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(Dix heures dix minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement. Veuillez tous vous asseoir.
Présence du sénateur Luis Carlos Galan de Colombie
Avant de procéder aux affaires courantes, j'ai le plaisir de
souligner la présence dans les galeries du sénateur de la
République de Colombie, M. Luis Carlos Galan. M. Luis Galan.
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents.
Membres substituts du Bureau de l'Assemblée
J'ai reçu la lettre suivante de M. le whip en chef du
gouvernement: "M. le Président, par la présente, je vous informe
que Mme Pierrette Cardinal, députée de Châteauguay et M.
Real Gauvin, député de Montmagny-L'lslet, agiront
dorénavant comme membres substituts du Bureau de l'Assemblée
nationale en remplacement de M. Michel Després, député de
LJmoilou, et de M. Jean Leclerc, député de Taschereau. Veuillez
agréer, M. le Président...
Des voix: Bravo!
Le Président: ...l'expression de mes sentiments les plus
cordiaux." Et c'est signé: M. Yvon Vallières, whip du
gouvernement.
J'aimerais céder la parole à M. le vice-président
de l'Assemblée nationale et député de Laprairie pour sa
motion.
M. Saintonge: M. le Président, je fais motion pour que
l'Assemblée nationale adopte ces modifications a la composition du
Bureau de l'Assemblée nationale.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres
dépôts de documents?
Dépôt de rapports de commissions. M. le président de
la commission de l'éducation et député de
Sauvé.
Étude détaillée du projet de loi 106
M. Parent (Sauvé): M. le Président, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission permanente de l'éducation
qui a siégé les 25 et 30 mai 1989 afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 106, Loi sur
les élections scolaires. Le projet de loi a été
adopté avec amendement, M. le Président.
Étude détaillée du projet de loi 128
Je profite de l'occasion pour déposer aussi le rapport de la
commission de l'éducation qui a siégé le 6 juin 1989 afin
de procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 128, Loi sur les établissements d'enseignement de niveau
universitaire. Le projet de loi a été adopté avec des
amendements.
Étude détaillée du projet de loi 125
J'ai aussi, M. le Président, l'honneur de vous déposer le
rapport de la commission permanente de l'éducation qui a
siégé le 6 juin 1989 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 125, Loi modifiant
diverses dispositions législatives concernant les institutions dont le
régime d'enseignement est l'objet d'une entente internationale. Le
projet de loi a été adopté avec un amendement, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Sauvé,
vos trois rapports de commission sont déposés. Est-ce qu'il y a
d'autres dépôts de rapports de commissions?
Dépôt de pétitions.
Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.
Je suis prêt à reconnaître la première
question principale à M. le député de Lac-Saint-Jean et
whip en chef de l'Opposition.
M. Brassard: Est-ce que je pourrais demander la présence
du Procureur général?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président, le whip de l'Opposition
sait sans doute que le Procureur général était ici il y a
quelques instants. Est-ce qu'on peut s'assurer que le Procureur
général aura la chance de répondre aux questions qu'on lui
posera?
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en principale.
M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Sans aucun problème puisque ce matin on a
l'intention de lui poser des questions. Donc, il aura la possibilité de
donner les compléments de réponses tant qu'il le voudra.
Le Président: Votre message est bien compris, M. le leader
de l'Opposition.
Une voix: Vous êtes bien bons.
M. Gendron: On est bien bons, hein?
M. Jolivet: II est allé chercher son communiqué de
presse.
Le Président: Votre message est bien compris, M. le leader
de l'Opposition. M. le whip de l'Opposition, en principale.
M. Gendron: On commence.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Non-intervention du Procureur général
dans le dossier de révision du zonage à Laval
M. Brassard: M. le Président, dans le dossier du
dézonage à ville de Laval, la Commission de protection du
territoire agricole accédait, le 5 août 1985, à une demande
de dézonage présentée par Monit International pour une
superficie de 140 hectares. Je vous rappelle que le même président
de la Commission avait rendu deux décisions en 1980 et en 1981,
maintenant ces mêmes lots en zone agricole, et je voudrais les
déposer. On pouvait y lire: "Les demanderesses savent que si, avant la
fin du siècle, le développement est rendu sur ces lots, la loi
lui permet de soumettre à sa corporation municipale une nouvelle
demande."
Il semble bien que la fin du siècle est arrivée
très vite, une espèce d'accélération de l'histoire
puisque, en août 1985, dézonage. À la suite de cette
décision du mois d'août 1985, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation de l'époque, le
député de Lévis, mandatait le Procureur
générai dans ce dossier afin d'amener la Commission à
réviser cette décision d'exclusion. Cette décision
d'exclusion a fait l'objet d'une décision de révision en mai 1986
dans laquelle est intervenue le Procureur général et cette
décision en révision a renversé ou révoqué
la décision d'exclusion du mois d'août 1985. Par la suite, Monit
International est revenue à la charge et a obtenu le dézonage
sans que le Procureur général intervienne à nouveau. Il
avait disparu du dossier.
Ma question au Procureur général est la suivante. Comment
le Procureur général, après être intervenu en mai
1986 dans le dossier du dézonage pour renverser la décision
d'exclusion intervenue en août 1985, peut-il justifier de ne pas
être intervenu lors des deux demandes de révision
présentées, l'une, par Monit International et l'autre, par l'UPA
de Laval, et qui ont conduit finalement au dézonage de plus de 140
hectares de terres agricoles en mai 1988, à la suite d'une
décision rendue par les commissaires Scott, Ouimet et Meunier? Je
dépose les deux décisions de 1980 et de 1981.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le
dépôt des deux décisions?
Des voix: Oui.
Le Président: Documents déposés. M. le
ministre de la Justice.
M. Rémillard: Merci, M. le Président Je voudrais
remercier le député de Lac-Saint-Jean de sa question qui va nous
permettre de préciser certains éléments qu'il faut
comprendre dans ce dossier en ce qui regarde l'intervention du Procureur
général à la suite de la décision du 5 août
1985 de la Commission de protection du territoire agricole.
Donc, le 5 août, une décision est rendue, M. le
Président, et cette décision est fondée sur des
éléments qui amènent le gouvernement, c'est-à-dire
le Procureur général, à intervenir à la demande du
ministre de l'Agriculture. Le Procureur général intervient parce
qu'il s'agit d'un excès de juridiction, c'est-à-dire qu'V ne
s'agit pas de contester l'opportunité de la décision, mais bien
de contester la forme, la décision ayant été basée
sur l'article 69.1, la décision de fait ayant été
basée sur un décret qui devait venir, sur un projet, sur une loi
et sur une volonté législative qui devaient venir et, par
conséquent, qui n'étaient pas là au moment où ta
Commission a pris sa décision.
M. le Président, pour être le plus précis possible,
je me permets tout simplement de citer un passage des procédures du
Procureur général qui ont été
déposées dans cette affaire: 'Nos représentations ne
portent pas dès lors sur le mérite de la demande d'exclusion,
mais sur le caractère, sur le cadre législatif dans lequel la
décision de l'accorder et de la refuser doit être prise par la
Commission.' Le Procureur général a donc plaidé que la
Commission avait malheureusement confondu son rôle de conseiller
auprès du gouvernement et son rôle d'adjudication et qu'elle
avait, par conséquent, fait un excès de juridiction. Le Bureau de
révision a donné raison au Procureur général et,
par conséquent, la décision a été
révisée. Lorsqu'une autre décision a été
prise, cette autre décision a été prise sur un autre motif
de droit et le Procureur générai n'avait pas raison d'intervenir.
C'est pour ça qu'il n'est pas intervenu.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: M. le Président, le Procureur
général reconnaît-il qu'en refusant d'intervenir à
nouveau dans cette même demande de dézonage
présentée par Monit International il donnait indirectement le feu
vert aux commissaires de la Commission d'agir à leur guise? Comment
peut-il justifier son refus d'intervenir une deuxième fois alors que la
décision des commissaires Scott Ouimet et Meunier ne reposait uniquement
que sur des motifs d'ordre juridique allant à l'en-contre même des
arguments invoqués par le Procureur général une
première fois? Comment
peut-il justifier à ce moment son refus d'intervenir de nouveau
parce que sa plaidoirie, ses arguments juridiques avaient été
rejetés par la Commission de protection du territoire agricole? Au fond,
en refusant d'intervenir, ne disait-il pas à la Commission: Allez-y
gaiement, dézonez, je suis disparu de la carte? (10 h 20)
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, je voudrais
être clair sur un point important. Le Procureur général n'a
pas refusé d'intervenir. Je voudrais être bien clair
là-dessus. Le Procureur général n'a pas refusé
d'intervenir. Le Procureur général n'avait pas à
intervenir.
Je vais lire un autre passage de la procédure pour bien faire
comprendre toute la signification de ce que je viens de dire. En conclusion, le
Procureur général, dans sa procédure, était
représenté par Me Jules Brière, un avocat qui a
l'expérience dans ces causes. "En situant sa décision dans le
contexte d'une nouvelle délimitation de la zone agricole, la Commission,
à notre avis, a erré en droit en ce qu'elle a exercé la
fonction administrative que la loi lui confère à l'occasion de
l'adjudication d'une demande d'exclusion, assumant ainsi un pouvoir que la loi
a réservé au gouvernement."
M. le Président, dans la mesure où le Procureur
général plaidait ce point de droit et dans la mesure où la
Commission lui a donné raison, le Procureur général
n'avait plus de point de droit à faire valoir dans les autres
éléments qui ont suivi. Donc, le Procureur général
n'a pas refusé d'intervenir. Le Procureur général n'avait
plus à intervenir puisqu'il avait eu gain de cause.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: Le Procureur général est-il
disposé à admettre que s'il avait eu gain de cause une
première fois et que la Commission avait reconnu qu'il y avait erreur de
droit, une deuxième fois les commissaires Scott, Meunier et Ouimet ont
affirmé et décidé que c'était faux, qu'il n'y avait
pas eu erreur de droit allant à rencontre des arguments du Procureur
général. Pourquoi à ce moment-là n'est-il pas
intervenu? Pourquoi son gouvernement a-t-il refusé de contester devant
les tribunaux la décision d'exclusion rendue en février 1987 par
les commissaires qui mettaient en cause ses propres arguments invoqués
devant cette Commission? Est-ce que son étrange conduite dans ce dossier
n'est pas, finalement, à verser au dossier des aberrations du
ministère de la Justice depuis 1985 et s'ajoute...
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
M. Brassard: ...aux paiements d'honoraires à des
adversaires de la loi 101, à l'amnésie prolon- gée...
Le Président: M. le whip de l'Opposition.
M. Brassard: ...dans le dossier du poisson avarié?
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le whip de l'Opposition.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Sur une question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, je veux bien qu'on ait toute
la latitude voulue, mais le député de Lac-Saint-Jean, le premier,
sait qu'il viole nos règles de pratique en procédant de la
façon qu'il le fait. L'article 77 de notre règlement indique que
les questions ne peuvent être formulées de manière à
susciter un débat. Le moins qu'on puisse dire, quand la question traite
du dézonage agricole dans Laval et qu'on est rendu à parler de la
loi 101 et des honoraires des procureurs, c'est qu'on suscite un débat
qui n'est même pas pertinent à la question principale. Je vous
demanderais, M. le Président, d'être vigilant et de rappeler le
député de Lac-Saint-Jean à l'ordre.
Le Président: Avant de reconnaître M. le ministre de
la Justice, je vous avais rappelé quelques fois à l'ordre; vous
étiez en additionnelle. Et, en plus de cela, je pense que je n'ai pas
à vous rappeler trois paragraphes de l'article 77 qui n'avaient pas
été respectés. Vous avez posé votre question.
M. Brassard: C'est vrai, M. le Président, vous avez
raison. Ce serait tout à fait non pertinent de dresser la liste...
Des voix: Eh!
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Brassard:... des aberrations...
Le Président: Ce n'est absolument pas ça. Ce n'est
absolument pas ça. M. le ministre de la Justice. M. le ministre de la
Justice.
M. Rémillard: M. le Président, je veux
simplement apporter tous les éléments possibles dans ce
dossier pour qu'on comprenne la situation. Dans ce dossier, il s'agit d'une
commission qui a un pouvoir quasi judiciaire, c'est-à-dire qu'elle
décide de certains points qui peuvent mettre en cause le droit des
individus. Dans un tel dossier, le Procureur général est
intervenu, à
la demande du ministre de l'Agriculture, sur un cas d'excès de
juridiction, c'est-à-dire que la Commission avait basé une
décision sur des points de droit qui, de fait, ne relevaient pas de sa
compétence. Elle avait excédé sa juridiction. Le Procureur
général est intervenu et il a eu gain de cause. Pourquoi n'a-t-il
pas continué à intervenir? Parce que dans les autres causes, il
n'y avait pas d'excès de juridiction. C'est aussi simple que cela, M. le
Président.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle. En additionnelle.
M. Brassard: Le Procureur général est-il
disposé à admettre qu'en vertu de la loi, il aurait pu, compte
tenu du fait que la décision des commissaires Scott, Meunier et Ouimet
ne reposait que sur des arguments à caractère juridique, il
aurait dû - à mon avis en tout cas - contester cette
décision devant les tribunaux civils comme le lui permettait la loi? Au
moins reconnaît-il ça?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, il ne faut pas
mêler les choses et il faut bien comprendre que dans ce dossier le
Procureur général est intervenu, non pas sur l'opportunité
de la décision... L'opportunité de la décision c'est une
chose, c'est-à-dire que la Commission apprécie la preuve faite
devant elle et en fonction de cette preuve, elle prend sa décision. Le
Procureur général est intervenu sur une question d'excès
de juridiction, la Commission ayant confondu son rôle entre celui de
conseiller du gouvernement et son rôle d'adjudication. C'est strictement
sur une question d'excès de juridiction qu'on est intervenu. Dans la
mesure où la Commission a réalisé qu'il y avait eu
excès de juridiction, qu'elle a révisé sa décision
et qu'elle l'a refusée sans faire un tel excès de juridiction, le
Procureur général n'avait pas à intervenir.
M. le Président, je terminerai en disant qu'il faut quand
même bien comprendre que nous sommes ici dans un domaine quasi judiciaire
où le gouvernement crée un organisme quasi judiciaire pour
être indépendant et pouvoir, en toute justice, mettre en
application un point important qui gouverne notre société. Alors
ce n'est pas au gouvernement à agir par le Procureur
général sans qu'il y ait vraiment motif à le faire.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: M. le Président, dans ce dossier de
dézonage de la ville de Laval, après les allégations de
conflits d'intérêts impliquant certaines personnes, après
la mise en place de véritables fiefs fonciers par une poignée
d'individus, après la relance des activités des étrangers
en matière d'acquisition de terres agricoles...
M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.
Question de règlement. Question de règlement.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Je m'excuse de vous déranger, là, tout
le monde.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, tout le monde le sait, quand
on est en question complémentaire, on ne peut pas précéder
la question complémentaire de préambule. Ce n'est pas parce qu'on
commence l'intervention avec un point d'interrogation que ça la rend
acceptable.
M. le Président, si le député de Lac-Saint-Jean
veut faire un discours, qu'il soulève une autre façon de le
faire. À la période de questions, ce n'est pas la période
des discours, c'est la période où on pose des questions et des
questions complémentaires sans préambule. Voulez-vous, s'il vous
plaît, le surveiller, M. le Président?
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, je vous ai rappelé à l'ordre à quelques
reprises. J'ai également mentionné, en additionnelle...
M. Brassard: Est-ce que le ministre...
Le Président: Non, non! Non! Avant de vous
reconnaître... J'ai mentionné à deux ou trois reprises que
c'est pour une question additionnelle que je vous reconnaissais...
M. Brassard: Le ministre...
Le Président: J'aimerais que vous posiez votre question
additionnelle sans préambule.
M. Brassard: C'est ce que je fais.
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Le Procureur général, après
tout ce qu'on sait dans ce dossier et, pour se rattraper de sa
négligence, ne pourrait-il pas, de son propre chef, comme le lui permet
la loi, à titre de responsable de l'application des lois du
Québec, élargir lui-même le mandat trop étroit et
trop politique que lui a confié le premier ministre sur cette
question?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, je pense que le
député de Lac-Saint-Jean va comprendre que, comme Procureur
général, je ne commenterai pas des allégations de conflits
d'intérêts ou quoi que ce soit qui pourrait être dit en
cette Chambre. Tout simplement, comme Procureur général, c'est
mon premier devoir de faire en sorte que la loi soit respectée. Dans ce
contexte, mon ministère a déjà été saisi
d'une demande d'étude de tous les dossiers concernant les transactions
depuis 1985. Nous allons faire ces études. Lorsque les études
seront faites, que le rapport aura été fait, nous examinerons la
situation. Il faut être prudent dans ces choses et conscient qu'on doit
procéder avec le maximum de précautions pour protéger les
droits de tous et aussi, bien sûr, faire respecter la loi. Dans ce cadre,
premièrement, faisons l'étude que nous devons faire et, ensuite,
on verra. (10 h 30)
Le Président: Je vais reconnaître Mme la
députée de Chicoutimi pour une deuxième question
principale, ce matin.
Fermeture de lits dans les hôpitaux du
Québec
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Vérification
faite ce matin auprès de quelques hôpitaux, on apprend qu'à
l'hôpital du Sacré-Coeur qui est, je le rappelle, dans le
comté du premier ministre, il y a 1553 personnes en attente d'une
chirurgie. Dimanche, dans le même hôpital, il y avait 130 personnes
dans les services d'urgence prévus pour en recevoir 42. Il y en avait 85
à l'urgence et 45 qui attendaient pour une consultation, exactement 130
dans un espace prévu pour 42. À Chicoutimi, on n'opère que
les cas semi-urgents et, selon les termes mêmes du directeur des services
professionnels, ceux qu'il serait indécent de ne pas recevoir. Il y a 40
% des lits de fermés.
À l'Institut de cardiologie, ce matin, c'est 1065 personnes qui
sont en attente, soit d'une chirurgie ou d'hémodynamie. Au Centre
hospitalier de l'Université Laval...
Le Président: Votre question, madame.
Mme Blackburn: ...on ferme une salle d'opération. Il y a
1300 à 1800 lits de fermés au Québec, c'est du jamais vu,
c'est sans précédent parce qu'il n'y a pas de grève dans
les hôpitaux.
Le Président: Votre question, madame.
Mme Blackburn: Le pire de la crise reste à venir puisque
la CEQ...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît! Votre question, Mme la députée de Chicoutimi.
Votre question.
Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que la ministre a
pris connaissance du fait que le pire de la crise reste à venir puisque
la CEQ entreprend également... Les 3500 infirmières entreprennent
des mesures de pression. Qu'est-ce qu'elle fait, de façon
concrète, pour prévenir la crise de la fin de semaine, alors
qu'il y aurait plus de 3000 lits de fermés?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on sait que la
députée de Chicoutimi joue facilement avec les chiffres. Au
moment où... Pas au moment où nous nous parlons parce que,
malheureusement, ce matin, comme la période de questions est tôt,
je n'ai pas les statistiques pour la journée, mais je peux vous dire
qu'hier, il y avait 1097 lits de fermés et, avant-hier, il y en avait
1091. Alors, quand on parle de 3000 lits pour la semaine prochaine, j'aimerais
bien que la députée nous dise où elle prend ses
informations.
Revenons-en à l'hôpital du Sacré-Coeur puisqu'il y a
eu, en fait, un moment difficile à Sacré-Coeur avant-hier, alors
que l'urgence s'est trouvée surchargée. Je voudrais rappeler
à la députée de Chicoutimi, d'ailleurs qui ne s'en
rappellera pas, que même en temps de non-pression, en temps de
non-grève, du temps du Parti québécois, l'urgence de
Sacré-Coeur était tellement débordée que les
médecins avait été sur le point de fermer l'urgence.
Alors, prenons les choses calmement un peu, M. le Président.
Par contre, pour l'information de la population, je dois vous dire que
l'augmentation des moyens de pression pèse plus lourdement sur les
hôpitaux, au fur et à mesure que les journées passent. La
bonne nouvelle, si je peux dire, les nouvelles que j'ai de la table de
négociation, ce matin, sont dans le sens qu'on procède avec
diligence, que le climat est positif et qu'on avance sur les discussions
d'organisation de travail...
Le Président: En conclusion, madame.
Mme Lavoie-Roux: ...la tâche, etc. M. le Président,
c'est parce que c'est important, ce n'est pas parce que je veux prendre trop de
temps.
Le Président: II va y avoir des additionnelles, plusieurs
additionnelles, madame.
Mme Lavoie-Roux: Ah, il y a plusieurs additionnelles!
Alors...
Une voix: Ils vont l'ont dit.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Un prophète.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je vais attendre les additionnelles, M.
le Président.
Le Président: Mme la députée de Chicouti-mi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: M. le Président, on apprend avec plaisir
que la ministre aurait civilisé la médecine de guerre, tant
mieux. Il n'en demeure pas moins...
Le Président: Votre question, madame.
Mme Blackburn: ...qu'il y a des milliers de personnes en attente
de chirurgie.
Une voix: Question.
Le Président: Votre question, madame.
Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que la ministre a
pris la peine de vérifier ce qu'il en était dans les
hôpitaux spécialisés et semi-spécialisés
parce que c'est là qu'il y a le plus d'interventions chirurgicales
majeures et aussi le plus de problèmes? Est-ce qu'elle a
vérifié, comme je l'ai fait ce matin, dans les hôpitaux que
je viens de citer...
Une voix: Elle vient de se lever.
Mme Blackburn: ...si les chiffres que j'ai fournis étaient
exacts? Est-ce qu'elle a visité, comme je l'ai fait, les services
d'urgence de l'hôpital du Sacré-Cur? Si elle l'a fait et
qu'elle n'est pas inquiète, elle a des problèmes.
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai été
dans quelques hôpitaux récemment et je dois vous dire que tous les
matins je m'enquiers de la situation dans les hôpitaux, les situations
qui peuvent être plus difficiles. Je sais que la députée de
Blackburn se targue d'être allée à l'hôpital du
Sacré-Coeur...
Des voix: Chicoutimi.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: ...en compagnie de la candidate péquiste
à la prochaine élection.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lavoie-Roux: J'ai su ça. C'est correct, M. le
Président, je pense que c'est...
Des voix: II faut le dire.
Mme Lavoie-Roux: ...tout à fait correct. Je n'ai pas
d'objection. C'est leur droit.
Une voix: Elle était malade...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Allez, madame.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que la
députée de Chicoutimi sait que c'est à plusieurs reprises
par jour que nous nous enqué-rons de l'état de la situation dans
les hôpitaux. Encore une fois, je le répète, au fur et
à mesure que les difficultés ou les moyens de pression continuent
dans les hôpitaux, la pression augmente, mais encore, au moment où
nous nous parlons, nous répondons aux urgences. Les services essentiels
sont rendus. Il y a - et je l'ai dit la semaine dernière - une
diminution dans le cas de la chirurgie élective. Mais la
députée de Chicoutimi peut bien nous dire qu'i y a 1500 personnes
en attente à un endroit et à un autre. On sait que c'est
très difficile de connaître, d'une façon assez
précise, le nombre de personnes qui sont sur les listes d'attente. Qu'il
y en ait, c'est exact. Que ça surcharge les listes d'attente, c'est
exact, M. le Président. Mais elle peut bien nous lancer n'importe quel
chiffre, elle serait incapable de les valider.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: M. le Président, j'invite la ministre
à faire les mêmes vérifications auprès des
hôpitaux que j'ai cités et elle va avoir les mêmes
réponses. Est-ce que la ministre trouve la situation actuelle normale,
alors que - je le lui rappelle -H n'y a pas de grève dans les
hôpitaux? Et comment qualifie-t-elle cette situation alors qu'il y avait
deux fois moins de lits de fermés dans les hôpitaux du
Québec et que le chef du Parti libéral se promenait au
Québec et qu'on disait: Bourassa qualifie de négligence
criminelle l'attitude du Québec dans les hôpitaux? Comment
qualifie-t-elle...
Des voix: Ah!
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Des voix: Répondez.
Mme Blackburn: ...la situation actuelle...
Une voix: La question est posée.
Le Président: Vous avez posé votre question,
madame.
Mme Blackburn: ...M. le Président, de...
Le Président: Vous avez posé votre question,
madame.
Mme Blackburn: ...médecine de guerre civile?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que j'ai eu
l'occasion de le dire dans cette Chambre. Un des problèmes importants
auxquels la main-d'oeuvre infirmière fait... Écoutez!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Un des problèmes importants auxquels la
main-d'oeuvre infirmière fait face c'est l'organisation du travail, la
multiplication des postes à temps partiel qu'il nous faut convertir,
pour un certain pourcentage, le plus rapidement en postes à temps plein.
Mais ce qu'il ne faudrait pas oublier, et ça, l'Opposition et
particulièrement la députée de Chicoutimi semblent
l'oublier, si on en est à cet état de choses... Oui, c'est votre
faute.
Des voix: Ah!
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît! En conclusion, madame. À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on recueille les
difficultés créées par des coupures et des compressions
budgétaires dans le réseau de la santé qui
s'élèvent à 700 000 000 $ sous le gouvernement du Parti
québécois.
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle.
Mme Blackburn: M. le Président, plus sérieusement,
parce que je ne prendrai pas la peine de relever ça, parce que
après trois ans de pouvoir...
Le Président: Votre question, madame.
Mme Blackburn: ...trois ans et demi, elle devrait avoir un peu
commencé à gérer.
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Votre question, madame.
Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que...
M. Gratton: Question de règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une
question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, pourriez-vous rappeler
à la députée de Chicoutimi que, si ce n'est pas lapeine de le rappeler, de ne pas le rappeler, s'il vous plaît?
Le Président: Mme la députée de Chicoutimi,
en additionnelle. (10 h 40)
Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que la ministre a
l'intention de mettre toute la pression sur les négociations de
manière que ça se règle avant qu'on atteigne le maximum de
la crise et qu'on plonge les hôpitaux dans le marasme? Parce que c'est
ça qui est en train de se faire. Est-ce que la ministre a pris
connaissance de l'étude de l'Association des hôpitaux du
Québec qui estime que si ce gouvernement avait investi le même
pourcentage du produit intérieur brut que le précédent
gouvernement au cours des trois dernières années, c'est un
demi-milliard de dollars de plus qu'il y aurait dans les hôpitaux?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce qui compte, c'est
l'argent qui a été mis et c'est au-delà de 1 000 000 000 $
dans la santé et les services sociaux et non pas des coupures de 700 000
000 $, premièrement. Vous me permettrez devant, tout à coup, la
conscience sociale très éveillée de l'Opposition, de vous
citer ce que certains anciens ministres disaient. Le ministre Johnson disait:
Le système souffre - pour excuser les coupures et les compressions -
d'un excès d'appétit qu'il faut freiner. Nous roulions en
Cadillac, il faudra maintenant utiliser une Volkswagen - le ministre
Bérubé. Écoutez la dernière, M. le
Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Pierre Marc Johnson.
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Madame.
Mme Lavoie-Roux: La dernière que je vous citerai, M. le
Président: Les coupures opérées, même si elles
choquent quelques spécialistes, n'auront guère d'effets sur le
public. - Le ministre Parizeau.
Cela étant dit, ce que je veux dire à la population, c'est
que, quotidiennement, plusieurs fois par jour, nous surveillons la situation de
très près et des représentants du Conseil des services
essentiels suivent également la situation de très près. Je
peux assurer la population à ce moment-ci que les services essentiels
sont rendus, que les urgences ne sont pas fermées, qu'il y a encore
beaucoup d'admissions électives en chirurgie et que si nous devions agir
à un moment donné parce que la situation était rendue
trop difficile, nous agirons. Nous avons pris nos responsabilités
dans le passé sans écraser les travailleurs. Nous les prendrons
encore si c'est nécessaire.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Lévis,
en principale. M. le député de Lévis en principale.
Plan de rationalisation des services régionaux
de Via Rail au Québec
M. Garon: M. le Président, le journal Globe and Mail,
d'avant-hier, citant un rapport interne de Via Rail, indiquait que Via Rail
s'apprête à effectuer 3500 mises à pied parmi ses 7000
travailleurs. De plus, selon cette même source, Via Rail
éliminerait tous ses services régionaux au Québec, qui
sont au nombre de 33 et il y aurait même des coupures dans sa ligne - le
corridor le plus rentable - Québec-Toronto. On dit, pendant ce
temps-là que, comme d'habitude, apparemment les services vont augmenter
dans l'Ouest, dans les Rocheuses.
J'aimerais savoir du ministre s'y a été avisé par
son ami Benoit Bouchard, député de Rober-val, ministre des
Transports du Canada, de ce pian de rationalisation de Via Rail d'autant plus
que le ministre lui avait fait des demandes au mois de mars, l'avait
rencontré et avait fait des demandes de moratoire qui avaient
été rejetées et que le ministre lui avait dit de s'occuper
de ses routes pendant qu'il s'occuperait de ses trains. Est-ce qu'au moins il
l'a avisé du plan de rationalisation qu'il a l'intention de faire au
Québec pour Via Rail?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Dans sa volonté
coutumière de vouloir en embrasser bien large, le député
de Lévis mêle toute une série de choses. Il est clair que
depuis le budget fédéral, et même avant, M. Bouchard a
tenté à quelques occasions de rassurer les citoyens du
Québec quant aux services de Via Rail, mais sans jamais laisser entendre
qu'il pourrait maintenir le niveau actuel de services. Il y avait en cours, de
par ia volonté de Via Rail, une étude à laquelle
étaient associés les principaux maires du Québec, en
particulier, M. Doré et M. Jean Pelletier, qui devait aboutir au mois de
juin et qui serait un guide quant aux recommandations et aux applications que
pourrait retenir le gouvernement fédéral.
Lors d'une rencontre, le 8 mars dernier, nous avons fait des
représentations quant à Via Rail. Nous avons continué
à le faire depuis ce temps. J'ai rencontré personnellement le
maire de Québec et le maire de Montréal au sujet de Via Rail et
ceux-ci doivent à nouveau rencontrer très prochainement M.
Bouchard pour lui faire part de leurs appréhensions quant aux coupures
de services. Il est extrêmement important de considérer que nous
sommes dans une situation où 1 y a le corridor Québec-Windsor
mais 1 y a aussi le reste des régions du Québec qui auront besoin
que le service soit maintenu. Quant aux déclarations que j'ai faites au
Devoir, il y a quelques semaines, je n'ai absolument rien à
retirer, malgré le fait que je m'occupe de mes routes et qu'il s'occupe
de ses trains.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Jolivet: On manque d'argent pour les routes, par exemple.
M. Garon: M. le Président, au lieu de se cacher
derrière le maire de Montréal qu'il appelle le prince de
Montréal, le ministre pourrait-il nous dire ce qu'y a fait pour les
transports? Qu'a-t-ï fait pour que le plan de rationalisation de Via Rail
ne coupe pas au maximum les services au Québec? Est-ce qu'l a
été avisé des coupures de ce plan de rationalisation de
Via Rail au Québec ou s'il va l'apprendre dans les journaux comme tout
le monde?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): D'abord, je n'ai pas
à me cacher derrière le maire de Montréal. Le maire de
Montréal fait les représentations qu'i juge importantes, que ce
soit au gouvernement du Québec ou au gouvernement d'Ottawa. Quant
à vouloir ramener les histoires du pian de transport de Via Rail, cela
ressemble un peu à quelqu'un un peu perdu dans le décor et qui
cherche des éléments pour mettre un peu de piquant. Alors je vous
les laisse.
Dans le cas du ministère des Transports, ce n'est certainement
pas avec les dossiers que vous m'aviez laissés sur le plan du transport
ferroviaire et des personnes qu'on pouvait faire des choses. Mais le
ministère a travaillé et appuyé des régions telles
que l'Abitibi pour éviter l'abandon des lignes de chemins de fer et du
transport des marchandises. Cette région a été
appuyée par le ministère des Transports comme jamais une
région ne l'avait été auparavant, ni même sous votre
gouvernement, dans le but d'éviter les abandons, devant l'Office
national des transports, et la bataille continue. Cela a été
comme ça pour toutes les demandes d'abandon de tronçons de
chemins de fer, à la fois dans le transport des passagers et dans le
transport des marchandises. Vous n'avez rien appris à personne en
faisant une petite conférence de presse un vendredi matin, en reprenant
pour l'essentiel des documents qu'on avait rendus publics.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ...en février
1987.
Vous n'apprenez rien à personne.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, à part de rendre
publiques les coupures du gouvernement fédéral dans les chemins
de fer... Je pose une question au ministre. Cette fois-ci, cela ne concerne pas
le transport des marchandises. Je lui demande s'il est au courant du plan de
rationalisation de Via Rail au Québec. Il a souvent fait allusion
à son amitié pour Benoît, Benoît Bouchard. Est-ce
qu'il est son ami, dans cette amitié non payante? Il a dit que, pour
lui, l'amitié était gratuite. Est-ce qu'il a pris le temps, entre
deux cafés, de lui dire ce qu'il avait l'intention de couper au
Québec dans le plan de rationalisation de Via Rail? Il y a plusieurs
garages de réparation de chemins de fer à Montréal qui
sont actuellement en cause et, si on veut couper tous les services au
Québec... C'est ce qui était écrit dans le Globe and
Mail de mardi dernier: Tous les services de chemins de fer de la
région de l'Atlantique dont fait partie le Québec seraient
coupés. Le ministre peut-il nous dire s'il est au courant ou non? C'est
facile, c'est oui ou non. Est-ce qu'il est au courant de ce plan de
rationalisation de Via Rail? Devant les coupures qui s'annoncent, quelle est sa
nouvelle stratégie, maintenant qu'il a essayé l'amitié et
la colère et que cela n'a rien donné?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, les
électeurs du comté de Lévis ou Les
Chutes-de-la-Chaudière seront à même, au cours des
prochaines élections, de comparer le candidat que nous offrons en
alternative, M. Therrien, que je salue dans les galeries, à un style
échevelé comme le sien.
La machine du député de Lévis s'emballe; elle est
folle, folle, folle. C'est dangereux sur les chemins de fer quand ça
s'emballe comme ça; ça risque de faire des accidents. Mais on
n'est pas dans ce domaine-là. On est dans un domaine beaucoup plus
calme, où il faut travailler les choses une par une tout en respectant
les juridictions de chacun et en s'assurant de faire les représentations
aux bonnes places. J'ai compris que, si je les faisais auprès de vous,
ce ne serait certainement pas à la bonne place.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Le ministre des Transports a affirmé que,
comme ministre des Transports, il a défendu le transport ferroviaire en
Abitibi-Témiscamingue et je pense que c'est exact. Alors, comment
peut-il expliquer l'absence de son collègue, le ministre
régional, et celle du député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui ne sont même pas venus aux
auditions? Le seul qui était présent, c'est celui qui vous
parle.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
d'abord, l'OPDQ et le ministère des Transports se sont associés
à l'Abitibi pour faire une étude systématique et en
profondeur sur les chemins de fer, et ça, c'est sous notre gouvernement.
Première des choses. Cette décision a été prise en
parfaite harmonie avec mes collègues d'Abiti-bi-Est et de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. (10 h 50)
Par la suite, le ministère a appuyé jour après jour
les gens de l'Abitibi dans les audiences. Bien sûr, dans le cas du
député d'Abitibi-Ouest, il s'est montré le portrait parce
que ça donne un peu de visibilité. Cela, c'était la photo.
La photo, c'est toujours important. Maintenant que vous avez fait votre parade,
on est dans une situation où il y aura d'autres audiences publiques et
chacun fera son travail, mes collègues, à la fois de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue et d'Abitibi-Est n'ont certainement pas de
leçon à recevoir du député d'Abitibi-Ouest pour
défendre les intérêts de l'Abitibi.
Le Président: En quatrième principale ce matin, M.
le député de Taillon.
Mesures pour favoriser l'intégration des
immigrants à la communauté francophone
M. Filion: Oui, M. le Président. Le 1er juin dernier, le
Conseil de la langue française a rendu publique une importante
étude sur les tendances démolinguistiques sur l'île de
Montréal. Ces données sont plus que préoccupantes. En
s'ap-puyant sur les recensements ainsi que sur les statistiques de
décès et de naissance, l'auteur de l'étude démontre
que chaque fois que la population non francophone de l'île de
Montréal augmente de 100 individus, la majorité francophone,
elle, ne s'accroît que de 13 à 20 personnes.
De fait, il s'avère qu'à l'heure actuelle, moins de 20 %
des francophones du Québec vivent en contact avec 75 % des allophones.
On admettra que ce n'est évidemment pas de nature à favoriser
l'intégration. Le premier ministre du Québec, en réaction
à ces données, s'est dit inquiété et a
déclaré, croyez-le ou non, j'espère que ça va faire
réfléchir certains de nos amis anglophones.
Le Président: Votre question.
M. Filion: Moi, j'espère que ça a fait
réfléchir les membres du gouvernement. Dans ce sens, ma question
s'adresse au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française. Quelles sont les mesures concrètes, immédiates
et vigoureuses que le gouvernement a
entreprises ou entreprendra pour favoriser l'intégration de cette
importante immigration? Par exemple, à quand la francisation des petites
entreprises? À quand les cours de français accessibles
gratuitement à tous les allophones? À quand la reconnaissance du
droit à des services en français pour les immigrants, tels que
reconnus par le projet de loi 191?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Ryan: D'abord, l'étude du Conseil de la langue
française à laquelle fait allusion le député de
Taillon demande à être examinée soigneusement. J'en ai
commencé l'étude. Je n'ai pas terminé. Il faut confronter
les résultats de l'étude de M. Paillé avec d'autres
travaux qui ont été faits en matière de démographie
métropolitaine. Les choses ne sont pas toujours aussi simples qu'on peut
le penser. Il y a des concepts de base dans cette étude qu'il faut
serrer de près.
Quand on parle d'allophones, on laisse entendre que ce sont des gens qui
ne parleraient pas le français. "Who knows?" Il y a des
vérifications plus poussées à faire. Il faut éviter
de se laisser emporter par des catégories abstraites qui conduisent
souvent à des conclusions erronées. Nous sommes à
approfondir ces choses et il n'y aura sûrement pas de mesures
instituées en fonction d'une étude comme celle-là avant
que les prochaines élections n'aient eu lieu. J'aime autant dire au
député de Taillon qu'en toute conscience des mes
responsabilités, je ne serai pas prêt à faire de
recommandations au gouvernement ce mois-ci à partir de cette
étude.
Maintenant, à propos des questions précises qu'a
posées le député de Taillon, j'ai déjà
fourni beaucoup d'éléments de réponse en cette Chambre.
À l'occasion du débat sur la motion de blâme de
l'Opposition que nous allons discuter tantôt, j'aurai l'occasion
d'apporter d'autres éléments de réponse en ce qui touche
ces questions.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Oui, M. le Président. Le ministre
conviendra-t-il qu'on n'a pas besoin d'étudier longtemps pour se rendre
compte que l'essentiel de l'immigration allophone vient sur l'île de
Montréal et est en contact avec un pourcentage proportionnel diminuant
de francophones? On n'a pas besoin d'étudier d'un couvert à
l'autre pendant trois ans à l'Université de Montréal pour
se rendre compte de ça.
Je lui demande quelles mesures concrètes et immédiates le
gouvernement entend prendre pour faire en sorte que cette immigration puisse
s'intégrer à la majorité francophone dans les meilleurs
délais.
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Ryan: Cela nous ramène à la question de
tantôt. Le député demandait: Quelles mesures le
gouvernement prend-il pour favoriser l'intégration des immigrants
à la communauté francophone? Il y a beaucoup de mesures. Il y a
à peine quelques mois, un programme de 7 500 000 $ a été
annoncé pour favoriser l'accès des immigrants à des cours
de langue française, surtout les immigrants qui veulent se qualifier en
vue du marché du travail. Nous avons annoncé un programme
spécial de 10 000 000 $ dont une partie importante sera consacrée
au renforcement des services d'encadrement pour les enfants d'immigrants qui
sont dans nos écoles françaises.
Voilà des mesures constructives qui, sans enfermer les immigrants
dans un carcan, leur donnent des chances de s'intégrer davantage
à la communauté francophone.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Le ministre ne convient-il pas que d'augmenter le
pourcentage de l'immigration francophone... En deux mots, si on reçoit
des immigrants qui parlent déjà français, leur
intégration sera plus facile au Québec. Dans ce sens, comment
peut-on faire confiance au gouvernement alors que l'on sait que, depuis 1985,
le nombre d'immigrants accueillis qui connaissaient le français
seulement est passé de 24 % à 18 % et que le nombre de ceux
connaissant l'anglais est passé de 25 % à 31 % et ce entre 1985
et 1987? Là, on s'apprête à recevoir, pour les
années qui viennent, 35 000 à 40 000 immigrants qui seront soumis
à la même proportion.
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française. M. le ministre.
M. Ryan: Je pense que la question conviendrait plus si elle
était adressée à ma collègue, la ministre de
l'Immigration. Mais, a priori, je serais porté à dire au
député que s'il peut en trouver par milliers, comme il semble le
suggérer, des immigrants francophones, qu'il indique où on va les
trouver. Le problème de l'immigration est bien plus complexe que
l'imagine le député de Taillon. On ne décide pas de les
amener ici seulement en en parlant en Chambre.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en principale ou
en additionnelle?
M. Chevrette: Oui, M. le Président, c'est en
principale.
Le Président: En principale.
Financement des services ambulanciers par le CRSSS de
Montréal
M. Chevrette: Je voudrais demander à Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux si elle peut confirmer ou infirmer le fait
qu'elle a autorisé le Conseil régional de la santé et des
services sociaux de Montréal à emprunter 10 000 000 $ pour
financer les services ambulanciers. Est-ce que c'est normal? C'est une nouvelle
politique que le gouvernement finance par le service de la dette un service
direct à la population. Comment se fait-il qu'ils n'ont pas de
crédits pour s'administrer?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je regrette de ne
pouvoir répondre à la question précise du chef de
l'Opposition. Je vais obtenir l'information.
M. Chevrette: Dans ce cas-là, M. le
Président...
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: ...je demanderais à Mme la ministre toutes
les informations que j'aimerais avoir, d'un seul trait.
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Chevrette: J'aimerais savoir, en même temps, M. le
Président, si le décret du 23 décembre 1988 a
été corrigé en ce qui regarde l'argent à aller
chercher pour le système ambulancier de la Régie de l'assurance
automobile du Québec. J'aimerais savoir s'il y aura un amendement
à la Loi sur la Régie de l'assurance automobile pour permettre
à la régie de déroger à l'article 45 de la Loi sur
la Régie de l'assurance automobile qui dit que la régie doit
payer l'individu et non pas un conseil régional de services de
santé. J'aimerais savoir également si le gouvernement a
l'intention d'injecter les sommes en crédits plutôt que sur le
service de la dette pour payer un service qui est censé être une
nouvelle politique gouvernementale.
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le chef de l'Opposition
m'avait posé cette question il y a quelque temps et je lui avais dit
qu'il y avait des divergences d'interprétations au plan juridique. Je
peux lui dire aujourd'hui que l'interprétation finale qui a
été retenue, après des opinions du ministère de la
Justice et autres, c'est que la loi nous permet de procéder sans
modifications à apporter au décret.
Le Président: Fin de la période
régulière de questions et réponses orales.
Ce matin, il n'y a pas de vote reporté.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, avant de donner les avis
touchant les travaux des commissions, je voudrais indiquer, pour le
bénéfice des députés qui se rendront justement en
commission, qu'à 13 heures ou juste avant, il y aura un vote ici,
à l'Assemblée nationale, sur la motion privilégiée
que vous appellerez aux affaires du jour. (11 heures)
Avis touchant les travaux des commissions
Cela dit, M. le Président, j'avise l'Assemblée
qu'aujourd'hui de 11 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 18 h 30,
à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement
et des équipements poursuivra l'étude détaillée du
projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur la Société
d'habitation du Québec et le Code civil en matière de bail d'un
logement à loyer modique; de 11 h 30 à 13 heures et de 15 heures
à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine; la commission
des institutions procédera à l'étude
détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre
indiqué: le projet de loi 145, Loi sur le Curateur public et modifiant
le Code civil et d'autres dispositions législatives; le projet de loi
140, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne
concernant la Commission et instituant le Tribunal des droits de la personne;
le projet de loi 142, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse; le
projet de loi 141, Loi sur les Cours municipales et modifiant diverses
dispositions législatives; le projet de loi 148, Loi modifiant la Loi
sur les huissiers et le projet de loi 137, Loi modifiant diverses dispositions
législatives concernant l'application du Code de procédure
pénale.
Finalement, Mme la Présidente, de 11 h 30 à 13 heures, de
15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la
salie du Conseil législatif, la commission du budget et de
l'administration procédera à des consultations
particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 133, Loi
modifiant la Loi sur l'assurance automobile.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement. Y
a-t-il consentement pour que la commission de l'aménagement et des
équipements puisse siéger de 14 h 30 à 16 h 30, et ce,
conformément à l'article 143 de nos règlements?
