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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 8 juin 1989 - Vol. 30 N° 125

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement. Veuillez tous vous asseoir.

Présence du sénateur Luis Carlos Galan de Colombie

Avant de procéder aux affaires courantes, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les galeries du sénateur de la République de Colombie, M. Luis Carlos Galan. M. Luis Galan.

Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Membres substituts du Bureau de l'Assemblée

J'ai reçu la lettre suivante de M. le whip en chef du gouvernement: "M. le Président, par la présente, je vous informe que Mme Pierrette Cardinal, députée de Châteauguay et M. Real Gauvin, député de Montmagny-L'lslet, agiront dorénavant comme membres substituts du Bureau de l'Assemblée nationale en remplacement de M. Michel Després, député de LJmoilou, et de M. Jean Leclerc, député de Taschereau. Veuillez agréer, M. le Président...

Des voix: Bravo!

Le Président: ...l'expression de mes sentiments les plus cordiaux." Et c'est signé: M. Yvon Vallières, whip du gouvernement.

J'aimerais céder la parole à M. le vice-président de l'Assemblée nationale et député de Laprairie pour sa motion.

M. Saintonge: M. le Président, je fais motion pour que l'Assemblée nationale adopte ces modifications a la composition du Bureau de l'Assemblée nationale.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de l'éducation et député de Sauvé.

Étude détaillée du projet de loi 106

M. Parent (Sauvé): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente de l'éducation qui a siégé les 25 et 30 mai 1989 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 106, Loi sur les élections scolaires. Le projet de loi a été adopté avec amendement, M. le Président.

Étude détaillée du projet de loi 128

Je profite de l'occasion pour déposer aussi le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 6 juin 1989 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 128, Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Étude détaillée du projet de loi 125

J'ai aussi, M. le Président, l'honneur de vous déposer le rapport de la commission permanente de l'éducation qui a siégé le 6 juin 1989 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 125, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les institutions dont le régime d'enseignement est l'objet d'une entente internationale. Le projet de loi a été adopté avec un amendement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Sauvé, vos trois rapports de commission sont déposés. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de rapports de commissions?

Dépôt de pétitions.

Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.

Je suis prêt à reconnaître la première question principale à M. le député de Lac-Saint-Jean et whip en chef de l'Opposition.

M. Brassard: Est-ce que je pourrais demander la présence du Procureur général?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président, le whip de l'Opposition sait sans doute que le Procureur général était ici il y a quelques instants. Est-ce qu'on peut s'assurer que le Procureur général aura la chance de répondre aux questions qu'on lui posera?

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en principale. M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Sans aucun problème puisque ce matin on a l'intention de lui poser des questions. Donc, il aura la possibilité de donner les compléments de réponses tant qu'il le voudra.

Le Président: Votre message est bien compris, M. le leader de l'Opposition.

Une voix: Vous êtes bien bons.

M. Gendron: On est bien bons, hein?

M. Jolivet: II est allé chercher son communiqué de presse.

Le Président: Votre message est bien compris, M. le leader de l'Opposition. M. le whip de l'Opposition, en principale.

M. Gendron: On commence.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Non-intervention du Procureur général dans le dossier de révision du zonage à Laval

M. Brassard: M. le Président, dans le dossier du dézonage à ville de Laval, la Commission de protection du territoire agricole accédait, le 5 août 1985, à une demande de dézonage présentée par Monit International pour une superficie de 140 hectares. Je vous rappelle que le même président de la Commission avait rendu deux décisions en 1980 et en 1981, maintenant ces mêmes lots en zone agricole, et je voudrais les déposer. On pouvait y lire: "Les demanderesses savent que si, avant la fin du siècle, le développement est rendu sur ces lots, la loi lui permet de soumettre à sa corporation municipale une nouvelle demande."

Il semble bien que la fin du siècle est arrivée très vite, une espèce d'accélération de l'histoire puisque, en août 1985, dézonage. À la suite de cette décision du mois d'août 1985, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de l'époque, le député de Lévis, mandatait le Procureur générai dans ce dossier afin d'amener la Commission à réviser cette décision d'exclusion. Cette décision d'exclusion a fait l'objet d'une décision de révision en mai 1986 dans laquelle est intervenue le Procureur général et cette décision en révision a renversé ou révoqué la décision d'exclusion du mois d'août 1985. Par la suite, Monit International est revenue à la charge et a obtenu le dézonage sans que le Procureur général intervienne à nouveau. Il avait disparu du dossier.

Ma question au Procureur général est la suivante. Comment le Procureur général, après être intervenu en mai 1986 dans le dossier du dézonage pour renverser la décision d'exclusion intervenue en août 1985, peut-il justifier de ne pas être intervenu lors des deux demandes de révision présentées, l'une, par Monit International et l'autre, par l'UPA de Laval, et qui ont conduit finalement au dézonage de plus de 140 hectares de terres agricoles en mai 1988, à la suite d'une décision rendue par les commissaires Scott, Ouimet et Meunier? Je dépose les deux décisions de 1980 et de 1981.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt des deux décisions?

Des voix: Oui.

Le Président: Documents déposés. M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: Merci, M. le Président Je voudrais remercier le député de Lac-Saint-Jean de sa question qui va nous permettre de préciser certains éléments qu'il faut comprendre dans ce dossier en ce qui regarde l'intervention du Procureur général à la suite de la décision du 5 août 1985 de la Commission de protection du territoire agricole.

Donc, le 5 août, une décision est rendue, M. le Président, et cette décision est fondée sur des éléments qui amènent le gouvernement, c'est-à-dire le Procureur général, à intervenir à la demande du ministre de l'Agriculture. Le Procureur général intervient parce qu'il s'agit d'un excès de juridiction, c'est-à-dire qu'V ne s'agit pas de contester l'opportunité de la décision, mais bien de contester la forme, la décision ayant été basée sur l'article 69.1, la décision de fait ayant été basée sur un décret qui devait venir, sur un projet, sur une loi et sur une volonté législative qui devaient venir et, par conséquent, qui n'étaient pas là au moment où ta Commission a pris sa décision.

M. le Président, pour être le plus précis possible, je me permets tout simplement de citer un passage des procédures du Procureur général qui ont été déposées dans cette affaire: 'Nos représentations ne portent pas dès lors sur le mérite de la demande d'exclusion, mais sur le caractère, sur le cadre législatif dans lequel la décision de l'accorder et de la refuser doit être prise par la Commission.' Le Procureur général a donc plaidé que la Commission avait malheureusement confondu son rôle de conseiller auprès du gouvernement et son rôle d'adjudication et qu'elle avait, par conséquent, fait un excès de juridiction. Le Bureau de révision a donné raison au Procureur général et, par conséquent, la décision a été révisée. Lorsqu'une autre décision a été prise, cette autre décision a été prise sur un autre motif de droit et le Procureur générai n'avait pas raison d'intervenir. C'est pour ça qu'il n'est pas intervenu.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: M. le Président, le Procureur général reconnaît-il qu'en refusant d'intervenir à nouveau dans cette même demande de dézonage présentée par Monit International il donnait indirectement le feu vert aux commissaires de la Commission d'agir à leur guise? Comment peut-il justifier son refus d'intervenir une deuxième fois alors que la décision des commissaires Scott Ouimet et Meunier ne reposait uniquement que sur des motifs d'ordre juridique allant à l'en-contre même des arguments invoqués par le Procureur général une première fois? Comment

peut-il justifier à ce moment son refus d'intervenir de nouveau parce que sa plaidoirie, ses arguments juridiques avaient été rejetés par la Commission de protection du territoire agricole? Au fond, en refusant d'intervenir, ne disait-il pas à la Commission: Allez-y gaiement, dézonez, je suis disparu de la carte? (10 h 20)

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, je voudrais être clair sur un point important. Le Procureur général n'a pas refusé d'intervenir. Je voudrais être bien clair là-dessus. Le Procureur général n'a pas refusé d'intervenir. Le Procureur général n'avait pas à intervenir.

Je vais lire un autre passage de la procédure pour bien faire comprendre toute la signification de ce que je viens de dire. En conclusion, le Procureur général, dans sa procédure, était représenté par Me Jules Brière, un avocat qui a l'expérience dans ces causes. "En situant sa décision dans le contexte d'une nouvelle délimitation de la zone agricole, la Commission, à notre avis, a erré en droit en ce qu'elle a exercé la fonction administrative que la loi lui confère à l'occasion de l'adjudication d'une demande d'exclusion, assumant ainsi un pouvoir que la loi a réservé au gouvernement."

M. le Président, dans la mesure où le Procureur général plaidait ce point de droit et dans la mesure où la Commission lui a donné raison, le Procureur général n'avait plus de point de droit à faire valoir dans les autres éléments qui ont suivi. Donc, le Procureur général n'a pas refusé d'intervenir. Le Procureur général n'avait plus à intervenir puisqu'il avait eu gain de cause.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: Le Procureur général est-il disposé à admettre que s'il avait eu gain de cause une première fois et que la Commission avait reconnu qu'il y avait erreur de droit, une deuxième fois les commissaires Scott, Meunier et Ouimet ont affirmé et décidé que c'était faux, qu'il n'y avait pas eu erreur de droit allant à rencontre des arguments du Procureur général. Pourquoi à ce moment-là n'est-il pas intervenu? Pourquoi son gouvernement a-t-il refusé de contester devant les tribunaux la décision d'exclusion rendue en février 1987 par les commissaires qui mettaient en cause ses propres arguments invoqués devant cette Commission? Est-ce que son étrange conduite dans ce dossier n'est pas, finalement, à verser au dossier des aberrations du ministère de la Justice depuis 1985 et s'ajoute...

Le Président: Vous êtes en additionnelle.

M. Brassard: ...aux paiements d'honoraires à des adversaires de la loi 101, à l'amnésie prolon- gée...

Le Président: M. le whip de l'Opposition.

M. Brassard: ...dans le dossier du poisson avarié?

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le whip de l'Opposition.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Sur une question de règlement.

M. Gratton: M. le Président, je veux bien qu'on ait toute la latitude voulue, mais le député de Lac-Saint-Jean, le premier, sait qu'il viole nos règles de pratique en procédant de la façon qu'il le fait. L'article 77 de notre règlement indique que les questions ne peuvent être formulées de manière à susciter un débat. Le moins qu'on puisse dire, quand la question traite du dézonage agricole dans Laval et qu'on est rendu à parler de la loi 101 et des honoraires des procureurs, c'est qu'on suscite un débat qui n'est même pas pertinent à la question principale. Je vous demanderais, M. le Président, d'être vigilant et de rappeler le député de Lac-Saint-Jean à l'ordre.

Le Président: Avant de reconnaître M. le ministre de la Justice, je vous avais rappelé quelques fois à l'ordre; vous étiez en additionnelle. Et, en plus de cela, je pense que je n'ai pas à vous rappeler trois paragraphes de l'article 77 qui n'avaient pas été respectés. Vous avez posé votre question.

M. Brassard: C'est vrai, M. le Président, vous avez raison. Ce serait tout à fait non pertinent de dresser la liste...

Des voix: Eh!

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Brassard:... des aberrations...

Le Président: Ce n'est absolument pas ça. Ce n'est absolument pas ça. M. le ministre de la Justice. M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, je veux simplement apporter tous les éléments possibles dans ce dossier pour qu'on comprenne la situation. Dans ce dossier, il s'agit d'une commission qui a un pouvoir quasi judiciaire, c'est-à-dire qu'elle décide de certains points qui peuvent mettre en cause le droit des individus. Dans un tel dossier, le Procureur général est intervenu, à

la demande du ministre de l'Agriculture, sur un cas d'excès de juridiction, c'est-à-dire que la Commission avait basé une décision sur des points de droit qui, de fait, ne relevaient pas de sa compétence. Elle avait excédé sa juridiction. Le Procureur général est intervenu et il a eu gain de cause. Pourquoi n'a-t-il pas continué à intervenir? Parce que dans les autres causes, il n'y avait pas d'excès de juridiction. C'est aussi simple que cela, M. le Président.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle. En additionnelle.

M. Brassard: Le Procureur général est-il disposé à admettre qu'en vertu de la loi, il aurait pu, compte tenu du fait que la décision des commissaires Scott, Meunier et Ouimet ne reposait que sur des arguments à caractère juridique, il aurait dû - à mon avis en tout cas - contester cette décision devant les tribunaux civils comme le lui permettait la loi? Au moins reconnaît-il ça?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, il ne faut pas mêler les choses et il faut bien comprendre que dans ce dossier le Procureur général est intervenu, non pas sur l'opportunité de la décision... L'opportunité de la décision c'est une chose, c'est-à-dire que la Commission apprécie la preuve faite devant elle et en fonction de cette preuve, elle prend sa décision. Le Procureur général est intervenu sur une question d'excès de juridiction, la Commission ayant confondu son rôle entre celui de conseiller du gouvernement et son rôle d'adjudication. C'est strictement sur une question d'excès de juridiction qu'on est intervenu. Dans la mesure où la Commission a réalisé qu'il y avait eu excès de juridiction, qu'elle a révisé sa décision et qu'elle l'a refusée sans faire un tel excès de juridiction, le Procureur général n'avait pas à intervenir.

M. le Président, je terminerai en disant qu'il faut quand même bien comprendre que nous sommes ici dans un domaine quasi judiciaire où le gouvernement crée un organisme quasi judiciaire pour être indépendant et pouvoir, en toute justice, mettre en application un point important qui gouverne notre société. Alors ce n'est pas au gouvernement à agir par le Procureur général sans qu'il y ait vraiment motif à le faire.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, en additionnelle.

M. Brassard: M. le Président, dans ce dossier de dézonage de la ville de Laval, après les allégations de conflits d'intérêts impliquant certaines personnes, après la mise en place de véritables fiefs fonciers par une poignée d'individus, après la relance des activités des étrangers en matière d'acquisition de terres agricoles...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement. Question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je m'excuse de vous déranger, là, tout le monde.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, tout le monde le sait, quand on est en question complémentaire, on ne peut pas précéder la question complémentaire de préambule. Ce n'est pas parce qu'on commence l'intervention avec un point d'interrogation que ça la rend acceptable.

M. le Président, si le député de Lac-Saint-Jean veut faire un discours, qu'il soulève une autre façon de le faire. À la période de questions, ce n'est pas la période des discours, c'est la période où on pose des questions et des questions complémentaires sans préambule. Voulez-vous, s'il vous plaît, le surveiller, M. le Président?

Le Président: M. le député de Lac-Saint-Jean, je vous ai rappelé à l'ordre à quelques reprises. J'ai également mentionné, en additionnelle...

M. Brassard: Est-ce que le ministre...

Le Président: Non, non! Non! Avant de vous reconnaître... J'ai mentionné à deux ou trois reprises que c'est pour une question additionnelle que je vous reconnaissais...

M. Brassard: Le ministre...

Le Président: J'aimerais que vous posiez votre question additionnelle sans préambule.

M. Brassard: C'est ce que je fais.

Le Président: M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Le Procureur général, après tout ce qu'on sait dans ce dossier et, pour se rattraper de sa négligence, ne pourrait-il pas, de son propre chef, comme le lui permet la loi, à titre de responsable de l'application des lois du Québec, élargir lui-même le mandat trop étroit et trop politique que lui a confié le premier ministre sur cette question?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, je pense que le député de Lac-Saint-Jean va comprendre que, comme Procureur général, je ne commenterai pas des allégations de conflits d'intérêts ou quoi que ce soit qui pourrait être dit en cette Chambre. Tout simplement, comme Procureur général, c'est mon premier devoir de faire en sorte que la loi soit respectée. Dans ce contexte, mon ministère a déjà été saisi d'une demande d'étude de tous les dossiers concernant les transactions depuis 1985. Nous allons faire ces études. Lorsque les études seront faites, que le rapport aura été fait, nous examinerons la situation. Il faut être prudent dans ces choses et conscient qu'on doit procéder avec le maximum de précautions pour protéger les droits de tous et aussi, bien sûr, faire respecter la loi. Dans ce cadre, premièrement, faisons l'étude que nous devons faire et, ensuite, on verra. (10 h 30)

Le Président: Je vais reconnaître Mme la députée de Chicoutimi pour une deuxième question principale, ce matin.

Fermeture de lits dans les hôpitaux du Québec

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Vérification faite ce matin auprès de quelques hôpitaux, on apprend qu'à l'hôpital du Sacré-Coeur qui est, je le rappelle, dans le comté du premier ministre, il y a 1553 personnes en attente d'une chirurgie. Dimanche, dans le même hôpital, il y avait 130 personnes dans les services d'urgence prévus pour en recevoir 42. Il y en avait 85 à l'urgence et 45 qui attendaient pour une consultation, exactement 130 dans un espace prévu pour 42. À Chicoutimi, on n'opère que les cas semi-urgents et, selon les termes mêmes du directeur des services professionnels, ceux qu'il serait indécent de ne pas recevoir. Il y a 40 % des lits de fermés.

À l'Institut de cardiologie, ce matin, c'est 1065 personnes qui sont en attente, soit d'une chirurgie ou d'hémodynamie. Au Centre hospitalier de l'Université Laval...

Le Président: Votre question, madame.

Mme Blackburn: ...on ferme une salle d'opération. Il y a 1300 à 1800 lits de fermés au Québec, c'est du jamais vu, c'est sans précédent parce qu'il n'y a pas de grève dans les hôpitaux.

Le Président: Votre question, madame.

Mme Blackburn: Le pire de la crise reste à venir puisque la CEQ...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Votre question, Mme la députée de Chicoutimi. Votre question.

Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que la ministre a pris connaissance du fait que le pire de la crise reste à venir puisque la CEQ entreprend également... Les 3500 infirmières entreprennent des mesures de pression. Qu'est-ce qu'elle fait, de façon concrète, pour prévenir la crise de la fin de semaine, alors qu'il y aurait plus de 3000 lits de fermés?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on sait que la députée de Chicoutimi joue facilement avec les chiffres. Au moment où... Pas au moment où nous nous parlons parce que, malheureusement, ce matin, comme la période de questions est tôt, je n'ai pas les statistiques pour la journée, mais je peux vous dire qu'hier, il y avait 1097 lits de fermés et, avant-hier, il y en avait 1091. Alors, quand on parle de 3000 lits pour la semaine prochaine, j'aimerais bien que la députée nous dise où elle prend ses informations.

Revenons-en à l'hôpital du Sacré-Coeur puisqu'il y a eu, en fait, un moment difficile à Sacré-Coeur avant-hier, alors que l'urgence s'est trouvée surchargée. Je voudrais rappeler à la députée de Chicoutimi, d'ailleurs qui ne s'en rappellera pas, que même en temps de non-pression, en temps de non-grève, du temps du Parti québécois, l'urgence de Sacré-Coeur était tellement débordée que les médecins avait été sur le point de fermer l'urgence. Alors, prenons les choses calmement un peu, M. le Président.

Par contre, pour l'information de la population, je dois vous dire que l'augmentation des moyens de pression pèse plus lourdement sur les hôpitaux, au fur et à mesure que les journées passent. La bonne nouvelle, si je peux dire, les nouvelles que j'ai de la table de négociation, ce matin, sont dans le sens qu'on procède avec diligence, que le climat est positif et qu'on avance sur les discussions d'organisation de travail...

Le Président: En conclusion, madame.

Mme Lavoie-Roux: ...la tâche, etc. M. le Président, c'est parce que c'est important, ce n'est pas parce que je veux prendre trop de temps.

Le Président: II va y avoir des additionnelles, plusieurs additionnelles, madame.

Mme Lavoie-Roux: Ah, il y a plusieurs additionnelles! Alors...

Une voix: Ils vont l'ont dit.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Un prophète.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vais attendre les additionnelles, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Chicouti-mi, en additionnelle.

Mme Blackburn: M. le Président, on apprend avec plaisir que la ministre aurait civilisé la médecine de guerre, tant mieux. Il n'en demeure pas moins...

Le Président: Votre question, madame.

Mme Blackburn: ...qu'il y a des milliers de personnes en attente de chirurgie.

Une voix: Question.

Le Président: Votre question, madame.

Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que la ministre a pris la peine de vérifier ce qu'il en était dans les hôpitaux spécialisés et semi-spécialisés parce que c'est là qu'il y a le plus d'interventions chirurgicales majeures et aussi le plus de problèmes? Est-ce qu'elle a vérifié, comme je l'ai fait ce matin, dans les hôpitaux que je viens de citer...

Une voix: Elle vient de se lever.

Mme Blackburn: ...si les chiffres que j'ai fournis étaient exacts? Est-ce qu'elle a visité, comme je l'ai fait, les services d'urgence de l'hôpital du Sacré-Cœur? Si elle l'a fait et qu'elle n'est pas inquiète, elle a des problèmes.

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai été dans quelques hôpitaux récemment et je dois vous dire que tous les matins je m'enquiers de la situation dans les hôpitaux, les situations qui peuvent être plus difficiles. Je sais que la députée de Blackburn se targue d'être allée à l'hôpital du Sacré-Coeur...

Des voix: Chicoutimi.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: ...en compagnie de la candidate péquiste à la prochaine élection.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: J'ai su ça. C'est correct, M. le Président, je pense que c'est...

Des voix: II faut le dire.

Mme Lavoie-Roux: ...tout à fait correct. Je n'ai pas d'objection. C'est leur droit.

Une voix: Elle était malade...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Allez, madame.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que la députée de Chicoutimi sait que c'est à plusieurs reprises par jour que nous nous enqué-rons de l'état de la situation dans les hôpitaux. Encore une fois, je le répète, au fur et à mesure que les difficultés ou les moyens de pression continuent dans les hôpitaux, la pression augmente, mais encore, au moment où nous nous parlons, nous répondons aux urgences. Les services essentiels sont rendus. Il y a - et je l'ai dit la semaine dernière - une diminution dans le cas de la chirurgie élective. Mais la députée de Chicoutimi peut bien nous dire qu'i y a 1500 personnes en attente à un endroit et à un autre. On sait que c'est très difficile de connaître, d'une façon assez précise, le nombre de personnes qui sont sur les listes d'attente. Qu'il y en ait, c'est exact. Que ça surcharge les listes d'attente, c'est exact, M. le Président. Mais elle peut bien nous lancer n'importe quel chiffre, elle serait incapable de les valider.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Mme Blackburn: M. le Président, j'invite la ministre à faire les mêmes vérifications auprès des hôpitaux que j'ai cités et elle va avoir les mêmes réponses. Est-ce que la ministre trouve la situation actuelle normale, alors que - je le lui rappelle -H n'y a pas de grève dans les hôpitaux? Et comment qualifie-t-elle cette situation alors qu'il y avait deux fois moins de lits de fermés dans les hôpitaux du Québec et que le chef du Parti libéral se promenait au Québec et qu'on disait: Bourassa qualifie de négligence criminelle l'attitude du Québec dans les hôpitaux? Comment qualifie-t-elle...

Des voix: Ah!

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Des voix: Répondez.

Mme Blackburn: ...la situation actuelle...

Une voix: La question est posée.

Le Président: Vous avez posé votre question, madame.

Mme Blackburn: ...M. le Président, de...

Le Président: Vous avez posé votre question, madame.

Mme Blackburn: ...médecine de guerre civile?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que j'ai eu l'occasion de le dire dans cette Chambre. Un des problèmes importants auxquels la main-d'oeuvre infirmière fait... Écoutez!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Un des problèmes importants auxquels la main-d'oeuvre infirmière fait face c'est l'organisation du travail, la multiplication des postes à temps partiel qu'il nous faut convertir, pour un certain pourcentage, le plus rapidement en postes à temps plein. Mais ce qu'il ne faudrait pas oublier, et ça, l'Opposition et particulièrement la députée de Chicoutimi semblent l'oublier, si on en est à cet état de choses... Oui, c'est votre faute.

Des voix: Ah!

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! En conclusion, madame. À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on recueille les difficultés créées par des coupures et des compressions budgétaires dans le réseau de la santé qui s'élèvent à 700 000 000 $ sous le gouvernement du Parti québécois.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle.

Mme Blackburn: M. le Président, plus sérieusement, parce que je ne prendrai pas la peine de relever ça, parce que après trois ans de pouvoir...

Le Président: Votre question, madame.

Mme Blackburn: ...trois ans et demi, elle devrait avoir un peu commencé à gérer.

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Votre question, madame.

Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que...

M. Gratton: Question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Gratton: M. le Président, pourriez-vous rappeler à la députée de Chicoutimi que, si ce n'est pas lapeine de le rappeler, de ne pas le rappeler, s'il vous plaît?

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi, en additionnelle. (10 h 40)

Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que la ministre a l'intention de mettre toute la pression sur les négociations de manière que ça se règle avant qu'on atteigne le maximum de la crise et qu'on plonge les hôpitaux dans le marasme? Parce que c'est ça qui est en train de se faire. Est-ce que la ministre a pris connaissance de l'étude de l'Association des hôpitaux du Québec qui estime que si ce gouvernement avait investi le même pourcentage du produit intérieur brut que le précédent gouvernement au cours des trois dernières années, c'est un demi-milliard de dollars de plus qu'il y aurait dans les hôpitaux?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce qui compte, c'est l'argent qui a été mis et c'est au-delà de 1 000 000 000 $ dans la santé et les services sociaux et non pas des coupures de 700 000 000 $, premièrement. Vous me permettrez devant, tout à coup, la conscience sociale très éveillée de l'Opposition, de vous citer ce que certains anciens ministres disaient. Le ministre Johnson disait: Le système souffre - pour excuser les coupures et les compressions - d'un excès d'appétit qu'il faut freiner. Nous roulions en Cadillac, il faudra maintenant utiliser une Volkswagen - le ministre Bérubé. Écoutez la dernière, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Lavoie-Roux: Pierre Marc Johnson.

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Madame.

Mme Lavoie-Roux: La dernière que je vous citerai, M. le Président: Les coupures opérées, même si elles choquent quelques spécialistes, n'auront guère d'effets sur le public. - Le ministre Parizeau.

Cela étant dit, ce que je veux dire à la population, c'est que, quotidiennement, plusieurs fois par jour, nous surveillons la situation de très près et des représentants du Conseil des services essentiels suivent également la situation de très près. Je peux assurer la population à ce moment-ci que les services essentiels sont rendus, que les urgences ne sont pas fermées, qu'il y a encore beaucoup d'admissions électives en chirurgie et que si nous devions agir à un moment donné parce que la situation était rendue

trop difficile, nous agirons. Nous avons pris nos responsabilités dans le passé sans écraser les travailleurs. Nous les prendrons encore si c'est nécessaire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Lévis, en principale. M. le député de Lévis en principale.

Plan de rationalisation des services régionaux de Via Rail au Québec

M. Garon: M. le Président, le journal Globe and Mail, d'avant-hier, citant un rapport interne de Via Rail, indiquait que Via Rail s'apprête à effectuer 3500 mises à pied parmi ses 7000 travailleurs. De plus, selon cette même source, Via Rail éliminerait tous ses services régionaux au Québec, qui sont au nombre de 33 et il y aurait même des coupures dans sa ligne - le corridor le plus rentable - Québec-Toronto. On dit, pendant ce temps-là que, comme d'habitude, apparemment les services vont augmenter dans l'Ouest, dans les Rocheuses.

J'aimerais savoir du ministre s'y a été avisé par son ami Benoit Bouchard, député de Rober-val, ministre des Transports du Canada, de ce pian de rationalisation de Via Rail d'autant plus que le ministre lui avait fait des demandes au mois de mars, l'avait rencontré et avait fait des demandes de moratoire qui avaient été rejetées et que le ministre lui avait dit de s'occuper de ses routes pendant qu'il s'occuperait de ses trains. Est-ce qu'au moins il l'a avisé du plan de rationalisation qu'il a l'intention de faire au Québec pour Via Rail?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): Dans sa volonté coutumière de vouloir en embrasser bien large, le député de Lévis mêle toute une série de choses. Il est clair que depuis le budget fédéral, et même avant, M. Bouchard a tenté à quelques occasions de rassurer les citoyens du Québec quant aux services de Via Rail, mais sans jamais laisser entendre qu'il pourrait maintenir le niveau actuel de services. Il y avait en cours, de par ia volonté de Via Rail, une étude à laquelle étaient associés les principaux maires du Québec, en particulier, M. Doré et M. Jean Pelletier, qui devait aboutir au mois de juin et qui serait un guide quant aux recommandations et aux applications que pourrait retenir le gouvernement fédéral.

Lors d'une rencontre, le 8 mars dernier, nous avons fait des représentations quant à Via Rail. Nous avons continué à le faire depuis ce temps. J'ai rencontré personnellement le maire de Québec et le maire de Montréal au sujet de Via Rail et ceux-ci doivent à nouveau rencontrer très prochainement M. Bouchard pour lui faire part de leurs appréhensions quant aux coupures de services. Il est extrêmement important de considérer que nous sommes dans une situation où 1 y a le corridor Québec-Windsor mais 1 y a aussi le reste des régions du Québec qui auront besoin que le service soit maintenu. Quant aux déclarations que j'ai faites au Devoir, il y a quelques semaines, je n'ai absolument rien à retirer, malgré le fait que je m'occupe de mes routes et qu'il s'occupe de ses trains.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Jolivet: On manque d'argent pour les routes, par exemple.

M. Garon: M. le Président, au lieu de se cacher derrière le maire de Montréal qu'il appelle le prince de Montréal, le ministre pourrait-il nous dire ce qu'y a fait pour les transports? Qu'a-t-ï fait pour que le plan de rationalisation de Via Rail ne coupe pas au maximum les services au Québec? Est-ce qu'l a été avisé des coupures de ce plan de rationalisation de Via Rail au Québec ou s'il va l'apprendre dans les journaux comme tout le monde?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): D'abord, je n'ai pas à me cacher derrière le maire de Montréal. Le maire de Montréal fait les représentations qu'i juge importantes, que ce soit au gouvernement du Québec ou au gouvernement d'Ottawa. Quant à vouloir ramener les histoires du pian de transport de Via Rail, cela ressemble un peu à quelqu'un un peu perdu dans le décor et qui cherche des éléments pour mettre un peu de piquant. Alors je vous les laisse.

Dans le cas du ministère des Transports, ce n'est certainement pas avec les dossiers que vous m'aviez laissés sur le plan du transport ferroviaire et des personnes qu'on pouvait faire des choses. Mais le ministère a travaillé et appuyé des régions telles que l'Abitibi pour éviter l'abandon des lignes de chemins de fer et du transport des marchandises. Cette région a été appuyée par le ministère des Transports comme jamais une région ne l'avait été auparavant, ni même sous votre gouvernement, dans le but d'éviter les abandons, devant l'Office national des transports, et la bataille continue. Cela a été comme ça pour toutes les demandes d'abandon de tronçons de chemins de fer, à la fois dans le transport des passagers et dans le transport des marchandises. Vous n'avez rien appris à personne en faisant une petite conférence de presse un vendredi matin, en reprenant pour l'essentiel des documents qu'on avait rendus publics.

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): ...en février 1987.

Vous n'apprenez rien à personne.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, à part de rendre publiques les coupures du gouvernement fédéral dans les chemins de fer... Je pose une question au ministre. Cette fois-ci, cela ne concerne pas le transport des marchandises. Je lui demande s'il est au courant du plan de rationalisation de Via Rail au Québec. Il a souvent fait allusion à son amitié pour Benoît, Benoît Bouchard. Est-ce qu'il est son ami, dans cette amitié non payante? Il a dit que, pour lui, l'amitié était gratuite. Est-ce qu'il a pris le temps, entre deux cafés, de lui dire ce qu'il avait l'intention de couper au Québec dans le plan de rationalisation de Via Rail? Il y a plusieurs garages de réparation de chemins de fer à Montréal qui sont actuellement en cause et, si on veut couper tous les services au Québec... C'est ce qui était écrit dans le Globe and Mail de mardi dernier: Tous les services de chemins de fer de la région de l'Atlantique dont fait partie le Québec seraient coupés. Le ministre peut-il nous dire s'il est au courant ou non? C'est facile, c'est oui ou non. Est-ce qu'il est au courant de ce plan de rationalisation de Via Rail? Devant les coupures qui s'annoncent, quelle est sa nouvelle stratégie, maintenant qu'il a essayé l'amitié et la colère et que cela n'a rien donné?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, les électeurs du comté de Lévis ou Les Chutes-de-la-Chaudière seront à même, au cours des prochaines élections, de comparer le candidat que nous offrons en alternative, M. Therrien, que je salue dans les galeries, à un style échevelé comme le sien.

La machine du député de Lévis s'emballe; elle est folle, folle, folle. C'est dangereux sur les chemins de fer quand ça s'emballe comme ça; ça risque de faire des accidents. Mais on n'est pas dans ce domaine-là. On est dans un domaine beaucoup plus calme, où il faut travailler les choses une par une tout en respectant les juridictions de chacun et en s'assurant de faire les représentations aux bonnes places. J'ai compris que, si je les faisais auprès de vous, ce ne serait certainement pas à la bonne place.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Gendron: Le ministre des Transports a affirmé que, comme ministre des Transports, il a défendu le transport ferroviaire en Abitibi-Témiscamingue et je pense que c'est exact. Alors, comment peut-il expliquer l'absence de son collègue, le ministre régional, et celle du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui ne sont même pas venus aux auditions? Le seul qui était présent, c'est celui qui vous parle.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, d'abord, l'OPDQ et le ministère des Transports se sont associés à l'Abitibi pour faire une étude systématique et en profondeur sur les chemins de fer, et ça, c'est sous notre gouvernement. Première des choses. Cette décision a été prise en parfaite harmonie avec mes collègues d'Abiti-bi-Est et de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. (10 h 50)

Par la suite, le ministère a appuyé jour après jour les gens de l'Abitibi dans les audiences. Bien sûr, dans le cas du député d'Abitibi-Ouest, il s'est montré le portrait parce que ça donne un peu de visibilité. Cela, c'était la photo. La photo, c'est toujours important. Maintenant que vous avez fait votre parade, on est dans une situation où il y aura d'autres audiences publiques et chacun fera son travail, mes collègues, à la fois de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et d'Abitibi-Est n'ont certainement pas de leçon à recevoir du député d'Abitibi-Ouest pour défendre les intérêts de l'Abitibi.

Le Président: En quatrième principale ce matin, M. le député de Taillon.

Mesures pour favoriser l'intégration des immigrants à la communauté francophone

M. Filion: Oui, M. le Président. Le 1er juin dernier, le Conseil de la langue française a rendu publique une importante étude sur les tendances démolinguistiques sur l'île de Montréal. Ces données sont plus que préoccupantes. En s'ap-puyant sur les recensements ainsi que sur les statistiques de décès et de naissance, l'auteur de l'étude démontre que chaque fois que la population non francophone de l'île de Montréal augmente de 100 individus, la majorité francophone, elle, ne s'accroît que de 13 à 20 personnes.

De fait, il s'avère qu'à l'heure actuelle, moins de 20 % des francophones du Québec vivent en contact avec 75 % des allophones. On admettra que ce n'est évidemment pas de nature à favoriser l'intégration. Le premier ministre du Québec, en réaction à ces données, s'est dit inquiété et a déclaré, croyez-le ou non, j'espère que ça va faire réfléchir certains de nos amis anglophones.

Le Président: Votre question.

M. Filion: Moi, j'espère que ça a fait réfléchir les membres du gouvernement. Dans ce sens, ma question s'adresse au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Quelles sont les mesures concrètes, immédiates et vigoureuses que le gouvernement a

entreprises ou entreprendra pour favoriser l'intégration de cette importante immigration? Par exemple, à quand la francisation des petites entreprises? À quand les cours de français accessibles gratuitement à tous les allophones? À quand la reconnaissance du droit à des services en français pour les immigrants, tels que reconnus par le projet de loi 191?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: D'abord, l'étude du Conseil de la langue française à laquelle fait allusion le député de Taillon demande à être examinée soigneusement. J'en ai commencé l'étude. Je n'ai pas terminé. Il faut confronter les résultats de l'étude de M. Paillé avec d'autres travaux qui ont été faits en matière de démographie métropolitaine. Les choses ne sont pas toujours aussi simples qu'on peut le penser. Il y a des concepts de base dans cette étude qu'il faut serrer de près.

Quand on parle d'allophones, on laisse entendre que ce sont des gens qui ne parleraient pas le français. "Who knows?" Il y a des vérifications plus poussées à faire. Il faut éviter de se laisser emporter par des catégories abstraites qui conduisent souvent à des conclusions erronées. Nous sommes à approfondir ces choses et il n'y aura sûrement pas de mesures instituées en fonction d'une étude comme celle-là avant que les prochaines élections n'aient eu lieu. J'aime autant dire au député de Taillon qu'en toute conscience des mes responsabilités, je ne serai pas prêt à faire de recommandations au gouvernement ce mois-ci à partir de cette étude.

Maintenant, à propos des questions précises qu'a posées le député de Taillon, j'ai déjà fourni beaucoup d'éléments de réponse en cette Chambre. À l'occasion du débat sur la motion de blâme de l'Opposition que nous allons discuter tantôt, j'aurai l'occasion d'apporter d'autres éléments de réponse en ce qui touche ces questions.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. Filion: Oui, M. le Président. Le ministre conviendra-t-il qu'on n'a pas besoin d'étudier longtemps pour se rendre compte que l'essentiel de l'immigration allophone vient sur l'île de Montréal et est en contact avec un pourcentage proportionnel diminuant de francophones? On n'a pas besoin d'étudier d'un couvert à l'autre pendant trois ans à l'Université de Montréal pour se rendre compte de ça.

Je lui demande quelles mesures concrètes et immédiates le gouvernement entend prendre pour faire en sorte que cette immigration puisse s'intégrer à la majorité francophone dans les meilleurs délais.

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: Cela nous ramène à la question de tantôt. Le député demandait: Quelles mesures le gouvernement prend-il pour favoriser l'intégration des immigrants à la communauté francophone? Il y a beaucoup de mesures. Il y a à peine quelques mois, un programme de 7 500 000 $ a été annoncé pour favoriser l'accès des immigrants à des cours de langue française, surtout les immigrants qui veulent se qualifier en vue du marché du travail. Nous avons annoncé un programme spécial de 10 000 000 $ dont une partie importante sera consacrée au renforcement des services d'encadrement pour les enfants d'immigrants qui sont dans nos écoles françaises.

Voilà des mesures constructives qui, sans enfermer les immigrants dans un carcan, leur donnent des chances de s'intégrer davantage à la communauté francophone.

Le Président: M. le député de Taillon, en additionnelle.

M. Filion: Le ministre ne convient-il pas que d'augmenter le pourcentage de l'immigration francophone... En deux mots, si on reçoit des immigrants qui parlent déjà français, leur intégration sera plus facile au Québec. Dans ce sens, comment peut-on faire confiance au gouvernement alors que l'on sait que, depuis 1985, le nombre d'immigrants accueillis qui connaissaient le français seulement est passé de 24 % à 18 % et que le nombre de ceux connaissant l'anglais est passé de 25 % à 31 % et ce entre 1985 et 1987? Là, on s'apprête à recevoir, pour les années qui viennent, 35 000 à 40 000 immigrants qui seront soumis à la même proportion.

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. M. le ministre.

M. Ryan: Je pense que la question conviendrait plus si elle était adressée à ma collègue, la ministre de l'Immigration. Mais, a priori, je serais porté à dire au député que s'il peut en trouver par milliers, comme il semble le suggérer, des immigrants francophones, qu'il indique où on va les trouver. Le problème de l'immigration est bien plus complexe que l'imagine le député de Taillon. On ne décide pas de les amener ici seulement en en parlant en Chambre.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en principale ou en additionnelle?

M. Chevrette: Oui, M. le Président, c'est en principale.

Le Président: En principale.

Financement des services ambulanciers par le CRSSS de Montréal

M. Chevrette: Je voudrais demander à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux si elle peut confirmer ou infirmer le fait qu'elle a autorisé le Conseil régional de la santé et des services sociaux de Montréal à emprunter 10 000 000 $ pour financer les services ambulanciers. Est-ce que c'est normal? C'est une nouvelle politique que le gouvernement finance par le service de la dette un service direct à la population. Comment se fait-il qu'ils n'ont pas de crédits pour s'administrer?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je regrette de ne pouvoir répondre à la question précise du chef de l'Opposition. Je vais obtenir l'information.

M. Chevrette: Dans ce cas-là, M. le Président...

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: ...je demanderais à Mme la ministre toutes les informations que j'aimerais avoir, d'un seul trait.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: J'aimerais savoir, en même temps, M. le Président, si le décret du 23 décembre 1988 a été corrigé en ce qui regarde l'argent à aller chercher pour le système ambulancier de la Régie de l'assurance automobile du Québec. J'aimerais savoir s'il y aura un amendement à la Loi sur la Régie de l'assurance automobile pour permettre à la régie de déroger à l'article 45 de la Loi sur la Régie de l'assurance automobile qui dit que la régie doit payer l'individu et non pas un conseil régional de services de santé. J'aimerais savoir également si le gouvernement a l'intention d'injecter les sommes en crédits plutôt que sur le service de la dette pour payer un service qui est censé être une nouvelle politique gouvernementale.

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le chef de l'Opposition m'avait posé cette question il y a quelque temps et je lui avais dit qu'il y avait des divergences d'interprétations au plan juridique. Je peux lui dire aujourd'hui que l'interprétation finale qui a été retenue, après des opinions du ministère de la Justice et autres, c'est que la loi nous permet de procéder sans modifications à apporter au décret.

Le Président: Fin de la période régulière de questions et réponses orales.

Ce matin, il n'y a pas de vote reporté.

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, avant de donner les avis touchant les travaux des commissions, je voudrais indiquer, pour le bénéfice des députés qui se rendront justement en commission, qu'à 13 heures ou juste avant, il y aura un vote ici, à l'Assemblée nationale, sur la motion privilégiée que vous appellerez aux affaires du jour. (11 heures)

Avis touchant les travaux des commissions

Cela dit, M. le Président, j'avise l'Assemblée qu'aujourd'hui de 11 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 18 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec et le Code civil en matière de bail d'un logement à loyer modique; de 11 h 30 à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine; la commission des institutions procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué: le projet de loi 145, Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives; le projet de loi 140, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne concernant la Commission et instituant le Tribunal des droits de la personne; le projet de loi 142, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse; le projet de loi 141, Loi sur les Cours municipales et modifiant diverses dispositions législatives; le projet de loi 148, Loi modifiant la Loi sur les huissiers et le projet de loi 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant l'application du Code de procédure pénale.

Finalement, Mme la Présidente, de 11 h 30 à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salie du Conseil législatif, la commission du budget et de l'administration procédera à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 133, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement. Y a-t-il consentement pour que la commission de l'aménagement et des équipements puisse siéger de 14 h 30 à 16 h 30, et ce, conformément à l'article 143 de nos règlements?

M. Gendron: II y a consentement.

La Vice-Présidente: Consentement. Si vous me le permettez, je vous avise que ce matin, après les affaires courantes, la commission de l'économie et du travail se réunira à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission et que la commission de l'aménagement et des équipements se réunira à la salle Louis-Joseph-Papineau afin de procéder également à l'élection de son vice-président.

