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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 17 mai 1990 - Vol. 31 N° 41

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Présence de l'ambassadeur de la République de Côte-d'lvoire

J'ai le plaisir de souligner la présence dans la tribune de l'ambassadeur de la République de Côte-d'lvoire, Son Excellence M. Julien Ahoussi Kacou.

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclaration ministérielle.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commission. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Nicolet-Yamaska.

Étude détaillée du projet de loi 21

M. Richard: m. le président, je dépose le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 15 mai 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 21, loi modifiant la loi sur la protection du territoire agricole. le projet de loi a été adopté sans aucun amendement.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Nous arrivons donc à la période de questions et réponses orales des députés. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, compte tenu du dépôt ce matin à la Chambre des communes du rapport Charest, est-ce qu'on peut savoir si le premier ministre pourra être de retour avant la fin de la période de questions ou si le ministre de la Justice pourrait être de retour avant la fin de la période de questions?

M. Jolivet: II est à Paris.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, la réponse est non aux deux premières questions et je compléterais ma réponse en indiquant que la vice-première ministre, évidemment, est ici pour répondre aux questions.

Le Président: Nous allons maintenant procéder à la période de questions et réponses orales des députés et je vais reconnaître, en première question principale, M. le député de La Prairie.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Incendie du dépotoir de pneus de Saint-Amable

M. Lazure: M. le Président, je veux d'abord, au nom de l'Opposition officielle, exprimer notre sympathie à l'égard des résidents de Saint-Amable et de ceux des régions avoisinantes qui sont affligés par l'accident écologique d'hier.

M. le Président, aujourd'hui, nous ressentons tout le poids, toute la gravité de la déclaration du ministre de l'Environnement, le 15 janvier dernier, qui disait: La santé des Québécois est menacée. Cri d'alarme de Paradis. Le 15 janvier dernier, le ministre de l'Environnement nous disait: "Parce que j'ai des budgets insuffisants, je ne peux pas me porter garant de la santé et de la sécurité publique."

Ce gouvernement n'a rien appris des accidents de Saint-Basile et de Hagersville en Ontario. La question, M. le Président, au ministre de l'Environnement: Puisqu'il avait décidé de ne pas inclure Saint-Amable dans son plan dilotage des sites de pneus usagés il y a quelques mois, pourquoi n'a-t-il pas au moins accordé les crédits nécessaires pour que ce site soit clôturé de façon intelligente, efficace, et qu'il y ait une surveillance efficace et constante, non pas une seule personne pour cet immense terrain de 10 arpents, mais une surveillance constante et efficace? Pourquoi, M. le Président, n'a-t-il pas au moins accordé ces crédits-là?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je remercie le député de La Prairie de sa question. Le gouvernement du Québec a eu comme première préoccupation, lorsque le feu a été connu hier, de s'occuper principalement et premièrement d'assurer la santé et la sécurité de la population. Mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, mon collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, mon collègue, le ministre de l'Agriculture, et ma collègue, la ministre des Communications, au total, c'est plus d'une demi-douzaine de ministères du gouvernement du Québec qui se sont appliqués à prendre le contrôle des événements.

Vous dites: Vous n'avez rien appris des événements de Saint-Basile-le-Grand, vous n'avez rien appris des événements de Hagersville. Je vous dirai que oui, le gouvernement a tiré des

leçons. Il n'a peut-être pas tiré suffisamment de leçons, mais ce que nous avons appris de Saint-Basile-le-Grand, entre autres, nous a permis d'intervenir de façon efficace, et je tiens à le rappeler, dans le cas du déraillement d'un train à Saint-Léonard-d'Aston, et nous sommes également intervenus de façon efficace dans le cas d'un incendie de pneus à Sainte-Anne-des-Plaines. Cette fois-ci, l'amas de pneus, l'importance qu'avait cet amas de pneus a fait en sorte que le gouvernement, le ministère de l'Environnement et le ministère de la Sécurité publique se sont retrouvés dans une situation où ils ne pouvaient que tenter de contrôler l'incendie pour que cet incendie n'atteigne pas les boisés aux alentours ou les résidences qui se trouvent à proximité. Nous nous sommes également attardés à creuser des tranchées autour du site d'incendie de façon que les dommages écologiques possibles, soit par l'eau, au sol soient restreints le plus possible.

Donc, les actions gouvernementales ont été, en premier lieu, de s'assurer que la santé et la sécurité de la population ne soient pas compromises pendant cet incendie et, en deuxième lieu, de faire en sorte que les dommages environnementaux soient réduits au minimum. Merci, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire.

M. Lazure: M. le Président, au lieu de refuser d'aller rencontrer la population de Saint-Amable, comme il vient de le faire encore, il y a quelques minutes, dans une conférence de presse, est-ce que le ministre ne pourrait pas se rendre à la demande de la population de Saint-Amable qui veut rencontrer un élu du côté du gouvernement? Aucun élu du côté du gouvernement n'est allé à Saint-Amable depuis hier après-midi. Nous, nous avions le député de Bertrand qui y était et qui est allé rencontrer la population.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je viens d'indiquer au député de La Prairie que le gouvernement avait tiré des leçons des événements écologiques antérieurs, qu'il s'agisse de Saint-Basile-le-Grand, qu'il s'agisse d'Hagersville, qu'il s'agisse d'incidents écologiques survenus en Europe ou aux États-Unis. Et parmi les leçons retenues, dépendant du niveau du sinistre écologique, une des premières leçons à retenir est de ne pas politiser le débat. Parmi ces leçons, une des leçons principales réside dans le plan de communications et l'interlocuteur le plus apte à donner le meilleur message à la population. Je vous mentionnais tantôt le succès relatif des opérations de Saint-Léonard-d'Aston et de Sainte-Anne-des-Plaines. Je pourrais même ajouter le cas de l'intervention d'un individu dans le cas de la Balmet, il y a deux semaines à Saint-Jean-d'Iberville.

Et dans chacun des cas, c'est lorsque le personnage principal de la municipalité, soit le maire, a pris en charge les opérations et le message comme tel, dans chacun de ces cas, vous avez un niveau de succès de vos interventions auprès de la population qui est plus élevé que si vous tentez de faire de l'agitation politique. En ce qui concerne les ministres concernés, tantôt, en conférence de presse, le ministre de la Sécurité publique, de même que le ministre de la Santé et des Services sociaux et le ministre de l'Environnement ont indiqué que nous n'excluons pas de nous rendre sur les lieux dépendant de l'évolution du feu. Si le feu évolue comme nous le souhaitons, nous continuerons de diriger les opérations à partir de Québec en faisant confiance aux gens du milieu. S'il y a nécessité, M. le Président, que des ministres du gouvernement du Québec se rendent sur les lieux, les ministres du gouvernement du Québec sont toujours disponibles.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Le ministre de l'Environnement peut-il assurer cette Chambre et la population de Saint-Amable que son ministère, suite à ce que l'éditorialiste de La Presse, Alain Dubuc, qualifie ce matin d'"ode à la bêtise humaine, à l'incompétence et à l'irresponsabilité", le ministre peut-il nous assurer que son ministère mettra en oeuvre toutes les ressources nécessaires pour que les tests de qualité de l'air, du sol et de la nappe phréatique soient effectués rapidement et communiqués à la population d'heure en heure?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je tiens à assurer le député qui représente la circonscrition électorale de Bertrand, où se situe le feu présentement, que le ministère de l'Environnement du Québec a ces éléments comme première préoccupation. Les échantillonnages vont débuter cet après-midi même. Nous avons des échantillonnages préliminaires qui ont été pris. Nous avons obtenu la collaboration, entre autres, du gouvernement fédéral dans le dossier, qui, à certains points de vue, disposait d'appareillages plus sophistiqués que ceux dont dispose le ministère de l'Environnement du Québec. Nous avons également obtenu la collaboration des autorités de la Communauté urbaine de Montréal qui ont procédé dès hier à des analyses d'air. Le ministère de l'Agriculture du Québec veut également obtenir le plus rapidement possible ces analyses de sol, de façon également à prendre les décisions appropriées en

ce qui concerne, lorsque le temps viendra, la mise en marché des fruits et légumes qui peuvent pousser dans la région.

Pour le moment, on m'indique que les gens peuvent s'approvisionner en eau potable sans danger, que l'air ne constitue pas, à cause des vents présentement, un danger immédiat pour la population. Et quant au sol, nous tentons de maintenir les huiles qui coulent de ces pneus en combustion à l'intérieur d'un périmètre que nous avons tracé au cours de la nuit dernière.

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Le ministre de l'Environnement peut-il garantir à la population de Saint-Amable ainsi qu'à cette Chambre que, si les circonstances l'exigent et, en particulier, si les responsables du comité d'intervention d'urgence en font la recommandation, le gouvernement du Québec créera un fonds d'urgence pour venir en aide aux sinistrés de l'incendie, comme il l'avait fait dans le cas tristement célèbre de l'entrepôt des sites de BPC de Saint-Basile-le-Grand?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je tiens à assurer le député de Bertrand que les interventions du ministre de l'Environnement iront dans ce sens. Maintenant, quant à la gestion dudit fonds, quant à l'administration dudit fonds, quant à d'autres éléments de cette opération, cela relève de l'autorité de mon collègue, le ministre de la Sécurité publique.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Le ministre peut-il s'engager auprès de cette Chambre à dédommager adéquatement et rapidement les citoyens et les agriculteurs de Saint-Amable et des environs qui auraient subi des préjudices suite à cet incendie, puisque, comme l'a fait remarquer mon collègue de La Prairie tout à l'heure, et comme je l'ai constaté moi-même sur place, hier, son ministère connaissait les risques que représentait le dépotoir de pneus de Saint-Amable, puisque, contrairement à la présence de son prédécesseur Clifford Lincoln sur le site de Saint-Basile, il n'y avait, hier soir, pour encourager et pour répondre aux questions de la population de Saint-Amable, aucun représentant politique, ni de son ministère, ni du cabinet du premier ministre, ni d'aucun ministère du gouvernement du Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement. (14 h 20)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je vais répéter au député de Bertrand ce que j'ai eu l'occasion de dire tantôt à son collègue de La Prairie. Les expériences vécues dans des dossiers antérieurs nous indiquent que les communications constituent, dans le cas de ces événements écologiques, un élément clé qui peut soit énerver, soit trop rassurer, soit donner l'heure juste à l'ensemble de la population du Québec. Les médias d'information, qu'ils soient écrits, qu'ils soient électroniques, ont un rôle majeur à jouer. Mais ces médias ne peuvent bien jouer leur rôle que si le gouvernement prend les dispositions nécessaires pour leur faciliter la tâche. Parmi ces dispositions nécessaires pour leur faciliter la tâche, dans le cas d'incidents de la dimension de celui auquel on a eu à faire face hier et auquel on fait face aujourd'hui, compte tenu de la dimension des problèmes, tous les experts dans ce type de sinistre vous diront que le meilleur interlocuteur n'est pas celui qui, au gouvernement fédéral ou provincial, occupe un fauteuil, mais ça demeure et ça doit être celui qui, au niveau municipal, occupe le fauteuil de maire. Dans le cas des maires de Saint-Léonard-d'Aston, de Sainte-Anne-des-Plaines, de Saint-Jean-d'lberville, ces gens ont effectué une tâche exemplaire. Dans le cas du maire Doyon, actuellement, de Saint-Amable, il fait son travail à la perfection.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: M. le Président, est-ce que le ministre peut s'engager, aujourd'hui, à procéder - pas dans quelques mois ou quelques semaines, mais dans les jours qui viennent - comme c'est décidé depuis deux mois, à Cîlotage complet des cinq autres sites: Sainte-Anne-des-Plaines, Saint-Jean-Chrysostome, Franklin, Portneuf-Sta-tion et Saint-Paul-d'Abbotsford? Est-ce qu'il peut s'engager à le faire et rapidement?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le député de La Prairie a raison d'insister sur ITIotage des pneus dans les sites. J'ai déjà déclaré à l'intérieur de cette enceinte comme à l'extérieur de cette enceinte que le gardiennage et le clôturage ne peuvent que diminuer les risques, mais ne vous mettent pas à l'abri d'un incendie causé par un geste isolé. La seule technique connue et mondialement connue qui peut vous mettre à l'abri d'une catastrophe comme celle que nous vivons aujourd'hui est ITIotage des pneus. D'ailleurs, le gouvernement du Québec avait dépêché à Hagersville des spécialistes sur les lieux qui nous ont soumis au mois de février un rapport de sécurité commandant l'intervention du ministère de la Sécurité

publique et du ministère de l'Environnement. Le Conseil des ministres a donné les autorisations. Le ministère de la Sécurité publique m'indique que ses plans et devis vont être prêts dès cette semaine. Dès que nous aurons obtenu les plans et devis, nous serons en mesure de procéder au clôturage et au gardiennage. Quant à IHotage, il s'agit, encore une fois, d'une responsabilité qui relève de la sécurité publique et là-dessus mon collègue aurait un complément de réponse.

Le Président: Rapidement, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: M. le Président, si vous me permettez, les cahiers de charges sont prêts. D'ailleurs, par hasard, hier matin, je rencontrais mon ministère pour discuter, justement, des cahiers et quand on aurait déposé ces cahiers. C'est par rapport à l'incendie, comme je l'ai mentionné d'ailleurs au leader, que c'était dans nos plans de les sortir demain.

Le Président: En question, maintenant, principale...

M. Lazure: Non, la dernière additionnelle, M. le Président.

Le Président: Dernière additionnelle, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Pas longue. Je prends note de la réponse du ministre de la Sécurité publique, mais j'imagine que le ministre de l'Environnement continue d'assumer la responsabilité. La question, la dernière complémentaire: Puisque le ministre de l'Environnement, depuis sa nomination, presque un an maintenant, déclare régulièrement qu'il est impuissant, qu'il est insatisfait des budgets de son gouvernement, qu'il se sent frustré, est-ce qu'il n'est pas temps qu'il suive les conseils de plusieurs journalistes qui lui sont donnés ce matin et de se dissocier de ce gouvernement qui n'accorde pas l'importance voulue à l'environnement et qu'il donne sa démission?

Une voix: On veut Chagnon. Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut, dans cette question comme dans les autres, M. le Président, conserver le sens de la mesure, même si ça m'a paru un an, ça fait à peine sept mois que je suis ministre de l'Environnement. Ma préoccupation immédiate est de m'assurer que le ministère de l'Environnement, dans le domaine de sa juridiction, qui consiste à limiter les dégâts environnementaux, fait son maximum dans le cas actuel. Je suis occupé, comme le sont mes autres collègues impliqués dans le dossier, jour et nuit pour m'assurer que la population de Saint-Amable et de la région subit le moins d'effets négatifs possible suite à cet événement écologique.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le leader de l'Opposition.

Clôture et autres mesures de sécurité à Saint-Amable

M. Chevrette: Oui, M. le Président, il y a à peine quelques mois le ministre disait qu'il n'avait pas l'argent pour assurer la sécurité et la santé publiques. Hier soir, il disait que ce n'était pas la responsabilité de son ministère et, ce matin, il consacre ses énergies jour et nuit pour s'occuper de la sécurité du monde.

M. le Président, je voudrais savoir s'il a pris connaissance des déclarations de ses collègues qui sont à l'effet que si, hier soir, les mesures de sécurité étaient insatisfaisantes, il aurait pu s'en préoccuper il y a longtemps, dixit le député de Sainte-Anne qui, lui...

Des voix: Saint-Louis.

