes qui interviennent dans le secteur de la santé, on puisse avoir un portrait assez exact de la situation.

M. le Président, on n'a pas l'impression que cet exercice a été fait. On a plutôt l'impression que, finalement, on se retrouve actuellement avec un projet de loi que l'on va nous rentrer de force dans la gorge et que l'on va adopter avec la majorité écrasante parlementaire du gouvernement, parce qu'il y a un rapport de force qui s'est exercé dans le milieu du travail, dans le monde du travail, dans les relations du travail de cette industrie, si on peut utiliser cette expression-là. Le gouvernement a été, à un moment donné, pris dans l'engrenage, a mis le bras dans le tordeur et il s'est rendu compte qu'il ne pouvait plus l'en sortir et il s'est retrouvé finalement piégé à devoir supporter et à succomber aux pressions et aux revendications d'un groupe bien organisé qui n'a pas hésité à utiliser toutes sortes de tactiques pas toujours très catholiques pour imposer son point de vue et sa façon de voir les choses.

Quand je dis cela, je ne dis pas nécessairement que le RETAQ ou que les gens de la CSN ont tous les blâmes et que les propriétaires ambulanciers n'en ont aucun. J'ai appris depuis un bon bout de temps déjà que dans la vie, il n'y a pas grand noir et blanc; il y a bien plus de gris qu'autre chose, avec des teintes de gris, et que dans ce dossier-là comme ailleurs, les blâmes et les torts ne sont pas tous d'un côté. Sauf que, sans vouloir blâmer totalement une partie ou l'autre, ce que je constate, c'est qu'on n'a pas fait la lumière et qu'on n'a pas été chercher une évaluation et une analyse correctes du dossier qui auraient permis à des profanes, à des gens qui ne sont pas des spécialistes de la question, comme moi et bien d'autres députés, ici, dans cette Chambre... Au nombre de projets de loi et de questions qu'on a à aborder dans une session parlementaire, il n'y a pas un citoyen qui va penser et s'imaginer que son député est un spécialiste dans tous les domaines, sauf que son député doit voter et se prononcer, au meilleur de sa connaissance.

Dans ce sens, ce qui a manqué dans ce dossier pour les députés, pour l'opinion publique et pour les intervenants, y compris les gens du gouvernement, c'est un constat de situation, une analyse de la situation qui aurait partagé les teintes de gris et nous aurait amenés à mieux comprendre les problèmes issus de ce qu'on vit et de ce qui a été mis en place au cours des dernières années et, d'une certaine façon, à nous sortir ou à éviter d'entrer dans cette dynamique de chantage et de menaces qui a prévalu tout au long de cette étude.

On n'a qu'à se rappeler, au mois de juin dernier, quand on a réussi, comme Opposition, à forcer le gouvernement à suspendre l'adoption de son projet de loi et à le retarder jusqu'à cet automne, quelle a été la première réaction des travailleurs concernés de la CSN. Cela a été des menaces avant et cela a été des menaces depuis. Cela a été des menaces encore récemment si le gouvernement ne faisait pas adopter, faisait d'autres concessions ou retardait, encore une fois, son projet de loi parce qu'il n'était pas encore prêt, H n'était pas encore au point. Encore là, c'était des menaces et on peut se demander: Est-ce que c'est une façon correcte, acceptable de légiférer et d'entreprendre une réforme en profondeur d'un secteur important. On ne parle pas de n'importe quoi. On parle du transport ambulancier. On parle du transport ambulancier dans les situations d'urgence. On parle de la vie de milliers de personnes à travers le Québec qui, chaque année, est en cause par les services qui sont rendus.

Dans ce sens, on doit déplorer - on l'a fait avec toute la vigueur qu'on pouvait - la façon dont le gouvernement s'est laissé piéger et la façon dont le gouvernement nous est arrivé avec une solution qui, au lieu de répondre à la problématique et aux problèmes qui existent dans ce milieu, n'arrive à répondre que partiellement parce que, d'abord, le projet de loi est conçu pour faire l'affaire d'un groupe en particulier. Il faut le faire! Les champions du libéralisme économique et de l'entreprise privée qui sont rendus à étatiser par la bande au profit de la CSN.