M. Gendron: II y a consentement.
La Vice-Présidente: Consentement. Si vous me le permettez,
je vous avise que ce matin, après les affaires courantes, la commission
de l'économie et du travail se réunira à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, afin de procéder à l'élection
du vice-président de la commission et que la commission de
l'aménagement et des équipements se réunira à la
salle Louis-Joseph-Papineau afin de procéder également à
l'élection de son vice-président.
Cet avis étant donné, cela met fin aux avis touchant les
travaux des commissions.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Nous allons maintenant passer aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée. M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Oui, mais j'ai un renseignement à demander
dans l'ordre, Mme la Présidente. Voici la question que je voudrais poser
au leader du gouvernement. Aujourd'hui, le ministre de l'Éducation
devait déposer un rapport d'enquête important sur la question de
la commission scolaire Davignon. Il a lui-même indiqué
publiquement en cette Chambre, et l'a repris par communiqué, qu'il
déposerait aujourd'hui le rapport d'enquête sur la commission
scolaire Davignon. J'ai appris il y a quelques minutes par lui-même que
le dépôt n'aurait pas lieu aujourd'hui. Je voudrais
connaître du leader du gouvernement les raisons pour lesquelles un tel
rapport, que le ministre lui-même s'était engagé à
déposer aujourd'hui, ne serait plus déposé.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Après avoir
pris l'information auprès de mon collègue, le ministre de
l'Éducation, les raisons pour lesquelles il n'a pas déposé
le rapport aujourd'hui sont d'ordre administratif. Il m'a, par contre,
indiqué que dès demain il rendra ledit rapport public.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement. Y
a-t-il d'autres renseignements? Il n'y a pas d'autre renseignement. Je vais
donc mettre fin aux affaires courantes.
Nous allons procéder maintenant aux affaires du jour.
Nous avons une affaire prioritaire inscrite aux affaires du jour.
Motion de censure blâmant
le gouvernement de faire de nouvelles
promesses électorales au lieu de
réaliser
ses engagements reniés de 1985
En effet, M. le chef de l'Opposition a déposé une motion
de censure et cela, en vertu de l'article 304 de nos règlements. Cette
motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec
blâme sévèrement le gouvernement libéral de terminer
son mandat en formulant de nouvelles promesses électorales plutôt
que de travailler à réaliser ses engagements reniés de
1985, notamment dans les domaines de la santé, de l'environnement, de la
politique familiale et de la promotion de la langue française."
Si vous me le permettez, M. le chef de l'Opposition, avant de vous
reconnaître, j'aimerais informer cette Chambre de l'entente qu'il y a eu
entre les leaders pour le partage du temps. En effet, le temps sera
partagé moitié-moitié pour chacun des groupes
parlementaires. On gardera une réplique de quinze minutes et le
débat devra se terminer dix minutes avant la fin de la séance,
soit aux alentours de 12 h 50. Le vote, puisqu'il y aura vote
enregistré, se fera vers 12 h 50, mais on appellera les
députés par les cloches cinq minutes avant 12 h 50.
Cela étant dit, M. le chef de l'Opposition, je vais vous
reconnaître pour votre motion de blâme. M. le chef de
l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Mme la Présidente, je veux vous faire part
que vous pourrez nous arrêter après 25 minutes pour notre premier
droit de parole et dix minutes pour chacun des deux intervenants, de notre
côté. Je vous remercie, Mme la Présidente.
Je voudrais présenter une motion de blâme. Je pense que
nous vivons présentement la dernière session du présent
mandat du gouvernement. Selon les annonces faites par le premier ministre, je
ne pense pas qu'on ait à revenir en cette Chambre au mois d'octobre,
puisqu'on sera sans doute en élections. Il est du devoir de l'Opposition
d'étaler au grand jour l'attitude et l'administration du présent
gouvernement et c'est ce que j'ai l'intention de faire au cours des quelques
minutes qui me sont allouées.
Tout d'abord, parlons de l'échec, des échecs puisqu'il n'y
a pas qu'un échec. Dans le domaine de la santé, ce gouvernement,
qui nous accusait de pratiquer une médecine de guerre, ce gouvernement
qui ne se gênait pas quotidiennement pour déplorer le type de
politique que nous avions, n'a même pas souscrit, dans une politique
finale et globale, aux principes fondamentaux de la commission Rochon. On en
est à des énoncés de principe qui feront
éventuellement partie d'une politique. Mais, après trois ans et
demi au pouvoir, on n'a même pas accouché d'une politique en
matière de santé. Mme la ministre a fait une tournée
éclair où les individus et les groupes avaient deux minutes pour
s'exprimer, alors qu'ils avaient pris le temps de le faire longuement devant la
commission Rochon, pour en arriver à produire non pas une politique
gouvernementale avec les crédits qui s'imposent, mais un document
contenant des énoncés de principe même pas
accompagnés des budgets nécessaires
pour les réaliser. Cela, c'est clair.
Je comprends ça, parce que j'ai été ministre de la
Santé. Quand on n'a pas d'argent, on ne peut pas parler de politique, on
parle d'énoncés qui seront peut-être un jour
confirmés dans une politique. On n'a pas donné à Mme la
ministre les sommes nécessaires pour qu'elle ait une politique en
matière de santé. À mon point de vue, cela constitue un
échec monumental pour ce gouvernement.
Médecine de guerre, disait-il. En janvier 1985, le premier
ministre disait: C'est criminel, la façon dont on administre la
santé présentement. Si c'était criminel et si
c'était de la médecine de guerre, où en est-on rendus
aujourd'hui? On en est rendus à une médecine moyenâgeuse,
à une médecine de brousse.
Au moment où l'on se parle, c'est du jamais vu. En 1989, au
Québec, on tolère la fermeture de lits pour fins
d'équilibre budgétaire. Imaginez-vous, si c'est une politique de
santé vigoureuse! Et cela, sans grève d'aucun groupe de la
fonction publique. Les infirmières ne font qu'appliquer leur contrat de
travail. Les autres catégories de salariés des hôpitaux
n'exercent aucun moyen de pression. Et, malgré cela, Mme la ministre
disait: II y a seulement 1091, 1097 lits de fermés. Cela, dans une
période où on est supposé en avoir 100 % d'ouverts.
Imaginez-vous quand les pressions vont commencer réellement! C'est de la
médecine de quoi? Si c'était criminel de fermer quelques lits
durant les vacances d'été, c'est quoi de les laisser
fermés en pleine période où on devrait normalement
desservir la population? Si c'était criminel de voir certains lits
fermés l'été, comment qualifierait-on l'attitude du
présent gouvernement qui se glorifie de n'avoir que 1097 lits de
fermés? Entre vous et moi, ne pensez-vous pas que cela fait dur, un peu?
Ne pensez-vous pas que vous devez ravaler vos paroles. (11 h 10)
Et la ministre se lève ce matin pour dire: Moi, j'ai 1 000 000
000 $ pour la santé. D'accord, on va regarder ça ensemble, on va
démystifier le 1 000 000 000 $ de Mme la ministre. Mme la
Présidente, quand j'ai quitté le ministère de la
Santé et des Services sociaux, le budget était de 9 000 000 000
$. L'indexation annuelle de 9 000 000 000 $, depuis trois ans, mettez seulement
4 % si vous avez peur - il y a eu des années où c'a
été plus que ça - c'est 360 000 000 $ par année,
seulement pour l'indexation. Donc, 360 000 000 $ d'indexation sur 9 000 000 000
$, vous avez là votre 1 000 000 000 $. Où est l'argent neuf?
Où est l'argent neuf? La santé coûte 10 000 000 000 $,
présentement, 1 000 000 000 $ de plus qu'avant. L'indexation correspond
à ce qu'elle a injecté.
Pour ce qui est des centres d'accueil, on leur a promis la lune. En
trois ans, dans une période de prospérité
économique, elle n'a pas réussi à ouvrir plus de 250 lits
par an pour les personnes âgées, alors qu'en pleine crise
écono- mique le gouvernement du Parti québécois a ouvert,
en moyenne, 1000 lits par année pour nos personnes âgées en
centres d'accueil d'hébergement. La médecine de guerre, où
est-elle? La médecine criminellement appliquée par le Parti
québécois, où est-elle par rapport à ce qui se
passe présentement dans nos hôpitaux? Où est-elle par
rapport à ce qu'on donne aux personnes âgées? Si
c'était criminel, Mme la Présidente, c'est quoi, aujourd'hui? Si
c'était de la médecine de guerre à l'époque,
où en sont-ils avec leur médecine de brousse, avec leur
médecine moyenâgeuse? Cela, c'est dans le domaine de la
santé. Je pourrais longuement épiloguer dans le domaine de la
santé parce qu'on n'a pas appliqué les recommandations de la
commission Rochon, on a voulu camoufler cette étude. Cela ira à
l'an 2000 et quelques avant qu'on ait une décentralisation quelconque
dans le domaine de la santé.
Les CSS, ils sont vigoureux, Mme la Présidente. Chez nous, ils
prennent les agents d'aide sociale des jeunes et des personnes
âgées et ils leur disent: Occupe-toi de la liste de la protection
de la jeunesse, elle est trop grosse, dégarnis-la. Là, ils
arrêtent, au mois de septembre, tout placement en famille d'accueil. Vous
savez, c'était quelque chose de bien. La jeunesse est censée
être la priorité des priorités, disait l'honorable Robert
Bourassa. La priorité des priorités, Mme la Présidente. On
n'a même pas d'argent pour une jeunesse en danger. On sait comment les
enfants sont vulnérables. Il y a des enfants agressés
sexuellement. Il y a des enfants battus. Mme la Présidente, on a mis un
petit montant de 2 000 000 $ pour toute la province, alors que, dans une seule
région, celle de Lanaudière, ils sont en déficit de 2 000
000 $ pour la Loi sur la protection de la jeunesse. Cela fait dur, cela fait
pitié. Ils appelaient ça de la médecine de guerre, alors
que nous, pour la protection de la jeunesse, jamais on n'avait coupé les
budgets.
Je pourrais continuer longtemps dans le domaine de la santé, mais
je pense que c'est un échec. C'est un manque de vision globale, un
manque de perception même des besoins des personnes et un manque de
perception des remèdes à apporter. Pourquoi? Parce qu'on n'est
pas près du monde, parce que le Trésor mène le
ministère, parce qu'à toutes fins utiles on n'ajoute pas les
crédits. Si on avait consacré - l'étude des hôpitaux
du Québec le dit bien - le même pourcentage du produit
intérieur brut que le gouvernement précédent appliquait,
c'est-à-dire le gouvernement de M. Lévesque, eh bien, on aurait
500 000 000 $ de plus dans le domaine de la santé et des services
sociaux et on n'assisterait pas au problème majeur auquel on assiste.
Les personnes âgées, les jeunes, la délinquance
québécoise se verraient octroyer des sommes pour leur venir en
aide. Mais ce n'est pas ça, on a injecté 1 000 000 000 $,
disent-ils, oui, mais ils diminuent la portion du produit intérieur brut
pour la santé. Ils se glorifient,
mais c'est de la poudre aux yeux, du maquillage, ils sont passés
maîtres dans ça. Mais dans les faits, l'importance de la
santé au niveau de la part du produit intérieur brut diminue avec
ce gouvernement. C'est 500 000 000 $ que ça vient chercher dans le
domaine de la santé et que ça ne devrait pas venir y
chercher.
Échec dans le domaine de la santé. Échec aussi dans
le secteur de l'environnement. Ah, bien, de l'environnement, Mme la
Présidente, ce n'est pas moi qui vais en parler; je vais laisser parler
l'actuelle ministre de l'Environnement qui a fait le bilan de son propre
gouvernement puisqu'elle vient à peine d'être nommée.
Après le départ de l'ex-minlstre de l'Environnement, est apparue
Mme la ministre de la culture à qui on a donné un second mandat,
celui de l'Environnement. Et on lui a dit: Qu'est-ce que tu fais à
l'Environnement? Ton prédécesseur était pourtant bon.
Nous, de l'Opposition, disions depuis 1985: Le ministre de l'Environnement fait
des beaux discours; il jase beaucoup, mais il ne fait rien. Personne ne nous
croyait dans cette Chambre. Même la presse disait: II a un beau discours
écologique; il a l'air bon. Il a fallu que ce soit l'actuelle ministre
de l'Environnement qui donne raison à l'Opposition. Depuis trois ans et
demi qu'on le disait, mais là, enfin, on le sait. Cela va être
crédible, ce sera la ministre du gouvernement de Robert Bourassa,
l'actuel gouvernement libéral.
Qu'est-ce qu'a dit Mme Bacon? Mme Bacon, l'actuelle ministre de
l'Environnement, a dit de son ex-collègue: II parlait beaucoup mais il
ne faisait rien. "Cliff pariait beaucoup, mais son administration ne suivait
pas", dit-elle. "Quand je suis arrivée au ministère",
ajoutera-t-elle... Et ce n'est pas moi qui parle, c'est elle, c'est entre
guillemets, messieurs, dames. C'est la ministre de l'Environnement qui parle.
C'est elle qui fait le procès de la qualité administrative de son
gouvernement. Elle dit, Mme la Présidente: "Quand je suis arrivée
au ministère, les dossiers, je les ai repris dans le même
état que je les avais laissés." Pour votre information, Mme la
Présidente, et pour l'information du public qui nous écoute, elle
était critique en matière environnementale. Elle dit que, quand
elle a pris la succession de M. Lincoln, député de Nelligan et
ex-ministre de l'Environnement, elle les a pris dans la même même
même situation qu'en 1985. On vous disait que, depuis trois ans et demi,
vous n'aviez rien fait. Ce n'est plus nous qui le disons. C'est l'actuelle
ministre de l'Environnement, Mme la députée de Chomedey, qui nous
dit: Cliff pariait beaucoup, mais il ne faisait rien et, quand j'ai repris les
dossiers, il n'y avait rien de fait. Échec à l'environnement.
Je pourrais vous donner une série d'exemples. Je pense, par
exemple, à des programmes concrets sur les berges, à des
programmes aussi importants que celui des déchets toxiques. Je pense aux
déchets solides. Je pense, entre autres, à Saint-Basile. Quand on
dit que ça fait deux ans qu'il y avait un règlement Ils ont
attendu que ça saute. Et ils le savaient. Le sous-ministre est venu
dire: On le savait que c'était dangereux. On touchait du bois pour que
ça ne saute pas. Imaginez-vous si c'est responsable! Ce n'est pas nous
qui disons ça. Ce sont des hauts fonctionnaires de l'État. C'est
vrai qu'ils n'ont rien fait C'est un échec en matière
environnementale.
Ils ont abandonné des programmes complets, Mme la
Présidente, que les municipalités adoraient. Ils ont
abandonné des responsables importantes. Regardez l'évolution des
dépenses, le rythme des investissements en matière
environnementale. En 1985-1986, c'étaient 700 000 000 $; en 1988-1989,
400 000 000 $. Ce ne sont pas des farces! En matière environnementale,
échec, poudre aux yeux! Rejets industriels, déchets industriels,
dépollution industrielle, là ils viennent d'annoncer qu'il va y
avoir un grand programme. Il n'y a pas une cent là-dedans. On se fie
à l'initiative des compagnies. On va aller loin, alors que l'Ontario
injecte des dizaines et des dizaines de millions pour inciter l'industrie
à se dépolluer. Pollueurs payeurs! On n'a Jamais pu toucher aux
articles du contrat de la Noranda Mine pour savoir si le gouvernement ne payait
pas pour la dépollution à Noranda Mine.
Mme la Présidente, je pourrais continuer longuement en
matière environnementale, mais Je rappelle que le meilleur bilan qui
s'est fait de ce gouvernement demeure celui de la ministre de l'Environnement
actuelle qui a carrément dit que son prédécesseur n'avait
rien fait et qu'elle a repris les dossiers dans l'état où 9s
étaient en 1985. Je la remercie d'avoir eu l'honnêteté
intellectuelle de faire un bilan aussi juste, un bilan aussi réaliste de
la situation et un bilan que l'Opposition faisait, mais avait peine à
faire croire à la population. Échec environnemental. (11 h
20)
Échec en matière de politique familiale. Mme la
Présidente, ce gouvernement n'a aucun sens de ce qu'est la famille.
Aucun sens. Ils ont commencé par dire: Pour faire taire les groupes
familiaux, créons donc un comité consultatif. Cela occupe les
gens. Oui, Us ont fait cela. Un geste très positif: un Conseil
consultatif de la famille. Ensuite, ils ont dit: C'est quoi, la politique
familiale? Nous allons la détailler. Le premier jalon de la politique
familiale, après le conseil consultatif, a été de couper
l'aide sociale aux femmes enceintes. Imaginez-vous! Le deuxième geste a
été d'enlever la prime de disponibilité pour les femmes au
foyer. Ils sont allés chercher au-delà de 100 000 000 $, I y a
deux ans. Par la suite, ils ont annoncé des petits programmes pour les
années ultérieures qui se financeront à même les
coupures des programmes actuels. On a instauré une prime à la
naissance, une prime à l'accouchement. Oui, accouche d'un
troisième enfant et on va te donner 4000 $, quand on sait que les
couples doivent élever ces enfants jusqu'à 18 ou 19 ans
maintenant parce qu'ls
vont aux études, qu'en garderie les six ou sept premières
années de la vie d'un enfant, c'est 4000 $ et plus par année par
enfant. Et, on s'imagine que le suçon à l'accouchement constitue
un jalon d'une politique familiale.
Une politique familiale consiste à offrir aux jeunes couples
l'occasion d'avoir des revenus pour éduquer leurs enfants et non pas
seulement à la naissance. Une politique familiale, ça tient
compte et ça donne l'opportunité à un couple qui veut un
enfant d'avoir une sécurité d'emploi. C'est donc par des
amendements à la loi sur les normes minimales. Cela ne coûte rien
et ils ne l'ont pas fait. Cela suppose un revenu décent, des allocations
familiales mensuelles jusqu'à l'âge de 18 ans qui permettent aux
couples qui veulent avoir des enfants de les élever en toute
quiétude sur le plan des revenus.
Ce n'est pas une seule prime à l'accouchement, c'est aussi un
système de garderies. Quand on sait qu'au Québec
présentement on ne couvre même pas le tiers des besoins des
parents alors qu'on voit la ministre responsable des services de garde couper
de quelque 2000 places le plan de développement des garderies sous
prétexte que c'est la faute du fédéral. Mais le
Québec n'injecte pas les sommes nécessaires pour suivre un rythme
de croissance normal important et indispensable si on veut véritablement
avoir une politique familiale.
Ce gouvernement n'a aucune politique familiale. Tout ce qu'il y a encore
dans cela, c'est de la poudre aux yeux. Une prime à l'accouchement,
c'est une insulte à la femme. Dans une véritable politique
familiale, si on s'adresse à des couples et qu'on veut les inciter
à avoir des enfants, il faut leur en offrir l'opportunité sur le
plan des revenus et cela, non seulement à l'accouchement, mais
jusqu'à l'âge adulte et assurer les parents qu'ils n'auront pas
à vivre une instabilité sur le plan du revenu, une
insécurité qui va faire dire aux jeunes: Cela ne nous donne rien
de mettre un enfant au monde, 4000 $ à l'accouchement quand on sait que
seulement pour la première année en garderie cela va coûter
4000 $. Ce n'est pas cela, une politique familiale. Vous n'avez pas compris
cela. C'est un échec monumental de ce côté-là
aussi.
Sur le plan linguistique, je pense que là on ne devrait que lire
le "clipping" de presse, comme on dit. Le champion des champions des bourdes et
des gaffes en matière linguistique, le député de Pontiac,
doit savoir de qui je veux parler, il n'y en a pas un comme le premier ministre
du Québec qui a eu le don de se mettre les pieds dans les plats aussi
bien que lui, d'une façon aussi raffinée que lui sur le plan
linguistique. Cela a été une bouillabaisse
épouvantable.
Rappelez-vous, il y a quelques années, il y a un an et demi, le
premier ministre se levait dans cette Chambre - il est très dynamique,
vous savez - pour nous dire qu'il avait une décision dans la tête.
Il en avait tellement une et elle était tellement claire que, lorsqu'ils
ont déposé le projet de loi 178, ils ont été
obligés de prendre des procédures d'une couple d'heures parce que
le projet de loi n'était même pas imprimé. Elle
était tellement claire et tellement précise que le ministre
d'alors, délégué au dossier de la langue - non, pas le
député Bourget, excusez, je ne voudrais pas faire insulte au
député de Bourget - le député de Rosemont, avait un
amendement au crayon dans son projet de loi. On a fait accroire au
député de Pontiac qu'il y aurait des enclaves linguistiques pour
essayer d'arracher son vote pour la loi 178. Et je sais qu'il ne pourra pas se
lever par solidarité ministérielle pour me dire: Mosus que tu as
donc raison, Chevrette!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Je me rappelle comment ce monsieur a voté.
Je me rappelle ses déclarations télévisées
où il disait: Moi, on m'a promis quand je me suis présenté
aux élections qu'il y aurait des enclaves linguistiques. Après
quelques jours, quand ils ont vu que les enclaves créaient
problème, ils ont dit au député de Pontiac: Tes enclaves
ne marchent plus. Tout comme ils avaient dit aux anglophones en 1985: Si vous
votez pour nous, vous aurez l'affichage bilingue, d'une façon innocente
et irresponsable, sans présumer des réactions de la
majorité francophone. Le champion organisateur de la manifestation!
Lorsqu'il sortira d'ici, si des centrales syndicales ont besoin d'un
organisateur de manifs, qu'elles engagent l'actuel premier ministre. On a
repris au Québec des manifestations linguistiques, ce qu'on n'avait pas
vu depuis douze ans. On avait une paix linguistique au Québec depuis
douze ans. Tout à coup, par une promesse irréfléchie, pour
aller chercher un vote d'une façon malhonnête, on prend des
engagements électoraux tout à fait irrationnels, sans
évaluer les conséquences sur le climat social
québécois. On va chercher le vote et, après ça, on
ne le fait pas. On bâtit des formules bâtardes qui tiennent compte
de demi-valeurs. Le français est en danger, disait-il, et c'est pour
ça que j'opte pour l'affichage unilingue français à
l'extérieur. Franchis la porte et, là, tu pourras parler anglais,
chinois, n'importe quoi; tu pourras être bilingue à
l'intérieur, c'est permis. Mme la Présidente, échec sur le
plan linguistique, aussi. Échec sur le plan environnemental.
Échec sur le plan de la politique familiale. Échec sur le plan de
la santé et des services sociaux.
Je terminerai, Mme la Présidente, parce que je sais qu'il me
reste trois minutes, en vous disant que cette équipe a induit en erreur
les femmes québécoises. Rappelez-vous ce que vous avez dit aux
femmes québécoises en 1985. Vous leur avez dit: Avec un
gouvernement du Parti libéral, vous aurez la rente au foyer. Avez-vous
remarqué qu'ils n'en parlent plus? Ils n'ont pas le début de
l'ombre d'un bout de papier sur
lequel il y aurait une politique pour accorder des rentes aux femmes
québécoises au foyer. Encore une fois, promesse farfelue, mal
évaluée. Ils ont voulu endormir les femmes
québécoises, mais elles ne sont pas dupes.
Ils ont endormi les jeunes Québécois et ils leur ont
menti. Je me rappelle que 5000 jeunes se sont rendus au centre
Paul-Sauvé en autobus applaudir le premier ministre qui leur disait: Les
jeunes, je mettrai 25 000 000 $ de plus pour les bourses d'études. Ils
ne les a jamais mis. Au contraire, il a transformé les bourses en
prêts pour endetter les étudiants de 100 000 000 $ de plus
qu'avant. Il a dit aux jeunes: Je créerai 2000 postes dans la fonction
publique pour vous autres. Il a coupé 1400 postes dans la fonction
publique pour les jeunes. C'est ce qu'il a fait, Mme la Présidente.
On s'apprête à aller en élections. Dans quelques
mois à peine, nous serons en élections. Il va encore s'essayer et
payer des jeunes 5 $: Embarque dans l'autobus. Tu mangeras une soupe ou un "hot
dog". Viens applaudir le premier ministre. On va vous dire n'importe quoi. Mme
la Présidente, à deux reprises en quelques mois, le premier
ministre a dit: Vous savez, nous, les discours avant et les discours
après, on connaît ça. Je pense que le premier ministre
s'est démasqué lui-même. Les enclaves avant et pas
d'enclaves après. Les rentes avant, mais pas de rentes après. Les
postes dans la fonction publique avant, mais pas après. Les bourses
avant, mais pas après. L'aide sociale, la parité avant, mais une
fausse parité après. Et on pourrait continuer. Un paquet: 2 000
000 000 $ en routes avant, pas une cent après. À part ça,
au moment où l'on se parle, un budget moindre qu'en 1985.
Une voix: Le déficit.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, je vais continuer.
Le développement régional, grosses promesses avant, petit budget
après. C'est de même que ça marche. Des gens sans parole,
irrespectueux, qui ne méritent que le blâme de l'Opposition.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. Je
vais maintenant reconnaître Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. (11 h 30)
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, vous me permettrez de
réagir aux propos du chef de l'Opposition. Au point de départ, je
voudrais immédiatement corriger des chiffres qu'il a donnés et
qui sont inexacts. Il avance que c'est faux que le gouvernement a ajouté
de l'argent neuf parce que lorsqu'ils ont quitté - où a-t-il pris
ses chiffres, ça n'est pas possible - au ministère de la
Santé et des Services sociaux, on dépensait 9 000 000 000 $.
Là, on en dépense 10 000 000 000 $. Si on calcule l'indexation,
dans le fond il n'y a rien eu d'ajouté, il n'y a pas eu d'argent neuf
d'ajouté. Je ne peux pas croire que le chef de l'Opposition puisse dire
des choses aussi inexactes que celles-là.
Une voix: Des énormités!
Mme Lavoie-Roux: À cet égard, je voudrais
simplement vous dire qu'en 1985-1986, qui a été la
dernière année de gouvernement du Parti québécois,
au ministère de la Santé et des Services sociaux le budget
était de 6 198 000 000 $. Ceci exclut la Régie de
l'as-surance-maladie. En 1989-1990, nous sommes à 8 114 000 000 $, soit
un écart de 2 000 000 000 $ net. Alors, comment peut-il prétendre
que c'était un montant de 9 000 000 000 $, que c'est rendu à 10
000 000 000 $, que c'est de l'indexation? Je comprends que c'est un baroud
d'honneur que l'Opposition fait. Il est fort probable que nous serons en
élections à l'automne, Mme la Présidente, et, à ce
moment-ci, disons n'importe quoi.
Il y a un vieux proverbe que je ne citerai pas en cette Chambre pour ne
pas être l'objet de représailles de votre part, Mme la
Présidente, mais je pense que tout le monde sait ce dont je parle. On
peut semer beaucoup d'inexactitudes. Peut-être en restera-t-il dans
l'opinion populaire. C'est ce que l'Opposition essaie de faire.
Il dit: Vous n'avez pas mis un cent d'argent neuf. Vous allez me
permettre, très brièvement, Mme la Présidente, de rappeler
que strictement dans la santé, d'abord, nous avons commencé par
effacer les déficits accumulés des hôpitaux que nous avait
laissés l'ancien gouvernement parce que les hôpitaux
étaient sous-financés. Nous avons résorbé un
déficit de 284 000 000 $. Là-dessus, j'admettrai que ça
n'est pas strictement de l'argent neuf. Mais nous avons redressé les
bases budgétaires parce qu'il était fort évident que les
hôpitaux ne pouvaient pas continuer de fonctionner avec un régime
où on cumulait déficit par-dessus déficit parce qu'on
était sous-budgétisés.
Nous avons redressé les bases budgétaires de 100 000 000
$. Cela, c'est de l'argent neuf, Mme la Présidente. Pour une
première fois, nous avons introduit un coût de système,
c'est-à-dire un pourcentage qui est versé chaque année
comparativement au budget global pour faire face au vieillissement de la
population, l'augmentation de la productivité ou des activités et
le développement technologique. À ce titre, c'est un autre
montant de 166 000 000 $ que les hôpitaux sont allés chercher. Et
ça, ce n'est pas de l'argent neuf? Bien, où était le
coût de système quand ils étaient là si ce n'est pas
de l'argent neuf?
On a ajouté également, pour le fonctionnement des
hôpitaux et les mesures de désengorge-ment des urgences, 115 000
000 $ cette année qui seront versés à ce titre pour aider
les hôpitaux à faire face à leurs obligations dans ce
domaine. Il me fait plaisir de dire que ceci a
permis des progrès remarquables dans les urgences.
Évidemment, on oublie comment c'était en 1985, 1984, 1983. Il
faudrait aller voir ce qui se passait à ce moment. Il reste encore des
problèmes, je ne veux pas faire un discours sur les urgences, mais vous
dire que là encore c'est de l'argent neuf. Où en sommes-nous
strictement, avec les sommes que je viens d'invoquer? Si j'ajoute ce que nous
avons mis pour l'alourdissement des clientèles et les services à
domicile pour les personnes âgées avec l'année qui vient,
c'est un montant de tout près de 60 000 000 $ que nous avons
ajouté, Mme la Présidente, et on en a prévu pour l'an
prochain.
J'ai entendu le chef de l'Opposition parler de la protection de la
jeunesse, qu'on ne s'occupait pas de la protection de la jeunesse, etc.
D'abord, il y avait aussi quelques milliers d'enfants sur les listes d'attente
quand ils ont quitté. Il n'y en avait pas 3000. Ça, je l'admets.
Mais, Mme la Présidente, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, dans
tous les établissements de santé et de services sociaux où
le gouvernement antérieur a coupé, les services qui ont
été le plus lourdement affectés par des coupures
réelles, ce sont les centres de services sociaux. On a d'abord fait une
coupure globale de tout près de 20 000 000 $ dans les centres de
services sociaux - il y en a quatorze au Québec - et, de ces 20 000 000
$, tout près de 5 000 000 $ étaient directement reliés
à la protection de la jeunesse. Depuis ce temps, nous aurons
ajouté tout près de 9 000 000 $ dans la protection de la
jeunesse.
Vous voulez d'autres chiffres? Mme la Présidente, on parlait au
Québec, depuis des années à ma connaissance, des
problèmes en santé mentale. On s'inquiétait beaucoup des
gens qui, depuis le début des années soixante, n'étaient
plus institutionnalisés ou encore étaient
désinstitutionnalisés. Le gouvernement qui nous a
précédés nous a promis une politique dans ce domaine,
année après année. Ils n'ont jamais rien fait. J'ai eu le
plaisir de l'annoncer - c'est une des choses que j'ai accomplies à la
Santé, qui est très importante pour moi parce qu'elle touche
souvent les plus démunis - nous avons une politique de santé
mentale avec un montant de 32 000 000 $ qui y est rattaché sur une
période de quatre ans. On pourrait ajouter les services pour les
personnes qui ont une déficience intellectuelle; là encore, le
gouvernement n'avait jamais rien fait. On vivait avec les crédits qui
étaient déjà dans les institutions. Des années, on
indexait; d'autres fois, on n'indexait pas. Au moins, nous avons posé un
geste. Nous avons mis 8 000 000 $.
En alcoolisme et toxicomanie, ce gouvernement n'y a jamais touché
pendant qu'il était là. L'indexation courante quand il y avait de
l'indexation, mais jamais de ressources nouvelles. Nous avons mis 4 000 000
$.
Je pense que ceci est suffisant pour dire que, quand les gens d'en face
viennent nous dire:
C'est un échec dans la santé, il faut avoir joliment de
culot. J'ai eu l'occasion, à la période de questions, de lire
certaines déclarations de ministres du gouvernement du Parti
québécois dans le temps. Aimeriez-vous que je vous en ajoute
quelques-uns?
Des voix: Ah oui! Absolument.
Une voix: Ce serait bon de le rappeler.
Une voix: Rectifier les faits.
Mme Lavoie-Roux: D'abord, je voudrais dire qu'au point de
départ, durant la période de leur gouvernement, ça n'a pas
toujours été la crise. Ils ont commencé en 1976, cela a
continué en 1977, 1978, 1979 et, quand on prend l'ensemble de la
santé et des services sociaux, soit à titre de coupures
budgétaires ou de redressements budgétaires, parce que je fais
une différence entre les deux... Les coupures, c'est quand on va
directement vous chercher de l'argent et les redressements, c'est quand on vous
dit: administrez autrement. Mais, à ces deux titres, c'est 700 000 000 $
qui ont été coupés. Si j'ajoutais les quelque 300 000 000
$ à 400 000 000 $ qu'on a coupés aux employés du
réseau, aux infirmières, entre autres - c'est 300 000 000 $
à 400 000 000 $ qu'on a coupés - on serait rendu au-delà
du 1 000 000 000 $, Mme la Présidente.
Mais je vais juste vous citer dans quel esprit ces gens... Je vous ai
raconté que le ministre Bérubé, dans le temps, disait: II
faut arrêter de se promener en Cadillac; on va se promener en Volkswagen.
Leur ancien chef, M. Pierre Marc Johnson, disait: II y a encore beaucoup de
place pour des coupures dans l'armée de personnel que compte le
réseau. Est-ce assez fort pour vous? Il était ministre de la
Santé et c'est ça qu'il disait.
Aujourd'hui, on nous dit: Écoutez, on manque de personnel
à droite; on manque de personnel à gauche, etc. C'est exact dans
certains domaines, et c'est ce qu'on tente de solutionner quand on ajoute de
l'argent, pour l'alourdissement des clientèles, entre autres, pour
essayer d'alléger la tâche des gens. Vous savez, réparer
les dommages qui ont été faits pendant dix ans, même avec
les sommes considérables que nous ajoutons... Je vous dirai, par
exemple, que cette année, de tous les crédits nouveaux qui
apparaissent dans les dépenses gouvernementales, il y en a 36 % qui vont
à la Santé et aux Services sociaux. On ne parle plus des 22 %, 23
%, 24 %; on parle de 36 % des crédits additionnels qui ont
été ajoutés. Alors, Mme la Présidente, je pense que
cette démonstration est faite. (11 h 40)
Je voudrais ajouter, à la suite des remarques de la commission
Rochon, qu'il me ferait plaisir de vous dire que même leur chef, M.
Parizeau, et je l'en remercie, a considéré que les
orientations gouvernementales en matière de santé et de
bien-être que j'ai rendues publiques avaient pour lui une importance
égale à celles de la commission de l'éducation,
c'est-à-dire celles qui avaient été rendues publiques au
début des années soixante touchant le rapport Parent. Il a fait
une comparaison favorable de ces orientations que j'ai rendues publiques avec
le rapport Parent. Alors, ça ne doit pas être si mal.
On dit: Cela vous a pris trois ans. Mme la Présidente, c'est
assez incompréhensible. Ils ont mis sur pied la commission Rochon
après que nous l'ayons suggéré alors que nous
étions dans l'Opposition en mars 1985; ils l'ont finalement
créée en juin et nous avons repris et modifié quelque peu
son mandat. La commission nous a remis son rapport en février 1988.
Alors, à peine treize mois plus tard, je rendais publiques les
orientations gouvernementales qui ont été endossées par le
gouvernement et qui ont été reprises dans le discours sur le
budget. Je veux bien que l'on dise que ça fait trois ans, mais cela fait
un an que nous avons reçu le rapport et je pense qu'il convenait, compte
tenu du fait que la commission Rochon n'avait pas pu aller tester ou
vérifier ses recommandations, que nous y allions et que nous en
ajoutions d'autres, et ceci a donné comme résultat les
orientations gouvernementales en matière de santé et de
bien-être.
Il y aura éventuellement une commission parlementaire sur un
avant-projet de loi et je pense que, prises globalement, ces orientations
gouvernementales sont bien perçues. D'ailleurs, je dois le
reconnaître, Mme la députée de Chicou-timi trouve qu'il y a
aussi beaucoup de bon dans ces orientations gouvernementales. Elle me l'a dit
à quelques reprises lors de l'étude des crédits.
Je voudrais dire quelques mots sur la question de la politique de la
famille, Mme la Présidente. Là aussi, on a eu droit à une
foule de reproches. Je voudrais simplement vous dire en terminant que
maintenant on parle du Conseil de la famille - ils vont être très
flattés - comme d'un petit comité consultatif qui n'a pas
d'importance. C'est ce que le chef de l'Opposition nous a dit. Nous avons mis
en place le Conseil de la famille et nous avons également pris un bon
nombre de mesures en faveur des familles. Je n'en mentionnerai que
quelques-unes. Là où les mesures ont été
particulièrement significatives, c'est dans le soutien économique
aux familles. Je vous rappellerai simplement que l'aide financière
accordée par le gouvernement à l'égard des familles
totalise, en 1989, 1 569 000 000 $, une augmentation de 93 % en quatre ans sous
forme de réductions d'impôts pour le soutien aux familles. Mme la
Présidente, c'est très significatif.
Du côté des services de garde à l'enfance, nous
avons aussi ajouté 32 000 000 $. On aurait souhaité en ajouter un
peu plus, mais on sait ce qui est arrivé avec le gouvernement
fédéral, qui n'a pas livré la marchandise; alors, on a
réduit un peu. Il reste que c'est quand même très
significatif ce que nous faisons du côté des garderies. Et je dois
vous dire que nous sommes également à terminer le plan d'action
en matière de famille et j'ose espérer que nous pourrons le
rendre public d'ici peu.
Mme la Présidente, la famille est un élément
essentiel fondamental de notre société. Je tiens à le
dire, parce que je sens cette préoccupation très profonde de la
part du premier ministre, M. Bourassa, en ce qui a trait à la famille,
en ce qui a trait également à tout le phénomène
démographique du Québec. Je pense qu'à ce sujet j'ai eu un
appui inconditionnel du premier ministre, comme d'ailleurs j'ai eu son appui
inconditionnel dans toutes les mesures sociales que nous avons pu mettre de
l'avant en matière de santé et de services sociaux. C'est parfois
une chose qu'on peut ignorer parce que M. Bourassa projette toujours la figure
de l'économiste, qui est extrêmement importante aussi, parce que
tout cet argent-là il faut qu'il soit produit quelque part. Mais je
tiens à dire à cette Assemblée que cette conscience
sociale du premier ministre m'a été extrêmement utile et a
épaulé toutes les initiatives que j'ai prises.
Je pense que nous allons de l'avant, que nous faisons du progrès.
Les objectifs de la politique de santé et de bien-être sont
présentement rendus dans les régions. Chaque région valide
ses objectifs, je pense que cela va de soi, puisqu'on parle d'une orientation
allant vers la décentralisation. Si nous avions d'autorité
déterminé les objectifs, on nous le reprocherait: Vous parlez de
décentralisation et de participation. Nous avons demandé aux
régions, et ce geste est déjà fait, de procéder
à la validation des objectifs.
Le défi que nous aurons à relever demain dans le domaine
de la santé et des services sociaux est un défi du ministre
titulaire, un défi du gouvernement, mais aussi un défi de
société. Pendant trois ans et demi, j'ai travaillé pour
préserver ce qui m'apparait le plus essentiel pour notre population, des
services de santé universels, accessibles et gratuits en ce qui a trait
aux services assurés. Je pense que chacun devra prendre conscience des
charges énormes que cela représente pour les contribuables, pour
les gouvernements. Dans la mesure où nous pourrons orienter notre
système d'une façon un peu différente en mettant l'accent
sur ce qu'on appelle les déterminants de la santé, les habitudes
de vie afin de réduire les coûts énormes reliés au
domaine curatif, de la même façon, chacun se sentira plus
responsable. Les ministères au niveau provincial et, à un niveau
décentralisé, en collaboration avec les municipalités et
les groupes touchant l'environnement, ensemble, nous pourrons relever ce
défi de garder à notre population des services de santé et
des services sociaux de qualité qui visent avant tout le bien-être
de nos concitoyens. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant reconnaître Mme
la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L Blackburn
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. L'argument le
plus fort de la ministre, c'est de dire: C'est la faute du PQ. Il me semble
qu'on ne peut pas dire de telles choses sans rougir. Lorsqu'elle accuse le
gouvernement du Parti québécois d'avoir fait des ponctions
importantes dans la masse salariale du personnel de la fonction publique, elle
a raison. Effectivement, on a pris les mesures qu'elle connaît. Mais elle
doit également reconnaître que, si la mesure était aussi
injuste, inacceptable, immorale, indécente, elle aurait dû, en
quatre ans, trouver le moyen de corriger la situation. Ne reconnaît-elle
pas également que, si une telle mesure n'avait pas été
prise, elle ne serait pas capable d'investir ailleurs, comme elle le fait
actuellement? Je pense qu'on ne peut pas dire n'importe quoi sans en rougir.
Elle a l'occasion de réparer l'injustice que nous aurions
créée en redressant, entre autres, le salaire des
infirmières et en reconnaissant aux fonctionnaires de la fonction
publique le droit à l'enrichissement collectif. Ils en ont l'occasion,
ils sont en négociation. On est dans une phase de relative
prospérité économique. Qu'est-ce que ce gouvernement
attend? On ne peut pas dire n'importe quoi, comme cela. C'est proprement
indécent et inacceptable. Écoutez, à un moment
donné, la vérité a ses droits. Je trouve que cela manque
totalement de crédibilité. Si on a été injustes,
qu'ils corrigent cela. Cela fait quatre ans qu'ils sont là, ils sont en
période de négociation. C'est le temps qu'ils reconnaissent aux
fonctionnaires le droit à l'enrichissement collectif et aux
infirmières le droit à un travail organisé de façon
un peu plus décente. Et là-dessus, on n'a encore rien
entendu.
Je voudrais aussi que la ministre réponde - elle ne l'a pas fait
tout à l'heure à l'occasion de la période de questions -
à l'Association des hôpitaux du Québec qui démontre,
chiffres à l'appui, que si la proportion du produit intérieur
brut consacrée aux hôpitaux avait maintenu le même rythme
entre 1986 et 1989 qu'entre 1982 et 1985, seulement dans les hôpitaux de
soins de courte durée, il y aurait eu 500 000 000 $ de plus. Je vois que
la ministre nous quitte; cela ne doit pas lui faire plaisir d'entendre ces
choses.
Mme la Présidente, le gouvernement du Québec a
renié ses engagements. Les engagements pris en 1985...
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement, Mme la
ministre.
(11 h 50)
Mme Lavoie-Roux: Puisqu'on m'impute des motifs pour mon
départ, je voudrais simplement signaler à cette Chambre que je
dois participer à des travaux importants au Congrès international
sur le sida. En passant, c'est un autre projet où nous avons investi
plus de 21 000 000 $.
La Vice-Présidente: II y a des coutumes en cette Chambre
et de la jurisprudence, Mme la députée, on ne peut soulever
l'absence d'un ministre en Chambre. Cela étant dit...
Mme Blackburn: Mme la Présidente, je n'ai pas
soulevé l'absence, j'ai soulevé le départ.
Des voix: Ah!
La Vice-Présidente: Cela étant dit... Mme
Blackburn: Non, mais c'est exact. La Vice-Présidente:
À l'ordre! À l'ordre!
Mme Blackburn: Je reconnais, Mme la Présidente, que la
ministre peut avoir d'autres occupations, mais j'aurais aimé qu'elle
prenne aussi connaissance de la lecture que font toutes les institutions dans
le domaine de la santé de la situation actuelle qui n'a jamais
été aussi précaire.
Le gouvernement avait pris un certain nombre d'engagements en
période électorale et il a renié la plupart de ses
engagements. Il a méprisé ses engagements à l'endroit des
personnes âgées; il a méprisé ses engagements
à l'endroit des jeunes Québécois et des jeunes
Québécoises; il a méprisé ses engagements à
l'endroit des femmes; il a également méprisé ses
engagements à l'endroit des malades; il méprise ses engagements
aussi à l'endroit des enfants. Le Parti libéral, en campagne
électorale, s'était engagé à créer, pour les
personnes âgées, un office de la protection des personnes
âgées et à mettre en place une politique. On attend
toujours cet engagement, quatre ans plus tard. Le Parti libéral, en
campagne électorale, dans son programme de 1985, s'était
engagé, s'il était élu, à adopter un programme
intégré échelonné sur plusieurs années qui
devrait prévoir l'augmentation planifiée de la capacité
d'accueil, tant dans le privé que dans le public. On parlait des centres
d'accueil d'hébergement. Voyons la situation.
Le Parti québécois, de 1976 à 1984, a
créé 12 000 places en centres d'accueil et en pavillons. Le Parti
libéral en avait créé 1000 en six ans, de 1970 à
1976. Et, tenez-vous bien, combien le Parti libéral a-t-il
créé de nouvelles places permanentes en centres d'accueil pour
les personnes âgées dans près de quatre ans? Bien, 450. Il
y a, actuellement, 5000 personnes qui ont été
évaluées et qui sont en attente de placement
dans les centres d'accueil: mépris des personnes
âgées, mépris des engagements pris à leur
endroit.