M. Chevrette: Saint-Louis, excusez. Se rappelle-t-il, M. le Président, que sa responsabilité remonte à il y a plusieurs mois quand, en cette Chambre, le 3 novembre 1988, le député de Bertrand, M. Parent, le prédécesseur de M. Beaulne, déposait une pétition de 16 300 noms de citoyens de ce comté qui attirait votre attention sur le dépotoir des pneus de Saint-Amable et qui vous disait: Clôturez donc, au plus sacrant! Vous ne pensez pas que ça prend du temps de clôturer un site?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, ce n'est pas la première fois que le dossier de Saint-Amable est discuté à l'Assemblée nationale du Québec. Le leader de l'Opposition est présent parmi nous pour savoir que le problème existe et a empiré, si je peux utiliser l'expression, au cours des 20 dernières années. Ce n'est qu'en 1988 - et là, je ne traite pas spécifiquement ou strictement du dossier de Saint-Amable - que les pneus comme tels, que nous utilisons tous sur nos automobiles, que les pneus comme tels ont été considérés, sous un de mes prédécesseurs au ministère de l'Environnement, M. Clifford Lincoln, comme un déchet. Et, à partir de ce moment-là, pour obtenir un permis pour ouvrir un site d'entreposage de pneus, vous devez îloter, etc. Mais avant 1988, il n'y avait

aucune réglementation et aucun permis à obtenir. Et ça c'est l'état du droit tel qu'il existait.

À compter de 1988, le premier à s'occuper du dossier avec les moyens qu'il avait à l'époque a été Clifford Lincoln, qui a choisi une technologie de déchiquetage comme tel des pneus. Le déchiquetage a continué à opérer. Mme Bacon, qui l'a suivi comme ministre de l'Environnement, a ajouté et signé des contrats de gardiennage, ajouté des mesures. Personnellement, j'ai obtenu du Conseil du trésor et du Conseil des ministres 500 000 $ additionnels pour accélérer le déchiquetage, tant et si bien qu'au moment où l'incendie a débuté, vous aviez 20 % des pneus qui étaient déjà déchiquetés et que la solution de Illotage à cet endroit n'avait pas été retenue parce qu'elle était techniquement impossible. Oui, il y avait un risque. Oui, il y avait un risque qui s'est accumulé au cours des 20 dernières années. Je retiens que tout le monde a une part de responsabilité, y inclus celui qui vous parle et y inclus également les gens d'en face au moment où ils ont été au gouvernement.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: En complémentaire.

M. Chevrette: est-ce que le ministre se rappelle que, dans le document de transmission du ministre ouellette, lors de l'élection de décembre 1985, dans le document de transmission des pouvoirs comme il est de coutume, on signalait les sites dangereux et que, dès 1985, le site de saint-amable faisait partie de ce document de transmission, et que, par la suite il a fallu trois ans de harcèlement de la part de l'opposition pour vous signaler que ça prenait une clôture et du gardiennage, et que, cinq ans après, il n'y a pas encore de clôture, très peu de gardiennage, épisodiquement disiez-vous la semaine dernière? est-ce que vous ne croyez pas, m. le ministre, que vous avez l'entière responsabilité de ce qui arrive présentement et que vous devriez démissionner?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le leader de l'Opposition hausse le ton. Je lui dirai qu'il est beaucoup plus facile de transmettre des problèmes que de les solutionner. Ce que je vous indique et ce que vous nous avez indiqué, c'est que, possiblement, le ministre Ouellette a transmis le problème. Il était là le problème, il était là jusqu'en 1988. Il a été réduit de 20 % depuis 1988. C'est ce que le gouvernement a fait. Vous avez raison de dire que ce n'est pas suffisant, mais ils ont quand même réduit de 20 % ce que vous n'aviez pas fait pendant le temps que vous étiez là. (14 h 30)

Des voix: Bravo!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, dans le cas de Saint-Amable comme dans le cas des autres dépotoirs, comme dans le cas des 3 000 000 à 4 000 000 de pneus dont les gens se débarrassent chaque année, il faut trouver et des solutions technologiques et des solutions pratiques. La semaine dernière, dans cette Chambre, j'ai déposé un projet de loi qui crée une société d'État de récupération et de recyclage qui vise à imposer, entre autres, une taxe verte sur les pneus. Vous pouvez dire au ministre de l'Environnement: Vous agissez trop tard. Je vous dirai que vous avez peut-être raison de le souligner, mais je vous dirai que j'agis, moi, toujours.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: M. le Président, comment le ministre de l'Environnement peut-il nier sa négligence ou la négligence du gouvernement du Québec dans ce dossier, étant donné que vous-même vous venez d'admettre que vous aviez eu vent du dossier depuis plusieurs années et que, d'autre part, Le Soleil d'aujourd'hui titre "Les craintes du député péquiste Beaulne se sont concrétisées"?

Une voix: Politique, politique!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il fallait être justes et équitables dans cette Assemblée nationale, Le Soleil aurait également pu titrer: "Les craintes de l'ex-député Charbonneau - qui est intervenu beaucoup plus souvent que vous, je vous le souligne, sur ce dossier dans cette Chambre - se sont matérialisées." On a tous des craintes face à des possibilités d'accidents écologiques de la sorte. L'environnement, on a tous contribué à le polluer au cours des dernières décennies. On tente présentement d'accélérer le pas pour améliorer cet environnement et pour l'améliorer, cet environnement, oui, on a besoin de gens qui ont des craintes, mais on a également besoin de gens qui ont des solutions. Merci, M. le Président.

Le Président: En additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, le ministre ne veut-il pas se donner bonne conscience en disant qu'il crée une société d'État? S'il veut agir, comme il dit: Moi, j'agis, qu'est-ce que ça prend de temps à décider de bâtir et de nommer

des gardiens? Concrètement, si vous voulez assurer la sécurité des gens, qu'est-ce que vous attendez, plutôt que de vous donner bonne conscience par des structures, pour agir concrètement sur le terrain?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le président, je répéterai au chef de l'opposition que l'ajout de clôtures et l'ajout de gardiennage contribuent jusqu'à un certain point à diminuer le facteur risque. mais vous êtes le seul expert en la matière qui dit que ça élimine les risques.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Westmount.

M. Holden: Au même ministre, M. le Président. Comment voulez-vous, M. le ministre, atténuer la situation qui prévaut actuellement et créer un système de gardiennage et un système de contrôle quand on vous coupe 15 000 000 $ de votre budget cette année?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministre de l'Environnement, tout comme ses autres collègues qui sont intervenus au dossier, ne tente pas d'atténuer ni d'augmenter. Ce que nous tentons de faire, c'est de donner la situation exacte à la population de façon qu'elle puisse réagir en toute connaissance de cause, et nous le faisons par l'intervention du maire comme tel.

Vous parlez d'argent en matière de récupération et de recyclage. Je sais que la loi qui crée la Société de récupération et de recyclage a été déposée strictement la semaine dernière. Vous n'avez peut-être pas eu le temps de prendre connaissance de tous les éléments contenus audit projet de loi - d'ailleurs, on le fait normalement en deuxième lecture, - mais ce projet de loi contient des dispositions de nature financière. C'est d'un capital de 19 000 000 $ au départ dont jouira cette société d'État et d'un budget annuel de fonctionnement de quelque 10 000 000 $.

Le Président: En question principale, M. le député de d'Abitibi-Ouest.

La qualité de l'air ambiant au cégep du Vieux-Montréal

M. Gendron: Oui, M. le Président, de la contamination, il n'y en a pas uniquement à Saint-Amable, il y en a également au cégep du Vieux-Montréal. Le Dr Pierre Auger était catégo- rique et il l'est toujours: il faut décontaminer tout le système de circulation d'air du cégep du Vieux-Montréal. C'est à cette seule condition que l'air ambiant du cégep sera à nouveau respirable sans danger pour la santé du personnel.

À la suite d'examens, sur 54 personnes travaillant au Cégep du Vieux-Montréal - et il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg parce qu'il y a bien plus de personnes que ça qui travaillent au cégep du Vieux-Montréal - 53 personnes ont été déclarées malades et, parmi les personnes qui ont été déclarées malades, 11 ont dû être retirées de l'institution. Puisque la situation est grave, la question que je pose au ministre de l'Enseignement supérieur, c'est: Quand a-t-il l'intention d'agir et se croit il en devoir d'agir immédiatement pour qu'au moins la prochaine année académique puisse se passer avec un air respirable?

Le Président: M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Le député d'Abitibi-Ouest sait sans doute que nous avons consacré des sommes d'argent importantes à des travaux de rénovation au cégep du Vieux-Montréal, lequel a été conçu suivant une architecture qui ne convenait pas du tout à sa mission et dans lequel l'enseignement se donne dans des conditions qui avaient été jugées inacceptables.

Il est arrivé ce problème, dont j'ai été saisi par les journaux, je pense que c'est jeudi ou vendredi dernier. Quand j'ai vu ces articles de journaux, j'ai demandé à nos services s'ils étaient informés de la situation. Ils m'ont dit oui. Je crois que l'autorité qu'a citée le député d'Abitibi-Ouest, qui est une autorité qui a été engagée par le Syndicat des professeurs ou le Syndicat des travailleurs, je ne veux pas le dévaluer pour autant, mais vous comprendrez que la direction de l'établissement a jugé devoir obtenir sa propre expertise. La dernière fois qu'on m'a donné des renseignements, je crois que c'était vendredi, on n'avait pas encore reçu le rapport de cette expertise demandée par la direction de l'établissement. J'ai demandé qu'on m'en saisisse dès qu'il aurait été reçu. À partir de ce rapport, c'est évident qu'il y a une situation qu'on doit examiner sérieusement et si des améliorations s'imposent au titre de la santé, nous verrons à ce qu'elles soient effectuées dans les plus rapides délais.

Le Président: En question complémentaire.

M. Gendron: Qu'ils soient engagés, M. le ministre, par l'intersyndicale, il n'en demeure pas moins que c'est la seule autorité médicale, selon le CLSC du centre-ville de Montréal qui a eu, lui, le courage et la responsabilité professionnelle d'examiner les concernés qui avaient des problèmes. Et, sur les 54 qu'il a examinés, il y en a 53

qui ont été déclarés malades, dont 11 qui ont été retirés. De quelle autre expertise avez-vous besoin pour prendre une décision?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Le député d'Abitibi-Ouest représente une circonscription rurale, tout comme celui qui parle. Nous avons tous des cas de la CSST dans nos bureaux. Nous savons que des opinions médicales divergentes, c'est monnaie courante. C'est normal d'avoir des opinions convergentes. Quand elles sont divergentes, bien, l'autorité responsable choisit ce qui lui apparaît le plus conforme à la réalité. Dans ce cas-là, c'est évident qu'une contre-vérification s'impose et elle sera complétée dans les meilleurs délais, si elle ne l'est pas déjà au moment où je parle. J'ai été absent de mon bureau aujourd'hui parce que j'étais en commission parlementaire pour l'étude des crédits sur la politique linguistique. Dès que nous aurons rassuré l'Opposition sur les questions relatives à la politique linguistique, nous passerons à ce problème-ci. (14 h 40)

Le Président: Une question complémentaire.

M. Gendron: Puisque, selon le ministre de l'Éducation, le Dr Pierre Auger et le CLSC ne seraient pas les autorités compétentes et qu'il a besoin d'autres expertises, le ministre de l'Environnement qui vient de nous indiquer et d'indiquer à cette Chambre qu'il s'occupe jour et nuit de la santé publique et qu'il est clair, pas depuis deux jours, depuis le mois de février qu'il y a un problème de contamination au cégep du Vieux-Montréal, vous, comme ministre de l'Environnement, est-ce que vous avez l'intention de vous mettre le nez là-dedans?

Des voix: Non.

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...

Le Président: Un instant. M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le ministère de l'Environnement a des champs de juridiction, je l'ai souligné tantôt, qu'il tente d'occuper au maximum avec les ressources qui sont mises à sa disposition. Le député d'Abitibi-Ouest, étant quelqu'un qui se préoccupe tellement de l'environnement, qui a déjà siégé au Conseil des ministres doit certainement savoir que cette juridiction ne comprend pas l'intérieur des établissements.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Recherche de renseignements sur des bénéficiaires d'aide sociale

Mme Harel: M. le Président, après la Commission d'accès à l'information qui manifestait son opposition au contrat d'Acrofax, c'est la Ligue des droits et libertés qui s'est indignée cette semaine, en obtenant copie du contrat, de ce qui lui semble une saisie abusive de renseignements nominatifs confidentiels interdite par la Charte des droits et libertés du Québec. Comment le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu a-t-il pu sérieusement prétendre limiter son enquête à seulement 4000 bénéficiaires d'aide sociale, alors que le contrat qu'il a signé avec la firme de renseignements Acrofax est de l'ordre de près de 1 000 000 $ sur trois ans, à raison de 6 $ du cas pour les 20 000 premières cueillettes de renseignements et 5,50 $ pour les autres?

Sur trois ans, c'est donc un total d'au moins 150 000 enquêtes sur des personnes que le ministre s'autorise à faire effectuer, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais bien répondre à une question. Je n'ai entendu aucune question sinon une affirmation de la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je veux bien participer à un débat. Alors, la députée de Hochelaga-Maisonneuve cite des chiffres. M. le Président. Je ne nie pas que le contrat porte sur une somme d'argent qui pourrait théoriquement aller jusqu'à environ 300 000 $ par année. Ce qui m'étonne, c'est que la députée de Hochelaga-Maisonneuve ait pris trois mois pour s'en rendre compte puisqu'on en avait parlé il y a trois mois. Ce que je vous dis, c'est qu'au moment où le contrat a été signé, il y a un an ou un an et demi, on n'avait, à ce moment-là, aucune idée du nombre de clients qui feraient partie des catégories visées, lesquelles sont les fraudes présumées, et deuxièmement, les cas de recouvrement.

À l'usage, on se rend compte - on a commencé en septembre dernier - qu'on est rendu présentement à à peu près 6000 interrogations depuis septembre dernier. Je dis bien interrogations et non pas 6000 dossiers. On interroge une banque de données. Or, il arrive parfois, et souvent même, qu'on doive interroger la même banque plus d'une fois pour un même dossier. Sur la base de ce que je peux constater, il semble qu'on se dirige à peu près vers 10 000 interrogations par année, "interrogations" voulant dire qu'on peut interroger le même fichier plus d'une fois pour le même dossier. Alors, on est très loin des chiffres dont parle la députée de Hochelaga-Maisonneuve et tant mieux, ça fera des fonds périmés pour le gouvernement.

Le Président: Avant d'autoriser une question additionnelle, je vais requérir la collaboration de tous les membres de l'Assemblée, s'il vous plaît. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, le ministre a la mémoire courte puisqu'il avait refusé en cette Chambre la proposition qu'on lui faisait d'examiner, il y a à peine de ça trois semaines, le contrat en commission parlementaire. Reconnaît-il avoir reçu, cette semaine, une lettre du maire de la ville de Montréal chargé de l'application de l'aide sociale sur son territoire, une lettre faisant part de la profonde inquiétude de Montréal quant à la négligence du gouvernement de mettre en vigueur les dispositions du Code civil portant sur le respect de la réputation et de la vie privée des personnes, et demandant au plus tôt une législation de protection des renseignements personnels?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai personnellement pris connaissance d'aucune lettre du maire de Montréal. Je l'ai rencontré et je lui ai parlé au téléphone il y a environ une semaine, et il ne m'a absolument pas fait état des propos dont parle la députée de Maisonneuve. Ce que je dis à la députée de Maisonneuve, c'est que, quand on utilise le procédé Acrofax, comme le font d'ailleurs plusieurs autres ministères et un grand nombre d'entreprises, on va interroger une banque de données pour avoir des renseignements comme, par exemple, l'adresse d'un individu, son numéro d'assurance sociale, son numéro de téléphone, etc. Si on ne procède pas comme ça, qu'est-ce qu'on va faire? Parce que ce sont des gens qui sont soupçonnés de fraude. On va envoyer nos enquêteurs sur place interroger les voisins, interroger la famille, et je pense que ça va être pas mal plus dérangeant pour les gens qui sont clients de l'aide sociale que de voir arriver des enquêteurs dans le décor et dans leur environnement. Je pense qu'on respecte beaucoup plus la quiétude des gens et leur vie personnelle en interrogeant une banque de données, ce qui, pour nous, donne le même résultat, lorsqu'on est dans des cas de fraude présumée.