Ce n'est pas n'importe qui qui fait ça, c'est le Parti libéral. Et dans quelle optique? Dans l'optique d'une étatisation déguisée qui ne donne même pas justice à l'égard des compensations aux propriétaires d'ambulances. Encore la, je ne dis pas que les propriétaires d'ambulances sont blancs comme neige dans tous ces problèmes qu'on a eus au cours des dernières années dans le dossier du service ambulancier au Québec. Mais il est évident que c'est dangereux de créer ce type de précédent en adoptant un projet de loi qui fait en sorte que les gens sont quasiment forcés de sortir du domaine de l'industrie et sont mal compensés sinon, dans certains cas, peu compensés pour le temps, les énergies et les investissements qu'ils ont mis.

Dans ce sens, M. le Président, on crée un précédent qui, un jour ou l'autre, servira à d'autres groupes dans la société pour interpeller le gouvernement et dire: Écoutez, vous l'avez fait dans le cas des services ambulanciers, pourquoi ne le feriez-vous pas pour nous? Quand on légifère, on doit souvent se demander - presque toujours, d'ailleurs - quels comportements on va créer, quels appétits on va susciter, quelles réactions on va susciter dans l'avenir et quels types de précédents on va créer qui vont faire en sorte que, dans l'avenir, on va avoir ouvert une porte et les gens décideront d'entrer à l'intérieur en ne se demandant pas si les conséquences ne sont pas plus lourdes qu'on ne le souhaitait au départ et qu'on ne l'avait anticipé. (23 h 30)

Un bon exemple de ça, c'est l'attitude du gouvernement dans le dossier qu'il a eu à négocier avec deux groupes de travailleurs, où il a eu à intervenir dans des négociations où une partie des gens concernés sont syndiqués avec la FTQ et l'autre partie, avec la CSN. Quel est le résultat? Le résultat, c'est finalement deux régimes de relations du travail complètement différents. Je le disais l'autre jour et je le redis ce soir pour ceux qui n'étaient pas à l'écoute de notre débat. Je prends une série de dossiers ou de questions qui sont concernés: les horaires, la disponibilité des techniciens, la libération pour assignation du lendemain à la cour, les poursuites civiles contre l'employé, les congés annuels, les congés sans traitement, les déménagements, l'assurance-salaire, les congés sans traitement à traitement différé, le paiement des repas hors des zones de fonctionnement, l'entretien des véhicules, la formation, le transport durant les périodes de repas.

Concernant toutes ces questions, M. le Président, ce qui est aberrant, c'est de constater que le gouvernement a permis et accepté qu'il y ait des avantages plus importants toujours

consentis au même groupe de travailleurs, alors que l'autre groupe doit se contenter de moins. Ce ne sont pas des conventions collectives qui ont été négociées à cinq ans d'intervalle! Ce ne sont pas des conventions collectives qui concernent des secteurs différents! Ce sont deux conventions collectives qui ont été négociées à peu près au même moment ou dans la même période, qui s'adressent à la même catégorie, au même type de personnel. Quelle est la logique du gouvernement, lui qui s'apprête à entreprendre une nouvelle ronde de négociations dans les secteurs public et parapublic. S'imagine-t-il que cela ne lui sera pas mis sur le nez? S'imagine-t-il que cela ne va pas créer des précédents? S'imagine-t-il qu'un jour ou l'autre, des gens ne diront pas: Écoutez, ce que vous avez fait là en faveur de tel groupe, on veut que vous le fassiez pour nous. Le gouvernement s'imagine-t-il que les gens de la FTQ vont accepter cela sans rien dire et qu'ils ne vont pas demander une réouverture de leur convention collective et les mêmes avantages pour eux que ceux qu'on a donnés à leurs collègues de la CSN?

On pourrait prendre bien d'autres exemples. Plusieurs de mes collègues sont intervenus et d'autres vont intervenir aussi pour montrer comment, M. le Président, le gouvernement n'a pas fait ses devoirs. On n'a pas fait l'analyse sérieuse qui aurait dû être faite. On s'est laissé piéger dans une dynamique de menaces, on a accepté de légiférer sous la menace. On a accepté de suspendre des règles parlementaires pour faire en sorte que le temps requis à l'étude détaillée, exhaustive, à l'évaluation objective des points de vue soit escamoté. Pourquoi encore une fois? Parce qu'on avait peur, on avait crainte des conséquences et de la réaction d'une catégorie des gens concernés. Je pense que, quand un gouvernement accepte ce genre d'attitude, quand un gouvernement accepte de se faire piéger dans ce genre de situation et qu'il le fait délibérément, il se prépare des lendemains très douloureux pour lui et pour l'ensemble de la société. Pour lui, ce n'est pas très grave finalement; les gouvernements passent et les gens seront jugés. Mais ce qui est plus dangereux et plus inacceptable, c'est que c'est pour l'ensemble de la société. Je ne suis pas convaincu, M. le Président, que, dans son for intérieur, le ministre soit satisfait de son travail.