Le gouvernement a également été méprisant
à l'endroit des femmes. À l'endroit des femmes, y s'était
engagé à faire adopter une politique d'accession au Régime
de rentes pour les femmes au foyer. Il n'y avait rien de trop beau. Nous
étions des incapables et on manquait de volonté. On attend
toujours cette politique! Il s'était engagé, également,
à doter le Québec d'un réseau de garderies. On
connaît les décisions. Il s'était également
penché sur toute la question de l'équité salariale.
L'actuel président du Conseil du trésor maintient qu'il n'y a pas
de discrimination et qu'il y a équité salariale au Québec.
Il ne reconnaît pas qu'il n'y a pas d'équité salariale. Les
principales personnes touchées, ce sont les femmes.
Le Parti libéral, en campagne électorale, s'était
engagé à reconnaître la pratique des sages-femmes.
Après sept rapports, dont un qui a été
déposé à la demande de la ministre elle-même, qui
est sur sa table depuis deux ans, après l'engagement formel de
l'Opposition de collaborer en vue de faire adopter un projet de loi
reconnaissant la pratique des sages-femmes, nous n'avons encore rien a quelques
jours de la fin de la présente session et à l'approche de la
prochaine campagne électorale.
Le gouvernement libéral a également méprisé
les jeunes. Il s'était engagé à améliorer l'aide
financière aux étudiants. Belle amélioration! Il a accru
l'endettement des étudiants, sur trois ans, de 100 000 000 $. Il n'y a
pas plus d'emplois dans la fonction publique pour les jeunes. On néglige
les maisons d'hébergement pour les jeunes et on est aussi
méprisant à l'endroit des jeunes qu'on l'a été
à l'endroit des femmes. Il avait également promis la
parité de l'aide sociale et 78 % des jeunes de moins de 30 ans n'auront
pas accès à la parité de l'aide sociale. C'est un profond
mépris des engagements pris à l'endroit des plus faibles.
Dans les hôpitaux, vous dressez la liste - et je l'ai - des lits
qui sont fermés pour fins d'équilibre budgétaire, sans
aucune considération pour les personnes malades qui sont en attente
d'une chirurgie, Mme la Présidente. On appelle ça du
mépris, mépris des engagements pris, mépris à
l'endroit des malades, mépris du droit des personnes à des
services de santé en quantité suffisante et en qualité
raisonnable et surtout mépris du droit à l'accès aux
services de santé.
Ils ont respecté des engagements, et il faut le rappeler, des
engagements pris à l'endroit des "illégaux". Non seulement a-t-on
amnistié les "illégaux* inscrits dans les écoles anglaises
à Montréal, mais, en plus, c'était le frère, la
soeur, les cousins et les cousines dans certains cas, et les descendants. On a
respecté cet engagement. On a respecté l'engagement d'offrir des
services en anglais. Partout sur le territoire du Québec on a investi 1
000 000 $, 1 200 000 $ par année sur cinq ans, alors qu'on sait qu'on
n'a même pas de tomographe axial à l'hôpital de Chandler,
alors qu'on aurait pu desservir les anglophones et les francophones si cela
avait été le choix qui avait été fait. Sauf qu'on a
choisi, on a respecté cet engagement. On a respecté l'engagement
sur l'affichage bilingue, à tout le moins en partie. On a
également respecté l'engagement sur la privatisation et une des
solutions de la ministre, c'est d'accroître la privatisation dans le
réseau de la santé et des services sociaux.
Ce gouvernement, Mme la Présidente, mérite d'être
blâmé, et très sévèrement, parce qu'il a
méprisé les engagements pris à l'endroit des plus
démunis de la société. Et 20 % de nos enfants, au moment
où l'on se parle, naissent d'une mère qui vit dans la
pauvreté ou dans une extrême pauvreté. C'est un
mépris énorme à l'endroit des plus démunis du
Québec et je pense que c'est ce que la population va retenir. Je vous
remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Chicoutimi. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée
de Mégantic-Compton, en vous rappelant qu'il reste 28 minutes a votre
formation.
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, Mme la Présidente. La motion
présentée par l'Opposition officielle m'apparaît
exagérée, incorrecte et non fondée. En effet, depuis 1985,
le gouvernement libéral a accompli un travail énorme en vue
d'améliorer la qualité de vie de l'ensemble des citoyens et
citoyennes du Québec. En fait, le gouvernement a clairement
énoncé son intention, dès 1985, de mettre l'accent sur la
protection et la promotion de la qualité de l'environnement au
Québec, qui se sont traduites par une préoccupation majeure au
plan ministériel. Souvenons-nous également, Mme la
Présidente, que le Parti libéral du Québec fut la seule
formation politique à avoir élaboré une charte de la
qualité de vie. L'Opposition officielle affirme, sans trop de
vérifications, que le gouvernement libéral n'a pas
respecté ses engagements électoraux, notamment en matière
d'environnement.
Pourtant, sans passer en revue chacun des engagements électoraux
pris par notre formation politique durant la dernière campagne
électorale, soulignons que notre parti avait d'abord
procédé à un constat général de la situation
environnementale au Québec. Dans ce constat, des engagements ont
été pris et portaient sur tous les milieux, tant aquatique que
terrestre ou atmosphérique. Il faut retenir de cette façon de
travailler qu'une série de sujets reliés à l'environnement
font maintenant l'objet d'énoncés de politique ou même
d'actions concrètes posées par le gouvernement libéral
depuis 1985.
De façon plus générale, notre formation politique a
reconnu que la qualité de vie des citoyens et citoyennes est une valeur
fondamentale de notre société. Notre formation politique a
également travaillé avec les intervenants du milieu, tant du
secteur privé que public, collectivement ou individuellement. (12
heures)
La problématique environnementale définie par les membres
du conseil général, en janvier 1985, s'énonçait
ainsi dans le programme du Parti libéral, et je cite: "On peut
définir la problématique de l'environnement comme le fait que la
logique du développement économique contemporain n'assume pas un
certain nombre de relations entre l'homme et le milieu". Cette
définition avait été élaborée à la
suite des dénonciations constantes faites par le Parti libéral du
Québec entre 1976 et 1985 alors qu'il formait l'Opposition officielle.
Le Parti libéral du Québec n'a cessé de dénoncer
notamment l'inaction de l'ancien gouvernement dans plusieurs dossiers que le
gouvernement péquiste avait pourtant promis de prendre de front.
Mentionnons, entre autres, les dossiers de la pollution agricole, la pollution
urbaine, la pollution industrielle, la gestion des déchets solides, la
gestion des déchets toxiques, la protection des espaces verts, autant de
dossiers dans lesquels les problèmes persistaient sans qu'aucune
solution concrète ne soit offerte aux Québécois.
Le dossier plus brûlant des BPC faisait également l'objet
de nombreuses questions de la part de l'Opposition libérale ainsi que de
nombreux débats sous forme de motions ou de questions posées
à l'Assemblée nationale. La seule réponse du gouvernement
péquiste de l'époque avait de quoi rendre sceptique n'importe
lequel observateur du milieu environnemental.
Les ministres de l'Environnement qui se sont succédé sous
l'ancien gouvernement n'ont cessé de se plaindre publiquement du manque
de fonds pour venir à bout de tous ces dossiers. Le dernier ministre de
l'Environnement sous le gouvernement du Parti québécois se
plaignait de devoir agir en pompier parce que son gouvernement refusait de lui
accorder les crédits nécessaires qui lui auraient permis
d'annoncer quelques mesures en matière environnementale.
L'une des idées maltresses du programme libéral en
matière d'environnement reposait sur la nécessité d'une
politique gouvernementale globale. Aujourd'hui, trois ans plus tard, ce
défi est en voie de réalisation grâce à
l'intervention planifiée du présent gouvernement dans tous les
secteurs reliés de près ou de loin à l'environnement.
Certes, après que l'environnement eut été
délaissé pendant près de dix ans, il faut comprendre que
notre gouvernement a hérité d'une situation désastreuse au
point où tous les intervenants de groupes écologiques avaient
fini par se décourager du dialogue vide et sans substance de l'ancien
gouvernement. À titre d'exemple, je citerai deux gestes concrets
posés par le présent gouvernement pour favoriser la
réflexion globale en matière d'environnement. En premier lieu, le
ministre de l'Environnement évoquait récemment, lors de
l'étude des crédits, une série de tables rondes qui se
déroulent avec les intervenants privés et publics afin de trouver
des solutions réalistes aux différents problèmes
sectoriels, compte tenu de la nécessité de protéger et de
promouvoir notre environnement dans le contexte des nouveaux défis
économiques. Ce travail n'est peut-être pas aussi éclatant
que les conférences de presse données par l'ancien gouvernement,
mais le travail effectué sur le terrain permet un éclairage
beaucoup plus substantiel, intéressant et motivant pour tous les
intervenants du milieu. Les solutions, quant à elles, n'en seront que
plus efficaces et plus faciles d'application pour l'ensemble de la
société québécoise.
Un deuxième exemple est le dépôt de
l'énoncé de politique globale en matière environnementale.
Cet énoncé s'inscrit dans la foulée des engagements
électoraux du présent gouvernement. Vous aurez compris que je
fais allusion au document intitulé: "Un nouveau cap environnemental"
dans lequel on met l'accent sur la conservation comme agent de progrès
dans notre société. On y mentionne notamment que la notion de
conservation doit maintenant être considérée comme le
fondement d'un développement économique et social durable. C'est
probablement là le plus grand défi de la société
québécoise à l'horizon des années 2000. Pour y
parvenir, le gouvernement ne suggère rien de moins qu'un changement dans
les façons d'agir, aussi bien au sein du ministère de
l'Environnement qu'au sein de la société en
général. Pour y parvenir, enfin, le gouvernement préconise
une collaboration soutenue des autres ministères. C'est ce qu'on appelle
une gestion intégrée qui tient compte des différentes
vocations de près d'une trentaine de ministères qui,
quotidiennement, accomplissent des gestes en matière environnementale.
Qu'il s'agisse de transport, d'écologie, d'agriculture, de culture,
bref, tous les ministères du gouvernement du Québec ont notamment
une imputabilité certaine à l'égard de l'environnement. Ce
travail de réflexion fut l'aboutissement de deux années
d'études au ministère de l'Environnement. Il s'agissait pour le
gouvernement d'orienter le ministère vers la conservation et la
promotion d'un environnement sain et de qualité.
Dans ce document, la question environnementale est
présentée comme un véritable choix de
société, un véritable défi qui reposera sur la
responsabilité de chacune et de chacun des Québécois. Il
va sans dire qu'un dialogue constant devra être suivi d'actions
concrètes en vue de protéger notre environnement. Les choix
à effectuer à l'aube des années quatre-vingt-dix ne sont
ni plus ni moins qu'un héritage d'une société dite moderne
qui, à l'époque du développement industriel, a, de
façon involontaire, altéré la qualité de
l'environnement. Aujourd'hui, H ne
s'agit pas de pointer un doigt accusateur vers qui que ce soit, car la
vision d'hier n'est plus celle d'aujourd'hui ni celle de demain, il s'agit
plutôt de corriger le tir, de réorienter nos politiques tant
globales que sectorielles vers un environnement de qualité. En termes de
réalisations, le gouvernement québécois a suivi un plan
cohérent dans la perspective d'une protection et d'une promotion de
l'environnement qui demeurent les préoccupations majeures de notre
formation politique aussi bien que de l'ensemble de la société.
Pour rendre compte du bien-fondé de cette affirmation, je vous propose
un coup d'oeil rapide sur les gestes concrets du présent gouvernement,
depuis 1985, et ce, d'année en année.
En 1986, le gouvernement a présenté et a fait adopter une
loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics. On doit
souligner également la publication du rapport du groupe de travail sur
le programmme d'assainissement des eaux du Québec. Pour assurer aux
Québécois des eaux de qualité, le gouvernement a
élaboré un programme de surveillance des eaux de baignade des
plages publiques. Par la suite, fut adoptée une politique de protection
des rives et du littoral. En matière d'assainissement des eaux, le
présent gouvernement a maintenu un rythme d'investissements
significatifs et a poursuivi le programme de la prime aux municipalités.
Dans le dossier des déchets toxiques, toujours en 1986, le gouvernement
a effectué une révision de la réglementation sur les
déchets dangereux et il a préparé une politique de gestion
des sols contaminés. Enfin, 63 inspecteurs en matière
d'environnement ont suivi un cours de formation sur les techniques
d'enquête. Le dossier de la stabilisation des berges du lac Saint-Jean
n'en finissait plus de piétiner sous l'ancien gouvernement. Le
gouvernement libéral a réussi à signer une entente avec la
Société Alcan relativement à ce dossier. Le gouvernement a
également encouragé la participation au programme de
récupération en milieu scolaire. Sur le plan international,
Québec a proposé un code international d'éthique et a
signé une entente avec l'État de New York sur la pollution
transfrontalière.
En 1987, l'essence avec plomb fut assujettie à une taxe
équivalente à celle applicable au carburant sans plomb. De plus,
une somme de 1 000 000 $ fut allouée au fonds de suppléance du
ministère des Finances pour contrer le dépérissement des
érablières affectées par les pluies acides et les
pesticides utilisés en agriculture. Enfin, une somme équivalente
fut offerte aux producteurs de tabac afin qu'ils s'orientent vers un autre type
de production.
En 1988, un autre bilan intéressant. L'année aura
été tout aussi importante dans le domaine de l'environnement. Le
gouvernement québécois a consolidé des actions
conséquentes aux engagements électoraux. À titre
d'exemple, signalons l'injection d'une somme de 400 000 000 $ annuellement pour
poursuivre la réalisation du programme d'assainissement des eaux
entrepris dans toutes les régions. (12 h 10)
De plus, une autre somme de 400 000 000 $ fut allouée, celle-ci
échelonnée sur dix ans, pour combattre et prévenir les
pollutions agricoles. Le programme pour les réseaux d'aqueduc et
dégoût, mieux connu sous le nom de AIDA, a fait l'objet
d'investissements de l'ordre de 50 000 000 $ en 1988. Une signature importante
est intervenue entre le gouvernement fédéral et le gouvernement
provincial sur la question de la dépollution du fleuve Saint-Laurent.
D'autres ententes intergouvernementales furent signées dans le cadre de
la lutte contre les pluies acides.
Encore en 1988, on note l'annonce des politiques de protection des
berges ainsi que d'une politique des neiges usées. A la suite de
l'adoption de la Loi sur la qualité de l'environnement, le gouvernement
a présenté et a fait adopter la loi 99 sur la surveillance de
l'environnement. Cette loi est majeure dans la mesure où le gouvernement
donnait suite à un engagement électoral visant à
améliorer la protection et la promotion de notre qualité de
vie.
Pour l'année en cours, 1989, la ministre de l'Environnement a
exposé les objectifs dans le cadre de l'étude des crédits
de façon concrète. C'est ainsi qu'on annonçait que le
gouvernement désire intensifier ses efforts dans un programme de
dépollution des eaux en milieu urbain et améliorer la gestion des
déchets industriels et agricoles. On sait déjà qu'une
somme de 5 300 000 000 $ est engagée dans le programme de
dépollution des eaux. Quant au volet de la dépollution agricole,
on doit parler de 400 000 000 $ qui seront injectés au cours des
prochaines années. Pour l'année 1989-1990, le ministère de
l'Environnement s'est vu attribuer une somme supplémentaire de 2 000 000
$ pour son programme de réduction des déchets industriels.
L'objectif de ce dernier est d'inciter les entreprises à investir 2 000
000 000 $ afin de réduire de 75 % leur pollution de source industrielle
sur une période de dix ans.
Sur la délicate question des déchets dangereux, le
gouvernement consacrera 8 100 000 S au transport et à
l'élimination des BPC entreposés à Saint-Basile et
à Shawinigan-Sud. Enfin, le gouvernement consacre une somme de 37 000
000 $ à la réfection de quelque 200 barrages servant à
régulariser les cours d'eau
Comme on le voit, Mme la Présidente, le présent
gouvernement relève un grand défi de société sur la
question de l'environnement et incite l'ensemble de la population à
faire preuve de leadership par la biais du partenariat, aussi bien dans la
définition des grandes politiques que dans l'articulation des programmes
qui les sous-tertdent.
Nous préparons ainsi les prochaines élections à
mieux préparer leur avenir... les prochaines générations -
je m'excuse, Mme la Prési-
dente, c'est un petit lapsus - tout en gardant à l'esprit que
gouverner, c'est prévoir. C'est exactement dans ce sens et dans cette
perspective que le gouvernement libéral présentera un bilan
intéressant à la population lors des prochaines élections
générales au Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Mégantic-Compton. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Je trouve
malheureux d'avoir seulement dix minutes pour parler sur cette motion et venir
corriger et répondre à tout ce qui vient d'être dit par la
députée de Mégantic-Compton.
La motion dit: "Que l'Assemblée nationale du Québec
blâme sévèrement le gouvernement libéral de terminer
son mandat en formulant de nouvelles promesses électorales plutôt
que de travailler à réaliser ses engagements reniés de
1985". Et moi, je vais parler d'environnement.
On nous a sorti des beaux chiffres dans le discours qui a
précédé le mien, mais on va les replacer dans la
réalité des choses. Il ne faut pas oublier que c'est le
gouvernement du Parti québécois qui a mis sur pied le
ministère de l'Environnement et qui a institué une foule de
programmes et de mesures pour faire en sorte de s'occuper effectivement
d'environnement. Le ministre du temps, qui avait mis sur pied un
véritable ministère de l'Environnement et beaucoup de programmes,
continuait à dire au Conseil des ministres: Cela prend encore plus
d'argent.
Qu'est-ce qui est arrivé depuis 1985? Cela a été le
contraire. Dans les deux budgets qui ont suivi l'arrivée au pouvoir du
Parti libéral, les budgets ont diminué en matière
d'environnement. On tiendra tous les beaux discours qu'on voudra de l'autre
côté - on en a tenu plusieurs et je vais revenir là-dessus
tantôt - les deux années qui ont suivi l'arrivée au pouvoir
du Parti libéral, en matière d'environnement, les budgets ont
diminué. Si on le prend sur la période de 1985 à
aujourd'hui, sur quatre ans de budget, il y a une augmentation moyenne en
dollars constants de 2 200 000 $ par année. Imaginez-vous où on
peut aller comme société, avec un territoire grand comme celui du
Québec et tous les problèmes qu'on y connaît en
matière environnementale: 2 200 000 $ d'augmentation par année,
c'est rire du monde.
Avant moi, la députée parlait du programme
d'assainissement des eaux. Il ne faudrait pas qu'elle oublie que le programme
d'assainissement des eaux a été mis sur pied par le gouvernement
du Parti québécois afin de s'assurer de la dépollution des
eaux usées des municipalités. C'est nous qui l'avons mis sur
pied, et là, on prend ça comme de l'acquis, comme si
c'était le gouvernement du Parti libéral qui l'avait mis sur
pied. Pourtant qu'est-il arrivé depuis 1985? C'est la même chose.
On a diminué le rythme d'investissements dans le programme
d'assainissement des eaux municipales par rapport à ce que le
gouvernement du Parti québécois investissait, lui, sur une
période équivalente de temps.
Donc, on a diminué le rythme et on s'en vient dire qu'on a
investi beaucoup dans ce programme. Qu'ont-ils fait vraiment? Ce qu'ils ont
fait vraiment, c'est la ministre actuelle qui l'a dit dans une
déclaration à la presse, en parlant de son
prédécesseur libéral de 1985 à 1987, M. Lincoln:
Cliff est un beau parleur, mais un petit faiseur. Quand je suis arrivée
- je cite la ministre - au ministère, j'ai retrouvé les dossiers,
plusieurs dossiers dans l'état où ils se trouvaient lorsque nous
avons pris le pouvoir.
Autrement dit, son prédécesseur libéral, M.
Lincoln, ministre de Nelligan, a parlé, mais il n'a pas agi. C'est la
ministre actuelle qui le dit. On aurait pu s'attendre à des changements,
mais, malheureusement, elle fait la même chose. Des beaux discours, des
conférences de presse, des communiqués de presse, toutes sortes
d'annonces pour faire accroire aux gens ce que la députée a
essayé de faire croire avant, toutes sortes de politiques.
Dès qu'il y a un problème avec les pneus, on nous dit: On
va déposer une politique sur les pneus usés. Il y a un
problème avec les déchets dans les centres médicaux, on
dit: On vous annonce qu'on va déposer bientôt une politique sur
les déchets biomédicaux. Mais on ne la dépose pas. On
annonce qu'on va la déposer et on reprend ça dans les discours en
disant: La ministre a annoncé une politique. Elle ne l'a pas
déposée, par exemple. On parle, on parle, mais on n'agit pas. Je
vous l'ai dit: Diminuer les budgets dans les années qui ont suivi la
prise du pouvoir. Désaccélérer, donc diminuer l'argent
investi dans le programme d'assainissement des eaux. Et ce n'est pas tout. On
néglige la sécurité. On peut bien dire qu'on le
considère comme une priorité, mais ça doit se traduire en
termes réels.
Depuis le 2 décembre 1985, c'est le contraire. On a prouvé
qu'on avait seulement des beaux discours, qu'on ne pouvait pas aller plus loin.
C'est dommage, on administre par sondages, par images et par discours. On a
entendu la députée de Mégantic-Compton, juste avant moi,
dire tout ce qu'on a fait pour la protection des berges et des rives. Mais, en
réalité, qu'est-ce qui s'est passé? La
réalité, c'est qu'il y avait un très bon programme qui
était sur pied, très populaire - vous le demanderez aux
municipalités qui ont eu la chance de l'appliquer du temps du Parti
québécois - le programme Berges neuves qui permettait
effectivement de redonner aux citoyens l'accès des lacs et des
rivières, de dépolluer, de nettoyer. On a fait quoi de l'autre
côté? On a aboli le programme Berges neuves.
Il y avait aussi les programmes d'aide qui
existaient concernant les parcs et les réserves pour que les
parcs de loisirs, les parcs de protection, les réserves puissent se
développer, être aménagés, être plus
accessibles. Les budgets étalent de quelques millions. Qu'est-ce qui est
arrivé? On a diminué constamment les budgets pour se ramasser
à quelques centaines de milliers de dollars seulement. On peut bien dire
qu'on veut les protéger, mais, quand on ne prend pas les moyens, quand
on ne se donne pas les moyens de les protéger, de les aménager,
c'est le contraire. Exactement ce qui est arrivé, non seulement on n'a
pas protégé, on n'a pas développé, au même
moment où on tient ce discours, on s'aperçoit que c'est la
Société d'habitation du Québec qui a bâti un HLM
dans un des derniers espaces verts d'Anjou, qu'on est en train de bâtir
des tours d'habitation dans un des derniers parcs, un des derniers espaces
verts de Saint-Léonard. (12 h 20)
On va dire: Oui, mais ce n'est pas le gouvernement ça, ce sont
les municipalités. Au moment où on tient ce beau discours dans
cette Assemblée, c'est le gouvernement qui accepte de se départir
d'une partie de la réserve forestière de Duchesnay pour en faire
un développement résidentiel. Le gouvernement se départit
lui-même de ses réserves pour faire du développement et,
après, on dit qu'on a la préoccupation de protéger les
espaces, la faune et la flore, alors qu'on accepte de se départir de nos
propres réserves pour de la construction lorsqu'il y a beaucoup d'autres
espaces où on pourrait construire encore.
Concernant les déchets dangereux, ça n'a pas de bon sens,
ce qui s'est passé là-dedans depuis 1985, alors que nous du Parti
québécois avions élaboré le règlement sur
les déchets dangereux. Tout ce que le gouvernement avait à faire,
c'était l'appliquer. Au lieu de le faire, cela a été le
laisser-faire et ça nous a amené la catastrophe de
Saint-Basile-le-Grand. J'entendais la députée dire tantôt:
On a un budget de 8 000 000 $ pour déménager les BPC de
Saint-Basile-le-Grand, mais imaginez-vous si on avait pris les moyens
d'empêcher les catastrophes en faisant appliquer le règlement,
c'est 8 000 000 $ qu'on aurait économisés. Mais, en même
temps, on ne sait pas où on s'en va avec les BPC. Cela fait presque un
an qu'il y a eu la catastrophe; l'enquête par le Bureau d'audiences
publiques n'est pas commencée; donc, on ne connaît pas encore les
solutions pour éliminer les BPC. Les barils sont toujours là.
Parce qu'on nous a fait accroire pendant un an qu'on avait des solutions.
Finalement, on nous ' a fait accroire que ça pouvait partir, qu'on
était pour les envoyer en Alberta et on se ramasse avec une annonce. Il
y a toujours des annonces qui arrivent en cours d'année, à tout
bout de champ. Là, on le sait, on les envoie en Alberta. Deux semaines
après, on nous dit: Non, I'Alberta les refuse, on cherche une autre
solution. On nous dit: On va probable- ment les envoyer en Europe et cela va
coûter plus cher.
On ouvre un entrepôt de BPC à Senneterre et on dit: C'est
pour tout le Québec. La ministre s'évertue à convaincre
les gens de l'Abitibi de devenir la poubelle des BPC du Québec. Le
premier ministre dans sa précampagne électorale s'en va leur
dire: II n'en est pas question - je comprends, à la veille des
élections, on peut dire n'importe quoi, on s'en aperçoit - ce
sera seulement pour les BPC d'Abitibi, alors qu'on avait promis aux gens de
Shawinigan que les BPC étaient pour s'en aller à Senneterre.
Demandez aux gens de Senneterre s'ils ont la garantie et l'assurance qu'ils ne
recevront pas les BPC des autres régions du Québec. Je dois vous
le dire: Ce n'est pas à une seule promesse électorale qu'on peut
avoir confiance. On peut dire aux gens de Shawinigan qu'on les enverra en
Europe, sauf que ce n'est pas commencé et on n'a même pas les
budgets pour être capables de s'en débarrasser
complètement. On ne sait pas ce qui arrivera là-dedans.
Donc, c'est dommage, on tient de beaux discours, on parle de
récupération, de recyclage et de cueillette sélective. On
attend toujours la politique. Depuis un an qu'on nous parle du fonds mixte de
100 000 000 $, de l'utilité et de la nécessité de
récupérer. Oui, je suis d'accord avec ça. Le
prédécesseur du ministre actuel a annoncé ce fonds mixte
il y a un an. Hier ou avant-hier, la ministre l'annonçait à
nouveau et pourtant c'est elle qui, en commission parlementaire il y a quelques
semaines, nous disait qu'on ne peut pas procéder tant qu'il n'y aura pas
de loi et de politique sur la gestion des déchets solides. Il n'y a pas
de politique. Elle se contente de faire encore une annonce de quelque chose
qu'on ne peut pas mettre en application au lieu d'être ici en Chambre en
train de déposer une politique qui va nous permettre non seulement de
tenir des discours, mais d'aller vraiment de l'avant dans la cueillette
sélective et l'utilisation du fonds de 100 000 000 $ qu'on n'a pas
encore commencé à ramasser. Donc, il va falloir arrêter de
faire des beaux discours. M faudra que la ministre actuelle, qui a
accusé son prédécesseur d'être un grand "parleux"
mais un petit "faiseux", ne fasse pas la même chose et ne nous annonce
pas juste des politiques en matière de pneus usés, de recyclage,
de récupération de déchets biomédicaux, mais nous
dépose des politiques si elle est sérieuse. Je dois vous dire
qu'il n'y a pas de politiques, depuis ces annonces, qui ont été
déposées.
Donc, encore une fois, je suis obligé de dire que cette motion
rapporte effectivement la vérité et on a raison de la
déposer. Merci, Mme la Présidente.
La
Vice-Présidente: Merci, M. le
député de
Shefford. M. le ministre de l'Éducation, en vous rappelant qu'il
reste à votre formation douze minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, j'écoutais les deux
derniers orateurs du côté de l'Opposition et, comme ils n'ont rien
dit sur la politique linguistique, je me permets de présumer qu'ils sont
de plus en plus d'accord avec le gouvernement sur les orientations que nous
avons retenues. J'avais demandé qu'on me fasse venir les épreuves
de la transcription des propos tenus par le chef de l'Opposition.
Malheureusement, ils n'ont pas pu m'être transmis à temps et comme
j'ai dû m'absenter de la Chambre pendant que le chef de l'Opposition
parlait, je ne pourrai malheureusement pas répondre aux propos sans
doute fort pertinents qu'il a dû tenir sur le sujet.
Lorsque le chef du gouvernement m'a demandé de prendre la
responsabilité de la politique linguistique au gouvernement, j'ai choisi
d'adopter une attitude essentiellement constructive, de ne pas chercher
à envenimer les divisions qui ont pu exister entre nous à ce
sujet dans le passé. Je suis très heureux de constater, Mme la
Présidente, que, depuis quelques semaines, le climat en matière
de débat linguistique s'est considérablement
rasséréné. Nous en discutons maintenant de manière
sereine et constructive. S'il y a des faiblesses, on les signale, et nous
devons reconnaître loyalement la nécessité de les corriger.
S'il n'y a pas de faiblesse, ceux qui aiment faire de la rhétorique ou
jouer avec les sentiments des gens en sont quittes pour des interventions qui
n'ont plus de retentissement. Je voudrais répéter encore une fois
l'engagement du gouvernement à l'endroit de la mise en oeuvre loyale,
sérieuse, mais en même temps humaine, judicieuse et comprehensive
de notre législation en matière de langue.
Il me semble particulièrement approprié, vu que la motion
de l'Opposition traite de la langue, que je rappelle très
brièvement, à l'occasion de ce débat, les très
nombreuses réalisations déjà en cours, au cours de la
présente année dans le domaine de la politique linguistique. Je
pense que ces réalisations parient plus fort que toutes les critiques
vaines ou mal fondées qu'on pourrait entendre. Tout d'abord, j'entendais
tantôt le député de Shefford dire que, dans tel secteur, si
le gouvernement avait voulu agir, il aurait augmenté les crédits
disponibles. Il n'a pas parié, et pour cause, des crédits
disponibles dans le secteur de la langue. Il aurait été
obligé de reconnaître que, pour la présente année
1989-1990, les crédits mis à la disposition des organismes et du
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française sont passés de 22 000 000 $ à 35 000 000 $, soit
une augmentation de 60 %. Est-ce qu'on a entendu l'Opposition féliciter
le gouvernement de cette décision qu'il a prise de consacrer des
ressources plus abondantes à la promotion de la langue française?
Cela ne semble pas intéresser l'Opposition.
Au cours de la commission parlementaire qui a étudié les
crédits relatifs à l'application de la Charte de la langue
française, l'Office de la langue française, la Commission de
protection de la langue française, la Commission de toponymie du
Québec, le Conseil de la langue française aussi, sont venus
témoigner pour parier de leurs projets pour l'année en cours, des
projets qui ont été approuvés et qui seront
financés par le gouvernement. Est-ce qu'on en a entendu parier dans les
débats des derniers temps de la part de l'Opposition? Pas du tout. Il
semble que l'action concrète les intéresse peu. Je souligne que
l'Office de la langue française a reçu du ministre le mandat de
mettre l'accent de manière particulière sur l'opération de
francisation des milieux de travail au cours de la prochaine année. Nous
avons consacré des ressources additionnelles à cette fin. Nous en
consacrerons davantage au cours des mois à venir.
Parmi les objectifs que nous avons définis avec l'Office de la
langue française, il y a celui d'assurer un suivi plus efficace. De
l'autre côté, on se contentait de délivrer des certificats
à la douzaine. On pensait qu'une fois qu'on avait posé un
certificat sur le mur du bureau d'entrée dans une entreprise le
problème était réglé. Le problème
commençait à peine. Une fois qu'on a émis le certificat,
il faut vérifier ce que cela donne. C'est l'accent que nous allons
mettre cette année, la vérification du vécu concret dans
les entreprises où l'on détient un certificat.
Nous allons valoriser de façon concrète le travail des
comités de francisation. C'est beau, on dit dans la loi qu'on va avoir
des comités de francisation dont seront appelés à faire
partie les employés. On ne s'est pas occupé d'assurer le suivi de
ce côté-là. On n'a pas veillé à voir si les
employés sont vraiment engagés, si on leur donne des conditions
propices à leur travail. C'est l'un des objectifs qui ont
été fixés à l'Office de la langue françasie
pour la prochaine année: allez au fond des choses, allez vous assurer
que nous créerons les conditions pour que le français dans
l'entreprise fonctionne réellement.
Je pourrais continuer, Mme la Présidente. La semaine
dernière, je suis allé visiter la Commission de protection de la
langue française. J'avais demandé à Mme la
présidente de réunir tous les inspecteurs, tous les
commissaires-enquêteurs, pour que nous tenions ensemble une séance
de travail. Je voulais qu'ils sachent clairement ce que le gouvernement attend
d'eux. Et moi, je voulais savoir clairement les réactions qu'ils
recueillent dans le milieu. (12 h 30)
Je suis intéressé à vous soumettre un petit rapport
de cette conversation. Cela va me soulager de vous confier ces choses.
Savez-vous ce qu'on m'a dit? On m'a dit: Chaque mois, on reçoit à
peu près 500 plaintes, bon an mal an. Mais la différence, depuis
trois mois, sur 500 plaintes qu'on reçoit, il y en a à peu
près 350
qui se règlent à la suite de l'intervention des
inspecteurs ou des commissaires-enquêteurs, alors que, pendant une
certaine période, à cause de facteurs sur lesquels je n'ai pas
à intervenir, ils recevaient un avis et ils ne bougeaient pas. Ils
disaient: II y a des causes qui sont en marche, il y a des jugements à
venir. On attendait et les causes non réglées s'accumulaient.
Mais là, on a un pourcentage de causes qui se règlent à
mesure qu'elles sont instituées, qui va chercher à peu
près 350 sur 500. C'est formidable.
Cela confirme l'approche que nous avons prise, de ne pas passer notre
temps devant les tribunaux avec ces choses, mais d'aller aux entreprises,
d'aller sur les lieux et de chercher avec elles à améliorer
concrètement les choses. Quand les entreprises vont se rendre compte que
nous voulons les aider à réaliser la volonté de la
population du Québec, exprimée par son Assemblée nationale
dans la Charte de la langue française, le travail d'application de la
Charte deviendra un travail humain, un travail beaucoup plus agréable.
On ne passera pas son temps à dire: Quand est-ce que vous allez amener
les gens devant les tribunaux? La présidente de la Commission de
protection m'a dit une phrase admirable que je suis intéressé
à répéter devant cette Chambre. Savez-vous ce qu'elle m'a
dit? J'ai dit: 'Avez-vous des causes devant les tribunaux?" Elle m'a dit: "M.
Ryan, voici comment les choses se font chez nous. S'il dort y avoir des causes
devant les tribunaux, ça viendra dans un certain temps, après que
des délais auront été écoulés." Elle m'a
dit: "Mon objectif, c'est qu'il n'y en art pas une, que toutes les causes se
règlent par l'intervention de la Commission de protection de la langue
française et j'aurai besoin de l'aide des députés
là-dedans. Je le dis, je recourrai, quand il y aura des problèmes
qui ne peuvent pas se régler, à la collaboration des
députés concernés, des associations locales ou
régionales. On va éliminer ce spectre que ce sont des gens qu'il
faut passer au fouet. Si ça ne marche pas, le recours judiciaire sera
toujours là. C'est important qu'il soit dans la loi."
J'espère que le chef de l'Opposition note ces faits que je viens
de rapporter d'une visite que je faisais la semaine dernière à la
Commission de protection où j'ai tenu à avoir une séance
de travail avec les commissaires-enquêteurs et les inspecteurs. On est en
train de remettre cette chose sur les rails.
Je n'ai pas le temps, malheureusement - Mme la Présidente, vous
me faites signe qu'il me reste trois minutes pour un sujet qui demanderait deux
heures. Je pourrais passer deux heures...
Des voix: Consentement.
M. Ryan: Merci, merci infiniment. Il y a consentement unanime, je
crois que le chef de l'Opposition est d'accord!
M. Chevrette: On ne peut pas, M. le Président, à
cause d'un ordre de la Chambre. Ce sont les règlements qui
prévoient cela, les fins de session.
M. Ryan: Heureusement qu'il y a ces ordres parce que autrement ce
serait difficile de fonctionner ensemble. Je me soumets volontiers, mais en
faisant une proposition au chef de l'Opposition: s'1 veut venir souper avec moi
ce soir, je lui conterai tout le travail admirable qui s'accomplit dans le
secteur de la langue parce que, par les Interventions qu'il fait en Chambre, il
démontre assez souvent qu'B n'est pas informé. Je sais qu'il a
beaucoup de choses à suivre comme chef de l'Opposition, je ne lui en
tiens pas rancune, mais je lui offre l'hospitalité d'un repas s'y veut
que je puisse lui communiquer tous ces magnifiques renseignements qui
intéressent au plus haut point la population.
Je ne peux pas terminer sans avoir rappelé qu'en plus des budgets
accrus que nous avons donnés à l'Office de la langue
française, à la Commission de protection de la langue
française, au Conseil de la langue française, nous avons
prévu un budget spécial de 10 000 000 $ pour - là,
j'emprunte les termes mêmes de la motion de censure de l'Opposition - la
promotion de la langue française. De cette somme, une somme d'environ 6
500 000 $ sera employée uniquement dans le secteur de
l'éducation. On a beaucoup parlé, en cette Chambre, des
écoles où il y a une grosse proportion d'élèves en
provenance des communautés ethniques. On a dit: Cela prendrait des
services spéciaux, du soutien pédagogique et des services de
liaison avec les foyers pour que les parents se sentent engagés. Mais
la, nous avons des budgets. Dès cette semaine, j'adresse aux commissions
scolaires concernées une lettre où je leur fais part des budgets
additionnels spéciaux qui leur seront attribués pour qu'elles
améliorent les ressources mises à la disposition de ces
élèves en provenance des communautés ethniques dont nous
apprécions hautement la présence dans nos écoles et
où nous voulons qu'ils se sentent parfaitement chez eux.
On a parlé de la pauvre qualité du français des
élèves dans nos collèges. Il y a des collèges qui
ont mis sur pied des services de soutien linguistique à leurs
étudiants. Ces collèges, nous allons leur fournir une aide
financière spéciale, cette année, pour qu'ils puissent
continuer ce travail qui permet de compléter un traval de formation qui
n'a pas toujours été fart de manière parfaite aux niveaux
primaire et secondaire et qui demande parfois un peu de retouche, un peu de
fini au niveau du collège. On va aussi mettre des sommes
spéciales à la disposition des universités qui veulent
accomplir un traval de ce côté-là. Mais ce sont toutes des
choses, Mme la Présidente, essentiellement positives. C'est le mot que
je voudrais vous laisser en termi-
nant - vous venez de me faire signe qu'il me reste une minute. Ce que
nous envisageons c'est un travail positif. Et, connaissant les bons sentiments
de nos collègues de l'Opposition, je suis sûr qu'autour de ces
initatives positives ils ne pourront qu'être d'accord pour supporter le
gouvernement et demander que nous augmentions encore cet effort qui est
déjà engagé très sérieusement au point que
cette année - je le rappelle pour le député de Terrebonne
qui ne nous faisait pas l'honneur de sa présence au début de mon
intervention - les crédits mis à la disposition de la promotion
de la langue française et de l'application de la Charte de la langue
française en 1989-1990 sont accrus de 60 % par rapport à
1988-1989, c'est-à-dire qu'ils passent de 23 000 000 $ - vous l'avez
entendu - à 32 000 000 $. Et je sais qu'avec le député de
Terrebonne, bis repetita placent, c'est-à-dire qu'une chose dite une
deuxième fois est de nature à lui plaire. Merci beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation. Avant de vous reconnaître, M. le chef de
l'Opposition, je demanderais au sergent d'armes, à 12 h 45, d'appeler
les députés pour le vote ultérieur. Là-dessus, M.
le chef de l'Opposition, sur votre réplique de quinze minutes.
M. Guy Chevrette (réplique)
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, Mme
la Présidente, vous me permettrez de répéter un peu
l'essence de cette motion. Vous aurez remarqué, Mme la
Présidente, que nous avons dit que l'Assemblée nationale du
Québec blâme sévèrement le gouvernement
libérai de terminer son mandat en formulant de nouvelles promesses
électorales plutôt que de travailler à réaliser les
engagements reniés de 1985, notamment dans les domaines de la
santé, de l'environnement, de la politique familiale et de la promotion
de la langue française.
Mme la Présidente, si nous faisons cette motion c'est parce qu'on
trouve que c'est usurper, à toutes fins utiles, la conscience des gens,
c'est vouloir usurper des votes qui viendront quand on n'a même pas
réalisé ses engagements électoraux et qu'on essaie de
maquiller son inaction, son manque de volonté, son irrespect face
à ses engagements par des promesses. Ils ont pris un virage. Nous avons
dit, notamment en santé, en environnement, en politique familiale et en
promotion de la langue française, parce que ça été
d'une évidence totale. Dans le domaine de la santé, je pense que
si ces gens-là, Mme la Présidente, étaient ici pour
critiquer ce qui se passe dans le domaine de la santé au moment
où on se parle au Québec... Rappelez-vous de leurs termes
à l'époque: Médecine de guerre, c'est criminellement
responsable. Aujourd'hui, Mme la Présidente, nous, nous n'avons jamais
empêché les femmes de Terrebonne d'aller accoucher à la
Cité de la santé de Laval. Croyez-le ou non, dans la
circonscription électorale de mon collègue de Terrebonne et de
Masson, dans la région de Terrebonne, elles ne pourront même plus
aller accoucher à Laval. Quelle sorte de médecine? Et dans leur
temps c'était la médecine de guerre.
Une voix: Pas d'école, pas d'hôpital.
M. Chevrette: Dans leur temps c'était criminellement... Il
faut dire que c'est l'actuel premier ministre qui disait ça. Mais
aujourd'hui, comment qualifierait-il ça? Mme la Présidente, j'ai
dit que c'était une médecine de brousse, une médecine
moyenâgeuse. Cela ne se fait pas. Et c'est un échec en
santé.
Échec en environnement. Ce n'est même pas nous qui l'avons
dit. Nous l'avons crié, nous. Mais quelle est la personne qui a le mieux
résumé l'action gouvernementale en matière
environnementale? C'est l'actuelle ministre de l'Environnement qui a dit: Mon
prédécesseur n'a rien fait. Il parlait et ne faisait rien. Mon
prédécesseur ne faisait absolument rien. J'ai repris mes dossiers
dans le même état que je les avais laissés en 1985. C'est
l'actuelle ministre de l'Environnement qui dit ça. Donc, je n'ai plus
à faire le bilan en matière environnementale, il est fait par
l'actuelle ministre. Donc, vous voyez qu'on ne se trompe pas beaucoup en
disant: Vous n'avez rien fait. C'est l'actuelle ministre qui dit qu'elle n'a
rien fait. Pas elle, mais ses prédécesseurs. Et on est rendu
à trois ans et demi. (12 h 40)
En matière de famille, Mme la Présidente, conseil
consultatif. Je n'ai pas dit que ça ne valait rien un conseil
consultatif. Je vous dis que ce n'est pas ça qui fait que les parents
auront des revenus. Ce n'est pas ça qui fait que les parents auront un
système de garderie. Ce n'est pas ça qui fait que les femmes
auront une sécurité d'emploi en matière de politique
familiale, ils n'ont rien fait. C'est du fardage en se donnant bonne conscience
parce qu'ils ont créé un Conseil consultatif de la famille. En
matière de langue, l'actuel ministre responsable de la loi 101 a
été la caution morale de ce gouvernement. Il essaie, après
le gâchis est fait, de prendre un tournant profrancophone, alors que tous
les engagements vis-à-vis de leur clientèle anglophone ont
été réalisés. Rappelez-vous l'amnistie des
"illégaux", rappelez-vous la loi 142, rappelez-vous la loi 140 qui
voulait faire disparaître toutes les structures de la langue.
J'écoutais le ministre responsable de la loi 101 dire combien il voulait
revaloriser les institutions. C'est son équipe gouvernementale qui a
présenté la loi 140, c'est grâce à l'Opposition si
on a réussi à bloquer cette loi 140. Il faisait partie du Conseil
des ministres qui avait adopté la loi 140. Et aujourd'hui, ça
essaie de démontrer que ça a une grosse volonté de
valoriser les structures.
II est temps que vous voyiez clair. C'est votre
prédécesseur, l'avant-dernier, parce qu'il y en a eu successifs
assez vite sur le plan linguistique. On en a eu un qui n'a même pas
été capable de s'occuper d'une loi pendant quelque temps. Je
comprends cela, mais ne me dites pas qu'on n'est pas en droit de regarder.
C'est un bilan de trois ans et demi qu'on fait là. J'ai parlé ce
matin brièvement des femmes à qui on avait fait miroiter des
avantages, et on n'a pas livré la marchandise. Aux jeunes...
Mais je reviens à ce que je disais pour terminer mon
exposé, cela constituera la fin de ma réplique. SI les hommes et
les femmes politiques aujourd'hui au Québec ont peu de
crédibilité quand on fait des sondages d'opinion, s'ils sont les
derniers en termes de crédibilité populaire, la
responsabilité en est due en grande partie au gouvernement. Il faut
absolument que les hommes et les femmes politiques qui se présentent en
politique respectent leur parole et respectent leurs engagements.