Le Président: Toujours en question complémentaire, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu a pris connaissance des déclarations du président de la Commission d'accès à l'information de même que du directeur des enquêtes de cet organisme à l'effet qu'ils ne prennent pas au sérieux les garanties de confidentialité données par le ministre et qu'en dépit des assurances données par le ministre, le contrat conclu entre le ministre et la firme acrofax est fort différent d'ententes signées par la même firme avec les ministres du revenu et de l'enseignement supérieur, et que, contrairement à ces contrats, les possibilités d'enquête sur l'ensemble des personnes demeurent?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: Encore là, M. le Président, on en est aux possibilités. On en est rendu aux procès d'intention. Ce que je vous dis, c'est que le contrat spécifie que ça s'applique à deux cas, les cas de fraude présumée, où nous faisons des enquêtes avec des vrais enquêteurs, et les cas de clients qui sont disparus, qui ne sont plus à l'aide sociale et qui nous doivent de l'argent. Ce sont les deux seuls cas où on utilise le procédé Acrofax. Et je pense que la plupart des Québécois sont bien d'accord que, lorsqu'on est en présence de débiteurs disparus qui ne sont même plus des assistés sociaux ou de cas de fraude présumée, l'État a raison de faire des enquêtes. Et pour ces enquêtes-là, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas utiliser une banque de données comme Acrofax quand le moindre citoyen au Québec qui veut s'acheter une automobile ou faire un emprunt de 500 $ à une caisse populaire ou à une banque voit son prêteur avoir recours à une banque semblable, à des bureaux de crédit. Alors, nous, nous ne prêtons pas de l'argent, nous donnons de l'argent. Alors, à plus forte raison, quand on fait en sorte que des fonds publics soient donnés à des gens, il est bien normal qu'on fasse des vérifications, surtout quand on est en présence de fraude présumée.

Le Président: Alors, en question principale, Mme la députée de Johnson.

Le financement des organismes de loisir et de sport

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Vendredi dernier, alors que j'interpellais le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche au sujet du financement des organismes de loisir et de sport, je n'ai pu obtenir^ aucune réponse. Quand je questionnais sur des programmes jeunesse, il répondait sur des programmes pour personnes âgées, quand je parlais du loisir, il parlait du sport. Hier, les représentants du ministère rencontraient les organismes de sport pour leur donner des détails au sujet de leur financement. Comme ce fut le cas pour les 19 organismes de loisir, le MLCP avait de mauvaises nouvelles pour 17 fédérations sportives. Le ministre peut-il nous dire cette fois-ci, aujourd'hui, à cette Chambre, quels sont les critères qui ont guidé le choix pour couper 17 organismes ou fédérations de sport? (14 h 50)

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Blackburn: M. le Président, j'apprécie beaucoup la question de la députée de Johnson qui me permet de faire le point une fois pour toutes, je pense, sur la situation. J'ai eu l'occasion de rencontrer d'ailleurs lundi dernier les présidents des 19 organismes de loisir pour leur faire part, justement, des critères que nous avions retenus pour continuer ou couper certaines subventions qui étaient accordées à des fédérations. Les mêmes critères ont été retenus aussi pour les organismes de sport. Je vous rappelle que nous avons choisi des axes. Les axes sur lesquels nous nous basions pour bâtir notre réflexion étaient, bien sûr, le nombre de membres de chacun de ces organismes; la présence de ces organismes dans chacune des régions du Québec; le troisième, le niveau d'autofinancement de chacun de ces organismes et le quatrième critère, qui était très important au niveau des axes, l'amélioration de la sécurité et l'utilisation des équipements. De plus, à partir de ces priorités qui touchaient toujours les trois clientèles que sont les personnes âgées, les personnes handicapées et les jeunes, nous avons établi des critères qui sont ceux-ci. Parmi ces critères, l'organisme répond-il à ce que nous considérons être l'essentiel de la mission du loisir? Permet-il la pratique d'un sport de masse? Favorise-t-il l'accès aux grands jeux? Permet-il l'accès à l'art et à la science? S'agit-il d'une ronde de forme... de culture...

Le Président: un instant, m. le ministre. je demande la collaboration de tous les députés, s'il vous plaît! madame, messieurs les députés, s'il vous plaît! rapidement, en conclusion, m. le ministre.

M. Blackburn: Ce sont ces réflexions, effectivement... Je suis prêt, Mme la députée, à déposer les critères en cette Chambre, sur lesquels nous avons basé notre réflexion. Je vais profiter de l'occasion pour vous dire que ce matin, nous avons annoncé aux loisirs scientifiques des jeunes qui touchent toutes les régions du Québec une subvention additionnelle de 180 000 $ au budget qui leur était déjà accordé. La semaine dernière, j'annonçais au Regroupement de loisirs pour personnes handicapées une somme additionnelle de 300 000 $, toujours vis-à-vis des clientèles que nous avons priorisées.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document? Consentement. Le document est déposé. En question complémentaire, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président, vendredi dernier, je lui ai demandé à maintes reprises quelles étaient les raisons pour lesquelles il avait choisi ces 19 organismes très précis du loisir, et pourquoi, aujourd'hui, il a coupé 17 organismes de sport. Il n'a pas répondu vendredi dernier et il n'a pas encore répondu aujourd'hui.

Le Président: M. le ministre.

M. Blackburn: M. le Président, je pense que j'avais commencé, dans ma réponse à la question précédente, à lui donner l'éclaircissement. Je viens de déposer les critères sur lesquels nous nous sommes permis de réfléchir pour en arriver à cette conclusion. Je vous rappelle que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche subventionnait directement 103 organismes. Cette réflexion nous permet maintenant d'assurer encore à 67 organismes le maintien, et non seulement le maintien, mais la bonification des subventions que nous leur donnions déjà.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président. Il n'a pas répondu à ma question. J'ai demandé pourquoi...

Le Président: Posez une question directement, Mme la députée.

Mme Juneau: Pourquoi le ministre a-t-il précisément choisi ces 19 organismes de loisir la semaine dernière? Et pourquoi les 17 organismes de sport? Pourquoi précisément ces organismes n'auront-ils plus de financement? Quelle a été la raison pour laquelle c'est précisément ces organismes-là que vous avez choisi de couper?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Blackburn: M. le Président, je pense qu'il y a un mot que la députée de Johnson ne connaît pas et peut-être que l'ancien gouvernement ne connaissait pas: Prioriser. Prioriser, ça veut dire être capable de faire des choix, établir des critères sur lesquels nous allons nous baser pour pouvoir continuer de fournir des services à des fédérations qui, effectivement, répondent aux critères que nous avons établis comme prioritaires. Si le précédent gouvernement avait fait ces choix prioritaires dans le temps, peut-être que maintenant nous serions moins obligés de faire des choix difficiles.

Le Président: En question complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, pour comprendre comment le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche priorise, pourrait-il nous donner sa grille d'analyse qui lui permet de porter des jugements en priorisant? Parce qu'il a le mot "prioriser" facile dans la bouche. On veut

savoir pourquoi... C'est ça que la députée de Johnson a demandé à plusieurs reprises depuis trois semaines. Pourquoi 19 organismes ont disparu de la "map" au niveau des fédérations? Pourquoi 17 associations sportives disparaissent de la "map" sur le plan des subventions? Parce que vous avez priorisé quoi, en fonction de quoi?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Blackburn: M. le Président. Ça me fait plaisir, si le leader de l'Opposition me permet de les nommer, je vais le faire verbalement. Je viens de les déposer. Je peux le faire verbalement. C'est ça que vous voulez? La grille des critères qui nous a permis de faire les choix. Alors, première catégorie de critères: L'organisme répond-il à ce que nous considérons comme être l'essentiel de la mission du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en loisirs, au niveau des sports?

Des voix:...

M. Blackburn: Permet-il... Écoutez-les, vous voulez les savoir, je vous les donne. Permet-il la pratique d'un sport de masse? Favorise-t-il l'accès aux grands jeux? Permet-il l'accès à l'art et à la science? S'agit-il d'une forme de culture populaire?

Deuxième catégorie de critères. L'organisme favorise-t-il la démocratisation des activités de sport et de loisir? Quels sont les nombres de participants dans ces organismes? Quel est le rayonnement en région? Rejoint-il la clientèle des plus démunis? Permet-il l'accessibilité à de l'équipement de loisir?

Troisième catégorie...

Le Président: En conclusion, M. le ministre. Des voix:...

Le Président: s'il vous plaît! s'il vous plaît! m. le ministre, 10 secondes en conclusion, déposez le document. c'est déjà déposé? très bien.

M. Blackburn: M. le Président, je l'ai déjà déposé, je leur demande tout simplement d'en prendre connaissance.

Le Président: Parfait. Alors, c'est la fin de la période de questions.

Il n'y a pas de vote reporté.

Aux motions sans préavis, maintenant. M. le leader adjoint du gouvernement.

Je vais demander la collaboration des députés, s'il vous plaît! Les affaires courantes ne sont pas terminées. Donc, si vous voulez quitter l'Assemblée, je vous invite à le faire en silence et rapidement. MM. les députés, s'il vous plaît!

Aux motions sans préavis, M. le leader adjoint du gouvernement. Vous avez la parole, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Oui, M. le Président. En requérant et invoquant le consentement de l'Opposition, j'aimerais que nous puissions passer tout de suite aux avis qui touchent les travaux des commissions.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à ce que nous passions immédiatement aux avis touchant les travaux des commissions?

Une voix: II l'a.

Le Président: II y a consentement. Donc, nous allons procéder immédiatement aux avis touchant les travaux des commissions et nous reviendrons aux motions sans préavis ultérieurement. M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Johnson: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, ainsi que le mardi 22 mai 1990, de 10 heures à 12 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail poursuivra sa consultation générale sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.

De 15 h 30 à 17 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de la culture complétera l'étude des crédits budgétaires des organismes relevant du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

De 15 h 30 à 17 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'aménagement et des équipements complétera l'étude des crédits budgétaires du ministre responsable de l'Habitation, soit les programmes 8 et 9 du ministère des Affaires municipales.

J'avise également cette Assemblée que le mardi 22 mai 1990, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des affaires sociales procédera à l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le Président: Cela étant dit, nous revenons maintenant aux motions sans préavis et je reconnais M. le leader adjoint du gouvernement.

Motion proposant la suspension de certaines règles en vue d'adopter une motion d'urgence

M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, je fais la motion suivante: "Qu'en raison de l'urgence de la situation et en vue de permette l'adoption de la motion du leader du gouvernement inscrite à

l'article 68 du feuilleton du 17 mai 1990 et de permettre l'accomplissement final du mandat prévu dans ladite motion; les articles 20 et 54, les deuxième et troisième alinéas de l'article 84, les mots "ou à la demande d'un député" au premier alinéa de l'article 86 ainsi que le deuxième alinéa du même article, les articles 88 à 93, les articles 100 et 101, le mot "organise" au premier alinéa de l'article 138, l'article 144, la dernière phrase de l'article 147, les articles 160, 164, 165, 170 et 171, les mots "qu'elle a choisi d'entendre" à l'article 172, l'article 173, le premier alinéa de l'article 174, les articles 175 à 177, 194, 195, 205 à 208, 213, le troisième alinéa de l'article 282, les articles 308 à 312 et la partie de l'organisation des travaux découlant de l'application de l'article 285 à l'effet qu'aucune commission ne puisse siéger sauf pour l'étude des crédits budgétaires et pour la commission qui procède actuellement à une consutlation générale sur la situation et les perspectives de l'énergie électrique au Québec soit suspendue jusqu'à l'accomplissement final du mandat confié à la commission de l'économie et du travail par l'adoption de la motion inscrite à l'article 68 du feuilleton du 17 mai 1990; (15 heures) "Que l'Assemblée puisse siéger jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner; "Que l'ajournement du débat en Chambre puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis et ne puisse être débattue; "Que l'ajournement des travaux en commission puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre; une telle motion ne requière pas de préavis et ne puisse être débattue; "que seul un ministre, le leader ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer une motion de retrait; une telle motion ne requière pas de préavis et ne puisse être débattue;

Que la commission de l'économie et du travail puisse siéger, malgré l'article 143, conformément à l'avis du leader du gouvernement et suivant les modalités qu'il contient; "Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme convoqué soit de vingt minutes; l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de quarante minutes partagée également entre les membres du groupe parlementaire ministériel et ceux de l'Opposition, en respectant le principe de l'alternance; "Qu'à l'adoption de la motion inscrite au feuilleton, malgré le huitième paragraphe de l'article 53, les articles 85 et 147, le leader du gouvernement puisse convoquer la commission de l'économie et du travail et compléter l'organisation de ces travaux afin qu'elle puisse accomplir le mandat qui lui a été confié par ladite motion; "Que dans le cadre du débat sur l'adoption de la motion inscrite à l'article 68 du feuilleton du 17 mai 1990, le ministre du Travail dispose d'un droit de réplique malgré l'article 215; "Que les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'accomplissement final du mandat confie à la commission de l'économie et du travail par l'adoption de la motion inscrite à l'article 68 du feuilleton du 17 mai 1990."

Le Président: Cette motion est déposée. Vous avez des copies de la motion? Donc, vous allez faire des copies de cette motion. Oui, M. le leader de l'Opposition, non?

M. Chevrette: Non, non, si tu la déclares recevable.

Le Président: C'est une motion sans préavis, en vertu de l'article 183, qui ne requiert pas d'avis évidemment si le motif invoqué est l'urgence; l'urgence a été invoquée, donc cette motion est recevable. J'imagine que, pour la discussion de cette motion maintenant, nous avons... Cette motion fait l'objet d'un débat restreint. La présidence doit à ce moment-là convoquer les leaders pour fixer le débat comme tel, les temps de parole etc. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je ne veux surtout pas plaider sur le fond. Je pense que, sur la recevabilité, pour les motifs suivants, la jurisprudence dans l'application du règlement fait en sorte qu'à mon point de vue, la notion d'urgence ne se plaide à peu près plus quand c'est le gouvernement qui l'invoque. J'ai compris qu'on peut le faire pour peut-être démontrer l'importance de changer le règlement. Ça ne nous donnerait pas grand-chose de prouver l'importance de changer le règlement quant à la preuve à fournir sur la notion même de l'urgence à ce stade-ci. C'est pourquoi, je n'ai pas donné aucun motif m'objectant à la recevabilité.

Le Président: M. le député de Westmount.

M. Holden: Vous ne nous oublierez pas, M. le Président?

Le Président: Non, M. le député de Westmount. À ce moment-ci, je vais suspendre les travaux quelques instants, convoquant les deux leaders pour déterminer un partage de temps. Cette motion donne lieu à un débat restreint de deux heures; donc, je suspends les travaux pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 4)

(Reprise à 15 h 12)

Débat sur la motion Le Président: Un moment, s'il vous plaît!