M. le Président, je conclus en disant: Non seulement je ne suis pas convaincu que le ministre, dans son for intérieur, soit satisfait de son travail, mais je suis sûr, par ailleurs, que la majorité de ses collègues l'appuient actuellement par solidarité, mais qu'ils sont convaincus plutôt du contraire; ils sont convaincus qu'un jour ou l'autre ils vont se retrouver avec des problèmes et un jour ou l'autre ils vont devoir dire au ministre: Si tu avais pris le temps de faire le travail correctement, si tu avais pris le temps de faire les choses correctement et de faire les analyses qui s'imposent et, surtout, si tu ne t'étais pas laissé impressionner par un groupe de travailleurs, peut-être qu'on n'en serait pas là. J'espère que ce ne sera pas le constat qu'on fera dans quelque temps, mais j'ai bien l'impression qu'on sera obligé de faire ce constat-là avant longtemps. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Oui, M. le Président. Effectivement, une fois de plus nous devons nous prononcer sur un projet de loi que nous nous sommes vu imposer, nous, de l'Opposition, puisque nous n'avons pas pu faire entièrement la discussion que nous aurions aimé poursuivre, compte tenu des nombreux amendements qui ont été apportés en commission parlementaire et qui nous auraient probablement permis d'établir un certain consensus qui aurait été favorable dans le domaine du transport ambulancier. Il y va même de la sécurité de l'ensemble de la population québécoise dans le domaine de la santé. Vous savez que c'est un sujet très fragile, où les gens se sentent insécures très facilement lorsqu'on parle de leur santé ou lorsqu'on parle d'un véhicule pour qu'ils soient transportés le plus rapidement possible pour recevoir des soins que leur état de santé requiert. Je comprends que la population soit un peu fébrile et s'interroge sur les discussions que nous avons de chaque côté de la Chambre sur ce sujet important pour ces gens qui doivent subir les discussions et les décisions que nous prendrons finalement. Ils devront malheureusement assumer soit un bon service ou un service de plus ou moins bonne qualité ou plus ou moins douteux. Ils seront, dans l'avenir obligés aussi de subir les règles du jeu établies par un monopole qu'on est en train de créer de toutes pièces, c'est-à-dire que l'employeur est la même personne et la même entité que l'employé. Ces gens en plus de gérer l'entreprise, seront aussi leurs propres patrons. Ils prendront aussi les décisions et les orientations sur le réseau de transport ambulancier au niveau de la province de Québec.

On est en train de créer un modèle, à mon avis, dangereux pour l'ensemble des différentes régions. Actuellement, il y a un problème de taille dans les régions du Québec. Les distances sont très variables d'un endroit à l'autre et les centres de services de santé sont à différentes distances. Cela ne permet pas toujours de donner dans les délais les plus rapides les soins que requièrent les personnes accidentées ou qui ont besoin d'être rapidement transportées à un centre hospitalier ou un établissement de santé, quels que soient les services qu'ils donnent à la population.

Je trouve cela dangereux, actuellement, qu'on soit en train, pour gagner une forme de paix syndicale, de passer à côté des véritables