Je me souviens, quand on a occupé les banquettes du pouvoir, que
nous réalisions nos engagements. Avant les élections, on avait
promis une loi 101. Elle a été votée. On avait le
même discours avant qu'après les élections, contrairement
à ce que le premier ministre a dit, à deux reprises
déjà: Moi, vous savez les discours avant et les discours
après, c'est deux choses. Nous, avant, on avait promis la loi 101, on
l'a fait. Nous, avant, on avait promis la loi sur le zonage agricole,
après, on l'a fait. Nous, on avait promis la loi 2 sur le financement
des partis politiques avant, on l'a fait après. Nous, on avait promis la
loi sur l'aménagement du territoire avant, on l'a fait. Nous, on avait
promis l'assurance automobile avant, après, on l'a fait. Vous pouvez
prendre n'importe quel des engagements électoraux de 1976 ou de 1981. On
avait promis aux Québécois qu'on ne poserait pas de geste sans
tenir un référendum, on l'a fait. Le discours d'avant a
été le même que le discours d'après. Mais regardons
donc les engagements de ce gouvernement. On avait promis 25 000 000 $ aux
jeunes, avant, en bourses. On ne leur a pas donnés après. On a
même converti les bourses en prêts où on a
procédé à l'endettement de 23 000 000 $ par année
pour les jeunes. On avait promis 2000 postes aux jeunes dans la fonction
publique avant, on en a coupé 1400 après. Drôle de respect
de son engagement.
On avait promis les rentes au foyer pour les femmes avant. Après,
on n'a même pas l'ombre du début d'une politique là-dessus.
On avait promis, même il n'y a pas longtemps, un plan de garderie
accéléré. On ralentit le rythme du développement
des garderies au Québec. Il faut dire que le fédéral entre
en ligne de compte, oui, mais ce n'est pas le discours, ce ne sont pas les
engagements qui sont respectés. On avait promis la parité
intégrale de l'aide sociale, sans aucune condition. On riait même
du parti qui les avait précédés, Mme la Présidente,
en disant: Vous obligez les jeunes à travailler pour avoir la
parité. Ah! Il y a même des jeunes qui n'auront accès
à aucune forme de parité. Discours avant et discours
après.
Je pourrais continuer, Mme la Présidente. Les universités,
c'était le sous-financement chronique. Les universités n'ont
jamais été aussi mécontentes. C'est la première
fois que je vois les universités s'exprimer publiquement contre. Dans
les cégeps, 10 000 000 $ de ponctions. Les commissions scolaires sont en
fusil. Les urgences. Et je pourrais continuer le discours avant et le discours
après. Cela incarne bien les propos de l'actuel premier ministre.
Le premier ministre ne se soucie absolument pas des discours avant.
Prenez l'agriculture. Mme la Présidente, le ministre d'alors
n'était pas bon. Il est parti de 43 % d'autosuffisance alimentaire et on
s'est rendu à 74 %. On ne faisait rien pour l'agriculture? 20 000
emplois perdus dans le secteur agricole depuis que vous occupez les banquettes
du pouvoir. 20 000 emplois, 200 000 000 $ par année de moins
d'investissements en immobilisations agricoles. Les cultivateurs n'investissent
plus. Ils investissent beaucoup moins. Pourquoi? Parce qu'ils comprennent que
vous n'avez aucun souci pour les agriculteurs québécois.
Une voix: On achète des terrains.
M. Chevrette: Non. Vous êtes bien meilleurs effectivement
pour permettre la spéculation.
Une voix: Oh! Oh! Oh!
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Chevrette: Mme la Présidente, ils sont forts
là-dessus...
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Chevrette: ...et les gens ont compris ça avant leur
arrivée. Vous aurez remarqué ça. Ils ont compris ça
bien avant leur arrivée à part ça, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Chevrette: Le lendemain matin, ça se garrochait pour
aller acheter des terrains parce qu'ils disaient: Enfin, le Parti
libéral est arrivé-La Vice-Présidente: À
l'ordre!
M. Chevrette: ...les moeurs de 1970-1976 vont se
réinstaurer. C'est ce qui se passe. C'est exactement ce qui se passe,
Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Chevrette: Ils ont compris ça. Les gens ont compris,
Mme la Présidente, qu'avec ce gouvernement-là, le laxisme
était facile. Ils sont "libéral", mais libéral dans le
sens qu'ils laissent tout faire. Venez, mes chers amis. Engraissez-vous, on est
là pour quelques minutes, pour quelque temps.
La Vice-Présidente: A l'ordre!
M. Chevrette: Donc, Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: À l'ordre! S'il vous
plaît, je demanderais la collaboration de la Chambre afin qu'on puisse
entendre M. le chef de l'Opposition sur son droit de réplique concernant
sa motion de censure. M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je n'ai
dérangé personne durant leur discours, y compris le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Chevrette: Non, c'est à moi... M. Ryan: Question
de règlement.
La Vice-Présidente: Sur une question de
règlement.
M. Ryan: Je veux juste rappeler une règle de
grammaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Vice-Présidente: Bon. M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Le pape vient de parler.
Des voix: Ah!
M. Chevrette: Et, comme il ne se trompe jamais, Mme la
Présidente, quel pontife! Comme il est édifiant! Le mépris
ne devrait jamais venir d'un pontife, Mme la Présidente. Au contraire,
ce devrait être la modestie. Ce devrait être la charité.
Donc, madame, l'action catholique qu'il a faite devrait l'inciter à
être généreux et non pas méprisant. S'il vous
plaît, Mme la Présidente, demandez donc à cet homme qui
avait le coeur sur la main et la générosité dans
l'âme de cacher son mépris, son fiel et son vinaigre et de les
garder pour lui.
Mme la Présidente, cela dit, je conclus en disant: Cette motion
de blâme a pour object fondamental de démasquer cette
équipe qui a lancé de la poudre aux yeux dans tous les secteurs
d'activité. En plus, l'arrogance et le mépris sont rendus
tellement grands qu'on a peine à s'exprimer en cette Chambre. Nous
n'avons dérangé aucun orateur depuis le matin et regardez ce qui
se passe depuis qu'ils sont arrivés. Regardez-les agir, leur arrogance,
cela ne fera pas longtemps, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: Mme la Présidente, vous m'avez nommé
une autre fois, n'est-ce pas?
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je demande la
collaboration de la Chambre. Nous sommes présentement sur un droit de
réplique et l'intervenant a droit à son intervention, j'aimerais
bien l'entendre. Cela dit, M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je comprends que
ça fait mal de se faire rappeler qu'on avait un discours avant et un
discours après. Je comprends que ça fait mal qu'on dise aux
femmes québécoises: Vous avez été leurrées,
vous avez été induites en erreur par ce gouvernement qui vous
avait promis la rente au foyer. Je comprends que ça fait mal quand on
dit à l'électorat anglophone: On vous avait fait des promesses et
on n'a pas livré la marchandise parce qu'on l'avait mal
évaluée avant, on n'avait même pas évalué,
comme équipe ministérielle, la possibilité de briser le
climat social québécois. Je comprends que ça fait
énormément mal quand on dit aux jeunes Québécois:
Rappelez-vous ce qu'on vous avait fait comme promesse, ce qu'on avait pris
comme engagement politique. Rappelez-vous, Mme la Présidente, comment
ça fait mal quand on dit à des gens: Vous aviez un discours
écologique mais vous n'avez pas tenu parole, et que c'est même la
ministre actuelle de l'Environnement qui ridiculise l'action de son propre
gouvernement.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre! M.
Chevrette: De son propre gouvernement. La Vice-Présidente:
À l'ordre!
M. Chevrette: Et si vous ne savez pas lire, vous lirez les
extraits de Mme l'actuelle ministre-La Vice-Présidente: À
l'ordre! (12 h 50)
M. Chevrette: ...qui vous dit: Cliff, il parlait bien mais il ne
faisait rien et depuis que je suis arrivée au ministère j'ai
repris mes dossiers...
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Chevrette: ...dans le même état qu'ils
étaient...
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Chevrette: ...en 1985. Ce n'est pas moi qui le dis, Mme la
Présidente, c'est l'actuelle ministre de l'Environnement. Je comprends
que ça fait mal.
La Vice-Présidente: Je demanderais la collaboration. M. le
chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je termine, Mme la Présidente. Cela fait mal
quand on dit aux gens de la culture: Je vous ai promis 1 % mais je ne l'ai pas
atteint. C'est sûr que ça fait mal. Vous n'avez pas livré
la marchandise. Vous aviez promis même de ne pas vous
référer à l'ancien gouvernement. Il n'y a pas une fois
où vous ne vous levez pas en cette Chambre pour dire: C'est la faute de
l'ancien gouvernement. Il va falloir que vous appreniez que ça fait
trois ans et demi que vous êtes là. L'inertie, la poudre aux yeux
et l'arrogance maintenant se sont établies dans cette Chambre, Mme la
Présidente. Ils auront beau être arrogants, ce n'est pas grave. Le
mépris des gens, par exemple, ça va transpirer de cette Chambre.
Le mépris. Ils ne sont même pas capables d'écouter un autre
intervenant 30 secondes dans le respect de ses propos. Regardez, Mme la
Présidente, regardez ça.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Chevrette: Regardez ça, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, en
conclusion, s'il vous plaît.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente.
Je n'avais même pas fini ma phrase qui démontrait cet
esprit que déjà on tentait de m'empêcher de parler.
Regardez, encore une fois, au moment où vous avez dit: "À
l'ordre!". Que voulez-vous? Je comprends que c'est le seul moyen pour certains,
Mme la Présidente, de faire voir qu'ils sont ici en cette Chambre. Mais
ce que je veux dire, en terminant: Ils auront beau être
méprisants, ils auront beau être arrogants, Us auront beau essayer
de nous intimider, Mme la Présidente, ce n'est pas vrai qu'on ne fera
pas notre travail. Ce n'est pas vrai qu'on ne soulignera pas que ces gens n'ont
pas de parole. Ces gens ont un mépris de leurs propres engagements. A
l'image de leur chef, ils ont eu des discours avant qu'ils ne sont pas capables
de tenir après.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Cette
réplique termine le débat. Je vais donc... D'accord.
Mise aux voix
Je vais maintenant mettre aux voix, si vous me permettez, la motion
présentée par M. le chef de l'Opposition, et cela en vertu de
l'article 304 de nos règlements. Cette motion se lit comme suit: "Que
l'Assemblée nationale du Québec blâme
sévèrement le gouvernement libéral de terminer son mandat
en formulant de nouvelles promesses électorales plutôt que de
travailler à réaliser ses engagements reniés de 1985,
notamment dans les domaines de la santé, de l'environnement, de la
politique familiale et de la promotion de la langue française".
Que ceux et celles qui sont en faveur de ladite motion veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire: MM. Chevrette (Juliette), Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Biais
(Terre-bonne), Garon (Lévis), Jolivet (Lavioiette), Brassard
(Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Paré (Shefford), Claveau (Ungava),
Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Hare) (Maisonneuve).
La Vice-Présidente: M. le député de
Marquette, le vote était commencé. Est-ce qu'il y a consentement?
On me demande s'il y a consentement.
Des voix: Oui.
M. Chevrette: Mme la Présidente, on ne manifestera pas la
même arrogance, on va l'accepter.
La Vice-Présidente: Cela dit... À l'ordre, s'il
vous plaît! Que ceux et celles qui sont contre ladite motion veuillent
bien se lever.
Le
Secrétaire adjoint: MM. Gratton (Gati-neau),
Saintonge (Laprairie), Mme Gagnon-Trem-blay (Saint-François), MM. Page
(Portneuf), Ryan (Argenteuil), Rémillard (Jean-Talon), Dauphin
(Marquette), Vallières (Richmond), Fortier (Outremont), Paradis
(Brome-Missisquoi), Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Doyon
(Louis-Hébert), Middlemiss (Pontiac), Sirros (Laurier), Le-febvre
(Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Philibert
(Trois-Rivières), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire
(Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pel-chat (Vachon), M. Polak
(Sainte-Anne), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Parent
(Sauvé), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Hamel (Sherbrooke),
Leclerc (Taschereau), Saint-Roch (Drummond), Lincoln (Neliigan), Bradet
(Charlevoix), Camden (Lotbinière), Mmes Cardinal (Châteauguay),
Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah
(îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska),
Gobé (Lafontaine), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance),
Richard (Nicolet), Hétu (Label le), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu),
Lemieux (Vanier), Marcil
(Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault
(Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), MacMil-lan
(Papineau), LeSage (Hull), Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington
(Matane).
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a des abstentions?
Le Secrétaire: Pour: 14
Contre: 55
Abstentions: 0
La Vice-Présidente: La motion est donc rejetée. M.
le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je propose la suspension
jusqu'à 15 heures.
La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre nos travaux
jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 15 h 8)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous reprenons nos travaux aux affaires du jour. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 9 du feuilleton.
Projet de loi 146 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 9 du feuilleton, Mme
la ministre déléguée à la Condition féminine
propose maintenant la motion d'adoption du principe du projet de loi 146, Loi
modifiant le Code civil du Québec et d'autres dispositions
législatives afin de favoriser l'égalité économique
des époux. Je cède donc la parole à Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. C'est un
honneur pour moi, à titre de ministre déléguée
à la Condition féminine, de débattre aujourd'hui, devant
cette Assemblée, du principe du projet de loi 146, Loi modifiant le Code
civil du Québec et d'autres dispositions législatives afin de
favoriser l'égalité économique des époux. Dans ses
orientations triennales en matière de condition féminine, le
gouvernement du Québec exprimait clairement sa volonté de faire
porter ses efforts sur les multiples aspects reliés de près ou de
loin à la réalité économique d'un couple
associé dans un même projet de vie. À cet effet, il
s'engageait entre autres à instaurer des mécanismes efficaces et
permanents permettant l'atteinte d'un meilleur équilibre
économique entre les conjoints par un partage plus équitable de
la richesse familiale. C'est ainsi qu'était adoptée en
décembre 1987 la Loi modifiant le Code civil en matière
d'indexation de pensions alimentaires et, un an plus tard, la Loi modifiant le
Code de procédure civile concernant le recouvrement de pensions
alimentaires. L'introduction de ces mesures, on le sait, visait à
faciliter l'indexation et la perception des pensions alimentaires.
Le projet de loi 146 propose, pour sa part, une réforme majeure
des rapports patrimoniaux des conjoints mariés et représente
à ce titre l'aboutissement d'une longue démarche dont j'aimerais
vous rappeler les principales étapes. Avant le 1er juillet 1970, les
époux québécois disposaient de deux régimes
matrimoniaux, la communauté de meubles et acquêts et la
séparation de biens. Le premier était un régime
légal, c'est-à-dire le régime automatiquement applicable
aux époux lorsque ceux-ci n'optaient pas pour un autre régime et
le deuxième, un régime conventionnel, c'est-à-dire
applicable aux époux qui le choisissaient par contrat de mariage.
Reflet de la mentalité prévalant au début du
siècle, le régime de communauté de biens était
moulé dans des techniques traduisant la subordination et
l'incapacité de la femme mariée. Dès le début des
années vingt, l'on se mit à contester le principe de
l'incapacité de la femme mariée, principe qui était
à la base même des régimes communautaires de
l'époque. En dépit des réponses successives de 1931, 1964
et 1969, le législateur ne parvint toutefois jamais à ce que la
capacité de la femme mariée en communauté de biens soit
parfaitement reconnue. En 1964, par comparaison au régime de la
séparation de biens, cette réalité devenait encore plus
évidente. En effet, si la loi sur la capacité de la femme
mariée accordait à la femme mariée en communauté de
biens le droit d'administrer ses propres biens, celle-ci n'acquérait
alors qu'une capacité fort restreinte puisque la gestion des biens
communs demeurait confiée au mari seul. À l'inverse, la femme
mariée en séparation de biens se voyait reconnaître sa
pleine capacité pour administrer et disposer de tous ses biens, la loi
de 1964 abrogeant les restrictions liées au pouvoir d'aliéner les
immeubles sans le consentement du mari ou d'accepter une donation
immobilière.
On peut supposer que c'est pour cette raison principalement que le
régime de communauté de meubles et d'acquêts subit,
à compter de cette époque, une désaffectation très
généralisée, désaffectation qui se manifestait,
lors d'une enquête en 1962, par une augmentation très
considérable des contrats en séparation de biens. En effet, pour
ceux et celles qui, avant la réforme de 1970, cherchaient un
régime matrimonial où l'épouse conservait sa pleine
capacité, la seule solution était d'adopter le régime de
la
séparation de biens. Par ailleurs, l'on sait que ce régime
était souvent recommandé afin de protéger le conjoint le
plus faible économiquement contre les aléas de la vie
économique. Dès lors que l'un des conjoints s'engageait dans une
entreprise, il pouvait être avantageux, pour protéger le milieu
familial, de choisir ce régime. Le fait que l'épouse aurait seule
la charge de la maison et que seul le mari accumulerait des biens d'une valeur
patrimoniale n'était pas alors un facteur dissuasrf pour l'option du
régime de la séparation de biens. En effet, la
société québécoise considérait encore le
décès de l'un des conjoints comme la seule cause de dissolution
du mariage, et, dans ce cas, la sécurité financière de
l'épouse pouvait être assurée par une clause testamentaire
dite "au dernier vivant les biens". Cette clause était en outre
irrévocable, à moins d'avoir été
expressément stipulée révocable.
Le mariage était une institution somme toute stable. Le taux brut
de divorces au Québec en 1968 était le plus faible au Canada,
soit de 10,2 pour 100 000 habitants. Sachant sans doute d'avance que la
situation engendrée par la loi de 1964 serait insatisfaisante, un
comité se mettait à la tâche, dès novembre 1963,
pour proposer une réforme en profondeur des régimes matrimoniaux.
Le rapport de ce comité était présenté au
gouvernement en mai 1968, un projet de loi sanctionné en décembre
1969, lequel entrait en vigueur le 1er juillet suivant. Cette loi modifiait
tout le droit des régimes matrimoniaux, elle introduisait un nouveau
régime matrimonial légal, le régime de la
société d'acquêts, qui cherchait à combiner les
aspects positifs de la séparation de biens et ceux de la
communauté de meubles et d'acquêts.
Bien qu'il s'agissait là d'un régime de partage à
la dissolution du mariage, il faudrait plusieurs années avant que les
couples québécois l'adoptent massivement. En effet, souvent par
tradition, quelquefois par choix, ceux-ci continuèrent de passer des
contrats de mariage en séparation de biens. Ainsi, même si, en
1986, 65 % des mariages contractés étaient régis par la
société d'acquêts, il n'en demeure pas moins qu'en 1986
également, 35 % des couples optaient pour la séparation de biens.
Les statistiques démontrent également, pour la période
couverte de 1971 à 1986, qu'environ 50 % des gens mariés
l'étaient en séparation de biens.
Certes, les mentalités ont évolué et la situation
des époux qui, aujourd'hui, optent pour une séparation
conventionnelle de biens est différente de celle des époux
d'hier. L'épouse n'est plus confinée quasi obligatoirement au
travail ménager et à l'éducation des enfants. Par
conséquent, elle est elle-même susceptible d'amasser certains
biens. En outre, les époux qui optent pour un tel régime le font
plus délibérément. Ils ne le choisissent plus par
dépit pour éviter que l'épouse ne perde sa capacité
juridique. De mieux en mieux informés des risques d'un tel régime
matrimonial à la fin du mariage et de plus en plus conscients, il faut
l'espérer, de la possibilité d'une dissolution du mariage avant
le décès d'un des conjoints, les époux sont sans doute
plus en mesure qu'ils ne l'étaient auparavant de faire un choix
éclairé et de prévoir des clauses réalistes qui
soient adaptées à leur propre situation.
Mais, parallèlement à cette évolution
législative, la société québécoise a subi,
au cours des vingt dernières années, d'importants
bouleversements, lesquels eurent des incidences directes sur la
stabilité des mariages. La mise en vigueur, en 1968, de la Loi sur le
divorce supprimait les contraintes juridiques qui faisaient obstacle au divorce
alors que le recul de la pratique religieuse supprimait les contraintes d'ordre
moral. C'est ainsi que le taux brut de divorces quadruplait en 1969 pour
atteindre 228,8 divorces pour 100 000 en 1979.
Le régime de la séparation de biens laisse alors
apparaître progressivement des situations inéquitables entre les
époux, situations qui, dans la plupart des cas, ne pouvaient être
prévues ou même envisagées par les époux à la
date de la conclusion du contrat de mariage, compte tenu du contexte social de
l'époque.
Ces situations inéquitables survenant à la fin du mariage
résultent le plus souvent du fait que, pendant le mariage, seul
l'époux qui a travaillé à l'extérieur a
accumulé un patrimoine, tandis que l'autre conjoint, le plus souvent
l'épouse retenue à la maison pour veiller à
l'éducation des enfants et au travail ménager, n'a
accumulé aucun bien.
Dans un contexte de stabilité des mariages, une telle
répartition des rôles à l'intérieur de la famille
n'entraîne pas nécessairement un préjudice
économique à l'un des conjoints à la fin du mariage. Il
n'entraîne pas non plus de préjudices importants si, conscients de
la possibilité d'une dissolution du mariage avant le décès
de l'un d'eux, les époux prévoient entre eux des
mécanismes, par exemple l'acquisition de la résidence familiale
en copropriété, pour compenser la perte économique que le
mariage peut occasionner à l'un des conjonts, perte économique
qui se traduirait par une disproportion notable des patrimoines des conjoints
à la fin du mariage. Toutefois, il s'est révélé,
des années après le fait, que les clauses des compensations
généralement prévues dans les contrats de
séparation de biens ne suffisaient pas à remédier au
déséquilibre économique entre les époux à la
fin du mariage, d'autant plus que la situation économique
générale s'était elle aussi profondément
modifiée. Cet ensemble de faits peut donc nous laisser croire que de
nombreux époux mariés en séparation de biens n'auraient
peut-être pas choisi ce régime s'ils avaient eu, comme
régime alternatif, un régime de type communautaire qui n'aurait
pas enlevé à l'épouse sa capacité ou encore s'ils
avaient pu prévoir que l'institution du mariage ne conserverait pas la
stabilité qu'on lui connaissait à l'époque.
Lors de la réforme de 1980, le législateur
québécois prévoyait un certain nombre de règles
imperatives auxquelles tous les époux seraient automatiquement soumis du
fait de leur mariage. Il s'agissait d'un régime dit primaire; à
l'intérieur de ce régime, on retrouvait deux catégories de
règles: les unes traitant des droits et devoirs des époux, les
autres de la résidence familiale.
Ainsi, d'une part, le législateur consacrait
l'égalité des époux dans le mariage et reconnaissait
notamment l'obligation respective de contribuer aux charges du mariage de
même qu'il reconnaissait la responsabilité commune des
époux à l'égard des dettes contractées par l'un
d'eux pour les besoins courants de la famille. D'autre part, il instituait des
règles pour protéger la résidence familiale. Il y incluait
des dispositions relatives à l'attribution préférentielle
du bail ou l'attribution d'un droit d'usage d'habitation ou de
propriété des meubles affectés à l'usage du
ménage ou de l'immeuble servant de résidence familiale lorsque
interviendrait une séparation de corps, un divorce ou une annulation de
mariage.
Le principe affirmé par l'article 441 du Code civil du
Québec indiquant que les époux ont en mariage les mêmes
droits et les mêmes obligations constitue la pierre angulaire des
relations entre les conjoints tel que considéré par le droit
civil depuis 1980. Ainsi, parce que égaux, les époux doivent
assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille,
exercer ensemble l'autorité parentale et assumer ensemble les
tâches qui en découlent. Ils sont tous deux tenus de contribuer
aux charges du mariage mais en proportion de leur faculté respective,
c'est-à-dire en proportion des biens et des ressources dont chacun d'eux
peut disposer. L'article 445 du Code civil du Québec ajoute que chacun
"peut s'acquitter de sa contribution par son activité au foyer".
De plus, les époux sont non seulement socialement mais aussi
juridiquement solidaires l'un de l'autre puisque l'époux qui contracte
pour les besoins courants de la famille engage aussi pour le tout son conjoint
non séparé de corps à moins qu'il n'ait porté
à la connaissance du tiers, préalablement à l'acte, sa
volonté de n'être pas engagé. (15 h 20)
Enfin, conformément à l'article 444 du Code civil du
Québec, laquelle disposition s'inscrivait parmi celles visant à
consacrer l'égalité des époux au sein du mariage, les
époux choisissent de concert la résidence familiale. La
résidence familiale, c'est-à-dire la résidence principale
de la famille, ainsi que les meubles qui, parmi ceux qui la garnissent, sont
affectés à l'usage du ménage, seraient les seuls biens
faisant l'objet d'une certaine protection.
Le législateur profita également de la réforme de
1980 pour instituer le mécanisme de la prestation compensatoire lequel
était principalement destiné à rétablir le
déséquilibre entre les patrimoines des conjoints mariés
sous le régime de la séparation de biens. On peut supposer que,
conscient des bouleversements sociaux importants des dernières
années, le législateur jugeait alors bon de limiter le principe
de la liberté conventionnelle entre les époux pour corriger des
situations qu'il considérait les plus inéquitables, notamment le
cas du conjoint marié sous le régime de la séparation de
biens qui, à la fin du mariage, peut se retrouver dans une situation
économique difficile. Toutefois, le mécanisme de la prestation
compensatoire ne permet pas de corriger toutes les situations
inéquitables qui, en bonne partie, résultent du fait que dans un
passé relativement récent des conjoints ont opté pour le
régime de la séparation de biens, d'une part, pour permettre
à l'épouse de conserver sa capacité et, d'autre part,
parce que le régime de la séparation de biens apparaissait,
compte tenu des valeurs en cours et de la stabilité à
l'époque de l'institution du mariage, comme un régime tout
à fait acceptable, car dépourvu des dangers qu'on lui
connaît aujourd'hui.
Contrairement à toute attente, la réforme du droit de la
famille de 1980 ne produisit pas les résultats escomptés. Elle
devait, en effet, indirectement, aggraver la situation du conjoint le plus
faible économiquement, marié en séparation de biens. Le
mari ne serait plus le seul responsable des dépenses de la famille,
malgré toute clause contractuelle à l'effet contraire. En outre,
le divorce rendait caduques les donations à cause de mort consenties en
considération du mariage en vertu de l'article 557 du Code civil du
Québec et le tribunal pourrait déclarer caduques les autres
donations à cause de mort et celles entre vifs de les réduire ou
ordonner que leur paiement soit différé. Quant à la
prestation compensatoire, elle ne s'est pas avérée suffisamment
efficace pour remédier complètement aux problèmes
vécus par certains conjoints mariés, notamment ceux qui ont
choisi comme régime matrimonial la séparation de biens.
Ainsi, le travail au foyer accompli par l'un des époux ne lui
confère pas, selon le courant jurisprudence! majoritaire, le droit
à une prestation compensatoire s'il s'agissait là uniquement de
l'exécution de son obligation aux charges du mariage. Pour faire valoir
son droit, le conjoint collaborateur se bute à d'importantes
difficultés de preuve qui, dans certains cas, sont de nature à
rendre le recours illusoire.
Finalement, le droit que l'un des conjoints possède dans un
régime privé de retraite ne peut pas servir au paiement d'une
prestation compensatoire, car ces droits sont généralement
incessibles, même entre les époux.
Pour ce qui est des règles relatives à la protection de la
résidence familiale, elles soulèvent également des
difficultés. Ainsi, on déplore notamment la condition de
l'enregistrement de la déclaration de résidence familiale pour
permettre l'exercice du recours en nullité de l'acte fait
sans (e consentement requis du conjoint ainsi que l'avis au bailleur
actuellement requis pour protéger les lieux loués comme
résidence familiale. On déplore également le fait que
certains lieux qui servent effectivement de résidence familiale ne sont
pas visés par ces dispositions qui, en se référant
uniquement aux notions de propriété et de location, ne rendent
pas compte de toutes les formes juridiques qui peuvent être
utilisées pour assurer le logement de la famille. Des problèmes
d'ordre procédural ont également été relevés
quant à la saisie de la résidence familiale et sa vente
forcée. Les règles actuelles ouvrent la porte à des
saisies abusives et à des ventes forcées de résidence
familiale à des prix dérisoires.
Finalement, d'autres difficultés ont été
relevées relativement au régime de la société
d'acquêts et de la communauté de biens. En société
d'acquêts, la qualification de certains biens, notamment le fait que les
droits des pensions de retraite et autres rentes, que le titulaire ne peut
racheter par anticipation, soient des biens propres, est discutable, alors
qu'on considère maintenant ces droits comme du salaire
différé.
En 1985, dans le but de prémunir les membres de la famille du
défunt, plus particulièrement le conjoint, contre des situations
difficiles qui résultent de l'exercice malencontreux ou abusif que le
défunt a pu faire de sa liberté de tester, le projet de loi 20
portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes,
des successions et des biens, prévoyait un chapitre traitant de la
survie de l'obligation alimentaire.
Les dispositions visaient à reconnaître le droit de tout
créancier d'aliments et de toute personne qui, à l'époque
du décès, était à la charge du défunt, de
réclamer de la succession une contribution financière à
titre d'aliment. Cette proposition suscita des oppositions et entraîna la
discussion d'une solution de remplacement qui, elle, aurait établi une
réserve héréditaire en pleine propriété en
faveur du conjoint survivant, par laquelle ce dernier aurait acquis de plein
droit une partie des biens de la succession. Toutefois, ni la proposition sur
la survie de l'obligation alimentaire, ni celle sur la réserve
héréditaire, ni d'autres qui furent également
proposées ne firent l'objet d'un consensus.
Parallèlement à toutes ces discussions sur le choix d'une
solution, des groupes et organismes élargirent le débat et le
réorientèrent sur une réforme du droit de la famille,
plutôt que du droit successoral. Selon eux, les difficultés
économiques vécues par certains époux mariés en
séparation de biens a la suite du décès de leur conjoint,
ce qui constituait le problème majeur de base des propositions,
n'étaient pas différentes de celles que vivaient d'autres
conjoints lors d'une séparation de corps ou d'un divorce. Par
conséquent, ces groupes et organismes privilégiaient une
réforme du droit de la famille, principalement axée sur la
protection du droit du conjoint le plus économiquement faible.
Ainsi, en 1986, le groupe Projet-Partage proposait de limiter la
liberté des époux d'aménager leur situation patrimoniale
et de créer une catégorie de biens familiaux qui, à la
dissolution de l'union, ferait l'objet d'un partage égal entre les
conjoints. Leur mémoire reposait sur l'idée qu'il faut compenser
le travail au foyer et la prise en charge d'enfants, lesquels
représentent une valeur sociale certaine, mais sans valeur
économique reconnue. Les recommandations du comité du Barreau du
Québec, dans son rapport sur la fiscalité, la prestation
compensatoire et le partage des biens familiaux en mariage, de mai 1987,
allaient dans le même sens. Ce comité soutenait que le
régime primaire devait reconnaître l'existence de biens familiaux
susceptibles de partage à la dissolution de l'union,
indépendamment du fait que ces biens puissent n'être la
propriété que d'un seul des conjoints.
Devant cette impasse législative et devant les nombreuses
revendications de ces groupes et organismes, il fut convenu, d'une part, de
retirer le chapitre IVe "De la survie de l'obligation alimentaire" du projet de
loi 20 et, d'autre part, de mettre sur pied un comité technique qui
aurait pour mandat d'examiner de façon globale les orientations
possibles pour mieux assurer les droits économiques des conjoints. En
janvier 1987, le Comité sur le droit économique des conjoints fut
créé. Il était formé de représentants du
ministère de la Justice, du Secrétariat à la condition
féminine, et du Secrétariat à la politique familiale.
Le mandat du comité était d'étudier, en regard du
droit actuel, la situation des conjoints pendant le mariage, lors d'une
séparation ou à la dissolution du mariage par divorce ou
décès. Il devait en outre proposer, sous forme
d'hypothèse, des modifications législatives de manière que
chacun des conjoints lors d'une séparation ou d'un divorce, et le
conjoint survivant en cas de décès soient traités avec
correction et équité sur le plan économique.
En août 1987, le comité remettait au ministre de ia Justice
un rapport dans lequel il faisait état d'un certain nombre de
problèmes vécus par les conjoints et suggérait trois
hypothèses de solutions portant chacune sur les sujets suivants: la
protection de la résidence familiale, la prestation compensatoire, les
régimes matrimoniaux, la part du conjoint survivant en droit successoral
et les régimes de rentes.
Les hypothèses avancées par le comité
s'articulaient autour de trois voies possibles d'orientation: la
première étant de maintenir les principes à la base du
droit actuel, sauf à y introduire des aménagements visant
à résoudre les difficultés soulevées, la
deuxième étant de constituer, impérativement, un
patrimoine familial sur lequel chacun des époux aurait des droits, tout
en maintenant les régimes actuels pour le surplus, le troisième
étant d'instituer, impérati-
vement, un seul régime matrimonial, la société
d'acquêts, sauf à permettre aux époux d'y déroger
par des conventions spécifiques. (15 h 30)
En juin 1988, dans un document présenté à la
consultation sur les droits économiques des conjoints par mon
collègue, M. Herbert Marx, alors ministre de la Justice, et
moi-même, l'une de ces hypothèses était retenue pour les
fins de la consultation publique: II s'agissait de la voie mitoyenne
proposée par le comité, celle où l'on reconnaissait
l'existence d'un patrimoine familial comportant un nombre limité de
biens à caractère familial, dont la valeur devrait être
partagée à part égale entre les conjoints à la fin
du mariage ou à la séparation de corps. Selon cette
hypothèse, la liberté contractuelle des époux serait
maintenue, mais uniquement pour les biens qui ne seraient pas
considérés par le législateur comme des biens devant
être inclus au patrimoine familial. Le patrimoine familial, selon cette
hypothèse, et à l'époque, était constitué
des biens suivants: la résidence familiale ou, à défaut,
la résidence secondaire ou les droits qui assurent le logement de la
famille, les meubles qui garnissent la résidence familiale et
affectés à l'usage du ménage, les véhicules
automobiles ainsi que les gains accumulés par l'un des conjoints en
vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de
programmes équivalents. Notons que ces règles de partage ne
visaient que les époux et non pas les conjoints de fait.
Tel que prévu, des consultations publiques étaient tenues
en octobre dernier sur le document de consultation. 26 mémoires
étaient alors déposés à la commission des
institutions par divers personnes, groupes et organismes; 21 d'entre eux
étaient présentés devant les membres de la commission au
cours d'audiences publiques tenues entre les 12 et 20 octobre dernier. La
diversité des interventions témoignait de l'importance
attachée au contenu du document. En effet, non seulement des groupes
féminins et familiaux étaient-ils venus se faire entendre, mais
également des représentants de différents secteurs, tels
ceux du monde syndical, des corporations professionnelles et des institutions
financières.
Évidemment, une question devait principalement retenir
l'attention, soit celle traitant de l'institution du patrimoine familial, la
plupart des intervenants n'ayant pas abordé les autres propositions du
document de consultation.
La presque totalité des intervenants se sont alors dits d'accord
avec le principe de l'institution d'un patrimoine familial. Deux d'entre eux
s'étaient abstenus de considérer le bien-fondé du principe
retenu; quelques-uns devaient se prononcer en faveur du principe retenu en
émettant quelques réserves. D'autres enfin s'y sont
opposés pour se prononcer plutôt soit en faveur d'une simple
amélioration ponctuelle, soit en faveur de l'hypothèse d'une
société d'acquêts comme régime impératif.
Pour ce qui est de la constitution du patrimoine familial, la
très grande majorité des intervenants proposait
l'élargissement de ce patrimoine. Ainsi, la plupart suggéraient
l'inclusion des régimes privés de pension ou de retraite.
Plusieurs également proposaient l'inclusion des résidences
secondaires. Quelques-uns enfin considéraient qu'il fallait en outre
inclure les biens qui ornent la résidence principale ou secondaire et
l'entreprise familiale.
On sait que la proposition gouvernementale comportait une disposition
transitoire voulant que les époux mariés avant l'entrée en
vigueur des dispositions sous le patrimoine familial puissent, dans les trois
ans de cette mise en vigueur, se soustraire à l'application de ces
règles. Plusieurs se sont prononcés contre cette mesure
transitoire; d'autres ayant manifesté des craintes certaines quant
à ses effets.
En ce qui concerne la protection de la résidence familiale,
certains ont suggéré que l'acte fait par une personne sans le
consentement de son conjoint, alors que ce consentement était requis,
soit automatiquement annulable, malgré l'absence d'enregistrement d'une
déclaration; d'autres recommandaient que la procédure
d'enregistrement soit remplacée par une déclaration faite au
moment de l'acquisition de l'immeuble.
Quant aux modifications proposées relativement à la
société d'acquêts, plusieurs indiquaient qu'advenant le cas
où les régimes privés de retraite ne seraient pas inclus
au patrimoine familial, ils souhaitaient que ces droits soient, dans tous les
cas, considérés comme des acquêts.
Enfin, en ce qui a trait aux propositions relatives à la survie
de l'obligation alimentaire, presque tous se sont dits d'accord. Seuls la
Chambre des notaires et le Conseil du statut de la femme ne partageaient pas
cet avis. Il importe cependant de noter que la Chambre mentionna par ailleurs
qu'elle ne s'y opposerait pas si l'application de ces dispositions était
limitée au conjoint survivant et si la créance était
déter-minable extrajudiciairement suivant des critères
préétablis. Notons enfin que le Conseil du statut de la femme
proposait que, lors du décès d'un conjoint, le patrimoine
familial commun revienne totalement et en pleine propriété au
conjoint survivant.
Les membres de la commission devaient enfin systématiquement
s'enquérir auprès des intervenants de la pertinence de
légiférer pour englober les conjoints de fait. Certains s'y sont
opposés clairement, d'autres se sont dits d'accord lorsqu'il y a
présence d'enfants et quelques-uns, sans exprimer une opposition ferme
sur le sujet, ont indiqué l'intérêt de se pencher
éventuellement sur la question des conjoints de fait. À la suite
de la tenue de cette commission parlementaire et en tenant compte dans la
mesure du possible des représentations faites devant celle-ci, je
présentais, le il? niai dernier, devant cette
Chambre le projet de loi 146.
Essentiellement, et concernant l'institution d'un patrimoine familial,
ce projet vise à instaurer, dans le cadre des dispositions applicables
à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial,
un patrimoine familial constitué d'une masse de biens obligatoirement et
automatiquement partageables entre ceux-ci à la fin du mariage, que
celle-ci intervienne par séparation de corps, divorce,
décès ou annulation de mariage.
Plus particulièrement, ce patrimoine est exclusivement
constitué des biens suivants dont l'un ou l'autre des époux est
propriétaire: la résidence principale et la résidence
secondaire de la famille ou les droits que confère l'usage de ces
résidences; les meubles qui garnissent ou ornent les résidences
principale et secondaire et qui sont affectés à l'usage du
ménage; les véhicules automobiles utilisés pour les
déplacements de la famille; les gains Inscrits, durant le mariage, au
nom de chaque époux dans un régime public de rentes; les droits
accumulés, durant le mariage, au titre de régime de retraite.
En conséquence, tous les autres biens que possède l'un ou
l'autre des conjoints sont exclus du patrimoine commun. Le principe de la
liberté contractuelle continue donc de s'appliquer pour tout ce qui
excède la masse de biens compris dans le patrimoine commun.
On aura remarqué, bien sûr, l'ajout notable, par rapport
à la proposition soumise à la consultation publique, que
constitue l'inclusion au patrimoine familial des sommes accumulées au
titre d'un régime de retraite et de la résidence secondaire.
À cet égard, les représentations faites par la
plupart des intervenants entendus en commission parlementaire nous ont
convaincus qu'il nous fallait reconnaître, comme partout au Canada, un
caractère de bien familial à ces sommes. En effet, leur
accumulation prive la famille d'une source de revenus substantielle (salaire
différé) et le but premier de cette privation est d'assurer
à ses membres une sécurité financière au moment de
la retraite.
Au surplus, l'on reconnaît déjà le caractère
famHial des droits d'un époux dans un régime public de retraite.
Par conséquent, H nous apparaissait difficile de ne pas
reconnaître également le caractère familial des droits de
ce même époux dans un régime privé, étant
donné que ces droits sont essentiellement de même nature.
Il nous fallait également constater qu'il arrive souvent en
pratique qu'un seul des époux ait épargné des sommes pour
alimenter un fonds de retraite, cela découlant la plupart du temps d'une
répartition de tâches volontairement consentie par ceux-ci,
pendant le mariage ou pour une période de celui-ci. Le fait de
soustraire les fonds de retraite des biens à partager aurait sans doute
eu pour effet de pénaliser celui des conjoints qui assume sa part des
tâches en restant au foyer.
 l'égard des droits accumulés au titre d'un
régime de retraite, Je tiens cependant à souligner que seules les
sommes accumulées après le mariage ainsi que la plus-value
afférente à ces sommes seront partageables, ce qui aura pour
effet d'exclure les sommes accumulées avant le mariage, ainsi que leur
plus-value, et ce, même si cette plus-value s'est accrue pendant le
mariage.
Enfin, les modalités d'évaluation et de dévolution
de ces montants seront le plus souvent déterminées dans les lois
particulières, notamment la Loi sur les régimes
complémentaires de retraite, et dans la réglementation, ce qui
évitera tout probablement et dans une large mesure les quelques
problèmes que l'on connaît à cet égard en
Ontario.
Ainsi qu'il nous le fut demandé en commission parlementaire, de
qualifier d'acquêts les sommes accumulées dans un régime
privé de retraite, celles-ci, encore une fois, étant uniquement
reconnues comme étant une portion différée du salaire.
Concernant la résidence secondaire, l'on sait que, ne serait-ce
que pour des considérations d'ordre fiscal, H arrive de plus en plus
fréquemment que la résidence familiale soit au nom de l'un des
époux et que la résidence secondaire soit au nom de l'autre.
À cet égard, des représentations, notamment du Barreau,
ont été fartes en commission parlementaire, soulignant la
nécessité que cette dernière fasse également partie
du patrimoine dans tous les cas et non seulement uniquement en l'absence d'une
résidence principale faisant l'objet d'un droit de
propriété par l'un des conjoints.
Exclure la résidence secondaire, lorsqu'il existe une
résidence principale, aurait pu mener à des injustices graves;
l'application des dispositions telles que proposées au moment de la
consultation en commission parlementaire, à savoir l'Inclusion de la
résidence secondaire uniquement lorsque les époux
n'étaient pas propriétaires de la résidence principale,
aurait en effet pu supposer que l'un des époux obtienne, par le partage,
la moitié de la valeur de la résidence principale et conserve
pour lui seul l'ensemble de celle de la résidence secondaire. Il aurait
donc pu résulter de l'exclusion de la résidence secondaire du
patrimoine familial un appauvrissement de l'un des conjoints et un
enrichissement indu de l'autre.
Il apparaissait enfin difficile de nier le caractère
éminemment familial de la résidence secondaire, celle-ci
n'étant bien évidemment pas réservée au seul usage
de l'un des époux en particulier, mais bien à celui de l'ensemble
de la famille. (15 h 40)
Pour toutes ces raisons, nous avons donc convenu d'inclure dans le
patrimoine familial automatiquement partageable entre les époux, la
résidence secondaire.
Les dispositions du Code civil du Québec
relatives au patrimoine familial s'appliqueront à tous les
époux, dès le moment de leur entrée en vigueur. Ainsi
seront affectés par ces dispositions tant les époux mariés
avant l'entrée en vigueur de la loi que ceux qui se marieront
après cette date. Cependant, les époux déjà
mariés au moment de l'entrée en vigueur de la loi pourront, s'ils
le désirent, renoncer à l'application des dispositions relatives
au patrimoine familial. Pour ce faire, ils devront manifester, dans les 18 mois
de la date de leur entrée en vigueur, par acte notarié, leur
volonté de ne pas y être assujettis. Toutefois, il faut noter que
cette renonciation sera sans effet sur le droit des époux de partager
les gains inscrits, durant le mariage, à leurs noms, en application de
la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de programmes
équivalents. Cette exception peut se comprendre aisément
puisqu'elle repose sur le fait qu'en droit actuel, ces gains sont
déjà, dans certaines circonstances, partageables entre les
époux. Permettre à ceux-ci de renoncer à ces droits ne
serait pas sans créer un certain nombre d'injustices.
Les dispositions sur le patrimoine familial affectent les époux,
elles ne visent d'aucune façon les conjoints de fait, même dans le
cas où ces derniers auraient des enfants.
Il va de sol que dans la mesure où les conjoints de fait ne sont
pas assimilés, par le Code civil, à des époux, en ce qui
concerne leurs droits et obligations entre eux, notamment pour ce qui est de
l'obligation du secours et d'assistance, nous voyons mal comment nous pourrions
leur appliquer les règles sur le patrimoine familial. Cette question
devra être discutée de nouveau, et ce, de façon globale. Il
faut cependant noter que les conjoints de fait peuvent toujours convenir entre
eux de régimes ou de règles similaires à celles qui
concernent les époux au Code civil du Québec, notamment ils
pourraient donc être assujettis aux règles sur le patrimoine
familial.