Cet avis étant donné, cela met fin aux avis touchant les travaux des commissions.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous allons maintenant passer aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Oui, mais j'ai un renseignement à demander dans l'ordre, Mme la Présidente. Voici la question que je voudrais poser au leader du gouvernement. Aujourd'hui, le ministre de l'Éducation devait déposer un rapport d'enquête important sur la question de la commission scolaire Davignon. Il a lui-même indiqué publiquement en cette Chambre, et l'a repris par communiqué, qu'il déposerait aujourd'hui le rapport d'enquête sur la commission scolaire Davignon. J'ai appris il y a quelques minutes par lui-même que le dépôt n'aurait pas lieu aujourd'hui. Je voudrais connaître du leader du gouvernement les raisons pour lesquelles un tel rapport, que le ministre lui-même s'était engagé à déposer aujourd'hui, ne serait plus déposé.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Après avoir pris l'information auprès de mon collègue, le ministre de l'Éducation, les raisons pour lesquelles il n'a pas déposé le rapport aujourd'hui sont d'ordre administratif. Il m'a, par contre, indiqué que dès demain il rendra ledit rapport public.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement. Y a-t-il d'autres renseignements? Il n'y a pas d'autre renseignement. Je vais donc mettre fin aux affaires courantes.

Nous allons procéder maintenant aux affaires du jour.

Nous avons une affaire prioritaire inscrite aux affaires du jour.

Motion de censure blâmant

le gouvernement de faire de nouvelles

promesses électorales au lieu de réaliser

ses engagements reniés de 1985

En effet, M. le chef de l'Opposition a déposé une motion de censure et cela, en vertu de l'article 304 de nos règlements. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement libéral de terminer son mandat en formulant de nouvelles promesses électorales plutôt que de travailler à réaliser ses engagements reniés de 1985, notamment dans les domaines de la santé, de l'environnement, de la politique familiale et de la promotion de la langue française."

Si vous me le permettez, M. le chef de l'Opposition, avant de vous reconnaître, j'aimerais informer cette Chambre de l'entente qu'il y a eu entre les leaders pour le partage du temps. En effet, le temps sera partagé moitié-moitié pour chacun des groupes parlementaires. On gardera une réplique de quinze minutes et le débat devra se terminer dix minutes avant la fin de la séance, soit aux alentours de 12 h 50. Le vote, puisqu'il y aura vote enregistré, se fera vers 12 h 50, mais on appellera les députés par les cloches cinq minutes avant 12 h 50.

Cela étant dit, M. le chef de l'Opposition, je vais vous reconnaître pour votre motion de blâme. M. le chef de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Mme la Présidente, je veux vous faire part que vous pourrez nous arrêter après 25 minutes pour notre premier droit de parole et dix minutes pour chacun des deux intervenants, de notre côté. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Je voudrais présenter une motion de blâme. Je pense que nous vivons présentement la dernière session du présent mandat du gouvernement. Selon les annonces faites par le premier ministre, je ne pense pas qu'on ait à revenir en cette Chambre au mois d'octobre, puisqu'on sera sans doute en élections. Il est du devoir de l'Opposition d'étaler au grand jour l'attitude et l'administration du présent gouvernement et c'est ce que j'ai l'intention de faire au cours des quelques minutes qui me sont allouées.

Tout d'abord, parlons de l'échec, des échecs puisqu'il n'y a pas qu'un échec. Dans le domaine de la santé, ce gouvernement, qui nous accusait de pratiquer une médecine de guerre, ce gouvernement qui ne se gênait pas quotidiennement pour déplorer le type de politique que nous avions, n'a même pas souscrit, dans une politique finale et globale, aux principes fondamentaux de la commission Rochon. On en est à des énoncés de principe qui feront éventuellement partie d'une politique. Mais, après trois ans et demi au pouvoir, on n'a même pas accouché d'une politique en matière de santé. Mme la ministre a fait une tournée éclair où les individus et les groupes avaient deux minutes pour s'exprimer, alors qu'ils avaient pris le temps de le faire longuement devant la commission Rochon, pour en arriver à produire non pas une politique gouvernementale avec les crédits qui s'imposent, mais un document contenant des énoncés de principe même pas accompagnés des budgets nécessaires

pour les réaliser. Cela, c'est clair.

Je comprends ça, parce que j'ai été ministre de la Santé. Quand on n'a pas d'argent, on ne peut pas parler de politique, on parle d'énoncés qui seront peut-être un jour confirmés dans une politique. On n'a pas donné à Mme la ministre les sommes nécessaires pour qu'elle ait une politique en matière de santé. À mon point de vue, cela constitue un échec monumental pour ce gouvernement.

Médecine de guerre, disait-il. En janvier 1985, le premier ministre disait: C'est criminel, la façon dont on administre la santé présentement. Si c'était criminel et si c'était de la médecine de guerre, où en est-on rendus aujourd'hui? On en est rendus à une médecine moyenâgeuse, à une médecine de brousse.

Au moment où l'on se parle, c'est du jamais vu. En 1989, au Québec, on tolère la fermeture de lits pour fins d'équilibre budgétaire. Imaginez-vous, si c'est une politique de santé vigoureuse! Et cela, sans grève d'aucun groupe de la fonction publique. Les infirmières ne font qu'appliquer leur contrat de travail. Les autres catégories de salariés des hôpitaux n'exercent aucun moyen de pression. Et, malgré cela, Mme la ministre disait: II y a seulement 1091, 1097 lits de fermés. Cela, dans une période où on est supposé en avoir 100 % d'ouverts. Imaginez-vous quand les pressions vont commencer réellement! C'est de la médecine de quoi? Si c'était criminel de fermer quelques lits durant les vacances d'été, c'est quoi de les laisser fermés en pleine période où on devrait normalement desservir la population? Si c'était criminel de voir certains lits fermés l'été, comment qualifierait-on l'attitude du présent gouvernement qui se glorifie de n'avoir que 1097 lits de fermés? Entre vous et moi, ne pensez-vous pas que cela fait dur, un peu? Ne pensez-vous pas que vous devez ravaler vos paroles. (11 h 10)

Et la ministre se lève ce matin pour dire: Moi, j'ai 1 000 000 000 $ pour la santé. D'accord, on va regarder ça ensemble, on va démystifier le 1 000 000 000 $ de Mme la ministre. Mme la Présidente, quand j'ai quitté le ministère de la Santé et des Services sociaux, le budget était de 9 000 000 000 $. L'indexation annuelle de 9 000 000 000 $, depuis trois ans, mettez seulement 4 % si vous avez peur - il y a eu des années où c'a été plus que ça - c'est 360 000 000 $ par année, seulement pour l'indexation. Donc, 360 000 000 $ d'indexation sur 9 000 000 000 $, vous avez là votre 1 000 000 000 $. Où est l'argent neuf? Où est l'argent neuf? La santé coûte 10 000 000 000 $, présentement, 1 000 000 000 $ de plus qu'avant. L'indexation correspond à ce qu'elle a injecté.

Pour ce qui est des centres d'accueil, on leur a promis la lune. En trois ans, dans une période de prospérité économique, elle n'a pas réussi à ouvrir plus de 250 lits par an pour les personnes âgées, alors qu'en pleine crise écono- mique le gouvernement du Parti québécois a ouvert, en moyenne, 1000 lits par année pour nos personnes âgées en centres d'accueil d'hébergement. La médecine de guerre, où est-elle? La médecine criminellement appliquée par le Parti québécois, où est-elle par rapport à ce qui se passe présentement dans nos hôpitaux? Où est-elle par rapport à ce qu'on donne aux personnes âgées? Si c'était criminel, Mme la Présidente, c'est quoi, aujourd'hui? Si c'était de la médecine de guerre à l'époque, où en sont-ils avec leur médecine de brousse, avec leur médecine moyenâgeuse? Cela, c'est dans le domaine de la santé. Je pourrais longuement épiloguer dans le domaine de la santé parce qu'on n'a pas appliqué les recommandations de la commission Rochon, on a voulu camoufler cette étude. Cela ira à l'an 2000 et quelques avant qu'on ait une décentralisation quelconque dans le domaine de la santé.

Les CSS, ils sont vigoureux, Mme la Présidente. Chez nous, ils prennent les agents d'aide sociale des jeunes et des personnes âgées et ils leur disent: Occupe-toi de la liste de la protection de la jeunesse, elle est trop grosse, dégarnis-la. Là, ils arrêtent, au mois de septembre, tout placement en famille d'accueil. Vous savez, c'était quelque chose de bien. La jeunesse est censée être la priorité des priorités, disait l'honorable Robert Bourassa. La priorité des priorités, Mme la Présidente. On n'a même pas d'argent pour une jeunesse en danger. On sait comment les enfants sont vulnérables. Il y a des enfants agressés sexuellement. Il y a des enfants battus. Mme la Présidente, on a mis un petit montant de 2 000 000 $ pour toute la province, alors que, dans une seule région, celle de Lanaudière, ils sont en déficit de 2 000 000 $ pour la Loi sur la protection de la jeunesse. Cela fait dur, cela fait pitié. Ils appelaient ça de la médecine de guerre, alors que nous, pour la protection de la jeunesse, jamais on n'avait coupé les budgets.

Je pourrais continuer longtemps dans le domaine de la santé, mais je pense que c'est un échec. C'est un manque de vision globale, un manque de perception même des besoins des personnes et un manque de perception des remèdes à apporter. Pourquoi? Parce qu'on n'est pas près du monde, parce que le Trésor mène le ministère, parce qu'à toutes fins utiles on n'ajoute pas les crédits. Si on avait consacré - l'étude des hôpitaux du Québec le dit bien - le même pourcentage du produit intérieur brut que le gouvernement précédent appliquait, c'est-à-dire le gouvernement de M. Lévesque, eh bien, on aurait 500 000 000 $ de plus dans le domaine de la santé et des services sociaux et on n'assisterait pas au problème majeur auquel on assiste. Les personnes âgées, les jeunes, la délinquance québécoise se verraient octroyer des sommes pour leur venir en aide. Mais ce n'est pas ça, on a injecté 1 000 000 000 $, disent-ils, oui, mais ils diminuent la portion du produit intérieur brut pour la santé. Ils se glorifient,

mais c'est de la poudre aux yeux, du maquillage, ils sont passés maîtres dans ça. Mais dans les faits, l'importance de la santé au niveau de la part du produit intérieur brut diminue avec ce gouvernement. C'est 500 000 000 $ que ça vient chercher dans le domaine de la santé et que ça ne devrait pas venir y chercher.

Échec dans le domaine de la santé. Échec aussi dans le secteur de l'environnement. Ah, bien, de l'environnement, Mme la Présidente, ce n'est pas moi qui vais en parler; je vais laisser parler l'actuelle ministre de l'Environnement qui a fait le bilan de son propre gouvernement puisqu'elle vient à peine d'être nommée. Après le départ de l'ex-minlstre de l'Environnement, est apparue Mme la ministre de la culture à qui on a donné un second mandat, celui de l'Environnement. Et on lui a dit: Qu'est-ce que tu fais à l'Environnement? Ton prédécesseur était pourtant bon. Nous, de l'Opposition, disions depuis 1985: Le ministre de l'Environnement fait des beaux discours; il jase beaucoup, mais il ne fait rien. Personne ne nous croyait dans cette Chambre. Même la presse disait: II a un beau discours écologique; il a l'air bon. Il a fallu que ce soit l'actuelle ministre de l'Environnement qui donne raison à l'Opposition. Depuis trois ans et demi qu'on le disait, mais là, enfin, on le sait. Cela va être crédible, ce sera la ministre du gouvernement de Robert Bourassa, l'actuel gouvernement libéral.

Qu'est-ce qu'a dit Mme Bacon? Mme Bacon, l'actuelle ministre de l'Environnement, a dit de son ex-collègue: II parlait beaucoup mais il ne faisait rien. "Cliff pariait beaucoup, mais son administration ne suivait pas", dit-elle. "Quand je suis arrivée au ministère", ajoutera-t-elle... Et ce n'est pas moi qui parle, c'est elle, c'est entre guillemets, messieurs, dames. C'est la ministre de l'Environnement qui parle. C'est elle qui fait le procès de la qualité administrative de son gouvernement. Elle dit, Mme la Présidente: "Quand je suis arrivée au ministère, les dossiers, je les ai repris dans le même état que je les avais laissés." Pour votre information, Mme la Présidente, et pour l'information du public qui nous écoute, elle était critique en matière environnementale. Elle dit que, quand elle a pris la succession de M. Lincoln, député de Nelligan et ex-ministre de l'Environnement, elle les a pris dans la même même même situation qu'en 1985. On vous disait que, depuis trois ans et demi, vous n'aviez rien fait. Ce n'est plus nous qui le disons. C'est l'actuelle ministre de l'Environnement, Mme la députée de Chomedey, qui nous dit: Cliff pariait beaucoup, mais il ne faisait rien et, quand j'ai repris les dossiers, il n'y avait rien de fait. Échec à l'environnement.

Je pourrais vous donner une série d'exemples. Je pense, par exemple, à des programmes concrets sur les berges, à des programmes aussi importants que celui des déchets toxiques. Je pense aux déchets solides. Je pense, entre autres, à Saint-Basile. Quand on dit que ça fait deux ans qu'il y avait un règlement Ils ont attendu que ça saute. Et ils le savaient. Le sous-ministre est venu dire: On le savait que c'était dangereux. On touchait du bois pour que ça ne saute pas. Imaginez-vous si c'est responsable! Ce n'est pas nous qui disons ça. Ce sont des hauts fonctionnaires de l'État. C'est vrai qu'ils n'ont rien fait C'est un échec en matière environnementale.

Ils ont abandonné des programmes complets, Mme la Présidente, que les municipalités adoraient. Ils ont abandonné des responsables importantes. Regardez l'évolution des dépenses, le rythme des investissements en matière environnementale. En 1985-1986, c'étaient 700 000 000 $; en 1988-1989, 400 000 000 $. Ce ne sont pas des farces! En matière environnementale, échec, poudre aux yeux! Rejets industriels, déchets industriels, dépollution industrielle, là ils viennent d'annoncer qu'il va y avoir un grand programme. Il n'y a pas une cent là-dedans. On se fie à l'initiative des compagnies. On va aller loin, alors que l'Ontario injecte des dizaines et des dizaines de millions pour inciter l'industrie à se dépolluer. Pollueurs payeurs! On n'a Jamais pu toucher aux articles du contrat de la Noranda Mine pour savoir si le gouvernement ne payait pas pour la dépollution à Noranda Mine.

Mme la Présidente, je pourrais continuer longuement en matière environnementale, mais Je rappelle que le meilleur bilan qui s'est fait de ce gouvernement demeure celui de la ministre de l'Environnement actuelle qui a carrément dit que son prédécesseur n'avait rien fait et qu'elle a repris les dossiers dans l'état où 9s étaient en 1985. Je la remercie d'avoir eu l'honnêteté intellectuelle de faire un bilan aussi juste, un bilan aussi réaliste de la situation et un bilan que l'Opposition faisait, mais avait peine à faire croire à la population. Échec environnemental. (11 h 20)

Échec en matière de politique familiale. Mme la Présidente, ce gouvernement n'a aucun sens de ce qu'est la famille. Aucun sens. Ils ont commencé par dire: Pour faire taire les groupes familiaux, créons donc un comité consultatif. Cela occupe les gens. Oui, Us ont fait cela. Un geste très positif: un Conseil consultatif de la famille. Ensuite, ils ont dit: C'est quoi, la politique familiale? Nous allons la détailler. Le premier jalon de la politique familiale, après le conseil consultatif, a été de couper l'aide sociale aux femmes enceintes. Imaginez-vous! Le deuxième geste a été d'enlever la prime de disponibilité pour les femmes au foyer. Ils sont allés chercher au-delà de 100 000 000 $, I y a deux ans. Par la suite, ils ont annoncé des petits programmes pour les années ultérieures qui se financeront à même les coupures des programmes actuels. On a instauré une prime à la naissance, une prime à l'accouchement. Oui, accouche d'un troisième enfant et on va te donner 4000 $, quand on sait que les couples doivent élever ces enfants jusqu'à 18 ou 19 ans maintenant parce qu'ls

vont aux études, qu'en garderie les six ou sept premières années de la vie d'un enfant, c'est 4000 $ et plus par année par enfant. Et, on s'imagine que le suçon à l'accouchement constitue un jalon d'une politique familiale.

Une politique familiale consiste à offrir aux jeunes couples l'occasion d'avoir des revenus pour éduquer leurs enfants et non pas seulement à la naissance. Une politique familiale, ça tient compte et ça donne l'opportunité à un couple qui veut un enfant d'avoir une sécurité d'emploi. C'est donc par des amendements à la loi sur les normes minimales. Cela ne coûte rien et ils ne l'ont pas fait. Cela suppose un revenu décent, des allocations familiales mensuelles jusqu'à l'âge de 18 ans qui permettent aux couples qui veulent avoir des enfants de les élever en toute quiétude sur le plan des revenus.

Ce n'est pas une seule prime à l'accouchement, c'est aussi un système de garderies. Quand on sait qu'au Québec présentement on ne couvre même pas le tiers des besoins des parents alors qu'on voit la ministre responsable des services de garde couper de quelque 2000 places le plan de développement des garderies sous prétexte que c'est la faute du fédéral. Mais le Québec n'injecte pas les sommes nécessaires pour suivre un rythme de croissance normal important et indispensable si on veut véritablement avoir une politique familiale.

Ce gouvernement n'a aucune politique familiale. Tout ce qu'il y a encore dans cela, c'est de la poudre aux yeux. Une prime à l'accouchement, c'est une insulte à la femme. Dans une véritable politique familiale, si on s'adresse à des couples et qu'on veut les inciter à avoir des enfants, il faut leur en offrir l'opportunité sur le plan des revenus et cela, non seulement à l'accouchement, mais jusqu'à l'âge adulte et assurer les parents qu'ils n'auront pas à vivre une instabilité sur le plan du revenu, une insécurité qui va faire dire aux jeunes: Cela ne nous donne rien de mettre un enfant au monde, 4000 $ à l'accouchement quand on sait que seulement pour la première année en garderie cela va coûter 4000 $. Ce n'est pas cela, une politique familiale. Vous n'avez pas compris cela. C'est un échec monumental de ce côté-là aussi.

Sur le plan linguistique, je pense que là on ne devrait que lire le "clipping" de presse, comme on dit. Le champion des champions des bourdes et des gaffes en matière linguistique, le député de Pontiac, doit savoir de qui je veux parler, il n'y en a pas un comme le premier ministre du Québec qui a eu le don de se mettre les pieds dans les plats aussi bien que lui, d'une façon aussi raffinée que lui sur le plan linguistique. Cela a été une bouillabaisse épouvantable.

Rappelez-vous, il y a quelques années, il y a un an et demi, le premier ministre se levait dans cette Chambre - il est très dynamique, vous savez - pour nous dire qu'il avait une décision dans la tête. Il en avait tellement une et elle était tellement claire que, lorsqu'ils ont déposé le projet de loi 178, ils ont été obligés de prendre des procédures d'une couple d'heures parce que le projet de loi n'était même pas imprimé. Elle était tellement claire et tellement précise que le ministre d'alors, délégué au dossier de la langue - non, pas le député Bourget, excusez, je ne voudrais pas faire insulte au député de Bourget - le député de Rosemont, avait un amendement au crayon dans son projet de loi. On a fait accroire au député de Pontiac qu'il y aurait des enclaves linguistiques pour essayer d'arracher son vote pour la loi 178. Et je sais qu'il ne pourra pas se lever par solidarité ministérielle pour me dire: Mosus que tu as donc raison, Chevrette!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je me rappelle comment ce monsieur a voté. Je me rappelle ses déclarations télévisées où il disait: Moi, on m'a promis quand je me suis présenté aux élections qu'il y aurait des enclaves linguistiques. Après quelques jours, quand ils ont vu que les enclaves créaient problème, ils ont dit au député de Pontiac: Tes enclaves ne marchent plus. Tout comme ils avaient dit aux anglophones en 1985: Si vous votez pour nous, vous aurez l'affichage bilingue, d'une façon innocente et irresponsable, sans présumer des réactions de la majorité francophone. Le champion organisateur de la manifestation! Lorsqu'il sortira d'ici, si des centrales syndicales ont besoin d'un organisateur de manifs, qu'elles engagent l'actuel premier ministre. On a repris au Québec des manifestations linguistiques, ce qu'on n'avait pas vu depuis douze ans. On avait une paix linguistique au Québec depuis douze ans. Tout à coup, par une promesse irréfléchie, pour aller chercher un vote d'une façon malhonnête, on prend des engagements électoraux tout à fait irrationnels, sans évaluer les conséquences sur le climat social québécois. On va chercher le vote et, après ça, on ne le fait pas. On bâtit des formules bâtardes qui tiennent compte de demi-valeurs. Le français est en danger, disait-il, et c'est pour ça que j'opte pour l'affichage unilingue français à l'extérieur. Franchis la porte et, là, tu pourras parler anglais, chinois, n'importe quoi; tu pourras être bilingue à l'intérieur, c'est permis. Mme la Présidente, échec sur le plan linguistique, aussi. Échec sur le plan environnemental. Échec sur le plan de la politique familiale. Échec sur le plan de la santé et des services sociaux.

Je terminerai, Mme la Présidente, parce que je sais qu'il me reste trois minutes, en vous disant que cette équipe a induit en erreur les femmes québécoises. Rappelez-vous ce que vous avez dit aux femmes québécoises en 1985. Vous leur avez dit: Avec un gouvernement du Parti libéral, vous aurez la rente au foyer. Avez-vous remarqué qu'ils n'en parlent plus? Ils n'ont pas le début de l'ombre d'un bout de papier sur

lequel il y aurait une politique pour accorder des rentes aux femmes québécoises au foyer. Encore une fois, promesse farfelue, mal évaluée. Ils ont voulu endormir les femmes québécoises, mais elles ne sont pas dupes.

Ils ont endormi les jeunes Québécois et ils leur ont menti. Je me rappelle que 5000 jeunes se sont rendus au centre Paul-Sauvé en autobus applaudir le premier ministre qui leur disait: Les jeunes, je mettrai 25 000 000 $ de plus pour les bourses d'études. Ils ne les a jamais mis. Au contraire, il a transformé les bourses en prêts pour endetter les étudiants de 100 000 000 $ de plus qu'avant. Il a dit aux jeunes: Je créerai 2000 postes dans la fonction publique pour vous autres. Il a coupé 1400 postes dans la fonction publique pour les jeunes. C'est ce qu'il a fait, Mme la Présidente.

On s'apprête à aller en élections. Dans quelques mois à peine, nous serons en élections. Il va encore s'essayer et payer des jeunes 5 $: Embarque dans l'autobus. Tu mangeras une soupe ou un "hot dog". Viens applaudir le premier ministre. On va vous dire n'importe quoi. Mme la Présidente, à deux reprises en quelques mois, le premier ministre a dit: Vous savez, nous, les discours avant et les discours après, on connaît ça. Je pense que le premier ministre s'est démasqué lui-même. Les enclaves avant et pas d'enclaves après. Les rentes avant, mais pas de rentes après. Les postes dans la fonction publique avant, mais pas après. Les bourses avant, mais pas après. L'aide sociale, la parité avant, mais une fausse parité après. Et on pourrait continuer. Un paquet: 2 000 000 000 $ en routes avant, pas une cent après. À part ça, au moment où l'on se parle, un budget moindre qu'en 1985.

Une voix: Le déficit.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, je vais continuer. Le développement régional, grosses promesses avant, petit budget après. C'est de même que ça marche. Des gens sans parole, irrespectueux, qui ne méritent que le blâme de l'Opposition. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. (11 h 30)

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, vous me permettrez de réagir aux propos du chef de l'Opposition. Au point de départ, je voudrais immédiatement corriger des chiffres qu'il a donnés et qui sont inexacts. Il avance que c'est faux que le gouvernement a ajouté de l'argent neuf parce que lorsqu'ils ont quitté - où a-t-il pris ses chiffres, ça n'est pas possible - au ministère de la Santé et des Services sociaux, on dépensait 9 000 000 000 $. Là, on en dépense 10 000 000 000 $. Si on calcule l'indexation, dans le fond il n'y a rien eu d'ajouté, il n'y a pas eu d'argent neuf d'ajouté. Je ne peux pas croire que le chef de l'Opposition puisse dire des choses aussi inexactes que celles-là.

Une voix: Des énormités!

Mme Lavoie-Roux: À cet égard, je voudrais simplement vous dire qu'en 1985-1986, qui a été la dernière année de gouvernement du Parti québécois, au ministère de la Santé et des Services sociaux le budget était de 6 198 000 000 $. Ceci exclut la Régie de l'as-surance-maladie. En 1989-1990, nous sommes à 8 114 000 000 $, soit un écart de 2 000 000 000 $ net. Alors, comment peut-il prétendre que c'était un montant de 9 000 000 000 $, que c'est rendu à 10 000 000 000 $, que c'est de l'indexation? Je comprends que c'est un baroud d'honneur que l'Opposition fait. Il est fort probable que nous serons en élections à l'automne, Mme la Présidente, et, à ce moment-ci, disons n'importe quoi.

Il y a un vieux proverbe que je ne citerai pas en cette Chambre pour ne pas être l'objet de représailles de votre part, Mme la Présidente, mais je pense que tout le monde sait ce dont je parle. On peut semer beaucoup d'inexactitudes. Peut-être en restera-t-il dans l'opinion populaire. C'est ce que l'Opposition essaie de faire.

Il dit: Vous n'avez pas mis un cent d'argent neuf. Vous allez me permettre, très brièvement, Mme la Présidente, de rappeler que strictement dans la santé, d'abord, nous avons commencé par effacer les déficits accumulés des hôpitaux que nous avait laissés l'ancien gouvernement parce que les hôpitaux étaient sous-financés. Nous avons résorbé un déficit de 284 000 000 $. Là-dessus, j'admettrai que ça n'est pas strictement de l'argent neuf. Mais nous avons redressé les bases budgétaires parce qu'il était fort évident que les hôpitaux ne pouvaient pas continuer de fonctionner avec un régime où on cumulait déficit par-dessus déficit parce qu'on était sous-budgétisés.

Nous avons redressé les bases budgétaires de 100 000 000 $. Cela, c'est de l'argent neuf, Mme la Présidente. Pour une première fois, nous avons introduit un coût de système, c'est-à-dire un pourcentage qui est versé chaque année comparativement au budget global pour faire face au vieillissement de la population, l'augmentation de la productivité ou des activités et le développement technologique. À ce titre, c'est un autre montant de 166 000 000 $ que les hôpitaux sont allés chercher. Et ça, ce n'est pas de l'argent neuf? Bien, où était le coût de système quand ils étaient là si ce n'est pas de l'argent neuf?

On a ajouté également, pour le fonctionnement des hôpitaux et les mesures de désengorge-ment des urgences, 115 000 000 $ cette année qui seront versés à ce titre pour aider les hôpitaux à faire face à leurs obligations dans ce domaine. Il me fait plaisir de dire que ceci a

permis des progrès remarquables dans les urgences. Évidemment, on oublie comment c'était en 1985, 1984, 1983. Il faudrait aller voir ce qui se passait à ce moment. Il reste encore des problèmes, je ne veux pas faire un discours sur les urgences, mais vous dire que là encore c'est de l'argent neuf. Où en sommes-nous strictement, avec les sommes que je viens d'invoquer? Si j'ajoute ce que nous avons mis pour l'alourdissement des clientèles et les services à domicile pour les personnes âgées avec l'année qui vient, c'est un montant de tout près de 60 000 000 $ que nous avons ajouté, Mme la Présidente, et on en a prévu pour l'an prochain.

J'ai entendu le chef de l'Opposition parler de la protection de la jeunesse, qu'on ne s'occupait pas de la protection de la jeunesse, etc. D'abord, il y avait aussi quelques milliers d'enfants sur les listes d'attente quand ils ont quitté. Il n'y en avait pas 3000. Ça, je l'admets. Mais, Mme la Présidente, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, dans tous les établissements de santé et de services sociaux où le gouvernement antérieur a coupé, les services qui ont été le plus lourdement affectés par des coupures réelles, ce sont les centres de services sociaux. On a d'abord fait une coupure globale de tout près de 20 000 000 $ dans les centres de services sociaux - il y en a quatorze au Québec - et, de ces 20 000 000 $, tout près de 5 000 000 $ étaient directement reliés à la protection de la jeunesse. Depuis ce temps, nous aurons ajouté tout près de 9 000 000 $ dans la protection de la jeunesse.

Vous voulez d'autres chiffres? Mme la Présidente, on parlait au Québec, depuis des années à ma connaissance, des problèmes en santé mentale. On s'inquiétait beaucoup des gens qui, depuis le début des années soixante, n'étaient plus institutionnalisés ou encore étaient désinstitutionnalisés. Le gouvernement qui nous a précédés nous a promis une politique dans ce domaine, année après année. Ils n'ont jamais rien fait. J'ai eu le plaisir de l'annoncer - c'est une des choses que j'ai accomplies à la Santé, qui est très importante pour moi parce qu'elle touche souvent les plus démunis - nous avons une politique de santé mentale avec un montant de 32 000 000 $ qui y est rattaché sur une période de quatre ans. On pourrait ajouter les services pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle; là encore, le gouvernement n'avait jamais rien fait. On vivait avec les crédits qui étaient déjà dans les institutions. Des années, on indexait; d'autres fois, on n'indexait pas. Au moins, nous avons posé un geste. Nous avons mis 8 000 000 $.

En alcoolisme et toxicomanie, ce gouvernement n'y a jamais touché pendant qu'il était là. L'indexation courante quand il y avait de l'indexation, mais jamais de ressources nouvelles. Nous avons mis 4 000 000 $.

Je pense que ceci est suffisant pour dire que, quand les gens d'en face viennent nous dire:

C'est un échec dans la santé, il faut avoir joliment de culot. J'ai eu l'occasion, à la période de questions, de lire certaines déclarations de ministres du gouvernement du Parti québécois dans le temps. Aimeriez-vous que je vous en ajoute quelques-uns?

Des voix: Ah oui! Absolument.

Une voix: Ce serait bon de le rappeler.

Une voix: Rectifier les faits.

Mme Lavoie-Roux: D'abord, je voudrais dire qu'au point de départ, durant la période de leur gouvernement, ça n'a pas toujours été la crise. Ils ont commencé en 1976, cela a continué en 1977, 1978, 1979 et, quand on prend l'ensemble de la santé et des services sociaux, soit à titre de coupures budgétaires ou de redressements budgétaires, parce que je fais une différence entre les deux... Les coupures, c'est quand on va directement vous chercher de l'argent et les redressements, c'est quand on vous dit: administrez autrement. Mais, à ces deux titres, c'est 700 000 000 $ qui ont été coupés. Si j'ajoutais les quelque 300 000 000 $ à 400 000 000 $ qu'on a coupés aux employés du réseau, aux infirmières, entre autres - c'est 300 000 000 $ à 400 000 000 $ qu'on a coupés - on serait rendu au-delà du 1 000 000 000 $, Mme la Présidente.

Mais je vais juste vous citer dans quel esprit ces gens... Je vous ai raconté que le ministre Bérubé, dans le temps, disait: II faut arrêter de se promener en Cadillac; on va se promener en Volkswagen. Leur ancien chef, M. Pierre Marc Johnson, disait: II y a encore beaucoup de place pour des coupures dans l'armée de personnel que compte le réseau. Est-ce assez fort pour vous? Il était ministre de la Santé et c'est ça qu'il disait.

Aujourd'hui, on nous dit: Écoutez, on manque de personnel à droite; on manque de personnel à gauche, etc. C'est exact dans certains domaines, et c'est ce qu'on tente de solutionner quand on ajoute de l'argent, pour l'alourdissement des clientèles, entre autres, pour essayer d'alléger la tâche des gens. Vous savez, réparer les dommages qui ont été faits pendant dix ans, même avec les sommes considérables que nous ajoutons... Je vous dirai, par exemple, que cette année, de tous les crédits nouveaux qui apparaissent dans les dépenses gouvernementales, il y en a 36 % qui vont à la Santé et aux Services sociaux. On ne parle plus des 22 %, 23 %, 24 %; on parle de 36 % des crédits additionnels qui ont été ajoutés. Alors, Mme la Présidente, je pense que cette démonstration est faite. (11 h 40)

Je voudrais ajouter, à la suite des remarques de la commission Rochon, qu'il me ferait plaisir de vous dire que même leur chef, M. Parizeau, et je l'en remercie, a considéré que les

orientations gouvernementales en matière de santé et de bien-être que j'ai rendues publiques avaient pour lui une importance égale à celles de la commission de l'éducation, c'est-à-dire celles qui avaient été rendues publiques au début des années soixante touchant le rapport Parent. Il a fait une comparaison favorable de ces orientations que j'ai rendues publiques avec le rapport Parent. Alors, ça ne doit pas être si mal.

On dit: Cela vous a pris trois ans. Mme la Présidente, c'est assez incompréhensible. Ils ont mis sur pied la commission Rochon après que nous l'ayons suggéré alors que nous étions dans l'Opposition en mars 1985; ils l'ont finalement créée en juin et nous avons repris et modifié quelque peu son mandat. La commission nous a remis son rapport en février 1988. Alors, à peine treize mois plus tard, je rendais publiques les orientations gouvernementales qui ont été endossées par le gouvernement et qui ont été reprises dans le discours sur le budget. Je veux bien que l'on dise que ça fait trois ans, mais cela fait un an que nous avons reçu le rapport et je pense qu'il convenait, compte tenu du fait que la commission Rochon n'avait pas pu aller tester ou vérifier ses recommandations, que nous y allions et que nous en ajoutions d'autres, et ceci a donné comme résultat les orientations gouvernementales en matière de santé et de bien-être.

Il y aura éventuellement une commission parlementaire sur un avant-projet de loi et je pense que, prises globalement, ces orientations gouvernementales sont bien perçues. D'ailleurs, je dois le reconnaître, Mme la députée de Chicou-timi trouve qu'il y a aussi beaucoup de bon dans ces orientations gouvernementales. Elle me l'a dit à quelques reprises lors de l'étude des crédits.

Je voudrais dire quelques mots sur la question de la politique de la famille, Mme la Présidente. Là aussi, on a eu droit à une foule de reproches. Je voudrais simplement vous dire en terminant que maintenant on parle du Conseil de la famille - ils vont être très flattés - comme d'un petit comité consultatif qui n'a pas d'importance. C'est ce que le chef de l'Opposition nous a dit. Nous avons mis en place le Conseil de la famille et nous avons également pris un bon nombre de mesures en faveur des familles. Je n'en mentionnerai que quelques-unes. Là où les mesures ont été particulièrement significatives, c'est dans le soutien économique aux familles. Je vous rappellerai simplement que l'aide financière accordée par le gouvernement à l'égard des familles totalise, en 1989, 1 569 000 000 $, une augmentation de 93 % en quatre ans sous forme de réductions d'impôts pour le soutien aux familles. Mme la Présidente, c'est très significatif.

Du côté des services de garde à l'enfance, nous avons aussi ajouté 32 000 000 $. On aurait souhaité en ajouter un peu plus, mais on sait ce qui est arrivé avec le gouvernement fédéral, qui n'a pas livré la marchandise; alors, on a réduit un peu. Il reste que c'est quand même très significatif ce que nous faisons du côté des garderies. Et je dois vous dire que nous sommes également à terminer le plan d'action en matière de famille et j'ose espérer que nous pourrons le rendre public d'ici peu.

Mme la Présidente, la famille est un élément essentiel fondamental de notre société. Je tiens à le dire, parce que je sens cette préoccupation très profonde de la part du premier ministre, M. Bourassa, en ce qui a trait à la famille, en ce qui a trait également à tout le phénomène démographique du Québec. Je pense qu'à ce sujet j'ai eu un appui inconditionnel du premier ministre, comme d'ailleurs j'ai eu son appui inconditionnel dans toutes les mesures sociales que nous avons pu mettre de l'avant en matière de santé et de services sociaux. C'est parfois une chose qu'on peut ignorer parce que M. Bourassa projette toujours la figure de l'économiste, qui est extrêmement importante aussi, parce que tout cet argent-là il faut qu'il soit produit quelque part. Mais je tiens à dire à cette Assemblée que cette conscience sociale du premier ministre m'a été extrêmement utile et a épaulé toutes les initiatives que j'ai prises.

Je pense que nous allons de l'avant, que nous faisons du progrès. Les objectifs de la politique de santé et de bien-être sont présentement rendus dans les régions. Chaque région valide ses objectifs, je pense que cela va de soi, puisqu'on parle d'une orientation allant vers la décentralisation. Si nous avions d'autorité déterminé les objectifs, on nous le reprocherait: Vous parlez de décentralisation et de participation. Nous avons demandé aux régions, et ce geste est déjà fait, de procéder à la validation des objectifs.

Le défi que nous aurons à relever demain dans le domaine de la santé et des services sociaux est un défi du ministre titulaire, un défi du gouvernement, mais aussi un défi de société. Pendant trois ans et demi, j'ai travaillé pour préserver ce qui m'apparait le plus essentiel pour notre population, des services de santé universels, accessibles et gratuits en ce qui a trait aux services assurés. Je pense que chacun devra prendre conscience des charges énormes que cela représente pour les contribuables, pour les gouvernements. Dans la mesure où nous pourrons orienter notre système d'une façon un peu différente en mettant l'accent sur ce qu'on appelle les déterminants de la santé, les habitudes de vie afin de réduire les coûts énormes reliés au domaine curatif, de la même façon, chacun se sentira plus responsable. Les ministères au niveau provincial et, à un niveau décentralisé, en collaboration avec les municipalités et les groupes touchant l'environnement, ensemble, nous pourrons relever ce défi de garder à notre population des services de santé et des services sociaux de qualité qui visent avant tout le bien-être de nos concitoyens. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L Blackburn

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. L'argument le plus fort de la ministre, c'est de dire: C'est la faute du PQ. Il me semble qu'on ne peut pas dire de telles choses sans rougir. Lorsqu'elle accuse le gouvernement du Parti québécois d'avoir fait des ponctions importantes dans la masse salariale du personnel de la fonction publique, elle a raison. Effectivement, on a pris les mesures qu'elle connaît. Mais elle doit également reconnaître que, si la mesure était aussi injuste, inacceptable, immorale, indécente, elle aurait dû, en quatre ans, trouver le moyen de corriger la situation. Ne reconnaît-elle pas également que, si une telle mesure n'avait pas été prise, elle ne serait pas capable d'investir ailleurs, comme elle le fait actuellement? Je pense qu'on ne peut pas dire n'importe quoi sans en rougir. Elle a l'occasion de réparer l'injustice que nous aurions créée en redressant, entre autres, le salaire des infirmières et en reconnaissant aux fonctionnaires de la fonction publique le droit à l'enrichissement collectif. Ils en ont l'occasion, ils sont en négociation. On est dans une phase de relative prospérité économique. Qu'est-ce que ce gouvernement attend? On ne peut pas dire n'importe quoi, comme cela. C'est proprement indécent et inacceptable. Écoutez, à un moment donné, la vérité a ses droits. Je trouve que cela manque totalement de crédibilité. Si on a été injustes, qu'ils corrigent cela. Cela fait quatre ans qu'ils sont là, ils sont en période de négociation. C'est le temps qu'ils reconnaissent aux fonctionnaires le droit à l'enrichissement collectif et aux infirmières le droit à un travail organisé de façon un peu plus décente. Et là-dessus, on n'a encore rien entendu.

Je voudrais aussi que la ministre réponde - elle ne l'a pas fait tout à l'heure à l'occasion de la période de questions - à l'Association des hôpitaux du Québec qui démontre, chiffres à l'appui, que si la proportion du produit intérieur brut consacrée aux hôpitaux avait maintenu le même rythme entre 1986 et 1989 qu'entre 1982 et 1985, seulement dans les hôpitaux de soins de courte durée, il y aurait eu 500 000 000 $ de plus. Je vois que la ministre nous quitte; cela ne doit pas lui faire plaisir d'entendre ces choses.

Mme la Présidente, le gouvernement du Québec a renié ses engagements. Les engagements pris en 1985...

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement, Mme la ministre.

(11 h 50)

Mme Lavoie-Roux: Puisqu'on m'impute des motifs pour mon départ, je voudrais simplement signaler à cette Chambre que je dois participer à des travaux importants au Congrès international sur le sida. En passant, c'est un autre projet où nous avons investi plus de 21 000 000 $.

La Vice-Présidente: II y a des coutumes en cette Chambre et de la jurisprudence, Mme la députée, on ne peut soulever l'absence d'un ministre en Chambre. Cela étant dit...

Mme Blackburn: Mme la Présidente, je n'ai pas soulevé l'absence, j'ai soulevé le départ.

Des voix: Ah!

La Vice-Présidente: Cela étant dit... Mme Blackburn: Non, mais c'est exact. La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre!

Mme Blackburn: Je reconnais, Mme la Présidente, que la ministre peut avoir d'autres occupations, mais j'aurais aimé qu'elle prenne aussi connaissance de la lecture que font toutes les institutions dans le domaine de la santé de la situation actuelle qui n'a jamais été aussi précaire.

Le gouvernement avait pris un certain nombre d'engagements en période électorale et il a renié la plupart de ses engagements. Il a méprisé ses engagements à l'endroit des personnes âgées; il a méprisé ses engagements à l'endroit des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises; il a méprisé ses engagements à l'endroit des femmes; il a également méprisé ses engagements à l'endroit des malades; il méprise ses engagements aussi à l'endroit des enfants. Le Parti libéral, en campagne électorale, s'était engagé à créer, pour les personnes âgées, un office de la protection des personnes âgées et à mettre en place une politique. On attend toujours cet engagement, quatre ans plus tard. Le Parti libéral, en campagne électorale, dans son programme de 1985, s'était engagé, s'il était élu, à adopter un programme intégré échelonné sur plusieurs années qui devrait prévoir l'augmentation planifiée de la capacité d'accueil, tant dans le privé que dans le public. On parlait des centres d'accueil d'hébergement. Voyons la situation.

Le Parti québécois, de 1976 à 1984, a créé 12 000 places en centres d'accueil et en pavillons. Le Parti libéral en avait créé 1000 en six ans, de 1970 à 1976. Et, tenez-vous bien, combien le Parti libéral a-t-il créé de nouvelles places permanentes en centres d'accueil pour les personnes âgées dans près de quatre ans? Bien, 450. Il y a, actuellement, 5000 personnes qui ont été évaluées et qui sont en attente de placement

dans les centres d'accueil: mépris des personnes âgées, mépris des engagements pris à leur endroit.