problèmes du service de transport ambulancier. Il faut dire que, au-delà du transport, des négociations en ce qui concerne ce qu'il adviendra de la tôle, des ambulances, il faut aussi s'arrêter à tous les soins préhospitaliers et à tout ce que comporte le transport ambulancier. Il faut savoir quelle clientèle on doit véhiculer, à quels Impératifs cela répond, les distances sont très importantes, la qualité des soins, la rapidité des soins, la bonne orientation et aussi une intervention rapide. Ce sont des critères importants et on doit se fier à des personnes qui sont en place et qui doivent avoir une présence d'esprit, une présence au niveau de la décision qui fait qu'on intervienne avec les meilleurs moyens possible, compte tenu des situations et de la gravité de l'état des personnes qui requièrent le service. Mais, actuellement, on passe à côté avec ce projet de loi puisque c'est cette nouvelle corporation qui va gérer ces prises de décision, qui va être partie prenante de ces décisions, alors qu'avant on avait un personnel infirmier qui était compétent, formé pour répondre à ce genre de service. On ne sait pas trop ce qui va arriver dans l'avenir. Cela met en cause la qualité des soins, des interventions et des personnes qui devront répondre à ces interventions. C'est, à mon avis, un problème de taille qui reste sans réponse, malheureusement. (23 h 40)

Nous n'avons pas pu, en commission parlementaire, faire entièrement la lumière sur tous ces aspects et rassurer la population à savoir si elle recevra toujours ce service de qualité qui était antérieurement entre les mains d'Urgences-santé et qui maintenant sera entre les mains de la nouvelle corporation qu'on appelle l'OSBL, et qui sera contrôlée par le syndicat qui s'appelle le RETAQ. C'est la nouvelle orientation qu'ont prise le ministre et le gouvernement, de faire dorénavant du RETAQ, l'organisme syndical qui défend les intérêts des employés syndiqués dans le service d'Urgences-santé, les nouveaux propriétaires et négociateurs avec le gouvernement. Ils devront négocier avec leur ancien patron le nombre d'ambulances dont ils auront besoin pour répondre aux besoins de la population à Montréal.

Alors, on est en train de régler actuellement le problème da Montréal et, de ce fait, nous sommes aussi en train d'étatiser le service ambulancier à Montréal, puisqu'on donne la permission au syndicat de racheter les permis des anciens propriétaires qui, de plus en plus, ont de la difficulté avec leurs fins de mois, parce qu'ils doivent subir des moyens de pression scandaleux - il ne faut pas avoir peur de certains mots - de la pari de certains syndiqués, de sorte que certains propriétaires, actuellement, ont des problèmes financiers.

Mais les mêmes personnes qui sont les instigateurs de ces problèmes pour les propriétaires d'ambulances, peu de temps après, se retournent, rachètent ces mêmes permis, devien- nent ainsi les propriétaires et maintenant peuvent prendre les décisions à leur convenance, pour faire en sorte que, petit à petit, l'ensemble du réseau de transport ambulancier à Montréal, sort les différentes ambulances, sort complètement entre les mains des nouveaux propriétaires, contrôlé par le RETAQ, c'est-à-dire par l'OSBL, la nouvelle corporation.

Donc, à brève échéance, nous aurons un service d'ambulance contrôlé par le syndicat, puisqu'il deviendra propriétaire. Et c'est cette façon de faire les choses que nous remettons en cause, cette façon de négocier peu habituelle, de sorte qu'on met de côté les propriétaires et qu'on donne toute la place au syndicat. Et même plus, on répond d'une façon sans borne à leurs pressions, à leur arrogance, parce qu'il y a eu arrogance. Il faut se rappeler qu'au mois de juin, lorsque nous étions en commission parlementaire, la salle était continuellement envahie par les représentants syndiqués, et ces gens nous avaient bien avertis qu'ils débrayeraient comme moyen de pression. Et on a eu droit au mois de juin à une démonstration de ce qu'ils sont capables de faire, c'est-à-dire un débrayage sur l'ensemble du territoire de Montréal, parce que ces gens avaient décidé que la façon de procéder devait aller dans le sens décidé, c'est-à-dire le sens du RETAQ et de la nouvelle corporation.

Et, nous, nous disons: Attention, c'est un danger pour la population montréalaise. On risque de créer un monopole et ces gens, lorsqu'ils auront à affronter un gouvernement qui s'oppose à des négociations qui ne vont pas nécessairement dans le sens convoité par les syndiqués, pourront, à ce moment-là, faire une pression inacceptable, prendre la population de Montréal en otage, et l'ensemble du système ambulancier sera complètement paralysé. C'est la qualité des soins qui sera mise en cause pour l'ensemble de la population de Montréal.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant pour la prochaine intervention, M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, je vais contredire notre collègue, le député de Fabre, qui disait tantôt qu'il retiendrait son agressivité. Moi, j'ai décidé qu'aujourd'hui c'était ma journée nationale d'agressivité contre ce gouvernement. Il y a déjà eu une première victime, ce matin, qui a été le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ce gouvernement nous avait dit qu'il était pour légiférer mieux et moins. Ah! Cela pour le moins, M. le Président, je peux vous dire qu'ils ont réussi cent milles a l'heure. Mieux, là il y a un ralenti. Je ne pense pas qu'ils ont dépassé la vitesse légale permise au Québec.