À ce sujet, l'on sait que, depuis 1980, le
phénomène de l'union de fait s'est développé au
Québec. Toutefois, en 1986, sur 1 500 000 couples, 1 300 000
étaient mariés, alors que 188 000 seulement étaient en
union de fait, 12,5 % des couples. Parmi les couples vivant en union de fait,
seulement 69 900, c'est-à-dire 4,6 %, avaient des enfants.
On peut facilement, quant aux couples mariés, connaître
leurs motivations et aspirations, puisque ceux-ci choisissent une forme d'union
qui est reconnue socialement et législa-tivement. Ce n'est cependant pas
le cas des personnes vivant en union de fait. En effet, il est très
difficile d'évaluer précisément le début ou la fin
de leur union, d'évaluer si celle-ci est favorable ou non à la
présence d'enfants ou de connaître les modes d'administration des
biens adoptés par les concubins.
Au Canada, trois législations font spécifiquement mention
des cas des concubins, mais en les excluant toujours des dispositions touchant
le partage des biens. En Ontario, le seul droit qu'on leur reconnaît est
au chapitre de l'obligation alimentaire.
Aux plans juridique et social, il faut aussi considérer que
l'application, sans distinction, aux concubins des règles du mariage
aurait pour effet d'assimiler les deux formes d'union, ce que nous avons
rejeté, en 1980, lorsqu'on a débattu de cette question. Une telle
assimilation ne serait pas sans conséquence, car quel serait alors le
sens du mariage ou la valeur civile du mariage religieux et quelle serait la
forme d'union développée par ceux qui ne veulent pas être
réglementés?
En conséquence et en l'absence d'études plus approfondies
du phénomène, il nous semblait, à ce moment-ci, inopportun
de légiférer sur les rapports civils des concubins. Nous avons
donc proposé qu'un groupe de travail interministériel soit
formé et que ce groupe ait le mandat d'analyser la question et de faire
effectuer les recherches sociologiques nécessaires afin
d'éventuellement apporter, s'il y a lieu, les corrections
législatives appropriées.
Il me paraît nécessaire de faire ici état des
moments où s'effectuera, dans la vie des époux, l'ouverture du
droit au partage de leur patrimoine familial. En effet, c'est uniquement en cas
de séparation de corps, de dissolution ou de nullité de mariage
que naîtra le droit au partage du patrimoine.
Ce partage s'effectuera à part égale entre les
époux sur sa valeur nette. Pour calculer la valeur nette du patrimoine
familial, il suffira de soustraire de la valeur réelle ou marchande de
ce patrimoine les dettes contractées pour l'acquisition,
l'amélioration, l'entretien ou la conservation des biens dont est
constitué ce patrimoine et de soustraire également, lorsque l'un
de ces biens a été acquis avant le mariage par l'un des
époux, les sommes qu'il a payées à l'égard de ce
bien avant le mariage.
Enfin, lorsque l'un de ces biens aurait été acquis pendant
le mariage par l'un des époux par don ou héritage, il faudra en
outre soustraire, pour les fins du partage, la valeur de ce bien au moment du
don ou de l'héritage.
Une fois ces opérations terminées, il sera aisé de
déterminer la part ou les parts respectives de chacun des époux.
L'un d'eux deviendra débiteur envers l'autre d'une certaine valeur et
l'autre créancier envers lui de cette même valeur. Ils pourront
convenir ensemble de l'exécution du paiement de cette obligation. Elle
pourra avoir lieu en numéraire ou par dation en paiement.
Enfin, il importe de mentionner que le tribunal pourra, sur demande,
déroger au principe du partage égal du patrimoine familial des
époux lorsque, d'un tel partage, résulterait une injustice,
compte tenu notamment de la brève durée du mariage, de la
dilapidation de certains biens par l'un des époux ou encore de la
mauvaise foi
de l'un deux. Il a semblé nécessaire de prévoir une
certaine discrétion judiciaire pour permettre l'examen des cas
particuliers par le tribunal. En l'absence de cette discrétion, les
dispositions sur le patrimoine familial pourraient sans doute entraîner
certaines situations inéquitables.
Les dispositions sur la protection de la résidence familiale ont
été élargies par rapport au droit actuel, entre autres,
pour permettre d'assurer la protection de la résidence familiale des
époux, même lorsque celle-ci n'est pas la propriété
de l'un deux. Il suffit que l'un des époux soit détenteur de
droits qui lui confèrent l'usage de la résidence pour qu'il ne
puisse en disposer sans le consentement de son conjoint. Ainsi, par
exemple, l'époux détenteur d'actions qui lui confèrent
l'usage de la résidence familiale devra obtenir le consentement de son
conjoint pour disposer de ses actions. Cette modification permettra d'assurer
une protection plus adéquate de la résidence de la famille.
Pour ce qui est de la prestation compensatoire, les règles sont
modifiées de manière que l'époux collaborateur puisse
faire valoir son droit à une prestation compensatoire dès la fin
de sa collaboration à l'entreprise. Cette modification constitue un
ajout important au droit actuel puisqu'il ne peut pas actuellement faire valoir
son droit à une prestation compensatoire pendant le mariage, ce droit
à la prestation compensatoire étant uniquement ouvert à la
fin du mariage ou à la suite d'une séparation de corps.
Enfin, les dispostions relatives à la prestation compensatoire
sont modifiées de manière à faciliter la preuve de
l'époux collaborateur à son droit à une prestation
compensatoire. Il pourra prouver son apport à l'enrichissement de son
conjoint par tout moyen.
En ce qui concerne les règles de la société
d'acquêts, la principale modification a trait à la qualification
des droits à la retraite. J'en ai parlé brièvement
précédemment. Actuellement, certains droits de retraite sont
expressément qualifiés de biens propres. Ainsi, même si ces
biens sont acquis par l'un des époux pendant le mariage, ils ne sont pas
considérés comme des acquêts. Le projet de loi 146 modifie
cette règle en supprimant les exceptions relatives à certains
droits à retraite. On considère, de façon
générale, que ces droits n'ont plus le caractère personnel
qu'on leur prêtait autrefois et que, par conséquent, la
qualification de bien propre n'est pas justifiée.
D'autres modifications sont apportées aux règles actuelles
de la société d'acquêts. Il s'agit de modifications
mineures qui ont principalement pour but de clarifier le droit actuel.
Enfin, le projet de loi 146 institue la notion de la survie de
l'obligation alimentaire. Les dispositions qui traitent de cette question sont
insérées au Code civil du Bas-Canada parmi les dispositions
relatives au droit des successions.
Avec l'introduction de ce chapitre nouveau, le projet de loi entend
apporter une solution équitable aux cas malheureux où le
défunt, pourtant en moyens, déshérite ou laisse sans
ressources des personnes qui dépendaient de lui pour leur soutien
alimentaire, qu'il s'agisse de personnes qui en étaient
légalement créanciers alimentaires ou de personnes qui, dans les
faits, se trouvaient à dépendre de lui pour leur subsistance.
Le draft actuel, avec le principe de la liberté illimitée
de tester qu'il comporte, permet certes au testateur de pourvoir aux besoins
réels des membres de sa famille et des personnes à sa charge et
le plus souvent celui-ci use sagement de cette liberté. Mais il ne
prévoit aucune mesure destinée à protéger ces
personnes contre l'exercice abusif de sa liberté de disposer de ses
biens comme H l'entend. Même l'obligation de secours que lui impose le
droit actuel envers ses créanciers alimentaires s'éteint avec son
décès.
Aussi, bien que certains puissent encore aujourd'hui être
partagés entre le besoin de protéger ces personnes et le respect
de la liberté du défunt, les circonstances actuelles de
même que les revendications de la majorité des groupes ou
organismes intéressés en cette matière dénotent la
nécessité d'instaurer en droit civil des règles
protectrices de la proche famille du défunt et, par extension, les
personnes dont la situation matérielle peut être directement
affectée par le décès. (15 h 50)
Ces dispositions sur la survie de l'obligation alimentaire reconnaissent
à tous ceux qui, du vivant du défunt, en étaient
légalement créanciers alimentaires ou étaient à sa
charge, de réclamer contre sa succession une contribution
financière pour leur tenir d'aliments. Ces personnes doivent cependant
exercer leur droit, à peine de déchéance, dans les six
mois du décès.
Considérant le but même recherché par la mesure
instaurée, il va de soi que les créanciers alimentaires du
défunt, c'est-à-dire ses ascendants ou descendants tel que
l'édicté l'article 633 du Code civil du Québec, sont les
premiers bénéficiaires de la survie de l'obligation alimentaire
du défunt. Mais sont également visées les personnes qui,
sans être légalement créanciers alimentaires du
défunt, dépendaient néanmoins de lui pour leur soutien
matériel, tels ses parents en ligne collatérale, voire des
personnes non liées au défunt par des liens de parenté,
lesquelles méritent aussi d'être mises à l'abri des
libéralités excessives du défunt.
Il est important de mentionner qu'une contribution à titre
d'aliments ne sera pas accordée dans tous les cas à la personne
qui pourra en faire la demande. Divers critères devront être
considérés, notamment les besoins et les facultés de la
personne qui demande une contribution à titre d'aliments, les
circonstances dans lesquelles elle se trouve, ainsi que l'actif de la
succession.
Enfin, cette contribution est attribuée sous
forme d'une somme forfaitaire payable au comptant ou par versements.
Elle est fixée en accord avec la personne chargée de liquider la
succession agissant avec le consentement des héritiers et des
légataires ou, à défaut d'entente, par le tribunal.
De la synthèse qui précède, vous aurez compris que
par ce projet, nous cherchons essentiellement à consacrer le mariage
comme une véritable institution de partenariat servant de base à
l'organisation de la famille sous l'enseigne de l'égalité des
conjoints. Cette réforme, qui profitera à tous les membres de la
famille, vise donc premièrement à concrétiser, au moment
d'une séparation de corps, d'un divorce ou d'un décès, les
principes d'égalité en mariage inscrits depuis bientôt une
décennie dans le Code civil du Québec.
Nous souhaitions également pallier aux difficultés
vécues, à la fin du mariage, par certains époux
mariés en séparation de biens. Cette réforme vise ainsi,
deuxièmement, à garantir une certaine protection au conjoint le
plus faible économiquement.
Cela étant dit et afin de bien cerner les motifs nous ayant
incités à procéder à l'élaboration de cette
réforme majeure, vous me permettrez, M. le Président, de traiter
des incidences de celle-ci sur la liberté contractuelle, sur l'union de
fait et le mariage et enfin, sur la politique familiale et la condition
féminine.
Ainsi que je le mentionnais plus avant, les dispositions du projet de
loi 146 introduisent, de façon imperative, un principe de partage
égali-taire d'application immédiate.
À ce propos, d'aucuns nous ont fait remarquer que la constitution
d'un patrimoine familial parmi les règles imperatives des effets du
mariage entraîne une restriction importante à la liberté
contractuelle des époux: le sort des biens qui le constituent
échappe, en effet, en partie, au contrôle de celui qui en est le
propriétaire. De plus, pour les couples qui n'ont comme bien de valeur
que la résidence familiale, des rentes ou régimes de retraite, la
marge de liberté s'amenuise encore davantage. Pour les couples
déjà mariés, enfin, l'institution du patrimoine familial
modifie l'effet des conventions déjà faites.
À cet égard, je le rappelle, l'objectif premier de ce
projet est de consacrer le mariage comme une véritable institution de
partenariat.
La reconnaissance de la primauté d'une politique publique par
rapport à l'autonomie individuelle nous apparaissait donc
justifiée par l'importance de l'enjeu social: l'avènement de
rapports égalitaires entre hommes et femmes dans et par le droit.
Cette considération appelait, nous le croyons, une mobilisation
du législateur. Il s'agissait, en effet, de repenser une
mécanique juridique et sociale qui tend à reproduire
l'inégalité. Le législateur, à ce sujet, a des
responsabilités énormes. Il ne peut se contenter d'être
à la remorque d'une évolution inéluctable, certes, mais
que trop de lourdeurs sociologiques et économiques contrarient. Une
stratégie de changement social ne peut, lorsqu'elle remet en cause des
attitudes aussi profondément ancrées que celles qui
déterminent les rapports hommes femmes, se borner à proposer des
modèles institutionnels nouveaux en laissant à chacun la
faculté d'y adhérer.
Le succès encore imparfait de l'implantation du nouveau
régime légal de société d'acquêts illustre
d'ailleurs les aléas d'une stratégie purement incitative. Par
ailleurs, il faut comprendre que le patrimoine familial se distingue d'autres
mécanismes tendant à rééquilibrer la situation
économique des conjoints, mais de manière corrective, a
posteriori, comme la prestation compensatoire ou la survie de l'obligation
alimentaire.
Il nous semblait, enfin, que refuser l'instauration d'un patrimoine
familial, au motif que cette nouvelle institution ne cadre pas avec certains
régimes matrimoniaux que peuvent vouloir choisir les époux,
équivaudrait à donner plus d'importance à des
modèles juridiques qu'aux impératifs de mouvement social. Ce
faisant, le législateur se priverait d'un levier nécessaire au
changement social.
Parce qu'elle est étroitement reliée à la question
précédente et aussi parce que ce point a été
à maintes reprises soulevé, je traiterai brièvement ici
des effets rétroactifs de la mise en place du partage familial pour les
conjoints mariés. À ce sujet, je souhaite d'abord préciser
que si cette loi d'application immédiate peut sembler avoir des effets
rétroactifs, elle n'est cependant pas, sur le strict plan juridique, une
législation rétroactive, puisqu'elle n'a pas pour effet d'annuler
ou de rendre invalides des actes passés ou de modifier les effets qu'ils
ont eus antérieurement. On trouvera un exemple de législation
rétroactive à l'article 569.1 du Code civil du Québec
où il est dit: "II est et a toujours été permis de
stipuler au bail des clauses qui limitent les droits des parties..."
Par ailleurs, si la proposition législative se voulait
d'application immédiate, c'est que le deuxième objectif poursuivi
est de résoudre un problème issu de l'application des
dispositions du droit actuel et dénoncé par plusieurs groupes,
à savoir la situation inéquitable vécue à la fin du
mariage par le conjoint qui, généralement marié en
séparation de biens, pour des motifs qui pouvaient être valables
lors du mariage, sans nécessairement l'être par la suite, n'a pu,
s'étant consacré aux tâches d'éducation des enfants,
se constituer un patrimoine ou développer une activité
professionnelle rémunératrice.
Il convenait donc de prolonger les principes d'équité et
de justice inscrits dans la réforme du droit familial effectuée
en 1980, qui voulaient que les époux aient, en mariage, les mêmes
droits et les mêmes obligations; qu'ils exercent ensemble la direction
morale et matérielle de la
famille, l'autorité parentale et assument les tâches qui en
découlent; qu'ils contribuent, en proportion de leurs facultés
respectives, aux charges du mariage et que chacun d'eux puisse s'acquitter de
sa contribution par son activité au foyer.
Au surplus, comme le problème vécu est actuel et non
seulement futur, légiférer pour les seuls couples mariés
après l'entrée en vigueur de la loi ne permettait pas de le
résoudre. De plus, ne légiférer que pour le futur aurait
eu pour inconvénient de créer deux catégories de couples
mariés, ce qui aurait pu susciter des tensions entre couples comparant
leur situation respective.
En dernier lieu, Ton doit noter que les provinces canadiennes de "common
law" ont toutes adopté, en droit de la famille, des législations
visant à résoudre le même problème et que ces
législations étaient d'application immédiate; elles ont eu
des effets importants à l'égard des époux mariés
antérieurement à la mise en vigueur de ces textes: à la
fin du mariage, les époux des provinces de "common law" qui n'ont pas
adopté de conventions contraires sont obligés de partager leurs
biens familiaux, ce qu'on appelle "family assets", alors même qu'au
moment du mariage ou de l'achat de ces biens, rien ne les y obligeait.
Le mariage n'est pas un simple contrat. C'est un contrat solennel qui,
pour être valide, doit être célébré de
manière publique devant un officier compétent et qui, s'il n'est
pas dissous par décès, ne peut l'être que par un tribunal,
suivant une certaine procédure. Il a toujours été, dans
notre droit et, généralement dans le droit occidental,
perçu comme une situation juridique de type institutionnel "qui a pour
but de créer sur la tête des époux des charges plutôt
que des prérogatives". Dès lors, "malgré l'apparence d'une
forme contractuelle, le mariage ne peut pas être considéré,
au plan de ses effets, comme une situation juridique contractuelle... Cette
qualification prend toute son importance en droit transitoire lorsqu'il s'agit
de déterminer l'effet de la loi nouvelle sur les situations juridiques
en cours lors de son entrée en vigueur".
La qualification du mariage comme une institution découle
nécessairement de la législation: l'article 440 du Code civil du
Québec limite la liberté contractuelle des époux lorsqu'il
prévoit qu'ils "ne peuvent déroger aux dispositions du
présent chapitre, quel que soit leur régime matrimonial";
l'article 441 impose des devoirs mutuels de respect, de fidélité,
de secours et d'assistance ainsi que l'obligation de faire vie commune. C'est
aussi cette qualification qui a justifié le législateur
d'intervenir dans l'organisation des rapports familiaux, et, dans
l'intérêt public, d'appliquer immédiatement une loi
nouvelle qu'il considère favorable au maintien ou au
développement de la famille. Appliquant ainsi une législation
nouvelle, il modifie, pour le futur, les effets que les époux pouvaient
anticiper lorsqu'ils se sont mariés ou lorsqu'ils ont choisi un
régime matrimonial. (16 heures)
Ainsi, par exemple, la réforme de 1964 sur la capacité de
la femme mariée a été d'application immédiate et,
lors de la réforme du droit de la famille de 1980, le
législateur, parce qu'il le jugeait d'intérêt public, a
édicté un ensemble de règles qui se sont imposées
aux époux, même s'ils étaient mariés avant
l'entrée en vigueur de la nouvelle loi: par exemple, les règles
relatives à la prestation compensatoire et à la protection de la
résidence familiale. De même, en 1968, la Loi sur le divorce a
été d'application immédiate. Or, cette loi a
profondément modifié les situations juridiques en cours, car,
pour les couples mariés avant 1968, le mariage était, au moment
où il a été célébré, indissoluble et
leurs ententes, dont le contrat de mariage, prenaient en compte ce fait; or, la
Loi sur le divorce a modifié les équilibres prévus et
rendu obsolètes certaines dispositions contractuelles.
Si, par ailleurs, l'on doit reconnaître qu'en matière de
régimes matrimoniaux, les époux ont, sous réserve des
dispositions imperatives, une entière liberté contractuelle, il
est difficile de jauger celle-ci de la même manière que l'on peut
le faire pour d'autres contrats. La durée du contrat, les rapports
émotifs étroits sous-jacents à celui-ci, la qualité
ou non de l'information reçue lors du contrat,
l'imprévisibilité de l'évolution de la situation
matrimoniale et familiale et la démarche institutionnelle
nécessaire auprès de tiers pour modifier un contrat font que la
notion de liberté contractuelle ne peut, dans les rapports conjugaux,
être perçue de façon absolue.
Certes, les mesures proposées affecteront une proportion de
couples québécois, mariés en séparation de biens,
32 % en 1988, mais, il ne faut pas oublier qu'à l'inverse, ce sont 68 %
des gens mariés en 1988 qui partagent l'ensemble de leurs biens.
Enfin, pour les gens mariés au moment de l'entrée en
vigueur des modifications proposées, je tiens à rappeler que l'on
a prévu l'existence d'une mesure transitoire leur permettant, de
consentement mutuel et par acte notarié, dans les 18 mois suivant cette
date, de se désengager de l'application des règles
prévoyant le partage d'un patrimoine familial.
Une autre objection, à caractère plus sociologique,
mérite d'être considérée. Elle consiste a
prédire qu'en déterminant de façon imperative le sort
d'une partie du patrimoine commun des conjoints, le législateur ferait
du mariage une institution trop contraignante sur le plan patrimonial. Les
couples seraient alors amenés à préserver leur autonomie
sur ce plan en situant leurs rapports dans le cadre de l'union libre.
Pour notre part, nous croyons, au contraire, que le meilleur moyen de
conserver au mariage sa capacité d'attraction est d'en faire
clairement
le porteur du principe d'égalité entre les conjoints.
C'est ce que tend à faire, de façon visible et simple, la
création d'un patrimoine familial partageable par moitié. Placer
cette institution égalitaire à la base des rapports patrimoniaux
entre tous les époux, c'est contribuer à ce que le mariage
réponde aux aspirations et aux valeurs des générations
montantes.
Au surplus, après une étude de certaines statistiques,
nous en sommes venus à croire que la baisse des mariages au
Québec serait plutôt reliée à une mutation sociale
qu'aux lois qui s'y appliquent.
En 1986, selon Statistique Canada, 5,9 % des couples ontariens vivaient
en union de fait alors qu'au Québec, durant la même
période, cette proportion était de 11,8 %. Toujours selon
Statistique Canada, entre 1972 et 1986, c'est en Ontario qu'était
enregistrée la plus faible diminution du nombre de mariages, en
pourcentage, au Canada, soit 15,2 %.
Comme la loi ontarienne sur le droit de la famille a rendu la notion de
partage d'un patrimoine familial applicable aux couples mariés
dès 1978, ces statistiques ne semblent pas indiquer comme telles un
impact négatif de la notion de partage sur le mariage. Toujours suivant
ces statistiques, l'Ontario est la province où le nombre de mariages a
le moins baissé au Canada, entre 1972 et 1986, alors que le
Québec vient au premier rang.
Enfin, un sondage réalisé dans le cadre d'un omnibus
SORECOM, entre le 2 et le 11 décembre 1988, et à la demande du
Secrétariat à la condition féminine,
révélait:
Que la très grande majorité des Québécois,
soit 87 %, se disait totalement d'accord ou plutôt d'accord avec le
principe général d'un partage de certains biens familiaux
accumulés;
Que de l'avis des Québécois, ce sont les femmes (82 %) et
les enfants (79 %) qui subissent très souvent ou souvent des dommages
économiquement importants lors d'un divorce;
Que près de quatre répondants sur cinq seraient tout
à fait en faveur ou plutôt en faveur à ce que le
gouvernement propose pour tous les couples mariés un partage de certains
biens familiaux acquis pendant le mariage.
Il apparaît donc que structurer le mariage comme une institution
égalitaire, tant du côté des personnes que du
côté des patrimoines, constitue l'organisation juridique
souhaitée pour fonder une famille.
L'impact des modifications législatives proposées sur une
politique intégrée et globale de la famille au Québec est
difficile à mesurer.
Le droit civil, lorsqu'il réglemente les effets du mariage,
influe nécessairement sur la perception qu'ont les couples de la vie
conjugale et familiale. Mais le facteur droit civil n'est que l'un des nombreux
facteurs à prendre en compte. Les règles de la fiscalité,
la qualité du logement, les mesures de sécurité sociale
sont aussi des facteurs qui ont un impact majeur sur cette politi- que.
Même si l'impact des modifications proposées était
difficile à mesurer, cela seul ne devait pas suffire à remettre
en question l'opportunité et la nécessité de modifier les
rapports patrimoniaux entre époux pendant ou après le mariage,
si, par ailleurs, le maintien du droit actuel est perçu comme source
possible d'injustice, Cette dénonciation fut d'ailleurs le
résultat le plus net de la consultation publique.
D'ailleurs, le comité de consultation sur la politique familiale
recommandait, dans son rapport, le partage d'un patrimoine familial et le
secrétariat à la politique familiale a participé au
comité sur les droits économiques des conjoints, lequel, dans son
rapport, envisageait la solution d'ensemble retenue comme l'une de ses
hypothèses de solution.
Il va sans dire finalement que la réforme proposée,
principalement les règles prévoyant le partage des biens
familiaux, risque d'améliorer la condition économique des femmes,
principalement celles mariées en séparation de biens. On sait
qu'à la suite d'un divorce, les femmes subissent une baisse de revenus
substantielle et les hommes une hausse appréciable. Les règles de
partage du patrimoine familial des époux devraient diminuer
l'écart entre leur patrimoine respectif à la fin du mariage.
Toutefois, pour que cet effet bénéfique se produise, le
patrimoine familial devait être constitué d'une masse suffisante
de biens, dont la valeur soit représentative de la richesse des
conjoints, et permette d'englober des biens équivalant à ceux
inclus dans le patrimoine, afin d'éviter que les époux ou l'un
d'eux n'investissent exclusivement que dans des biens exclus du patrimoine et
donc non partageables.
Le travail à l'extérieur et le travail au foyer sont l'un
et l'autre essentiels à l'acquisition, l'entretien et
l'amélioration de ce patrimoine familial. Même dans les cas
où les deux conjoints travaillent à l'extérieur, cela
n'exclut pas l'activité au foyer qui doit être effectuée en
surplus, d'où la nécessité qu'elle soit reconnue
entièrement sur le plan juridique par l'instauration au régime
primaire de la notion "patrimoine familial" obligatoirement partageable entre
les époux à la dissolution du mariage.
L'intervention de l'État québécois en ce sens
constitue nécessairement une reconnaissance sociale du travail au foyer.
Le mariage sera désormais consacré socialement comme une
institution de partenariat où les contributions de chaque conjoint,
notamment l'activité au foyer, doivent être compensées
matériellement par un partage égal du patrimoine familial qu'ils
ont bâti ensemble au cours du mariage.
En conclusion, M. le Président, en 1978 le Conseil du statut de
la femme reconnaissait que le régime légal de la
société d'acquêts était celui qui était le
mieux adapté à la situation de la plupart des couples
québécois. Depuis lors, et bien qu'if ait constaté le peu
de popularité du
régime et les Inéquités crées par la
séparation de biens, le législateur, soucieux de préserver
la liberté de choix des époux, décidait de maintenir tel
quel le système des régimes matrimoniaux et faisait porter son
action sur des mesures susceptibles d'augmenter le nombre de mariages
régis par la société d'acquêts et de pallier les
inconvénients de la séparation de biens.
Aujourd'hui, à la lumière de la progression
constatée de la société d'acquêts, on peut
prétendre que de plus en plus de conjoints considèrent le mariage
comme une société donnant ouverture à un partage
égal au moment de la rupture.
L'information et l'éducation font tranquillement leur oeuvre et
ce, sans qu'on ait imposé à tous et à toutes une solution
uniforme. Si on poursuit les actions d'information, cette progression
continuera sans doute et on peut espérer que de plus en plus de couples
pourront bénéficier de la meilleure protection au moment de la
rupture. (16 h 10)
Par ailleurs, il y aura toujous des personnes qui, pour
différentes raisons, voudront conserver l'indépendance du
patrimoine dans le mariage. On ne peut présumer de leur ignorance
à toutes et à tous. Il nous apparaît essentiel de
préserver autant que possible cette liberté de choisir. Nous
pensons donc qu'il valait mieux privilégier des règles juridiques
qui maintiennent un certain écart entre le régime légal de
type communautaire et un régime de type séparatiste pour que se
poursuive la progression constatée à l'égard du
régime de la société d'acquêts.
Il faut cependant que cet écart se réduise. À ce
titre, l'inclusion au régime primaire d'un partage minimal de biens
familiaux représentant le patrimoine commun atténue pour les
femmes mariées en séparation de biens la
sévérité d'un non-partage et assure une reconnaissance de
leur contribution au couple et à la famille, quelles que soient les
tâches effectuées et les fonctions qu'elles aient remplies. Cette
solution nous semble donc celle où les notions d'équité et
de liberté s'équilibrent le mieux tout en apportant une
réponse susceptible de satisfaire aux besoins de la majorité des
couples visés.
Les femmes ont jusqu'à maintenant payé cher le prix que la
sécurité du mariage devait leur procurer: moins de formation,
moins d'incitation à se préparer contre les difficultés de
la vie, moins de facilités à intégrer le marché du
travail, moins d'autonomie, la responsabilité entière des charges
familiales, la dépendance totale à l'égard d'un
conjoint.
L'entrée en vigueur de la Loi sur le divorce en 1968
entraînant la rupture du mariage et, par le fait même la fin des
responsabilités en découlant a suscité une prise de
conscience énorme chez les femmes et a contribué à
démontrer à quel point certaines d'entre elles étaient
démunies.
Nous devions adopter des mesures qui permettront de corriger les
Inéqurtés subies par certaines femmes, qui modifieront en leur
faveur les règles du pouvoir au moment de la rupture et qui
entraîneront un partage plus juste de la richesse familiale.
Mais les bénéfices que procure le mariage ne pourront
jamais, sauf dans de rares exceptions, si elles ont des conjoints très
riches, préserver les femmes de la pauvreté. On ne doit pas non
plus leur laisser croire qu'un partage des biens familiaux, aussi poussé
soit il, pourra suffire à combler leurs besoins. La moitié de
tous les biens du ménage ne remplacera jamais, pour les femmes, une
formation adéquate et un emploi rémunérateur qui demeurent
encore les meilleures stratégies pour accéder à une
véritable autonomie financière. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le vice-Président: Nous allons poursuivre le débat
avec l'intervention de Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous avons
déjà eu l'occasion de le manifester lors des travaux de la
commission parlementaire qui se sont déroulés l'automne dernier,
nous avons l'intention de concourir à l'adoption de ce projet de loi sur
les droits économiques des conjoints. Je crois qu'il est certainement
utile à ce moment-ci de rappeler la position, je dirais, responsable et
non partisane que l'Opposition a manifestée tout au cours des
différentes démarches qui nous permettent maintenant de
procéder à l'examen du projet de loi 146.
Évidemment, je pense qu'il faut rappeler que, dès le
départ, nous avons adopté une attitude responsable dans ce
dossier névralgique. Notamment, pour accélérer
l'avancement des travaux de la réforme du Code civil, dès
l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral en 1985, nous avons
consenti au retrait des dispositions qui étaient déjà
incluses dans le projet de loi 20 portant sur le partage des biens en cas de
décès seulement. Nous avons donc consenti à retirer du
projet de loi 20, pour qui soit adopté par cette Assemblée, les
dispositions qui traitaient de la réserve héréditaire ou
de la créance alimentaire, en d'autres termes de ce qui faisait l'objet
du droit successoral, du partage des biens familiaux lors d'un
décès, donc de tout ce qui faisait partie du chapitre du droit
successoral et à revoir l'ensemble de ces dispositions, cette fois
à l'intérieur d'une véritable réforme du droit de
la famille. Je le rappelle parce qu'il faut se dire que c'est l'aboutissement
d'une longue démarche. Mme la ministre elle-même l'a
signalé, ce n'est pas parce qu'on est à la fin d'une session, que
c'est à la dernière minute que nous procédons à
l'examen de ces questions.
Cela fait, non pas seulement des semaines,
mais des mois pour ne pas dire des années, que c'est
évident que c'est presque avec impatience que nous attendions l'examen
en deuxième lecture de cet important projet de loi. D'ailleurs, j'avais
eu l'occasion, dès la clôture des travaux en commission
parlementaire le 20 octobre dernier, de mettre le gouvernement en garde contre
un délai trop long pour procéder à l'adoption d'un tel
projet de loi. Je rappelle les propos que je tenais à la clôture
de nos travaux le 20 octobre dernier, il y a maintenant huit mois, alors que je
disais que le gouvernement devait prendre ses responsabilités en
matière d'accélération de l'adoption d'un projet de loi,
d'autant plus - et c'est toujours vrai maintenant - qu'en saisissant l'opinion
publique de la possibilité d'un partage, le gouvernement laissait, dans
le fond, à des conjoints, qui pouvaient être tentés de s'y
soustraire, la tentation d'accélérer les procédures en
séparation. Encore une fois, la possibilité était ouverte
que des conjoints économiquement faibles pâtissent de ces
délais. À partir du moment où l'opinion publique, la
société est saisie de ces questions, il y va de la
responsabilité du gouvernement, lui rappelais-je à ce
moment-là, de légiférer rapidement.
Évidemment, huit mois plus tard - parce que c'était
là des propos tenus le 20 octobre - je dirais presque que ce n'est pas
trop tôt. Et nous avons l'intention de concourir à l'examen en
commission parlementaire et à l'adoption en troisième lecture de
ce projet de loi. Encore une fois, je pense qu'il faut insister sur le fait que
c'est une loi à portée restreinte, il y a eu un déluge, je
dirais, parfois une tempête d'opinions pas toujours très
éclairées d'ailleurs, qui s'est soulevée sur la nature
même de ce qui était proposé dans le projet de loi 146. Ces
opinions pas toujours très éclairées ne sont pas venues de
nos concitoyens moins bien informés. Très souvent, elles se sont
retrouvées sous la signature de journalistes pourtant chevronnés,
chargés d'étudier les affaires de la société, les
affaires de l'État. Et l'indignation de certains éditorialistes
m'est apparue très souvent fondée sur des exagérations ou
des interprétations exagérées du projet de loi.
Encore cette semaine, je lisais un commentaire qui était
publié dans le journal La Presse par un commentateur chevronné,
sous la plume duquel on peut lire régulièrement les analyses, qui
laissait entendre ceci, je le cite: "Je ne m'attarderai pas aujourd'hui sur les
implications concrètes de ce projet, disait-il heureusement à
cause de ce qui suit, sauf pour dire, comme d'autres avant moi, que cette
législation fondée sur le partage équitable offre
d'importantes échappatoires aux maris et fait perdre aux femmes des
avantages de la société d'acquêts." Alors là, c'est
à se demander quel est véritablement le projet de loi qui a
été examiné, puisque la société
d'acquêts n'est pas en cause, bien au contraire, et il faut souhaiter
qu'on le dise largement. Il y a un régime légal qui lie les
parties sans qu'on ait besoin de passer chez le notaire au Québec, c'est
le régime de la société d'acquêts. C'est un
régime qui prévoit déjà le partage équitable
des biens en mariage. Il n'est pas nécessaire de se présenter
devant un homme de loi, devant un notaire, pour passer un contrat de mariage.
On peut très bien se satisfaire du régime légal, qui est
celui de la société d'acquêts, qui, que je sache, n'est
absolument pas modifié par l'ajout dorénavant de ce patrimoine
que j'appellerai commun. (16 h 20)
Parce que là, je considère que c'est un peu abusif,
effectivement, comme l'ont noté un certain nombre d'observateurs,
à bon droit, d'intituler "patrimoine familial", ce patrimoine commun,
à moins que l'on ne confonde la famille avec le mariage, puisque cette
loi sur le partage des droits économiques des conjoints, que nous
examinons maintenant, n'est ouverte que pour les conjoints en mariage. C'est
donc exclusivement entre époux mariés que ce partage pourra se
réaliser en cas de séparation ou de rupture du mariage. C'est
donc dire que la famille - dans sa définition largement acceptée
par la population, famille signifie présence d'enfants - qui est
pourtant en progression assez vertigineuse hors du mariage, n'est pas pour
autant protégée par cette loi. Alors ça, c'est un autre
aspect. J'aurai certainement l'occasion d'y revenir dans le cours de ce
débat de deuxième lecture.
Je pense, M. le Président, qu'il faut insister sur le fait qu'on
ne peut quand même pas prétendre que la famille n'existe que dans
le mariage. On n'a donc pas à confondre famille et mariage. Par
ailleurs, la courbe de progression des naissances hors mariage, au cours des
douze dernières années, serait pourtant de nature à
inviter le gouvernement à prendre ses responsabilités en regard
d'un examen qui doit être fait sur les protections sociales à
offrir aux familles constituées hors mariage. Il faut quand même
admettre que le projet de loi qui est devant nous est totalement silencieux sur
ces protections. À mon point de vue et au point de vue d'un bon nombre
de personnes qui s'intéressent aux bouleversements que connaît la
société québécoise, c'est évident qu'il y a
là matière à introduire des protections. Je cite
simplement, pour les douze dernières années, la progression des
naissances hors mariage. Qu'on me permette de rappeler qu'en douze ans, de 1976
à 1988 - il s'agit des chiffres les plus récents qu'on peut
obtenir - c'est plus de 300 % de progression. Alors que 10 % des enfants
étaient nés hors mariage en 1976, c'est un peu plus de 33 % en
1988.
L'an dernier c'est donc un enfant sur trois qui naissait hors mariage.
Hors mariage, ça ne veut pas dire hors la connaissance ou la
présence d'un père et d'une mère puisque, en
définitive, de ces naissances hors mariage, l'an dernier, il y avait
seulement 5 % des cas où le père n'était pas reconnu,
où le père, en fait, ne reconnaissait pas sa paternité.
C'est donc dire que c'est là une
progression qui devrait nous inciter à ne pas à attendre
que les bouleversements soient tels que les problèmes s'accumulent, que
l'État vienne, un peu trop tard, corriger des situations qui auraient
déjà produit et qui produisent déjà des effets
désastreux je crois, pour un certain nombre d'enfants qui vivent dans
ces familles qui connaissent aussi les mêmes taux, sinon un taux plus
élevé, de séparation ou de rupture que les familles en
mariage. Il faudrait évidemment procéder à un examen qui
pourrait nous le démontrer. C'est donc dire que cette proposition
gouvernementale, à caractère restreint, est une loi
"remédiatrice", de la nature des lois correctrices, plus qu'une loi
innovatrice. Je pense qu'il faut le rappeler à ce moment-ci de l'examen
du projet de loi 146, compte tenu du déluge d'opinions qui s'est
particulièrement manifesté dans les médias
J'ai constitué deux dossiers, M. le Président. Un premier
contient des télégrammes, des lettres, l'ensemble des
interventions publiques ou privées faites par des concitoyens ou des
associations représentatives dans notre société et,
d'autre part, un dossier constitué de l'ensemble de ce que les faiseurs
d'opinions - sous la signature desquels on peut lire
régulièrement des analyses - ont dit sur cette question du
partage des droits économiques des conjoints. Et vraiment, il faut faire
l'exercice pour se rendre compte que d'un côté, dans la vie
réelle de la société, les opinions exprimées sont
très majoritairement favorables. À l'inverse évidemment,
on aurait pu appeler le dossier des analystes ou des faiseurs d'opinion, le
dossier du non. Et celui des personnes représentatives mandatées
pour parler au nom de leur association ou des simples citoyens. En
général, le dossier du oui, en faveur de ce qui est une
proposition, je le répète encore, à caractère
restreint.
Ce qui, certainement, peut rassurer à ce moment-ci, c'est d'une
part cet appui indéfectible des associations les plus
représentatives des femmes du Québec. Je pense en autres à
l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, je pense
aux cercles des fermières, je pense également à la
Fédération des femmes du Québec qui regroupe, à ma
connaissance, plus de 80 associations représentatives au Québec.
Ces associations ont maintenu un appui indéfectible au projet de loi
bien qu'il ne représentait pas toujours exactement les demandes qu'elles
avaient formulées.
Je reviendrai, M. le Président, avec les inquiétudes et la
déception exprimée par l'Association des femmes collaboratrices,
notamment sur le recul du projet de loi 146 en ce qui concerne la prestation
compensatoire. On se rappellera que dans le document gouvernemental
déposé l'automne dernier, des dispositions très
précises venaient favoriser l'application de cette prestation
compensatoire qui, on le sait, a malheureusement connu un courant
jurisprudence! qui a écarté des bénéfices de cette
disposition introduite par Mme Payette il y a bientôt dix ans, qui a donc
écarté des bénéfices de la prestation compensatoire
des femmes collaboratrices qui auraient pu en bénéficier. On sait
l'importance économique dans la société des femmes
collaboratrices. Elles sont plus de 150 000 femmes qui, pour un salaire moyen
de 169 $ par semaine, vaquent aux activités régulières du
commerce de leur conjoint ou dont leur conjoint a tout autant la
propriété juridique.
C'est donc dire que non seulement ces associations ont manifesté
un tel appui, mais le projet de loi a aussi obtenu l'aval des praticiens du
droit. Là, je crois que cela peut aussi, en quelque sorte, rassurer bon
nombre de personnes que de savoir que le Barreau du Québec, l'Aide
juridique, l'exécutif de la section québécoise du droit de
la famille du Barreau canadien, ces trois organismes ont publiquement, dans un
communiqué conjoint, fait connaître leur appui à ce projet
de loi. Moi, je considère que cet appui ne peut être que
désintéressé lorsqu'il vient des praticiens du droit,
lorsqu'il est exprimé par des avocats parce qu'il n'en reste pas moins
que cela va restreindre le champ de pratique, éventuellement
peut-être diminuer les revenus de certains d'entre eux qui vivaient des
conflits matrimoniaux. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris
connaissance de ce point de vue exprimé par les porte-parole de ces
associations représentatives des praticiens du droit qui, dans le fond,
disent: Oui, cette loi est une bonne loi. Je reviendrai sur la position qu'ils
ont exprimée. Cette loi est une bonne loi parce qu'elle va, d'autre
part, réduire les conflits inutiles. Je vous assure que cela fait
finalement chaud à entendre de la part d'avocats cette intervention par
laquelle ils nous disent: Cela peut atténuer la rigueur des conflits.
À ce sujet, évidemment, je souhaiterais que le gouvernement ne se
satisfasse pas et ne se contente pas de penser que de telles dispositions
contenues dans le projet de loi 146 suffisent pour faciliter la
résolution des conflits conjugaux. Je voudrais rappeler à Mme la
ministre qu'en matière de médiation familiale, son gouvernement a
encore tout à faire de ce qu'il s'était pourtant engagé
à faire. (16 h 30)
Dans ce domaine névralgique de la médiation familiale qui
n'existe toujours pas, il faut certainement rappeler le conflit, pour ne pas
dire la chicane totalement inacceptable qui se poursuit depuis deux ans entre
le ministère de la Justice et du ministère de la Santé et
des Services sociaux, un conflit qui s'éternise, qui n'est pas
tranché comme si ce n'était pas un dossier important, un conflit
qui a une telle répercussion qu'aucun nouveau service de
médiation n'est actuellement offert au Québec ailleurs que sur le
territoire de l'île de Montréal et sur le territoire de
Québec. L'ensemble des autres régions du Québec ne
bénéficie toujours pas, malheureusement, d'un tel service de
médiation familiale. Les budgets qu'on avait prévu
dépenser
pour créer ces services de médiation sont retournés
au Conseil du trésor, périmés faute de décision du
gouvernement dans cet important dossier. Vous savez, si on examine la loi 146,
c'est parce qu'il y a des problèmes au moment des ruptures des mariages.
J'ai eu l'occasion de le dire, et je le répète, même
à portée restreinte, même si cette loi, dans le fond, ne
concerne que des époux et ne concerne pas à proprement parler des
conjoints qui pourraient avoir des enfants, même si c'est une loi
à portée restreinte surtout parce qu'elle vient corriger la
situation des conjoints économiquement faibles, mariés sous le
régime de la séparation de biens, essentiellement, la loi 146,
c'est la loi correctrice et elle n'est pas pour autant sexiste.
Cette semaine, on pouvait lire encore un commentaire publié dans
les médias qui considérait qu'un tel projet de loi vise un
partage équitable entre conjoints et, en pratique, il est sexiste.
Pourquoi serait-il sexiste, M. le Président? Je cite le commentateur:
"II résulte de l'intention clairement affichée de la ministre de
venir à la rescousse d'une catégorie de femmes.
C'est-à-dire celles qui, après avoir été longtemps
confinées à la maison dans la dépendance
économique, se retrouvent réduites à la pauvreté
par l'abandon d'un mari qui profitera seul du patrimoine accumulé en
commun, à cause d'un contrat de mariage qui désavantage
honteusement l'épouse". Une fois que ce même commentateur a
très bien décrit la situation injuste, pour ne pas dire inique,
qui résulte des effets d'un contrat de mariage en séparation de
biens, le commentateur considère que corriger cette situation, c'est
sexiste. J'ai pensé en le lisant qu'il fallait, dans le fond, avoir un
point de vue sexiste pour considérer que rétablir ou corriger ou
atténuer le déséquilibre existant entre conjoints
indépendamment... Est-ce que cela ne serait plus sexiste s'il s'agissait
d'hommes, si on renversait les rôles sociaux attribués aux sexes
dans la société? Et donc, que cette situation... Si on lisait,
à la place de la "catégorie de femmes", tout simplement ceci: "En
pratique, le texte de loi résulte de l'intention clairement
affichée du ministre de venir à la rescousse d'une
catégorie d'hommes. C'est-à-dire ceux qui, après avoir
été longtemps confinés à la maison dans la
dépendance économique, se retrouvent réduits à la
pauvreté par l'abandon d'une épouse qui profitera seule du
patrimoine accumulé en commun, à cause d'un contrat de mariage
qui désavantage honteusement l'époux". On trouverait, au
contraire, que c'est là un projet de loi indispensable pour corriger des
situations iniques et injustes. Pourquoi est-ce que cela devient sexiste quand
la catégorie de personnes qui vivent cette situation que je ne
décris pas, moi, mais qui est décrite par le commentateur
lui-même, pourquoi trouve-t-on ça sexiste, quand c'est pour
améliorer le sort de cette catégorie de personnes que le projet
de loi est présenté?