Alors, l'Assemblée est saisie d'une motion de suspension de certaines règles de procédure, motion présentée par le leader adjoint du gouvernement. Ceci donne lieu à un débat restreint, et le temps sera partagé de la façon suivante: 20 minutes seront réservées à la formation ministérielle, 20 minutes à la formation de l'Opposition officielle, 10 minutes pour les députés indépendants. Il n'y a pas de limite à l'intérieur des enveloppes de temps pour les deux formations politiques et pour les députés indépendants. Il n'y a pas d'accroissement de temps non plus. Je suis donc prêt à reconnaître un premier intervenant. M. leader adjoint du gouvernement.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, la motion dont j'ai fait lecture et que j'ai présentée il y a quelques instants vise, à l'intérieur des règles qui régissent nos activités, à permettre au gouvernement de prendre ses responsabilités le plus rapidement possible à l'égard du fond même du litige qui nous amène ici. Je ne veux que rappeler à cette Assemblée l'importance qu'il y a pour l'ensemble de l'économie du Québec la nécessité de faire en sorte que l'industrie de la construction puisse continuer à être la pierre d'assise de notre développement. Qu'il s'agisse du travail de ces travailleurs de la construction, qu'il s'agisse de façon beaucoup plus large de leur contribution essentielle à des travaux qui permettent éventuellement de créer d'autres emplois que les leurs, qu'il s'agisse de pouvoir donner suite à des politiques de développement régional du gouvernement, nous avons au coeur même du développement économique du Québec, la qualité des prestations de services de ces travailleurs de la construction, qui, à juste titre, peuvent s'enorgueillir de la qualité de leur travail, mais qui, également ont des responsabilités particulières à porter de même que les employeurs dans ce rôle central du développement économique du Québec.

M. le Président, dans l'état actuel du droit, je me dois de souligner, au nom du gouvernement afin de justifier cette motion qui se prend dans un contexte d'urgence, qu'il y aura dans les heures qui viennent un vide juridique qui serait créé si nous ne pouvions intervenir. Il nous apparaît essentiel, dans l'exercice complet de nos responsabilités, si quelque modification que ce soit doit être apportée aux règles décrétées qui régissent l'industrie de la construction, de considérer des consultations. Nous avons dans le cadre d'une commission parlementaire à entendre les parties. Nous avons, dans le cas d'une impasse que nous avons constatée, à prendre des responsabilités précises qui sont notre lot, notre fardeau et que nous supportons avec toute la sérénité dont nous sommes capables. Il n'est jamais agréable, M. le Président, ou il n'est jamais parfaitement souhaitable que nous ayons à recourir à des motions comme celle que j'ai présentée au nom du gouvernement. Mais il n'en reste pas moins qu'heureusement, notre système prévoit que nous puissions faire appel à une telle procédure lorsque les circonstances l'exigent. Nous avons à prendre nos responsabilités, nous avons à combler un vide juridique, nous avons à nous prémunir immédiatement contre des mouvements de grève, de lock-out, de perturbations quelles qu'elles soient dans le monde de la construction qui sont, à ce moment-ci, justement appréhendées si on regarde l'histoire très récente des gestes qui ont été posés dans certains chantiers au Québec depuis quelques jours. Nous avons donc, M. le Président, la responsabilité, et c'est ce que nous exerçons maintenant, de présenter, ici à l'Assemblée, une motion qui nous permet d'agir, une motion qui nous permet de solutionner des problèmes, une motion qui, si elle est adoptée, nous permettra d'assurer le développement économique du Québec qui est en voie d'être passablement perturbé par les temps qui courent compte tenu des conditions qui existent dans l'industrie de la construction.

C'est donc dans ces circonstances, M. le Président, que je présente bien calmement cette mesure exceptionnelle. Elle est rare dans notre système mais, heureusement, elle existe et elle permet au gouvernement de pouvoir agir.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, m. le leader adjoint du gouvernement. je reconnais maintenant le prochain intervenant, m. le leader de l'opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, vous me permettrez, dans un premier temps, de souligner que c'est la deuxième fois en deux semaines que le Parlement doit suspendre les règles de procédure nous régissant et suspendre les droits des parlementaires parce que le gouvernement, ou bien par manque de planification, ou bien par manque d'organisation, ou par improvisation, dois-je dire, ne peut pas agir dans les règles normales pour en arriver à la conclusion d'un problème, je le reconnais, assez majeur dans l'industrie de la construction puisqu'on vit présentement des problèmes majeurs sur plusieurs gros chantiers en particulier de construction au Québec.

Effectivement, M. le Président, il y a eu prolongation, à la suite de la tentative du ministre du Travail d'avoir une motion semblable, il y a environ une semaine et demie, 15 jours - une semaine et demie, je crois - il y a eu prolongation du délai jusqu'au 21 mai, c'est-à-dire jusqu'à lundi soir prochain, minuit. Et, lundi soir prochain, M. le Président, il y aurait un vide juridique. Effectivement, il y aurait un vide

juridique, mais j'aimerais expliquer aux gens ce qui se passe dans l'industrie de la construction puisque je n'ai pas décidé de prendre du temps qui nous était imparti. Nous pourrions discuter deux heures effectivement aujourd'hui sur la suspension des règles et nous pourrions prendre, la durée qui nous est donnée dans la motion, une autre heure additionnelle pour discuter du fond de la motion, mais, comme Le Président du Conseil du trésor et leader adjoint a parlé du fond, je suis persuadé que, dans les circonstances où il y a une entente, on me permettra à la fois de traiter de la forme et du fond pour ne pas avoir à revenir quand on arrivera à la motion de fond parce que ce sera mon collègue d'Anjou et critique en relations du travail qui le fera.

Cela dit, M. le Président, le vide juridique qui aura lieu lundi soir, c'est quoi? C'est que, à toutes fins pratiques, le décret tombe, n'existe plus. Donc, potentiellement, il n'y plus de conditions de travail de prévues. Il n'y a pas de contrat collectif, il n'y a pas de décret, donc, il n'y pas de convention qui régit les relations du travail dans l'industrie de la construction à compter de lundi soir s'il n'y a pas de décret prolongé.

D'autre part, M. le Président, ce n'est pas comme dans le Code du travail où on peut avoir des clauses de prolongation de conditions ou comme dans la fonction publique où les salariés continuent d'être régis par des conventions ou par des décrets tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas la conclusion d'une autre entente. En vertu de la loi 290, si vous me permettez l'expression, on sait très bien que les travailleurs de la construction sont régis par une loi très particulière qui dit que, lorsque le décret est terminé, le ministre peut, pour autant qu'il consulte les gens, prolonger et amender le décret. Sans consultation ou avec l'accord des deux parties, il peut prolonger le décret existant. Mais, après avoir consulté les salariés et les associations de salariés, il peut prolonger et amender les décrets existants. (15 h 20)

Ce qu'il nous demande aujourd'hui de faire, c'est de dire: Donnez-moi une chance de tenir une commission parlementaire, que j'écoute les parties et que je puisse amender ce décret-là et le prolonger pour un an, deux ans ou trois ans. J'ose espérer que le ministre sera compréhensif, d'autre part, durant les quelques heures qu'il discutera avec l'association patronale et les trois associations syndicales les plus représentatives.

Depuis 10 ans, dans l'industrie de la construction, M. le Président, il y a peu ou à peu près pas eu de négociations. J'ai hâte de parler à l'AECQ. Je regardais la convocation du conciliateur du ministre. Il a assisté une fois. Ils ont répondu une fois à l'AECQ, à la demande du conciliateur de se présenter pour négocier réellement et c'était pour déposer une proposition globale et ils se sont retirés: Vous savez, on n'est pas inquiets.

Pourquoi ça s'est développé, ça? Pourquoi, dans l'industrie de la construction, depuis quelques années, le ministre et le gouvernement sont toujours acculés à dire: On va renouveler le décret, on va prolonger le décret? Ça fait 10 ans qu'il n'y a à peu près pas eu de négociations dans l'industrie de la construction. Quand vous jasez avec les intéressés, ils vous disent: II n'y a pas eu de négociations; ce sont toujours des mosus de prolongations de délais; on n'est jamais capables de faire une percée dans un champ ou dans un autre; on prolonge les décrets; on les amende un petit peu; on met un petit peu de bonbon et on dit: Bon, bien là, c'est bon pour deux ans, pour trois ans.

J'attire l'attention du ministre sur le fait suivant: on ne peut pas indéfiniment, dans un secteur de travail, continuer à s'en aller par des prolongations de délais. On ne peut pas, même comme employeur. Et je dis à l'AECQ que c'est très nocif pour les relations du travail de s'en remettre au mécanisme automatique de prolongation de délais, surtout si le ministre jouait dans ces plates-bandes-là en disant: Je reconnais ce que l'AECQ veut et je prolonge les décrets. Je pense que l'AECQ doit comprendre aussi, parce que c'est une des deux parties à la négociation, l'importance d'une négociation et ne pas s'en remettre au mécanisme exclusif de prolongation de délais.

À cet effet, après 10 ans, je pense que ce mécanisme est dépassé et vétusté. Il faudrait que le ministre prenne l'engagement ferme en cette Chambre ou à la commission parlementaire de demain, mais je l'invite à le faire sur la motion de fond tantôt de se lever et dire: Oui, dès cet automne, après la prolongation du décret - puisqu'il en a fait son lit maintenant - je vais m'asseoir avec les parties, je vais m'asseoir avec les collègues parlementaires d'en face comme de mon côté et nous allons réviser, une fois pour toutes, cette législation qui est devenue vétusté, qui est devenue dépassée, qui est devenue inopérante puisqu'on s'en remet au mécanisme de décret.

Le ministre, à toutes fins pratiques, c'est l'arbitre dans l'industrie de la construction. C'est devenu un arbitre qui tranche, qui tranche cette fois-ci avec une coalition, j'espère, avec les trois groupes inclus dans la coalition, qui va reconnaître qu'il y avait des demandes spécifiques et qui va reconnaître qu'il aurait dû y avoir négociation. Parce que moi, je n'irai pas m'asseoir demain matin juste pour entendre dire: Bien, ce que vous demandiez et ce qu'on vous offre.

J'aimerais que les gens nous disent ce qu'il est important d'avoir dans le décret et j'aimerais que le ministre se mouille pour nous dire ce qu'il a l'intention de mettre dans le décret. Au moins,

qu'il donne ses orientations. Je comprends que ça relève du Conseil des ministres, le décret, mais c'est un décret lourd de conséquences qu'aura à signer le ministre. C'est un décret qui doit avoir du contenu dedans et le contenu doit être assez intéressant pour que ce décret qui liera les conditions de travail pour un, deux ou trois ans... J'ignore encore l'orientation finale du ministre, mais je ne la mettrais pas indéfinie. Je n'irais pas au maximum, personnellement, d'un décret dans la construction, qui est permis en vertu de la loi 290, parce que si vous allez au maximum, vous prolongez la période de temps où il n'y aura pas eu véritablement négociation. On est rendus à 10, ça ferait 13 ans pratiquement sans négo. En tout cas, il faudra regarder ensemble comment ça doit se passer demain, mais je pense qu'il y a des choses importantes.

On sait que les travailleurs de la construction escomptaient beaucoup du rapport Picard. On sait que les travailleurs de la construction espèrent beaucoup au niveau de la préretraite. On sait que les travailleurs de la construction souhaitent également qu'on respecte une certaine forme, dépendant des groupes, parce qu'il y a des demandes plus spécifiques selon les groupes que l'on rencontre, bien sûr, mais, à partir des demandes bien spécifiques des tables sectorielles qui ont négocié, il faudra savoir si le ministre entend faire respecter le contenu des tables sectorielles. Ce sont des questions, en tout cas, que j'ai l'intention de poser. À l'AECQ aussi.

M. le Président, je souhaite que le ministre puisse dire aux parties, puisse dire aussi à la partie patronale: Quand il y a un mécanisme de négociation, vous allez arrêter de vous fier exclusivement sur le ministre, sur le gouvernement pour trancher. Vous allez devoir prendre vos responsabilités en négociations. S'il faut amender la loi pour faire jouer le rapport de force, on va l'amender la loi. Mais là, il s'agit qu'un ministre dise: Écoutez... Moi, je me souviens le 6 avril, avoir entendu - je ne l'ai pas lu, je l'ai entendu à la radio - une déclaration qui disait: Le ministre du Travail a l'intention de prolonger le décret dans l'industrie de la construction.

Dès que le ministre du Travail s'ouvre la trappe et déclare qu'il veut prolonger le décret, c'est fini la négo. L'employeur s'asseoit bien confortablement et il dit: Qu'est-ce que ça me donne de. négocier? C'est le ministre qui va trancher. Il n'y en a plus. On vient de briser le rapport de force en relations du travail. Et c'est ça, fondamentalement, qui est vicié présentement comme système. Il faut changer ceci au plus vite, M. le Président. Je me rappelle, c'est le 6 avril, si ma mémoire est fidèle, avoir entendu une déclaration du genre. La semaine passée, il y a des gens qui ont assisté à une rencontre à Québec ici où le directeur général de l'AECQ, M. Dion, disait: Nous autres on ne fait rien. Le ministre, vendredi soir, va faire sa motion, il va consulter les parties, il va faire un décret. Pourquoi je négocierais?

Fondamentalement, qu'est-ce que ça contribue à faire ça? À aigrir les parties, surtout quand on a du monde dans le champ qui espère voir une amélioration des conditions du travail. Ce n'est pas bon comme système. Et de plus en plus, il y a des secteurs qui veulent négocier à leur table avec leurs employeurs. Il y a des structures qui, à l'usage, pouvaient être bonnes dans un moment X, mais qui sont dépassées après quelques années. Fondamentalement là, moi, je me souviens - je déposerai au ministre, pour sa gouverne, parce qu'il n'était pas ici à ce moment-là, le questionnement qu'on avait eu de l'AECQ. Ce n'est pas lui qui était ministre du Travail - où le président nous avait dit que la loi était faite pour être violée.

Vous regarderez le savon que je lui avais passé. Pourquoi? Parce que fondamentalement, la loi fait en sorte que l'omnipuissance est réservée à une structure, sans qu'on sache qu'elle est appuyée fondamentalement en bas, premièrement, sans qu'on sache si elle est vraiment représentative parce que c'est une structure par loi et non pas par adhésion très forte là, très désirée, très voulue. Si on demandait même aux entrepreneurs dans l'industrie de la construction: Aimeriez-vous ça être regroupés peut-être par vos spécialités? Par compétence? Aimeriez-vous ça avoir à négocier avec vos propres salariés qui sont gouvernés dans votre secteur?

Faites-le le sondage. Vous allez voir comment on peut considérer jusqu'à quel point la notion présentement de la loi 290, qui oblige de faire une négociation différente, peut être dépassée et déphasée. À mon point de vue, il est temps qu'on s'interroge. J'aimerais, sur ce point précis, que le ministre prenne l'engagement, s'il le peut, comme ministre du Travail, véritablement de réviser ce système-là.

Maintenant, quant au contenu du décret lui-même. Moi, M. le Président, je voudrais demander au ministre de ne pas faire ce que le gouvernement a fait à Hydro-Québec. Je sais qu'il est un homme de compromis et je voudrais qu'il le prouve. Pourquoi? Parce qu'à HydroQuébec, on a vécu dans cette Chambre, d'après moi, un débat extrêmement nocif sur l'esprit des relations du travail au Québec. À Hydro-Québec, on a dit à du monde qui utilisait légalement un droit de grève: Vous êtes punis, même si vous utilisiez un droit légal. Et ça, ce n'est pas bon, à moyen et à long termes, d'utiliser ce type de réaction. Ce n'est pas bon l'attitude d'Hydro-Québec présentement, par exemple, après que le conflit est réglé, de continuer à faire des suspensions et à se faire justice.

Aïe! Le "boss" de 1534 est à bord là. Suspensions. 98 ans au total de suspensions. Six congédiements à travers le Québec. Ce n'est pas ça qu'on recherche en relations du travail. Les

relations du travail, il y a une dose de relations humaines dans ça et quelqu'un qui en fait son affaire un peu, il est humain. Le plus mauvais employeur depuis quelques années dans ce beau Québec, c'est le gouvernement. C'est le gouvernement qui se comporte d'une façon beaucoup plus agressive que l'entreprise privée qui, après un conflit, veut passer l'éponge bien souvent, veut régler les problèmes et ne veut plus avoir de trouble avec ses employés.