Le ministre délégué a déposé 44 amende-

ments, il y a à peine quelques heures, qui s'ajoutent à ceux qui avaient déjà été soumis en commission parlementaire. Donc, sur un projet de loi de 59 articles, il y a 116 amendements. Ce matin, je donnais l'exemple du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui dépose un projet de loi avec autant d'amendements qu'il y a d'articles dans le projet de loi. On a connu cela avec le ministre de l'Éducation, c'est pour cela qu'on est en commission parlementaire et que ça ne finit plus par finir. Il dépose un projet de loi qui a à peu près l'épaisseur de ma feuille de papier et une brique d'amendements où il y a, je ne sais pas, trois fois, quatre fois et peut-être cinq fois plus d'amendements - je pense qu'on l'a envoyée dans une caisse à mon bureau - que le projet de loi comme tel peut en contenir. On a connu cela avec la patronne du ministre, la ministre de la Santé et des Services sociaux qui nous avait présenté l'an dernier un projet de loi elle aussi qui contenait autant d'amendements par après qu'il y avait d'articles. Y a-t-il quelqu'un, dans cette salle - comme on posait la question: Y a-t-il un pilote dans l'avion? - y a-t-il un législateur de l'autre côté qui sait légiférer? Qu'il se lève, une fois pour toutes, et qu'on sache si oui ou non il y en a un. J'ai bien l'impression que, pour ce qui est de légiférer moins, cela a été réussi, mais comme législateur et dans le sens de déposer une loi qui se tient, plus broche à foin que le gouvernement actuel, je pense que c'est difficile à battre.

C'est quoi le problème du transport ambulancier dans la région de Montréal? J'ai été au conseil d'administration du centre hospitalier Saint-Luc à Montréal, c'est un hôpital universitaire de grande renommée et sans aucun doute un hôpital des plus importants au Québec; il y a Notre-Dame, tout à côté, où j'ai d'excellentes relations avec les membres du conseil et le personnel et il n'y a jamais eu de problème avec le transport ambulancier. Je n'ai jamais eu de discussions sur cela. Je n'ai jamais éprouvé le moindre problème. Le problème des urgences, de l'engorgement des urgences, Je suis bien d'accord avec vous, mais l'engorgement des urgences, cela n'a jamais été la faute des ambulances, ni des ambulanciers comme tels. Mais où est-il le problème des ambulances à Montréal? Je ne sais pas qui a trouvé ce malaise. Je ne sais pas si le malaise est identifiable à quelqu'un qui est malaisé à vivre, mais je n'ai jamais senti de malaise. En tout cas, à moins que le conseil d'administration de l'hôpital dont je faisais partie ait été composé d'aveugles, de sourds, d'inconscients, et ce n'était pas le cas, au contraire. Je pense qu'il y avait des personnes vraiment respectables dans cela. Je n'ai jamais constaté de malaise en ce qui a trait au transport ambulancier à Montréal. Cela fonctionnait très bien avec Urgences-santé. Le seul problème qu'il y ait eu malheureusement, cela a été les grèves illégales qui ont été faites à l'occasion et qui terrori- saient la population. Le seul malaise qu'on ait vu a été celui où, ne respectant pas tellement l'esprit de la loi, M. Cotton faisait distribuer des dépliants publicitaires durant la campagne à l'élection partielle dans le comté d'Anjou. À part cela, je n'ai jamais connu de problème avec le transport ambulancier dans la région de Montréal. Je ne sais vraiment pas ce qui se passe sur cela. L'Opposition, forcément, est contre ce projet de loi qui ne vient absolument rien régler et, tout au contraire, il s'en va tout droit vers un monopole. (23 h 50)