M. le Président, je dois vous dire que c'est avec un
intérêt énormément studieux que j'ai pris
connaissance de l'ensemble des opinions qui ont été
publiées dans un média ou l'autre du Québec. Des dizaines
de fois, je me suis rendu compte que ces analystes, ces faiseurs d'opinion
considéraient tous qu'il y avait une injustice subie par un conjoint,
possiblement l'injustice du conjoint chargé de l'activité au
foyer compte tenu, et j'y reviendrai, des effets négatifs indirects que
les législations antérieures ont pu avoir, effets négatifs
évidemment aggravés par les courants jurisprudences qui ont exclu
le travail au foyer comme une contribution qui pouvait être
compensée au moment de la séparation.
Je me suis demandé comment H se fait... Et là, je mets
vraiment au défi quiconque de m'identifier un seul de ces commentaires
d'analystes qui a proposé d'autres mesures pour corriger la situation.
Par exemple, et je pense qu'elle est peut-être caricaturale, mais, d'une
certaine façon, elle est exemplaire parce qu'elle est
représentative du point de vue exprimé, c'était l'opinion
du directeur du journal Le Devoir, hier, qui disait, et je le cite au mot: "Le
problème des victimes, au moment du divorce, de conjointes
mariées avant 1970 sous le régime de la séparation de
biens, est malheureusement réel et les injustices subies sont
réparables, et doivent l'être, mais par des mesures
appropriées."
Sous cette formulation ou sous une autre, toujours dans toutes ces
analyses est revenue cette idée qu'H y avait des injustices, qu'il y
avait des victimes, qu'il fallait réparation, et ça
s'arrêtait là. Les mesures appropriées, je n'en ai pas vu
le commencement de la pointe d'aucune proposée pour remplacer celle qui
est devant nous aujourd'hui, comme s'il y avait une sorte de résignation
sur le thème "c'est bien de valeur, mais on n'y peut rien".
Je dois vous dire, M. le Président, que j'ai tenté sous le
gouvernement précédent, non pas en matière de droit
familial mais de droit successoral, de trouver réponse adéquate
à ce problème posé d'une injustice possible au moment du
décès d'un conjoint qui décide d'écarter sa
famille, non seulement son épouse mais ses enfants, des
bénéfices du patrimoine commun. Évidemment, je dois vous
dire qu'on a passé des semaines, pour ne pas dire des mois, à
étudier cette question lors de l'examen du projet de loi 20. À
l'époque, j'étais responsable pour le gouvernement
précédent de l'examen en troisième lecture de ce projet de
loi. Et je dois dire que mon vis-à-vis, le député de
D'Arcy McGee, mettait autant d'ardeur que moi à tenter de trouver la
meilleure solution entre la réserve héréditaire ou la
créance alimentaire, et nous avons passé des semaines, notamment
ici dans ce parlement en juillet 1985, à réfléchir sur ces
questions, à en discuter. Et, en octobre 1985, nous procédions
à un examen en commission parlementaire des mémoires
présentés sur cette
question. (t6 h 40)
II faut bien comprendre que ça n'est pas récent que nous
tentons, de part et d'autre de cette Chambre, de trouver une solution au-dessus
des divisions de parti, une solution qui satisfasse les objectifs de justice et
d'équité. Et il faut certainement convenir que le gouvernement a
quand même mis passablement de temps. Il y a déjà quatre
ans que le projet Partage a été déposé, trois ans
maintenant, je pense, cette semaine, qu'un comité
interministériel avait été formé, deux ans que le
rapport dudit comité a été déposé et huit
mois qu'une commission parlementaire a eu lieu. Depuis, je n'ai jamais entendu
de propositions, de corrections publiées sous la signature de ceux qui
font l'opinion dans notre société.
Ce projet de loi n'est peut-être pas parfait. Je le
considère moi, M. le Président, en partie incomplet. Pourtant,
j'insiste à nouveau, comme société, on va devoir
certainement obliger le gouvernement à prendre ses
responsabilités à l'égard de l'examen de l'ensemble de la
situation familiale, de la protection des enfants, indépendamment de
l'état civil des parents. Il n'est quand même pas normal, il n'est
pas légitime, il n'est pas souhaitable d'envisager que les enfants aient
moins de protection, compte tenu de l'état civil ou du statut conjugal
de leurs parents. Je rappelle cette proposition que je faisais au moment de
l'étude en commission parlementaire, cette proposition faite il y a huit
mois, de mettre sur pied un véritable comité
interministériel pour étudier le fond de cette question.
C'est une incohérence, c'est un fouillis inextricable. On
multiplie les définitions de conjoints dans l'ensemble de nos lois
sociales, de notre régime de sécurité sociale. Je n'ai pas
à vous rappeler qu'à la fin de la session, en décembre
dernier, dans la même semaine, on a adopté trois lois
déposées par trois ministres différents qui nous donnaient
trois définitions différentes des conjoints de fait. L'un
prétendait que c'était immédiatement, le second,
après un an de vie commune et l'autre, enfin, après trois ans.
Alors, je rappelle cette proposition que nous faisions de considérer les
conjoints de fait, dont un enfant est issu de l'union, comme étant
évidemment couverts par l'ensemble de nos protections sociales et de nos
lois familiales.
Je proposais, M. le Président, évidemment sur une base
volontaire, de permettre, selon une formule très simple - et Mme la
ministre, encore cet après-midi, nous a malheureusement parlé de
la possibilité de passer chez un notaire, donc, d'encourir des frais, de
multiplier des procédures pour établir un contrat de la nature
des contrats du Code civil entre conjoints; je pense que l'État a une
responsabilité de faciliter les protections, et j'insiste
là-dessus, notamment en offrant une déclaration volontaire, une
déclaration qu'il serait facilement possible de signer dans n'importe
quel greffe de palais de justice. Il y en a sur tout le territoire du
Québec. Personne ne serait lésé, personne ne serait
pénalisé sur l'ensemble du territoire et ça permettrait,
en retour de cette déclaration volontaire de statut, d'avoir droit
à l'éligibilité aux avantages fiscaux, aux avantages
sociaux, aux avantages familiaux et à la protection des lois
existantes.
Sur une base volontaire, oui, quand H s'agit d'adultes, mais je
considère qu'on devrait assurément offrir cette protection
dès qu'il y a enfant issu de l'union dans le cas des conjoints de fait.
Mme la ministre nous a cité des chiffres qui peuvent nous amener
à croire que ce phénomène est relativement peu important.
Vous savez qu'il faut faire attention à des statistiques, ce sont des
moyennes. Le premier ministre précédent, M. Lévesque avait
l'habitude de dire qu'on peut se noyer même dans trois pieds d'eau de
moyenne, parce qu'on peut se retrouver avec un peu plus qu'on est capable d'en
absorber.
C'est évident qu'il faut regarder beaucoup plus attentivement la
réalité des plus récentes statistiques qui sont
disponibles et qui permettent au contraire de constater une progression assez
vertigineuse de la situation des conjoints de fait chez les moins de 30 ans.
Alors, des statistiques évidemment générales qui font
état de 12,6 % de couples qui vivent en union libre ne sont pas
révélatrices de la véritable situation qui va en
progressant puisque, évidemment, ces unions libres sont à peu
près inexistantes chez les plus de 40 ans, c'est à peine 4 % chez
les 40 ans, et c'est même 1 % chez les 65 ans. On les retrouve
essentiellement chez les gens en âge de procréer,
c'est-à-dire chez les moins de 30 ans, à savoir presque 60 %
d'unions libres chez les 15-19 ans, 33 % chez les 20-24 ans et 17 % chez les
25-29 ans. Alors, ce phénomène devrait certainement susciter
l'intérêt de la ministre responsable des politiques familiales,
évidemment, du Conseil de la famille, mais de l'ensemble d'un
gouvernement qui prétend relever le défi de la démographie
et de la dénatalité.
Il est évident qu'il faut partir avec la réalité
vécue par nos concitoyens et ne pas prendre finalement ses désirs
pour des réalités. La réalité, c'est
qu'actuellement, chez les moins de 30 ans, les couples sont à 36 % en
union libre. Alors, comme l'État n'a pas à s'ingérer dans
les choix de vie, il est évident qu'on ne peut pas pour autant,
j'espère, rester silencieux devant une réalité comme
celle-là. Les chiffres que je cite, je dois signaler qu'ils sont
tirés des statistiques canadiennes et qu'évidemment,
appliquées au Québec, il faudrait augmenter d'autant plus le
pourcentage des moins de 30 ans en union libre parce que, globalement, si la
statistique générale des unions libres au Québec, indique
12,6 % pour l'ensemble du Canada ce n'est que de 8,3 %. C'est donc dire qu'il y
a certainement une hausse plus considérable même chez les moins de
30 ans que ces chiffres que je cite cet après-midi, qui doivent
être assez prudents.
Donc, même à caractère restreint, cette loi
correctrice pour favoriser l'égalité économique entre les
époux seulement, j'insiste, et qui ne prend effet seulement s'il y a
mariage, donc même cette loi correctrice a été
fréquemment prise à partie par ceux qui prétendent que
ça peut désinciter au mariage. C'est là un argument qu'on
a très fréquemment entendu. Le projet de loi 146 aurait comme
conséquence, selon certains, de désinciter les couples à
procéder à la légalisation en mariage de leur union. (16 h
50)
À cet effet, M. le Président, je voudrais
évidemment citer le Barreau, de même que l'aide juridique et
l'exécutif de la section du droit de la famille qui rappelaient que
cette loi, qui est déjà adoptée au Manitoba et en Colombie
britannique, ce partage des droits du patrimoine qui est déjà
introduit dans une loi statutaire au Manitoba et en Colombie britannique et qui
est déjà, dans toutes les autres provinces,
considérée comme faisant partie du "common law", n'a pas
empêché finalement un taux de divorce bien inférieur au
Manitoba qu'il ne l'est au Québec présentement, malgré
l'absence d'une telle disposition de partage des droits économiques, Mme
la ministre l'a d'ailleurs signalé au moment de la présentation
du projet de loi. À cet effet, le Barreau rappelait ceci: "Le partage
des biens familiaux, au Québec, ne découragera pas le mariage.
C'est ce qu'ont révélé les expériences ontariennes
et manitobaines où il y a eu partage des biens familiaux depuis plus de
dix ans. "En fait, le taux de concubinage y est plus faible qu'au Québec
où il n'y a pas partage des biens familiaux. Cela indique que le
concubinage est d'abord une question de mentalité et de culture avant
d'être un choix dicté par des considérations
matérielles." C'est le point de vue qui était exprimé par
le Barreau et l'exécutif de la section québécoise du droit
de la famille. Mais il faut bien voir que ce sophisme a très souvent
été repris, cette idée que moins il y aurait de
contraintes au mariage plus il y aurait de mariages. C'est une idée qui
s'est facilement répandue que moins il y aurait à partager dans
le mariage, plus cela inciterait les Québécoises et les
Québécois à entrer dans le mariage.
Si le mariage ne signifie rien et surtout si le mariage n'engage
à rien, pourquoi les hommes et les femmes l'utiliseraient-ils, a part,
évidemment, les considérations morales et religieuses qui peuvent
les conduire à vouloir utiliser le sacrement du mariage? Mais là,
c'est autre chose, mais si, effectivement, le mariage n'engage à rien -
c'est là un sophisme absolument fantastique - et ne signifie rien,
est-ce qu'on peut penser que plus de gens s'en prévaudraient? Je pense,
au contraire, que c'est le fait que le mariage ne signifiait aucune
sécurité et que, pour bien de nos concitoyens, le mariage
signifie souvent du trouble et des problèmes simplement à la
connaissance qu'ils ont de l'aggravation, souvent de la
détérioration de la situation au moment des ruptures, au moment
des séparations. Pour bon nombre de nos concitoyens, l'approche
juridique conventionnelle, qui fait affronter des adversaires au moment de la
séparation, a comme conséquence de les éloigner de la
probabilité d'un mariage. Si le mariage est associé aux
problèmes, à des troubles, à des difficultés,
à une détérioration de la situation, comment imaginer
qu'il y ait un engouement pour cette institution?
Je sais que la génération qui m'a
précédée, les femmes de la génération de ma
mère contractaient mariage, mais en sachant que, finalement, le mariage
était contraire au principe d'égalité. Pour les femmes de
cette génération, la seule façon de préserver un
peu d'autonomie, c'était le régime de la séparation de
biens. En quelque sorte, l'idée s'est souvent répandue. De
mère en fille, on se transmettait cette opinion que pour garder son
autonomie il fallait rester en séparation. Vous allez me dire qu'il y a
eu des changements législatifs au début des années
soixante-dix qui ont eu pour effet de préserver la pleine
capacité juridique des femmes, quel que soit le régime
matrimonial, mais ce n'est pas parce que c'est dans les lois que pour autant
c'est dans l'opinion que les gens ont de l'institution.
L'institution du mariage, dans notre société, pour toute
une génération, a représenté quelque chose de
contraire au principe d'égalité. Par la suite, on a introduit une
égalité juridique. Et, M. le Président, je ne peux pas
assez insister sur le fait que, si nous allons concourir à l'adoption de
ce projet de loi, c'est justement parce que cette égalité
juridique formelle est insuffisante. C'est justement pour ouvrir une nouvelle
voie juridique à la pleine égalité économique et
sociale des femmes. Mais cette nouvelle voie juridique ne peut pas être
confondue simplement à une égalité juridique formelle.
C'est comme la deuxième étape. Je considère d'une certaine
façon que c'est la deuxième étape, franchie dix ans plus
tard, de cette réforme majeure introduite par la défricheuse que
fut Mme Payette, à l'occasion de la loi 89 portant réforme au
droit de la famille, et c'est dans la suite des correctifs apportés
à l'incapacité juridique des femmes mariées par son
prédécesseur qui fut la première femme
députée à siéger à cette Assemblée,
Mme Claire Kirkland-Casgrain. Je considère que nous devons, à ce
moment-ci, certainement corriger les effets négatifs qui sont intervenus
en cours de route et qui n'étaient ni voulus ni prévus, de
l'adoption de la loi 89. J'en rappelle quelques dispositions... Combien de
temps me reste-t-il, M. le Président, avant de rappeller ces
dispositions de la loi 20?
Le Vice-Président: II vous reste seize minutes, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Très bien, M. le Président. Le
Vice-Président: Seize minutes.
Mme Harei: Je rappelle simplement que cette réforme du
droit de la famille était basée sur l'égalité
totale des époux entre eux dans la direction morale et matérielle
de la famille, et, d'autre part, sur le principe du respect, de la
liberté des personnes dans l'organisation de leurs relations familiales.
Mais H faut comprendre que, la direction morale et matérielle de la
famille étant devenue responsabilité conjointe,
évidemment, l'activité au foyer était également
reconnue comme constituant une contribution valable aux charges du mariage.
L'intention du législateur, malheureusement, ne s'est pas
retrouvée retenue, comme on aurait pu le souhaiter, dans les
décisions de cour qui sont intervenues par la suite. On a vu que cette
reconnaissance de l'égalité complète, morale et
matérielle, des conjoints avait entraîné des effets
négatifs financiers indirects importants au moment de la rupture pour
les femmes mariées en séparation de biens.
Le Conseil du statut de la femme disait d'ailleurs à ce sujet,
à l'occasion de ce débat ouvert au public sur le projet de loi
sur les droits économiques: "Alors que le conjoint qui contribue
financièrement aux charges du ménage peut accumuler certains
biens, celui ou celle dont la seule contribution est son activité au
foyer n'obtiendra généralement aucune compensation. Ainsi,
malgré l'obtention d'une égalité formelle des conjoints,
nous nous retrouvons avec une situation porteuse d'inéquité
à la rupture." Cette situation a suscité, évidemment, les
pressions que l'on sait pour introduire des modifications législatives
qui sont celles que nous étudions cet après-midi.
Je ne suggère pas pour autant, loin de là, que
l'État doit intervenir, d'une façon ou d'une autre, pour
favoriser, d'une façon ou d'une autre, le choix de vie de nos
concitoyens. Bien au contraire, j'insiste encore sur l'absolue
nécessité pour l'État d'assurer aussi une protection ou la
possiblité d'une protection adéquate, la protection de nos lois
sociales, à ceux et celles qui décident d'un choix de vie commun,
mais hors mariage. (17 heures)
Cela dit, il faut convenir - il n'est pas inutile de le rappeler - qu'il
est évident que cet abandon du mariage est bien plus lié à
des choix culturels. Il faut se demander, dans le fond, si ce n'est pas plus
dans cet engouement de l'ensemble de notre société pour tout ce
qui est changement, pour tout ce qui est nouveau en fait, la
société de consommation nous propose toujours de nouveaux
modèles à adopter - qu'il faut chercher finalement cette
instabilité dans les unions. Évidemment, ce n'est pas parce que
le mariage va signifier maintenant le partage, ce n'est pas parce que le
mariage va représenter une égalité plus grande que la
simple égalité formelle, juridique sur papier, que le mariage va
être abandonné. Voyons donc!
SI la société considère que la stabilité,
que la permanence a moins d'Intérêt, en présente moins et
favorise moins ces valeurs liées à la permanence et à la
stabilité, si des modèles présentés le sont au
détriment de ces valeurs de stabilité et de permanence au profit
de valeurs de changement et de nouveauté, c'est évident que ces
modèles sociaux et ces comportements culturels influeront bien plus sur
les comportements individuels.
Au moment où je dois terminer cette intervention, Je veux
insister sur le caractère, malgré tout restreint, de ce qui est
partageable. Ce n'est pas la société d'acquêts. Et M. le
juge Roger Comtois, qui fut considéré comme le père de la
société d'acquêts, est venu d'ailleurs en commission
parlementaire, l'automne dernier, souhaiter que nous adoptions un régime
crvUiste qui instaure finalement, comme régime primaire, la
société d'acquêts. C'était là une proposition
qui avait une portée encore plus grande que celle de la simple
constitution d'un patrimoine familial qui, finalement, est limité aux
biens qui sont habituellement ceux faisant partie de la vie quotidienne des
époux. Et même l'introduction récente, dans le projet de
loi, des régimes privés de retraite ou, en tout cas, tout au
moins de la pari des régimes privés de retraite constitués
durant la vie commune en mariage... Même si, dorénavant, le
patrimoine sera constitué de la maison principale et secondaire, des
meubles, de l'automobile et de ce régime de retraite, il faut quand
même se rappeler qu'il faut une certaine cohérence dans nos
lois.
Nous examinons présentement le projet de loi 116 sur les
régimes privés de retraite où, justement, l'ensemble des
intervenants qui sont venus devant la commission parlementaire nous ont,
à maintes reprises, répété combien il fallait
considérer les contributions aux régimes de retraite comme du
salaire différé, comme une façon différente
d'être payé au même titre que les vacances ou les assurances
qui sont aussi, dans le fond, du revenu global. Et les intervenants nous ont
dit surtout, et en insistant, qu'il fallait, pour déterminer qui allait
disposer des surplus des caisses de retraites, ne pas oublier que ces surplus
étaient constitués par des contributions, donc que ces
contributions devaient être considérées comme du salaire
différé.
Eh bien, M. le Président, Je ne comprendrais pas que ce qui vaut
pour un projet de loi ne vaille pas pour l'ensemble, pour les autres. Si on
veut avoir une perception cohérente, si on veut avoir,
évidemment, une proposition gouvernementale cohérente, je pense,
à bon droit, qu'il faut convenir que, oui, c'est du salaire
différé. Plutôt que de l'obtenir Immédiatement, il
est reporté pour l'âge où on cessera d'avoir des revenus de
travail. Alors, évidemment, nous avons cette responsabilité de
continuer à ouvrir de nouvelles voies à la pleine
égalité Juridique, économique et sociale des femmes. Le
débat a eu lieu dans les derniers jours comme si tout était
fait. Sans doute, certaines d'entre nous, peut-être 2 % au plus,
nous pouvons bénéficier de ce qui avait été
refusé à nos mères, mais il faut bien comprendre que la
situation économique de la majorité des femmes, non pas
simplement celles au foyer, mais aussi celles qui ont un travail
rémunéré à l'extérieur du foyer, leur
situation relativement meilleure est encore loin de se comparer à celle
de leur conjoint.
Je pense qu'il est certainement utile à ce moment-ci de rappeler
que les femmes courent toujours un plus grand risque d'être pauvres. Ce
risque est encore plus grand si, en plus, elles acceptent d'être
mères. La conjugaison de maternité et de pauvreté, c'est
toujours dans la réalité. Pourtant, c'est évidemment au
moment où la société prétend avoir un vrai besoin
et un grand désir d'enfants. Il faudrait mettre fin à cette
conjugaison de maternité et de pauvreté si on veut
sérieusement que le discours de la dénatalité soit pris au
sérieux.
M. le Président, je voudrais quand même illustrer cette
réalité de la pauvreté des femmes à la suite d'une
séparation ou d'un divorce par quelques chiffres d'études
récentes du Conseil consultatif canadien de la situation de la femme.
Après un divorce, en général - je ne dis pas qu'il n'y a
pas d'exceptions à la règle, mais évidemment, on ne peut
pas légiférer pour les exceptions dans une Assemblée - le
niveau de vie des femmes et des enfants diminue généralement et
en moyenne de près de 73 % alors que le revenu net des hommes
divorcés va jusqu'à presque doubler l'année suivant le
divorce. Ce qui faisait titrer aux médias: La situation des femmes, il
reste encore beaucoup d'efforts à déployer. Le niveau de vie des
hommes divorcés augmente de 42 %, celui des femmes diminue de 73 %.
Faut-il le rappeler, plus de la moitié des familles
monoparentales dirigées par une femme ont de faibles revenus, 56 % selon
le Conseil québécois des affaires sociales. Dans le cadre du
profil de la pauvreté préparé et publié par le
Conseil national du bien-être social, l'an passé, on peut
simplement constater que quatre familles sur dix dirigées par une femme
sont pauvres, comparativement à une seulement sur dix dirigées
par un homme. Alors, c'est une situation largement connue au point où
tous les éditorialistes en ont parlé pour rappeler cette
injustice pour identifier les victimes, mais là s'est
arrêté leur intérêt à cette situation qui,
pourtant, crée beaucoup de détresse.
Autant c'est une loi correctrice, autant, encore une fois, je le
rappelle, c'est une proposition gouvernementale à caractère
restreint, puisqu'elle vise les époux en mariage seulement et
essentiellement la situation des conjoints mariés en séparation
de biens et pour un certain nombre d'entre elles qui ont une activité au
foyer. (17 h 10)
Je voudrais terminer en rappelant ce que le
Conseil du statut de la femme signalait au gouvernement à
l'occasion de ce débat: Toute réforme des droits
économiques des conjoints ne doit pas être toutefois
considérée comme une panacée ni comme une solution qui
dispenserait de s'attaquer aux autres sources fondamentales
d'insécurité économique des femmes. Ces dernières
ont jusqu'à maintenant payé cher le prix que la
sécurité du mariage devait leur procurer: moins de formation,
moins d'incitation à se préparer contre les difficultés de
la vie, moins de facilités à intégrer le marché du
travail, moins d'autonomie, la responsabilité quasi entière des
charges familiales, la dépendance à l'égard du conjoint."
Le Conseil du statut de la femme rappelait combien il est urgent de favoriser
pour les femmes une formation adéquate et l'accès à un
emploi rémunérateur qui font partie des conditions de
stratégie pour accéder à une véritable autonomie
financière.
En terminant, j'aimerais simplement rappeler qu'en matière de
partage des biens familiaux, le Québec vient simplement rattraper un
retard qu'il avait accumulé sur tous nos autres voisins, un retard qui
s'est accéléré au cours des dernières années
et, M. le Président, c'est peut-être la raison pour laquelle c'est
si difficile maintenant. On m'a parfois signalé que, contrairement
à l'Ontario qui prévoit uniquement le partage de la
résidence principale et qui prévoit des ententes entre conjoints
en cours d'union ou au moment de contracter une union, le projet de loi 146
prévoit un régime de patrimoine commun, indépendamment du
régime matrimonial et il laisse aux époux 18 mois pour convenir
autrement d'un tel partage. Mais il serait vraiment difficile d'imaginer
l'application, ici par exemple, des dispositions contractuelles qui existent en
Ontario. La différence est très simplement exprimée quand
on sait qu'en Ontario, un homme ou un fiancé qui veut contracter mariage
et qui propose à sa promise de passer devant un homme de loi pour signer
un contrat, déclenche immédiatement chez cette dernière
une très vive inquiétude, étant donné le
caractère inusité, puisque c'est vraiment l'exception des couples
qui se présentent devant un homme de loi en Ontario, et il faut, en
général, que des arrangements économiques importants
soient réalisés pour que cela se produise.
À l'inverse, on connaît cette pratique
régulière qui consiste pour un fiancé ou l'inverse
à proposer à son futur ou à sa future de passer devant un
notaire. Évidemment, dans de pareils cas au Québec, on s'imagine
que cela va protéger. Cela sécurise plutôt que cela
inquiète. C'est la différence de notre patrimoine juridique et
c'est avec un patrimoine semblable qu'il faut compenser pour obtenir des
réparations correctrices qui, dans un cas comme dans l'autre, et je
termine là-dessus, M. le Président, vont assurer une
définition du mariage comme étant une véritable
institution de partage. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Merci, Mme la députée de
Malsonneuve. Je vais maintenant reconnaître
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Toute modestie mise
à part, on ressent, comme membres de l'Assemblée nationale,
à la fois une fierté et un vertige à travailler à
des amendements au Code civil du Québec qui, depuis Napoléon,
régit de larges pans de notre vie civique.
En modifiant le Code civil du Québec, on a l'impression de
contribuer à consolider la spécificité du Québec,
parce que le Code civil singularise la société
québécoise en Amérique. En effet, le reste du continent
nord-américain s'en remet plutôt au "common law" britannique pour
retrouver les fondements juridiques de son organisation sociale,
économique et politique.
Aujourd'hui, par ce débat sur le projet de loi 146, nous nous
proposons de mettre à jour le Code ch/H sur la question fondamentale des
droits économiques des conjoints. Ma collègue, la ministre
déléguée à la Condition féminine, a
clairement exposé les raisons qui militent en faveur d'une
révision du Code civil. Je n'insisterai pas davantage.
Je rappellerai simplement que, pour reconnaître, dans les faits,
l'égalité des conjoints pendant le mariage et à la
dissolution du mariage, le projet de loi prévoit notamment que soit
institué un patrimoine familial constitué de certains biens dont
la valeur est automatiquement partageable entre les époux. Ces biens
incluent la résidence familiale et la résidence secondaire, les
meubles affectés à l'usage du ménage, les véhicules
automobiles des conjoints et les gains accumulés par les époux
dans le Régime de rentes du Québec, dans les régimes
complémentaires de retraite et dans les régimes
d'épargne-retraite.
Vous ne serez pas surpris, M. le Président, si mon intervention
porte essentiellement sur le partage des bénéfices de rentes
puisque je suis le ministre responsable de la Régie des rentes du
Québec et responsable de la législation sur les régimes
complémentaires ou privés de retraite.
Il y a, je pense, un très large consensus au Québec sur la
pertinence de constituer un patrimoine familial, c'est-à-dire de
regrouper certains biens acquis durant le mariage et de faire en sorte que ce
patrimoine appartienne à parts égales aux conjoints. Reste
à définir les éléments qui composent cette richesse
commune de base. La question des régimes de retraite se pose alors.
Doit-on considérer que les droits à des prestations de retraite
acquis par un conjoint font partie du patrimoine de la famille au même
titre que la résidence familiale ou les meubles, par exemple?
Le gouvernement a pris position et il est d'avis que, effectivement, les
montants accumulés dans les fonds de retraite ou les véhicules
d'épargne-retraite constituent une réserve en prévision
des besoins futurs du ménage et qu'à ce titre, ils font partie du
patrimoine familial.
On pourrait difficilement justifier que le capital ainsi
constitué aux fins de retraite ne bénéficie qu'à un
seul membre du couple lors de la dissolution du mariage par divorce,
plutôt que d'être partagé à parts égales.
Il y aurait d'ailleurs une absence de cohérence dans la
reconnaissance des droits à la retraite. En effet, si le mariage est
dissous par la mort du participant à un régime de retraite, le
conjoint survivant a un droit incontestable et incontesté à la
rente de retraite. Alors, comment pourrions-nous prétendre qu'en cas de
dissolution par divorce, le conjoint perd ses droits? (17 h 20)
Par ailleurs, H faut réaliser qu'en investissant dans un
régime de retraite ou d'épargne-retraite, la famille s'est
privée momentanément de sources importantes de revenus afin
d'assurer ultérieurement une certaine sécurité
financière. Il serait donc pour le moins disgracieux de changer
soudainement les règles du jeu et de nier à l'un des conjoints
les droits à une part de cette sécurité financière
acquise durant la vie commune.
La reconnaissance de ce principe du partage des droits à la
retraite entre les conjoints, dans le Code civH, représente une forme de
consécration juridique de l'égalité des conjoints. Il ne
faut pas penser cependant qu'il s'agit là d'une initiative
révolutionnaire. La possibilité de partager les gains d'un
régime de retraite entre des conjoints existe déjà dans le
Régime de rentes du Québec et quelques milliers de personnes
divorcées y ont recours chaque année.
Le mécanisme est très simple. À la demande d'un des
conjoints, à l'occasion d'un divorce ou de l'annulation du mariage, les
gains inscrits au Régime de rentes du Québec sont partagés
entre les deux ex-conjoints. Cela signifie que la totalité des gains
assurables des deux conjoints pendant toute la période de cohabitation
est, pour ainsi dire, fusionnée puis répartie en deux
contributions égales au régime. Le montant des cotisations ainsi
attribué à chacun des époux sert de base de calcul de la
rente future. Évidemment, si les personnes concernées continuent
de travailler et de cotiser au Régime de rentes du Québec, elles
accroissent leurs gains cotisâmes et augmentent ainsi le montant de la
rente qui leur sera versée un jour, à la retraite.
Ce mode de partage permet, par exemple, à la femme qui a dû
quitter le marché du travail pendant une longue période pour
prendre soin des enfants de pouvoir toucher une rente de retraite en cas de
divorce. Il atténue également la diminution éventuelle de
la valeur de la rente dans les cas où un des conjoints a cessé,
pendant un certain temps, des activités profession-
nelles pour assurer la garde des enfants.
Bien sûr, lorsqu'il y a continuité du mariage, le
mécanisme du partage des gains acquis dans un régime de retraite
n'a pas de signification véritable, puisque le ménage
bénéficiera, en définitive, de la somme des montants de
rente acquis par les deux conjoints.
Le problème se pose concrètement en cas de dissolution du
mariage et c'est pourquoi, au nom de l'égalité des conjoints, il
convient de formaliser le principe de partage automatique entre les
époux des bénéfices des régimes de retraite.
Il faut savoir, M. le Président, qu'actuellement 25 % seulement
des personnes qui pourraient se prévaloir de la procédure de
partage des gains inscrits au Régime de rentes du Québec,
adressent une demande en ce sens. On peut donc soupçonner que la
majorité des personnes divorcées perdent des droits à une
rente de retraite ou à une amélioration de leurs rentes futures,
droits qu'elles ont légitimement acquis pendant le mariage. Je ne crois
pas qu'une société soucieuse, un tant soit peu, de
l'égalité économique des conjoints et de
l'équité sociale puisse accepter cette situation sans tenter de
la corriger.
Ce qui est valable pour le Régime de rentes du Québec,
auquel cotisent obligatoirement tous les travailleurs du Québec, l'est
tout autant pour les autres modes d'épargne en prévision de la
retraite. Cela regroupe deux véhicules financiers distincts: les
régimes complémentaires de retraite et les régimes
d'épargne retraite, c'est-à-dire les REER.
Les régimes complémentaires ou régimes
privés représentent des contrats par lesquels les employeurs et
les employés s'entendent pour constituer une caisse de retraite afin
d'assurer aux adhérents des prestations de retraite. Ces régimes
permettent en quelque sorte d'augmenter le revenu disponible provenant
généralement de la pension de la sécurité de la
vieillesse et de la rente de la Régie des rentes du Québec.
Environ 1 220 000 personnes participent à de tels régimes au
Québec.
Les régimes enregistrés d'épargne-retraite,
communément appelés les REER, ont connu une très grande
popularité au cours des dernières années. En 1987, on
estime que 880 000 Québécois ont investi dans ce véhicule
d'épargne pour un montant global de 2 000 000 000 $.
La caractéristique commune de tous ces régimes est de
canaliser une partie des épargnes, de manière à pouvoir
préserver à la retraite la qualité de vie que les
participants ont connue durant leur vie active. Or, cette qualité de
vie, ils l'ont partagée avec leur conjoint. Il est donc normal que cette
notion de partage soit étendue aux bénéfices
anticipés si le mariage est rompu.
Les modalités du mariage reposent sur des principes reconnus
d'évaluations comptables ou des calculs actuariels
éprouvés. Afin de simplifier le mode de détermination des
gains acquis dans certains régimes de retraite, la Régie des
rentes du Québec préparera une réglementation qui en
délimitera les balises en vertu des règles actuarielles
d'usage.
Certains intervenants ont exprimé la crainte que l'inclusion des
régimes complémentaires de retraite dans le patrimoine familial
partageable entre conjoints pourrait rendre ces régimes moins
attrayants. Je ne pousserai pas la témérité jusqu'à
soutenir que les dispositions du projet de loi 146 ne produiront aucun effet
sur les véhicules d'épargne en prévision de la retraite,
mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter de ces effets. Le traitement
fiscal accordé aux cotisations à un régime
complémentaire de retraite ou aux REER procure des avantages tels qu'ils
dépassent et de loin la crainte que pourraient ressentir certaines
personnes de devoir partager leur épargne-retraite avec leur conjoint en
cas de divorce.
M. le Président, je suis fier d'avoir été
associé à la préparation de ce projet de loi.
Légiférer pour accroître l'équité et
rechercher une véritable égalité économique entre
les conjoints, cela fait partie des bons moments de nôtre vie de
législateur et je ne vous cache pas la joie que j'en ressens. Je vous
remercie.
Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître
pour la poursuite du débat, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Harold Peter Thuringer
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'intervenir sur le projet de loi 146, Loi modifiant le Code civil du
Québec et d'autres dispositions législatives afin de favoriser
l'égalité économique des époux. Avant de commencer,
j'aimerais quand même indiquer certains principes de base qui appuient
cette loi: premièrement, la responsabilité du législateur
de prendre ses responsabilités, de promouvoir des rapports
égalitaires entre hommes et femmes dans et par le droit, d'où la
nécessité d'obligations. Aussi, H y a un changement social
visé par cette loi. Le deuxième principe, M. le Président,
est de reconnaître le mariage comme une institution égalitaire, un
partenariat, pour les personnes et pour le patrimoine. Cela indique aussi que
le mariage est une organisation solide pour élever une famille. (17 h
30)
Le troisième principe est qu'en reconnaissant un patrimoine
égalitaire, l'État reconnaît et garantit une certaine
protection du conjoint économiquement faible. Le même principe
d'égalité des conjoints, évidemment, doit s'appliquer, que
ce soit pendant ou après la séparation.
Quatrièmement, il y a un principe qui est la reconnaissance
sociale du travail au foyer. Cette loi est mise sur la table dans un contexte
où les mesures proposées affecteront une proportion des couples
québécois mariés en séparation de biens et, en
1985, c'était 36 %. Il ne faut pas
oublier qu'à l'inverse, ce sont 64 % des gens mariés en
1985 qui partagent l'ensemble de leurs biens. N'oublions pas non plus que parmi
ces 36 % de couples dont on parle plus avant, 18 % des femmes risquent de se
trouver, au moment de la séparation ou du divorce, dans une situation de
faiblesse économique par rapport à leur conjoint. Il faut aussi
rappeler qu'en 1986 il y avait 1 310 000 couples au Québec dans ce
contexte-là. De plus, par cette loi, on prolonge les principes
d'équité et de justice inscrits dans la réforme du droit
familial effectuée en 1990 qui voulaient, premièrement, que
l'épouse ait en mariage les mêmes droits et les mêmes
obligations; deuxièmement, qu'ils exercent ensemble la direction morale
et matérielle de la famille, l'autorité parentale, et assument
les tâches qui en découlent; et troisièmement, qu'ils
contribuent en proportion de leurs facultés respectives aux charges du
mariage et que chacun d'eux puisse s'acquitter de sa contribution par son
activité au foyer.
Je sais qu'on approche des dernières semaines. Pas mal de
réactions circulent et certaines ne sont pas favorables. La population
craint, la presse terrifie, la Chambre des notaires est négative. Je
viens de recevoir aujourd'hui une lettre de l'Association des femmes
collaboratrices. Il est évident que les mêmes critiques sortent
bien souvent. Je vais en citer quelques-unes. On accuse la loi 146 d'être
une loi qui décourage le mariage et par le fait même la famille.
On dit que c'est une loi qui va à l'encontre des mesures favorables
à la famille déjà entreprises par le gouvernement, que le
projet de loi 146 est inacceptable parce qu'il revient à déclarer
l'irresponsabilité contractuelle des conjoints, que le projet de
patrimoine familial est une intrusion inacceptable de l'État dans la vie
privée des gens, que le projet de loi est injustement discriminatoire et
faussement progressif puisqu'il impose un partage obligatoire des biens entre
les époux, peu importe la contribution financière lors de
l'acquisition de ceux-ci. La Chambre des notaires a aussi indiqué que le
nombre de femmes victimes d'inéquité économique ne
justifiait pas une intervention législative aussi large et complexe. Et
il y en a d'autres.
Par contre, malgré toutes ces réticences face à ce
projet de loi, il n'en demeure pas moins que le gouvernement se retrouve fort
de l'appui des différents groupes et intervenants sociaux. C'est avec
conviction qu'il croit aux avantages des mesures adoptées a
l'intérieur de ce projet de loi. Parmi ces groupes, on retrouve des
groupes de femmes qui disent qu'il s'agit enfin d'une loi qui vise à
rehausser le statut de la femme au foyer. De plus, le projet de loi 146 est un
projet qui assure aux femmes et aux enfants une sécurité
financière lors d'un divorce.
Deuxièmement, ce projet de loi vient en aide aux femmes d'un
certain âge pour qui le marché du travail est très
difficile d'accès. Le
Barreau a indiqué que le projet de loi 146 apporte des solutions
au phénomène croissant de la féminisation dans la
pauvreté. De plus, ce projet assure un revenu équitable au
conjoint qui est économiquement plus faible.
Troisièmement, la loi 146 facilitera les procédures
complexes inhérentes au divorce et le patrimoine familial assurera une
équité quant aux implications de chacun des conjoints.
Il y a d'autres réactions qu'on a eues, des craintes, mais je
serais étonné qu'un projet de loi provoque une augmentation des
unions libres puisque déjà, en Ontario, les couples sont
régis depuis dix ans par une loi similaire et qu'on n'y retrouve que 4,2
% d'unions libres, tandis qu'aujourd'hui, au Québec, on les
établit déjà à un peu plus de 12 %.
Voilà, M. le Président, certaines craintes et choses
positives dans ce projet de loi. Il faut réaliser que, dans l'ensemble,
c'est sûrement une loi qui va aider la famille et les conjoints. À
cause de cette confusion dans le public, je sais que la ministre et d'autres
ont beaucoup fait pour divulguer tous les détails de ce projet de loi.
Quand même, il existe une nécessité de diffuser
l'information à toute la population en mots simples. Il est essentiel de
mentionner que le projet sur le patrimoine familial couvre uniquement la
résidence familiale, la résidence secondaire, le mobilier faisant
partie de ces résidences, les véhicules servant au transport
familial et les droits accumulés durant le mariage dans les
régimes de rentes publics et dans les régimes de retraite. Tout
le reste est exclu, comme les comptes de banque, les investissements, les
actions, les obligations, les certificats de placement, les entreprises, les
commerces, les activités professionnelles, les immeubles à
revenus, de même que les biens acquis avant ou après le mariage,
et les biens reçus en cadeau et en héritage.
Il faut aussi rappeler que, sur demande, le tribunal peut déroger
au principe du partage égal lorsqu'il en résulterait une
injustice compte tenu notamment de la brève durée du mariage, de
la dilapidation de certains biens par un des époux, de la mauvaise foi
de l'un ou l'autre. Donc, lorsqu'on fait un bilan de tout ce projet de loi, je
suis bien heureux de l'appuyer. On pose des jalons importants pour la famille,
l'égalité entre les partenaires. C'est évident qu'il reste
d'autres problèmes à résoudre dans ce domaine. (17 h
40)
Mr. Chairman, I am very happy to make this intervention on Bill 146, an
Act to amend the Civil Code of Québec, in order to favour economic
equality between the spouses and to underline the character of marriage as a
partnership. This law, while not responding to all the needs of married
couples, goes a long way to achieve recognition of the family as an important
unit of our society, of the partnership and equality of this union.
This bill, Mr. President, through the Initiative of our government and
the Ministre déléguée à la Condition
féminine will need to be fully understood in order to avoid being
perceived as an obstacle to marriage and be perceived for what it is, that is a
recourse and security to those whose marriage fails and, in particular women
with limited resources.
Encore une fois, M. le Président, je suis bien heureux d'appuyer
ce projet de loi. Merci bien.
Le Vice-Président: Merci M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine pour
l'exercice de son droit de réplique.
Mme Monique Gagnon-Tremblay (réplique)
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le projet de loi
146, comme on le connaît bien, crée une véritable
institution de partenariat entre les couples sous l'enseigne de
l'égalité des conjoints. Bien des choses ont été
mentionnées au cours des dernières semaines entre autres, sur ce
projet de loi.
Bien sûr, M. le Président, il s'agit d'une réforme
sociale majeure. Bien sûr que ça dérange. Bien sûr
que les gens en discutent, même que nous en discutons depuis de
nombreuses années... Comme la députée de Maisonneuve en
faisait la remarque tout à l'heure, nous avons vu de nombreux
commentaires dans les journaux. Entre autres, on a reconnu les injustices, on a
identifié les clientèles, les victimes. Mais est-ce qu'on a
proposé des solutions? Ça fait 20 ans, M. le Président,
que nous sommes à la recherche de solutions.
Nous avions cru, lorsque nous avions adopté le régime
légal de la province de Québec, la société
d'acquêts, en 1970, avoir réussi à rétablir
l'équité entre tes couples. Malgré tout, on se rend compte
que maintenant, 34 % des gens choisissent encore la séparation de biens
et que 50 % de la population est mariée maintenant encore sous ce
régime.
On a fait mention aussi d'un certain sondage fait par la Chambre des
notaires, un certain sondage IQUOP qui disait qu'un pourcentage assez
élevé de couples était satisfait de son régime
matrimonial. Je dois vous dire, M. le Président, pour avoir
été secrétaire légale pendant 12 ans,
secrétaire de notaire, pour avoir pratiqué moi-même le
notariat, que, dans une forte proportion, on ne sait pas sous quel
régime matrimonial on est marié. Lorsqu'on pose la question aux
couples, ils nous répondent: Dernier vivant les biens. Ils
prétendent que séparation de biens veut dire qu'on sépare
les biens à la dissolution du régime. Et, finalement, quand on se
marie et qu'on fait un contrat de mariage... Le contrat de mariage, vous savez,
on le met dans un fond de tiroir et on le sort lorsqu'on a besoin de faire un
contrat de vente ou un contrat d'hypothèque ou lorsque ça
commence à aller mal dans le couple. Et ce n'est plus le temps de faire
des conventions.
On parle de rétroactivité aussi. Je voudrais l'aborder
puisqu'elle a fait problème. Il s'agit d'une loi d'application
immédiate. Je dois vous souligner qu'encore là, en 1960-1965,
lorsque les gens se mariaient en séparation de biens, on ne croyait pas
qu'on allait divorcer, puisqu'à cette époque on avait besoin d'un
bill privé pour pouvoir divorcer. Maintenant, c'est le divorce sans
faute. On n'a pas besoin du consentement, c'est le divorce sans faute. À
cette époque aussi, on avait bien sûr des avantages en faveur du
conjoint, des donations entre vifs, des donations à cause de mort.
Qu'est-il arrivé de ces donations? Avec la modification au droit de la
famille en 1980, ces donations peuvent être maintenant annulées ou
réduites par la cour. La conjointe est devenue responsable des dettes du
ménage au même titre que celui ou celle qui travaille à
l'extérieur. Alors, voilà autant d'effets sur ces régimes
de séparation de biens et qui ont amoindri le régime ou la
protection que croyait avoir la conjointe.