Mais l'État, on dirait qu'il se paie le luxe de tordre là, de casser, ça lui fait plaisir. Bien souvent de hauts fonctionnaires, mieux payés que certains ministres à part ça, tordent la vis, et ils sont fiers de faire ça en se bombant le torse. Ça leur appartient, cette société d'État qui est censée appartenir à tout le monde. (15 h 30)

Je ne voudrais pas que le débat dans le domaine de la construction se fasse comme il s'est fait à Hydro-Québec et qu'on arrive avec un décret qui soit punitif parce qu'on n'en arrive pas à conclure une convention collective. On ne peut pas arriver à conclure une convention collective quand une partie a décidé de s'en remettre à l'État. On ne peut pas prendre le bras de M. Dion avec le président et dire: Signez donc un contrat collectif. Ils ne veulent pas. C'est clair. Donc, il faut être deux parties pour signer. On ne peut pas signer tout seul, à moins que le ministre ne consente à signer ce qu'on veut. Mais à partir de là, on peut-y s'attendre du ministre du Travail que son réflexe ne soit pas punitif parce qu'on l'amène à poser un geste qui est un décret? On peut-y dire qu'il y a eu des points qui ont avancé suffisamment aux tables de négociation, devant 1e conciliateur ou qu'on ait aussi, de la part du conciliateur, des suggestions concrètes et qu'on améliore les décrets? C'est ça fondamentalement que je demande au ministre de faire, dans sa position demain, quand il entendra les parties. Jusqu'où il peut aller pour ne pas avoir l'air d'un homme qui punit parce qu'on l'oblige à poser un décret. Au contraire. Je dirais au ministre que la plus grande punition qu'il a peut-être de bonne foi faite sans le vouloir, ça a été le 6 avril, quand il a dit qu'il songeait à prolonger le décret. Parce que, sans le vouloir, vous avez mis fin, à toutes fins pratiques, à toute discussion. Là, le "boss" a compris, le patron a compris que c'était fini la négo. Comme il n'avait rien fait avant...

Parce que j'ai tous les renseignements. Vous savez toujours bien que, dans l'Opposition, on a quelques tuyaux aussi. Ce n'est pas parce qu'on est dans l'Opposition qu'on ne sait pas ce qui se passe. On rencontre peut-être du monde aussi souvent dans l'Opposition que vous pouvez en rencontrer au pouvoir, parce qu'on est l'instrument, précisément, pour défendre les gens qui font face à certaines puissances et qui sont obligés de faire bouger. Et je suis convaincu que c'est même utile pour un ministre d'avoir une

Opposition; ça peut lui servir s'il réfléchit à ce que l'Opposition dit et à ce que l'Opposition vise. L'Opposition ne vise qu'une chose. L'Opposition ne cherche pas à vouloir faire des grèves pour le plaisir de faire des grèves, mais l'Opposition a des principes aussi. Et le principe fondamental, quand on en arrive à avoir un mécanisme automatique de décret, comme c'est le cas quasiment dans la construction, c'est que le décret ne soit pas punitif. Et je voudrais que le ministre s'asssure de ça autant aux tables sectorielles qu'à la grande table, qu'on sache jusqu'où ils sont allés et jusqu'où le ministre peut bonifier également le contenu de ce décret-là.

Je pense, entre autres, à des points que les salariés m'ont soulevés. Vous savez que c'est une industrie extrêmement difficile, où des salariés de 55 ans doivent oeuvrer quatre saisons au froid, à l'humidité, sous la pluie et la neige. On sait très bien que, dans ce secteur-là, l'âge de la retraite peut avoir une importance capitale. Et je voudrais que le ministre, là-dessus, ait une sensibilité. Et, par le fait même, n'oublions pas qu'on aide la main-d'oeuvre jeune à entrer sur le marché du travail. C'est une réaction, ça. Et je pense qu'on peut avoir une vision de notre société tout en ayant une reconnaissance de l'individu qui a oeuvré pendant de longues années dans l'industrie de la construction et être sensibles à ça.

En tout cas, nous, nous l'invitons à l'être. Nous voudrions que le ministre, déjà, mette le pied dans la porte pour la réalisation du rapport Picard. On sait que ce n'est pas pour rien si le ministre a senti le besoin de mettre un groupe sur pied. Il veut au moins que ça serve à quelque chose, cette affaire-là. J'espère qu'il va ouvrir des portes, je le dis, je l'y invite, je le souhaite. Je souhaite que le ministre, également, s'assure que le contenu des tables sectorielles soit bien reflété dans tout le décret qu'il va passer; pas faire en sorte et exiger de l'AECQ ce respect-là. Si on a été capables, dans nos tables sectorielles, d'en arriver à des ententes, il faut que ces ententes-là soient respectées par la suite. Et j'ose espérer, avec les augmentations des tarifs d'électricité à 7,5 %, avec la TPS qui s'en vient, avec les 23,1 %, au total, en l'espace de 13 mois, qu'on va charger aux salariés uniquement en électricité, avec le doublage de la taxe scolaire que vous avez fait comme gouvernement, je ne dis pas comme ministre du Travail, comme gouvernement auquel vous appartenez... Il y a eu une augmentation sensible, ça va être le double, la taxe scolaire. Vous allez me dire: En plus de ça, est-ce qu'il y a autre chose? Oui, le dégel des frais de scolarité. Les gars de la construction - il y en a ici quelques-uns - qui ont des fils à l'université vont devoir payer plus cher. Si vous accroissez les dépenses ou les impôts de 14 % parce que vous n'avez pas indexé les paliers d'impôt - deux minutes, M. le Président,

merci - si vous n'avez pas indexé ça et que ça donne une augmentation de 14 %, j'espère qu'au niveau du décret, vous allez tenir compte, vous aurez la même sensibilité pour les revenus des travailleurs de la construction que vous avez eue pour les revenus de l'État.

En d'autres mots, vous allez sans doute arriver avec des augmentations de salaire qui ont de l'allure. Parce qu'il est important, M. le Président, quand on pose un geste de décret, d'être encore plus compréhensif. Je vais vous dire pourquoi. Parce que quand on enlève le droit de négocier en ne créant pas le vide juridique - et là, je m'adresse à l'homme de loi - vous mettez fin au rapport de force. Donc, vous enlevez toute possibilité au rapport de force de jouer pour influencer le résultat de la négociation. À plus forte raison, M. le ministre, quand vous aurez à rédiger votre décret, qui, à toutes fins pratiques, est la sanction... C'est une sentence arbitrale que vous donnez aux travailleurs pour deux, trois ans. À ce moment-là, vous devrez penser que ces gens-là n'ont pas pu bénéficier d'un rapport de force, contrairement à ce qui arriverait dans d'autres secteurs.

Là-dessus, je dis au ministre du Travail, M. le Président, que nous, de l'Opposition, nous allons collaborer à la commission parlementaire. Nous souhaitons que toutes les parties se fassent entendre demain. Nous demandons de la souplesse également si jamais on a des extensions à donner pour qu'on puisse, de la façon la plus éclairée, renseigner le ministre sur sa responsabilité qui est assez grande, celle de rédiger un décret. Merci, M. le Président. le vice-président (m. bissonnet): merci, m. le leader de l'opposition officielle. je reconnais maintenant le prochain intervenant. m. le député de jacques-cartier.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président. I can only say that I again listen with rapt, fascination and amazement at the capacity of the leader of the Opposition to expand on this theme at such remarkable length. I am afraid that I am lacking in the same capacity. It would appear to me that it is reasonable that the government must impose a decree at this time, that it has imposed a decree, that we will support the decree and that is the end of what I have to say. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Est-ce que la motion de...

Une voix: Je demanderai un vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un vote enregistré, M. le leader adjoint? Je déclare un vote enregistré. Qu'on appelle les députés. (15 h 40 -15 h 47)

Le Président: Veuillez prendre place, s'il vous plaît!

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de suspension de certaines règles de procédure présentée par M. le leader adjoint du gouvernement. Est-ce que qu'il y a dispense à ce que je lise la motion?

Une voix: II y a dispense.

Le Président: II y a dispense. Très bien. Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: Mme Bacon (Chome-dey), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Séguin (Montmorency), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Lefeb-vre (Frontenac), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cu-sano (Viau), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Chagnon (Saint-Louis), M. Hamel (Sherbrooke), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Fradet (Vimont), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Bégin (Belle-chasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé (La Fontaine), Mme Hovington (Matane), M. Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Camden (Lotbinière), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), M. Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. MacMillan (Papineau), M. Cameron (Jacques-Cartier).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), M. Godin (Mercier), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), Mme Dupuis (Verchères), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 44 contre: 19.

Le Président: La motion est adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Oui, M. le Président. En notant que le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle s'est joint à nous alors que les portes n'étaient pas encore fermées, j'aimerais, avec votre permission et le consentement de l'Opposition, ajouter du côté du vote ministériel... On va voir. Oui. Merci.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à cette demande du leader adjoint du gouvernement? Il y a consentement. Très bien.

Maintenant, puisque les avis touchant les travaux des commissions ont déjà été donnés, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, est-ce qu'il y a des renseignements, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Johnson: Non, M. le Président. Il n'y a pas de renseignement sur les travaux de la Chambre.

Le Président: Ceci met fin à la période des affaires courantes. Nous arrivons maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je demanderais d'appeler l'article 68 du feuilleton.

Motion proposant que la commission de l'économie et du travail entende les

parties en cause sur les raisons motivant

l'impossibilité de s'entendre sur les

modifications à apporter au décret

de la construction

Le Président: L'article 68 du feuilleton. Nous allons maintenant mettre en discussion la motion inscrite par le leader du gouvernement en vertu de l'article 146 du règlement, motion qui se lit comme suit: "Que conformément à l'article 51 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20), la commission de l'économie et du travail entende l'Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ), la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ-Construction), le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, la Confédération des syndicats nationaux (CSN-Cons-truction) et le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc., quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret de la construction, le ministre du Travail étant membre de ladite commission pour la durée du mandat."

La discussion sur cette motion sera pour une période maximum d'une heure. Il est convenu qu'un droit de réplique de cinq minutes est réservé au ministre du Travail, le reste du temps sera partagé également entre la formation ministérielle et la formation de l'Opposition officielle, sans limite à l'intérieur de l'enveloppe de chacune des formations politiques; étant entendu également que le temps non pris par une formation politique n'accroîtra pas à l'autre formation politique.

Je suis donc prêt à reconnaître maintenant un premier intervenant. M. le ministre du Travail.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. À l'occasion de cette motion qui a pour but de demander que la commission de l'économie et du travail siège afin d'entendre, tel que stipulé dans la motion, les parties, j'aimerais peut-être expliquer brièvement, pour la compréhension de cette motion et de cette étape, le pourquoi de cette motion et de cette commission parlementaire.

Je voudrais simplement me référer, M. le Président, au fait que, dans le domaine de la construction, depuis 1969, c'est la Loi sur les relations du travail dans la construction qui gère, si vous voulez, les relations du travail. C'est un système spécial, oui, il faut le dire, c'est très particulier. On n'en connaît pas d'autre comparable nulle part. Pour certains, ça a des avantages; pour d'autres, ça soulève des inconvénients et, j'en parlerai, tantôt, sur la question des inconvénients.

Toujours est-il que dans cette loi, qui est assez complexe et qui comporte beaucoup d'articles, il y en a un qui stipule que l'organisation des relations du travail se fait en regroupant l'ensemble des entrepreneurs sous ce que je pourrais appeler "un seul chapeau patronal" et, l'ensemble des travailleurs où existe plusieurs associations syndicales en autant qu'elles représentent 51 %, donc un chapeau syndical pour l'ensemble des travailleurs.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que cette loi-là s'est inspirée de la loi sur les décrets qui existe présentement. Comme ministre du Travail j'ai fait l'objet, il y a deux ans, de représentations massives de l'ensemble des syndicats au Québec pour maintenir la loi sur les décrets qui dit essentiellement que, lorsqu'une convention collective, une entente, intervient dans un milieu donné, on peut l'étaler, on peut la faire appliquer, à l'ensemble de l'industrie, à la condition qu'elle soit couverte par un décret. De sorte que la loi sur les relations du travail dans la construction s'est inspirée de ce concept, je dois dire, qui est valable, puisque, comme ministre du Travail, j'ai maintenu la loi sur les décrets, et, actuellement, près de 300 000 personnes au

Québec ont leurs conditions de travail stipulées dans un décret et, je pense que c'est à la satisfaction des travailleurs assujettis à ces décrets qui ont vu qu'à titre de ministre du Travail, j'ai prolongé ces décrets.

Donc, dans la construction les relations du travail sont unifiées, d'un côté, par une association patronale et, de l'autre, par quelques associations syndicales, mais qui forment une entité syndicale pour l'ensemble de tous les travailleurs de la construction. Et lorsqu'une entente intervient entre les parties, la loi stipule depuis 1969 que cette entente que peut convenir ce groupe d'employeurs et cette partie des travailleurs ne pourra s'appliquer à l'ensemble de l'industrie de la construction que s'il y a un décret pour donner une force légale à l'extension d'une entente dans la construction à l'ensemble des travailleurs. Et ça, c'est important, M. le Président, que je le souligne, parce qu'on semble croire, d'un côté, que c'est la première fois que le gouvernement fait un décret dans la construction ou qu'on ne comprend pas à tout le moins pourquoi on fait un décret. C'est bien simple c'est que le système que l'industrie de la construction s'est donné depuis 1969 dit tout simplement dans la loi que, dans tous les cas, le gouvernement doit, par décret, sanctionner, soit l'entente intervenue entre les parties ou, à défaut d'entente, stipuler les conditions de travail sous la forme d'un décret. Alors, ceci revient à dire que peu importe qu'il y ait entente ou non, dans tous les cas, le gouvernement se doit de faire un décret.

J'aurais, moi aussi, souhaité aujourd'hui annoncer une entente négociée dans la construction. Comme ministre du Travail, j'en aurais été particulièrement heureux. Dans d'autres dossiers, nous avons obtenu au ministère du Travail certains succès, certains résultats positifs. Et il arrive qu'indépendamment de la volonté, bien sûr, du ministre du Travail et même des parties - je comprends les enjeux de certaines négociations - il arrive que les parties ne s'entendent pas. Dans le cas actuel, j'ai moi-même, l'année passée, négocié avec les parties un projet d'entente de convention collective, et, à défaut, l'année dernière, les parties se sont entendues devant moi pour extensionner d'une année le décret de la construction pour permettre de continuer à négocier et peut-être atteindre une entente sur des conditions de travail d'une durée de convention collective normale, c'est-à-dire habituellement trois ans avec un ensemble de conditions satisfaisantes pour tout le monde. Or, de l'année passée au 30 avril récemment, les parties n'ont pas réussi à s'entendre. Le 30 avril, ici au Parlement, je suis venu devant vous, M. le Président, avec une motion. Et, pour toutes sortes de raisons que j'appellerais de techniques procédurales au Parlement, il n'a pas été possible de tenir la commission parlementaire. (16 heures)

Justement, pourquoi une commission parlementaire? Habituellement le gouvernement lorsqu'il décide au Conseil des ministres, il procède par ce qu'on appelle un arrêté en conseil. Et c'est rare - à ma connaissance, c'est le seul cas - qu'un arrêté en conseil doive être assujetti à une autre procédure qui est une commission parlementaire au Parlement. Nous avons, dans la Loi sur les relations du travail dans la construction, à l'article 51, une obligation un peu exceptionnelle, mais elle est là, qui dit que lorsque le gouvernement ou le ministre du Travail constate une impasse dans la construction et qu'il décide de maintenir le décret, de le modifier, de le prolonger ou, à tout le moins, de décréter les conditions de travail, à ce moment-là, il doit procéder par la commission parlementaire.