Je lisais, dans l'édition du samedi 10 décembre, du journal Les Affaires, un article de M. Gagné qui est fort intéressant. M. le Président, vous me permettrez de vous en citer quelques extraits: "Ambulances: Tout droit vers le monopole "...en métropole. Je pense qu'il n'y a pas de lapsus en disant cela. "Il y a une semaine, la coopérative des techniciens ambulanciers de Montréal a offert d'acheter tous les véhicules des derniers propriétaires privés d'ambulances de Montréal." On sait effectivement qu'avec un prêt consenti sans intérêt, plus celui de la CSN, on a réussi certaines choses, d'accord. Mais M. Gagné disait: "Quand on sait que ce dernier n'a reculé - quand il parlait de ce dernier, il parlait de M. Cotton, du syndicat, donc du premier en fin de compte - devant aucun moyen de pression dans le passé, y compris les grèves illégales, pour faire plier le gouvernement, il y a de quoi s'inquiéter. Or, c'est exactement vers un monopole du RETAQ dans les principales villes du Québec que nous mènent les ministres Thérèse Lavoie-Roux et Robert Dutil... Partisan avoué de l'étatisation, Mario Cotton s'est fait coopérateur pour les besoins de la cause. C'est une vocation tardive - comme le disait M. Gagné - M. Coton ayant déjà avoué publiquement que la formule coopérative n'était pas une solution à long terme. "Une fois que les propriétaires seront disparus, le RETAQ utilisera sa situation de monopole pour étirer à souhait le gouvernement. Et que ce dernier ne se rebiffe pas, car il recevra vite les clés des ambulances...". Bord en bord de la tête, pour employer une expression populaire. C'est bien ce qui va arriver. "Le Québec sera alors forcé de reprendre les véhicules après avoir mis les techniciens sur sa liste de paye comme le propose d'ailleurs le projet de loi 34 que le ministre a déposé. Alors, au nom de la justice la plus élémentaire, Québec doit demander à une firme externe de vérifier les chiffres des uns et des autres." M. Gagné concluait en disant: "Ce délai permettrait aussi de repenser le funeste projet de loi 34 - parce que cela ressemble bien plus à un corbillard qu'à une ambulance, à mon point de vue - ce délai permettrait aussi de repenser - je répète ce que M. Gagné disait - le funeste projet de loi 34 dont le principal mérite est de satisfaire la CSN."

Je suis bien d'accord pour satisfaire la CSN. J'ai bien des "chums" là-dedans. Je ne suis pas d'accord pour les satisfaire sur n'importe quoi et n'importe comment, etc. "En effet, ce n'est pas du transport ambulancier dont se plaignent les citoyens", c'est là-dessus que je reviens et c'est ce que je vous disais tantôt alors que je vous pariais de mon expérience de trois ans au conseil d'administration d'un hôpital extrêmement prestigieux de Montréal, l'hôpital Saint-Luc. "En effet, ce n'est pas du transport ambulancier dont se plaignent les citoyens. C'est au contraire des services d'urgence insuffisants et du manque de place dans les hôpitaux. Allez donc comprendre - il terminait là-dessus - l'entêtement du gouvernement dans ce dossier!"

M. le Président, c'est là effectivement la grande question. C'est connu que le gouvernement du premier ministre actuel a toujours été un gouvernement de panique, de réaction. On l'a vu, il y a la Cour suprême qui rendra son jugement, et le bunker est en état de siège. C'est juste s'il n'y a pas les barbelés alentour, tellement le climat est à la panique. Et je vois le leader adjoint du gouvernement qui m'indique qu'effectivement je ne suis pas loin de la vérité en disant cela. Donc, cela a toujours été un gouvernement de réactions, mais de réactions par contre complètement Incontrôlées. Le projet de loi est un remède de cheval pour une simple petite grippe qui pouvait exister à Montréal. Le problème de la cité - je parle de Montréal, je vous le répète - c'était l'engorgement des hôpitaux. Ce n'était pas le problème ambulancier comme tel, mais il n'y a rien là-dedans qui nous parle de la qualité.

Comme l'a dit mon collègue et mon chef d'ailleurs, le député de Jollette, ancien ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'est-ce qui va se passer à Chicoutimi? Qu'est-ce qui va se passer dans les grandes régions? Qu'est-ce qui va se passer dans les circonscriptions éloignées, justement comme la vôtre, M. le leader adjoint? La circonscription de Frontenac, on l'a dit tantôt à juste titre, a une étendue...