Le gouvernement a également été méprisant à l'endroit des femmes. À l'endroit des femmes, y s'était engagé à faire adopter une politique d'accession au Régime de rentes pour les femmes au foyer. Il n'y avait rien de trop beau. Nous étions des incapables et on manquait de volonté. On attend toujours cette politique! Il s'était engagé, également, à doter le Québec d'un réseau de garderies. On connaît les décisions. Il s'était également penché sur toute la question de l'équité salariale. L'actuel président du Conseil du trésor maintient qu'il n'y a pas de discrimination et qu'il y a équité salariale au Québec. Il ne reconnaît pas qu'il n'y a pas d'équité salariale. Les principales personnes touchées, ce sont les femmes.

Le Parti libéral, en campagne électorale, s'était engagé à reconnaître la pratique des sages-femmes. Après sept rapports, dont un qui a été déposé à la demande de la ministre elle-même, qui est sur sa table depuis deux ans, après l'engagement formel de l'Opposition de collaborer en vue de faire adopter un projet de loi reconnaissant la pratique des sages-femmes, nous n'avons encore rien a quelques jours de la fin de la présente session et à l'approche de la prochaine campagne électorale.

Le gouvernement libéral a également méprisé les jeunes. Il s'était engagé à améliorer l'aide financière aux étudiants. Belle amélioration! Il a accru l'endettement des étudiants, sur trois ans, de 100 000 000 $. Il n'y a pas plus d'emplois dans la fonction publique pour les jeunes. On néglige les maisons d'hébergement pour les jeunes et on est aussi méprisant à l'endroit des jeunes qu'on l'a été à l'endroit des femmes. Il avait également promis la parité de l'aide sociale et 78 % des jeunes de moins de 30 ans n'auront pas accès à la parité de l'aide sociale. C'est un profond mépris des engagements pris à l'endroit des plus faibles.

Dans les hôpitaux, vous dressez la liste - et je l'ai - des lits qui sont fermés pour fins d'équilibre budgétaire, sans aucune considération pour les personnes malades qui sont en attente d'une chirurgie, Mme la Présidente. On appelle ça du mépris, mépris des engagements pris, mépris à l'endroit des malades, mépris du droit des personnes à des services de santé en quantité suffisante et en qualité raisonnable et surtout mépris du droit à l'accès aux services de santé.

Ils ont respecté des engagements, et il faut le rappeler, des engagements pris à l'endroit des "illégaux". Non seulement a-t-on amnistié les "illégaux* inscrits dans les écoles anglaises à Montréal, mais, en plus, c'était le frère, la soeur, les cousins et les cousines dans certains cas, et les descendants. On a respecté cet engagement. On a respecté l'engagement d'offrir des services en anglais. Partout sur le territoire du Québec on a investi 1 000 000 $, 1 200 000 $ par année sur cinq ans, alors qu'on sait qu'on n'a même pas de tomographe axial à l'hôpital de Chandler, alors qu'on aurait pu desservir les anglophones et les francophones si cela avait été le choix qui avait été fait. Sauf qu'on a choisi, on a respecté cet engagement. On a respecté l'engagement sur l'affichage bilingue, à tout le moins en partie. On a également respecté l'engagement sur la privatisation et une des solutions de la ministre, c'est d'accroître la privatisation dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Ce gouvernement, Mme la Présidente, mérite d'être blâmé, et très sévèrement, parce qu'il a méprisé les engagements pris à l'endroit des plus démunis de la société. Et 20 % de nos enfants, au moment où l'on se parle, naissent d'une mère qui vit dans la pauvreté ou dans une extrême pauvreté. C'est un mépris énorme à l'endroit des plus démunis du Québec et je pense que c'est ce que la population va retenir. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Mégantic-Compton, en vous rappelant qu'il reste 28 minutes a votre formation.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, Mme la Présidente. La motion présentée par l'Opposition officielle m'apparaît exagérée, incorrecte et non fondée. En effet, depuis 1985, le gouvernement libéral a accompli un travail énorme en vue d'améliorer la qualité de vie de l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. En fait, le gouvernement a clairement énoncé son intention, dès 1985, de mettre l'accent sur la protection et la promotion de la qualité de l'environnement au Québec, qui se sont traduites par une préoccupation majeure au plan ministériel. Souvenons-nous également, Mme la Présidente, que le Parti libéral du Québec fut la seule formation politique à avoir élaboré une charte de la qualité de vie. L'Opposition officielle affirme, sans trop de vérifications, que le gouvernement libéral n'a pas respecté ses engagements électoraux, notamment en matière d'environnement.

Pourtant, sans passer en revue chacun des engagements électoraux pris par notre formation politique durant la dernière campagne électorale, soulignons que notre parti avait d'abord procédé à un constat général de la situation environnementale au Québec. Dans ce constat, des engagements ont été pris et portaient sur tous les milieux, tant aquatique que terrestre ou atmosphérique. Il faut retenir de cette façon de travailler qu'une série de sujets reliés à l'environnement font maintenant l'objet d'énoncés de politique ou même d'actions concrètes posées par le gouvernement libéral depuis 1985.

De façon plus générale, notre formation politique a reconnu que la qualité de vie des citoyens et citoyennes est une valeur fondamentale de notre société. Notre formation politique a également travaillé avec les intervenants du milieu, tant du secteur privé que public, collectivement ou individuellement. (12 heures)

La problématique environnementale définie par les membres du conseil général, en janvier 1985, s'énonçait ainsi dans le programme du Parti libéral, et je cite: "On peut définir la problématique de l'environnement comme le fait que la logique du développement économique contemporain n'assume pas un certain nombre de relations entre l'homme et le milieu". Cette définition avait été élaborée à la suite des dénonciations constantes faites par le Parti libéral du Québec entre 1976 et 1985 alors qu'il formait l'Opposition officielle. Le Parti libéral du Québec n'a cessé de dénoncer notamment l'inaction de l'ancien gouvernement dans plusieurs dossiers que le gouvernement péquiste avait pourtant promis de prendre de front. Mentionnons, entre autres, les dossiers de la pollution agricole, la pollution urbaine, la pollution industrielle, la gestion des déchets solides, la gestion des déchets toxiques, la protection des espaces verts, autant de dossiers dans lesquels les problèmes persistaient sans qu'aucune solution concrète ne soit offerte aux Québécois.

Le dossier plus brûlant des BPC faisait également l'objet de nombreuses questions de la part de l'Opposition libérale ainsi que de nombreux débats sous forme de motions ou de questions posées à l'Assemblée nationale. La seule réponse du gouvernement péquiste de l'époque avait de quoi rendre sceptique n'importe lequel observateur du milieu environnemental.

Les ministres de l'Environnement qui se sont succédé sous l'ancien gouvernement n'ont cessé de se plaindre publiquement du manque de fonds pour venir à bout de tous ces dossiers. Le dernier ministre de l'Environnement sous le gouvernement du Parti québécois se plaignait de devoir agir en pompier parce que son gouvernement refusait de lui accorder les crédits nécessaires qui lui auraient permis d'annoncer quelques mesures en matière environnementale.

L'une des idées maltresses du programme libéral en matière d'environnement reposait sur la nécessité d'une politique gouvernementale globale. Aujourd'hui, trois ans plus tard, ce défi est en voie de réalisation grâce à l'intervention planifiée du présent gouvernement dans tous les secteurs reliés de près ou de loin à l'environnement. Certes, après que l'environnement eut été délaissé pendant près de dix ans, il faut comprendre que notre gouvernement a hérité d'une situation désastreuse au point où tous les intervenants de groupes écologiques avaient fini par se décourager du dialogue vide et sans substance de l'ancien gouvernement. À titre d'exemple, je citerai deux gestes concrets posés par le présent gouvernement pour favoriser la réflexion globale en matière d'environnement. En premier lieu, le ministre de l'Environnement évoquait récemment, lors de l'étude des crédits, une série de tables rondes qui se déroulent avec les intervenants privés et publics afin de trouver des solutions réalistes aux différents problèmes sectoriels, compte tenu de la nécessité de protéger et de promouvoir notre environnement dans le contexte des nouveaux défis économiques. Ce travail n'est peut-être pas aussi éclatant que les conférences de presse données par l'ancien gouvernement, mais le travail effectué sur le terrain permet un éclairage beaucoup plus substantiel, intéressant et motivant pour tous les intervenants du milieu. Les solutions, quant à elles, n'en seront que plus efficaces et plus faciles d'application pour l'ensemble de la société québécoise.

Un deuxième exemple est le dépôt de l'énoncé de politique globale en matière environnementale. Cet énoncé s'inscrit dans la foulée des engagements électoraux du présent gouvernement. Vous aurez compris que je fais allusion au document intitulé: "Un nouveau cap environnemental" dans lequel on met l'accent sur la conservation comme agent de progrès dans notre société. On y mentionne notamment que la notion de conservation doit maintenant être considérée comme le fondement d'un développement économique et social durable. C'est probablement là le plus grand défi de la société québécoise à l'horizon des années 2000. Pour y parvenir, le gouvernement ne suggère rien de moins qu'un changement dans les façons d'agir, aussi bien au sein du ministère de l'Environnement qu'au sein de la société en général. Pour y parvenir, enfin, le gouvernement préconise une collaboration soutenue des autres ministères. C'est ce qu'on appelle une gestion intégrée qui tient compte des différentes vocations de près d'une trentaine de ministères qui, quotidiennement, accomplissent des gestes en matière environnementale. Qu'il s'agisse de transport, d'écologie, d'agriculture, de culture, bref, tous les ministères du gouvernement du Québec ont notamment une imputabilité certaine à l'égard de l'environnement. Ce travail de réflexion fut l'aboutissement de deux années d'études au ministère de l'Environnement. Il s'agissait pour le gouvernement d'orienter le ministère vers la conservation et la promotion d'un environnement sain et de qualité.

Dans ce document, la question environnementale est présentée comme un véritable choix de société, un véritable défi qui reposera sur la responsabilité de chacune et de chacun des Québécois. Il va sans dire qu'un dialogue constant devra être suivi d'actions concrètes en vue de protéger notre environnement. Les choix à effectuer à l'aube des années quatre-vingt-dix ne sont ni plus ni moins qu'un héritage d'une société dite moderne qui, à l'époque du développement industriel, a, de façon involontaire, altéré la qualité de l'environnement. Aujourd'hui, H ne

s'agit pas de pointer un doigt accusateur vers qui que ce soit, car la vision d'hier n'est plus celle d'aujourd'hui ni celle de demain, il s'agit plutôt de corriger le tir, de réorienter nos politiques tant globales que sectorielles vers un environnement de qualité. En termes de réalisations, le gouvernement québécois a suivi un plan cohérent dans la perspective d'une protection et d'une promotion de l'environnement qui demeurent les préoccupations majeures de notre formation politique aussi bien que de l'ensemble de la société. Pour rendre compte du bien-fondé de cette affirmation, je vous propose un coup d'oeil rapide sur les gestes concrets du présent gouvernement, depuis 1985, et ce, d'année en année.

En 1986, le gouvernement a présenté et a fait adopter une loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics. On doit souligner également la publication du rapport du groupe de travail sur le programmme d'assainissement des eaux du Québec. Pour assurer aux Québécois des eaux de qualité, le gouvernement a élaboré un programme de surveillance des eaux de baignade des plages publiques. Par la suite, fut adoptée une politique de protection des rives et du littoral. En matière d'assainissement des eaux, le présent gouvernement a maintenu un rythme d'investissements significatifs et a poursuivi le programme de la prime aux municipalités. Dans le dossier des déchets toxiques, toujours en 1986, le gouvernement a effectué une révision de la réglementation sur les déchets dangereux et il a préparé une politique de gestion des sols contaminés. Enfin, 63 inspecteurs en matière d'environnement ont suivi un cours de formation sur les techniques d'enquête. Le dossier de la stabilisation des berges du lac Saint-Jean n'en finissait plus de piétiner sous l'ancien gouvernement. Le gouvernement libéral a réussi à signer une entente avec la Société Alcan relativement à ce dossier. Le gouvernement a également encouragé la participation au programme de récupération en milieu scolaire. Sur le plan international, Québec a proposé un code international d'éthique et a signé une entente avec l'État de New York sur la pollution transfrontalière.

En 1987, l'essence avec plomb fut assujettie à une taxe équivalente à celle applicable au carburant sans plomb. De plus, une somme de 1 000 000 $ fut allouée au fonds de suppléance du ministère des Finances pour contrer le dépérissement des érablières affectées par les pluies acides et les pesticides utilisés en agriculture. Enfin, une somme équivalente fut offerte aux producteurs de tabac afin qu'ils s'orientent vers un autre type de production.

En 1988, un autre bilan intéressant. L'année aura été tout aussi importante dans le domaine de l'environnement. Le gouvernement québécois a consolidé des actions conséquentes aux engagements électoraux. À titre d'exemple, signalons l'injection d'une somme de 400 000 000 $ annuellement pour poursuivre la réalisation du programme d'assainissement des eaux entrepris dans toutes les régions. (12 h 10)

De plus, une autre somme de 400 000 000 $ fut allouée, celle-ci échelonnée sur dix ans, pour combattre et prévenir les pollutions agricoles. Le programme pour les réseaux d'aqueduc et dégoût, mieux connu sous le nom de AIDA, a fait l'objet d'investissements de l'ordre de 50 000 000 $ en 1988. Une signature importante est intervenue entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial sur la question de la dépollution du fleuve Saint-Laurent. D'autres ententes intergouvernementales furent signées dans le cadre de la lutte contre les pluies acides.

Encore en 1988, on note l'annonce des politiques de protection des berges ainsi que d'une politique des neiges usées. A la suite de l'adoption de la Loi sur la qualité de l'environnement, le gouvernement a présenté et a fait adopter la loi 99 sur la surveillance de l'environnement. Cette loi est majeure dans la mesure où le gouvernement donnait suite à un engagement électoral visant à améliorer la protection et la promotion de notre qualité de vie.

Pour l'année en cours, 1989, la ministre de l'Environnement a exposé les objectifs dans le cadre de l'étude des crédits de façon concrète. C'est ainsi qu'on annonçait que le gouvernement désire intensifier ses efforts dans un programme de dépollution des eaux en milieu urbain et améliorer la gestion des déchets industriels et agricoles. On sait déjà qu'une somme de 5 300 000 000 $ est engagée dans le programme de dépollution des eaux. Quant au volet de la dépollution agricole, on doit parler de 400 000 000 $ qui seront injectés au cours des prochaines années. Pour l'année 1989-1990, le ministère de l'Environnement s'est vu attribuer une somme supplémentaire de 2 000 000 $ pour son programme de réduction des déchets industriels. L'objectif de ce dernier est d'inciter les entreprises à investir 2 000 000 000 $ afin de réduire de 75 % leur pollution de source industrielle sur une période de dix ans.

Sur la délicate question des déchets dangereux, le gouvernement consacrera 8 100 000 S au transport et à l'élimination des BPC entreposés à Saint-Basile et à Shawinigan-Sud. Enfin, le gouvernement consacre une somme de 37 000 000 $ à la réfection de quelque 200 barrages servant à régulariser les cours d'eau

Comme on le voit, Mme la Présidente, le présent gouvernement relève un grand défi de société sur la question de l'environnement et incite l'ensemble de la population à faire preuve de leadership par la biais du partenariat, aussi bien dans la définition des grandes politiques que dans l'articulation des programmes qui les sous-tertdent.

Nous préparons ainsi les prochaines élections à mieux préparer leur avenir... les prochaines générations - je m'excuse, Mme la Prési-

dente, c'est un petit lapsus - tout en gardant à l'esprit que gouverner, c'est prévoir. C'est exactement dans ce sens et dans cette perspective que le gouvernement libéral présentera un bilan intéressant à la population lors des prochaines élections générales au Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Je trouve malheureux d'avoir seulement dix minutes pour parler sur cette motion et venir corriger et répondre à tout ce qui vient d'être dit par la députée de Mégantic-Compton.

La motion dit: "Que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement libéral de terminer son mandat en formulant de nouvelles promesses électorales plutôt que de travailler à réaliser ses engagements reniés de 1985". Et moi, je vais parler d'environnement.

On nous a sorti des beaux chiffres dans le discours qui a précédé le mien, mais on va les replacer dans la réalité des choses. Il ne faut pas oublier que c'est le gouvernement du Parti québécois qui a mis sur pied le ministère de l'Environnement et qui a institué une foule de programmes et de mesures pour faire en sorte de s'occuper effectivement d'environnement. Le ministre du temps, qui avait mis sur pied un véritable ministère de l'Environnement et beaucoup de programmes, continuait à dire au Conseil des ministres: Cela prend encore plus d'argent.

Qu'est-ce qui est arrivé depuis 1985? Cela a été le contraire. Dans les deux budgets qui ont suivi l'arrivée au pouvoir du Parti libéral, les budgets ont diminué en matière d'environnement. On tiendra tous les beaux discours qu'on voudra de l'autre côté - on en a tenu plusieurs et je vais revenir là-dessus tantôt - les deux années qui ont suivi l'arrivée au pouvoir du Parti libéral, en matière d'environnement, les budgets ont diminué. Si on le prend sur la période de 1985 à aujourd'hui, sur quatre ans de budget, il y a une augmentation moyenne en dollars constants de 2 200 000 $ par année. Imaginez-vous où on peut aller comme société, avec un territoire grand comme celui du Québec et tous les problèmes qu'on y connaît en matière environnementale: 2 200 000 $ d'augmentation par année, c'est rire du monde.

Avant moi, la députée parlait du programme d'assainissement des eaux. Il ne faudrait pas qu'elle oublie que le programme d'assainissement des eaux a été mis sur pied par le gouvernement du Parti québécois afin de s'assurer de la dépollution des eaux usées des municipalités. C'est nous qui l'avons mis sur pied, et là, on prend ça comme de l'acquis, comme si c'était le gouvernement du Parti libéral qui l'avait mis sur pied. Pourtant qu'est-il arrivé depuis 1985? C'est la même chose. On a diminué le rythme d'investissements dans le programme d'assainissement des eaux municipales par rapport à ce que le gouvernement du Parti québécois investissait, lui, sur une période équivalente de temps.

Donc, on a diminué le rythme et on s'en vient dire qu'on a investi beaucoup dans ce programme. Qu'ont-ils fait vraiment? Ce qu'ils ont fait vraiment, c'est la ministre actuelle qui l'a dit dans une déclaration à la presse, en parlant de son prédécesseur libéral de 1985 à 1987, M. Lincoln: Cliff est un beau parleur, mais un petit faiseur. Quand je suis arrivée - je cite la ministre - au ministère, j'ai retrouvé les dossiers, plusieurs dossiers dans l'état où ils se trouvaient lorsque nous avons pris le pouvoir.

Autrement dit, son prédécesseur libéral, M. Lincoln, ministre de Nelligan, a parlé, mais il n'a pas agi. C'est la ministre actuelle qui le dit. On aurait pu s'attendre à des changements, mais, malheureusement, elle fait la même chose. Des beaux discours, des conférences de presse, des communiqués de presse, toutes sortes d'annonces pour faire accroire aux gens ce que la députée a essayé de faire croire avant, toutes sortes de politiques.

Dès qu'il y a un problème avec les pneus, on nous dit: On va déposer une politique sur les pneus usés. Il y a un problème avec les déchets dans les centres médicaux, on dit: On vous annonce qu'on va déposer bientôt une politique sur les déchets biomédicaux. Mais on ne la dépose pas. On annonce qu'on va la déposer et on reprend ça dans les discours en disant: La ministre a annoncé une politique. Elle ne l'a pas déposée, par exemple. On parle, on parle, mais on n'agit pas. Je vous l'ai dit: Diminuer les budgets dans les années qui ont suivi la prise du pouvoir. Désaccélérer, donc diminuer l'argent investi dans le programme d'assainissement des eaux. Et ce n'est pas tout. On néglige la sécurité. On peut bien dire qu'on le considère comme une priorité, mais ça doit se traduire en termes réels.

Depuis le 2 décembre 1985, c'est le contraire. On a prouvé qu'on avait seulement des beaux discours, qu'on ne pouvait pas aller plus loin. C'est dommage, on administre par sondages, par images et par discours. On a entendu la députée de Mégantic-Compton, juste avant moi, dire tout ce qu'on a fait pour la protection des berges et des rives. Mais, en réalité, qu'est-ce qui s'est passé? La réalité, c'est qu'il y avait un très bon programme qui était sur pied, très populaire - vous le demanderez aux municipalités qui ont eu la chance de l'appliquer du temps du Parti québécois - le programme Berges neuves qui permettait effectivement de redonner aux citoyens l'accès des lacs et des rivières, de dépolluer, de nettoyer. On a fait quoi de l'autre côté? On a aboli le programme Berges neuves.

Il y avait aussi les programmes d'aide qui

existaient concernant les parcs et les réserves pour que les parcs de loisirs, les parcs de protection, les réserves puissent se développer, être aménagés, être plus accessibles. Les budgets étalent de quelques millions. Qu'est-ce qui est arrivé? On a diminué constamment les budgets pour se ramasser à quelques centaines de milliers de dollars seulement. On peut bien dire qu'on veut les protéger, mais, quand on ne prend pas les moyens, quand on ne se donne pas les moyens de les protéger, de les aménager, c'est le contraire. Exactement ce qui est arrivé, non seulement on n'a pas protégé, on n'a pas développé, au même moment où on tient ce discours, on s'aperçoit que c'est la Société d'habitation du Québec qui a bâti un HLM dans un des derniers espaces verts d'Anjou, qu'on est en train de bâtir des tours d'habitation dans un des derniers parcs, un des derniers espaces verts de Saint-Léonard. (12 h 20)

On va dire: Oui, mais ce n'est pas le gouvernement ça, ce sont les municipalités. Au moment où on tient ce beau discours dans cette Assemblée, c'est le gouvernement qui accepte de se départir d'une partie de la réserve forestière de Duchesnay pour en faire un développement résidentiel. Le gouvernement se départit lui-même de ses réserves pour faire du développement et, après, on dit qu'on a la préoccupation de protéger les espaces, la faune et la flore, alors qu'on accepte de se départir de nos propres réserves pour de la construction lorsqu'il y a beaucoup d'autres espaces où on pourrait construire encore.

Concernant les déchets dangereux, ça n'a pas de bon sens, ce qui s'est passé là-dedans depuis 1985, alors que nous du Parti québécois avions élaboré le règlement sur les déchets dangereux. Tout ce que le gouvernement avait à faire, c'était l'appliquer. Au lieu de le faire, cela a été le laisser-faire et ça nous a amené la catastrophe de Saint-Basile-le-Grand. J'entendais la députée dire tantôt: On a un budget de 8 000 000 $ pour déménager les BPC de Saint-Basile-le-Grand, mais imaginez-vous si on avait pris les moyens d'empêcher les catastrophes en faisant appliquer le règlement, c'est 8 000 000 $ qu'on aurait économisés. Mais, en même temps, on ne sait pas où on s'en va avec les BPC. Cela fait presque un an qu'il y a eu la catastrophe; l'enquête par le Bureau d'audiences publiques n'est pas commencée; donc, on ne connaît pas encore les solutions pour éliminer les BPC. Les barils sont toujours là. Parce qu'on nous a fait accroire pendant un an qu'on avait des solutions. Finalement, on nous ' a fait accroire que ça pouvait partir, qu'on était pour les envoyer en Alberta et on se ramasse avec une annonce. Il y a toujours des annonces qui arrivent en cours d'année, à tout bout de champ. Là, on le sait, on les envoie en Alberta. Deux semaines après, on nous dit: Non, I'Alberta les refuse, on cherche une autre solution. On nous dit: On va probable- ment les envoyer en Europe et cela va coûter plus cher.

On ouvre un entrepôt de BPC à Senneterre et on dit: C'est pour tout le Québec. La ministre s'évertue à convaincre les gens de l'Abitibi de devenir la poubelle des BPC du Québec. Le premier ministre dans sa précampagne électorale s'en va leur dire: II n'en est pas question - je comprends, à la veille des élections, on peut dire n'importe quoi, on s'en aperçoit - ce sera seulement pour les BPC d'Abitibi, alors qu'on avait promis aux gens de Shawinigan que les BPC étaient pour s'en aller à Senneterre. Demandez aux gens de Senneterre s'ils ont la garantie et l'assurance qu'ils ne recevront pas les BPC des autres régions du Québec. Je dois vous le dire: Ce n'est pas à une seule promesse électorale qu'on peut avoir confiance. On peut dire aux gens de Shawinigan qu'on les enverra en Europe, sauf que ce n'est pas commencé et on n'a même pas les budgets pour être capables de s'en débarrasser complètement. On ne sait pas ce qui arrivera là-dedans.

Donc, c'est dommage, on tient de beaux discours, on parle de récupération, de recyclage et de cueillette sélective. On attend toujours la politique. Depuis un an qu'on nous parle du fonds mixte de 100 000 000 $, de l'utilité et de la nécessité de récupérer. Oui, je suis d'accord avec ça. Le prédécesseur du ministre actuel a annoncé ce fonds mixte il y a un an. Hier ou avant-hier, la ministre l'annonçait à nouveau et pourtant c'est elle qui, en commission parlementaire il y a quelques semaines, nous disait qu'on ne peut pas procéder tant qu'il n'y aura pas de loi et de politique sur la gestion des déchets solides. Il n'y a pas de politique. Elle se contente de faire encore une annonce de quelque chose qu'on ne peut pas mettre en application au lieu d'être ici en Chambre en train de déposer une politique qui va nous permettre non seulement de tenir des discours, mais d'aller vraiment de l'avant dans la cueillette sélective et l'utilisation du fonds de 100 000 000 $ qu'on n'a pas encore commencé à ramasser. Donc, il va falloir arrêter de faire des beaux discours. M faudra que la ministre actuelle, qui a accusé son prédécesseur d'être un grand "parleux" mais un petit "faiseux", ne fasse pas la même chose et ne nous annonce pas juste des politiques en matière de pneus usés, de recyclage, de récupération de déchets biomédicaux, mais nous dépose des politiques si elle est sérieuse. Je dois vous dire qu'il n'y a pas de politiques, depuis ces annonces, qui ont été déposées.

Donc, encore une fois, je suis obligé de dire que cette motion rapporte effectivement la vérité et on a raison de la déposer. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de

Shefford. M. le ministre de l'Éducation, en vous rappelant qu'il reste à votre formation douze minutes.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Mme la Présidente, j'écoutais les deux derniers orateurs du côté de l'Opposition et, comme ils n'ont rien dit sur la politique linguistique, je me permets de présumer qu'ils sont de plus en plus d'accord avec le gouvernement sur les orientations que nous avons retenues. J'avais demandé qu'on me fasse venir les épreuves de la transcription des propos tenus par le chef de l'Opposition. Malheureusement, ils n'ont pas pu m'être transmis à temps et comme j'ai dû m'absenter de la Chambre pendant que le chef de l'Opposition parlait, je ne pourrai malheureusement pas répondre aux propos sans doute fort pertinents qu'il a dû tenir sur le sujet.

Lorsque le chef du gouvernement m'a demandé de prendre la responsabilité de la politique linguistique au gouvernement, j'ai choisi d'adopter une attitude essentiellement constructive, de ne pas chercher à envenimer les divisions qui ont pu exister entre nous à ce sujet dans le passé. Je suis très heureux de constater, Mme la Présidente, que, depuis quelques semaines, le climat en matière de débat linguistique s'est considérablement rasséréné. Nous en discutons maintenant de manière sereine et constructive. S'il y a des faiblesses, on les signale, et nous devons reconnaître loyalement la nécessité de les corriger. S'il n'y a pas de faiblesse, ceux qui aiment faire de la rhétorique ou jouer avec les sentiments des gens en sont quittes pour des interventions qui n'ont plus de retentissement. Je voudrais répéter encore une fois l'engagement du gouvernement à l'endroit de la mise en oeuvre loyale, sérieuse, mais en même temps humaine, judicieuse et comprehensive de notre législation en matière de langue.

Il me semble particulièrement approprié, vu que la motion de l'Opposition traite de la langue, que je rappelle très brièvement, à l'occasion de ce débat, les très nombreuses réalisations déjà en cours, au cours de la présente année dans le domaine de la politique linguistique. Je pense que ces réalisations parient plus fort que toutes les critiques vaines ou mal fondées qu'on pourrait entendre. Tout d'abord, j'entendais tantôt le député de Shefford dire que, dans tel secteur, si le gouvernement avait voulu agir, il aurait augmenté les crédits disponibles. Il n'a pas parié, et pour cause, des crédits disponibles dans le secteur de la langue. Il aurait été obligé de reconnaître que, pour la présente année 1989-1990, les crédits mis à la disposition des organismes et du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française sont passés de 22 000 000 $ à 35 000 000 $, soit une augmentation de 60 %. Est-ce qu'on a entendu l'Opposition féliciter le gouvernement de cette décision qu'il a prise de consacrer des ressources plus abondantes à la promotion de la langue française? Cela ne semble pas intéresser l'Opposition.

Au cours de la commission parlementaire qui a étudié les crédits relatifs à l'application de la Charte de la langue française, l'Office de la langue française, la Commission de protection de la langue française, la Commission de toponymie du Québec, le Conseil de la langue française aussi, sont venus témoigner pour parier de leurs projets pour l'année en cours, des projets qui ont été approuvés et qui seront financés par le gouvernement. Est-ce qu'on en a entendu parier dans les débats des derniers temps de la part de l'Opposition? Pas du tout. Il semble que l'action concrète les intéresse peu. Je souligne que l'Office de la langue française a reçu du ministre le mandat de mettre l'accent de manière particulière sur l'opération de francisation des milieux de travail au cours de la prochaine année. Nous avons consacré des ressources additionnelles à cette fin. Nous en consacrerons davantage au cours des mois à venir.

Parmi les objectifs que nous avons définis avec l'Office de la langue française, il y a celui d'assurer un suivi plus efficace. De l'autre côté, on se contentait de délivrer des certificats à la douzaine. On pensait qu'une fois qu'on avait posé un certificat sur le mur du bureau d'entrée dans une entreprise le problème était réglé. Le problème commençait à peine. Une fois qu'on a émis le certificat, il faut vérifier ce que cela donne. C'est l'accent que nous allons mettre cette année, la vérification du vécu concret dans les entreprises où l'on détient un certificat.

Nous allons valoriser de façon concrète le travail des comités de francisation. C'est beau, on dit dans la loi qu'on va avoir des comités de francisation dont seront appelés à faire partie les employés. On ne s'est pas occupé d'assurer le suivi de ce côté-là. On n'a pas veillé à voir si les employés sont vraiment engagés, si on leur donne des conditions propices à leur travail. C'est l'un des objectifs qui ont été fixés à l'Office de la langue françasie pour la prochaine année: allez au fond des choses, allez vous assurer que nous créerons les conditions pour que le français dans l'entreprise fonctionne réellement.

Je pourrais continuer, Mme la Présidente. La semaine dernière, je suis allé visiter la Commission de protection de la langue française. J'avais demandé à Mme la présidente de réunir tous les inspecteurs, tous les commissaires-enquêteurs, pour que nous tenions ensemble une séance de travail. Je voulais qu'ils sachent clairement ce que le gouvernement attend d'eux. Et moi, je voulais savoir clairement les réactions qu'ils recueillent dans le milieu. (12 h 30)

Je suis intéressé à vous soumettre un petit rapport de cette conversation. Cela va me soulager de vous confier ces choses. Savez-vous ce qu'on m'a dit? On m'a dit: Chaque mois, on reçoit à peu près 500 plaintes, bon an mal an. Mais la différence, depuis trois mois, sur 500 plaintes qu'on reçoit, il y en a à peu près 350

qui se règlent à la suite de l'intervention des inspecteurs ou des commissaires-enquêteurs, alors que, pendant une certaine période, à cause de facteurs sur lesquels je n'ai pas à intervenir, ils recevaient un avis et ils ne bougeaient pas. Ils disaient: II y a des causes qui sont en marche, il y a des jugements à venir. On attendait et les causes non réglées s'accumulaient. Mais là, on a un pourcentage de causes qui se règlent à mesure qu'elles sont instituées, qui va chercher à peu près 350 sur 500. C'est formidable.

Cela confirme l'approche que nous avons prise, de ne pas passer notre temps devant les tribunaux avec ces choses, mais d'aller aux entreprises, d'aller sur les lieux et de chercher avec elles à améliorer concrètement les choses. Quand les entreprises vont se rendre compte que nous voulons les aider à réaliser la volonté de la population du Québec, exprimée par son Assemblée nationale dans la Charte de la langue française, le travail d'application de la Charte deviendra un travail humain, un travail beaucoup plus agréable. On ne passera pas son temps à dire: Quand est-ce que vous allez amener les gens devant les tribunaux? La présidente de la Commission de protection m'a dit une phrase admirable que je suis intéressé à répéter devant cette Chambre. Savez-vous ce qu'elle m'a dit? J'ai dit: 'Avez-vous des causes devant les tribunaux?" Elle m'a dit: "M. Ryan, voici comment les choses se font chez nous. S'il dort y avoir des causes devant les tribunaux, ça viendra dans un certain temps, après que des délais auront été écoulés." Elle m'a dit: "Mon objectif, c'est qu'il n'y en art pas une, que toutes les causes se règlent par l'intervention de la Commission de protection de la langue française et j'aurai besoin de l'aide des députés là-dedans. Je le dis, je recourrai, quand il y aura des problèmes qui ne peuvent pas se régler, à la collaboration des députés concernés, des associations locales ou régionales. On va éliminer ce spectre que ce sont des gens qu'il faut passer au fouet. Si ça ne marche pas, le recours judiciaire sera toujours là. C'est important qu'il soit dans la loi."

J'espère que le chef de l'Opposition note ces faits que je viens de rapporter d'une visite que je faisais la semaine dernière à la Commission de protection où j'ai tenu à avoir une séance de travail avec les commissaires-enquêteurs et les inspecteurs. On est en train de remettre cette chose sur les rails.

Je n'ai pas le temps, malheureusement - Mme la Présidente, vous me faites signe qu'il me reste trois minutes pour un sujet qui demanderait deux heures. Je pourrais passer deux heures...

Des voix: Consentement.

M. Ryan: Merci, merci infiniment. Il y a consentement unanime, je crois que le chef de l'Opposition est d'accord!

M. Chevrette: On ne peut pas, M. le Président, à cause d'un ordre de la Chambre. Ce sont les règlements qui prévoient cela, les fins de session.

M. Ryan: Heureusement qu'il y a ces ordres parce que autrement ce serait difficile de fonctionner ensemble. Je me soumets volontiers, mais en faisant une proposition au chef de l'Opposition: s'1 veut venir souper avec moi ce soir, je lui conterai tout le travail admirable qui s'accomplit dans le secteur de la langue parce que, par les Interventions qu'il fait en Chambre, il démontre assez souvent qu'B n'est pas informé. Je sais qu'il a beaucoup de choses à suivre comme chef de l'Opposition, je ne lui en tiens pas rancune, mais je lui offre l'hospitalité d'un repas s'y veut que je puisse lui communiquer tous ces magnifiques renseignements qui intéressent au plus haut point la population.

Je ne peux pas terminer sans avoir rappelé qu'en plus des budgets accrus que nous avons donnés à l'Office de la langue française, à la Commission de protection de la langue française, au Conseil de la langue française, nous avons prévu un budget spécial de 10 000 000 $ pour - là, j'emprunte les termes mêmes de la motion de censure de l'Opposition - la promotion de la langue française. De cette somme, une somme d'environ 6 500 000 $ sera employée uniquement dans le secteur de l'éducation. On a beaucoup parlé, en cette Chambre, des écoles où il y a une grosse proportion d'élèves en provenance des communautés ethniques. On a dit: Cela prendrait des services spéciaux, du soutien pédagogique et des services de liaison avec les foyers pour que les parents se sentent engagés. Mais la, nous avons des budgets. Dès cette semaine, j'adresse aux commissions scolaires concernées une lettre où je leur fais part des budgets additionnels spéciaux qui leur seront attribués pour qu'elles améliorent les ressources mises à la disposition de ces élèves en provenance des communautés ethniques dont nous apprécions hautement la présence dans nos écoles et où nous voulons qu'ils se sentent parfaitement chez eux.

On a parlé de la pauvre qualité du français des élèves dans nos collèges. Il y a des collèges qui ont mis sur pied des services de soutien linguistique à leurs étudiants. Ces collèges, nous allons leur fournir une aide financière spéciale, cette année, pour qu'ils puissent continuer ce travail qui permet de compléter un traval de formation qui n'a pas toujours été fart de manière parfaite aux niveaux primaire et secondaire et qui demande parfois un peu de retouche, un peu de fini au niveau du collège. On va aussi mettre des sommes spéciales à la disposition des universités qui veulent accomplir un traval de ce côté-là. Mais ce sont toutes des choses, Mme la Présidente, essentiellement positives. C'est le mot que je voudrais vous laisser en termi-

nant - vous venez de me faire signe qu'il me reste une minute. Ce que nous envisageons c'est un travail positif. Et, connaissant les bons sentiments de nos collègues de l'Opposition, je suis sûr qu'autour de ces initatives positives ils ne pourront qu'être d'accord pour supporter le gouvernement et demander que nous augmentions encore cet effort qui est déjà engagé très sérieusement au point que cette année - je le rappelle pour le député de Terrebonne qui ne nous faisait pas l'honneur de sa présence au début de mon intervention - les crédits mis à la disposition de la promotion de la langue française et de l'application de la Charte de la langue française en 1989-1990 sont accrus de 60 % par rapport à 1988-1989, c'est-à-dire qu'ils passent de 23 000 000 $ - vous l'avez entendu - à 32 000 000 $. Et je sais qu'avec le député de Terrebonne, bis repetita placent, c'est-à-dire qu'une chose dite une deuxième fois est de nature à lui plaire. Merci beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Éducation. Avant de vous reconnaître, M. le chef de l'Opposition, je demanderais au sergent d'armes, à 12 h 45, d'appeler les députés pour le vote ultérieur. Là-dessus, M. le chef de l'Opposition, sur votre réplique de quinze minutes.

M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, Mme la Présidente, vous me permettrez de répéter un peu l'essence de cette motion. Vous aurez remarqué, Mme la Présidente, que nous avons dit que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement libérai de terminer son mandat en formulant de nouvelles promesses électorales plutôt que de travailler à réaliser les engagements reniés de 1985, notamment dans les domaines de la santé, de l'environnement, de la politique familiale et de la promotion de la langue française.

Mme la Présidente, si nous faisons cette motion c'est parce qu'on trouve que c'est usurper, à toutes fins utiles, la conscience des gens, c'est vouloir usurper des votes qui viendront quand on n'a même pas réalisé ses engagements électoraux et qu'on essaie de maquiller son inaction, son manque de volonté, son irrespect face à ses engagements par des promesses. Ils ont pris un virage. Nous avons dit, notamment en santé, en environnement, en politique familiale et en promotion de la langue française, parce que ça été d'une évidence totale. Dans le domaine de la santé, je pense que si ces gens-là, Mme la Présidente, étaient ici pour critiquer ce qui se passe dans le domaine de la santé au moment où on se parle au Québec... Rappelez-vous de leurs termes à l'époque: Médecine de guerre, c'est criminellement responsable. Aujourd'hui, Mme la Présidente, nous, nous n'avons jamais empêché les femmes de Terrebonne d'aller accoucher à la Cité de la santé de Laval. Croyez-le ou non, dans la circonscription électorale de mon collègue de Terrebonne et de Masson, dans la région de Terrebonne, elles ne pourront même plus aller accoucher à Laval. Quelle sorte de médecine? Et dans leur temps c'était la médecine de guerre.

Une voix: Pas d'école, pas d'hôpital.

M. Chevrette: Dans leur temps c'était criminellement... Il faut dire que c'est l'actuel premier ministre qui disait ça. Mais aujourd'hui, comment qualifierait-il ça? Mme la Présidente, j'ai dit que c'était une médecine de brousse, une médecine moyenâgeuse. Cela ne se fait pas. Et c'est un échec en santé.

Échec en environnement. Ce n'est même pas nous qui l'avons dit. Nous l'avons crié, nous. Mais quelle est la personne qui a le mieux résumé l'action gouvernementale en matière environnementale? C'est l'actuelle ministre de l'Environnement qui a dit: Mon prédécesseur n'a rien fait. Il parlait et ne faisait rien. Mon prédécesseur ne faisait absolument rien. J'ai repris mes dossiers dans le même état que je les avais laissés en 1985. C'est l'actuelle ministre de l'Environnement qui dit ça. Donc, je n'ai plus à faire le bilan en matière environnementale, il est fait par l'actuelle ministre. Donc, vous voyez qu'on ne se trompe pas beaucoup en disant: Vous n'avez rien fait. C'est l'actuelle ministre qui dit qu'elle n'a rien fait. Pas elle, mais ses prédécesseurs. Et on est rendu à trois ans et demi. (12 h 40)

En matière de famille, Mme la Présidente, conseil consultatif. Je n'ai pas dit que ça ne valait rien un conseil consultatif. Je vous dis que ce n'est pas ça qui fait que les parents auront des revenus. Ce n'est pas ça qui fait que les parents auront un système de garderie. Ce n'est pas ça qui fait que les femmes auront une sécurité d'emploi en matière de politique familiale, ils n'ont rien fait. C'est du fardage en se donnant bonne conscience parce qu'ils ont créé un Conseil consultatif de la famille. En matière de langue, l'actuel ministre responsable de la loi 101 a été la caution morale de ce gouvernement. Il essaie, après le gâchis est fait, de prendre un tournant profrancophone, alors que tous les engagements vis-à-vis de leur clientèle anglophone ont été réalisés. Rappelez-vous l'amnistie des "illégaux", rappelez-vous la loi 142, rappelez-vous la loi 140 qui voulait faire disparaître toutes les structures de la langue. J'écoutais le ministre responsable de la loi 101 dire combien il voulait revaloriser les institutions. C'est son équipe gouvernementale qui a présenté la loi 140, c'est grâce à l'Opposition si on a réussi à bloquer cette loi 140. Il faisait partie du Conseil des ministres qui avait adopté la loi 140. Et aujourd'hui, ça essaie de démontrer que ça a une grosse volonté de valoriser les structures.

II est temps que vous voyiez clair. C'est votre prédécesseur, l'avant-dernier, parce qu'il y en a eu successifs assez vite sur le plan linguistique. On en a eu un qui n'a même pas été capable de s'occuper d'une loi pendant quelque temps. Je comprends cela, mais ne me dites pas qu'on n'est pas en droit de regarder. C'est un bilan de trois ans et demi qu'on fait là. J'ai parlé ce matin brièvement des femmes à qui on avait fait miroiter des avantages, et on n'a pas livré la marchandise. Aux jeunes...

Mais je reviens à ce que je disais pour terminer mon exposé, cela constituera la fin de ma réplique. SI les hommes et les femmes politiques aujourd'hui au Québec ont peu de crédibilité quand on fait des sondages d'opinion, s'ils sont les derniers en termes de crédibilité populaire, la responsabilité en est due en grande partie au gouvernement. Il faut absolument que les hommes et les femmes politiques qui se présentent en politique respectent leur parole et respectent leurs engagements.