Je pourrais vous parler aussi de biens d'autres sujets qui ont
été commentés au cours des dernières semaines. J'ai
pris passablement de temps pour ma déclaration au tout début. Mes
collègues en ont fait mention également. Je voudrais tout
simplement vous dire à ce moment-ci que ce projet de loi, bien
sûr, est un projet de réforme sociale majeure. Je crois fermement
qu'il est nécessaire et qu'il s'impose. C'est pourquoi je demande la
collaboration de l'Opposition afin qu'on puisse l'adopter d'ici la fin de la
présente session, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 146, Loi
modifiant le Code civil du Québec et d'autres dispositions
législatives afin de favoriser l'égalité économique
des époux, est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Johnson: M. le Président, je ferai motion pour
déférer ce projet de loi pour étude
détaillée à la commission des institutions.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de renvoi est
adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: Oui, M. le Président. J'avise donc cette
Assemblée que ce soir, de 20 heures à 24 heures, à la
salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des institutions
procédera à l'étude détaillée du projet de
loi 146, Loi modifiant le
Code civil du Québec et d'autres dispositions législatives
afin de favoriser l'égalité économique des
époux.
Le Vice-Président: Alors, cet avis est reçu. Si
vous voulez m'indiquer l'article suivant qui fera l'objet de nos
débats.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 10 du feuilleton.
Projet de loi 150 Reprise du débat sur
l'adoption du principe
Le Vice-Président: A l'article 10 du feuilleton, nous
allons maintenant reprendre les débats sur la motion d'adoption du
principe du projet de loi 150, Loi modifiant la Loi sur les services de garde
à l'enfance, présenté par Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine. Avant de
reconnaître la prochaine intervenante, je vais simplement
m'enquérir s'il y a effectivement consentement de l'Assemblée
pour que nous poursuivions nos travaux au-delà de l'heure limite de 18
heures? Il y a dont consentement. Les travaux de l'Assemblée se
'poursuivront plus tard dans cette soirée. Oui, un instant, M. le leader
de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, je m'excuse. J'aimerais que
vous reveniez sur ce que vous venez d'affirmer dans quelques minutes. Alors,
laissez l'intervention de ma collègue. Pour la continuation des travaux
entre 18 heures et 20 heures, j'aimerais que vous me laissiez quelques minutes
pour vérifier cela.
Le Vice-Président: D'accord, en principe, je comprends que
nous allons maintenant procéder à l'intervention de Mme la
députée de Chicoutimi. Même si cela dépasse 18
heures, vous pouvez dépasser légèrement 18 heures, il y a
consentement là-dessus. Après cela, nous statuerons sur la
poursuite de nos travaux. Je cède la parole à Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Oui, un instant. Je m'excuse, madame.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: Oui, pour la bonne compréhension et la marche
de nos travaux, j'ai mémoire d'avoir moi-même demandé
l'ajournement de ce débat. J'allais voir en vertu de quelle disposition
vous cédiez la parole maintenant à la députée de
Chicoutimi.
Le Vice-Président: Oui, la seule disposition, c'est que
j'ai appelé le débat et la première personne qui s'est
levée pour parler a été Mme la députée de
Chicoutimi, ce qui ne préjudicie en rien à l'exercice de votre
droit de parole. Si vous voulez lui parler maintenant, c'est votre droit
effectivement. Mais, vu que vous ne vous étiez pas levé à
ce moment-là, j'ai cru que vous ne vouliez pas utiliser votre droit de
parole immédiatement et, dans cette circonstance, tout autre
député qui se lève peut prendre la parole.
M. Johnson: M. le Président. Le Vice-Président:
Oui.
M. Johnson: Encore pour qu'on se comprenne, la personne qui s'est
levée après qu'on ait appelé l'article 10, c'est le leader
de l'Opposition qui a dit: Un instant! Il était entendu que la
députée de Chicoutimi parlerait, etc. On s'est consultés
depuis ce temps-là. J'ai vérifié ma mémoire. J'ai
ajourné le débat. D'ailleurs, je l'ai fait au nom du
député de Fabre qui est parfaitement disposé et prêt
à entamer une reprise du débat.
Le Vice-Président: Bon. Dans ces circonstances,
effectivement, si c'est l'alternance je vais donc reconnaître, à
ce moment-ci, M. le député de Fabre et ultérieurement,
comme deuxième intervenante, Mme la députée de Chicoutimi.
M. le député de Fabre, vous avez la parole.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. Il me fait grand plaisir
d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi 150,
déposé par Mme la ministre déléguée à
la Condition féminine. Ce projet de loi a plusieurs buts et, de
façon plus spécifique et définie, H vise trois objectifs.
C'est sûr qu'en visant un meilleur équilibre, on va chercher
à améliorer la qualité; on va aussi chercher à
améliorer le financement et à se diriger vers un
développement concerté. C'est un sujet qu'il me fera plaisir de
détailler tout au long de mon intervention. (17 h 50)
M. le Président, ce projet de loi peut sembler technique parce
qu'il présente beaucoup de chiffres et, pour le profane ou pour le ou la
non-habituée, il peut donc sembler laborieux et difficile à
suivre. C'est un projet de loi important parce qu'il a vraiment tendance
à essayer de respecter le milieu de développement de l'enfant.
Tel que cela a été défini dans certains journaux au cours
des derniers mois, on a peut-être condamné la
générosité du projet de loi comme tel. Ce n'est pas
exactement ce que tout le monde aurait souhaité, mais considérant
qu'il y a un manque à gagner de plus de 48 000 000 $ - parce que tout le
monde sait que le fédéral a fait faux bond et c'est à ces
48 000 000 $ que je fais référence - eh bienl on doit s'ajuster.
On aurait pu prendre un pas de recul et dire: Attendons que les finances
gouver-
nementales nous le permettent. Mais non, on a décidé
d'aller de l'avant avec notre politique afin de favoriser les services de garde
à l'enfance. Il en est quand même ressorti quelque chose d'assez
positif dans le sens qu'il ne faut quand même pas perdre de vue que le
projet de loi auquel on fait référence accordera aux services de
garde à l'enfance 132 400 000 $. Cela fait plusieurs zéros. Si on
regarde ce qu'il y avait dans le budget antérieur, c'est quand
même une augmentation, je devrais dire une progression - parce que c'est
un progrès - de 27 % par rapport à la formule
antérieure.
Une chose que je me dois quand même de souligner, M. le
Président, c'est que ces 27 % sont récurrents, fis
représentent un montant qui sera payé tous les ans. Il sera mis
à la disposition du service de garde pour faire en sorte que le service
soit donné, qu'il soit distribué par voie de comparaison avec les
autres ministères qui, eux, accusent une progression qu'on peut
considérer normale de 4 % à 5 % par rapport à ces 27 %. Eh
bien, je pense qu'on peut dire d'emblée que c'est une mesure qui n'est
pas exactement telle que ce à quoi on s'attendait, mais que c'est une
mesure encore très acceptable.
Avant d'en arriver à présenter ce projet de loi, on a eu
une commission parlementaire qui s'est tenue pendant un mois complet, du 7
février au 7 mars. Cela laisse supposer que les députés et
les ministres étaient censés être en vacances. C'est pour
vous dire qu'il n'y a jamais de période de vacances définie comme
telle pour les parlementaires parce que même dans la période
considérée par la majorité des gens - parce que ce sont
des faits qui ne sont pas tellement connus - comme la période des
vacances, les députés doivent se déplacer et accomplir le
rôle qui leur est dévolu.
À cette commission parlementaire, plus de 80 organismes se sont
fait entendre, et, je dois dire que la plupart ne semblaient pas s'accorder sur
l'ensemble du projet de loi tel que présenté. Mais l'avantage
d'une commission parlementaire, c'est de chercher à faire avancer un
projet de loi, c'est de chercher à le bonifier. Alors, avec l'ouverture
d'esprit qu'on connaît à Mme la ministre de la Condition
féminine, c'est exactement ce qui s'est fart. Mme la ministre me disait
qu'elle était quand même satisfaite de la commission parlementaire
même si la majorité des gens ne semblaient pas tout à fait
d'accord sur ledit projet de loi. Satisfaite, oui, satisfaite du
déroulement, satisfaite des suggestions, satisfaite des
découvertes parce qu'il est certain que, tout au long de ce mois, chacun
a apporté son vécu, tant pour ceux qui sont
considérés comme les organismes que de la part des parents.
Une suggestion qui a été faite en commission parlementaire
se rattachait à la formule de financement. On y suggérait de
garantir ou de donner 45 % des revenus de garde plutôt que 4,50 $ par
jour par enfant. Plusieurs étaient contre cette formule. Alors, avec
l'ouverture d'esprit de Mme la ministre, on a compris que les gens qui
étaient contre avaient quand même des bonnes raisons. Il y en a
qui dénonçaient nécessairement l'élimination du
caractère de stabilité, parce que 45 % d'un montant garanti,
ça va bien, mais, avec 45 % de la quantité ou du taux
d'occupation d'une garderie, c'est quand même assez difficile des fois de
balancer un budget. Cela défavorisait aussi les garderies qui avaient
des tarifs assez bas. 45 % de 10 $ et 45 % de 5 %, ce ne sont pas les
mêmes 45 %. Et puis, les garderies qui n'étaient pas
occupées à 80 %, 85 % ou 90 % se voyaient aussi
défavorisées.
Partant de là, Mme la ministre a suggéré qu'un
montant de base de 30 000 $ soit accordé à chacune des garderies
sans égard à la grosseur, sans égard à la dimension
de cette garderie, et d'ajouter un montant de 30 % de la contribution des
parents. Encore là, des gens se sont prononcés contre. Pourquoi?
Peut-être parce qu'ils ne se sont pas arrêtés à
analyser cette formule, peut-être parce qu'ils ne se sont pas
arrêtés à examiner le budget d'une garderie type pour
savoir vraiment si ces gens étaient défavorisés ou
pas.
Moi, M. le Président, je pars du principe que lorsqu'on s'obstine
contre la logique, on devient par le fait même absolument illogique.
C'est un peu ce que j'ai dit à certaines gens en relation avec le
système de garde. On a pris les chiffres et on a découvert que,
dans l'offre de Mme la ministre, pas une garderie ne toucherait un montant
diminué, pas une. Le minimum que chacune des garderies pouvait compter
recevoir, c'était 5000 $. Mais pour la majorité des garderies,
dont deux de mes garderies à moi... D'ailleurs, j'ai produit un
communiqué qui disait de façon officielle, sans équivoque,
que j'étais en parfait accord avec le nouveau système ou le
nouveau financement des garderies, et je vais vous dire pourquoi. Dans mon cas,
celui de mes deux garderies, La Giboulée, et la Pirouette de Fabreville,
une de 48, l'autre de 60 places, dans les deux cas, mes garderies sortent
bénéficiaires d'une augmentation de 25 % pour une et de 10 % pour
l'autre. Quand on sait qu'on peut traduire 25 % en dollars et en services pour
les enfants participants et aussi pour les bénéficiaires qu'on
appelle les parents qui paient, à ce moment-là, on ne peut pas
être contre ça.
Tollé? Oui et je vous dirai pourquoi: C'est parce qu'on ne s'est
pas arrêté à prendre chacune des garderies pour savoir ce
qu'elles pouvaient en retirer. Si on devait accepter les demandes de toutes les
garderies pour faire face au système, seulement pour l'année
1988, pour satisfaire les demandes de 1988-1989, cela aurait pris 241 000 000 $
de plus. Si on s'en va en extrapolant et en regardant ce que l'avenir peut
commander, parce que vous savez ce qu'est un gouvernement: on dit que gouverner
c'est prévoir, il faut y penser aussi. Donc, pour 1992-1993, ça
aurait commandé 1 090 000 000 $ et si
on va un peu plus loin: pour 1995-1996, 1 900 000 000 $. C'est pourquoi
je dis que je suis entièrement d'accord avec la nouvelle formule qui
deviendra une formule incitative pour permettre à ceux qui sont en
charge de l'administration de ces garderies de commencer à regarder la
possibilité de faire en sorte que chacune des garderies puisse
fonctionner à 100 % au lieu de fonctionner à 85 %. C'est
là l'importance des 30 % des montants perçus des parents. Alors,
partant de là, je ne peux pas être contre ça, M. le
Président. C'est sûr que cette offre qui n'est pas tout à
fait comprise peut être mise en doute, mais si les gens s'arrêtent
à l'analyser, ils s'apercevront que c'est quand même une offre
raisonnable, compte tenu de la situation dans laquelle on se trouve. (18
heures)
M. le Président, cette aide garantie, la formule qu'on a retenue,
est une formule qui, à mon sens, est juste et équitable et il
faut regarder aussi qui en bénéficie. À l'intérieur
du système de 100 % des garderies, cette formule de 30 000 $ de base
avec les 30 % garantis, il y a 7 % des garderies qui retireront 5000 $, 6 % qui
retireront entre 5000 $ et 10 000 $; 35 % retireront entre 10 000 $ et 20 000
$, 40 % entre 20 000 $ et 30 000 $, 12 % desdites garderies retireront 30 000 $
et plus. Alors si on est contre, c'est parce qu'à mon sens on n'a
peut-être pas tout à fait compris. Je suggérerais à
ceux qui ont la responsabilité des garderies de dire à leurs
parents d'une façon absolue que dans le système ils ne sont point
défavorisés et que les sommes supplémentaires qu'ils
recevront par les offres du projet de loi pourront être converties en
services supérieurs, supplémentaires, et ce pour le
bénéfice des jeunes autant que celui des parents.
M. le Président, je m'en voudrais d'étirer davantage le
début. L'un de mes bons collègues, tantôt, à sa
façon, touchera peut-être d'autres éléments
proposés dans le projet de loi. Mais je me dois de dire une chose
publiquement. Je suis heureux de savoir et de découvrir comme tout le
monde que le projet de loi apportera sûrement une aide financière
supérieure aux parents, aux familles. Cela, c'est sûr. Les
familles à faible revenu, par exemple celles qui recevaient 10,50 $ par
jour, dès avril 1990, recevront beaucoup plus.
Une voix: Quand?
M. Jdy: En avril 1990, M. le député.
Une voix: Au rapport d'impôt?
M. Joly: Cela me fera plaisir de vous donner les détails
tantôt, si vous voulez me poser des questions. Aussi, l'échelle
des revenus sera étendue. Cela veut dire, encore là, que plus de
familles pourront bénéficier davantage dudit projet de loi. Il y
a aussi une chose qui avait été décriée dans le
passé. Si on veut aller vers la qualité, vers des services un peu
plus professionnels, malgré que ce qui se fait actuellement c'est
très bien, dans le projet de loi, on suggère qu'il y ait une
subvention de formation. Toutes les garderies sans but lucratif auront droit
à une moyenne - je dis bien une moyenne, M. le Président - de
1500 $ par garderie, mais avec un plafond de 2000 $ à respecter. Alors,
je pense qu'on se dirige vers une qualité de services qui n'est
même pas discutable. Alors, pour ou contre le projet de loi? À mon
sens, il est simplement important de pouvoir s'y pencher et de regarder les
valeurs qu'on a tendance à vouloir véhiculer. La formation, c'est
important. Les gens se sont penchés sur cette situation et ont fait des
recommandations en commission parlementaire. Aujourd'hui, on peut dire que
c'est dans le projet de loi. Il est simplement question de l'approuver et de
faire en sorte qu'on puisse vivre avec cela.
Au fond, cette année, quelle est la différence entre ce
qui va arriver et ce qu'on avait peut-être promis ou ce à quoi on
s'était engagé? On s'était engagé à
développer 8671 places dans l'année 1989-1990. Par la force des
choses, on a été obligés de se rajuster, mais ce n'est
quand même pas aussi désastreux qu'on le laisse supposer, on va
développer 6208 places. Alors, 6208 places au lieu 8671, c'est certain
qu'il y a un manque, c'est sûr ça, mais il faut considérer
la situation. Quand Ottawa avait lancé son programme qui parlait de 200
000 nouvelles places en développement durant les 7 prochaines
années, qu'on s'était ajusté et qu'on avait dit: 60 000
nouvelles places en cinq ans, eh bien, je pense qu'il ne faut pas être
magicien pour réaliser que l'argent ne pousse pas dans les arbres. Le
citoyen a une capacité maximum de payer et plus on lui en demande, bien
c'est certain qu'à ce moment-là, la paie qui entre à la
maison est moins forte.
Alors, compte tenu de ce qu'on a eu à respecter, soit nos
engagements de ne pas augmenter les impôts... au contraire, on les a
diminués, parce qu'il y a des familles qui actuellement ne paient pas
une cent d'impôt, les familles qui gagnent en bas de 23 000 $, deux
enfants, qui ne paient plus une cent d'impôt, alors qu'avant ça,
c'était 10 000 $, je pense qu'il y a eu de la récupération
de faite de ce côté-là par notre gouvernement, et les gens
sont conscients de ça, M. le Président. Donc, compte tenu du
retrait fédéral, on doit s'ajuster.
Je pourrais vous parler des agences de garde en milieu familial, je
pourrais vous parier aussi des mêmes agences de garde en milieu familial,
mais non régies, mais, le temps me manquant, je dois conclure, M. le
Président, en disant que je me ferai présent comme mes autres
collègues à l'étude du projet de loi article par article,
et, à mon tour, s'il y a des suggestions ou des recommandations que je
pourrais apporter, je le ferai avec toute la conviction qui m'est
prêtée et aussi tout l'enthousiasme, selon
nécessairement la teneur des articles en question. Alors, merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Alors, je voudrais maintenant constater
l'accord des membres de l'Assemblée afin de poursuivre nos travaux
dès maintenant, sans l'interruption habituelle de 18 heures à 20
heures. Il y a bien accord à cette fin? Donc, nous poursuivons nos
travaux et je vais maintenant reconnaître véritablement Mme la
députée de Chicoutimi pour l'exercice de son droit de parole.
Mme Jeanne L Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, le député de Fabre dit des
vérités surprenantes, mais intéressantes à relever.
Il rappelle d'abord que le projet de loi qui vient modifier la Loi sur les
services de garde a soulevé un tollé. Ce n'est pas de moi, c'est
du député de Fabre. Il ajoute également que la grande
majorité des intervenants s'est opposée au projet de loi.
intéressant! Mais, paradoxalement, il ajoute: C'est qu'ils ont mal
compris, c'est qu'ils ont mal évalué le projet, c'est qu'ils ne
connaissent pas bien la situation. Une fois qu'ils vont avoir calculé,
ils devraient partager l'avis du gouvernement.
Est-ce à dire que tous les intervenants errent dans leur
évaluation du projet de loi et de ses retombées sur les services
de garde au Québec? Est-ce à dire que les parents se trompent?
Est-ce à dire que les intervenants se trompent, que les administrateurs
de garderies se trompent et que seul le gouvernement a le pas? C'est quelque
chose d'étonnant et de surprenant, c'est le moins qu'on puisse dire.
M. le Président, pourquoi le projet de loi qui vient modifier la
Loi sur les services de garde à l'enfance soulève-t-il, comme le
rappelle le député de Fabre, un tel tollé? Pourquoi
y-a-t-il autant d'intervenants qui s'y sont opposés?
Rappelons d'abord que ce projet de loi vient modifier fondamentalement
l'esprit de la loi adoptée sous le gouvernement du Parti
québécois, en décembre 1979, de deux façons.
D'abord, il ouvre largement la porte à la privatisation. C'est un
précédent, ça en change fondamentalement l'esprit.
Ensuite, le projet de loi vient consacrer le pouvoir absolu du Conseil du
trésor sur le développement des services de garde au
Québec. Dorénavant, ce n'est plus la ministre de la Condition
féminine qui pourra élaborer et faire adopter son plan de
services de garde. Ce ne sera pas non plus la ministre ou le ministre de la
Famille ni le Conseil des ministres, non. Ce sera le président du
Conseil du trésor qui aura à approuver le plan de
développement des services de garde. Cela vient ainsi modifier
fondamentalement l'esprit du projet de loi et ça vient subordonner les
Intérêts des parents en matière de services de garde aux
intérêts du président du
Conseil du trésor.
En fait, le projet de loi vient ouvrir largement la porte à la
privatisation. Mais, plus fondamentalement, le projet de loi est un
mépris des engagements pris par ce gouvernement à l'endroit des
parents, à l'endroit des services de garde. C'est un mépris des
organismes qui ont fait des efforts considérables pour venir se faire
entendre en commission parlementaire, pour expliquer les raisons profondes pour
lesquelles Ils s'opposaient au projet de loi tel que rédigé.
Pourtant, on méprise les avis qui ont été reçus et
émis par ces organismes. (18 h 10)
Pourquoi un tel tollé? Parce que c'est un mépris du droit
des travailleurs et des travailleuses des garderies à un salaire
décent. Pourquoi un tel tollé? Parce que c'est un mépris
du droit des parents d'obtenir des services à un coût moindre
lorsqu'il s'agit des services de garde. Mépris des engagements pris, le
député de Fabre le rappelait justement tout à l'heure. Le
gouvernement s'était engagé à créer 8671 places en
garderie, il en crée 6200. Il estime que, compte tenu des circonstances,
c'est acceptable. On doit reconnaître, qu'effectivement, le gouvernement
fédéral s'est retiré des engagements qu'il avait pris
concernant la création des services de garde.
Mais ce qu'on doit constater, du moment où le gouvernement du
Parti libéral s'était engagé à créer 8000
places, s'il en crée 2471 de moins, c'est simplement que les garderies
n'étaient pas une priorité pour le gouvernement du Parti
libéral, sinon il aurait respecté l'engagement pris à
l'endroit des familles, à l'endroit des parents, à l'endroit des
services de garde.
Au moment où le Parti québécois, au cours de la
dernière année, créait des services de garde et
développait les services de garde, le rythme de croissance de la
création de places en service de garde était de l'ordre de 21 %.
Au cours de la prochaine année, la croissance des places en service de
garde sera tout juste de 8,7 %. Un écart considérable, mais qui
vient illustrer le manque de volonté du gouvernement d'offrir de bons
services de garde et en quantité suffisante et de qualité
suffisante aux Québécois et aux Québécoises qui ont
de jeunes enfants.
Mépris des travailleuses, également, et des travailleurs.
Je dis travailleuses parce que ce sont majoritairement des femmes qui sont dans
ces secteurs d'activité. Parce que pour les travailleuses en garderie,
le salaire moyen est de 8,50 $, alors que ces personnes ont une formation de
niveau collégial comparable à celle de l'informaticien, celle de
l'électronicien, celle de l'infirmière, celle de
l'inhalothérapeute, et pourtant, leur salaire est largement en
deçà des salaires qu'on reconnaît aux autres groupes de
travailleurs qui ont des compétences comparables. Mépris à
l'endroit de ces travailleurs parce que le président du Conseil du
trésor refuse de reconnaître qu'il y a l'endroit de professions
une
inéquité salariale. Il dit que cela n'existe pas l'absence
d'équité salariale. Il dit qu'il y a une question de rangement
entre les fonctions. Mais l'équité salariale, il ne veut pas la
reconnaître, tel que le demandent les différents syndicats au
Québec.
Mépris également à l'endroit des opinions
exprimées par les différents organismes qui se sont
présentés en commission parlementaire. Rappelons-le, comme le
faisait le député de Fabre tout à l'heure, 88 % des
organismes - ce n'est pas peu dire - qui ont été entendus en
commission parlementaire pendant un mois sont venus dire à la ministre
et au gouvernement qu'ils erraient dans la décision et les orientations
qu'ils avaient prises. Pourtant, ils sont restés indifférents
à la qualité des analyses présentées par ces
différents organismes. C'est un mépris total. On a
consulté parce qu'il fallait consulter, mais on n'a pas tenu compte du
résultat des consultations, ni des avis qui ont été
émis.
Mépris également à l'endroit des parents parce que
l'allégement du fardeau financier est largement insuffisant. Un parent
qui doit payer les services de garde pour ses enfants, savez-vous qu'il en
coûte, pour celui qui paie la totalité, quelque 4000 $ par
année? Si vous pensez à l'entretien de l'enfant en plus, c'est
plus cher que ce que coûte aux familles, un enfant ou un jeune qui
poursuit des études universitaires, parce que les frais de
scolarité dans nos universités sont de l'ordre de 600 $, alors
que faire garder un enfant dans une garderie, c'est 4000 $. Est-ce qu'on
comprend que cela coûte plus cher pour un couple de faire garder un
enfant que d'envoyer son enfant à l'université? Mépris
donc à l'endroit des parents.
Mais en plus, c'est une porte ouverte à la privatisation. Parce
que pour le gouvernement libéral, c'est connu, cela fait partie des
orientations qu'il avait déposées en 1985, des engagements
électoraux. Cela fait également partie des engagements
électoraux qu'il vient de déposer. La privatisation, pour le
Parti libéral, c'est un dogme. En dehors de la privatisation, point de
salut. Les enfants sont devenus un marché lucratif, comme les personnes
âgées d'ailleurs. Pour savoir pourquoi la privatisation,
demandons-nous à qui elle profite. Est-ce qu'elle profite aux parents?
Est-ce qu'elle profite aux enfants? Est-ce qu'elle profite aux usagers? Est-ce
qu'elle profite aux personnes âgées?
Rappelons d'abord des données assez saisissantes. 75 % des
plaintes portées à l'endroit des garderies le sont à
l'endroit des garderies à but lucratif. Cela devrait nous donner une
idée des conditions dans lesquelles ces enfants sont placés. Cela
s'explique, de toute façon. Cela s'explique, parce que pour faire de
l'argent, pour réaliser des bénéfices à même
des services de garde, M. le Président, le service de garde n'a pas
d'autre moyen que d'économiser sur le salaire des travailleurs et des
travailleuses, d'économiser sur la qualité des services offerts
aux enfants, d'économiser sur la nourriture offerte aux enfants. C'est
la seule façon. Comment voulez-vous qu'on fasse des économies,
qu'on fasse des bénéfices, qu'on puisse entrer dans ses frais,
sinon en économisant sur la qualité des services offerts à
ces enfants? Cela explique d'ailleurs, je le rappelle, que 75 % des plaintes
portées à l'endroit des services de garde le sont à
l'endroit des services de garde dans les garderies à but lucratif.
À qui sert donc la privatisation dans les services de garde? Elle
sert essentiellement à quelques personnes qui font des
bénéfices sur un marché devenu lucratif: le marché
des enfants dans les garderies. Est-ce que la privatisation sert les
intérêts des travailleurs et des travailleuses? Non, M. le
Président. Pour les mêmes raisons que j'ai expliquées, la
seule façon de faire des économies, de réaliser des
bénéfices pour les propriétaires de ces entreprises, c'est
de payer des salaires plus bas. C'est connu. Il n'y a pas d'autre façon.
Donc, quels sont les intérêts servis par la privatisation dans les
services de garde? Essentiellement, M. le Président, les
intérêts des propriétaires. Les intérêts de
quelques propriétaires au détriment des intérêts de
la majorité, c'est-à-dire des enfants qui sont dans ces
garderies, et au détriment des intérêts des travailleurs
qui sont dans ces garderies.
M. le Président, le marché des services de garde à
l'enfance est devenu un marché lucratif, comme d'ailleurs le
marché des services aux personnes âgées. Là aussi,
en santé, on est en train, progressivement mais assez rapidement, en
même temps qu'en douce - ça n'a pas trop paru - de créer
deux systèmes de santé au Québec: un système
privé et un système public. Non pas parce que ça
coûte moins cher, parce que les services offerts dans une entreprise
privée sont payés par l'État au même titre que ceux
qui sont offerts dans les établissements publics. Il n'est pas question
pour le gouvernement de réaliser des économies en privatisant.
Non, ce n'est pas ça, tout le monde le sait. Allez recevoir un
traitement au département de physiothérapie d'un hôpital ou
allez le recevoir dans une clinique privée, ça coûte
à l'État exactement la même chose: C'est 22 $. Quoique,
actuellement, c'est moins vrai, c'est moins cher si vous allez à
l'hôpital parce que dans les cas où il n'y a pas eu d'entente,
c'est seulement 15 $. Mais admettons qu'une fois les ententes
négociées, ça serait exactement le même coût.
Quels intérêts sert-on, à ce moment-là, du moment
où l'on privilégie dans nos services de santé, comme dans
les services de garde à l'enfance, la privatisation? On sert les
intérêts du propriétaire ou de la propriétaire, mais
on ne sert en aucun cas l'intérêt collectif,
l'intérêt des usagers, non plus que l'intérêt des
travailleurs et des travailleuses. (18 h 20)
M. le Président, ce gouvernement a fait de
la privatisation un dogme et il utilise des arguments pour le moins
douteux. On dit: Écoutez, pour évaluer la performance de notre
système public, opposons-lui donc un système privé.
J'aimerais dire à ce gouvernement qu'en Ontario, parce que ce
gouvernement aime particulièrement se comparer à l'Ontario, il
n'y a pas ou à peu près pas d'écoles privées
subventionnées. Les seules écoles privées en Ontario sont
entièrement aux frais des parents. Et pourtant, le système
d'éducation en Ontario est au moins aussi performant que le nôtre.
C'est un argument fallacieux, et il est prouvé, dans le cas de
l'hôpital de Bellechasse, que les établissements privés
nous coûtent plus cher. Ils coûtent plus cher à
l'État parce que le propriétaire doit réaliser des
bénéfices. Le propriétaire d'une entreprise privée,
quelle qu'elle soit, c'est normal, ne fait pas ça par philanthropie, ne
fait pas ça par grandeur d'âme ou par
générosité. Il investit dans des entreprises de cette
nature pour réaliser des bénéfices. Le gouvernement du
Parti libérai a fait, de la privatisation, un dogme. D'ailleurs, H y
avait là-dessus tout un chapitre dans le rapport Gobeil qu'on a un peu
oublié, mais qui, progressivement, fait ses effets dans le
réseau. En fait, on a commencé par privatiser des services
auxiliaires. Tout récemment, au centre hospitalier Anna-Laberge, les
services auxiliaires sont privatisés. Est-ce qu'ils coûteront
effectivement moins cher? J'en doute, parce que la marge de
bénéfices que devra se conserver le propriétaire
amènera les coûts de ces services à un niveau assez
comparable aux coûts qu'ils seraient si on devait les avoir dans nos
institutions.
Sur la privatisation des centres hospitaliers de taille petite ou
moyenne, on connaît les analyses qui ont été faites dans le
cas de la privatisation de l'hôpital de Bellechasse. Ils ont des
conditions qu'on n'offre pas, et loin de là, en matière de
financement, aux hôpitaux publics et ils coûtent plus cher, parce
que, je le rappelle, le propriétaire doit réaliser, et c'est
normal du moment où on est dans le privé, une marge de profits.
Mais cette marge de profits se fait à nos frais. Elle se fait aux frais
des travailleurs.
M. le Président, en 1988-1989, 19 CLSC ont eu recours à
des agences privées d'infirmières pour un coût total de 729
383 $. Est-ce que cela a coûté moins cher, M. le Président?
Non. Cela a coûté aussi cher. L'argent est allé dans les
poches du propriétaire de l'agence. Je pense ici à une agence qui
s'appelle l'agence Hélène Quévil-lon, qui fait des
millions de dollars en chiffre d'affaires avec les différents services
du gouvernement. M. le Président, 60 hôpitaux et 27 centres
d'accueil ont eu recours à des agences privées
d'infirmières. Alors qu'on connaît les conditions qui sont faites
aux infirmières dans nos hôpitaux, le coût total de ces
opérations est de 12 000 000 $. C'est ça la privatisation. Est-ce
que ça nous coûte moins cher? Non. Dans le cas des recours aux
agences de services de garde, aux agences privées de placement,
généralement, ça coûte le double quand ce n'est pas
le triple de ce que coûterait un employé à temps plein
permanent dans un hôpital. Les chiffres sont là pour le
démontrer et on pourra vous les présenter n'importe quand. Cela
coûte plus cher, mais ça permet à la propriétaire ou
au propriétaire de réaliser des bénéfices.
La privatisation, M. le Président, la porte ouverte à la
privatisation dans les services de garde, mais également dans les
services de santé. Et la dernière trouvaille, ce sont les OSIS,
organisations de soins intégrés de santé. L'organisation
de soins intégrés de santé, c'est une copie, c'est
calqué, en fait, sur les HMO américains, et sachons que les HMO
américains, ils songent, eux, à les abandonner. Je trouve
ça intéressant. Il faudrait peut-être que le gouvernement
soit un peu à l'écoute - contrairement à ce qu'il a fait
au moment où les différents organismes venaient leur donner des
avis sur la Loi sur les services de garde - de ce qui se dit et ce qui se fait
à l'extérieur. Les Américains viennent examiner notre
service de santé et nos services sociaux au Québec parce qu'il
est moins coûteux que le leur. Aux États-Unis, il en coûte
11,2 % du PIB pour offrir des services de santé alors qu'ici, c'est 9,6
%. Alors qu'aux États-Unis, 30 000 000 d'Américains ne sont pas
assurés, nous, nous sommes en train de penser que la panacée
à tous les maux, c'est la privatisation. Les Américains sont en
train de remettre ça en question. Est-on capable de comprendre? Pourquoi
n'est-on pas capables d'entendre les mêmes réalités? M. le
Président, la privatisation, c'est un dogme pour le Parti libéra!
et, c'est pourquoi, la loi, que nous examinons et que nous aurons l'occasion
d'examiner également article par article en commission parlementaire,
vient consacrer ce dogme: la privatisation dans les services de garde au
Québec.
M. le Président, j'espère, quoique j'en doute un peu, que
l'examen du projet de loi article par article en commission parlementaire
donnera une dernière occasion au gouvernement de se raviser et de
réexaminer le contenu de ce projet de loi de manière à
répondre de façon plus adéquate aux demandes
répétées, réitérées,
manifestées et manifestées à nouveau par
différentes garderies au Québec, par différents organismes
québécois. Je rappelle en conclusion, M. le Président,
comme le rappelait tout à l'heure le député de Fabre, que
ce projet de loi a fait l'objet d'un tollé. 88 % des organismes sont
venus dire au gouvernement: Vous vous trompez de direction. J'espère, M.
le Président, que l'examen du projet de loi article par article
permettra au gouvernement de se raviser et de tenir compte des avis qui lui ont
été donnés, de manière a le modifier dans le sens
d'une plus grande équité entre les garderies, d'une plus grande
équité pour les parents et les travailleurs et travailleuses en
garderie. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le député de Taschereau.
M. Jean Lederc
M. Lederc: Merci, M. le Président. Je suis
évidemment heureux de prendre la parole sur le projet de loi 150, Loi
modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance. Je prends le
temps, à ce moment-ci, de rappeler le titre du projet de loi que nous
étudions, parce que la députée de Chicoutiml, manquant
peut-être d'inspiration, nous a parlé, pendant presque quinze
minutes, d'un supposé processus de privatisation au gouvernement du
Québec plutôt que de prendre le temps d'expliquer à nos
concitoyens la position du Parti québécois sur le projet de loi
150.
Le projet de loi 150, Loi modifiant la Loi sur les services de garde
à l'enfance, est éminemment important pour la collectivité
québécoise. C'est en effet une portion importante de la politique
familiale du gouvernement du Québec. Quand on regarde le principe global
de la politique familiale, on se rend compte qu'il a trois volets principaux:
d'abord, les normes du travail qui doivent permettre aux parents de prendre des
congés parentaux, qui doivent permettre aux parents, par exemple, de
travailler à temps partiel dans les premières années
suivant une naissance, et le gouvernement du Québec devra mettre
à jour la Loi sur les normes du travail. Une politique familiale, c'est
également de l'aide financière aux parents.
Depuis les deux derniers budgets, M. le Président, vous vous
rappellerez que dorénavant, les parents qui donnent naissance à
des enfants reçoivent, à la naissance ou à chaque trois
mois, des montants substantiels qui vont jusqu'à 4500 $ pour le
troisième enfant et les suivants. Enfin, et c'est le troisième
volet de la politique familiale, des services de garderie en quantité,
afin que les parents aient un certain nombre de choix devant eux, un certain
nombre d'options, des services de garderie de qualité, afin que les
parents puissent laisser à la garderie leurs enfants le matin en allant
travailler, sans souci, sachant que leurs enfants recevront toute l'attention
qu'ils leur donneraient eux-mêmes, des services de garde, enfin, à
des prix raisonnables, parce qu'on ne peut demander à des parents
d'aller travailler et de payer presque aussi cher de garderie que le salaire
net qu'ils reçoivent une fois faites toutes les dépenses
reliées a leur emploi. (18 h 30)
Donc, le service de garde au Québec est un volet fort important
de notre politique familiale et il est normal que le gouvernement du
Québec ait étudié, ait consulté
énormément avant de faire connaître à la population
son énoncé de politique. Cependant, avant d'aller plus en avant
dans cet énoncé de politique, avant de parier davantage du projet
de loi 150, j'aimerais relever quelques malentendus ou quelques
Imprécisions de l'intervention de la députée de
Chlcou-timi.
Elle nous dit d'abord qu'un bon nombre de groupes de la
société - elle a raison - ne sont pas en accord avec notre
énoncé de politique, mais ce n'est pas surtout sur les principes
qu'ils ne sont pas en accord, c'est davantage sur le financement, c'est
davantage sur le nombre de millions que le gouvernement du Québec a
l'intention d'injecter année après année dans les services
de garde. Et il ne faut pas s'étonner que ces gens convaincus,
compétents, qui travaillent au jour le jour dans les garderies du
Québec, défendent avec conviction leurs intérêts et
les intérêts des garderies dans lesquelles ils travaillent, mais
II faut bien comprendre que le gouvernement du Québec doit prendre des
décisions avec une vision globale de la société
québécoise et, bien que les garderies au Québec soient une
priorité du gouvernement du Québec, il y a bien d'autres
priorités que nous devons considérer alors que chaque
année nous procédons à un exercice fort délicat,
celui de la confection du budget du Québec. Si les garderies sont des
priorités, les hôpitaux sont également des
priorités, les écoles sont des priorités, les
universités sont des priorités, le système routier, bref,
le gouvernement du Québec doit prendre des décisions
équilibrées, et, bien que nous n'ayons peut-être pas
investi ce que les groupes représentant les travailleurs,
représentant les garderies auraient voulu que nous investissions dans
les services de garde, nous croyons, en conscience, avoir fait un effort
honnête, compte tenu de toutes les autres priorités au
Québec, compte tenu de tous les autres secteurs importants, dont celui
des personnes âgées, qui est un secteur fort important au
Québec où l'on doit investir énormément.
Alors, compte tenu de tout ça, nous croyons, nous, du
gouvernement, que nous avons fait un effort honnête dans les
circonstances. Nous avons fait le maximum que nous pouvions faire. Donc, oui,
il est vrai, les groupes ont été en forte majorité contre
notre énoncé de politique, mais surtout parce qu'ils
n'étaient pas d'accord sur le niveau de dépenses du gouvernement
du Québec.
La députée de Chicoutimi, pendant presque tout son
discours, nous a dit que le gouvernement du Québec privatisait tout.
Elle dit que nous avons amorcé un processus de privatisation des
garderies. Quoi de plus faux, quand on sait que toutes les garderies sans but
non lucratif du Québec auront une augmentation de subventions. Est-ce
que honnêtement, M. le Président, si nous avions eu l'intention de
privatiser les garderies à but non lucratif, nous les aurions
subventionnées davantage? Est-ce qu'un gouvernement qui ne croit pas
dans un système de garderie sans but non lucratif leur donne davantage
d'argent pour offrir de meilleurs services à la population? Quoi de plus
faux. Comment se fait-il que la députée
de Chicoutimi puisse soutenir ici devant cette Chambre une telle
énormité? Qu'a-t-elle contre les garderies à but lucratif
qui, pendant les neuf ans du Parti québécois, ont continué
à offrir des services de garde pour les enfants
québécois?
Elle nous parle de bénéfices des propriétaires
alors qu'on sait très bien que la plupart des propriétaires de
garderie à but lucratif ne font, comme seul profit, que le salaire de
directeurs qu'ils ont. Ils créent leur propre emploi, si vous voulez, et
ils ont une rémunération à bien des égards
comparable à celle qu'ils auraient s'ils effectuaient le même
travail dans une garderie sans but non lucratif. Donc, il y a fort peu de
personnes au Québec qui s'enrichissent avec les garderies à but
lucratif. Je comprends mal l'acharnement de la députée de
Chicoutimi à essayer de démontrer qu'elles n'offrent pas un bon
service à la population. Et, eu égard aux institutions
privées au Québec, tout ce qu'on peut dire, c'est que
l'Opposition a des vues contradictoires. Elle nous a parlé
d'écoles privées, d'hôpitaux privés, d'OSIS, et j'en
parlerai tout à l'heure.
Il y a un exemple qui s'est passé il y a très peu de
temps, alors que nous recevions ici même à l'Assemblée
nationale, le 1er juin dernier, les Ursulines de Québec qui
fêtent, cette année, leur 350e anniversaire d'arrivée au
Québec. J'ai vu la députée de Chicoutimi, comme bien
d'autres du Parti québécois et du Parti libéral,
féliciter à tout rompre l'école des Ursulines de
Québec, qui est une école privée, et dire que les services
qui y sont dispensés sont excellents, sa réputation est
excellente, que cette école a rendu des services innombrables au
Québec pendant toutes ces années. Et, du revers de la main,
quelques jours plus tard, elle nous dit que ce qui est privé au
Québec n'est pas bon: les garderies privées, les écoles
privées.
Même, elle ose mettre notre projet d'OSIS sur le compte de la
privatisation, alors que l'on sait très bien - le gouvernement du
Québec a toujours été très clair là-dessus -
que les OSIS, lorsque l'expérience sera tentée, seront des
organismes sans but lucratif. Quoi de plus faux que de prétendre que les
OSIS seront des organismes à but lucratif qui feront faire des profits
à des individus. Par exemple, s'il y avait, dans quelques années,
une OSIS dans mon comté, comment pourrait-elle être formée?
Du CLSC de mon comté, de l'Hôpital général, de
l'Hôtel-Dieu et du foyer Notre-Dame-de-Lourdes qui pourraient se mettre
ensemble, former une corporation sans but lucratif et mettre en place une OSIS.
C'est avec cela que la députée de Chicoutimi essaie de faire
croire à la population du Québec que nous privatisons. Elle est
bien bonne!
Non, M. le Président, nous ne privatisons pas. Bien au contraire,
nous augmentons les subventions à toutes les garderies sans but lucratif
du Québec. Je vous disais tout à l'heure que nous avons fait
précéder la loi 150 que nous étudions d'un document
d'orientation qui était le résultat d'études, de
consultations et de travaux réalisés afin de doter le
Québec d'une politique d'ensemble en matière de garderie.
Politique que l'on a attendue pendant toutes les années de pouvoir du
Parti québécois. Politique qu'ils avaient d'ailleurs promise
pendant longtemps. C'est l'actuel gouvernement du Québec, avec la
ministre déléguée à la Condition féminine,
qui a au moins eu le mérite d'effectuer une étude d'ensemble du
dossier au lieu de faire du cas par cas et d'y aller à la pièce,
comme ce fut le cas pour le précédent gouvernement.
Bien sûr, comme c'est le cas de tous les grands dossiers
gouvernementaux, il y a eu des impondérables. Il y a un certain nombre
de choses que le gouvernement du Québec ne pouvait pas prévoir,
peu importe sa couleur, peu importe le parti politique qui assumait la
direction du Québec. Comment pouvions-nous prévoir que le
gouvernement fédéral, après avoir fait état de ses
intentions en matière de services de garde, se retirerait de cette
façon? Malgré cela, le plan de développement du
gouvernement du Québec, fermement, veut toujours faire passer de 65 000
à 130 000 les places en garderies au Québec, en cinq ans. Le plan
de développement veut augmenter le nombre de garderies en milieu de
travail parce qu'on sait que, pour bon nombre de Québécoises et
de Québécois, il serait pratique de pouvoir amener avec eux
jusqu'au travail, le matin, leurs enfants et de retourner avec eux à la
maison le soir. Nous avons de très beaux exemples un peu partout au
Québec, encore trop peu d'exemples, mais de très beaux exemples,
un peu partout au Québec, de garderies en milieu de travail qui
fonctionnent très bien.
Ce n'est pas chose facile pour les entreprises qui sont souvent dans des
édifices assez âgés, dans des quartiers qui ne permettent
pas toujours une certaine expansion pour permettre un certain nombre de pieds
carrés et une cour qui sont, on le comprendra, fort importants et
essentiels pour qu'une garderie décente puisse y être
installée. Les garderies en milieu scolaire, également, et on
connaît toute la bonne relation entre le ministère de
l'Éducation et le ministère de la Condition féminine pour
faire en sorte que de plus en plus d'écoles au Québec puissent se
doter de garderies en milieu scolaire. Ce faisant, les parents du Québec
peuvent, à l'occasion, terminer leur travail plus tard que la classe,
sachant que leur enfant est toujours en sécurité à la
garderie scolaire, de même, sachant qu'à l'heure du dîner,
leur enfant mange à la garderie scolaire, qu'il aura donc une
alimentation saine et équilibrée et qu'il aura un minimum de
supervision, s'assurant ainsi, dis-je, qu'il est en sécurité. (18
h 40)
M. le Président, le gouvernement a décidé qu'il
subventionnera 50 % des coûts, jusqu'à concurrence d'une
subvention maximum de 130 000 $, les garderies sans but lucratif qui veulent
s'implanter au Québec. Et je vous
rappelle qu'actuellement, c'est seulement un montant de 90 000 $ qui est
disponible pour les garderies propriétaires et que le montant pourra
aller jusqu'à 77 500 $ pour les garderies locataires. Notre politique
des services de garde prévoit également que les garderies qui
devront se relocaliser, notamment parce que leurs locaux ne répondent
pas aux normes minimales de l'Office des services de garde - et j'en ai dans
mon comté - seront aidées afin de permettre une relocalisation
qui n'ébranlera pas leur structure financière.