Une voix: Ce n'est pas une région éloignée.

M. Boulerice: Bien, pas une région éloignée... Vous n'êtes quand même pas à deux minutes de Saint-Luc. Alors, l'Hôtel-Dieu de Québec, ce n'est pas à votre porte. Donc, je pense que le commentaire qu'il faut faire au sujet de ce projet de loi, c'est de s'interroger sur la pertinence de laisser s'installer un monopole qui n'est pas uniquement syndical, mais aussi des services de transport ambulancier dans plusieurs régions du Québec. Non seulement le gouvernement laisse s'installer ce monopole, mais l'encourage par la société de développement.

A Montréal, les informations qu'on a nous indiquent que la coopérative fonctionne à perte, donc, le taux de productivité est inférieur et les coûts fixes et variables sont plus élevés que dans le cas des exploitants privés. Alors, dans quelle situation allons-nous nous trouver? Eh bien, même si ça semblait peut-être fait sur un ton badin, je vous le dis, ce n'est pas une ambulance, c'est un corbillard que le ministre essaie de faire rouler sur la route. Cela ne réglera absolument rien aux problèmes de fond, comme tels. Le ministre va être malheureusement la première victime de son projet de loi.

En conclusion, je dois vous avouer que c'est détestable, vous ne m'accordez que dix minutes pour discuter sur des projets de loi de cette importance, comme vous l'avez fait ce matin, lors de l'étude de la réforme de la sécurité sociale. Donc, Je pense que le ministre, s'il devait être tant soit peu raisonnable, retirerait ce projet de loi, referait ses classes. C'est un grand garçon; je pense qu'il est capable de dialoguer et d'imposer son autorité face à un leader qui est M. Cotton. Je pense qu'il est capable de se tenir debout, ce ministre, de reprendre ça, M. le Président...

Je sais que le temps file. Nous approchons de minuit et c'est pour ça que je dis au ministre, effectivement: Nous apprenons... Il est 23 h 55, M. le ministre, vous avez encore le temps de refaire ce projet de loi et d'arriver avec quelque chose qui va viser essentiellement la qualité des services comme tels, mais non pas les boîtes, comme c'est proposé dans le projet de loi, et que la population va voir une amélioration de la qualité des soins de santé. C'est une loi qui, en définitive, ne vient rien régler.

Le transport ambulancier, quant à la métropole, s'exerçait - je vous le répète - dans (es meilleures conditions grâce à Urgences-santé et pour, une rare fois, je n'entends pas les gens de l'autre côté dire: C'est la faute de l'ancien gouvernement. Mais c'est heureusement notre faute, car nous avons créé Urgences-santé et ça fonctionnait bien, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le ministre délégué à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux pour une intervention de cinq minutes, au maximum.

M. Robert Dutil

M. Dutil: M. le Président, je suis très heureux, ce soir, que l'Opposition ne conteste pas mon droit de réplique, comme cela a été le cas l'autre jour. Votre décision quant à la motion de clôture, à savoir que le droit de réplique appartenait au leader, je l'ai respectée. J'aurais souhaité, en demandant le consentement des députés de l'Opposition la dernière fois, qu'ils me permettent tout de même de m'expri-mer, après les avoir entendus sur la motion de clôture pendant plusieurs heures. Ils m'ont refusé ce consentement, me bâillonnant une deuxième fois en autant de minutes, sauf que, ce soir, j'ai

un droit de réplique qui est bien légitime, mais sur lequel je n'ai pas grand-chose à redire pour la raison suivante: Les députés de l'Opposition qui sont intervenus, ce soir, n'ont pas parlé du projet de loi. Ils ont plutôt parlé de la commission parlementaire, du fait qu'ils avaient discuté raisonnablement, semble-t-il, ce que je n'ai pas vu, du fait qu'ils souhaitaient faire un travail sérieux en commission parlementaire, ce que je n'ai pas vu, et ainsi de suite. Ils ont surtout parlé des à-côtés du projet de loi, des difficultés dans les relations du travail et de tout. Alors, c'est évident que je ne peux pas leur reprocher cela. Plusieurs députés sont moins familiers avec le projet de loi, du côté de l'Opposition; ils n'ont pas eu à intervenir. Mais je terminerai cette soirée en rappelant quelques éléments fondamentaux du projet de loi.