Je me souviens, quand on a occupé les banquettes du pouvoir, que nous réalisions nos engagements. Avant les élections, on avait promis une loi 101. Elle a été votée. On avait le même discours avant qu'après les élections, contrairement à ce que le premier ministre a dit, à deux reprises déjà: Moi, vous savez les discours avant et les discours après, c'est deux choses. Nous, avant, on avait promis la loi 101, on l'a fait. Nous, avant, on avait promis la loi sur le zonage agricole, après, on l'a fait. Nous, on avait promis la loi 2 sur le financement des partis politiques avant, on l'a fait après. Nous, on avait promis la loi sur l'aménagement du territoire avant, on l'a fait. Nous, on avait promis l'assurance automobile avant, après, on l'a fait. Vous pouvez prendre n'importe quel des engagements électoraux de 1976 ou de 1981. On avait promis aux Québécois qu'on ne poserait pas de geste sans tenir un référendum, on l'a fait. Le discours d'avant a été le même que le discours d'après. Mais regardons donc les engagements de ce gouvernement. On avait promis 25 000 000 $ aux jeunes, avant, en bourses. On ne leur a pas donnés après. On a même converti les bourses en prêts où on a procédé à l'endettement de 23 000 000 $ par année pour les jeunes. On avait promis 2000 postes aux jeunes dans la fonction publique avant, on en a coupé 1400 après. Drôle de respect de son engagement.

On avait promis les rentes au foyer pour les femmes avant. Après, on n'a même pas l'ombre du début d'une politique là-dessus. On avait promis, même il n'y a pas longtemps, un plan de garderie accéléré. On ralentit le rythme du développement des garderies au Québec. Il faut dire que le fédéral entre en ligne de compte, oui, mais ce n'est pas le discours, ce ne sont pas les engagements qui sont respectés. On avait promis la parité intégrale de l'aide sociale, sans aucune condition. On riait même du parti qui les avait précédés, Mme la Présidente, en disant: Vous obligez les jeunes à travailler pour avoir la parité. Ah! Il y a même des jeunes qui n'auront accès à aucune forme de parité. Discours avant et discours après.

Je pourrais continuer, Mme la Présidente. Les universités, c'était le sous-financement chronique. Les universités n'ont jamais été aussi mécontentes. C'est la première fois que je vois les universités s'exprimer publiquement contre. Dans les cégeps, 10 000 000 $ de ponctions. Les commissions scolaires sont en fusil. Les urgences. Et je pourrais continuer le discours avant et le discours après. Cela incarne bien les propos de l'actuel premier ministre.

Le premier ministre ne se soucie absolument pas des discours avant. Prenez l'agriculture. Mme la Présidente, le ministre d'alors n'était pas bon. Il est parti de 43 % d'autosuffisance alimentaire et on s'est rendu à 74 %. On ne faisait rien pour l'agriculture? 20 000 emplois perdus dans le secteur agricole depuis que vous occupez les banquettes du pouvoir. 20 000 emplois, 200 000 000 $ par année de moins d'investissements en immobilisations agricoles. Les cultivateurs n'investissent plus. Ils investissent beaucoup moins. Pourquoi? Parce qu'ils comprennent que vous n'avez aucun souci pour les agriculteurs québécois.

Une voix: On achète des terrains.

M. Chevrette: Non. Vous êtes bien meilleurs effectivement pour permettre la spéculation.

Une voix: Oh! Oh! Oh!

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: Mme la Présidente, ils sont forts là-dessus...

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: ...et les gens ont compris ça avant leur arrivée. Vous aurez remarqué ça. Ils ont compris ça bien avant leur arrivée à part ça, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: Le lendemain matin, ça se garrochait pour aller acheter des terrains parce qu'ils disaient: Enfin, le Parti libéral est arrivé-La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: ...les moeurs de 1970-1976 vont se réinstaurer. C'est ce qui se passe. C'est exactement ce qui se passe, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: Ils ont compris ça. Les gens ont compris, Mme la Présidente, qu'avec ce gouvernement-là, le laxisme était facile. Ils sont "libéral", mais libéral dans le sens qu'ils laissent tout faire. Venez, mes chers amis. Engraissez-vous, on est là pour quelques minutes, pour quelque temps.

La Vice-Présidente: A l'ordre!

M. Chevrette: Donc, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: À l'ordre! S'il vous plaît, je demanderais la collaboration de la Chambre afin qu'on puisse entendre M. le chef de l'Opposition sur son droit de réplique concernant sa motion de censure. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je n'ai dérangé personne durant leur discours, y compris le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Question de règlement, Mme la Présidente.

M. Chevrette: Non, c'est à moi... M. Ryan: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Sur une question de règlement.

M. Ryan: Je veux juste rappeler une règle de grammaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Vice-Présidente: Bon. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Le pape vient de parler.

Des voix: Ah!

M. Chevrette: Et, comme il ne se trompe jamais, Mme la Présidente, quel pontife! Comme il est édifiant! Le mépris ne devrait jamais venir d'un pontife, Mme la Présidente. Au contraire, ce devrait être la modestie. Ce devrait être la charité. Donc, madame, l'action catholique qu'il a faite devrait l'inciter à être généreux et non pas méprisant. S'il vous plaît, Mme la Présidente, demandez donc à cet homme qui avait le coeur sur la main et la générosité dans l'âme de cacher son mépris, son fiel et son vinaigre et de les garder pour lui.

Mme la Présidente, cela dit, je conclus en disant: Cette motion de blâme a pour object fondamental de démasquer cette équipe qui a lancé de la poudre aux yeux dans tous les secteurs d'activité. En plus, l'arrogance et le mépris sont rendus tellement grands qu'on a peine à s'exprimer en cette Chambre. Nous n'avons dérangé aucun orateur depuis le matin et regardez ce qui se passe depuis qu'ils sont arrivés. Regardez-les agir, leur arrogance, cela ne fera pas longtemps, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Mme la Présidente, vous m'avez nommé une autre fois, n'est-ce pas?

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Je demande la collaboration de la Chambre. Nous sommes présentement sur un droit de réplique et l'intervenant a droit à son intervention, j'aimerais bien l'entendre. Cela dit, M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je comprends que ça fait mal de se faire rappeler qu'on avait un discours avant et un discours après. Je comprends que ça fait mal qu'on dise aux femmes québécoises: Vous avez été leurrées, vous avez été induites en erreur par ce gouvernement qui vous avait promis la rente au foyer. Je comprends que ça fait mal quand on dit à l'électorat anglophone: On vous avait fait des promesses et on n'a pas livré la marchandise parce qu'on l'avait mal évaluée avant, on n'avait même pas évalué, comme équipe ministérielle, la possibilité de briser le climat social québécois. Je comprends que ça fait énormément mal quand on dit aux jeunes Québécois: Rappelez-vous ce qu'on vous avait fait comme promesse, ce qu'on avait pris comme engagement politique. Rappelez-vous, Mme la Présidente, comment ça fait mal quand on dit à des gens: Vous aviez un discours écologique mais vous n'avez pas tenu parole, et que c'est même la ministre actuelle de l'Environnement qui ridiculise l'action de son propre gouvernement.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre! M. Chevrette: De son propre gouvernement. La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: Et si vous ne savez pas lire, vous lirez les extraits de Mme l'actuelle ministre-La Vice-Présidente: À l'ordre! (12 h 50)

M. Chevrette: ...qui vous dit: Cliff, il parlait bien mais il ne faisait rien et depuis que je suis arrivée au ministère j'ai repris mes dossiers...

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: ...dans le même état qu'ils étaient...

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: ...en 1985. Ce n'est pas moi qui le dis, Mme la Présidente, c'est l'actuelle ministre de l'Environnement. Je comprends que ça fait mal.

La Vice-Présidente: Je demanderais la collaboration. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je termine, Mme la Présidente. Cela fait mal quand on dit aux gens de la culture: Je vous ai promis 1 % mais je ne l'ai pas atteint. C'est sûr que ça fait mal. Vous n'avez pas livré la marchandise. Vous aviez promis même de ne pas vous référer à l'ancien gouvernement. Il n'y a pas une fois où vous ne vous levez pas en cette Chambre pour dire: C'est la faute de l'ancien gouvernement. Il va falloir que vous appreniez que ça fait trois ans et demi que vous êtes là. L'inertie, la poudre aux yeux et l'arrogance maintenant se sont établies dans cette Chambre, Mme la Présidente. Ils auront beau être arrogants, ce n'est pas grave. Le mépris des gens, par exemple, ça va transpirer de cette Chambre. Le mépris. Ils ne sont même pas capables d'écouter un autre intervenant 30 secondes dans le respect de ses propos. Regardez, Mme la Présidente, regardez ça.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Chevrette: Regardez ça, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente.

Je n'avais même pas fini ma phrase qui démontrait cet esprit que déjà on tentait de m'empêcher de parler. Regardez, encore une fois, au moment où vous avez dit: "À l'ordre!". Que voulez-vous? Je comprends que c'est le seul moyen pour certains, Mme la Présidente, de faire voir qu'ils sont ici en cette Chambre. Mais ce que je veux dire, en terminant: Ils auront beau être méprisants, ils auront beau être arrogants, Us auront beau essayer de nous intimider, Mme la Présidente, ce n'est pas vrai qu'on ne fera pas notre travail. Ce n'est pas vrai qu'on ne soulignera pas que ces gens n'ont pas de parole. Ces gens ont un mépris de leurs propres engagements. A l'image de leur chef, ils ont eu des discours avant qu'ils ne sont pas capables de tenir après.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Cette réplique termine le débat. Je vais donc... D'accord.

Mise aux voix

Je vais maintenant mettre aux voix, si vous me permettez, la motion présentée par M. le chef de l'Opposition, et cela en vertu de l'article 304 de nos règlements. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement libéral de terminer son mandat en formulant de nouvelles promesses électorales plutôt que de travailler à réaliser ses engagements reniés de 1985, notamment dans les domaines de la santé, de l'environnement, de la politique familiale et de la promotion de la langue française".

Que ceux et celles qui sont en faveur de ladite motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire: MM. Chevrette (Juliette), Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Biais (Terre-bonne), Garon (Lévis), Jolivet (Lavioiette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Paré (Shefford), Claveau (Ungava), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Hare) (Maisonneuve).

La Vice-Présidente: M. le député de Marquette, le vote était commencé. Est-ce qu'il y a consentement? On me demande s'il y a consentement.

Des voix: Oui.

M. Chevrette: Mme la Présidente, on ne manifestera pas la même arrogance, on va l'accepter.

La Vice-Présidente: Cela dit... À l'ordre, s'il vous plaît! Que ceux et celles qui sont contre ladite motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Gratton (Gati-neau), Saintonge (Laprairie), Mme Gagnon-Trem-blay (Saint-François), MM. Page (Portneuf), Ryan (Argenteuil), Rémillard (Jean-Talon), Dauphin (Marquette), Vallières (Richmond), Fortier (Outremont), Paradis (Brome-Missisquoi), Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Doyon (Louis-Hébert), Middlemiss (Pontiac), Sirros (Laurier), Le-febvre (Frontenac), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Philibert (Trois-Rivières), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pel-chat (Vachon), M. Polak (Sainte-Anne), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Parent (Sauvé), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Hamel (Sherbrooke), Leclerc (Taschereau), Saint-Roch (Drummond), Lincoln (Neliigan), Bradet (Charlevoix), Camden (Lotbinière), Mmes Cardinal (Châteauguay), Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gobé (Lafontaine), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Richard (Nicolet), Hétu (Label le), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil

(Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce), MacMil-lan (Papineau), LeSage (Hull), Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane).

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 14

Contre: 55

Abstentions: 0

La Vice-Présidente: La motion est donc rejetée. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je propose la suspension jusqu'à 15 heures.

La Vice-Présidente: Nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 9 du feuilleton.

Projet de loi 146 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 9 du feuilleton, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine propose maintenant la motion d'adoption du principe du projet de loi 146, Loi modifiant le Code civil du Québec et d'autres dispositions législatives afin de favoriser l'égalité économique des époux. Je cède donc la parole à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. C'est un honneur pour moi, à titre de ministre déléguée à la Condition féminine, de débattre aujourd'hui, devant cette Assemblée, du principe du projet de loi 146, Loi modifiant le Code civil du Québec et d'autres dispositions législatives afin de favoriser l'égalité économique des époux. Dans ses orientations triennales en matière de condition féminine, le gouvernement du Québec exprimait clairement sa volonté de faire porter ses efforts sur les multiples aspects reliés de près ou de loin à la réalité économique d'un couple associé dans un même projet de vie. À cet effet, il s'engageait entre autres à instaurer des mécanismes efficaces et permanents permettant l'atteinte d'un meilleur équilibre économique entre les conjoints par un partage plus équitable de la richesse familiale. C'est ainsi qu'était adoptée en décembre 1987 la Loi modifiant le Code civil en matière d'indexation de pensions alimentaires et, un an plus tard, la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement de pensions alimentaires. L'introduction de ces mesures, on le sait, visait à faciliter l'indexation et la perception des pensions alimentaires.

Le projet de loi 146 propose, pour sa part, une réforme majeure des rapports patrimoniaux des conjoints mariés et représente à ce titre l'aboutissement d'une longue démarche dont j'aimerais vous rappeler les principales étapes. Avant le 1er juillet 1970, les époux québécois disposaient de deux régimes matrimoniaux, la communauté de meubles et acquêts et la séparation de biens. Le premier était un régime légal, c'est-à-dire le régime automatiquement applicable aux époux lorsque ceux-ci n'optaient pas pour un autre régime et le deuxième, un régime conventionnel, c'est-à-dire applicable aux époux qui le choisissaient par contrat de mariage.

Reflet de la mentalité prévalant au début du siècle, le régime de communauté de biens était moulé dans des techniques traduisant la subordination et l'incapacité de la femme mariée. Dès le début des années vingt, l'on se mit à contester le principe de l'incapacité de la femme mariée, principe qui était à la base même des régimes communautaires de l'époque. En dépit des réponses successives de 1931, 1964 et 1969, le législateur ne parvint toutefois jamais à ce que la capacité de la femme mariée en communauté de biens soit parfaitement reconnue. En 1964, par comparaison au régime de la séparation de biens, cette réalité devenait encore plus évidente. En effet, si la loi sur la capacité de la femme mariée accordait à la femme mariée en communauté de biens le droit d'administrer ses propres biens, celle-ci n'acquérait alors qu'une capacité fort restreinte puisque la gestion des biens communs demeurait confiée au mari seul. À l'inverse, la femme mariée en séparation de biens se voyait reconnaître sa pleine capacité pour administrer et disposer de tous ses biens, la loi de 1964 abrogeant les restrictions liées au pouvoir d'aliéner les immeubles sans le consentement du mari ou d'accepter une donation immobilière.

On peut supposer que c'est pour cette raison principalement que le régime de communauté de meubles et d'acquêts subit, à compter de cette époque, une désaffectation très généralisée, désaffectation qui se manifestait, lors d'une enquête en 1962, par une augmentation très considérable des contrats en séparation de biens. En effet, pour ceux et celles qui, avant la réforme de 1970, cherchaient un régime matrimonial où l'épouse conservait sa pleine capacité, la seule solution était d'adopter le régime de la

séparation de biens. Par ailleurs, l'on sait que ce régime était souvent recommandé afin de protéger le conjoint le plus faible économiquement contre les aléas de la vie économique. Dès lors que l'un des conjoints s'engageait dans une entreprise, il pouvait être avantageux, pour protéger le milieu familial, de choisir ce régime. Le fait que l'épouse aurait seule la charge de la maison et que seul le mari accumulerait des biens d'une valeur patrimoniale n'était pas alors un facteur dissuasrf pour l'option du régime de la séparation de biens. En effet, la société québécoise considérait encore le décès de l'un des conjoints comme la seule cause de dissolution du mariage, et, dans ce cas, la sécurité financière de l'épouse pouvait être assurée par une clause testamentaire dite "au dernier vivant les biens". Cette clause était en outre irrévocable, à moins d'avoir été expressément stipulée révocable.

Le mariage était une institution somme toute stable. Le taux brut de divorces au Québec en 1968 était le plus faible au Canada, soit de 10,2 pour 100 000 habitants. Sachant sans doute d'avance que la situation engendrée par la loi de 1964 serait insatisfaisante, un comité se mettait à la tâche, dès novembre 1963, pour proposer une réforme en profondeur des régimes matrimoniaux. Le rapport de ce comité était présenté au gouvernement en mai 1968, un projet de loi sanctionné en décembre 1969, lequel entrait en vigueur le 1er juillet suivant. Cette loi modifiait tout le droit des régimes matrimoniaux, elle introduisait un nouveau régime matrimonial légal, le régime de la société d'acquêts, qui cherchait à combiner les aspects positifs de la séparation de biens et ceux de la communauté de meubles et d'acquêts.

Bien qu'il s'agissait là d'un régime de partage à la dissolution du mariage, il faudrait plusieurs années avant que les couples québécois l'adoptent massivement. En effet, souvent par tradition, quelquefois par choix, ceux-ci continuèrent de passer des contrats de mariage en séparation de biens. Ainsi, même si, en 1986, 65 % des mariages contractés étaient régis par la société d'acquêts, il n'en demeure pas moins qu'en 1986 également, 35 % des couples optaient pour la séparation de biens. Les statistiques démontrent également, pour la période couverte de 1971 à 1986, qu'environ 50 % des gens mariés l'étaient en séparation de biens.

Certes, les mentalités ont évolué et la situation des époux qui, aujourd'hui, optent pour une séparation conventionnelle de biens est différente de celle des époux d'hier. L'épouse n'est plus confinée quasi obligatoirement au travail ménager et à l'éducation des enfants. Par conséquent, elle est elle-même susceptible d'amasser certains biens. En outre, les époux qui optent pour un tel régime le font plus délibérément. Ils ne le choisissent plus par dépit pour éviter que l'épouse ne perde sa capacité juridique. De mieux en mieux informés des risques d'un tel régime matrimonial à la fin du mariage et de plus en plus conscients, il faut l'espérer, de la possibilité d'une dissolution du mariage avant le décès d'un des conjoints, les époux sont sans doute plus en mesure qu'ils ne l'étaient auparavant de faire un choix éclairé et de prévoir des clauses réalistes qui soient adaptées à leur propre situation.

Mais, parallèlement à cette évolution législative, la société québécoise a subi, au cours des vingt dernières années, d'importants bouleversements, lesquels eurent des incidences directes sur la stabilité des mariages. La mise en vigueur, en 1968, de la Loi sur le divorce supprimait les contraintes juridiques qui faisaient obstacle au divorce alors que le recul de la pratique religieuse supprimait les contraintes d'ordre moral. C'est ainsi que le taux brut de divorces quadruplait en 1969 pour atteindre 228,8 divorces pour 100 000 en 1979.

Le régime de la séparation de biens laisse alors apparaître progressivement des situations inéquitables entre les époux, situations qui, dans la plupart des cas, ne pouvaient être prévues ou même envisagées par les époux à la date de la conclusion du contrat de mariage, compte tenu du contexte social de l'époque.

Ces situations inéquitables survenant à la fin du mariage résultent le plus souvent du fait que, pendant le mariage, seul l'époux qui a travaillé à l'extérieur a accumulé un patrimoine, tandis que l'autre conjoint, le plus souvent l'épouse retenue à la maison pour veiller à l'éducation des enfants et au travail ménager, n'a accumulé aucun bien.

Dans un contexte de stabilité des mariages, une telle répartition des rôles à l'intérieur de la famille n'entraîne pas nécessairement un préjudice économique à l'un des conjoints à la fin du mariage. Il n'entraîne pas non plus de préjudices importants si, conscients de la possibilité d'une dissolution du mariage avant le décès de l'un d'eux, les époux prévoient entre eux des mécanismes, par exemple l'acquisition de la résidence familiale en copropriété, pour compenser la perte économique que le mariage peut occasionner à l'un des conjonts, perte économique qui se traduirait par une disproportion notable des patrimoines des conjoints à la fin du mariage. Toutefois, il s'est révélé, des années après le fait, que les clauses des compensations généralement prévues dans les contrats de séparation de biens ne suffisaient pas à remédier au déséquilibre économique entre les époux à la fin du mariage, d'autant plus que la situation économique générale s'était elle aussi profondément modifiée. Cet ensemble de faits peut donc nous laisser croire que de nombreux époux mariés en séparation de biens n'auraient peut-être pas choisi ce régime s'ils avaient eu, comme régime alternatif, un régime de type communautaire qui n'aurait pas enlevé à l'épouse sa capacité ou encore s'ils avaient pu prévoir que l'institution du mariage ne conserverait pas la stabilité qu'on lui connaissait à l'époque.

Lors de la réforme de 1980, le législateur québécois prévoyait un certain nombre de règles imperatives auxquelles tous les époux seraient automatiquement soumis du fait de leur mariage. Il s'agissait d'un régime dit primaire; à l'intérieur de ce régime, on retrouvait deux catégories de règles: les unes traitant des droits et devoirs des époux, les autres de la résidence familiale.

Ainsi, d'une part, le législateur consacrait l'égalité des époux dans le mariage et reconnaissait notamment l'obligation respective de contribuer aux charges du mariage de même qu'il reconnaissait la responsabilité commune des époux à l'égard des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins courants de la famille. D'autre part, il instituait des règles pour protéger la résidence familiale. Il y incluait des dispositions relatives à l'attribution préférentielle du bail ou l'attribution d'un droit d'usage d'habitation ou de propriété des meubles affectés à l'usage du ménage ou de l'immeuble servant de résidence familiale lorsque interviendrait une séparation de corps, un divorce ou une annulation de mariage.

Le principe affirmé par l'article 441 du Code civil du Québec indiquant que les époux ont en mariage les mêmes droits et les mêmes obligations constitue la pierre angulaire des relations entre les conjoints tel que considéré par le droit civil depuis 1980. Ainsi, parce que égaux, les époux doivent assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille, exercer ensemble l'autorité parentale et assumer ensemble les tâches qui en découlent. Ils sont tous deux tenus de contribuer aux charges du mariage mais en proportion de leur faculté respective, c'est-à-dire en proportion des biens et des ressources dont chacun d'eux peut disposer. L'article 445 du Code civil du Québec ajoute que chacun "peut s'acquitter de sa contribution par son activité au foyer".

De plus, les époux sont non seulement socialement mais aussi juridiquement solidaires l'un de l'autre puisque l'époux qui contracte pour les besoins courants de la famille engage aussi pour le tout son conjoint non séparé de corps à moins qu'il n'ait porté à la connaissance du tiers, préalablement à l'acte, sa volonté de n'être pas engagé. (15 h 20)

Enfin, conformément à l'article 444 du Code civil du Québec, laquelle disposition s'inscrivait parmi celles visant à consacrer l'égalité des époux au sein du mariage, les époux choisissent de concert la résidence familiale. La résidence familiale, c'est-à-dire la résidence principale de la famille, ainsi que les meubles qui, parmi ceux qui la garnissent, sont affectés à l'usage du ménage, seraient les seuls biens faisant l'objet d'une certaine protection.

Le législateur profita également de la réforme de 1980 pour instituer le mécanisme de la prestation compensatoire lequel était principalement destiné à rétablir le déséquilibre entre les patrimoines des conjoints mariés sous le régime de la séparation de biens. On peut supposer que, conscient des bouleversements sociaux importants des dernières années, le législateur jugeait alors bon de limiter le principe de la liberté conventionnelle entre les époux pour corriger des situations qu'il considérait les plus inéquitables, notamment le cas du conjoint marié sous le régime de la séparation de biens qui, à la fin du mariage, peut se retrouver dans une situation économique difficile. Toutefois, le mécanisme de la prestation compensatoire ne permet pas de corriger toutes les situations inéquitables qui, en bonne partie, résultent du fait que dans un passé relativement récent des conjoints ont opté pour le régime de la séparation de biens, d'une part, pour permettre à l'épouse de conserver sa capacité et, d'autre part, parce que le régime de la séparation de biens apparaissait, compte tenu des valeurs en cours et de la stabilité à l'époque de l'institution du mariage, comme un régime tout à fait acceptable, car dépourvu des dangers qu'on lui connaît aujourd'hui.

Contrairement à toute attente, la réforme du droit de la famille de 1980 ne produisit pas les résultats escomptés. Elle devait, en effet, indirectement, aggraver la situation du conjoint le plus faible économiquement, marié en séparation de biens. Le mari ne serait plus le seul responsable des dépenses de la famille, malgré toute clause contractuelle à l'effet contraire. En outre, le divorce rendait caduques les donations à cause de mort consenties en considération du mariage en vertu de l'article 557 du Code civil du Québec et le tribunal pourrait déclarer caduques les autres donations à cause de mort et celles entre vifs de les réduire ou ordonner que leur paiement soit différé. Quant à la prestation compensatoire, elle ne s'est pas avérée suffisamment efficace pour remédier complètement aux problèmes vécus par certains conjoints mariés, notamment ceux qui ont choisi comme régime matrimonial la séparation de biens.

Ainsi, le travail au foyer accompli par l'un des époux ne lui confère pas, selon le courant jurisprudence! majoritaire, le droit à une prestation compensatoire s'il s'agissait là uniquement de l'exécution de son obligation aux charges du mariage. Pour faire valoir son droit, le conjoint collaborateur se bute à d'importantes difficultés de preuve qui, dans certains cas, sont de nature à rendre le recours illusoire.

Finalement, le droit que l'un des conjoints possède dans un régime privé de retraite ne peut pas servir au paiement d'une prestation compensatoire, car ces droits sont généralement incessibles, même entre les époux.

Pour ce qui est des règles relatives à la protection de la résidence familiale, elles soulèvent également des difficultés. Ainsi, on déplore notamment la condition de l'enregistrement de la déclaration de résidence familiale pour permettre l'exercice du recours en nullité de l'acte fait

sans (e consentement requis du conjoint ainsi que l'avis au bailleur actuellement requis pour protéger les lieux loués comme résidence familiale. On déplore également le fait que certains lieux qui servent effectivement de résidence familiale ne sont pas visés par ces dispositions qui, en se référant uniquement aux notions de propriété et de location, ne rendent pas compte de toutes les formes juridiques qui peuvent être utilisées pour assurer le logement de la famille. Des problèmes d'ordre procédural ont également été relevés quant à la saisie de la résidence familiale et sa vente forcée. Les règles actuelles ouvrent la porte à des saisies abusives et à des ventes forcées de résidence familiale à des prix dérisoires.

Finalement, d'autres difficultés ont été relevées relativement au régime de la société d'acquêts et de la communauté de biens. En société d'acquêts, la qualification de certains biens, notamment le fait que les droits des pensions de retraite et autres rentes, que le titulaire ne peut racheter par anticipation, soient des biens propres, est discutable, alors qu'on considère maintenant ces droits comme du salaire différé.

En 1985, dans le but de prémunir les membres de la famille du défunt, plus particulièrement le conjoint, contre des situations difficiles qui résultent de l'exercice malencontreux ou abusif que le défunt a pu faire de sa liberté de tester, le projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens, prévoyait un chapitre traitant de la survie de l'obligation alimentaire.

Les dispositions visaient à reconnaître le droit de tout créancier d'aliments et de toute personne qui, à l'époque du décès, était à la charge du défunt, de réclamer de la succession une contribution financière à titre d'aliment. Cette proposition suscita des oppositions et entraîna la discussion d'une solution de remplacement qui, elle, aurait établi une réserve héréditaire en pleine propriété en faveur du conjoint survivant, par laquelle ce dernier aurait acquis de plein droit une partie des biens de la succession. Toutefois, ni la proposition sur la survie de l'obligation alimentaire, ni celle sur la réserve héréditaire, ni d'autres qui furent également proposées ne firent l'objet d'un consensus.

Parallèlement à toutes ces discussions sur le choix d'une solution, des groupes et organismes élargirent le débat et le réorientèrent sur une réforme du droit de la famille, plutôt que du droit successoral. Selon eux, les difficultés économiques vécues par certains époux mariés en séparation de biens a la suite du décès de leur conjoint, ce qui constituait le problème majeur de base des propositions, n'étaient pas différentes de celles que vivaient d'autres conjoints lors d'une séparation de corps ou d'un divorce. Par conséquent, ces groupes et organismes privilégiaient une réforme du droit de la famille, principalement axée sur la protection du droit du conjoint le plus économiquement faible.

Ainsi, en 1986, le groupe Projet-Partage proposait de limiter la liberté des époux d'aménager leur situation patrimoniale et de créer une catégorie de biens familiaux qui, à la dissolution de l'union, ferait l'objet d'un partage égal entre les conjoints. Leur mémoire reposait sur l'idée qu'il faut compenser le travail au foyer et la prise en charge d'enfants, lesquels représentent une valeur sociale certaine, mais sans valeur économique reconnue. Les recommandations du comité du Barreau du Québec, dans son rapport sur la fiscalité, la prestation compensatoire et le partage des biens familiaux en mariage, de mai 1987, allaient dans le même sens. Ce comité soutenait que le régime primaire devait reconnaître l'existence de biens familiaux susceptibles de partage à la dissolution de l'union, indépendamment du fait que ces biens puissent n'être la propriété que d'un seul des conjoints.

Devant cette impasse législative et devant les nombreuses revendications de ces groupes et organismes, il fut convenu, d'une part, de retirer le chapitre IVe "De la survie de l'obligation alimentaire" du projet de loi 20 et, d'autre part, de mettre sur pied un comité technique qui aurait pour mandat d'examiner de façon globale les orientations possibles pour mieux assurer les droits économiques des conjoints. En janvier 1987, le Comité sur le droit économique des conjoints fut créé. Il était formé de représentants du ministère de la Justice, du Secrétariat à la condition féminine, et du Secrétariat à la politique familiale.

Le mandat du comité était d'étudier, en regard du droit actuel, la situation des conjoints pendant le mariage, lors d'une séparation ou à la dissolution du mariage par divorce ou décès. Il devait en outre proposer, sous forme d'hypothèse, des modifications législatives de manière que chacun des conjoints lors d'une séparation ou d'un divorce, et le conjoint survivant en cas de décès soient traités avec correction et équité sur le plan économique.

En août 1987, le comité remettait au ministre de ia Justice un rapport dans lequel il faisait état d'un certain nombre de problèmes vécus par les conjoints et suggérait trois hypothèses de solutions portant chacune sur les sujets suivants: la protection de la résidence familiale, la prestation compensatoire, les régimes matrimoniaux, la part du conjoint survivant en droit successoral et les régimes de rentes.

Les hypothèses avancées par le comité s'articulaient autour de trois voies possibles d'orientation: la première étant de maintenir les principes à la base du droit actuel, sauf à y introduire des aménagements visant à résoudre les difficultés soulevées, la deuxième étant de constituer, impérativement, un patrimoine familial sur lequel chacun des époux aurait des droits, tout en maintenant les régimes actuels pour le surplus, le troisième étant d'instituer, impérati-

vement, un seul régime matrimonial, la société d'acquêts, sauf à permettre aux époux d'y déroger par des conventions spécifiques. (15 h 30)

En juin 1988, dans un document présenté à la consultation sur les droits économiques des conjoints par mon collègue, M. Herbert Marx, alors ministre de la Justice, et moi-même, l'une de ces hypothèses était retenue pour les fins de la consultation publique: II s'agissait de la voie mitoyenne proposée par le comité, celle où l'on reconnaissait l'existence d'un patrimoine familial comportant un nombre limité de biens à caractère familial, dont la valeur devrait être partagée à part égale entre les conjoints à la fin du mariage ou à la séparation de corps. Selon cette hypothèse, la liberté contractuelle des époux serait maintenue, mais uniquement pour les biens qui ne seraient pas considérés par le législateur comme des biens devant être inclus au patrimoine familial. Le patrimoine familial, selon cette hypothèse, et à l'époque, était constitué des biens suivants: la résidence familiale ou, à défaut, la résidence secondaire ou les droits qui assurent le logement de la famille, les meubles qui garnissent la résidence familiale et affectés à l'usage du ménage, les véhicules automobiles ainsi que les gains accumulés par l'un des conjoints en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de programmes équivalents. Notons que ces règles de partage ne visaient que les époux et non pas les conjoints de fait.

Tel que prévu, des consultations publiques étaient tenues en octobre dernier sur le document de consultation. 26 mémoires étaient alors déposés à la commission des institutions par divers personnes, groupes et organismes; 21 d'entre eux étaient présentés devant les membres de la commission au cours d'audiences publiques tenues entre les 12 et 20 octobre dernier. La diversité des interventions témoignait de l'importance attachée au contenu du document. En effet, non seulement des groupes féminins et familiaux étaient-ils venus se faire entendre, mais également des représentants de différents secteurs, tels ceux du monde syndical, des corporations professionnelles et des institutions financières.

Évidemment, une question devait principalement retenir l'attention, soit celle traitant de l'institution du patrimoine familial, la plupart des intervenants n'ayant pas abordé les autres propositions du document de consultation.

La presque totalité des intervenants se sont alors dits d'accord avec le principe de l'institution d'un patrimoine familial. Deux d'entre eux s'étaient abstenus de considérer le bien-fondé du principe retenu; quelques-uns devaient se prononcer en faveur du principe retenu en émettant quelques réserves. D'autres enfin s'y sont opposés pour se prononcer plutôt soit en faveur d'une simple amélioration ponctuelle, soit en faveur de l'hypothèse d'une société d'acquêts comme régime impératif.

Pour ce qui est de la constitution du patrimoine familial, la très grande majorité des intervenants proposait l'élargissement de ce patrimoine. Ainsi, la plupart suggéraient l'inclusion des régimes privés de pension ou de retraite. Plusieurs également proposaient l'inclusion des résidences secondaires. Quelques-uns enfin considéraient qu'il fallait en outre inclure les biens qui ornent la résidence principale ou secondaire et l'entreprise familiale.

On sait que la proposition gouvernementale comportait une disposition transitoire voulant que les époux mariés avant l'entrée en vigueur des dispositions sous le patrimoine familial puissent, dans les trois ans de cette mise en vigueur, se soustraire à l'application de ces règles. Plusieurs se sont prononcés contre cette mesure transitoire; d'autres ayant manifesté des craintes certaines quant à ses effets.

En ce qui concerne la protection de la résidence familiale, certains ont suggéré que l'acte fait par une personne sans le consentement de son conjoint, alors que ce consentement était requis, soit automatiquement annulable, malgré l'absence d'enregistrement d'une déclaration; d'autres recommandaient que la procédure d'enregistrement soit remplacée par une déclaration faite au moment de l'acquisition de l'immeuble.

Quant aux modifications proposées relativement à la société d'acquêts, plusieurs indiquaient qu'advenant le cas où les régimes privés de retraite ne seraient pas inclus au patrimoine familial, ils souhaitaient que ces droits soient, dans tous les cas, considérés comme des acquêts.

Enfin, en ce qui a trait aux propositions relatives à la survie de l'obligation alimentaire, presque tous se sont dits d'accord. Seuls la Chambre des notaires et le Conseil du statut de la femme ne partageaient pas cet avis. Il importe cependant de noter que la Chambre mentionna par ailleurs qu'elle ne s'y opposerait pas si l'application de ces dispositions était limitée au conjoint survivant et si la créance était déter-minable extrajudiciairement suivant des critères préétablis. Notons enfin que le Conseil du statut de la femme proposait que, lors du décès d'un conjoint, le patrimoine familial commun revienne totalement et en pleine propriété au conjoint survivant.

Les membres de la commission devaient enfin systématiquement s'enquérir auprès des intervenants de la pertinence de légiférer pour englober les conjoints de fait. Certains s'y sont opposés clairement, d'autres se sont dits d'accord lorsqu'il y a présence d'enfants et quelques-uns, sans exprimer une opposition ferme sur le sujet, ont indiqué l'intérêt de se pencher éventuellement sur la question des conjoints de fait. À la suite de la tenue de cette commission parlementaire et en tenant compte dans la mesure du possible des représentations faites devant celle-ci, je présentais, le il? niai dernier, devant cette

Chambre le projet de loi 146.

Essentiellement, et concernant l'institution d'un patrimoine familial, ce projet vise à instaurer, dans le cadre des dispositions applicables à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial, un patrimoine familial constitué d'une masse de biens obligatoirement et automatiquement partageables entre ceux-ci à la fin du mariage, que celle-ci intervienne par séparation de corps, divorce, décès ou annulation de mariage.

Plus particulièrement, ce patrimoine est exclusivement constitué des biens suivants dont l'un ou l'autre des époux est propriétaire: la résidence principale et la résidence secondaire de la famille ou les droits que confère l'usage de ces résidences; les meubles qui garnissent ou ornent les résidences principale et secondaire et qui sont affectés à l'usage du ménage; les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille; les gains Inscrits, durant le mariage, au nom de chaque époux dans un régime public de rentes; les droits accumulés, durant le mariage, au titre de régime de retraite.

En conséquence, tous les autres biens que possède l'un ou l'autre des conjoints sont exclus du patrimoine commun. Le principe de la liberté contractuelle continue donc de s'appliquer pour tout ce qui excède la masse de biens compris dans le patrimoine commun.

On aura remarqué, bien sûr, l'ajout notable, par rapport à la proposition soumise à la consultation publique, que constitue l'inclusion au patrimoine familial des sommes accumulées au titre d'un régime de retraite et de la résidence secondaire.

À cet égard, les représentations faites par la plupart des intervenants entendus en commission parlementaire nous ont convaincus qu'il nous fallait reconnaître, comme partout au Canada, un caractère de bien familial à ces sommes. En effet, leur accumulation prive la famille d'une source de revenus substantielle (salaire différé) et le but premier de cette privation est d'assurer à ses membres une sécurité financière au moment de la retraite.

Au surplus, l'on reconnaît déjà le caractère famHial des droits d'un époux dans un régime public de retraite. Par conséquent, H nous apparaissait difficile de ne pas reconnaître également le caractère familial des droits de ce même époux dans un régime privé, étant donné que ces droits sont essentiellement de même nature.

Il nous fallait également constater qu'il arrive souvent en pratique qu'un seul des époux ait épargné des sommes pour alimenter un fonds de retraite, cela découlant la plupart du temps d'une répartition de tâches volontairement consentie par ceux-ci, pendant le mariage ou pour une période de celui-ci. Le fait de soustraire les fonds de retraite des biens à partager aurait sans doute eu pour effet de pénaliser celui des conjoints qui assume sa part des tâches en restant au foyer.

 l'égard des droits accumulés au titre d'un régime de retraite, Je tiens cependant à souligner que seules les sommes accumulées après le mariage ainsi que la plus-value afférente à ces sommes seront partageables, ce qui aura pour effet d'exclure les sommes accumulées avant le mariage, ainsi que leur plus-value, et ce, même si cette plus-value s'est accrue pendant le mariage.

Enfin, les modalités d'évaluation et de dévolution de ces montants seront le plus souvent déterminées dans les lois particulières, notamment la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, et dans la réglementation, ce qui évitera tout probablement et dans une large mesure les quelques problèmes que l'on connaît à cet égard en Ontario.

Ainsi qu'il nous le fut demandé en commission parlementaire, de qualifier d'acquêts les sommes accumulées dans un régime privé de retraite, celles-ci, encore une fois, étant uniquement reconnues comme étant une portion différée du salaire.

Concernant la résidence secondaire, l'on sait que, ne serait-ce que pour des considérations d'ordre fiscal, H arrive de plus en plus fréquemment que la résidence familiale soit au nom de l'un des époux et que la résidence secondaire soit au nom de l'autre. À cet égard, des représentations, notamment du Barreau, ont été fartes en commission parlementaire, soulignant la nécessité que cette dernière fasse également partie du patrimoine dans tous les cas et non seulement uniquement en l'absence d'une résidence principale faisant l'objet d'un droit de propriété par l'un des conjoints.

Exclure la résidence secondaire, lorsqu'il existe une résidence principale, aurait pu mener à des injustices graves; l'application des dispositions telles que proposées au moment de la consultation en commission parlementaire, à savoir l'Inclusion de la résidence secondaire uniquement lorsque les époux n'étaient pas propriétaires de la résidence principale, aurait en effet pu supposer que l'un des époux obtienne, par le partage, la moitié de la valeur de la résidence principale et conserve pour lui seul l'ensemble de celle de la résidence secondaire. Il aurait donc pu résulter de l'exclusion de la résidence secondaire du patrimoine familial un appauvrissement de l'un des conjoints et un enrichissement indu de l'autre.

Il apparaissait enfin difficile de nier le caractère éminemment familial de la résidence secondaire, celle-ci n'étant bien évidemment pas réservée au seul usage de l'un des époux en particulier, mais bien à celui de l'ensemble de la famille. (15 h 40)

Pour toutes ces raisons, nous avons donc convenu d'inclure dans le patrimoine familial automatiquement partageable entre les époux, la résidence secondaire.

Les dispositions du Code civil du Québec

relatives au patrimoine familial s'appliqueront à tous les époux, dès le moment de leur entrée en vigueur. Ainsi seront affectés par ces dispositions tant les époux mariés avant l'entrée en vigueur de la loi que ceux qui se marieront après cette date. Cependant, les époux déjà mariés au moment de l'entrée en vigueur de la loi pourront, s'ils le désirent, renoncer à l'application des dispositions relatives au patrimoine familial. Pour ce faire, ils devront manifester, dans les 18 mois de la date de leur entrée en vigueur, par acte notarié, leur volonté de ne pas y être assujettis. Toutefois, il faut noter que cette renonciation sera sans effet sur le droit des époux de partager les gains inscrits, durant le mariage, à leurs noms, en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de programmes équivalents. Cette exception peut se comprendre aisément puisqu'elle repose sur le fait qu'en droit actuel, ces gains sont déjà, dans certaines circonstances, partageables entre les époux. Permettre à ceux-ci de renoncer à ces droits ne serait pas sans créer un certain nombre d'injustices.

Les dispositions sur le patrimoine familial affectent les époux, elles ne visent d'aucune façon les conjoints de fait, même dans le cas où ces derniers auraient des enfants.

Il va de sol que dans la mesure où les conjoints de fait ne sont pas assimilés, par le Code civil, à des époux, en ce qui concerne leurs droits et obligations entre eux, notamment pour ce qui est de l'obligation du secours et d'assistance, nous voyons mal comment nous pourrions leur appliquer les règles sur le patrimoine familial. Cette question devra être discutée de nouveau, et ce, de façon globale. Il faut cependant noter que les conjoints de fait peuvent toujours convenir entre eux de régimes ou de règles similaires à celles qui concernent les époux au Code civil du Québec, notamment ils pourraient donc être assujettis aux règles sur le patrimoine familial.

À ce sujet, l'on sait que, depuis 1980, le phénomène de l'union de fait s'est développé au Québec. Toutefois, en 1986, sur 1 500 000 couples, 1 300 000 étaient mariés, alors que 188 000 seulement étaient en union de fait, 12,5 % des couples. Parmi les couples vivant en union de fait, seulement 69 900, c'est-à-dire 4,6 %, avaient des enfants.