Si vous me le permettez, M. le Président, je vais me resituer dans l'article 51 qui dit: Le gouvernement peut prolonger ou abroger le décret, avec le consentement de l'association d'employeurs et celui des associations de salariés représentatives à un degré de plus de 51 %. J'ai indiqué ça tantôt. Il peut aussi, sur la recommandation du ministre - le ministre du Travail - modifier le décret avec le consentement de l'association d'employeurs et celui des associations de salariés représentatives à un degré de plus de 51 % et après publication dans la Gazette officielle.

Le gouvernement peut aussi, sur la recommandation du ministre - toujours le ministre du Travail - prolonger, abroger ou modifier le décret sans le consentement de l'association d'employeurs ou des associations de salariés quand il est d'avis que dans l'intérêt public, cette solution est la seule qui puisse remédier à la situation existante; il ne peut toutefois modifier - je dis bien modifier - ainsi le décret, sans que ces associations ne soient invitées à être entendues devant la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration - nom qui a changé depuis - quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente.

Alors, le but de la commission qui aurait lieu demain, c'est d'entendre les parties patronale et syndicale pour constater ensemble les raisons qui permettent de conclure qu'il y a impasse. Remarquez que, là-dessus, je pense que tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a une impasse de toute façon. Je pense que c'est public et que c'est constaté par l'ensemble des médias. Ce que je souligne là-dedans, et ça va faire comprendre pourquoi il y a quelques semaines, le 30 avril, j'ai prolongé le décret au 21 mai sans commission parlementaire et pourquoi, maintenant, sur un projet, une intention de revenir sur le décret, il y aurait commission parlementaire, c'est qu'au 30 avril, conformément à l'article 51 de la loi, il est bien dit que, si on ne fait pas de modifications, on peut simplement

prolonger et, à ce moment-là, on n'a pas besoin de la commission parlementaire parce qu'il n'y a pas de changement. Dans le cas où il y a des modifications ou des ajouts au décret ou des soustractions, à ce moment-là, l'article 51 est très clair, il faut procéder à un "déféré" en commission parlementaire par un ordre de la Chambre.

Il y a urgence, M. le Président, parce que, d'un côté, ça fait des mois, et le dernier mois est particulièrement remarquable à cet égard, que les négociations ont procédé; il y a eu des efforts considérables de faits de part et d'autre, particulièrement au ministère du Travail pour amener les parties à une entente négociée. Dans les trois dernières semaines, M. le Président, où il y a eu cette extension jusqu'au 21 mai. On a redoublé les efforts. Et je dois admettre, de toute façon, qu'il y a eu des améliorations et qu'il y a eu un certain déblocage et que ces trois semaines-là ont certainement été très utiles pour s'éclairer encore mieux sur l'ensemble des conditions de travail, les demandes et la possibilité pour l'Association des entrepreneurs d'y répondre.

J'aurais souhaité, et nous sommes jeudi - en fait, je suis un éternel optimiste, M. le Président, je ne crois pas que toute possibilité d'entente ou de quoi que ce soit est maintenant irrémédiablement terminée, mais, pour être réaliste et étant donné que nous avons cette procédure aujourd'hui, je n'ai pas le droit, je pense, comme ministre du Travail, d'enlever au gouvernement la possibilité de conclure un décret. Donc, demain, si le gouvernement maintient son souhait de parvenir à un décret, de faire un décret raisonnable pour l'ensemble des parties, nous devons absolument tenir la commission parlementaire avec les règles que ça comporte, donc, inscription au feuilleton, motion que nous discutons présentement. Mais je m'encourage à croire qu'il est toujours possible que d'autres discussions - et je vous avoue que les derniers jours il y a eu toutes sortes de discussions - puissent peut-être amener les parties à d'autres considérations. Mais si ce n'était pas possible, compte tenu que l'ensemble des chantiers au Québec, M. le Président, sont actuellement...

Je ne veux pas être alarmiste, je ne veux pas blâmer les parties, mais il est manifeste que l'état actuel sur l'ensemble des chantiers au Québec est perturbé d'une façon inquiétante et qu'on n'a pas le droit, à ce stade-ci, de fermer les yeux. Je pense qu'il n'est pas sain d'encourager des parties à un affrontement en public où l'intérêt public risque d'être mis en péril.

L'industrie de la construction, tout le monde s'en plaint, M. le Président, est fragile, est saisonnière. Nous arrivons à la saison la plus productive. Alors, il est très difficile de laisser les parties dans une négociation qui pourrait s'éterniser et d'entretenir le climat que nous constatons actuellement. Cependant, je ne veux pas être alarmiste, j'ai confiance que les parties et j'ai confiance que les représentants syndicaux, les travailleurs, les entrepreneurs vont avoir une vision raisonnable des choses et, dans ce sens, à deux commentaires du leader de l'Opposition, ça me fait quand même plaisir tout de suite de lui indiquer que, de toute façon, mon intention comme ministre du Travail n'est certainement pas, d'aucune façon, et je veux bien qu'on me croie, par ce décret, de vouloir minimiser, réduire les conditions de travail ou punir ou rendre, si vous voulez, les conditions de travail moins bonnes qu'elles le sont maintenant.

Je suis conscient des demandes qui sont faites. Je pense qu'il y a lieu d'apporter des correctifs, des améliorations aux conditions de travail. J'ai participé aux travaux, mon conciliateur m'entretient sur un ensemble de choses, je fais beaucoup de consultations, je reçois les parties qui me parlent et, demain, dans l'élaboration de ce projet de décret, je le souhaite, je l'espère, je pense offrir un ensemble de conditions qui vont respecter la qualité de travail que font les travailleurs de la construction et qui vont être possiblement un encouragement et qui vont apporter des améliorations sur des points importants qui intéressent les travailleurs - et pour lesquels les associations syndicales ont fait des représentations aux tables de négociation.

C'est certain que je suis extrêmement sensible aux représentations qui ont été faites et je vais tout faire pour y donner effet dans ce projet de décret que je veux, non pas comme une intervention, une imposition d'une décision, mais davantage, et l'expression du leader de l'Opposition est très juste, le ministre du Travail est bien plus un conciliateur qui essaie, dans l'impasse des parties, de trouver, comme le ferait un arbitre, comme le ferait un médiateur, le juste milieu qui va permettre aux parties, d'une part, je le souhaite, de cesser l'affrontement et, d'autre part, aux travailleurs d'avoir une amélioration de leurs conditions de travail, peut-être pas aussi complètes que les travailleurs l'auraient souhaité dans l'idéal de leur négociation, mais certainement, je pense, un seuil tout à fait raisonnable et même, sur certains éléments, j'aurai l'occasion, peut-être, de dévoiler demain, je pense, des surprises agréables.

Cela dit, M. le Président, je pense que ce n'est pas ni le moment ni le lieu de discuter du contenu du décret, mais, à la commission parlementaire de demain, je souhaite entendre les parties, je souhaite encore être disponible à recevoir quelque commentaire que ce soit qui pourrait permettre effectivement que ce décret soit le mieux possible dans les circonstances.

En terminant, j'indique tout de suite, à une question du leader de l'Opposition, à savoir si je pourrais prendre une forme d'engagement vis-à-vis du système actuel de cette loi sur les relations du travail dans la construction que tout

le monde, tant du côté des employeurs que du côté des travailleurs, des représentations syndicales, tous ceux qui suivent l'évolution des relations du travail, et moi-même, M. le Président, je suis le premier à dire que ce système qui existe depuis 1969, qui n'a pas eu de correctif depuis au moins 10 ans, et même plus, devrait être changé. (16 h 10)

Les mécanismes actuels sont mauvais. Je le dis: Ils sont mauvais. Je ne suis pas subtil quand je le dis. De là mon engagement à appeler la commission parlementaire sujette aux ententes et à l'ordre de la présidence à cet effet, mais mon intention c'est, M. le Président, de soumettre à la commission parlementaire de l'économie et du travail, dans un but de consultation et de recommandations au gouvernement, au ministre du Travail, la loi sur les relations du travail dans la construction pour l'examiner, la changer et l'améliorer pour que les parties sentent que cette loi est plus là pour les servir, les aider, que pour les obliger à vivre dans un cadre imposé de l'extérieur.

Je suis le premier à dire - c'est mon collègue le président du Conseil du trésor et adoint au leader du gouvernement qui, dans son allocution sur l'autre motion, l'a dit lui aussi - ce n'est pas, vous savez, par plaisir personnel, ce n'est pas par gaieté gouvernementale que nous anticipons à chaque fois d'intervenir. Et que ce soit du côté du gouvernement, M. le Président, ou du côté de l'Opposition, je ne veux pas faire un long historique de l'histoire des relations du travail dans la construction au Québec, mais il n'y a jamais eu d'entente ou presque depuis 1969. Alors, il ne faut pas s'étonner. Je ne dis pas ça par défaitisme. Il faut comprendre que le système étant ce qu'il est, aucun gouvernement à date n'a pu faire autrement que de décréter. Et mes collègues de l'Opposition, dans le temps qu'ils formaient le gouvernement ont connu, je dirais même, des soubresauts et des renouvellements de décrets beaucoup plus remarqués que nous, sous notre gouverne.

Et l'important à retenir, je pense, en terminant, M. le Président, c'est cet engagement sérieux où j'inviterai tous les intervenants du monde de la construction à venir nous dire en commission parlementaire, dès cet automne, leurs recommandations, leurs suggestions pour que nous puissions améliorer ce système, non pas pour alléger le souci du gouvernement, mais pour permettre aux travailleurs de la construction un meilleur cadre de travail et de négociation de leurs conditions de travail. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, la situation qui s'est développée au cours des dernières semaines dans l'industrie de la construction se résume à peu de choses. Les employeurs ont systématiquement refusé de négocier puisque le gouvernement s'engageait à régler le problème à leur place en prolongeant le décret. Et aujourd'hui le gouvernement s'apprête à prolonger le décret vu que les employeurs n'ont pas négocié et qu'il n'y a pas eu d'entente aux tables de négociation. Dans ce sens, M. le Président, on peut parler d'un parfait cercle vicieux.

Les entrepreneurs ne négocient pas parce que quelqu'un va régler à leur place et quelqu'un règle à leur place parce qu'ils ne négocient pas. Et dans ce sens, je pense, M. le Président, que c'est dommage que le gouvernement, pour la deuxième fois depuis que cette Assemblée siège, depuis qu'on a repris en mars nos travaux, suspende toutes les règles qui s'appliquent à nos délibérations dans le but d'imposer des conditions de travail à 110 000 travailleurs. La fois d'avant, M. le Président, cela a été dans le cas d'Hydro-Québec où une loi spéciale, cette fois-là, a imposé pour trois ans les conditions de travail des 14 000 syndiqués d'Hydro-Québec, avec un certain nombre de punitions au gré des humeurs des gens du Conseil du trésor qui sont, comme on le sait - le Conseil du trésor - un châtiment qui a toujours envie du crime pour pouvoir le punir.

On a devant nous, aujourd'hui, la situation de la construction où, au lieu de laisser la libre négociation entre les 18 000 employeurs et les 110 000 travailleurs, c'est l'État, encore une fois, qui va décider à la place des parties. Or, je ne pense pas que l'intérêt public exige cette mesure-là. Nous ne nous trouvons pas devant un service essentiel, nous ne nous trouvons pas devant une grève d'hôpitaux où, à l'occasion, on invoque que, possiblement, la santé publique est en cause, ni dans le transport en commun, quand on peut dire que tel ou tel conflit perturbe la vie collective d'une façon importante. On est dans le domaine privé de relations entre des entrepreneurs privés et des syndicats qui se sont regroupés à l'intérieur d'une coalition.

Le Code du travail dit qu'en règle générale, on a des conventions collectives d'un minimum d'un an et d'un maximum de trois ans. Le Code du travail dit qu'en général, à l'échéance de la convention, les parties retrouvent leur liberté et que l'employeur a le droit de lock-out et que le syndicat a le droit de grève. Même si le régime, comme le ministre le disait fort justement, est différent dans la construction, cette réalité du droit de grève et de lock-out, qui intervient à l'échéance du contrat, est la même que dans le Code du travail.

Dans la construction, bien sûr, celles des

règles qui sont différentes, c'est que tous les employeurs sont tenus d'appartenir à l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Du côté syndical, il y a trois intervenants principaux, la FTQ-Construction, le Conseil des métiers et la CSN-Construction. Et ces trois intervenants, depuis maintenant près d'une année, ont fait l'effort de déposer leurs demandes, de s'entendre entre eux pour déposer des demandes pour essayer de régler un certain nombre de problèmes des travailleurs de la construction. À ces demandes syndicales ont correspondu une cinquantaine d'heures de négociations, au cours des derniers mois. C'est beaucoup moins, pour une industrie où il y a 110 000 travailleurs, que ce qu'on consacre à la négociation dans des entreprises où il y a 200 ou 300 personnes.

La conciliation qui est intervenue a duré, en tout, en rencontres entre les parties, une quinzaine d'heures, soit beaucoup moins, encore là, que ce qui s'observe dans le privé, quand un conciliateur intervient. Et d'après ce qu'on peut savoir des parties en cause, il y a quelques paragraphes qui ont été réglés en négociations, ceux relatifs aux chefs de groupe et aux chefs d'équipe sur les chantiers, mais pour le reste, il n'y a rien eu de réglé parce qu'il n'y a pas eu de négociations. Il n'y a pas eu de négociations, au sens d'échanges où les parties, chacune de leur côté, font des efforts pour essayer de s'entendre.

Et maintenant, le ministre va se retrouver dans la position de décider à la place des parties. Je ne doute pas qu'il ne le fera pas dans l'esprit vindicatif qui animait le gouvernement à l'égard des syndiqués d'Hydro-Québec, mais je déplore, cependant, qu'on impose des conditions de travail et qu'on nie à 110 000 syndiqués leur droit de négocier leurs conditions de travail. Et dans ce sens, la politique du gouvernement a contribué à l'impasse. Quand on prolonge un décret de trois semaines, on enlève un peu des nécessités de s'entendre pour les parties. Et maintenant, on parle de le prolonger de trois ans, alors qu'on est devant des conditions de travail qui avaient déjà été prolongées d'un an avec l'accord des parties, l'année dernière. Et qu'est-ce qui avait été dit en cette Chambre et aux médias, il y a un an, lors de la prolongation du décret, M. le Président? C'était qu'on formait un comité pour étudier la question de la stabilisation des revenus des travailleurs de la construction, qui est devenu le comité Sexton-Picard qui a commencé ses travaux et qui les poursuit à l'heure où on se parle. Et l'entente de prolongation d'un an, à laquelle les trois organisations syndicales, FTQ, Conseil provincial des métiers et CSN-Construction, avaient souscrit, disait qu'il y aurait des négociations sérieuses. (16 h 20)

II n'y a pas eu, M. le Président, les négociations auxquelles les parties syndicales pou- vaient s'attendre. Là, on se retrouve dans une situation où le gouvernement invoque l'article 51 de la loi pour prolonger et modifier le décret, sans l'accord des parties, après les avoir entendues en commission parlementaire. Mais il reste, M. le Président, qu'à l'égard de demandes comme, par exemple, d'avoir une préretraite à 55 ans, dans une industrie qui use les gens qui y travaillent, une industrie où il y a eu 18 000 accidents l'année passée, dont une vingtaine entraînant mort d'homme, donc une demande légitime, il n'y a pas eu de négociations sérieuses là-dessus. Il n'y a pas eu non plus de conclusion quant aux salaires. Il n'y en pas eu quant à l'ancienneté dans les mises à pied, les travailleurs de la construction étant les seuls du monde industriel à n'avoir aucune mesure d'ancienneté dans leurs ententes de travail. Et la coalition syndicale se bornait à demander une ancienneté de mise à pied, sur un chantier quand les travaux diminuent.