Qualité des services maintenant. À la suite des nombreux
commentaires formulés en commission parlementaire, le gouvernement
accordera une subvention spécifique pour la formation, le
perfectionnement et le ressourcement du personnel au prorata du nombre
d'éducatrices de la garderie. Cette enveloppe distincte sera
versée en plus de la subvention de fonctionnement et représentera
en moyenne 1500 $ par garderie avec un maximum de 2000 $.
Ensuite, pour ce qui est de la subvention de fonctionnement des
garderies sans but lucratif, le gouvernement accordera une subvention de base
de 30 000 $ Indépendante de leur taille et de leur taux d'occupation.
Ceci, dans le but évident d'absorber les coûts fixes. Cette
subvention sera alors indexée selon l'indice des prix à la
consommation. À cette subvention de base, une subvention de 30 % des
revenus réels de garde sera ajoutée, ce qui permettra de suivre
l'évolution des budgets et de faire en sorte que les parents ne soient
pas seuls à assumer une majoration de coûts.
En accordant ces deux types de subventions, en mettant en place cette
formule mixte de subventions, le gouvernement respecte ses orientations visant
l'utilisation maximum des ressources et répond aux inquiétudes
formulées quant à la stabilité du financement,
inquiétudes dis-je, qui nous ont été formulées lors
de la commission parlementaire. Cette formule permettra également de
prendre en considération les garderies situées en milieu
semi-urbain, rural ou en milieu défavorisé, qui affichent des
tarifs moins élevés, les garderies également de plus
petites tailles et celles qui éprouvent certaines difficultés de
fréquentation. Elle permettra également de régulariser la
situation des garderies ayant des places occupées mais non
subventionnées par manque de disponibilité financière.
Donc, grâce à cette nouvelle formule de financement que
tout le monde ne peut pas nécessairement aimer, que tout le monde ne
peut pas nécessairement féliciter, mais que tout le monde devrait
avoir la décence d'admettre qu'elle est meilleure, qu'elle est
supérieure à celle qui prévaut actuellement.
Grâce à cette nouvelle formule de financement, 7 % des
garderies bénéficieront d'une majoration de 5000 $, 6 % recevront
de 5000 $ à 10 000 $, alors que 87 % des garderies verront leur
subvention augmenter de 10 000 $ à 30 000 $ et même plus dans
certains cas. Ainsi, la très grande majorité des garderies
recevront une aide financière supérieure à celle
prévue dans l'énoncé de politique. Ce qui répond
également aux demandes des différents regroupements de garderies
au Québec. Les garderies seront assurées de recevoir en 1989-1990
une subvention de fonctionnement supérieure d'au moins 5000 $ à
celle reçue en 1988-1989.
M. le Président, en terminant, je voudrais également
parler quelques secondes des garderies en milieu familial. Vous savez qu'un
certain nombre d'agences au Québec envoient aux parents qui en
manifestent le désir des personnes qui font de la garde en milieu
familial. Il m'apparalt sain qu'il en soit ainsi parce que voilà
là une option supplémentaire offerte aux parents du
Québec. Voilà une forme supplémentaire, une option
supplémentaire que les parents peuvent utiliser pour faire garder leurs
enfants. Je crois que plus le choix est grand, plus les besoins des parents
sont assurés d'être rencontrés. Encore une fois, pour
répondre aux demandes adressées par les représentants des
agences de garde en milieu familial lors de la commission parlementaire, le
gouvernement accordera une subvention de 750 $ par agence pour la formation et
le perfectionnement.
Les indexations. Tel que promis, le gouvernement indexera la
majorité des subventions selon l'indice des prix à la
consommation. Il indexera également le montant de base de 30 000 $
accordé aux garderies sans but lucratif. Malgré un manque
à gagner de 48 000 000 $, causé par le désistement
imprévisible et inacceptable du gouvernement fédéral, le
gouvernement du Québec a consenti une augmentation de l'ordre de 27 %
qui porte le budget de l'Office des services de garde à l'enfance
à 132 400 000 $ pour l'année en cours. Dans le contexte où
l'accroissement des dépenses gouvernementales ne dépasse
guère 5 %, une augmentation de 27 % témoigne de l'importance que
le gouvernement accorde à ce dossier.
Par conséquent, M. le Président, après vous avoir
fait part de ces quelques chiffres, on peut comprendre que le Parti
québécois ne nous félicite pas. On peut comprendre qu'un
certain nombre d'intervenants du milieu des garderies ne nous envoient pas de
félicitations, mais on peut difficilement comprendre que le Parti
québécois n'ait pas la décence d'admettre que voilà
un pas important dans l'amélioration des services de garde au
Québec. Voilà un énoncé de politique qui se traduit
dans une loi qui améliorera les services de garde au Québec, qui
fera, à tout le moins, beaucoup plus qu'il a été capable
de faire durant toutes ses années au pouvoir. Par conséquent,
bien que ce ne soit pas un projet de loi parfait, bien que ce ne soit pas un
énoncé de politique parfait, on peut dire que le gouvernement du
Québec a fait l'impossible, dans le contexte actuel, pour
améliorer les services de
garde au Québec, pour que les parents aient à leur
disposition ce qu'il y a de mieux pour assurer la garde de leurs enfants. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Nous poursuivons le débat avec
l'intervention de M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre JolK/et
M. JcJivet: Merci, M. le Président. Depuis quatre ans,
j'ai toujours eu cette chance, je ne sais pas pourquoi, d'intervenir
après l'ineffable député de Taschereau. Je l'écoute
avec beaucoup de plaisir et je dois vous dire que, chaque fois, je suis
surpris. Le député de Taschereau commence par dire que le
gouvernement devrait faire des choses et, de temps en temps, on voit dans le
journal un article disant que le député de Taschereau a fait
telle et telle proposition qui devrait, semble-t-il, améliorer la vie
des Québécois et des Québécoises.
Je l'écoutais, au début de son intervention, parler des
services de garde. Il a dit que le Québec se devait d'avoir une
politique familiale intéressante à tel point qu'on devrait
même en arriver à donner aux femmes du Québec sur le
marché du travail des conditions de travail différentes, compte
tenu des circonstances dans lesquelles elles sont placées puisque, le
jour où elles décident d'avoir des enfants, il faut leur
permettre d'occuper un emploi qui ne soit pas considéré comme
précaire. Or, le député de Taschereau disait que nous nous
retrouvons dans un contexte où le gouvernement devra changer les lois
pour permettre à ces femmes de retourner sur le marché du travail
dans les conditions qui prévalaient au moment où elles ont
quitté leur emploi pour donner à la société une
progéniture qui lui donne la capacité, comme peuple, de se donner
la chance d'avoir de plus en plus d'enfants. (18 h 50)
Là, le député de Taschereau passera pour une
personne qui a fait une recommandation qui semble révolutionnaire. Le
député de Taschereau aura beau dire ces choses, si, en fin de
compte, on se retrouve avec un gouvernement, avec un ministre qui ne
désire en aucune façon changer les mesures de travail au
Québec, bien c'aura été une proposition parmi tant
d'autres mais le gouvernement aura décidé autre chose.
Je l'entendais parler de la politique familiale et je me
remémorais, comme critique de l'Opposition, toute la discussion que
j'avais eue avec le ministre responsable de l'époque qui est aujourd'hui
à un autre poste, le député de Beauce-Sud, responsable
d'une politique familiale au Québec qui, en réalité, n'en
est pas une, une politique familiale qui, devant nous, fait actuellement
l'objet de critiques de toutes parts même s'il a créé le
conseil consultatif qui s'occupe de la famille.
M. le Président, j'en arrive au sujet de notre discussion, la Loi
sur les services de garde. J'ai fait ce préambule, comme le
député de Taschereau l'a fait, en vous disant qu'on ne vit
peut-être pas sur la même planète, lui et moi. J'ai
l'occasion de parler avec les représentants des garderies de mon
comté, que ce soient des garderies sans but lucratif, que ce soient des
garderies à but lucratif ou que ce soient des agences en milieu
familial. Tout le monde dit que la politique présentée par la
ministre responsable des services de garde ne répond en aucune
façon à la demande faite par l'ensemble des intervenants dans le
milieu.
Or, peut-être que certains organismes sont plus contents que
d'autres, peut-être que certains sont plus déçus que
d'autres, mais une chose est sûre, c'est que personne n'est satisfait, ni
du projet de loi devant nous ni de la politique qu'on appelle
l'énoncé de politique de la ministre responsable des services de
garde. Je ne dirai pas que tout le monde est en désaccord. Je serais
malhonnête de le dire comme tel. Je ne dirai pas non plus qu'ils sont en
désaccord avec tout. Ce n'est d'ailleurs en aucune façon ce que
nous avons voulu dire. Comme ma collègue de Chicoutimi l'a dit tout
à l'heure, ce que nous disons, c'est que la politique telle que
présentée, dans ses principes importants, que ce soient des
principes ésotériques ou que ce soient des principes financiers,
ne répond pas, en particulier sur le plan financier, à l'ensemble
de la demande.
Le député de Taschereau aura beau dire que le Parti
québécois, alors qu'il était au gouvernement, a fait moins
qu'eux, il ne faudrait pas charrier, comme on dit dans le langage. Quand je
suis arrivé en 1976, il n'y avait aucune garderie dans le comté
de Laviolette. Depuis que le Parti libéral est là, il n'y en a
pas plus qu'avant mais, entre les deux, il y en a eu. Il y a d'abord eu
l'organisme qui s'est créé et qui a permis l'arrivée
à Grand-Mère du Manège des tout-petits, la garderie Clef
des champs à La Tuque, la garderie à Saint-Georges-de-Champlain,
la garderie qu'on appelle La P'tite Marmaille, la garderie à Saint-Tite,
la seule qui, à l'époque, a fait l'objet d'une
considération importante et qui, lorsqu'on a implanté le CLSC de
Normandie, le CLSC de Mékinac qu'on appelle dans la MRC de
Mékinac à Saint-Tite, le seul CLSC qui, à l'époque,
a permis d'intégrer dans la construction de sa bâtisse une
garderie. Nous avons eu ensuite une agence en milieu familial qui s'est
créée et qui a donné naissance à une garderie
située actuellement dans le comté voisin mais qui donne des
services dans mon comté et qui provient des gens de ma région, de
ma ville qui ont donné ce service à l'ensemble de la population
de la région qu'on appelle le centre de la Mauricie.
Nous avons eu aussi des garderies privées à but lucratif
qui se sont installées. Mais, depuis l'arrivée du gouvernement
libéral, dans mon comté ou dans ma région, il n'y a pas eu
d'expansion, il n'y a pas eu de lits additionnés;
je devrais dire il n'y a pas eu des places additionnées, de telle
sorte qu'on se retrouve aujourd'hui avec moins, en pourcentage, que ce qu'il y
a eu à l'époque où nous étions au gouvernement. Je
donne des chiffres pour l'expliquer: développement des places en
services de garde, au 31 mars 1976 H y avait 9596 places, en 1977, nous avons
augmenté de 1434 places nouvelles, soit une croissance de 14,9 %; en
1978, nous avons augmenté de 2241 places, soit 20,3 %. Là,
j'additionnerais en allant dans les meilleures années, en 1981 lorsque
nous avons eu une augmentation de 6903 places pour une augmentation de 39,5 %.
Il est évident que le député pourra prendre, quel qu'il
soit du côté ministériel, l'année 1983 en disant.
Oh! cette année-là cela a été bas, 7,8 %, 2404
places. Il faut comprendre que nous étions en temps de crise
économique et que les risques pris par des gens étaient
moindres.
Mais quand nous nous retrouvons à l'arrivée du Parti
libéral au pouvoir, voilà qu'en 1986, qui était sur la
lancée de 1985, qui était déjà amorcée par
les budgets 1985-1986, voilà qu'on a 21,2 % d'augmentation, soit 8925
places. Mais là, depuis ce temps, une diminution importante, M. le
Président. En 1987, 15,8 %. En 1988, 9,6 %. En 1989, prévisions
de 10,4 %. Les prévisions pour 1990, 8,7 %. Donc, quand on regarde le
nombre de places qui ont été développées entre 1976
et 1981, on s'aperçoit que le taux de développement des places se
situe en moyenne à 20,9 %. De 1982 à 1986, il y a, en termes de
rythme, un rythme de 16 %. Ce qui fait, entre 1976 et 1981, un rythme moyen de
18,5 %. Durant le temps où le Parti québécois était
là, nous étions en train de mettre en place ce qui n'avait pas
été fait dans le passé.
Je n'accuserai pas le Parti libérai des années 1970
à 1976 de ne pas lavoir fait. C'est un phénomène nouveau.
Comme c'est un phénomène nouveau dans les années
soixante-dix, comme on ne développe pas des prématernelles au
rythme où on devrait le faire, il faut donc arriver à avoir un
système qui permette ce développement. Donc, je ne baserai pas
mes chiffres des années 1976 à 1986 en dénigrant le Parti
libéral des années 1970 à 1976. Je dirai qu'il a fait le
début, une amorce de politique de garderies parce que c'était en
demande comme une demande nouvelle à l'époque. Alors pourquoi le
député de Taschereau vient-il faire une comparaison qui ne tient
pas lorsqu'on regarde l'augmentation qu'ils ont eue, eux autres, pendant les
quatre dernières années?
De 1986 à 1989, le taux de croissance diminue à 11,9 %.
Dans le temps où le Parti québécois était
là, pendant les années où on a donné une ampleur,
une envergure nouvelle à ce phénomène de garderies quelles
qu'elles soient, publiques, sans but lucratif, privées, à but
lucratif, agences de garde en milieu familial, nous avons donné
l'élan qui a été arrêté à
l'arrivée du Parti libéral. Ce sont des chiffres qui ne mentent
pas, M. le Président. Mais là, je peux faire une comparaison
entre ce que le Parti québécois a fait et ce que le Parti
libéral décide de faire. Quand Je regarde ce qui est prévu
dans les années 1989-1990 à venir, ça chute par rapport
à ce qui était prévu à l'énoncé, le
taux de développement sera de 8,7 %. Alors, qu'on ne vienne pas charrier
en disant que le Parti québécois n'a rien fait. Il a fait deux
fois plus que le Parti libéral alors que nous étions même
dans la deuxième partie de notre mandat, dans une crise
économique, sur un versant négatif. Nous sommes actuellement sur
un versant positif. C'est le ministre des Finances qui nous le
répète depuis trois ans. On sait que depuis quatre à cinq
ans, il y a une augmentation de l'activité économique au
Québec et malgré tout ça on a une réduction. Ah,
là par exemple, pour l'avenir, on a une excuse toute trouvée.
Quelle est l'excuse? C'est de dire: Écoutez, nous avons fart un
énoncé. (19 heures)
Ma collègue, qui est en arrière de moi ici, la
députée de Maisonneuve, responsable du dossier a souventefois,
avant le budget fédéral, demandé à la ministre
responsable: Écoutez, nous, nos indications montrent que le
fédéral a présenté une politique, sauf qu'il ne
tiendra pas ses promesses. On vous demande ceci: Vous, comme ministre
responsable, est-ce que vous nous garantissez que, vu le plan que vous avez
fait à partir de l'argent du fédéral, comme l'argent ne
viendra pas, vous allez maintenir le cap sur ce que vous avez dit en tant que
gouvernement? Elle nous disait: Écoutez, dans notre budget, tout est
prévu en ce sens, inquiétez-vous pas, nous rassurons tout le
monde. Mais, ô misère! nous nous retrouvons exactement dans le
sillon que ma collègue a déclaré.
Nous sommes dans le sillon décidé par le
fédéral, puisque le député de Taschereau et le
député de Fabre sont venus nous dire: Écoutez, ce n'est
pas notre faute, on voulait pourtant, mais le gouvernement
fédéral est venu nous couper les vivres, et on est obligé
de jouer et de travailler à l'intérieur de cette mesure qui n'est
plus la même. Belle excuse pour ne rien faire, pour laisser aller les
choses. Et après ça, on dira qu'il y a des gens qui sont un peu
choqués du montant d'argent qu'on leur donne, que des gens ne seront pas
satisfaits. Mais vous savez, dans le fond, disait le député de
Taschereau, ils sont un peu d'accord, mais ils sont en désaccord sur une
partie, parce qu'ils n'ont peut-être pas tout à fait compris ce
qu'était la politique présentée par le ministre.
J'ai eu l'occasion de discuter avec celles qui s'appellent la garderie
Le Manège des tout-petits, à Grand-Mère. Et je sais qu'eux
autres m'ont dit: M. le député, on a un problème. L'an
passé, à la demande des responsables de la sécurité
des édifices publics, donc du ministère du Travail, nous avons
décidé de faire les réparations qui s'imposaient pour
rendre de plus en plus sécuri-
taire le Heu où nous gardons les enfants. Avec l'aide d'un projet
fédéral, avec l'aide de jeunes volontaires, nous avons fait des
aménagements extérieurs. Je suis même allé inaugurer
les travaux et voir comment les jeunes travaillaient. Il y avait aussi des
jeunes d'un projet de l'extérieur, de France et d'ailleurs, qui sont
venus travailler à la garderie Le Manège des tout-petits pour les
aider à passer à travers à des coûts moindres. Eux
autres nous disent: M. le député, nous avons été
obligés, pour aller chercher de l'argent, de faire des bingos quasiment,
de faire des ventes de chocolat, de faire toutes sortes d'activités nous
permettant d'aller chercher le plus d'argent dans le public pour nous permettre
de vivre. Et là, qu'est-ce qu'on vient de leur dire? On vient leur dire
ceci: Désormais, que vous ayez 30 ou 60 places, tout le monde aura 30
000 $ au départ et, après ça, selon votre performance et
l'argent que vous irez chercher ailleurs, on va vous donner de l'argent en
conséquence, en pourcentage de ce que vous allez chercher. Mais, M. le
Président, dans une garderie qui se trouve dans un milieu très
riche - je n'en nommerai pas - il est évident que cela va être
facile. Pas de problème. On demandera aux parents de monter de 10 $, de
3 $, de 4 $, de 5 $ leur cotisation journalière. Pas de problème.
Mais dans des milieux défavorisés, comment va-t-on demander aux
parents d'aller chercher davantage dans leurs poches l'argent qu'on ne leur
remboursera que lorsqu'ils feront leur rapport d'impôt, alors que, dans
certaines circonstances, des gens n'ont même pas l'argent, ne
reçoivent pas suffisamment d'argent pour faire des rapports
d'impôt? On va les obliger à faire un rapport d'impôt,
à payer H & R Block ou d'autres pour faire un rapport d'impôt
simplement pour aller chercher une compensation qu'ils recevront un an
après avoir payé. Et on va penser que ces gens vont envoyer leurs
enfants dans une garderie sans but lucratif ou à but lucratif? Voyons
donc, M. le Président! Cela, c'est ce que j'appelle charrier un peu.
Je connais les gens de mon milieu. Je sais qu'à La Tuque,
à Saint-Tite, à Saint-Georges de Champlain ou à
Grand-Mère, il y a des gens qui sont capables de payer. Cela, je le
sais. Je sais aussi qu'il y a des gens qui ne sont pas capables de payer. Et ce
sont eux qui vont subir les conséquences de cette décision. Ce
sont eux qui vont devoir, avec les parents du conseil d'administration, aller
chercher du financement en faisant des ventes de chocolat. Vous savez ce que
c'est. J'ai eu six enfants à la maison. Je savais, quand ils arrivaient
de l'école avec une boite de chocolat, ils étaient trois à
la même école... J'achetais les trois boîtes de chocolat, ou
encore je leur disais: Vous allez faire le tour du voisinage. Mais comme tout
le monde faisait le tour du voisinage, on récupérait, si ce
n'était pas les tablettes de chocolat de mes enfants, c'était
celles des voisins. Finalement on avait toujours trois boites de chocolat, peu
importe d'où elles venaient. On aidait les jeunes à le faire.
Mais ça n'a pas de bon sens, M. le Président, de demander
à des garderies sans but lucratif de passer leur temps à faire
des quêtes!
C'est ça que je dénonce, M. le Président. C'est ce
que je dis, mais la ministre ne comprend pas. Dans sa tour d'ivoire,
entourée de ses fonctionnaires ou de membres de son cabinet politique -
surtout de ceux-là devrais-je dire, M. le Président - elle se
donne à partir de la directive donnée par le Conseil du
trésor, des mandats pour aller, de plus en plus, quémander
auprès des gens. Elle leur dit: Écoutez, si vous voulez des
services, payez-les. Le député de Taschereau disait que Mme la
députée de Chicou-timi parlait de privatisation. Oui, on parle de
privatisation. Oui, on parle des gens qui, de plus en plus, vont pouvoir se
payer des services à la condition d'être riches et, de moins en
moins, s'ils sont pauvres, s'ils sont plus démunis. C'est en ce sens, M.
le Président, que nous disons que nous croyons que le projet de loi
présenté ne satisfait pas, non seulement les dirigeants des
garderies, mais les parents qui doivent, dans certaines circonstances, selon
leurs besoins, demander de l'aide aux garderies, qu'elles soient à but
lucratif, à but non lucratif ou des agences en milieu familial.
M. le Président, nous voilà donc devant plusieurs
modifications présentées par le projet de loi 150 qui
répondent adéquatement, je l'ai dit, aux demandes de certains
groupes et, il faut le dire, en particulier à celles des services de
garde en milieu familial. Il n'en demeure pas moins, M. le Président,
que l'Opposition officie/le ne peut être en faveur d'un tel projet. Deux
points majeurs nous obligent, et je termine avec ça, parce que vous me
faites signe qu'il ne me reste plus de temps, à nous inscrire contre ce
projet de loi. Premièrement, pour la première fois en dix ans, le
gouvernement du Québec ouvre toute grande la porte au financement des
garderies à but lucratif et, deuxièmement, par ce projet de loi,
la ministre déléguée à la Condition féminine
abdique sa responsabilité au profit du Conseil du trésor qui aura
désormais à approuver le plan de développement
établi annuellement par l'Office des services de garde à
l'enfance. Dans ce sens, M. le Président, il est évident que,
comme membre de l'Opposition, je me ferai un devoir, au nom des garderies
à but non lucratif de mon comté et de toutes les autres qui
voudront s'ajouter à cette panoplie de gens et d'organismes qui sont
contre, de tout faire pour dire à la ministre qu'elle a tort, qu'elle
devrait, en conséquence, changer son fusil d'épaule et aller
plutôt vers des moyens qui permettent à ces garderies de se donner
de meilleurs moyens de financement par l'intermédiaire du public que des
quêtes ou des ventes de chocolat, M. le Président. Je vous
remercie.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député d'Abitibi-Ouest, et leader
de l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, ce n'est pas parce que je ne
pourrais pas commencer en disant: J'ai la chance de parler après
l'ineffable député de Taschereau que je vais laisser passer mon
droit de parole. Sérieusement, Indépendamment du contexte dans
lequel on étudie ce projet de loi, il n'en demeure pas moins que, pour
nous, le projet de loi 150, qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur les
services de garde à l'enfance, est un projet de loi majeur, important,
significatif par ce qu'il touche. Nous vivons dans une société
où de plus en plus se manifestent des phénomènes comme le
monoparentalisme, l'éclatement des familles, l'apparition de la
vidéocassette qui a modifié nos traditions, nos habitudes
sociales. (19 h 10)
Nous sommes dans une société où, de plus en plus,
un État responsable, un État fier, un État normal, doit
assumer la responsabilité qui est sienne, celle d'offrir, au plus grand
nombre possible de citoyennes et citoyens ou Québec, des services de
garde. Sans commence: à entrer, pour le moment, dans les nuances, est-ce
que ces services de garde sont des garderies sans but lucratif, à but
lucratif, ou ainsi de suite? L'important, c'est que la ministre avait fait
connaître, ce qu'on appelle, un énoncé de politique. Dans
son énoncé de politique, elle a laissé voir qu'elle
était en mesure, une fois pour toutes, de combler des attentes
raisonnables, normales, des attentes pour lesquelles, depuis des années,
autant les travailleurs et les travailleuses en garderies que les parents
souhaitaient, effectivement, que l'État québécois assume
une responsabilité plus grande dans ce secteur. Avec le projet de loi
150 - c'est sûr que mes collègues ont eu l'occasion d'en parier et
qu'on aura probablement l'occasion d'y revenir un peu lundi - if y a plusieurs
éléments de ce qui est énoncé, de ce qui a
été annoncé également qui s'effondrent.
Personnellement, je n'ai jamais changé de conviction ou de point
de vue en treize ans de vie politique. Règle générale,
dans un projet de loi, il faut être en mesure d'y retrouver les
justifications pour lesquelles le projet de loi est requis. Il faut y trouver
les justifications sur lesquelles la ministre s'est appuyée pour
prétendre à la nécessité d'adopter un projet de loi
surtout quand on a eu la malencontreuse idée de prendre des engagements
beaucoup plus qu'on est capables d'en livrer.
À un moment donné, c'est notre responsabilité, nous
de l'Opposition, de signaler au public québécois qu'assez c'est
assez. Avec ce gouvernement, ce n'est pas la première fols qu'on se rend
compte que le pont est toujours très grand entre le niveau
d'espérance qu'on a créé par rapport à la
réalité objective. Juste une anecdote, M. le Président,
qui n'a rien à voir avec ça: il n'y a pas plus tard qu'à
peu près une heure, j'étais au téléphone avec un
membre du cabinet politique de ce gouvernement, du ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, un monsieur très gentil, je n'ai rien
contre le monsieur, y fait sa job extraordinairement bien. Il est très
agréable au téléphone. Il me pariait du programme PADEL II
me demandait de faire une "priorisation". Ça va être très
court. C'est juste pour vous dire qu'entre ce qu'il m'a dit et les "accroires"
qu'on a faits dans le milieu, parce qu'on a dit que cette année, on
avait augmenté les crédits dans le programme PADEL.. Le ministre
des Finances s'est gonflé les bretelles lors du discours sur le budget
pour dire que les crédits dans le programme PADEL avaient
augmenté.
Êtes-vous au courant que les demandes de mon comté, cette
année, c'est le budget PADEL de l'an passé pour tout le
Québec? Qu'est-ce que ça illustre? Très simplement, qu'on
est beaucoup plus capables, dans ce gouvernement, de faire de l'imagerie
populaire, de faire accroire qu'on est sensibles et préoccupés
des besoins des Québécoises et Québécois, mais la
réalité est tout autre. N'oubliez pas que ce sont des
"balanceurs" de colonnes. N'oubliez pas que ce sont des comptables ou des gens
qui se prennent pour des comptables avec toutes sortes de combines pour changer
les chiffres et les colonnes, mais is jouent dans les colonnes. D'après
eux, i y a une préoccupation, une seule, il faut que ça balance
parce qu'ils sont les maîtres à penser du domaine des finances
publiques.
Dubuc a dit l'inverse. Dubuc a dit à plusieurs reprises qu'ils
n'avaient rien fait de plus que ce que nous avions fait, sauf que dans la
parallèle, ils ont baissé globalement mais dans le même
ordre de grandeur. Cela a été répété, dit
à satiété. Si je reviens au projet de loi 150 sur les
services de garde, il faut être conscient que ça fait dix ans,
avec l'adoption en 1979 de la Loi sur les services de garde à l'enfance
par le gouvernement du Parti québécois, que le Parti
libéral dit: Bien nous, on va modifier ça. Je n'ai rien contre
ça. Après dix ans, H est légitime d'adapter une loi parce
que même si le sujet des besoins est le même, la portée,
l'amplitude des sommes requises pour couvrir les besoins n'est pas
nécessairement la même. Plusieurs modifications proposées
dans le projet de loi 150 répondent adéquatement aux demandes de
plusieurs groupes dont, en particulier, les services de garde en milieu
familial mais dans un projet de loi global, dans un énoncé de
politique, ce n'est pas parce qu'on peut trouver un, deux ou trois points de
satisfaction qu'il ne faut pas avoir ce que j'appelle une analyse plus large et
dire: Est-ce que globalement, le projet de loi, dans sa quintessence, demeure
un projet de loi souhaitable par rapport aux attentes, par rapport à ce
qui avait été dit? Pour nous, la réponse, c'est clair,
c'est non. On l'a dit, on va le répéter et on a des raisons sur
lesquelles on s'appuie.
Dans certains cas, on a trompé les attentes. Dans d'autres cas,
on a complètement erré par rapport à des principes
fondamentaux. Quand mon collègue finissait son intervention en disant
qu'il serait contre pour deux raisons principales, c'est que ce sont deux
raisons qui nous permettent sur les principes de prétendre que ces deux
raisons sont suffisantes pour ne pas être en accord avec le principe de
ce projet de loi.
Je rappelle la première raison. Pour la première fois en
dix ans, le gouvernement du Québec décide d'ouvrir toute grande
la porte au financement des garderies à but lucratif. Je ne parle pas
immédiatement après le collègue de Taschereau, mais je
l'ai entendu qui disait: Qu'est-ce que vous avez - c'est tellement facile de
faire des phrases - qu'est-ce que vous avez contre les garderies à but
lucratif? Je vais vous le dire, on a des raisons. On n'a rien contre les
garderies, on n'a absolument rien contre les garderies à but lucratif.
Sauf qu'à un moment donné, il y a des priorités dans une
société et les organismes-conseils de la ministre
déléguée à la Condition féminine, et je vais
le citer tantôt, lui ont dit: Mme la ministre, on n'est pas d'accord, ce
n'est pas là que doivent être placées les priorités.
Malgré que le comité consultatif mis sur pied par
elle-même, la même ministre qui nous propose sa bebelle, recommande
de ne plus octroyer de permis, il dit: N'octroyez plus de permis à des
garderies à but lucratif. Même si son organisme-conseil lui dit
ça, ils ont la vérité révélée ces
gens-là, le Parti libéral consent à financer.
On regarde à côté pour les garderies sans but
lucratif. Est-ce qu'il n'y a pas de demande? Est-ce qu'il n'y a pas de besoin?
Est-ce qu'il n'y a pas une liste d'attente? Si je pouvais dire non aux trois
questions que je viens de poser, je dirais à la ministre: Bravo! vous
avez raison. Pour des demandes de garderies sans but lucratif, il n'y a pas de
projet, il n'y a pas de demande, il n'y a pas de dossier, il n'y a pas de
besoin. En conséquence, vous voulez faire oeuvre utile dans la
société québécoise en finançant les
garderies et votre choix, vous l'avez fait pour les garderies à but
lucratif. Je ne dirais pas nécessairement bravo, mais je dirais que cela
se défend. Il y a un peu de légitimité dans une telle
situation.
Mais ce n'est pas le cas du tout. Je ne sais pas si vous êtes au
courant, M. le Président, 411 projets présentés par des
corporations sans but lucratif formées majoritairement par des parents
qui étaient sur une liste d'attente de l'Office des services de garde
depuis très longtemps. Le gouvernement dit oui aux garderies à
but lucratif mais les garderies sans but lucratif, cela ne presse pas. Elles
demeureront sur la liste d'attente. Pas de problème, on n'a pas de fric
pour vous autres. Pourtant, tant que le gouvernement ne consentira pas à
injecter suffisamment d'argent pour le développement des services de
garde, les garderies à but lucratif seront tou- jours favorisées
par rapport aux garderies sans but lucratif. On pourrait vérifier
ça.
J'ai indiqué tantôt que pour un projet de loi j'avais
à peu près toujours la même attitude: je regarde si les
gens qui sont touchés par ça sont contents, sont heureux, sont
satisfaits et s'ils souhaitent cette loi-là. Ce n'est pas le cas.
Regardez toutes les coupures de journaux: Les débrayages dans les
garderies se multiplient cette semaine. Est-ce qu'elles débraient pour
manifester leur satisfaction sur le projet de loi 150? Voyons, il faut
être plus sérieux que ça. Aucune garderie ne ferait un
débrayage pour exprimer sa satisfaction à la ministre
déléguée à la Condition féminine pour sa
politique des services de garde. Cela n'a pas de sens. Grèves tournantes
dans les garderies, nouveaux moyens de pression dans les garderies. Les
garderies ajoutent la pression politique à leur démarche.
On peut en trouver partout, M. le Président. Pour quelles raisons
les garderies ne sont-elles pas satisfaites? Regardons ça un peu,
regardons ça avec un point de vue de fond. M. Raymond Giroux, dans Le
Soleil, émettait un editorial et il disait ceci... Parce que, encore
là, j'entendais le député de Taschereau qui disait:
Écoutez, ce n'est pas parce qu'il y a quelques intervenants qui sont en
désaccord, ce n'est pas parce qu'on n'a pas reçu de
télégramme de félicitations des garderies, il faut
s'attendre à ça. Globalement, c'est très bon, c'est une
bonne affaire. C'est extraordinaire ce qu'on fait. C'est extraordinaire les
modifications qu'elle apporte à sa politique qui viennent réduire
ce qu'elle avait annoncé. Pourtant, Raymond Giroux dans son editorial
disait ceci: Face à une pléiade - pour ceux qui connaissent le
terme, en français, ce n'est pas juste l'Opposition officielle - une
pléiade d'intervenants, il ne dit pas opposés, il dit: fermement
opposés à son projet de réforme du mode de financement des
services de garde, et il ajoute: La ministre est d'accord là-dessus que
tout le monde est en désaccord. Mais, on vous l'a dit tantôt, ils
ont raison ces gens-là. Ils surnagent, ils ont le monopole du savoir,
ils ont raison. (19 h 20)
Elle ajoute: Oui, mais écoutez, j'ai présenté un
compromis. Compromis qu'elle savait rejeté d'avance avant même de
le présenter. Elle remplace la contribution fixe par enfant par un
forfaitaire de 30 000 $ assorti d'une subvention équivalant à 30
% des revenus de garde. Ce pourcentage a été décrié
par tous. "Fonctionnant en partie au pourcentage, les garderies
résisteront mal - écoutez bien ça - à la tentation
d'augmenter leur tarif." Et c'est normal. Le principe de la subvention
ascenseur, ah là, on les reconnaît, on reconnaît ces
gens-là, des excellents théoriciens, de bons hommes et femmes de
théâtre, des emballeurs professionnels.
Je me rappelle la taxe sur l'essence. Le premier geste de ce
gouvernement, c'était fini, N n'y a plus de taxe sur l'essence. Je
comprends.
Ils ont profité qu'elle soit au plus haut niveau - on appelait
ça la taxe ascenseur - et Us ont juste coupé l'ascenseur,
laissant la taxe au plus haut niveau. Exactement ce qui va arriver avec les
subventions aux garderies. Le principe, l'instauration du principe de la
subvention ascenseur, selon les données les plus
élémentaires de la science économique - donc, ce n'est
même pas moi qui parle encore là - pour des comptables, le mot
"économie", pour un premier ministre qui ne fait que se targuer de la
notion d'économie sans jamais poser un geste économique
significatif... Envoyez n'importe quelle lettre au Parti libéral ou au
premier ministre du Québec, qui dit: Envoyez-moi donc une copie de votre
politique économique, vous allez voir que ce que vous allez recevoir est
mince. Cela va être un discours, un beau discours. Nous, on fait
confiance à l'entreprise privée. Mais ces gens n'ont aucune
politique économique élaborée, structurante,
définie. Ici, on arrive avec le principe de la taxe ascenseur.
Giroux continuait: "Le principe de la subvention ascenseur, selon les
données les plus élémentaires de la science
économique poussera les prix à la hausse." Pousser les prix
à la hausse, si, actuellement, on était convaincus que les
travailleurs et les travailleuses des garderies avaient un salaire tellement
bas, et c'est le cas, que ça permettrait de corriger ces lacunes, on
pourrait à la limite dire: Cela a un sens. Oui, ça va pousser les
augmentations. Oui, ça va coûter plus cher, mais, au moins,
ça va permettre aux travailleurs et aux travailleuses des garderies
d'avoir un salaire raisonnable, de ne pas travailler uniquement pour une
pitance à peu près autour du salaire minimum. Mais ce n'est
même pas ça, la réalité. Ils vont continuer à
devoir travailler pour presque rien. Écoutez bien la demande: Les
parents veulent et doivent contribuer aux frais de garde. J'ai bien dit
ça: Les parents veulent et doivent contribuer aux frais de garde. Donc,
quand la ministre subventionne à outrance les garderies à but
lucratif, il y a un problème, parce que, là, elle se substitue
à une volonté populaire des concernés qui sont d'accord
à contribuer de leurs deniers pour ces coûts-là. Pourquoi
veulent-ils faire ça? C'est parce qu'ils veulent garder les parents qui
veulent contribuer aux frais de garde, Us veulent garder le service hors des
griffes de l'État. Et je comprends ça. Ils ont raison. Il y a du
monde...
Encore là, juste une anecdote. Qu'est-ce qu'on lit dans le projet
de loi sur le partage des conjoints? Je ne veux pas embarquer sur le fond. On
vient d'adopter le principe, de part et d'autre. On lit que c'est encore une
intrusion et, cette fois-là, massive de l'État dans un champ de
juridiction qui, sur le plan de l'économie populaire, avait toujours
été entre les mains des concernés. Donc, on entre "fou
raide", N n'y a pas d'autres mots, dans une tradition depuis plusieurs
années, mais ce n'est pas grave, ces gens ont la vérité
révélée. Là, on revient là- dedans. Ils
disent: Écoutez les parents veulent payer pour que les garderies
à but lucratif restent à l'intérieur de leurs mains et que
l'État ne mette pas la mainmise aussi sur les garderies à but
lucratif. Mais la ministre ne s'occupe pas de ça. Pour la politique de
service de garde, on a la vérité. Tout le monde est en maudit,
mais ce n'est pas grave. C'est ça que Raymond Giroux nous dit: 'Les
parents veulent et doivent contribuer aux frais de garde, question de garder
les services hors des griffes de l'État. Mais les classes
moyennes..."
Là, on est loin de Parti libéral, J'en conviens. On est
très loin de ce gros club privé d'Intérêts
privés. Mais il y a du monde autre que ça dans le Québec.
Qu'est-ce que les classes moyennes disent? "Mais les classes moyennes,
inéligibles à l'aide financière pour les garderies
à but lucratif, feront encore une fois les frais de la manoeuvre." Ce
n'est pas mol qui parle. Vous lirez l'article. Il parle de la manoeuvre. Je
cite ici un editorial. Alors, il parle de la manoeuvre, parce que... Bien oui,
il y a une manoeuvre, parce qu'il y a un déplacement d'argent, il y a un
déplacement de frais. La ministre maintient l'aide au
développement des garderies à but lucratif, alors que le
comité, vous l'avez dit tantôt, le lui déconseillait.
Écoutez bien sa conclusion: "Le Québec avait
énoncé un plan grandiose de 60 830 nouvelles places de garde en
cinq ans, dont 8671 pour l'année en cours. Malheureusement, on sera
obligé d'en couper 2600. 2600 places en garderie de moins. Le dossier
des services de garde demeurera soumis aux humeurs des chasseurs de prime.
Cette remise en question annuelle d'une priorité sociale inquiète
au plus haut point. L'impossibilité de prévoir à moyen
terme interdit de parier dans ce cas d'un pas majeur. Le rêve - c'est
toujours Giroux qui parle - deviendra cauchemar à la moindre
intention."
C'était important, M. le Président, de vous signaler au
moins ces quelques considérations, surtout quand l'Opposition
prétend que le projet de loi 150, on a toutes les raisons de le croire,
est un projet de loi mal foutu, inapproprié, qui ne correspond pas du
tout à la réalité fondamentale de ceux qui sont dans le
plus grand besoin. C'est à eux que les sommes d'argent devraient
être destinées, en particulier, si ils ont eu à subir une
coupure après le gonflement. C'est facile d'être
généreux avec l'argent des autres, la ministre a
réalisé ce tour de force: Nous allons avoir un plan: Nous
mettions tant d'argent. Quelques jours après: Garderies, le
Québec coupe 11 000 000 $ des sommes promises. Il y a un bout, à
un moment donné, de passer son temps à prendre des engagements
majeurs sur des questions fondamentales, qui se traduisent toujours de la
même façon: on n'est pas en mesure de donner suite aux engagements
promis. C'est ça que mes collègues ont voulu dire, et c'est
également ça que je voulais ajouter.
En terminant, je profite de l'occasion pour
rappeler que, dans le projet de loi 150, on a là une série
de coupures majeures par rapport à l'énoncé. Parler des
deux côtés de la bouche, je n'ai jamais été pour
ça. Ma responsabilité est de rappeler que ce n'est pas moi qui ai
le problème physique, c'est quelqu'un d'autre.
En conclusion, dans ce sens, les coupures par rapport à
l'énoncé: 2600 places de moins. C'est une échelle
salariale de l'exonération financière qui devait être
corrigée, mais elle ne le sera pas, parce que ça ne leur fait
rien, à ces gens, de ne pas donner suite à des engagements.
L'énoncé prévoyait une subvention d'implantation de 75 %.
Ah! Petit problème, ça ne sera plus ça. Cela va être
de 50 %. La formule de financement à 45 % des revenus de garde est
remplacée par une nouvelle formule dont personne ne veut: 30 000 $, un
tiers, un tiers, moitié-moitié. L'énoncé
annonçait une modification à la définition de la garde en
halte-garderie afin de la rendre davantage conforme aux objectifs poursuivis
par ce type de garde, la ministre dit: Cette modification, je le regrette
beaucoup, je ne pourrai pas l'apporter, ça va prendre une étude.
Comme si elle ne connaissait pas ces éléments! En
conséquence, si elle n'avait pas l'étude avant de l'annoncer,
elle devait bien savoir qu'elle ne pourrait pas y donner suite.
Dernier élément, M. le Président, une modification
majeure est apportée à l'enveloppe globale des subventions
accordées aux commissions scolaires, pour leur permettre de
prévoir un local spécifique aux services de garde lors d'une
construction ou d'un réaménagement majeur. D'ailleurs - c'est ma
conclusion - j'étais là lors de l'étude de la loi 107 et
tout le monde se rappelle que, il en a été de même lors de
la loi 3, on a eu la très grande déception d'apprendre que
d'aucune façon le gouvernement, même un gouvernement aussi
vertueux que celui du Parti libéral, avait l'intention d'obliger les
commissions scolaires à organiser des services de garde. Il a dit: Non,
on se fie sur la bonne collaboration de tout le monde. Ces gens font de beaux
discours sur l'importance d'avoir des services de garde adéquats, mais
dans le domaine scolaire, dans une loi qu'ils ont modernisée
récemment, il n'y a même pas une disposition qui oblige les
commissions scolaires du Québec à organiser des services de
garde. Et on va croire ces gens et leurs discours?
Ce sont ces éléments qu'il y avait lieu de souligner dans
le projet de loi 150. C'est évident, M. le Président, en ce qui
concerne l'Opposition, que sans aucun malaise on est convaincu que le projet de
loi, dans sa forme actuelle, ne répond pas aux objectifs d'une
société moderne où, effectivement, la place des services
de garde devrait être beaucoup plus grande et correspondre davantage
à un besoin réel. Comme ce n'est pas le cas, on va voter contre
le projet de loi 150.
Le Vice-Président: M. le leader du gouver- nement.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais vous indiquer que
je voterai pour le projet de loi 150 présenté par ma
collègue, la ministre déléguée à la
Condition féminine. Je compte bien, dès la reprise du
débat lundi, vous dire pourquoi, M. le Président.
Je voudrais cependant, à ce moment-ci, indiquer que nous allons
ajourner le débat avec l'entente qu'il restera deux interventions qui
pourront avoir lieu lundi: une intervention de la part de l'Opposition
officielle et la réplique de Mme la ministre.
Je voudrais qu'on en fasse un ordre de l'Assemblée, M. le
Président, avant de vous proposer d'ajourner nos travaux à
demain.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Je n'ai pas d'objection, sauf qu'il faudrait que le
leader du gouvernement se relise. Avec un ordre de l'Assemblée comme il
veut en faire un, contrairement à ce qu'il vient de dire - ce qui n'est
pas conforme de toute façon aux règlements - il n'aura jamais
l'occasion de nous dire pourquoi il va voter pour.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: C'est que j'ai l'intention de dire à Mme la
ministre les raisons qui me motivent à voter pour le projet de loi
150.
Le Vice-Président: Nous en faisons donc un ordre de
l'Assemblée pour que, à la reprise du débat sur le projet
de loi 150, il y ait une intervention de l'Opposition. La motion d'ajournement
du débat est adoptée, M. le leader du gouvernement?
M. Gratton: Oui, M. le Président, je propose que nous
ajournions nos travaux a demain, 10 heures.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
est adoptée?
M. Gendron: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. En conséquence,
les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés à
demain, le vendredi 9 juin, à 10 heures.
(Fin de la séance à 19 h 32)