On peut facilement, quant aux couples mariés, connaître leurs motivations et aspirations, puisque ceux-ci choisissent une forme d'union qui est reconnue socialement et législa-tivement. Ce n'est cependant pas le cas des personnes vivant en union de fait. En effet, il est très difficile d'évaluer précisément le début ou la fin de leur union, d'évaluer si celle-ci est favorable ou non à la présence d'enfants ou de connaître les modes d'administration des biens adoptés par les concubins.

Au Canada, trois législations font spécifiquement mention des cas des concubins, mais en les excluant toujours des dispositions touchant le partage des biens. En Ontario, le seul droit qu'on leur reconnaît est au chapitre de l'obligation alimentaire.

Aux plans juridique et social, il faut aussi considérer que l'application, sans distinction, aux concubins des règles du mariage aurait pour effet d'assimiler les deux formes d'union, ce que nous avons rejeté, en 1980, lorsqu'on a débattu de cette question. Une telle assimilation ne serait pas sans conséquence, car quel serait alors le sens du mariage ou la valeur civile du mariage religieux et quelle serait la forme d'union développée par ceux qui ne veulent pas être réglementés?

En conséquence et en l'absence d'études plus approfondies du phénomène, il nous semblait, à ce moment-ci, inopportun de légiférer sur les rapports civils des concubins. Nous avons donc proposé qu'un groupe de travail interministériel soit formé et que ce groupe ait le mandat d'analyser la question et de faire effectuer les recherches sociologiques nécessaires afin d'éventuellement apporter, s'il y a lieu, les corrections législatives appropriées.

Il me paraît nécessaire de faire ici état des moments où s'effectuera, dans la vie des époux, l'ouverture du droit au partage de leur patrimoine familial. En effet, c'est uniquement en cas de séparation de corps, de dissolution ou de nullité de mariage que naîtra le droit au partage du patrimoine.

Ce partage s'effectuera à part égale entre les époux sur sa valeur nette. Pour calculer la valeur nette du patrimoine familial, il suffira de soustraire de la valeur réelle ou marchande de ce patrimoine les dettes contractées pour l'acquisition, l'amélioration, l'entretien ou la conservation des biens dont est constitué ce patrimoine et de soustraire également, lorsque l'un de ces biens a été acquis avant le mariage par l'un des époux, les sommes qu'il a payées à l'égard de ce bien avant le mariage.

Enfin, lorsque l'un de ces biens aurait été acquis pendant le mariage par l'un des époux par don ou héritage, il faudra en outre soustraire, pour les fins du partage, la valeur de ce bien au moment du don ou de l'héritage.

Une fois ces opérations terminées, il sera aisé de déterminer la part ou les parts respectives de chacun des époux. L'un d'eux deviendra débiteur envers l'autre d'une certaine valeur et l'autre créancier envers lui de cette même valeur. Ils pourront convenir ensemble de l'exécution du paiement de cette obligation. Elle pourra avoir lieu en numéraire ou par dation en paiement.

Enfin, il importe de mentionner que le tribunal pourra, sur demande, déroger au principe du partage égal du patrimoine familial des époux lorsque, d'un tel partage, résulterait une injustice, compte tenu notamment de la brève durée du mariage, de la dilapidation de certains biens par l'un des époux ou encore de la mauvaise foi

de l'un deux. Il a semblé nécessaire de prévoir une certaine discrétion judiciaire pour permettre l'examen des cas particuliers par le tribunal. En l'absence de cette discrétion, les dispositions sur le patrimoine familial pourraient sans doute entraîner certaines situations inéquitables.

Les dispositions sur la protection de la résidence familiale ont été élargies par rapport au droit actuel, entre autres, pour permettre d'assurer la protection de la résidence familiale des époux, même lorsque celle-ci n'est pas la propriété de l'un deux. Il suffit que l'un des époux soit détenteur de droits qui lui confèrent l'usage de la résidence pour qu'il ne puisse en disposer sans le consentement de son conjoint. •Ainsi, par exemple, l'époux détenteur d'actions qui lui confèrent l'usage de la résidence familiale devra obtenir le consentement de son conjoint pour disposer de ses actions. Cette modification permettra d'assurer une protection plus adéquate de la résidence de la famille.

Pour ce qui est de la prestation compensatoire, les règles sont modifiées de manière que l'époux collaborateur puisse faire valoir son droit à une prestation compensatoire dès la fin de sa collaboration à l'entreprise. Cette modification constitue un ajout important au droit actuel puisqu'il ne peut pas actuellement faire valoir son droit à une prestation compensatoire pendant le mariage, ce droit à la prestation compensatoire étant uniquement ouvert à la fin du mariage ou à la suite d'une séparation de corps.

Enfin, les dispostions relatives à la prestation compensatoire sont modifiées de manière à faciliter la preuve de l'époux collaborateur à son droit à une prestation compensatoire. Il pourra prouver son apport à l'enrichissement de son conjoint par tout moyen.

En ce qui concerne les règles de la société d'acquêts, la principale modification a trait à la qualification des droits à la retraite. J'en ai parlé brièvement précédemment. Actuellement, certains droits de retraite sont expressément qualifiés de biens propres. Ainsi, même si ces biens sont acquis par l'un des époux pendant le mariage, ils ne sont pas considérés comme des acquêts. Le projet de loi 146 modifie cette règle en supprimant les exceptions relatives à certains droits à retraite. On considère, de façon générale, que ces droits n'ont plus le caractère personnel qu'on leur prêtait autrefois et que, par conséquent, la qualification de bien propre n'est pas justifiée.

D'autres modifications sont apportées aux règles actuelles de la société d'acquêts. Il s'agit de modifications mineures qui ont principalement pour but de clarifier le droit actuel.

Enfin, le projet de loi 146 institue la notion de la survie de l'obligation alimentaire. Les dispositions qui traitent de cette question sont insérées au Code civil du Bas-Canada parmi les dispositions relatives au droit des successions.

Avec l'introduction de ce chapitre nouveau, le projet de loi entend apporter une solution équitable aux cas malheureux où le défunt, pourtant en moyens, déshérite ou laisse sans ressources des personnes qui dépendaient de lui pour leur soutien alimentaire, qu'il s'agisse de personnes qui en étaient légalement créanciers alimentaires ou de personnes qui, dans les faits, se trouvaient à dépendre de lui pour leur subsistance.

Le draft actuel, avec le principe de la liberté illimitée de tester qu'il comporte, permet certes au testateur de pourvoir aux besoins réels des membres de sa famille et des personnes à sa charge et le plus souvent celui-ci use sagement de cette liberté. Mais il ne prévoit aucune mesure destinée à protéger ces personnes contre l'exercice abusif de sa liberté de disposer de ses biens comme H l'entend. Même l'obligation de secours que lui impose le droit actuel envers ses créanciers alimentaires s'éteint avec son décès.

Aussi, bien que certains puissent encore aujourd'hui être partagés entre le besoin de protéger ces personnes et le respect de la liberté du défunt, les circonstances actuelles de même que les revendications de la majorité des groupes ou organismes intéressés en cette matière dénotent la nécessité d'instaurer en droit civil des règles protectrices de la proche famille du défunt et, par extension, les personnes dont la situation matérielle peut être directement affectée par le décès. (15 h 50)

Ces dispositions sur la survie de l'obligation alimentaire reconnaissent à tous ceux qui, du vivant du défunt, en étaient légalement créanciers alimentaires ou étaient à sa charge, de réclamer contre sa succession une contribution financière pour leur tenir d'aliments. Ces personnes doivent cependant exercer leur droit, à peine de déchéance, dans les six mois du décès.

Considérant le but même recherché par la mesure instaurée, il va de soi que les créanciers alimentaires du défunt, c'est-à-dire ses ascendants ou descendants tel que l'édicté l'article 633 du Code civil du Québec, sont les premiers bénéficiaires de la survie de l'obligation alimentaire du défunt. Mais sont également visées les personnes qui, sans être légalement créanciers alimentaires du défunt, dépendaient néanmoins de lui pour leur soutien matériel, tels ses parents en ligne collatérale, voire des personnes non liées au défunt par des liens de parenté, lesquelles méritent aussi d'être mises à l'abri des libéralités excessives du défunt.

Il est important de mentionner qu'une contribution à titre d'aliments ne sera pas accordée dans tous les cas à la personne qui pourra en faire la demande. Divers critères devront être considérés, notamment les besoins et les facultés de la personne qui demande une contribution à titre d'aliments, les circonstances dans lesquelles elle se trouve, ainsi que l'actif de la succession.

Enfin, cette contribution est attribuée sous

forme d'une somme forfaitaire payable au comptant ou par versements. Elle est fixée en accord avec la personne chargée de liquider la succession agissant avec le consentement des héritiers et des légataires ou, à défaut d'entente, par le tribunal.

De la synthèse qui précède, vous aurez compris que par ce projet, nous cherchons essentiellement à consacrer le mariage comme une véritable institution de partenariat servant de base à l'organisation de la famille sous l'enseigne de l'égalité des conjoints. Cette réforme, qui profitera à tous les membres de la famille, vise donc premièrement à concrétiser, au moment d'une séparation de corps, d'un divorce ou d'un décès, les principes d'égalité en mariage inscrits depuis bientôt une décennie dans le Code civil du Québec.

Nous souhaitions également pallier aux difficultés vécues, à la fin du mariage, par certains époux mariés en séparation de biens. Cette réforme vise ainsi, deuxièmement, à garantir une certaine protection au conjoint le plus faible économiquement.

Cela étant dit et afin de bien cerner les motifs nous ayant incités à procéder à l'élaboration de cette réforme majeure, vous me permettrez, M. le Président, de traiter des incidences de celle-ci sur la liberté contractuelle, sur l'union de fait et le mariage et enfin, sur la politique familiale et la condition féminine.

Ainsi que je le mentionnais plus avant, les dispositions du projet de loi 146 introduisent, de façon imperative, un principe de partage égali-taire d'application immédiate.

À ce propos, d'aucuns nous ont fait remarquer que la constitution d'un patrimoine familial parmi les règles imperatives des effets du mariage entraîne une restriction importante à la liberté contractuelle des époux: le sort des biens qui le constituent échappe, en effet, en partie, au contrôle de celui qui en est le propriétaire. De plus, pour les couples qui n'ont comme bien de valeur que la résidence familiale, des rentes ou régimes de retraite, la marge de liberté s'amenuise encore davantage. Pour les couples déjà mariés, enfin, l'institution du patrimoine familial modifie l'effet des conventions déjà faites.

À cet égard, je le rappelle, l'objectif premier de ce projet est de consacrer le mariage comme une véritable institution de partenariat.

La reconnaissance de la primauté d'une politique publique par rapport à l'autonomie individuelle nous apparaissait donc justifiée par l'importance de l'enjeu social: l'avènement de rapports égalitaires entre hommes et femmes dans et par le droit.

Cette considération appelait, nous le croyons, une mobilisation du législateur. Il s'agissait, en effet, de repenser une mécanique juridique et sociale qui tend à reproduire l'inégalité. Le législateur, à ce sujet, a des responsabilités énormes. Il ne peut se contenter d'être à la remorque d'une évolution inéluctable, certes, mais que trop de lourdeurs sociologiques et économiques contrarient. Une stratégie de changement social ne peut, lorsqu'elle remet en cause des attitudes aussi profondément ancrées que celles qui déterminent les rapports hommes femmes, se borner à proposer des modèles institutionnels nouveaux en laissant à chacun la faculté d'y adhérer.

Le succès encore imparfait de l'implantation du nouveau régime légal de société d'acquêts illustre d'ailleurs les aléas d'une stratégie purement incitative. Par ailleurs, il faut comprendre que le patrimoine familial se distingue d'autres mécanismes tendant à rééquilibrer la situation économique des conjoints, mais de manière corrective, a posteriori, comme la prestation compensatoire ou la survie de l'obligation alimentaire.

Il nous semblait, enfin, que refuser l'instauration d'un patrimoine familial, au motif que cette nouvelle institution ne cadre pas avec certains régimes matrimoniaux que peuvent vouloir choisir les époux, équivaudrait à donner plus d'importance à des modèles juridiques qu'aux impératifs de mouvement social. Ce faisant, le législateur se priverait d'un levier nécessaire au changement social.

Parce qu'elle est étroitement reliée à la question précédente et aussi parce que ce point a été à maintes reprises soulevé, je traiterai brièvement ici des effets rétroactifs de la mise en place du partage familial pour les conjoints mariés. À ce sujet, je souhaite d'abord préciser que si cette loi d'application immédiate peut sembler avoir des effets rétroactifs, elle n'est cependant pas, sur le strict plan juridique, une législation rétroactive, puisqu'elle n'a pas pour effet d'annuler ou de rendre invalides des actes passés ou de modifier les effets qu'ils ont eus antérieurement. On trouvera un exemple de législation rétroactive à l'article 569.1 du Code civil du Québec où il est dit: "II est et a toujours été permis de stipuler au bail des clauses qui limitent les droits des parties..."

Par ailleurs, si la proposition législative se voulait d'application immédiate, c'est que le deuxième objectif poursuivi est de résoudre un problème issu de l'application des dispositions du droit actuel et dénoncé par plusieurs groupes, à savoir la situation inéquitable vécue à la fin du mariage par le conjoint qui, généralement marié en séparation de biens, pour des motifs qui pouvaient être valables lors du mariage, sans nécessairement l'être par la suite, n'a pu, s'étant consacré aux tâches d'éducation des enfants, se constituer un patrimoine ou développer une activité professionnelle rémunératrice.

Il convenait donc de prolonger les principes d'équité et de justice inscrits dans la réforme du droit familial effectuée en 1980, qui voulaient que les époux aient, en mariage, les mêmes droits et les mêmes obligations; qu'ils exercent ensemble la direction morale et matérielle de la

famille, l'autorité parentale et assument les tâches qui en découlent; qu'ils contribuent, en proportion de leurs facultés respectives, aux charges du mariage et que chacun d'eux puisse s'acquitter de sa contribution par son activité au foyer.

Au surplus, comme le problème vécu est actuel et non seulement futur, légiférer pour les seuls couples mariés après l'entrée en vigueur de la loi ne permettait pas de le résoudre. De plus, ne légiférer que pour le futur aurait eu pour inconvénient de créer deux catégories de couples mariés, ce qui aurait pu susciter des tensions entre couples comparant leur situation respective.

En dernier lieu, Ton doit noter que les provinces canadiennes de "common law" ont toutes adopté, en droit de la famille, des législations visant à résoudre le même problème et que ces législations étaient d'application immédiate; elles ont eu des effets importants à l'égard des époux mariés antérieurement à la mise en vigueur de ces textes: à la fin du mariage, les époux des provinces de "common law" qui n'ont pas adopté de conventions contraires sont obligés de partager leurs biens familiaux, ce qu'on appelle "family assets", alors même qu'au moment du mariage ou de l'achat de ces biens, rien ne les y obligeait.

Le mariage n'est pas un simple contrat. C'est un contrat solennel qui, pour être valide, doit être célébré de manière publique devant un officier compétent et qui, s'il n'est pas dissous par décès, ne peut l'être que par un tribunal, suivant une certaine procédure. Il a toujours été, dans notre droit et, généralement dans le droit occidental, perçu comme une situation juridique de type institutionnel "qui a pour but de créer sur la tête des époux des charges plutôt que des prérogatives". Dès lors, "malgré l'apparence d'une forme contractuelle, le mariage ne peut pas être considéré, au plan de ses effets, comme une situation juridique contractuelle... Cette qualification prend toute son importance en droit transitoire lorsqu'il s'agit de déterminer l'effet de la loi nouvelle sur les situations juridiques en cours lors de son entrée en vigueur".

La qualification du mariage comme une institution découle nécessairement de la législation: l'article 440 du Code civil du Québec limite la liberté contractuelle des époux lorsqu'il prévoit qu'ils "ne peuvent déroger aux dispositions du présent chapitre, quel que soit leur régime matrimonial"; l'article 441 impose des devoirs mutuels de respect, de fidélité, de secours et d'assistance ainsi que l'obligation de faire vie commune. C'est aussi cette qualification qui a justifié le législateur d'intervenir dans l'organisation des rapports familiaux, et, dans l'intérêt public, d'appliquer immédiatement une loi nouvelle qu'il considère favorable au maintien ou au développement de la famille. Appliquant ainsi une législation nouvelle, il modifie, pour le futur, les effets que les époux pouvaient anticiper lorsqu'ils se sont mariés ou lorsqu'ils ont choisi un régime matrimonial. (16 heures)

Ainsi, par exemple, la réforme de 1964 sur la capacité de la femme mariée a été d'application immédiate et, lors de la réforme du droit de la famille de 1980, le législateur, parce qu'il le jugeait d'intérêt public, a édicté un ensemble de règles qui se sont imposées aux époux, même s'ils étaient mariés avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi: par exemple, les règles relatives à la prestation compensatoire et à la protection de la résidence familiale. De même, en 1968, la Loi sur le divorce a été d'application immédiate. Or, cette loi a profondément modifié les situations juridiques en cours, car, pour les couples mariés avant 1968, le mariage était, au moment où il a été célébré, indissoluble et leurs ententes, dont le contrat de mariage, prenaient en compte ce fait; or, la Loi sur le divorce a modifié les équilibres prévus et rendu obsolètes certaines dispositions contractuelles.

Si, par ailleurs, l'on doit reconnaître qu'en matière de régimes matrimoniaux, les époux ont, sous réserve des dispositions imperatives, une entière liberté contractuelle, il est difficile de jauger celle-ci de la même manière que l'on peut le faire pour d'autres contrats. La durée du contrat, les rapports émotifs étroits sous-jacents à celui-ci, la qualité ou non de l'information reçue lors du contrat, l'imprévisibilité de l'évolution de la situation matrimoniale et familiale et la démarche institutionnelle nécessaire auprès de tiers pour modifier un contrat font que la notion de liberté contractuelle ne peut, dans les rapports conjugaux, être perçue de façon absolue.

Certes, les mesures proposées affecteront une proportion de couples québécois, mariés en séparation de biens, 32 % en 1988, mais, il ne faut pas oublier qu'à l'inverse, ce sont 68 % des gens mariés en 1988 qui partagent l'ensemble de leurs biens.

Enfin, pour les gens mariés au moment de l'entrée en vigueur des modifications proposées, je tiens à rappeler que l'on a prévu l'existence d'une mesure transitoire leur permettant, de consentement mutuel et par acte notarié, dans les 18 mois suivant cette date, de se désengager de l'application des règles prévoyant le partage d'un patrimoine familial.

Une autre objection, à caractère plus sociologique, mérite d'être considérée. Elle consiste a prédire qu'en déterminant de façon imperative le sort d'une partie du patrimoine commun des conjoints, le législateur ferait du mariage une institution trop contraignante sur le plan patrimonial. Les couples seraient alors amenés à préserver leur autonomie sur ce plan en situant leurs rapports dans le cadre de l'union libre.

Pour notre part, nous croyons, au contraire, que le meilleur moyen de conserver au mariage sa capacité d'attraction est d'en faire clairement

le porteur du principe d'égalité entre les conjoints. C'est ce que tend à faire, de façon visible et simple, la création d'un patrimoine familial partageable par moitié. Placer cette institution égalitaire à la base des rapports patrimoniaux entre tous les époux, c'est contribuer à ce que le mariage réponde aux aspirations et aux valeurs des générations montantes.

Au surplus, après une étude de certaines statistiques, nous en sommes venus à croire que la baisse des mariages au Québec serait plutôt reliée à une mutation sociale qu'aux lois qui s'y appliquent.

En 1986, selon Statistique Canada, 5,9 % des couples ontariens vivaient en union de fait alors qu'au Québec, durant la même période, cette proportion était de 11,8 %. Toujours selon Statistique Canada, entre 1972 et 1986, c'est en Ontario qu'était enregistrée la plus faible diminution du nombre de mariages, en pourcentage, au Canada, soit 15,2 %.

Comme la loi ontarienne sur le droit de la famille a rendu la notion de partage d'un patrimoine familial applicable aux couples mariés dès 1978, ces statistiques ne semblent pas indiquer comme telles un impact négatif de la notion de partage sur le mariage. Toujours suivant ces statistiques, l'Ontario est la province où le nombre de mariages a le moins baissé au Canada, entre 1972 et 1986, alors que le Québec vient au premier rang.

Enfin, un sondage réalisé dans le cadre d'un omnibus SORECOM, entre le 2 et le 11 décembre 1988, et à la demande du Secrétariat à la condition féminine, révélait:

Que la très grande majorité des Québécois, soit 87 %, se disait totalement d'accord ou plutôt d'accord avec le principe général d'un partage de certains biens familiaux accumulés;

Que de l'avis des Québécois, ce sont les femmes (82 %) et les enfants (79 %) qui subissent très souvent ou souvent des dommages économiquement importants lors d'un divorce;

Que près de quatre répondants sur cinq seraient tout à fait en faveur ou plutôt en faveur à ce que le gouvernement propose pour tous les couples mariés un partage de certains biens familiaux acquis pendant le mariage.

Il apparaît donc que structurer le mariage comme une institution égalitaire, tant du côté des personnes que du côté des patrimoines, constitue l'organisation juridique souhaitée pour fonder une famille.

L'impact des modifications législatives proposées sur une politique intégrée et globale de la famille au Québec est difficile à mesurer.

Le droit civil, lorsqu'il réglemente les effets du mariage, influe nécessairement sur la perception qu'ont les couples de la vie conjugale et familiale. Mais le facteur droit civil n'est que l'un des nombreux facteurs à prendre en compte. Les règles de la fiscalité, la qualité du logement, les mesures de sécurité sociale sont aussi des facteurs qui ont un impact majeur sur cette politi- que.

Même si l'impact des modifications proposées était difficile à mesurer, cela seul ne devait pas suffire à remettre en question l'opportunité et la nécessité de modifier les rapports patrimoniaux entre époux pendant ou après le mariage, si, par ailleurs, le maintien du droit actuel est perçu comme source possible d'injustice, Cette dénonciation fut d'ailleurs le résultat le plus net de la consultation publique.

D'ailleurs, le comité de consultation sur la politique familiale recommandait, dans son rapport, le partage d'un patrimoine familial et le secrétariat à la politique familiale a participé au comité sur les droits économiques des conjoints, lequel, dans son rapport, envisageait la solution d'ensemble retenue comme l'une de ses hypothèses de solution.

Il va sans dire finalement que la réforme proposée, principalement les règles prévoyant le partage des biens familiaux, risque d'améliorer la condition économique des femmes, principalement celles mariées en séparation de biens. On sait qu'à la suite d'un divorce, les femmes subissent une baisse de revenus substantielle et les hommes une hausse appréciable. Les règles de partage du patrimoine familial des époux devraient diminuer l'écart entre leur patrimoine respectif à la fin du mariage.

Toutefois, pour que cet effet bénéfique se produise, le patrimoine familial devait être constitué d'une masse suffisante de biens, dont la valeur soit représentative de la richesse des conjoints, et permette d'englober des biens équivalant à ceux inclus dans le patrimoine, afin d'éviter que les époux ou l'un d'eux n'investissent exclusivement que dans des biens exclus du patrimoine et donc non partageables.

Le travail à l'extérieur et le travail au foyer sont l'un et l'autre essentiels à l'acquisition, l'entretien et l'amélioration de ce patrimoine familial. Même dans les cas où les deux conjoints travaillent à l'extérieur, cela n'exclut pas l'activité au foyer qui doit être effectuée en surplus, d'où la nécessité qu'elle soit reconnue entièrement sur le plan juridique par l'instauration au régime primaire de la notion "patrimoine familial" obligatoirement partageable entre les époux à la dissolution du mariage.

L'intervention de l'État québécois en ce sens constitue nécessairement une reconnaissance sociale du travail au foyer. Le mariage sera désormais consacré socialement comme une institution de partenariat où les contributions de chaque conjoint, notamment l'activité au foyer, doivent être compensées matériellement par un partage égal du patrimoine familial qu'ils ont bâti ensemble au cours du mariage.

En conclusion, M. le Président, en 1978 le Conseil du statut de la femme reconnaissait que le régime légal de la société d'acquêts était celui qui était le mieux adapté à la situation de la plupart des couples québécois. Depuis lors, et bien qu'if ait constaté le peu de popularité du

régime et les Inéquités crées par la séparation de biens, le législateur, soucieux de préserver la liberté de choix des époux, décidait de maintenir tel quel le système des régimes matrimoniaux et faisait porter son action sur des mesures susceptibles d'augmenter le nombre de mariages régis par la société d'acquêts et de pallier les inconvénients de la séparation de biens.

Aujourd'hui, à la lumière de la progression constatée de la société d'acquêts, on peut prétendre que de plus en plus de conjoints considèrent le mariage comme une société donnant ouverture à un partage égal au moment de la rupture.

L'information et l'éducation font tranquillement leur oeuvre et ce, sans qu'on ait imposé à tous et à toutes une solution uniforme. Si on poursuit les actions d'information, cette progression continuera sans doute et on peut espérer que de plus en plus de couples pourront bénéficier de la meilleure protection au moment de la rupture. (16 h 10)

Par ailleurs, il y aura toujous des personnes qui, pour différentes raisons, voudront conserver l'indépendance du patrimoine dans le mariage. On ne peut présumer de leur ignorance à toutes et à tous. Il nous apparaît essentiel de préserver autant que possible cette liberté de choisir. Nous pensons donc qu'il valait mieux privilégier des règles juridiques qui maintiennent un certain écart entre le régime légal de type communautaire et un régime de type séparatiste pour que se poursuive la progression constatée à l'égard du régime de la société d'acquêts.

Il faut cependant que cet écart se réduise. À ce titre, l'inclusion au régime primaire d'un partage minimal de biens familiaux représentant le patrimoine commun atténue pour les femmes mariées en séparation de biens la sévérité d'un non-partage et assure une reconnaissance de leur contribution au couple et à la famille, quelles que soient les tâches effectuées et les fonctions qu'elles aient remplies. Cette solution nous semble donc celle où les notions d'équité et de liberté s'équilibrent le mieux tout en apportant une réponse susceptible de satisfaire aux besoins de la majorité des couples visés.

Les femmes ont jusqu'à maintenant payé cher le prix que la sécurité du mariage devait leur procurer: moins de formation, moins d'incitation à se préparer contre les difficultés de la vie, moins de facilités à intégrer le marché du travail, moins d'autonomie, la responsabilité entière des charges familiales, la dépendance totale à l'égard d'un conjoint.

L'entrée en vigueur de la Loi sur le divorce en 1968 entraînant la rupture du mariage et, par le fait même la fin des responsabilités en découlant a suscité une prise de conscience énorme chez les femmes et a contribué à démontrer à quel point certaines d'entre elles étaient démunies.

Nous devions adopter des mesures qui permettront de corriger les Inéqurtés subies par certaines femmes, qui modifieront en leur faveur les règles du pouvoir au moment de la rupture et qui entraîneront un partage plus juste de la richesse familiale.

Mais les bénéfices que procure le mariage ne pourront jamais, sauf dans de rares exceptions, si elles ont des conjoints très riches, préserver les femmes de la pauvreté. On ne doit pas non plus leur laisser croire qu'un partage des biens familiaux, aussi poussé soit il, pourra suffire à combler leurs besoins. La moitié de tous les biens du ménage ne remplacera jamais, pour les femmes, une formation adéquate et un emploi rémunérateur qui demeurent encore les meilleures stratégies pour accéder à une véritable autonomie financière. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le vice-Président: Nous allons poursuivre le débat avec l'intervention de Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous avons déjà eu l'occasion de le manifester lors des travaux de la commission parlementaire qui se sont déroulés l'automne dernier, nous avons l'intention de concourir à l'adoption de ce projet de loi sur les droits économiques des conjoints. Je crois qu'il est certainement utile à ce moment-ci de rappeler la position, je dirais, responsable et non partisane que l'Opposition a manifestée tout au cours des différentes démarches qui nous permettent maintenant de procéder à l'examen du projet de loi 146.

Évidemment, je pense qu'il faut rappeler que, dès le départ, nous avons adopté une attitude responsable dans ce dossier névralgique. Notamment, pour accélérer l'avancement des travaux de la réforme du Code civil, dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral en 1985, nous avons consenti au retrait des dispositions qui étaient déjà incluses dans le projet de loi 20 portant sur le partage des biens en cas de décès seulement. Nous avons donc consenti à retirer du projet de loi 20, pour qui soit adopté par cette Assemblée, les dispositions qui traitaient de la réserve héréditaire ou de la créance alimentaire, en d'autres termes de ce qui faisait l'objet du droit successoral, du partage des biens familiaux lors d'un décès, donc de tout ce qui faisait partie du chapitre du droit successoral et à revoir l'ensemble de ces dispositions, cette fois à l'intérieur d'une véritable réforme du droit de la famille. Je le rappelle parce qu'il faut se dire que c'est l'aboutissement d'une longue démarche. Mme la ministre elle-même l'a signalé, ce n'est pas parce qu'on est à la fin d'une session, que c'est à la dernière minute que nous procédons à l'examen de ces questions.

Cela fait, non pas seulement des semaines,

mais des mois pour ne pas dire des années, que c'est évident que c'est presque avec impatience que nous attendions l'examen en deuxième lecture de cet important projet de loi. D'ailleurs, j'avais eu l'occasion, dès la clôture des travaux en commission parlementaire le 20 octobre dernier, de mettre le gouvernement en garde contre un délai trop long pour procéder à l'adoption d'un tel projet de loi. Je rappelle les propos que je tenais à la clôture de nos travaux le 20 octobre dernier, il y a maintenant huit mois, alors que je disais que le gouvernement devait prendre ses responsabilités en matière d'accélération de l'adoption d'un projet de loi, d'autant plus - et c'est toujours vrai maintenant - qu'en saisissant l'opinion publique de la possibilité d'un partage, le gouvernement laissait, dans le fond, à des conjoints, qui pouvaient être tentés de s'y soustraire, la tentation d'accélérer les procédures en séparation. Encore une fois, la possibilité était ouverte que des conjoints économiquement faibles pâtissent de ces délais. À partir du moment où l'opinion publique, la société est saisie de ces questions, il y va de la responsabilité du gouvernement, lui rappelais-je à ce moment-là, de légiférer rapidement.

Évidemment, huit mois plus tard - parce que c'était là des propos tenus le 20 octobre - je dirais presque que ce n'est pas trop tôt. Et nous avons l'intention de concourir à l'examen en commission parlementaire et à l'adoption en troisième lecture de ce projet de loi. Encore une fois, je pense qu'il faut insister sur le fait que c'est une loi à portée restreinte, il y a eu un déluge, je dirais, parfois une tempête d'opinions pas toujours très éclairées d'ailleurs, qui s'est soulevée sur la nature même de ce qui était proposé dans le projet de loi 146. Ces opinions pas toujours très éclairées ne sont pas venues de nos concitoyens moins bien informés. Très souvent, elles se sont retrouvées sous la signature de journalistes pourtant chevronnés, chargés d'étudier les affaires de la société, les affaires de l'État. Et l'indignation de certains éditorialistes m'est apparue très souvent fondée sur des exagérations ou des interprétations exagérées du projet de loi.

Encore cette semaine, je lisais un commentaire qui était publié dans le journal La Presse par un commentateur chevronné, sous la plume duquel on peut lire régulièrement les analyses, qui laissait entendre ceci, je le cite: "Je ne m'attarderai pas aujourd'hui sur les implications concrètes de ce projet, disait-il heureusement à cause de ce qui suit, sauf pour dire, comme d'autres avant moi, que cette législation fondée sur le partage équitable offre d'importantes échappatoires aux maris et fait perdre aux femmes des avantages de la société d'acquêts." Alors là, c'est à se demander quel est véritablement le projet de loi qui a été examiné, puisque la société d'acquêts n'est pas en cause, bien au contraire, et il faut souhaiter qu'on le dise largement. Il y a un régime légal qui lie les parties sans qu'on ait besoin de passer chez le notaire au Québec, c'est le régime de la société d'acquêts. C'est un régime qui prévoit déjà le partage équitable des biens en mariage. Il n'est pas nécessaire de se présenter devant un homme de loi, devant un notaire, pour passer un contrat de mariage. On peut très bien se satisfaire du régime légal, qui est celui de la société d'acquêts, qui, que je sache, n'est absolument pas modifié par l'ajout dorénavant de ce patrimoine que j'appellerai commun. (16 h 20)

Parce que là, je considère que c'est un peu abusif, effectivement, comme l'ont noté un certain nombre d'observateurs, à bon droit, d'intituler "patrimoine familial", ce patrimoine commun, à moins que l'on ne confonde la famille avec le mariage, puisque cette loi sur le partage des droits économiques des conjoints, que nous examinons maintenant, n'est ouverte que pour les conjoints en mariage. C'est donc exclusivement entre époux mariés que ce partage pourra se réaliser en cas de séparation ou de rupture du mariage. C'est donc dire que la famille - dans sa définition largement acceptée par la population, famille signifie présence d'enfants - qui est pourtant en progression assez vertigineuse hors du mariage, n'est pas pour autant protégée par cette loi. Alors ça, c'est un autre aspect. J'aurai certainement l'occasion d'y revenir dans le cours de ce débat de deuxième lecture.

Je pense, M. le Président, qu'il faut insister sur le fait qu'on ne peut quand même pas prétendre que la famille n'existe que dans le mariage. On n'a donc pas à confondre famille et mariage. Par ailleurs, la courbe de progression des naissances hors mariage, au cours des douze dernières années, serait pourtant de nature à inviter le gouvernement à prendre ses responsabilités en regard d'un examen qui doit être fait sur les protections sociales à offrir aux familles constituées hors mariage. Il faut quand même admettre que le projet de loi qui est devant nous est totalement silencieux sur ces protections. À mon point de vue et au point de vue d'un bon nombre de personnes qui s'intéressent aux bouleversements que connaît la société québécoise, c'est évident qu'il y a là matière à introduire des protections. Je cite simplement, pour les douze dernières années, la progression des naissances hors mariage. Qu'on me permette de rappeler qu'en douze ans, de 1976 à 1988 - il s'agit des chiffres les plus récents qu'on peut obtenir - c'est plus de 300 % de progression. Alors que 10 % des enfants étaient nés hors mariage en 1976, c'est un peu plus de 33 % en 1988.

L'an dernier c'est donc un enfant sur trois qui naissait hors mariage. Hors mariage, ça ne veut pas dire hors la connaissance ou la présence d'un père et d'une mère puisque, en définitive, de ces naissances hors mariage, l'an dernier, il y avait seulement 5 % des cas où le père n'était pas reconnu, où le père, en fait, ne reconnaissait pas sa paternité. C'est donc dire que c'est là une

progression qui devrait nous inciter à ne pas à attendre que les bouleversements soient tels que les problèmes s'accumulent, que l'État vienne, un peu trop tard, corriger des situations qui auraient déjà produit et qui produisent déjà des effets désastreux je crois, pour un certain nombre d'enfants qui vivent dans ces familles qui connaissent aussi les mêmes taux, sinon un taux plus élevé, de séparation ou de rupture que les familles en mariage. Il faudrait évidemment procéder à un examen qui pourrait nous le démontrer. C'est donc dire que cette proposition gouvernementale, à caractère restreint, est une loi "remédiatrice", de la nature des lois correctrices, plus qu'une loi innovatrice. Je pense qu'il faut le rappeler à ce moment-ci de l'examen du projet de loi 146, compte tenu du déluge d'opinions qui s'est particulièrement manifesté dans les médias

J'ai constitué deux dossiers, M. le Président. Un premier contient des télégrammes, des lettres, l'ensemble des interventions publiques ou privées faites par des concitoyens ou des associations représentatives dans notre société et, d'autre part, un dossier constitué de l'ensemble de ce que les faiseurs d'opinions - sous la signature desquels on peut lire régulièrement des analyses - ont dit sur cette question du partage des droits économiques des conjoints. Et vraiment, il faut faire l'exercice pour se rendre compte que d'un côté, dans la vie réelle de la société, les opinions exprimées sont très majoritairement favorables. À l'inverse évidemment, on aurait pu appeler le dossier des analystes ou des faiseurs d'opinion, le dossier du non. Et celui des personnes représentatives mandatées pour parler au nom de leur association ou des simples citoyens. En général, le dossier du oui, en faveur de ce qui est une proposition, je le répète encore, à caractère restreint.

Ce qui, certainement, peut rassurer à ce moment-ci, c'est d'une part cet appui indéfectible des associations les plus représentatives des femmes du Québec. Je pense en autres à l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, je pense aux cercles des fermières, je pense également à la Fédération des femmes du Québec qui regroupe, à ma connaissance, plus de 80 associations représentatives au Québec. Ces associations ont maintenu un appui indéfectible au projet de loi bien qu'il ne représentait pas toujours exactement les demandes qu'elles avaient formulées.

Je reviendrai, M. le Président, avec les inquiétudes et la déception exprimée par l'Association des femmes collaboratrices, notamment sur le recul du projet de loi 146 en ce qui concerne la prestation compensatoire. On se rappellera que dans le document gouvernemental déposé l'automne dernier, des dispositions très précises venaient favoriser l'application de cette prestation compensatoire qui, on le sait, a malheureusement connu un courant jurisprudence! qui a écarté des bénéfices de cette disposition introduite par Mme Payette il y a bientôt dix ans, qui a donc écarté des bénéfices de la prestation compensatoire des femmes collaboratrices qui auraient pu en bénéficier. On sait l'importance économique dans la société des femmes collaboratrices. Elles sont plus de 150 000 femmes qui, pour un salaire moyen de 169 $ par semaine, vaquent aux activités régulières du commerce de leur conjoint ou dont leur conjoint a tout autant la propriété juridique.

C'est donc dire que non seulement ces associations ont manifesté un tel appui, mais le projet de loi a aussi obtenu l'aval des praticiens du droit. Là, je crois que cela peut aussi, en quelque sorte, rassurer bon nombre de personnes que de savoir que le Barreau du Québec, l'Aide juridique, l'exécutif de la section québécoise du droit de la famille du Barreau canadien, ces trois organismes ont publiquement, dans un communiqué conjoint, fait connaître leur appui à ce projet de loi. Moi, je considère que cet appui ne peut être que désintéressé lorsqu'il vient des praticiens du droit, lorsqu'il est exprimé par des avocats parce qu'il n'en reste pas moins que cela va restreindre le champ de pratique, éventuellement peut-être diminuer les revenus de certains d'entre eux qui vivaient des conflits matrimoniaux. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance de ce point de vue exprimé par les porte-parole de ces associations représentatives des praticiens du droit qui, dans le fond, disent: Oui, cette loi est une bonne loi. Je reviendrai sur la position qu'ils ont exprimée. Cette loi est une bonne loi parce qu'elle va, d'autre part, réduire les conflits inutiles. Je vous assure que cela fait finalement chaud à entendre de la part d'avocats cette intervention par laquelle ils nous disent: Cela peut atténuer la rigueur des conflits. À ce sujet, évidemment, je souhaiterais que le gouvernement ne se satisfasse pas et ne se contente pas de penser que de telles dispositions contenues dans le projet de loi 146 suffisent pour faciliter la résolution des conflits conjugaux. Je voudrais rappeler à Mme la ministre qu'en matière de médiation familiale, son gouvernement a encore tout à faire de ce qu'il s'était pourtant engagé à faire. (16 h 30)

Dans ce domaine névralgique de la médiation familiale qui n'existe toujours pas, il faut certainement rappeler le conflit, pour ne pas dire la chicane totalement inacceptable qui se poursuit depuis deux ans entre le ministère de la Justice et du ministère de la Santé et des Services sociaux, un conflit qui s'éternise, qui n'est pas tranché comme si ce n'était pas un dossier important, un conflit qui a une telle répercussion qu'aucun nouveau service de médiation n'est actuellement offert au Québec ailleurs que sur le territoire de l'île de Montréal et sur le territoire de Québec. L'ensemble des autres régions du Québec ne bénéficie toujours pas, malheureusement, d'un tel service de médiation familiale. Les budgets qu'on avait prévu dépenser

pour créer ces services de médiation sont retournés au Conseil du trésor, périmés faute de décision du gouvernement dans cet important dossier. Vous savez, si on examine la loi 146, c'est parce qu'il y a des problèmes au moment des ruptures des mariages. J'ai eu l'occasion de le dire, et je le répète, même à portée restreinte, même si cette loi, dans le fond, ne concerne que des époux et ne concerne pas à proprement parler des conjoints qui pourraient avoir des enfants, même si c'est une loi à portée restreinte surtout parce qu'elle vient corriger la situation des conjoints économiquement faibles, mariés sous le régime de la séparation de biens, essentiellement, la loi 146, c'est la loi correctrice et elle n'est pas pour autant sexiste.

Cette semaine, on pouvait lire encore un commentaire publié dans les médias qui considérait qu'un tel projet de loi vise un partage équitable entre conjoints et, en pratique, il est sexiste. Pourquoi serait-il sexiste, M. le Président? Je cite le commentateur: "II résulte de l'intention clairement affichée de la ministre de venir à la rescousse d'une catégorie de femmes. C'est-à-dire celles qui, après avoir été longtemps confinées à la maison dans la dépendance économique, se retrouvent réduites à la pauvreté par l'abandon d'un mari qui profitera seul du patrimoine accumulé en commun, à cause d'un contrat de mariage qui désavantage honteusement l'épouse". Une fois que ce même commentateur a très bien décrit la situation injuste, pour ne pas dire inique, qui résulte des effets d'un contrat de mariage en séparation de biens, le commentateur considère que corriger cette situation, c'est sexiste. J'ai pensé en le lisant qu'il fallait, dans le fond, avoir un point de vue sexiste pour considérer que rétablir ou corriger ou atténuer le déséquilibre existant entre conjoints indépendamment... Est-ce que cela ne serait plus sexiste s'il s'agissait d'hommes, si on renversait les rôles sociaux attribués aux sexes dans la société? Et donc, que cette situation... Si on lisait, à la place de la "catégorie de femmes", tout simplement ceci: "En pratique, le texte de loi résulte de l'intention clairement affichée du ministre de venir à la rescousse d'une catégorie d'hommes. C'est-à-dire ceux qui, après avoir été longtemps confinés à la maison dans la dépendance économique, se retrouvent réduits à la pauvreté par l'abandon d'une épouse qui profitera seule du patrimoine accumulé en commun, à cause d'un contrat de mariage qui désavantage honteusement l'époux". On trouverait, au contraire, que c'est là un projet de loi indispensable pour corriger des situations iniques et injustes. Pourquoi est-ce que cela devient sexiste quand la catégorie de personnes qui vivent cette situation que je ne décris pas, moi, mais qui est décrite par le commentateur lui-même, pourquoi trouve-t-on ça sexiste, quand c'est pour améliorer le sort de cette catégorie de personnes que le projet de loi est présenté?

M. le Président, je dois vous dire que c'est avec un intérêt énormément studieux que j'ai pris connaissance de l'ensemble des opinions qui ont été publiées dans un média ou l'autre du Québec. Des dizaines de fois, je me suis rendu compte que ces analystes, ces faiseurs d'opinion considéraient tous qu'il y avait une injustice subie par un conjoint, possiblement l'injustice du conjoint chargé de l'activité au foyer compte tenu, et j'y reviendrai, des effets négatifs indirects que les législations antérieures ont pu avoir, effets négatifs évidemment aggravés par les courants jurisprudences qui ont exclu le travail au foyer comme une contribution qui pouvait être compensée au moment de la séparation.