Au lieu d'avoir laissé les parties régler leurs problèmes et prendre leurs responsabilités, le gouvernement veut intervenir et imposer les conditions de travail, au nom de l'intérêt public. À cet égard, depuis 1968, cette industrie a été, en pratique, placée presque sous tutelle gouvernementale. Quand l'économie ne va pas bien, on invoque que là, on ne peut pas laisser aller des mouvements de débrayage dans la construction, puisque l'économie ne va pas bien et que ça pourrait empirer. Quand l'économie va bien, là, on dit qu'on ne peut laisser ça, parce que ça empêcherait l'économie de prendre l'essor qu'on veut qu'elle prenne.

Dans le fond, M. le Président, les parties vivent avec leurs décisions. Il est sûr que personne ne souhaite de grève ou de lock-out dans la construction. Mais dans le monde des relations du travail, la grève et le lock-out, c'est le moyen que les parties trouvent pour se forcer à s'entendre et pour se donner des règles convenues, qui font que les travailleurs et les employeurs ont le sentiment, pour avoir négocié une entente, de travailler ensemble, d'une façon qui respecte les intérêts de chacun.

À cet égard, on va se retrouver, M. le Président, avec un grand nombre de syndiqués affectés par des décisions de ce gouvernement dans son ensemble. Le décompte que j'en fais ne manque pas d'être impressionnant. La grève dans la santé et les services sociaux remonte à l'année dernière et les syndiqués vivent encore des coupures d'ancienneté qui, dans des milliers de cas, veulent dire des pertes d'emploi, par décret du gouvernement, décret que le gouvernement s'obstine à maintenir, même si pour les 150 000 infirmières et employés d'hôpitaux, ça veut dire qu'une quarantaine de clauses de la convention collective ne trouvent plus d'application. Les 14 000 syndiqués d'Hydro-Québec se sont fait imposer pour trois ans des conditions de travail inférieures même aux offres qu'Hydro-

Québec leur avait faites, ce qui n'était pas qu'une injustice, mais un acte de sadisme qui nous venait du Conseil du trésor qui, en cette matière, n'a de leçons à recevoir de personne.

À ces 164 000 syndiqués, on en ajoute maintenant 110 000 dans la construction, ce qui fait 264 000 syndiqués qui vont subir des décisions du gouvernement. Dans le cas des 110 000 de la construction et des 14 000 d'Hydro-Québec, ce sont des personnes dont le droit de négocier est mis en cause, puisque c'est le gouvernement qui va imposer leurs conditions de travail.

Je dis donc, M. le Président, que nous, de l'Opposition officielle, allons voter contre la convocation de la commission, pas parce qu'on est contre le fait que le ministre entende les parties et fasse de preuve de la plus grande justice possible, mais nous sommes contre l'idée d'imposer les conditions de travail aux 110 000 travailleurs de la construction. Je vous remercie.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, m. le député de pointe-aux-trembles. je reconnais maintenant le prochain intervenant, m. le député de laval-des-rapides. m. le député.

M. Guy Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, je vous remercie. J'aimerais, dans un premier temps, faire un bref retour historique sur cette loi sur les décrets qui existe depuis 1968.

Il faut savoir que c'est la septième fois que le gouvernement a à intervenir par décret pour solutionner la situation des travailleurs syndiqués ou travailleurs dans leur entier dans le domaine de la construction. Ça m'apparaît être un recours - et, là-dessus, je suis un petit peu d'accord avec le député de Pointe-aux-Trembles - ça m'apparaît être devenu la routine, si vous voulez, dans ces négociations-là que de les voir se terminer par un décret.

Mais avant d'approfondir sur ce point et de donner la réplique au député de Pointe-aux-Trembles, j'aimerais d'abord rappeler ce qu'est l'industrie de la construction. On sait qu'il y a 110 000 travailleurs dans la construction qui sont représentés par cinq associations syndicales et qu'il y a, de l'autre côté, 18 000 employeurs représentés par une table d'employeurs qui fait toute la négociation, toute la procédure de négociation, qui représente ces 18 000 employeurs. Donc, on a là un régime particulier de relations du travail. On se rappelle, avant 1968, que ces tables existaient par région, par secteur, par ville - ça dépendait des ententes qui existaient à l'époque - et on se rappelle aussi le désordre qui régnait régulièrement sur les chantiers. On se rappellera la commission Cliche - le leader de l'Opposition se rappellera sa participation à cette commission - qui avait amené la formule actuellement en vigueur et qui, je pense, a donné ses résultats.

Cette année, 118 000 000 d'heures sont prévues dans la construction et la conséquence de cela, c'est qu'au Québec un emploi sur vingt est dans le secteur de la construction et, à chaque fois qu'il se crée 100 emplois dans la construction, 60 autres emplois, par voie de conséquence, par sous-traitance, etc., sont créés dans le reste de la société. Si on considère qu'il y a déjà 110 000 travailleurs, c'est presque 55 000 emplois ou 60 000 emplois parallèles qui sont créés par l'industrie de la construction, de façon indirecte. Donc, on touche aujourd'hui au sort de 160 000, 170 000 personnes si on veut arrondir les chiffres. C'est donc un nombre très important de gens qui sont touchés par cette situation.

On sait aussi que beaucoup de grands projets sont en marche actuellement au Québec. Je vais citer quelques-uns des grands chantiers qui existent: l'aluminerie du consortium Alouette à Sept-îles, Alumax à Deschambault, l'Alcan à La-terrière - Laterrière, c'est un petit village charmant à côté de Chicoutimi - l'agrandissement de l'aluminerie ABI à Bécancour, l'agrandissement de l'aluminerie de la Reynolds à Baie-Comeau, la modernisation des papeteries de Kruger à Trois-Rivières, de Donohue à Matane, de Gaspesia Pulp and Paper à Chandler, et d'autres travaux de grands chantiers. Je pense, par exemple, à la construction du boulevard Métropolitain à Montréal. Or, ceux qui vivent à Montréal ou qui ont à utiliser ces autoroutes qui traversent Montréal savent dans quel contexte on vit actuellement avec ces travaux.

Regardons la situation qui prévaut sur les chantiers actuellement. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à l'aluminerie de Laterrière, 100 salariés seulement sur 800 sont au travail, donc 1 sur 8; les fours à cuisson à anode à la ville de La Baie, 5 salariés seulement sur 350; au Chantier Hydrate Blanc à Jonquière, 40 travailleurs sur 200 sont au travail; dans la Mauricie, la Stone-Consol est fermée et la Kruger a dû faire 30 mises à pied; Hydro a fermé tous ses chantiers; la CIP a fait 75 mises à pied; l'Alcan est fermée; Hervé Pomerleau, fermé; Fortin inc., fermé; CDM Lamine, fermé, et pratiquement tous les chantiers de Drummondville et de Victoriaville sont actuellement fermés. En Estrie, tous les bri-queteurs et maçons ne se présentent pas au travail actuellement. (16 h 30)

À Montréal, la majorité des gros chantiers de construction du centre-ville sont fermés. En Montérégie, la Zinc Électrolytique à Valleyfield, 325 mises à pied; dans l'Outaouais: Albright & Wilson Amérique, le chantier est fermé; la Reynolds, sur Côte-Nord, 40 salariés seulement travaillent sur une possibilité de 1200 et les chantiers de l'aluminerie Alouette sont fermés jusqu'à nouvel ordre. Donc, on s'aperçoit que, déjà, la situation actuelle crée des conséquences très importantes et que tout ralentissement de

travail dans la construction a des impacts économiques majeurs que le gouvernement tient à éviter à tout prix. C'est pourquoi avec une soixantaine de chantiers fermés actuellement, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de décréter les conditions de travail dans cette industrie.

Cependant, pour reprendre ce que le député de Pointe-aux-Trembles disait tout à l'heure, bien que je ne sois pas d'accord avec tout ce qu'il a relevé - on en fera mention dans quelques minutes - il m'apparaît qu'il devient peut-être impératif de réviser ces mécanismes de négociation de travail dans le secteur de la construction. J'en ai déjà jasé à quelques reprises avec le ministre du Travail qui manifeste une très grande ouverture d'esprit à cet égard et j'espère qu'on profitera de l'accalmie qu'amènera ce décret-là pour pouvoir se rasseoir et réévaluer tous les mécanismes de négociation dans le secteur de la construction. Je pense, puisque ça fait la septième intervention gouvernementale dans le dossier, qu'il est temps de réviser ce mécanisme qui a eu de bons effets dans les premières années, mais qui est peut-être devenu, pour certains, une façon un peu moins dynamique de négocier. On va avoir un décret, de toute façon, si ça ne marche pas, alors laissons venir le décret, on s'arrange toujours pas pire avec le décret du gouvernement.

Il m'apparaît que ce mécanisme devrait être révisé pour qu'on y interfère, avant l'intervention du gouvernement, d'autres paliers d'intervenants qui puissent aider à solutionner ces problèmes, parce qu'il m'apparaît y avoir des problèmes réels. Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine de la construction ni des relations du travail, mais j'ai lu le projet de convention des syndicats, en tout cas les demandes syndicales, j'ai regardé aussi un petit peu celles de la partie patronale et je crois déceler chez les travailleurs un nombre important d'inquiétudes, par exemple au niveau du vieillissement de leur main-d'oeuvre et de la nécessité de protéger ces gens.

Bref, il y a tout un ensemble de mesures dans cette convention qui traduisent des inquiétudes que je ne peux pas évaluer. Je ne peux pas dire si elles sont fondées, mais elles sont là et mériteraient peut-être qu'on s'y attarde. Or, il m'apparaît qu'avec les années, en modifiant la structure actuelle ou en la faisant évoluer pour la moderniser et la rendre - oui, M. le Président, je termine - plus conforme aux besoins actuels de l'industrie de la construction, nous ferions un pas en avant important. C'est pourquoi je vais appuyer la motion du gouvernement face au décret parce qu'il m'apparaît, compte tenu de la situation, très important de le faire, mais je souhaiterais, dans le futur, que l'on révise, au niveau du Code du travail, tout ce qui régit les décrets dans la construction, pour les faire évoluer. Et, là-dessus, j'ai pleine confiance au ministre du Travail qui, je pense, a déjà commencé à réfléchir dans ce sens. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Je reconnais maintenant M. le leader de l'Opposition officielle. M. le leader.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, on vient d'avoir l'aveu d'un député qui commence par dire: Je ne connais pas tellement le secteur des relations du travail dans l'industrie de la construction, mais c'est bien important que le gouvernement intervienne, comme il l'a déjà fait dans le passé. Il vient de confirmer à cette Chambre, M. le Président, que, dans le secteur de la construction, on ne laisse pas aller les forces normales comme dans le Code du travail. Si on n'avait pas au Québec régi les règles de la construction par une loi spéciale, dite 290, qui a déjà été la loi 9 etc., on n'aurait pas à critiquer, je ne verrais pas le député de Laval-des-Rapides se lever pour dire: Écoutez, à Valleyfield, il y a un chantier qui est en grève. Ça aurait pu être un syndicat, sur un gros chantier, ça aurait pu être un syndicat pour la durée du chantier, accrédité en vertu du Code et qui a négocié ou qui est en conflit avec son propre employeur. Et là, personne ne se scandaliserait dans cette Chambre, personne ne dirait... On dirait: C'est normal, écoutez, on n'est pas pour intervenir, c'est un conflit du privé. Ce ne sont pas tous des contrats d'État dans le secteur de la construction, il y a aussi des contrats privés. Dans ce secteur-là, le rapport de force entre employeur et employés ne joue plus ou à peu près plus parce qu'on s'en remet précisément à la bonne grâce de l'État ou du gouvernement. Et on est en train de fausser... C'est à l'usage qu'on le voit. Je ne dis pas que les lois n'ont pas été amendées en essayant d'éviter, bien sûr, qu'on se retrouve toujours dans un climat perturbé dans l'industrie de la construction, mais, après dix ans de non-négociation ou à peu près, on s'en remet à un décret à un autre, à la bonne volonté d'un ministre du Travail à toutes fins pratiques ou d'un Conseil des ministres. C'est un peu ça qu'on fait. Moi, je pense que, tôt ou tard, il faut réviser de fond en comble cette loi, cette approche, qui ne dessert plus les intérêts des groupes correctement et qui, à mon point de vue, je vais aller plus loin.

Moi, j'ai parlé avec des employeurs. Il y en a qui vont dire: Bien, faites un décret, mais es-tu capable de nous sortir du décret, nous autres, on est du domiciliaire. Allez voir les employeurs. Ils vont vous demander d'autre chose. Il y a un autre groupe qui va vous dire: Nous autres, on est dans les grands travaux. C'est-y clair qu'on en a plein le dos. Vous vous êtes fait dire ça. Le

ministre s'est fait dire ça certain. Il a même reçu des lettres. Il ne le dira pas lui; moi, je vais le dire. Il a reçu des lettres lui disant: Négocie donc, et laisse-nous donc négocier pour une fois. Puis Dion, là, il ne reflète pas nécessairement ce qu'on pense. Il s'est fait dire ça le ministre. Il ne le dira pas; moi, je vais le dire. Ça ne me gêne pas de le dire parce qu'il ne laisse pas... Il va falloir laisser jouer à un moment donné le rapport de force.

C'est pour ça qu'on s'est inscrits en faux sur cette motion parce qu'on aurait pu avoir la chance dans une année relativement calme de faire jouer le rapport de force après 10 ans. Là, on n'a plus le choix. Si le ministre et l'État et le gouvernement décident d'intervenir, bien, il va falloir qu'ils repensent aux mécanismes, sinon on s'en va où? S'il décide que c'est trois ans son décret, ça fera 13 ans qu'il n'y a pas de négociations véritables. Puis, l'accumulation et la frustration, je le répète, il y a du monde qui vont se tanner. On est surpris après comme État, comme gouvernement, qu'il y ait des dérogations, qu'il y ait des désobéissances à certains décrets, à certaines législations. Quand on court après, bon Dieu, on risque de se brûler. Quand tu joues avec le feu, tu risques de te brûler. Si, continuellement, tu ne donnes pas les droits fondamentaux, on dit: Ils vont le prendre. Surtout que, depuis la semaine passée, on sait que la légalité ne paie pas, depuis que les gars d'Hydro-Québec en toute légalité se sont vu imposer une loi qui est inférieure aux dernières offres du patron. Ne demandez pas aux gens d'être plus catholiques que vous autres vous voulez l'être dans cette Chambre, là. On doit prêcher un petit peu par l'exemple nous autres. Donc, si on s'aperçoit qu'il y a un déséquilibre dans les rapports et qu'on se met même comme personne interposée dans ce déséquilibre de rapport, on risque quoi? Ce n'est pas seulement les "boss" qu'on va envoyer paître bien vite, ça va être le Parlement. C'est au Parlement de changer les règles du jeu quand les règles du jeu ne répondent plus à une situation. C'est au Parlement à toucher du doigt les véritables problèmes.