Le projet de loi dit ceci: Urgences-santé du CRSSS de Montréal. C'est une décision que nous avons prise, parce que nous considérons que le CRSSS de Montréal a d'abord et avant tout pour mandat de s'occuper d'orientation et de planification, comme tous les CRSSS du Québec, décision d'autant plus légitimée qu'Urgences-santé avait pris une ampleur considérable et occupait une bonne partie de la gestion, et décision d'autant plus légitimée que nous avions décidé également d'intégrer les techniciens ambulanciers de Montréal à la nouvelle corporation, ce qui a pour effet de grossir encore les opérations du service préhospitalier d'urgence.

Cette deuxième décision, quant à l'intégration des techniciens ambulanciers, M. le Président, nous l'avons prise parce que, depuis qu'a été créée Urgences-santé, il s'est établi une espèce de bris de lien d'emploi, une intervention d'un troisième intervenant, qui était Urgences-santé, auprès des employés et des propriétaires d'ambulances. Cela a amené des difficultés qui auraient pu être prévues par l'Opposition, mais je ne veux pas leur en faire le reproche, ils ne l'ont pas vu. Le système s'est développé avec ce ménage à trois très difficile à manoeuvrer, avec les conséquences qu'on a connues, avec les difficultés que le chef de l'Opposition a lui-même connues lorsqu'il était ministre de la Santé et des Services sociaux et qu'il a eu à travailler au dossier des ambulances. Il a vu qu'il y avait des frictions énormes et il a pris des décisions qui, à ce moment-là, n'ont malheureusement pas corrigé le système parce qu'à l'époque où M. le député de Joliette était ministre de la Santé et des Services sociaux, il faut se le rappeler, il n'était pas en position de faire une réforme de l'ampleur de celle que l'on fait. Pour faire une réforme comme celle que nous avons annoncée, cela prend un gouvernement qui s'entend et qui ne s'obstine pas sur les virgules quant à son programme; cela prend un gouvernement qui a une solidité et qui est capable, de longue haleine, de faire une réforme d'importance du service ambulancier. D'importance, parce que nous allons nous occuper des régions, ce que n'a pas fait le chef de l'Opposition. Le chef de l'Opposition a essayé de régler tant bien que mal Montréal, mais il ne s'est pas occupé des régions. Nous, nous allons nous en occuper, non seulement par le projet de loi quant aux centrales de coordination, mais par les autres dossiers qui concernent la réforme et que j'ai mentionnés: la stabilisation de l'emploi, c'en est un, le rehaussement de la formation, c'en est un autre, le rehaussement des standards des véhicules, c'en est un autre, le rehaussement des standards des équipements, c'en est un autre.

Alors, voyez-vous, M. le Président, en cinq minutes je suis capable de vous résumer une loi nécessaire, une loi qui aurait dû être faite il y a plusieurs années, une loi qui va permettre de rétablir un certain équilibre, recréer un lien d'emploi à Montréal et éliminer certainement une foule de tensions, une loi qui va permettre aussi au gouvernement, éventuellement, d'établir des centrales de coordination en province, mais cette fois-ci sous l'autorité d'un regroupement représentatif de propriétaires, évitant en province de faire ce qui a été fait à Montréal à l'époque, de briser le lien d'emploi.

Alors, M. le Président, je recommande fortement à l'Assemblée nationale d'adopter, dès ce soir si possible, le rapport de la commission, de telle sorte que nous puissions, demain, en arriver à l'adoption de la loi d'une façon définitive et donc mettre en application cette réforme nécessaire pour la qualité du service des soins préhospitaliers d'urgence en province et à Montréal. Merci.

Le Vice-Président: Le débat est maintenant terminé sur la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales et des amendements proposés au projet de loi 34, Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives. Est-ce que l'Assemblée est maintenant prête à se prononcer? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je demande le vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président: Donc, vote par appel nominal.

M. Lefebvre: Oui, vote par appel nominal. Je fais motion pour le reporter à la prochaine séance, aux affaires courantes.

Le Vice-Président: Très bien, il y aura donc vote par appel nominal sur cette prise en considération du rapport, vote qui aura lieu à la prochaine période des affaires courantes. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour ajourner les travaux au 14 décembre, à 10 heures.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. En conséquence, les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés au mercredi 14 décembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 5)

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