Je me suis demandé comment H se fait... Et là, je mets vraiment au défi quiconque de m'identifier un seul de ces commentaires d'analystes qui a proposé d'autres mesures pour corriger la situation. Par exemple, et je pense qu'elle est peut-être caricaturale, mais, d'une certaine façon, elle est exemplaire parce qu'elle est représentative du point de vue exprimé, c'était l'opinion du directeur du journal Le Devoir, hier, qui disait, et je le cite au mot: "Le problème des victimes, au moment du divorce, de conjointes mariées avant 1970 sous le régime de la séparation de biens, est malheureusement réel et les injustices subies sont réparables, et doivent l'être, mais par des mesures appropriées."

Sous cette formulation ou sous une autre, toujours dans toutes ces analyses est revenue cette idée qu'H y avait des injustices, qu'il y avait des victimes, qu'il fallait réparation, et ça s'arrêtait là. Les mesures appropriées, je n'en ai pas vu le commencement de la pointe d'aucune proposée pour remplacer celle qui est devant nous aujourd'hui, comme s'il y avait une sorte de résignation sur le thème "c'est bien de valeur, mais on n'y peut rien".

Je dois vous dire, M. le Président, que j'ai tenté sous le gouvernement précédent, non pas en matière de droit familial mais de droit successoral, de trouver réponse adéquate à ce problème posé d'une injustice possible au moment du décès d'un conjoint qui décide d'écarter sa famille, non seulement son épouse mais ses enfants, des bénéfices du patrimoine commun. Évidemment, je dois vous dire qu'on a passé des semaines, pour ne pas dire des mois, à étudier cette question lors de l'examen du projet de loi 20. À l'époque, j'étais responsable pour le gouvernement précédent de l'examen en troisième lecture de ce projet de loi. Et je dois dire que mon vis-à-vis, le député de D'Arcy McGee, mettait autant d'ardeur que moi à tenter de trouver la meilleure solution entre la réserve héréditaire ou la créance alimentaire, et nous avons passé des semaines, notamment ici dans ce parlement en juillet 1985, à réfléchir sur ces questions, à en discuter. Et, en octobre 1985, nous procédions à un examen en commission parlementaire des mémoires présentés sur cette

question. (t6 h 40)

II faut bien comprendre que ça n'est pas récent que nous tentons, de part et d'autre de cette Chambre, de trouver une solution au-dessus des divisions de parti, une solution qui satisfasse les objectifs de justice et d'équité. Et il faut certainement convenir que le gouvernement a quand même mis passablement de temps. Il y a déjà quatre ans que le projet Partage a été déposé, trois ans maintenant, je pense, cette semaine, qu'un comité interministériel avait été formé, deux ans que le rapport dudit comité a été déposé et huit mois qu'une commission parlementaire a eu lieu. Depuis, je n'ai jamais entendu de propositions, de corrections publiées sous la signature de ceux qui font l'opinion dans notre société.

Ce projet de loi n'est peut-être pas parfait. Je le considère moi, M. le Président, en partie incomplet. Pourtant, j'insiste à nouveau, comme société, on va devoir certainement obliger le gouvernement à prendre ses responsabilités à l'égard de l'examen de l'ensemble de la situation familiale, de la protection des enfants, indépendamment de l'état civil des parents. Il n'est quand même pas normal, il n'est pas légitime, il n'est pas souhaitable d'envisager que les enfants aient moins de protection, compte tenu de l'état civil ou du statut conjugal de leurs parents. Je rappelle cette proposition que je faisais au moment de l'étude en commission parlementaire, cette proposition faite il y a huit mois, de mettre sur pied un véritable comité interministériel pour étudier le fond de cette question.

C'est une incohérence, c'est un fouillis inextricable. On multiplie les définitions de conjoints dans l'ensemble de nos lois sociales, de notre régime de sécurité sociale. Je n'ai pas à vous rappeler qu'à la fin de la session, en décembre dernier, dans la même semaine, on a adopté trois lois déposées par trois ministres différents qui nous donnaient trois définitions différentes des conjoints de fait. L'un prétendait que c'était immédiatement, le second, après un an de vie commune et l'autre, enfin, après trois ans. Alors, je rappelle cette proposition que nous faisions de considérer les conjoints de fait, dont un enfant est issu de l'union, comme étant évidemment couverts par l'ensemble de nos protections sociales et de nos lois familiales.

Je proposais, M. le Président, évidemment sur une base volontaire, de permettre, selon une formule très simple - et Mme la ministre, encore cet après-midi, nous a malheureusement parlé de la possibilité de passer chez un notaire, donc, d'encourir des frais, de multiplier des procédures pour établir un contrat de la nature des contrats du Code civil entre conjoints; je pense que l'État a une responsabilité de faciliter les protections, et j'insiste là-dessus, notamment en offrant une déclaration volontaire, une déclaration qu'il serait facilement possible de signer dans n'importe quel greffe de palais de justice. Il y en a sur tout le territoire du Québec. Personne ne serait lésé, personne ne serait pénalisé sur l'ensemble du territoire et ça permettrait, en retour de cette déclaration volontaire de statut, d'avoir droit à l'éligibilité aux avantages fiscaux, aux avantages sociaux, aux avantages familiaux et à la protection des lois existantes.

Sur une base volontaire, oui, quand H s'agit d'adultes, mais je considère qu'on devrait assurément offrir cette protection dès qu'il y a enfant issu de l'union dans le cas des conjoints de fait. Mme la ministre nous a cité des chiffres qui peuvent nous amener à croire que ce phénomène est relativement peu important. Vous savez qu'il faut faire attention à des statistiques, ce sont des moyennes. Le premier ministre précédent, M. Lévesque avait l'habitude de dire qu'on peut se noyer même dans trois pieds d'eau de moyenne, parce qu'on peut se retrouver avec un peu plus qu'on est capable d'en absorber.

C'est évident qu'il faut regarder beaucoup plus attentivement la réalité des plus récentes statistiques qui sont disponibles et qui permettent au contraire de constater une progression assez vertigineuse de la situation des conjoints de fait chez les moins de 30 ans. Alors, des statistiques évidemment générales qui font état de 12,6 % de couples qui vivent en union libre ne sont pas révélatrices de la véritable situation qui va en progressant puisque, évidemment, ces unions libres sont à peu près inexistantes chez les plus de 40 ans, c'est à peine 4 % chez les 40 ans, et c'est même 1 % chez les 65 ans. On les retrouve essentiellement chez les gens en âge de procréer, c'est-à-dire chez les moins de 30 ans, à savoir presque 60 % d'unions libres chez les 15-19 ans, 33 % chez les 20-24 ans et 17 % chez les 25-29 ans. Alors, ce phénomène devrait certainement susciter l'intérêt de la ministre responsable des politiques familiales, évidemment, du Conseil de la famille, mais de l'ensemble d'un gouvernement qui prétend relever le défi de la démographie et de la dénatalité.

Il est évident qu'il faut partir avec la réalité vécue par nos concitoyens et ne pas prendre finalement ses désirs pour des réalités. La réalité, c'est qu'actuellement, chez les moins de 30 ans, les couples sont à 36 % en union libre. Alors, comme l'État n'a pas à s'ingérer dans les choix de vie, il est évident qu'on ne peut pas pour autant, j'espère, rester silencieux devant une réalité comme celle-là. Les chiffres que je cite, je dois signaler qu'ils sont tirés des statistiques canadiennes et qu'évidemment, appliquées au Québec, il faudrait augmenter d'autant plus le pourcentage des moins de 30 ans en union libre parce que, globalement, si la statistique générale des unions libres au Québec, indique 12,6 % pour l'ensemble du Canada ce n'est que de 8,3 %. C'est donc dire qu'il y a certainement une hausse plus considérable même chez les moins de 30 ans que ces chiffres que je cite cet après-midi, qui doivent être assez prudents.

Donc, même à caractère restreint, cette loi correctrice pour favoriser l'égalité économique entre les époux seulement, j'insiste, et qui ne prend effet seulement s'il y a mariage, donc même cette loi correctrice a été fréquemment prise à partie par ceux qui prétendent que ça peut désinciter au mariage. C'est là un argument qu'on a très fréquemment entendu. Le projet de loi 146 aurait comme conséquence, selon certains, de désinciter les couples à procéder à la légalisation en mariage de leur union. (16 h 50)

À cet effet, M. le Président, je voudrais évidemment citer le Barreau, de même que l'aide juridique et l'exécutif de la section du droit de la famille qui rappelaient que cette loi, qui est déjà adoptée au Manitoba et en Colombie britannique, ce partage des droits du patrimoine qui est déjà introduit dans une loi statutaire au Manitoba et en Colombie britannique et qui est déjà, dans toutes les autres provinces, considérée comme faisant partie du "common law", n'a pas empêché finalement un taux de divorce bien inférieur au Manitoba qu'il ne l'est au Québec présentement, malgré l'absence d'une telle disposition de partage des droits économiques, Mme la ministre l'a d'ailleurs signalé au moment de la présentation du projet de loi. À cet effet, le Barreau rappelait ceci: "Le partage des biens familiaux, au Québec, ne découragera pas le mariage. C'est ce qu'ont révélé les expériences ontariennes et manitobaines où il y a eu partage des biens familiaux depuis plus de dix ans. "En fait, le taux de concubinage y est plus faible qu'au Québec où il n'y a pas partage des biens familiaux. Cela indique que le concubinage est d'abord une question de mentalité et de culture avant d'être un choix dicté par des considérations matérielles." C'est le point de vue qui était exprimé par le Barreau et l'exécutif de la section québécoise du droit de la famille. Mais il faut bien voir que ce sophisme a très souvent été repris, cette idée que moins il y aurait de contraintes au mariage plus il y aurait de mariages. C'est une idée qui s'est facilement répandue que moins il y aurait à partager dans le mariage, plus cela inciterait les Québécoises et les Québécois à entrer dans le mariage.

Si le mariage ne signifie rien et surtout si le mariage n'engage à rien, pourquoi les hommes et les femmes l'utiliseraient-ils, a part, évidemment, les considérations morales et religieuses qui peuvent les conduire à vouloir utiliser le sacrement du mariage? Mais là, c'est autre chose, mais si, effectivement, le mariage n'engage à rien - c'est là un sophisme absolument fantastique - et ne signifie rien, est-ce qu'on peut penser que plus de gens s'en prévaudraient? Je pense, au contraire, que c'est le fait que le mariage ne signifiait aucune sécurité et que, pour bien de nos concitoyens, le mariage signifie souvent du trouble et des problèmes simplement à la connaissance qu'ils ont de l'aggravation, souvent de la détérioration de la situation au moment des ruptures, au moment des séparations. Pour bon nombre de nos concitoyens, l'approche juridique conventionnelle, qui fait affronter des adversaires au moment de la séparation, a comme conséquence de les éloigner de la probabilité d'un mariage. Si le mariage est associé aux problèmes, à des troubles, à des difficultés, à une détérioration de la situation, comment imaginer qu'il y ait un engouement pour cette institution?

Je sais que la génération qui m'a précédée, les femmes de la génération de ma mère contractaient mariage, mais en sachant que, finalement, le mariage était contraire au principe d'égalité. Pour les femmes de cette génération, la seule façon de préserver un peu d'autonomie, c'était le régime de la séparation de biens. En quelque sorte, l'idée s'est souvent répandue. De mère en fille, on se transmettait cette opinion que pour garder son autonomie il fallait rester en séparation. Vous allez me dire qu'il y a eu des changements législatifs au début des années soixante-dix qui ont eu pour effet de préserver la pleine capacité juridique des femmes, quel que soit le régime matrimonial, mais ce n'est pas parce que c'est dans les lois que pour autant c'est dans l'opinion que les gens ont de l'institution.

L'institution du mariage, dans notre société, pour toute une génération, a représenté quelque chose de contraire au principe d'égalité. Par la suite, on a introduit une égalité juridique. Et, M. le Président, je ne peux pas assez insister sur le fait que, si nous allons concourir à l'adoption de ce projet de loi, c'est justement parce que cette égalité juridique formelle est insuffisante. C'est justement pour ouvrir une nouvelle voie juridique à la pleine égalité économique et sociale des femmes. Mais cette nouvelle voie juridique ne peut pas être confondue simplement à une égalité juridique formelle. C'est comme la deuxième étape. Je considère d'une certaine façon que c'est la deuxième étape, franchie dix ans plus tard, de cette réforme majeure introduite par la défricheuse que fut Mme Payette, à l'occasion de la loi 89 portant réforme au droit de la famille, et c'est dans la suite des correctifs apportés à l'incapacité juridique des femmes mariées par son prédécesseur qui fut la première femme députée à siéger à cette Assemblée, Mme Claire Kirkland-Casgrain. Je considère que nous devons, à ce moment-ci, certainement corriger les effets négatifs qui sont intervenus en cours de route et qui n'étaient ni voulus ni prévus, de l'adoption de la loi 89. J'en rappelle quelques dispositions... Combien de temps me reste-t-il, M. le Président, avant de rappeller ces dispositions de la loi 20?

Le Vice-Président: II vous reste seize minutes, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Très bien, M. le Président. Le Vice-Président: Seize minutes.

Mme Harei: Je rappelle simplement que cette réforme du droit de la famille était basée sur l'égalité totale des époux entre eux dans la direction morale et matérielle de la famille, et, d'autre part, sur le principe du respect, de la liberté des personnes dans l'organisation de leurs relations familiales. Mais H faut comprendre que, la direction morale et matérielle de la famille étant devenue responsabilité conjointe, évidemment, l'activité au foyer était également reconnue comme constituant une contribution valable aux charges du mariage.

L'intention du législateur, malheureusement, ne s'est pas retrouvée retenue, comme on aurait pu le souhaiter, dans les décisions de cour qui sont intervenues par la suite. On a vu que cette reconnaissance de l'égalité complète, morale et matérielle, des conjoints avait entraîné des effets négatifs financiers indirects importants au moment de la rupture pour les femmes mariées en séparation de biens.

Le Conseil du statut de la femme disait d'ailleurs à ce sujet, à l'occasion de ce débat ouvert au public sur le projet de loi sur les droits économiques: "Alors que le conjoint qui contribue financièrement aux charges du ménage peut accumuler certains biens, celui ou celle dont la seule contribution est son activité au foyer n'obtiendra généralement aucune compensation. Ainsi, malgré l'obtention d'une égalité formelle des conjoints, nous nous retrouvons avec une situation porteuse d'inéquité à la rupture." Cette situation a suscité, évidemment, les pressions que l'on sait pour introduire des modifications législatives qui sont celles que nous étudions cet après-midi.

Je ne suggère pas pour autant, loin de là, que l'État doit intervenir, d'une façon ou d'une autre, pour favoriser, d'une façon ou d'une autre, le choix de vie de nos concitoyens. Bien au contraire, j'insiste encore sur l'absolue nécessité pour l'État d'assurer aussi une protection ou la possiblité d'une protection adéquate, la protection de nos lois sociales, à ceux et celles qui décident d'un choix de vie commun, mais hors mariage. (17 heures)

Cela dit, il faut convenir - il n'est pas inutile de le rappeler - qu'il est évident que cet abandon du mariage est bien plus lié à des choix culturels. Il faut se demander, dans le fond, si ce n'est pas plus dans cet engouement de l'ensemble de notre société pour tout ce qui est changement, pour tout ce qui est nouveau en fait, la société de consommation nous propose toujours de nouveaux modèles à adopter - qu'il faut chercher finalement cette instabilité dans les unions. Évidemment, ce n'est pas parce que le mariage va signifier maintenant le partage, ce n'est pas parce que le mariage va représenter une égalité plus grande que la simple égalité formelle, juridique sur papier, que le mariage va être abandonné. Voyons donc!

SI la société considère que la stabilité, que la permanence a moins d'Intérêt, en présente moins et favorise moins ces valeurs liées à la permanence et à la stabilité, si des modèles présentés le sont au détriment de ces valeurs de stabilité et de permanence au profit de valeurs de changement et de nouveauté, c'est évident que ces modèles sociaux et ces comportements culturels influeront bien plus sur les comportements individuels.

Au moment où je dois terminer cette intervention, Je veux insister sur le caractère, malgré tout restreint, de ce qui est partageable. Ce n'est pas la société d'acquêts. Et M. le juge Roger Comtois, qui fut considéré comme le père de la société d'acquêts, est venu d'ailleurs en commission parlementaire, l'automne dernier, souhaiter que nous adoptions un régime crvUiste qui instaure finalement, comme régime primaire, la société d'acquêts. C'était là une proposition qui avait une portée encore plus grande que celle de la simple constitution d'un patrimoine familial qui, finalement, est limité aux biens qui sont habituellement ceux faisant partie de la vie quotidienne des époux. Et même l'introduction récente, dans le projet de loi, des régimes privés de retraite ou, en tout cas, tout au moins de la pari des régimes privés de retraite constitués durant la vie commune en mariage... Même si, dorénavant, le patrimoine sera constitué de la maison principale et secondaire, des meubles, de l'automobile et de ce régime de retraite, il faut quand même se rappeler qu'il faut une certaine cohérence dans nos lois.

Nous examinons présentement le projet de loi 116 sur les régimes privés de retraite où, justement, l'ensemble des intervenants qui sont venus devant la commission parlementaire nous ont, à maintes reprises, répété combien il fallait considérer les contributions aux régimes de retraite comme du salaire différé, comme une façon différente d'être payé au même titre que les vacances ou les assurances qui sont aussi, dans le fond, du revenu global. Et les intervenants nous ont dit surtout, et en insistant, qu'il fallait, pour déterminer qui allait disposer des surplus des caisses de retraites, ne pas oublier que ces surplus étaient constitués par des contributions, donc que ces contributions devaient être considérées comme du salaire différé.

Eh bien, M. le Président, Je ne comprendrais pas que ce qui vaut pour un projet de loi ne vaille pas pour l'ensemble, pour les autres. Si on veut avoir une perception cohérente, si on veut avoir, évidemment, une proposition gouvernementale cohérente, je pense, à bon droit, qu'il faut convenir que, oui, c'est du salaire différé. Plutôt que de l'obtenir Immédiatement, il est reporté pour l'âge où on cessera d'avoir des revenus de travail. Alors, évidemment, nous avons cette responsabilité de continuer à ouvrir de nouvelles voies à la pleine égalité Juridique, économique et sociale des femmes. Le débat a eu lieu dans les derniers jours comme si tout était

fait. Sans doute, certaines d'entre nous, peut-être 2 % au plus, nous pouvons bénéficier de ce qui avait été refusé à nos mères, mais il faut bien comprendre que la situation économique de la majorité des femmes, non pas simplement celles au foyer, mais aussi celles qui ont un travail rémunéré à l'extérieur du foyer, leur situation relativement meilleure est encore loin de se comparer à celle de leur conjoint.

Je pense qu'il est certainement utile à ce moment-ci de rappeler que les femmes courent toujours un plus grand risque d'être pauvres. Ce risque est encore plus grand si, en plus, elles acceptent d'être mères. La conjugaison de maternité et de pauvreté, c'est toujours dans la réalité. Pourtant, c'est évidemment au moment où la société prétend avoir un vrai besoin et un grand désir d'enfants. Il faudrait mettre fin à cette conjugaison de maternité et de pauvreté si on veut sérieusement que le discours de la dénatalité soit pris au sérieux.

M. le Président, je voudrais quand même illustrer cette réalité de la pauvreté des femmes à la suite d'une séparation ou d'un divorce par quelques chiffres d'études récentes du Conseil consultatif canadien de la situation de la femme. Après un divorce, en général - je ne dis pas qu'il n'y a pas d'exceptions à la règle, mais évidemment, on ne peut pas légiférer pour les exceptions dans une Assemblée - le niveau de vie des femmes et des enfants diminue généralement et en moyenne de près de 73 % alors que le revenu net des hommes divorcés va jusqu'à presque doubler l'année suivant le divorce. Ce qui faisait titrer aux médias: La situation des femmes, il reste encore beaucoup d'efforts à déployer. Le niveau de vie des hommes divorcés augmente de 42 %, celui des femmes diminue de 73 %.

Faut-il le rappeler, plus de la moitié des familles monoparentales dirigées par une femme ont de faibles revenus, 56 % selon le Conseil québécois des affaires sociales. Dans le cadre du profil de la pauvreté préparé et publié par le Conseil national du bien-être social, l'an passé, on peut simplement constater que quatre familles sur dix dirigées par une femme sont pauvres, comparativement à une seulement sur dix dirigées par un homme. Alors, c'est une situation largement connue au point où tous les éditorialistes en ont parlé pour rappeler cette injustice pour identifier les victimes, mais là s'est arrêté leur intérêt à cette situation qui, pourtant, crée beaucoup de détresse.

Autant c'est une loi correctrice, autant, encore une fois, je le rappelle, c'est une proposition gouvernementale à caractère restreint, puisqu'elle vise les époux en mariage seulement et essentiellement la situation des conjoints mariés en séparation de biens et pour un certain nombre d'entre elles qui ont une activité au foyer. (17 h 10)

Je voudrais terminer en rappelant ce que le

Conseil du statut de la femme signalait au gouvernement à l'occasion de ce débat: Toute réforme des droits économiques des conjoints ne doit pas être toutefois considérée comme une panacée ni comme une solution qui dispenserait de s'attaquer aux autres sources fondamentales d'insécurité économique des femmes. Ces dernières ont jusqu'à maintenant payé cher le prix que la sécurité du mariage devait leur procurer: moins de formation, moins d'incitation à se préparer contre les difficultés de la vie, moins de facilités à intégrer le marché du travail, moins d'autonomie, la responsabilité quasi entière des charges familiales, la dépendance à l'égard du conjoint." Le Conseil du statut de la femme rappelait combien il est urgent de favoriser pour les femmes une formation adéquate et l'accès à un emploi rémunérateur qui font partie des conditions de stratégie pour accéder à une véritable autonomie financière.

En terminant, j'aimerais simplement rappeler qu'en matière de partage des biens familiaux, le Québec vient simplement rattraper un retard qu'il avait accumulé sur tous nos autres voisins, un retard qui s'est accéléré au cours des dernières années et, M. le Président, c'est peut-être la raison pour laquelle c'est si difficile maintenant. On m'a parfois signalé que, contrairement à l'Ontario qui prévoit uniquement le partage de la résidence principale et qui prévoit des ententes entre conjoints en cours d'union ou au moment de contracter une union, le projet de loi 146 prévoit un régime de patrimoine commun, indépendamment du régime matrimonial et il laisse aux époux 18 mois pour convenir autrement d'un tel partage. Mais il serait vraiment difficile d'imaginer l'application, ici par exemple, des dispositions contractuelles qui existent en Ontario. La différence est très simplement exprimée quand on sait qu'en Ontario, un homme ou un fiancé qui veut contracter mariage et qui propose à sa promise de passer devant un homme de loi pour signer un contrat, déclenche immédiatement chez cette dernière une très vive inquiétude, étant donné le caractère inusité, puisque c'est vraiment l'exception des couples qui se présentent devant un homme de loi en Ontario, et il faut, en général, que des arrangements économiques importants soient réalisés pour que cela se produise.

À l'inverse, on connaît cette pratique régulière qui consiste pour un fiancé ou l'inverse à proposer à son futur ou à sa future de passer devant un notaire. Évidemment, dans de pareils cas au Québec, on s'imagine que cela va protéger. Cela sécurise plutôt que cela inquiète. C'est la différence de notre patrimoine juridique et c'est avec un patrimoine semblable qu'il faut compenser pour obtenir des réparations correctrices qui, dans un cas comme dans l'autre, et je termine là-dessus, M. le Président, vont assurer une définition du mariage comme étant une véritable institution de partage. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Merci, Mme la députée de Malsonneuve. Je vais maintenant reconnaître

M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Toute modestie mise à part, on ressent, comme membres de l'Assemblée nationale, à la fois une fierté et un vertige à travailler à des amendements au Code civil du Québec qui, depuis Napoléon, régit de larges pans de notre vie civique.

En modifiant le Code civil du Québec, on a l'impression de contribuer à consolider la spécificité du Québec, parce que le Code civil singularise la société québécoise en Amérique. En effet, le reste du continent nord-américain s'en remet plutôt au "common law" britannique pour retrouver les fondements juridiques de son organisation sociale, économique et politique.

Aujourd'hui, par ce débat sur le projet de loi 146, nous nous proposons de mettre à jour le Code ch/H sur la question fondamentale des droits économiques des conjoints. Ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine, a clairement exposé les raisons qui militent en faveur d'une révision du Code civil. Je n'insisterai pas davantage.

Je rappellerai simplement que, pour reconnaître, dans les faits, l'égalité des conjoints pendant le mariage et à la dissolution du mariage, le projet de loi prévoit notamment que soit institué un patrimoine familial constitué de certains biens dont la valeur est automatiquement partageable entre les époux. Ces biens incluent la résidence familiale et la résidence secondaire, les meubles affectés à l'usage du ménage, les véhicules automobiles des conjoints et les gains accumulés par les époux dans le Régime de rentes du Québec, dans les régimes complémentaires de retraite et dans les régimes d'épargne-retraite.

Vous ne serez pas surpris, M. le Président, si mon intervention porte essentiellement sur le partage des bénéfices de rentes puisque je suis le ministre responsable de la Régie des rentes du Québec et responsable de la législation sur les régimes complémentaires ou privés de retraite.

Il y a, je pense, un très large consensus au Québec sur la pertinence de constituer un patrimoine familial, c'est-à-dire de regrouper certains biens acquis durant le mariage et de faire en sorte que ce patrimoine appartienne à parts égales aux conjoints. Reste à définir les éléments qui composent cette richesse commune de base. La question des régimes de retraite se pose alors. Doit-on considérer que les droits à des prestations de retraite acquis par un conjoint font partie du patrimoine de la famille au même titre que la résidence familiale ou les meubles, par exemple?

Le gouvernement a pris position et il est d'avis que, effectivement, les montants accumulés dans les fonds de retraite ou les véhicules d'épargne-retraite constituent une réserve en prévision des besoins futurs du ménage et qu'à ce titre, ils font partie du patrimoine familial.

On pourrait difficilement justifier que le capital ainsi constitué aux fins de retraite ne bénéficie qu'à un seul membre du couple lors de la dissolution du mariage par divorce, plutôt que d'être partagé à parts égales.

Il y aurait d'ailleurs une absence de cohérence dans la reconnaissance des droits à la retraite. En effet, si le mariage est dissous par la mort du participant à un régime de retraite, le conjoint survivant a un droit incontestable et incontesté à la rente de retraite. Alors, comment pourrions-nous prétendre qu'en cas de dissolution par divorce, le conjoint perd ses droits? (17 h 20)

Par ailleurs, H faut réaliser qu'en investissant dans un régime de retraite ou d'épargne-retraite, la famille s'est privée momentanément de sources importantes de revenus afin d'assurer ultérieurement une certaine sécurité financière. Il serait donc pour le moins disgracieux de changer soudainement les règles du jeu et de nier à l'un des conjoints les droits à une part de cette sécurité financière acquise durant la vie commune.

La reconnaissance de ce principe du partage des droits à la retraite entre les conjoints, dans le Code civH, représente une forme de consécration juridique de l'égalité des conjoints. Il ne faut pas penser cependant qu'il s'agit là d'une initiative révolutionnaire. La possibilité de partager les gains d'un régime de retraite entre des conjoints existe déjà dans le Régime de rentes du Québec et quelques milliers de personnes divorcées y ont recours chaque année.

Le mécanisme est très simple. À la demande d'un des conjoints, à l'occasion d'un divorce ou de l'annulation du mariage, les gains inscrits au Régime de rentes du Québec sont partagés entre les deux ex-conjoints. Cela signifie que la totalité des gains assurables des deux conjoints pendant toute la période de cohabitation est, pour ainsi dire, fusionnée puis répartie en deux contributions égales au régime. Le montant des cotisations ainsi attribué à chacun des époux sert de base de calcul de la rente future. Évidemment, si les personnes concernées continuent de travailler et de cotiser au Régime de rentes du Québec, elles accroissent leurs gains cotisâmes et augmentent ainsi le montant de la rente qui leur sera versée un jour, à la retraite.

Ce mode de partage permet, par exemple, à la femme qui a dû quitter le marché du travail pendant une longue période pour prendre soin des enfants de pouvoir toucher une rente de retraite en cas de divorce. Il atténue également la diminution éventuelle de la valeur de la rente dans les cas où un des conjoints a cessé, pendant un certain temps, des activités profession-

nelles pour assurer la garde des enfants.

Bien sûr, lorsqu'il y a continuité du mariage, le mécanisme du partage des gains acquis dans un régime de retraite n'a pas de signification véritable, puisque le ménage bénéficiera, en définitive, de la somme des montants de rente acquis par les deux conjoints.

Le problème se pose concrètement en cas de dissolution du mariage et c'est pourquoi, au nom de l'égalité des conjoints, il convient de formaliser le principe de partage automatique entre les époux des bénéfices des régimes de retraite.

Il faut savoir, M. le Président, qu'actuellement 25 % seulement des personnes qui pourraient se prévaloir de la procédure de partage des gains inscrits au Régime de rentes du Québec, adressent une demande en ce sens. On peut donc soupçonner que la majorité des personnes divorcées perdent des droits à une rente de retraite ou à une amélioration de leurs rentes futures, droits qu'elles ont légitimement acquis pendant le mariage. Je ne crois pas qu'une société soucieuse, un tant soit peu, de l'égalité économique des conjoints et de l'équité sociale puisse accepter cette situation sans tenter de la corriger.

Ce qui est valable pour le Régime de rentes du Québec, auquel cotisent obligatoirement tous les travailleurs du Québec, l'est tout autant pour les autres modes d'épargne en prévision de la retraite. Cela regroupe deux véhicules financiers distincts: les régimes complémentaires de retraite et les régimes d'épargne retraite, c'est-à-dire les REER.

Les régimes complémentaires ou régimes privés représentent des contrats par lesquels les employeurs et les employés s'entendent pour constituer une caisse de retraite afin d'assurer aux adhérents des prestations de retraite. Ces régimes permettent en quelque sorte d'augmenter le revenu disponible provenant généralement de la pension de la sécurité de la vieillesse et de la rente de la Régie des rentes du Québec. Environ 1 220 000 personnes participent à de tels régimes au Québec.

Les régimes enregistrés d'épargne-retraite, communément appelés les REER, ont connu une très grande popularité au cours des dernières années. En 1987, on estime que 880 000 Québécois ont investi dans ce véhicule d'épargne pour un montant global de 2 000 000 000 $.

La caractéristique commune de tous ces régimes est de canaliser une partie des épargnes, de manière à pouvoir préserver à la retraite la qualité de vie que les participants ont connue durant leur vie active. Or, cette qualité de vie, ils l'ont partagée avec leur conjoint. Il est donc normal que cette notion de partage soit étendue aux bénéfices anticipés si le mariage est rompu.

Les modalités du mariage reposent sur des principes reconnus d'évaluations comptables ou des calculs actuariels éprouvés. Afin de simplifier le mode de détermination des gains acquis dans certains régimes de retraite, la Régie des rentes du Québec préparera une réglementation qui en délimitera les balises en vertu des règles actuarielles d'usage.

Certains intervenants ont exprimé la crainte que l'inclusion des régimes complémentaires de retraite dans le patrimoine familial partageable entre conjoints pourrait rendre ces régimes moins attrayants. Je ne pousserai pas la témérité jusqu'à soutenir que les dispositions du projet de loi 146 ne produiront aucun effet sur les véhicules d'épargne en prévision de la retraite, mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter de ces effets. Le traitement fiscal accordé aux cotisations à un régime complémentaire de retraite ou aux REER procure des avantages tels qu'ils dépassent et de loin la crainte que pourraient ressentir certaines personnes de devoir partager leur épargne-retraite avec leur conjoint en cas de divorce.

M. le Président, je suis fier d'avoir été associé à la préparation de ce projet de loi. Légiférer pour accroître l'équité et rechercher une véritable égalité économique entre les conjoints, cela fait partie des bons moments de nôtre vie de législateur et je ne vous cache pas la joie que j'en ressens. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître pour la poursuite du débat, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Harold Peter Thuringer

M. Thuringer: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi 146, Loi modifiant le Code civil du Québec et d'autres dispositions législatives afin de favoriser l'égalité économique des époux. Avant de commencer, j'aimerais quand même indiquer certains principes de base qui appuient cette loi: premièrement, la responsabilité du législateur de prendre ses responsabilités, de promouvoir des rapports égalitaires entre hommes et femmes dans et par le droit, d'où la nécessité d'obligations. Aussi, H y a un changement social visé par cette loi. Le deuxième principe, M. le Président, est de reconnaître le mariage comme une institution égalitaire, un partenariat, pour les personnes et pour le patrimoine. Cela indique aussi que le mariage est une organisation solide pour élever une famille. (17 h 30)

Le troisième principe est qu'en reconnaissant un patrimoine égalitaire, l'État reconnaît et garantit une certaine protection du conjoint économiquement faible. Le même principe d'égalité des conjoints, évidemment, doit s'appliquer, que ce soit pendant ou après la séparation.

Quatrièmement, il y a un principe qui est la reconnaissance sociale du travail au foyer. Cette loi est mise sur la table dans un contexte où les mesures proposées affecteront une proportion des couples québécois mariés en séparation de biens et, en 1985, c'était 36 %. Il ne faut pas

oublier qu'à l'inverse, ce sont 64 % des gens mariés en 1985 qui partagent l'ensemble de leurs biens. N'oublions pas non plus que parmi ces 36 % de couples dont on parle plus avant, 18 % des femmes risquent de se trouver, au moment de la séparation ou du divorce, dans une situation de faiblesse économique par rapport à leur conjoint. Il faut aussi rappeler qu'en 1986 il y avait 1 310 000 couples au Québec dans ce contexte-là. De plus, par cette loi, on prolonge les principes d'équité et de justice inscrits dans la réforme du droit familial effectuée en 1990 qui voulaient, premièrement, que l'épouse ait en mariage les mêmes droits et les mêmes obligations; deuxièmement, qu'ils exercent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, l'autorité parentale, et assument les tâches qui en découlent; et troisièmement, qu'ils contribuent en proportion de leurs facultés respectives aux charges du mariage et que chacun d'eux puisse s'acquitter de sa contribution par son activité au foyer.

Je sais qu'on approche des dernières semaines. Pas mal de réactions circulent et certaines ne sont pas favorables. La population craint, la presse terrifie, la Chambre des notaires est négative. Je viens de recevoir aujourd'hui une lettre de l'Association des femmes collaboratrices. Il est évident que les mêmes critiques sortent bien souvent. Je vais en citer quelques-unes. On accuse la loi 146 d'être une loi qui décourage le mariage et par le fait même la famille. On dit que c'est une loi qui va à l'encontre des mesures favorables à la famille déjà entreprises par le gouvernement, que le projet de loi 146 est inacceptable parce qu'il revient à déclarer l'irresponsabilité contractuelle des conjoints, que le projet de patrimoine familial est une intrusion inacceptable de l'État dans la vie privée des gens, que le projet de loi est injustement discriminatoire et faussement progressif puisqu'il impose un partage obligatoire des biens entre les époux, peu importe la contribution financière lors de l'acquisition de ceux-ci. La Chambre des notaires a aussi indiqué que le nombre de femmes victimes d'inéquité économique ne justifiait pas une intervention législative aussi large et complexe. Et il y en a d'autres.

Par contre, malgré toutes ces réticences face à ce projet de loi, il n'en demeure pas moins que le gouvernement se retrouve fort de l'appui des différents groupes et intervenants sociaux. C'est avec conviction qu'il croit aux avantages des mesures adoptées a l'intérieur de ce projet de loi. Parmi ces groupes, on retrouve des groupes de femmes qui disent qu'il s'agit enfin d'une loi qui vise à rehausser le statut de la femme au foyer. De plus, le projet de loi 146 est un projet qui assure aux femmes et aux enfants une sécurité financière lors d'un divorce.

Deuxièmement, ce projet de loi vient en aide aux femmes d'un certain âge pour qui le marché du travail est très difficile d'accès. Le

Barreau a indiqué que le projet de loi 146 apporte des solutions au phénomène croissant de la féminisation dans la pauvreté. De plus, ce projet assure un revenu équitable au conjoint qui est économiquement plus faible.

Troisièmement, la loi 146 facilitera les procédures complexes inhérentes au divorce et le patrimoine familial assurera une équité quant aux implications de chacun des conjoints.

Il y a d'autres réactions qu'on a eues, des craintes, mais je serais étonné qu'un projet de loi provoque une augmentation des unions libres puisque déjà, en Ontario, les couples sont régis depuis dix ans par une loi similaire et qu'on n'y retrouve que 4,2 % d'unions libres, tandis qu'aujourd'hui, au Québec, on les établit déjà à un peu plus de 12 %.

Voilà, M. le Président, certaines craintes et choses positives dans ce projet de loi. Il faut réaliser que, dans l'ensemble, c'est sûrement une loi qui va aider la famille et les conjoints. À cause de cette confusion dans le public, je sais que la ministre et d'autres ont beaucoup fait pour divulguer tous les détails de ce projet de loi. Quand même, il existe une nécessité de diffuser l'information à toute la population en mots simples. Il est essentiel de mentionner que le projet sur le patrimoine familial couvre uniquement la résidence familiale, la résidence secondaire, le mobilier faisant partie de ces résidences, les véhicules servant au transport familial et les droits accumulés durant le mariage dans les régimes de rentes publics et dans les régimes de retraite. Tout le reste est exclu, comme les comptes de banque, les investissements, les actions, les obligations, les certificats de placement, les entreprises, les commerces, les activités professionnelles, les immeubles à revenus, de même que les biens acquis avant ou après le mariage, et les biens reçus en cadeau et en héritage.

Il faut aussi rappeler que, sur demande, le tribunal peut déroger au principe du partage égal lorsqu'il en résulterait une injustice compte tenu notamment de la brève durée du mariage, de la dilapidation de certains biens par un des époux, de la mauvaise foi de l'un ou l'autre. Donc, lorsqu'on fait un bilan de tout ce projet de loi, je suis bien heureux de l'appuyer. On pose des jalons importants pour la famille, l'égalité entre les partenaires. C'est évident qu'il reste d'autres problèmes à résoudre dans ce domaine. (17 h 40)

Mr. Chairman, I am very happy to make this intervention on Bill 146, an Act to amend the Civil Code of Québec, in order to favour economic equality between the spouses and to underline the character of marriage as a partnership. This law, while not responding to all the needs of married couples, goes a long way to achieve recognition of the family as an important unit of our society, of the partnership and equality of this union.

This bill, Mr. President, through the Initiative of our government and the Ministre déléguée à la Condition féminine will need to be fully understood in order to avoid being perceived as an obstacle to marriage and be perceived for what it is, that is a recourse and security to those whose marriage fails and, in particular women with limited resources.

Encore une fois, M. le Président, je suis bien heureux d'appuyer ce projet de loi. Merci bien.

Le Vice-Président: Merci M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine pour l'exercice de son droit de réplique.

Mme Monique Gagnon-Tremblay (réplique)

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le projet de loi 146, comme on le connaît bien, crée une véritable institution de partenariat entre les couples sous l'enseigne de l'égalité des conjoints. Bien des choses ont été mentionnées au cours des dernières semaines entre autres, sur ce projet de loi.

Bien sûr, M. le Président, il s'agit d'une réforme sociale majeure. Bien sûr que ça dérange. Bien sûr que les gens en discutent, même que nous en discutons depuis de nombreuses années... Comme la députée de Maisonneuve en faisait la remarque tout à l'heure, nous avons vu de nombreux commentaires dans les journaux. Entre autres, on a reconnu les injustices, on a identifié les clientèles, les victimes. Mais est-ce qu'on a proposé des solutions? Ça fait 20 ans, M. le Président, que nous sommes à la recherche de solutions.

Nous avions cru, lorsque nous avions adopté le régime légal de la province de Québec, la société d'acquêts, en 1970, avoir réussi à rétablir l'équité entre tes couples. Malgré tout, on se rend compte que maintenant, 34 % des gens choisissent encore la séparation de biens et que 50 % de la population est mariée maintenant encore sous ce régime.

On a fait mention aussi d'un certain sondage fait par la Chambre des notaires, un certain sondage IQUOP qui disait qu'un pourcentage assez élevé de couples était satisfait de son régime matrimonial. Je dois vous dire, M. le Président, pour avoir été secrétaire légale pendant 12 ans, secrétaire de notaire, pour avoir pratiqué moi-même le notariat, que, dans une forte proportion, on ne sait pas sous quel régime matrimonial on est marié. Lorsqu'on pose la question aux couples, ils nous répondent: Dernier vivant les biens. Ils prétendent que séparation de biens veut dire qu'on sépare les biens à la dissolution du régime. Et, finalement, quand on se marie et qu'on fait un contrat de mariage... Le contrat de mariage, vous savez, on le met dans un fond de tiroir et on le sort lorsqu'on a besoin de faire un contrat de vente ou un contrat d'hypothèque ou lorsque ça commence à aller mal dans le couple. Et ce n'est plus le temps de faire des conventions.

On parle de rétroactivité aussi. Je voudrais l'aborder puisqu'elle a fait problème. Il s'agit d'une loi d'application immédiate. Je dois vous souligner qu'encore là, en 1960-1965, lorsque les gens se mariaient en séparation de biens, on ne croyait pas qu'on allait divorcer, puisqu'à cette époque on avait besoin d'un bill privé pour pouvoir divorcer. Maintenant, c'est le divorce sans faute. On n'a pas besoin du consentement, c'est le divorce sans faute. À cette époque aussi, on avait bien sûr des avantages en faveur du conjoint, des donations entre vifs, des donations à cause de mort. Qu'est-il arrivé de ces donations? Avec la modification au droit de la famille en 1980, ces donations peuvent être maintenant annulées ou réduites par la cour. La conjointe est devenue responsable des dettes du ménage au même titre que celui ou celle qui travaille à l'extérieur. Alors, voilà autant d'effets sur ces régimes de séparation de biens et qui ont amoindri le régime ou la protection que croyait avoir la conjointe.

Je pourrais vous parler aussi de biens d'autres sujets qui ont été commentés au cours des dernières semaines. J'ai pris passablement de temps pour ma déclaration au tout début. Mes collègues en ont fait mention également. Je voudrais tout simplement vous dire à ce moment-ci que ce projet de loi, bien sûr, est un projet de réforme sociale majeure. Je crois fermement qu'il est nécessaire et qu'il s'impose. C'est pourquoi je demande la collaboration de l'Opposition afin qu'on puisse l'adopter d'ici la fin de la présente session, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président: Le débat étant terminé à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 146, Loi modifiant le Code civil du Québec et d'autres dispositions législatives afin de favoriser l'égalité économique des époux, est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Johnson: M. le Président, je ferai motion pour déférer ce projet de loi pour étude détaillée à la commission des institutions.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Oui, M. le Président. J'avise donc cette Assemblée que ce soir, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 146, Loi modifiant le

Code civil du Québec et d'autres dispositions législatives afin de favoriser l'égalité économique des époux.