Moi, je prétends que, dans le domaine de la construction, il est temps qu'on cesse l'intervention de l'État et qu'on laisse jouer le rapport de force. Il est temps, dans le domaine de la construction, si l'on considère que le mécanisme de représentativité patronale vis-à-vis du mécanisme de représentation syndicale, ça ne marche plus comme ça, qu'il faut peut-être placer le monde dans une situation où ils ont à traiter de leurs propres contrats à partir de compétence ou de spécialités, je ne sais pas, de secteurs. C'est peut-être bon vivre certaines expériences. Quand ça ne marche pas, ça ne peut pas être pire que ça va là. Il y a peut-être lieu de se repencher et d'écouter le monde. Si en santé et services sociaux là, la commission Rochon, 6 500 000 $ pour étudier des structures. Mme Lavoie-Roux a fait une autre tournée provinciale. On vient de se payer un mois et demi de consultations en commission parlementaire. On "pourrait-u" écouter ce monde-là une couple de semaines pour savoir ce qu'ils pensent des structures en relations du travail qui régissent 110 000 personnes? Le député de Laval-des-Rapides nous disait 60 000 de plus. À part de ça, c'est 160 000 personnes. Tant mieux, si on pouvait monter à 200 000, ce serait formidable, mais on "pourrait-u" écouter un peu le monde qui travaille dans ça et qui connaît ça et qui nous donne leurs orientations? Ça, ça m'apparaît fondamental. (16 h 40)

L'objet principal de mon propos parce qu'on en est sur la motion de fond... On aura à entendre demain matin dans l'ordre qu'on nous précisera l'AECQ, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, la FTQ-Construction, le Conseil des métiers, la CSN-Construction, et peut-être d'autres groupes à part de ça dont on pourra se parler tantôt. J'espère qu'on va pouvoir écouter des gens correctement avec tout le temps qu'il faut. Mais je voudrais rappeler au ministre ce que je disais dans ma première intervention sur la forme, cet après-midi. Je voudrais rappeler au ministre qu'après dix ans de non-négociation, d'utilisation d'un pouvoir discrétionnaire qui est accordé au ministre dans la loi 290, pouvoir discrétionnaire que les employeurs se plaisent à vous faire utiliser, à vous forcer d'utiliser, je vous dis tout de suite, M. le Président, que ça devient dangereux. Si on est capable, comme Parlement, de dire au ministre: Utilise ton droit discrétionnaire et tranche, c'est le ministre qui, à toutes fins pratiques, est obligé de jouer le rôle d'employeur dans les circonstances, d'employeur et d'arbitre. Il se fait le censeur, il se fait l'unique et l'ultime décideur du contenu des relations du travail, des conditions de travail pour un an, deux ans ou trois ans. C'est pas des farces, ça. C'est le ministre qui, à la place des employeurs qui n'ont pas fait leur rapport de forces, à qui on n'a pas permis de laisser jouer le rapport de force, décide et dit: Dorénavant, pendant trois ans ou pendant deux ans, je l'ignore encore, vous aurez telles conditions de travail, telles autres conditions de travail.

Vous vous substituez par ce pouvoir discrétionnaire, qui est légal, et je n'en disconviens pas, à un employeur et, pendant trois ans, le jugement que vous allez apporter ou que le ministre aura à apporter dans son décret de demain soir, minuit - parce que, me dit-on, il y a des articles de 48 heures, je ne suis pas au courant de toute la mécanique - ou de lundi soir, minuit, il faut bien comprendre que c'est le ministre du Travail, pas un autre, ce ne sont pas les employeurs du Québec qui vont porter l'odieux si le ministre n'est pas bon dans son décret. C'est lui. C'est un jeune ministre du

Travail et je veux le protéger en fait dans ses fonctions. Je veux lui faire comprendre qu'il va jouer le rôle de l'employeur. Je veux lui faire comprendre, M. le Président, et vous, vous comprenez ça dans votre sagesse de président, que le ministre qui se substituera à l'employeur aura à décider si c'est de la "bullshit", si ça ne vaut rien ou si ça aura de l'allure. C'est clair ça et j'espère qu'il en est conscient.

C'est très grave, l'opération qu'on fait là. Ce n'est pas rien que pour la frime, ce n'est pas rien que pour le "fun". On va aller en commission parlementaire et dire: Dites-moi ce que vous voudrez et je vais décider ce que je veux. Il pourrait dire ça. Mais moi, je ne lui conseille pas ça. Je lui conseille qu'après 10 ans de décret, de prolongation de décret, il est peut-être temps que le ministre... D'abord, on lui laisse ce rôle odieux; c'est un rôle odieux. Parce qu'il y en a qui vont jouer au Ponce Pilate, là. Ils vont dire: Vous irez voir le ministre, c'est lui qui a tranché. J'en vois certains dire ça, moi. C'est facile à dire. Le ministre a tranché, ne nous écoeurez pas. Si vous avez quelque chose à dire, allez donc le dire au ministre, hein! Vous savez comment ça marche. Le ministre doit savoir que c'est ça qui l'attend.

Donc, c'est comme employeur, à toutes fins pratiques, que le ministre donnera, dans son décret, carte blanche pour des conditions de travail pendant deux ans ou trois ans. Et ça, M. le Président, c'est tellement sérieux que je demande au ministre d'y réfléchir très sérieusement avant de plier devant des lobbies peut-être puissants à court terme. Il faudra qu'il se rende compte aussi qu'il joue avec les conditions de travail de 110 000 personnes. Il a beau y avoir 18 000 entrepreneurs, il faut savoir combien de faillites il y a dans l'industrie de la construction chaque année, savoir qu'il y a 110 000 travailleurs qui, eux... 110 000, c'est du stock, ça, ce n'est pas des pinottes, ça, 110 000 personnes, M. le Président. C'est autant d'employés qu'il y en a dans tous les hôpitaux du Québec. C'est comparable et on dit qu'il y a... Je ne sais pas qui disait tantôt: Ainsi va le bâtiment, ainsi va l'économie. Mais si on veut que le bâtiment aille bien, si on veut que la construction roule bien au Québec, on est mieux de faire en sorte que notre main-d'oeuvre soit heureuse. Ça ne veut pas dire de tout donner; ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça que je dis. J'en vois déjà là qui vont se permettre de dire cela. Ce n'est pas ce que je dis. Mais ça veut dire de reconnaître et de donner à ces travailleurs-là des droits au moins comparables à ceux qu'on donne ailleurs.

Qu'est-ce qu'on donne aux gens de la Reynolds, par exemple? Ça a été construit par les travailleurs de la construction. Mais les gars qui travaillent à Reynolds, les gars qui travaillent à Bécancour, à Pechiney, les gars qui travaillent chez Firestone, qui travaillent chez Papiers Scott, qui travaillent un peu partout à travers le Québec, Cascades, et qui sont syndiqués, quand arrive le temps de négocier pour eux, ils s'assoient, ils discutent; l'employeur s'assoit, discute. Ils ont des droits légaux dans le Code du travail. Ils peuvent aller jusqu'à la grève. Il n'y a pas un ministre du Travail qui va les empêcher de faire la grève. Il va favoriser le règlement, il va nommer un médiateur, un conciliateur; il va peut-être rencontrer les parties pour les inciter à négocier. Mais, dans la construction, ce n'est plus ça qui arrive. L'AECQ ne va même pas aux réunions convoquées par son conciliateur. Il pourra le dire. Il y en a seulement une qui est allée pour déposer la masse: Ceci est final et global puis on ne veut plus vous revoir; le ministre se débrouillera avec le paquet. C'est ça que vous avez, M. le ministre, comme situation. Ces travailleurs-là n'ont pas le même rapport de force, les mêmes droits comparables que ceux qu'on retrouve à l'intérieur des usines, qui ont été bâties par ces gars-là, un peu partout à travers le Québec.

Ce qu'on vous demande de faire, ce n'est pas de jouer un rôle en vertu de l'article 51 dont vous vous prévalez cet après-midi, de la loi 290. On ne dit pas au ministre: favorise le règlement. On ne dit pas au ministre: Assois les parties. On ne dit pas au ministre: oblige les parties à négocier, à se parler. On ne dit pas au ministre: favorise donc le règlement. On dit au ministre: prends la place, substitue-toi à l'employeur et décrète les conditions de travail pour deux, trois ans. C'est ça, fondamentalement, l'autorisation que demande le ministre du Travail cet après-midi par la suspension des règles et par l'adoption de cette motion pour entendre les syndiqués demain.

J'espère que, dans l'écoute des syndiqués demain, dans l'écoute du patronat également demain, le ministre saura passer les messages qui s'imposent. J'espère que le ministre du Travail va clairement indiquer aux parties qu'il regrette que le travail de négociation véritable ne se soit pas fait sérieusement, qu'il regrette d'en être rendu acculé au pied du mur au point d'utiliser un pouvoir discrétionnaire qui, à mon point de vue, aurait pu être reporté dans le temps.

C'aurait été intéressant de voir jouer le rapport de force parce que, souvent, c'est l'utilisation du rapport de force qui fait qu'on corrige un malaise pour bien des années après. Mais là, on ne fait que reporter le mal, on pellette la neige, parce que si, d'année en année, tu te sers du décret et tu ne fais jamais jouer le rôle de la négociation, à un moment donné, ton tas de neige va être assez gros, M. le Président, que ça va te prendre un "bucket" pour la sortir, la neige. Et ça, vous ne pourrez pas l'empêcher par rien, parce que les gens diront: Ce n'est plus la question de légalité, c'est une question de légitimité. Je l'ai entendu souvent, ça.

Donc, M. le Président, à toutes fins pratiques, mon discours se veut un avertissement pour

le plus grand bien du rôle et du statut de ministre du Travail au Québec qui a, d'après moi, un rôle beaucoup plus de personne qui favorise le règlement des conflits opposant les parties qu'un rôle de substitut à une partie, même si, dans la loi, le tout paraît légal.

J'invite donc le ministre du Travail, en terminant, M. le Président, à se montrer ouvert, à se montrer compréhensif, à se montrer fondamentalement humain, mais à se montrer totalement responsable en n'essayant pas de jouer le rôle qu'un employeur a décidé de ne pas jouer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle. Conformément à l'enveloppe de temps qui a été partagée et conformément à la motion de suspension des règles, je reconnais, en droit de réplique, le ministre du Travail pour cinq minutes. M. le ministre.

M. Yves Séguin (réplique)

M. Séguin: Merci, M. le Président. Je serai bref. Simplement, je vais souligner quelques points, particulièrement des propos que vient de tenir le leader de l'Opposition auxquels je ne peux pas rester insensible.

Je veux simplement replacer dans son contexte, quitte à me répéter un petit peu, mais je pense que c'est intéressant pour les gens de comprendre, que, comme je l'ai souligné, on n'a pas le choix, ça prend un décret de toute façon. Si on lit la loi, le système des relations du travail dans la construction est ainsi fait que, comme je l'ai expliqué, qu'il y ait entente ou pas, le gouvernement est obligé de convenir des conditions de travail par décret. La seule différence, comme je l'ai souligné, c'est que le décret fait suite à des négociations où les conditions de travail ont été négociées et entendues entre les parties ou, à défaut d'entente, le décret comporte les mêmes conditions ou des nouvelles.

Je soulignerais au leader de l'Opposition que, depuis 1969, la période qui a été la plus difficile dans la construction a été la période où l'Opposition formait le gouvernement. De 1977 à 1986 - alors, j'exclurais, évidemment, pour mon exemple, la dernière année ou la première année où nous étions au pouvoir, le gouvernement libéral - donc, de 1977 à 1985, ça a été, selon les faits, je n'en ferai pas de commentaires personnels, la période où le gouvernement, à ce moment-là du Parti québécois, est intervenu le plus souvent et même, une fois, en l'espace de 48 mois, il y a eu quatre décrets, quatre fois, avec des commissions parlementaires, avec des soubresauts assez forts, et ça a été la période la plus agitée en termes d'interventions et même un certain décret sans commission parlementaire, sans augmentation d'indexation, sans augmenta- tion de salaire sur une période de plusieurs mois, ce qui, à l'époque, était jugé particulièrement sévère. (16 h 50)

Donc, je ne veux pas accabler l'Opposition avec ces mauvais souvenirs, mais je dirais tout simplement que depuis 1969, la période avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois n'a pas donné lieu à particulièrement de soubresauts dans l'application des décrets. Il y en a eu un en 1973, un seul, l'autre en 1977 avec le nouveau gouvernement du Parti québécois qui a particulièrement été agité, et en 1980, une période également, et par la suite, comme je l'ai dit tantôt, pendant 48 mois, quatre décrets.

En 1986, je voudrais rappeler au leader de l'Opposition et à ceux qui disent que depuis 10 ans il n'y a pas eu de rapport de force, c'est faux. Le ministre du Travail, mon ancien collègue et actuel ministre de l'Environnement, M. Paradis, qui était ministre du Travail en 1986, avait laissé le vide juridique, ce qu'on appelle cette technique du décret que le gouvernement ne renouvelle pas le décret. Il a dit aux parties: Bravo, allez-y. Donc, il y a eu un vide juridique, il y a eu un rapport de force, grève, lock-out, tout ce que vous voulez, et en-dedans de neuf jours, la pression est montée tellement forte, les chantiers ont tellement été paralysés que l'intérêt public a commandé au gouvernement d'intervenir, et cette fois-là, par une loi spéciale. De mémoire, la loi 106. Deux minutes, M. le Président. La loi 106.

Donc, le danger actuel... Et j'en appelle à tous les parlementaires de réfléchir. Lequel de mes collègues, comme parlementaire, serait prêt à prendre la responsabilité demain de dire aux parties, avec ce que nous connaissons, d'aller dans le vide juridique et de dire à la population: On va laisser les parties paralyser l'économie du Québec pendant l'été? Quel parlementaire serait prêt, demain, sur son serment d'office, comme représentant des intérêts de la population, à faire cela? Moi, M. le Président, je ne suis pas capable en mon âme et conscience de faire ça. Je pense que mon premier devoir, c'est oui, de favoriser la négociation, oui à la concession, aux compromis, mais aussi, l'intérêt public, comme parlementaire. Et c'est ça qui me guide.

Si la situation était différente, j'aurais été prêt à considérer un vide juridique peut-être. Mais malheureusement, dans les circonstances, ça ne me semble pratiquement plus pensable. Les parties sont rendues trop loins. L'agitation est trop forte. Je veux rassurer le leader de l'Opposition, je l'ai dit tantôt. Oui, j'ai l'intention de changer cette loi, ses mécanismes dans les relations du travail dans la construction dès cet automne, M. le Président, je l'ai dit, sous réserve des modalités qui nous concernent pour convoquer la commission parlementaire, avec le consentement de l'Opposition. Je suis prêt à soumettre la loi à l'examen par une commission

parlementaire consultative pour examiner et suggérer des nouvelles dispositions à cette loi.

En terminant, M. le Président, mon intention sur le projet de décret est d'améliorer les conditions de travail des travailleurs de la construction et certainement pas de faire moins que ce qui s'est fait jusqu'à date sur le décret. Là-dessus, je suis extrêmement ouvert et souple dans l'interprétation des représentations qui me seront faites pour que les travailleurs aient les meilleures conditions de travail possible dans les circonstances. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion du leader adjoint du gouvernement est adoptée?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion est adoptée sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Séance de la commission le 18 mai

M. Johnson: Oui, M. le Président. Afin de donner suite à l'adoption de la motion inscrite à l'article 68 de notre feuilleton et conformément à l'ordre spécial de cette Assemblée adopté précédemment, j'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail siège vendredi, le 18 mai 1990, soit demain, à compter de 9 heures du matin, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine afin de procéder à l'audition des organismes suivants et ce dans l'ordre ci-après indiqué, la durée d'audition de chaque organisme étant d'une heure: l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, la Fédération des travailleurs du Québec, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, la Confédération des syndicats nationaux et le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Permettez-moi de faire part à la Chambre d'une entente qui peut exister... pas qui peut, mais qui existe entre le ministre du Travail et votre humble serviteur à l'effet que nous puissions entendre d'autres groupes d'un consentement unanime et modifier les temps de consentement unanime, également...

M. Johnson: J'en prends acte, M. le Président, en présumant que c'est donc de 9 heures à 14 heures, au plus tard, soit pour une durée de cinq heures, au total, que ces consultations, de toute façon, pourraient avoir lieu. Et j'exprime le consentement de ce côté-ci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): II y a consentement. Alors, est-ce que la motion du leader adjoint du gouvernement convoquant la commission parlementaire est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je fais motion d'ajourner nos travaux à mardi prochain, 22 mai, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, les travaux de cette Assemblée sont ajournés au mardi 22 mai à 14 heures.

(Fin de la séance à 16 h 56)

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