Le Vice-Président: Alors, cet avis est reçu. Si vous voulez m'indiquer l'article suivant qui fera l'objet de nos débats.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 10 du feuilleton.

Projet de loi 150 Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: A l'article 10 du feuilleton, nous allons maintenant reprendre les débats sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 150, Loi modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, présenté par Mme la ministre déléguée à la Condition féminine. Avant de reconnaître la prochaine intervenante, je vais simplement m'enquérir s'il y a effectivement consentement de l'Assemblée pour que nous poursuivions nos travaux au-delà de l'heure limite de 18 heures? Il y a dont consentement. Les travaux de l'Assemblée se 'poursuivront plus tard dans cette soirée. Oui, un instant, M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, je m'excuse. J'aimerais que vous reveniez sur ce que vous venez d'affirmer dans quelques minutes. Alors, laissez l'intervention de ma collègue. Pour la continuation des travaux entre 18 heures et 20 heures, j'aimerais que vous me laissiez quelques minutes pour vérifier cela.

Le Vice-Président: D'accord, en principe, je comprends que nous allons maintenant procéder à l'intervention de Mme la députée de Chicoutimi. Même si cela dépasse 18 heures, vous pouvez dépasser légèrement 18 heures, il y a consentement là-dessus. Après cela, nous statuerons sur la poursuite de nos travaux. Je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, un instant. Je m'excuse, madame. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Oui, pour la bonne compréhension et la marche de nos travaux, j'ai mémoire d'avoir moi-même demandé l'ajournement de ce débat. J'allais voir en vertu de quelle disposition vous cédiez la parole maintenant à la députée de Chicoutimi.

Le Vice-Président: Oui, la seule disposition, c'est que j'ai appelé le débat et la première personne qui s'est levée pour parler a été Mme la députée de Chicoutimi, ce qui ne préjudicie en rien à l'exercice de votre droit de parole. Si vous voulez lui parler maintenant, c'est votre droit effectivement. Mais, vu que vous ne vous étiez pas levé à ce moment-là, j'ai cru que vous ne vouliez pas utiliser votre droit de parole immédiatement et, dans cette circonstance, tout autre député qui se lève peut prendre la parole.

M. Johnson: M. le Président. Le Vice-Président: Oui.

M. Johnson: Encore pour qu'on se comprenne, la personne qui s'est levée après qu'on ait appelé l'article 10, c'est le leader de l'Opposition qui a dit: Un instant! Il était entendu que la députée de Chicoutimi parlerait, etc. On s'est consultés depuis ce temps-là. J'ai vérifié ma mémoire. J'ai ajourné le débat. D'ailleurs, je l'ai fait au nom du député de Fabre qui est parfaitement disposé et prêt à entamer une reprise du débat.

Le Vice-Président: Bon. Dans ces circonstances, effectivement, si c'est l'alternance je vais donc reconnaître, à ce moment-ci, M. le député de Fabre et ultérieurement, comme deuxième intervenante, Mme la députée de Chicoutimi. M. le député de Fabre, vous avez la parole.

M. Jean A. Joly

M. Joly: Merci, M. le Président. Il me fait grand plaisir d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi 150, déposé par Mme la ministre déléguée à la Condition féminine. Ce projet de loi a plusieurs buts et, de façon plus spécifique et définie, H vise trois objectifs. C'est sûr qu'en visant un meilleur équilibre, on va chercher à améliorer la qualité; on va aussi chercher à améliorer le financement et à se diriger vers un développement concerté. C'est un sujet qu'il me fera plaisir de détailler tout au long de mon intervention. (17 h 50)

M. le Président, ce projet de loi peut sembler technique parce qu'il présente beaucoup de chiffres et, pour le profane ou pour le ou la non-habituée, il peut donc sembler laborieux et difficile à suivre. C'est un projet de loi important parce qu'il a vraiment tendance à essayer de respecter le milieu de développement de l'enfant. Tel que cela a été défini dans certains journaux au cours des derniers mois, on a peut-être condamné la générosité du projet de loi comme tel. Ce n'est pas exactement ce que tout le monde aurait souhaité, mais considérant qu'il y a un manque à gagner de plus de 48 000 000 $ - parce que tout le monde sait que le fédéral a fait faux bond et c'est à ces 48 000 000 $ que je fais référence - eh bienl on doit s'ajuster. On aurait pu prendre un pas de recul et dire: Attendons que les finances gouver-

nementales nous le permettent. Mais non, on a décidé d'aller de l'avant avec notre politique afin de favoriser les services de garde à l'enfance. Il en est quand même ressorti quelque chose d'assez positif dans le sens qu'il ne faut quand même pas perdre de vue que le projet de loi auquel on fait référence accordera aux services de garde à l'enfance 132 400 000 $. Cela fait plusieurs zéros. Si on regarde ce qu'il y avait dans le budget antérieur, c'est quand même une augmentation, je devrais dire une progression - parce que c'est un progrès - de 27 % par rapport à la formule antérieure.

Une chose que je me dois quand même de souligner, M. le Président, c'est que ces 27 % sont récurrents, fis représentent un montant qui sera payé tous les ans. Il sera mis à la disposition du service de garde pour faire en sorte que le service soit donné, qu'il soit distribué par voie de comparaison avec les autres ministères qui, eux, accusent une progression qu'on peut considérer normale de 4 % à 5 % par rapport à ces 27 %. Eh bien, je pense qu'on peut dire d'emblée que c'est une mesure qui n'est pas exactement telle que ce à quoi on s'attendait, mais que c'est une mesure encore très acceptable.

Avant d'en arriver à présenter ce projet de loi, on a eu une commission parlementaire qui s'est tenue pendant un mois complet, du 7 février au 7 mars. Cela laisse supposer que les députés et les ministres étaient censés être en vacances. C'est pour vous dire qu'il n'y a jamais de période de vacances définie comme telle pour les parlementaires parce que même dans la période considérée par la majorité des gens - parce que ce sont des faits qui ne sont pas tellement connus - comme la période des vacances, les députés doivent se déplacer et accomplir le rôle qui leur est dévolu.

À cette commission parlementaire, plus de 80 organismes se sont fait entendre, et, je dois dire que la plupart ne semblaient pas s'accorder sur l'ensemble du projet de loi tel que présenté. Mais l'avantage d'une commission parlementaire, c'est de chercher à faire avancer un projet de loi, c'est de chercher à le bonifier. Alors, avec l'ouverture d'esprit qu'on connaît à Mme la ministre de la Condition féminine, c'est exactement ce qui s'est fart. Mme la ministre me disait qu'elle était quand même satisfaite de la commission parlementaire même si la majorité des gens ne semblaient pas tout à fait d'accord sur ledit projet de loi. Satisfaite, oui, satisfaite du déroulement, satisfaite des suggestions, satisfaite des découvertes parce qu'il est certain que, tout au long de ce mois, chacun a apporté son vécu, tant pour ceux qui sont considérés comme les organismes que de la part des parents.

Une suggestion qui a été faite en commission parlementaire se rattachait à la formule de financement. On y suggérait de garantir ou de donner 45 % des revenus de garde plutôt que 4,50 $ par jour par enfant. Plusieurs étaient contre cette formule. Alors, avec l'ouverture d'esprit de Mme la ministre, on a compris que les gens qui étaient contre avaient quand même des bonnes raisons. Il y en a qui dénonçaient nécessairement l'élimination du caractère de stabilité, parce que 45 % d'un montant garanti, ça va bien, mais, avec 45 % de la quantité ou du taux d'occupation d'une garderie, c'est quand même assez difficile des fois de balancer un budget. Cela défavorisait aussi les garderies qui avaient des tarifs assez bas. 45 % de 10 $ et 45 % de 5 %, ce ne sont pas les mêmes 45 %. Et puis, les garderies qui n'étaient pas occupées à 80 %, 85 % ou 90 % se voyaient aussi défavorisées.

Partant de là, Mme la ministre a suggéré qu'un montant de base de 30 000 $ soit accordé à chacune des garderies sans égard à la grosseur, sans égard à la dimension de cette garderie, et d'ajouter un montant de 30 % de la contribution des parents. Encore là, des gens se sont prononcés contre. Pourquoi? Peut-être parce qu'ils ne se sont pas arrêtés à analyser cette formule, peut-être parce qu'ils ne se sont pas arrêtés à examiner le budget d'une garderie type pour savoir vraiment si ces gens étaient défavorisés ou pas.

Moi, M. le Président, je pars du principe que lorsqu'on s'obstine contre la logique, on devient par le fait même absolument illogique. C'est un peu ce que j'ai dit à certaines gens en relation avec le système de garde. On a pris les chiffres et on a découvert que, dans l'offre de Mme la ministre, pas une garderie ne toucherait un montant diminué, pas une. Le minimum que chacune des garderies pouvait compter recevoir, c'était 5000 $. Mais pour la majorité des garderies, dont deux de mes garderies à moi... D'ailleurs, j'ai produit un communiqué qui disait de façon officielle, sans équivoque, que j'étais en parfait accord avec le nouveau système ou le nouveau financement des garderies, et je vais vous dire pourquoi. Dans mon cas, celui de mes deux garderies, La Giboulée, et la Pirouette de Fabreville, une de 48, l'autre de 60 places, dans les deux cas, mes garderies sortent bénéficiaires d'une augmentation de 25 % pour une et de 10 % pour l'autre. Quand on sait qu'on peut traduire 25 % en dollars et en services pour les enfants participants et aussi pour les bénéficiaires qu'on appelle les parents qui paient, à ce moment-là, on ne peut pas être contre ça.

Tollé? Oui et je vous dirai pourquoi: C'est parce qu'on ne s'est pas arrêté à prendre chacune des garderies pour savoir ce qu'elles pouvaient en retirer. Si on devait accepter les demandes de toutes les garderies pour faire face au système, seulement pour l'année 1988, pour satisfaire les demandes de 1988-1989, cela aurait pris 241 000 000 $ de plus. Si on s'en va en extrapolant et en regardant ce que l'avenir peut commander, parce que vous savez ce qu'est un gouvernement: on dit que gouverner c'est prévoir, il faut y penser aussi. Donc, pour 1992-1993, ça aurait commandé 1 090 000 000 $ et si

on va un peu plus loin: pour 1995-1996, 1 900 000 000 $. C'est pourquoi je dis que je suis entièrement d'accord avec la nouvelle formule qui deviendra une formule incitative pour permettre à ceux qui sont en charge de l'administration de ces garderies de commencer à regarder la possibilité de faire en sorte que chacune des garderies puisse fonctionner à 100 % au lieu de fonctionner à 85 %. C'est là l'importance des 30 % des montants perçus des parents. Alors, partant de là, je ne peux pas être contre ça, M. le Président. C'est sûr que cette offre qui n'est pas tout à fait comprise peut être mise en doute, mais si les gens s'arrêtent à l'analyser, ils s'apercevront que c'est quand même une offre raisonnable, compte tenu de la situation dans laquelle on se trouve. (18 heures)

M. le Président, cette aide garantie, la formule qu'on a retenue, est une formule qui, à mon sens, est juste et équitable et il faut regarder aussi qui en bénéficie. À l'intérieur du système de 100 % des garderies, cette formule de 30 000 $ de base avec les 30 % garantis, il y a 7 % des garderies qui retireront 5000 $, 6 % qui retireront entre 5000 $ et 10 000 $; 35 % retireront entre 10 000 $ et 20 000 $, 40 % entre 20 000 $ et 30 000 $, 12 % desdites garderies retireront 30 000 $ et plus. Alors si on est contre, c'est parce qu'à mon sens on n'a peut-être pas tout à fait compris. Je suggérerais à ceux qui ont la responsabilité des garderies de dire à leurs parents d'une façon absolue que dans le système ils ne sont point défavorisés et que les sommes supplémentaires qu'ils recevront par les offres du projet de loi pourront être converties en services supérieurs, supplémentaires, et ce pour le bénéfice des jeunes autant que celui des parents.

M. le Président, je m'en voudrais d'étirer davantage le début. L'un de mes bons collègues, tantôt, à sa façon, touchera peut-être d'autres éléments proposés dans le projet de loi. Mais je me dois de dire une chose publiquement. Je suis heureux de savoir et de découvrir comme tout le monde que le projet de loi apportera sûrement une aide financière supérieure aux parents, aux familles. Cela, c'est sûr. Les familles à faible revenu, par exemple celles qui recevaient 10,50 $ par jour, dès avril 1990, recevront beaucoup plus.

Une voix: Quand?

M. Jdy: En avril 1990, M. le député.

Une voix: Au rapport d'impôt?

M. Joly: Cela me fera plaisir de vous donner les détails tantôt, si vous voulez me poser des questions. Aussi, l'échelle des revenus sera étendue. Cela veut dire, encore là, que plus de familles pourront bénéficier davantage dudit projet de loi. Il y a aussi une chose qui avait été décriée dans le passé. Si on veut aller vers la qualité, vers des services un peu plus professionnels, malgré que ce qui se fait actuellement c'est très bien, dans le projet de loi, on suggère qu'il y ait une subvention de formation. Toutes les garderies sans but lucratif auront droit à une moyenne - je dis bien une moyenne, M. le Président - de 1500 $ par garderie, mais avec un plafond de 2000 $ à respecter. Alors, je pense qu'on se dirige vers une qualité de services qui n'est même pas discutable. Alors, pour ou contre le projet de loi? À mon sens, il est simplement important de pouvoir s'y pencher et de regarder les valeurs qu'on a tendance à vouloir véhiculer. La formation, c'est important. Les gens se sont penchés sur cette situation et ont fait des recommandations en commission parlementaire. Aujourd'hui, on peut dire que c'est dans le projet de loi. Il est simplement question de l'approuver et de faire en sorte qu'on puisse vivre avec cela.

Au fond, cette année, quelle est la différence entre ce qui va arriver et ce qu'on avait peut-être promis ou ce à quoi on s'était engagé? On s'était engagé à développer 8671 places dans l'année 1989-1990. Par la force des choses, on a été obligés de se rajuster, mais ce n'est quand même pas aussi désastreux qu'on le laisse supposer, on va développer 6208 places. Alors, 6208 places au lieu 8671, c'est certain qu'il y a un manque, c'est sûr ça, mais il faut considérer la situation. Quand Ottawa avait lancé son programme qui parlait de 200 000 nouvelles places en développement durant les 7 prochaines années, qu'on s'était ajusté et qu'on avait dit: 60 000 nouvelles places en cinq ans, eh bien, je pense qu'il ne faut pas être magicien pour réaliser que l'argent ne pousse pas dans les arbres. Le citoyen a une capacité maximum de payer et plus on lui en demande, bien c'est certain qu'à ce moment-là, la paie qui entre à la maison est moins forte.

Alors, compte tenu de ce qu'on a eu à respecter, soit nos engagements de ne pas augmenter les impôts... au contraire, on les a diminués, parce qu'il y a des familles qui actuellement ne paient pas une cent d'impôt, les familles qui gagnent en bas de 23 000 $, deux enfants, qui ne paient plus une cent d'impôt, alors qu'avant ça, c'était 10 000 $, je pense qu'il y a eu de la récupération de faite de ce côté-là par notre gouvernement, et les gens sont conscients de ça, M. le Président. Donc, compte tenu du retrait fédéral, on doit s'ajuster.

Je pourrais vous parler des agences de garde en milieu familial, je pourrais vous parier aussi des mêmes agences de garde en milieu familial, mais non régies, mais, le temps me manquant, je dois conclure, M. le Président, en disant que je me ferai présent comme mes autres collègues à l'étude du projet de loi article par article, et, à mon tour, s'il y a des suggestions ou des recommandations que je pourrais apporter, je le ferai avec toute la conviction qui m'est

prêtée et aussi tout l'enthousiasme, selon nécessairement la teneur des articles en question. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Alors, je voudrais maintenant constater l'accord des membres de l'Assemblée afin de poursuivre nos travaux dès maintenant, sans l'interruption habituelle de 18 heures à 20 heures. Il y a bien accord à cette fin? Donc, nous poursuivons nos travaux et je vais maintenant reconnaître véritablement Mme la députée de Chicoutimi pour l'exercice de son droit de parole.

Mme Jeanne L Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, le député de Fabre dit des vérités surprenantes, mais intéressantes à relever. Il rappelle d'abord que le projet de loi qui vient modifier la Loi sur les services de garde a soulevé un tollé. Ce n'est pas de moi, c'est du député de Fabre. Il ajoute également que la grande majorité des intervenants s'est opposée au projet de loi. intéressant! Mais, paradoxalement, il ajoute: C'est qu'ils ont mal compris, c'est qu'ils ont mal évalué le projet, c'est qu'ils ne connaissent pas bien la situation. Une fois qu'ils vont avoir calculé, ils devraient partager l'avis du gouvernement.

Est-ce à dire que tous les intervenants errent dans leur évaluation du projet de loi et de ses retombées sur les services de garde au Québec? Est-ce à dire que les parents se trompent? Est-ce à dire que les intervenants se trompent, que les administrateurs de garderies se trompent et que seul le gouvernement a le pas? C'est quelque chose d'étonnant et de surprenant, c'est le moins qu'on puisse dire.

M. le Président, pourquoi le projet de loi qui vient modifier la Loi sur les services de garde à l'enfance soulève-t-il, comme le rappelle le député de Fabre, un tel tollé? Pourquoi y-a-t-il autant d'intervenants qui s'y sont opposés?

Rappelons d'abord que ce projet de loi vient modifier fondamentalement l'esprit de la loi adoptée sous le gouvernement du Parti québécois, en décembre 1979, de deux façons. D'abord, il ouvre largement la porte à la privatisation. C'est un précédent, ça en change fondamentalement l'esprit. Ensuite, le projet de loi vient consacrer le pouvoir absolu du Conseil du trésor sur le développement des services de garde au Québec. Dorénavant, ce n'est plus la ministre de la Condition féminine qui pourra élaborer et faire adopter son plan de services de garde. Ce ne sera pas non plus la ministre ou le ministre de la Famille ni le Conseil des ministres, non. Ce sera le président du Conseil du trésor qui aura à approuver le plan de développement des services de garde. Cela vient ainsi modifier fondamentalement l'esprit du projet de loi et ça vient subordonner les Intérêts des parents en matière de services de garde aux intérêts du président du

Conseil du trésor.

En fait, le projet de loi vient ouvrir largement la porte à la privatisation. Mais, plus fondamentalement, le projet de loi est un mépris des engagements pris par ce gouvernement à l'endroit des parents, à l'endroit des services de garde. C'est un mépris des organismes qui ont fait des efforts considérables pour venir se faire entendre en commission parlementaire, pour expliquer les raisons profondes pour lesquelles Ils s'opposaient au projet de loi tel que rédigé. Pourtant, on méprise les avis qui ont été reçus et émis par ces organismes. (18 h 10)

Pourquoi un tel tollé? Parce que c'est un mépris du droit des travailleurs et des travailleuses des garderies à un salaire décent. Pourquoi un tel tollé? Parce que c'est un mépris du droit des parents d'obtenir des services à un coût moindre lorsqu'il s'agit des services de garde. Mépris des engagements pris, le député de Fabre le rappelait justement tout à l'heure. Le gouvernement s'était engagé à créer 8671 places en garderie, il en crée 6200. Il estime que, compte tenu des circonstances, c'est acceptable. On doit reconnaître, qu'effectivement, le gouvernement fédéral s'est retiré des engagements qu'il avait pris concernant la création des services de garde.

Mais ce qu'on doit constater, du moment où le gouvernement du Parti libéral s'était engagé à créer 8000 places, s'il en crée 2471 de moins, c'est simplement que les garderies n'étaient pas une priorité pour le gouvernement du Parti libéral, sinon il aurait respecté l'engagement pris à l'endroit des familles, à l'endroit des parents, à l'endroit des services de garde.

Au moment où le Parti québécois, au cours de la dernière année, créait des services de garde et développait les services de garde, le rythme de croissance de la création de places en service de garde était de l'ordre de 21 %. Au cours de la prochaine année, la croissance des places en service de garde sera tout juste de 8,7 %. Un écart considérable, mais qui vient illustrer le manque de volonté du gouvernement d'offrir de bons services de garde et en quantité suffisante et de qualité suffisante aux Québécois et aux Québécoises qui ont de jeunes enfants.

Mépris des travailleuses, également, et des travailleurs. Je dis travailleuses parce que ce sont majoritairement des femmes qui sont dans ces secteurs d'activité. Parce que pour les travailleuses en garderie, le salaire moyen est de 8,50 $, alors que ces personnes ont une formation de niveau collégial comparable à celle de l'informaticien, celle de l'électronicien, celle de l'infirmière, celle de l'inhalothérapeute, et pourtant, leur salaire est largement en deçà des salaires qu'on reconnaît aux autres groupes de travailleurs qui ont des compétences comparables. Mépris à l'endroit de ces travailleurs parce que le président du Conseil du trésor refuse de reconnaître qu'il y a l'endroit de professions une

inéquité salariale. Il dit que cela n'existe pas l'absence d'équité salariale. Il dit qu'il y a une question de rangement entre les fonctions. Mais l'équité salariale, il ne veut pas la reconnaître, tel que le demandent les différents syndicats au Québec.

Mépris également à l'endroit des opinions exprimées par les différents organismes qui se sont présentés en commission parlementaire. Rappelons-le, comme le faisait le député de Fabre tout à l'heure, 88 % des organismes - ce n'est pas peu dire - qui ont été entendus en commission parlementaire pendant un mois sont venus dire à la ministre et au gouvernement qu'ils erraient dans la décision et les orientations qu'ils avaient prises. Pourtant, ils sont restés indifférents à la qualité des analyses présentées par ces différents organismes. C'est un mépris total. On a consulté parce qu'il fallait consulter, mais on n'a pas tenu compte du résultat des consultations, ni des avis qui ont été émis.

Mépris également à l'endroit des parents parce que l'allégement du fardeau financier est largement insuffisant. Un parent qui doit payer les services de garde pour ses enfants, savez-vous qu'il en coûte, pour celui qui paie la totalité, quelque 4000 $ par année? Si vous pensez à l'entretien de l'enfant en plus, c'est plus cher que ce que coûte aux familles, un enfant ou un jeune qui poursuit des études universitaires, parce que les frais de scolarité dans nos universités sont de l'ordre de 600 $, alors que faire garder un enfant dans une garderie, c'est 4000 $. Est-ce qu'on comprend que cela coûte plus cher pour un couple de faire garder un enfant que d'envoyer son enfant à l'université? Mépris donc à l'endroit des parents.

Mais en plus, c'est une porte ouverte à la privatisation. Parce que pour le gouvernement libéral, c'est connu, cela fait partie des orientations qu'il avait déposées en 1985, des engagements électoraux. Cela fait également partie des engagements électoraux qu'il vient de déposer. La privatisation, pour le Parti libéral, c'est un dogme. En dehors de la privatisation, point de salut. Les enfants sont devenus un marché lucratif, comme les personnes âgées d'ailleurs. Pour savoir pourquoi la privatisation, demandons-nous à qui elle profite. Est-ce qu'elle profite aux parents? Est-ce qu'elle profite aux enfants? Est-ce qu'elle profite aux usagers? Est-ce qu'elle profite aux personnes âgées?

Rappelons d'abord des données assez saisissantes. 75 % des plaintes portées à l'endroit des garderies le sont à l'endroit des garderies à but lucratif. Cela devrait nous donner une idée des conditions dans lesquelles ces enfants sont placés. Cela s'explique, de toute façon. Cela s'explique, parce que pour faire de l'argent, pour réaliser des bénéfices à même des services de garde, M. le Président, le service de garde n'a pas d'autre moyen que d'économiser sur le salaire des travailleurs et des travailleuses, d'économiser sur la qualité des services offerts aux enfants, d'économiser sur la nourriture offerte aux enfants. C'est la seule façon. Comment voulez-vous qu'on fasse des économies, qu'on fasse des bénéfices, qu'on puisse entrer dans ses frais, sinon en économisant sur la qualité des services offerts à ces enfants? Cela explique d'ailleurs, je le rappelle, que 75 % des plaintes portées à l'endroit des services de garde le sont à l'endroit des services de garde dans les garderies à but lucratif.

À qui sert donc la privatisation dans les services de garde? Elle sert essentiellement à quelques personnes qui font des bénéfices sur un marché devenu lucratif: le marché des enfants dans les garderies. Est-ce que la privatisation sert les intérêts des travailleurs et des travailleuses? Non, M. le Président. Pour les mêmes raisons que j'ai expliquées, la seule façon de faire des économies, de réaliser des bénéfices pour les propriétaires de ces entreprises, c'est de payer des salaires plus bas. C'est connu. Il n'y a pas d'autre façon. Donc, quels sont les intérêts servis par la privatisation dans les services de garde? Essentiellement, M. le Président, les intérêts des propriétaires. Les intérêts de quelques propriétaires au détriment des intérêts de la majorité, c'est-à-dire des enfants qui sont dans ces garderies, et au détriment des intérêts des travailleurs qui sont dans ces garderies.

M. le Président, le marché des services de garde à l'enfance est devenu un marché lucratif, comme d'ailleurs le marché des services aux personnes âgées. Là aussi, en santé, on est en train, progressivement mais assez rapidement, en même temps qu'en douce - ça n'a pas trop paru - de créer deux systèmes de santé au Québec: un système privé et un système public. Non pas parce que ça coûte moins cher, parce que les services offerts dans une entreprise privée sont payés par l'État au même titre que ceux qui sont offerts dans les établissements publics. Il n'est pas question pour le gouvernement de réaliser des économies en privatisant. Non, ce n'est pas ça, tout le monde le sait. Allez recevoir un traitement au département de physiothérapie d'un hôpital ou allez le recevoir dans une clinique privée, ça coûte à l'État exactement la même chose: C'est 22 $. Quoique, actuellement, c'est moins vrai, c'est moins cher si vous allez à l'hôpital parce que dans les cas où il n'y a pas eu d'entente, c'est seulement 15 $. Mais admettons qu'une fois les ententes négociées, ça serait exactement le même coût. Quels intérêts sert-on, à ce moment-là, du moment où l'on privilégie dans nos services de santé, comme dans les services de garde à l'enfance, la privatisation? On sert les intérêts du propriétaire ou de la propriétaire, mais on ne sert en aucun cas l'intérêt collectif, l'intérêt des usagers, non plus que l'intérêt des travailleurs et des travailleuses. (18 h 20)

M. le Président, ce gouvernement a fait de

la privatisation un dogme et il utilise des arguments pour le moins douteux. On dit: Écoutez, pour évaluer la performance de notre système public, opposons-lui donc un système privé. J'aimerais dire à ce gouvernement qu'en Ontario, parce que ce gouvernement aime particulièrement se comparer à l'Ontario, il n'y a pas ou à peu près pas d'écoles privées subventionnées. Les seules écoles privées en Ontario sont entièrement aux frais des parents. Et pourtant, le système d'éducation en Ontario est au moins aussi performant que le nôtre. C'est un argument fallacieux, et il est prouvé, dans le cas de l'hôpital de Bellechasse, que les établissements privés nous coûtent plus cher. Ils coûtent plus cher à l'État parce que le propriétaire doit réaliser des bénéfices. Le propriétaire d'une entreprise privée, quelle qu'elle soit, c'est normal, ne fait pas ça par philanthropie, ne fait pas ça par grandeur d'âme ou par générosité. Il investit dans des entreprises de cette nature pour réaliser des bénéfices. Le gouvernement du Parti libérai a fait, de la privatisation, un dogme. D'ailleurs, H y avait là-dessus tout un chapitre dans le rapport Gobeil qu'on a un peu oublié, mais qui, progressivement, fait ses effets dans le réseau. En fait, on a commencé par privatiser des services auxiliaires. Tout récemment, au centre hospitalier Anna-Laberge, les services auxiliaires sont privatisés. Est-ce qu'ils coûteront effectivement moins cher? J'en doute, parce que la marge de bénéfices que devra se conserver le propriétaire amènera les coûts de ces services à un niveau assez comparable aux coûts qu'ils seraient si on devait les avoir dans nos institutions.

Sur la privatisation des centres hospitaliers de taille petite ou moyenne, on connaît les analyses qui ont été faites dans le cas de la privatisation de l'hôpital de Bellechasse. Ils ont des conditions qu'on n'offre pas, et loin de là, en matière de financement, aux hôpitaux publics et ils coûtent plus cher, parce que, je le rappelle, le propriétaire doit réaliser, et c'est normal du moment où on est dans le privé, une marge de profits. Mais cette marge de profits se fait à nos frais. Elle se fait aux frais des travailleurs.

M. le Président, en 1988-1989, 19 CLSC ont eu recours à des agences privées d'infirmières pour un coût total de 729 383 $. Est-ce que cela a coûté moins cher, M. le Président? Non. Cela a coûté aussi cher. L'argent est allé dans les poches du propriétaire de l'agence. Je pense ici à une agence qui s'appelle l'agence Hélène Quévil-lon, qui fait des millions de dollars en chiffre d'affaires avec les différents services du gouvernement. M. le Président, 60 hôpitaux et 27 centres d'accueil ont eu recours à des agences privées d'infirmières. Alors qu'on connaît les conditions qui sont faites aux infirmières dans nos hôpitaux, le coût total de ces opérations est de 12 000 000 $. C'est ça la privatisation. Est-ce que ça nous coûte moins cher? Non. Dans le cas des recours aux agences de services de garde, aux agences privées de placement, généralement, ça coûte le double quand ce n'est pas le triple de ce que coûterait un employé à temps plein permanent dans un hôpital. Les chiffres sont là pour le démontrer et on pourra vous les présenter n'importe quand. Cela coûte plus cher, mais ça permet à la propriétaire ou au propriétaire de réaliser des bénéfices.

La privatisation, M. le Président, la porte ouverte à la privatisation dans les services de garde, mais également dans les services de santé. Et la dernière trouvaille, ce sont les OSIS, organisations de soins intégrés de santé. L'organisation de soins intégrés de santé, c'est une copie, c'est calqué, en fait, sur les HMO américains, et sachons que les HMO américains, ils songent, eux, à les abandonner. Je trouve ça intéressant. Il faudrait peut-être que le gouvernement soit un peu à l'écoute - contrairement à ce qu'il a fait au moment où les différents organismes venaient leur donner des avis sur la Loi sur les services de garde - de ce qui se dit et ce qui se fait à l'extérieur. Les Américains viennent examiner notre service de santé et nos services sociaux au Québec parce qu'il est moins coûteux que le leur. Aux États-Unis, il en coûte 11,2 % du PIB pour offrir des services de santé alors qu'ici, c'est 9,6 %. Alors qu'aux États-Unis, 30 000 000 d'Américains ne sont pas assurés, nous, nous sommes en train de penser que la panacée à tous les maux, c'est la privatisation. Les Américains sont en train de remettre ça en question. Est-on capable de comprendre? Pourquoi n'est-on pas capables d'entendre les mêmes réalités? M. le Président, la privatisation, c'est un dogme pour le Parti libéra! et, c'est pourquoi, la loi, que nous examinons et que nous aurons l'occasion d'examiner également article par article en commission parlementaire, vient consacrer ce dogme: la privatisation dans les services de garde au Québec.

M. le Président, j'espère, quoique j'en doute un peu, que l'examen du projet de loi article par article en commission parlementaire donnera une dernière occasion au gouvernement de se raviser et de réexaminer le contenu de ce projet de loi de manière à répondre de façon plus adéquate aux demandes répétées, réitérées, manifestées et manifestées à nouveau par différentes garderies au Québec, par différents organismes québécois. Je rappelle en conclusion, M. le Président, comme le rappelait tout à l'heure le député de Fabre, que ce projet de loi a fait l'objet d'un tollé. 88 % des organismes sont venus dire au gouvernement: Vous vous trompez de direction. J'espère, M. le Président, que l'examen du projet de loi article par article permettra au gouvernement de se raviser et de tenir compte des avis qui lui ont été donnés, de manière a le modifier dans le sens d'une plus grande équité entre les garderies, d'une plus grande équité pour les parents et les travailleurs et travailleuses en garderie. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Taschereau.

M. Jean Lederc

M. Lederc: Merci, M. le Président. Je suis évidemment heureux de prendre la parole sur le projet de loi 150, Loi modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance. Je prends le temps, à ce moment-ci, de rappeler le titre du projet de loi que nous étudions, parce que la députée de Chicoutiml, manquant peut-être d'inspiration, nous a parlé, pendant presque quinze minutes, d'un supposé processus de privatisation au gouvernement du Québec plutôt que de prendre le temps d'expliquer à nos concitoyens la position du Parti québécois sur le projet de loi 150.

Le projet de loi 150, Loi modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, est éminemment important pour la collectivité québécoise. C'est en effet une portion importante de la politique familiale du gouvernement du Québec. Quand on regarde le principe global de la politique familiale, on se rend compte qu'il a trois volets principaux: d'abord, les normes du travail qui doivent permettre aux parents de prendre des congés parentaux, qui doivent permettre aux parents, par exemple, de travailler à temps partiel dans les premières années suivant une naissance, et le gouvernement du Québec devra mettre à jour la Loi sur les normes du travail. Une politique familiale, c'est également de l'aide financière aux parents.

Depuis les deux derniers budgets, M. le Président, vous vous rappellerez que dorénavant, les parents qui donnent naissance à des enfants reçoivent, à la naissance ou à chaque trois mois, des montants substantiels qui vont jusqu'à 4500 $ pour le troisième enfant et les suivants. Enfin, et c'est le troisième volet de la politique familiale, des services de garderie en quantité, afin que les parents aient un certain nombre de choix devant eux, un certain nombre d'options, des services de garderie de qualité, afin que les parents puissent laisser à la garderie leurs enfants le matin en allant travailler, sans souci, sachant que leurs enfants recevront toute l'attention qu'ils leur donneraient eux-mêmes, des services de garde, enfin, à des prix raisonnables, parce qu'on ne peut demander à des parents d'aller travailler et de payer presque aussi cher de garderie que le salaire net qu'ils reçoivent une fois faites toutes les dépenses reliées a leur emploi. (18 h 30)

Donc, le service de garde au Québec est un volet fort important de notre politique familiale et il est normal que le gouvernement du Québec ait étudié, ait consulté énormément avant de faire connaître à la population son énoncé de politique. Cependant, avant d'aller plus en avant dans cet énoncé de politique, avant de parier davantage du projet de loi 150, j'aimerais relever quelques malentendus ou quelques Imprécisions de l'intervention de la députée de Chlcou-timi.

Elle nous dit d'abord qu'un bon nombre de groupes de la société - elle a raison - ne sont pas en accord avec notre énoncé de politique, mais ce n'est pas surtout sur les principes qu'ils ne sont pas en accord, c'est davantage sur le financement, c'est davantage sur le nombre de millions que le gouvernement du Québec a l'intention d'injecter année après année dans les services de garde. Et il ne faut pas s'étonner que ces gens convaincus, compétents, qui travaillent au jour le jour dans les garderies du Québec, défendent avec conviction leurs intérêts et les intérêts des garderies dans lesquelles ils travaillent, mais II faut bien comprendre que le gouvernement du Québec doit prendre des décisions avec une vision globale de la société québécoise et, bien que les garderies au Québec soient une priorité du gouvernement du Québec, il y a bien d'autres priorités que nous devons considérer alors que chaque année nous procédons à un exercice fort délicat, celui de la confection du budget du Québec. Si les garderies sont des priorités, les hôpitaux sont également des priorités, les écoles sont des priorités, les universités sont des priorités, le système routier, bref, le gouvernement du Québec doit prendre des décisions équilibrées, et, bien que nous n'ayons peut-être pas investi ce que les groupes représentant les travailleurs, représentant les garderies auraient voulu que nous investissions dans les services de garde, nous croyons, en conscience, avoir fait un effort honnête, compte tenu de toutes les autres priorités au Québec, compte tenu de tous les autres secteurs importants, dont celui des personnes âgées, qui est un secteur fort important au Québec où l'on doit investir énormément.

Alors, compte tenu de tout ça, nous croyons, nous, du gouvernement, que nous avons fait un effort honnête dans les circonstances. Nous avons fait le maximum que nous pouvions faire. Donc, oui, il est vrai, les groupes ont été en forte majorité contre notre énoncé de politique, mais surtout parce qu'ils n'étaient pas d'accord sur le niveau de dépenses du gouvernement du Québec.

La députée de Chicoutimi, pendant presque tout son discours, nous a dit que le gouvernement du Québec privatisait tout. Elle dit que nous avons amorcé un processus de privatisation des garderies. Quoi de plus faux, quand on sait que toutes les garderies sans but non lucratif du Québec auront une augmentation de subventions. Est-ce que honnêtement, M. le Président, si nous avions eu l'intention de privatiser les garderies à but non lucratif, nous les aurions subventionnées davantage? Est-ce qu'un gouvernement qui ne croit pas dans un système de garderie sans but non lucratif leur donne davantage d'argent pour offrir de meilleurs services à la population? Quoi de plus faux. Comment se fait-il que la députée

de Chicoutimi puisse soutenir ici devant cette Chambre une telle énormité? Qu'a-t-elle contre les garderies à but lucratif qui, pendant les neuf ans du Parti québécois, ont continué à offrir des services de garde pour les enfants québécois?

Elle nous parle de bénéfices des propriétaires alors qu'on sait très bien que la plupart des propriétaires de garderie à but lucratif ne font, comme seul profit, que le salaire de directeurs qu'ils ont. Ils créent leur propre emploi, si vous voulez, et ils ont une rémunération à bien des égards comparable à celle qu'ils auraient s'ils effectuaient le même travail dans une garderie sans but non lucratif. Donc, il y a fort peu de personnes au Québec qui s'enrichissent avec les garderies à but lucratif. Je comprends mal l'acharnement de la députée de Chicoutimi à essayer de démontrer qu'elles n'offrent pas un bon service à la population. Et, eu égard aux institutions privées au Québec, tout ce qu'on peut dire, c'est que l'Opposition a des vues contradictoires. Elle nous a parlé d'écoles privées, d'hôpitaux privés, d'OSIS, et j'en parlerai tout à l'heure.

Il y a un exemple qui s'est passé il y a très peu de temps, alors que nous recevions ici même à l'Assemblée nationale, le 1er juin dernier, les Ursulines de Québec qui fêtent, cette année, leur 350e anniversaire d'arrivée au Québec. J'ai vu la députée de Chicoutimi, comme bien d'autres du Parti québécois et du Parti libéral, féliciter à tout rompre l'école des Ursulines de Québec, qui est une école privée, et dire que les services qui y sont dispensés sont excellents, sa réputation est excellente, que cette école a rendu des services innombrables au Québec pendant toutes ces années. Et, du revers de la main, quelques jours plus tard, elle nous dit que ce qui est privé au Québec n'est pas bon: les garderies privées, les écoles privées.

Même, elle ose mettre notre projet d'OSIS sur le compte de la privatisation, alors que l'on sait très bien - le gouvernement du Québec a toujours été très clair là-dessus - que les OSIS, lorsque l'expérience sera tentée, seront des organismes sans but lucratif. Quoi de plus faux que de prétendre que les OSIS seront des organismes à but lucratif qui feront faire des profits à des individus. Par exemple, s'il y avait, dans quelques années, une OSIS dans mon comté, comment pourrait-elle être formée? Du CLSC de mon comté, de l'Hôpital général, de l'Hôtel-Dieu et du foyer Notre-Dame-de-Lourdes qui pourraient se mettre ensemble, former une corporation sans but lucratif et mettre en place une OSIS. C'est avec cela que la députée de Chicoutimi essaie de faire croire à la population du Québec que nous privatisons. Elle est bien bonne!

Non, M. le Président, nous ne privatisons pas. Bien au contraire, nous augmentons les subventions à toutes les garderies sans but lucratif du Québec. Je vous disais tout à l'heure que nous avons fait précéder la loi 150 que nous étudions d'un document d'orientation qui était le résultat d'études, de consultations et de travaux réalisés afin de doter le Québec d'une politique d'ensemble en matière de garderie. Politique que l'on a attendue pendant toutes les années de pouvoir du Parti québécois. Politique qu'ils avaient d'ailleurs promise pendant longtemps. C'est l'actuel gouvernement du Québec, avec la ministre déléguée à la Condition féminine, qui a au moins eu le mérite d'effectuer une étude d'ensemble du dossier au lieu de faire du cas par cas et d'y aller à la pièce, comme ce fut le cas pour le précédent gouvernement.

Bien sûr, comme c'est le cas de tous les grands dossiers gouvernementaux, il y a eu des impondérables. Il y a un certain nombre de choses que le gouvernement du Québec ne pouvait pas prévoir, peu importe sa couleur, peu importe le parti politique qui assumait la direction du Québec. Comment pouvions-nous prévoir que le gouvernement fédéral, après avoir fait état de ses intentions en matière de services de garde, se retirerait de cette façon? Malgré cela, le plan de développement du gouvernement du Québec, fermement, veut toujours faire passer de 65 000 à 130 000 les places en garderies au Québec, en cinq ans. Le plan de développement veut augmenter le nombre de garderies en milieu de travail parce qu'on sait que, pour bon nombre de Québécoises et de Québécois, il serait pratique de pouvoir amener avec eux jusqu'au travail, le matin, leurs enfants et de retourner avec eux à la maison le soir. Nous avons de très beaux exemples un peu partout au Québec, encore trop peu d'exemples, mais de très beaux exemples, un peu partout au Québec, de garderies en milieu de travail qui fonctionnent très bien.

Ce n'est pas chose facile pour les entreprises qui sont souvent dans des édifices assez âgés, dans des quartiers qui ne permettent pas toujours une certaine expansion pour permettre un certain nombre de pieds carrés et une cour qui sont, on le comprendra, fort importants et essentiels pour qu'une garderie décente puisse y être installée. Les garderies en milieu scolaire, également, et on connaît toute la bonne relation entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Condition féminine pour faire en sorte que de plus en plus d'écoles au Québec puissent se doter de garderies en milieu scolaire. Ce faisant, les parents du Québec peuvent, à l'occasion, terminer leur travail plus tard que la classe, sachant que leur enfant est toujours en sécurité à la garderie scolaire, de même, sachant qu'à l'heure du dîner, leur enfant mange à la garderie scolaire, qu'il aura donc une alimentation saine et équilibrée et qu'il aura un minimum de supervision, s'assurant ainsi, dis-je, qu'il est en sécurité. (18 h 40)

M. le Président, le gouvernement a décidé qu'il subventionnera 50 % des coûts, jusqu'à concurrence d'une subvention maximum de 130 000 $, les garderies sans but lucratif qui veulent s'implanter au Québec. Et je vous

rappelle qu'actuellement, c'est seulement un montant de 90 000 $ qui est disponible pour les garderies propriétaires et que le montant pourra aller jusqu'à 77 500 $ pour les garderies locataires. Notre politique des services de garde prévoit également que les garderies qui devront se relocaliser, notamment parce que leurs locaux ne répondent pas aux normes minimales de l'Office des services de garde - et j'en ai dans mon comté - seront aidées afin de permettre une relocalisation qui n'ébranlera pas leur structure financière.

Qualité des services maintenant. À la suite des nombreux commentaires formulés en commission parlementaire, le gouvernement accordera une subvention spécifique pour la formation, le perfectionnement et le ressourcement du personnel au prorata du nombre d'éducatrices de la garderie. Cette enveloppe distincte sera versée en plus de la subvention de fonctionnement et représentera en moyenne 1500 $ par garderie avec un maximum de 2000 $.

Ensuite, pour ce qui est de la subvention de fonctionnement des garderies sans but lucratif, le gouvernement accordera une subvention de base de 30 000 $ Indépendante de leur taille et de leur taux d'occupation. Ceci, dans le but évident d'absorber les coûts fixes. Cette subvention sera alors indexée selon l'indice des prix à la consommation. À cette subvention de base, une subvention de 30 % des revenus réels de garde sera ajoutée, ce qui permettra de suivre l'évolution des budgets et de faire en sorte que les parents ne soient pas seuls à assumer une majoration de coûts.

En accordant ces deux types de subventions, en mettant en place cette formule mixte de subventions, le gouvernement respecte ses orientations visant l'utilisation maximum des ressources et répond aux inquiétudes formulées quant à la stabilité du financement, inquiétudes dis-je, qui nous ont été formulées lors de la commission parlementaire. Cette formule permettra également de prendre en considération les garderies situées en milieu semi-urbain, rural ou en milieu défavorisé, qui affichent des tarifs moins élevés, les garderies également de plus petites tailles et celles qui éprouvent certaines difficultés de fréquentation. Elle permettra également de régulariser la situation des garderies ayant des places occupées mais non subventionnées par manque de disponibilité financière.

Donc, grâce à cette nouvelle formule de financement que tout le monde ne peut pas nécessairement aimer, que tout le monde ne peut pas nécessairement féliciter, mais que tout le monde devrait avoir la décence d'admettre qu'elle est meilleure, qu'elle est supérieure à celle qui prévaut actuellement.

Grâce à cette nouvelle formule de financement, 7 % des garderies bénéficieront d'une majoration de 5000 $, 6 % recevront de 5000 $ à 10 000 $, alors que 87 % des garderies verront leur subvention augmenter de 10 000 $ à 30 000 $ et même plus dans certains cas. Ainsi, la très grande majorité des garderies recevront une aide financière supérieure à celle prévue dans l'énoncé de politique. Ce qui répond également aux demandes des différents regroupements de garderies au Québec. Les garderies seront assurées de recevoir en 1989-1990 une subvention de fonctionnement supérieure d'au moins 5000 $ à celle reçue en 1988-1989.

M. le Président, en terminant, je voudrais également parler quelques secondes des garderies en milieu familial. Vous savez qu'un certain nombre d'agences au Québec envoient aux parents qui en manifestent le désir des personnes qui font de la garde en milieu familial. Il m'apparalt sain qu'il en soit ainsi parce que voilà là une option supplémentaire offerte aux parents du Québec. Voilà une forme supplémentaire, une option supplémentaire que les parents peuvent utiliser pour faire garder leurs enfants. Je crois que plus le choix est grand, plus les besoins des parents sont assurés d'être rencontrés. Encore une fois, pour répondre aux demandes adressées par les représentants des agences de garde en milieu familial lors de la commission parlementaire, le gouvernement accordera une subvention de 750 $ par agence pour la formation et le perfectionnement.

Les indexations. Tel que promis, le gouvernement indexera la majorité des subventions selon l'indice des prix à la consommation. Il indexera également le montant de base de 30 000 $ accordé aux garderies sans but lucratif. Malgré un manque à gagner de 48 000 000 $, causé par le désistement imprévisible et inacceptable du gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec a consenti une augmentation de l'ordre de 27 % qui porte le budget de l'Office des services de garde à l'enfance à 132 400 000 $ pour l'année en cours. Dans le contexte où l'accroissement des dépenses gouvernementales ne dépasse guère 5 %, une augmentation de 27 % témoigne de l'importance que le gouvernement accorde à ce dossier.

Par conséquent, M. le Président, après vous avoir fait part de ces quelques chiffres, on peut comprendre que le Parti québécois ne nous félicite pas. On peut comprendre qu'un certain nombre d'intervenants du milieu des garderies ne nous envoient pas de félicitations, mais on peut difficilement comprendre que le Parti québécois n'ait pas la décence d'admettre que voilà un pas important dans l'amélioration des services de garde au Québec. Voilà un énoncé de politique qui se traduit dans une loi qui améliorera les services de garde au Québec, qui fera, à tout le moins, beaucoup plus qu'il a été capable de faire durant toutes ses années au pouvoir. Par conséquent, bien que ce ne soit pas un projet de loi parfait, bien que ce ne soit pas un énoncé de politique parfait, on peut dire que le gouvernement du Québec a fait l'impossible, dans le contexte actuel, pour améliorer les services de

garde au Québec, pour que les parents aient à leur disposition ce qu'il y a de mieux pour assurer la garde de leurs enfants. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Nous poursuivons le débat avec l'intervention de M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre JolK/et

M. JcJivet: Merci, M. le Président. Depuis quatre ans, j'ai toujours eu cette chance, je ne sais pas pourquoi, d'intervenir après l'ineffable député de Taschereau. Je l'écoute avec beaucoup de plaisir et je dois vous dire que, chaque fois, je suis surpris. Le député de Taschereau commence par dire que le gouvernement devrait faire des choses et, de temps en temps, on voit dans le journal un article disant que le député de Taschereau a fait telle et telle proposition qui devrait, semble-t-il, améliorer la vie des Québécois et des Québécoises.

Je l'écoutais, au début de son intervention, parler des services de garde. Il a dit que le Québec se devait d'avoir une politique familiale intéressante à tel point qu'on devrait même en arriver à donner aux femmes du Québec sur le marché du travail des conditions de travail différentes, compte tenu des circonstances dans lesquelles elles sont placées puisque, le jour où elles décident d'avoir des enfants, il faut leur permettre d'occuper un emploi qui ne soit pas considéré comme précaire. Or, le député de Taschereau disait que nous nous retrouvons dans un contexte où le gouvernement devra changer les lois pour permettre à ces femmes de retourner sur le marché du travail dans les conditions qui prévalaient au moment où elles ont quitté leur emploi pour donner à la société une progéniture qui lui donne la capacité, comme peuple, de se donner la chance d'avoir de plus en plus d'enfants. (18 h 50)

Là, le député de Taschereau passera pour une personne qui a fait une recommandation qui semble révolutionnaire. Le député de Taschereau aura beau dire ces choses, si, en fin de compte, on se retrouve avec un gouvernement, avec un ministre qui ne désire en aucune façon changer les mesures de travail au Québec, bien c'aura été une proposition parmi tant d'autres mais le gouvernement aura décidé autre chose.

Je l'entendais parler de la politique familiale et je me remémorais, comme critique de l'Opposition, toute la discussion que j'avais eue avec le ministre responsable de l'époque qui est aujourd'hui à un autre poste, le député de Beauce-Sud, responsable d'une politique familiale au Québec qui, en réalité, n'en est pas une, une politique familiale qui, devant nous, fait actuellement l'objet de critiques de toutes parts même s'il a créé le conseil consultatif qui s'occupe de la famille.

M. le Président, j'en arrive au sujet de notre discussion, la Loi sur les services de garde. J'ai fait ce préambule, comme le député de Taschereau l'a fait, en vous disant qu'on ne vit peut-être pas sur la même planète, lui et moi. J'ai l'occasion de parler avec les représentants des garderies de mon comté, que ce soient des garderies sans but lucratif, que ce soient des garderies à but lucratif ou que ce soient des agences en milieu familial. Tout le monde dit que la politique présentée par la ministre responsable des services de garde ne répond en aucune façon à la demande faite par l'ensemble des intervenants dans le milieu.

Or, peut-être que certains organismes sont plus contents que d'autres, peut-être que certains sont plus déçus que d'autres, mais une chose est sûre, c'est que personne n'est satisfait, ni du projet de loi devant nous ni de la politique qu'on appelle l'énoncé de politique de la ministre responsable des services de garde. Je ne dirai pas que tout le monde est en désaccord. Je serais malhonnête de le dire comme tel. Je ne dirai pas non plus qu'ils sont en désaccord avec tout. Ce n'est d'ailleurs en aucune façon ce que nous avons voulu dire. Comme ma collègue de Chicoutimi l'a dit tout à l'heure, ce que nous disons, c'est que la politique telle que présentée, dans ses principes importants, que ce soient des principes ésotériques ou que ce soient des principes financiers, ne répond pas, en particulier sur le plan financier, à l'ensemble de la demande.

Le député de Taschereau aura beau dire que le Parti québécois, alors qu'il était au gouvernement, a fait moins qu'eux, il ne faudrait pas charrier, comme on dit dans le langage. Quand je suis arrivé en 1976, il n'y avait aucune garderie dans le comté de Laviolette. Depuis que le Parti libéral est là, il n'y en a pas plus qu'avant mais, entre les deux, il y en a eu. Il y a d'abord eu l'organisme qui s'est créé et qui a permis l'arrivée à Grand-Mère du Manège des tout-petits, la garderie Clef des champs à La Tuque, la garderie à Saint-Georges-de-Champlain, la garderie qu'on appelle La P'tite Marmaille, la garderie à Saint-Tite, la seule qui, à l'époque, a fait l'objet d'une considération importante et qui, lorsqu'on a implanté le CLSC de Normandie, le CLSC de Mékinac qu'on appelle dans la MRC de Mékinac à Saint-Tite, le seul CLSC qui, à l'époque, a permis d'intégrer dans la construction de sa bâtisse une garderie. Nous avons eu ensuite une agence en milieu familial qui s'est créée et qui a donné naissance à une garderie située actuellement dans le comté voisin mais qui donne des services dans mon comté et qui provient des gens de ma région, de ma ville qui ont donné ce service à l'ensemble de la population de la région qu'on appelle le centre de la Mauricie.

Nous avons eu aussi des garderies privées à but lucratif qui se sont installées. Mais, depuis l'arrivée du gouvernement libéral, dans mon comté ou dans ma région, il n'y a pas eu d'expansion, il n'y a pas eu de lits additionnés;

je devrais dire il n'y a pas eu des places additionnées, de telle sorte qu'on se retrouve aujourd'hui avec moins, en pourcentage, que ce qu'il y a eu à l'époque où nous étions au gouvernement. Je donne des chiffres pour l'expliquer: développement des places en services de garde, au 31 mars 1976 H y avait 9596 places, en 1977, nous avons augmenté de 1434 places nouvelles, soit une croissance de 14,9 %; en 1978, nous avons augmenté de 2241 places, soit 20,3 %. Là, j'additionnerais en allant dans les meilleures années, en 1981 lorsque nous avons eu une augmentation de 6903 places pour une augmentation de 39,5 %. Il est évident que le député pourra prendre, quel qu'il soit du côté ministériel, l'année 1983 en disant. Oh! cette année-là cela a été bas, 7,8 %, 2404 places. Il faut comprendre que nous étions en temps de crise économique et que les risques pris par des gens étaient moindres.

Mais quand nous nous retrouvons à l'arrivée du Parti libéral au pouvoir, voilà qu'en 1986, qui était sur la lancée de 1985, qui était déjà amorcée par les budgets 1985-1986, voilà qu'on a 21,2 % d'augmentation, soit 8925 places. Mais là, depuis ce temps, une diminution importante, M. le Président. En 1987, 15,8 %. En 1988, 9,6 %. En 1989, prévisions de 10,4 %. Les prévisions pour 1990, 8,7 %. Donc, quand on regarde le nombre de places qui ont été développées entre 1976 et 1981, on s'aperçoit que le taux de développement des places se situe en moyenne à 20,9 %. De 1982 à 1986, il y a, en termes de rythme, un rythme de 16 %. Ce qui fait, entre 1976 et 1981, un rythme moyen de 18,5 %. Durant le temps où le Parti québécois était là, nous étions en train de mettre en place ce qui n'avait pas été fait dans le passé.

Je n'accuserai pas le Parti libérai des années 1970 à 1976 de ne pas lavoir fait. C'est un phénomène nouveau. Comme c'est un phénomène nouveau dans les années soixante-dix, comme on ne développe pas des prématernelles au rythme où on devrait le faire, il faut donc arriver à avoir un système qui permette ce développement. Donc, je ne baserai pas mes chiffres des années 1976 à 1986 en dénigrant le Parti libéral des années 1970 à 1976. Je dirai qu'il a fait le début, une amorce de politique de garderies parce que c'était en demande comme une demande nouvelle à l'époque. Alors pourquoi le député de Taschereau vient-il faire une comparaison qui ne tient pas lorsqu'on regarde l'augmentation qu'ils ont eue, eux autres, pendant les quatre dernières années?

De 1986 à 1989, le taux de croissance diminue à 11,9 %. Dans le temps où le Parti québécois était là, pendant les années où on a donné une ampleur, une envergure nouvelle à ce phénomène de garderies quelles qu'elles soient, publiques, sans but lucratif, privées, à but lucratif, agences de garde en milieu familial, nous avons donné l'élan qui a été arrêté à l'arrivée du Parti libéral. Ce sont des chiffres qui ne mentent pas, M. le Président. Mais là, je peux faire une comparaison entre ce que le Parti québécois a fait et ce que le Parti libéral décide de faire. Quand Je regarde ce qui est prévu dans les années 1989-1990 à venir, ça chute par rapport à ce qui était prévu à l'énoncé, le taux de développement sera de 8,7 %. Alors, qu'on ne vienne pas charrier en disant que le Parti québécois n'a rien fait. Il a fait deux fois plus que le Parti libéral alors que nous étions même dans la deuxième partie de notre mandat, dans une crise économique, sur un versant négatif. Nous sommes actuellement sur un versant positif. C'est le ministre des Finances qui nous le répète depuis trois ans. On sait que depuis quatre à cinq ans, il y a une augmentation de l'activité économique au Québec et malgré tout ça on a une réduction. Ah, là par exemple, pour l'avenir, on a une excuse toute trouvée. Quelle est l'excuse? C'est de dire: Écoutez, nous avons fart un énoncé. (19 heures)

Ma collègue, qui est en arrière de moi ici, la députée de Maisonneuve, responsable du dossier a souventefois, avant le budget fédéral, demandé à la ministre responsable: Écoutez, nous, nos indications montrent que le fédéral a présenté une politique, sauf qu'il ne tiendra pas ses promesses. On vous demande ceci: Vous, comme ministre responsable, est-ce que vous nous garantissez que, vu le plan que vous avez fait à partir de l'argent du fédéral, comme l'argent ne viendra pas, vous allez maintenir le cap sur ce que vous avez dit en tant que gouvernement? Elle nous disait: Écoutez, dans notre budget, tout est prévu en ce sens, inquiétez-vous pas, nous rassurons tout le monde. Mais, ô misère! nous nous retrouvons exactement dans le sillon que ma collègue a déclaré.

Nous sommes dans le sillon décidé par le fédéral, puisque le député de Taschereau et le député de Fabre sont venus nous dire: Écoutez, ce n'est pas notre faute, on voulait pourtant, mais le gouvernement fédéral est venu nous couper les vivres, et on est obligé de jouer et de travailler à l'intérieur de cette mesure qui n'est plus la même. Belle excuse pour ne rien faire, pour laisser aller les choses. Et après ça, on dira qu'il y a des gens qui sont un peu choqués du montant d'argent qu'on leur donne, que des gens ne seront pas satisfaits. Mais vous savez, dans le fond, disait le député de Taschereau, ils sont un peu d'accord, mais ils sont en désaccord sur une partie, parce qu'ils n'ont peut-être pas tout à fait compris ce qu'était la politique présentée par le ministre.

J'ai eu l'occasion de discuter avec celles qui s'appellent la garderie Le Manège des tout-petits, à Grand-Mère. Et je sais qu'eux autres m'ont dit: M. le député, on a un problème. L'an passé, à la demande des responsables de la sécurité des édifices publics, donc du ministère du Travail, nous avons décidé de faire les réparations qui s'imposaient pour rendre de plus en plus sécuri-

taire le Heu où nous gardons les enfants. Avec l'aide d'un projet fédéral, avec l'aide de jeunes volontaires, nous avons fait des aménagements extérieurs. Je suis même allé inaugurer les travaux et voir comment les jeunes travaillaient. Il y avait aussi des jeunes d'un projet de l'extérieur, de France et d'ailleurs, qui sont venus travailler à la garderie Le Manège des tout-petits pour les aider à passer à travers à des coûts moindres. Eux autres nous disent: M. le député, nous avons été obligés, pour aller chercher de l'argent, de faire des bingos quasiment, de faire des ventes de chocolat, de faire toutes sortes d'activités nous permettant d'aller chercher le plus d'argent dans le public pour nous permettre de vivre. Et là, qu'est-ce qu'on vient de leur dire? On vient leur dire ceci: Désormais, que vous ayez 30 ou 60 places, tout le monde aura 30 000 $ au départ et, après ça, selon votre performance et l'argent que vous irez chercher ailleurs, on va vous donner de l'argent en conséquence, en pourcentage de ce que vous allez chercher. Mais, M. le Président, dans une garderie qui se trouve dans un milieu très riche - je n'en nommerai pas - il est évident que cela va être facile. Pas de problème. On demandera aux parents de monter de 10 $, de 3 $, de 4 $, de 5 $ leur cotisation journalière. Pas de problème. Mais dans des milieux défavorisés, comment va-t-on demander aux parents d'aller chercher davantage dans leurs poches l'argent qu'on ne leur remboursera que lorsqu'ils feront leur rapport d'impôt, alors que, dans certaines circonstances, des gens n'ont même pas l'argent, ne reçoivent pas suffisamment d'argent pour faire des rapports d'impôt? On va les obliger à faire un rapport d'impôt, à payer H & R Block ou d'autres pour faire un rapport d'impôt simplement pour aller chercher une compensation qu'ils recevront un an après avoir payé. Et on va penser que ces gens vont envoyer leurs enfants dans une garderie sans but lucratif ou à but lucratif? Voyons donc, M. le Président! Cela, c'est ce que j'appelle charrier un peu.

Je connais les gens de mon milieu. Je sais qu'à La Tuque, à Saint-Tite, à Saint-Georges de Champlain ou à Grand-Mère, il y a des gens qui sont capables de payer. Cela, je le sais. Je sais aussi qu'il y a des gens qui ne sont pas capables de payer. Et ce sont eux qui vont subir les conséquences de cette décision. Ce sont eux qui vont devoir, avec les parents du conseil d'administration, aller chercher du financement en faisant des ventes de chocolat. Vous savez ce que c'est. J'ai eu six enfants à la maison. Je savais, quand ils arrivaient de l'école avec une boite de chocolat, ils étaient trois à la même école... J'achetais les trois boîtes de chocolat, ou encore je leur disais: Vous allez faire le tour du voisinage. Mais comme tout le monde faisait le tour du voisinage, on récupérait, si ce n'était pas les tablettes de chocolat de mes enfants, c'était celles des voisins. Finalement on avait toujours trois boites de chocolat, peu importe d'où elles venaient. On aidait les jeunes à le faire. Mais ça n'a pas de bon sens, M. le Président, de demander à des garderies sans but lucratif de passer leur temps à faire des quêtes!

C'est ça que je dénonce, M. le Président. C'est ce que je dis, mais la ministre ne comprend pas. Dans sa tour d'ivoire, entourée de ses fonctionnaires ou de membres de son cabinet politique - surtout de ceux-là devrais-je dire, M. le Président - elle se donne à partir de la directive donnée par le Conseil du trésor, des mandats pour aller, de plus en plus, quémander auprès des gens. Elle leur dit: Écoutez, si vous voulez des services, payez-les. Le député de Taschereau disait que Mme la députée de Chicou-timi parlait de privatisation. Oui, on parle de privatisation. Oui, on parle des gens qui, de plus en plus, vont pouvoir se payer des services à la condition d'être riches et, de moins en moins, s'ils sont pauvres, s'ils sont plus démunis. C'est en ce sens, M. le Président, que nous disons que nous croyons que le projet de loi présenté ne satisfait pas, non seulement les dirigeants des garderies, mais les parents qui doivent, dans certaines circonstances, selon leurs besoins, demander de l'aide aux garderies, qu'elles soient à but lucratif, à but non lucratif ou des agences en milieu familial.

M. le Président, nous voilà donc devant plusieurs modifications présentées par le projet de loi 150 qui répondent adéquatement, je l'ai dit, aux demandes de certains groupes et, il faut le dire, en particulier à celles des services de garde en milieu familial. Il n'en demeure pas moins, M. le Président, que l'Opposition officie/le ne peut être en faveur d'un tel projet. Deux points majeurs nous obligent, et je termine avec ça, parce que vous me faites signe qu'il ne me reste plus de temps, à nous inscrire contre ce projet de loi. Premièrement, pour la première fois en dix ans, le gouvernement du Québec ouvre toute grande la porte au financement des garderies à but lucratif et, deuxièmement, par ce projet de loi, la ministre déléguée à la Condition féminine abdique sa responsabilité au profit du Conseil du trésor qui aura désormais à approuver le plan de développement établi annuellement par l'Office des services de garde à l'enfance. Dans ce sens, M. le Président, il est évident que, comme membre de l'Opposition, je me ferai un devoir, au nom des garderies à but non lucratif de mon comté et de toutes les autres qui voudront s'ajouter à cette panoplie de gens et d'organismes qui sont contre, de tout faire pour dire à la ministre qu'elle a tort, qu'elle devrait, en conséquence, changer son fusil d'épaule et aller plutôt vers des moyens qui permettent à ces garderies de se donner de meilleurs moyens de financement par l'intermédiaire du public que des quêtes ou des ventes de chocolat, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest, et leader

de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, ce n'est pas parce que je ne pourrais pas commencer en disant: J'ai la chance de parler après l'ineffable député de Taschereau que je vais laisser passer mon droit de parole. Sérieusement, Indépendamment du contexte dans lequel on étudie ce projet de loi, il n'en demeure pas moins que, pour nous, le projet de loi 150, qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, est un projet de loi majeur, important, significatif par ce qu'il touche. Nous vivons dans une société où de plus en plus se manifestent des phénomènes comme le monoparentalisme, l'éclatement des familles, l'apparition de la vidéocassette qui a modifié nos traditions, nos habitudes sociales. (19 h 10)

Nous sommes dans une société où, de plus en plus, un État responsable, un État fier, un État normal, doit assumer la responsabilité qui est sienne, celle d'offrir, au plus grand nombre possible de citoyennes et citoyens ou Québec, des services de garde. Sans commence: à entrer, pour le moment, dans les nuances, est-ce que ces services de garde sont des garderies sans but lucratif, à but lucratif, ou ainsi de suite? L'important, c'est que la ministre avait fait connaître, ce qu'on appelle, un énoncé de politique. Dans son énoncé de politique, elle a laissé voir qu'elle était en mesure, une fois pour toutes, de combler des attentes raisonnables, normales, des attentes pour lesquelles, depuis des années, autant les travailleurs et les travailleuses en garderies que les parents souhaitaient, effectivement, que l'État québécois assume une responsabilité plus grande dans ce secteur. Avec le projet de loi 150 - c'est sûr que mes collègues ont eu l'occasion d'en parier et qu'on aura probablement l'occasion d'y revenir un peu lundi - if y a plusieurs éléments de ce qui est énoncé, de ce qui a été annoncé également qui s'effondrent.

Personnellement, je n'ai jamais changé de conviction ou de point de vue en treize ans de vie politique. Règle générale, dans un projet de loi, il faut être en mesure d'y retrouver les justifications pour lesquelles le projet de loi est requis. Il faut y trouver les justifications sur lesquelles la ministre s'est appuyée pour prétendre à la nécessité d'adopter un projet de loi surtout quand on a eu la malencontreuse idée de prendre des engagements beaucoup plus qu'on est capables d'en livrer.

À un moment donné, c'est notre responsabilité, nous de l'Opposition, de signaler au public québécois qu'assez c'est assez. Avec ce gouvernement, ce n'est pas la première fols qu'on se rend compte que le pont est toujours très grand entre le niveau d'espérance qu'on a créé par rapport à la réalité objective. Juste une anecdote, M. le Président, qui n'a rien à voir avec ça: il n'y a pas plus tard qu'à peu près une heure, j'étais au téléphone avec un membre du cabinet politique de ce gouvernement, du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, un monsieur très gentil, je n'ai rien contre le monsieur, y fait sa job extraordinairement bien. Il est très agréable au téléphone. Il me pariait du programme PADEL II me demandait de faire une "priorisation". Ça va être très court. C'est juste pour vous dire qu'entre ce qu'il m'a dit et les "accroires" qu'on a faits dans le milieu, parce qu'on a dit que cette année, on avait augmenté les crédits dans le programme PADEL.. Le ministre des Finances s'est gonflé les bretelles lors du discours sur le budget pour dire que les crédits dans le programme PADEL avaient augmenté.

Êtes-vous au courant que les demandes de mon comté, cette année, c'est le budget PADEL de l'an passé pour tout le Québec? Qu'est-ce que ça illustre? Très simplement, qu'on est beaucoup plus capables, dans ce gouvernement, de faire de l'imagerie populaire, de faire accroire qu'on est sensibles et préoccupés des besoins des Québécoises et Québécois, mais la réalité est tout autre. N'oubliez pas que ce sont des "balanceurs" de colonnes. N'oubliez pas que ce sont des comptables ou des gens qui se prennent pour des comptables avec toutes sortes de combines pour changer les chiffres et les colonnes, mais is jouent dans les colonnes. D'après eux, i y a une préoccupation, une seule, il faut que ça balance parce qu'ils sont les maîtres à penser du domaine des finances publiques.

Dubuc a dit l'inverse. Dubuc a dit à plusieurs reprises qu'ils n'avaient rien fait de plus que ce que nous avions fait, sauf que dans la parallèle, ils ont baissé globalement mais dans le même ordre de grandeur. Cela a été répété, dit à satiété. Si je reviens au projet de loi 150 sur les services de garde, il faut être conscient que ça fait dix ans, avec l'adoption en 1979 de la Loi sur les services de garde à l'enfance par le gouvernement du Parti québécois, que le Parti libéral dit: Bien nous, on va modifier ça. Je n'ai rien contre ça. Après dix ans, H est légitime d'adapter une loi parce que même si le sujet des besoins est le même, la portée, l'amplitude des sommes requises pour couvrir les besoins n'est pas nécessairement la même. Plusieurs modifications proposées dans le projet de loi 150 répondent adéquatement aux demandes de plusieurs groupes dont, en particulier, les services de garde en milieu familial mais dans un projet de loi global, dans un énoncé de politique, ce n'est pas parce qu'on peut trouver un, deux ou trois points de satisfaction qu'il ne faut pas avoir ce que j'appelle une analyse plus large et dire: Est-ce que globalement, le projet de loi, dans sa quintessence, demeure un projet de loi souhaitable par rapport aux attentes, par rapport à ce qui avait été dit? Pour nous, la réponse, c'est clair, c'est non. On l'a dit, on va le répéter et on a des raisons sur lesquelles on s'appuie.

Dans certains cas, on a trompé les attentes. Dans d'autres cas, on a complètement erré par rapport à des principes fondamentaux. Quand mon collègue finissait son intervention en disant qu'il serait contre pour deux raisons principales, c'est que ce sont deux raisons qui nous permettent sur les principes de prétendre que ces deux raisons sont suffisantes pour ne pas être en accord avec le principe de ce projet de loi.

Je rappelle la première raison. Pour la première fois en dix ans, le gouvernement du Québec décide d'ouvrir toute grande la porte au financement des garderies à but lucratif. Je ne parle pas immédiatement après le collègue de Taschereau, mais je l'ai entendu qui disait: Qu'est-ce que vous avez - c'est tellement facile de faire des phrases - qu'est-ce que vous avez contre les garderies à but lucratif? Je vais vous le dire, on a des raisons. On n'a rien contre les garderies, on n'a absolument rien contre les garderies à but lucratif. Sauf qu'à un moment donné, il y a des priorités dans une société et les organismes-conseils de la ministre déléguée à la Condition féminine, et je vais le citer tantôt, lui ont dit: Mme la ministre, on n'est pas d'accord, ce n'est pas là que doivent être placées les priorités. Malgré que le comité consultatif mis sur pied par elle-même, la même ministre qui nous propose sa bebelle, recommande de ne plus octroyer de permis, il dit: N'octroyez plus de permis à des garderies à but lucratif. Même si son organisme-conseil lui dit ça, ils ont la vérité révélée ces gens-là, le Parti libéral consent à financer.

On regarde à côté pour les garderies sans but lucratif. Est-ce qu'il n'y a pas de demande? Est-ce qu'il n'y a pas de besoin? Est-ce qu'il n'y a pas une liste d'attente? Si je pouvais dire non aux trois questions que je viens de poser, je dirais à la ministre: Bravo! vous avez raison. Pour des demandes de garderies sans but lucratif, il n'y a pas de projet, il n'y a pas de demande, il n'y a pas de dossier, il n'y a pas de besoin. En conséquence, vous voulez faire oeuvre utile dans la société québécoise en finançant les garderies et votre choix, vous l'avez fait pour les garderies à but lucratif. Je ne dirais pas nécessairement bravo, mais je dirais que cela se défend. Il y a un peu de légitimité dans une telle situation.

Mais ce n'est pas le cas du tout. Je ne sais pas si vous êtes au courant, M. le Président, 411 projets présentés par des corporations sans but lucratif formées majoritairement par des parents qui étaient sur une liste d'attente de l'Office des services de garde depuis très longtemps. Le gouvernement dit oui aux garderies à but lucratif mais les garderies sans but lucratif, cela ne presse pas. Elles demeureront sur la liste d'attente. Pas de problème, on n'a pas de fric pour vous autres. Pourtant, tant que le gouvernement ne consentira pas à injecter suffisamment d'argent pour le développement des services de garde, les garderies à but lucratif seront tou- jours favorisées par rapport aux garderies sans but lucratif. On pourrait vérifier ça.

J'ai indiqué tantôt que pour un projet de loi j'avais à peu près toujours la même attitude: je regarde si les gens qui sont touchés par ça sont contents, sont heureux, sont satisfaits et s'ils souhaitent cette loi-là. Ce n'est pas le cas. Regardez toutes les coupures de journaux: Les débrayages dans les garderies se multiplient cette semaine. Est-ce qu'elles débraient pour manifester leur satisfaction sur le projet de loi 150? Voyons, il faut être plus sérieux que ça. Aucune garderie ne ferait un débrayage pour exprimer sa satisfaction à la ministre déléguée à la Condition féminine pour sa politique des services de garde. Cela n'a pas de sens. Grèves tournantes dans les garderies, nouveaux moyens de pression dans les garderies. Les garderies ajoutent la pression politique à leur démarche.

On peut en trouver partout, M. le Président. Pour quelles raisons les garderies ne sont-elles pas satisfaites? Regardons ça un peu, regardons ça avec un point de vue de fond. M. Raymond Giroux, dans Le Soleil, émettait un editorial et il disait ceci... Parce que, encore là, j'entendais le député de Taschereau qui disait: Écoutez, ce n'est pas parce qu'il y a quelques intervenants qui sont en désaccord, ce n'est pas parce qu'on n'a pas reçu de télégramme de félicitations des garderies, il faut s'attendre à ça. Globalement, c'est très bon, c'est une bonne affaire. C'est extraordinaire ce qu'on fait. C'est extraordinaire les modifications qu'elle apporte à sa politique qui viennent réduire ce qu'elle avait annoncé. Pourtant, Raymond Giroux dans son editorial disait ceci: Face à une pléiade - pour ceux qui connaissent le terme, en français, ce n'est pas juste l'Opposition officielle - une pléiade d'intervenants, il ne dit pas opposés, il dit: fermement opposés à son projet de réforme du mode de financement des services de garde, et il ajoute: La ministre est d'accord là-dessus que tout le monde est en désaccord. Mais, on vous l'a dit tantôt, ils ont raison ces gens-là. Ils surnagent, ils ont le monopole du savoir, ils ont raison. (19 h 20)

Elle ajoute: Oui, mais écoutez, j'ai présenté un compromis. Compromis qu'elle savait rejeté d'avance avant même de le présenter. Elle remplace la contribution fixe par enfant par un forfaitaire de 30 000 $ assorti d'une subvention équivalant à 30 % des revenus de garde. Ce pourcentage a été décrié par tous. "Fonctionnant en partie au pourcentage, les garderies résisteront mal - écoutez bien ça - à la tentation d'augmenter leur tarif." Et c'est normal. Le principe de la subvention ascenseur, ah là, on les reconnaît, on reconnaît ces gens-là, des excellents théoriciens, de bons hommes et femmes de théâtre, des emballeurs professionnels.

Je me rappelle la taxe sur l'essence. Le premier geste de ce gouvernement, c'était fini, N n'y a plus de taxe sur l'essence. Je comprends.

Ils ont profité qu'elle soit au plus haut niveau - on appelait ça la taxe ascenseur - et Us ont juste coupé l'ascenseur, laissant la taxe au plus haut niveau. Exactement ce qui va arriver avec les subventions aux garderies. Le principe, l'instauration du principe de la subvention ascenseur, selon les données les plus élémentaires de la science économique - donc, ce n'est même pas moi qui parle encore là - pour des comptables, le mot "économie", pour un premier ministre qui ne fait que se targuer de la notion d'économie sans jamais poser un geste économique significatif... Envoyez n'importe quelle lettre au Parti libéral ou au premier ministre du Québec, qui dit: Envoyez-moi donc une copie de votre politique économique, vous allez voir que ce que vous allez recevoir est mince. Cela va être un discours, un beau discours. Nous, on fait confiance à l'entreprise privée. Mais ces gens n'ont aucune politique économique élaborée, structurante, définie. Ici, on arrive avec le principe de la taxe ascenseur.

Giroux continuait: "Le principe de la subvention ascenseur, selon les données les plus élémentaires de la science économique poussera les prix à la hausse." Pousser les prix à la hausse, si, actuellement, on était convaincus que les travailleurs et les travailleuses des garderies avaient un salaire tellement bas, et c'est le cas, que ça permettrait de corriger ces lacunes, on pourrait à la limite dire: Cela a un sens. Oui, ça va pousser les augmentations. Oui, ça va coûter plus cher, mais, au moins, ça va permettre aux travailleurs et aux travailleuses des garderies d'avoir un salaire raisonnable, de ne pas travailler uniquement pour une pitance à peu près autour du salaire minimum. Mais ce n'est même pas ça, la réalité. Ils vont continuer à devoir travailler pour presque rien. Écoutez bien la demande: Les parents veulent et doivent contribuer aux frais de garde. J'ai bien dit ça: Les parents veulent et doivent contribuer aux frais de garde. Donc, quand la ministre subventionne à outrance les garderies à but lucratif, il y a un problème, parce que, là, elle se substitue à une volonté populaire des concernés qui sont d'accord à contribuer de leurs deniers pour ces coûts-là. Pourquoi veulent-ils faire ça? C'est parce qu'ils veulent garder les parents qui veulent contribuer aux frais de garde, Us veulent garder le service hors des griffes de l'État. Et je comprends ça. Ils ont raison. Il y a du monde...

Encore là, juste une anecdote. Qu'est-ce qu'on lit dans le projet de loi sur le partage des conjoints? Je ne veux pas embarquer sur le fond. On vient d'adopter le principe, de part et d'autre. On lit que c'est encore une intrusion et, cette fois-là, massive de l'État dans un champ de juridiction qui, sur le plan de l'économie populaire, avait toujours été entre les mains des concernés. Donc, on entre "fou raide", N n'y a pas d'autres mots, dans une tradition depuis plusieurs années, mais ce n'est pas grave, ces gens ont la vérité révélée. Là, on revient là- dedans. Ils disent: Écoutez les parents veulent payer pour que les garderies à but lucratif restent à l'intérieur de leurs mains et que l'État ne mette pas la mainmise aussi sur les garderies à but lucratif. Mais la ministre ne s'occupe pas de ça. Pour la politique de service de garde, on a la vérité. Tout le monde est en maudit, mais ce n'est pas grave. C'est ça que Raymond Giroux nous dit: 'Les parents veulent et doivent contribuer aux frais de garde, question de garder les services hors des griffes de l'État. Mais les classes moyennes..."

Là, on est loin de Parti libéral, J'en conviens. On est très loin de ce gros club privé d'Intérêts privés. Mais il y a du monde autre que ça dans le Québec. Qu'est-ce que les classes moyennes disent? "Mais les classes moyennes, inéligibles à l'aide financière pour les garderies à but lucratif, feront encore une fois les frais de la manoeuvre." Ce n'est pas mol qui parle. Vous lirez l'article. Il parle de la manoeuvre. Je cite ici un editorial. Alors, il parle de la manoeuvre, parce que... Bien oui, il y a une manoeuvre, parce qu'il y a un déplacement d'argent, il y a un déplacement de frais. La ministre maintient l'aide au développement des garderies à but lucratif, alors que le comité, vous l'avez dit tantôt, le lui déconseillait.

Écoutez bien sa conclusion: "Le Québec avait énoncé un plan grandiose de 60 830 nouvelles places de garde en cinq ans, dont 8671 pour l'année en cours. Malheureusement, on sera obligé d'en couper 2600. 2600 places en garderie de moins. Le dossier des services de garde demeurera soumis aux humeurs des chasseurs de prime. Cette remise en question annuelle d'une priorité sociale inquiète au plus haut point. L'impossibilité de prévoir à moyen terme interdit de parier dans ce cas d'un pas majeur. Le rêve - c'est toujours Giroux qui parle - deviendra cauchemar à la moindre intention."

C'était important, M. le Président, de vous signaler au moins ces quelques considérations, surtout quand l'Opposition prétend que le projet de loi 150, on a toutes les raisons de le croire, est un projet de loi mal foutu, inapproprié, qui ne correspond pas du tout à la réalité fondamentale de ceux qui sont dans le plus grand besoin. C'est à eux que les sommes d'argent devraient être destinées, en particulier, si ils ont eu à subir une coupure après le gonflement. C'est facile d'être généreux avec l'argent des autres, la ministre a réalisé ce tour de force: Nous allons avoir un plan: Nous mettions tant d'argent. Quelques jours après: Garderies, le Québec coupe 11 000 000 $ des sommes promises. Il y a un bout, à un moment donné, de passer son temps à prendre des engagements majeurs sur des questions fondamentales, qui se traduisent toujours de la même façon: on n'est pas en mesure de donner suite aux engagements promis. C'est ça que mes collègues ont voulu dire, et c'est également ça que je voulais ajouter.

En terminant, je profite de l'occasion pour

rappeler que, dans le projet de loi 150, on a là une série de coupures majeures par rapport à l'énoncé. Parler des deux côtés de la bouche, je n'ai jamais été pour ça. Ma responsabilité est de rappeler que ce n'est pas moi qui ai le problème physique, c'est quelqu'un d'autre.

En conclusion, dans ce sens, les coupures par rapport à l'énoncé: 2600 places de moins. C'est une échelle salariale de l'exonération financière qui devait être corrigée, mais elle ne le sera pas, parce que ça ne leur fait rien, à ces gens, de ne pas donner suite à des engagements. L'énoncé prévoyait une subvention d'implantation de 75 %. Ah! Petit problème, ça ne sera plus ça. Cela va être de 50 %. La formule de financement à 45 % des revenus de garde est remplacée par une nouvelle formule dont personne ne veut: 30 000 $, un tiers, un tiers, moitié-moitié. L'énoncé annonçait une modification à la définition de la garde en halte-garderie afin de la rendre davantage conforme aux objectifs poursuivis par ce type de garde, la ministre dit: Cette modification, je le regrette beaucoup, je ne pourrai pas l'apporter, ça va prendre une étude. Comme si elle ne connaissait pas ces éléments! En conséquence, si elle n'avait pas l'étude avant de l'annoncer, elle devait bien savoir qu'elle ne pourrait pas y donner suite.

Dernier élément, M. le Président, une modification majeure est apportée à l'enveloppe globale des subventions accordées aux commissions scolaires, pour leur permettre de prévoir un local spécifique aux services de garde lors d'une construction ou d'un réaménagement majeur. D'ailleurs - c'est ma conclusion - j'étais là lors de l'étude de la loi 107 et tout le monde se rappelle que, il en a été de même lors de la loi 3, on a eu la très grande déception d'apprendre que d'aucune façon le gouvernement, même un gouvernement aussi vertueux que celui du Parti libéral, avait l'intention d'obliger les commissions scolaires à organiser des services de garde. Il a dit: Non, on se fie sur la bonne collaboration de tout le monde. Ces gens font de beaux discours sur l'importance d'avoir des services de garde adéquats, mais dans le domaine scolaire, dans une loi qu'ils ont modernisée récemment, il n'y a même pas une disposition qui oblige les commissions scolaires du Québec à organiser des services de garde. Et on va croire ces gens et leurs discours?

Ce sont ces éléments qu'il y avait lieu de souligner dans le projet de loi 150. C'est évident, M. le Président, en ce qui concerne l'Opposition, que sans aucun malaise on est convaincu que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne répond pas aux objectifs d'une société moderne où, effectivement, la place des services de garde devrait être beaucoup plus grande et correspondre davantage à un besoin réel. Comme ce n'est pas le cas, on va voter contre le projet de loi 150.

Le Vice-Président: M. le leader du gouver- nement.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais vous indiquer que je voterai pour le projet de loi 150 présenté par ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine. Je compte bien, dès la reprise du débat lundi, vous dire pourquoi, M. le Président.

Je voudrais cependant, à ce moment-ci, indiquer que nous allons ajourner le débat avec l'entente qu'il restera deux interventions qui pourront avoir lieu lundi: une intervention de la part de l'Opposition officielle et la réplique de Mme la ministre.

Je voudrais qu'on en fasse un ordre de l'Assemblée, M. le Président, avant de vous proposer d'ajourner nos travaux à demain.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Je n'ai pas d'objection, sauf qu'il faudrait que le leader du gouvernement se relise. Avec un ordre de l'Assemblée comme il veut en faire un, contrairement à ce qu'il vient de dire - ce qui n'est pas conforme de toute façon aux règlements - il n'aura jamais l'occasion de nous dire pourquoi il va voter pour.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: C'est que j'ai l'intention de dire à Mme la ministre les raisons qui me motivent à voter pour le projet de loi 150.

Le Vice-Président: Nous en faisons donc un ordre de l'Assemblée pour que, à la reprise du débat sur le projet de loi 150, il y ait une intervention de l'Opposition. La motion d'ajournement du débat est adoptée, M. le leader du gouvernement?

M. Gratton: Oui, M. le Président, je propose que nous ajournions nos travaux a demain, 10 heures.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

M. Gendron: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. En conséquence, les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés à demain, le vendredi 9 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 32)

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